N° 2057
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er novembre 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2026
(nos 1907 et 1999)
PAR M. Thibault BAZIN
Rapporteur général, rapporteur pour l’équilibre général, les recettes et la branche maladie, Député
M. Hadrien CLOUET
Rapporteur pour la branche autonomie, Député
Mme Anne BERGANTZ
Rapporteure pour la branche famille, Députée
Mme Sandrine RUNEL
Rapporteure pour la branche vieillesse, Députée
M. Gaëtan DUSSAUSAYE
Rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Député
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TOME III
COMPTES RENDUS
Voir les numéros : 1907, 1999, 2049.
SOMMAIRE
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TOME I : AVANT-PROPOS ET SYNTHÈSE
TOME II : COMMENTAIRE DES ARTICLES ET ANNEXES
TOME III : COMPTES RENDUS
Pages
Compte rendu de l’audition des ministres et de la discussion générale du projet de loi
Réunion du mardi 21 octobre 2025 à 16 heures 30
Comptes rendus de l’examen des articles du projet de loi
1. Réunion du lundi 27 octobre 2025 à 9 heures (article liminaire à après l’article 6)
Article 4 Amélioration des capacités juridiques du recouvrement
2. Réunion du lundi 27 octobre 2025 à 14 heures 30 (après l’article 6 [suite] à après l’article 8)
Article 7 Créer une contribution des organismes complémentaires au titre de l’année 2026
Article 8 Réduction des niches sociales applicables à certains compléments salariaux
3. Réunion du lundi 27 octobre 2025 à 21 heures 30 (après l’article 8 [suite])
4. Réunion du mardi 28 octobre 2025 à 9 heures (après l’article 8 [suite] à article 9)
Article 9 Rationalisation d’exonérations spécifiques
5. Réunion du mardi 28 octobre 2025 à 16 heures 30 (article 9 [suite] à article 10)
Article 9 (suite) Rationalisation d’exonérations spécifiques
Article 10 Simplifier la régulation du secteur des médicaments
6. Réunion du mardi 28 octobre 2025 à 21 heures 30 (article 10 [suite] à après article 11)
Article 10 (suite) Simplifier la régulation du secteur des médicaments
7. Réunion du mercredi 29 octobre 2025 à 9 heures (après article 11 [suite] à après article 12)
Article 12 Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale
8. Réunion du mercredi 29 octobre 2025 à 15 heures (après l’article 12 [suite] à après l’article 21)
Article 13 Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale
Article 17 Approbation de l’annexe pluriannuelle
Article 20 Simplifier et rendre plus efficiente la politique vaccinale
Article 21 Renforcer l’accès aux soins
9. Réunion du mercredi 29 octobre 2025 à 21 heures 30 (article 22 à après l’article 27)
Article 22 Simplifier et sécuriser le financement des établissements de santé
Article 24 Lutter contre les rentes dans le système de santé
Article 25 Mieux réguler les dépenses dans le secteur des soins dentaires
10. Réunion du vendredi 31 octobre 2025 à 9 heures (article 28 à après l’article 36)
Article 31 Systématiser l’utilisation de Mon espace santé par les professionnels de santé
Article 32 Lutter contre le gaspillage des produits de santé
Article 33 Améliorer la pénétration des biosimilaires et des génériques en ville
Article 34 Adapter les dispositifs d’accès précoces, d’accès compassionnels et d’accès direct
Article 35 Expérimenter le référencement de médicaments thérapeutiquement équivalents
Article 37 Contribution à la prise en charge du coût de l’accord du 4 juin 2024 par les départements
Article 39 Améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles
Article 41 Optimiser le recouvrement des pensions alimentaires
Article 42 Créer un congé supplémentaire de naissance
Article 43 Rationaliser et simplifier le cumul emploi‑retraite
Article 44 Stabiliser le montant des prestations sociales, dont les pensions
Article 45 Réduction des inégalités entre les femmes et les hommes à la retraite
12. Réunion du vendredi 31 octobre 2025 à 21 heures 15 (article 45 bis à article 54)
Article 47 Dotations aux opérateurs financés par le sixième sous-objectif
Article 48 Objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès
Article 51 Objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles
Article 52 Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2026
Article 53 Objectif de dépenses de la branche famille
Article 54 Objectif de dépenses de la branche autonomie
Compte rendu de l’audition des ministres et de la discussion générale du projet de loi
Réunion du mardi 21 octobre 2025 à 16 heures 30
La commission auditionne M. Jean‑Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités, Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics, et Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargées de l’autonomie et des personnes handicapées, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (n° 1907).
M. le président Frédéric Valletoux. Dans un contexte d’instabilité politique, je veux dire d’emblée ma volonté que nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 soient exigeants, constructifs et apaisés, mais aussi confiants et transparents. Les tergiversations au sujet de la forme juridique que devait prendre la promesse de suspension de la réforme des retraites de 2023 ont finalement débouché sur le choix d’une lettre rectificative au PLFSS, comme l’a annoncé le Premier ministre il y a une heure lors des questions au Gouvernement. Ce n’est pas sans conséquences sur nos travaux. Il va falloir, mesdames et monsieur les ministres, que vous nous éclairiez sur le contenu de cette lettre, négocié avec certains députés, mais que nous ne connaissons pas à cette heure, et sur la portée concrète de ce choix.
Sur le fond, je suis le premier à porter un regard critique sur ce projet de budget. Il est bien en deçà des défis auxquels fait face notre modèle social. Il manque de réformes de structure pour garantir la pérennité de notre système de protection sociale. Par exemple, nous demandons trop d’efforts aux patients. Nous devrions responsabiliser plus encore l’ensemble des acteurs, rechercher l’efficience, incarner le virage préventif, revoir les modalités de financement de la recherche et l’accélérer, autant de conditions d’une médecine plus efficace, plus juste et plus soutenable. En ce qui concerne les politiques sociales, ce PLFSS ne contient rien pour améliorer la prise en charge du grand âge ni sur la protection de l’enfance.
Lors de cette audition, nous nous interrogerons notamment sur la soutenabilité des comptes sociaux, l’accès aux soins et à la prévention dans tout le territoire, la situation des établissements de santé et des professionnels, la politique familiale, l’autonomie et le vieillissement, les retraites.
Ce texte comporte certaines avancées : lutte contre la fraude, encadrement des dépassements d’honoraires ou mise en cohérence de la politique vaccinale. Mais il faut aller plus loin en matière de lutte contre les addictions, de prévention et d’efficience.
Je serai le garant d’un débat équilibré. Notre responsabilité collective est de donner aux Français une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) utile, lisible et surtout crédible. Mesdames et monsieur les ministres, nous comptons sur vous pour éclairer les choix, les trajectoires et les impacts attendus des différentes dispositions.
En vue de leur examen en séance publique à compter du mardi 4 novembre, le bureau de notre commission avait décidé que la discussion des articles débuterait jeudi matin et se poursuivrait jusqu’au mercredi soir. Ce calendrier est-il encore d’actualité après l’annonce d’une lettre rectificative ? Le cas échéant, je réunirai le bureau pour modifier le calendrier de l’examen en commission.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics. Si nous vous présentons un texte, au fond, nous vous passons surtout le relais. Comme le Premier ministre l’a dit, nous avons déposé les textes dans les délais prévus par la Constitution pour donner un budget au pays ainsi qu’à la sécurité sociale et, partant, sortir notre pays de l’incertitude et redonner à tous un cap clair. Ce texte a été rédigé dans un esprit de responsabilité et d’humilité. Plus que jamais, le Gouvernement se place au service du Parlement pour faire aboutir la discussion et parvenir à un compromis en renonçant à l’usage de l’article 49, alinéa 3. Nous devons être responsables parce que la situation des comptes publics est préoccupante et qu’il nous faut poursuivre les efforts commencés en 2025, sans quoi il nous deviendra très vite impossible de stabiliser notre dette à un horizon viable.
Je vais d’abord rappeler quelques éléments sur la situation générale des finances publiques. En 2025, la dette publique atteindrait 116 % du produit intérieur brut (PIB) ; 118 % en 2026. Surtout, notre charge de la dette atteindrait 74 milliards d’euros, soit 8 milliards de plus que cette année. Ces 74 milliards, soit l’équivalent du budget de la branche famille et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) réunies, correspondent à ce que nous devrons l’an prochain à nos créanciers non pas pour rembourser la dette mais uniquement au titre de nos intérêts.
Dans le champ de la sécurité sociale, le déficit prévu pour 2025 serait de 23 milliards d’euros, après 10 milliards en 2023 et 15 milliards en 2024. Moins de deux ans après la fin des dernières opérations de transfert de dette vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), correspondant à la reprise de tous les déficits accumulés en 2020, 2021, 2022 et 2023, la dette sociale est d’ores et déjà reconstituée : nous terminerons l’année avec un volume de près de 65 milliards à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Nous projetons, si le PLFSS était voté en l’état, ce qui ne sera probablement pas le cas, un plafond d’endettement de l’Acoss de 83 milliards pour 2026.
Néanmoins, je viens devant vous sans catastrophisme ni fatalisme, mais avec un message : il est possible de reprendre en main nos finances publiques.
De fait, pour la première fois depuis plusieurs années, en 2025, notre objectif de déficit de 5,4 % – j’insiste sur ce « notre », car c’était le fruit d’un compromis parlementaire inédit dans une commission mixte paritaire conclusive, qui a permis de promulguer un budget – est en passe d’être tenu, notamment parce que la sécurité sociale y contribue. La cible de recettes serait atteinte à 0,2 % près ; celle de dépenses pourrait même être légèrement inférieure à ce qui était prévu.
Surtout, pour la première fois depuis la crise sanitaire, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est en passe d’être respecté. Nous l’avons exécuté, en toute transparence vis-à-vis de vous, selon une approche prudentielle. À ce propos, je tiens à saluer la mise en réserve inédite qu’avait décidée Catherine Vautrin. Nous avons ainsi suivi de manière rapprochée les dépenses puis pris, grâce à la procédure d’alerte, un certain nombre de mesures de redressement. Ce résultat est d’autant moins anodin que la cible de dépenses de l’Ondam avait été dépassée de 1,5 milliard d’euros en 2024 et de près de 3,5 milliards en 2023.
Toutefois, en 2025, l’Ondam progresserait deux fois plus vite que la croissance. La croissance du PIB et l’inflation s’élèvent à 1,7 % en 2025, tandis que la croissance de l’Ondam sera de 3,6 % – vous aviez voté 3,4 %. Mais nous devons aller plus loin et nous efforcer de stabiliser la situation financière de la sécurité sociale. Pour que la dette cesse d’augmenter en 2029, aucun scénario n’est crédible sans un retour à l’équilibre de la sécurité sociale. En l’absence de mesures cette année, les 23 milliards d’euros de déficit en 2025 deviendraient 29 milliards l’an prochain et 34 milliards à l’horizon 2029. Nous courons le risque de perdre le contrôle de notre sécurité sociale si nous n’agissons pas maintenant.
Cette dégradation se traduit par un fait simple : les recettes progressent tendanciellement moins vite que nos dépenses ou, pour le dire autrement, nos dépenses augmentent tendanciellement beaucoup plus vite que la croissance. Le coût de la protection sociale augmente donc plus vite que la richesse créée par notre économie. Ainsi, l’Ondam représentait 8,2 % du PIB en 2019 ; il en représente aujourd’hui près de 9 %. Notre objectif est de stabiliser cette dépense à 8 8, %, c’est-à-dire à son niveau de 2024, afin d’atteindre les 3 % de déficit en 2029. Le retour à l’équilibre de la sécurité sociale est un impératif – et il est réalisable.
C’est un impératif puisque, d’après la logique de notre protection sociale, les générations futures ne doivent pas financer nos dépenses d’aujourd’hui. Aussi nous faut-il faire face de manière structurelle à une baisse de la population en âge d’activité face à une hausse de la population qui n’est plus en activité. L’équité intergénérationnelle est déjà un enjeu, qui va prendre de plus en plus d’importance. Le second impératif, c’est que nous ne pouvons pas demander un effort de maîtrise des dépenses à l’État et aux collectivités sans envisager une maîtrise des dépenses des administrations de sécurité sociale (Asso), qui représentent 47 % de la dépense publique.
Je veux le dire ici avec beaucoup de conviction : reprendre en main nos dépenses sociales, ce n’est pas faire des coupes sombres. Le budget qui vous est présenté, ce sont des dépenses qui augmentent de 11 milliards d’euros et des recettes qui augmentent de 16 milliards. Ce sont ainsi 5 milliards de plus pour la branche santé, 0,5 milliard de plus pour la branche AT‑MP, 4 milliards de plus pour la branche vieillesse et 1,5 milliard de plus pour la branche autonomie, les dépenses de la branche famille restant stables – 11 milliards d’euros de plus pour les Français.
Pour construire ce budget, nous avons fait des choix, qui pourront évidemment être débattus.
D’abord, pas de rabot généralisé. Au sein de l’Ondam, par exemple, les moyens augmentent notamment pour le sous-objectif hospitalier, ainsi que dans le champ médico‑social, de près de 1 milliard d’euros. Nous assumons aussi de faire baisser certains financements moins efficients : prise en charge des cures thermales ou de certains médicaments moins efficaces ; meilleure régulation des arrêts de travail ; mesures de lutte contre la fraude. Nous essayons de limiter les rentes, nous faisons des choix et nous essayons de mettre sur la table les dépenses qui nous semblent prioritaires.
Deuxièmement, nous avons souhaité mieux positionner les incitations dans les domaines où nous considérons que la structure de dépenses ou de recettes peut être améliorée. Je pense aux dépassements d’honoraires, au mécanisme des ruptures conventionnelles, qui peut être amélioré, ou au meilleur équilibre du cumul emploi-retraite.
Troisième principe : nous souhaitons que la contribution soit équitable et partagée et que les efforts soient un peu plus importants là où la dépense a le plus progressé. Notre pays est et restera, après l’effort de la sécurité sociale et celui des mutuelles, celui où le reste à payer est le plus bas du monde. Un quart des Français sont exonérés des forfaits de responsabilité, ou franchises : c’est bien un choix de justice fiscale et sociale. Nous mettons à contribution les organismes complémentaires et une baisse des prix dans le champ du médicament, inédite mais proportionnée, est également proposée.
Quatrièmement, le retour à un fondement de la protection sociale : celle-ci est bien financée par les cotisations qui reposent sur le travail ; certains droits doivent donc aussi pouvoir faire l’objet d’une vigilance quand les dynamiques de dépenses sont trop élevées.
Cinquième principe : de nouveaux droits et un investissement assumé dans la prévention. Pendant longtemps, on a dit que Bercy était contre la prévention au prétexte que celle-ci coûtait cher à l’instant T sans qu’on sache quand elle était rentable. Je crois précisément l’inverse : il faut investir aujourd’hui pour que l’emballement des comptes n’ait pas lieu demain.
Dernier principe : donner de la lisibilité aux acteurs pour tracer des perspectives pluriannuelles dès lors qu’elles sont possibles.
Vous êtes nombreux à nous avoir interrogés sur les enjeux de lutte contre la fraude. Pour éviter que les bonnes mesures votées en commission fassent, comme chaque année, l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel, nous avons déposé la semaine dernière, en même temps que le projet de loi de finances (PLF), un projet de loi sur la fraude fiscale et sociale. Il s’agit de mieux repérer, de mieux sanctionner et de mieux recouvrer. Pendant des années, on a su détecter la fraude fiscale sans parvenir pour autant à faire rentrer l’argent dans les caisses, puis il y a eu de grands progrès. Le projet de loi permettra la même évolution dans le domaine social, grâce à la création d’une procédure de flagrance sociale et à d’autres éléments touchant les professionnels de santé qui détournent l’argent précieux de la sécurité sociale. Ce projet de loi de lutte contre la fraude pourrait être examiné en alternance avec les textes financiers – ce sera évidemment à la Conférence des présidents de le décider. Ainsi, les travaux débuteraient au Sénat, si sa Conférence des présidents le confirme, juste avant l’examen du PLFSS.
La sécurité sociale doit être protégée – protégée, au fond, de nous-mêmes, qui avons imaginé beaucoup de dépenses décorrélées de notre croissance économique. Une solution pour sauvegarder la sécurité sociale, c’est soutenir le travail, soutenir les entreprises et notre création de richesse : plus nous aurons de croissance, plus nous aurons de recettes et plus nous pourrons être à la hauteur de ce que nous demandent les Français.
Mme Stéphanie Rist, ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées. Pendant les huit ans que j’ai passés au sein de cette commission, nous avons su, malgré nos désaccords, préserver ce bien rare qu’est le dialogue ; je souhaite qu’il persiste et soit fécond.
Le Premier ministre l’a dit, ce PLFSS est une copie de départ. Sans usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, le texte final sera ce que le Parlement en fera et il sera nécessairement bien différent du texte initial.
La sécurité sociale est le ciment le plus solide de notre cohésion nationale. Il nous appartient de ne pas en faire un simple guichet, mais bien un héritage à protéger et à faire prospérer.
Il nous faut regarder la réalité en face : passant de 13 milliards d’euros en 2023 à 23 milliards en 2025, le déficit aura presque doublé en deux ans. Si aucune mesure n’était prise, il atteindrait 33,7 milliards en 2029. Nous pourrions, bien sûr, repousser les décisions et prendre la décision confortable de ne pas agir. Au contraire, nous assumons de dire qu’il nous appartient de ne pas faire peser une dette sociale insoutenable sur les générations futures.
Notre système de santé est l’un des piliers de notre modèle social. Il a démontré sa solidité, sa capacité à protéger, à soigner, à innover, mais il est aussi soumis à des tensions croissantes – une population vieillissante, une explosion des maladies chroniques, des inégalités d’accès aux soins qui se creusent, une pression financière toujours plus forte. C’est pourquoi ce projet de loi vise un cap clair : adapter notre système de santé pour garantir sa pérennité, renforcer la prévention, améliorer l’accès aux soins, tout en responsabilisant chaque acteur. Le texte propose ainsi que les dépenses de santé puissent continuer de progresser, à hauteur de 5 milliards d’euros en 2026.
Toutefois, cette augmentation doit s’accompagner de mesures de freinage des dépenses pour que chaque euro utilisé le soit toujours à bon escient. Tous les acteurs du système de santé seront appelés à participer. Il est, dans les débats, beaucoup question des assurés. Effectivement, une augmentation des montants des forfaits de responsabilité, appelés jusque‑là « franchises », est prévue, ainsi que de leurs plafonds. Mais 18 millions de Français, soit un assuré sur trois environ, n’y sont pas assujettis, comme les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, les femmes enceintes, les mineurs, les personnes les plus fragiles. Ensuite, la France demeurera le pays où le reste à payer est le plus faible. Ma priorité sera toujours d’assurer la protection des plus vulnérables. Aussi le mécanisme de plafonnement de l’ensemble des contributions est-il bien maintenu même si le plafond annuel est relevé, ce qui permettra de limiter la contribution des patients atteints de maladies chroniques ayant des soins lourds et très coûteux. Pour vous donner un ordre de grandeur de l’impact de cette mesure, la contribution moyenne par assuré représente environ 42 euros supplémentaires par an.
L’effort collectif concernera chacune et chacun, quel que soit le secteur. Il s’agit donc d’un projet de loi juste et responsable, même s’il est exigeant et nécessite des adaptations, voire des transformations de notre système de santé. Ainsi, l’effort sera également abondé par la contribution des organismes complémentaires et des acteurs industriels du médicament et du dispositif médical, grâce à une baisse importante des prix. Enfin – nous y sommes tous ici très attachés –, ce PLFSS met à contribution les secteurs dont la rentabilité peut être qualifiée d’excessive afin que chaque euro versé par l’assurance maladie soit utilement mobilisé au service des assurés.
Ce texte permet de poursuivre des réformes structurelles. La prévention continuera de se développer, grâce à la création d’un statut du risque chronique et à la mise en place de nouveaux parcours de prévention absolument déterminants pour prévenir l’apparition et l’aggravation de pathologies chroniques, en amont de l’entrée dans le dispositif d’affection de longue durée (ALD). Ces parcours incluront des prestations aujourd’hui non remboursées, comme l’accompagnement à l’activité physique et les consultations de diététique ou de psychologie.
Nous renforçons également l’organisation territoriale de l’offre de soins, en consolidant les structures de soins non programmés et en réformant la permanence des soins ambulatoires. Nous facilitons un accès rapide, efficace et coordonné aux soins.
Nous mettrons aussi en œuvre le pacte de lutte contre les déserts médicaux. Un nouveau statut de praticien territorial de médecine ambulatoire sera créé. Il offrira un soutien financier et organisationnel à de jeunes médecins qui s’engageront à exercer deux ans dans les zones les plus en tension. Dès la rentrée 2026, les internes en dernière année de médecine générale effectueront un stage d’un an dans les zones où l’accès aux soins est difficile. Nous faciliterons l’installation des pharmacies dans les communes de moins de 2 500 habitants pour favoriser un maillage officinal de proximité. Enfin, ce pacte sera renforcé par la mise en place d’un réseau de 5 000 maisons France Santé d’ici à 2027 sur l’ensemble du territoire, comme s’y est engagé le Premier ministre.
La fin de vie, elle aussi, sera mieux accompagnée, conformément aux engagements pris par ma prédécesseure, Catherine Vautrin. Le déploiement d’unités de soins palliatifs dans chaque département, le renforcement des équipes mobiles et le développement des soins à domicile seront soutenus à hauteur de 100 millions d’euros.
Je ne peux terminer sur la branche maladie sans évoquer la grande cause nationale qu’est la santé mentale et faire un point sur le financement de la psychiatrie. Entre 1990 et la fin des années 2020, l’Ondam concernant la psychiatrie est passé de 11 % à 6 %. Depuis 2020, les crédits ont augmenté de plus de 44 % pour atteindre près de 13 milliards d’euros en 2025, cinquante-trois nouvelles mesures s’appliquant depuis 2021. L’Ondam hospitalier du présent PLFSS intègre ainsi 65 millions d’euros de mesures nouvelles pour appuyer les actions en matière de santé mentale. 2026 devra marquer une confirmation de la mobilisation interministérielle dans ce domaine, sur la base des engagements de mon prédécesseur, Yannick Neuder, et autour du triptyque repérer, soigner, reconstruire.
Quatre-vingts ans après sa création, la sécurité sociale fait face à un défi financier de long terme en lien avec notre situation démographique. Le nombre de naissances a chuté de 20 % depuis 2010, tandis que, très bientôt, plus d’un tiers de la population sera âgée de plus de 60 ans. Ce changement a et aura des effets sur l’équilibre de la sécurité sociale : sur les recettes, du fait de la baisse du nombre d’actifs, mais également sur les dépenses en soins, en accompagnement de la perte d’autonomie et de retraite. Ce PLFSS comporte donc des mesures structurelles pour s’adapter au virage démographique d’un bout à l’autre de la vie.
L’action porte tout d’abord sur la branche famille, dont nous sommes attachés à préserver les fondamentaux et l’universalité, tout en nous adaptant aux demandes des parents. Afin de donner plus de choix concrets aux familles pour l’accueil de leurs jeunes enfants, ce PLFSS permet la création très attendue d’un congé supplémentaire de naissance, bien rémunéré, que chacun des deux parents pourra prendre pour une durée allant jusqu’à deux mois chacun, soit quatre mois supplémentaires en tout. En s’ajoutant aux congés de paternité et de maternité existants, il permettra d’atteindre les six mois de l’enfant. Près de 90 % des parents estiment qu’il s’agit du meilleur mode de garde pendant cette période, ce que les travaux des 1 000 premiers jours confirment s’agissant du développement de l’enfant. Cette mesure servira l’égalité femmes-hommes en incitant les deux parents à s’impliquer conjointement dès le premier mois.
Le PLFSS vient également conforter la trajectoire financière de la branche famille accompagnant la mise en œuvre du service public de la petite enfance pour l’offre de garde formelle, avec le déploiement en année pleine de la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), pour un coût de 600 millions d’euros par an. Elle permet de baisser le reste à charge lors du recours à une assistante maternelle pour les familles modestes qui travaillent ou qui ont besoin d’un nombre élevé d’heures de garde. Cela aura des effets positifs sur l’appel aux assistantes maternelles dans les territoires où l’offre de crèches est plus faible. Le CMG est également étendu jusqu’aux 12 ans de l’enfant pour les familles monoparentales ; il sera partageable en cas de garde alternée à partir du 1er décembre.
Ce PLFSS, c’est aussi la poursuite de la trajectoire d’investissement dans la création de places de crèche : 35 000 sont prévues, et l’articulation est renforcée avec les communes, qui sont, depuis le 1er janvier de cette année, l’autorité organisatrice de l’accueil des jeunes enfants. Dans un contexte où 60 % des besoins de garde des enfants de moins de 3 ans sont couverts et où le nombre d’assistantes maternelles diminue, j’y consacrerai toute mon énergie.
Je laisserai la ministre déléguée chargée de l’autonomie et des personnes en situation de handicap développer l’ensemble des enjeux relatifs au grand âge et au handicap ; je ne peux toutefois conclure sans évoquer le virage que ce PLFSS opère vers l’habitat intermédiaire. Il s’agit d’une solution clef, entre le domicile historique et l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), dans notre stratégie pour aider tous les territoires à faire face à la hausse du nombre de personnes âgées en perte d’autonomie. Ainsi, 100 millions d’euros supplémentaires seront déployés en direction de cette priorité stratégique. J’aurai à cœur de travailler avec les départements pour faire avancer nos politiques en faveur des personnes âgées.
Ce texte, désormais le vôtre, devrait permettre de préserver le très haut niveau de protection de notre système social, de poursuivre les réformes structurelles et de réduire le déficit de la sécurité sociale. Je vous propose que nous y travaillions ensemble.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre du travail et des solidarités. Je suis très honoré d’être présent devant vous. Il m’est arrivé, en tant que président de la SNCF, d’être entendu par votre commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. J’ai toujours apprécié les temps d’échange avec les parlementaires ; je suis sûr que nous continuerons à avoir un dialogue fécond.
J’aborde ma mission de ministre et cette première audition avec beaucoup d’humilité, comme un débutant, et d’ouverture d’esprit. Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de revenir très vite sur ma participation à ce gouvernement, sur laquelle certains ont pu s’interroger.
J’ai d’abord été mû par l’envie de servir mon pays et de mettre mon expérience professionnelle au service du travail et de la solidarité. Mes quarante-cinq ans à la SNCF m’ont peut-être permis d’acquérir certains bons réflexes. Devenir ministre, c’est poursuivre cet engagement. La SNCF est une entreprise publique, au service des Français et des territoires – une bonne préparation à ma nouvelle fonction. Les sujets qui relèvent de mon ministère me parlent à titre personnel. J’ai beaucoup travaillé et beaucoup croisé de travailleurs dans différents emplois. La dimension humaine du travail, les compétences, le dialogue social, les conditions de travail ou la valorisation du travail, tous ces sujets m’ont concerné à la SNCF. Je suis sûr que cette expérience sera utile à l’ensemble des Français.
La solidarité est aussi une composante de mon engagement. Je me suis en effet engagé en faveur de la médiation dans les quartiers difficiles ; je viens de m’engager pour l’égalité femmes-hommes. Dans un État moderne, on ne doit pas oublier ceux qui sont au bord de la route, ceux qui ont moins de chance que les autres. Il faut savoir tendre la main à ces gens‑là pour qu’ils trouvent leur place dans le projet national.
Enfin, c’est l’envie d’agir qui m’a conduit vers ce gouvernement. On peut rester spectateur, prendre le rôle facile du commentateur ; j’ai fait le choix de plonger dans la mêlée – ou dans la piscine –, d’agir pour apporter, à ma place et modestement, avec d’autres et avec vous, des solutions aux problèmes que connaissent nos compatriotes.
Mon ambition sera bien sûr, en droite ligne avec ce qui a été dit précédemment, de défendre ce modèle social remarquable, l’un des meilleurs au monde. Car il a besoin d’être défendu, notamment pour les raisons financières qui ont été rappelées, tout comme le travail doit être promu. Le travail est un élément de dignité. Avoir un travail, c’est avoir une place dans la société. Le travail est aussi l’occasion d’être utile et la réponse à nos problèmes de financement. L’emploi qualifié, le fait de travailler davantage, de commencer plus jeune, d’arrêter plus tard, de travailler avec intensité : voilà autant d’éléments dont nous devrons débattre, car ils sont nécessaires à la pérennisation de notre modèle.
J’en viens au PLFSS. Je l’ai dit, le système social français est remarquable, mais il a quatre-vingts ans. L’enjeu est qu’il dure encore longtemps ; or il est fragilisé. Ses soubassements économiques sont secoués par des évolutions structurelles qu’il faut regarder avec lucidité et dont la première est le vieillissement. La France vieillit et il faut s’en réjouir, car cela signifie que notre modèle de santé fonctionne très bien, mais cela déséquilibre le système de retraites par répartition, dans lequel les actifs payent pour les retraités. On connaît le problème, mais il n’a pas encore été résolu. Parallèlement, les soins coûtent de plus en plus cher. Il faut s’occuper de ces déséquilibres.
Le mode de financement repose en grande part sur le travail, si bien qu’il est très sensible au coût de celui-ci. Il faut veiller, à cet égard, à ne pas opposer coût du travail et compétitivité de nos entreprises : la solution passe par la synergie entre ces deux aspects, qui ne s’opposent pas, mais se nourrissent mutuellement. Il y a un lien entre le travail, l’emploi – sa structure, sa qualification –, le développement économique, la politique industrielle et la politique énergétique : c’est sur tout ce système qu’il faut travailler.
Les trois grands blocs – santé, travail, solidarité – sont un patrimoine qu’il faut, comme une maison, céder en bon état aux générations futures. C’est à nous de tenir ce système et de veiller à ne pas léguer une dette sociale trop lourde aux générations futures. Les jeunes d’aujourd’hui seront les actifs de demain, et les actifs seront des retraités qui devront peut-être affronter des problèmes d’autonomie.
Tout cela a un coût, qui doit être équilibré. Les dépenses de sécurité sociale, soit 666 milliards d’euros, s’élèvent à 10 000 euros par an et par Français, ce qui est considérable. Dans une logique contractuelle, les recettes doivent couvrir les coûts. J’ai appris récemment que, en ce qui concerne l’Acoss, ce ne sont pas seulement les intérêts qu’il faut rembourser, mais aussi l’emprunt principal. Il faut faire très attention à nos capacités de remboursement – Amélie de Montchalin l’a rappelé, le plafond d’endettement de l’Acoss a atteint un niveau très élevé – et à la gestion de la dette du système.
Il faut donc agir sur les dépenses et sur les recettes. Dans les deux cas, cela implique des efforts, lesquels doivent être justes et partagés par tout le monde : les bénéficiaires, les entreprises, les salariés, les retraités, les actifs, mais aussi les opérateurs, s’agissant de la performance de leur prestation.
Notre action passera aussi par la lutte contre la fraude : il est moralement inacceptable que certains abusent du système alors que les euros publics sont rares. Le projet de loi qui arrivera prochainement au Parlement permettra de renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale et sociale ; il nous donnera les outils pour être plus efficaces.
Le principe de l’année blanche, générique et général, s’applique aux prestations et aux pensions de retraite. Dans le projet de loi tel qu’il vous a été présenté, celles-ci ne seront donc pas valorisées. Je le redis : ce projet est un projet. Il correspond aux objectifs que nous nous sommes fixés : il concourt à la maîtrise de l’accroissement du déficit de la sécurité sociale et à la tenue du déficit de 4,7 % du budget général. Je suis certain que vous ne manquerez pas de nous interpeller et de nous faire des propositions. Je serai attentif au respect des contraintes : nous serons ouverts à la discussion sur les solutions dès lors que les grands équilibres sont tenus. L’année blanche sur les prestations et pensions pèse lourd – pas moins de 3,6 milliards d’euros. Il faut donc être conscient que toute modification aurait des effets importants.
Dans la même logique, il est prévu de geler les montants des revenus utilisés pour déterminer l’application des taux réduits ou nuls pour la contribution sociale généralisée (CSG) et les revenus de remplacement, et par extension pour la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie et les cotisations d’assurance maladie sur les retraites complémentaires. Au total, cela permettra une économie de 300 millions d’euros.
Le budget s’appuie ensuite sur l’effort des entreprises. Sur ce point, nous faisons attention car, je le redis, c’est la capacité des entreprises à se développer qui nourrit le volet emploi. Je souhaite donc ménager leur compétitivité et rechercher avec prudence un équilibre entre compétitivité et économies. Néanmoins, nous avons décidé une réduction complémentaire des allégements généraux de cotisations sociales des entreprises, lesquels représentent une masse conséquente de 80 milliards d’euros. Une première marche avait été franchie l’an dernier. Nous proposons non seulement de la prolonger, mais aussi d’en faire une supplémentaire, à peu près du même montant – environ 1,5 milliard d’euros. Nous veillerons bien sûr à ce que les exemptions au niveau du Smic soient maximales, dans une logique de maintien des allégements jusqu’à trois fois le Smic suivant une courbe qui est à discuter.
S’agissant des recettes, nous avons souhaité remettre en question le principe même des niches dès lors que celles-ci consistent en une exemption de cotisations ou de fiscalité sur quelque chose qui ressemble à une rémunération. Je le redis : ce projet pourra donner lieu à des discussions. D’un côté, l’année blanche pour tous les flux, de l’autre, la réduction des niches : c’est une question d’équité. Il s’agira de se réinterroger sur l’origine et l’histoire de chaque niche ; des dérogations seront possibles, mais devront être justes, justifiées et ajustées.
Les retraites sont au cœur d’un débat passé, présent et futur que certains d’entre vous connaissent très bien – je rends hommage à tous ceux qui ont beaucoup travaillé sur ce sujet compliqué. Plus qu’un débat comptable, c’est un débat de société. La retraite est un prolongement naturel du travail, sa dernière étape. On pourrait d’ailleurs réfléchir à des formules associant travail et retraite et promouvoir les dispositifs existants en ce sens ; il faut peut-être savoir discuter la rupture absolue entre les deux.
Il n’y a pas que des difficultés dans ce projet de budget. Il y a aussi de bonnes nouvelles, comme l’amélioration de la réforme des retraites de 2023 pour les femmes qui sont mères : pour celles qui ont un enfant, le calcul de la pension sera fait sur les vingt-quatre meilleures années et, pour celles qui en ont deux, sur les vingt-trois meilleures. Pour les carrières longues, deux trimestres supplémentaires pourront être incorporés dans le calcul. Notre attention à ces sujets est justifiée : il demeure des écarts importants entre les retraites des hommes et celles des femmes ; il n’est pas anormal de contribuer à la réduction de ces inégalités.
La suspension de la réforme a été annoncée par le Premier ministre au cours de sa déclaration de politique générale, avec beaucoup de sincérité – c’est à tort que certains ont pu exprimer quelques doutes à ce sujet. Les annonces qu’il a faites aujourd’hui montrent d’ailleurs sa détermination à trouver le chemin d’un débat en bonne et due forme à l’Assemblée nationale. Cet engagement qu’il a pris sera tenu.
Le sérieux budgétaire s’appliquera à la suspension de la réforme : dès lors que les modalités en auront été précisées, après le dernier passage en Conseil des ministres, nous tiendrons compte du coût de la suspension en 2026 et 2027 pour l’intégrer dans l’élaboration du PLFSS et le compenser.
Le Premier ministre l’a dit, cette suspension assez longue, jusqu’au 1er janvier 2028, doit être utile. Il n’aura échappé à personne que se déroulera d’ici là l’élection présidentielle, qui a une importance majeure dans notre pays. Nous avons donc le temps de remettre sur la table les grands sujets. Ceux-ci ont déjà été discutés et rebattus, mais j’aimerais souligner deux éléments nouveaux, qui seront abordés lors d’une conférence sur le travail et les retraites que nous lancerons certainement vers la fin novembre.
Le premier de ces éléments consiste à étendre au travail le champ du débat. Ce sujet n’était pas suffisamment pris en compte dans la première réforme, alors que le travail affecte, dans nombre de ses dimensions – sa valorisation, les conditions dans lesquelles il s’exerce ou encore sa pénibilité –, le débat sur les retraites. Nous aurons donc un atelier très dense sur le sujet, mais aussi des ateliers spécifiques à chacun des secteurs privé et public, dont les systèmes et les acteurs ne sont pas les mêmes.
Il me semble ensuite que le moment est venu d’ouvrir tranquillement – je n’ai aucun avis préconçu – un débat serein sur les régimes. Le régime par répartition, le grand régime historique en France, en vigueur depuis l’après-guerre, rencontre quelques difficultés. Arriverons-nous à trouver les conditions de sa pérennité ? Si l’on est honnête intellectuellement, on voit que la question se pose. D’autres solutions alternatives sont possibles et ont été explorées il y a peu de temps. Faut-il poursuivre cette exploration ? Un sujet doit être mis sur la table sans tabou : l’introduction d’une part de capitalisation, qui concerne déjà un certain nombre de Français. Chacun réfléchira au fonctionnement, aux avantages et inconvénients de ces deux régimes.
À partir de là, il existe selon moi deux points de sortie possibles – et peut-être même plus. Je formule le vœu qu’après avoir pris le temps de rediscuter du fond, un accord soit trouvé entre partenaires sociaux ; je n’écarte pas cette hypothèse. On n’en a pas été très loin, à une ou deux reprises, mais, pour des raisons diverses, on n’a pas réussi à aller au bout. En prenant le temps de la discussion et de l’écoute, il n’est pas impossible qu’on y parvienne. En tout cas, il faut jouer cette carte. L’enjeu est trop important pour ne pas le faire.
Si nous n’y arrivons pas, il faudra que les Français tranchent d’une façon ou d’une autre. Le débat aura été éclairant, chacun se sera exprimé sur le sujet ; le matériau sera rassemblé, structuré et organisé : il sera soumis de manière démocratique à l’avis du pays et les Français diront ce qu’ils souhaitent pour leur système de retraites pour les dix, vingt, trente ans à venir. La démocratie fera son œuvre le moment venu.
Je le redis : ma méthode, c’est le dialogue. Je n’ai pas d’avis préconçu, ce qui est une force : j’arrive l’esprit libre. Je souhaite sincèrement écouter toutes les parties prenantes et je le ferai. Si je le peux, j’aiderai à clarifier le débat et, pourquoi pas, à trouver une synthèse. J’y mettrai mon énergie, ma patience et mon temps. (Plusieurs députés du groupe LFI-NFP s’exclament : « Et la lettre ? »)
M. le président Frédéric Valletoux. Ne vous inquiétez pas, chers collègues, vous aurez la possibilité de poser des questions.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée de l’autonomie et des personnes handicapées. C’est un moment très important qui commence, car il nous faut vraiment doter notre pays d’une LFSS. Je suis optimiste et convaincue que nous pouvons y arriver : après avoir dû dans un premier temps constater notre échec, nous y étions finalement parvenus en ce début d’année 2025, dans la même configuration, celle d’une assemblée que l’on pourrait qualifier de morcelée.
La LFSS 2025 nous a permis de prendre des mesures nouvelles pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées. Le plan « 50 000 solutions » annoncé en 2023 par le Président de la République a ainsi pu se déployer et accélérer. À ce jour, plus de 12 000 solutions ont été créées, sur 15 000 visées cette année. Nous prévoyons 250 millions d’euros supplémentaires dans le présent PLFSS afin de créer de nouvelles places pour les personnes en situation de handicap ; cela signifie que si nous n’adoptions pas de texte, nous ne pourrions pas apporter ces nouvelles réponses à nos concitoyens. Nous prévoyons d’atteindre l’objectif de plus de 22 000 solutions à la fin de l’année 2026 et d’être ainsi à peu près à mi‑parcours.
Parmi les mesures nouvelles contenues dans le présent PLFSS, il y a celles qu’a évoquées Stéphanie Rist concernant l’habitat partagé. Ces mesures sont elles aussi très attendues, tant par nos concitoyens en situation de handicap que par les personnes en perte d’autonomie : nous avons besoin de créer de nouvelles réponses entre le domicile et l’Ehpad. Le texte prévoit ainsi un investissement et une amélioration du financement de l’habitat partagé à hauteur de 100 millions d’euros. Ces mesures essentielles ne pourraient pas voir le jour, elles non plus, si nous n’adoptions pas de PLFSS.
D’autres mesures sont prévues en faveur des personnes âgées. Ce texte prévoit 4 500 équivalents temps plein (ETP) dans les Ehpad, ainsi que des places supplémentaires en service de soins infirmiers à domicile et de nouveaux centres de ressources territoriaux pour accompagner ces personnes à leur domicile lorsqu’elles sont en perte d’autonomie. Est aussi prise en compte dans ce PLFSS la révision des coupes Pathos, donc du niveau de dépendance dans les Ehpad, afin de mieux financer ces derniers. L’évolution du financement des Ehpad se poursuit avec la fusion des sections dépendance et soins dans vingt-trois départements, en vigueur sur une année pleine en 2026. Ces mesures visent à consolider l’offre destinée à nos concitoyens les plus âgés et à viabiliser davantage nos Ehpad.
Dans le cadre d’une stratégie de prévention des maladies neurodégénératives, ce PLFSS prévoit des investissements dans la recherche mais aussi dans l’accompagnement à la perte d’autonomie. Il s’agit, conformément à l’esprit du PLFSS, d’investir dans la prévention et de permettre à nos concitoyens de vivre plus longtemps dans de meilleures conditions.
Le présent texte comprend aussi le financement de la mesure de prise en charge des fauteuils roulants à 100 %, déjà inscrite dans la loi et qui sera pleinement opérationnelle à compter du 1er décembre prochain.
De nombreuses mesures de soutien aux établissements sociaux et médico-sociaux sont également prévues pour leur permettre de faire face à l’inflation, aux évolutions salariales et aux conséquences en matière de financement de la transformation de l’offre que nous appelons tous de nos vœux et à laquelle ils se préparent. Elle consiste à mieux accompagner les projets de nos concitoyens en situation de handicap en leur apportant les réponses les plus personnalisées possible.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Enfin ! Après des semaines d’incertitude politique, nous voici réunis pour entamer la discussion du budget de la sécurité sociale – quoiqu’elle risque d’être retardée par l’attente de la lettre rectificative. Nous le faisons dans les conditions difficiles que chacun connaît. Les obstacles à l’adoption de ce budget sont nombreux, mais les perspectives de discussion sont réelles. J’espère que nous saurons saisir l’opportunité qui nous est donnée de débattre avec sérieux et responsabilité.
Je concentrerai mon intervention sur quatre points.
Commençons par la trajectoire budgétaire et les hypothèses macroéconomiques. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) considère, dans son avis du 9 octobre dernier, que le scénario du Gouvernement repose sur des hypothèses volontaristes. Une croissance de 1 % en 2026, alors que la consommation des ménages reste faible et que l’investissement privé recule, est un pari audacieux. Je voudrais donc savoir comment le Gouvernement entend sécuriser cette trajectoire. Quelles sont les marges de manœuvre prévues si les prévisions sur la masse salariale ou l’emploi ne se réalisent pas ? Surtout, comment garantir la crédibilité d’un scénario qui doit permettre de ramener le déficit de la sécurité sociale à environ 4,7 points de PIB ? Autrement dit, s’agit-il d’un scénario de référence, d’un scénario d’espoir ou d’un affichage de circonstance ?
J’en viens à la réforme des allégements généraux de cotisations pour les entreprises. Avec l’adoption de la LFSS 2025, nous avions acté la création d’une réduction générale dégressive unique, calibrée pour apporter un rendement de 1,6 milliard d’euros en 2025 puis un rendement identique en 2026. Or la trajectoire annexée au PLFSS fait état d’un rendement des allégements généraux de 3,1 milliards d’euros. D’après les informations à ma disposition, ce supplément de 1,5 milliard résulterait d’un nouveau décret actuellement à l’étude visant à modifier les paramètres du barème – lequel découle pourtant d’un décret du 4 septembre dernier. Je souhaite que vous puissiez confirmer ces chiffres. Sur quelles bases ce calcul repose‑t‑il ? Quels seront les niveaux de rémunération, les secteurs et les entreprises concernés ? Nous devons être clairs : si la réforme vise à rationaliser, très bien ; si elle vise à renforcer l’incitation à l’augmentation des salaires, tant mieux ; mais si elle revenait à accroître la charge sur les entreprises et, par ricochet, sur les classes moyennes, elle serait malvenue.
Mon troisième point concerne l’Ondam et la branche maladie. L’évolution prévue en 2026 – + 1,6 % – est, disons-le franchement, extrêmement exigeante. S’agissant de l’article 10, qui réforme la clause de sauvegarde pour les médicaments et les dispositifs médicaux, l’étude d’impact est extrêmement pauvre ; cela m’empêche, pour l’heure, de répondre à mes collègues et aux professionnels qui m’interrogent. Si tant est que l’on donne crédit au recentrage de la clause sur son rôle de corde de rappel, comment avez-vous précisément fixé les fameux montants M et Z ? Quant à la nouvelle contribution supplémentaire, l’annexe indique seulement qu’à rendement constant – ce qui est à vérifier –, elle peut avoir un effet sur la répartition entre les redevables. Mais qui sera gagnant ou perdant, notamment parmi les exploitants de médicaments matures et ceux de médicaments génériques ?
D’autres mesures, faisant actuellement polémique, pourraient retirer du pouvoir d’achat aux Français ; je pense entre autres à la hausse des franchises médicales par voie réglementaire et à la révision des procédures relatives aux affections de longue durée. Vous vous attaquez certes aux arrêts de travail abusifs – ce que je demande de longue date –, mais cela sera-t-il suffisant pour atteindre votre cible ? Je reste convaincu, comme un certain nombre de collègues à mes côtés, que le redressement de nos comptes sociaux passera par une amélioration du taux d’emploi grâce à des incitations fortes au travail, à une baisse des dépenses inutiles et au renforcement de la lutte contre les abus et les fraudes.
Enfin, ma collègue Céline Thiébault-Martinez et moi-même recommandons dans notre rapport sur les congés parentaux de permettre une plus grande flexibilité en la matière, grâce notamment aux possibilités de fractionnement ou au temps partiel, mais l’article 42, consacré au congé supplémentaire de naissance, ne prévoit rien de tel ; pour quelles raisons ? Je suis convaincu que, sans souplesse, ce congé restera sous-utilisé, notamment par les pères. Êtes-vous ouverts à des évolutions du texte en ce sens, pour que cette mesure devienne le levier d’une politique familiale adaptée aux attentes et aux besoins des parents ? Il y a encore tant à faire en matière de soutien aux familles pour garantir le renouvellement des générations et assurer l’avenir de notre nation.
Je ne parlerai pas, enfin, de l’éléphant dans la pièce – la suspension de la réforme des retraites –, car le sujet sera abordé par mes collègues. Je serai néanmoins très vigilant quant aux conséquences de cette suspension pour les Français – non seulement ceux qui ont travaillé, mais aussi ceux qui travaillent : je veillerai à ce que leur pouvoir d’achat soit préservé et que la pérennité de notre système de retraites par répartition soit assurée.
Je vous remercie, mesdames et monsieur les ministres, pour les réponses, les précisions et les éclaircissements auxquels nous avons droit et que vous voudrez bien nous apporter.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous avons fait une hypothèse de croissance de 1 %, qui n’est donc supérieure que de 0,1 point au consensus des économistes pour la France, lequel s’établit à 0,9 % : cet écart est beaucoup plus faible que ceux qui ont pu exister dans le passé. Pour l’inflation, notre prévision, de 1,3 %, est au contraire inférieure au consensus, qui est de 1,5 %. Cela a conduit le HCFP à dire que les prévisions de recettes étaient crédibles, notamment celle de masse salariale.
L’instabilité actuelle a porté le taux d’épargne à 19 % du revenu, un record depuis 1970. D’après notre prévision, il devrait descendre à 17,4 %, restant ainsi très supérieur à sa moyenne de long terme. Il y a là un élément clef de soutien à la croissance : redonner de la perspective aux Français, c’est faire baisser leur inquiétude, donc aussi leur taux d’épargne.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Le congé supplémentaire de naissance permettra à la mère et au père de prendre chacun un congé d’un ou deux mois à temps complet s’ils le souhaitent. Dans un souci d’égalité hommes-femmes, il ne sera pas transférable de l’un à l’autre et ne pourra être pris à temps partiel : il risquerait de mettre les mères – le plus souvent – dans des conditions de travail précaires et ne correspondrait plus à l’objectif d’une reprise du travail à temps plein à la fin. Ce congé sera bien rémunéré – 70 % du salaire net le premier mois, 60 % le second mois.
La réforme de la clause de sauvegarde, à l’article 10, fait suite à la mission menée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des finances (IGF). Elle vise, grâce à une taxation plus juste, à rendre à la clause de sauvegarde son rôle originel de bouclier en cas de crise ou de dépenses anormales : les taux étant élevés, elle ne sera pas utilisée en dehors de ces situations. Cette taxe offre aussi une meilleure visibilité à l’ensemble des entreprises, comme le recommandait le rapport de la mission.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le gel des allégements généraux, qui atteignent 80 milliards d’euros, est effectivement une mesure réglementaire, qui s’inscrit dans l’esprit de l’année blanche. Nous sommes ouverts à la discussion sur les termes du décret, qui n’est pas encore finalisé. L’objectif est de faire une seconde tranche d’économies sans priver le dispositif de son efficacité.
Vous l’avez dit, la lutte contre la fraude est très importante. Le projet de loi qui arrivera prochainement au Parlement apportera les réponses que vous souhaitez. Ce qui nous manque, sur le plan technique, c’est la capacité à croiser les bases : nous avons besoin d’outils plus efficaces pour, dans nos systèmes d’information, repérer les discordances de façon quasi automatique. En matière de recouvrement, nous souhaitons socialiser les sommes indûment perçues, c’est-à-dire les soumettre à la CSG, entre autres. Nous irons jusqu’au bout de la logique, afin que les systèmes de protection sociale reçoivent leur juste part de ces sommes détournées. Nous sommes prêts à discuter de ce projet de loi avec les parlementaires qui souhaiteraient l’améliorer. Comme vous, nous souhaitons être plus durs avec les auteurs de fraudes sociales et fiscales.
M. Hadrien Clouet, rapporteur pour la branche autonomie. Nous voilà repartis pour le tour de manège que l’on connaît par cœur : d’abord les lamentations sur les difficultés de la branche autonomie de la sécurité sociale, qui concerne le grand âge et le handicap, avant que le Gouvernement ne baisse le budget en catimini, en nous renvoyant à la prochaine LFSS. C’est un petit peu lassant.
Tout cela est dû au fait que les recettes de la branche autonomie sont gelées : c’est le cas de la CSG sur le capital, que vous refusez d’augmenter. Quant au reste des recettes de la branche, elles découlent du jour de travail gratuit – pardon, de la contribution pour l’autonomie – qui est imposé depuis 2004 dans notre pays : ce jour où on l’allait voir les anciens mais que l’on occupe désormais à travailler pour financer les établissements.
Aucun grand plan dans le PLFSS, aucun dispositif susceptible d’améliorer la vie des seniors ou des personnes en situation de handicap. Pour gagner un petit peu de temps dans l’explication du texte, je vous propose un top 3 des dispositions les plus scandaleuses – ça tombe bien, il n’y en a que trois.
La première, à l’article 36, concerne la modification du mode de financement des établissements médico-sociaux. Le projet « Services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées » (Serafin-PH) est dans les cartons depuis onze ans : on a eu beaucoup de temps pour y réfléchir, mais cela n’a manifestement pas permis d’aboutir puisqu’il s’agit d’harmoniser les tarifs des établissements par le bas et à budget constant, soit, en langage ordinaire, de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Si vous n’instaurez pas une clause de non-régression entre le budget historique de l’établissement et le nouveau mode de calcul, je souhaite que cette disposition soit retoquée.
J’en viens à l’article 37. Il y a quelques années, vous avez proclamé des hausses de salaires Ségur de la santé et du médico-social mais, étourdis, vous avez oublié de mettre l’argent en face ! Après cinq ans à vous courir après pour obtenir un bout de compensation, voici que l’on en arrache 50 %, uniquement pour les départements. Tant que vous n’aurez pas étendu la prime à tous les salariés du soin – y compris techniques et administratifs – et tant que vous n’aurez pas compensé le Ségur notamment auprès des associations comme Aides, Actions Traitements ou Act Up – je n’ai pris que le début de l’annuaire –, il y aura des suppressions d’emplois ou de missions.
Je conserve pour la fin l’article 38, sans doute promis à une belle publicité vu l’horreur qu’il constitue. Si vous touchez une rente d’invalidité, le PLFSS prévoit en effet qu’elle sera déduite de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), deux allocations qui atteignent 400 à 600 euros en moyenne. C’est vraiment très classe, comme logique budgétaire !
Être sûr qu’âge et handicap riment avec misère, c’est le fil rouge de ce mauvais budget. Je souhaite donc son rejet en bloc ou, à défaut, celui des articles concernant l’autonomie.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je retrouve bien là votre esprit de nuance, monsieur Clouet ! Vous occultez toutes les mesures que j’ai annoncées dans ma présentation. Vous pouvez faire fi de ce qu’apporte l’adoption d’un PLFSS mais, je le redis, c’est une condition indispensable pour appliquer de nouvelles mesures en faveur des personnes en situation de handicap et des personnes âgées. Nous y étions parvenus pour 2025, en dépassant nos clivages partisans, dans l’intérêt de nos concitoyens.
Vous n’avez pas du tout compris la réforme de la tarification prévue à l’article 36. Le sujet est complexe. En l’état, les modes de financement ne permettent pas d’accompagner la transformation de l’offre en aidant les établissements à engager des dépenses d’innovation ou, par exemple, de déplacement afin de s’adapter aux projets des personnes. L’objectif est de faire des demandes exprimées le fil rouge du développement des prestations.
Pour concevoir ce mode de financement, nous avons travaillé en étroite concertation avec les fédérations, les associations et les organismes. Cette année sera une année blanche, afin de mesurer les effets sur les établissements. Le texte prévoit que 360 millions d’euros supplémentaires seront mis à disposition dans les années à venir afin d’accompagner le déploiement de ce nouveau mode de financement. Celui-ci favorisera la transformation de l’offre, donc la qualité de la réponse apportée aux personnes en situation de handicap, sans faire de perdant – sans pénaliser les établissements sociaux et médico-sociaux, contrairement à ce que vous prétendez.
Votre présentation de l’article 38 n’était pas moins caricaturale. Ce n’est pas un article d’économies : les réductions de dépenses seront très faibles. C’est un article de bonne gestion des deniers publics.
Quand une personne se retrouve en situation de handicap ou perd en autonomie à cause d’un accident avec un tiers responsable, la compagnie d’assurance de ce tiers prend en charge l’indemnisation de la victime. Il n’est pas question de déduire une quelconque rente d’invalidité de l’APA ou de la PCH. Simplement, la solidarité nationale, qu’elle s’exerce par l’intermédiaire de l’État ou des départements, n’a pas à prendre en charge les dépenses qui incombent aux assureurs. L’article 38 autorise donc les départements à déduire des allocations les sommes concernées, des sommes – j’y insiste – qui financent des dépenses déjà couvertes par l’APA ou la PCH. Il ne s’agit pas de sous-indemniser la personne, ni de lui prendre son indemnité, mais de ne pas la surindemniser. Ainsi, les fonds concernés ne serviront plus à doubler des indemnités mais à financer d’autres besoins. L’article 38 ne vise rien d’autre. Il prévoit évidemment de sécuriser cet engagement ; le décret sera travaillé en étroite concertation avec les représentants du secteur et des personnes en situation de handicap.
Mme Anne Bergantz, rapporteure pour la branche famille. La trajectoire financière de la branche famille est positive, situation qu’elle n’avait pas connue depuis plusieurs années. On ne peut cependant pas s’en réjouir pleinement, puisque les excédents sont dus à la baisse de la natalité, continue depuis plus de dix ans.
La branche sera fortement mise à contribution pour réduire le déficit de la sécurité sociale. En effet, l’état de nos finances justifie une solidarité entre les branches – un excédent ne doit pas être immédiatement dépensé. C’est peut-être aussi l’occasion d’entamer une réflexion collective ambitieuse sur notre politique familiale, en se demandant pour chaque prestation si elle est pertinente eu égard aux attentes, à l’évolution des familles et à nos objectifs.
Depuis plusieurs mois, j’appelle de mes vœux une évolution des allocations familiales. Que pensez-vous de les attribuer dès le premier enfant et d’abandonner leur modulation en fonction du nombre d’enfants dans la famille ? Ce dernier diminue : l’enjeu n’est plus le troisième, c’est le deuxième, voire le premier.
Je me félicite de l’introduction d’un congé supplémentaire de naissance, plus court et mieux rémunéré que la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), et ouvert à tous dès le premier enfant. Il répond à une forte attente des parents qui souhaitent être plus présents auprès de leur enfant durant ses premiers mois.
J’ai toutefois déposé deux amendements. Le premier vise à supprimer le caractère dégressif de l’indemnisation : la durée du congé est trop courte pour qu’il soit justifié.
Le second tend à instaurer une alternance. D’abord, pour encourager l’égalité entre les hommes et les femmes, il faut inciter le père à prendre le congé seul avec l’enfant. Le congé paternité peut déjà être pris en même temps que le congé maternité, pendant un mois environ. En l’état, la disposition autoriserait au total trois mois de congé simultané, pour des bénéfices discutables. Ensuite, en prenant ce congé successivement, les parents pourraient rester auprès de l’enfant jusqu’à ses six mois, dans une période où l’attachement aux parents est essentiel. Troisièmement, la mesure réduirait la tension dans le recours aux modes de garde.
Enfin, comment ce dispositif s’articulera-t-il avec la PreParE ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je vous rejoins sur l’importance de vérifier la pertinence des prestations.
S’agissant de la durée du congé de naissance, les parents pourront choisir entre prendre deux mois simultanément ou chacun à son tour pour un total de quatre mois. Avec les congés maternité et paternité cumulés, ils pourront donc totaliser six mois de congé. Or les travaux sur les 1 000 premiers jours ont montré l’importance des six premiers mois. C’est une liberté supplémentaire : les parents auront le choix. Par ailleurs, ce congé n’éteint pas le congé parental.
La dégressivité s’explique par la nécessité de faire tendre le déficit vers 17 milliards d’euros l’an prochain, donc de financer les mesures nouvelles. Pour financer ce congé, nous avons décalé de 14 à 18 ans l’âge de majoration des allocations familiales, mesure pertinente selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.
Nous discuterons des autres points en commission puis en séance : il est important que le débat ait lieu.
Mme Sandrine Runel, rapporteure pour la branche vieillesse. C’est tragique : votre budget n’est qu’illusion et paresse. Ce texte prétendument sérieux, de rupture, n’est que le reflet usé de celui qu’avait présenté François Bayrou. Il ne contient aucun changement : rien pour épargner les classes populaires, rien pour répondre aux urgences sociales, tout pour ceux qui vont bien.
Seule la question des retraites avance, grâce à une pression citoyenne et parlementaire inédite. Le Premier ministre a annoncé la suspension de la réforme de 2023, ce qu’il vient de réaffirmer dans l’hémicycle. C’est l’un des nœuds politiques du projet de loi ; de facto, elle obligera à trouver de nouveaux équilibres budgétaires. Comment comptez-vous la financer ?
Nous avons fait des propositions : taxe Zucman, CSG patrimoine, réduction des exonérations de cotisations sociales sont autant de possibilités de financement juste et équitable que vous balayez d’un revers de la main. Où trouverez-vous donc les 500 millions d’euros nécessaires en 2026 ?
Comme à votre habitude, vous proposez un PLFSS qui ne se cache pas d’être austéritaire : gel des prestations sociales, réduction des exonérations bénéficiant aux salariés, élargissement des franchises et de la participation forfaitaire, diminution des droits des assurés atteints d’une ALD. Quant à l’année blanche, c’est une des mesures d’économie les plus régressives et antidistributives : encore une fois, ce sont les premiers déciles, les retraités et les familles touchant des allocations familiales qui vont trinquer.
Dans le même temps, vous votez massivement contre l’impôt le plus redistributif, la taxe Zucman. C’est clair : les macronistes veulent la rigueur budgétaire, mais seulement pour les plus fragiles.
L’article 45 prévoit de prendre en compte les vingt-trois ou les vingt-quatre meilleures années de la carrière des mères pour le calcul de leurs droits à la retraite, afin de réduire les inégalités entre les hommes et les femmes en matière de pension. Je déplore que cette mesure phare soit prise par voie réglementaire. Vous nous promettez un débat parlementaire renouvelé. Pourriez-vous préciser ici le contenu détaillé de cette mesure et son calendrier d’application ?
En qualité de rapporteure et de députée de l’opposition, je prendrai toute ma part du travail visant à doter notre pays d’un budget juste et sérieux qui garantisse notre modèle social et notre système de retraite. Le respect de la solidarité nationale et de la dignité de ceux qui ont travaillé toute leur vie guidera notre action. Je serai vigilante et exigeante vis-à-vis de la clarté de vos engagements, de la justice de vos choix et de la cohérence de vos actes.
Je regrette que ce budget, profondément injuste, n’offre aucune garantie aux Françaises et aux Français. Il ne fait que recycler des promesses et prolonger la faillite du bloc central. J’espère que les débats permettront d’en corriger les déséquilibres criants.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Sur la suspension des retraites, le moment est venu de donner quelques éléments d’explication. Le débat sur les modalités a été tranché : le Premier ministre a annoncé aujourd’hui qu’il avait choisi la lettre rectificative. Elle est en cours d’élaboration : il faut encore préciser certains éléments, effectuer des simulations, etc. Le Conseil d’État vérifie que la procédure est licite. Une réunion exceptionnelle du Conseil des ministres aura lieu jeudi : sur les éléments qui ne sont pas encore figés, il faut attendre sa validation. Il faut laisser le temps au temps ; c’est seulement lors du Conseil des ministres que tout se cristallisera.
Il reviendra au président de la commission d’apprécier le calendrier de travail. C’est un élément du projet de loi que son retentissement politique met en valeur, mais ce n’est pas le seul. J’invite le président à réfléchir à l’organisation des travaux afin de perdre le moins de temps possible. Il y a du travail et nous avons besoin de ce texte. Toutes les précisions seront disponibles dans la semaine.
Nous sommes d’accord, la disposition en faveur des pensions de retraite des femmes va dans le bon sens. Pour des raisons techniques, il n’y a pas d’autre manière de procéder que le décret.
Je l’ai dit, l’année blanche est un principe général. À notre sens, il est acceptable pour 2026 parce que l’inflation est très basse, autour de 1 %, loin des taux élevés que nous avons connus avec la hausse des prix de l’énergie qui a suivi le début de la guerre en Ukraine. Il faut que ce soit clair : c’est une politique exceptionnelle, qui ne se répétera pas souvent mais que, compte tenu des enjeux, nous avons décidé d’appliquer, notamment aux retraites.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce n’est pas parce qu’on n’augmente pas le taux d’un impôt que ses recettes n’augmenteront pas. Par exemple, le budget de la branche autonomie passera de 43,5 à 42,5 milliards d’euros, parce que celles de la CSG atteindront 156 milliards en 2025 – on prévoit par exemple que celles de la CSG remplacement gagneront 3,8 %. La CSG est dynamique comme la masse salariale. Donc les recettes augmentent même si les taux sont stables, parce que – c’est heureux – notre pays a une activité et crée de la richesse.
La conclusion, c’est que plus on soutient l’activité, le travail et la hausse des salaires, plus cela génère des recettes pour la sécurité sociale.
On peut débattre de l’opportunité d’augmenter les taux, mais nous ne sommes pas en train de priver la sécurité sociale de recettes supplémentaires. Je l’ai dit d’emblée : le budget que nous proposons prévoit qu’elles augmenteront de 16 milliards d’euros, c’est-à-dire de 1,7 %. On évoque souvent l’importance de résorber le déficit en augmentant les recettes plutôt qu’en baissant les dépenses ; avec 11 milliards de dépenses et 16 milliards de recettes en plus, on a un solde positif de 5 milliards, qui correspond à l’écart entre le déficit projeté de 2025 et celui de 2026.
M. Gaëtan Dussausaye, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Les travailleurs français sont inquiets des effets de l’usure et de la pénibilité professionnelle sur leur santé : 39 % d’entre eux déclarent que leur activité professionnelle met leur santé en danger – c’est 6 points de plus que la moyenne européenne.
Cette inquiétude est fondée : chaque année, on recense 900 000 sinistres provoqués par l’activité professionnelle, avec évidemment une hyperconcentration dans les métiers dits essentiels.
C’est peut-être l’arbre qui cache la forêt. À la sous-déclaration des accidents du travail s’ajoute la sous-reconnaissance des maladies professionnelles : 75 % des troubles musculo-squelettiques correspondant à un tableau de maladie professionnelle n’ont pas fait l’objet d’une déclaration ; moins de 300 cancers sont reconnus comme maladies professionnelles alors que les épidémiologistes estiment qu’il pourrait y en avoir vingt fois plus.
Ce constat soulève deux questions. La première concerne la compensation à la branche maladie, puisque la branche AT-MP est désormais déficitaire. Deuxièmement, dans l’hypothèse où l’action publique serait – pour une fois – efficace en la matière, comment anticipez-vous l’explosion à venir du montant des réparations ?
Pour préparer l’examen du PLFSS, j’ai tenu à auditionner des Français qui travaillent dans des métiers essentiels, pénibles, entraînant une forte usure. Ils disaient que la meilleure solution, c’est la prévention. Or les dépenses afférentes représentent 2 % du budget de la branche : on est très loin des 7 % qu’y consacre l’Allemagne et qu’un récent rapport sénatorial recommande. Que comptez-vous faire dans les prochains mois pour aller dans ce sens ?
Il y a deux ans, l’injuste réforme des retraites imposée à coups de 49.3 a créé le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, financé à hauteur de 1 milliard d’euros sur quatre ans par l’excédent de la branche AT-MP. Notre commission a montré que 70 % des crédits qui lui avaient été alloués n’ont pas été consommés. Qu’entendez‑vous faire pour que l’action publique soit beaucoup plus offensive en matière de prévention et pour enfin résoudre le problème du mal-travail ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Les accidents du travail constituent un problème fondamental – c’est aussi l’ancien patron d’entreprise qui s’exprime. Nous en sommes conscients et nous le prenons très au sérieux.
Hier, dans le Val-d’Oise, un salarié est mort d’un accident du travail à cause d’une tempête. Je pense à lui et à sa famille.
Vous l’avez dit, un transfert est prévu de la branche AT-MP vers la branche maladie pour couvrir les sous-déclarations. Le problème est identifié. Une commission se réunit régulièrement pour évaluer le coût à prendre en compte.
Pour faciliter la reconnaissance des maladies professionnelles, nous allons faire évoluer le processus, qui est un peu désuet. De leur définition aux diagnostics, tout mérite d’être actualisé.
Je l’admets, nous n’avons pas encore pu achever le travail de réflexion sur les manières de redresser les comptes de la branche ; il faut le poursuivre. Le volet travail de la conférence sur le travail et les retraites sera l’occasion de parler de la pénibilité. Nous pourrons aussi évoquer la santé au travail – tout cela se tient.
La pénibilité est un chantier sur lequel j’ai pu avancer à la SNCF. Cette expérience positive participera peut-être à faire naître des idées pour d’autres secteurs – quoi qu’il en soit, elle me sera précieuse.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances. Les membres du groupe Droite Républicaine défendent la création d’une allocation sociale unique (ASU). Le Gouvernement la soutiendra-t-il ?
Vous prévoyez une contribution exceptionnelle des complémentaires santé, à hauteur de 2,05 %. Ne craignez-vous pas que celles-ci en répercutent, à nouveau, le coût sur les Françaises et les Français ?
Les arrêts maladie explosent : il y a un quart de siècle, ils coûtaient 6 milliards d’euros ; aujourd’hui, c’est 17 milliards. La Cour de cassation a rendu des arrêts nous obligeant à nous mettre en conformité avec le droit européen. Dorénavant, par exemple, les salariés pourront récupérer les journées de congé pendant lesquelles ils ont été en arrêt maladie. Comptez-vous intervenir auprès des instances européennes pour que ces règles soient revues ?
Les comptes de la branche famille n’ont pas été certifiés depuis plusieurs années. Les erreurs et les indus de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) atteignent des montants excessifs. Comment nous convaincrez-vous que les choses vont enfin rentrer dans l’ordre et que nous allons mieux lutter contre ces phénomènes ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La question de l’ASU est sur la table depuis quelque temps déjà. Le premier objectif est de simplifier – il existe beaucoup d’aides, dont les origines et les méthodes de calcul sont différentes. Le second est de rendre le système plus clair et plus lisible. Parfois, les aides individuelles se cumulent dans un même couple ; il faut au moins être conscient qu’il existe des effets d’addition. Dans ce maquis, il faut repérer les outils de justice et d’égalité.
Nous sommes prêts à prendre l’initiative de cet ouvrage. Nous savons qu’un gros travail préalable est nécessaire pour savoir qui fait quoi et pour déterminer comment marier les bases de données. La tâche informatique sera lourde ; nous sommes prêts à l’accomplir et à nous engager à mettre en place un programme adapté. Il faudra peut-être y aller progressivement : c’est tellement complexe qu’il faut graduer nos ambitions et prévoir de consolider les résultats par étapes, jusqu’à atteindre l’objectif final.
La question du montant de cette aide et de son plafonnement est à la fois économique et politique ; nous en débattrons le moment venu.
Mme Stéphanie Rist, ministre. S’agissant des arrêts maladie, le texte prévoit plusieurs mesures. Nous devons d’abord nous interroger sur les raisons de cette dynamique et sur les manières de les prévenir. Nous avons évoqué les mesures à prendre au travail. Il faut aussi trouver comment mieux contrôler les arrêts maladie, envisager que les médecins revoient régulièrement les patients pour s’assurer qu’ils en ont besoin – ce que le texte prévoit.
Vous soulevez à raison la question des complémentaires santé. Je l’ai dit, ce budget prévoit un effort collectif. Si les assurés devront faire preuve de responsabilité, c’est aussi le cas des laboratoires pharmaceutiques ainsi que des organismes complémentaires. Ces derniers devront s’acquitter d’une taxe de 1 milliard d’euros supplémentaires. Cependant, d’autres mesures diminueront leurs coûts. Je pense aux dépassements d’honoraires, qu’ils prennent partiellement en charge. Il faut envisager le texte dans sa globalité.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Dans certaines tranches d’âge, les arrêts maladie ont augmenté de plus de 25 % depuis la fin du covid. Il faut donc renforcer la prévention, mais il faut aussi s’assurer que l’arrêt maladie est à la fois justifié – nous devons lutter contre les abus – et utile. Si les gens sont en arrêt mais qu’ils ne voient aucun praticien pour résoudre leurs problèmes, les arrêts se prolongent sans que la santé des Français s’améliore. C’est pourquoi nous proposons des prescriptions d’arrêts plus courts et des rendez‑vous plus réguliers pour résorber la cause. Gardons à l’esprit que 80 % de la dépense est consacrée à 25 % des arrêts, à savoir ceux de plus d’un an. Les arrêts longs posent un vrai problème.
Les comptes de la Cnaf n’ont pas pu être certifiés l’an dernier en raison d’un manque de fiabilité. La clef, c’est le préremplissage, qu’on appelle aussi la solidarité à la source. Il diminue le nombre d’erreurs, de fraudes et d’indus : c’est bon pour tout le monde. Toutes les allocations sont concernées. Ce doit être notre grand œuvre collectif.
Pour lutter contre la fraude, le projet de loi que vous examinerez dans quelques semaines prévoit de nombreux outils pour empêcher le versement des fonds en cas de suspicion, sur le modèle de la loi Cazenave contre toutes les fraudes aux aides publiques, et inclut des mécanismes de flagrance, avec gel et saisie des avoirs. Nous avons parlé de la Cnaf, mais il faut aussi s’occuper de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf), plus facile à frauder que le fisc : ce texte permettra d’y remédier.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Joëlle Mélin (RN). C’est désespérant. Depuis les ordonnances Juppé, il y a plus de trente ans, on utilise toujours les mêmes outils pour éponger une dette que l’on ne cesse de recréer : augmentation des taxes et des cotisations, Cades, Ondam, régulation, franchises, taxation d’office, déremboursement, et toujours le médicament comme variable d’adaptation. Si cela avait marché, on le saurait.
Pourtant, vous vous apprêtez à faire exactement la même erreur. Le constat est dramatique. Votre gestion des 255 milliards d’euros de recettes de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) – plus exactement, des 666 milliards des cinq branches de la sécurité sociale – et des 902 milliards de dépenses de la protection sociale est devenue contre‑productive.
La sécurité sociale, prévue pour protéger de tous les risques en solvabilisant les malades, les familles, les retraités, les travailleurs, crée désormais de toutes pièces la pauvreté. Le montant des impôts, qui financent à 50 % la sécurité sociale, a fini d’appauvrir les actifs et les retraités. En raison des charges excessives, les employeurs et les indépendants doivent renoncer, souvent à contrecœur, à augmenter les salaires de leurs collaborateurs, pour ne pas mettre en péril leur entreprise. La baisse des recettes de la TVA, de la CSG et de la contribution sociale de solidarité des sociétés va impacter tour à tour les différentes branches.
À 2 028 euros net, le salaire médian n’excède que de 402 euros le seuil de pauvreté tel qu’il est défini par le Bureau international du travail – soit 80 % du revenu médian. Il est supérieur de 602 euros au Smic, qui lui-même ne dépasse le seuil de pauvreté – fixé en France à 60 % du revenu médian – que de 210 petits euros. En réalité, le salaire médian est structurellement trop bas : ce ne sont pas 8 millions de Français qui sont en dessous du seuil de pauvreté, mais bien une petite moitié d’entre eux qui subissent une situation de précarité sociale relative et souffrent d’un pouvoir d’achat chroniquement insuffisant. Ces personnes ne peuvent pas contribuer autant que nécessaire, ni fiscalement ni socialement. À l’inverse, la pauvreté contraint certaines d’entre elles à consommer de plus en plus d’aides et de prestations non contributives, lesquelles se montent à plus de 150 milliards. Ce matelas de réconfort pour les plus fragiles est parallèlement devenu l’eldorado des migrants – rappelons par exemple que 25 % du PIB des Comores est alimenté par les aides non contributives françaises.
Dans le même temps, les recettes ne sont pas au rendez-vous. Les marges des entreprises sont érodées par les impôts et charges, ce dont témoignent les 63 000 faillites survenues en 2024 et les 80 000 déjà enregistrées au cours des trois premiers trimestres de 2025. C’est une catastrophe économique qui se profile pour tous : les plus précaires, les classes moyennes et même une partie des plus aisés. La croissance, l’innovation et la compétitivité sont en jeu.
Quant à vos prévisions, le HCFP lui-même les juge beaucoup trop optimistes. Demain, comme à l’accoutumée, elles apparaîtront utopiques, même si l’inflation s’est stabilisée. Et que dire de l’approximation de vos chiffres, une nouvelle fois relevée par la Cour des comptes pour chacune des branches ?
En matière de santé, seul domaine où des tiers interviennent en sus de l’administration, vous n’hésitez pas à manier le rabot, certes en couche mince, et à mettre en danger un système déjà à l’os pour quelques centaines de millions. Les officines pharmaceutiques, les radiologues et les biologistes débauchent déjà. Je ne m’attarderai pas sur la méthode qui consiste à débattre à l’infini d’amendements et à voter des lois sans jamais prendre les décrets d’application correspondants. Arc-boutés sur l’Ondam et les comités d’alerte, vous pilotez fièrement des outils de trente ans d’âge qui ont fait la preuve de leur toxicité et dont les résultats doivent sans cesse être rectifiés tant ils sont archaïques et aveugles. J’en veux pour preuve la dette de l’Acoss, passée de 10 millions en 2010 à 83 milliards aujourd’hui.
Nul besoin de question ni de réponse, les actes suffiront.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Un budget n’est jamais une simple suite de chiffres : c’est une orientation, une responsabilité, un engagement. Il exprime ce que notre nation choisit de protéger, d’encourager et de réparer.
Ce texte s’inscrit dans un moment de vérité pour notre société : celui du vieillissement de la population. C’est une bonne nouvelle : nous vivons plus longtemps, et souvent mieux, grâce à la prévention, à l’innovation médicale, à la recherche et à la qualité de vie dans notre pays. C’est un progrès collectif, une réussite humaine et sociale, mais aussi un défi qu’il est de notre responsabilité de relever. Ce budget social devra ainsi satisfaire une double exigence : de responsabilité et de justice.
La responsabilité s’impose, car maîtriser nos comptes publics est indispensable. Chaque euro consacré au remboursement de la dette est un euro en moins pour répondre aux besoins des Français en matière de santé, d’aide aux familles et de pouvoir d’achat. La justice est nécessaire parce qu’un budget n’est équilibré que s’il est équitable. Nous devons faire en sorte que l’argent public aille à celles et ceux qui en ont le plus besoin tout en garantissant la soutenabilité de notre modèle social.
Notre groupe prendra toute sa part dans les débats et s’engagera dans un travail fondé sur l’écoute, la concertation et le dialogue. Nous faisons le pari de l’intelligence collective au service d’un budget juste et responsable, fondé sur un effort partagé et acceptable.
Madame la ministre Rist, la prévention doit être au cœur de notre système de santé. En quoi ce texte la renforce-t-il ?
Monsieur le ministre Farandou, l’apprentissage est un marqueur de l’action des majorités précédentes. Vous engagez-vous à préserver cette réussite et à conforter cette politique publique essentielle pour les entreprises et l’insertion des jeunes ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. La prévention est effectivement un élément structurant du texte. L’idée est de changer complètement de philosophie et de payer avant que les gens ne tombent malades. Le vieillissement de la population se traduira par une forte hausse de la prévalence des ALD. Pour prévenir cette évolution, nous comptons créer un nouveau statut pour les personnes présentant des facteurs de risque. Ces dernières pourront se faire rembourser des soins qui n’étaient pas pris en charge jusqu’à présent, comme l’activité physique ou les séances chez un psychologue. Cette très belle réforme, prévue à l’article 19, constitue un changement culturel majeur.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. L’augmentation du nombre d’apprentis, passé de 300 000 à 1 million, a changé en profondeur la manière de former des jeunes diplômés capables de rentrer dans l’emploi. C’est une belle réforme, qui porte ses fruits.
Cela étant posé, pour tout système, il faut étudier les retours d’expérience et voir si des améliorations sont possibles. Les aides à l’apprentissage coûtent environ 16 milliards d’euros. Il est donc normal de s’assurer de leur efficacité. Ainsi, dans un souci d’efficience, il me semble important de renforcer le lien avec l’emploi : je ne voudrais pas que l’apprentissage conduise à donner des diplômes à des jeunes qui auraient ensuite du mal à trouver du travail. Il faut donc resserrer les liens avec le monde des entreprises pour proposer les formations les plus utiles possible.
Un ajustement des coûts de fonctionnement sera également nécessaire pour mettre le système en tension, afin de poursuivre cette belle politique dans les années à venir.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Edgar Allan Poe disait que les limites entre le rire et l’horreur sont plus ténues qu’on ne le croit. Ce mot convient parfaitement à votre budget : on pourrait en rire s’il s’agissait seulement d’une mauvaise farce, mais, l’hypothèse du rire écartée, il ne reste que l’horreur d’une cure d’austérité.
Ce projet doit être combattu. J’adresse un message aux Françaises et aux Français qui nous écoutent, qui attendent que leur vie change et qui s’inquiètent : ne désespérez pas, le pire n’est pas certain ; le groupe insoumis fera son maximum pour empêcher la guerre sociale qu’ils veulent vous imposer. Et vous n’êtes pas seuls : le rejet de ce gouvernement et de son budget est massif. Toutes les fédérations d’établissements de santé, publiques comme privées, alertent : il manquera 1,1 milliard d’euros aux établissements de santé en 2026, soit l’équivalent de 20 000 postes d’infirmiers. Le niveau de l’Ondam, historiquement bas, ne permettra pas de répondre à des besoins croissants. Le Syndicat national des professionnels infirmiers témoigne : « derrière les chiffres, c’est une autre réalité qui se profile : celle d’un système de santé qui soigne moins, faute de moyens ». Les soignants connaissent la suite : épuisement, turnover, perte de sens.
Ce PLFSS accélère l’instauration d’un système de santé à deux vitesses. Les inégalités vont se creuser : les territoires déjà fragiles, les zones rurales, les quartiers prioritaires et les outre-mer seront une nouvelle fois les premiers touchés. Toutes les organisations syndicales expriment leurs inquiétudes face à la brutalité du texte. Elles s’inquiètent particulièrement du gel des minima sociaux et de la menace qu’il représente pour les plus précaires. Aussi demandent-elles que l’Ondam soit augmenté de 4 %. Ce gouvernement ne le fera pas ; nous, si.
Les associations dénoncent un PLFSS qui cible les patients et les usagers et fait des économies sur le dos des malades tout en accordant si peu de place à la prévention. La Ligue contre le cancer fustige des mesures qui culpabilisent les malades sans s’attaquer aux responsables. Nous sommes viscéralement attachés à notre modèle social. Alors que nous célébrons les quatre‑vingts ans de la sécurité sociale, le budget voulu par ce gouvernement introduit une hausse intolérable des franchises médicales et des participations forfaitaires. C’est une double injure qui nous est faite, notamment aux plus fragiles d’entre nous, qui s’inquiètent légitimement pour leur pouvoir d’achat et leur santé. Ce gouvernement ne les écoutera pas ; nous, si.
Que dire de la psychiatrie, une cause majeure pour laquelle je me bats chaque jour de mon mandat ? Le Gouvernement propose un plan de 65 millions d’euros, dont il faut relativiser le montant : 13 millions de personnes présentent un trouble psychique ; en ajoutant les familles, ce sont près de 39 millions de Françaises et de Français qui sont concernés. Le plan en faveur de la « grande cause nationale » repose donc sur un investissement de 1,66 euro par personne et par an. Ce n’est même pas de la charité, c’est du cynisme !
En résumé, voici ce que contient votre projet : la précarisation des apprentis, la paupérisation des retraités, le gel des minima sociaux – dont l’allocation aux adultes handicapés (AAH) –, la surtaxation des malades et l’éloignement de nombreuses personnes du système de soins. Vous mettez en avant des mesures destinées à améliorer la retraite des femmes, mais combien seront concernées et combien toucheront-elles à la fin du mois ? En tout cas, ce ne sont pas les plus précaires, celles aux carrières hachées, qui exercent les métiers les plus pénibles, qui en bénéficieront – et ce alors même qu’à partir du 10 novembre, les femmes travailleront gratuitement.
Voici ce qu’il ne contient pas : la progressivité des recettes pour tenir compte des évolutions démographiques, l’égal accès aux soins grâce à une prise en charge complète et au 100 % sécu, une véritable politique de prévention en santé physique et mentale. Surtout, il ne contient pas l’abrogation de la réforme des retraites, tout au plus un décalage. Une lettre rectificative, dont nous ne savons rien, a été envoyée. Nous attendons des réponses sur le contenu et le calendrier. Je crois comprendre que vous aussi. Cette réforme, ce gouvernement ne l’abrogera pas ; nous, si.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Si nous nous efforçons de respecter les contraintes qui s’imposent à nous, c’est précisément parce que nous voulons pérenniser la sécurité sociale.
M. Jérôme Guedj (SOC). Nos débats s’ouvrent dans un moment inédit de notre vie démocratique. Pour la première fois depuis des décennies, le Gouvernement ne peut plus s’abriter derrière l’article 49, alinéa 3 : il doit proposer, argumenter, convaincre. Vous proposerez, nous déciderons. C’est pourquoi mon intervention s’adresse autant à mes collègues parlementaires qu’aux membres du Gouvernement. En nous mettant à l’épreuve, la situation actuelle nous condamne à œuvrer pour garantir la justice à laquelle nous aspirons – en tous les cas pour ce qui nous concerne.
Nous, socialistes, avons fait le choix de ne pas censurer, non par confort ni par calcul, mais pour obtenir des avancées. La suspension de la réforme des retraites, que la lettre rectificative permettra de garantir, en fait partie. Pour autant, le PLFSS qui nous est proposé n’est pas bon. Nous devons donc travailler à le rendre meilleur.
Pourquoi n’est-il pas bon ? Parce qu’il ignore un constat pourtant général, confirmé notamment par le rapport des trois hauts conseils – le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam), le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et le Haut Conseil du financement de la protection sociale – sollicité par le précédent gouvernement : la crise de la sécurité sociale est d’abord une crise de financement, une crise des recettes. Cela ne nous exempte pas de chercher à maîtriser les dépenses – nous n’y sommes pas opposés –, mais nous ne devons pas le faire au détriment des classes moyennes, des classes populaires, des assurés sociaux, des malades.
Or les mesures d’économie ou de maîtrise de la dépense que vous proposez font peser un effort démesuré, disproportionné, sur les assurés sociaux : non seulement vous créez une nouvelle catégorie de franchises médicales, mais vous en doublez le montant, comme vous l’aviez déjà fait il y a deux ans. Nous ne pouvons pas prendre ce chemin. Le rendement de cette mesure étant évalué à 2,3 milliards d’euros pour 2026, nous devrons être capables, si nous voulons la supprimer, de trouver une source d’économies ou de recettes qui permette de dégager un montant similaire.
Vous entendez réduire les niches sociales, mais vous le faites de la façon la plus injuste qui soit en vous attaquant aux titres-restaurant et aux accessoires de salaire, pour une économie estimée à 1 milliard d’euros. Êtes-vous prêts à accepter, à la place, une mesure qui porterait sur les autres niches sociales recensées par la Cour des comptes et le Conseil des prélèvements obligatoires ?
Le texte ne contient aucun élément concernant la fiscalité comportementale, qui joue pourtant un rôle important en matière de prévention et influe donc sur les remboursements, tout en permettant d’engranger des recettes. Si nous nous accordions sur des mesures de fiscalité comportementale, pourrions-nous, en contrepartie, supprimer certaines dispositions problématiques comme le gel des prestations ou la hausse des franchises médicales ?
Vous avez annoncé une nouvelle baisse des allégements généraux de cotisations patronales, à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Mais pourquoi ne pas présenter une baisse des points de sortie du dispositif au sein d’un texte de loi, plutôt que de renvoyer à un décret à l’élaboration duquel vous assurez que nous pourrons participer ?
Aurons-nous une latitude pleine et entière pour dégager de nouvelles ressources, par exemple en augmentant la CSG sur les revenus du patrimoine afin de résorber les inégalités et d’améliorer le rendement de cette taxe, comme le proposaient les hauts conseils dans leur rapport ?
Mme Justine Gruet (DR). Quatre-vingts ans, quel bel âge ! Mais qui peut croire qu’un modèle pensé pour la société d’hier soit toujours adapté à celle d’aujourd’hui ? Avec 23 milliards d’euros de déficit en 2025, l’enjeu est clair : assurer la pérennité de notre système social. Il nous faut, au minimum, ramener le déficit à 17,5 milliards tout en répondant aux besoins de nos concitoyens, qui attendent que nous réduisions les dépenses injustes, que nous utilisions mieux l’argent public et que nous anticipions les changements démographiques.
Le PLFSS ne réglera pas tout. Il faudra aussi consacrer des lois spécifiques à la fraude et au travail. Si nous avions le même taux d’emploi que l’Allemagne, nous gagnerions 15 milliards d’euros de cotisations sociales et économiserions 5 milliards de prestations. La Droite Républicaine fera toujours de la revalorisation du travail, plutôt que de l’assistanat, sa priorité. Nous proposons une aide sociale unique, plafonnée à 70 % du Smic, pour simplifier notre système et le rendre plus juste en luttant contre les trappes à inactivité. Nous souhaitons également revenir à l’exonération des heures supplémentaires qu’avait instaurée le président Sarkozy. Il faut libérer le travail.
Défendre ceux qui travaillent, c’est également lutter contre ceux qui abusent ou qui bénéficient de notre système social sans avoir cotisé. Le sentiment d’injustice devra être traité dans le PLF, par exemple par une réforme de l’aide médicale de l’État (AME).
Nous défendrons également la suppression de mesures qui pénalisent ceux qui travaillent ou ont travaillé, comme la cotisation patronale de 8 % sur les compléments de salaire, la fin des exonérations pour les autoentrepreneurs ou la double pénalisation des retraités jusqu’en 2030. Nous ne voulons pas de taxes supplémentaires. Notre système de santé souffre d’une bureaucratie excessive. Il est temps d’en finir avec la multiplication des sigles et des structures : rationalisons les agences paraétatiques.
Santé, famille, perte d’autonomie, travail sont des enjeux forts. Les traiter supposera des choix de société importants. Sur tous ces thèmes, place au débat budgétaire.
Outre la suspension de la réforme des retraites, quels amendements le Gouvernement compte-t-il introduire ? Envisagez-vous d’améliorer le dispositif d’exonération des heures supplémentaires ? Pouvons-nous compter sur votre détermination à poser les premières pierres de l’aide sociale unique plafonnée ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Nous sommes effectivement disposés à travailler sérieusement sur un projet d’aide sociale unique ; c’est une question de lisibilité et de simplicité, mais aussi de lutte contre les éventuels abus, donc de justice. La démarche nécessitera d’abord un important travail technique au vu de la multitude de bases de données et d’acteurs impliqués – certaines aides sont gérées à l’échelon local. Il nous faut donc commencer par mettre tout le monde autour de la table avant de commencer à fabriquer l’outil, pas à pas. Le débat sur le montant se tiendra dans un second temps, le moment venu.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les heures supplémentaires font déjà l’objet d’une exonération fiscale – dans la limite de 7 500 euros –, dont le coût atteint 2 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 2,3 milliards d’exonérations de charges salariales et 0,8 milliard d’exonérations de charges patronales. Au total, les exonérations se montent donc à 5 milliards. La CSG, qui, par principe, s’applique aux heures supplémentaires comme à l’ensemble des revenus, rapporte quant à elle 2 milliards.
Les personnes qui bénéficieraient le plus d’une suppression du plafond, que peu d’ouvriers et d’employés atteignent, seraient les cadres. Il y a donc un choix politique à faire : peut-être y a-t-il des mesures mieux ciblées à prendre pour améliorer le pouvoir d’achat de la classe moyenne – puisque je crois comprendre que c’est là votre objectif. Pour information, si nous supprimions la CSG sur les heures supplémentaires, il en résulterait un gain d’environ 300 euros par an pour les ouvriers et les employés, contre 400 à 500 euros pour les cadres.
M. Hendrik Davi (EcoS). Au terme de la lecture du PLFSS 2026, un constat s’impose à moi : vous n’aimez vraiment pas les gens.
Vous n’aimez pas les retraités, comme le montrent le gel des pensions de retraite en 2026, la sous-indexation par rapport à l’inflation prévue jusqu’en 2030 et le gel du barème de la CSG.
Vous n’aimez pas les malades, ce dont témoignent le doublement des franchises sur les médicaments et la création de nouvelles franchises pour qui doit se rendre chez le dentiste ou bénéficier de prothèses ou de béquilles.
Vous n’aimez pas les personnes en situation de handicap, puisque vous prévoyez de baisser le montant de l’AAH de près de 100 euros et d’étendre la tarification à l’activité aux établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des enfants en situation de handicap. Ces derniers verront défiler une multitude d’intervenants, chacun chronométrant ses actes pour mieux les enregistrer dans des tableaux Excel que seul un diplômé de Polytechnique peut comprendre.
Vous n’aimez pas les apprentis : la taxe Zucman pour les milliardaires, c’est non, mais la taxe Lecornu pour les apprentis qui vivent avec moins de la moitié du Smic, c’est oui !
Vous n’aimez pas les travailleurs : vous voulez réduire les indemnités pour les salariés en dépression ou les caissières et les ouvriers du bâtiment atteints de troubles musculo-squelettiques, limiter à trente jours la durée de l’arrêt de travail initial – alors que la Haute Autorité de santé ne référence pas moins de trente-sept pathologies qui nécessitent un arrêt plus long – et réduire la durée maximale pendant laquelle les victimes d’un accident du travail perçoivent des indemnités journalières, ce qui diminuera mécaniquement leur indemnisation. Vous ne faites pas contribuer les multinationales, mais vous voulez soumettre à cotisation les chèques-restaurants – tout un symbole.
Vous n’aimez pas non plus les soignants : vous entendez sanctionner les médecins qui n’ont pas le temps de remplir le dossier médical partagé (DMP). La hausse de l’Ondam que vous proposez – 1,6 % – est très insuffisante et promet, selon la Fédération hospitalière de France, la pire cure d’économies jamais vue. Rien n’est prévu pour former et recruter davantage de médecins, d’infirmières et d’aides-soignantes, rien non plus pour revaloriser les salaires.
En revanche, vous aimez les plus riches et les grandes entreprises, à qui vous ne demandez strictement aucun effort. Pourtant, le déficit de la sécurité sociale n’est pas dû à des dépenses excessives, mais à un manque de recettes. Sur ce point, je suis vraiment en désaccord avec ce qui a été dit par les ministres. Les dépenses de santé sont stables : entre 2014 et 2024, elles sont passées de 11,3 % à 11,4 % du PIB.
L’effort doit être supporté par les plus riches et les grands groupes. Par nos amendements, nous proposerons donc de supprimer les exonérations de cotisations sociales au‑delà de deux Smic ; de soumettre à cotisation l’intéressement, la participation et les heures supplémentaires et complémentaires ; de porter à 12 % le taux de CSG sur les revenus du patrimoine ; de créer une contribution sur les retraites chapeau, les fonds de pension et les successions ; d’augmenter les contributions sur les produits sucrés et ultra-transformés, l’alcool et le tabac. Si nos amendements sont adoptés, la sécurité sociale percevrait au total près de 22 milliards d’euros de plus – largement de quoi éponger le déficit, augmenter l’Ondam de 3,5 % et abroger la réforme des retraites.
Face aux profits pharaoniques de l’industrie pharmaceutique, aux pénuries honteuses de médicaments et aux déserts médicaux, vous ne faites presque rien. Nous proposons depuis des années la création d’un véritable service public du médicament et le développement de centres de santé publics dans l’ensemble du territoire. Qu’en pensez-vous ?
Enfin, le groupe Écologiste et Social estime que votre choix d’intégrer la suspension de la réforme des retraites dans ce projet de loi indigne pour nous forcer à le voter n’est qu’un piège inique.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Les débats ne font que commencer : le projet qui vous est soumis n’est qu’un point de départ. Nous examinerons vos propositions avec intérêt. En revanche, et j’y tiens particulièrement, ce projet met l’accent sur la responsabilité collective et individuelle. Chacun doit faire un effort pour pérenniser notre système de sécurité sociale. Or ce que vous proposez ne le permet pas. Les dépenses de santé, contrairement à ce que vous avez indiqué, ont progressé – de 66 milliards d’euros par an par rapport à 2019.
Les forfaits de responsabilité – terme que je préfère à celui de franchises – obéissent effectivement à une logique de responsabilisation individuelle. J’insiste également sur le fait qu’ils préservent les plus fragiles, puisqu’un Français sur trois n’y est pas assujetti. Nous pourrons discuter des populations qui devront être concernées, mais l’idée que des gens comme vous et moi consacrent 42 euros supplémentaires à leurs frais de santé chaque année ne me paraît pas choquante.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur le député, vous proposez de relever le taux de CSG de 1 point afin d’augmenter les recettes de 20 milliards d’euros.
M. Hendrik Davi (EcoS). Ma proposition concernait uniquement la CSG sur les revenus du patrimoine.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mais pour collecter une telle somme, il faudrait une hausse massive qui toucherait l’ensemble des épargnants. Les travailleurs, les retraités, les personnes en arrêt maladie payent tous la CSG. Je reviendrai vers vous sur ce point avec des chiffres précis.
M. Philippe Vigier (Dem). Notre groupe aborde cette discussion avec pour principale ambition de doter la sécurité sociale d’un budget – c’est d’ailleurs pourquoi nous avons déposé très peu d’amendements.
En matière de prévention, quand parviendrons-nous enfin à un partage entre le périmètre des mutuelles et celui de l’assurance maladie qui permettrait de réelles économies ?
S’agissant des prix des médicaments, nous devons arrêter avec les coupes auxquelles nous procédons incessamment depuis 2014 : elles mettent l’industrie du médicament en grand danger et accentuent des carences désormais très nombreuses.
J’ai bien noté qu’il était question de faire évoluer le dispositif des ALD non exonérantes, pour un montant qui devrait être compris entre 2 et 3 milliards d’euros. Rappelons que la prise en charge des patients en ALD représente 170 milliards d’euros, soit 82 % des dépenses d’assurance maladie. Les assurés qui entrent dans ce régime n’en ressortent jamais. Il faut agir.
Avez-vous évalué l’impact des trois coups de lame de rasoir prévus pour les retraites – le gel du barème, l’abattement forfaitaire de 2 000 euros et le fait que de nouvelles personnes seront soumises à l’impôt ?
Afin d’améliorer le pouvoir d’achat, êtes-vous prêts à étudier la possibilité de supprimer les dernières charges sociales qui pèsent encore sur les salaires, en les compensant par une hausse de la CSG ou de la TVA ?
La France est le seul pays au monde où personne ne sait combien il coûte à la sécurité sociale chaque année. Communiquera-t-on enfin aux assurés sociaux le montant des prestations sociales dont ils bénéficient ? Dans le même ordre d’idées, l’utilisation de l’application Mon espace santé deviendra-t-elle obligatoire, ce qui permettrait d’améliorer le suivi des patients, donc de gagner en efficience et en transparence ?
Enfin, une loi de programmation pluriannuelle est indispensable pour revoir l’architecture de notre système de santé et refonder la sécurité sociale.
Mme Stéphanie Rist, ministre. La création du parcours d’accompagnement préventif est une réforme structurelle qui doit éviter à de nombreux malades d’entrer dans le régime d’ALD. Ce parcours sera bien financé en partenariat par les organismes complémentaires et l’assurance maladie obligatoire.
Un effort est effectivement demandé à l’industrie pharmaceutique pour réduire le prix des médicaments de 1,6 milliard d’euros, tout comme des efforts sont demandés aux assurés et aux organismes complémentaires.
J’espère que chacun ici a créé son espace santé : il s’agit d’un outil très intéressant et utile pour avoir accès à ses données de santé. Le PLFSS prévoit effectivement de contraindre les professionnels à remplir le DMP, dont on sait qu’il permet d’améliorer la prise en charge du malade et la pertinence des soins, donc les comptes de la sécurité sociale.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La ligne de notre groupe est claire : dire la vérité aux Français sur la situation budgétaire de notre pays comme sur la nécessité de travailler mieux et plus et refuser les mesures qui mettraient en péril l’avenir de nos enfants.
Le Premier ministre a annoncé vouloir suspendre la réforme des retraites. Quel sera le coût exact de cette mesure pour l’État et la sécurité sociale en 2026 et 2027 ?
L’article 10 prévoit de simplifier la régulation du secteur des médicaments. Si l’intention – donner de la visibilité aux fabricants et rendre à la clause de sauvegarde son rôle originel – est tout à fait louable, nous ne disposons d’aucune étude d’impact. Dans un pays où le prix des médicaments est l’un des plus bas d’Europe, quels seront les perdants et les gagnants de cette réforme ? Est-on certain qu’elle ne pourra pas donner lieu à une double taxation des fabricants ?
L’article 34 comporte plusieurs réformes techniques relatives aux dispositifs d’accès précoce, d’accès compassionnel et d’accès direct. Ont‑elles fait l’objet d’une concertation avec les acteurs du secteur ? Répondent-elles réellement à leurs besoins et surtout à ceux des patients ?
L’article 35 prévoit l’expérimentation d’une procédure de référencement national pour certains médicaments génériques. Ce système ne pourrait-il pas renforcer la concentration de l’offre de médicaments, au risque d’une plus grande exposition aux pénuries ?
Pouvez-vous décrire concrètement le cadre expérimental de lutte contre le gaspillage des médicaments dans les établissements de santé prévu à l’article 32 ? Dans quelle mesure cette expérimentation de redispensation pourrait-elle être étendue aux officines de ville ?
L’article 24 vise à lutter contre les phénomènes de rente au sein du système de santé, notamment en radiothérapie et en imagerie. Vise-t-il davantage les activités de ville ou les hôpitaux ?
Enfin, j’insiste sur la nécessité d’aller vers la création d’une allocation sociale unique. Ma collègue Sandrine Runel et moi-même y avons, à l’issue d’une mission « flash », consacré un rapport que nous avons rendu en juillet dernier. Le précédent gouvernement s’était engagé à présenter un projet de loi avant la fin de l’année. Où en sommes-nous ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. S’agissant du coût de la suspension de la réforme des retraites, le Premier ministre a donné de premiers ordres de grandeur. Les caisses concernées sont en train d’affiner les chiffres. Le processus sera finalisé avant le passage du texte en Conseil des ministres jeudi et nous vous transmettrons ces éléments dès que possible.
Pour ce qui est de l’ASU, nous avons vraiment l’intention d’avancer. Déposer un projet de loi avant la fin de l’année me paraît un peu ambitieux, mais nous allons former un groupe de travail, fixer un calendrier et définir un programme qui nous permettra de travailler sur la partie technique avant d’ouvrir le débat sur le montant de l’allocation.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Il n’y a pas de double taxation pour le médicament. Nous prenons une mesure de simplification en revenant au rôle originel de la clause de sauvegarde. La taxe, assise uniquement sur le chiffre d’affaires brut, sera beaucoup plus prévisible.
S’agissant des rentes, la Cnam a pris la décision de baisser les tarifs de radiologie par palier car les négociations sur la maîtrise des dépenses de radiologie qu’une disposition de la LFSS de l’année dernière avait décidé d’ouvrir ne sont pas parvenues à leur terme. Nous espérons bien sûr qu’elles pourront reprendre.
Quant à l’expérimentation relative à la redispensation de médicaments non utilisés, elle répond à une demande d’Unicancer ; centrée sur les médicaments onéreux, elle sera entourée de toutes les précautions nécessaires.
M. Paul-André Colombani (LIOT). La mesure la plus importante à nos yeux est la suspension de la réforme des retraites, réforme injuste à laquelle notre groupe s’est toujours opposé. Cette suspension est absente du texte. Le Gouvernement ne peut se dérober face aux attentes qu’elle suscite. Le Premier ministre vient d’annoncer que, grâce à une lettre rectificative, elle sera intégrée dans une nouvelle version du PLFSS. Quelles en seront les modalités et les contreparties ? Quel calendrier est prévu ?
Le budget de la sécurité sociale nous inquiète. Si nous partageons vos préoccupations s’agissant des comptes, nous refusons que les économies reposent sur les plus modestes et les travailleurs, au détriment de leur pouvoir d’achat. Il est inacceptable de geler les prestations sociales et les retraites, qui sont des filets de solidarité essentiels pour lutter contre la pauvreté. La sous-revalorisation des retraites pour cinq ans accentuera les inégalités. Envisagez-vous au moins de limiter cette mesure aux pensions les plus élevées pour épargner les plus modestes ?
Nous nous opposerons également à la réforme précipitée de l’exonération issue de la loi d’orientation pour le développement économique des outre-mer de 2009, dite Lodeom, qui fragilisera les entreprises implantées en outre-mer, ce qui aura des conséquences négatives sur l’emploi.
Plus inquiétant encore, vous semblez vouloir réaliser des économies au détriment de la santé. L’Ondam atteint un niveau historiquement bas alors même que nos établissements de santé peinent à fonctionner.
Notre groupe se prononcera, en outre, contre les mesures qui détériorent l’accès aux soins au prétexte de responsabiliser les acteurs. Vous limitez la durée des arrêts maladie et voulez mettre fin au régime des ALD non exonérantes, mais vous ne proposez rien pour agir sur les causes, telles les maladies chroniques ou les conditions de travail. Votre choix d’augmenter les franchises et participations financières fragilisera encore les plus modestes. Alors que l’inflation pèse déjà lourdement sur les ménages et que le reste à charge ne cesse d’augmenter, chaque euro supplémentaire devient un obstacle pour les patients précaires et aggrave le renoncement aux soins.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Ce PLFSS est une copie de départ sur laquelle travailler. Nous pourrons débattre notamment de la limitation de la durée maximale des arrêts de travail. S’agissant de l’Ondam, son niveau est en effet bas, mais il faut aussi prendre en considération ses composantes. L’Ondam hospitalier, s’il est fortement contraint, augmente ainsi de 2,6 milliards d’euros, ce qui nous permettra de préserver les mesures nouvelles consacrées à la pédopsychiatrie, à la psychiatrie ou aux unités de soins palliatifs.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La suspension de la réforme des retraites dégagera un temps utile pour reposer les termes du débat. Nous acceptons le principe d’une remise à plat. La conférence consacrée au travail et aux retraites qui s’ouvrira fin novembre avec les partenaires sociaux permettra de rouvrir les discussions pour six mois. Vous disposerez donc d’une fenêtre pour faire à nouveau des propositions. Nous verrons bien si nous sommes capables de converger.
La lettre rectificative, qui doit être adoptée jeudi en Conseil des ministres, fixera dans le texte du PLFSS les modalités de la suspension, sur la base de calculs qui sont en train d’être affinés. Nous disposerons des montants, qui devront faire l’objet de compensations. Nous pourrons donc débattre de tout cela.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous abordons l’examen du PLFSS au lendemain de la célébration du quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale. Chacun a pu dire à cette occasion son attachement à notre modèle de protection sociale. Pour ma part, je suis convaincu qu’il est grandement maltraité, au détriment de ceux par qui et pour qui il existe, à savoir chacun d’entre nous.
Je pars de l’idée qu’il manque des recettes. Les trois hauts conseils saisis conjointement en mars dernier par François Bayrou, ont rappelé qu’elles étaient un élément constitutif de la sécurité sociale. Selon eux, il est tout à fait possible de bâtir une stratégie cohérente et juste, inscrite dans la durée, pour rétablir les comptes sociaux et de proposer des solutions répartissant équitablement la charge de l’effort sans renoncer à la couverture des besoins, en particulier ceux des populations les plus vulnérables. Oui, chers ministres, il est tout à fait possible d’être financièrement responsables et socialement ambitieux.
L’année dernière, un consensus s’était établi au sujet de l’Ondam et des lois de financement : nous arrivions au bout d’une pratique. À quand des lois de programmation pluriannuelles ?
La Fédération hospitalière de France a transmis à vos prédécesseurs au printemps dernier un programme détaillé de ce que serait une loi de programmation pour nos hôpitaux et nos établissements sociaux et médico-sociaux. Cette proposition reste lettre morte alors que les trois hauts conseils l’ont relayée. Tout se passe comme si ces rapports, ces diagnostics n’existaient pas : ce budget ressemble à ceux qui l’ont précédé. Toutefois, il est encore plus austéritaire, avec ses 7 milliards d’euros d’économies principalement à la charge des assurés sociaux et un Ondam historiquement bas, fixé à 1,7 %. Si ce dernier chiffre est légèrement supérieur à l’inflation, estimée à 1 %, il est très inférieur à l’augmentation naturelle des dépenses, évaluée à 4,5 %, soit 10 milliards d’euros en l’absence de mesures de réduction. Il ne faut pas être un grand comptable pour savoir que ce budget creusera un peu plus le déficit de nos hôpitaux, qui culmine à plus de 2,8 milliards, et de nos Ehpad et qu’il affectera lourdement la qualité de l’accès aux soins.
Ce n’est pas parce que vous allez réduire les droits relatifs aux arrêts de travail qu’il y aura moins de malades, moins de maladies professionnelles et moins d’accidents du travail. De la même manière, il n’y aura pas moins d’affections de longue durée parce que vous allez rogner les droits des personnes qui sont atteintes d’ALD non exonérantes. Et la paupérisation de notre société ne ralentira pas parce que vous allez geler l’ensemble des prestations sociales, bien au contraire.
Sur le fond, ce budget pas plus que les précédents n’affronte les enjeux véritables, ceux qui sont au cœur de la sécurité sociale : le financement solidaire par la cotisation sociale, la préservation de l’accès aux soins et la réponse aux besoins sociaux pour tous. Toutes les mesures budgétaires qui ne correspondent pas à une politique publique de santé n’ont finalement pas grand sens quand elles ne servent pas un projet de société. Or les Français ont besoin de ces perspectives. Voici des débats qui nous paraissent urgents et utiles pour l’avenir de la sécurité sociale et que nous tenterons d’aborder chaque jour durant l’examen du PLFSS.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Au fond, la question que vous posez est la suivante : doit-on acter collectivement que notre objectif est d’accompagner la croissance des dépenses sociales et chercher les recettes correspondantes ? Le taux de croissance de l’Ondam voté l’année dernière, de 3,4 %, a été dépassé en exécution, pour atteindre 3,6 %. Si je vous comprends bien, il faudrait viser un rythme de croissance des dépenses de 3,5 % au lieu des 2 % que nous sommes en train de construire compte tenu des différentes ouvertures que nous envisageons. Peut-être que pour une seule année, il est possible de prélever les recettes correspondantes, mais serait-ce possible chaque année ? Comment trouver des recettes pour combler l’écart entre une augmentation de 4 % de nos dépenses de santé et une croissance de seulement 2 % de notre économie ? C’est une question de soutenabilité.
M. Davi a affirmé que nous n’aimions pas les gens. Sans faire de populisme de bas étage, je lui répondrai que nous devons aimer nos enfants. Ils vont hériter d’un monde où ils ne pourront plus faire des choix pour le budget de la sécurité sociale. Les charges d’intérêt, de 74 milliards d’euros l’année prochaine, vont passer à 100 milliards avant la fin de la décennie, à raison d’une augmentation de 8 milliards chaque année. Et ces milliards supplémentaires que nous devons donner à nos créanciers, je n’ai pas encore de recettes nouvelles pour les financer. Voulons-nous générer des recettes au-delà du niveau que nous permet d’atteindre notre évolution économique pour financer une hausse des dépenses très supérieure à notre croissance ? C’est une question fondamentale.
M. Éric Michoux (UDR). Sandrine Runel a posé une question très intéressante : comment allez-vous concrètement financer le système des retraites ? J’aurais tendance à dire qu’il fallait se poser la question avant de pousser à la suspension de la réforme. Il y a plusieurs possibilités : la répartition, solution sur laquelle on se penche depuis des années sans aboutir ; l’augmentation du nombre d’heures travaillées pendant un nombre d’années défini ; l’augmentation du nombre d’années travaillées sans modification du nombre d’heures travaillées. Il s’agit de trouver un équilibre.
Il y a une autre possibilité dont on parle rarement et que nous défendons à l’UDR, c’est la capitalisation. Je vais partir de mon expérience personnelle en tant que dirigeant d’un groupe familial dont 100 % des capitaux sont français : les résultats sont réinvestis et contribuent à redistribuer de la richesse dans notre pays. Si les capitaux d’une entreprise appartiennent à un fonds de pension étranger, les salariés risquent de travailler pour des retraités américains. Allons plus loin : si un grand groupe industriel, qui bénéficie du crédit d’impôt recherche, est détenu par un fonds de pension, ce sont les contribuables français qui paient les pensions de retraités américains.
Je donnerai un exemple chiffré. Prenons le cas d’une personne dont le salaire serait de 3 000 euros. Avec une cotisation de 900 euros et une capitalisation à 3 %, sa retraite passerait de 1 800 euros à 2 200 euros. Avec une capitalisation à 9 %, elle atteindrait 3 100 euros. La capitalisation permet donc d’obtenir une pension bien supérieure à celle qui résulte de la répartition. Ce système existe déjà en France, dans la fonction publique : la retraite additionnelle de la fonction publique affiche un rendement extraordinaire de 4,2 %. Pourquoi n’allons-nous pas davantage dans cette voie ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Cette question sera abordée lors de la conférence sur le travail et les retraites. Nous ferons preuve d’honnêteté intellectuelle et nous examinerons tous les systèmes : le système par capitalisation, en nous demandant comment il fonctionne et qui paie quoi ; le système par répartition, qui est notre régime historique, en nous demandant si on peut le sauver et comment ; le système par points, également, qui a ses partisans. Nous nous tournerons aussi vers ce que font les autres pays européens. Nous nous ouvrirons à d’autres formes de construction des régimes de retraite en nous interrogeant sur leur résistance face aux enjeux stratégiques auxquels nous sommes confrontés, notamment l’évolution démographique. Vous aurez l’occasion de défendre votre point de vue.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Jean-François Rousset (EPR). Les dépassements d’honoraires suscitent régulièrement des interrogations. Le rapport « Charges et produits » de l’assurance maladie pour 2026 fait apparaître un chiffre préoccupant : 4,5 milliards d’euros de dépassements d’honoraires sont supportés par les patients directement ou indirectement, par l’intermédiaire des complémentaires santé. Le Hcaam a publié un état des lieux mettant en évidence une progression régulière du nombre de jeunes médecins s’installant en secteur 2 : 56 % des praticiens exercent dans ce secteur en 2024 contre 37 % en 2000. Cette évolution nous pousse à nous interroger sur l’équité d’accès aux soins et la soutenabilité du système pour les assurés.
S’agissant toujours des dépassements d’honoraires, je souhaite vous alerter sur l’article 26 du PLFSS, qui propose de les soumettre à une cotisation additionnelle. Cette mesure, bien qu’elle soit destinée à encadrer ces pratiques, risque d’avoir un effet inflationniste en incitant les praticiens à augmenter encore leurs honoraires pour compenser la perte de revenus.
Madame la ministre de la santé, avec Yannick Monnet, nous nous tenons prêts à remettre notre rapport sur les dépassements d’honoraires dans les professions de santé. Nous souhaitons traduire dans le PLFSS les propositions concrètes qu’il contient en déposant des amendements visant à réduire ces dépassements : il s’agit pour nous de favoriser l’accès aux soins facturés aux tarifs opposables et d’enrayer l’augmentation des installations en secteur 2.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je serai ravie d’assister à la remise prochaine de votre rapport au Premier ministre. Les dépassements d’honoraires grèvent les finances de nos concitoyens et le budget que nous construisons fait appel à la responsabilité collective : au-delà des assurés, nous comptons sur les professionnels de santé, les laboratoires pharmaceutiques et les organismes complémentaires. Nous pourrons faire, je l’espère, évoluer la copie grâce à vos apports en partant des mesures comprises dans cette version initiale.
M. Didier Le Gac (EPR). En tant que rapporteur pour avis de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux, je ferai part de trois préoccupations.
La première concerne les effectifs de France Travail, que le projet de loi de finances prévoit de réduire de 500 ETP, alors que les agents ont dû absorber l’inscription de 1,5 million de bénéficiaires du revenu de solidarité actives (RSA), comme le prévoyait la loi du 18 décembre 2023 pour le plein-emploi.
La deuxième porte sur l’insertion par l’activité économique (IAE), qui subit une baisse de 540 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cela inquiète beaucoup les associations qui accompagnent dans ce cadre les publics très éloignés de l’emploi – la moitié des personnes embauchées sont bénéficiaires du RSA.
Ma troisième préoccupation, c’est l’apprentissage, dont les crédits baissent de 30 % en autorisations d’engagement. Vous avez insisté, monsieur Farandou, sur un resserrement autour des formations utiles à l’emploi. Nous sommes à votre disposition pour travailler avec vous, mais il faut vraiment faire attention à ne pas déstabiliser un secteur qui fonctionne bien. Nous sommes très fiers que le nombre d’apprentis soit passé de 300 000 à 1 million en quelques années : il ne faudrait pas casser cette dynamique.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. La solidarité, au cœur de l’intitulé de mon ministère, consiste à ramener vers l’emploi des gens qui ont des difficultés. Nous avons mis en place un ensemble de dispositifs qui remplissent cette mission et ils fonctionnent bien.
France Travail est le bras armé de cette politique, avec 55 000 agents et un budget de 12 milliards d’euros. De gros moyens ont été déployés et nous ne le regrettons pas, d’autant qu’il y avait une impulsion à donner. L’efficacité de ce service et l’adéquation des moyens par rapport aux objectifs relèvent presque d’un débat interne comme il peut y en avoir au sein d’une entreprise, puisque France Travail relève de mon ministère. Il est normal que j’aie avec son directeur, qui est très actif, une discussion pour bien mesurer avec lui comment il peut exercer ses missions. Je m’engage à le faire, ce n’est pas un tabou. Pour ce qui est des effectifs, il faut rapporter les 500 ETP que vous évoquiez au nombre total d’agents, qui est de plus de 50 000 : cela ne représente même pas 1 %. Les moyens avaient beaucoup augmenté car il fallait lancer une dynamique. À présent, nous abordons une période d’atténuation de la bosse, comme dans d’autres domaines. Ces mesures me semblent réalisables : elles ne nuiront pas à l’efficacité du dispositif. Voilà notre philosophie. Nous sommes prêts, bien sûr, à discuter d’autres possibilités.
Pour l’IAE, il s’agit d’une évolution semblable : après que le dispositif a pris son envol, nous procédons à des ajustements.
S’agissant de l’apprentissage, j’ai déjà apporté des réponses. Je redis que c’est un bon système. L’augmentation du nombre d’apprentis est une réussite, pour les entreprises comme pour les jeunes gens qui ont trouvé grâce à ce dispositif un moyen de se former. La doctrine est conservée, il n’y a aucun doute là-dessus. En vue d’une plus grande efficacité, nous procédons là aussi à des ajustements, qui seront à discuter avec les centres de formation d’apprentis. Le recentrage autour des formations utiles à l’emploi est nécessaire. Nous pourrons bien sûr débattre, notamment du quantum d’économies qui paraît raisonnable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Le médicament représente seulement 10 % des dépenses de l’assurance maladie mais, chaque année, il doit contribuer toujours plus aux économies : il concentre 40 % des efforts demandés. Qu’en est-il, madame la ministre, de la souveraineté, enjeu mis en relief par la crise sanitaire ? Comment tenir compte de la territorialité ? Comment éviter la disparation des spécialités devenues matures, donc les pénuries ?
L’article 34 porte sur les dispositifs d’accès dérogatoire. Le dispositif d’accès précoce pour les traitements innovants est une réussite que tout le monde nous envie, mais si nous avons dû le mettre en place, c’est parce que les délais d’autorisation étaient beaucoup trop longs. Les délais d’instruction des demandes ne sont plus que de 77 jours contre 600 auparavant. Quant au dispositif d’accès direct, inspiré de l’expérience allemande, il n’a été expérimenté en France que sur six produits. S’il est élargi à un plus grand nombre de médicaments, nous risquons d’avoir de gros problèmes. Ce sera une régression. Les médecins et les laboratoires que j’ai pu interroger ainsi qu’Unicancer s’accordent pour dire que nous aurons moins de médicaments et que nous perdrons en efficacité pour les traitements innovants.
Mme Stéphanie Rist, ministre. En matière de clause de sauvegarde, notre objectif est de pouvoir en faire usage si un contexte exceptionnel le justifie et de la simplifier. La taxe est rendue plus prévisible car elle est uniquement assise sur le chiffre d’affaires brut, ce qui est de nature à préserver certains traitements matures.
S’agissant de l’accès précoce, nous pourrons avoir un débat et faire évoluer la copie.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Depuis plusieurs jours, je reçois des courriels de personnes malades qui ont bien compris que les franchises médicales allaient augmenter et qu’elles auraient à payer jusqu’à 100 euros. Personnellement, je me demande parfois quoi leur répondre. Compte tenu du caractère forfaitaire des plafonds annuels que vous prévoyez, les pauvres paieront plus que les riches, comme d’habitude en Macronie. Madame Rist, vous avez désigné ces franchises par le terme de « forfaits de responsabilité », mais qu’est-ce que ça veut dire ? Pensez-vous que si l’on taxe les gens, ils modifieront leur système immunitaire et éviteront d’être malades ? Ils ne le choisissent pas. Ce n’est pas parce que vous leur ferez payer 2 euros de plus une boîte de médicaments qu’ils iront mieux. Il n’y a pas de responsabilité individuelle dans la maladie ; en revanche, il y a une obligation pour la puissance publique d’assurer la santé de tous. Dites-nous ce que doivent faire les gens pour continuer à se soigner quand ils n’ont plus que 5 ou 6 euros à la fin du mois : couper le chauffage, sauter des repas ? Que conseille le guide de survie macroniste quand on doit faire face aux franchises médicales ?
La semaine dernière, l’association Jeune & Rose a été accueillie en grande pompe par la Présidente de l’Assemblée nationale. Or vous n’avez toujours pas signé les décrets portant sur la création du registre national général des cancers et sur le remboursement des traitements du cancer du sein, mesure qui figure dans une loi qui remonte au mois de février – vous avez seulement annoncé que cela allait avancer, huit mois après. En revanche, vous trouvez le temps et l’énergie d’infliger des surcoûts à ces femmes atteintes d’un cancer du sein : elles devront payer plus pour les consultations, le transport sanitaire, les médicaments – le tamoxifène, notamment –, les éventuels soins psy, leurs traitements pour la peau, les cheveux, les problèmes digestifs, la pédicure et l’hygiène intime.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Vous l’avez constaté par les courriels que vous recevez, beaucoup de nos concitoyens sont inquiets. J’assume de dire qu’il s’agit d’un forfait de responsabilité, pour ceux qui peuvent payer – un tiers des Français n’auront pas à s’en acquitter. Le débat est ouvert pour savoir qui est concerné, des évolutions sont possibles, je le répète.
Oui, j’en appelle à la responsabilité individuelle. On peut en effet se demander pourquoi notre pays est au premier rang pour la consommation d’aspirine et de paracétamol, ce qui représente une dépense de près de1 milliard d’euros. On peut aussi se demander quel usage est fait de la possibilité d’aller voir aussi souvent qu’on le veut un médecin généraliste. Je ne nie pas qu’il s’agit d’une grande liberté, mais il faut rappeler qu’en 2023, plus de 16 000 patients ont vu plus de dix médecins généralistes différents au cours de l’année 2023. Cette responsabilité individuelle nous engage. En tant que ministre de la famille et de la santé, je dois protéger les plus fragiles ; c’est le sens des exonérations et du maintien des plafonds. Pour les personnes atteintes d’une maladie grave nécessitant beaucoup de soins, le plafond restera à 200 euros. En Belgique, le reste à charge par patient est de 400 à 4 000 euros par an. Malgré l’augmentation du montant du forfait de responsabilité, la France demeure le pays où l’on paye le moins. Si nous faisons ce choix, c’est pour construire un meilleur accès aux soins, grâce aux maisons France Santé, aux mesures du pacte de solidarité et à la poursuite des mesures structurelles de prévention. Ce forfait de responsabilité, qui épargne les plus fragiles, je l’assume, monsieur Clouet.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Antonin, infirmier au centre hospitalier universitaire de Limoges, m’interpellait dans la rue il y a une semaine. Il me disait que l’hiver dernier avait été catastrophique : il a été le déclencheur d’un grand nombre de départs parmi ses collègues. Sur une équipe de cinquante, vingt sont partis ou ont demandé une disponibilité. C’est presque toutes les semaines qu’on entend cette inquiétude s’exprimer ; je ne sais plus quoi dire aux soignants.
Le Parlement se débrouille. Nous avons voté une loi fixant le principe d’un nombre maximum de patients par soignant pour qu’Antonin et ses collègues n’aient plus vingt personnes chacun à prendre en charge. Neuf mois ont passé depuis sa promulgation et le ministère n’a toujours pas publié de décret. S’il ne s’agissait que d’attendre, nous pourrions tenir : il me suffirait de dire à Antonin que cela va venir, qu’en ce quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale, les jours heureux, ou moins nuageux, arrivent. Mais voilà, vous nous présentez un budget qui n’est ni fait ni à faire.
Il fait l’unanimité contre lui. Au-delà des syndicats et des collectifs, les fédérations hospitalières dans leur ensemble – y compris la Fédération de l’hospitalisation privée –, pourtant si modérées, ont signé un communiqué commun intitulé « Un budget qui met en danger l’accès aux soins ». Alors que 12 % des services d’urgences ont fermé cet été – citons Saint Yrieix-la-Perche, Landerneau, Agen, Carhaix, Lyon –, alors que le déficit global des hôpitaux atteint le niveau jamais dépassé depuis 2005 de 2,4 milliards d’euros, alors que les établissements hospitaliers doivent souvent choisir entre rénover et recruter, votre budget s’illustre par un grave sous-financement des besoins. Les charges des hôpitaux augmentent tous les ans de 4 % et vous proposez une hausse de leur budget de seulement 1,6 %. Selon les fédérations hospitalières, c’est 1,1 milliard qui manquera aux établissements de santé en 2026, soit l’équivalent du financement de 20 000 postes d’infirmiers. Non seulement c’est cuit pour l’amélioration du taux d’encadrement, mais vous agissez comme si tout allait bien à l’hôpital.
Les fédérations hospitalières insistent : « ce PLFSS signerait la pire cure d’économies sur l’hôpital depuis les années 2010 ». Les années 2010 pour l’hôpital, c’est ce qu’Amnesty International appelle la « décennie perdue » : les diverses réformes de l’hôpital menées dans les États membres de l’Union européenne dans le but de procéder à des économies ont abouti à la suppression de milliers de lits. D’immenses mouvements de grève ont eu lieu dans les hôpitaux en 2019. Pendant la crise sanitaire, face à l’adversité, la France a pu se rendre compte du désastre qui a résulté de toutes les économies réalisées : dégoût des soignants, brancards dans les couloirs, survenue d’incidents faute de prises en charge.
Pensez-vous vraiment que l’hôpital résistera à cette nouvelle spirale infernale ? J’ai entendu les arguments sur la soutenabilité et la recherche de ressources. Ce sont 80 milliards d’euros par an qui sont happés par les baisses de cotisations et d’impôts et par les exonérations d’impôts, qui ont doublé : n’est-ce pas là qu’il faut chercher les moyens au lieu de les prendre à l’hôpital ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je vais rectifier les chiffres que vous avez cités. Nous avons prévu une progression de l’Ondam hospitalier de 2,4 %, soit 2,6 milliards d’euros de plus pour les établissements, ce qui permettra de préserver les mesures en faveur de la pédopsychiatrie et de la psychiatrie. Nous nous sommes engagés à améliorer la prévisibilité en publiant les tarifs hospitaliers dès le 1er janvier. L’année dernière, comme le PLFSS n’avait pas pu être voté avant le 31 décembre 2024, la publication de ces tarifs, intervenue seulement au mois de mai, avait été très déstabilisante. Outre une transparence et une simplification accrues, les établissements hospitaliers ont tous besoin de plus de prévisibilité ; nous répondrons à leurs attentes en annonçant avant la fin de l’année des investissements pour la décennie à venir.
Mme Stella Dupont (NI). La baisse du plafond des remises commerciales sur les médicaments génériques place les pharmaciens dans une situation préoccupante. Cette mesure vient d’être suspendue, mais je partage leurs inquiétudes et je vous remettrai à l’issue de cette réunion un document recensant des pistes alternatives d’économies, issu des échanges que j’ai eus avec des pharmaciens de ma circonscription. Le dialogue me semble toujours préférable aux décisions incomprises et difficiles.
C’est surtout la question du financement de la dépendance liée au grand âge que je veux aborder. Nous connaissons tous le contexte : compte tenu du mur démographique, les financements restent insuffisants malgré les efforts consentis, les milliards ajoutés et la création d’une cinquième branche dédiée à l’autonomie. Pour éviter toute ambiguïté, je réaffirmerai ici mon attachement profond au recours à la solidarité nationale, mais face à l’écart grandissant entre les besoins et les contraintes budgétaires, je crois qu’il nous faut innover. Nous pourrions explorer la piste d’une assurance obligatoire inspirée des travaux du Comité consultatif du secteur financier. Un contrat dépendance solidaire, équitable et généralisé, permettrait de mieux répartir les coûts et de garantir une couverture adaptée en cas de perte d’autonomie. Pour avancer concrètement, j’ai déposé un amendement au PLFSS visant à évaluer l’intérêt social, économique et budgétaire de cette proposition sur laquelle j’aimerais, mesdames les ministres, avoir votre avis.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Pour la bonne information de la commission, je précise qu’un arrêté vient de suspendre pour plusieurs mois la mesure de baisse des remises commerciales prise dans un précédent arrêté. Une mission conjointe de l’Igas et de l’IGF est en cours. Elle permettra de déterminer comment mieux cibler ces baisses et éviter des répercussions trop importantes pour nos pharmacies rurales.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Le financement de la dépendance est un défi majeur. Nous n’avons pas encore anticipé le mur démographique de 2030 – après cette date, le vieillissement de la population s’accélérera et les baby-boomers auront plus de 85 ans.
Pour assurer ce financement, plusieurs outils existent. Vous en avez évoqué un. Nous explorons d’autres pistes, comme celle du viager solidaire et d’autres outils financiers simplifiés qui permettent de prendre en charge une partie des dépenses d’hébergement et des dépenses relatives à la dépendance.
Plus généralement, nous devons réfléchir à la manière dont notre système de protection sociale pourra relever ce défi. Nous avons évoqué la nécessaire loi de programmation sur le grand âge, qui reste à élaborer. Je souhaite que nous avancions rapidement sur ces chantiers.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Qui sont les grands absents de ce PLFSS ? Les infirmières et les paramédicaux. Pas une fois ne figure dans le texte le mot de revalorisation, ni celui d’infirmière. Ce sont pourtant celles-ci, en particulier les infirmières libérales, qui maintiennent l’accès aux soins dans les nombreux déserts médicaux et dans les départements ruraux. Désormais, 58 % disent vouloir s’arrêter ; pour toute réponse, elles récoltent le mépris.
La Macronie leur avait promis une reconnaissance et l’autonomie ; elle s’était même engagée à indexer la rémunération de leurs actes sur l’inflation, comme nous le proposons. Mais au lendemain même du vote de la loi sur la profession d’infirmier, elles ont subi un premier revers : vous avez décoté la rémunération des perfusions. Je vous laisse imaginer leur colère en découvrant six mois plus tard les projets de décrets d’application de la loi sur la profession d’infirmier : l’accès direct des patients aux infirmières est censuré par l’Ordre des médecins ; la prescription infirmière est réduite à peau de chagrin ; le master pour les infirmières scolaires est devenu lettre morte, etc.
Vous-même, monsieur le président Valletoux, avez dénoncé ce mépris envers le législateur : des dispositions votées et promulguées sont bloquées. Mesdames et monsieur les ministres, quand allez-vous respecter la volonté du Parlement ? Quand allez-vous revaloriser la profession, notamment les infirmiers diplômés d’État libéraux, dont la lettre-clef n’a pas bougé depuis quinze ans ?
Par ailleurs, nous constatons une explosion du nombre de cancers, de burn-out et de maladies professionnelles, mais aussi l’explosion de la pauvreté. On retiendra cette unique réponse de la Macronie en huit ans : la saignée. Des malades ont été radiés des dispositifs en raison d’effets de seuil résultant de calculs effectués au centime près pour économiser sur le dos des plus vulnérables. Qui vous a donné la légitimité pour dérembourser 115 millions d’euros sur les soins des personnes atteintes d’affections de longue durée ? Au nom de quoi vous autorisez-vous à maltraiter les gens à ce point ?
Un autre budget est possible. Tout est question de choix politique.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Les décrets relatifs à la loi sur la profession d’infirmier font l’objet d’une concertation et seront pris prochainement – vous pouvez me faire confiance à ce sujet.
Les négociations conventionnelles devraient reprendre rapidement ; je me suis entretenue avec le directeur général de la Cnam à ce sujet.
Nous serons attentifs à vos propositions visant à améliorer la santé de nos concitoyens et les conditions de travail des professionnels de santé, dans un cadre budgétaire qui permet de pérenniser la sécurité sociale – ne faisons pas croire des choses qui ne seraient pas vraies.
M. Christophe Bentz (RN). Vous proposez une désindexation partielle des pensions de retraite et des prestations sociales très dure pour les personnes handicapées, les familles, les retraités.
Il y a un an, le gouvernement de Michel Barnier est tombé pour moins que ça en s’entêtant à mener une politique profondément injuste. Cette désindexation était pour le Rassemblement national une ligne rouge ; elle le demeure. Grâce à la censure, les pensions de retraite ont augmenté de 2,2 % à compter du 1ᵉʳ janvier 2025. Non seulement vous réitérez cette erreur pour 2026, mais vous allez encore plus loin. Les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets.
Sous-revaloriser une prestation, c’est bien la désindexer : dans un contexte d’inflation et d’augmentation du coût de la vie, c’est pour les Français une perte sèche de pouvoir d’achat. Les Français – retraités, familles, personnes handicapées – ne doivent pas être les variables d’ajustement rendues nécessaires par les échecs des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron ; ils ne doivent pas être les victimes collatérales de vos erreurs budgétaires.
Allez-vous enfin écouter les oppositions et surtout les Français qu’elles représentent, qui rejettent cette injustice sociale aux lourdes conséquences ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’entends votre volonté de protéger le pouvoir d’achat des Français. Permettez-moi de rappeler quelques faits.
En 2024, nous avons, avec nos ressources publiques, augmenté les pensions de retraite de 25 milliards d’euros. En 2025, nous les avons de nouveau revalorisées de 10 à 12 milliards, soit une augmentation de 2,2 % au 1er janvier, alors que l’inflation n’a pas dépassé 1,1 % cette année. Nous avons donc bien protégé le pouvoir d’achat des retraités ; nous l’avons d’ailleurs mieux protégé que celui des actifs.
Or, dans un système par répartition, l’équation est simple : si nous protégeons plus le pouvoir d’achat des retraités que celui des actifs, cela signifie que ces derniers ont été plus ponctionnés que la croissance de l’économie. Autrement dit, nous avons affaibli le pouvoir d’achat des actifs au profit de celui des retraités.
Il n’est évidemment pas question de créer une quelconque opposition entre générations, mais de faire en sorte que les actifs comme les retraités participent de manière proportionnée à la reprise en main des comptes publics l’année prochaine.
Pour les actifs, cela se fera essentiellement par le gel du barème de l’impôt sur les revenus. Pour les retraités, cela prendra la forme du gel en valeur des pensions de retraite. Cela passera également par la stabilité des prestations sociales.
On peut se faire croire qu’on peut continuer comme avant et qu’on a les moyens de pérenniser un déficit de 5,4 %. Mais tous les pays qui s’en sont convaincus ont été confrontés à une crise – le Portugal, l’Espagne, l’Italie, la Suède ou le Canada. Or une telle crise provoque non pas un gel en valeur des pensions de retraite et des prestations sociales, mais des baisses de 5 %, 10 %, 15 % voire 20 %.
Nous demandons un effort collectif, il n’est pas question de le nier. Mais nous proposons que cet effort ne soit pas consenti uniquement par les actifs au bénéfice des retraités, mais qu’il soit partagé et réparti de façon homogène entre tous les Français. Ce faisant, nous serons en mesure de poursuivre nos politiques d’accès aux soins, de prévention, d’éducation, etc.
M. René Lioret (RN). Alors que nos compatriotes subissent de plein fouet une baisse de pouvoir d’achat et une dégradation de l’accès aux soins, le Gouvernement souhaite une fois encore faire porter l’effort sur les malades en doublant la franchise sur les médicaments.
Contrairement à ce qui est dit, ce n’est pas une mesure de responsabilisation mais une taxe sur la maladie. Elle ne pénalise ni les fraudeurs ni les profiteurs, mais les malades, qui n’ont d’autre choix que de se soigner. Rappelons qu’elle a été fixée à 0,50 euro à sa création en 2008 et qu’elle a déjà doublé en mars 2024 ; à peine dix-huit mois plus tard, il faudrait à nouveau la doubler pour atteindre 2 euros par boîte de médicaments ! Autrement dit, en dix‑huit mois, le Gouvernement la ferait grimper de 300 % par rapport à son niveau initial. Le coût d’une telle mesure pour un patient polymédiqué ou atteint d’une maladie chronique a-t-il été évalué ?
Vous justifiez cette décision en expliquant qu’il faut responsabiliser les assurés, mais les Français n’ont pas besoin d’être responsabilisés ! Ils sont déjà contraints par l’inflation et le coût de l’énergie : certains doivent choisir entre manger ou se chauffer ; quant aux déplacements, il n’en est même plus question pour d’autres. Cette mesure est une atteinte directe au pouvoir d’achat et à l’accès aux soins des Français, en particulier des plus modestes.
Permettez-moi de revenir sur la situation des retraités. Madame la ministre, vous avez parlé d’une revalorisation des pensions en 2024, mais pas de la désindexation intervenue en 2021, 2022 et 2023 ; au total, les retraités ont déjà perdu en pouvoir d’achat. Or il est désormais question de geler leurs pensions en 2026, avant une désindexation à compter de 2027 et jusqu’en 2030, ce qui entraînerait une perte de pouvoir d’achat d’environ 3 %. Autrement dit, les retraités verront leur pension stagner alors que leurs dépenses de santé augmenteront considérablement – ce sont eux qui ont le plus besoin de se soigner. Nos aînés subiront donc une double peine : moins de revenus et plus de charges.
De tout cela, les Français ont légitimement le droit de s’indigner. Mais le plus révoltant à leurs yeux, c’est que dans le même budget, l’aide médicale de l’État n’est pas remise en cause, même partiellement, même petitement, alors qu’elle atteint désormais 1,2 milliard d’euros. Jusqu’où irez-vous pour faire payer aux Français les déficits que votre politique a creusés ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Permettez-moi de rappeler qu’un tiers des Français ne paient pas la franchise sur les médicaments et ne seront pas concernés par son doublement : les plus fragiles et les plus précaires, qui bénéficient de la contribution complémentaire solidaire, les femmes enceintes et les mineurs.
Nous avons fait le calcul que vous évoquez : pour un patient souffrant d’une ALD impliquant des soins parmi les plus coûteux, cette mesure entraînerait une augmentation de 75 euros par an en moyenne. Au maximum, ce forfait est plafonné à 200 euros. Or tous les patients souffrant d’une maladie grave ne sont pas dans l’incapacité de s’en acquitter. De plus, il me semble que les retraités malades souhaiteraient également pouvoir consulter un médecin près de chez eux et sont favorables à une réforme structurelle de la prévention.
On peut responsabiliser les Français en leur demandant un effort supplémentaire à condition d’améliorer l’accès aux soins. Voilà ce que nous proposons.
Mme Sandra Delannoy (RN). Madame la ministre de l’action et des comptes publics, permettez-moi de vous demander des comptes sur la frilosité de certains organismes d’État quant au déploiement des outils d’intelligence artificielle dans la détection et la prévention de la fraude, qu’elle soit fiscale ou sociale.
Je ne rappellerai pas les chiffres, mais à l’heure où les finances françaises côtoient l’abîme, il me paraît urgent non seulement de détecter ces manœuvres, mais aussi de recouvrer les sommes indues. Le très intéressant rapport d’information sénatorial d’avril 2024 intitulé « IA, impôts, prestations sociales et lutte contre la fraude » souligne le contraste entre des organismes du secteur social très réticents à recourir aux technologies d’intelligence artificielle et la direction générale des finances publiques (DGFiP), pionnière et volontariste. Celle-ci a développé des outils performants de data mining et de deep learning pour détecter la fraude, comme le dispositif Foncier innovant. Les caisses de sécurité sociale semblent hésiter à franchir ce cap. Cela témoigne d’une certaine complaisance pétrie de bons sentiments ou d’une certaine pudeur à utiliser des outils performants et disponibles pour simplement appliquer la loi.
L’usage raisonné de l’intelligence artificielle dans un cadre juridique clair et transparent pourrait non seulement renforcer la lutte contre la fraude, qu’elle soit sociale ou fiscale, mais aussi contribuer à rétablir l’équité entre contribuables et allocataires, tout en améliorant le recouvrement des prestations indûment perçues.
Quelles actions concrètes le gouvernement entend-il mener pour favoriser la mutualisation des outils et des compétences entre la DGFiP et les organismes sociaux, voire automatiser le déploiement de ce genre d’outils ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce sujet devrait nous réunir de manière républicaine, parce que frauder revient à enfoncer un coin dans le pacte républicain. Certains Français paient en pensant que les règles sont respectées alors que d’autres se comportent comme des passagers clandestins.
J’ai pris mes fonctions le 23 décembre 2024 ; avec Catherine Vautrin, nous avons présenté en mars 2025 les résultats des politiques de lutte contre la fraude, menées en 2024. Nous sommes parvenues au même constat : l’existence, dans le champ social, d’un déficit d’outils, de règles et de mécanismes ayant la même efficacité que ceux appliqués dans le domaine fiscal.
Le projet de loi présenté la semaine dernière en Conseil des ministres vise précisément à améliorer la détection de la fraude. Depuis quelques années, la détection a déjà été nettement améliorée à la Cnam et par les Urssaf ; le nombre des sanctions en a été augmenté.
Nous publierons dans les prochains jours un rapport conjoint de l’IGF et de l’Igas sur la fraude sociale dont il ressort que, pour être appliquées, les sanctions doivent être clarifiées, simplifiées et automatisées. Il montre également à quel point l’efficacité des recouvrements a été améliorée dans la sphère fiscale grâce à des gels et à des saisies – des mesures de flagrance ; c’est la raison pour laquelle nous souhaitons déployer des mesures comparables dans la sphère sociale. L’approche actuelle consiste à signaler la fraude, ce qui laisse au contrevenant – particulier, praticien ou entreprise éphémère – le temps d’organiser son insolvabilité et de transférer ses fonds à l’étranger, si bien que lorsque la saisie des actifs est déclenchée, il n’y a plus d’argent. Cette approche explique l’important écart dans le champ social entre ce qui est détecté et ce qui est recouvré.
Je vous remercie d’avoir rappelé l’efficacité des agents de la DGFiP, qui travaillent avec plusieurs outils : l’Office national antifraude, un office commun à la douane et à la DGFiP, et l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l’organe de saisie des fonds issus du blanchiment. Il est frappant de constater que les réseaux qui fraudent la sécurité sociale sont souvent des réseaux de criminalité organisée – quasi mafieux. C’est pourquoi nous devons être intraitables.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le ministère du travail soutient pleinement cette initiative et ce projet de loi, dont nous attendons beaucoup de résultats.
Mme Angélique Ranc (RN). Je note avec satisfaction que la question de la natalité occupe une place importante dans ce budget. Nous pourrions être satisfaits de la création d’un congé supplémentaire de naissance, qui vise à résoudre les problèmes démographiques et de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, mais certaines zones demeurent floues.
Je passe rapidement sur l’aspect idéologique de l’exposé des motifs du projet de loi, qui ne se détache pas d’une logique dirigiste où l’État prétend savoir ce qui est le mieux pour ses citoyens et s’ingère encore une fois dans la vie quotidienne des ménages. Peu importe la manière dont le couple doit s’organiser pour le partage des tâches parentales et la façon de pousser les pères à s’impliquer davantage à long terme dans les tâches ménagères. Il importe en revanche de savoir quelles mesures financières concrètes vous souhaitez affecter à ce congé supplémentaire de naissance.
Or le texte reste assez flou sur le montant de l’indemnité. Pour le premier mois, il est indiqué qu’elle correspondra à une fraction des revenus d’activité antérieure, mais elle reste limitée par un plafond déterminé par un décret en Conseil d’État, sans plus de précisions. Pour le second mois, le montant de l’indemnité peut être dégressif, sans qu’on ait plus de détails. Notre inquiétude est légitime en l’absence de précisions sur le plafond et l’éventuel plancher pour les ménages les plus modestes.
Madame la ministre, vendredi 17 octobre, sur France 2, vous avez indiqué que ce congé serait plus court, mais mieux rémunéré que le congé parental. Nous sommes en droit de douter de l’ampleur du montant de cette allocation puisqu’avant de rétropédaler, l’exécutif envisageait initialement de l’instaurer pour remplacer le congé parental, qui peut durer trois ans.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le montant de la rémunération de ce nouveau congé parental et sur les conditions de son application ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Il ne s’agit pas de s’immiscer dans la vie des parents, mais de proposer un dispositif nouveau, attendu par les familles.
Ce congé dure un ou deux mois pour chacun des deux parents. La rémunération est égale à 70 % du salaire net pour le premier mois et à 60 % pour le second ; elle est donc très supérieure à celle du congé parental.
Ce congé supplémentaire est limité à deux fois deux mois ; en le cumulant aux congés maternité et paternité, le congé total est de six mois au maximum. Il peut être pris par les deux parents en même temps, mais ne peut être transféré de l’un à l’autre, pour des raisons évidentes d’égalité entre les femmes et les hommes. Son coût sera de 300 000 millions d’euros en 2026 et doublera en 2027.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Madame la ministre, vendredi dernier, la France a célébré la septième Journée mondiale des soins palliatifs. J’aimerais qu’un jour, nous puissions enfin célébrer l’accès réel à ces soins.
En avril 2024, Mme Vautrin présentait une stratégie décennale : dix ans pour garantir à chaque Français une fin de vie digne, sans inégalités territoriales. Belle promesse, mais dix ans pour réparer ce qu’on n’a pas su faire en trente ans, c’est déjà trop long.
On nous annonçait 1,1 milliard d’euros supplémentaires ; des chiffres bien calibrés et bien présentés. Mais entre les PowerPoint et la réalité dans les services hospitaliers, il y a un gouffre, dans lequel les familles tombent.
En 2023, vingt‑deux départements étaient toujours dépourvus d’unité de soins palliatifs. Mme Vautrin avait promis que neuf en ouvriraient une en 2024 et que tous seraient couverts en 2025. Finalement, trois unités seulement ont ouvert et d’autres ont même fermé, à Guérande et à La Roche-sur-Yon. C’est un peu comme remplir un seau percé en jurant qu’il sera plein demain.
On nous parle de justice, d’équité et de dignité, mais un Français sur deux seulement a accès aux soins palliatifs. Une moitié de la France meurt accompagnée, l’autre meurt seule. Voilà l’une des inégalités les plus insupportables et les plus silencieuses de notre République. Le changement promis en 2024 n’est pas à la hauteur, il est à la remorque ! S’agissant de la fin de vie, le retard n’est pas un détail technique, c’est une question d’humanité.
Madame la ministre, quand notre pays consacrera-t-il enfin les moyens nécessaires à ce que nos concitoyens aient une fin de vie digne ? Dans le PLFSS, quels crédits sont réellement consacrés à la mise en œuvre de la stratégie décennale ? Combien de temps faudra‑t‑il encore pour que la dignité humaine cesse d’être une promesse ? L’accès aux soins palliatifs pour tous et partout est un préalable indispensable à toute évolution des lois Leonetti et Claeys-Leonetti et à toute légalisation de l’euthanasie.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Dans le budget de la sécurité sociale, 100 millions d’euros sont consacrés au développement des soins palliatifs. En ce domaine, je reprends l’engagement total de mes deux prédécesseurs.
Toutefois, vos propos en témoignent, les financements ne suffisent pas pour garantir l’accès aux soins de manière générale ; il en faut donc davantage et c’est pourquoi nous confirmons, dans ce PLFSS, les promesses des deux dernières années. Mais il est parfois inévitable de fermer des services lorsque les médecins manquent. Nous nous efforçons de renforcer l’attractivité de certains métiers et les revalorisations afin d’augmenter le nombre de médecins formés.
M. Guillaume Florquin (RN). Le PLFSS 2026 affiche la volonté de renforcer l’autonomie des aînés et des personnes handicapées et de garantir leur dignité. Vous annoncez de nouvelles mesures sans les détailler et sans que nous en ayons eu connaissance. Toutefois, dans les faits, la branche autonomie demeure la grande oubliée de ce budget. Le texte établit ses dépenses à 43,5 milliards d’euros pour 2026, soit une progression inférieure aux besoins exprimés sur le terrain.
Les professionnels du secteur nous alertent sur l’insuffisance des revalorisations salariales, la hausse continue des charges et le manque criant de personnel. Les Ehpad publics et associatifs sont étranglés financièrement, les services d’aide à domicile manquent de bras et les départements, premiers financeurs, dénoncent une asphyxie budgétaire généralisée.
Cette situation est d’autant plus alarmante que la France vieillit rapidement : près de 22 % de la population a 65 ans ou plus et près de 3 millions de personnes connaîtront une perte d’autonomie d’ici à 2030. Ces chiffres augmentent chaque année, tandis que le coût de la dépendance, de l’hébergement, des soins et du reste à charge pèse toujours davantage sur les familles.
Dans de nombreux territoires, une place en Ehpad coûte plus de 2 000 euros par mois, alors que les soignants peinent à vivre de leur vocation, sans parler des 8 à 11 millions d’aidants familiaux, véritable pilier invisible de notre système. Ces derniers ne disposent toujours pas d’un statut unifié ni d’une indemnisation réellement protectrice.
Certes, l’allocation journalière du proche aidant indemnise le congé de proche aidant dans la limite de soixante-six jours par proche aidé, mais cela reste très insuffisant au regard de l’engagement humain et financier que cela représente. Le Rassemblement national plaide pour la création d’un statut renforcé et indemnisé du proche aidant, prévoyant un congé de douze mois tout au long de la carrière, une indemnisation proportionnée aux revenus, la déconjugalisation de l’aide ainsi qu’une indemnité mensuelle pour celles et ceux qui s’installent au domicile du proche dépendant. Parce qu’aider un parent dépendant, c’est aussi un acte de solidarité nationale qui mérite reconnaissance, stabilité et protection sociale.
Madame la ministre, ajuster à la marge les budgets ne suffit plus, il faut une réforme structurelle qui rapproche la branche autonomie des besoins humains et des réalités du terrain. À défaut, notre système, déjà fragilisé par le sous-financement, la démographie et la fatigue des personnels, s’effondrera sur lui-même, financièrement et humainement.
Vous savez comme moi que ces quelques mesures nouvelles ne répondront pas aux attentes des Français. Comment comptez-vous réviser la trajectoire financière de la branche autonomie pour tenir compte de l’explosion des besoins ?
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Les dépenses de la branche autonomie ont augmenté de 1,5 milliard d’euros en 2025 et aucun recul n’est prévu en matière d’investissements. Au contraire, nous continuons d’apporter des réponses, notamment la création des 50 000 solutions pour les personnes en situation de handicap. Parmi ces solutions figurent des mesures supplémentaires de répit. Citons également le décret relatif au baluchonnage, qui vient d’être pris : cette solution de répit, plébiscitée par nos concitoyens, permet la prise en charge d’un proche dépendant pendant plusieurs jours et plusieurs nuits.
La question de l’offre d’accompagnement se pose également. Cela concernerait notamment les 4 500 emplois supplémentaires dans les Ehpad, qui s’ajouteraient aux 10 000 emplois projetés pour l’année 2025. Mais, sans adoption du PLFSS, les nouvelles mesures ne pourront être appliquées et aucun emploi supplémentaire ne pourra être créé ; les modalités de renforcement des financements des Ehpad ne pourront pas non plus être mises en œuvre.
J’ai évoqué la fusion des sections soins et dépendance des Ehpad, qui concerne vingt-trois départements depuis quelques mois. L’adoption tardive de la LFSS 2025 a décalé la mise en œuvre de cette importante réforme. Après avoir été appliquée pendant une année pleine dans ces départements, elle sera généralisée à l’ensemble des départements l’année suivante. Elle s’accompagne de financements supplémentaires. Enfin, la révision des grilles Pathos a amélioré la prise en charge de la dépendance.
Par ailleurs, différentes mesures ont permis aux Ehpad de revoir le financement de l’hébergement, qui constitue un autre enjeu. Enfin, l’aide sociale à l’hébergement reste bloquée dans certains territoires, ce qui empêche de solvabiliser les Ehpad.
M. Serge Muller (RN). Dans le Bergeracois comme dans tant de territoires oubliés de la République, la situation en matière de santé mentale est devenue dramatique. Les habitants n’ont plus accès à des soins décents et les délais pour obtenir un rendez-vous en psychiatrie dépassent parfois six mois. Les services hospitaliers sont saturés et les soignants sont à bout de souffle. J’ai visité lundi dernier l’hôpital de Périgueux et je vous confirme qu’en Dordogne, nous manquons de lits, de personnel et de moyens. Pendant que les grandes annonces ministérielles se succèdent, sur le terrain, rien ne change.
La santé mentale a pourtant été proclamée grande cause nationale. Nous avons salué cette annonce, mais nous attendons des actes. La santé mentale n’est pas un luxe, sa préservation est une urgence nationale ; les Français des territoires ruraux vivent cette situation dramatique dans la solitude et l’indifférence.
Les gouvernements successifs ont abandonné la psychiatrie publique, fermé des lits et laissé partir nos praticiens à cause d’une politique budgétaire aveugle. Madame la ministre, je vous demande d’être la première à sauter le pas et d’agir pour garantir un véritable accès à la santé mentale, grâce à des médecins, des moyens et une présence de l’État à la hauteur des souffrances humaines.
La détresse psychique progresse dans nos campagnes, notamment dans le Périgord, tandis que le service public recule.
Mme Stéphanie Rist, ministre. La santé mentale voit son financement augmenter dans le PLFSS, mais cela ne peut suffire à améliorer la situation et à renforcer l’accès aux soins. Nous avons besoin de professionnels et, pour cela, nous devons augmenter le nombre de psychiatres, de pédopsychiatres et d’infirmiers en pratique avancée en psychiatrie.
Les précédents ministres de la santé ont lancé cette montée en charge, en partenariat avec les équipes concernées. Permettez-moi de saluer cette démarche, d’autant plus importante que la prévalence des pathologies en santé mentale a augmenté depuis l’épidémie de covid.
Nous avons bien conscience des enjeux en ce domaine et de la nécessité d’augmenter le budget qui lui est consacré. Le repérage précoce est également indispensable, tant pour les enfants que pour les plus âgés de nos concitoyens. À cet effet, la médecine de proximité est indispensable. Je le répète depuis le début de cette audition, il faut se montrer responsable dans le cadre de ce budget pour que soient possibles des mesures d’accès aux soins et de prévention, notamment grâce aux maisons France Santé que le Premier ministre s’est engagé à créer.
Je ne serai pas la ministre qui promettra de régler ce problème demain ; ce serait mentir aux Français.
M. Théo Bernhardt (RN). En juin dernier, votre prédécesseur, M. Neuder, avait affirmé devant la représentation nationale qu’il serait inconcevable de porter un coup d’arrêt brutal au thermalisme. Or à la mi-septembre, nous avons appris l’existence d’un projet de décret visant à réduire de 100 % à 65 % le remboursement des cures thermales pour les patients atteints d’une affection de longue durée. Depuis, nous sommes dans le flou, sans nouvelles de ce projet de décret et sans mesures explicites à ce sujet dans le PLFSS 2026.
Cette diminution frapperait 118 000 patients souffrant d’une ALD, alors que les assurés en ALD sont âgés de 65 ans en moyenne et, pour un tiers, issus de milieux modestes. Réduire le taux de remboursement à 65 %, c’est leur imposer un surcoût de 250 à 300 euros par cure, pour une économie de 25 millions, soit 0,01 % du total des dépenses de santé.
En contrepartie, nous assisterions à la destruction programmée d’un secteur économique dégageant 4,5 milliards d’euros de retombées économiques et fournissant 25 000 emplois dans 88 communes rurales, dont 71 % comptent moins de 5 000 habitants, comme celles de Niederbronn-les-Bains et de Morsbronn-les-Bains, dans ma circonscription.
Vous conviendrez que les habitants de nos territoires ruraux ne peuvent accepter cette double peine : être malades et voir leur accès aux soins réduit, être économiquement fragiles et subir la destruction d’un important secteur économique.
Ce projet de décret est-il toujours d’actualité ? Y êtes-vous favorable, madame la ministre ? Allez-vous vous montrer favorable aux amendements de votre camp politique portant atteinte au taux de remboursement des cures thermales ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Une mesure du PLFSS vise à faire rentrer dans le droit commun le remboursement du thermalisme ; nous aurons donc l’occasion de débattre de ce sujet, qui occupe cette commission au moins une fois par an, à l’occasion de l’examen du PLFSS. Je l’ai dit, le texte est une copie de démarrage.
Mme Annie Vidal (EPR). Les députés du groupe EPR soutiennent la trajectoire de retour à l’équilibre qui sous-tend le PLFSS 2026, y compris la modification relative à la réforme des retraites pour se conformer aux engagements pris.
Nous pouvons adopter ce PLFSS tout en protégeant les plus fragiles d’entre nous. Au-delà de l’enjeu humain, ce serait un non-sens de ne pas le voter, puisque le coût de l’absence de prévention et d’accompagnement des plus fragiles est supérieur à celui d’une politique d’anticipation. C’est pourquoi je proposerai d’exclure les plus fragiles et les plus modestes du gel des pensions de retraite. Monsieur le ministre, quelle est votre position à ce sujet ?
Par ailleurs, pourriez-vous rappeler le calendrier et les grandes lignes de la conférence sur le travail et les retraites que vous avez évoquée ?
Un Français sur trois aura plus de 60 ans en 2030 et le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans doublera d’ici à 2050. Le vieillissement de la population n’est cependant pas la seule composante de la transition démographique : il faut y inclure la baisse de la natalité et le décalage entre le nombre d’actifs et le nombre de retraités. Or nous manquons d’une vision d’ensemble, d’une stratégie englobant les politiques du logement, de la santé, de la prévention de la perte d’autonomie, de l’accompagnement des personnes âgées et des retraites. Seriez-vous prêt à travailler à un grand projet de loi tenant compte de toutes ces composantes ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Le gel des pensions de retraite concerne tout le monde : il est possible de discuter du sort des pensions les plus modestes ; cependant, s’agissant des retraites, les volumes sont considérables et on atteint vite le milliard d’euros. Le débat est ouvert.
La conférence sur le travail et les retraites démarrera à la fin du mois de novembre. Elle réunira les partenaires sociaux et les directions de mon ministère apporteront leur expertise technique. Elle sera dirigée par une personnalité reconnue par tous les acteurs et pourra être ouverte à des experts. À ce stade, il est prévu de consacrer deux ateliers à la retraite, publique et privée, les enjeux et les acteurs n’étant pas tout à fait les mêmes. Un grand atelier sera consacré au travail : le travail en soi, mais aussi le lien entre le travail et la retraite. Enfin, les différents types de régimes de retraite seront examinés – notamment la retraite par points et la retraite par capitalisation – du point de vue tant de leur répartition que de leur solidité.
M. Fabien Di Filippo (DR). Monsieur le ministre, vous dites être ouvert à la discussion sur le plafonnement de l’allocation sociale unique. Parce qu’il aura une influence sur le résultat, nous devons définir clairement le cap que nous nous donnons. Jusqu’où êtes‑vous prêt à aller ? Considérez-vous déjà que ce plafonnement doit être inférieur au Smic, pour qu’il soit toujours intéressant de reprendre un travail ?
L’année dernière, sur un échantillon de 240 000 contrôles d’arrêts maladie, 30 % de ces derniers pouvaient être considérés comme abusifs – à tout le moins comme n’étant pas légitimes. Comment comptez-vous améliorer ces contrôles, sachant que les indemnités journalières s’élèvent à 17 milliards d’euros ? C’est un très gros gisement d’économies.
Enfin, l’AME est un serpent de mer depuis une dizaine d’années. Il est souvent question de la réduire, mais en réalité elle a augmenté. Êtes-vous prêt à la réformer, qu’il s’agisse du panier de soins ou des personnes concernées ? Quelle économie estimez-vous faisable sur cette dépense ?
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. Ma méthode concernant l’ASU est la suivante : commencer par défricher ce sujet très technique, après quoi le débat se fera en avançant. Je préfère ne pas répondre trop vite aux questions qui ne se posent pas encore. La question que vous posez sera débattue le moment venu ; vous comprenez que je ne puisse vous répondre aujourd’hui. Commençons par construire l’outil, faisons des simulations, voyons comment il fonctionne en pratique et ouvrons ensuite le débat.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Cet été, les ordonnances prescrivant les arrêts maladie ont été modifiées ; les arrêts sont désormais sécurisés. Il est encore trop tôt pour tirer les premières conclusions de cette réforme. Par ailleurs, rappelons que les arrêts délivrés par télémédecine sont limités dans le temps, comme nous l’avions voté ici.
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La Cnam a identifié les praticiens prescrivant le plus d’arrêts maladie afin de discuter avec eux. La dernière vague de cette opération a entraîné une baisse de 30 % des prescriptions par les médecins concernés. Cette démarche est confraternelle et vise un double objectif de modération du nombre d’arrêts et d’amélioration du suivi des pathologies.
Mme Stéphanie Rist, ministre. S’agissant de l’AME, nous nous appuyons sur le rapport de décembre 2023 corédigé par Claude Évin – une personnalité de gauche – et Patrick Stefanini – une personnalité de droite.
Mme Christine Le Nabour (EPR). J’associe à ma question Sébastien Peytavie, mon corapporteur de la mission d’évaluation de la loi du 11 février 2005. Je souhaite revenir sur la persistance des barrières d’âge dans l’accès à la prestation de compensation du handicap. L’article 13 de la loi de 2005 prévoyait la suppression de ces distinctions dans un délai de cinq ans afin de garantir une égalité de traitement à toutes les personnes handicapées, quel que soit leur âge. Vingt ans plus tard, cette promesse reste non tenue : si la limite des 75 ans a été levée, celle des 60 ans demeure et continue de créer des inégalités profondes. Une personne devenue handicapée avant 60 ans relève de la PCH, calculée selon ses besoins, tandis qu’une autre victime du même accident après 60 ans est orientée vers l’APA, un dispositif moins favorable et soumis à conditions de ressources. Deux situations identiques, deux traitements différents : c’est une rupture d’égalité. J’ai donc déposé un amendement pour lever cette barrière d’âge. Un second proposera la création d’une PCH unique pour favoriser une approche plus inclusive et personnalisée, qui tienne compte des besoins globaux du bénéficiaire. Ces deux amendements correspondent aux recommandations n° 8 et n° 10 de notre rapport d’évaluation. Madame la ministre, soutiendrez-vous ces deux évolutions ? L’une nécessite une dépense ; l’autre pourrait générer des économies.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée. Je voudrais tout d’abord rendre hommage aux travaux que vous avez menés avec Sébastien Peytavie, qui est absent, car souffrant – je lui adresse un salut amical. Le Conseil d’État a réaffirmé qu’il n’y avait pas d’obligation de lever la barrière d’âge. Même si cela ne nous empêche pas d’y travailler, il ne faut pas exclure la question du financement d’une telle mesure, qui représenterait un coût d’environ 1,5 milliard d’euros. Elle n’est pas prévue dans ce projet de loi ni à court ou moyen terme.
En revanche, à l’issue de l’évaluation de la loi de 2005, je souhaite réunir un groupe de travail pour réfléchir à la manière dont la PCH répond aux besoins, étudier la manière dont ses différentes modalités s’articulent entre elles, si la distinction des différents besoins est optimale, et étudier la piste d’une PCH unique. Ces préoccupations sont partagées par de nombreux acteurs, qui expliquent qu’une évolution nécessite des réflexions très approfondies dans la mesure où les différentes prestations ne répondent pas aux mêmes besoins. Nous ne pouvons donc pas aller trop vite.
M. le président Frédéric Valletoux. J’adresse également, au nom de la commission, des vœux de prompt rétablissement à notre ami Sébastien Peytavie.
Mme Josiane Corneloup (DR). Mesdames les ministres, je vous rejoins évidemment lorsque vous évoquez la nécessité de réformes structurelles et non plus de coups de rabot. Nous devons absolument prendre le virage de la prévention – primaire, mais aussi secondaire et tertiaire. En effet, beaucoup de personnes ne sont pas inscrites dans un parcours de soins alors que nous pourrions peut-être éviter certaines aggravations. Je vous rejoins également en ce qui concerne les ALD – il faut faire preuve de la plus grande vigilance pour savoir ce qui en relève et ce qui n’en relève pas – ainsi que l’utilisation du DMP, un outil important. Je partage enfin votre souhait d’une simplification majeure.
J’ai beaucoup plus de peine à vous suivre lorsque vous rabotez le prix des médicaments, alors que le prix des médicaments remboursables en France est le plus bas d’Europe. Nous risquons de ne plus avoir accès aux nouveaux médicaments et d’augmenter les probabilités de ruptures, qui induisent un surcoût très important.
Le corollaire de cette baisse de prix, c’est la baisse du plafond des remises sur les médicaments génériques aux pharmaciens. Les génériques représentent un tiers du chiffre d’affaires des officines. Faire passer la remise de 40 à 20 % a donc une incidence énorme. L’arrêté du 6 octobre a suspendu cette baisse pour trois mois. Qu’en sera-t-il après le 31 décembre ? Je suis très inquiète. Si la mesure devait s’appliquer après cette date, nous verrions la fermeture de nombreuses officines, des officines de petits chiffres, particulièrement dans les territoires ruraux ; en raison des problèmes de démographie médicale, elles sont la dernière voie d’accès à la santé. Les conséquences, sociales et humanitaires, seraient majeures.
Je comprends encore moins l’article 21, qui vise à permettre l’installation d’une officine par voie de création dans les communes de moins de 2 500 habitants dans lesquelles la dernière officine a définitivement cessé son activité : si elle a cessé son activité, c’est qu’elle n’était tout simplement plus viable. Notre responsabilité est de faire en sorte que celles qui sont là puissent demeurer en évitant de les fragiliser économiquement.
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je suis tout à fait ouverte à l’introduction d’amendements sur la prévention tertiaire. Il y a des choses à faire, par exemple, pour éviter qu’une personne qui sort de l’hôpital après un infarctus n’y revienne pour la même raison. Des expérimentations sont en cours, mais n’hésitez pas à nous soumettre vos idées.
S’agissant des médicaments, la responsabilité est collective et concerne aussi les laboratoires pharmaceutiques. Je reste très attachée aux négociations conventionnelles qui ont lieu avec le Comité économique des produits de santé. Vous avez raison, c’est un chemin de crête.
Pour ce qui est des pharmacies, l’article répond à la demande de plusieurs parlementaires. Ce dispositif pourrait être utile dans certains endroits. Le débat sera intéressant.
M. Jérôme Guedj (SOC). Madame Rist, le niveau de l’Ondam hospitalier va conduire à des tarifications négatives. Pour éclairer nos débats, pourriez-vous nous donner les conclusions du rapport de l’Igas relatif à la sous-compensation des mesures salariales, ainsi que celles du deuxième rapport de l’Igas et de l’IGF sur l’efficience hospitalière ? Le déficit des hôpitaux publics est passé de 1 milliard à 2,8 milliards d’euros. Quelle y est la part de la sous‑compensation ?
Reconduisez-vous le fonds d’urgence pour les Ehpad du dernier PLFSS ? Son décaissement a été efficace ces derniers jours.
Le niveau de l’Ondam va-t-il menacer les mesures de revalorisation envisagées, notamment celles des kinésithérapeutes prévues en 2025 et en 2026 ?
Que pensez-vous de la fiscalité comportementale, notamment sur la malbouffe ? Seriez-vous prête à renoncer à votre mesure sur les titres-restaurant si l’on vous proposait une mesure de fiscalité comportementale à rendement comparable ?
Concernant les exonérations de cotisations, vous travaillez sur la convexité de la courbe. Nous autorisez-vous à déposer des amendements pour modifier le point de sortie et à inscrire ces dispositions dans la loi ?
Enfin, quelles mesures en faveur du pouvoir d’achat envisagez-vous ?
Mme Stéphanie Rist, ministre. Je n’ai pas encore les rapports de l’Igas et de l’IGF sur le niveau de l’Ondam.
Les revalorisations des professionnels, notamment des kinésithérapeutes, sont bien programmées pour 2026.
Le débat sur la fiscalité comportementale doit avoir lieu au Parlement.
Enfin, il n’y a pas à ce stade de fonds d’urgence pour les Ehpad.
M. Jean-Pierre Farandou, ministre. En ce qui concerne les niches sociales, il s’agit de revenir sur des exonérations totales. Les titres-restaurant, créés pour pallier l’absence de cantine, ont changé de nature : on fait ses courses avec ; il s’agit donc quasiment d’un revenu, ce qui soulève la question de la fiscalité. Notre proposition d’un prélèvement de 8 % pour l’employeur, alors qu’il est de 40 % sur le salaire, reste très raisonnable.
Nous entendons néanmoins que cette mesure touche à un symbole et qu’elle fait débat ; nous prenons le sujet au sérieux. Nous sommes donc prêts à étudier des contre‑propositions : traiter différemment les titres-restaurant et les chèques‑vacances, ajuster à la hausse et à la baisse ; peut-être en avez-vous d’autres encore. Je n’écarte aucune possibilité – ce serait contraire à l’esprit du débat.
M. Elie Califer (SOC). Le Gouvernement prévoit une rationalisation des niches sociales visant notamment les exonérations issues de la Lodeom. Or, dans de nombreux territoires ultramarins, ces exonérations constituent un levier économique majeur pour compenser les handicaps structurels tels que l’éloignement, la dépendance aux importations, la faible diversification économique et les surcoûts salariaux liés à l’insularité.
Madame la ministre Montchalin, comment comptez-vous traduire dans les faits les engagements pris par M. le Premier ministre Lecornu dans un courrier adressé aux élus ultramarins le 15 octobre ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. À côté du régime de droit commun des allégements généraux, la Lodeom a créé des allégements spécifiques pour les outre-mer. La question se pose de leur efficacité – permettent-ils d’atteindre les résultats que nous souhaitons ? – et de leur complexité – il existe des régimes différents par secteur et par territoire ultramarin, sources de nombreuses erreurs. Il y a parfois aussi des fraudes, comme avec tous les mécanismes publics, mais ce n’est pas le sujet.
Il nous a donc semblé utile de proposer un système plus simple, que j’aimerais présenter à l’ensemble des parlementaires ultramarins ; le Premier ministre s’est engagé à ce Naïma Moutchou et moi-même le fassions ensemble. Nous avons des contraintes d’agenda très fortes en ce début de séquence budgétaire, mais nous trouverons un moment pour le faire. Je suis ouverte à toutes les contre-propositions dès lors qu’elles respectent deux objectifs : que le système crée des emplois et qu’il ne soit plus si compliqué que personne ne comprend son fonctionnement. Une étude d’impact est envisageable. Peut-être peut-on aussi lisser les évolutions dans le temps. Mais nous devons nous assurer que l’argent public, qui est une ressource rare, a vraiment les effets que nous recherchons. C’est dans cet esprit que nous allons travailler, avec sérieux et responsabilité, et en toute transparence – nous pourrons partager avec vous les études et les objectifs de nos travaux.
M. Thierry Frappé (RN). Je me fais le messager de ma collègue Anchya Bamana, qui ne peut être présente aujourd’hui. À Mayotte, non seulement les retraités perçoivent les pensions les plus faibles du pays, mais ils sont confrontés à une inégalité persistante : le montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées y est inférieur à celui en vigueur dans l’Hexagone. Dans un souci de justice sociale et d’égalité républicaine, les Mahorais demandent son alignement sur celui pratiqué au niveau national ; quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. La convergence entre Mayotte et le reste du territoire s’agissant des allocations, des minima et, plus généralement, des éléments de rémunération est l’un des enjeux de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, votée il y a quelques semaines. Nous n’avons pas encore défini le calendrier, la méthode et les étapes pour parvenir à cette convergence. Au fond, vous nous demandez comment nous allons mettre en œuvre la loi. Nous pourrons travailler ensemble sur les éléments qui avaient été préparés, mais ce n’est pas prévu ni financé dans ce PLFSS. Nous connaissons néanmoins les difficultés de l’île et ses besoins très importants ; nous savons qu’elle mérite un accompagnement et la mise en œuvre de cette convergence.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous vous remercions, mesdames les ministres, monsieur le ministre, de vous être prêtés à cette audition.
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Comptes rendus de l’examen des articles
du projet de loi
1. Réunion du lundi 27 octobre 2025 à 9 heures (article liminaire à après l’article 6)
M. le président Frédéric Valletoux. Mes chers collègues, après l’audition des ministres mardi dernier, nous commençons l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). L’examen en séance publique débutera le mardi 4 novembre après-midi, le vote solennel ayant été fixé par la Conférence des présidents au mercredi 12 novembre.
Sur les deux premières parties du texte, 538 amendements ont été déclarés recevables. Nous attendons l’avis du président de la commission des finances s’agissant de la troisième partie.
Amendements de suppression AS309 de Mme Ségolène Amiot et AS1501 de Mme Joëlle Mélin
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet article, c’est un peu le fond de l’affaire, car il trahit l’esprit de ce PLFSS : équilibrer les comptes de la sécurité sociale en coupant comme des sauvages partout où les gens peinent à survivre.
Pour que tout le monde comprenne bien, cet article présente un tableau avec deux colonnes, l’une consacrée aux dépenses, l’autre aux recettes. Selon l’article, il y a un excédent de 0,1 point de produit intérieur brut (PIB). Seulement, ce n’est pas grâce aux cotisations que l’on ferait payer aux entreprises ou aux ménages les plus fortunés : cet excédent provient du fait que les recettes ne bougent pas, tandis que les dépenses, elles, baissent. Gel des pensions de retraite, taxe sur les malades, diminution des allocations pour les personnes en situation de handicap et les familles nombreuses... Personne n’en réchappe.
L’an dernier, vous étiez les premiers à reconnaître qu’il n’était pas possible de vivre avec le montant que la sécurité sociale rend aux personnes qui ont cotisé. Vous estimiez qu’il fallait 26,8 points de PIB pour couvrir les besoins – c’était écrit noir sur blanc. Cette année pourtant, vous abaissez les dépenses à 26,6 points de PIB. On sait que tout le monde n’a pas inventé la poudre, mais certains n’étaient manifestement pas loin quand ç’a explosé. La baisse des revenus provoquera une baisse de la consommation et vous entraînerez dans la chute tout un tas d’entreprises, des très petites aux moyennes. En somme, vous déclencherez un effet récessif contraire à tout ce qui est fait depuis 1945.
Mme Joëlle Mélin (RN). Cet article, dont la loi organique de 2022 nous impose de discuter pour la quatrième année, prouve combien les chiffres sont insincères – à tout le moins. Le Haut Conseil des finances publiques comme le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale estiment que les prévisions sont tout à fait utopistes, les recettes tout à fait surestimées et les dépenses tout à fait sous-estimées. À vouloir rassurer les actionnaires, qui sont en réalité les créanciers de notre système de sécurité sociale, on nous emmène tout droit dans le mur.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Chers collègues, je nous souhaite de bons travaux sur ce texte.
Monsieur Clouet, vous m’adressez vos critiques mais, au risque de vous décevoir, je ne suis que le rapporteur général : je ne représente pas le Gouvernement et le budget présenté n’est pas le mien. Nous allons collectivement l’amender et le corriger, c’est le travail de notre commission. Les amendements que nous adopterons ne modifieront pas le texte, mais ils permettront de préparer le travail en séance.
Sur le fond, ce budget prévoit une augmentation en 2026 de 9,4 milliards d’euros pour les dépenses des administrations de sécurité sociale, et de 29 milliards pour l’ensemble des administrations publiques. Il me semble donc difficile de dénoncer une cure d’austérité.
Madame Mélin, vous le trouvez utopiste. Je ne le crois pas, et pourtant j’étais l’un des premiers, l’an dernier, à estimer que les hypothèses macroéconomiques étaient optimistes. Le Haut Conseil des finances publiques a estimé que la prévision de croissance du PIB, fixée à 0,7 % cette année et 1 % l’an prochain, était simplement « optimiste », et non utopique ; la masse salariale, estimée à 1,8 % pour 2025 et 2,3 % l’an prochain, est jugée « un peu haute » et la prévision d’inflation « plausible » – 1,1 % cette année et 1,3 % en 2026.
Cet article est une photographie : le supprimer reviendrait à ne pas respecter notre loi organique. Je ne peux donc que vous inviter à vous opposer à ces amendements.
Mme Annie Vidal (EPR). Cette prévision macroéconomique globale, qui concerne les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, mais aussi les régimes complémentaires, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et l’assurance chômage, est fondée sur des prévisions de croissance et de masse salariale sérieuses. Vous pouvez ne pas être d’accord avec cette présentation, mais supprimer cet article revient à priver les Françaises et les Français de transparence sur les prévisions. Politiquement, ce n’est pas raisonnable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, les besoins sont mécaniquement soumis à l’inflation : si les moyens ne sont pas indexés sur cette dernière, vous ne pouvez pas réellement parler d’augmentation.
Nous ne sommes pas d’accord avec les termes du débat, ni avec la politique menée par Emmanuel Macron depuis qu’il est ministre de l’économie et qui n’a apporté aucun résultat. Les nombreuses baisses prévues dans le PLFSS auront des conséquences sur la population : elle consommera moins, ce qui accélérera le ralentissement économique, et vous nous demanderez encore davantage de baisses l’année prochaine. Nous ne sommes pas d’accord. D’où notre volonté de supprimer cet article liminaire.
M. Jérôme Guedj (SOC). Chaque année, nous nous demandons à quoi sert l’article liminaire. Le fait que ce soit une photographie ou non, et de quelle nature, importe peu : le fait est que nous ne sommes pas d’accord avec l’ensemble et que nous voterons donc en faveur de sa suppression, sans que cela emporte réellement de conséquences – dans le passé, il a déjà été supprimé avant d’être rétabli au Sénat. Cinquante heures de débat nous attendent : concentrons-nous sur les sujets essentiels afin de trouver une trajectoire qui soit soutenable et qui préserve les classes moyennes et les classes populaires.
M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur Boyard, l’inflation n’est qu’un baromètre : indexer les budgets sur l’inflation ne peut pas être une politique en soi. Cet article soulève bien d’autres questions, sur la soutenabilité financière de notre modèle ou encore sa transformation vers davantage de préventif que de curatif – car notre population est en mauvaise santé. Il faut pouvoir en discuter.
Mme Justine Gruet (DR). Alors que les débats de l’an dernier ont été marqués par le recours au 49.3 et une censure, j’ai le sentiment que le RN et LFI se rejoignent à nouveau pour être contre tout – en l’espèce, contre une photographie du PLFSS en 2025. Mais cette année, le PLFSS sera mis aux voix ; il correspondra à nos débats. Plutôt que de perdre du temps sur cet article, entrons dans le vif du sujet et montrons à nos concitoyens que nous sommes capables de parler du fond – c’est ce qu’ils attendent de nous.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article liminaire est supprimé.
PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025
Amendements de suppression AS293 de Mme Ségolène Amiot et AS772 de Mme Joëlle Mélin
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’article 1er porte sur les rectifications des comptes d’administration de la sécurité sociale. Sommes-nous satisfaits de la gestion des comptes ? Non : ils ne correspondent pas aux prévisions établies l’an dernier et l’ensemble des déficits prévisionnels se sont aggravés. Nous ne sommes pas non plus d’accord avec la stratégie consistant à déléguer à la Cades le maquillage des comptes de la sécurité sociale, et à les faire reposer sur des logiques d’impôts – a fortiori des impôts régressifs, comme les exonérations sociales. D’où notre volonté de supprimer l’article.
Monsieur le rapporteur général, 27 points sur un PIB de 2 700 milliards d’euros, c’est plus que 16,6 %, le PIB fût-il en croissance l’an prochain : le texte prévoit donc bel et bien une baisse des dépenses, et donc des droits de la population.
Mme Joëlle Mélin (RN). La loi organique est entrée en vigueur il y a quatre ans : nous avons donc un certain recul sur les différents articles qu’elle impose. D’année en année, le décalage s’aggrave, et conduit cette année à inscrire des dispositions tout à fait utopistes. J’entends bien les circonvolutions du Haut Conseil et du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mais les chiffres ne sont absolument plus tolérables. Nous ne pouvons pas vivre dans l’instabilité et l’insincérité. Comme il n’y a pratiquement rien à discuter, nous sommes favorables à la suppression de l’article.
M. le rapporteur général. Je ne parlerais ni de maquillage des comptes, ni d’insincérité. C’est le rôle du législateur financier de prendre connaissance de l’évolution des prévisions de recettes, des objectifs de dépenses et des tableaux d’équilibre. La photo n’est effectivement pas belle : le déficit s’est aggravé, il est passé de 17 à 23 milliards d’euros, contre 22,1 milliards dans les prévisions. Mais il est faux de dire que la Cades sert à maquiller les comptes : elle est là pour amortir notre dette sociale. Nous nous lui affectons certes des recettes, comme le prévoit le cadre organique, mais la dette diminue d’année en année, et heureusement pour les générations futures.
Madame Mélin, nous analysons toutes les données qui nous sont transmises, nous questionnons et vérifions tous les chiffres : d’après les éléments en ma possession, l’estimation du déficit ne semble pas insincère. Au reste, il est important de disposer des données fournies à l’article 1er, qui permettent d’évaluer la progression par rapport aux prévisions.
Avis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). Je ne peux pas laisser parler d’insincérité ou de magouillage. Pour la clarté des débats et la bonne information de ceux qui nous écoutent, je tiens à préciser que la Cour des comptes, malgré des réserves, estime que « à travers ses tableaux d’équilibre et son tableau patrimonial, le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2025 fournit une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde de la sécurité sociale ».
Mme Justine Gruet (DR). Voilà bien la preuve qu’il faut être capable de diminuer les dépenses plutôt que d’apporter des recettes supplémentaires – c’est l’esprit qui anime la Droite Républicaine. On le voit, la baisse de la masse salariale du privé et du rendement de la TVA ont conduit à une diminution des recettes. Sans une réforme structurelle d’ampleur pour diminuer les dépenses et trouver un équilibre plus juste, nous ne parviendrons pas à rationaliser et sécuriser le budget de la sécurité sociale.
M. Yannick Monnet (GDR). Pour ma part, je considère que nous pourrons réfléchir à une baisse des dépenses lorsque l’ensemble des besoins de santé seront couverts. Or ce n’est pas le cas – on le voit bien dans nos permanences. Cet article n’est peut-être qu’une photographie, mais si l’on fait payer à la sécurité sociale des dépenses qui ne devraient pas lui échoir, cette photographie ne peut être que « pas belle ». L’absence de débat sur la financiarisation de la dette est d’ailleurs un vrai problème, même la Cour des comptes l’a souligné. Avant, c’était assez simple : en cas de déficit, on augmentait les cotisations ou on empruntait à la Caisse des dépôts : c’était alors un prêt de l’État, et cela ne coûtait que l’emprunt. Aujourd’hui, la Cades est contrainte d’emprunter sur les marchés financiers : le système même conduit donc à imputer à la sécurité sociale des dépenses qui ne sont pas acceptables. Je ne parle pas d’insincérité, mais de fait, on rend la photographie pas belle. Voilà ce que nous contestons.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Madame Gruet, nous ne sommes pas des comptables, mais des législateurs : il nous revient d’organiser les différentes dépenses de la solidarité sociale nationale, notamment en matière de santé, et il n’y a pas lieu de se réjouir de les diminuer – au contraire, c’est une mauvaise nouvelle.
Au reste, si la sécurité sociale est dans l’état lamentable que vous dénoncez, c’est en raison des exonérations de cotisations sociales, dont les bénéfices restent à prouver – il suffit de regarder l’état du déficit. Et ne dites pas que vous n’augmentez pas les recettes, les apprentis voient bien que c’est faux ! En réalité, avec des mesures comme le déremboursement d’un certain nombre de médicaments et l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), vous faites des économies sur le dos des plus précaires. Ce sont les fruits de votre propre politique que vous dénoncez, et ce sont nos concitoyens qui en paient le prix. Alors ayons des discussions de parlementaires, pas de comptables !
M. Hendrik Davi (EcoS). Il n’y a pas du tout eu d’explosion de dépenses de santé : elles sont passées de 11,3 % du PIB en 2014 à 11,4 % en 2024. Pourtant, le vieillissement de la population aurait dû les faire augmenter. C’est bien, comme l’a dit M. Monnet, que l’on répond de moins en moins bien aux besoins. Pour le reste, on peut certes vouloir réduire un certain nombre de dépenses, c’est-à-dire avoir une société moins malade, avec moins d’arrêts de travail et de gens atteints d’un cancer. Pour cela, il faut voter contre la loi Duplomb (Exclamations). Le rapport est évident, lisez le rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale !
En revanche, les recettes n’ont pas augmenté à mesure du PIB, car vous les avez fiscalisées. Contrairement aux cotisations sociales, les impôts et la CSG ne suivent pas l’augmentation du PIB. Tel est le principal problème.
M. Michel Lauzzana (EPR). Chers amis de gauche qui voulez mettre des boulets toujours plus lourds au pied des entreprises, si l’on ne s’évertuait pas à tuer nos entreprises et à empêcher l’économie se développer, on n’aurait pas de problèmes de sécurité sociale.
Quant à l’acétamipride, monsieur Davi, ce n’est pas en tant que cancérogène qu’il est en cause – et je parle en tant que président du groupe d’études cancer : demandez à l’Institut national du cancer. Le problème est ailleurs. Donc aucun rapport avec la loi Duplomb.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements AS1071 de M. Yannick Monnet et AS294 de M. Hadrien Clouet tombent.
Amendement de suppression AS313 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous avons une discussion à front renversé : plutôt que d’essayer de faire entrer les besoins dans une enveloppe déterminée, il vaudrait mieux se demander quels sont les besoins et faire le chèque en fonction.
Cet article vise à geler le montant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) au niveau de l’année précédente, à 265,9 milliards d’euros. Vous me rétorquerez qu’il est tout de même en progression, mais si l’on tient compte de l’inflation – car tout coûte plus cher : le prix du pansement, le changement de la fenêtre de l’hôpital – et du vieillissement croissant de la population, on voit bien que vous retirez de l’argent à notre service de santé.
L’alignement de l’Ondam avec vos prévisions s’est fait au prix de coupes budgétaires gigantesques : pour augmenter les dépenses de soins de ville de 700 millions, vous avez retiré des centaines de millions à d’autres secteurs. La Fédération hospitalière de France (FHF) estime qu’il manque 2,5 milliards d’euros pour l’hôpital – l’équivalent de milliers de postes – et 600 millions pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) – qui se traduiront en privation alimentaire des résidents et en taux d’encadrement absolument insuffisants pour garantir la dignité des personnes. Voilà ce qui est proposé et que nous refusons de bout en bout.
M. le rapporteur général. Il s’agit là encore d’un article obligatoire.
Vous dites des choses justes, monsieur Clouet : les mises en réserve ont des conséquences sur le pilotage budgétaire en cours d’année et entraînent des situations préoccupantes dans certains établissements – nous ne pouvons qu’y être sensibles. Mais vous dites aussi des choses fausses : en passant de 256,4 milliards en 2024 à 265,9 milliards d’euros en 2025, l’Ondam augmente de 3,7 %. C’est bien plus que ce que nous avions prévu l’an dernier, et on ne peut pas parler de réduction des moyens.
Encore une fois, on ne peut que regretter les mises en réserve, mais elles ne s’élèvent qu’à quelques centaines de millions d’euros ; or je vous parle là de milliards. Au reste, cet article présente une photographie de l’année 2025, et nous sommes fin octobre : le supprimer ne changera rien. Mais vous avez évidemment le droit d’exprimer par un amendement ce que cela vous inspire.
Avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Comme chaque année, je rappelle que l’Ondam n’est qu’un objectif ; en l’espèce, on parle de celui pour 2025.
Les économistes ont montré qu’au moins les deux tiers de notre dette viennent des dépenses sociales. Il est donc normal d’avoir la volonté de maîtriser ces dépenses. Pour faire des économies, des évolutions sont possibles dans un certain nombre de secteurs. L’hôpital par exemple pourrait être plus efficace – certains ont montré que c’était possible.
M. Hendrik Davi (EcoS). La sous-estimation de l’Ondam alimente la dette des hôpitaux : si l’Ondam était juste, ils n’auraient pas un résultat net négatif de près de 2,9 milliards d’euros. Chaque année, on plafonne les dépenses, mais la tarification à l’activité ne suit pas, les hôpitaux se retrouvent endettés et l’État et la protection sociale épongent le tout. L’Ondam est insincère, et c’est pourquoi nous soutiendrons la suppression de l’article.
Mme Joëlle Mélin (RN). Tout le monde a tendance à se réfugier derrière l’Ondam, qui est pourtant un très mauvais indicateur. Depuis plus de trente ans qu’il est utilisé, il a largement prouvé son inefficacité, voire sa toxicité puisque, par effet de rebond, il conduit à déterminer certaines politiques, notamment celle de l’hôpital. Je rejoins mes collègues de gauche sur le fait que l’hôpital est dans une situation gravissime, même si je ne pense pas qu’elle ne soit due qu’à un manque de moyens : il y a sans doute aussi des problèmes de gouvernance. Reste que l’Ondam est néfaste. Trente ans, c’est suffisant. Tous les ans, nous hésitons à supprimer cet article. Cette année, nous avons décidé d’en discuter parce qu’il est vraiment temps de choisir un autre indicateur.
M. Nicolas Turquois (Dem). L’Ondam est passé de 190 milliards en 2017 à 265 milliards d’euros en 2025, soit une augmentation de près de 40 %. Et pourtant, on a l’impression que l’on soigne plus mal. La pertinence de la construction de l’Ondam pose question, mais ne peut-on pas aussi s’interroger sur le fonctionnement de l’hôpital, sur sa « productivité », même si c’est un gros mot ? Allez voir vos directeurs d’hôpitaux, questionnez‑les sur certains services, vous verrez que l’hôpital public dysfonctionne complètement ! Si nous n’osons pas poser les bons diagnostics, nous ne parviendrons pas à soigner ce très grand malade qu’est l’hôpital public. Ce n’est pas qu’une question de financement, mais aussi de gouvernance et d’organisation.
Mme Annie Vidal (EPR). Penser que la sous-estimation de l’Ondam serait la cause des déficits de l’hôpital, c’est méconnaître son fonctionnement. C’est bien plus complexe que cela. D’abord, tout dépend de quel hôpital on parle : la situation n’est pas la même dans un centre hospitalier universitaire (CHU) et dans un hôpital de proximité. En outre, l’Ondam se concentre sur les soins et la prise en charge des patients : or nombre d’autres facteurs expliquent que certains établissements soient structurellement déficitaires – les investissements, les charges de personnel non soignant, les achats, l’efficience, ou encore le taux d’occupation des lits, qui pèse particulièrement lourd. Mais force est de constater que lorsqu’on propose de fermer un établissement structurellement déficitaire, tout le monde crie au scandale.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il y a un consensus de longue date dans cette commission sur le fait que l’Ondam n’est pas un outil pertinent de pilotage pour répondre aux besoins de santé, notamment en raison de cette logique d’annualité à laquelle il faut vraiment tordre le cou. Lors de sa déclaration de politique générale, François Bayrou avait émis l’idée d’inscrire l’Ondam dans une perspective pluriannuelle, peut-être sous la forme d’une loi de programmation. Malheureusement, cette proposition n’a pas abouti. Espérons qu’elle se concrétise un jour. Reste que, malgré les corrections que nous y avons apportées, l’Ondam de 2025 est insuffisant. Or il aura des conséquences sur la construction de celui de 2026. Par cohérence, nous ne pouvons donc pas le valider.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Collègues du bloc central, l’activité de l’hôpital n’est pas censée être lucrative, ce n’est pas une planche à billets – en tout cas, ce n’est pas souhaitable. S’il y a un déficit, c’est à cause des sous-investissements, dont le niveau est tel que les soignants ne peuvent même plus exercer correctement un métier qu’ils ont choisi par vocation – voilà ce qu’ils me disent, monsieur Turquois. Dans certains services du CHU de ma ville, ce profond malaise les conduit à se mettre en arrêt pour se protéger.
Finalement, quel est votre objectif pour l’hôpital public ? Contrairement à ce que vous dites, ce n’est pas en une minute que nous pourrons en débattre, a fortiori dans le cadre d’un texte dont le seul objectif est de poursuivre la politique technique d’Emmanuel Macron. Avec ce PLFSS, nous avons l’impression de perdre notre temps. Pour avancer enfin, il faut trouver une solution institutionnelle à cette situation : le départ du Président de la République et de nouvelles législatives.
M. Yannick Monnet (GDR). Pour ma part, je considère que débattre n’est jamais une perte de temps : cela permet d’éclairer le sujet. Par nature, l’Ondam crée du déficit, puisqu’il fixe des dépenses sans s’intéresser aux besoins. Madame Vidal, si l’on devait se taire face aux difficultés de l’hôpital public et fermer tous les établissements déficitaires, je ne sais pas ce qu’il resterait dans notre pays ! En revanche, certaines formes de financement sont plus vertueuses que d’autres. Les travaux que j’ai menés dans le cadre de ma mission sur les hôpitaux de proximité ont mis en évidence l’importance de disposer d’un cadre de financement pluriannuel pour permettre à l’hôpital d’anticiper, de prévoir, d’ajuster. Il faut être plus rigoureux dans la gestion de l’hôpital, je le reconnais volontiers, mais on est tout de même à l’os : l’hôpital public connaît un déficit de 2,8 milliards d’euros et, selon la FHF, il faudrait augmenter l’Ondam hospitalier de 1 milliard pour lui permettre de fonctionner normalement. Alors ne dites pas que l’Ondam est un bon outil.
Mme Justine Gruet (DR). Nos débats se concentrent sur les établissements de santé, mais le dérapage de l’Ondam peut également provenir d’une augmentation des dépenses de soins de ville, en particulier des indemnités journalières dues en cas d’arrêt de travail. Or ces derniers ont explosé. Pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le rapporteur général ?
M. Damien Maudet (LFI-NFP). À peine trente-six minutes de débats et on entend déjà les macronistes nous dire que le problème de l’hôpital, c’est l’organisation, alors qu’ils présentent un budget où il manque près de 3 milliards d’euros pour l’hôpital ! Vous rendez‑vous seulement compte du problème ? Aujourd’hui, les soignants n’ont pas les moyens de faire leur travail. Lorsqu’ils ont vingt patients et qu’ils doivent aider l’un d’eux à aller aux toilettes, que pensez-vous qu’il se passe quand les dix-neuf autres appellent ? Ils doivent attendre, et certains finissent par se faire dessus. Nous avons adopté une proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, mais encore faudrait-il des moyens pour l’appliquer. Or non seulement l’Ondam sous-finance l’hôpital, mais certains collègues trouvent le moyen d’ajouter que c’est seulement un problème d’organisation – du pur Macron 2017, le même qui a fait s’effondrer l’hôpital et nous demande aujourd’hui de rectifier le tir ! Les soignants qui tiennent l’hôpital à bout de bras attendent au moins du Parlement qu’il les soutienne.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’hôpital public est en déficit et les besoins augmentent. Pourtant, l’Ondam ne fait ressortir ni l’une ni l’autre de ces dimensions. Nous n’avons aucune évaluation des besoins de la population : on essaie de faire coller les besoins à l’Ondam, au lieu de commencer par s’intéresser aux besoins pour définir l’Ondam ensuite.
Par ailleurs, le monde du travail est en grande souffrance : il n’y a jamais autant de burn‑out, un salarié sur quatre se dit en souffrance aiguë au travail et estime que cela nuit à sa santé mentale. C’est à ces problèmes que nous devrions nous intéresser, plutôt que d’essayer de restreindre les indemnités journalières dans un tableau Excel.
M. le rapporteur général. Cet article vise à rectifier l’Ondam et ses sous-objectifs. Je souscris aux remarques de Yannick Monnet et Sandrine Rousseau : il faudrait réfléchir à partir des besoins, plutôt que de commencer par déterminer des moyens. Et, comme l’a dit Jérôme Guedj, l’Ondam pose un réel problème de pilotage, qui appelle une révision de notre cadre financier – peut-être à travers une loi organique.
Par ailleurs, personne n’a parlé de la procédure déclenchée par le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie. C’était pourtant un événement inédit, qui a notamment conduit à annuler des revalorisations tarifaires des actes de certains professionnels libéraux qui auraient pourtant pu faire consensus. Je pense en particulier à celles des kinésithérapeutes, dont les objectifs en matière de rééducation et de soins à domicile avaient été renforcés – une dynamique que nous appelions tous de nos vœux –, ou encore des psychiatres, alors que la santé mentale est grande cause nationale. Cette annulation est injuste, car ces professionnels ne sont pas responsables du dépassement du sous-objectif de l’Ondam consacré aux soins de ville.
S’agissant des chiffres, vous avez tous à la fois raison et tort. Les comparaisons avec les années précédentes pourraient avoir un sens si l’on ne changeait pas sans cesse de périmètre. Ainsi, le sous-objectif de l’Ondam relatif aux établissements de santé augmente de 1,1 milliard d’euros si l’on raisonne en euros constants, mais de 4,4 milliards en euros courants.
À la suite du déclenchement de l’alerte, les dotations relatives au sous-objectif des établissements de santé ont été réduites de 267 millions d’euros. Le gel des dotations est en effet l’un des mécanismes de pilotage annuel. Dans les faits cependant, cette baisse a été ramenée à moins de 100 millions compte tenu des dépenses faites sur d’autres enveloppes. L’article 2 tient compte de tout cela et rectifie les chiffres du sous-objectif des établissements de santé, mais nous parlons en fait d’une baisse de 100 millions, à comparer avec des augmentations de 4,4 milliards ou de 1,1 milliard selon que l’on raisonne en euros courants ou constants !
Nous sommes plusieurs à avoir déploré les conséquences pour un certain nombre d’acteurs du gel décidé à la suite du comité d’alerte. Toutefois, et au prix de ces sacrifices, l’Ondam devrait pour la première fois cette année être respecté. Enfin, je rappelle qu’un Ondam n’empêche pas de dépenser plus, comme le montre justement le fait qu’il ait été surexécuté pendant les cinq dernières années : c’est un outil de pilotage qui n’est pas bloquant lorsque des besoins se manifestent – et tant mieux pour nos établissements.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS318 de Mme Élise Leboucher, AS322 de M. Damien Maudet et AS863 de Mme Karine Lebon (discussion commune)
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Mon amendement de repli vise à augmenter les dotations versées aux hôpitaux, aux Ehpad et aux établissements médico-sociaux.
Vous venez de dire que nous avions tous à la fois tort et raison sur les chiffres. Peut‑être ne comprenons-nous pas tout, mais nous nous appuyons sur les demandes de la FHF, qui est tout de même bien placée pour connaître les budgets et les difficultés des hôpitaux.
Je travaillais à l’hôpital lors du covid, quand le Président de la République prononçait des grands mots la main sur le cœur. Le compte n’y est toujours pas. Il vous faut admettre que vos politiques ne fonctionnent pas – à moins que leur objectif soit de détruire l’hôpital public.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Mon amendement vise à augmenter la dotation des établissements de santé, qu’il s’agisse des hôpitaux ou des Ehpad.
On ne peut pas nous répondre que nous lisons mal les chiffres : il y a un fait, c’est que compte tenu du niveau de l’inflation, les moyens consacrés aux établissements seront insuffisants, sachant que la plupart d’entre eux sont déjà en déficit. La loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé aurait dû redonner un peu d’air aux soignants, mais on n’en trouve aucune traduction dans ce projet. Je ne vois pas comment ils vont s’en sortir avec un budget aussi insuffisant.
En lisant ce PLFSS, on pourrait croire que l’hôpital va bien et que l’on peut prendre un peu sur son budget. C’est ignorer ce qui se passe sur le terrain. Certains se sont peut-être habitués aux heures d’attente dans les services des urgences, mais ce n’est pas notre cas. Nous allons perdre des soignants si nous ne les soutenons pas.
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS863 vise à compenser l’absence des financements correspondant à la prime Ségur pour les établissements sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif en charge de la lutte contre les addictions.
Je suis d’accord avec Thibault Bazin en ce qui concerne l’Ondam : il n’empêche pas de dépenser plus. En revanche, il conduit à augmenter la dette, parce que l’on ne s’interroge pas sur les recettes nouvelles quand il est nécessaire de le dépasser. C’est un véritable sujet.
M. le rapporteur général. Je considère qu’il s’agit d’amendements d’appel, destinés à attirer l’attention sur les besoins. Ne nous mentons pas : les adopter ne conduirait pas automatiquement à augmenter les dotations
Yannick Monnet a raison de dire que nous devrions nous interroger sur les recettes supplémentaires. C’est tout le problème du cadre de cette discussion : à la différence d’une loi de finances de fin de gestion, nous discutons d’objectifs. C’est une différence fondamentale et l’on ne peut pas raisonner de la même manière.
Je vais rassurer Mme Leboucher sur mes intentions : je ne souhaite pas détruire nos hôpitaux. Je mesure les services qu’ils rendent. J’ai aussi lu les observations formulées par la FHF – et je crois d’ailleurs que c’est le seul interlocuteur que je cite dans mon rapport.
Adopter ces amendements ne changerait rien à l’exécution de l’année 2025, qui est d’ailleurs quasiment terminée.
Avis défavorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il y a incontestablement un problème de sous‑financement des hôpitaux publics, qui tient pour l’essentiel à l’insuffisante compensation des mesures de revalorisation salariale. Les 2,8 milliards d’euros de déficit cumulé des établissements de santé sont liés aux mesures du Ségur de la santé et à l’augmentation du point d’indice. Ce sujet devra être abordé lorsque nous examinerons l’Ondam pour 2026 – qui, lui, est bien problématique.
L’honnêteté commande de dire qu’il n’y a pas eu d’évolution négative de la dotation des établissements de santé en 2025, notamment parce que nos débats avaient permis de dégager 1 milliard d’euros de ressources supplémentaires pour le sous-objectif qui y est consacré. La FHF n’a d’ailleurs pas suggéré de rectifier l’Ondam pour 2025, ce qui est inhabituel.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). On peut faire semblant de croire à cette fable que le Parlement a repris la main, à l’occasion de ce budget, et que chacun de nos amendements changera profondément le pays – du moins jusqu’au recours aux ordonnances, qui fera disparaître en fumée le présent texte comme l’accord entre le Gouvernement et le Parti socialiste.
Nous pouvons cependant mettre à profit cette attente pour souligner les besoins des hôpitaux et la nécessité d’élaborer un budget de la sécurité sociale en fonction des besoins, et non des moyens – que vous estimez au demeurant de manière assez subjective.
Nos amendements ne serviront pas à rien, monsieur le rapporteur général, puisqu’ils permettront d’envoyer un message. J’imagine que vous êtes d’accord avec ce message, puisque nous venons d’apprendre que vous ne vouliez pas tuer les hôpitaux. Soit nos amendements ne servent à rien et vous êtes d’accord avec notre message, auquel cas vous les voterez. Soit ils servent à quelque chose et vous les voterez afin que nous changions les choses ensemble.
Mme Justine Gruet (DR). Si nous avions le même taux d’emploi que l’Allemagne, nous aurions 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires et 5 milliards de dépenses en moins. D’où l’objectif de favoriser le travail.
On se rend compte à chaque PLFSS que nous avons du mal à mener une réflexion globale pour améliorer l’accompagnement de la perte d’autonomie. Le sous-financement de la branche dépendance finit par créer des dépenses supplémentaires pour la branche maladie, car des personnes âgées sont hospitalisées alors qu’elles relèveraient davantage d’une prise en charge à domicile ou dans une institution adaptée.
Il faudra donc mener une réflexion à ce sujet, mais ce n’est pas dans le cadre de cet article que l’on pourra le faire.
Mme Annie Vidal (EPR). Ces amendements proposent de retirer des moyens aux soins de ville pour les redistribuer aux établissements de santé et médico-sociaux. La progression des soins de ville s’explique essentiellement par les dépenses en matière de médicaments et d’indemnités journalières. Si cet amendement avait une véritable portée, ce qui n’est pas le cas, faudrait-il demander aux médecins de ne plus prescrire de médicaments ou d’arrêts de travail jusqu’au 31 décembre ? J’aimerais bien connaître votre réponse.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle rejette l’article 2.
Amendements de suppression AS295 de Mme Élise Leboucher, AS773 de Mme Joëlle Mélin et AS1217 de Mme Sandrine Rousseau
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Par l’amendement AS295, nous proposons de supprimer cet article extrêmement mesquin qui prévoit de diminuer de 11 % les crédits alloués au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS). Cela ne représente qu’une somme de 60 millions, mais même cela, vous vous y attaquez.
À quoi sert le FMIS ? Il permet par exemple de cofinancer de nouvelles maisons de santé ou, dans un hôpital comme celui de Toulouse, un ensemble de petites choses qui font qu’un établissement fonctionne et que les gens arrivent à y travailler – l’équipement médical du bloc, du matériel informatique, des chambres de garde, du mobilier pour les chambres des patients, des éclairages LED. Ce fonds permet également de rénover les maternités, alors que la France enregistre les pires résultats en Europe en matière de mortalité infantile.
Mme Joëlle Mélin (RN). Cet article, qui prévoit de retirer 60 millions d’euros au FMIS, est assez représentatif de ce PLFSS qui procède à des coupes budgétaires extrêmement fines. Et pour cause : nous sommes à l’os.
Même si cette somme de 60 millions d’euros peut paraître modeste au regard de l’ensemble des moyens destinés à l’innovation, il y a là quelque chose de caricatural. On ne peut pas s’en prendre aux seuls crédits qui contribuent à l’innovation et donc au redémarrage de l’industrie. Nous sommes farouchement opposés à cet article et nous demandons sa suppression.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Notre groupe demande également la suppression de cet article, car les coupes prévues portent sur les investissements et l’innovation.
Un système de santé qui n’investit pas, y compris dans des structures comme les maisons de santé, ne prévoit pas l’avenir. Il y a quelque chose d’extrêmement inquiétant dans le fait d’aller chercher des économies dans ce genre de lignes budgétaires.
Par ailleurs, j’ai entendu tout à l’heure que les difficultés de l’hôpital public venaient de la réforme des 35 heures – laquelle remonte tout de même à vingt-sept ans ! Il va un jour falloir trouver des explications un peu moins datées.
M. le rapporteur général. Je rappelle que je ne suis pas à l’origine de cet article, monsieur Clouet ! J’avais d’ailleurs alerté la commission à l’occasion de la nouvelle lecture du PLFSS 2025 sur le fait qu’une partie du financement des moyens supplémentaires accordés aux hôpitaux reposait sur une forme de jeu de bonneteau, que je n’approuve pas.
J’aurais préféré que l’on ne touche pas au FMIS. Je ne suis pas satisfait de ce tour de passe-passe. Cependant, nous discutons d’une économie qui représente 0,02 % de l’Ondam. Par ailleurs, il m’a été indiqué lors des auditions que la réduction de la dotation du FMIS avait été actée le 8 juillet : la mesure est en réalité définitive.
Le FMIS est un bon outil. On peut déplorer qu’on réduise ses moyens mais les administrations concernées m’avaient indiqué, lorsque je les avais interrogées sur leurs intentions l’hiver dernier, qu’il disposait de quelques réserves et que cette mesure ne remettrait pas d’investissements en cause.
Même si je n’y étais pas favorable, cette opération fait partie du paquet global qui nous avait été présenté au début de l’année. J’aurais préféré que l’on procède autrement, mais force est de constater que la décision a été prise en juillet et que cet article se contente de la retranscrire.
Avis défavorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet article est très décalé. Lors de son premier déplacement, le Premier ministre a promis de mettre en place des maisons France Santé, sur le modèle du réseau France Services – ce qui passera probablement par la labellisation de structures existantes. Or le FMIS a notamment l’intérêt de contribuer à financer les maisons de santé pluridisciplinaires. Alors que tout le monde s’accorde sur la nécessité d’assurer un meilleur maillage du territoire et que les besoins vont croissant, il est paradoxal de se priver de ressources pour une économie qui représente moins d’un dix-millième des dépenses de santé.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, qui ne vote pas la censure fait partie du paquet ! Et c’est vrai pour vous comme pour Jérôme Guedj. Si nous sommes dans la situation que nous connaissons, c’est parce que certains ont laissé ce gouvernement continuer la politique menée depuis l’élection présidentielle de 2017, politique à laquelle l’actuel Premier ministre a participé depuis le début.
Même si elle ne représente que 0,02 % de l’Ondam, la somme en question permettrait tout de même de financer quelques projets. On ne légifère jamais pour 70 millions d’habitants. Si cet argent permet d’aider quelques milliers de personnes, il ne sera pas perdu.
Vous avez indiqué que les réserves permettront de tenir le choc l’année prochaine. Mais nous n’appelons pas à légiférer seulement pour l’année prochaine : nous demandons une politique globale pour les hôpitaux, ce qui conduit à parler certes des dépenses, mais aussi des recettes.
Les députés du Rassemblement national se plaignent de tout, mais lorsqu’on leur parle de recettes, ils vous parlent de natalité. Leur programme sur le sujet est lamentable.
Nous perdons du temps avec ce PLFSS. Tout le monde appelle à des changements structurels, mais ce projet n’en comprend pas. C’est la raison pour laquelle nous appelons à supprimer cet article.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il y a deux ans, le Président de la République avait expliqué que la France avait un problème de natalité et qu’il voulait un réarmement démographique. Mais lui et son gouvernement donnent-ils aux Français et à l’hôpital les moyens de faire grandir les enfants ? La France est passée en quelques années de la troisième à la vingt-troisième place de l’Union européenne pour ce qui est du taux de mortalité infantile.
C’est au cours des vingt-huit premiers jours que les bébés meurent le plus. Or les services de néonatologie et de réanimation néonatale sont dans une situation extrêmement difficile car ils ont été largement sous-financés, au motif qu’ils étaient peu rentables. Ils sont saturés à 95 % et 23 % des patients qui arrivent en réanimation néonatale sont refusés, faute de place. Vous allez réduire un budget qui aurait pu augmenter les capacités de ces services.
M. Hendrik Davi (EcoS). Cette diminution du FMIS est vraiment incompréhensible. Nous avons profondément besoin d’un exercice plus coordonné de la médecine, notamment s’agissant de la médecine de ville. Or le périmètre d’intervention de ce fonds comprend les établissements médico-sociaux et les structures d’exercice coordonné en ville.
Je ne comprends pas que l’on propose une telle mesure alors que l’on s’apprête à lancer des maisons France Santé partout sur le territoire – nous souhaitons pour notre part qu’elles soient publiques – et que l’un des objectifs du Premier ministre est d’améliorer la coordination. C’est totalement incohérent.
M. le rapporteur général. Je n’ai pas participé aux discussions lorsque François Bayrou a voulu trouver une voie pour éviter la censure et nous doter d’un budget de la sécurité sociale en février dernier. Dans l’ensemble qui avait été proposé afin d’obtenir une majorité, il y avait 1 milliard d’euros en plus pour les hôpitaux, mais aussi la mesure qui rabotait les moyens du FMIS.
Toutefois, cette mesure procède aussi d’une forme de sincérité budgétaire. L’administration a ordonnancé beaucoup moins de dépenses que le maximum possible. On aurait pu laisser le montant inchangé, mais cela ne l’aurait pas obligée à dépenser pour autant.
Monsieur Boyard, si le Gouvernement est censuré, il n’y aura pas de budget et donc pas de contribution au FMIS le 1er janvier. Si vous tenez tellement à ce dernier, il ne faut pas voter la censure mais essayer de rendre le budget le moins pire possible. Nous avons tous constaté en janvier et février dernier que le versement des subventions était totalement bloqué.
Comme Jérôme Guedj, je pense que nous avons plutôt un problème pour 2026. Le projet prévoit de ramener le montant annuel du financement du FMIS autour de 400 millions d’euros, contre 1 milliard il y a quelques années. Or un certain nombre d’expérimentations intéressantes avaient été lancées dans le cadre dit de l’article 51, et il serait bon de faire davantage dans ce domaine. L’une de ces expérimentations, dans ma région, portait sur la conciliation médicamenteuse. Elle concernait 4 000 patients et a permis de faire baisser la mortalité de 7 %. Il est un peu dommage de ne pas continuer à investir pour moderniser et innover, car c’est un moyen d’améliorer notre système de santé.
Il faudra mener un combat en matière d’innovation, de modernisation et d’investissement, mais surtout pour l’exercice 2026. S’agissant de 2025, supprimer l’article ne changera rien aux montants accordés au FMIS.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 3 est supprimé
L’ensemble des articles de la première partie du projet de loi ayant été rejetés, celle‑ci est ainsi rejetée.
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2026
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
La commission adopte l’article 4 non modifié.
Amendement AS764 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement propose de renforcer la situation financière de la sécurité sociale et l’équité entre cotisants, en portant de trois à cinq ans le délai de prescription applicable aux créances des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf). Cela permettra de le rapprocher du droit commun de la prescription des créances en matière civile et d’améliorer le taux de recouvrement, sachant que les pertes liées aux créances non recouvrées tournent autour de 7 milliards d’euros.
M. le rapporteur général. Nous sommes nombreux à vouloir lutter contre les fraudes, qu’elles soient sociales ou fiscales. Mais si l’idée d’améliorer le recouvrement des créances des Urssaf est séduisante, votre dispositif présente des limites.
Premièrement, le délai de cinq ans que vous proposez s’applique déjà en cas de constatation d’une infraction de travail illégal.
Deuxièmement, le délai actuel de trois ans est suspendu pendant la phase contradictoire du contrôle réalisé par l’Urssaf, au cours de laquelle le cotisant peut faire valoir ses observations.
Troisièmement, le délai de prescription de trois ans correspond au droit commun en matière fiscale. Il faut maintenir un certain équilibre entre la capacité d’action des organismes de recouvrement et la protection des intérêts des cotisants de bonne foi. Avec votre amendement, une simple erreur déclarative de leur part pourrait entraîner un rappel de cotisations quatre ou cinq ans plus tard, ce qui paraît un peu disproportionné.
Demande de retrait.
M. Christophe Bentz (RN). Nous considérons qu’un délai de prescription trop court – trois ans en l’occurrence – peut dissuader l’administration d’aller au bout des procédures de recouvrement des créances. C’est la raison pour laquelle nous proposons de le proroger de deux ans.
La commission rejette l’amendement.
Amendement de suppression AS1346 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Je propose de supprimer cet article qui réforme la sécurité sociale des artistes-auteurs.
En 2018, le Gouvernement avait promis de créer un véritable organisme de gestion pour les artistes-auteurs. Cet engagement n’a pas été tenu et leur régime n’a aucune direction claire ni réelle gouvernance partagée.
L’article 5 ne règle rien. Il confirme et renforce le rôle dominant de l’Urssaf Limousin, qui serait désormais chargée des affiliations, sans que les représentants des artistes-auteurs soient associés à la gestion. La sécurité sociale des artistes-auteurs, agréée par l’État mais contestée par les syndicats, n’a aucun pouvoir réel et ne remplit pas les fonctions d’un organisme de sécurité sociale. Malgré les critiques de la Cour des comptes et le mécontentement des syndicats, le projet du Gouvernement ne change rien à ces déséquilibres. Il faut donc revoir la copie.
M. le rapporteur général. Cet article fait suite aux remarques de la Cour des comptes sur un certain nombre de dysfonctionnements.
En 2022, les deux associations chargées de la protection sociale des artistes-auteurs, l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) et la Maison des artistes, ont fusionné au sein d’un organisme unique, l’Urssaf Limousin étant parallèlement chargée depuis 2019 du recouvrement. L’article prévoit de confier aussi à l’Urssaf la responsabilité de l’affiliation des artistes-auteurs à la sécurité sociale et la gestion de l’action sociale à leur égard. Cette mesure de simplification mettra fin aux enchevêtrements de compétences et aux doublons.
Par ailleurs, les missions et la gouvernance de la sécurité sociale des artistes-auteurs seront profondément rénovées. L’article ne prévoit pas du tout de la maintenir sous sa forme actuelle : il renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des règles de fonctionnement de l’association et précise en particulier que son conseil d’administration devra comprendre des représentants des artistes-auteurs affiliés, des diffuseurs, des organismes de gestion collective des droits d’auteur et des représentants de l’État. Nous devrons y veiller.
La situation actuelle n’est pas satisfaisante. Adopter votre amendement nous empêcherait de l’améliorer.
Avis défavorable.
M. le président Frédéric Valletoux. Je rappelle que Mmes Bourouaha et Galliard‑Minier sont chargées d’une mission « flash » sur la mise en place d’une continuité de revenu pour les artistes-auteurs, dont elles devraient présenter les conclusions prochainement.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes tous d’accord pour estimer que les artistes-auteurs ont des besoins spécifiques. Il est très étonnant de vouloir réorganiser leur régime de sécurité sociale alors qu’une mission est en cours. Cela plaide plutôt pour rejeter l’article et travailler ensuite sérieusement à partir des conclusions de nos collègues.
D’autant que le Gouvernement a mis les artistes-auteurs entre les griffes d’une organisation, l’Agessa, qui est marquée par des scandales à répétition. Les cotisations retraites de 190 000 personnes n’ont pas été prélevées, avec à la clef l’absence de droit à pension. Le directeur de cet organisme, M. Thierry Dumas, a reçu une indemnité de 300 000 euros à l’occasion d’une rupture conventionnelle. Cette somme aurait pu être utilisée de manière plus utile, par exemple pour réparer le préjudice subi par les artistes-auteurs.
Cet article est inacceptable car les artistes-auteurs n’auront plus aucun contrôle sur leur régime de protection sociale. Le recours amiable ne sera plus possible, puisque les commissions professionnelles disparaissent, de même que la commission d’action sociale. Les représentants des assurés ne seront plus élus mais désignés directement par le Gouvernement.
Nous voterons pour l’amendement de suppression, afin de pouvoir discuter tranquillement de ce dossier, en nous appuyant sur des faits.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Soumya Bourouaha et moi travaillons en effet sur le statut des artistes-auteurs afin de trouver une solution à une situation marquée par la précarité et le caractère discontinu de leurs revenus. Nous rendrons nos conclusions fin novembre.
Les artistes-auteurs et leurs syndicats considèrent de manière unanime que leur sécurité sociale ne fonctionne pas et qu’il est absolument nécessaire de déléguer les tâches de gestion des affiliations et de recouvrement des cotisations à l’Urssaf Limousin.
Je vous invite donc à ne pas supprimer cet article et à l’améliorer en séance. Il permet de préserver la spécificité de la protection sociale des artistes-auteurs. Peut-être faudra‑t‑il transformer la sécurité sociale des artistes-auteurs en conseil de la protection sociale des artistes-auteurs. De nouvelles missions seront confiées à l’organisation, dont celle de gérer les aides sociales, de désigner un médiateur et d’assurer la liaison avec les pouvoirs publics.
M. Jérôme Guedj (SOC). Les artistes-auteurs sont affiliés au régime général de la sécurité sociale, et c’est une bonne chose. Je suis attaché aux trois U de la protection sociale : unité, uniformité, universalité. À chaque fois qu’on le peut, il faut faire converger vers le régime général des professions qui n’entrent pas dans le schéma classique comprenant un employeur et des salariés.
Il faut bien entendu associer les artistes-auteurs à la gouvernance, mais en sortant du modèle de l’Agessa et de la Maison des artistes, dont on a vu qu’il avait failli.
J’entends les inquiétudes au sujet d’un article qui ne prévoit pas une association suffisante des artistes-auteurs, mais la réforme va dans le sens d’une plus grande intégration dans le régime général de la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle nous la soutiendrons.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Les organisations représentatives d’artistes-auteurs sont unanimement opposées à cette réforme. Une mission d’information est en cours et nous devons prendre le temps de travailler, car le sujet est sérieux. Il serait donc raisonnable de rejeter cet article pour nous atteler ensuite à la tâche et proposer quelque chose de concret et d’unanime. Quelle que soit notre appartenance politique, il serait bénéfique de valoriser le travail de notre commission.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1348 de Mme Soumya Bourouaha
M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement permettrait de faire évoluer les choses sans attendre, car il y a urgence.
Nous proposons de créer un conseil de la protection sociale des artistes-auteurs, sur le modèle du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, qui permettrait de préfigurer la création d’une véritable caisse de sécurité sociale au sein du régime général.
L’amendement détaille sa composition, ses missions et les principes de son fonctionnement.
M. le rapporteur général. Vous souhaitez préciser les conditions de désignation des représentants des artistes-auteurs au sein du conseil d’administration, mais est-ce bien le rôle du législateur ? Nous pourrions laisser cela au Conseil d’État, sachant que la rédaction actuelle du texte précise déjà que les artistes-auteurs seront représentés au sein du conseil d’administration, et que les nouveaux organes dirigeants de la sécurité sociale des artistes-auteurs seront forcément créés en concertation avec les principaux intéressés. Certes, nous pourrions aussi préciser les choses ici, pour se rassurer.
Surtout, votre amendement tend à priver de toute représentation au sein du conseil d’administration les organismes de gestion collective (OGC) des droits d’auteur, tels que la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ou la Société des auteurs et compositeurs dramatiques. Est-ce volontaire ? La présence de ces organismes semble légitime, puisqu’ils sont chargés de précompter les cotisations dues sur la rémunération des auteurs. L’amendement devrait être retravaillé, au moins sur ce point.
Demande de retrait, ou avis défavorable.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Cet amendement prévoit que les représentants des artistes-auteurs seront désignés à l’issue d’élections professionnelles. Or le corps électoral de cette profession n’est pas défini – à partir de 1 euro de cotisation, tout le monde peut devenir artiste-auteur et être affilié à la sécurité sociale correspondante. Des critères de représentativité sont donc en train d’être examinés, sachant que les cinq branches des artistes-auteurs devront être représentées.
En outre, en l’état, l’alinéa 11 prévoit déjà que les artistes-auteurs seront représentés au conseil d’administration – nous sommes également attachés à ce point.
Enfin, pour ma part, je suis favorable au maintien d’une représentation des OGC au conseil d’administration, dès lors qu’ils ne disposent que d’une voix consultative.
Je m’oppose donc à cet amendement. Il faut continuer à travailler.
M. le rapporteur général. Monsieur Monnet, puisqu’il semble compliqué de préciser le mode de désignation des représentants des artistes-auteurs dans la loi, je vous propose de réécrire ensemble l’amendement en vue de la séance publique.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques AS296 de M. Damien Maudet et AS1296 de Mme Soumya Bourouaha
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS296. De façon générale, nous souhaitons limiter la dématérialisation dans l’accès aux services publics, qui pénalise nos concitoyens les moins bien équipés. Une voie alternative doit toujours être possible. Or le présent article prévoit la dématérialisation complète de la déclaration de revenus des artistes-auteurs. Ce serait une rupture d’égalité et un obstacle à l’accomplissement des obligations déclaratives des artistes-auteurs.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Je défends l’amendement AS1296. Dans le cadre de notre mission « flash », Mme Bourouaha et moi avons constaté que le taux de non-recours était important chez les artistes-auteurs, par défaut d’information. L’obligation de dématérialisation risquerait d’aggraver cette difficulté. Nous demandons donc de la supprimer.
M. le rapporteur général. Ces amendements vous rassemblent. J’ai entendu le message.
En l’état, cet article met fin à une exception. En effet, l’ensemble des employeurs et travailleurs indépendants sont désormais tenus de déclarer numériquement les revenus professionnels qu’ils versent ou perçoivent. On peut se demander pourquoi les artistes-auteurs devraient échapper à l’obligation à laquelle sont soumis les tapissiers ou les tailleurs de pierre. En outre, les déclarations sur papier représentent une charge administrative pour l’Urssaf, car les gestionnaires doivent en saisir manuellement le contenu.
Toutefois, à la lecture de l’exposé sommaire de vos amendements, je comprends qu’il faille se donner une certaine souplesse pour éviter la fracture numérique. Je vous propose de retirer vos amendements au profit du AS1750 qui va venir, qui maintient la possibilité pour les artistes-auteurs de déclarer leurs revenus autrement que par voie dématérialisée tout en soulignant que cette dernière modalité doit être privilégiée. J’admets que sa rédaction n’est pas totalement satisfaisante. Nous pourrions la retravailler en vue de la séance publique, sur le modèle de ce qui est prévu en matière fiscale.
L’amendement AS1296 étant retiré, la commission rejette l’amendement AS296.
Puis elle adopte l’amendement AS1750 de M. Thibault Bazin.
Enfin, elle adopte l’article 5 modifié.
Amendements AS1734 de M. Thibault Bazin et AS1334 de Mme Annie Vidal (discussion commune)
M. le rapporteur général. En application de la loi du 17 décembre 2021, dite « Chassaigne 2 », le statut de conjoint collaborateur d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole ne peut être conservé pour une durée supérieure à cinq ans. Cette règle qui s’applique depuis le 1er janvier 2022 obligera près de 10 000 personnes à opter pour un autre statut au 1er janvier 2027.
La loi Chassaigne 2 prévoit que, par défaut, les conjoints collaborateurs basculent vers le statut de salarié agricole, sauf dans les cas où ils demanderaient explicitement à devenir chefs d’exploitation.
Cette mesure, justifiée à l’époque par le souci de protéger ces personnes, est d’un intérêt moins évident aujourd’hui car les réformes des dernières années ont rendu le statut de chef d’exploitation plus protecteur. La réforme de l’assiette et des taux de cotisation des agriculteurs les conduira notamment à cotiser davantage pour leur retraite, laquelle sera d’ailleurs calculée à l’avenir sur la base des vingt-cinq meilleures années, en application de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. C’est un progrès, conforme aux vœux sur de nombreux bancs.
Pour inciter les conjoints collaborateurs à opter pour le statut de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, le présent amendement propose de leur octroyer le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales applicable aux jeunes agriculteurs, en supprimant la condition d’âge prévue pour celle-ci.
Cette exonération serait toutefois soumise à trois conditions cumulatives. Elle serait réservée aux conjoints collaborateurs qui arrivent au bout de la période de cinq ans sous ce statut ; qui choisissent d’exercer en tant que chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre principal ou exclusif ; et qui s’engagent à conserver ce statut pendant au moins cinq ans. Les conjoints collaborateurs concernés bénéficieraient de l’exonération dans les mêmes conditions que les jeunes agriculteurs.
Madame Vidal, vous avez déposé un amendement qui s’inscrit dans le même esprit. Je vous suggère de le retirer. Mon amendement a l’avantage de préciser expressément que la condition d’âge ne s’applique pas, afin de clarifier l’éligibilité des conjoints collaborateurs actuellement âgés de plus de 40 ans. Par ailleurs, il renvoie à un décret le soin de préciser les conditions d’application de l’article, notamment la manière dont devra se matérialiser l’engagement de conserver le statut de chef d’exploitation pendant cinq ans.
Votre amendement, au contraire, ne s’appliquerait que de manière temporaire et pour la seule génération des conjoints collaborateurs arrivant au bout de la période de cinq ans sous ce statut en 2027. Il risquerait donc d’être censuré par le Conseil constitutionnel, puisque la loi organique interdit à une loi de financement de l’année de comporter des dispositions s’appliquant uniquement aux années ultérieures et ne présentant pas de caractère permanent.
Mme Annie Vidal (EPR). Je retire mon amendement et vous remercie pour votre expertise. Nous partageons la même volonté.
M. le rapporteur général. Puisque nous sommes d’accord, je vous propose de cosigner l’amendement qui sera présenté en séance, ou d’en présenter un identique. Monsieur Monnet, la même proposition vaut pour l’amendement que vous venez de retirer.
L’amendement AS1334 étant retiré, la commission adopte l’amendement AS1734.
Amendements AS1287 de Mme Sandrine Rousseau et AS891 de M. Yannick Monnet ; amendements identiques AS484 de Mme Élise Leboucher et AS892 de Mme Karine Lebon ; amendements AS139 de M. Jérôme Guedj et AS428 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement vise à abroger la réforme des retraites. Puisque cette question bloque nos discussions sur le PLFSS, cela simplifierait nos débats et ouvrirait la porte à une majorité en faveur de ce texte.
Alors que la réforme des retraites n’a jamais été votée à l’Assemblée nationale, l’adoption de cet amendement permettrait à notre chambre de s’exprimer pour la première fois, dans le respect de l’opinion publique des Français et des Françaises et de leurs conditions de vie.
M. Yannick Monnet (GDR). Notre amendement vise à augmenter le taux de cotisation des plus hauts revenus et à convoquer une conférence sociale et de financement des retraites. Il faut échanger sur ces questions, à défaut de pouvoir en débattre.
La question des retraites est trop souvent traitée sous le seul prisme d’un prétendu équilibre financier, mais sans aborder la question des recettes, alors qu’il s’agit avant tout d’un choix de société. Une conférence permettrait de formuler ce choix, en prévoyant les financements nécessaires – pour notre part, nous sommes favorables à une augmentation des cotisations sur les hauts revenus.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Dans la lignée des orateurs de gauche précédents, nous autres insoumis sommes convaincus qu’aucun problème financier n’empêche d’abroger la réforme des retraites. La proposition de notre amendement AS484 le démontre : une très légère cotisation sur les très hauts salaires rapporterait la somme nécessaire à l’abrogation dès le 1er janvier de l’an prochain.
La part de rémunération située en dessous du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass), qui est d’environ 4 000 euros par mois, est soumise à un taux de cotisation de 10,5 % au titre de l’assurance vieillesse ; pour la part qui est au-dessus du plafond en revanche, le taux dépasse juste les 2 %. Ainsi, plus le salaire est élevé, plus le taux de cotisation sur l’ensemble du salaire se réduit : il est de 10,5 % pour une personne rémunérée au Smic, mais de seulement 8 % pour un cadre qui touche 3 Smic.
En augmentant les cotisations pour les très hauts salaires, nous ferons d’une pierre deux coups : nous rendrons le régime de contribution sociale plus juste et nous dégagerons les moyens nécessaires à l’abrogation de la réforme des retraites.
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS892 est défendu.
M. Jérôme Guedj (SOC). Les amendements en discussion visent à dégager des ressources pour la branche vieillesse, dans le but d’en résorber le déficit et d’éviter l’application des mesures de report de l’âge légal de départ à la retraite de 2023. Je souscris à cette logique – mon amendement tend ainsi à déplafonner les cotisations d’assurance vieillesse.
Toutefois, nous devons être conscients que si nous déplafonnons les cotisations d’assurance vieillesse, nous devrons également déplafonner les pensions. Actuellement, la pension de base maximale correspond à 50 % du plafond annuel de la sécurité sociale. Dans le système assurantiel auquel nous sommes attachés, il ne peut y avoir de cotisation qui n’ouvre pas de droit à l’assurance.
Ce sont donc des amendements d’appel. La réforme du financement de la branche vieillesse est nécessaire. Elle sera rendue possible demain par la suspension de la réforme des retraites et la convocation d’une conférence sur le travail et les retraites. En 2027, les Français trancheront. S’ils veulent une réforme plus dure, ils voteront à droite ; s’ils veulent une réforme plus juste, ils voteront à gauche.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS428. Le système actuel est insatisfaisant, parce qu’il n’apporte pas assez d’argent aux caisses d’assurance vieillesse et qu’il est socialement injuste. Le plafond est trop bas. Il permet à des actifs qui perçoivent 3 ou 4 Smic de contribuer moins que des personnes rémunérées au Smic.
Contrairement à M. Guedj, le fait que des cotisations ne créent pas automatiquement de droits ne me choque pas. C’est déjà le cas de la part employeur prélevée sur le total du salaire brut, de 2,02 %. Demandez-vous sa suppression ? Pour ma part, elle me semble insuffisante.
Tout le monde profite de l’assurance vieillesse, y compris les plus aisés, qui souhaitent que leurs collègues et leurs parents restent en bonne santé tout au long de leur vie. Nous avons tous intérêt à l’augmentation des cotisations déplafonnées.
M. le rapporteur général. Pour la clarté de nos débats, précisons que la suspension de la réforme des retraites est inscrite à l’article 45 bis et son financement à l’article 7. Ce n’est donc que dans quelques jours que nous en traiterons. Le budget de la sécurité sociale ne se résume pas à la question des retraites, même si les journalistes n’attendent que ça.
Vos amendements eux-mêmes ne tendent pas à suspendre la réforme des retraites, mais à organiser une conférence de financement des retraites et à créer des surcotisations vieillesse sur les revenus supérieurs à deux ou quatre Pass.
Il n’est pas exact que ceux qui ont des revenus élevés ne contribuent pas. Ils sont déjà soumis à une forme de contribution de solidarité, avec une part employeur et une part salariée, comme indiqué par M. Clouet. De fait, ils contribuent déjà au financement de la sécurité sociale pour leurs revenus qui excèdent le Pass alors que cela ne leur ouvre aucun droit supplémentaire à la retraite de base.
M. Guedj pose une question de principe intéressante sur les droits contributifs et non contributifs, qui rejoint la mission lancée par la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la répartition des risques entre assurance maladie obligatoire et complémentaire. Toutefois, nous ne pouvons pas traiter ce sujet global par voie d’amendements.
S’agissant de la conférence que vous demandez, j’ai cru comprendre que le nouveau ministre du travail souhaitait lancer fin novembre une conférence sociale sur le travail et les retraites. Je ne peux qu’y être favorable, sur le principe.
Une augmentation des taux de cotisation augmenterait le coût du travail et réduirait le pouvoir d’achat des assurés. Surtout, au-delà d’un certain niveau, les cotisations qui ne créent pas de droits risquent de dénaturer le système de retraite, en lui faisant perdre son caractère contributif. Ce niveau n’est-il pas atteint avec les quatre premiers amendements en discussion, qui permettraient de dégager 3,4 milliards d’euros de recettes, en augmentant de 33 % en moyenne les cotisations des 10 % d’assurés – dont le revenu fiscal de référence est certes élevé ?
Quant à l’amendement AS428, il vise à augmenter les prélèvements de 6 milliards d’euros. Pour les assurés du cinquième décile, cela représenterait 100 euros de cotisation supplémentaire par an. Ces amendements ne visent donc pas seulement les plus aisés.
Enfin, monsieur Guedj, votre amendement AS139 est très puissant : il rapporterait 24 milliards d’euros. En effet, le surplus de cotisation que vous proposez concerne tous les cotisants, y compris ceux dont la rémunération est inférieure au Pass. Si j’en crois votre exposé sommaire, votre intention était plutôt de le cibler sur les seuls revenus supérieurs à ce plafond. Dans ce cas, la mesure ne rapporterait qu’environ 650 millions. Ce serait insuffisant pour financer la suspension de la réforme des retraites, dont le coût pour le seul système de retraite est évalué à 1,4 milliard en 2027 – le coût d’ensemble pour les finances sociales étant bien sûr plus élevé.
Avis défavorable sur l’ensemble des amendements, tant pour des raisons d’ordre philosophique que parce que les hausses de cotisation proposées me semblent trop importantes.
M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur le rapporteur général, le débat sur les retraites est politique et il est normal que vos idées le soient aussi.
Il est fondamental d’aborder la question des moyens. Je ne partage pas l’idée que l’on cotise pour sa retraite : on cotise pour un système de solidarité qui garantit une bonne retraite à tout le monde. C’est aussi une manière de garantir le sens du travail, sa valeur et l’intérêt de s’y investir. Le travail doit servir à obtenir une bonne retraite.
En tant que tels, les taux de cotisation n’ont pas de sens. Cela ne me gêne pas que l’on prélève beaucoup, la question est de savoir à qui l’on prend ! Nous démontrons aujourd’hui qu’il serait possible de prendre à ceux qui ont beaucoup – voire beaucoup trop – pour davantage financer la solidarité.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Certaines fractures démocratiques de notre pays font histoire. 2005 en est une. Le 49.3 d’Élisabeth Borne sur la réforme des retraites en est une autre.
La réforme des retraites, c’est ce qui cristallise les questions de nos concitoyens sur notre travail parlementaire. La majorité de nos concitoyens ne veulent plus avoir à tout payer, y compris à travers leur temps de travail, alors que les gros ne paient quasiment rien. Ils ne demandent pas la suspension de la réforme des retraites, mais son abrogation. Une majorité de députés y est également favorable. Ces amendements permettraient de la financer.
M. Hendrik Davi (EcoS). C’est un point central de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, parce qu’il touche à la question de la fracture sociale. Qui paye, et qui bénéficie des droits ? Les réformes des retraites touchent avant tout les classes populaires, car les plus pauvres vivent moins longtemps – un homme parmi les plus aisés vit en moyenne treize ans de plus qu’un homme issu des classes populaires.
Alors que vous demandez des efforts aux plus pauvres, nous montrons ici qu’une augmentation des cotisations pour les plus riches, ceux dont les revenus excèdent notablement le plafond annuel de la sécurité sociale, permettrait de financer l’abrogation de la réforme des retraites. Nous aurons le même débat tout à l’heure sur les franchises : il faut les rejeter, et faire contribuer les plus riches à la place.
M. Thomas Ménagé (RN). Je suis ravi de voir que le Parti socialiste et La France insoumise, après les brouilles de ce matin, reconstituent le Nouveau Front populaire autour d’amendements qui vendent tous du rêve, en promettant le report ou l’abrogation de la réforme des retraites et l’augmentation des impôts. Pourtant, nous savons pertinemment que, contrairement à ce que prétendent leurs exposés sommaires, ces amendements ne permettront ni l’abrogation de la réforme des retraites, ni le report de trois mois de cette réforme que les socialistes ont obtenu en échange d’une augmentation des impôts et des taxes et de davantage de souffrances pour le pays.
Nous nous opposerons à ces amendements, même si nous sommes favorables à l’abrogation de la réforme des retraites. Nous comptons plutôt sur de nouvelles élections, présidentielle ou législatives.
M. Jean-François Rousset (EPR). En matière de retraites, la vraie fracture est démographique. Les futurs cotisants – c’est-à-dire les jeunes – ne sont plus suffisamment nombreux. Je veux bien taxer les uns et les autres, mais c’est essentiellement sur le travail qu’il faut jouer.
On n’en parle jamais mais après redistribution, l’écart de revenus passe de 28 % ou 30 % à 3 %. Ainsi, si les moins favorisés participent à leur niveau au financement de la protection sociale, ils y contribuent beaucoup moins que les plus aisés.
M. Jérôme Guedj (SOC). Même si nous ne débattrons que plus tard des modalités de la suspension de la réforme des retraites et de son financement, il est légitime de poser d’ores et déjà les jalons d’une future réforme du financement de la branche vieillesse.
Chers collègues du Rassemblement national, refuser la suspension de la réforme des retraites et réclamer son abrogation sans jamais avouer qu’il faudra prendre des mesures pour la financer, au vu du déficit de la branche vieillesse, c’est de l’enfumage. C’est une impasse et un mensonge : vous n’avancez aucun financement crédible.
Pour notre part, nous sommes pragmatiques et constants. Il faut d’abord suspendre la réforme des retraites, parce que l’abrogation ne passera pas sous cette législature. Ensuite, j’attends le débat de l’élection présidentielle pour connaître le projet de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella en matière de retraites.
M. Nicolas Turquois (Dem). Est-ce le moment d’aborder ces sujets ? Depuis pratiquement deux heures, nous faisons de la politique, chacun ergote, montre ses muscles, sans faire avancer les choses en matière de protection sociale. Le débat aura lieu en 2027 ; chacun assumera ses choix à ce moment-là.
Monsieur Clouet, si les cotisations sont plafonnées, c’est parce que la pension de retraite l’est aussi. Dès lors que les prélèvements sur la partie de la rémunération supérieure au plafond ne créent pas de droits, il est conforme à la logique de la sécurité sociale qu’ils n’aient pas le même taux.
Monsieur Boyard, j’entends que les Français ne souhaitent pas cotiser davantage. Ce pays doit produire davantage de richesses. Là est la vraie solution.
Mme Justine Gruet (DR). Non, madame Rousseau, votre amendement ne vise pas à abroger la réforme des retraites, sinon, il aurait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Vous proposez simplement d’ouvrir une consultation. Il faut arrêter de mentir à nos concitoyens.
Si notre taux d’emploi était le même que celui de l’Allemagne, notamment pour les jeunes et les seniors, nous produirions 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires et nous dépenserions 5 milliards de moins. Le vrai débat de fond n’est donc pas celui que vous menez : il est de savoir comment produire mieux et plus.
Nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 7, lequel prévoit d’augmenter la contribution des mutuelles notamment pour financer la suspension de la réforme des retraites. Le résultat sera de diminuer les pensions. Ainsi, au lieu de protéger le système par répartition, le texte affectera les personnes âgées.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). C’est l’hypocrisie du Rassemblement national : alors qu’il prétend vouloir abroger la réforme des retraites, il refuse chacun des modes de financement alternatifs qui permettraient de sauver notre système de protection sociale. Ils sont pourtant nombreux : nous pourrions régulariser l’ensemble des travailleurs sans papiers, instaurer l’égalité salariale entre femmes et hommes ou, comme le proposent ces amendements, augmenter les cotisations prélevées sur les hauts salaires.
Si nous arrêtons de créer des exonérations patronales à tour de bras, il est possible de préserver notre système de protection sociale, ainsi que la retraite par répartition et à 60 ans. À chaque fois que nous le pourrons, nous relancerons ce débat sur l’abrogation de la réforme des retraites.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il faut prendre en compte la démographie dans ce débat. Pour le reste, nous préférons privilégier le dynamisme de l’économie et éviter de tuer les entreprises. Des articles récents ont mis en évidence l’exil de plus en plus important de jeunes ingénieurs notamment, qui quittent la France car elle n’est plus assez attractive. Et l’on va encore augmenter les cotisations sur leurs revenus ?
Les cotisations sociales des entreprises sont déjà très élevées – elles représentent 48 % de la masse salariale pour une entreprise comme Airbus. Est-ce tenable, dans une compétition internationale ?
Peut-être faut-il réviser la réforme des retraites, mais sans alourdir encore le boulet des cotisations !
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Il n’est pas possible d’abroger la réforme des retraites n’importe quand – maintenant, par exemple. C’était possible, en revanche, le 31 octobre 2024, lors de la niche parlementaire du Rassemblement national. Nous vous soumettions alors l’abrogation de la réforme des retraites, qu’une large majorité des Français demandent, et proposions en outre que tous les Français qui souffrent d’usure professionnelle partent à la retraite un an plus tôt. Vous avez refusé, du Parti socialiste à La France insoumise en passant par les écologistes et les communistes.
Pour financer le système de retraites, la gauche veut faire exploser les cotisations sur les employeurs et les employés. Le centre veut faire bosser les Français plus longtemps et davantage alors qu’ils travaillent en moyenne largement plus de 35 heures – les assistantes maternelles ont une moyenne de 44 heures par semaine. Pour notre part, nous privilégions l’emploi et la natalité. Vivement que les Français tranchent ce débat, lors des prochaines élections.
M. le rapporteur général. J’ai étudié l’impact de ces amendements qui posent la question du financement du système de retraites. Les plus ambitieux rapporteraient 6 milliards d’euros ; les autres en moyenne 3,4 milliards, sauf l’amendement de M. Guedj, qui rapporterait 24 milliards mais est plutôt conçu pour 640 millions. Bref on est bien loin du coût de la suspension de la réforme des retraites.
Sur le fond, s’agit-il de faire basculer le financement de notre système de retraite vers un système fondé sur l’impôt ? Je ne suis pas sûr que les communistes ou les insoumis le souhaitent. Aux termes de la décision du 13 août 1993 du Conseil constitutionnel, « les cotisations versées aux régimes obligatoires de sécurité sociale qui résultent de l’affiliation à ces régimes constituent des versements à caractère obligatoire de la part des employeurs comme des assurés ; [...] ces cotisations ouvrent vocation à des droits aux prestations et avantages servis par ces régimes ». En développant comme vous le proposez les cotisations non contributives, nous risquons de remettre en cause la différence entre les impositions de toute nature et les cotisations.
Sur un plan plus politique, je pense que la dernière réforme des recettes, quoique nécessaire, était incomplète. Les travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR) montrent que les deux vecteurs pour assurer l’équilibre du système de retraites à court et moyen terme sont le taux d’emploi et le renouvellement des générations.
Nous devrions concentrer notre énergie sur l’amélioration du taux d’emploi des jeunes et des parents de jeunes enfants. Quand un parent ne reprend pas le travail faute de solution de garde pour son enfant, c’est du perdant-perdant : le parent prive la société de sa contribution et perd des droits pour la retraite.
Comme l’indique Mme Gruet, améliorer le taux d’emploi serait une solution beaucoup plus puissante et efficace pour notre système de retraite. Avec le taux d’emploi de l’Allemagne, nous collecterions 15 milliards d’euros de prestations sociales supplémentaires et verserions 5 milliards de moins en prestations. Cela fait 20 milliards, soit un montant bien supérieur au déficit de la branche vieillesse. Une telle somme pourrait même nous permettre de relever des défis tels que l’harmonisation des droits conjugaux et familiaux par le haut.
La commission rejette successivement les amendements.
La réunion est suspendue de onze heures à onze heures quinze.
Amendements AS658 de M. Hadrien Clouet et AS660 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes nombreux à penser qu’avec un salaire supérieur à 20 000 euros par mois – soit cinq fois le plafond de la sécurité sociale –, on est dans une situation très confortable, pour ne pas dire riche. Les macronistes eux-mêmes ont créé l’année dernière une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui s’applique au-delà de ce seuil. Par cohérence, nous proposons d’instaurer une surcotisation de 1 % sur ces revenus, afin de dégager un peu plus de 5 milliards d’euros de recettes pour financer l’assurance vieillesse et l’abrogation de la réforme des retraites.
Le RN clame qu’il ne veut pas taxer davantage les Français, mais cette mesure ne concerne que 0,05 % d’entre eux. Et si ces derniers ne contribuent pas, ce sont tous les autres qui paieront. Soit vous soulagez la bourgeoisie, soit vous soulagez le plus grand nombre.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Dans le même esprit, l’amendement AS660 vise à instituer une surcotisation sur les revenus supérieurs à 9 812 euros par mois, afin de financer l’abrogation de la réforme des retraites.
Il y a une forme d’ironie à voir le Rassemblement national voter contre tous nos amendements qui proposent une légère augmentation des cotisations sociales des plus aisés afin de financer l’abrogation de la réforme des retraites, c’est-à-dire de permettre aux salariés payés au Smic de ne pas voir à travailler deux années de plus, tout en expliquant qu’il financera ladite abrogation non plus en portant le prix du paquet de cigarettes à 100 euros, comme précédemment, mais par le biais de la natalité. Quelles mesures prendrez-vous, collègues du RN, pour relancer la natalité ? Nous n’en voyons aucune dans votre programme. Mais nous serions curieux de savoir pourquoi vous refusez de taxer les riches pour aider le peuple.
M. le rapporteur général. Tel qu’il est rédigé, votre amendement, monsieur Clouet, ne comporte aucune précision sur les modalités du nouveau prélèvement, que vous qualifiez d’ailleurs alternativement de « cotisation » ou de « contribution ». S’il s’agit d’une contribution, on ne sait pas si elle est de nature fiscale ou non. En l’état de la rédaction, elle serait inconstitutionnelle puisqu’il revient à la loi – et non à un décret pris en Conseil d’État – de fixer l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. S’il s’agit d’une cotisation, on ne sait pas si elle est salariale ou patronale ni à quelle branche elle serait affectée.
Votre seule volonté, en définitive, est de créer un nouveau prélèvement sur les plus riches, peu importe ses modalités. Cependant, il faut bien que le dispositif fonctionne.
Ce week-end, j’ai croisé dans ma circonscription deux électeurs qui m’ont dit que j’étais devenu insoumis : permettez-moi de les rassurer en émettant un avis défavorable sur vos amendements...
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Le Rassemblement national considère qu’avec 9 812 euros par mois, on ne perçoit pas des revenus suffisants pour payer une surcotisation. J’aimerais donc savoir ce qu’ils proposent, en matière de natalité, pour financer l’abrogation de la réforme des retraites.
M. Thomas Ménagé (RN). Je vais vous répondre, même si nous ne sommes pas ici pour cela. Notre programme comporte plusieurs mesures de nature à relancer la natalité, comme l’attribution d’une part fiscale complète dès le deuxième enfant – quand vous, vous tapez continuellement sur les familles qui travaillent, qui ont des enfants et qui essaient de vivre dans une France de plus en plus compliquée depuis l’élection d’Emmanuel Macron, que vous avez soutenu à de multiples reprises et contribué à faire élire. Nous proposons aussi la création d’un prêt public à taux zéro de 100 000 euros, transformé en subvention pour les couples qui ont un troisième enfant et participent ainsi au rebond démographique pour financer notre modèle social.
Nous voulons faire grossir le gâteau, en quelque sorte, relancer l’économie pour obtenir des cotisations supplémentaires au lieu de taxer toujours davantage une petite partie des Français, ceux qui se lèvent pour aller travailler et ceux qui créent des emplois. Selon le COR, si la France atteignait le taux d’emploi des Pays-Bas, elle disposerait de 140 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales supplémentaires chaque année – sauf que nous avons 14 points de retard. Remettons donc la France au travail, créons des emplois et arrêtons de nous en prendre aux entreprises et au travail, comme vous le faites.
M. Hendrik Davi (EcoS). Le taux d’emploi en France est largement supérieur à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. La fécondité est elle aussi très supérieure à celle de nos voisins, même si elle a reculé ces derniers temps.
Nous voterons ces amendements qui sont pleinement justifiés parce que nous assistons, depuis une vingtaine d’années, à une captation des richesses par les 1 % les plus riches et à un creusement des écarts de revenus particulièrement indécent, qui n’existait pas auparavant.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS721 de M. Paul-André Colombani
M. Paul-André Colombani (LIOT). Le Parlement vient d’adopter le projet de loi portant transposition des accords nationaux interprofessionnels (ANI) en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social, qui prévoit notamment une négociation obligatoire pour les entreprises de plus de trois cents salariés. Afin de rendre cette dernière effective, l’amendement vise à l’assortir d’une sanction en cas de non-respect, qui prendrait la forme d’un malus sur les cotisations d’assurance vieillesse. L’objectif est de favoriser l’emploi des seniors dans de bonnes conditions. Cette question aurait d’ailleurs dû être un préalable à toute réforme des retraites. En effet, le taux d’emploi des 55-64 ans, public particulièrement vulnérable, est de 56 % et le taux de chômage augmente au fur et à mesure de leur avancée en âge.
M. le rapporteur général. Vous voulez créer un malus pour les entreprises qui ne satisferaient pas leurs obligations tendant à favoriser l’emploi des salariés expérimentés. Malheureusement, et c’est aussi une frustration pour moi, le PLFSS n’est pas le bon vecteur pour porter des mesures qui relèvent du travail.
Je ne suis pas sûr que créer un malus – autrement dit, un prélèvement social déguisé – soit un très bon signal à envoyer aux branches professionnelles et aux partenaires sociaux alors que des ANI viennent d’être adoptés qui prévoient précisément une négociation obligatoire, au moins une fois tous les quatre ans, en matière d’emploi, de travail et d’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés dans les entreprises d’au moins trois cents salariés. Faisons-leur confiance et laissons-leur la possibilité d’en discuter.
Par ailleurs, renvoyer à un décret le soin de déterminer le malus laisse, à mon sens, trop de place à l’arbitraire : préciser que ce malus doit être fixé « sur la base de critères clairs » me semble davantage relever du vœu pieux que d’une garantie juridique solide pour les entreprises.
Avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Je ne comprends pas votre raisonnement, et je soutiens cet amendement. La question de l’emploi des seniors ne pourra pas être traitée sans imposer une forme de contrainte. Certaines entreprises se délestent manifestement de leurs salariés plus âgés. C’est prévoir une négociation sans l’assortir d’une forme d’obligation qui me paraît, pour le coup, un vœu pieux. L’amendement de notre collègue prouve que le PLFSS peut être le bon véhicule pour favoriser l’emploi des seniors, même s’il ne doit pas être le seul levier et que le dispositif reste perfectible – c’est toujours mieux que si on ne fait rien.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’accord qui vient d’être signé prévoit que si, à l’issue des discussions, aucun accord n’a été conclu, l’employeur peut décider seul d’appliquer le plan d’action. L’ANI ne prévoit donc aucune contrainte ; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a fait l’objet de critiques et que la CGT n’y est pas favorable. Lors de l’examen du texte, nous avions été constructifs en formulant plusieurs propositions ; on nous avait répondu qu’il valait mieux s’en tenir strictement à l’ANI. Par cet amendement, nous cherchons précisément à le rendre plus opérant. Si vous êtes favorable à l’accord – et il me semble que tout le monde a voté en sa faveur, à l’exception de La France insoumise –, adoptez cet amendement !
M. Michel Lauzzana (EPR). Même si le but poursuivi est louable, la manière d’y parvenir n’est pas la bonne. Vous alourdissez une fois de plus les cotisations patronales alors qu’elles s’élèvent déjà, pour certaines entreprises, à 48 % de la masse salariale – imaginez le boulet que cela représente, notamment en matière de compétitivité ! Faisons plutôt confiance à l’ANI.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Il s’agit d’alourdir les cotisations patronales des seules entreprises de plus de trois cents salariés qui ne joueraient pas le jeu vis-à-vis de ce public fragile que sont les seniors. Si nous ne faisons rien, l’accord de branche restera un vœu pieux.
M. le rapporteur général. Vous proposez de soumettre les entreprises à un malus « en l’absence de négociation » ou « à défaut d’accord ». Mais il est très facile de lancer des négociations, sans aucune obligation de résultat ! Quant au plan d’action annuel, votre amendement ne dit rien de son contenu. Par conséquent, tel qu’il est proposé, le dispositif du malus sera inopérant, parce qu’il n’atteindra pas sa cible.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AS662 de M. Damien Maudet et AS666 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il s’agit de revenir sur les exonérations de cotisations sociales accordées aux médecins libéraux qui cumulent emploi et retraite. Ces incitations fiscales n’ont clairement pas fait la preuve de leur utilité. La décision de rester ou non en activité n’est pas liée à un quelconque avantage fiscal : en 2023, ces exonérations se sont d’ailleurs accompagnées d’une baisse du taux d’activité des médecins. De plus, le système actuel vise à favoriser le maintien en activité des praticiens qui exercent dans des zones sous‑dotées ; sachant que celles-ci représentent 87 % du territoire, cela reviendrait à exonérer la quasi-totalité des médecins.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer ces systèmes incitatifs qui ne fonctionnent pas et privent la sécurité sociale de recettes supplémentaires.
M. le rapporteur général. Vous revenez sur un dispositif qui a été adopté dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale et qui traduit, à mon sens, un bon équilibre : c’est une solution transitoire consistant à exonérer de cotisations d’assurance vieillesse les médecins retraités qui poursuivent ou reprennent leur activité en zone sous-dense, mais qui en contrepartie ne se constituent pas de nouveaux droits à la retraite.
Ce dispositif permet aussi l’affiliation des médecins en cumul emploi-retraite au régime simplifié des professions médicales, ce qui allège significativement leur charge administrative avec un interlocuteur unique, l’Urssaf, qui gère les formalités nécessaires à la création ou à la reprise de leur activité. En adoptant votre amendement, nous supprimerions le bénéfice de ce régime simplifié, qui va pourtant dans le bon sens.
Vous estimez que ces exonérations de cotisations entraînent une perte de recettes. Si l’on compare les cotisations versées par un médecin affilié au régime simplifié, qui atteint le plafond fixé à 19 000 euros de chiffre d’affaires, avec celles versées par un médecin en secteur 1 aux revenus similaires, on se rend compte que les montants acquittés sont très similaires. La perte de recettes est faible, alors que le régime simplifié facilite grandement les démarches des médecins : c’est donc du gagnant-gagnant.
Il faut rappeler que l’assurance maladie prend en charge une partie des cotisations des médecins libéraux qui relèvent du régime de droit commun : leur reste à charge est ainsi réduit de 34 %. Par conséquent, un médecin au régime simplifié s’acquitte de 3 200 euros de cotisations, tandis que celui qui relève du régime de droit commun paie 3 300 euros. 100 euros de différence face à l’avantage du régime simplifié : je crois que nous y perdrions à adopter vos amendements.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je suis sûre que si nous adoptions ces amendements, vous sauriez rétablir une mesure de simplification, monsieur le rapporteur général ! Vous admettez par ailleurs que les exonérations entraînent une perte de recettes – quel qu’en soit le montant, c’est toujours trop. Arrêtons la gabegie et mettons fin à des systèmes qui, manifestement, n’incitent pas les médecins à poursuivre leur activité au-delà de l’âge de la retraite. Cherchons d’autres solutions, qui ne grèvent pas les comptes de la sécurité sociale.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je m’élève contre les allégations de Mme Amiot. Qu’elle vienne dans ma circonscription et elle constatera que des centres de professionnels de santé ont été formés grâce à ce dispositif, auquel adhèrent de plus en plus de médecins. S’il n’existait pas, ils devraient travailler beaucoup pour commencer à avoir un avantage sur les cotisations de sécurité sociale.
Maintenons cette incitation fiscale, car nous avons besoin des médecins retraités partout en France. Ils ont déjà cotisé tout au long de leur carrière : il est donc normal de les exonérer, dans la limite d’un plafond de chiffre d’affaires au-delà duquel ils cotisent. C’est pourquoi je ne voterai pas ces amendements.
M. Christophe Bentz (RN). Nous nous opposons à ces amendements de La France insoumise car les incitations au cumul emploi-retraite des médecins constituent l’une des rares solutions de court terme que nous avons pour faire face au manque de praticiens. Des solutions de moyen et de long terme existent – la décentralisation des formations en santé, la levée totale du numerus apertus – mais c’est dès à présent qu’il faut répondre à la désertification médicale. Conservons ce dispositif : je vous assure qu’il fonctionne bien, notamment en zone rurale.
M. le rapporteur général. Ces amendements ne concernent pas uniquement des incitations économiques. Ils remettent en cause deux aspects du dispositif.
Le premier, ce sont les exonérations ciblées, qui, je le rappelle, ne concernent que les médecins déjà à la retraite afin d’empêcher tout effet d’aubaine. Pour mémoire, j’avais déposé l’année dernière un amendement qui allait sans doute trop loin, et je m’en étais expliqué auprès de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, afin que les médecins ne puissent pas profiter du dispositif pour partir à la retraite et bénéficier ensuite des avantages fiscaux.
Le second aspect, fondamental, concerne le régime simplifié de déclaration. S’il n’existait pas, le médecin devrait s’affilier de nouveau à sa précédente caisse, ce qui ne serait pas du tout incitatif. Un régime transitoire a été mis en place en 2025, étendu à compter du 1er juillet : par conséquent, le nouveau régime vient à peine de commencer. Je vous invite donc à retirer vos amendements et vous propose de profiter du prochain projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale et du Printemps social de l’évaluation pour mesurer les effets concrets des incitations fiscales depuis le 1er juillet.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques AS37 de Mme Sylvie Bonnet et AS879 de Mme Karine Lebon
Mme Josiane Corneloup (DR). Le 31 janvier 2025, le gouvernement Bayrou a pris la décision d’augmenter de 3 points par an le montant de la cotisation vieillesse des employeurs territoriaux jusqu’en 2028, ce qui entraînera, à terme, une dépense supplémentaire non compensée d’environ 4,2 milliards d’euros par an. Cette mesure augmentera mécaniquement d’au moins 2 points par an la masse salariale des collectivités territoriales, à effectif inchangé, et aboutira, comme le rappelle la Cour des comptes, à une hausse des charges de retraite des employeurs territoriaux de plus de 40 % en quatre ans, ce qu’aucune entreprise ne pourrait supporter sans être mise en péril. Si l’on veut réduire les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, on ne peut pas leur imposer un tel choc contributif, qui revient d’ailleurs à leur transférer le déficit de notre système de protection sociale.
L’amendement AS37 vise donc à revenir sur la hausse envisagée pour les collectivités et les établissements hospitaliers et à maintenir le taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) à son niveau de 2025 – soit 34,65 % au lieu de 43,65 %.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous ne sommes pas opposés à l’augmentation, en soi, des cotisations ; toutefois, en l’espèce, le décideur n’est pas le payeur. Les collectivités ne disposant quasiment plus de leviers fiscaux pour mener leurs politiques, cette hausse affectera nécessairement l’investissement local. C’est pourquoi nous demandons par l’amendement AS879 au moins le gel du taux de cotisation à la CNRACL. Nous avons déposé un autre amendement concernant les mesures de compensation.
M. le rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat l’année dernière et nous l’aurons probablement jusqu’en 2028 puisque la trajectoire de hausse des cotisations doit s’arrêter, en l’état, dans trois ans.
La situation financière de la CNRACL est catastrophique, puisque le déficit devrait se monter à 1,5 milliard d’euros en 2026. S’il n’y avait pas eu une hausse des cotisations, il atteindrait 3,3 milliards. Il ressort d’ailleurs de mes échanges avec les auditeurs financiers de la Caisse que cette hausse sur plusieurs années ne suffira pas à régler le problème.
Je vous rejoins sur le fait que les réponses à apporter à l’avenir doivent être structurelles. Plusieurs pistes ont été dessinées par les inspections générales : la réforme des transferts démographiques entre régimes de retraite, sachant que, par le passé, la CNRACL a contribué à d’autres régimes, ou encore la prise en charge de certaines dépenses – liées par exemple à la famille – qui sont financées par d’autres branches dans les autres régimes de retraite.
Ayant été maire de mon village pendant près de dix ans, conseiller départemental, mais aussi administrateur depuis dix-huit ans ou membre du conseil de surveillance d’établissements hospitaliers et médico-sociaux, je mesure bien les conséquences budgétaires de ces décisions. Nous devons appeler le Gouvernement à un changement structurel de la CNRACL. Néanmoins, si nous gelons les cotisations, nous devons avoir conscience que le coût pèsera sur d’autres.
C’est pourquoi je ne peux pas émettre un avis favorable à vos amendements, même si je ne me satisfais ni de la trajectoire, ni de la réponse actuelle, qui n’est pas à la hauteur pour remédier aux difficultés de la caisse.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je suis heureux que vous n’ayez pas évacué le sujet des collectivités. En revanche, je ne suis pas d’accord avec votre conclusion, qui consiste à laisser les choses telles qu’elles sont. Puisque le Parlement semble reprendre la main – faisons semblant d’y croire –, vous pourriez appeler, vous qui avez une voix forte et une pratique rassembleuse, à adopter ces amendements pour envoyer un message et faire en sorte que la hausse des cotisations soit, au moins, compensée pour les collectivités.
M. Michel Lauzzana (EPR). La caisse connaît en effet un déficit important. Si la hausse des cotisations est un bon début, le problème perdurera néanmoins dans les années à venir. Nous pourrions faire appel à d’autres cotisations ou à des transferts pour compenser la dépense, mais l’équilibre général des finances est tel que nous ne ferions qu’aggraver la situation. L’État est en déficit, c’est pourquoi il faut trouver ensemble des réponses structurelles.
Mme Justine Gruet (DR). Le rapporteur général s’est exprimé avec beaucoup de sagesse : certes la hausse des cotisations met en difficulté les collectivités et les structures qui bénéficient du régime, mais il serait démagogique de geler l’augmentation, sachant que cela aurait des conséquences sur ceux qui, au quotidien, sont amenés à faire ce qu’on leur a imposé.
Veillons aussi à favoriser une meilleure coordination entre la CNRACL et les autres régimes. Certains fonctionnaires sont obligés d’ouvrir leurs droits à la retraite pour savoir ce dont ils bénéficieront : ils découvrent parfois alors qu’ils ne sont pas à taux plein ou qu’il leur manque des trimestres. C’est un gros manque de visibilité des fonctionnaires sur leur carrière.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne sommes pas contre l’augmentation des cotisations, mais il faut que les dotations suivent. Pour ce qui est des fonctionnaires de l’enseignement supérieur et de la recherche, par exemple, le Centre national de la recherche scientifique comme les universités nous disent que leurs cotisations augmentent, mais pas leurs subventions et qu’ils sont donc obligés de trouver l’argent ailleurs. Il en va de même pour les collectivités territoriales. Il faut compenser d’une autre manière, en augmentant les dotations allouées aux collectivités territoriales, sans quoi elles se retrouveront en très grande difficulté.
M. le rapporteur général. J’appelle à des compensations justes et équilibrées. Toutefois, elles ne relèvent pas toutes du PLFSS. S’agissant des établissements hospitaliers ou médico-sociaux, une partie de l’Ondam consistait en une compensation, même s’il y a débat sur le niveau de juste compensation. En ce qui concerne les collectivités locales en revanche, la compensation relève du projet de loi de finances (PLF).
J’appelle votre attention sur le fait que le rendement attendu de la mesure est de 1,8 milliard d’euros, soit un peu plus que le coût de la suspension de la réforme des retraites. Si nous la supprimons, nous risquons de fragiliser la caisse de retraite des fonctionnaires hospitaliers et des fonctionnaires territoriaux, et donc le paiement des pensions. La CNRACL a une dette cumulée de 10 milliards. Si la trajectoire se détériore, sa capacité à y faire face se détériorera d’autant, ce qui la fragilisera encore davantage. Je ne dis pas que la solution trouvée est satisfaisante ni suffisante – j’ai même dit qu’elle n’était pas à la hauteur et qu’il fallait trouver des évolutions structurelles. Néanmoins, si nous supprimons cette contribution, nous aurons un problème. Gardons-la, par défaut, et appelons à une juste compensation au moyen des différents vecteurs qui relèvent du PLFSS et du PLF.
La commission adopte les amendements.
Amendements de suppression AS187 de M. Jérôme Guedj, AS297 de Mme Ségolène Amiot, AS716 de M. Paul-André Colombani, AS867 de M. Hendrik Davi, AS885 de Mme Karine Lebon et AS1361 de M. Éric Ciotti
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous en venons à l’une des mesures du musée des horreurs de ce PLFSS. L’article 6 prévoit de ponctionner 320 millions d’euros supplémentaires sur les bénéficiaires de certains revenus de remplacement – allocations d’assurance chômage ou pensions. Cela s’ajoute au gel des prestations sociales, qui devrait rapporter 3,6 milliards, au doublement des franchises, 2,3 milliards, et à toute une série de mesures, dont la sous‑évaluation de l’Ondam.
En proposant de supprimer l’article 6, nous savons qu’il nous faudra trouver des recettes alternatives pour la sécurité sociale. Néanmoins, cette suppression est nécessaire, ne serait-ce que pour une seule raison : puisque, selon l’annexe 9 du projet de loi, 1 % des foyers de chaque tranche passeront, du fait du gel du barème de la CSG, dans la tranche supérieure, ce sont 100 000 retraités, de tous les niveaux de pension, qui seront concernés. Le rendement attendu étant de 300 millions, cela signifie que la hausse moyenne de leur CSG sera de 3 000 euros par an à partir de 2026. Les retraités qui étaient au taux zéro par exemple passeront à un taux de 3,8 %.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). La CSG est une taxe injuste. Elle est non progressive et a été créée pour compenser les exonérations de cotisations qui pèsent sur les plus modestes.
L’année blanche signifie à la fois qu’aucune prestation sociale ne sera indexée sur l’inflation et que, le gel des barèmes augmentant mécaniquement les taux, vous ponctionnerez les pensions et les allocations, alors que la pauvreté atteint des niveaux records.
En 2025, un retraité percevant 1 070 euros par mois était exonéré ; il devra désormais payer 550 euros par an de CSG. On fait payer ceux qui souffrent déjà pendant que les hauts revenus continuent de bénéficier des niches fiscales et des allégements de cotisations.
La CSG, mesure aveugle qui frappe dès le premier euro, sans tenir compte du pouvoir d’achat, va à l’encontre du principe même de la justice sociale. Nous appelons donc par l’amendement AS297 à supprimer cet article.
M. Paul-André Colombani (LIOT). L’article 6 prévoit de geler les seuils de revenus déterminant l’application des taux réduits ou nuls de CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité et sur les allocations chômage. Cela revient à augmenter les prélèvements sur les foyers modestes, dont les revenus peinent à suivre le rythme de l’inflation. On ne peut réduire le déficit budgétaire au détriment des plus fragiles.
M. Hendrik Davi (EcoS). Sous prétexte de maîtriser les comptes sociaux, ce gel revient à augmenter la CSG pour les plus fragiles : retraités aux pensions modestes, personnes en situation de handicap, demandeurs d’emploi qui perçoivent des allocations chômage... Avec le blocage des barèmes, de nombreux foyers changeront de tranche, basculant vers des taux supérieurs de CSG, voire seront imposés pour la première fois. Un couple de retraités qui touche 23 700 euros par an verra ses prélèvements augmenter de 1 020 euros ; ce sera 850 euros pour un couple de retraités avec 30 000 euros de pension, et 760 euros pour un couple avec 44 000 euros de pension.
Comment leur expliquerez-vous cela, alors que vous refusez de faire payer les plus fortunés ?
M. Yannick Monnet (GDR). Je défends l’amendement AS885 ; Si l’article 6 est adopté, le taux de cotisation passera à 4,3 % pour de nombreux retraités – 3,8 % de CSG et 0,5 % de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Par exemple, la CSG d’un retraité qui perçoit 0,8 Smic, soit un peu moins de 17 500 euros par an, montera à 664 euros par an, soit une perte de 750 euros de niveau de vie.
La CSG est la cotisation la plus injuste, puisqu’elle est prélevée sur le salaire alors qu’à l’origine, le système de solidarité devait reposer sur la valeur ajoutée, c’est-à-dire sur la richesse produite.
M. Olivier Fayssat (UDR). Je défends l’amendement AS1361. Geler les seuils de revenus revient à augmenter l’imposition réelle. Pour équilibrer les comptes sociaux, l’effort doit porter sur les dépenses, non sur les recettes.
M. le rapporteur général. Je n’ai pas participé à l’élaboration de ce budget, qu’il nous revient d’amender.
L’année blanche est la pire des solutions, mais nous n’en avons pas d’autre. Face au mur, c’est le choix qui a été fait. Le gel du barème de la CSG, qui représente 300 millions d’euros d’économies, affectera 3 % des foyers fiscaux : 1 % passeront de l’exonération au taux réduit ; 1 % du taux réduit au taux intermédiaire ; 1 % du taux intermédiaire au taux supérieur. Je précise qu’on ne passe d’un taux à un autre que si les revenus ont évolué deux années de suite : c’est pourquoi l’effet de cette mesure est bien moindre que celui du gel d’autres paramètres.
À mon sens, il vaut mieux conserver le principe de l’année blanche en corrigeant certains excès. Je vous suggère donc de retirer vos amendements, au profit de l’amendement de repli AS1735 que j’ai déposé. Il tend à préserver les deux tiers des foyers, en n’appliquant la mesure qu’à ceux dont les revenus dépassent 2 170 euros par mois deux années consécutives.
Par ailleurs, l’article 6 en l’état fait disparaître un élément fondamental : la revalorisation automatique des seuils de la CSG. Or une année blanche doit rester exceptionnelle. Faute de réforme structurelle, on peut en accepter le principe, parce que c’est la moins mauvaise des mesures de freinage et en essayant de préserver ceux qui souffrent le plus, mais pour une seule année. Aussi mon amendement tend-il à conserver l’indexation du barème sur l’inflation.
M. Michel Lauzzana (EPR). M. Bazin l’a montré, la mesure concernera peu de personnes. J’ajoute qu’au cours des dernières années, les retraites ont fortement augmenté, grâce à la réforme que nous avons adoptée.
Enfin, beaucoup à gauche affirment que nous ne voulons pas taxer les riches : mais c’est l’outil de production que nous refusons de taxer ! Dans l’examen du PLF, nous proposons de taxer les riches, mais non l’outil de production.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements AS298 de M. Hadrien Clouet, AS1735 de M. Thibault Bazin, AS299 de Mme Élise Leboucher et AS300 de M. Damien Maudet tombent.
La réunion est suspendue de douze heures cinq à douze heures quinze.
Amendement AS117 de M. Inaki Echaniz
Mme Océane Godard (SOC). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur général. Cet amendement venait en compléter un qui a été déposé sur le PLF mais que la commission des finances a rejeté. Le dispositif n’étant plus applicable, je vous demande de le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Sur le fond, il faut agir avec prudence : une telle mesure bouleverserait le régime des cessions de biens immobiliers et son incidence financière n’est pas documentée – elle pourrait entraîner des pertes de recettes pour l’État et pour la sécurité sociale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS914 de Mme Karine Lebon ; amendements identiques AS377 de M. Hadrien Clouet et AS928 de M. Hendrik Davi ; amendements identiques AS134 de M. Jérôme Guedj et AS720 de M. Paul-André Colombani ; amendements identiques AS126 de M. Jérôme Guedj et AS381 de Mme Élise Leboucher ; amendement AS133 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS914 veut mettre à contribution les revenus du capital, qui ont augmenté trois fois plus que ceux de l’activité, en portant à 19,2 % le taux de CSG applicable aux produits de patrimoine et aux produits de placement. Cela dégagerait 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires.
Une étude de la direction générale des finances publiques publiée en janvier 2025 établit que les revenus de la population générale sont composés à 63 % de traitements et de salaires, mais que, chez les personnes très aisées, ce chiffre tombe à 33 % – contre 43 % pour les placements financiers. D’ailleurs, un tiers seulement des 74 500 foyers très aisés déclarent percevoir des salaires.
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). L’amendement AS377 vise à augmenter de 2,8 points le taux de CSG applicable aux revenus du capital, ce qui rapporterait 5,3 milliards d’euros supplémentaires à la sécurité sociale. En effet, les besoins de financement de cette dernière sont délibérément maquillés en déficit par les politiques d’assèchement des recettes. En matière de santé, il faut établir les recettes pour couvrir les besoins existants.
Depuis des décennies, les politiques néolibérales détruisent le modèle de solidarité, en opérant un gigantesque détournement de la valeur ajoutée – depuis la fin des années 1970, 8 points de valeur ajoutée sont allés du travail au capital. En 2025, les actionnaires du CAC40 ont perçu 98,2 milliards d’euros au titre de l’exercice 2 024. Depuis 2027, le patrimoine des cinq cents plus grandes fortunes a plus que doublé.
Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, nous dit que les finances publiques sont en difficulté parce que nous avons décidé de remettre beaucoup d’argent dans l’hôpital public. C’est faux : le problème des finances publiques vient de ce que la politique macroniste consiste à vider les caisses pour gaver les plus riches, au détriment des services publics et de l’intérêt général.
Un amendement similaire avait été adopté l’an dernier, mais balayé par le 49.3.
M. Hendrik Davi (EcoS). Je suis très attaché à ce que la sécurité sociale soit financée par des cotisations. Toutefois, nous connaissons une suraccumulation du capital. Les entreprises du CAC40 ont versé plus de 73 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires. Il est indispensable que cet argent contribue au financement de la sécurité sociale. Il s’agit de renforcer ses recettes, mais aussi de rétablir de la justice fiscale. Grâce aux 5,4 milliards supplémentaires, selon l’annexe 3 du projet de loi, nous pourrions abroger la réforme des retraites et augmenter l’Ondam de 3,5 % au lieu de 1,6 %.
Mme Océane Godard (SOC). Depuis 2017, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et le choix de taxer davantage le travail que le capital ont coûté 60 milliards d’euros par an aux caisses de l’État. L’amendement AS134 vise à augmenter de 2 points le taux de CSG applicable aux revenus du capital, actuellement identique à celui de la CSG sur les revenus du travail. Face à la crise des recettes organisée par la politique de l’offre du Président de la République, il convient de réduire le déficit de la sécurité sociale en appliquant des mesures qui toucheront surtout les ménages les plus aisés. Celle-ci rapporterait 3,8 milliards.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Mon amendement est identique au précédent. Les ressources dégagées serviraient à financer la branche autonomie. Après la crise du covid‑19, qui a été un véritable drame dans nos Ehpad, on a abandonné le projet d’une loi grand âge et autonomie ou d’une loi de programmation pluriannuelle, et renoncé à trouver les financements nécessaires pour relever le défi du vieillissement. Il s’agit pourtant d’une dépense incompressible.
Aucun financement nouveau n’a été prévu pour cette branche, à part l’affectation en 2024 de 0,15 point de CSG. Or cela ne représente que 2,6 milliards d’euros, quand le rapport Libault évalue qu’il faudra 9,2 milliards d’ici à 2030.
M. Jérôme Guedj (SOC). Pour pouvoir supprimer certaines mesures d’économie injustes et insupportables de ce PLFSS, comme le gel du barème de la CSG et des prestations sociales ou le doublement des franchises, nous défendons des ressources supplémentaires. C’est un travail de dentelle.
Entre 2004 et 2018, le taux de la CSG sur le patrimoine a été supérieur à celui qui frappe les revenus d’activité. Cette différence est normale : la part du revenu du capital dans le revenu global des ménages est supérieure à la part de la CSG capital dans le rendement global de la CSG. Le rapport Libault « Pour un redressement durable de la sécurité sociale », paru en juillet, plaide pour augmenter ce taux. L’amendement AS126 vise à le relever de 1,4 point.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Un chiffre époustouflant dit tout l’échec de la politique macroniste : 96 % des dividendes sont reversés à 1 % des ménages. Que fait ce 1 % de tous ces dividendes qu’il se met dans les poches ? Il ne s’en sert pas pour sauver Vencorex, racheté par des Chinois, ni pour sauver ArcelorMittal, dernier producteur d’acier en France, racheté par des Indiens.
Les apprentis, les retraités, tous ceux sur qui vous voulez faire des économies, eux, dépensent leur salaire, quand ils en ont un, pour s’acheter à manger, payer le loyer, parfois des loisirs. Ils font fonctionner l’économie. En donnant ces dividendes au 1 % qui n’investit pas dans l’économie, vous faites couler le pays. Voilà pourquoi par l’amendement AS381 nous proposons de taxer le capital et non le travail : c’est le seul moyen de relever la France.
M. Jérôme Guedj (SOC). Notre premier amendement visait à rehausser le taux de 2 points, pour dégager 3,8 milliards ; le deuxième de 1,4 point, pour 2,2 milliards ; l’amendement AS133 tend à le porter de 9,2 à 10,2 %, pour revenir au niveau d’avant le déploiement de la flat tax, en 2018.
J’insiste : si nous adoptons cette mesure, nous obtiendrons une équivalence entre le rendement de la CSG capital rapporté au rendement global de la CSG, et les revenus du capital rapportés au revenu total des ménages.
J’ajoute que le capital est à l’origine de 20 % des revenus dans le dernier décile, contre moins de 1 % dans le premier décile. C’est donc aussi une mesure de justice.
M. le rapporteur général. Tous ces amendements visent à augmenter la CSG qui pèse sur les revenus du capital.
Ces derniers sont soumis au même taux de CSG que les revenus du travail, soit 9,2 %. S’y appliquent de surcroît le prélèvement de solidarité et à la CRDS : au total, on est déjà à 17,2 %. Les revenus du capital ne bénéficient donc d’aucun avantage pour ce qui est de la CSG.
En France, les prélèvements obligatoires sur le capital représentent 10,4 % du PIB, contre 8,5 % en moyenne dans l’Union européenne – nous sommes en quatrième ou troisième position.
Nous cherchons à orienter l’épargne des Français vers les entreprises pour financer les investissements nécessaires, notamment dans l’innovation. Nous sommes nombreux ici à vouloir rétablir une souveraineté industrielle, ce qui passe aussi par l’utilisation de l’épargne. Il n’est donc peut-être pas opportun d’alourdir la fiscalité des produits de placement.
Monsieur Boyard, vous dites souvent que les capitalistes sont une infime minorité. Sauf que votre amendement, comme les autres en discussion commune, vise les produits de placement. Ceux-ci ne se limitent pas aux dividendes, aux plans d’épargne en actions et aux plus-values immobilières ! Ils comprennent aussi les plans d’épargne logement (PEL), les assurances vie, les plans d’épargne populaire et les intérêts des livrets. Augmenter la CSG sur ces revenus toucherait des Français dont les revenus sont modestes mais qui ont mis de côté une partie du fruit de leur travail. On est loin de la justice sociale que vous mettez en avant.
Il y a un écart considérable entre vos exposés sommaires et la réalité. Votre mesure, quel que soit le taux proposé, ne cible pas une catégorie de contribuables : elle frapperait l’ensemble des épargnants, dès le premier euro d’intérêts versés. Pour cette raison, j’y suis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). Nous voterons contre ces amendements, à l’exception de l’AS126 de M. Guedj, sur lequel nous nous abstiendrons. Il s’agit d’une mesure modérée et qui permet une redistribution. Nous ne le voterons pas dans l’immédiat, parce qu’il faudrait lui ajouter une échéance et parce que nous attendons de connaître la teneur globale du texte à l’issue de nos discussions. Mais si les conditions étaient réunies, nous pourrions le voter en séance.
M. Yannick Monnet (GDR). Expliquer que c’est pour protéger les pauvres qu’on ne veut pas taxer les riches, il fallait le faire !
On entend souvent dire que nous avons le taux de prélèvement le plus élevé d’Europe. C’est vrai, mais nous n’avons pas les mêmes dépenses. Il y en a deux que les autres pays n’ont pas : la sécurité sociale – 650 milliards d’euros – et la dissuasion nucléaire – 20 millions par jour. On pourrait choisir de s’en séparer pour avoir le même taux que les autres mais pour moi, il faut préserver la sécurité sociale.
Ce que nous voulons, c’est taxer les revenus du capital. Depuis les années 1980, les 1 % les plus riches s’enrichissent de plus en plus. Il ne s’agit pas de tout prendre, mais d’augmenter le taux de cotisation : c’est la moindre des choses. La vraie question que posent ces amendements, c’est de savoir s’il est juste de taxer ceux qui ont beaucoup.
M. Hendrik Davi (EcoS). Le livret A n’est pas taxé, monsieur le rapporteur général, ni soumis à la CSG, comme une grande partie de l’épargne.
Parlons des petits épargnants. Si notre amendement était adopté, ceux qui possèdent 60 000 euros sur leur PEL – c’est le plafond – paieraient 30 euros par an : c’est tout à fait acceptable.
Quant aux plus modestes, ils ne seront pas touchés, parce qu’ils n’épargnent pas. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, le taux d’épargne des pauvres s’établit à – 41 % ; il est de – 2 % pour les modestes, 7 % pour ceux qui perçoivent des revenus médians, 13 % pour les plutôt aisés et 33 % pour les très aisés. Donc quand vous taxez les revenus de l’épargne, vous taxez les personnes très aisées.
Il est légitime de porter le taux de CSG concerné à 12 % au moins, pour récupérer de l’argent pour la sécurité sociale. C’est de la justice sociale.
Mme Justine Gruet (DR). Nous ne voulons pas de taxes supplémentaires. On ne peut pas toujours taper sur ceux qui créent de la valeur ajoutée. « Capital » n’est pas un vilain mot ; bien souvent, il désigne le fruit du travail ou d’investissements. Nous sommes déjà l’un des pays les plus taxés. Les entrepreneurs ont besoin de retrouver confiance.
Que faisons-nous des dépenses ? C’est le nœud du problème. Ceux qui ne contribuent pas d’une manière ou d’une autre au système de la sécurité sociale peuvent-ils prétendre y avoir recours ? Monsieur Monnet, vous avez parlé des dépenses militaires, mais pas de celles de la bureaucratie. Le millefeuille administratif provoque une gabegie financière : seule une petite part de l’argent que nous investissons dans les politiques publiques est réellement consacrée à l’objectif visé.
Y remédier, voilà le travail que nous devons accomplir. Cela nécessite un peu plus d’engagement que se dire qu’on va taxer pour taxer. Les entrepreneurs consentent à l’impôt parce qu’ils ont conscience de la richesse que représente la solidarité. Charge à nous de réduire le train de vie de l’État.
M. Jérôme Guedj (SOC). C’est en 2004, quand Jean-Pierre Raffarin était Premier ministre et François Fillon ministre des affaires sociales, que le Gouvernement a décidé d’augmenter de 1 point la CSG sur les revenus du capital, dans le cadre de la loi relative à l’assurance maladie. Cela a été une bonne décision de votre famille politique, madame Gruet.
Quelles sont les principales composantes de l’assiette de la CSG ? Sur ses quelque 180 milliards d’euros de recettes, 35 milliards proviennent des revenus fonciers, 20 milliards des plus-values, 35 milliards des dividendes, 25 milliards des contrats de capitalisation, 12 milliards des plus-values immobilières. Le rapport Libault montre bien que les détenteurs de capital se concentrent dans le dernier décile. Aucun des supports de l’épargne populaire ne serait frappé, qu’il s’agisse des livrets de développement durable et solidaire, des livrets d’épargne populaire ou des livrets jeunes. C’est une mesure de justice fiscale.
Enfin, je remercie Annie Vidal pour l’esprit d’ouverture dont elle a fait preuve : nous sommes prêts à construire une taxation du capital dans une visée de durabilité.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Madame Gruet, vous décidez constamment des taxes supplémentaires. Le déremboursement des médicaments, l’augmentation de la CSG sur la rémunération des apprentis, le gel des aides personnalisées au logement sont vécus par les gens comme autant de taxes supplémentaires. Le rapporteur général argue que préserver les riches en rejetant nos amendements, c’est protéger ceux qui ont moins ? Mais si nos amendements sont adoptés, ils ne subiront pas forcément le déremboursement des médicaments, les augmentations de prix des mutuelles ou le gel des pensions.
Madame Vidal, vous avez annoncé vous abstenir sur l’amendement AS126 en vue de le retravailler avec le groupe Socialistes et apparentés. Mon groupe a déposé un amendement identique mais je vois qu’il n’est pas invité à la fête ! Il semble que l’accord secret entre la Macronie et le Parti socialiste vaille aussi en commission. Quels autres amendements sont concernés ? On aimerait le savoir !
M. le rapporteur général. J’essaie de faire les réponses les plus précises possible et je n’ai pas mentionné le livret A. J’ai parlé des PEL, des assurances vie, des plans d’épargne populaire et des intérêts des livrets – au sens large, dans toute l’extension que leur donne l’ingéniosité financière. En les visant, je ne suis pas sûr qu’on pénalise vraiment les plus fortunés de notre pays. En revanche, les petits épargnants le seront, et dès le premier euro.
Pour éclairer notre commission, il me paraît toujours bon de chiffrer les amendements. Précisons donc que le AS126 de M. Guedj, qui suscite l’intérêt de Mme Vidal, aurait un impact de 2,7 milliards d’euros.
Les revenus du capital contribuent déjà au financement de la sécurité sociale. Ils sont bien sûr assujettis à la CSG, au même taux que les revenus du travail, ce qui assure une grande lisibilité. Ils sont aussi soumis à plusieurs autres contributions, dont la CRDS et le prélèvement de solidarité. Les PEL sont également soumis à l’impôt sur le revenu. Il est important de le rappeler.
La commission rejette successivement les amendements AS914, AS377 et AS928, AS134 et AS720.
Puis elle adopte les amendements identiques AS126 et AS381. En conséquence, l’amendement AS133 tombe.
Amendements AS131 et AS132 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
Mme Sandrine Runel (SOC). Le PLFSS prévoit de geler les plafonds de revenus pris en compte pour le calcul de la CSG. Si on vous laisse faire, cela aura des impacts lourds pour les plus modestes, les retraités, les demandeurs d’emploi : pour un retraité dont la pension est de 2 700 euros brut, par exemple, la perte serait de 46 euros, avec les conséquences que l’on imagine sur ses courses et ses loisirs. Nous, députés socialistes, sommes ici pour soutenir les classes populaires et mettre à contribution les grandes entreprises et les grandes fortunes, car nous estimons que ceux qui en ont les moyens doivent payer pour ceux qui en ont besoin.
Pour relancer le pouvoir d’achat, ces deux amendements visent à moduler temporairement le taux de CSG en fonction du niveau des revenus du travail, en proposant une baisse pour ceux qui sont compris entre 1 et 1,4 Smic, l’amendement AS132 ajoutant une augmentation pour ceux qui dépassent 4 Smic.
M. le rapporteur général. « Si on vous laisse faire », dites-vous, mais ce n’est pas moi qui ai écrit le budget de la sécurité sociale ! J’ai même précisé que nous allions l’amender et le corriger. L’article 6 sur le gel que vous évoquez vient d’ailleurs d’être supprimé à une large majorité. Ma contribution à la réécriture des articles de ce texte me semble plutôt moins importante que celle de votre groupe, d’après les informations que j’ai.
Ces amendements font partie d’un plan d’ensemble élaboré par le Parti socialiste, tendant à instaurer un barème progressif de la CSG portant sur les revenus d’activité. C’est une idée intéressante, mais le coût global de la mesure, que vous avez vous-même évalué, est de 6 milliards d’euros. Est-ce raisonnable compte tenu du montant du déficit de la sécurité sociale ? J’ajoute que tous les amendements qui concouraient à ce plan d’ensemble n’ont pas forcément été adoptés.
En outre, la CSG n’a pas été conçue pour être une imposition progressive. Pour alléger la pression sur les contribuables modestes ou mettre en place une forme de redistribution entre les ménages, d’autres outils sont disponibles.
Enfin, je suis toujours très attentif aux effets de seuil. Je ne suis pas sûr que les écarts de revenus entre des salariés gagnant 1,6 Smic – c’est-à-dire peu ou prou le salaire médian – et 1,3 Smic justifient la différence de traitement que vous proposez. Si vous souhaitez instaurer une progressivité de la CSG, pourquoi ne vaudrait-elle que pour les revenus modestes ? Cela me semblerait plus cohérent de le faire sur l’ensemble des revenus.
M. Jérôme Guedj (SOC). C’est la mesure que le Parti socialiste défend pour soutenir le pouvoir d’achat des classes populaires et des classes moyennes, dans la continuité des amendements visant à instaurer une progressivité de la CSG que nous déposons depuis plusieurs années. Il faudra bien sûr compenser la perte de recettes, et nous sommes ouverts à toutes les propositions. Nous venons d’adopter des dispositions sur la CSG assise sur les revenus du patrimoine, et une taxation sur les très hauts patrimoines et les grandes entreprises sera discutée dans le cadre du PLF.
Le Gouvernement a dit son souhait d’inscrire dans le PLF et le PLFSS une mesure en faveur du pouvoir d’achat mais pour l’instant, on ne la connaît pas. Pour notre part, nous ne voyons pas de mesure plus efficace que cette baisse de la CSG prenant effet dès 2026.
M. Sacha Houlié (SOC). Le Gouvernement, plus particulièrement Sébastien Lecornu, s’est pris les pieds dans le tapis lorsqu’il s’est agi de proposer une mesure de pouvoir d’achat pour les plus modestes en visant des exonérations de cotisations, alors que celles-ci ne sont déjà pas payées du fait des allégements généraux. La mesure la plus efficace réside bien dans l’instauration d’une progressivité de la CSG.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je peux comprendre la philosophie qui sous-tend ces dispositions mais j’alerte sur les conséquences qu’elles auraient pour la lisibilité des salaires. C’est l’employeur qui vous parle. Imaginez qu’à la fin de l’année, vous décidiez de verser un treizième mois à vos salariés : les plafonds risqueraient d’être dépassés, ce qui obligerait à recalculer l’ensemble des contributions payées sur l’année. En matière de salaire, il faut éviter cela. Le taux de CSG sur les revenus du travail doit être fixe. La progressivité doit être réservée à l’impôt sur le revenu, qui s’applique en année n + 1.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je vous invite à ne pas voter ces amendements. Le meilleur moyen de renforcer le pouvoir d’achat, c’est d’augmenter le Smic. Toutes les mesures fondées sur des baisses de cotisations sont mauvaises : ce n’est pas en réduisant la part socialisée du salaire qu’on atteindra notre but, c’est en augmentant les salaires.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les députés de La France insoumise ne vont pas non plus voter ces amendements, pour des raisons qui tiennent d’abord à la politique des revenus. Dans ce domaine, il existe une responsabilité publique, envers les personnes qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins, et une responsabilité de l’employeur ou de l’employeuse, envers les personnes qui travaillent. Avec ces mesures portant sur la CSG, on crée un entre-deux qui ne me paraît pas satisfaisant : pour remédier à la faiblesse des revenus, on toucherait à une recette affectée au financement de la sécurité sociale.
Cela créerait une tension entre protection sociale et rémunération. Allons plus loin : cela ne créerait-il pas un risque que l’on finance l’augmentation des revenus par des déremboursements ou des fermetures de lits d’hôpital ? Comme ces amendements ne prévoient rien pour éviter ces effets de bord, ne les votons pas. C’est aux employeurs qu’il appartient d’augmenter les petits salaires, un point c’est tout !
Mme Justine Gruet (DR). À vous entendre, il suffirait pour augmenter les salaires d’augmenter le Smic, mais ce n’est pas en taxant sans cesse ceux qui entreprennent qu’on arrivera à mieux valoriser le travail. La solution passe par une réduction de l’écart entre salaire brut et salaire net. Je suis intimement convaincue que nous pouvons y parvenir en nous efforçant collectivement de diminuer nos dépenses, notamment celles liées au train de vie de l’État, de nos administrations, de toute cette bureaucratie. C’est mathématique.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous en revenons à un vieux débat. Réduire l’écart entre brut et net, fort bien, mais après, à chacun de se débrouiller quand il tombe malade ! On se retrouverait un peu dans la même situation qu’aux États-Unis, avec des personnes qui n’ont pas les moyens de se soigner et des familles qui s’endettent à vie pour payer des frais de santé. Madame Gruet, terminez donc vos phrases : à chaque fois que vous dites vouloir réduire les mécanismes de socialisation, précisez donc quel service public vous allez supprimer, quelles coupes vous envisagez dans l’hôpital et les retraites, quels frais supplémentaires de mutuelle cela induit. Il faut que cela soit intelligible pour les gens, et qu’ils comprennent que c’est une mauvaise idée.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Les mesures que nous proposons auront des effets immédiats sur le quotidien des Françaises et des Français. Rappelons à nos amis qui prônent l’augmentation du Smic que nous y sommes, nous aussi, favorables mais que le PLFSS n’est pas le véhicule qui permet de le faire. Ceux qui disent « c’est tout ou rien » devront tout de même expliquer à nos compatriotes que c’est surtout rien. Ces amendements sont peut-être une cote mal taillée, ils ne sont pas parfaits, mais ils permettront à nos compatriotes d’avoir de meilleurs revenus dès 2026.
M. le rapporteur général. Nous aurons ce débat en séance avec le Gouvernement. Je suis séduit par l’idée que ce budget contienne une mesure en faveur du pouvoir d’achat. Simplement, il me semble qu’une limite à ne pas dépasser a été fixée pour le déficit de nos finances sociales et qu’il nous faut rester dans cette épure si l’on est soucieux de l’avenir.
Le coût global de votre mesure est de 6 milliards d’euros. Ce n’est pas raisonnable. Ce qui pourrait être envisagé en faveur du pouvoir d’achat tournerait plutôt autour de 1 milliard, d’après ce que j’ai pu lire entre les lignes. Votre proposition porte sur la CSG, mais il y en a d’autres : pour le groupe EPR, une prime de partage de la valeur ; pour le groupe DR, une valorisation de ceux qui travaillent davantage.
En outre, votre mesure a des effets de seuil qui risqueraient de recréer des injustices. Il ne faudrait pas pénaliser ceux qui, ayant obtenu une promotion au mérite, gagnent seulement 0,3 Smic de plus que ceux qui bénéficient d’une baisse du taux de CSG – surtout quand on est favorable à l’augmentation des salaires.
Je renouvelle donc mon avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
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2. Réunion du lundi 27 octobre 2025 à 14 heures 30 (après l’article 6 [suite] à après l’article 8)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
Amendement AS1550 de Mme Valérie Rossi
M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS135 de M. Jérôme Guedj
M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS136 de M. Jérôme Guedj, AS1263 de Mme Sandrine Rousseau et AS496 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement AS136 est défendu.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je propose de taxer davantage les héritages, sachant qu’ils le sont relativement peu – à hauteur de 5 % en moyenne – et qu’ils sont très concentrés : les 10 % des personnes les moins riches n’en recevront jamais alors que les 10 % les plus riches recevront près de la moitié du montant global de tous les héritages. Selon Thomas Piketty, les inégalités de patrimoine ont retrouvé leur niveau d’avant la première guerre mondiale. Nous qui cherchons des financements, nous devons aller chercher ça. Les Français surestiment l’ampleur de l’impôt sur les successions. Cette proposition va dans le sens d’une plus grande justice fiscale.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Notre pays est-il en train de devenir une sorte d’héritocratie ? D’après le rapport d’information de nos collègues Nicolas Sansu et Jean-Paul Mattei relatif à la fiscalité du patrimoine, le patrimoine moyen des 10 % les plus pauvres a baissé de moitié entre 1998 et 2018, pendant que celui des 10 % les plus riches explosait de 119 %. Dans le même temps, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sont en situation de déficit et de nombreux retraités peinent à boucler leurs fins de mois. Par l’amendement AS496, nous proposons donc, au profit de la branche autonomie, de taxer un peu plus les gros héritages – sachant qu’ils ne le sont pas jusqu’à 100 000 euros.
M. le rapporteur général. Je n’ai pas compris ce qu’est une « héritocratie ». Quoi qu’il en soit, la France est largement en tête, au sein de l’Union européenne, pour la taxation des successions et donations. Les droits acquittés à ce titre ont représenté 0,74 % du produit intérieur brut en 2021, contre 0,3 % en Allemagne, 0,2 % au Royaume-Uni et 0,1 % aux États‑Unis.
La France est aussi en tête pour la fiscalité du patrimoine. Les impôts sur le stock de capital des entreprises et des ménages représentaient 4 % du produit intérieur brut en 2023, contre 2,3 % en moyenne dans la zone euro. Nous sommes le pays européen où ces impôts sont les plus élevés.
Rappelons que l’imposition des transmissions et des donations a la particularité de porter sur une assiette qui a déjà été taxée une première fois, au moment où ont été versés les revenus ayant servi à constituer ce patrimoine, puis une deuxième fois au titre de la fiscalité sur le patrimoine. Tout prélèvement sur les transmissions est donc une surtaxation.
Enfin, l’amendement de Mme Rousseau produirait ses effets dès le premier euro d’actif net taxable : il ne cible pas les très grands propriétaires mais l’ensemble des redevables de droits de mutation à titre gratuit. L’héritier d’un patrimoine de 100 010 euros serait taxé alors qu’il ne peut être considéré très riche, compte tenu de la valeur moyenne d’un bien immobilier.
On ne peut pas alourdir autant la fiscalité : j’émets un avis défavorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). À la recherche de financements nouveaux qui pourraient être une alternative aux économies prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons exploré la question des successions. Nos propositions ne tombent pas du ciel : elles sont notamment issues du rapport du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, demandé par le Premier ministre François Bayrou en mars dernier. Compte tenu de la grande transmission à venir dans les quinze à vingt prochaines années, au cours de laquelle 9 000 milliards d’euros d’actifs vont changer de main, ce rapport soulève la question des droits de succession.
Souvenez-vous aussi que le rapport Vachey sur le financement de la branche autonomie proposait un prélèvement social de 1 % ainsi que la création d’une tranche intermédiaire sur les taux de droits de mutation à titre gratuit.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). On peut parler d’héritocratie, monsieur le rapporteur général, quand sept des neuf nouveaux milliardaires de l’année 2024 sont des héritiers, ou quand la moitié des cinq cents plus grandes fortunes du pays le sont. Dans ce système, les gros héritages peuvent être transmis sans être fiscalisés ou presque. Les 10 % les plus riches ont un patrimoine moyen 200 fois plus élevé que les 10 % les plus pauvres. C’est même 600 fois plus élevé, si l’on prend les 1 % les plus riches ! D’après un rapport de l’organisation non gouvernementale Oxfam, les 0,1 % de « super-héritiers » reçoivent en moyenne 13 millions d’euros, soit 180 fois l’héritage médian, sur lesquels ils ne sont imposés qu’à hauteur de 10 %, au lieu de 45 %. C’est là qu’il faut prendre l’argent pour la branche autonomie.
Mme Justine Gruet (DR). Vous dites, madame Rousseau, qu’il faut aller « chercher ça », comme si cela tombait tout cru. Or « ça », c’est le résultat du travail d’une vie et la concrétisation d’une volonté de transmettre, de surcroît déjà taxé au titre des impositions des revenus du travail puis du patrimoine.
Je le redis, nous ne souhaitons pas de taxe supplémentaire mais une diminution des dépenses. Je vous renvoie à ce sujet, monsieur Boyard, au projet de loi de simplification de la vie économique : il y a des économies à faire dans le train de vie de l’État et dans les gabegies liées à la suradministration.
M. Hendrik Davi (EcoS). Les patrimoines des grandes fortunes françaises sont essentiellement issus du travail des salariés de leurs entreprises.
Vous dites, monsieur le rapporteur général, que nous sommes presque champions d’Europe des taxes sur les plus riches. Dans ce cas nous sommes très forts car nous sommes aussi le premier pays d’Europe, et le troisième au monde, pour le nombre de millionnaires : il n’y en a pas moins de 2,9 millions ! Cela signifie que si on les taxait davantage, ils seraient encore plus nombreux !
Je rappelle aussi qu’en France, les 10 % les plus fortunés possédaient 41 % du patrimoine en 2010, et 47 % en 2021. Il faut prendre une partie de cet argent pour la solidarité nationale car la suraccumulation de richesses ne profite à personne.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Vous semblez considérer qu’un héritage de 100 000 euros serait la norme, monsieur le rapporteur général. Or 87 % des héritages sont d’un montant inférieur ! Lorsqu’on reçoit une telle somme, on n’appartient ni à la classe moyenne ni à la classe populaire : on fait partie du premier décile. Si vous préférez une taxe progressive plutôt que proportionnelle, soutenez l’amendement de M. Guedj. En tout cas, il n’est plus possible de constater des accumulations aussi injustes de patrimoine.
M. Philippe Vigier (Dem). Le rapport de nos collègues Sansu et Mattei est une excellente lecture mais il porte surtout sur l’évasion et l’optimisation fiscales.
Madame Rousseau, je ne pense pas qu’une imposition de l’héritage dès le premier euro taxable soit un bon signal. Rappelons que les patrimoines sont déjà passés par la moulinette fiscale ! Si votre amendement visait à lutter contre l’optimisation fiscale, je vous rejoindrais. Mais ce n’est pas le cas. Rappelons enfin que, si une somme de 100 000 euros est importante, le taux d’imposition atteint 60 % lorsque l’héritage se fait hors ligne directe. Nous ne soutiendrons donc pas cet amendement.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS453 de M. Damien Maudet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Les cinq cents plus grandes fortunes françaises totalisent plus de 1 128 milliards d’euros, un montant en hausse de 59 % en cinq ans. Même si l’on retirait à M. Bernard Arnault 98 % de sa fortune, il resterait milliardaire ! Si une contribution exceptionnelle sur les plus hauts patrimoines avait déjà été appliquée en 2023, nous aurions pu récolter 12 milliards d’euros, soit quatre fois plus que les économies attendues en dix ans avec la réforme des retraites. Plutôt que de saigner à blanc les travailleurs, nous proposons de ponctionner une toute petite fraction – 2 % – des 500 plus grandes fortunes françaises.
M. le rapporteur général. Cette contribution sur le patrimoine à partir de 3 millions d’euros ne distingue en rien les biens professionnels des possessions immobilières. Pour mesurer les conséquences éventuelles sur les entreprises, je vous renvoie aux travaux du Conseil d’analyse économique, selon lesquels la hausse de la fiscalité sur le patrimoine mise en œuvre en 2013 a augmenté de 32 à 79 % les flux de départs de contribuables. Votre amendement risquerait d’aboutir à une diminution des recettes plutôt qu’à leur accroissement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS619 de M. Éric Ciotti
M. Olivier Fayssat (UDR). Cet amendement supprime la contribution pour le remboursement de la dette sociale sur les revenus d’activité. Le maintien pendant trente ans d’un prélèvement censément exceptionnel et temporaire s’apparente à une dérive, à laquelle il est temps de mettre un terme.
La contribution pour le remboursement de la dette sociale constitue une charge injuste et contre-productive, qui pèse sur le travail. La suppression de cette ponction de 0,5 % sur les salaires vise à accroître immédiatement le revenu disponible de près de 25 millions de salariés sans augmenter le coût du travail. Favorisant la consommation et l’investissement des ménages, cette relance par le revenu soutiendrait indirectement les recettes publiques à travers le surcroît de taxe sur la valeur ajoutée, d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu généré par l’activité supplémentaire.
Cet amendement s’inscrit dans un plan plus large de baisse de la dépense publique de 100 milliards d’euros que déposera mon groupe politique dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances.
M. le rapporteur général. Je suis favorable à une maîtrise de la fiscalité et des cotisations. Mais il faut être raisonnable. Le montant de la contribution pour le remboursement de la dette sociale sur l’activité atteint 6 milliards d’euros, et 7 à 8 milliards si l’on y ajoute la part prélevée sur le capital. C’est beaucoup par rapport à l’équilibre, ou plutôt au déséquilibre, de nos finances sociales !
J’ajoute que la suppression de la contribution pour le remboursement de la dette sociale impliquerait d’augmenter la contribution sociale généralisée et d’en affecter une nouvelle fraction à la Caisse d’amortissement de la dette sociale pour respecter le terme prévu de 2033. À défaut, nous risquerions une censure par le Conseil constitutionnel : la gestion de la dette sociale est encadrée par des règles organiques.
J’émets, pour ces raisons, un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements de suppression AS1464 de M. Laurent Wauquiez, AS1502 de M. Christophe Bentz, AS1508 de M. Jérôme Guedj, AS1524 de M. Yannick Monnet, AS1557 de M. Charles de Courson et AS1624 de M. Hadrien Clouet
Mme Justine Gruet (DR). Nous en venons à l’impact de la suspension de la réforme des retraites, concession importante accordée aux socialistes. Les Français ont compris la nécessité de sécuriser notre système par répartition et de l’adapter aux évolutions démographiques. Telle que proposée, la suspension reposera sur une augmentation des prix des mutuelles, qui touchera tout le monde, et sur une désindexation des retraites, qui concernera l’ensemble des retraités.
L’amendement AS1464 supprime la contribution exceptionnelle sur les organismes complémentaires d’assurance maladie, dont la lettre rectificative du 23 octobre augmente de 100 millions d’euros le rendement, pour le porter à 1,1 milliard d’euros. Il nous paraît déraisonnable de faire peser une telle charge financière sur les mutuelles qui, de toute façon, la répercuteront sur leurs assurés.
M. Christophe Bentz (RN). On pourrait considérer que ce serait une bonne chose de faire contribuer les organismes complémentaires à l’effort national. Mais l’on connaît les conséquences d’une telle mesure. Les complémentaires répercuteront naturellement cette contribution sur leurs prix au détriment des assurés. Cela pourrait favoriser le renoncement à la souscription et accentuer les inégalités d’accès aux soins, sur fond d’augmentation globale des dépenses de santé. Comme d’autres, notre groupe demande la suppression de l’article 7, qui est une injustice sociale de plus dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Sacha Houlié (SOC). La contribution exceptionnelle des organismes complémentaires aurait pu sembler séduisante s’il n’y avait pas eu un non-dit. D’après l’annexe 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les impacts de la mise en œuvre de cette mesure seraient nuls sur les redevables. Or rien ne garantit qu’elle n’aura aucune répercussion sur les prix pour les assurés. Rappelons que les événements climatiques donnent systématiquement lieu à des augmentations de cotisations. Dans ces conditions, par l’amendement AS1508, nous souhaitons la suppression de cette contribution.
M. Yannick Monnet (GDR). L’article 7 est marqué par une grande hypocrisie teintée d’un peu de lâcheté : taxer les mutuelles, c’est taxer les patients. Ce n’est pas une bonne solution. Il faut trouver d’autres moyens de financement pérennes. Les mutuelles ont prévenu qu’elles répercuteraient cette taxe sur les assurés à hauteur de 8 à 10 euros par mois. Finalement, on contourne le problème : passer par les mutuelles pour éviter de dire que l’on fait payer les gens. Nous sommes nous aussi opposés à cet article.
M. Charles de Courson (LIOT). En trente-trois ans de maison, j’ai toujours combattu les taxes sur les assurances complémentaires. Comme leur nom l’indique, celles‑ci sont le fruit de négociations entre partenaires sociaux ou résultent de choix individuels : les taxer, c’est détruire la responsabilisation collective ou individuelle ! Les prix des mutuelles ne font qu’augmenter ; il ne faut surtout pas accélérer ce mouvement et freiner la couverture par les complémentaires.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS1624. Cette nouvelle taxation des complémentaires santé n’est rien d’autre qu’un impôt déguisé. Elle remplace la hausse du ticket modérateur que le Gouvernement voulait imposer l’an dernier, avec le même objectif : récupérer 1 milliard d’euros sur le dos des assurés. On dit que cette contribution servirait à compenser les hausses de tarifs. En réalité, ce sont les cotisants – salariés, retraités, chômeurs – qui paieront la note. Depuis 2021, ces tarifs ne cessent d’augmenter car vous ne prévoyez rien pour freiner cette inflation. Ainsi, vous allez encore ralentir le recours aux soins alors que 30 % des Français y renoncent déjà par manque de moyens. Les besoins en santé augmentent mais la part prise en charge par la sécurité sociale diminue, forçant chacun à se tourner à se tourner vers le privé. Cette logique injuste creuse les inégalités.
M. le rapporteur général. Il me faut commenter à la fois ce qui était prévu – une contribution à 2,05 % – mais aussi son passage à 2,25 % la semaine dernière, qui portera la somme collectée à 1,1 milliard d’euros. Je partage vos doutes sur l’origine de cette idée du Gouvernement, vos craintes sur ses conséquences pour les ménages, ainsi que votre refus d’un relèvement du taux, par lettre rectificative, pour financer le décalage de la réforme des retraites.
Il y a en réalité deux questions. Faut-il faire contribuer les complémentaires, sachant qu’elles avaient augmenté leurs tarifs l’an dernier sans avoir à supporter les charges prévues ? Et faut-il les faire contribuer pour financer les retraites ? Je rejoins notre collègue Yannick Monnet : l’augmentation de la taxe sera finalement payée par les assurés sociaux.
Les organismes complémentaires ont augmenté leurs cotisations de 6 % dans l’ensemble en 2025, et devraient recommencer en 2026. Ces augmentations avaient été annoncées avant même le dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 qui comportait, parmi ses sous-jacents, une hausse du ticket modérateur de 30 % à 40 % pour les consultations médicales. Rappelons que nous avions tardé à avoir un gouvernement et que les assemblées générales des mutuelles ont lieu durant l’été. Après l’abandon du projet de relèvement du ticket modérateur, suite à la censure du gouvernement de M. Barnier, les complémentaires n’ont pas renoncé à la hausse des cotisations qu’elles avaient votée.
Faut-il récupérer ce premier milliard d’euros ? Cela contribuerait à l’amélioration du solde de la branche maladie mais les assurés seraient ainsi soumis à une double peine, en quelque sorte, avec deux hausses successives des tarifs pour le même motif.
J’ajoute que les mutuelles ne sont pas toutes dans la même situation. Parmi elles, 10 % enregistrent un résultat négatif, depuis deux ou trois ans pour certaines.
Faut-il, ensuite, passer le taux de 2,05 % à 2,25 % pour récupérer les 99,5 millions d’euros qui serviront à neutraliser la concession faite par le Gouvernement au Parti socialiste ? Je ne le crois pas. Cela pose d’ailleurs une question philosophique : faut-il faire peser sur les complémentaires santé une charge qui relève de la branche vieillesse ? Si, demain, on faisait plus que décaler la réforme des retraites, faudrait-il faire les faire payer davantage ? C’est une pente dangereuse, qui n’est pas conforme à l’esprit initial de la sécurité sociale.
Je comprends, à lire vos amendements, qu’une grande partie d’entre vous ne souhaitez pas conserver l’article 7, en tout cas dans sa version actuelle. J’ai tout de même déposé un amendement de repli, que nous ne pourrons évidemment pas examiner si l’article est supprimé, tendant à revenir sur l’augmentation effectuée par la lettre rectificative. Notre collègue Nathalie Colin-Oesterlé en eu une initiative similaire, à ceci près que je prévois d’affecter la contribution des organismes complémentaires à l’assurance maladie. Il me semble important de s’en tenir à cette philosophie.
Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je comprends que nos collègues s’interrogent sur cette taxe. En réalité, les Français paient leur prise en charge de trois façons : via l’assurance maladie obligatoire, l’assurance maladie complémentaire et le reste à charge final. Il est donc question d’un simple transfert, que les complémentaires ont au reste déjà compensé en augmentant par anticipation leurs cotisations l’année dernière. De manière générale, il me semble qu’on prélève trop les complémentaires alors qu’on pourrait leur confier un rôle important dans le domaine de la prévention. En l’occurrence, toutefois, le transfert a déjà été effectué : il s’agit simplement de suivre la décision des mutuelles.
Je suis favorable à l’amendement déposé par le rapporteur général : dans un système déjà bien compliqué, financer le système de retraites par une contribution sans lien avec ce dernier serait un facteur de complexité supplémentaire.
Mme Annie Vidal (EPR). J’entends les arguments en faveur de la suppression de l’article. Je suis très gênée car il faut distinguer sa version initiale de sa version actuelle. La contribution de 2,05 % a été décidée parce que les complémentaires santé ont augmenté leurs cotisations de 6 % à 7 % l’année dernière, anticipant une hausse du ticket modérateur qui n’a pas eu lieu. Elles n’auraient donc aucune raison d’augmenter à nouveau leurs tarifs au prétexte de cette taxe. Dès lors, il convient de conserver l’article 7.
En revanche, nous pourrions voter l’amendement du rapporteur général, qui vise à revenir sur le taux de 2,25 %, proposé sans grande concertation.
M. Hendrik Davi (EcoS). Bien que notre groupe n’ait pas déposé d’amendement, nous voterons la suppression de l’article. Même s’il peut sembler justifié de faire contribuer les mutuelles pour les raisons développées, elles répercuteront à coup sûr la hausse sur les assurés : nous n’avons aucun moyen de les en empêcher.
En outre, si les salariés bénéficient d’une participation de l’employeur qui leur permet de payer seulement 30 à 50 euros pour leur complémentaire santé, ce n’est pas le cas des retraités, qui payent 76 euros s’ils sont âgés de 50 à 55 ans, 110 euros à partir de 66 ans et même beaucoup plus pour certains. Ainsi, non seulement le coût sera reporté sur les assurés, mais il pèsera surtout sur les retraités, que vous mettez déjà par ailleurs à contribution dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est inadmissible.
M. Philippe Vigier (Dem). Notre groupe n’est pas favorable à la suppression de l’article 7. D’abord, les mutuelles disposent de réserves importantes – chacun se souvient qu’il était prévu, dans le budget de Michel Barnier, de les mettre à contribution à hauteur de 1,5 milliard d’euros.
Ensuite, leurs tarifs ont augmenté de 20 % au cours des quatre dernières années, soit bien plus que le coût de la vie. La prise en charge de nos concitoyens s’est-elle améliorée pour autant ? Certainement pas. Les cotisations ont à nouveau augmenté de 6 % en janvier 2025, soit trois fois plus que l’inflation.
Enfin, comment continuer sans distinguer les remboursements qui relèvent de l’assurance maladie et ceux qui relèvent des mutuelles ? Cyrille Isaac-Sibille a mille fois raison quand il dit que ces dernières pourraient participer à l’effort collectif et se recentrer sur la prévention. Il y a un effort de clarification à faire, dont pourraient résulter des économies d’échelle considérables.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je suis moi aussi mal à l’aise avec cet article et ses deux versions successives : ce n’est pas la bonne manière d’aborder la répartition entre les dépenses d’assurance maladie obligatoire et celles d’assurance maladie complémentaire – sur laquelle la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale continuera d’ailleurs à travailler.
La taxe proposée constituerait une ressource pour la sécurité sociale. Si nous la supprimons, il faudra trouver des recettes ou des économies ailleurs, ce qui sera forcément difficile. Dans le même temps, le fait que le Gouvernement ait, dans la lettre rectificative, lié cette contribution à la suspension de la réforme des retraites pose aussi problème : si nous supprimons l’article, nous ne pourrons pas débattre des autres modalités de financement proposées dans les amendements suivants.
La contribution proposée est dans tous les cas une mauvaise manière faite aux adhérents des mutuelles, qui auront à en subir les répercussions. Dans un monde idéal, il faudrait que les complémentaires s’engagent à ne pas augmenter les cotisations l’année prochaine. Je ne crois pas qu’elles y soient disposées.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Notre groupe est également opposé à la suppression de l’article, qui tire les conséquences de la décision des mutuelles l’année dernière. Nous sommes en revanche favorable à son rétablissement dans sa version initiale et nous avons déposé des amendements en ce sens.
M. le rapporteur général. J’ajoute que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est fondé sur l’hypothèse d’un transfert de charges – donc une modification de périmètre – entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires, à hauteur de 400 millions d’euros. Les mutuelles ont déjà voté leurs tarifs pour 2026, mais j’y vois une menace pour l’année suivante. En ajoutant à cela les 100 millions d’euros prévus dans la lettre rectificative, nous leur donnerions beaucoup d’arguments pour augmenter leurs prix en 2027.
Une fois n’est pas coutume, je rejoins Hendrik Davi : nous ne pourrons pas obtenir des mutuelles l’engagement de ne pas augmenter leurs tarifs si nous leur imposons cette contribution. Elles bénéficient d’une liberté contractuelle. Elles sont soumises à des règles prudentielles et à un cadre financier dont le respect est contrôlé par la Banque de France. Ces règles ne nous permettent pas de plafonner le niveau des futures cotisations.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 7 est supprimé et les amendements AS1511 et AS1509 de M. Jérôme Guedj, AS1525 de M. Yannick Monnet, AS1537 de Mme Sandrine Rousseau, les amendements identiques AS1602 de M. Jean-François Rousset et AS1608 de M. Éric Ciotti, les amendements AS1626 de M. Hadrien Clouet, AS1625 de Mme Ségolène Amiot, AS1536 de Mme Sandrine Rousseau, AS1727 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé, AS1736 de M. Thibault Bazin et AS1526 de M. Yannick Monnet tombent.
Amendement AS1310 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). Je souhaite généraliser l’exonération de la taxe sur les salaires dont bénéficient certains établissements et services sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif.
Cette taxe constitue une charge significative pour ces établissements, qui emploient un personnel nombreux et hautement qualifié, indispensable à la prise en charge et à l’accompagnement des usagers. Or, alors que le secteur connaît une crise d’attractivité marquée par des difficultés croissantes de recrutement et de fidélisation des professionnels, chaque levier permettant de dégager des marges de manœuvre pour améliorer les conditions de travail et renforcer l’attractivité des métiers est essentiel.
Le Bulletin officiel des finances publiques prévoit des exonérations ciblées, notamment pour certaines associations et organismes d’intérêt général. Pourtant, les établissements et services sociaux et médico-sociaux, même s’ils assurent une mission d’intérêt public comparable et répondent à des besoins fondamentaux, n’en bénéficient pas tous. Cette inégalité est difficilement justifiable.
Il importe donc, pour des raisons techniques, financières, mais aussi sociales, de généraliser l’exonération de la taxe sur les salaires à l’ensemble de ces établissements, pour garantir la viabilité de ces structures essentielles au maintien de la cohésion sociale.
M. le rapporteur général. Les modalités d’assujettissement des organismes sans but lucratif obéissent à des considérations juridiques complexes, plus larges que celles couvertes par votre amendement. Il convient donc d’être prudent.
Je me suis déjà opposé à un certain nombre d’amendements visant à créer des cotisations ou à les augmenter. De manière symétrique, je ne peux que constater que les organismes que vous défendez bénéficient déjà d’un cadre fiscal intéressant, qui varie d’ailleurs en fonction de leur statut juridique. Cela ne signifie pas qu’il ne faille rien changer, mais nous devons faire preuve de méthode.
Cet amendement et les suivants visent à exonérer les établissements publics de santé, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes publics et les établissements et services sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif de taxe sur les salaires. En leur accordant une franchise complète, nous irions trop loin. Ceci ne me semble pas raisonnable.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je ne trouve pas qu’il soit très « raisonnable » de demander aux malades de payer pour se soigner, de faire payer les retraités les plus pauvres et les plus précaires, de ne pas faire contribuer les plus riches. L’appréciation du caractère raisonnable des décisions que nous prenons dépend du point de vue de chacun : il n’y a pas de raisonnable ou de déraisonnable, seulement des lignes politiques différentes.
M. le rapporteur général. Ne caricaturez pas les avis que je rends depuis ce matin : on ne peut pas dire que je veux faire payer les malades. J’ai simplement dit qu’une franchise totale accordée aux établissements et services sociaux et médico-sociaux ne serait pas raisonnable. Je suis le premier à dire que les associations et les fondations remplissent une mission fondamentale, notamment dans certains territoires. J’estime seulement que l’amendement de Mme Vidal va trop loin.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1072 de M. Yannick Monnet et AS479 de M. Damien Maudet (discussion commune)
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Par l’amendement AS479, nous souhaitons supprimer la taxe sur les salaires dont s’acquittent les hôpitaux publics : elle renchérit de 10 % à 12 % leur masse salariale, au profit de l’État. Concrètement, on fait financer l’État par le service public hospitalier alors que la sécurité sociale avait été créée précisément pour l’affranchir des tutelles ministérielles. Les hôpitaux publics acquittent chaque année 5 milliards d’euros par ce biais. Pour le centre hospitalier universitaire de Toulouse, dans ma circonscription, la facture s’élève à 70 millions d’euros. Ce sont des dizaines de milliers de postes dont on se prive volontairement pour une taxe illégitime qui étrangle financièrement les établissements. Parce qu’elle est injuste, qu’elle nous prive de moyens et qu’elle constitue un transfert caché de la sécurité sociale vers l’État, il faut l’abroger.
M. le rapporteur général. Les deux amendements visent les établissements publics de santé et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes publics qui payent la taxe sur les salaires, de façon rétroactive pour celui de M. Monnet. Si ces structures ne bénéficient effectivement d’aucun abattement sur cette taxe, elles ont d’autres avantages. Elles échappent ainsi à la taxe sur la valeur ajoutée.
N’étant pas favorable à une franchise totale, je vous invite à retirer vos amendements au profit du suivant, l’AS964 de M. Monnet, qui applique un taux réduit. Je proposerai d’ailleurs de le sous-amender pour le fusionner avec l’amendement AS1618 de M. Raux. Cette solution me paraîtrait plus équilibrée.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS964 de M. Yannick Monnet et sous-amendement AS1749 de M. Thibault Bazin, amendement AS1618 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)
M. Yannick Monnet (GDR). Je propose de supprimer les taux majorés de la taxe sur les salaires auxquels sont soumis les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux publics et privés non lucratifs, comme le demandent nombre d’acteurs. Nous ne conservons qu’un taux de 4,25 % afin de rendre des marges de manœuvre financières à ces établissements et de favoriser les revalorisations de salaire. Il s’agit également de remédier à une distorsion entre les établissements publics ou privés non lucratifs : outre la taxe sur les salaires, ils paient la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs achats. Les établissements privés lucratifs peuvent, quant à eux, récupérer une partie de la taxe dont ils s’acquittent.
Je souscris par ailleurs au sous-amendement du rapporteur général, qui étend ces dispositions aux centres de santé à but non lucratif.
M. le rapporteur général. Le sous-amendement vise bien à conjuguer cet amendement avec celui de M. Raux afin que les centres de santé et les établissements publics de santé soient traités de la même façon.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Mon amendement est effectivement complémentaire de celui de M. Monnet puisqu’il porte sur les centres de santé gérés par des organismes à but non lucratif. La situation financière de ces acteurs essentiels à la lutte contre la désertification médicale et à l’accès aux soins est fragile : le déficit moyen des centres polyvalents s’établit à près de 10 % des dépenses. La taxe sur les salaires représente pour eux une charge conséquente qui grève leurs capacités à proposer des rémunérations attractives ou à fidéliser les personnels. Je propose donc de retenir un taux unique de 4,25 % en supprimant les taux majorés qui s’appliquent aux centres de santé.
M. le rapporteur général. Pour éviter une incompatibilité légistique qui imposerait à notre commission de choisir de façon arbitraire entre vos deux amendements, je propose de les fusionner grâce à mon sous-amendement. Si vous le souhaitez, vous pourrez présenter en séance publique un amendement de la commission reprenant l’ensemble du contenu souhaité.
La commission adopte successivement le sous-amendement AS1749 et l’amendement AS964.
En conséquence, l’amendement AS1618 tombe.
Amendements identiques AS217 de M. Stéphane Viry, AS1087 de M. Charles Fournier et AS1352 de M. Philippe Naillet
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS217 est défendu.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Par l’amendement AS1087, élaboré avec l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, le Mouvement associatif, le Centre français des fonds et fondations ainsi que France générosités, nous proposons d’appliquer aux associations employeuses un taux unique de taxe sur les salaires de 4,25 %. Elles sont déjà prises à la gorge par la baisse drastique des subventions aggravée par la diminution des dotations aux collectivités locales, la fin des emplois aidés et l’absence de financement de la prime Ségur. Elles sont contraintes de procéder à un plan social de grande ampleur.
La taxe sur les salaires est un impôt de production dont s’acquittent les employeurs qui ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Même la Cour des comptes défend l’instauration d’un taux unique, qui offrirait une petite respiration aux structures concernées.
Mme Béatrice Bellay (SOC). La taxe sur les salaires frappe indistinctement les structures quels que soient leur résultat, leur taille ou leur modèle économique. En cela, elle se distingue négativement d’autres impôts de production comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Nous souhaitons aussi appliquer un taux unique de 4,25 % aux personnes visées à l’article 1679 A du code général des impôts, afin de préserver les associations de tout coup de rabot et de répondre à leurs difficultés.
M. le rapporteur général. Je comprends votre objectif. Mais l’article 1679 A du code général des impôts ne concerne pas uniquement les associations, ni même l’économie sociale et solidaire : il couvre aussi toutes les fondations reconnues d’utilité publique, dont certaines se portent très bien. Je vous invite à retirer vos amendements, insuffisamment ciblés, sans quoi nous risquons d’aider des personnes qui n’en ont pas besoin.
J’ajoute que les associations et syndicats bénéficient déjà d’un abattement de taxe sur les salaires de l’ordre de 24 000 euros. Là encore, il faut adopter une approche globale.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS481 de M. Hadrien Clouet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Le Gouvernement s’apprête à imposer une année blanche injuste : n’étant pas indexés sur l’inflation, les pensions de retraite et d’invalidité, l’allocation aux adultes handicapés, les prestations familiales, le revenu de solidarité active ou encore l’allocation d’assurance chômage verront leur valeur réelle diminuer de 1 %.
Dans le même temps, Oxfam France estime que la taxation des superprofits constatés en 2023 rapporterait plus de 20 milliards d’euros. Les grandes entreprises françaises ont engrangé des sommes colossales au cours des dernières années – 131 milliards pour le CAC40 en 2024 – et les dividendes ne cessent de battre des records. D’après la Cour des comptes, le besoin de financement du système de retraites s’élèverait à 6,6 milliards d’euros en 2025. Récupérer les ressources autrefois allouées à l’assurance vieillesse que les capitalistes ont détournées ne serait que justice.
Plutôt que de mettre à contribution les retraités, nous proposons une cotisation exceptionnelle sur les superprofits au bénéfice des régimes de retraite.
M. le rapporteur général. Visiblement, nous ne vivons pas les mêmes journées : à voir les votes intervenus sur le projet de loi de finances depuis quatre jours et la suppression par notre commission de l’article 6 du présent projet de loi de financement, qui visait à geler le barème de la contribution sociale généralisée, j’ai le sentiment que l’année blanche a du plomb dans l’aile. Sommes-nous censés faire comme si nos débats ne servaient à rien ? Ce peut être une solution : nous pouvons choisir l’irresponsabilité collective. Je pense plutôt que nous ne pouvons pas ignorer les votes : nous avons une équation globale à respecter.
J’ai lu votre amendement avec attention car je voulais comprendre ce que vous entendez par « superprofits ». Selon vous, ils interviennent quand « le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré [...] est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019 ». Or une entreprise peut avoir des résultats très faibles pendant cette période et dépasser ce seuil pendant un exercice comptable sans qu’on puisse parler de superprofit. Les résultats positifs permettent aussi de réinvestir ou de partager la valeur.
Vous voulez instaurer une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés. Je ne suis pas sûr qu’il faille faire reposer le financement de nos administrations sur des recettes aussi volatiles, puisque rien ne garantit que les superprofits se répéteront. J’émets un avis défavorable parce que je suis convaincu que votre proposition risque de pénaliser les salariés de l’entreprise et la modernisation de notre appareil productif.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS127 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit de créer une contribution sociale exceptionnelle dont s’acquitteraient les sociétés réalisant des superprofits. Nous déposons régulièrement cet amendement, qui permettrait de financer directement la sécurité sociale et, le cas échéant, la suspension de la réforme des retraites, sans passer par le budget de l’État.
M. le rapporteur général. Cet amendement est identique au précédent, à la seule différence que le produit de la contribution ne serait pas affecté à la branche vieillesse, mais à l’ensemble de la sécurité sociale. Mes arguments restent les mêmes.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS424 de M. Hadrien Clouet
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous souhaitons instaurer une taxe sur les superprofits de l’industrie pharmaceutique afin de financer la branche maladie. Ce secteur est très bénéficiaire. Nous nous étonnons d’ailleurs qu’un précédent gouvernement ait décidé de contraindre les officines à transférer une partie de leurs marges aux laboratoires. Ces derniers engrangeant de plus en plus de bénéfices, nous souhaitons, par souci d’équilibre, que leurs superprofits financent en partie la sécurité sociale.
M. le rapporteur général. Je dois vous reconnaître une certaine imagination en matière de taxes. Encore une fois, je ne suis pas certain qu’un bénéfice supérieur de 25 % à la moyenne des résultats enregistrés sur la période 2017‑2019 constitue réellement un superprofit. Certaines années sont plus compliquées que d’autres. Vous mêlez en outre chiffre d’affaires et résultat ; les deux ne sont pas nécessairement corrélés. Je vous invite à retirer votre amendement en attendant l’examen de la contribution des entreprises pharmaceutiques prévue à l’article 10.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, vous avez dit que l’année blanche avait du plomb dans l’aile et que, donc, il ne fallait rien faire. Au contraire, faisons des propositions mieux-disantes afin de trouver des sources de financement.
En 2021, Pfizer et Moderna ont engrangé 34 milliards d’euros de bénéfices. Cet amendement permet de taxer les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 millions d’euros. Les petites entreprises ne seraient pas concernées : vous racontez des histoires parce que vous ne voulez pas toucher aux superprofits et aux grandes fortunes qui ne contribuent pas à l’effort collectif. Il est hors de question que ce soient les retraités, les personnes en situation de handicap, les chômeurs et les étudiants qui financent la solidarité nationale.
M. Christophe Bentz (RN). Chaque année, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la gauche se montre inventive. Elle propose de taxer dans tous les sens tous les organismes et toutes les entreprises possibles et imaginables.
Nous faisons la distinction entre les superprofits, qui ne sont pas malsains par nature, et les surprofits – auxquels nous sommes opposés –, réalisés par des entreprises qui abusent d’un système ou tirent profit d’une conjoncture comme lors du covid‑19. C’est la raison pour laquelle mon groupe politique s’opposera à tous les amendements à ce sujet déposés par la gauche après l’article 7.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous avons donné l’exemple de Total, qui a réalisé des superprofits indécents. Puis, celui de Pfizer et de Moderna : 34 milliards d’euros de bénéfices grâce au covid. Alors que l’amendement cible les entreprises qui réalisent plus de 500 millions de chiffres d’affaires, le Rassemblement national se dit content des superprofits et juge irréalistes les amendements de la gauche. Comment pouvez-vous soutenir que vous n’êtes pas les valets du capital, ni les soumis de la bourgeoisie, ni le macronisme en pire ? Vous êtes ridicules !
M. le rapporteur général. Il faut être réaliste et précis. Selon votre définition, les superprofits interviennent lorsque le résultat est égal à 1,25 fois la moyenne du résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019. Or, en fonction des entreprises, ces années peuvent avoir été bonnes comme mauvaises. Ce financement est très volatil. Ce n’est pas une solution structurante alternative à l’année blanche.
Une entreprise qui ne dégage pas durablement des résultats meurt. Les entreprises sont mortelles. Par ailleurs, lorsqu’elles enregistrent du résultat, elles sont assujetties à l’impôt sur les sociétés dont le taux est de 25 %. En France, les résultats sont soumis à une fiscalité importante. On ne peut laisser penser qu’ils seraient exonérés d’impôt.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre le résultat avec le chiffre d’affaires : une entreprise peut connaître un petit chiffre d’affaires mais un résultat important, et inversement.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il faut distinguer le chiffre d’affaires, le résultat et les dividendes. Le résultat reste dans l’entreprise : il est utilisé pour investir ou créer de l’emploi ; c’est positif, il ne faut pas y toucher. En revanche, on pourrait s’intéresser aux dividendes versés aux actionnaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1 de M. Jérôme Guedj
M. Arnaud Simion (SOC). Cet amendement concerne le phénomène de marchandisation du grand âge. Nous proposons de taxer les superprofits des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes privés à but lucratif.
La financiarisation du domaine de la santé est un problème. Le scandale Orpea est particulièrement révélateur. Il convient de réguler ces mastodontes financiers et de remettre au centre du jeu la protection et la bonne prise en charge de nos aînés, d’autant plus que le modèle économique repose en partie sur le versement de fonds par les agences régionales de santé et les conseils départementaux.
Le produit de cette contribution serait alloué à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Son taux serait porté à 30 % en cas de résultat net supérieur à 15 % des capitaux propres.
M. le rapporteur général. J’essaie de comprendre votre amendement qui vise à tirer les leçons de scandales que nous avons dénoncés. Le secteur est moins florissant qu’avant. S’agissant des capitaux propres, je vous invite à la prudence car ils peuvent être très faibles. Ainsi, la contribution nette pourrait pénaliser les entreprises dont les capitaux permettraient de réinvestir dans l’établissement de manière vertueuse.
Comme certains députés, je suis prêt à lutter contre les excès de la financiarisation ; je travaille d’ailleurs sur une proposition de loi à ce sujet. Néanmoins, la mesure proposée n’est pas opérationnelle. Elle pourrait se retourner contre les établissements qui investissent dans la qualité et la prévention. Afin d’atteindre l’objectif de bien-traitance, ces établissements doivent pouvoir investir, ce qui suppose qu’ils dégagent des résultats.
Or, de manière générale, les résultats sont très limités dans l’ensemble du secteur des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, qu’ils soient publics, privés à but non lucratif ou privés à but lucratif.
Mme Joëlle Mélin (RN). Je partage le constat : la financiarisation a donné lieu à des abus. Néanmoins, devons-nous créer une taxe chaque fois que nous avons l’impression d’apercevoir trois pièces d’or dans un pot au pied de l’arc-en-ciel ? Cette démarche peut être contre-productive.
Certes, les tarifs des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes du secteur privé lucratif posent problème. Nombreux sont nos concitoyens qui n’ont pas les moyens d’y être accueillis, non pas en raison des tarifs, mais de la pauvreté, compte tenu du niveau du salaire médian et de celui, dramatiquement bas, des retraites. Il ne faut pas se tromper entre causes et conséquences. Nous sommes d’accord pour lutter contre la financiarisation mais veillons à ne pas être contre-productifs.
M. François Gernigon (HOR). Soyons prudents lorsque nous évoquons les capitaux propres ; il s’agit d’une notion comptable. Quelle que soit la structure, association ou entreprise, des bénéfices sont nécessaires. Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes privés se sont endettés. Or seuls les intérêts de l’emprunt sont déduits du résultat ; le capital, lui, est remboursé grâce au bénéfice net.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis sensible aux dérives liées à la financiarisation, que j’ai dénoncées à plusieurs reprises. Je suis convaincu que nous pourrions trouver un consensus pour mettre en place des outils de régulation, et je dis cela en m’adressant aux collègues assis à ma gauche avec qui nous partageons de nombreuses convictions.
Par ailleurs, nous avions auditionné dans cette commission le journaliste qui a dénoncé ces dérives abominables. Améliorons la qualité des établissements en soumettant les entreprises qui ont eu recours à la financiarisation à un agrément pouvant être retiré à tout moment. Nous n’avons pas le courage collectif de le faire ; pourtant, nous devons agir. Je rappelle que la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, adoptée sous la précédente législature, soumet les centres dentaires à un agrément préalable.
Enfin, madame Mélin, promettre aux Français qu’ils partiront à 60 ans ne fera pas augmenter leur retraite.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). J’entends beaucoup de choses étonnantes. La situation de l’industrie pharmaceutique fend le cœur de nombreux collègues. Il est vrai que l’idée de faire payer une contribution à des entreprises dont les bénéfices progressent de 125 % risque bien de me faire défaillir ! Au niveau européen, une contribution, votée y compris par les centristes les plus mollassons, s’applique à partir de 20 % d’augmentation exceptionnelle des profits, soit une progression six fois moindre que celle proposée par l’amendement. La Commission européenne n’est pourtant pas une référence en la matière.
Il existe, en effet, des enjeux liés à la concentration de holdings et à la dissimulation de chiffres d’affaires. Dans ce cas, attaquons les structures concernées. L’optimisation, qui dégrade artificiellement les chiffres, est une difficulté. Agissons, ne capitulons pas !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS488 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Ce qui nous pose un problème, c’est la maximisation des profits sur le dos des personnes âgées recherchée par les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes du secteur privé lucratif.
Le nombre de places dans ces établissements a augmenté de 560 %. Leurs propriétaires figurent dans le classement des cinq cents plus grandes fortunes de France. On peut en déduire que de nombreux établissements du secteur privé lucratif réalisent d’importants bénéfices quand 80 % du secteur, notamment ceux de ma circonscription de Haute-Vienne, est en déficit.
Nous proposons de ponctionner une fraction des bénéfices des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes privés lucratifs qui n’augmentent pas les salaires ou n’embauchent pas du personnel supplémentaire. Cette contribution serait allouée aux établissements publics du secteur.
M. le rapporteur général. Votre amendement, qui crée une contribution au taux fixé par décret, est inconstitutionnel. La fixation du taux des prélèvements obligatoires relève de la compétence du législateur.
S’agissant de la détention de capitaux propres, la reprise automatique des excédents que vous suggérez pose problème. Les excédents peuvent justement permettre d’absorber l’augmentation des coûts et des salaires l’année suivante. Par conséquent, votre amendement empêcherait les établissements d’augmenter les salaires l’année suivante. Par souci de cohérence, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous proposons précisément l’inverse : les établissements seraient soumis à une contribution dès lors qu’ils n’auraient pas augmenté les salaires ou recruté. Vous avez le droit de ne pas être d’accord, mais n’inversez pas le raisonnement.
M. le rapporteur général. Si les établissements sont taxés, ils n’auront plus d’argent pour augmenter leurs personnels l’année suivante.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS979 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Mon amendement instaure une contribution additionnelle progressive sur les bénéfices des établissements de santé et des entreprises à but lucratif dans le secteur des soins, à partir d’un taux de rentabilité de 15 %.
La financiarisation croissante de certaines spécialités – biologie, imagerie – a entraîné une concentration des acteurs. Leur taux de rentabilité peut être très élevé. Selon le rapport charges et produits de l’assurance maladie, entre 2018 et 2022, la rentabilité opérationnelle a progressé de 10 % à 16 % pour les audioprothésistes, de 11 % à 16 % pour la radiologie, de 16 % à 27 % pour la radiothérapie et de 15 % à 24 % pour la biologie. Hélas, ces profits ne se traduisent ni par une meilleure offre de soins ni par des augmentations de salaire. En outre, ils sont coûteux pour l’assurance maladie et représentent une ponction injustifiable. Comment accepter que les profits de ces entreprises soient payés par nos cotisations ?
Nous proposons d’instaurer une contribution dont le barème, compris entre 3 % et 9 %, serait progressif selon le niveau de rentabilité. Elle permettrait non seulement d’assurer une redistribution équitable des excédents dans un secteur d’intérêt général, mais également de protéger des établissements locaux indépendants, essentiels au maillage territorial, et d’éviter l’accélération de la financiarisation et du phénomène de concentration.
M. le rapporteur général. Votre amendement cible les établissements de santé privés à but lucratif dont nous avons pourtant besoin. Dans certains territoires, il n’y a qu’eux. Ils apportent une réponse en matière de santé. Par ailleurs, certains jouent le jeu de la modération des tarifs : dans le cadre de conventions, ils participent au service public tout en limitant le reste à charge. S’ils ne font pas de résultats, ils meurent alors qu’un hôpital est immortel.
Nous avons besoin de tous les acteurs pour répondre à la demande croissante en matière de santé. Or votre amendement propose un dispositif disproportionné qui pourrait avoir des effets négatifs. Avis défavorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne souhaitons pas faire disparaître les centres de santé. Entre 2018 et 2022, le taux de rentabilité de la radiothérapie est passé de 16,4 % à 27,2 %. Vu ce niveau, il est possible de taxer leurs profits afin qu’une partie d’entre eux soit réutilisée, sans pour autant les faire disparaître. Je rappelle que certains centres de radiothérapie tirent profit de leur situation de monopole.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je préfère le dispositif que nous proposons dans un autre amendement. Il vise à réduire les bénéfices de la radiothérapie, qui sont trop élevés, plutôt qu’à les taxer. Notre dispositif est plus vertueux que votre mécanisme compliqué : nous ferions baisser le financement de la radiothérapie afin que l’assurance maladie paie moins.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La bonne nouvelle est que nous pourrons voter les deux amendements : ils sont compatibles car celui de M. Davi ne concerne pas les bénéfices.
Monsieur le rapporteur général, vous estimez qu’on ne peut taxer les centres car nous en avons besoin. Mais nous avons également besoin de nombreuses entreprises, qui sont pourtant taxées. Cet argument n’est pas pertinent. Par ailleurs, selon vous, cette taxe risquerait de les faire mourir. J’en doute, eu égard à leur taux de rentabilité. Ce sont plutôt les actionnaires et les fonds de pension les dirigeant qui les mettent en danger.
Enfin, un hôpital ne peut mourir que si la puissance publique le laisse mourir. En revanche, ce sont les patients qui risquent de mourir. Pour atteindre un taux de rentabilité de 15 %, ces établissements font des économies sur les brancards, le personnel soignant et la prise en charge des personnes.
M. François Gernigon (HOR). Prenons l’exemple de deux audioprothésistes, l’un en libéral et l’autre dans une société. La rémunération de ce dernier sera intégrée aux charges, contrairement à celle du premier. La taxation s’appliquant de manière indifférenciée aux deux types de praticiens, votre raisonnement ne tient pas.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les centres de radiologie ou de biologie ne sont pas des établissements de santé, qui assurent notamment des hospitalisations.
Les conventions conclues avec les biologistes et les radiologues leur imposent des efforts, étant donné leur taux de rentabilité. Certes, nous devons lutter contre la financiarisation de la santé. Néanmoins, la notion d’établissement de santé privé à but lucratif désigne uniquement les cliniques privées. Votre amendement est mal rédigé.
Mme Joëlle Mélin (RN). Je suis étonnée qu’on commette toujours la même erreur. Sur les cinq branches de la sécurité sociale, seule la branche santé prévoit l’intervention d’un tiers – les soignants – entre l’usager et l’administration. S’en prendre à eux systématiquement relève d’un manque de jugement alors même qu’il faut revoir la gestion de la sécurité sociale, que le montant des sommes non recouvrées s’élevait à 25 milliards d’euros en 2024, et que la fraude sociale représente une quinzaine de milliards.
Nous devons lutter contre la financiarisation. Néanmoins, le gros problème est que tous les investissements réalisés par les établissements de santé ont été financés par un emprunt. Certaines propositions relatives à la gestion de ces établissements risquent de provoquer des catastrophes en cascade.
M. le rapporteur général. Monsieur Clouet, je ne veux faire mourir aucun patient ni aucun établissement qui participe au service public de santé.
Votre amendement vise « des établissements de santé privés à but lucratif ainsi que des sociétés par actions simplifiées, des sociétés anonymes ou des groupements d’intérêt économique, locaux ou nationaux ». Les agences régionales de santé préconisent de recourir au groupement d’intérêt économique pour créer des plateaux d’imagerie dans les hôpitaux publics. Dans ma région, plus de la moitié des autorisations sont attribuées à des hôpitaux publics et la moitié du groupement est financée par l’hôpital. Ainsi, quand le groupement dégage un bénéfice qui peut servir à financer un équipement lourd, c’est l’hôpital qui en bénéficie en grande partie. Si on adoptait cet amendement, on pénaliserait les hôpitaux. Je vous invite à le retirer.
M. Philippe Vigier (Dem). Le rapporteur général a raison. À Châteaudun, l’agence régionale de santé a invité à créer un groupement d’intérêt économique. Votre dispositif constitue une double sanction puisque l’hôpital sera également ponctionné.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1265 de Mme Sandrine Rousseau, amendements identiques AS21 de M. Jérôme Guedj et AS925 de M. Yannick Monnet (discussion commune)
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement crée une taxe sur les fonds de pension qui, pour une partie d’entre eux, gèrent la retraite par capitalisation. Ce sont des acteurs majeurs des marchés financiers, qui encouragent une forme de spéculation et de rentabilité pouvant nuire aux salariés dont ils assurent la retraite. L’an dernier, ils ont collecté 16 milliards d’euros. Taxer les fonds de pension est une manière juste et naturelle de renforcer la répartition plutôt que la capitalisation, et d’éviter qu’ils réalisent des profits indus avec l’argent des retraites.
Mme Océane Godard (SOC). L’amendement AS21 instaure une contribution exceptionnelle de 5 % sur les fonds de pension, dont le produit serait affecté à la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Il est cohérent avec les propositions relatives au projet de loi de financement de la sécurité sociale présentées par les socialistes au mois d’août. Nous souhaitons ainsi augmenter les recettes sans imposer les ménages aux revenus les plus modestes et maîtriser les dépenses sans rogner sur les prestations des assurés, en nous fondant sur les préconisations du rapport charges et produits de l’assurance maladie.
L’amendement est également cohérent avec notre ambition de réduire le déficit de la sécurité sociale en 2026. Si nos propositions étaient appliquées, celui-ci diminuerait de 11,1 milliards d’euros quand le Gouvernement prévoit une réduction de 17,5 milliards d’euros.
M. Yannick Monnet (GDR). J’insiste sur le fait qu’il s’agisse d’une contribution exceptionnelle. Le système de retraites fait l’objet d’un financement pérenne par le versement de cotisations. Il s’agit de faire contribuer exceptionnellement les fonds de pension à la française, instaurés par la loi n° 2015‑991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Cette mesure me semble juste.
M. le rapporteur général. Vous souhaitez créer une nouvelle contribution, à un taux de 5 % ou de 10 %, sur les entreprises qui proposent des plans d’épargne retraite. Son produit serait affecté, selon les amendements, soit à la branche vieillesse, soit à la branche autonomie, soit aux deux.
Les entreprises peuvent proposer à leurs salariés des plans d’épargne retraite, y verser l’intéressement ou la participation, voire les abonder. Les plans d’épargne retraite bénéficient essentiellement à des salariés contents d’en profiter lorsqu’ils prennent leur retraite. Il s’agit d’une forme de retraite complémentaire, qui ne représente pas une grande fortune.
Cette contribution pénaliserait, par effet de ricochet, tant les travailleurs que l’investissement dans les infrastructures. Ce mécanisme d’épargne est soumis à des conditions qui tiennent, notamment, à la durée d’immobilisation. Il ne peut être débloqué à n’importe quel moment. L’argent collecté ne dort pas : il finance l’économie réelle ; il participe à l’investissement dans des infrastructures de service public ; il permet d’améliorer l’investissement productif.
Avis défavorable sur ces amendements.
M. Yannick Monnet (GDR). Dès lors qu’on décide de prélever de l’argent pour financer la solidarité, il y aura toujours des ricochets, sauf si on considère qu’il faut augmenter la dette et je ne crois pas que ce soit la position du président de votre groupe. Le financement de la mesure exceptionnelle décidée, par ricochet, pèsera sur certains. La question est de savoir si ceci nous paraît juste. Est-il juste de taxer un fonds de pension ? Peut-être préférez-vous taxer directement les salariés ?
Vous pourriez utiliser les mêmes arguments contre tous les amendements qui proposent des recettes supplémentaires. Il faudra faire un choix : soit on accepte l’idée qu’on compense une dépense supplémentaire, soit on arrête de dépenser voire de prélever des cotisations. S’il ne vous paraît pas juste de taxer les fonds de pension, dites-nous qui il faudrait taxer. L’expression « par ricochet » me fait réagir. Je suis moins peiné à l’idée de taxer les fonds de pension que les salariés.
M. Nicolas Turquois (Dem). Vous avez raison, il faut prélever de l’argent pour financer des besoins sociaux importants. Plusieurs députés de mon groupe politique ont déposé un amendement sur la taxe sur la valeur ajoutée ; il a été déclaré irrecevable mais nous le retravaillerons d’ici à la séance publique.
Comment faire participer les importations ? Il semble que nous nous fragilisions avec des mesures qui alourdissent les charges des entreprises ou augmentent les droits de mutation. Mais avons-nous seulement réfléchi au financement extérieur ? Les importations ont augmenté de manière importante. Or elles ne financent pas le système de protection sociale.
Je vous invite à réfléchir à une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée qui serait compensée par des mesures en faveur du pouvoir d’achat des consommateurs, afin de changer radicalement notre approche sur ce sujet.
M. le rapporteur général. Je ne dirai plus « par ricochet ». Le levier le plus puissant pour garantir la pérennité du système de protection sociale serait une amélioration du taux d’emploi, mais je ne peux malheureusement proposer des mesures en faveur du travail dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour ce qui est du plan d’épargne retraite – je préfère ce terme à celui de fonds de pension car, en réalité, c’est à ce type d’outils que les personnes souscrivent –, les revenus sont imposés soit à l’entrée, soit à la sortie. Par ailleurs, les gains issus des sommes placées sont également imposés. Par conséquent, il existe déjà des contributions qui financent le système de protection sociale : votre amendement vise à créer une contribution additionnelle.
Enfin, je n’ai pas dit que je souhaitais supprimer toutes les cotisations.
La commission rejette successivement les amendements.
La réunion est suspendue de seize heures quinze à seize heures quarante-cinq.
Amendements AS467 de Mme Élise Leboucher et AS680 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement AS467 crée une contribution exceptionnelle sur les fonds de pension. Agglomérats importants de liquidités et d’actifs, ils jouent un rôle de déstabilisation macroéconomique générale et contribuent à une privatisation des risques contradictoire avec l’objectif de la sécurité sociale. Il serait donc d’intérêt général de dissuader cette activité et de récupérer une partie de ses bénéfices.
M. le rapporteur général. Ces amendements visent, comme les précédents, à créer une contribution supplémentaire sur les plans d’épargne retraite. Seuls le taux et l’affectation diffèrent. Pour les mêmes raisons, je leur donne un avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS477 de Mme Ségolène Amiot
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Autre proposition pour financer l’abrogation de la réforme des retraites, cet amendement crée une cotisation exceptionnelle sur les superprofits des pétroliers, véritables profiteurs de crise. Vous connaissez la situation : à la flambée des prix et à la stagnation des salaires et des pensions s’ajoutent les attaques en règle contre nos protections collectives avec, comme résultat, 10 millions de pauvres et une économie au bord de la récession. Dans le même temps, Total a réalisé 7,8 milliards d’euros de profits au premier semestre 2024, un montant record rendu possible par l’explosion des prix. Mais je rappelle que l’entreprise n’a pas eu le moindre euro d’impôt à payer en 2020 et 2021.
En exigeant la contribution à la solidarité nationale de ces très gros groupes pétroliers, il serait aisé d’abroger l’injuste retraite à 64 ans et de garantir la revalorisation des pensions en fonction de l’inflation. Voici l’alternative qui s’offre au Gouvernement : mettre à contribution ceux qui se détournent de leurs obligations ou user à la tâche des millions de travailleurs âgés.
M. le rapporteur général. M. Boyard avait déjà proposé pareille mesure, mais je rappelle que les entreprises du secteur des hydrocarbures sont assujetties à l’impôt sur les sociétés et à la taxe générale sur les activités polluantes. De plus, souvenez-vous, une contribution exceptionnelle leur avait été demandée au début de la guerre en Ukraine. Or, vous souhaitez justement prendre comme références les exercices 2022 et 2023, lors desquels les prix de l’énergie ont progressé. Cette contribution supplémentaire serait malvenue dans la mesure où elle se retournerait contre les consommateurs finaux, ce qui ne manquerait pas d’être abrasif.
M. Philippe Vigier (Dem). Je partage la position du rapporteur général car, comme vous, je souhaite éviter les délocalisations d’emplois. En effet, dans le secteur des hydrocarbures, les activités en France sont quasiment déficitaires ; heureusement qu’il y a celles à l’étranger. Nous nous sommes mis des boulets aux pieds en interdisant le forage sur le territoire national, mais les bases arrière des activités d’extraction au Guyana et au Mozambique sont en France, en l’occurrence en Guyane et à Mayotte. Soyons prudents : une telle mesure pourrait entraîner des pertes d’emplois. Plutôt que d’introduire une nouvelle taxe, il faudrait combattre l’optimisation fiscale.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Vous rappelez-vous, monsieur le rapporteur général, ce qu’a rapporté la contribution exceptionnelle, créée par Bruno Le Maire, à laquelle vous avez fait allusion ? Sur les 10 milliards d’euros de superprofits comptabilisés en un semestre, qui avaient donné lieu à 2,5 milliards d’euros de dividendes, nous avions imposé les pétroliers à hauteur de 200 millions d’euros. Une goutte d’hydrocarbure dans l’océan !
Adopter cet amendement ne serait donc que justice et, contrairement à la précédente contribution exceptionnelle, celle-ci remplirait réellement nos caisses.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS475 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). J’ai une devinette : savez-vous combien d’impôts a payés Uber en 2021 ? Réponse : 7 millions d’euros. Par rapport aux milliards d’euros amassés, il conviendrait de lui imposer une contribution de 10 % : c’est l’objet du présent amendement.
De telles plateformes détruisent des métiers, comme celui de chauffeur de taxi ou de livreur, qui, eux, ne sont pas exercés par des autoentrepreneurs. Et elles pratiquent une forme d’esclavage moderne des sans-papiers, que vous précarisez avec vos lois sur l’immigration. Quand il y a un pourboire ou quand les prix augmentent, ils prennent une commission quand ils ne vont pas jusqu’à réduire les payes. C’est pourquoi il nous semble juste de taxer les bénéfices de ces groupes.
Nous appelons aussi au passage au statut de salarié pour les employés d’Uber, la plateforme recourant au statut d’entrepreneur pour se soustraire à ses obligations.
M. le rapporteur général. Je ne suis pas là pour jouer aux devinettes, mais pour faire un travail sérieux. Je crois que vous oubliez que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 contient une réforme relative aux plateformes de mise en relation. En cours de déploiement, elle prévoit des obligations déclaratives renforcées, favorisera la constitution de droits contributifs et permettra de lutter contre la fraude fiscale et sociale des sociétés elles-mêmes et de tous ceux qui ne déclarent pas leurs revenus. De plus, les cotisations et contributions sociales des plateformes seront désormais précomptées, ce qui permettra d’accroître le montant des sommes collectées.
Imposer une nouvelle contribution ne serait pas opportun. Il convient plutôt de s’assurer que les dispositions déjà prises sont bien appliquées. Elles seront bénéfiques pour les travailleurs. Je demande le retrait de l’amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je crois qu’il y a une incompréhension. Oui, Uber est un problème social. Cette entreprise est néfaste car elle fait travailler des gens comme de faux indépendants alors qu’ils ont toutes les caractéristiques de salariés. Ils ne choisissent ni leurs prix ni leurs horaires. Ils subissent l’ensemble des avanies éventuelles, telles que les risques sociaux ou les accidents.
Comment résoudre ce problème ? D’abord en requalifiant en salariés tous ceux qui travaillent pour Uber ; c’est le seul moyen de les protéger et de mettre fin à la concurrence déloyale avec d’autres travailleurs comme les artisans taxis. Ensuite en cessant la propagation du système créé par cette plateforme à d’autres activités, comme la restauration ou les salons de coiffure. De fait, les profits réalisés par Uber font tache d’huile et menacent toutes les qualifications comme tous les salariés.
Au fond, l’amendement solde un préjudice en récupérant, par une contribution de 10 %, les sommes détournées des caisses de la sécurité sociale depuis des années. Bien sûr, on peut rester assis en cercle à brûler des cierges en attendant que l’argent tombe. On peut aussi le récupérer directement, ce qui paraît plus utile et plus efficace. J’ai entendu un député du groupe EPR répondre « on s’en fout » lorsque Louis Boyard a demandé combien d’impôts payait Uber. Mais non, on ne s’en fout pas que des milliards d’euros manquent à la sécurité sociale ! Vous pouvez ne pas être d’accord, voire vouloir que cet argent soit volé ; pas nous. Nous pensons que ce débat doit avoir lieu, ce qui sera le cas, que vous le vouliez ou non.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il faut adopter cet amendement car toutes les victimes de l’ubérisation qui entreprennent une action en justice contre une plateforme obtiennent gain de cause. Le lien de subordination, bien que non reconnu par l’entreprise, est évident. Si ces employés étaient de vrais indépendants, ils pourraient fixer eux-mêmes leurs tarifs et ils ne pourraient pas être déconnectés de la plateforme du jour au lendemain, comme c’est le cas actuellement. Les décisions de justice montrent des abus manifestes tandis que le manque à gagner par l’Urssaf serait supérieur à 1 milliard d’euros. Ce montant me semble d’ailleurs sous-estimé dans la mesure où l’ubérisation se développe bien au-delà des seuls secteurs du transport et de la livraison. Il est normal de demander une contribution à ces plateformes, le temps de retranscrire enfin la directive européenne relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, arrachée de haute lutte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS462 de M. Hadrien Clouet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Les actionnaires des entreprises cotées au CAC40 ont perçu 98 milliards d’euros au titre de l’exercice 2024, après avoir déjà touché 100 milliards d’euros l’année précédente. Malheureusement, ces fonds ne profitent qu’à une infime minorité d’ultra-riches, 96 % des dividendes étant captés par 1 % de la population. En parallèle, notre système néolibéral prévoit des exonérations massives de cotisations sociales, qui privent la sécurité sociale de 75 milliards d’euros – une somme proche des 90 milliards d’euros si l’on met bout à bout l’ensemble des exonérations fiscales votées chaque année.
Par cet amendement, nous proposons de rétablir l’équilibre en créant une contribution exceptionnelle sur les dividendes versés par les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros. Nous serions donc loin de pénaliser les petites et moyennes entreprises, le dispositif sollicitant les plus riches et ceux qui n’ont pas eu à travailler pour produire de l’argent.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS458 de Mme Ségolène Amiot, amendements identiques AS22 de M. Jérôme Guedj et AS1291 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Mon amendement, comme le précédent, crée une contribution exceptionnelle sur les dividendes perçus par les actionnaires des entreprises du CAC40. On qualifie de parasites les assurés sociaux qui touchent quelques centaines d’euros par mois pour leur survie ; ici, je parle de gens qui touchent des millions d’euros sans verser la moindre goutte de sueur ni même se lever de leur lit. Or cet argent, nous l’exonérons de taxes au fil du temps, ce qui profite à des groupes tels que Bouygues, Bolloré, ou encore CMA‑CGM. Nous proposons donc de rétablir l’équilibre en tapant, non sur les travailleurs, mais sur ceux qui ont beaucoup trop d’argent.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Qu’on ne fasse pas croire que les dividendes ne sont pas déjà taxés, en l’occurrence à 30 %. De plus, les questions fiscales sont abordées lors de l’examen du projet de loi de finances, pas du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les dividendes ne sont autres qu’une rente. C’est normalement tout l’inverse de ce que vous soutenez, puisque vous aimez le travail ! Je suis donc certaine que vous voterez cette contribution exceptionnelle. Au total, 1 750 milliards d’euros de dividendes ont été distribués dans le monde en 2024. La France est championne d’Europe en la matière, avec 69 milliards d’euros. Il y a de l’argent à aller chercher.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je regrette, monsieur le rapporteur général, que vous évacuiez aussi rapidement ce débat au cœur des problèmes que rencontre notre pays. Je le répète : 96 % des dividendes sont captés par 1 % des ménages. Des entreprises comme Vencorex, rachetée par des Chinois, ou ArcelorMittal, qui appartient à des Indiens et qui est en train d’être démantelée, n’investissent pas dans notre pays. Et on voit qu’au nom de l’accord passé avec les États-Unis, l’Union européenne va fortement investir dans ce pays, favorisant au passage l’énergie carbonée, alors que nous avons passé le seuil de 1,5 degré de réchauffement.
L’État doit prendre la main sur une partie des dividendes afin d’orchestrer les investissements publics dont nous avons besoin, notamment en matière de planification écologique, et de créer tous les emplois que vous appelez de vos vœux. Si vous pensez que le marché va régler tous les problèmes du siècle comme par magie, vous êtes dans l’erreur.
M. le rapporteur général. Si nous voulons examiner l’ensemble des articles du projet de loi, je ne peux répondre longuement sur tous les amendements.
Par ailleurs, prenez garde à la cible : vous parlez toujours des très grandes fortunes et des très grands actionnaires, mais il existe aussi des dirigeants d’entreprise qui ne se versent pas de salaire et qui, une fois que leur société obtient des résultats, payent l’impôt sur les sociétés puis, quand ils ne réinvestissent pas, s’octroient une partie des profits, ce qui sera aussi considéré comme des dividendes. La contribution prévue à l’amendement AS458 concernerait ce cas de figure. Vous risquez de faire des victimes injustes dont vous ne parlez jamais : des personnes qui ont pris leur risque, qui ont investi et qui méritent d’être rémunérées pour leur travail en tant que gérantes d’entreprises payant l’impôt sur les sociétés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1197 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement vise à taxer les dividendes versés par les groupes privés à but lucratif des secteurs des crèches et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, afin de financer la sécurité sociale et d’améliorer la prise en charge des personnes non autonomes. Plusieurs scandales ont été révélés dans des livres et par la presse : certains groupes privilégient les profits au détriment du bien-être des personnes accueillies. Pour augmenter les marges, ils réduisent les dépenses d’alimentation, contraignent les effectifs ou dégradent les conditions d’accueil, ce qui conduit à de véritables maltraitances. Ces marges peuvent ensuite servir à rémunérer les actionnaires.
Par cet amendement, nous invitons aussi le Gouvernement à étudier les autres mécanismes fiscaux utilisés par les entreprises ici visées, afin de mieux encadrer leurs stratégies. Je pense à l’achat à effet de levier, qui peut générer des profits par de la dette.
M. le rapporteur général. À vous écouter, tous les établissements privés à but lucratif accueillant des personnes en situation de dépendance sont coupables de maltraitance. Je ne le pense pas. Heureusement, les situations abusives et scandaleuses que nous dénonçons tous et qu’il faut corriger sont minoritaires. Il faut faire attention avec ce type de discours qui jettent l’opprobre sur tout un secteur car, derrière, il y a des salariés et des résidents.
Vous souhaitez introduire une contribution de 10 % sur les dividendes. Aux termes de l’amendement, celle-ci serait pourtant assise sur les bénéfices, ce qui est différent. Dans la mesure où votre dispositif ne fonctionne pas, je vous invite à retirer l’amendement. Dans le cas contraire, je lui donnerai un avis défavorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). Si ma proposition est assise sur les bénéfices, c’est parce que les entreprises en question ne rémunèrent pas toujours leurs actionnaires sous la forme de dividendes. C’est ce que j’expliquais à la fin de ma présentation. Or, l’État ne s’intéresse pas vraiment à ces autres mécanismes fiscaux. Sur ce point, il s’agit d’un amendement d’appel, mais il n’empêche que nous pouvons asseoir la taxe sur les bénéfices.
M. le rapporteur général. On ne peut pas faire un amendement d’appel au sujet d’une contribution. Quand on cherche à en créer une, il faut qu’elle fonctionne. En l’occurrence ce n’est pas le cas, puisque vous proposez une contribution sur les dividendes dont l’assiette serait les bénéfices...
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS916 de M. Yannick Monnet
M. Yannick Monnet (GDR). Au risque de vous déplaire, monsieur le rapporteur général, cet amendement vise également à mettre à contribution les actionnaires percevant des dividendes. Vous qui êtes pour le travail, savez-vous pourquoi la sécurité sociale a été créée ? Pour protéger le monde du travail et permettre de mieux produire car, à l’époque, il fallait beaucoup travailler pour reconstruire le pays.
Nous proposons ici de taxer ceux qui gagnent de l’argent sans travailler et qui captent injustement une partie de la richesse produite par le travail, sans pour autant participer à la solidarité. Cette contribution serait modique, fixée à 2 %, mais elle rapporterait 2,4 milliards d’euros. Il s’agirait d’une juste contrepartie.
M. le rapporteur général. Aux termes de l’amendement, la contribution serait assise sur les revenus distribués au sens de l’article 109 du code général des impôts. Or, dans ce cas, ne serait concernée qu’une petite partie des capitaux mobiliers – une cible plus réduite que ce que vous croyez. Par ailleurs, et sans vouloir vous inciter à créer plus de taxes, vous n’affectez pas le produit de cette nouvelle contribution. Je vous invite à retirer l’amendement et à le retravailler.
M. Yannick Monnet (GDR). Je prévois de l’affecter à la branche autonomie. Mais si vous me dites que vous êtes d’accord sur le principe de taxer à 2 % les dividendes des actionnaires, j’accepte de le retirer et de le redéposer avec vous en vue de l’examen en séance publique ! Les points techniques sont secondaires. Le véritable enjeu est de faire contribuer, au bénéfice du monde du travail, ceux qui gagnent de l’argent sans travailler.
M. le rapporteur général. Je vous prie de m’excuser, mais dividendes et revenus des capitaux mobiliers ne sont pas la même chose. Ces derniers recouvrent d’autres réalités que les seuls dividendes et sont parfois la seule rémunération de personnes ayant investi dans une entreprise et qui y travaillent.
Par ailleurs, je répète que vous n’affectez pas le produit de votre contribution. Si vous souhaitez qu’elle bénéficie à la branche autonomie, il faut l’écrire.
Enfin, ce n’est pas moi qui décide du sort des amendements. Ce serait formidable si tout le monde suivait toujours mes avis, mais il revient à la commission de se prononcer. Je souhaite éviter les taxes et cotisations additionnelles mais mon rôle est avant tout d’indiquer quand un amendement fonctionne ou non. Je vous le dois.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS137 de M. Jérôme Guedj
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur général. Avis défavorable. L’amendement souffre d’un problème de taux.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS670 de M. Hadrien Clouet
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Toujours force de proposition pour trouver de nouvelles recettes, mon groupe propose l’instauration d’une contribution supplémentaire dont auraient à s’acquitter les entreprises coupables de politiques salariales sexistes.
L’Institut national de la statistique et des études économiques est formel : dans le privé, l’écart salarial entre les hommes et les femmes, en tenant compte du temps de travail, s’est élevé à 22 % en 2023. Les femmes subissent davantage l’emploi à temps partiel et la privation d’emploi. À travail identique, leur salaire moyen est inférieur de 14 %. À poste identique dans une même entreprise, elles sont également discriminées, touchant une rémunération inférieure de près de 4 %. Et parce que nous manquons d’inspecteurs du travail, ces pratiques persistent.
Il convient de pénaliser les entreprises qui enfreignent la loi. Le taux de contribution varierait selon le score atteint à l’index d’égalité professionnelle. Au fond, nous proposons de faire d’une pierre deux coups : pérenniser les comptes de l’assurance vieillesse et tendre vers l’égalité de genre dans les rémunérations.
M. le rapporteur général. Je reconnais que vous êtes force de proposition en matière fiscale. Vous faites même preuve d’imagination.
En cas de violation du code du travail, il revient à l’inspection du travail et aux juridictions de s’en saisir. L’impôt n’a pas vocation à sanctionner des acteurs économiques, mais à assurer leur juste contribution. En l’occurrence, si nous souhaitons tous l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, l’outil choisi n’est pas le bon. Le code du travail interdit d’ailleurs déjà les discriminations entre les sexes et prévoit des pénalités financières pour les entreprises qui contreviennent à cette obligation.
En outre, je crains qu’un tel amendement n’aboutisse à la baisse des salaires de tout le monde. Je le répète, si la cause est louable, il ne s’agit pas du bon levier.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous me faites rire ! Non, nous ne voulons pas la diminution du salaire des hommes, mais l’augmentation de celui des femmes au même niveau. Contrairement à ce que vous pensez, parvenir à l’égalité salariale serait doublement efficace car, le cas échéant, les cotisations des femmes augmenteraient d’autant et ce serait davantage d’argent pour renflouer les caisses de la sécurité sociale. Je vous invite donc à revoir votre discours.
Enfin, vous rappelez qu’il revient à l’inspection du travail de s’assurer de l’égalité salariale au sein des entreprises. Je m’en souviendrai quand nous discuterons des crédits alloués aux inspecteurs. Ces crédits, malheureusement, sont en diminution.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS178 de Mme Sandrine Runel, AS626 de Mme Élise Leboucher ; amendements identiques AS179 de Mme Sandrine Runel et AS698 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement AS178 vise à lutter contre la sédentarité en appliquant un taux réduit, de 10,27 %, de taxe de solidarité additionnelle sur les cotisations d’assurance maladie complémentaire pour les garanties qui prennent en charge l’activité physique et les séances de diététique. Un tiers de la population souffre de maladies chroniques et cette part est en augmentation constante, notamment depuis la crise du covid‑19. Or, des thérapies non médicamenteuses validées par l’Inserm Institut national de la santé et de la recherche médicale et la Haute Autorité de santé ont fait la preuve de leur efficacité contre ces pathologies.
Mon amendement suivant vise, de même, à favoriser la prévention en instaurant un taux réduit, de 5 %, sur certaines garanties supplémentaires.
M. le rapporteur général. Nous sommes nombreux à soutenir la prévention en santé et vous savez que des complémentaires agissent déjà dans ce domaine.
Un problème rédactionnel se pose. Vous prévoyez une majoration du taux si certaines conditions ne sont pas respectées, mais on ne sait pas desquelles il s’agit : du remboursement de thérapeutiques non médicamenteuses, de l’absence de recueil des données de l’assuré, de la non-fixation des primes en fonction de l’état de santé, de ces trois conditions à la fois ?
S’agissant des solutions non médicamenteuses, je ne suis pas médecin. Je suis même le premier rapporteur général à ne pas être un soignant et je n’ai donc pas d’expertise dans ce domaine. Je n’ai pas le recul nécessaire pour définir ce qui est pertinent ou non. Nous devons faire preuve de prudence en la matière.
Sur le principe, instaurer de nouveaux taux réduits pour la taxe de solidarité additionnelle serait un facteur de complexité. Nous sommes arrivés à un équilibre : des taux réduits favorisent déjà les garanties santé solidaires et responsables, ce qui importe le plus. C’est d’ailleurs, me semble-t-il, l’objectif que vous visez.
Il est possible, en revanche, d’engager une réflexion sur le contenu des contrats solidaires et responsables, comme l’a proposé le rapport de la mission d’information du Sénat présenté en septembre 2024 sur les organismes complémentaires. Nous avons vu lors des premiers travaux de la mission que je conduis avec Joëlle Mélin et Jérôme Guedj que la question des périmètres des assurances maladie obligatoire et complémentaire est complexe : quand on fait bouger le périmètre de l’une, il y a des conséquences sur le périmètre de l’autre. On pourrait néanmoins faire évoluer le cahier des charges des contrats sans accroître la complexité du barème de la taxe de solidarité additionnelle. Je vous invite à discuter de ces questions avec Jérôme Guedj : on ne peut pas modifier les taux sans réflexion d’ensemble.
Par ailleurs, la question du financement de la complémentaire santé solidaire se pose, même si c’est un autre débat. Je rappelle simplement qu’elle est un vecteur de notre politique de solidarité nationale.
Pour ces raisons, avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1404 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement permettrait le financement de la prévention en santé. C’est le cœur du problème. Les mutuelles ont un rôle à jouer. Certains contrats dits responsables font l’objet d’un taux de prélèvement de 13,27 %, et les autres d’un taux de 20,27 %. Je vous propose de baisser le taux lorsque les garanties prennent en charge des actions de prévention, afin que les mutuelles se concentrent davantage sur ce type d’action. Ce serait un signal important.
M. le rapporteur général. Votre défense, de longue date, de la prévention est louable. Je rappelle simplement à tous nos collègues qu’un contrat est solidaire lorsque la mutuelle ne fixe pas les cotisations en fonction de l’état de santé des assurés, et qu’il est responsable lorsqu’il encourage le respect du parcours de soins coordonnés. C’est peut-être sur le second plan qu’on peut retrouver le vecteur de la prévention.
S’agissant de la rédaction que vous proposez, je ferai la même observation qu’au sujet des amendements précédents : quelles doivent être précisément les conditions à respecter ?
Je vous invite à retirer cet amendement pour le retravailler.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Comme nous ne pouvons pas jouer sur les paniers de soins des contrats responsables, je propose simplement que des traitements non médicamenteux reconnus par la Haute Autorité de santé fassent l’objet d’une taxe de solidarité additionnelle à un taux moins élevé, afin que les mutuelles orientent leur financement vers la prévention.
Mme Joëlle Mélin (RN). Je suis d’accord avec l’idée qu’il faudrait renforcer la prévention à tous les âges et dans tous les domaines. Néanmoins, la prévention repose en particulier sur les infirmières et les médecins scolaires, dont les effectifs sont très clairsemés, et sur la médecine du travail, qui a subi une dérégulation complète dans le cadre de la loi n° 2016‑1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Les médecins généralistes peuvent aussi faire de la prévention, mais ils ne sont plus assez nombreux. Je ne suis pas sûre qu’il faille faire reposer les efforts sur les mutuelles, et encore moins sur des banques assurances, car cela conduirait à une externalisation complète et potentiellement à une financiarisation de la prévention. Il faut rester prudent au sujet des taux réduits.
M. Yannick Monnet (GDR). Je suis d’accord, en principe, avec l’idée d’orienter les mutuelles vers la prévention. Mais cela risque de se faire au détriment du remboursement des prestations traditionnelles ou bien de se traduire, à terme, par une augmentation des cotisations. Les mutuelles pourront ne se charger que de la prévention lorsqu’on élargira l’assiette de la prise en charge de la sécurité sociale ; tant qu’elle ne sera pas intégrale, les mutuelles combleront les manques, par exemple les dépassements d’honoraires. Dans un monde idéal, je soutiendrais cet amendement mais, en l’état, ce serait au détriment des patients et d’autres types de prise en charge.
M. Nicolas Turquois (Dem). Ce qu’il faut retenir de cet amendement, que je soutiens, c’est qu’il faut mettre la prévention au cœur de la réflexion et la développer de manière industrielle. C’est peut-être une lapalissade, mais la meilleure façon d’améliorer notre système de santé est d’éviter que des gens tombent malades. Nous sommes en mauvaise santé par rapport à la population d’autres pays. Plus de prévention, par exemple en travaillant sur la vaccination, permettrait d’améliorer les réponses apportées à ceux qui sont malades et de traiter les questions de financement. Je trouve donc la démarche de notre collègue intéressante.
M. Michel Lauzzana (EPR). La prévention est un élément important, nous en sommes tous d’accord. Mais est-ce par une moindre taxation des mutuelles qu’il faut agir ? Je n’en suis pas sûr. Il faudrait aller vers une prise en charge des parcours de santé au lieu de faire de petits dégrèvements de-ci de-là – même si cela fait naturellement plaisir aux mutuelles.
Mme Josiane Corneloup (DR). La prévention est effectivement capitale. Nous devons prendre ce virage. Néanmoins, et cela permettra peut-être de satisfaire tout le monde, il faut distinguer plusieurs types de prévention. La prévention primaire consiste à éviter d’être malade ; ce peut être le rôle des mutuelles. Mais la prévention secondaire et tertiaire relève plutôt de parcours, ce qui est très différent.
Mme Justine Gruet (DR). Nous serons tous d’accord sur l’importance de la prévention. Il est compliqué de s’opposer à un amendement qui prône des efforts dans ce domaine, mais différents leviers d’action existent. L’agence régionale de santé joue un rôle primordial pour coordonner, faciliter et mieux faire connaître ce qui se fait en matière de prévention. Dans le Jura, par exemple, un bus des femmes parcourt les territoires pour faire du dépistage. Une sage-femme et une gynécologue pratiquent des actes de prévention au lieu de distribuer des plaquettes. Nous gagnerions à arrêter de financer des actions qui font la promotion de la prévention pour financer à la place, directement, des dépistages. Les mutuelles peuvent jouer un rôle, mais j’ose espérer que cela fait déjà partie de leurs actions.
Je suis, vous l’aurez compris, contre les taxes supplémentaires. Il faudrait revoir le rôle de tous les acteurs administratifs de notre système de santé afin de les orienter vers la prévention.
M. le rapporteur général. On touche là à la frustration liée au cadre dans lequel nous examinons les lois de financement de la sécurité sociale. Nous ne pouvons pas évoquer ce qui relève du droit des contrats, du domaine conventionnel ou du champ réglementaire. La question que vous posez, d’une certaine manière, est celle du périmètre des contrats responsables. La seule manière d’aborder ce sujet, c’est sous l’angle fiscal. Vous voulez donc travailler sur les taux. Seulement, il faudrait définir ce que sont « les actions de prévention en santé » que vous mentionnez et préciser ce que sont les conditions à respecter.
Sur le fond, nous sommes d’accord sur l’importance de la prévention, mais cela n’enlève rien aux questions légitimes que Yannick Monnet a posées. Quelles seraient les conséquences sur les contributions demandées aux assurés sociaux ou sur le niveau des prises en charge pour le reste ? Ne s’expose-t-on pas à un risque de bascule ?
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La prévention est taxée davantage que les autres actions, ce qui est anormal. Je propose un geste pour mieux la financer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS522 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous proposons de réduire à 7,04 % le taux de la taxe de solidarité additionnelle sur les contrats non aidés. Vous allez me dire, monsieur le rapporteur général, que cette taxe finance les actions menées par les départements. Néanmoins, ce n’est pas à ceux qui ne bénéficient pas d’une prise en charge à 50 % de leur mutuelle par l’employeur de payer. Nous pourrions, par ailleurs, travailler ensemble sur une hausse de la taxe de solidarité additionnelle dans d’autres cas.
M. le rapporteur général. Je pense que vous commettez une confusion entre la taxe de solidarité additionnelle et la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, dont une partie va effectivement aux départements pour le financement des services départementaux d’incendie et de secours.
Sur le fond, je comprends votre objectif. Mais l’amendement va compliquer la situation, d’autant qu’il est ambigu s’agissant des primes exonérées. J’imagine que la rédaction proposée veut dire que le taux réduit s’appliquera aussi aux contrats pris en charge par l’employeur et dont il se trouve qu’ils ne peuvent pas faire l’objet d’une déduction fiscale, mais on pourrait aussi comprendre que le taux réduit s’applique aux contrats pris en charge par l’employeur et faisant l’objet d’une déduction au titre des bénéfices – c’est-à-dire le contraire. Par conséquent, avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement AS677 de M. Damien Maudet
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, vous avez souligné que le produit de la journée de solidarité n’allait pas à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Le présent amendement instaure une journée de solidarité des actionnaires au profit de l’autonomie des personnes âgées et en situation de handicap dont le produit sera affecté à la Caisse. Vous ne pourrez donc pas vous y opposer.
Quand il est question de solidarité nationale, c’est toujours aux salariés qu’on demande de mettre la main à la poche ou plutôt de travailler gratuitement. François Bayrou a tenté de voler deux jours au repos, à la vie, pour exonérer et gaver encore plus le capital. Mais le vrai scandale, c’est que les dividendes versés battent des records année après année. En 2024, ils se sont élevés à 98 milliards d’euros alors que les salaires réels baissaient. Voilà la réalité !
Au lieu de continuer à engraisser le capital, je vous propose de le mettre enfin à contribution. Instaurer une journée de solidarité des actionnaires serait la moindre des choses. Ce n’est pas aux travailleurs de porter le fardeau de la solidarité, mais au capital de rendre ce qu’il a pris.
M. le rapporteur général. Y a-t-il, oui ou non, des actionnaires d’entreprise qui travaillent ? Vous évoquez souvent les grandes entreprises, mais il en existe aussi de très petites et, parfois, les dividendes sont le seul revenu de leurs actionnaires. Votre amendement leur demande une journée de solidarité alors qu’ils travaillent parfois beaucoup plus que d’autres en volume horaire. Vous voulez protéger les plus faibles ; quant à moi, je veux protéger aussi des responsables d’entreprise qui ont investi et qui travaillent.
Vous avez dit que je ne pourrais pas m’opposer à votre proposition. Eh bien, si ! Vous devriez éviter de créer des impôts sans en fixer le taux car cela revient, en droit constitutionnel, à faire preuve d’incompétence négative. Je sais que vous êtes pour la censure, mais pas celle de vos amendements par le Conseil constitutionnel. Demande de retrait.
M. Philippe Vigier (Dem). Si notre collègue Belouassa-Cherifi se renseignait à la boulangerie du coin, elle apprendrait que le patron, qui bosse lui aussi, est actionnaire de son entreprise. Je fais également observer, non sans malice, que si notre collègue s’était opposée à ce qu’on demande aux gens de travailler un peu plus sans être rémunérés, elle souhaite qu’une catégorie en particulier travaille gratuitement une journée, sans doute parce qu’elle considère que ce sont des méchants qu’il faudrait taxer. Tout cela manque de parallélisme des formes.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Une journée de solidarité existe déjà pour l’ensemble des salariés. Nous proposons de rétablir un parallélisme en prévoyant la même mesure pour ceux qui ne sont pas salariés, mais actionnaires. Cela devrait réjouir M. Vigier. Oui, des gens travaillent parmi eux. Ce ne sont pas que des parasites, si je puis dire. Mais si les salariés peuvent offrir, par solidarité, une journée de travail, pourquoi pas les actionnaires ?
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le rapporteur général a dit qu’il fallait retravailler cet amendement : nous sommes, bien sûr, disponibles pour le faire d’ici à la séance publique.
Beaucoup s’inquiètent du sort des actionnaires. Ce n’est pas mon cas : je m’en fiche totalement. Mais regardons tout de même ce qu’il en est. Les actionnaires astreints à une journée de solidarité, de nature fiscale, devront-ils travailler plus ? Non. Alors ne vous inquiétez pas : cela ne les fatiguera pas. Seront-ils exposés à un risque d’accident du travail ou de maladie professionnelle ? Non. Une fois encore, ne vous inquiétez pas, tout ira bien pour eux. Risqueront-ils de perdre leur activité professionnelle quotidienne ? Non, pas en tant qu’actionnaires. Ne vous inquiétez pas, ils vont s’en sortir. On nous dit, par ailleurs, qu’il faudrait respecter le parallélisme des formes, mais il est question de gens qui ont parfois une autre activité et qui n’auront pas d’heure supplémentaire à accomplir.
L’avantage de cette mesure par rapport au dispositif applicable aux salariés, c’est que ce jour-là les actionnaires pourront toujours aller voir leurs anciens en maison de retraite tandis que les salariés ne le peuvent pas, puisque vous leur avez volé une journée de travail.
La commission rejette l’amendement.
Amendements de suppression AS90 de Mme Sylvie Bonnet, AS189 de M. Jérôme Guedj, AS722 de M. Paul-André Colombani, AS775 de M. Sébastien Chenu et AS1142 de M. Laurent Wauquiez
Mme Josiane Corneloup (DR). Je défends l’amendement AS90. L’article 8 instaure une contribution patronale de 8 % sur les compléments de salaire, notamment les titres-restaurant, les chèques vacances, les bons d’achat et les chèques cadeaux, mais aussi d’autres avantages sociaux et culturels financés par les comités sociaux et économiques.
Nous défendons la revalorisation du travail par rapport à l’assistanat. Or cet article fait peser l’effort budgétaire sur les salariés, qui seront touchés par une baisse de l’engagement des entreprises dans le cadre des comités sociaux et économiques. Ces compléments de salaire sont de nature à valoriser le travail et offrent des leviers supplémentaires aux entreprises pour attirer les salariés. C’est plutôt sur le fonctionnement de l’État ainsi que par la lutte contre la fraude et l’assistanat que des économies devraient être faites. S’agissant des recettes, il vaudrait bien mieux les augmenter par une hausse du taux d’emploi.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il est intéressant de s’attaquer aux niches sociales : certains compléments de salaire ne sont pas suffisamment soumis à cotisations. L’intention est donc louable et le rendement de la mesure prometteur. Le problème est que l’article comporte en réalité deux dispositions différentes.
La première porte sur les tickets restaurant, les chèques vacances, les activités sociales et culturelles financées par les comités sociaux et économiques. Le paradoxe est que le Gouvernement s’attaque à la niche sociale dont l’évolution a le plus de chances d’avoir des répercussions sur le pouvoir d’achat des salariés, car les entreprises vont immanquablement réduire les sommes qu’ils consacrent à cet effort.
L’autre disposition concerne les ruptures conventionnelles. Nous pouvons trouver intéressant de les soumettre à des cotisations sociales, en tout cas pour les montants les plus importants.
Si cet article est supprimé comme nous le proposons, nous ne pourrons pas discuter de modalités alternatives. Or il va falloir, tôt ou tard, que nous nous mettions d’accord sur d’autres recettes, l’article 6 ayant déjà été supprimé comme l’article 7.
M. Paul-André Colombani (LIOT). L’article 8 modifierait en profondeur les régimes sociaux applicables aux compléments de rémunération et aux indemnités de rupture. Il prévoit, d’une part, de soumettre à une contribution patronale de 8 % les avantages sociaux et culturels financés par les comités sociaux et économiques, comme les tickets restaurant, les chèques vacances, les chèques cadeaux et les activités culturelles et sportives. Il tend, d’autre part, à rehausser de 10 points la contribution patronale spécifique sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite, dont le taux serait porté de 30 à 40 %. Ces mesures constituent une hausse déguisée du coût du travail et fragiliseront le pouvoir d’achat des plus faibles.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je défends l’amendement AS775. L’article 8 constitue une triple peine. Pour les entreprises, d’abord, puisque la remise en cause des exonérations de cotisations pour imposer une taxation de 8 % revient à créer un prélèvement obligatoire supplémentaire. Pour les petites et moyennes entreprises, ensuite, qui n’auront pas les reins aussi solides que d’autres acteurs et risquent donc de revenir sur des dispositifs utiles aux travailleurs. Pour les Français qui travaillent enfin, car ces avantages risquent de rester désormais à la porte de leur entreprise. Je me réjouis que divers groupes politiques demandent la suppression de cet article. Celle-ci serait une bonne nouvelle pour les entreprises et pour les Français qui travaillent.
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS1142 est défendu.
M. le rapporteur général. Il est embêtant que cet article comporte deux dispositions différentes car on peut ne pas avoir le même point de vue sur chacune d’elles.
Les organisations patronales et salariales, que j’ai auditionnées, se sont opposées à la création d’un forfait social de 8 % pour un ensemble d’aides directes aux salariés, versées par l’employeur ou un comité social et économique. Comme je suis attaché à la défense de la France qui travaille, je pense moi aussi que ce n’est pas une bonne solution, qu’il s’agisse des tickets restaurant ou d’autres compléments salariaux.
Cependant, cette contribution présente un rendement de 950 millions d’euros, qui contribuerait à rétablir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Si l’on ne veut pas dégrader le déficit au-delà de l’objectif de 4,7 % du produit intérieur brut en 2026, il faudra envisager d’autres recettes.
Quant aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite, elles sont exonérées de cotisations sociales et soumises à une contribution patronale de 30 %, que l’article porterait à 40 %. Ce taux demeure bien inférieur au taux moyen des cotisations patronales, qui est de 47 %.
Les ruptures conventionnelles s’apparentent parfois à des mises à la retraite par l’employeur contre la volonté du salarié, ce qu’oublient de mentionner les exposés sommaires de certains amendements. Je suis attaché à l’amélioration du taux d’emploi et au maintien des personnes dans l’emploi. Or les travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale ont montré que, dans 75 % des cas, les ruptures conventionnelles servent d’instruments de sortie anticipée du marché du travail pour des salariés de 61 ou 62 ans, afin qu’ils perçoivent plus longtemps les allocations chômage avant la retraite. Puisque ces ruptures conventionnelles ont un coût pour notre système de protection sociale, il me semble normal que les indemnités correspondantes fassent l’objet d’un prélèvement. Je suis surpris que certains collègues ayant une sensibilité de gauche s’opposent à cette augmentation. Il faut préserver cette partie de l’article 8, qui produirait un rendement de 260 millions d’euros.
Efforçons-nous de conserver une cohérence d’ensemble au texte afin de ne pas dégrader massivement la trajectoire des finances sociales, ce qui aurait des répercussions sur notre endettement à travers les conditions de financement de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, c’est-à-dire de financement à court terme de la sécurité sociale.
Avis défavorable aux amendements de suppression.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je souscris aux propos du rapporteur général : les ruptures conventionnelles sont une des causes de la sous-employabilité des seniors, ce qui justifie la seconde partie de l’article.
En revanche, je ne suis pas d’accord à propos de la première partie. Les compléments de salaire relevant du salaire, il est normal qu’ils soient soumis à cotisations. De plus, il existe une grande inégalité entre salariés en la matière ; il n’est donc pas normal que ces éléments fassent l’objet d’avantages. Le bon fonctionnement de notre modèle social repose sur des cotisations sur le travail ; ces compléments de salaire doivent y contribuer.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis surpris qu’il soit question dans un même article de sujets aussi différents.
Tout d’abord, je souhaite bon courage à ceux qui expliqueront aux salariés que les tickets restaurant, les chèques cadeaux et les chèques vacances seront taxés – même sur la part employeur. Ces dispositifs sont utilisés pour distribuer un apport complémentaire aux salariés.
Quant aux ruptures conventionnelles, on en dénombrait moins de 300 000 par an il y a cinq ans ; elles ont désormais franchi le cap des 515 000. Manifestement, ce dispositif est dévoyé : les employeurs en profitent, certains salariés les suggèrent. On ne peut laisser perdurer cette dérive organisée !
Dans la perspective de l’examen en séance publique, je propose que ces deux sujets soient traités séparément.
Mme Camille Galliard-Minier (ERP). Nous avons déposé un amendement de suppression portant uniquement sur les alinéas relatifs aux tickets restaurant et autres compléments de salaire. S’ils sont financièrement moins attractifs pour les employeurs, ceux-ci risquent de ne plus les proposer alors même qu’ils représentent un soutien important au pouvoir d’achat. En revanche, il nous semble intéressant d’augmenter les prélèvements sur les indemnités de rupture conventionnelle. Nous voterons contre ces amendements de suppression.
M. le président Frédéric Valletoux. Un consensus semble émerger pour dissocier les deux parties de cet article. Il conviendrait donc de ne pas le supprimer.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous n’avons pas l’intention de voter les amendements de suppression, mais nous nous réservons la possibilité de voter contre l’article en fonction des amendements adoptés.
On ne peut pas conserver les mises à contribution supplémentaires sur les tickets restaurant, les aides à la pratique sportive, le chèque emploi service universel préfinancé, les financements en nature d’activités culturelles et sportives.
Nous souhaitons également écarter les indemnités de rupture conventionnelle de toute mise à contribution ; notre amendement n’ayant pas été considéré recevable, nous voterons l’amendement AS195 de M. Guedj. En revanche, nous ne sommes pas opposés à la création de contributions portant sur la protection complémentaire ou l’intéressement. Après l’article 8, nous aurons d’ailleurs l’occasion de discuter de différentes niches, sur les heures supplémentaires, la participation ou l’intéressement.
M. Christophe Bentz (RN). Nous nous opposons à ce nouveau recul social qui vise les compléments salariaux. Tout à l’heure, nous avons refusé le gel des seuils de la contribution sociale généralisée et l’augmentation des complémentaires santé, qui aurait été appliquée au détriment du pouvoir d’achat. Nous retrouverons ces amendements en séance publique.
Par cet article, vous voulez ponctionner les tickets restaurant et l’ensemble des compléments salariaux pour un rendement attendu de 700 millions d’euros : ce n’est pas à la hauteur des enjeux budgétaires. Ensuite, vous nous proposerez le gel des pensions de retraite, des prestations sociales et des allocations familiales, le doublement des franchises médicales, la suppression de l’exonération pour l’apprentissage… Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un condensé d’injustice sociale et de mesures anti-pouvoir d’achat. Voilà la direction que prend ce texte. Pour nous, c’est non !
M. Michel Lauzzana (EPR). Nous sommes d’accord pour réviser le taux de la cotisation patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle en raison des abus existants.
Je regrette que les tickets restaurant soient des compléments de salaire. Non seulement ils ont été créés pour contourner les cotisations patronales, mais leur attribution est inégalitaire puisqu’elle dépend des entreprises. Finalement, la création de ces dispositifs ne profite qu’aux organismes qui les gèrent. Ces compléments devraient être versés sous forme de salaire. Je suis favorable à cet article visant à les taxer puisqu’ils ont été créés pour désocialiser les sommes correspondantes. Cela contribuera en outre à la réduction de notre dette sociale.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Nous sommes contre la suppression de cet article, pour la simple raison qu’il traite de deux sujets très différents. Nous sommes opposés à l’augmentation de la cotisation patronale sur les tickets restaurant et autres compléments de salaire. Notre avis diffère s’agissant des indemnités de rupture conventionnelle.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression de l’article précisément parce qu’il traite de deux sujets très différents.
Pourquoi soumettre à cotisation les tickets restaurant et les chèques vacances, mais pas les revenus non salariaux que sont l’intéressement et la participation ? Cela permettrait de rapporter 3,1 milliards d’euros, soit plus que la mesure visant les chèques vacances. Je déplore ces deux poids, deux mesures.
D’après le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, 16 % des Français sont en situation d’insécurité alimentaire et plus de 42 % d’entre eux ne mangent pas ce qu’ils voudraient. Dans ce contexte, les tickets restaurant sont utilisés par de nombreux salariés pour parvenir à se nourrir correctement. C’est une mauvaise approche que de vouloir supprimer l’exonération de cotisations qui leur est applicable.
M. Nicolas Turquois (Dem). J’entends les interrogations sur la suppression de l’exonération de cotisations des tickets restaurant, mais force est de constater que la partie accessoire des rémunérations l’est de moins en moins. Notre collègue Davi vient de le suggérer : ne nous limitons pas aux tickets restaurant. À mon sens, l’absence de socialisation de l’intéressement pose problème. Je ne voterai donc pas les amendements de suppression.
Mme Justine Gruet (DR). Nous avions déposé un amendement visant à supprimer la taxation des avantages de ceux qui travaillent, mais il a été déclaré irrecevable. Nous l’avons toujours dit : nous voulons valoriser le travail.
S’en prendre à ces avantages sociaux n’est pas une bonne idée. Pour les entreprises, ces dispositifs sont une manière de faire un cadeau à leurs salariés, parallèlement au salaire. Cela n’atténue en rien la nécessité de revaloriser le salaire en limitant l’écart entre brut et net.
Mme Sandrine Runel (SOC). Tout le monde s’accorde à dire que réduire l’exonération de cotisations sur les tickets restaurant et les chèques vacances est une mauvaise idée. Pour une fois que la Macronie propose de réduire une exonération, nous ne sommes pas d’accord : ce serait assez cocasse si ce n’était pas si pathétique. Cette mesure restreindrait le droit aux vacances et aux loisirs pour les travailleurs et leurs familles.
La trajectoire budgétaire étant en jeu, nous avons d’autres pistes de recettes pour apporter le montant de 1,2 milliard d’euros escompté de ces mesures. Nous proposons notamment d’abaisser de 3 à 2,4 smic le point de sortie pour les allégements généraux de cotisations patronales.
M. Yannick Monnet (GDR). Je voterai contre ces amendements de suppression. Ne faisons pas croire n’importe quoi aux gens : les compléments de salaire ne sont pas les tickets restaurant et les chèques vacances, ce sont les primes. Or il n’en est pas question ici.
Madame Gruet, vous voulez revaloriser le travail en réduisant l’écart entre le salaire brut et le salaire net, mais cela ne fera que restreindre la couverture sociale. Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon de revaloriser le travail.
Prélever des cotisations patronales ne me pose pas de problème : c’est une manière de récupérer une partie de la richesse produite par le travail, qui est gérée par les patrons et doit être mise à contribution au profit de la solidarité. C’est le principe de la sécurité sociale. Si on renonce à cette démarche, on aboutit à un système assurantiel qui n’a rien à voir avec cette dernière.
L’article 8 peut sans doute être amélioré. Mais je ne comprends pas qu’à gauche, on accepte de renoncer à la contribution patronale.
M. Jean-François Rousset (EPR). Ne supprimons pas cet important article, mais distinguons les deux sujets.
Je ne suis pas choqué par la proposition d’augmenter les taux de cotisation sur les indemnités de rupture conventionnelle. Nous pouvons même les augmenter suffisamment pour compenser le manque à gagner du maintien de l’exonération de cotisations sur les tickets restaurant. Dans les territoires ruraux, certaines petites entreprises ont besoin de ces dispositifs de rémunération complémentaire, qui contribuent à leur attractivité.
M. Jérôme Guedj (SOC). Comment nous mettre d’accord sur des ressources alternatives de financement de la sécurité sociale ? Soit nous conservons l’article 8 en l’état, en considérant qu’il s’agit dans tous les cas de cotisations patronales comme l’a dit Yannick Monnet, soit nous en élargissons la portée à d’autres compléments de salaire qui pourraient légitimement faire l’objet d’une augmentation de leur taux de cotisation.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le taux du forfait social sur les attributions gratuites d’actions a été relevé de 20 % à 30 %. Or une étude du Conseil des prélèvements obligatoires publiée avant-hier indique que 145 personnes se partagent 1,6 milliard d’euros d’actions gratuites sur les 4,5 milliards distribués et que leur revenu fiscal de référence est compris entre 2 et 3 millions d’euros. Même si le taux du forfait social qui leur est applicable a augmenté de 10 points, je propose que, pour elles, on applique le taux plein des cotisations patronales – c’est-à-dire 47 % – puisque, dans leur cas, la distribution d’actions gratuites s’apparente pleinement à du complément de salaire et n’a rien d’une rémunération accessoire.
Il existe des pistes permettant de trouver des recettes alternatives ne heurtant personne à la place des mesures que nous avons précédemment supprimées.
M. le président Frédéric Valletoux. Compte tenu de nos discussions, il n’est pas impossible que des amendements cosignés par des députés de plusieurs groupes soient déposés en vue de la séance publique et suscitent le consensus ou, du moins, l’approbation d’une majorité.
M. le rapporteur général. Le texte que nous examinons provient du Gouvernement. Ce n’est pas le mien, monsieur Bentz ; votre « vous » m’a donc surpris. Je cherche, article par article, à identifier des voies de compromis. Lorsqu’un article risque d’être supprimé, je m’efforce de vous proposer de sauver ce qui mérite de l’être. Compte tenu de vos différents amendements, j’estime préférable de distinguer les compléments de salaire des indemnités de rupture conventionnelle. J’invite nos collègues à retirer leurs amendements de suppression.
S’agissant de l’intéressement, il est soumis au forfait social, à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale dans les entreprises de plus de 250 salariés. Il reste aussi soumis à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale dans celles de moins de 250 salariés : on ne peut pas dire qu’il ne fait l’objet d’aucune cotisation.
Les amendements AS90, AS189, AS722 et AS1142 sont retirés.
La commission rejette l’amendement AS775.
Amendement AS155 de Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement vise à dégager des ressources alternatives en soumettant à cotisations l’intéressement des salariés dont la rémunération est supérieure à trois fois le Smic. Le montant moyen de l’intéressement est de 1 700 euros.
Toutefois, je considère que ce sujet ne devrait pas être abordé par voie d’amendement, mais devrait faire l’objet d’un véritable travail transpartisan.
M. le rapporteur général. Nous aurons ce débat à l’occasion de l’examen d’autres de vos amendements, déposés après l’article 8. Il me semble préférable d’avoir une approche globale de l’intéressement et de la participation.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS938 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). Les cotisations, c’est du salaire différé et de la protection sociale. On fait croire aux travailleurs qu’y renoncer leur est bénéfique. C’est tout le contraire : c’est renoncer à mobiliser une partie de la richesse produite par leur travail au bénéfice de la solidarité.
Lorsqu’il est question de réduire l’écart entre le salaire brut et le salaire net, c’est toujours pour diminuer le premier, jamais pour augmenter le second. Finalement, les salariés perdent en couverture sociale. Cette fausse solution, défendue par la droite et l’extrême droite, nous la combattons car elle est l’antithèse du principe de la sécurité sociale.
M. le rapporteur général. Dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, le non-assujettissement des indemnités de départ volontaire au forfait social est une forme d’incitation. L’article 8 ne remet pas en cause la législation applicable aux indemnités versées à l’occasion d’un plan.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Vous avez raison, monsieur Monnet, la solidarité est un bien précieux et les Français en ont bien conscience. Les travailleurs savent que les cotisations financent un système dont ils bénéficient en cas de coup dur. Mais la sécurité sociale a été créée au sortir de la guerre, dans une société où la solidarité intergénérationnelle était réelle, car les actifs étaient plus nombreux que les personnes âgées et dépendantes. Aujourd’hui, ce fonctionnement atteint ses limites et ceux qui contribuent au système au profit d’autres qui n’y ont jamais contribué peuvent en éprouver du découragement. Il nous appartient de redonner du sens à la sécurité sociale en faisant en sorte qu’il ne soit pas possible d’en bénéficier sans y avoir contribué.
M. le rapporteur général. Pour le législateur, l’exonération de cotisations des indemnités de départ dans un plan de sauvegarde de l’emploi correspondait à la réparation du préjudice que constitue la rupture du contrat de travail. Ces indemnités ne sont pas considérées comme un prolongement de la rémunération du salarié.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mener le débat sur les ruptures conventionnelles suppose d’avoir répondu à quelques questions. Les employeurs s’en servent-ils pour licencier des salariés, auquel cas elles sont des licenciements déguisés et les employeurs sont redevables de cotisations ? Les ruptures conventionnelles sont-elles une manière pour les salariés de sortir dans de bonnes conditions d’une relation de travail toxique ?
Près d’un salarié sur deux – 45% – se déclare en souffrance au travail. Un sur quatre est en souffrance extrême ; les épuisements professionnels se sont multipliés. Il est indispensable que les salariés aient la possibilité de mettre fin à une relation de travail qui a une incidence sur leur santé mentale. Dans ce cas de figure, les indemnités de rupture conventionnelle ne doivent pas être assujetties aux cotisations.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement AS939 de M. Yannick Monnet.
Amendements AS1599 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé, AS1390 de M. François Gernigon, AS1737 de M. Thibault Bazin, AS113 de Mme Olivia Grégoire ; amendements identiques AS304 de Mme Élise Leboucher et AS1257 de Mme Sandrine Rousseau ; amendements AS190 de M. Karim Benbrahim, AS192 de M. Jérôme Guedj et AS1258 de Mme Sandrine Rousseau ; amendements identiques AS193 de M. Jérôme Guedj et AS306 de M. Damien Maudet (discussion commune)
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Mon amendement supprime la mesure soumettant à un forfait social de 8 % les aides directes versées par les employeurs à leurs salariés – titres-restaurant, chèques vacances, etc. Cette hausse ciblée de la fiscalité sociale porte sur des dispositifs à vocation sociale qui soutiennent le pouvoir d’achat et le bien-être au travail sans peser sur la compétitivité. Instaurer une contribution de 8 % reviendrait à renchérir mécaniquement le coût de ces dispositifs pour les employeurs, ce qui pèserait particulièrement sur les petites entreprises et entraverait leur développement.
M. François Gernigon (HOR). Quand un dispositif fonctionne, nous avons la fâcheuse habitude de le taxer. Les tickets restaurant et les chèques cadeaux se démocratisent, y compris dans les petites entreprises. Il serait dommageable de s’y attaquer, d’autant que ces compléments ne sont pas du salaire : le salaire est individualisé alors que ces dispositifs bénéficient à l’ensemble des salariés de l’entreprise qui les instaure.
M. le rapporteur général. Mon amendement a pour objet de conserver l’augmentation du taux de cotisation sur les indemnités de rupture conventionnelle, mais d’exclure l’application de tout forfait social sur les compléments salariaux.
Contrairement aux autres amendements en discussion commune, il tend à exclure expressément du champ d’application du forfait social les chèques vacances attribués dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Par défaut, les chèques vacances sont soumis aux règles d’assujettissement au forfait social, c’est-à-dire qu’ils demeurent soumis à la contribution sociale généralisée et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale même en cas d’exonération, contrairement aux autres compléments de salaire. Pour les exonérer complètement du forfait social, il est nécessaire de prévoir une disposition expresse.
Mme Prisca Thevenot (EPR). Il s’agit, par l’amendement AS113, de supprimer les alinéas concernant les chèques cadeaux, les chèques vacances et les titres-restaurant, essentiels non seulement aux millions de salariés qui en bénéficient, mais aussi aux secteurs économiques concernés. Je ne pense pas à de grandes entreprises ou à de grands groupes, mais aux commerçants de quartier.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous nous opposons fermement à l’application du forfait social de 8 % aux titres-restaurant, aux aides à la pratique sportive et au financement de services à la personne. Les salaires réels ont diminué de 3 % entre 2021 et 2024, mais la Macronie s’acharne à empêcher toute revalorisation des salaires. Et après avoir ainsi appauvri les travailleurs, le Gouvernement porte un coup à la consommation populaire en incitant les employeurs à supprimer ces compléments de rémunération.
Le motif avancé est comptable : récupérer 950 millions d’euros. La mesure porte la marque de la politique macroniste : se montrer fort avec les faibles et faible avec les forts. En effet, le Gouvernement aurait pu s’attaquer à d’autres niches sociales. Je pense aux allégements généraux de cotisations, qui coûtent 5,5 milliards d’euros à la sécurité sociale. C’est une masse colossale de recettes potentielles. Mais, une fois de plus, il persiste à faire les poches des classes populaires et moyennes.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le titre-restaurant pallie l’absence de restauration collective sur le lieu de travail et le chèque-vacances permet aux salariés les moins bien rémunérés de partir lors de ses congés. Pour augmenter les recettes de la sécurité sociale, le Gouvernement cible donc les plus pauvres, les plus précaires.
Mme Béatrice Bellay (SOC). L’amendement AS190 est défendu.
L’amendement AS192 supprime l’assujettissement au forfait social des avantages en nature fournis par l’entreprise aux comités sociaux et économiques, comme les équipements sportifs et le financement de prestations sportives. Il n’y a pas lieu de supprimer ces avantages accordés aux salariés, dont les salaires ont fortement diminué ces dernières années.
M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS193 supprime l’assujettissement au forfait social des sommes versées par l’employeur au titre des œuvres sociales – c’est-à-dire les activités sociales et culturelles – des comités sociaux et économiques.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS306. Il ne nous paraît pas légitime d’assujettir au forfait social de 8 % les activités sociales ou culturelles. Si le Gouvernement souhaite disqualifier cette forme de rémunération en nature, il faut qu’il augmente les salaires nets. Ce n’est pas prévu. J’ajoute que cette mesure affecterait des structures dont la pérennité dépend fortement de la demande populaire et mettrait en péril leurs emplois.
M. le rapporteur général. À la lecture des amendements déposés à l’article 8, j’ai cru comprendre qu’une majorité des membres de la commission souhaitait maintenir le régime social actuellement appliqué aux aides directes attribuées aux salariés par l’employeur, le comité social et économique ou les structures analogues à celui-ci. J’ai donc déposé l’amendement AS1737, qui vise cet objectif et dont je répète qu’il présente l’avantage d’exclure expressément du champ d’application du forfait social les chèques vacances attribués dans les entreprises de moins de cinquante salariés, ce que ne fait aucun des vôtres. Or, sans cette mention expresse, ces chèques vacances seraient soumis au forfait social de 20 %.
Puisque le texte examiné dans l’hémicycle sera celui du Gouvernement, je propose à tous ceux qui partagent cet objectif de déposer en séance publique un amendement identique au mien. En attendant, je vous invite donc à retirer le rallier.
Les amendements AS1599 et AS1390 sont retirés.
La commission adopte l’amendement AS1737.
En conséquence, les amendements AS113, AS304, AS1257, AS190, AS192, AS1258, AS193 et AS306 ainsi que les amendements AS156 et AS194 de M. Jérôme Guedj et AS31 de Mme Julie Delpech tombent.
Amendement AS1677 de M. Olivier Serva
M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement exclut du champ de l’article 8 les collectivités d’outre-mer, où les compléments de rémunération dont nous parlons sont d’autant plus importants que la précarité y est plus développée et les prix beaucoup plus élevés.
M. le rapporteur général. L’amendement AS1737 s’applique à l’outre-mer. Si son adoption n’a pas fait tomber le vôtre, c’est parce que celui-ci va beaucoup plus loin. En effet, sans doute est-ce involontaire, mais il aurait pour conséquence d’exonérer également du forfait social les rémunérations perçues par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d’exercice libéral à forme anonyme.
M. le président Frédéric Valletoux. Retirez-vous l’amendement, monsieur Colombani ?
M. Paul-André Colombani (LIOT). Puisque je n’en suis pas le premier signataire, je le maintiens.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement AS1594 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé est retiré.
Amendement AS1259 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Il s’agit de maintenir à 30 % le taux de la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle.
M. le rapporteur général. Je m’étonne que vous vous opposiez à une mesure qui a pour objet d’augmenter le taux d’une contribution patronale. Cela ne me semble pas correspondre aux idées que vous défendez habituellement ! Force est de constater que le dispositif de rupture conventionnelle est parfois utilisé de manière abusive. Or il a un coût pour notre système de protection sociale dans la mesure où il ouvre droit au versement d’allocations-chômage.
M. le président Frédéric Valletoux. C’est donc une sorte de moins-disant social.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Pas du tout ! La rupture conventionnelle est un moyen pour les salariés de quitter par le haut, en bénéficiant d’une indemnité, un emploi toxique pour leur santé mentale ou physique. En tout état de cause, le contrôle des abus relève d’un autre dispositif qu’une hausse de la contribution patronale.
M. le rapporteur général. La rupture conventionnelle n’est pas toujours une sortie par le haut : elle est parfois subie et utilisée pour mettre un salarié à la retraite. Dès lors, le maintien du taux actuel relève d’une forme d’injustice sociale. Son augmentation me semble une bonne mesure. Au demeurant, le dispositif restera attractif compte tenu des taux appliqués par ailleurs.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). La solution alternative, si l’on supprime les ruptures conventionnelles comme le demande une partie du patronat, c’est la démission. Or celle-ci n’ouvre pas les mêmes droits. S’il y a des abus, et il y en a, ils appellent d’autres réponses.
M. Philippe Vigier (Dem). Ce sont les partenaires sociaux eux-mêmes qui nous ont alertés sur les dérives importantes qu’ils observent dans ce domaine, en particulier depuis quatre ans. En maintenant le taux de la contribution patronale à 30 %, on les laisserait s’amplifier. On ne protégerait pas davantage les salariés, tant s’en faut. Ce dispositif est un moyen de les écarter en payant. Un départ est toujours un échec, pour le salarié ou pour le patron.
M. le rapporteur général. Pour éviter toute confusion, je précise que l’alinéa 3 vise la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle mais aussi de mise à la retraite. Du reste, même si elles sont conscientes des dérives, les organisations patronales sont opposées à cette augmentation car les employeurs utilisent beaucoup ce dispositif.
Mme Justine Gruet (DR). La rupture conventionnelle a été créée en 2008, simplifiée sous le quinquennat de M. Hollande et banalisée, voire encouragée, à partir de 2017. Nous sommes donc collectivement responsables de son essor. Ce dispositif, conçu comme une exception, représente désormais 40 % des fins de contrat à durée indéterminée. Il a été dévoyé. Nous devons étudier la manière dont nous pouvons le limiter à son rôle initial. Dans un contexte où il est difficile de trouver de la main-d’œuvre qualifiée, on doit pouvoir faciliter le départ d’une entreprise vers une autre, sans financement dès lors qu’il existe des perspectives d’embauche.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). D’abord, il est intéressant que certains élus de droite reconnaissent des abus dans l’utilisation de la rupture conventionnelle. Lorsqu’un salarié l’accepte, soit il le fait à la demande de l’employeur et elle est un substitut au licenciement, soit il le fait parce que son travail est trop pénible et que ses conditions de travail sont problématiques.
Comment sortir par le haut de cette critique partagée des ruptures conventionnelles ? Soit on ouvre le droit aux allocations chômage en cas de démission, comme l’avait promis le candidat Emmanuel Macron en 2017, soit on rétablit l’autorisation administrative de licenciement, qui aurait l’avantage de ne pas coûter cher et de contribuer à la régulation du marché de l’emploi.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement AS942 de Mme Karine Lebon tombe.
M. le rapporteur général. L’article 8 comportait deux mesures sujettes à discussion : d’une part, l’application du forfait social aux compléments de rémunération, d’autre part, le relèvement de la contribution patronale applicable aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite. La première a été supprimée par mon amendement, la seconde par l’amendement de Mme Rousseau. Or nous avions convenu de dissocier les deux questions. Nous avons manqué de cohérence.
M. Christophe Bentz (RN). Je vous rappelle que nous sommes les seuls à avoir maintenu notre amendement de suppression de l’article. C’est la raison pour laquelle nous avons voté pour l’amendement de Mme Rousseau. Nous voterons aussi contre l’article. Rendez-vous en séance publique !
M. Philippe Vigier (Dem). Je crois que notre collègue a compris que son groupe a commis une petite erreur lors du vote sur l’amendement de Mme Rousseau et qu’en séance publique, il rejoindra notre ligne.
M. Christophe Bentz (RN). Non, nous avons voté volontairement pour l’amendement de Mme Rousseau !
Mme Prisca Thevenot (EPR). Manifestement, chers collègues vous vous êtes trompés une fois de plus. Depuis une heure, nous nous efforçons de trouver un compromis. Chacun a mis de l’eau dans son vin. Nous étions tombés d’accord et vous avez tout fait capoter. À un moment, il va falloir prendre vos responsabilités !
La réunion, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.
M. le rapporteur général. La combinaison des deux amendements adoptés à l’article 8 a privé celui-ci de son caractère opérant. Parce que je ne veux pas que notre travail de coconstruction soit vain, je propose à ceux qui souhaitaient exclure les compléments de rémunération du forfait social sans revenir sur la majoration de la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite de se rallier au contenu de mon amendement AS1737 en séance publique.
M. le président Frédéric Valletoux. Pour l’honneur de notre commission et l’image du travail que nous accomplissons ici, il est bon d’accepter la proposition du rapporteur général.
La commission rejette l’article 8.
Amendement AS672 de M. Éric Ciotti
M. Olivier Fayssat (UDR). Il s’agit ramener de trente à dix ans la durée de détention nécessaire à une exonération totale des plus-values immobilières. L’immobilier n’est pas un tas d’or sur lequel sont assis les riches. C’est un pan entier de l’économie vers lequel il faut à nouveau attirer les investisseurs, que de trop nombreuses taxes ont démotivés.
M. le rapporteur général. En tant qu’ancien développeur de projets dans l’immobilier – activité que, je le précise pour des raisons déontologiques, j’ai définitivement quittée –, je ne peux que partager votre volonté de remédier aux difficultés du secteur du logement. Il faudrait évaluer avec précision les pertes de recettes que votre amendement entraînerait pour la sécurité sociale et l’État. Par ailleurs, un amendement sur le statut du bailleur privé, défendu par plusieurs groupes, sera discuté sur le projet de loi de finances. Or cet amendement serait d’une grande efficacité pour relancer l’investissement dans l’immobilier. Je vous propose de retirer le vôtre, à défaut de quoi j’y serai défavorable.
M. Olivier Fayssat (UDR). Je ne retire pas un amendement de mon président.
M. Philippe Vigier (Dem). Je confirme que mon groupe politique a déposé un amendement au projet de loi de finances pour 2026 qui applique un taux unique aux plus-values immobilières. Cette mesure favoriserait rapidement la circulation des biens. L’inconvénient de votre amendement, c’est qu’il nous priverait probablement de plusieurs milliards d’euros de recettes et qu’il ne produirait pas d’effet avant dix ans. Or il est urgent de permettre aux jeunes d’accéder à un logement et aux plus âgés de transmettre dans les meilleures conditions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS214 de M. Stéphane Viry, amendements identiques AS679 de M. Charles de Courson, AS1222 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé et AS1470 de M. Fabrice Brun, amendement AS1450 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune)
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS214 donne aux agriculteurs, à compter de 2027, la possibilité d’opter, pour une durée de cinq ans reconductible, pour le calcul de leurs cotisations à la Mutualité sociale agricole sur les revenus de l’année n. Un calcul provisoire serait établi sur la base du dernier revenu, puis une régularisation opérée une fois le revenu réel connu. En cas de cessation d’activité, l’option serait automatiquement révoquée afin d’éviter une surcotisation liée à la fiscalisation de la cession. Cette mesure, qui s’applique déjà aux autres travailleurs indépendants, permettrait de tenir compte de la variation des revenus agricoles.
M. Charles de Courson (LIOT). Les cotisations des exploitants agricoles peuvent être calculées sur la base des revenus soit de l’année n – 1, soit de la moyenne triennale.
Il y a dix-sept ans, j’avais proposé que soit ouverte la possibilité de choisir l’année n comme base de calcul. Mon amendement avait été adopté et ce mécanisme s’est appliqué pendant sept ans avant d’être supprimé sous la pression de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, qui critiquait sa complexité. Or les commerçants et les artisans en bénéficient depuis des décennies. Il suffit de faire une provision et de régulariser une fois les comptes arrêtés.
Je vous propose donc de rétablir ce droit d’option, réclamé par la profession agricole, pour prendre en considération les fluctuations de l’assiette des cotisations, liées aux intempéries, à la variation des prix agricoles ou à d’éventuelles difficultés physiques.
Mme Josiane Corneloup (DR). Je défends les amendements AS1470 et AS1450. Le décalage dans le calcul des cotisations peut poser des problèmes de trésorerie en cas de fluctuation importante des revenus d’une année sur l’autre. Les agriculteurs peuvent avoir à payer des cotisations très élevées alors que leurs revenus sont en baisse, au risque d’aggraver leur fragilité économique. Il est souhaitable d’ajuster les cotisations à la réalité économique des exploitations.
M. le rapporteur général. J’approuve l’objectif de ces amendements : adapter le calcul des cotisations pour tenir compte de la variabilité des revenus agricoles. La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, que j’avais interrogée, m’indique ne pas être opposée par principe. En revanche, elle souligne que le calendrier de mise en œuvre doit être lisible et compatible avec ses capacités opérationnelles afin, notamment, de garantir la fiabilité technique. Une application au 1er janvier 2026 n’est pas envisageable, contrairement à ce que prévoyaient certains amendements.
L’amendement AS214 supprime le calcul sur la base de l’année n – 1. J’invite à le retirer car il faut conserver la possibilité de choisir l’une ou l’autre des modalités.
S’agissant des amendements identiques, je propose, par le sous-amendement AS1753, d’ajouter au début du second alinéa les mots : « À titre expérimental et pour une durée de deux ans ». En effet, nous naviguons un peu à vue. La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole souhaite une telle expérimentation. On sait que l’option supplémentaire pourrait intéresser certains secteurs géographiques et certaines filières, mais il faut veiller à d’éventuels effets de bord.
M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens les amendements identiques et le sous-amendement du rapporteur général, qui introduisent une souplesse réclamée par les agriculteurs. Ils permettent d’adapter les cotisations aux fluctuations des revenus, qui peuvent être importantes dans certaines exploitations.
Pour mémoire, les cotisations à la Mutualité sociale agricole représentent entre 42 % et 44 % du chiffre d’exploitation. Quelle autre activité professionnelle est soumise à un tel taux ? Aucune.
M. Nicolas Turquois (Dem). C’est l’agriculteur qui vous parle. Lorsque je connais mon résultat pour une année n, j’anticipe les cotisations à payer en n + 1, donc je mets en réserve. Une habitude consiste, les bonnes années, à faire des investissements pour défiscaliser et payer moins d’impôts, en conséquence de quoi on cotise peu, donc on crée peu de droits à la retraite. Il faut donc imposer des cotisations minimales, faute de quoi, les mauvaises années, aucun droit à la retraite ne sera créé. Autrement dit, on ouvrirait la voie à de petites retraites agricoles à l’avenir.
Je suis partisan de l’expérimentation compte tenu des questions que pose cette solution, séduisante de prime abord.
M. Charles de Courson (LIOT). Mon amendement prévoit une application au 1er janvier 2027 pour laisser le temps à la Mutualité sociale agricole de se mettre en ordre de bataille. Soit dit en passant, elle a mis en œuvre un tel dispositif pendant sept ans. Je suis favorable au sous-amendement du rapporteur général dès lors que l’expérimentation commence bien à cette même date.
Il est vrai que payer des cotisations est plus facile les bonnes années – sans compter la tendance à investir – que les mauvaises… C’est tout l’intérêt du calcul sur la base de l’année n.
M. Yannick Monnet (GDR). Ces amendements répondent à une demande du monde agricole, qu’il s’agisse de s’adapter aux fluctuations ou de réviser la moyenne olympique pour le calcul du potentiel de rendements en cas d’aléas climatiques. Je souscris à l’appel à la prudence de Nicolas Turquois.
M. le rapporteur général. La prudence justifie le recours à l’expérimentation. Celle-ci commencera bien au 1er janvier 2027.
Il est bien indiqué que « les cotisations sont calculées sur la base d’une estimation des revenus professionnels de l’année en cours, sous réserve d’une régularisation ultérieure fondée sur les revenus professionnels définitifs ». Cela prémunit contre les stratégies évoquées par Nicolas Turquois.
Certains secteurs souhaitent conserver le calcul fondé sur la moyenne triennale.
L’évaluation à l’issue de l’expérimentation permettra de vérifier que le dispositif est bien venu en aide à ceux qui en avaient besoin, sans créer d’effets de bord ni amoindrir les recettes nécessaires au régime agricole.
M. Nicolas Turquois (Dem). Si vous appliquez un taux de cotisation à un revenu égal à zéro – c’est le cas certaines années pour les agriculteurs –, vous obtenez zéro cotisation, donc aucun droit à la retraite. Il faut absolument instaurer une cotisation minimale, faible pour tenir compte des difficultés des agriculteurs, mais qui leur permette de valider leurs trimestres.
M. le rapporteur général. Je vous propose d’adopter les amendements identiques sous-amendés et, d’ici à la séance publique, de travailler sur ce point.
L’amendement AS214 ayant été retiré, la commission adopte successivement le sous-amendement AS1753 et les amendements identiques sous-amendés.
En conséquence, l’amendement AS1450 tombe.
Amendement AS311 de M. Dominique Potier
M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur général. La portée de cet amendement est considérable : il bouleverserait les prélèvements sociaux non seulement du monde agricole, mais de tous les gérants de société à responsabilité limitée et d’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, qui exercent vraiment une activité quotidienne. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS147 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). L’année dernière, le même amendement avait été adopté en commission puis en séance publique. La ministre Astrid Panosyan-Bouvet s’en était remise à la sagesse de l’Assemblée nationale. Le dispositif avait ensuite été retiré du texte avec l’engagement de sa responsabilité par le Gouvernement.
Alors que les allégements généraux sont calculés sur la base du smic, certaines branches recourent à des minima conventionnels inférieurs, pratique que nous combattons. Elles bénéficient donc d’un avantage injustifié. L’amendement vise à supprimer celui-ci en instaurant un calcul des allégements généraux fondé sur les minima conventionnels lorsqu’ils existent.
M. le rapporteur général. La disposition que vous évoquez avait été modifiée en commission mixte paritaire car elle pose plusieurs problèmes que vous soulevez dans votre rapport sur le contrôle de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales. Elle pourrait pénaliser des entreprises vertueuses pour des comportements dont elles ne sont pas responsables : en effet, la fixation des minima conventionnels incombe aux partenaires sociaux au niveau de la branche. En outre, cette culpabilité pour le fait d’autrui fait peser un risque constitutionnel, auquel s’ajoutent des difficultés opérationnelles.
Je comprends l’intention, mais je vous invite à retirer l’amendement pour le retravailler.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je le maintiens ; le Gouvernement nous fera part en séance publique de ses suggestions.
La commission adopte l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS386 de Mme Ségolène Amiot.
Amendements identiques AS19 de M. Jérôme Guedj, AS384 de M. Damien Maudet et AS1218 de Mme Sandrine Rousseau
M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’un amendement récurrent, issu du rapport Vachey, qui permettrait de dégager 150 millions d’euros au bénéfice de la sécurité sociale. Il abaisse le plafond de l’abattement de 1,75 % sur l’assiette de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale au titre des frais professionnels, en le limitant au plafond annuel de la sécurité sociale, contre quatre fois la valeur de celui-ci aujourd’hui.
Ce sont 87 % des salariés, ceux qui touchent moins de 3 300 euros brut, qui seraient épargnés par cette mesure. Ceux qui ne le seraient pas devraient s’acquitter au maximum de 209 euros par an. Allons-y !
Mme Ségolène Amiot (LFI‑NFP). L’amendement AS384 est défendu.
M. le rapporteur général. Nous avons déjà vu de nombreux amendements alourdissant les prélèvements. Vous en ajoutez un nouveau. Nos solutions pour guérir le malade qu’est la sécurité sociale divergent.
Le plafond actuel paraît justifié, d’autant que certains revenus sont exclus du bénéfice de l’abattement : les stock-options, l’attribution gratuite d’actions, l’épargne salariale, l’intéressement. L’abattement ne concerne que les salaires et les primes qui leur sont attachées, ainsi que les revenus des artistes-auteurs et les allocations de chômage.
Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Pour guérir le malade, il faut trouver des recettes. La solution proposée est minimaliste : il est question de 209 euros supplémentaires par an pour des personnes qui touchent plus de 3 000 euros par mois. Si nous voulons épargner aux malades et aux retraités les efforts budgétaires, nous devons les demander à ceux qui gagnent beaucoup d’argent.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques AS1495 de Mme Josiane Corneloup et AS1510 de Mme Justine Gruet
Mme Josiane Corneloup (DR). L’article 10 du projet de loi de finances crée une d’exonération d’impôt sur le montant correspondant à la différence entre l’indemnité perçue lors de l’abattage des animaux affectés à la reproduction d’un cheptel et la valeur nette à l’actif de ces animaux à la date de leur abattage. Ce montant peut être élevé puisque c’est l’ensemble du cheptel qui doit être abattu lorsqu’un cas d’infection est détecté.
Si cette exonération fiscale est bienvenue compte tenu des nombreuses crises sanitaires qui frappent l’élevage, notamment la dermatose nodulaire contagieuse, le dispositif serait incomplet si ne s’y ajoutait pas une exonération sociale portant sur les sommes en cause.
Mme Justine Gruet (DR). L’article 10 qui vient d’être mentionné apporte une réponse à la situation dramatique vécue par les éleveurs confrontés à des épizooties récurrentes, dont la dermatose nodulaire contagieuse, maladie virale apparue récemment sur le territoire national, et dernièrement dans le Jura. Les abattages massifs imposés pour enrayer sa propagation ont entraîné des pertes économiques considérables. Je fais part de tout mon soutien aux agriculteurs concernés.
Si l’exonération fiscale est bienvenue, il est proposé de créer son pendant pour les contributions sociales. La coordination entre législation fiscale et sociale permet la cohérence du dispositif de soutien à l’élevage, renforce la résilience du secteur face aux crises sanitaires animales et apporte une réponse adaptée aux conséquences économiques des maladies émergentes.
Nos agriculteurs sont courageux et respectueux des consignes sanitaires. Il est de notre devoir de ne pas créer d’injustice dans les compensations.
M. le rapporteur général. On ne peut qu’être sensible au traumatisme que représente pour les éleveurs l’abattage de leur cheptel. Séduisants de prime abord, vos amendements s’avèrent déjà satisfaits : le 2° du A du I de l’article L. 136‑4 du code de la sécurité sociale précise que la différence entre l’indemnité versée en compensation de l’abattage total ou partiel de troupeaux sur décision de l’administration et la valeur en stock ou en compte d’achats des animaux abattus est exclue de l’assiette de la contribution sociale généralisée des agriculteurs. Les sommes visées par l’article 10 du projet de loi de finances bénéficient donc déjà d’une exonération sociale. Par conséquent, je vous invite à retirer vos amendements.
Mme Justine Gruet (DR). Je maintiens mon amendement car il peut y avoir une différence entre la valeur réelle du troupeau et la valeur en stock.
M. le rapporteur général. Je vous propose de retirer votre amendement et de vérifier si l’article L. 136‑4 couvre bien le cas que vous visez. Par ailleurs, il faut rattacher la valeur à des notions juridiques existantes.
M. Nicolas Turquois (Dem). On multiplie des dispositifs qui, séparément, ont du sens, mais cela aboutit à un résultat illisible. Là encore, c’est l’agriculteur qui vous parle : aucun agriculteur ne comprend la différence entre l’assiette fiscale et l’assiette sociale. En fin de compte, il a toujours l’impression de trop payer. Il faudrait une assiette sociale et fiscale unique. Ce serait économiquement plus efficace.
M. le rapporteur général. Une réforme de l’assiette sociale agricole entrera en vigueur au 1er janvier. Il faudra vérifier si elle va dans le sens que vous décrivez.
La commission rejette l’amendement AS1510, l’amendement AS1495 ayant été retiré.
Amendements identiques AS676 de Mme Élise Leboucher et AS1264 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Les retraites chapeau sont un régime supplémentaire qui s’ajoute aux régimes obligatoire et complémentaire. Elles sont financées par les entreprises et versées aux anciens dirigeants sans qu’ils aient eu besoin de cotiser. Nous proposons par l’amendement AS676 de porter la contribution de 21 % à 30 % pour la part de ces retraites chapeau excédant 24 000 euros mensuels. Cela correspond, pour quelqu’un qui toucherait 50 000 euros mensuels de retraite supplémentaire, à une retenue de 2 160 euros.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Vous allez encore dire que nous sommes créatifs, mais il n’y a pas trente-six mille manières de trouver des recettes. Les retraites chapeau, contrairement aux indemnités de rupture conventionnelle dont nous parlions tout à l’heure, sont un complément de revenu. Il est normal que ce complément soit soumis à davantage de cotisations sociales.
M. le rapporteur général. Non seulement il faut faire attention aux hausses de fiscalité, mais de plus l’augmentation proposée a été déclarée contraire à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012. Les retraites chapeau, comme vous les nommez – leur appellation juridique est un peu différente –, sont déjà soumises à des contributions spécifiques. L’augmentation que vous imaginez aboutirait à un prélèvement final de 75 %, un taux que le Conseil constitutionnel a considéré confiscatoire. Avis défavorable.
Je vous invite donc à faire à nouveau preuve de créativité en imaginant autre chose pour la séance publique. Cela ne veut pas dire que j’y serai favorable.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Même si votre avis est défavorable et même si le Conseil constitutionnel considère confiscatoires les tranches supérieures à 75 %, je maintiens mon amendement.
La commission adopte les amendements identiques.
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3. Réunion du lundi 27 octobre 2025 à 21 heures 30 (après l’article 8 [suite])
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
Amendements AS896 de M. Yannick Monnet et AS895 de Mme Karine Lebon (discussion commune)
M. Yannick Monnet (GDR). Ces deux amendements devraient contenter le rapporteur général : ils n’ont pas pour objectif de modifier les taux de la taxe sur les retraites chapeaux, mais d’abaisser les seuils de déclenchement.
Ils devraient également contenter le Président de la République, puisqu’ils visent à mettre en application certains de ses engagements : il déclarait en 2014 qu’il fallait « trouver une vraie solution pour supprimer les retraites chapeaux [...] aux montants incompréhensibles et indéfendables ».
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Je lis et j’écoute moins le Président de la République que vous, monsieur Monnet !
Avis défavorable.
Ces amendements n’ont pas pour objectif de modifier les taux, mais les seuils de déclenchement des taux. Or depuis la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012, le taux de 21 % n’est plus applicable. Par conséquent, vos amendements ne sont pas opérants.
Quoi qu’il en soit, je ne suis pas favorable aux résultats que vous recherchez.
La commission adopte l’amendement AS896. En conséquence, l’amendement AS895 tombe.
Amendement AS1484 de Mme Josiane Corneloup
Mme Josiane Corneloup (DR). Le taux de la contribution patronale applicable aux attributions gratuites d’actions a été relevé de 20 % à 30 % dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Les charges sociales pesant sur les entreprises en ont été significativement alourdies, en particulier pour les plans d’actionnariat salarié, qui sont les plus répandus.
Cet amendement vise à rétablir le taux de 20 % afin de favoriser un développement soutenu de l’actionnariat salarié, un outil reconnu de fidélisation des salariés, de partage de la valeur et de motivation collective.
M. le rapporteur général. Je bois du petit-lait en écoutant ma collègue Josiane Corneloup : j’aurais utilisé les mêmes mots pour m’opposer à l’amendement adopté l’année dernière.
Cependant, nous avons calculé que l’annulation de cette mesure coûterait 500 millions d’euros. De plus, la stabilité doit être le principe en matière de prélèvements obligatoires. Compte tenu des différentes mesures déjà votées, il serait trop coûteux pour les finances sociales de revenir sur cette mesure.
Demande de retrait.
Mme Josiane Corneloup (DR). Il serait néanmoins intéressant d’examiner l’impact de cette mesure sur l’attribution d’actions gratuites.
L’amendement est retiré.
Amendement AS157 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Permettez-moi de vous raconter l’histoire des bénéficiaires des distributions gratuites d’actions.
Sur un montant total d’environ 5 milliards d’euros, 70 000 personnes ayant un revenu fiscal de référence inférieur à 100 000 euros se partagent 1,6 milliard – ne tenons pas compte d’eux ; 5 000 personnes ayant un revenu fiscal de référence compris entre 100 000 euros et 2 millions se partagent 1,4 milliard ; et 145 personnes ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 2 millions se partagent 1,4 milliard – soit en moyenne 11 millions d’euros de distribution gratuite d’actions dans l’année.
Ces dernières sont soumises à une contribution dont nous avons rehaussé l’an dernier le taux de 20 % à 30 %. Si ces 11 millions étaient considérés comme du salaire, ils seraient soumis à un taux de prélèvement de 42 % ou de 47 %. Cet amendement vise à modifier le taux en ce sens, ce qui dégagerait quelques centaines de millions d’euros de recettes pour la sécurité sociale.
Si quelqu’un ici considère que ces 5 145 personnes doivent être préservées, alors je ne sais plus comment faire !
M. le rapporteur général. J’ai du mal à comprendre le rapport entre cet amendement et le plafond d’exemption de cotisations sociales dont bénéficient les attributions gratuites d’actions, fixé à 6 000 euros.
Votre amendement vise-t-il les 70 000 personnes de la première tranche que vous avez évoquée ou uniquement les 145 de la dernière tranche ? Des salariés aux revenus modestes bénéficient d’actions gratuites et il ne faudrait pas les pénaliser.
Dans le doute, avis défavorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur général, nous pouvons tout à fait déposer un sous-amendement.
Cet amendement vise des personnes dont le revenu est supérieur à 3 Smic : je ne crois pas que les salariés aux revenus modestes que vous évoquez soient concernés.
Même en se concentrant sur les 5 145 personnes ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 100 000 euros, voire sur les 145 ayant un revenu fiscal de référence supérieur à 2 millions, l’application de cet amendement dégagerait 200 à 300 millions.
M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement vise à abaisser à 6 000 euros le plafond d’exemption de cotisations sociales. Quel était le précédent plafond ? Il faudrait dénombrer les personnes qui n’étaient pas concernées précédemment et qui le seraient avec le plafond proposé : ce n’est pas la même chose si elles sont 145 ou 100 000. Il faudrait également déterminer le seuil de déclenchement de la mesure. En attendant, nous n’avons pas suffisamment d’informations pour nous prononcer.
M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, votre amendement peut concerner beaucoup plus que les 145 personnes que vous avez évoquées. De plus, le taux des cotisations qui seraient prélevées n’est pas clairement défini.
Je me suis penché sur la question : au-delà du plafond de 6 000 euros par an, le montant des actions distribuées gratuitement sera soumis au forfait social de 30 % et aux cotisations à hauteur de 47 %. Tel que l’amendement est rédigé, tout cela s’additionne et rend le taux d’imposition confiscatoire.
M. Jérôme Guedj (SOC). Mea culpa pour cette erreur de rédaction. Je maintiens cet amendement et je m’engage, s’il est adopté, à le réécrire avant de le déposer en séance publique.
Les chiffres que je vous ai communiqués sont issus d’une commande passée par notre commission à la Cour des comptes à propos du rapprochement des assiettes de la contribution sociale généralisée (CSG) et des cotisations sociales. Cette commande a donné lieu à un avis du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) qui vient tout juste d’être adopté.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous n’avons pas encore eu connaissance de cet avis.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il n’a pas encore été publié officiellement : la réunion du CPO a eu lieu le 23 octobre. Le rapporteur me l’a transmis parce que cet avis résulte d’une commande de la commission des affaires sociales.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1090 de M. Charles Fournier
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Depuis plusieurs années, on observe une multiplication des cessions à des fonds d’investissement étrangers, souvent motivées par des logiques financières de court terme ; les salariés disposent rarement des moyens nécessaires pour proposer un projet alternatif de reprise. Faute de dispositifs de financement adaptés, les travailleurs, pourtant garants du savoir-faire industriel, restent spectateurs de la perte de souveraineté productive.
Les reprises sous forme de coopérative démontrent la pertinence de ces solutions collectives : elles préservent l’ancrage local, maintiennent les emplois et pratiquent une gouvernance plus démocratique. Ces opérations restent cependant marginales parce que les salariés ne disposent pas des liquidités nécessaires pour investir au moment décisif.
Cet amendement de mon collègue Fournier vise à autoriser, sous condition et de manière encadrée, le déblocage des sommes issues de la participation et de l’intéressement – normalement bloquées plusieurs années – pour les investir dans un projet de reprise d’entreprise, renforçant ainsi la capacité d’action des salariés dans les transitions industrielles. Il s’inscrit dans une logique de souveraineté économique, de démocratie au travail et de pérennisation du tissu productif français.
M. le rapporteur général. Cet amendement semble séduisant ; j’ai même cru que le groupe Écologiste et Social voulait réduire des cotisations, alors qu’il cherche plutôt à augmenter les recettes depuis ce matin !
Je suis favorable à l’actionnariat salarié, mais les sommes versées au titre de la participation sont déjà exonérées de forfait social dans les entreprises de moins de 50 salariés. Il en va de même des primes d’intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés.
Je vous invite à retirer l’amendement, afin de vérifier qu’il n’est pas moins-disant que ce qui est déjà appliqué dans certaines entreprises.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Nous inciterons M. Fournier à l’améliorer en vue de l’examen du texte en séance publique.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS494 de Mme Ségolène Amiot et AS918 de M. Yannick Monnet
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Où sont passées les promesses du Président sur le grand âge ? On nous a annoncé une grande loi sur la dépendance et une cinquième branche ambitieuse, mais nous n’avons vu que des mesurettes dispersées dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et une loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie dépourvue de moyens.
L’amendement AS494 a pour objectif de rehausser la contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) pour enfin donner à cette branche les moyens de remplir ses missions. Il y a urgence, la France vieillit. Dans quinze ans, près d’un quart de la population aura plus de 65 ans. Les besoins explosent, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) manquent de personnel, les associations sont asphyxiées et des dizaines de millions de postes ne trouvent pas preneur.
Augmenter le taux de cette contribution de 0,3 % à 0,6 %, c’est répondre à cette réalité démographique et sociale, mais aussi assurer un financement pérenne pour nos aînés et pour celles et ceux qui les accompagnent. En somme, c’est une mesure de dignité et de justice.
M. Yannick Monnet (GDR). L’explosion démographique du grand âge nécessitera davantage de moyens, notamment pour consolider la branche autonomie. Celle-ci est financée presque exclusivement par l’impôt – la CSG –, ce qui est totalement contraire à l’esprit même de la sécurité sociale.
L’augmentation de la contribution des employeurs proposée dans les amendements permettrait d’amorcer un rééquilibrage du financement de la branche autonomie, en faisant décroître la part prépondérante de CSG – part à laquelle nous avons toujours été opposés. Il est injuste que ce financement repose sur les revenus des gens plutôt que sur la richesse produite par le travail.
M. le rapporteur général. Madame Hamdane, vous avez évoqué le Président de la République, mais il ne pourra pas vous répondre et je ne suis pas son porte-parole.
Des ressources ont été allouées à la branche autonomie, bien que nous ayons été nombreux à considérer qu’elles n’étaient pas à la hauteur des ambitions. Cette branche est déjà déficitaire, malgré la part de la CSG qui lui est versée.
Ces amendements visent à doubler le taux s’appliquant à des revenus d’activité, pour un gain attendu de près de 2,6 milliards d’euros. J’y suis défavorable : il n’est pas pertinent de ponctionner davantage les revenus d’activité, et une telle mesure risquerait de décourager les augmentations de salaire et de diminuer les salaires bruts.
Quant à la part de la CSG dans le financement de la branche, son évolution relève d’une véritable réforme structurelle.
Mme Annie Vidal (EPR). Depuis sa création, la branche autonomie connaît une croissance dynamique ; elle représente désormais 43,5 milliards d’eyris.
Certes, nous n’avons pas voté de loi « grand âge » – je le regrette –, mais je ne peux laisser dire que rien n’a été fait. Énumérer toutes les mesures prises serait trop chronophage, mais rappelons la réindexation des tarifs plancher, la fusion des forfaits soins et dépendance, la création des centres de ressources territoriaux, etc.
Mme Joëlle Mélin (RN). Par un effet de manche, on a voulu créer la cinquième branche, qui était tellement attendue. Malheureusement, elle n’est ni faite, ni à faire : son financement, son management, ses objectifs ou ses actions sont éparpillés.
Comment comprendre le fonctionnement de cette branche ? Les dotations de l’État qui lui sont affectées passent d’abord par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui les transfère aux conseils départementaux qui à leur tour transfèrent les dossiers à gérer aux caisses d’allocations familiales. Tout cela est très inabouti.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ces amendements. Après tout, pourquoi ne pas tripler le taux puisque tout cela relève de la pifométrie ?
M. Jérôme Guedj (SOC). Souvenons-nous de la genèse de la CSA, qui est versée par les entreprises. Cette contribution correspond aux sept heures de travail non rémunéré effectué par l’ensemble des salariés.
Compte tenu de la durée légale de 1 607 heures annuelles, ces sept heures de travail non rémunéré devraient donner lieu à une cotisation de 0,45 %, dans une logique de parité de financement. Appliquer ce taux dégagerait 1,3 milliard d’euros – une somme un peu moins effrayante, monsieur le rapporteur général –, dont la branche autonomie, malgré tous ses progrès, aurait grand besoin.
Je soutiens ces amendements, mais je serais également favorable à un éventuel sous-amendement portant le taux de contribution à 0,45 %. Ce chiffre ne relève en rien de la pifométrie, mais correspond plus exactement aux sept heures de travail non rémunéré données par les salariés.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous avons besoin d’injecter de l’argent dans la branche autonomie, qui est presque toujours déficitaire depuis sa création : de 400 millions d’euros dans le PLFSS 2022, de 900 millions dans le PLFSS 2022 rectifié, de 500 millions dans le PLFSS 2023, de 1,2 milliard dans le PLFSS 2023 rectifié, etc.
La branche autonomie remplit-elle son rôle, compte tenu des besoins ? Je pense que non, pour différentes raisons. Qu’il s’agisse du handicap ou du grand âge, des millions de personnes n’ont pas les moyens de vivre dignement ni de s’exprimer individuellement ou collectivement. La mission de la branche n’est donc pas remplie par manque d’argent, parce que nous n’avons pas consenti les moyens nécessaires. Cet amendement résout ce problème.
Mme Justine Gruet (DR). Les disparités de fonctionnement et de financement des cinq branches sont un enjeu central.
Pour ce qui est de la branche autonomie, en matière de prise en charge des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées, le reste à charge dépend du niveau d’autonomie, des revenus et du lieu de vie. A contrario, pour la branche maladie, le reste à charge est souvent absorbé par les mutuelles quels que soient les revenus, le lieu de vie ou l’état de santé.
Les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ont des restes à charge considérables, qu’elles soient prises en charge à domicile ou en institution, alors que la santé se veut encore gratuite.
Nous devons mener une réforme structurelle des cinq branches, en appliquant aux unes les fonctionnements vertueux des autres.
M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur le rapporteur général, la CSA n’est pas une taxe sur les revenus d’activité, mais une taxe sur les richesses produites, puisque ce sont des cotisations patronales.
Je ne prétends pas que rien n’a été fait, mais ayons conscience du chemin restant à parcourir en matière d’autonomie ; refuser d’octroyer des moyens supplémentaires à la branche autonomie, c’est refuser de voir ce chemin. Nous avons besoin de moyens, nous devons réformer le financement des Ehpad, qui est complètement incohérent, et celui de l’aide à domicile. Dans ces deux secteurs, les postes sont tellement mal payés que le recrutement est difficile.
M. Philippe Vigier (Dem). J’étais déjà député lorsque la cinquième branche a été créée. C’était à l’époque une coquille vide, dotée de moins de 1 milliard d’euros ; son budget est désormais de 45 milliards. Cependant, nous allons au-devant d’un mur – au moins pouvons‑nous nous accorder sur ce point.
Au-delà de vos constats, madame Mélin, nous devons identifier les pistes de financement qui nous permettront de faire face à ce mur. Vous critiquez le financement actuel, mais il correspond à ce dont on dispose !
Nous devons trouver le courage de mener à bien une réforme s’appuyant sur un système assurantiel, comme l’ont fait d’autres pays, et ce de manière transpartisane. En tout état de cause, nous devons être à la hauteur de l’enjeu et cesser de jeter l’anathème sur toutes les propositions.
M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, j’ai fait un peu d’archéologie législative pour savoir pourquoi le taux de 0,3 % avait été retenu plutôt que celui de 0,45 % : selon un rapport publié ici même il y a vingt ans, la part du travail dans la valeur ajoutée n’est que de deux tiers.
Monsieur Monnet, vous avez raison, il s’agit d’une taxe sur la richesse produite.
Je fais partie de ceux qui étaient opposés à la suppression de deux jours fériés. Je note qu’elle a disparu du texte qui nous est soumis. Pour autant, je ne suis pas convaincu que la hausse de la contribution au titre de la journée de solidarité – le lundi de Pentecôte – suscite concorde et cohésion. Le doublement de la CSA équivaut à instaurer un demi-jour férié supplémentaire. Je préfère éviter les irritants pour aboutir à un budget de la sécurité sociale susceptible d’échapper à la censure.
En revanche, je vous rejoins, le défi reste entier pour doter la branche autonomie des moyens nécessaires ; mais il appelle des réformes de structure.
M. le président Frédéric Valletoux. Pour la bonne information de tous, j’ai reçu il y a quelques minutes l’avis du CPO dont parle M. Guedj. Je vous le transmets dans la soirée.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS159 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’une autre piste pour financer la branche autonomie : une CSA progressive. Le taux passerait de 0,3 à 0,6 % pour les rémunérations supérieures à 3 Smic.
M. le rapporteur général. Vous faites preuve d’une certaine créativité fiscale.
Les taux de cotisation sont déjà fortement progressifs. Vous êtes force de proposition, et c’est tout à votre honneur, mais mon avis est défavorable car une fois encore, vous augmentez les prélèvements.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS160 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Autre ressource possible pour la branche autonomie : soumettre à la CSA les compléments de salaire, qui y échappent jusqu’à présent – l’intéressement, la participation, la participation de l’employeur aux plans d’épargne – et l’étendre aux travailleurs indépendants. Ces derniers bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie mais ils ne cotisent pas. Le rapport Vachey avait estimé à 250 millions d’euros les recettes que leur assujettissement pourrait procurer. Afin de ne pas pénaliser les classes populaires, seraient concernés les travailleurs indépendants dont les revenus sont supérieurs à 3 Smic.
M. le rapporteur général. L’assiette de la CSA est relativement simple : les cotisations patronales de maladie, donc grosso modo les salaires des salariés. Or chez un indépendant, cette assiette n’existe pas. Les indépendants paient des contributions spécifiques et les modalités de calcul des charges sont très différentes. L’élargissement de l’assiette de la CSA aux revenus des indépendants, quel qu’en soit le niveau, est donc une réponse inadaptée. Peut-être pourrait-on envisager de flécher une partie de leurs charges vers l’autonomie.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement AS868 de M. Yannick Monnet.
Amendement AS153 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Selon la Cour des comptes, 85 milliards d’euros de compléments de salaire sont versés chaque année. Or ils ne sont pas soumis aux mêmes cotisations sociales que les salaires.
Il est proposé d’abaisser à 6 000 euros le plafond d’exonération des compléments de salaire – intéressement, participation, plan d’épargne entreprise, prime de partage de la valeur. Afin de préserver les classes moyennes, sont concernés les salaires supérieurs à 3 Smic. De cette façon, au moins 80 % des bénéficiaires de la participation ou de l’intéressement échapperaient au dispositif. Je rappelle que le montant moyen de la participation est de 1 600 euros par an.
M. le rapporteur général. Tel qu’il est rédigé, au 2° du I , votre amendement supprime le bénéfice des exonérations pour les salariés gagnant moins de 3 Smic. Ce n’était assurément pas votre intention, mais cela me conduit à demander le retrait de votre amendement.
Vous connaissez mon attachement à l’intéressement et à la participation, qui sont des outils de partage de la valeur.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1566 de Mme Karine Lebon, AS1279 de Mme Sandrine Rousseau et AS69 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)
M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement AS1566 de bon sens vise à conditionner les allégements de cotisations patronales à des obligations en matière sociale, environnementale et fiscale pour les entreprises dont la taille correspond ou excède le seuil européen de l’entreprise moyenne.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Parmi les objectifs environnementaux et sociaux fixés pour bénéficier d’un allégement, mon amendement fait figurer l’obligation de ne pas délocaliser des activités à l’étranger ; l’instauration d’une égalité salariale entre les femmes et les hommes ; la mise en place d’indicateurs relatifs à l’emploi de salariés âgés ; la remise d’un rapport climat.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Afin d’être plus incitatif que les obligations déclaratives qui ne mènent nulle part, il est proposé de conditionner le bénéfice des allégements de cotisations patronales au respect de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
L’amendement ne crée pas de nouvelles charges, il se borne à modifier les conditions d’octroi d’un avantage. Ce n’est pas cher payé.
Je rappelle que les femmes gagnent encore en moyenne 28,5 % de moins que les hommes et représentent 80 % des travailleurs pauvres.
M. le rapporteur général. Vos vœux ont été exaucés par le gouvernement de François Bayrou ! En vertu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, le « bandeau maladie » sera supprimé au 1er janvier 2026, de même que le « bandeau famille », dans le cadre de la réforme des allégements généraux. Celle-ci prévoit également de diminuer de 1,6 milliard d’euros le montant des allégements au profit des entreprises en 2025 et 2026. Si l’on ajoute l’année blanche, leurs charges seront alourdies de 3,1 milliards au total en 2026, conformément à ce que vous souhaitez.
Vos amendements sont donc sans objet puisqu’ils instaurent des conditions pour bénéficier d’une exonération qui aura disparu l’année prochaine.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Les allégements généraux demeurent.
M. le rapporteur général. Oui, mais le bandeau famille que vise votre amendement est supprimé.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’adoption d’un des amendements fournirait une bonne base puisqu’il nous resterait à cibler le bandeau approprié, sans nous obliger à retravailler l’ensemble du dispositif.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous sommes capables de créer tout un tas de mécanismes pour contrôler les personnes qui touchent des prestations – on ne sait jamais, ce pourrait être des voleurs – mais il est hors de question de contrôler l’usage de l’argent public destiné aux entreprises. Soyons sérieux : 211 milliards d’euros leur ont été versés sans aucune contrepartie.
La sécurité sociale ne peut pas continuer à faire des cadeaux. Il est impératif de conditionner toutes les exonérations de cotisations. Adoptons-en le principe et nous verrons ensuite ce qu’il en est des bandeaux !
Mme Justine Gruet (DR). Je suis d’accord avec vous, il est nécessaire de contrôler et d’évaluer l’usage de l’argent public, mais c’est déjà le cas pour certaines grandes entreprises. Je pense aux subventions versées par l’Agence de la transition écologique ou les services de l’État en matière d’énergie.
Par ailleurs, il ne faudrait pas que ces contrôles occasionnent une surcharge administrative. Je pense là aux rapports d’activité qui demandent un mois de travail et que personne ne lit.
On ne peut pas donner de l’argent sans contrepartie mais attention à ne pas créer une usine à gaz pour les entreprises, qui se verraient contraintes de tout justifier. La meilleure manière de lutter contre les émissions de dioxyde de carbone est de diminuer les importations et de réindustrialiser.
M. Nicolas Turquois (Dem). L’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale que modifient vos amendements a été abrogé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Vous ne pouvez donc pas le modifier pour introduire des conditions.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). L’article sera abrogé à compter du 1er janvier 2026.
Je rappelle néanmoins que la commission a voté des amendements de ce type à plusieurs reprises de manière transpartisane, considérant qu’il est normal de demander aux entreprises en contrepartie des cadeaux qu’elles reçoivent de respecter certaines obligations, notamment l’index de l’égalité. C’est le minimum syndical. Faute de sanctions, cette obligation reste vaguement incitative, ce qui interdit tout progrès. Mais comme toujours en matière d’égalité, on se dit qu’on a le temps et que dans deux cents ans, on y parviendra peut-être.
La mesure que nous proposons ne demande pas beaucoup plus aux entreprises si elles font déjà bien leur travail, le but étant de les inciter à le faire.
M. Philippe Vigier (Dem). Lorsque plus de 200 milliards d’euros sont donnés aux entreprises, il faut avoir les moyens de contrôler, sans pour autant créer une usine à gaz.
Nous devons avoir la même exigence à l’égard des entreprises qu’à l’égard des bénéficiaires de prestations. Devant le maquis d’aides, nous aurions intérêt à nous doter de moyens d’investigation et d’évaluation afin d’être en mesure de corriger les éventuels dysfonctionnements.
M. le rapporteur général. J’essaie de vous aider à rendre vos amendements applicables, même si sur le fond, je n’y suis pas favorable.
Les allégements généraux représentaient non pas 211 milliards d’euros mais 75 milliards environ, dont une partie relevait des bandeaux qui seront supprimés au 1er janvier 2026. Ils sont transformés en réduction générale dégressive, sur laquelle vous avez déposé des amendements ayant le même objet. Je vous propose de débattre de ceux-là et, au nom du sérieux du travail parlementaire, de retirer ceux qui concernent un dispositif voué à disparaître.
Il faut également être attentif à la jurisprudence constitutionnelle en vertu de laquelle les dispositions en matière de droit du travail n’ont pas leur place dans la loi de financement de la sécurité sociale – c’est pour moi une source de grande frustration. Or certaines conditions que vous posez relèvent du droit du travail.
M. Yannick Monnet (GDR). Je maintiens mon amendement pour que le principe soit validé. Je le réécrirai ensuite.
Les autres amendements ayant été retirés, la commission rejette l’amendement AS1566.
Amendements identiques AS1069 de M. Yannick Monnet et AS1309 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). Il est proposé d’élargir aux Ehpad et unités de soins de longue durée (USLD) du secteur public la réduction pérenne de cotisations sociales dont bénéficient les seuls Ehpad du secteur privé, lucratifs et non lucratifs. À l’heure où les établissements sont structurellement déficitaires, il me semble difficile de maintenir une telle inégalité entre les deux secteurs – l’écart est de à 400 millions d’euros –, d’autant que ce sont les établissements publics qui accueillent les personnes aux revenus modestes.
M. le rapporteur général. Je ne peux que soutenir les établissements sociaux et médico-sociaux et les USLD publics. Mais, je le répète, le bandeau maladie étant supprimé le 1er janvier prochain, vos amendements sont sans objet. Je vous invite à les retirer.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons contre ces amendements pour deux raisons.
D’abord, la réponse à l’asymétrie entre public et privé réside plutôt dans l’harmonisation des régimes de cotisation des établissements. Ensuite, la réduction des cotisations sociales revient à subventionner les établissements publics aux frais de la sécurité sociale encore une fois. Il serait plus pertinent d’accorder à ces derniers des dotations pour assurer un financement équilibré des deux secteurs.
M. Jérôme Guedj (SOC). C’est une mauvaise réponse à une vraie question dont notre commission devrait s’emparer : la différence entre les Ehpad publics et privés sur le plan fiscal et social. La Fédération hospitalière de France, qui est l’inspiratrice de ces amendements, estime entre 25 % et 30 % le coût supplémentaire du recrutement d’une aide-soignante ou d’une infirmière dans le secteur public.
L’extension de la réduction de cotisations n’est pas la solution puisque cette différence tient moins aux cotisations qu’à la taxe sur les salaires. Je vous rappelle que, parallèlement au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, avait été créé un crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires qui n’a malheureusement pas été pérennisé.
Les amendements sont retirés.
Amendement AS1565 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur général. Demande de retrait pour les mêmes raisons que précédemment.
L’amendement est retiré.
Amendements AS552 de M. Hadrien Clouet et AS1286 de Mme Sandrine Rousseau ; amendements identiques AS66 de Mme Marie-Charlotte Garin, AS149 de M. Jérôme Guedj et AS897 de M. Yannick Monnet (discussion commune)
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Toute entreprise s’acquitte de cotisations au titre des accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) selon sa taille et son nombre de salariés.
L’amendement a pour objet de majorer les cotisations dès lors que l’indice de sinistralité, et particulièrement le taux de burn-out, est élevé.
Le burn-out, pourtant inscrit depuis 2019 dans la classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé, ne figure pas dans les tableaux des maladies professionnelles. Il est proposé ici d’en faire un critère pour justifier un alourdissement des cotisations sociales dans un double souci de prévention – l’employeur est incité à prendre des mesures en ce sens – et de réparation du préjudice subi par la sécurité sociale, qui prend en charge les victimes du burn-out.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je défends l’amendement AS1286.
Qui traite mal doit contribuer plus : c’est l’esprit de cet amendement.
La situation est catastrophique : la souffrance au travail s’est considérablement aggravée, en particulier chez les jeunes. La moitié des moins de 30 ans souffrent de stress et d’épuisement professionnel ; 22 % d’entre eux consomment des somnifères ou des antidépresseurs. Il faut que cela cesse.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Un salarié sur deux est stressé de façon régulière ; un sur cinq présente des signes d’épuisement professionnel.
Le burn-out n’est toujours pas reconnu comme maladie professionnelle alors qu’il se répand de plus en plus dans la société.
L’amendement propose d’instaurer un malus pour les entreprises qui ne prennent pas « les mesures nécessaires pour éliminer un risque avéré de maladie professionnelle ». L’objectif est d’abord de responsabiliser les employeurs dans la prévention du risque psycho-social mais aussi de récompenser les politiques de prévention efficaces et de dégager des ressources supplémentaires pour la prévention et la réparation des maladies professionnelles.
L’épuisement professionnel n’est pas le fait d’une fragilité individuelle mais le symptôme d’un système de travail inadapté, qui épuise les corps et les esprits.
M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’instaurer un malus pour les entreprises présentant une sinistralité anormale en matière d’AT-MP.
M. Yannick Monnet (GDR). Un million d’accidents du travail, d’accidents de trajet et de maladies professionnelles ont été recensés en 2023. On déplore trois morts au travail par jour en moyenne. À ce bilan il convient d’ajouter 332 accidents de trajet mortels survenus entre le domicile et le lieu de travail et 196 décès consécutifs à une maladie professionnelle. Ces données accablantes sont loin de refléter l’ampleur du problème puisque la Caisse nationale de l’assurance maladie ne recense que les salariés du régime général, à l’exclusion des employés de la fonction publique, des agriculteurs, des marins-pêcheurs, des chefs d’entreprise et des autoentrepreneurs.
Oui, une politique de prévention des risques au travail est indispensable.
M. le rapporteur général. On doit évidemment prêter une attention particulière aux syndromes d’épuisement professionnel.
Les premiers amendements me paraissent en partie satisfaits puisque la réforme de la tarification des accidents du travail, qui est progressivement montée en puissance, a accordé une place accrue à l’individualisation des cotisations tout en simplifiant le dispositif. Ainsi, les établissements dont l’effectif est compris entre 20 et 149 salariés dans lesquels la sinistralité est, en moyenne, plus élevée, ont vu s’accroître le poids de leur sinistralité dans le calcul de leurs cotisations. En parallèle, plusieurs mesures ont été prises ; en particulier, la convention d’objectifs et de gestion signée en juillet 2024 a abondé le fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle.
Outre le fait que le taux de la cotisation AT-MP varie déjà en fonction de la sinistralité, les dispositions que proposent les amendements suivants me semblent moins exigeantes que ne le sont les règles actuelles puisque, je le rappelle, il existe déjà des mécanismes de majoration des cotisations AT-MP en fonction de la sinistralité.
Ces mécanismes ont été renforcés le 1er janvier 2024 par l’entrée en vigueur du dispositif de prime signal, qui majore, dans la limite de 10 %, le taux de cotisation des entreprises de dix à dix‑neuf salariés connaissant des accidents du travail récurrents. À l’inverse, les entreprises de même taille ayant une démarche positive en matière de prévention sont récompensées par une réduction de leurs cotisations.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). À vouloir taxer toujours plus, on finit par retenir les assiettes les plus improbables ; et on nuit à la compétitivité de nos entreprises, voire on met en danger leur existence même. Pour avoir des recettes supplémentaires, il suffit que davantage de personnes travaillent : si nous avions le taux d’emploi de l’Allemagne, nous disposerions de 15 milliards d’euros supplémentaires et les cotisations seraient inférieures de 5 milliards. Il est essentiel d’inciter à la prévention des risques professionnels mais ce n’est pas la taxation qui permettra aux salariés de bénéficier de meilleures conditions de travail.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Les personnes souffrant d’épuisement professionnel se voient prescrire un arrêt de travail. C’est donc l’ensemble de la collectivité, par le biais du régime général de la sécurité sociale, qui assume le coût du burn-out. Il est grand temps de transférer ce coût vers le régime AT-MP. L’employeur a pour obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé de ses salariés. S’il ne le fait pas, il doit en payer les conséquences.
M. Philippe Vigier (Dem). Comme l’a indiqué le rapporteur général, ces amendements sont satisfaits. Savez-vous que le taux de cotisations AT-MP peut varier du simple au double selon le niveau de la sinistralité ? À l’instar du bonus-malus appliqué en matière d’assurance, il faut plusieurs années pour revenir à un taux inférieur. La branche AT‑MP était encore excédentaire en 2024 mais sera déficitaire en 2025 : il faudra donc se pencher rapidement sur la question.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La majoration de cotisation en fonction des burn‑out n’existe pas : cet argument est faux. Ensuite, lorsque 300 000 personnes souffrent d’épuisement professionnel, ce n’est pas « improbable » : c’est une sinistralité mesurée et reconnue. Par ailleurs, vous dites que davantage de gens doivent travailler, ce qui est aussi l’objectif que nous visons par la prévention des burn-out : un bon point pour vous. Enfin, l’idéal serait qu’il n’y ait aucun burn-out : les entreprises ne paieront rien. Même les députés DR devraient voter cet amendement !
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Nous proposons d’ajouter des règles aux dispositifs existants. Madame Gruet, notre objectif n’est pas la taxation mais l’incitation à la prévention, face au nombre croissant de salariés en souffrance au travail. Vous nous parlez productivité ; nous parlons bien-être des salariés. Des salariés qui vont bien travailleront mieux.
M. le rapporteur général. Vos amendements sont intéressants en ce qu’ils appellent l’attention sur le syndrome de l’épuisement professionnel. Nous connaissons tous des personnes qui ont fait un burn-out : les conséquences sont terribles pour elles-mêmes et pour leur entourage. La France fait partie des pays qui reconnaissent ce syndrome comme une maladie professionnelle par le biais de la procédure complémentaire – que l’on pourrait certes simplifier.
J’entends vos préoccupations mais je ne pense pas que l’emploi du terme « et particulièrement » soit de bonne légistique. Plus généralement, il ne me semble pas que ce soit la bonne manière de traiter la question, d’autant plus que certains de vos amendements sont moins-disants par rapport au droit actuel ; leurs effets seraient opposés à ce que vous recherchez.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1290 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous ne cherchons pas, par ces amendements, à trouver des recettes supplémentaires mais à faire en sorte que le versement d’argent public soit, au minimum, conditionné à des comportements acceptables des entreprises. Mon amendement vise ainsi à éviter que des entreprises qui procèdent à des licenciements boursiers bénéficient d’exonérations fiscales et sociales. Pour prouver ces agissements, il suffit de regarder le chiffre d’affaires, le bénéfice et les raisons du licenciement.
M. le rapporteur général. Je comprends votre intention mais vous voulez appliquer à ces entreprises une augmentation du taux de cotisation vieillesse. Or il s’agit de cotisations créatrices de droits, de droits contributifs. Quelles seraient les conséquences d’une augmentation des cotisations ? À qui iraient les droits ainsi obtenus ? S’agit-il de taux globaux ? La question est de savoir comment ces droits seront intégrés à notre système de retraite. Je ne suis pas sûr que l’on puisse orienter le comportement des entreprises en modifiant le niveau de ces cotisations.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement AS719 de M. Paul-André Colombani
M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement vise à accroître l’efficacité des allégements de cotisations familiales sur l’emploi en les réservant aux salaires inférieurs à 2,5 Smic. Cela permettrait de dégager 1,6 milliard d’euros en faveur de la sécurité sociale.
M. le rapporteur général. Le bandeau famille, comme le bandeau maladie, disparaîtra au 1er janvier 2026. Les recettes que vous pensez créer n’arriveront donc jamais. Je vous invite à retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
Amendements identiques AS644 de Mme Ségolène Amiot et AS1715 de M. Hendrik Davi ; amendements identiques AS640 de M. Damien Maudet et AS996 de M. Hendrik Davi ; amendements identiques AS1553 de M. Jérôme Guedj et AS1665 de M. Hendrik Davi ; amendements AS162 et AS163 de M. Jérôme Guedj ; AS1610 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cette série d’amendements concerne les exonérations de cotisations sociales, dont le coût s’élève à un peu plus de 80 milliards d’euros pour l’année en cours, ce qui représente un poste de dépenses énorme. Rappelons que ces exonérations ne sont pas soumises à des conditions sociales ou écologiques mais uniquement à des effets de seuil en fonction de la taille de l’entreprise, comme si toutes les entreprises ayant la même masse salariale avaient la même utilité sociale. Nous proposons de raboter ce dispositif en partant d’un principe assez consensuel dans les études menées sur le sujet : au-dessus de 1,6 Smic, les exonérations de cotisations sociales n’ont pas d’effet sur le comportement d’embauche des employeurs. Dans un esprit constructif, nous proposons, par l’amendement AS644, de les supprimer uniquement à partir d’un salaire égal à 2 Smic.
En compensation des 80 milliards d’euros, l’État verse à la sécurité sociale des crédits issus du produit de la TVA. Autrement dit, à chaque fois qu’un salarié au Smic va consommer, il paie pour son patron. Il faut mettre fin à ce type de dispositif, qui est pour le moins contestable.
M. Hendrik Davi (EcoS). Les exonérations de cotisations sociales, qui atteignent quelque 75 milliards d’euros, n’ont pas d’effet clair sur l’emploi ni sur l’amélioration de notre compétitivité à l’export – le déficit commercial atteint, rappelons-le, le niveau abyssal de 81 milliards. À une époque où nous avions beaucoup moins d’exonérations, nous avions une balance commerciale excédentaire. L’amendement AS1715 a pour objet de supprimer les exonérations sur les salaires dépassant 2 Smic, qui font partie des niches sociales qui ont le moins de justification. En effet, lorsqu’une entreprise paie des salariés au-dessus de 2 Smic, c’est rarement l’existence de l’exonération qui détermine son choix. Cette niche, qui coûte très cher – entre 7 et 8 milliards –, profite essentiellement aux grandes entreprises : 270 groupes concentrent à eux seuls près de 30 % de ces allégements.
M. Damien Maudet (LFI‑NFP). Par mon amendement, nous souhaitons limiter le dispositif d’allégement général de cotisations sociales aux salaires inférieurs à 2 Smic. Ces exonérations, qui ont doublé depuis qu’Emmanuel Macron est aux responsabilités, sont compensées par la TVA, autrement dit, des trous créés dans le budget de la sécurité sociale. On pourrait dire que les cadeaux faits à certaines entreprises sont financés par les consommateurs et les travailleurs.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous entendons démontrer que l’ensemble de la gauche et les écologistes partagent l’objectif de réduction des exonérations de cotisations sociales, qui permettrait de dégager près de 7 milliards d’euros pour financer la sécurité sociale, augmenter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie à hauteur de 3,5 % et abroger la réforme des retraites. Nous vous proposons des mesures sans effet négatif sur l’emploi, qui procureraient des recettes supplémentaires.
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous proposons, par l’amendement AS1553, une sortie du dispositif d’exonérations de cotisations sociales à partir d’un salaire de 2,2 Smic. M. Farandou nous a confirmé que le PLFSS prévoit un allégement supplémentaire de 1,5 milliard d’euros. Il convient de poursuivre la réduction des allégements de cotisations décidée l’année dernière. J’espère que notre commission souscrit à cette trajectoire, telle qu’elle a été présentée par le Gouvernement. Notre amendement vise à compléter cette mesure.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement AS1665, identique au précédent – la gauche est diverse –, est un amendement de repli qui prévoit une sortie du dispositif pour un salaire supérieur à 2,2 Smic. Nos collègues socialistes pensent que, si nous sommes un peu moins-disants, le socle commun votera peut-être notre amendement : nous verrons. C’est de la politique expérimentale, en quelque sorte.
M. Jérôme Guedj (SOC). Notre priorité – pas tant pour obtenir l’assentiment des uns et des autres qu’en cohérence, notamment, avec l’analyse de MM. Bozio et Wasmer – est d’obtenir la sortie du dispositif d’exonération à partir d’un salaire de 2,4 ou de 2,5 Smic, c’est‑à‑dire du seuil à partir duquel l’exonération n’a plus d’efficacité sur l’économie – ce fait étant largement documenté. Ce constat est valable même pour l’industrie. Selon un rapport du CPO du mois dernier consacré à la fiscalité de l’industrie, il n’est pas documenté que les exonérations au-delà de 2,5 Smic aient un effet particulièrement favorable pour le secteur industriel.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement vise à opérer un double gel, en prenant pour référence le montant du Smic en 2024. D’une part, le montant maximal de la réduction dégressive de cotisations accordée aux employeurs en 2026 et dans les années à venir resterait identique à celle de 2025, soit 673 euros mensuels. D’autre part, le niveau de salaire à partir duquel s’éteignent complètement les réductions de cotisations serait lui aussi gelé et resterait calculé à partir du montant du Smic actuel. Cela n’engendrerait pas de choc négatif pour les entreprises et permettrait de réaliser près de 4 milliards d’euros d’économies chaque année.
M. le rapporteur général. C’est en effet, comme le dit Hadrien Clouet, une longue série : c’est aussi la nuit pour les entreprises ! M. Davi parle de gauche diverse ; en tout cas, on se souvient encore de l’imagination dont avait fait preuve la gauche plurielle.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a réformé les allégements généraux, ce qui a entraîné un alourdissement de charges de 1,6 milliard d’euros pour les entreprises en 2025 et augmentera leurs cotisations d’un même montant en 2026. À cela s’ajoute une autre augmentation de charges de 1,5 milliard, par application du principe de l’année blanche – cette dernière augmentation ne fait pas l’objet d’un article, c’est un sous-jacent de l’annexe 4. Le surcoût global pour les entreprises s’élève donc à 3,1 milliards pour 2026, qui s’ajoutent au 1,6 milliard de l’an dernier. Sur deux ans, on arrive à un total de 4,7 milliards, comme le ministre nous l’a confirmé lors de son audition. Par vos amendements, vous proposez d’ajouter près de 7 milliards, ce qui me semble considérable.
De surcroît, en réduisant le point de sortie des allégements de cotisations, on augmenterait les prélèvements sur le travail qualifié. Or nous avons besoin de mesures en sens contraire si nous voulons favoriser la montée en gamme des emplois.
Les deux derniers amendements visent à geler le montant maximal des exonérations, ce qui revient à alourdir les prélèvements sur les rémunérations proches du Smic. Cela s’écarte de l’esprit des débats de l’année dernière.
Je voudrais rappeler ce qu’écrivaient Antoine Bozio et Étienne Wasmer : « S’il est possible de diminuer de quelques milliards le montant des exonérations, cette hausse de prélèvements obligatoires sur les salaires doit rester limitée et il vaut mieux chercher des recettes sur d’autres bases fiscales. » Ce qui était vrai l’année dernière l’est encore davantage après une première réforme qui a déjà accru les prélèvements sur les entreprises.
Enfin, vous nous dites souvent que le coût des exonérations ne cesse d’augmenter. Or, en 2025, le coût des allégements généraux a diminué de 4 %.
Derrière ces questions, il y a des enjeux de compétitivité des entreprises et d’emploi. Les secteurs qui offrent les rémunérations les plus élevées sont les plus exposés à la concurrence internationale : je pense notamment à l’industrie. Je ne veux pas pénaliser les travailleurs de ces usines.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Je ne voudrais pas que les chefs d’entreprise aient le sentiment que la commission les considère, pour dire les choses trivialement, comme de « méchants riches ». Certains patrons, notamment de petites et moyennes entreprises (PME), ne se versent pas même un Smic. Ce sont avant tout des entrepreneurs, qui créent de la valeur ajoutée et de l’emploi. Il faut veiller à ce que notre régime social, qui est très généreux, ne pèse pas de manière disproportionnée sur le coût du travail. Les mesures que vous proposez risquent d’inciter les entreprises à laisser leurs salariés au Smic. Une fois encore, on mettrait à contribution les personnes appartenant aux classes moyennes, qui risqueraient d’être rémunérées en deçà de leurs compétences et de leur travail.
M. Philippe Vigier (Dem). Les allégements de cotisations avoisinent le montant record de 90 milliards d’euros. Cela dit, ces dispositifs ont été appliqués, au fil du temps, par des gouvernements de tous bords pour faire face aux problèmes de compétitivité.
MM. Bozio et Wasmer écrivent qu’à partir de 3 Smic, les exonérations n’ont plus d’effets sensibles sur la création d’emplois et la préservation de la compétitivité des entreprises. Conscient de cette réalité, notre groupe a toujours déposé des amendements visant à appliquer ces exonérations jusqu’à 3 Smic ; à défaut de pouvoir réaliser des économies, on est ainsi certain de l’impact de la mesure. Le rapport Bozio-Wasmer contient des propositions qui nous permettraient certainement d’aller chercher un peu d’argent sans casser la dynamique économique, ce qui est essentiel dans la période de fragilité que nous connaissons.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il est vrai que, sur des salaires de 2 ou 3 Smic, les allégements de cotisations sociales ne sont plus très efficaces.
Toutefois, comme l’a très clairement démontré M. le rapporteur général, les allégements de cotisations sociales ont déjà considérablement diminué. Je rappelle à la gauche qu’ils existent parce que les entreprises françaises sont très taxées : les impôts de production sont au moins trois fois plus élevés qu’en Allemagne et les prélèvements sociaux proches de 50 % – par exemple 48 % chez Airbus.
Sans ces taxes, nous n’aurions pas besoin d’allégements de cotisations sociales puisque la compétitivité serait beaucoup plus importante. Cela permettrait d’ailleurs d’augmenter les salaires.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Quelques petits rappels. D’abord, les cotisations sociales ne sont pas des charges. Si vous ne savez pas distinguer une cotisation d’une charge, il suffit de vous demander si la dépense a une utilité sociale. Une cotisation d’assurance maladie est utile socialement, c’est donc une cotisation ; un jeton de présence administrative ne l’est pas, c’est donc une charge.
Concernant les patrons riches et méchants, je suis marxiste et, par conséquent, les questions de morale ne m’intéressent pas. Il n’y a pour moi ni gentils, ni méchants, mais des modes de production et des gens qui font ce qu’ils peuvent pour s’en sortir. Il ne s’agit pas de changer le comportement des gens mais le contexte économique dans lequel ils agissent pour qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. Voilà la différence entre vous et moi, entre la moraline et la politique.
Enfin, il est faux de dire que les dépenses sociales sont insoutenables. Ce qui est insoutenable, ce sont les aides aux grandes entreprises – exonérations, avantages fiscaux, avantages sociaux – qui, additionnées, s’élèvent à 230 milliards d’euros par an, le premier poste de dépenses de la puissance publique. Lors de sa tournée d’adieux cet été, M. Bayrou a déclaré sur YouTube que le coût de la dette était de 12 millions d’euros de l’heure. Les aides aux entreprises coûtent, elles, 26 millions de l’heure. S’il y a de l’argent à récupérer, c’est là, ce qui plaide en faveur de ces amendements.
M. Hendrik Davi (EcoS). D’une part, le scénario proposé dans le rapport de la mission Bozio-Wasmer fixe le point de sortie des exonérations sociales à 2,5 Smic, et non 3. D’autre part, c’est sur un montant global de 80 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales que nous proposons de reprendre 7 milliards, ce qui ne me paraît pas excessif. Enfin, si les entreprises ne payaient pas de cotisations sociales, les salariés financeraient ce à quoi elles servent par le biais de la CSG ou de la TVA – voire de leur poche, en payant des franchises. Dans ce cas, comme dans les pays où les cotisations sociales n’existent pas, il faudrait augmenter les salaires afin que les salariés gardent le même pouvoir d’achat. La compétitivité n’est donc pas en jeu : cotisations sociales ou salaires, cela revient au même pour les entreprises.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Vous avez la main qui tremble dès qu’on envisage de supprimer des exonérations de cotisations sociales – alors que plusieurs rapports prouvent qu’elles sont inutiles au-dessus de 2,5 Smic et que la littérature scientifique recommande que les entreprises donnent un coup de main pour éviter de limiter le remboursement des médicaments.
En revanche, pour taxer les apprentis, instaurer des franchises sur les médicaments, s’en prendre aux pauvres et faire payer un peuple qui n’est même plus en mesure de consommer tant vous le taxez, là c’est open bar !
Cela fait des années que vous gouvernez avec la même politique, alors que les rapports, la littérature scientifique et les faits montrent que nous allons droit dans le mur. Nos débats sont déconnectés de la réalité sociale du pays, et c’est pour cela que vous perdez chaque élection. Maintenant il faut que vous le compreniez !
M. Yannick Monnet (GDR). Inutile d’essayer de vous convaincre du bien-fondé de la politique portée par nos amendements, ce serait un débat sans fin.
Je rappelle toutefois que le système des exonérations de cotisations sociales pervertit le financement de la sécurité sociale en le faisant reposer sur l’impôt qui vient compenser ces exonérations. Ce qui la met en danger !
Vous pouvez tout à fait poursuivre votre politique d’aide aux entreprises : cessez de les exonérer, prenez les 77 milliards d’euros, laissez-les cotiser sur la richesse produite par le travail et déversez sur elles davantage d’aides directes ! Mais si vous ne voulez pas tuer la sécurité sociale, laissez tranquille son mode de financement.
M. Paul Christophe (HOR). Je vais essayer de me mettre à la hauteur du grand économiste qu’est M. Boyard. Et il fallait quand même oser comparer le déficit du commerce extérieur et les exonérations de charges !
On peut s’interroger sur les exonérations. Mais il ne faut pas s’inscrire dans une logique de destruction de l’emploi. Entre 2017 et 2019, nous sommes parvenus à faire massivement baisser les taux de chômage – qui restent d’ailleurs assez faibles, même s’ils seront pour nous toujours trop hauts.
M. le rapporteur général a en outre rappelé que le 1,6 milliard d’euros d’économies gagnées sur les allégements de cotisations sociales l’an dernier avaient presque doublé, pour atteindre 3,1 milliards : vous ne pouvez pas dire que nous ne faisons rien.
Enfin, concernant la réforme des retraites, l’abroger signifierait tout annuler. Or l’article 11 vise à régulariser les situations de 4,6 millions de concitoyens ayant cotisé au‑dessous du seuil de validation dans le cadre de travaux d’utilité collective. Il serait dommage de les priver de cette régularisation, qui porte sur des durées allant de trois trimestres à six ans, et ce n’est pas M. Delaporte qui dira le contraire.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Ce sont les exonérations de cotisations sociales qui coûtent trop cher. Auparavant, les cotisations finançaient la sécurité sociale à hauteur de 92 %, contre seulement 49 % aujourd’hui.
Or ce manque à gagner est compensé par la TVA : vous demandez en réalité aux Français de financer ces exonérations et, pire, cette politique d’attractivité. En effet, alors que les 60 milliards d’euros gagnés sur les recettes de la TVA, passées de 163 milliards en 2017 à 222 milliards en 2025, auraient jadis servi à financer l’État et les services publics, ils servent à présent à financer cette politique – dont les résultats ne sont pas démontrés.
M. Nicolas Turquois (Dem). M. Vigier a rappelé que les exonérations de cotisations sociales étaient liées au coût du travail. Or, l’effort de cotisation en France est bien supérieur à celui de pays similaires.
D’autre part, l’esprit initial de la sécurité sociale voulait que le travail donne droit aux prestations sociales, y compris à la protection maladie. La protection maladie est aujourd’hui universelle. Est-ce aux entreprises et aux salariés de la financer ? Ne faudrait-il pas instaurer une base de financement plus large, par exemple à partir de la TVA ? Ce n’est pas comme la retraite et les accidents du travail, qui restent liés au travail.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les exonérations de charges visent à créer de l’emploi, notamment pour les personnes peu qualifiées. Elles ne profitent pas aux entreprises mais améliorent l’employabilité de ces personnes qui, si elles travaillent, cotisent et alimentent le système. Ces exonérations ont donc un double effet positif.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je constate que personne ici ne remet en question la trajectoire de baisse des exonérations de cotisations à hauteur de 1,5 milliard d’euros indiquée par le ministre. L’année dernière, le gouvernement de Michel Barnier avait proposé 4,5 milliards d’euros de baisse des allégements de cotisations. Or le socle commun s’était rebellé et cette baisse avait été revue à 1,6 milliard. Nous y ajoutons cette année 1,5 milliard, ce qui va dans la bonne direction mais reste insuffisant. Ces amendements visent à amplifier cette trajectoire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements AS604 de Mme Ségolène Amiot et AS718 de M. Paul-André Colombani (discussion commune)
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous proposons avec cet amendement de réduire le bénéfice des réductions de cotisations sociales patronales aux branches dont les minima conventionnels restent inférieurs au Smic pendant plus de six mois.
L’ancien ministre du travail Olivier Dussopt s’était engagé à ce que l’ensemble des branches se mettent en conformité avec la loi et revoient les bases conventionnelles des salaires minimums, afin que ceux-ci soient rehaussés au-dessus du Smic. Certaines branches ne l’ont toujours pas fait alors que c’est indispensable. Dans l’attente, nous vous proposons de suspendre toutes leurs exonérations de cotisations sociales.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement vise à conditionner les exonérations de cotisations à des minima de branche au moins égaux au Smic, afin d’encourager les revalorisations salariales. C’est une mesure d’équité qui soutient le dialogue social et lutte contre les branches où les salaires restent durablement sous le minimum légal.
M. le rapporteur général. Nous avons adopté tout à l’heure l’amendement AS417 de M. Guedj, malgré mes réserves sur certains aspects juridiques. Ces deux amendements vont plus loin, puisqu’ils entendent supprimer entièrement le bénéfice des allégements généraux et non plus seulement les calculer sur une assiette moins favorable à l’employeur. Mon avis reste donc défavorable et je vous invite à retirer ces amendements.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je maintiens l’amendement. Il est grand temps que les entreprises hors-la-loi qui maintiennent des salaires en dessous du Smic rentrent dans le rang et jouent le même jeu que les autres. Il est hors de question que nous nous privions collectivement de leurs cotisations alors qu’elles font déjà des économies sur les salaires. Cet amendement propose un levier qui, parce qu’il est massif, peut être puissant : ce sont bien toutes les exonérations qui seraient suspendues, afin d’encourager ces branches à négocier pour rehausser les salaires au-dessus du Smic.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Sans sécurité sociale, il n’y aurait pas d’hôpitaux, pas de crèches, pas de système de retraites par répartition. Les gens devraient payer de leur poche. Les entreprises devraient aussi contribuer pour que leurs employés puissent organiser leur vie et leur rapport au travail. Monsieur le rapporteur général, vous affirmez que la France est le pays le plus taxé au monde mais vous oubliez de dire que ce système collectif permet des économies d’échelle et que tout coûte donc moins cher.
À chaque PLFSS, vous nous chantez la même rengaine : il y a des trous dans la raquette, il faut trouver de l’argent, on est le pays le plus taxé au monde, etc. Nous expliquons que la littérature scientifique ou le rapport Bozio-Wasmer démontrent que les exonérations de cotisations sociales sur des salaires au-dessus de 2,5 Smic ne servent à rien, et vous, vous répliquez par la compétitivité des entreprises. Pareil l’année suivante.
La pédagogie, c’est l’art de la répétition. Il reste de nombreux amendements portant sur les exonérations de cotisations sociales, et nous répéterons nos arguments jusqu’à ce qu’ils rentrent. Vous pourriez au moins nous donner des arguments neufs pour expliquer pourquoi vous y êtes défavorable !
M. le rapporteur général. Monsieur Boyard, je ne suis pas sûr de toujours chanter la même rengaine !
Sur le fond, il est intéressant que ces deux amendements évoquent les entreprises et les branches dont les salaires sont en dessous du Smic, un cas fréquent lorsque l’inflation était très élevée. Or, l’inflation a diminué plus que prévu, et, selon moi, il devrait être à présent assez rare. Ces amendements ont le mérite d’évoquer les entreprises vertueuses qui ont des accords et ne sont donc pas pénalisées, contrairement à l’amendement de M. Guedj qui pénalise injustement des entreprises dont certaines branches ne seraient pas en conformité avec la loi.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS717 de M. Paul-André Colombani
M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous proposons de calculer les allégements de cotisations sur les minima de branche quand ils sont inférieurs au Smic, afin d’inciter à leur revalorisation.
C’est un levier concret pour encourager les branches à mieux rémunérer les salariés les moins qualifiés. Cet amendement a fait l’objet d’un compromis en commission mixte paritaire l’année dernière, mais n’avait pas été repris par le Gouvernement.
M. le rapporteur général. Monsieur Colombani, votre amendement est mieux cadré et mieux écrit que les amendements précédents sur le même sujet. Il pose toutefois des problèmes opérationnels.
Une entreprise, notamment lorsqu’elle est divisée en plusieurs établissements ou filiales, peut relever de plusieurs branches. Et certaines branches peuvent avoir plusieurs conventions collectives, avec des grilles salariales et des minima différents. Il faudrait donc décliner votre amendement de principe pour prévoir des règles spécifiques à chacun de ces cas.
Je vous invite donc à retirer votre amendement pour le retravailler d’ici la séance. Sinon, c’est un avis défavorable car cet amendement est techniquement inenvisageable et juridiquement fragile.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, nous avons des débats de qualité pour lesquels je vous remercie.
Il me semble simplement que vous abordez le débat sur les exonérations de cotisations sociales par le seul prisme de la technique. C’est certes utile à nos travaux, mais vous esquivez le débat structurel dont nous avons besoin sur des exonérations qui représentent 77 milliards d’euros, et dont différents rapports prouvent que l’efficacité peut être remise en question quand elles portent sur des salaires supérieurs à 2,5 Smic.
Nous souhaitons donc avoir votre point de vue plus large sur ces amendements. Si seule leur technique pose problème, qui sait si vous-même ne pourriez pas déposer les amendements techniquement parfaits dont vous êtes capable et ainsi régler ce problème qui creuse le trou de la sécurité sociale ?
M. le rapporteur général. Je répète que les baisses des allégements de cotisations sociales pour les entreprises – de 1,6 milliard d’euros en 2025 et de 1,5 milliard pour 2026 – sont déjà très importantes. Même ceux qui veulent les réduire nous invitent à ne pas le faire massivement afin de limiter l’impact sur l’emploi et la compétitivité.
Il ne faut pas alourdir la charge des entreprises. À vous entendre, on dirait qu’il faut supprimer les 77 milliards d’euros d’exonérations. Or, les gouvernements de droite comme de gauche installent depuis trente ans des dispositifs de soutien à l’emploi et à la compétitivité de formes différentes, parmi lesquels les allégements généraux. Les supprimer serait fortement préjudiciable à notre pays.
Mais les exonérations doivent être totalement compensées par l’État à la sécurité sociale. Afin de régler définitivement cette question, j’ai d’ailleurs déposé en tant que rapporteur général des amendements en ce sens dans l’esprit de la loi Veil, au projet de loi de finances comme au PLFSS – ce que n’avaient pas fait mes prédécesseurs.
M. Philippe Vigier (Dem). Le moment est important : nous actons pour la première fois une légère baisse des exonérations de cotisations sociales.
L’anomalie, c’est qu’alors que le système de santé devrait reposer sur des cotisations payées par les entreprises et les salariés, leur part n’est plus aujourd’hui que de 52 %, le reste étant financé par la TVA et la CSG. Cela ne fonctionnera pas longtemps encore.
Enfin, concernant l’amendement, oui, il faut que les partenaires sociaux se mettent autour de la table. M. Boyard parviendra peut-être, par son talent oratoire, à les convaincre de remonter les salaires au niveau du Smic ! En revanche, cet objectif ne sera pas atteint en supprimant les exonérations de charges sociales, ce qui a toujours pour effet de créer des trappes à bas salaires. Ne faites surtout pas cela ! Un niveau à 2,5 Smic est un bon niveau et les 3,1 milliards d’euros de baisses d’exonérations sociales sont plutôt vertueux.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS648 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ces débats me donnent parfois l’impression d’assister à un meeting du Medef, mais je ne désespère pas de vous convaincre en parlant tranquillement.
Les exonérations de cotisations sociales coûtent 80 milliards d’euros par an à la sécurité sociale, ce qui est beaucoup. Cela représente deux fois le budget total accordé à l’autonomie, huit fois le déficit de la branche maladie et vingt-cinq fois le déficit de la branche retraite, autrement dit des sommes considérables. Si on récupérait ces sommes, cela ferait tomber une partie des problèmes que vous nous agitez sous le nez.
Cet amendement propose d’organiser une sortie des exonérations sociales sur un temps long. Ce dispositif n’est ni définitif, ni brutal : sur dix ans, il réduirait chaque année de 10 % les exonérations de cotisations sociales afin d’y mettre fin de façon planifiée. Il faut en effet rappeler que 11 % de la masse salariale part en exonérations sociales, qui, compensées avec nos impôts et notamment la TVA, nous font en fin de compte payer nous-mêmes 11 % de nos salaires. C’est tout à fait extravagant.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le président de la commission nous a adressé l’avis du CPO concernant le rapprochement des assiettes de la CSG et des cotisations sociales, dont les recommandations pourront nourrir le débat en séance.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS583 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Avant de commencer, serait-il possible que le Rassemblement national se réveille ? Nous avons des débats importants et vous votez avec les macronistes depuis le début. On vous voit vous cacher derrière eux pour protéger le capital ! Vous n’êtes pas payés à rien faire. (Protestations.)
M. le président Frédéric Valletoux. Nous sommes respectueux de ceux qui prennent la parole comme de ceux qui ne la prennent pas. Inutile de faire de la provocation, restons sur les amendements.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’énergie que met le bloc central à défendre le Rassemblement national est de bon augure pour la prochaine présidentielle ! (Vives protestations.) « L’exonération de cotisations salariales pour les heures supplémentaires crée une impasse financière dans les droits contributifs à la retraite qui doit être corrigée » : c’est un rapport de la Cour des comptes qui l’affirme, je pense que cela pourrait vous convaincre.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Je ne vais pas répondre aux provocations de Louis Boyard mais je rappelle que les premiers allégements généraux massifs ont été mis en place par le gouvernement de Lionel Jospin, dont, il me semble, votre maître à penser Jean-Luc Mélenchon était membre.
Monsieur Clouet, je n’ai jamais participé à un meeting du Medef, mais peut-être que vous, oui !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS587 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement de repli vise à supprimer le cumul du bénéfice des allégements généraux et des déductions forfaitaires relatives aux heures supplémentaires. Depuis la première élection de M. Macron, les exonérations cumulées sur les heures supplémentaires ont augmenté de 8 milliards, pour atteindre 18 milliards d’euros. Or ce montant correspond à la hausse du déficit de la sécurité sociale sur la même période. Supprimons donc les exonérations : nous supprimerons la hausse du déficit.
M. le rapporteur général. Vous prétendez défendre les travailleurs, mais ils seront les premiers pénalisés par ce que vous proposez. La moitié des heures supplémentaires sont effectuées dans les très petites entreprises et PME, qui sont celles concernées par votre amendement. Je n’ai jamais rencontré aucun salarié améliorant son pouvoir d’achat avec des heures supplémentaires qui m’ait dit que nous devrions alourdir le coût de ces heures supplémentaires pour que son entreprise cesse d’en proposer. Mieux vaudrait retirer cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS590 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je le disais, les exonérations de cotisations sociales équivalent à une subvention, par le biais de la sécurité sociale, de 11 % des salaires versés en France. Cet amendement de repli vise à mettre un peu d’ordre et de raison dans ce mécanisme en retirant le bénéfice des cotisations sociales aux entreprises dans lesquelles les salaires évoluent moins vite que l’inflation.
Il s’agit d’abord de défendre les salariés : si l’entreprise veut conserver cet avantage, elle doit améliorer le pouvoir d’achat des salariés, c’est-à-dire les salaires réels, d’une année sur l’autre. Cette mesure est, deuxièmement, dans l’intérêt de la sécurité sociale, qui ne doit pas être privée de recettes ; la création d’emplois et les hausses de salaires pourraient ainsi alimenter un cercle vertueux. Troisièmement, il s’agit de faire obstacle à la progression des exonérations, qui augmentent de 10 % par an depuis l’élection d’Emmanuel Macron.
M. le rapporteur général. L’amendement ne prend pas en compte le niveau antérieur des salaires et pénaliserait donc, en cas d’aléas, les entreprises dans lesquelles les salaires étaient plus élevés que la moyenne de leur secteur. Dans la réalité de la vie des entreprises, votre dispositif pourrait même être un accélérateur de destruction d’emplois, qui coûterait nécessairement plus qu’il ne rapporterait aux finances publiques. Les situations sont diverses. Certains artisans travaillent parfois avec de petites marges, voire à perte à certains moments de l’année, comme certaines entreprises agricoles, et ne peuvent pas toujours augmenter les salaires : ils devraient alors licencier leurs salariés faute de pouvoir les augmenter plus que l’inflation. Cela ne me semble pas opportun.
Lionel Jospin et son gouvernement, dans lequel siégeait Jean-Luc Mélenchon, avaient porté l’allégement de 18 à 26 points au niveau du Smic. La question de la compétitivité et de l’emploi n’est pas propre à la droite ou à la gauche : elle a traversé les gouvernements, quelle que soit leur sensibilité, car nous avons besoin de baisser les cotisations.
Mme Justine Gruet (DR). Nous portons un projet politique complètement différent, car nous pensons que les heures supplémentaires valorisent le goût de l’effort et du mérite : en limiter les effets pour le salarié qui fait cet effort sera contre-productif. Cela a d’ailleurs été l’une des premières mesures de M. Hollande, et cela a eu de fortes conséquences pour les salariés.
J’admire par ailleurs la créativité avec laquelle vous trouvez des taxes supplémentaires. Avez-vous déjà mis un pied dans une entreprise ? Jusqu’à quel point l’État doit-il s’immiscer dans la gestion des entreprises, dans la valorisation des salariés et dans les périodes auxquelles l’intéressement et les primes peuvent être donnés ? Il faut savoir valoriser les salaires à leur juste valeur, et les facteurs dans ces décisions sont nombreux. De notre côté, nous devons diminuer les dépenses pour que le coût du travail ait moins d’impact sur les entreprises.
M. Christophe Bentz (RN). Je réponds à notre collègue de La France insoumise : nous avons pris part aux débats toute la journée, mais depuis leur reprise à vingt et une heures trente, nos débats sont bien longs. Il y aurait lieu de les accélérer, et dans le calme.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). À l’époque de la gauche plurielle, j’avais 6 ans, et je plaide donc d’assez loin pour les décisions qui ont été prises alors. À cette époque, cependant, les exonérations de cotisations sociales représentaient 15 milliards d’euros, soit six fois moins qu’aujourd’hui. D’autres exonérations ont été créées, mais dans des proportions très différentes. Comparaison n’est pas raison.
Selon vous, cette mesure provoquera des distinctions intersectorielles sur les salaires, et c’est vrai ; mais ce qui compte, en l’espèce, c’est la dynamique salariale, et c’est ce que nous voulons réguler. La mesure proposée favorise en effet l’indexation des salaires, qui existe en Belgique et au Luxembourg, pays qui ne connaissent pas l’hiver nucléaire perpétuel ou les pluies de criquets à la fin du mois, et où le pouvoir d’achat des salariés est défendu par des logiques beaucoup plus coercitives que celle que nous proposons. Je vous invite donc à adopter des mesures plus souples et conventionnelles pour éviter qu’un jour, la gauche aux commandes ait besoin de politiques coercitives.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS593 de Mme Élise Leboucher
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Cet amendement, qui est encore et toujours un amendement de repli, vise à suspendre le bénéfice des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises qui maintiennent la rémunération des salariés au niveau du Smic pendant plus de deux ans. On nous parle beaucoup du mérite et de la France qui travaille, et je suis acquis à cette cause, mais le Smic ne permet pas de vivre correctement, de remplir tous les jours le frigo, de payer le loyer et la facture d’électricité ni d’emmener les enfants au cinéma : pour avoir des exonérations sociales, une entreprise devrait augmenter les salaires.
Je viens d’employer tous les champs lexicaux de la droite – je n’ai voté ni la déchéance de la nationalité ni la loi « travail », mais j’ai droit, moi aussi, au compromis : s’il vous plaît, monsieur le rapporteur général, donnez un avis favorable !
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS598 de M. Damien Maudet.
Amendement AS620 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement vise à ce que l’employeur rembourse les exonérations de cotisations sociales en cas de mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Ces derniers mois, nous en avons compté 380, qui devraient plutôt être appelés plans sociaux de suppression de l’emploi. Ils concernaient notamment ArcelorMittal, STMicroelectronics, LVMH, Arkema, Vencorex ou Casino, entreprises qui ont pourtant en commun – comme dans la majorité des cas selon les conclusions de la commission d’enquête sur les défaillances des pouvoirs publics face à la multiplication des PSE – de n’être absolument pas en difficulté. Au contraire, elles ont engagé ces PSE afin de répondre à des exigences financières qu’elles s’imposaient à elles-mêmes ou qui leur étaient imposées par leurs actionnaires. Puisqu’il ne s’agit pas de faire face à problèmes réels liés à l’activité, mais uniquement de générer du profit, il n’est pas question de leur faire cadeau d’exonérations de cotisations patronales.
M. le rapporteur général. Comment une entreprise qui connaît des difficultés pourrait-elle être en mesure de rembourser sur deux ans la totalité de l’allégement de cotisations ? Si vous voulez éviter les PSE, évitez plutôt les censures, car les entreprises que nous rencontrons dans nos territoires disent qu’elles ont besoin de stabilité politique et économique.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, lisez les conclusions de la commission d’enquête : les entreprises dont vous parlez n’existent pas. Il y a certes des entreprises en difficultés, mais vous ne me ferez pas croire que c’était le cas de LVMH cette année. Quant à ArcelorMittal, elle venait de se voir octroyer plusieurs millions d’euros pour sa décarbonation et n’a acheté aucune des machines prévues à cette fin. Avec des deniers publics, avec nos impôts, avec la TVA de nos achats, nous finançons les bénéfices des actionnaires. Ces coûts seront aggravés par des plans de licenciement et nous devrons à nouveau payer collectivement pour former les salariés mis sur le carreau et assurer leur survie jusqu’à ce qu’ils retrouvent un emploi. Ce n’est pas sérieux : nous finançons le licenciement de ces salariés !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS608 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les exonérations de cotisations sociales pourraient être un outil politique, un outil de structuration économique utile, à condition d’être conditionnés à certains objectifs. L’amendement ne vise pas à établir une liste de ces objectifs, qui sont changeants dans le temps selon les priorités du moment. Savoir s’il faut engager une décarbonation, une politique de revenus particulièrement ciblée ou revitaliser des territoires est à la libre appréciation d’un gouvernement démocratique. En revanche, nous devons nous donner un principe : pas d’exonérations sans le respect de quelques lignes directrices à caractère public – on peut appeler cela planification, régulation ou autre. Ces 80 milliards d’euros sont un levier permettant de mener une politique publique d’intérêt général, dont nous débattrions au lieu de la subir.
M. le rapporteur général. Une loi de financement de la sécurité sociale doit s’occuper du financement de la sécurité sociale. Des conditions et des règles de nature sociale et environnementale relèvent plutôt du code du travail et du code de l’environnement, et c’est dans ces codes que doivent être prévues d’éventuelles sanctions. Il y a ici une confusion entre les instruments et les objectifs.
Vous attaquez les allégements généraux, outil de politique économique qui vise avant tout à soutenir l’emploi et la compétitivité : qu’on le veuille ou non, c’est ainsi qu’ils ont été conçus. Il peut exister des effets de bord ou des effets de seuil, dont certains sont d’ailleurs corrigés, mais en voulant supprimer tous les allégements généraux ou les soumettre à d’autres conditions que les objectifs initiaux, on risque de se tromper d’instrument. Vous pouvez mener ce combat, mais pas avec le budget de la sécurité sociale.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il y a là un point de clivage. Je fais partie de ceux qui pensent que la sécurité sociale est une institution créatrice de valeur économique. Historiquement, elle a été pendant des décennies un outil d’investissement. Si on le pense – je comprends que vous ne le pensez pas –, il est logique d’en faire un outil de régulation économique, notamment parce que ses différentes branches sont des outils de gestion de la main-d’œuvre et de la macroéconomie nationale. Ainsi, les accidents du travail peuvent être un critère conditionnant les exonérations, comme les préretraites et les discriminations à l’emploi selon l’âge, les maladies professionnelles ou l’articulation entre la vie privée et la vie familiale. Tout cela relève des risques famille, santé, accidents du travail et maladies professionnelles et vieillesse. La sécu peut être une instance de gestion économique.
M. Yannick Monnet (GDR). Je suis en désaccord total avec vous, monsieur le rapporteur général, et je pense que vous vous trompez profondément. La création de la sécurité sociale avait pour objet de protéger le monde du travail, précisément pour qu’il soit productif. Si on exonère les employeurs de leur contribution visant à prendre soin du monde du travail, la moindre des choses est d’exiger d’eux, en contrepartie, qu’ils assurent cette protection. C’est le sens de la conditionnalité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS614 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). À vingt-trois heures cinquante, je vous propose de faire un rêve ensemble, un rêve dans lequel les insoumis présenteraient un amendement qui ne viserait ni à augmenter les salaires, ni à réduire le temps de travail, ni à réorganiser la production, mais à nous rapprocher de l’Allemagne.
Il s’agirait de conditionner les exonérations de cotisations sociales à une meilleure représentation collective des salariés au sein des conseils d’administration des entreprises. En effet, cette représentation est de 15 % en France, alors qu’elle est de 30 % en Allemagne, voire de 50 % dans les grandes entreprises. Si j’étais macroniste, cela me ferait rêver ! L’amendement tend donc à ce qu’il n’y ait pas d’exonérations de cotisations sociales s’il n’y a pas un tiers de salariés représentés au conseil d’administration.
M. le rapporteur général. Je ne rêve pas avec M. Boyard... Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Nous subissons patiemment et écoutons avec beaucoup d’attention les amendements que vous nous proposez, mais les entreprises ont déjà des représentants syndicaux dans leur conseil d’administration. Si les Français ne sont pas majoritairement syndiqués, c’est peut-être parce qu’ils ne se retrouvent pas dans les syndicats et qu’ils ont le sentiment que ceux-ci sont opposés à tout et ne sont pas force de proposition. Je ne comprends même pas que cet amendement ne soit pas considéré comme un cavalier, car il sort du débat de fond que nous devons avoir sur les sources de financement de la sécurité sociale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1266 de M. Sébastien Peytavie
M. Jean-Claude Raux (EcoS). L’amendement vise à conditionner l’allégement des cotisations patronales au respect par les entreprises des normes d’accessibilité et de l’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap à hauteur de 6 % de l’effectif total, contre 3,5 % seulement aujourd’hui en moyenne.
Les personnes en situation de handicap sont encore largement exclues du monde du travail et les entreprises échappent encore à leurs obligations en matière de recrutement, d’accessibilité et d’aménagement des postes. En outre, 59 % des demandeurs d’emploi en situation de handicap sont en chômage de longue durée et 37 % de ces personnes handicapées déclarent avoir subi une discrimination au moins au cours d’une recherche d’emploi. Seules 29 % des entreprises respectent intégralement leurs obligations par l’emploi direct.
Alors que les discriminations liées au handicap constituent le premier motif de saisine du Défenseur des droits, nous ne pourrons aller vers un monde du travail véritablement accessible et inclusif si l’État laisse carte blanche aux entreprises pour perpétuer ces discriminations validistes. Nous devons donc employer tous les leviers à notre disposition, dont les leviers fiscaux, pour contraindre les employeurs à prendre des engagements ambitieux et durables pour l’emploi des personnes en situation de handicap.
M. le rapporteur général. Malgré les allégements généraux, monsieur Monnet, la moitié des recettes de notre système de protection sociale provient des cotisations.
Monsieur Raux, ayant été maire d’un village qui, sur 3 000 habitants, comptait 500 personnes en situation de handicap, je suis très sensible à la question de l’emploi des travailleurs handicapés. La question doit cependant être envisagée sous l’angle des obligations légales des entreprises et du contrôle de leur mise en œuvre par l’inspection du travail.
Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1070 de M. Charles Fournier
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Évaluées à près de 80 milliards d’euros par an dans le rapport du Sénat sur l’aide publique aux entreprises, les exonérations de cotisations sociales n’ont pas significativement renforcé, pour les entreprises, la compétitivité, la productivité ou l’emploi. Cet amendement propose donc que chaque dispositif exonératoire soit désormais assorti d’un cahier des charges exigeant en matière de création d’emplois durables, de développement des filières de la transition écologique et d’amélioration de la qualité de l’emploi, avec un contrôle de sa réelle mise en œuvre.
M. le rapporteur général. Avis défavorable pour les mêmes raisons que pour les précédents amendements. Il faudrait, en outre, hiérarchiser les critères que vous énumérez. Je vous invite donc à retirer l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
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4. Réunion du mardi 28 octobre 2025 à 9 heures (après l’article 8 [suite] à article 9)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
Amendements AS1551 de M. Laurent Wauquiez et AS1170 de Mme Nathalie Colin‑Oesterlé (discussion commune)
Mme Josiane Corneloup (DR). Le groupe Droite Républicaine souhaite revaloriser le travail face à l’assistanat. Beaucoup de nos concitoyens regrettent l’époque du « travailler plus pour gagner plus », cette mesure emblématique du quinquennat de Nicolas Sarkozy qui permettait des exonérations sur les heures supplémentaires. Malgré son succès, le dispositif a été supprimé en 2012. Il a été partiellement réintroduit par la loi du 24 décembre 2018 mais de manière imparfaite pour les salariés, puisque la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) sont dues et non exonérées d’impôt sur le revenu.
L’amendement AS1551 vise à rendre le dispositif plus attractif, en rémunérant mieux le travail et en exonérant les salariés de CSG et de CRDS. C’est une marque de reconnaissance pour la France qui travaille et un signal d’encouragement pour tous ceux qui se donnent du mal dans notre pays.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Mon amendement vise à valoriser le travail et l’engagement des salariés, en exonérant de CSG les rémunérations mentionnées à l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale, dans la limite de 3 500 euros par an.
Il s’agit de soutenir le pouvoir d’achat des salariés qui effectuent des heures supplémentaires, de renforcer l’attractivité de l’activité professionnelle et d’encourager la reprise du travail.
Par ailleurs, nous proposons de porter la durée légale de travail hebdomadaire de 35 à 36 heures – payées 36 heures évidemment. La France se caractérise en effet par une durée annuelle effective de travail par salarié inférieure à celle de nombreux pays comparables, puisqu’elle n’est que d’environ 1 673 heures, contre 1 790 heures en Allemagne et 1 740 heures au Royaume-Uni.
L’augmentation d’une heure hebdomadaire représenterait un volume de travail supplémentaire d’environ 2,5 % par an. Cet amendement coûterait 1,3 milliard d’euros, mais rapporterait près de 5 milliards.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. J’ai bu du petit-lait en écoutant l’argumentaire développé par Josiane Corneloup, selon lequel nous devons valoriser le travail et permettre le « travailler plus pour gagner plus ». Je le partage totalement.
Vous proposez une puissante mesure de soutien du pouvoir d’achat, qui irait cependant au-delà du dispositif de 2007 auquel vous avez fait référence. À l’époque, l’exonération de CSG et de CRDS n’était pas prévue. Son coût serait donc de 2 milliards d’euros.
Le rôle du rapporteur général est d’essayer de tenir une trajectoire raisonnable et responsable de nos finances sociales. Il ne me semble pas judicieux d’aller plus loin que le dispositif de 2007, d’autant qu’un point important n’est pas traité par votre amendement. Je vous inviterai donc à le retirer en faveur de l’amendement AS1768 que nous examinerons dans quelques instants.
L’amendement de Nathalie Colin-Oesterlé est intéressant, mais il ne porte pas que sur les heures supplémentaires, puisqu’il propose également d’augmenter de 35 à 36 heures la durée hebdomadaire du travail. Vous appelez sans doute de vos vœux cette réforme de structure. Dans un contexte où nous devons trouver une forme de consensus sur le budget, il me paraît toutefois délicat de l’adopter par un amendement au PLFSS.
Vous ouvrez malgré tout un débat et proposez une mesure qui fait partie des solutions pour soutenir l’activité économique, ce qui permettrait à terme d’augmenter les recettes de l’État. S’agissant de votre amendement, je m’en remets donc à la sagesse de la commission, tout en appelant son attention sur le fait que les amendements que nous avons votés hier – parfois de manière consensuelle – ont déjà un peu aggravé le déficit.
M. Yannick Monnet (GDR). Mon intervention me permettra également de défendre par anticipation les amendements AS913 et AS1560, qui se rattachent au même débat.
La question de l’exonération sur les heures supplémentaires est au cœur du clivage entre la droite et la gauche. Je suis farouchement opposé aux propositions qui ont été faites. Elles appauvrissent la force de travail, puisqu’elles ne permettent pas à la sécurité sociale d’être dotée des moyens d’en prendre soin. Contrairement à ce que vous prétendez, elles dévalorisent le travail et freinent les embauches.
Au contraire, je pense que les heures supplémentaires doivent être fiscalisées. Sinon, elles reviennent moins cher que des embauches et n’incitent pas les entreprises à recruter. En outre, ce qui valorise le travail, ce n’est pas le fait de travailler plus, mais de recevoir un salaire digne en échange de sa force de travail. Les dispositifs que vous souhaitez mettre en place sont un leurre. Vous donnez l’illusion aux salariés qu’ils sont mieux rémunérés, alors qu’ils ne font que travailler davantage. Ils vendent leur force de travail exactement dans les mêmes conditions que précédemment.
Votre discours sur l’assistanat, en opposition à la France qui travaille, est par ailleurs méprisant pour les personnes qui ne peuvent pas travailler.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Contrairement à mon collègue Monnet, je considère que l’exonération sur les heures supplémentaires permet d’améliorer le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent. Tout ça n’a rien à avoir avec l’assistanat.
Le seul problème concerne le financement. M. le rapporteur général a été très attentif aux compensations et j’espère en effet que les exonérations de CSG et de CRDS seront compensées par l’État dans le budget de la sécurité sociale.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ma prise de parole dans cette commission va vous sembler exotique, mais nous avons dépassé sept des neuf limites planétaires. La septième est l’acidification des océans, ce qui remet en cause toute leur chaîne alimentaire – à la fin de laquelle nous sommes... Nous savons que nous ne parviendrons pas à contenir l’augmentation des températures en dessous de 1,5 °C, conformément aux engagements pris dans l’accord de Paris. L’enjeu est désormais de ne pas dépasser 2 °C, sachant que chaque centième de degré constitue une menace supplémentaire pour notre société et notre capacité à vivre sur cette planète.
Or la corrélation est très claire entre le temps de travail et les émissions de carbone. Par conséquent, les réflexions de cette commission devraient porter sur la baisse du temps de travail et le partage du travail. Elle devrait envisager la limitation de notre modèle productiviste, plutôt que son accélération.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). J’ai presque des scrupules à intervenir dans ce cercle de parole patronal. Vous voulez supprimer la CSG et la CRDS sur les heures supplémentaires. Qui va payer ? Qui financera une telle mesure à part les autres assujettis à la CSG et à la CRDS ? Vous inventez la socialisation du salaire entre contribuables : une idée formidable !
Un dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires avait déjà été mis en place le 1er octobre 2007, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il a fait l’objet d’évaluations, qui ont montré que les 80 millions d’heures supplémentaires effectuées au-delà de la norme avaient détruit 30 000 emplois. Dans une période de chômage de masse, c’est vraiment une mesure judicieuse...
La défiscalisation des heures supplémentaires crée par ailleurs une asymétrie dans les carrières des salariés, puisque certains sont aux heures décomptées et d’autres au forfait jour. C’est une réelle difficulté pour les entreprises privées, monde que je vous invite à aller découvrir.
Enfin, si vous voulez revaloriser le travail – ce qui est une très bonne idée –, vous pouvez augmenter les salaires, que ce soit en relevant le Smic ou en passant par les conventions collectives et la révision des grilles de rémunération.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je comprends la logique de ces amendements, mais je ne la soutiens pas.
Tout d’abord, seules les personnes ayant la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires bénéficieraient d’un soutien de leur pouvoir d’achat. L’impact sur les finances publiques serait en outre important, alors que le système est déjà avantageux à la fois pour les employeurs et pour les salariés. Il ne paraît pas nécessaire d’aller au-delà de l’existant.
Dans son amendement, Mme Colin-Oesterlé propose de porter la durée hebdomadaire de travail à 36 heures. En France, nous ne travaillons pas assez ; je suis donc favorable à l’ouverture de ce débat, mais nous ne pouvons pas adopter une telle mesure par un amendement au PLFSS.
Mme Justine Gruet (DR). Au contraire, notre amendement facilite l’accès aux heures supplémentaires.
Monsieur Monnet, votre propos me permet de faire un parallèle avec les 35 heures, qui partaient du principe que la réduction du temps de travail allait entraîner des embauches. En réalité, les salariés ont dû faire le même travail en moins de temps et leur pouvoir d’achat a été considérablement fragilisé.
Le travail n’est pas un vilain mot pour nous. Au contraire, nous considérons qu’il est une source d’épanouissement. Alors que la France est l’un des pays où la fiscalité et les charges sociales pèsent le plus sur le travail, l’objectif de la Droite Républicaine est de permettre aux salariés de profiter pleinement du bénéfice lié aux heures supplémentaires.
Il est faux de dire qu’en luttant contre l’assistanat, nous fragilisons l’aide sociale et la solidarité. Ce ne sont pas du tout les valeurs que la droite défend. Elle a d’ailleurs été à l’origine de nombreuses avancées, notamment pour les personnes en situation de handicap.
Enfin, madame Rousseau, nous ne sommes pas surpris de votre intervention. Le Nouveau Front populaire défendait déjà le droit à la paresse. Vous êtes finalement tombée dans la fainéantise fiscale, plutôt que d’essayer de valoriser ceux qui travaillent et qui ont le goût de l’effort et du mérite.
Mme Anne Bergantz (Dem). Nous ne devons pas opposer les heures supplémentaires aux embauches et considérer qu’exonérer les premières conduit à empêcher les secondes. Une telle approche traduit une méconnaissance du fonctionnement des entreprises. Elles n’ont pas toujours de visibilité à long terme sur leurs carnets de commandes et les heures supplémentaires leur offrent une flexibilité dont elles disposent peu par ailleurs.
M. Michel Lauzzana (EPR). Sans soutenir ces amendements, nous devons relever les arguments erronés qui sont soutenus avec aplomb par la gauche. Les heures supplémentaires ne suppriment pas des emplois. En revanche, elles permettent aux entreprises de disposer d’une certaine souplesse pour s’adapter à un accroissement de leur activité ou à d’autres évènements. Elles sont donc très importantes.
Madame Rousseau, les émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais autant baissé que depuis l’élection du président Macron. Allons au bout de votre logique : votre objectif, au fond, c’est que personne ne travaille. Je vous laisse imaginer ce que serait la société si c’était le cas.
M. Monnet n’a pas forcément tort quand il dit que la sécurité sociale a besoin d’encaisser davantage de cotisations. Néanmoins, les prélèvements sociaux ne doivent pas devenir intenables pour les entreprises, car ce sont elles qui créent les emplois. La France connaît déjà une forte désindustrialisation. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur les emplois publics. Tout est une question d’équilibre.
M. Philippe Vigier (Dem). Les heures supplémentaires ne peuvent pas forcément être découpées en emplois. Si les 35 heures avaient été aussi vertueuses, elles n’auraient pas conduit au drame du secteur hospitalier. En 2001, elles n’y avaient toujours pas été appliquées, parce qu’elles y étaient inapplicables.
La mesure proposée par l’amendement de la Droite Républicaine est plus coûteuse que celle de 2007, en raison de l’exonération de CSG. Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous le permettre.
Je me félicite que Nathalie Colin-Oesterlé envisage de porter la durée hebdomadaire de travail à 36 heures. Il y a deux ans, nous avions proposé de l’augmenter de trente minutes par jour et nous avions été la risée de tout le monde. Il faudra cependant trouver une solution pour les personnes qui effectuaient déjà cette trente-sixième heure et qui perdraient du pouvoir d’achat si elle n’était plus considérée comme une heure supplémentaire. Un tel sujet ne peut pas être traité dans le cadre d’un amendement.
Un mot sur l’assistanat, enfin : certaines personnes ont besoin d’être aidées, mais d’autres se complaisent dans un système de précarité. Nous ne pouvons pas l’accepter, car cette situation est insupportable pour les finances publiques. Ce n’est toutefois pas le moment d’ouvrir ce débat.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Monsieur Lauzzana, je vous invite à lire la note de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans laquelle Éric Heyer montre que la défiscalisation des heures supplémentaires a eu pour effet de supprimer 30 000 emplois.
« La France qui travaille » : cet élément de langage m’irrite les oreilles. Certaines personnes ne sont pas en mesure de travailler. Cessez de diviser et de mépriser les Français, et retrouvons la bienveillance dans laquelle se déroulent habituellement les débats de notre commission.
M. Jean-François Rousset (EPR). Dans l’Aveyron, beaucoup d’entreprises très dynamiques sont passées à la semaine de quatre jours, ce qui limite les temps de trajet, facilite la garde des enfants, permet la prise de rendez-vous administratifs ou médicaux, etc. Les jeunes qui en bénéficient sont très satisfaits de pouvoir libérer une journée. En cas de surcroît d’activité, ils peuvent travailler le cinquième jour et être rémunérés en heures supplémentaires.
Cette liberté donnée à la fois aux entreprises et aux salariés est un moyen de favoriser le travail, en particulier dans les territoires difficilement accessibles. De même, bénéficier d’exonérations sur les heures supplémentaires est positif.
M. Arnaud Simion (SOC). Des études de l’OFCE, de la Cour des comptes ou de l’Institut national de la statistique et des études économiques ont démontré que la loi « Tepa » de 2007 n’avait pas créé d’emplois ou soutenu la croissance.
J’ai l’impression que Mme Gruet et ses collègues de la Droite Républicaine ont besoin de placer régulièrement le mot « assistanat » dans leurs interventions. Ils estiment que la société est trop centrée sur les droits, plutôt que sur les devoirs. Ils prétendent que certaines personnes profiteraient du système et que les aides sociales les désinciteraient à chercher du travail. Je les invite à consulter les travaux de la prix Nobel d’économie Esther Duflo à ce sujet. Il faudrait qu’ils se départissent de leurs visions simplistes, fausses, voire caricaturales.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques AS886 de M. Hendrik Davi et AS913 de M. Yannick Monnet ; amendements AS961 de M. Hendrik Davi et AS141 de M. Jérôme Guedj ; amendements identiques AS567 de Mme Ségolène Amiot et AS1560 de M. Yannick Monnet ; amendements AS571 de M. Hadrien Clouet, AS578 de Mme Élise Leboucher, AS1667 de M. Hendrik Davi, AS140 de M. Jérôme Guedj, AS1738 de M. Thibault Bazin et AS1141 de M. Laurent Wauquiez (discussion commune)
M. Hendrik Davi (EcoS). L’objectif de l’amendement AS886 est de supprimer les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Elles ont été présentées comme des mesures en faveur du pouvoir d’achat, mais elles affaiblissent surtout le financement de la sécurité sociale. En 2025, la perte pour la sécurité sociale est estimée à 1,7 milliard d’euros et elle n’est pas compensée par l’État.
Les exonérations favorisent les heures supplémentaires plutôt que l’embauche, ce qui freine la création d’emplois et aggrave le chômage structurel. Au total, 1,5 milliard d’heures supplémentaires sont travaillées en France, soit l’équivalent de 900 000 emplois selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Alors que près de 5,5 millions de personnes sont en recherche d’emploi, c’est une hérésie, surtout que les heures supplémentaires peuvent aggraver les conditions de travail des salariés et les conduire au burn‑out.
Je propose de mettre fin à ces dispositifs au 1er janvier 2026, afin de restaurer des ressources pérennes pour la sécurité sociale et encourager une politique de l’emploi fondée sur la création d’emploi, le partage du travail et la hausse des salaires.
L’amendement AS961 est un amendement de repli. Nous comprenons que les très petites entreprises ne puissent pas remplacer les heures supplémentaires par des recrutements. Elles pourraient les fiscaliser, mais leur chiffre d’affaires est parfois réduit. Par cet amendement, nous proposons donc qu’elles puissent conserver le bénéfice des exonérations de cotisations sociales. Théoriquement, tout le monde devrait pouvoir le voter.
M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement AS141 permettrait d’apporter des ressources supplémentaires à la sécurité sociale. Il n’affecterait pas le pouvoir d’achat des salariés, puisqu’il vise uniquement la part patronale des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires. Il se traduirait par la suppression des déductions forfaitaires applicables aux entreprises de moins de 20 ou de moins de 250 salariés.
Le dispositif actuel contrevient au partage du travail et, puisqu’il n’est pas compensé, entraîne une perte de recettes pour la sécurité sociale.
Le rendement de notre amendement serait de 900 millions d’euros.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS567. Nicolas Sarkozy a été battu en 2012, mais il est en quelque sorte revenu en 2019 par le biais de la politique de désocialisation des heures supplémentaires menée par Emmanuel Macron.
Cette politique est contre-productive, parce qu’elle a principalement bénéficié aux cadres. Elle n’a donc pas été redistributive. Il aurait été préférable d’augmenter les bas salaires et surtout de socialiser les heures supplémentaires pour que les cotisations ainsi perçues permettent de financer des services publics qui, grâce à une logique de gratuité, auraient profité aux plus modestes.
Cette politique est également coûteuse. Les exonérations n’ont pas été compensées et pèsent 2,2 milliards d’euros sur les caisses d’assurance vieillesse. Permettez-moi de voir un paradoxe dans l’attitude des chantres de l’allongement de la vie active et du report de l’âge de la retraite, qui nous expliquent par ailleurs qu’il faut siphonner les caisses d’assurance vieillesse, plutôt que d’avoir une politique volontariste d’augmentation des bas salaires et de révision des grilles des conventions collectives.
M. Yannick Monnet (GDR). Nous ne sommes pas opposés aux heures supplémentaires, mais le travail ainsi effectué crée une richesse pour l’entreprise. Pourquoi ces heures seraient-elles exonérées ? Elles n’ont pas moins de valeur que les autres heures. Par conséquent, elles doivent être soumises à des cotisations.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Par les amendements AS571 et AS578, nous proposons de supprimer les déductions forfaitaires de cotisations patronales sur les heures supplémentaires respectivement dans les entreprises de moins de 20 et de moins de 250 salariés.
En limitant les régimes d’exonération en tout genre, nous pourrions récupérer 18 milliards d’euros.
Même la Cour des comptes reconnaît que l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires est une impasse financière qui doit être corrigée. De plus, la désocialisation des heures supplémentaires ne crée pas d’emplois, au contraire, comme le démontrait un rapport parlementaire de 2011. Le bilan n’est pas meilleur du point de vue du pouvoir d’achat, parce que le dispositif a d’abord profité aux cadres.
Nous proposons donc la suppression d’un dispositif inutile pour l’emploi, contre‑productif pour le pouvoir d’achat et pénalisant pour les caisses de sécurité sociale.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement AS1667 est un amendement de repli. Nous acceptons les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires pour les très petites entreprises. Pour les entreprises de 20 à 250 salariés, il ne resterait que la part patronale, dont la suppression ne nous paraît pas justifiée.
M. Sacha Houlié (SOC). L’amendement de repli AS140 est cohérent avec celui que nous avions adopté dans le PLFSS l’année dernière sur les exonérations de cotisations pour les rémunérations supérieures à 3 Smic. Il vise, dans les mêmes conditions, à étendre la suppression de tous les allégements à la désocialisation des heures supplémentaires.
M. le rapporteur général. Le dispositif d’exonération sur les heures supplémentaires a été mis en place en 2007, puis supprimé en 2012. En 2018, la crise des « gilets jaunes » – que nous aurions tort d’oublier – a donné lieu à des demandes fortes de revalorisation du pouvoir d’achat. Peut-être vous rappelez-vous qu’à peine le budget adopté, nous avons voté de nouvelles mesures, dont l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et une déduction forfaitaire de cotisations patronales pour les entreprises de moins de 250 salariés – alors que toutes les entreprises en bénéficiaient en 2007.
Par mon amendement, je vous propose de rétablir cette déduction forfaitaire quelle que soit la taille de l’entreprise. Elle resterait de 1,50 euro par heure pour les entreprises de moins de 20 salariés et serait de 0,5 euro au-delà, y compris pour les entreprises de plus de 250 salariés. Cette mesure d’équité ne coûterait que 150 millions d’euros.
Mme Justine Gruet (DR). Les cadres effectuent peu d’heures supplémentaires, étant donné qu’ils sont souvent au forfait jour. L’objectif de l’amendement AS1141 est de rendre plus attractif le dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires en l’élargissant, à hauteur de 0,50 euro par heure, aux entreprises de plus de 250 salariés. Il s’appliquerait également lors du rachat de jours de réduction du temps de travail par les cadres.
M. le rapporteur général. Tous les amendements qui ont été proposés ne vont pas dans le même sens.
Les premiers, issus des bancs de la gauche, visent à supprimer, au moins partiellement, le dispositif d’exonération sur les heures supplémentaires. Je n’y suis pas favorable, mais l’une des justifications, celle de la non-compensation par l’État, me paraît légitime.
Nous avons évoqué hier les 75 milliards d’euros d’allégements généraux qui sont compensés par la TVA. En revanche, les exonérations sur les heures supplémentaires ne le sont pas. Elles représentent 2,3 ou 2,4 milliards, selon les sources. J’ai déposé des amendements après l’article 12 pour les compenser. J’en ai déposé en miroir au projet de loi de finances (PLF) – il faudra des amendements de coordination parce qu’ils se trouvent dans la mission Travail, emploi et administrations des ministères sociaux – pour que cette question soit définitivement réglée.
Hier, certains m’ont appelé à être plus politique et moins technique. Je dirai donc à ceux qui estiment que le travail est dévalorisé par les exonérations sur les heures supplémentaires que je ne partage pas leur point de vue. Une éventuelle fiscalisation des exonérations sur les heures supplémentaires relèverait par ailleurs du PLF. Pour le moment, nous traitons surtout de leur socialisation.
Nous avons le même débat depuis des années avec Sandrine Rousseau. Nous n’avons pas le même rapport au travail. Je ne suis pas convaincu que le travail soit un gâteau à partager et je ne crois pas non plus qu’il soit toujours synonyme de pollution. Les heures supplémentaires ne portent pas forcément préjudice à la planète. Le développement durable est une cause que nous devons tous soutenir. Nous devons, en revanche, nous garder de faire des raccourcis qui n’ont pas lieu d’être.
Les exonérations sur les heures supplémentaires sont une mesure destinée à soutenir le pouvoir d’achat. Elles n’ont pas créé ou supprimé des emplois, ce qui dépend surtout de la conjoncture économique, mais elles n’avaient pas été instaurées dans cette perspective.
Ce sont des moments de tension sociale qui ont conduit à rétablir partiellement le dispositif supprimé sous la présidence de François Hollande. L’exonération de cotisations salariales a été rétablie lors de la crise des « gilets jaunes » en 2018. Puis à l’été 2022, après les élections présidentielle et législatives et dans le contexte de crise de l’énergie, une loi de protection du pouvoir d’achat a rétabli la déduction forfaitaire de cotisations patronales pour les entreprises de moins de 250 salariés.
Certains voient une injustice dans ce dispositif. En effet, il y en a une, puisque l’ouvrier ou l’employé d’une entreprise de moins de 250 salariés n’est pas traité de la même manière que l’ouvrier ou l’employé d’une entreprise de plus de 250 salariés.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur tous les amendements en discussion commune sauf l’amendement AS1738, que je vous propose d’adopter car il permet, pour un coût très modéré, de rétablir un dispositif équitable.
Enfin, s’agissant des cadres, des études ont montré qu’ils étaient moins de 40 % à effectuer des heures supplémentaires – une partie d’entre eux étant au forfait jour –, contre 69 % des ouvriers et 50 % des employés. Ces deux dernières catégories sont donc celles qui profitent le plus du dispositif, contrairement à ce que certains ont affirmé. Je le constate d’ailleurs dans les entreprises de mon territoire.
M. Philippe Vigier (Dem). La compensation est un sujet central. Toutefois, alors que la question du pouvoir d’achat est sur toutes les lèvres, comment expliquerions-nous à ceux qui en bénéficient que nous avons supprimé les exonérations sur les heures supplémentaires ?
Contrairement à ce que prétendent mes collègues de la gauche, il ne suffit pas de diviser mécaniquement le nombre d’heures supplémentaires pour créer des emplois. Le travail ne se découpe pas en tranches. Dans l’enseignement par exemple, vous n’allez pas créer un poste à temps complet pour quelques heures d’anglais ou d’allemand à dispenser dans tel collège ou tel lycée. Les professeurs sont affectés dans plusieurs établissements. La situation est la même dans de nombreux secteurs d’activité, dans le privé ou le public.
Les exonérations sur les heures supplémentaires ont été instaurées pour soutenir le pouvoir d’achat. C’est une question cruciale, à laquelle nous devons apporter une réponse. Si nous ne le faisons pas, les « gilets jaunes » risquent de ressortir dans les rues.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Vous n’avez pas compris le lien entre le temps de travail et l’empreinte carbone. Le problème ne vient pas des émissions liées aux heures supplémentaires, mais du fait qu’avoir des horaires de travail importants induit un mode de vie plus carboné.
Vous aimez les bonnes formules en matière d’écologie, mais votre réflexion sur la paresse n’est pas à la hauteur. L’enjeu est de préserver les conditions dans lesquelles nous pouvons vivre. Dans dix ans, la vacuité de vos prises de parole vous sera reprochée.
Le marché du travail se divise entre les insiders, qui ont un contrat à durée indéterminée (CDI), qui font des heures supplémentaires et ont un déroulement de carrière, et les outsiders, qui cumulent les contrats à durée déterminée (CDD) et restent dans la précarité. Les amendements qui prônent la défiscalisation des heures supplémentaires ne doivent pas être adoptés, parce qu’ils creusent cette fracture sociale.
M. Sacha Houlié (SOC). Monsieur le rapporteur général, l’amendement que vous nous proposez contredit votre discours constant sur la nécessité de ne pas aggraver le déficit public. En outre, pourquoi étendre le bénéfice du dispositif de désocialisation des heures supplémentaires à des entreprises qui n’en ont pas besoin ? Quelle est la cohérence d’une telle mesure ?
Le groupe Socialistes et apparentés a fait deux propositions. La première ne pénalise pas les salariés, puisqu’elle prévoit de supprimer la désocialisation des cotisations patronales. Quant à la seconde, elle remet en cause la désocialisation pour les salaires supérieurs à 3 Smic, c’est-à-dire les salaires nets supérieurs à 4 500 euros. Je vous invite d’ailleurs à faire preuve de cohérence, puisque nous avons adopté cette mesure l’année dernière pour les allégements généraux et qu’elle a été pérennisée par le Gouvernement. Pourquoi ne serait-elle pas étendue aux heures supplémentaires ? Vous devriez soutenir le vote de l’amendement AS140.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous entendons toujours la même petite musique, qui consiste à justifier les exonérations sur les heures supplémentaires par le soutien au pouvoir d’achat. Or baisser le coût du travail revient à voler du salaire socialisé. Ce que vous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre.
Le problème n’est pas le coût du travail, mais la rémunération du capital. Alors que nous assistons à une explosion des dividendes, vous souhaitez aggraver le déficit de la sécurité sociale en la privant des recettes qui devraient lui revenir. Si votre objectif est réellement d’augmenter le pouvoir d’achat, augmentez les salaires directs et indirects !
Nous luttons contre les heures supplémentaires, afin de permettre à davantage de personnes d’accéder à l’emploi. Nous sommes par ailleurs favorables à la réduction du temps de travail, pour des raisons à la fois sociales et écologiques. Avoir du temps libre permet en effet d’organiser autrement la vie en société.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Quand j’écoute le débat que nous avons ce matin autour des heures supplémentaires, je me dis que certains ont décidé de remplacer la macroéconomie par la « macronéconomie ». Ils contestent que des emplois soient détruits par la défiscalisation ou la désocialisation des heures supplémentaires, ce qui est pourtant établi par les travaux de l’OFCE. En 2011, la perte de 30 000 emplois s’était accompagnée d’un creusement du déficit public de 6,8 milliards d’euros. Éric Heyer estime que dans la fourchette haute, jusqu’à 92 000 emplois auraient pu être supprimés en une année.
Vous proposez une compensation par la TVA, mais celle-ci n’a pas un rendement infini. Nous pouvons en outre nous interroger sur la pertinence d’un dispositif consistant à faire supporter l’ensemble de la solidarité nationale par une taxe sur la consommation. De tels mécanismes mettent en danger le principe de la sécurité sociale.
Certains ne cessent de parler d’assistanat. Avec de tels propos, ils remettent en cause la sécurité sociale à laquelle nous sommes attachés. Ce qu’ils considèrent comme de l’assistanat est pour nous de la solidarité.
M. Thomas Ménagé (RN). Le groupe Rassemblement National s’opposera à tous les amendements déposés par la gauche et l’extrême gauche. Ils ne visent en effet qu’à diminuer le pouvoir d’achat des Français.
À la fin du mois, ce sont les Français qui ont le courage de faire des heures supplémentaires – ou qui y sont contraints pour faire face aux dépenses liées à l’arrivée d’un enfant par exemple – qui seront pénalisés par la suppression des exonérations de cotisations salariales et l’augmentation du coût du travail. Ils n’auront plus la possibilité d’accroître leur pouvoir d’achat.
Les amendements qui sont proposés ne feront qu’appauvrir le pays. Ils sont toutefois cohérents avec le discours de Mme Rousseau. Augmenter le pouvoir d’achat permet de consommer davantage, ce qui pèse sur l’empreinte carbone. Vous prônez un monde de décroissance, dans lequel les Français finiront par ne plus pouvoir se chauffer, se nourrir ou avoir des loisirs. Vos objectifs de protection de l’environnement seront atteints, mais nos concitoyens crèveront la dalle ! Ce n’est pas du tout notre vision de l’avenir. Au contraire, nous souhaitons valoriser le travail et aider ceux qui veulent s’en sortir.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les salariés font des heures supplémentaires pour augmenter leurs revenus, notamment dans certains métiers difficiles comme la restauration ou les travaux publics.
Comme nous l’avons déjà constaté lors de la mise en place des 35 heures, les heures supplémentaires ne peuvent pas forcément donner lieu à des créations d’emploi. Elles offrent de la souplesse aux employeurs lorsqu’ils doivent faire face à un surcroît d’activité par exemple. Ils ne peuvent pas embaucher si le besoin n’est pas pérenne ou s’ils n’ont pas suffisamment de visibilité.
Les heures supplémentaires profitent aux deux parties et nous n’avons pas intérêt à durcir le cadre dans lequel il est possible d’y recourir.
M. Yannick Monnet (GDR). Le Rassemblement national est opposé aux cotisations sociales et propose d’augmenter les salaires en réduisant l’écart entre le brut et le net. Il faudrait toutefois expliquer aux Français qu’ils ne seront pas forcément gagnants. Quel sera leur pouvoir d’achat quand il n’y aura plus de sécurité sociale et qu’ils devront payer toutes leurs dépenses de santé ?
M. Éric Michoux (UDR). Comment la gauche pourrait-elle parler du travail et des travailleurs, alors qu’elle n’aime pas le travail et que la plupart de ses représentants n’ont jamais travaillé ?
La grande majorité des travailleurs aiment leur entreprise mais veulent un meilleur salaire. Les heures supplémentaires sont une manière simple d’atteindre cet objectif. Apprenez le travail, aimez-le, et alors vous pourrez en parler !
M. le président Frédéric Valletoux. Évitons les affirmations gratuites et essayons d’avoir des propos constructifs.
M. le rapporteur général. Je ne répondrai pas aux attaques injustes, notamment celles de M. Houlié. Chacun est libre d’apprécier la cohérence des uns ou des autres.
Monsieur Cadalen, vous avez en partie raison, mais vous oubliez qu’une mesure de soutien du pouvoir d’achat a des effets sur la croissance. Les bénéficiaires des heures supplémentaires consomment davantage.
S’agissant du respect de l’équilibre financier, je pourrais être démagogique et soutenir des mesures à 2 ou 3 milliards d’euros, mais je privilégie des dispositifs plus modestes. Hier, nous avons indiqué que le budget pourrait intégrer une mesure de soutien du pouvoir d’achat pour un montant d’environ 1 milliard. Contrairement à d’autres propositions qui ne correspondent pas à cette trajectoire, mon amendement ne coûterait que 150 millions d’euros.
Par ailleurs, j’ai déposé des amendements pour résoudre le problème de la non‑compensation, qui est un sujet d’attention légitime.
Il ne faut pas mélanger les objectifs poursuivis par les différents dispositifs. Les allégements généraux visaient à augmenter la compétitivité et l’emploi, tandis que les exonérations sur les heures supplémentaires visent à soutenir le pouvoir d’achat.
Nous ne savons pas l’évaluer précisément, mais l’augmentation du nombre d’heures travaillées accroît la richesse produite, ce qui entraîne des gains fiscaux supplémentaires. En outre, en diminuant le coût du travail, les employeurs peuvent potentiellement mieux le valoriser.
Je vous invite à adopter l’amendement AS1738, qui permet de soutenir le pouvoir d’achat tout en restant dans la trajectoire budgétaire qui a été fixée, puisque son coût est de seulement 150 millions d’euros.
La commission rejette successivement les amendements.
La réunion est suspendue de neuf heures cinquante-cinq à dix heures trente.
Amendements AS622 de M. Hadrien Clouet et AS884 de M. Hendrik Davi (discussion commune)
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Par l’amendement AS622, nous proposons d’augmenter les recettes de la sécurité sociale en soumettant les dividendes, l’intéressement, la participation et les plus-values de levée-vente d’actions aux cotisations sociales.
Un amendement comparable avait été adopté par l’Assemblée nationale l’an dernier, puis balayé d’un revers de la main par le gouvernement Barnier, qui avait ainsi fait une croix sur plus de 12 milliards d’euros de recettes nettes pour la sécurité sociale.
En 2025, les actionnaires du CAC40 ont perçu 98,2 milliards d’euros, après avoir déjà frôlé les 100 milliards l’année précédente. La soumission des revenus du capital au taux global des cotisations sociales patronales de 29 % – en remplacement de la flat tax – générerait un gain net de 10 milliards d’euros de cotisations sociales. Quant au dispositif de partage de la valeur, le coût des exonérations des cotisations sociales est estimé à 2,2 milliards d’euros.
Plutôt que prendre aux apprentis, aux malades ou aux retraités, voici une recette pour combler votre sacro-saint trou de la sécu : soumettre les revenus du capital aux cotisations sociales.
M. Hendrik Davi (EcoS). Mon amendement vise à inclure l’intéressement, la participation et les plans d’épargne entreprise dans l’assiette des cotisations sociales. Ces dispositifs y échappent en grande partie, ce qui fragilise le financement de la sécurité sociale, d’autant plus que ces exemptions ne sont pas compensées.
Pour les salariés, l’absence de cotisations entraîne une perte de droits sociaux, puisque ces revenus ne génèrent aucune protection sociale.
En outre, selon le Conseil d’analyse économique, la participation et l’intéressement profitent surtout aux salariés des grandes entreprises et particulièrement aux 10 ou 20 % qui sont les mieux rémunérés. Par conséquent, le partage de la valeur reste très inégal. Les salariés les moins payés, souvent décrits comme les moins qualifiés, et les petites entreprises sont largement exclus de ces dispositifs.
En définitive, ce sont les plus pauvres qui payent sous forme de franchises médicales, de hausse des complémentaires santé ou d’augmentation de la CSG ce que les salariés les plus favorisés gagnent avec des compléments de rémunération exemptés de cotisations sociales. Notre amendement propose de les réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales, ce qui rapporterait la bagatelle de 3,7 milliards d’euros.
M. le rapporteur général. Les deux amendements sont quasiment identiques. La seule différence est que le second précise une date d’entrée en vigueur.
Vous mentionnez les actionnaires, mais ces amendements ne toucheront que les dividendes versés à des salariés et à des dirigeants d’entreprise assimilés au statut de salarié. Les actionnaires et les dirigeants qui ne sont pas salariés ne seront pas concernés. Or je souhaite protéger les salariés.
Avis défavorable.
Mme Prisca Thevenot (EPR). Quand la gauche ne propose pas la création d’une nouvelle taxe, elle propose d’augmenter des cotisations ou d’y assujettir de nouveaux dispositifs.
Ces amendements sont purement symboliques. Ils feront bien dans une capsule Twitter, mais n’apportent aucune réponse en matière de partage de la valeur et de défense du pouvoir d’achat des travailleurs.
Soumettre les dividendes aux cotisations sociales pourrait s’envisager, à condition que la mesure s’applique aux dirigeants qui considèrent les dividendes comme un substitut du salaire. En revanche, y soumettre l’intéressement et la participation irait à l’encontre d’un objectif que je pensais être de gauche, à savoir encourager le partage de la valeur au sein de l’entreprise et en faire bénéficier les salariés.
Nous assistons encore à un exercice de communication qui n’apporte rien de concret aux Français. Nous serons donc défavorables à ces amendements.
M. Philippe Vigier (Dem). La participation et l’intéressement sont des moyens d’augmenter la rémunération. Ce sont des avancées indispensables, très attendues par les salariés. Il ne faut pas opposer la feuille de paye et ces compléments de rémunération qui permettent de récompenser les efforts faits et l’atteinte des objectifs. Nous assumons notre désaccord à ce sujet et voterons contre vos amendements.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous pourrions obtenir 3,7 milliards d’euros de recettes supplémentaires, ce qui n’est pas un détail. Certes, ces dispositifs sont des compléments de salaire, mais ils profitent surtout aux 10 ou 20 % de salariés qui sont déjà les mieux rémunérés et, pour financer les exemptions de cotisations, vous augmentez les franchises médicales ou le taux de la CSG. Vous prenez aux pauvres pour donner aux riches.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Le salaire est le mécanisme de partage de la valeur le plus efficace. Il ne faut pas oublier cette réalité fondamentale, comme il ne faut pas oublier que le salaire ne se limite pas à ce que les salariés perçoivent en fin de mois. Il est également constitué des cotisations, qui leur permettent de toucher une retraite, de bénéficier du chômage ou de se soigner. Dans l’organisation issue de la sécurité sociale, tous ces éléments participent au mécanisme du partage effectif de la valeur.
Bricoler d’autres dispositifs, comme la participation, sert avant tout à diviser le salariat. Nous comprenons ce que vous voulez faire en adoptant une telle logique. Vous vous dites que tous les salariés n’auront pas les mêmes intérêts.
Nous sommes favorables à la taxation du capital et nous considérons que les recettes de la sécurité sociale doivent être abondées, notamment par les dividendes.
La priorité pour les salariés est l’augmentation des salaires. C’est ce qu’ils demandent. Il est inutile de se compliquer la vie !
M. Jean-François Rousset (EPR). Vous pouvez tout dire, mais pas des contrevérités. Les plus fragiles – environ 25 % des Français, soit 18 millions de personnes – ne seront pas concernés par l’augmentation des franchises médicales.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS142 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Je précise à notre collègue Prisca Thevenot qu’il ne s’agit pas de faire une capsule pour les réseaux sociaux, mais de trouver des mesures de justice. Je note d’ailleurs qu’elle comprendrait que les compléments de rémunération des dirigeants puissent contribuer normalement au fonctionnement de la sécurité sociale.
Nous évoquions hier les distributions gratuites d’actions dont bénéficient les très hauts dirigeants, qui ne cotisent pas à la hauteur de ce qu’ils devraient. De même, certains revenus du capital ne sont pas soumis aux cotisations au niveau classique, parmi lesquels les dividendes, l’intéressement, la participation ou les sommes versées au titre des plans d’épargne d’entreprise et des plans d’épargne retraite collectifs. Nous proposons qu’ils le soient pour les salariés dont les revenus sont supérieurs à 3 Smic. Cette mesure permettrait de ne pas pénaliser la très grande majorité d’entre eux.
Un rapport de la Cour des comptes de novembre 2024, qui portait uniquement sur les plans d’épargne retraite collectifs, soulignait le caractère inefficace des exemptions actuelles. En réintégrant dans l’assiette des cotisations sociales les 900 millions d’euros qui ne sont pas taxés aujourd’hui, le rendement serait de 100 millions, seulement pour les plans de retraite.
M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, vous voulez cibler les dirigeants, mais votre amendement ne s’applique qu’aux dividendes versés aux salariés du régime général et du régime agricole. Or les dirigeants n’ont pas tous un statut de salarié. Paradoxalement, la mesure que vous préconisez augmenterait les prélèvements pour l’actionnariat salarié, sans le modifier pour l’actionnariat non salarié.
Les dividendes sont déjà soumis aux prélèvements sociaux, dont la CSG, la CRDS et le prélèvement de solidarité à hauteur de 17,2 %. En revanche – et c’est cohérent –, ils ne sont pas assujettis aux cotisations qui créent des droits, notamment pour la retraite.
Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous sommes toujours dans l’opposition entre le travail et le capital. Comment finançons-nous la sécurité sociale ? Devons-nous continuer d’exonérer de cotisations certains revenus ?
Cet amendement est, selon moi, un amendement de rempli que nous devons absolument adopter. Les dividendes, l’intéressement, la participation et les sommes versées dans des plans d’épargne entreprise et des plans d’épargne retraite collectifs seraient au moins assujettis aux cotisations sociales pour les personnes dont les revenus sont supérieurs à 3 Smic.
Les plus modestes ne doivent pas payer les compléments de rémunération de ceux qui sont déjà les plus aisés, par l’intermédiaire des franchises médicales, de la taxe sur les mutuelles ou de tous ces dispositifs qui permettent de compenser les exonérations et les cadeaux faits aux plus hauts revenus.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je comprends l’argument du rapporteur général selon lequel certains revenus ne sont pas soumis aux cotisations sociales parce qu’elles ne s’accompagnent pas d’une ouverture de droits. Un forfait social est-il néanmoins appliqué aux dividendes, à l’intéressement, etc. ? Au-delà de 3 Smic, je trouverais légitime qu’une contribution au financement de la sécurité sociale soit prévue, même sans contrepartie – ouvrir des droits à ce niveau serait en effet très coûteux. Nous devons en tout cas trouver un équilibre et probablement homogénéiser les dispositifs, en supprimant des exceptions qui me paraissent trop nombreuses.
M. le rapporteur général. Je vous invite à consulter le projet de rapport que nous vous avons envoyé et qui détaille les différents articles. Vous y trouverez un tableau, page 87, qui récapitule les prélèvements applicables selon le type de dispositif. Un forfait social existe pour l’intéressement et la participation, mais il dépend de la taille de l’entreprise. Le traitement des dividendes est différent.
M. Jérôme Guedj (SOC). Les dividendes sont intégrés dans notre amendement mais celui-ci ne concerne pas que les dirigeants. D’autres mesures portent sur la participation, l’intéressement ou les versements des entreprises aux plans d’épargne retraite collectifs et aux plans d’épargne entreprise, qui ne sont pas assujettis aux cotisations de droit commun.
Nous voulons sortir du forfait social, qui est une sorte de cotisation dégradée, et aligner sur le droit commun tout ce que nous considérons comme des compléments de salaire. Nous n’appliquerions toutefois cette disposition qu’aux salariés dont les revenus sont supérieurs à 3 Smic.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS630 de Mme Élise Leboucher ; amendements identiques AS633 de M. Damien Maudet et AS924 de Mme Karine Lebon (discussion commune)
M. Louis Boyard (LFI-NFP). La croissance économique est en baisse depuis la crise du covid et devrait s’établir à 0,7 % cette année ; 10 millions de personnes – souvent des enfants – sont sous le seuil de pauvreté ; la sécurité sociale est structurellement en déficit. Voilà le bilan des politiques macronistes ; c’est votre bilan. Votre politique en faveur du pouvoir d’achat, fondée sur l’intéressement et la participation, n’a pas permis de réduire la pauvreté, au contraire. Elle n’a pas non plus permis de sortir la sécurité sociale de la situation dans laquelle elle se trouve.
Les mesures que vous avez prises ont ralenti la consommation, ce qui a conduit à l’augmentation de la pauvreté, ainsi qu’au ralentissement de l’économie et de la création d’emplois. Si nous voulons soumettre l’intéressement et la participation à cotisations, c’est non seulement pour aider la sécurité sociale mais aussi pour que nos concitoyens n’aient pas à subir l’augmentation du prix des médicaments ou encore le gel des aides personnelles au logement (APL). Vous pouvez ne pas être d’accord avec notre logique économique, mais faites‑nous au moins d’autres propositions pour sortir la sécu de la situation où elle se trouve et notre pays de la vague de pauvreté qu’il traverse.
M. Yannick Monnet (GDR). Outre l’amendement AS924, je défends aussi par anticipation l’amendement AS901. Ils visent tous deux, en effet, à élargir l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Réduire l’assiette avec des exonérations, c’est ne plus vouloir couvrir les différents risques – vieillesse, autonomie, accidents du travail. C’est un leurre, car ce n’est pas le salaire qui répartit la valeur ajoutée dans l’entreprise : ce sont les cotisations patronales qui en captent une partie au profit de la solidarité entre salariés. Il est donc essentiel d’élargir l’assiette pour trouver de nouvelles ressources. Le monde du travail a besoin d’être protégé des risques pour mieux produire.
M. le rapporteur général. Il ne vous aura pas échappé, monsieur Boyard, que le Gouvernement n’est pas représenté aujourd’hui ; nous ne sommes pas tous comptables du bilan que vous avez dressé.
Les compléments de salaire que vous voulez assujettir à cotisations sociales sont déjà soumis à plusieurs prélèvements – CSG, CRDS, forfait social. J’insiste : l’exclusion de l’assiette des cotisations sociales n’est pas synonyme d’une absence de prélèvements sociaux. Il ne me semble pas opportun de désinciter les entreprises à recourir aux instruments de partage de la valeur que sont notamment la participation et l’intéressement, auxquels les employés sont attachés.
Quant aux attributions gratuites d’actions, elles sont soumises à une contribution patronale spécifique que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a portée de 20 % à 30 %. Leurs bénéficiaires sont soumis à des prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %, auxquels il convient d’ajouter un impôt sur le revenu avec abattement. Au-delà de 300 000 euros, ils acquittent, en plus de la CSG, une contribution spécifique de 10 % et sont redevables de l’impôt sur le revenu sans abattement.
Tous ces prélèvements apportent des recettes sociales à notre système. J’émets un avis défavorable aux trois amendements.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le mandat d’Emmanuel Macron a commencé avec une baisse de 5 euros des APL et une suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune. Aujourd’hui, vous refaites la même chose : alors que l’instauration de cotisations sur les titres-restaurant, supprimée en commission, pourrait revenir en séance, vous refusez de soumettre à cotisations la distribution gratuite d’actions. À force de taper toujours sur les mêmes, vous envoyez un message très clair : aux forts la force, aux faibles la précarité.
M. Nicolas Turquois (Dem). Au risque de surprendre mes collègues de gauche, je suis favorable, par principe, à ce que tout élément de salaire soit soumis à cotisations pour financer le système de sécurité sociale. Mais les parts d’actifs et d’inactifs ne sont plus du tout les mêmes qu’en 1945 ! L’effort à demander aux actifs pour financer l’ensemble de nos besoins est trop important mais si on le réduit, on ne peut plus tout financer. Il faut donc réfléchir à d’autres moyens de financement, au-delà des cotisations sur le travail. Une hausse de la TVA sur les importations pourrait améliorer notre compétitivité et nous permettrait de financer notre système de protection sociale.
Vous avez raison de vouloir mieux protéger nos compatriotes mais il est injuste de prendre une part trop importante sur le salaire de ceux qui travaillent.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). C’est la raison pour laquelle notre programme prévoit une augmentation des salaires ! Au cours des vingt dernières années, la part du capital dans le partage de la valeur a gagné plus de 12 points, me semble-t-il. Il faut donc augmenter les salaires pour faire entrer les cotisations. On vous propose de combler les trous en taxant le capital, mais vous vous y opposez ; on vous le propose en soumettant la participation à cotisations, vous vous y opposez aussi. Le millefeuille d’exonérations assèche la sécurité sociale, et vous dites ensuite qu’il faut réduire les droits des salariés. Je ne suis pas d’accord ! Je veux une sécurité sociale bien tenue, ce qui se passe par des cotisations qui le soient aussi.
M. Philippe Vigier (Dem). Vous imaginez que vous allez décider la politique de rémunération des entreprises privées, mais ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Vous essayez de nous faire croire que les dividendes, la participation et l’intéressement ne seraient pas soumis à cotisations sociales ; c’est faux, comme l’a démontré le rapporteur général. Pourquoi ne déposez-vous pas des amendements sur la flat tax, comme je l’ai fait ? Une augmentation d’un point rapporte 1,8 milliard d’euros ! Votre mensonge éhonté ne passe pas.
M. Jérôme Guedj (SOC). Dans son excellent projet de rapport, le rapporteur général répertorie dans un tableau, à la page 84, l’ensemble des exemptions d’assiettes – c’est‑à‑dire non pas une absence de cotisation, mais simplement un écart de taux par rapport au taux normal. Il est aussi indiqué : « Le dynamisme des assiettes exemptées suggère qu’elles se substituent en partie au salaire de base. Cela peut signifier que le recours à ces dispositifs de partage de la valeur a été préféré à des augmentations de salaire pérennes, entraînant un effet de substitution. » Le montant de l’assiette exemptée atteint 73,7 milliards d’euros, et le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) pour 2024 a chiffré le manque à gagner pour la sécurité sociale à 14,6 milliards d’euros. Je ne vous propose pas de récupérer la totalité de ce montant, mais 2 à 4 milliards.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS636 de Mme Ségolène Amiot
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il est contradictoire d’encourager la participation et l’intéressement sous prétexte qu’ils ne sont pas soumis à cotisations sociales, avant d’affirmer – pour refuser d’admettre qu’ils vident les comptes de la sécurité sociale – qu’ils le sont ! La question n’est pas de cotiser un tout petit peu pour se donner bonne conscience mais de trouver des solutions pour que la sécurité sociale soit structurellement autosuffisante.
Une fois que les comptes de la sécurité sociale auront été vidés à cause de la participation et de l’intéressement, une série de protections sociales vont être supprimées. Faites votre bilan !
M. le rapporteur général. Votre amendement va à l’encontre de l’intérêt des salariés. Vous proposez de soumettre à cotisations les sommes issues de la participation aux résultats de l’entreprise. Mais ce dispositif est déjà soumis à la CSG, à la CRDS et au forfait social à un taux de 20 % dans les entreprises de plus de cinquante salariés – dans lesquelles il est obligatoire. Vous voulez donc faire peser sur ces versements à la fois des cotisations sociales et le forfait social, alors que celui-ci vise justement à compenser les exemptions d’assiette de cotisations ! Ce n’est pas pertinent.
Avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Quand viendra le moment de parler des cotisations sur les revenus des apprentis, de l’arrêt de la prise en charge d’un certain nombre d’affections de longue durée ou du déremboursement de médicaments, vous nous direz – ou bien d’autres, qui suivent votre avis défavorable, le feront à votre place – que nous n’avons pas le choix ! Or nous sommes au cœur du débat : si nous trouvons des solutions pour rétablir les comptes de la sécurité sociale sans faire reculer les droits des assurés sociaux, nous aurons rempli notre mandat !
La participation a surtout été utilisée pour éviter les augmentations de salaires, ce qui a structurellement vidé les comptes de la sécurité sociale et fait augmenter la pauvreté : les gens ont besoin d’augmentations de salaires stables.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS901 de Mme Karine Lebon.
Amendements AS47 de Mme Sylvie Bonnet et AS505 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
Mme Sylvie Bonnet (DR). Cet amendement vise à exclure de l’assiette des cotisations sociales les véhicules mis à la disposition permanente des intervenants à domicile par leur employeur dans le but qu’ils effectuent leurs tournées à domicile. Cette mesure permettrait d’accroître l’attractivité de ces métiers du domicile, qui sont en tension, en particulier dans le département de la Loire.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’amendement AS505 est défendu.
M. le rapporteur général. Un décret publié le 15 août dernier, en application de la loi « bien‑vieillir » du 8 avril 2024, a instauré un fonds pérenne pour soutenir la mobilité des professionnels de l’aide à domicile, doté de 75 millions d’euros dès l’année 2025. Une aide est versée à chaque département pour financer des actions d’aide à l’achat ou à la location d’un véhicule. Je vous propose d’attendre que nous ayons pu constater les premiers effets de cette aide avant de mettre en place une nouvelle exonération ciblée.
Je voudrais aussi rappeler que lorsqu’on exclut un élément de rémunération de l’assiette des cotisations sociales, il cesse d’être intégré au salaire brut sur lequel sont calculés les droits contributifs des assurés sociaux – leur retraite notamment. C’est pourquoi il faut être prudent.
Je vous propose de retirer ces amendements. À défaut, j’émets un avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). J’entends les efforts qui ont été faits dans le cadre de la loi « bien‑vieillir » mais nous ne parlons pas de la même chose. Ce que nous proposons, c’est que l’usage des véhicules par les salariés ne soit plus soumis à cotisation. Le dispositif qui vient d’être créé n’allégera pas la charge sociale et fiscale des travailleurs à domicile, alors que c’est une de leurs revendications.
L’amendement AS47 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS505.
Amendement AS152 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement de repli se concentre sur les exonérations de cotisations sur l’intéressement, la participation et l’abondement versé dans le cadre des plans d’épargne salariale.
Encore une fois, je vous renvoie au rapport du rapporteur général, qui s’appuie lui‑même sur l’évaluation de ces mesures dans le Placss 2 024. La Cour des comptes estime que « [l]es compléments de salaires se sont, en partie, substitués aux salaires de base, ce qui a entraîné de moindres recettes pour la sécurité sociale et une augmentation de son déficit ». Si nous ne dégageons pas quelques centaines de millions d’euros sur chacune de ces niches sociales, comment compenserons-nous les mesures que nous avons supprimées hier et celles que nous supprimerons dans les jours à venir ?
M. le rapporteur général. Je reste défavorable à cet alourdissement de cotisations sur des compléments de salaire déjà soumis à prélèvements. Je ne veux pas désinciter les entreprises de recourir aux instruments de partage de la valeur.
Avis défavorable.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je ne comprends pas votre position. L’amendement propose de supprimer les exonérations sur l’intéressement versé en complément de salaires supérieurs à 3 Smic ! Si nous ne nous y attaquons pas, à quoi servons-nous ?
M. Jérôme Guedj (SOC). Le montant moyen d’une prime de participation s’établit à 1 600 euros. Nous pourrions reprendre la proposition que la Cour des comptes avait faite dans le rapport 2 024 sur l’application des lois des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss), visant à fixer le plafond au même niveau que celui de la prime de partage de la valeur, c’est‑à‑dire à 6 000 euros : 80 % à 90 % des salariés seraient exonérés.
M. François Gernigon (HOR). J’ai du mal à entendre que l’intéressement puisse se substituer à de la rémunération. La loi précise bien que ce ne doit pas être le cas, et l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) le vérifie.
M. le rapporteur général. J’indique effectivement dans mon rapport, monsieur Guedj, que le dynamisme des assiettes exemptées suggère une substitution. Le mot « suggère » n’a pas la même force que le mot « atteste ». Quant à la Cour des comptes, vous vous opposez parfois vous-mêmes à certaines de ses préconisations, par exemple au sujet du système de retraites. Gardons à l’esprit que les compléments de salaire sont déjà soumis à contribution, que le salarié perçoive plus ou moins de 3 Smic. Et n’oublions pas la fiscalité sur les revenus !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS548 de Mme Ségolène Amiot
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Cet amendement vise à créer une contribution pour inaptitude à laquelle seraient soumises les entreprises dans lesquelles un grand nombre de salariés sont déclarés inaptes. En 2023, 140 000 l’ont été, soit une augmentation de 3 %. Nous souhaitons faire peser sur l’entreprise elle-même le poids de la dégradation des conditions de travail, qui provoque ces inaptitudes.
Les troubles musculo-squelettiques affectent particulièrement les salariés du secteur agroalimentaire. Il faut que les groupes concernés payent pour n’avoir pas amélioré les conditions de travail au cours des dernières décennies. La plupart des salariés travaillant dans les abattoirs de Bretagne portent des ceintures lombaires dès la trentaine ! À 50 ans, ce sont leurs épaules qui sont affectées et ils se retrouvent inaptes. Une ouvrière à qui je demandais pourquoi elle n’était pas partie pour cause d’inaptitude m’a répondu « Parce que j’ai pris ma carte à la CGT. Ça me fait moins mal quand je les embête en conseil d’administration ! » Pour moi, c’est une définition du courage !
M. le rapporteur général. Je ne pense pas que les prélèvements constituent l’outil le plus adapté pour atteindre des objectifs – dont je reconnais qu’ils sont louables – en matière de protection des travailleurs au sein des entreprises. Il existe un droit du travail, qui doit être appliqué. Je vous invite à le faire évoluer, ou bien à agir sur les taux de cotisation d’accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), qui tiennent déjà compte de la sinistralité. Je vous invite à retirer votre amendement, qui est satisfait.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ne partageant pas l’avis du rapporteur, nous voterons pour cet amendement. Un jour, j’ai remarqué que la femme de ménage qui nettoie le couloir dans lequel se trouve mon bureau avait changé de coiffure ; elle m’a expliqué qu’elle n’arrivait plus à lever les bras pour attacher ses cheveux. Il est essentiel que les entreprises dont le taux d’inaptitude est plus important que les autres soient sanctionnées pour cela ! Je remercie le groupe LFI pour cet amendement sensé et humaniste.
M. Jean-François Rousset (EPR). Allez visiter des abattoirs qui fonctionnent bien et vous changerez d’avis : j’en connais un, dans l’Aveyron, qui est parfaitement aux normes et qui est parvenu à fidéliser son personnel grâce à la robotisation des manœuvres difficiles.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous nous invitez, monsieur le rapporteur général, à modifier le droit du travail ; c’est ce que nous faisons avec cet amendement. Surtout, nous allons renforcer l’article L. 4121‑1 du code du travail, qui oblige les employeurs à prévenir les risques et à protéger les salariés des maladies professionnelles et des accidents.
Vous dites qu’une incitation financière n’atteindrait pas son but. Mais comment inciter autrement ? Dans notre société, ce qu’entendent les capitalistes, c’est l’argent qui entre ou pas dans leur poche. Peut-être entendront-ils ainsi qu’il faut protéger la santé de leurs salariés ?
M. Michel Lauzzana (EPR). On voit bien là la fureur de la gauche, qui veut toujours taxer ou punir. Certaines entreprises sont par nature génératrices de problèmes physiques, malheureusement Or je ne crois pas que ce soit en taxant qu’on les résoudra. Il faut mener des actions de prévention mais aussi faire en sorte que les salariés les plus âgés puissent être redéployés sur des emplois moins durs ou partir à la retraite plus tôt.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Si nous faisons montre parfois d’une certaine forme de fureur ou de colère, c’est parce que nous rencontrons des salariés brisés. Or la prévention des risques professionnels est le parent pauvre des politiques de santé ! Tant qu’on ne mobilisera pas les moyens de contrôle nécessaires, notamment à l’inspection du travail, des personnes ayant travaillé toute leur vie seront victimes de leur travail. J’entends beaucoup parler de la valeur travail : respecter le travail devrait commencer par respecter le corps des travailleurs.
M. le rapporteur général. Ce n’est pas le code du travail que modifierait votre amendement, madame Amiot, mais le code de la sécurité sociale. Cela ne me semble pas le bon outil. Mieux vaut faire varier les cotisations AT-MP.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS151 de M. Jérôme Guedj et AS542 de M. Damien Maudet
M. Jérôme Guedj (SOC). Ces amendements visent à moduler le taux de cotisation à la branche AT-MP en fonction de la survenance de pratiques pathogènes – je pense aux horaires atypiques ou au travail de nuit. Cette proposition de modulation prolonge celle que nous avions faite en fonction de la sinistralité constatée. En l’espèce, nous ne cherchons pas à nous attaquer aux conséquences ou aux symptômes que sont les accidents de travail, mais à agir en faveur de la prévention des causes identifiées dans les entreprises.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ces amendements ont deux objectifs : œuvrer pour le bien commun, en évitant des accidents du travail, des blessures, des meurtrissures du corps ou de l’esprit ; et résoudre les contradictions existant au sein du socle pas très commun.
Pour l’heure, les cotisations AT-MP sont calculées en prenant en compte la survenue effective d’accidents du travail. Nous proposons d’intégrer également les pratiques pathogènes et accidentogènes, c’est-à-dire de tenir compte des risques, en plus du danger concrétisé.
Depuis des années, tout le monde se gargarise autour de la prévention, ce qui est une bonne chose. Par ces amendements, nous proposons d’en faire, en n’attendant pas que des gens soient blessés pour assujettir certaines entreprises à des cotisations plus importantes et, à l’inverse, en récompensant celles qui font des efforts en ce domaine. Tout à l’heure, un collègue du groupe EPR disait connaître un abattoir mécanisé. Très bien ! Avec notre dispositif, le montant de ses cotisations baisserait.
D’ailleurs, je m’étonne que l’incitation financière soit censée fonctionner pour les très riches et le patronat, qui doit créer des emplois grâce aux exonérations sociales, mais pas quand il s’agit de protéger les gens.
M. le rapporteur général. Concernant le taux des cotisations AT-MP, il y a, d’un côté, la tarification collective, qui prend en compte les pratiques d’un secteur dans son ensemble, et de l’autre, la situation individuelle des entreprises, avec la sinistralité. Par ces amendements, vous souhaitez intégrer l’aspect individuel dans la tarification collective, ce qui ne me semble pas praticable. D’ailleurs, l’accord national interprofessionnel du 9 décembre 2020 relatif à une prévention renforcée combine une approche collective par secteur et ce qui relève du comportement des entreprises.
En outre, je rappelle que les entreprises de plus de cinquante salariés doivent établir, en lien avec le comité social et économique, un document unique d’évaluation des risques et de prévention (Duerp), autre outil de prévention primaire dans les entreprises.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Notre groupe votera ces amendements, qui vont dans le bon sens. Quand les salariés sont mis en situation dangereuse, on doit augmenter le montant des cotisations de manière anticipée, afin d’inciter les entreprises à adopter des politiques de réduction des risques. Comme Jérôme Guedj, je pense aux horaires atypiques, qui nuisent à la vie sociale et à la santé, mais qui ne font l’objet d’aucune majoration financière, ni de congés de compensation.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je vais prendre un cas concret, pour que vous compreniez l’intérêt de ces amendements. Les salariés du site ArcelorMittal de Fos-sur-Mer luttent pour faire reconnaître leur exposition à l’amiante, ayant récemment découvert que leur entreprise leur avait caché qu’il y en avait absolument partout. Ils ont d’ailleurs observé qu’un certain nombre de salariés employés depuis longtemps avaient contracté, par exemple, des cancers de la plèvre. En incluant les sous-traitants, 3 700 personnes travaillent sur ce site, ce qui vous donne une idée du problème. La reconnaissance de leur exposition à l’amiante et, partant, de la responsabilité de l’entreprise vis-à-vis de leurs maladies professionnelles va coûter extrêmement cher. C’est précisément pour cette raison que je veux qu’ArcelorMittal ait personnellement à financer ce coût, au travers de la branche AT-MP.
Voilà pourquoi ces amendements ont tout leur sens. Les industries qui exposent massivement des travailleurs à des risques doivent voir leur responsabilité individuelle engagée.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’exemple cité par M. Boyard est très parlant et montre que toutes les entreprises ne sont pas vertueuses. Certaines font des efforts, beaucoup même, mais d’autres n’en ont rien à faire et se reposent sur les cotisations collectives de branche pour réduire le risque pour elles-mêmes.
Je rappelle aussi qu’ont été supprimés les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dont les membres, grâce à leur fine connaissance des outils de production et de l’entreprise dans son ensemble, pouvaient protéger leur santé et celle de leurs collègues. En l’absence de ces instances, les entreprises ne disposent plus des alertes, ni des lanceurs d’alerte, pour éviter l’exposition aux risques. Il convient donc de trouver un système au sein duquel chacun assumerait la responsabilité de ses actes.
M. Serge Muller (RN). Dans l’exercice de leur métier, les soignants sont exposés à des risques pathogènes en raison d’horaires atypiques. Si ces amendements de gauche sont adoptés, ils mettront les hôpitaux, déjà exsangues, dans une situation financière encore plus intenable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS534 de Mme Élise Leboucher
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). L’amendement vise à prendre en compte le taux d’intérim dans le calcul des cotisations AT-MP. Nous tirons ici les conséquences de toutes les études réalisées sur cette question, qui affirment que l’intérim est un facteur fortement accidentogène. Cela est dû au statut précaire des travailleurs qui, sur leur lieu de travail, ont un rapport de force nettement plus défavorable que les salariés en CDI et qui, dans le même temps, doivent conserver leur emploi et entretenir de bonnes relations avec leur agence d’intérim. Le travail temporaire fonctionne ainsi comme une machine à produire des accidents du travail, d’où la nécessité de le réguler très fortement.
M. le rapporteur général. Je ne sais pas si vous entendez ce que vous dites, mais l’intérim n’est pas une machine à produire des accidents du travail ! Des secteurs ont des besoins ponctuels qu’il faut couvrir et le droit du travail protège heureusement les intérimaires.
Sur le fond, je vous informe que le décret du 5 juillet 2024 a justement révisé l’imputation des cotisations entre l’entreprise de travail temporaire et la société utilisatrice. Il est vrai qu’auparavant, il n’était tenu compte de l’intérim qu’en cas d’incapacité permanente de plus de 10 % ou de décès. Les cotisations sont désormais partagées en deux fractions de 50 %, voire à deux tiers pour l’un et un tiers pour l’autre. C’est une évolution majeure qui satisfait votre demande. Le décret produira ses effets à partir de l’an prochain.
Dans cette attente, je demande le retrait de l’amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il est clair que l’intérim accroît les risques professionnels. La personne qui arrive dans l’entreprise ne connaît pas bien le travail, le fonctionnement, les procédures et n’est pas formée aux gestes protecteurs. Il faut donc trouver les moyens de limiter le recours abusif à cette forme d’emploi, tant d’un point de vue légal que d’organisation du travail. Dans de nombreuses branches, l’intérim s’est énormément développé au détriment de l’emploi stable, ce qui a précarisé beaucoup de travailleurs. Il serait donc de bon sens d’augmenter les cotisations AT-MP.
M. Éric Michoux (UDR). Je trouve votre approche très diffamante vis-à-vis des travailleurs concernés. De nombreuses personnes font le choix de travailler de cette manière : ayez du respect pour elles et leur décision ! L’intérim n’est pas péjoratif.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Certains salariés font effectivement ce choix, tout comme certaines entreprises. Pour autant, tous les rapports sur la santé et la sécurité au travail, notamment ceux de la médecine du travail, que je vous invite à consulter, considèrent l’intérim comme un facteur de risque. Le Duerp, notamment, doit faire état du niveau de recours au travail temporaire. Le tout est d’avoir conscience des risques et de compenser la surexposition aux accidents et maladies professionnels par des cotisations accrues.
La commission rejette l’amendement.
Mme Annie Vidal (EPR). Monsieur le président, si nous voulons achever l’examen du texte d’ici à la fin de la semaine, je plaide pour une réduction du nombre d’interventions.
M. le président Frédéric Valletoux. J’ai effectivement proposé de passer à un orateur par groupe et par amendement. Si cela ne suffit pas, je ne donnerai plus la parole qu’à un orateur pour et un orateur contre chaque amendement.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Dans ce cas, peut-être pourrions-nous porter la durée maximale des interventions à deux minutes ?
M. le président Frédéric Valletoux. Non, mais la règle d’un orateur par groupe ne concernera pas le député présentant l’amendement. Un de ses collègues pourra aussi intervenir pendant la discussion.
Amendement AS911 de Mme Danielle Simonnet
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Plus accidentogène que l’intérim, il y a la sous‑traitance, dont le développement ne s’arrête plus. Bien sûr, il faudrait légiférer de manière globale pour réduire ce phénomène – les syndicats ont d’ailleurs un très bon slogan : « la sous-traitance, c’est de la maltraitance ». Dans cette attente, il convient de ne pas déresponsabiliser les donneurs d’ordre, qui doivent prévenir les accidents du travail au sein des sociétés qu’ils mandatent. Aussi proposons-nous d’accroître leurs cotisations AT-MP quand le taux de sinistralité de leurs sous-traitants dépasse un certain niveau déterminé par décret.
La France est le seul pays d’Europe où le nombre de morts au travail augmente. À cet égard, le taux d’accident reconnu par la Caisse nationale de l’assurance maladie est deux fois plus important quand la part de la sous-traitance est comprise entre 10 % et 50 % que lorsque le travail est directement accompli par l’entreprise, ce qui établit bien une corrélation avec les accidents, les maladies et les morts au travail.
M. le rapporteur général. Je ne peux pas laisser dire que la sous-traitance, c’est toujours de la maltraitance. Les marchés publics demandent parfois des réponses groupées incluant des sous-traitants ; ces derniers, qui peuvent être des très petites entreprises (TPE), disposent souvent d’une expertise particulière.
Par ailleurs, le code du travail n’est pas muet sur cette question. Il prévoit que le responsable de l’entreprise utilisatrice doit assurer la coordination générale des mesures de prévention des risques professionnels, qu’elles soient prises par ses soins ou par les sociétés extérieures intervenant dans son établissement. En cas de risque spécifique lié à la présence, sur un même site, de salariés de différentes entreprises, ces dernières doivent établir un programme de prévention. Dans ce cadre, les caisses d’assurance retraite et de santé au travail peuvent, notamment en cas de risques liés aux interférences induites par la sous‑traitance, enjoindre à l’entreprise utilisatrice de prendre des mesures de prévention et, en cas d’inobservation des mesures prescrites, lui imposer le paiement de cotisations supplémentaires.
L’amendement étant satisfait, je lui donne un avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les éléments que vous venez d’énoncer confirment la possibilité de responsabiliser davantage et d’augmenter les cotisations AT‑MP des entreprises recourant à des sous-traitants, dès lors que ces derniers dépassent un certain seuil de sinistralité. Rappelez-vous la mort de Moussa Sylla, en 2022, à l’Assemblée nationale : il était employé par une entreprise de sous-traitance. Considérez aussi l’actualité sociale et la souffrance au travail qui existe dans ces sociétés, que ce soit dans l’hôtellerie, la sécurité, le bâtiment, la santé ou le nettoyage. Dans tous ces secteurs, l’accidentologie est plus importante.
Pourquoi, d’ailleurs, assiste-t-on au développement de la sous-traitance ? Parce que cela coûte moins cher. En conséquence, les travailleurs sont davantage exposés aux risques, et on n’agit pas sur la prévention. Pour dissuader ce mépris social, il faut augmenter les cotisations.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Vous dites, monsieur le rapporteur général, qu’il est inutile d’augmenter les cotisations car le droit du travail prévoit déjà des règles. Mais il n’y a pas de droit sans force de droit. À cet égard, l’Organisation internationale du travail recommande le ratio d’un agent de contrôle pour 10 000 salariés. En France, en tenant compte des postes vacants, on ne compte qu’un agent pour 13 200 travailleurs. L’augmentation des cotisations permettrait de résoudre ce problème.
J’en profite pour revenir sur l’intérim. Dans le bâtiment et les travaux publics, ce type d’emploi concerne 12 % des effectifs mais 28 % des accidents, et dans la logistique, 10 % des effectifs et également 28 % des accidents. Je maintiens donc qu’il s’agit d’une machine à fabriquer des accidents du travail. Les chiffres sont têtus !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS610 de Mme Élise Leboucher
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Comme les précédents, cet amendement vise à dénoncer une injustice. Que des exonérations de cotisations sociales soient accordées à des secteurs en difficulté ou stratégiques, nous pouvons le comprendre, mais il y a des cas pour lesquels ce n’est pas normal. Le rapport de la commission d’enquête de notre collègue sénateur Fabien Gay sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises l’a montré : 210 milliards d’euros sont octroyés aux entreprises sans contrepartie, et sans d’ailleurs qu’on sache exactement où va cet argent.
Le livre Le Grand Détournement évoque également jusqu’à 270 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises sans contrepartie, une bonne partie de ce total allant à des sociétés qui n’en ont pas besoin. Par exemple, les auteurs indiquent que LVMH, qui a réalisé 15 milliards d’euros de bénéfices en un an, a touché 275 millions d’argent public, dont 193 millions en exonérations de cotisations sociales. Cela signifie que, par leurs impôts, les Français ont compensé 5 000 euros de cotisations sociales par salarié de l’entreprise. En quoi est-ce justifié ?
Le plus dingue, c’est que, dans le même temps, les personnes doivent prouver par des centaines de papiers qu’elles méritent bien de toucher quelques dizaines ou centaines d’euros de revenu de solidarité active (RSA) ou d’allocations chômage, alors qu’il ne s’agit pour elles que d’un filet de sécurité pour éviter de tomber dans l’extrême pauvreté. Les millions touchés par des entreprises qui réalisent déjà des milliards de bénéfices, eux, n’ont pas besoin d’être justifiés – c’est open bar !
M. le rapporteur général. Vous évoquez LVMH et les très grandes entreprises, mais l’amendement porte en réalité sur la réduction proportionnelle de cotisations d’assurance maladie dont bénéficient les travailleurs indépendants – réduction qui, d’ailleurs, tient déjà compte de leurs revenus professionnels.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS439 de M. Hadrien Clouet
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Il est temps d’agir en faveur de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et de sévir, car notre commission ne peut se satisfaire d’un écart de 22 % à compétences et temps de travail égaux. Aussi proposons-nous par cet amendement d’augmenter les pénalités financières pour les entreprises qui ne respectent pas l’obligation d’égalité salariale, pourtant prévue par le code du travail. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui permettrait d’abonder de 8 milliards d’euros les caisses du système de retraite, actuellement déficitaire. Au lieu de vouloir réarmer nos utérus, payez-nous !
M. le rapporteur général. Si l’objectif d’égalité salariale nous rassemble, l’outil proposé ici ne me semble pas le bon. Le code du travail prévoit déjà des obligations en la matière, même s’il convient de mieux les faire respecter. En effet, les obligations des entreprises ont été renforcées ces dernières années, autour de l’index de l’égalité professionnelle. Des sanctions administratives peuvent ainsi être infligées aux sociétés qui n’agissent pas pour corriger les différences de rémunération. La pénalité financière peut atteindre 1 % de la masse salariale annuelle de l’entreprise, soit une somme potentiellement très élevée, et une seconde sanction peut être prise en cas de défaillance persistante. Il ne me semble pas opportun d’y ajouter une majoration des cotisations.
Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il existe effectivement plusieurs mécanismes favorisant l’égalité salariale, mais au rythme où nous allons, celle-ci ne sera atteinte que dans 400 ans ! Nous savons que de simples incitations ne suffisent pas ; il est temps de prendre des mesures drastiques.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je confirme que la réduction des inégalités salariales ne se produit pas à une vitesse satisfaisante. À cet égard, je rappelle que le différentiel est essentiellement dû au temps partiel subi. Notre groupe votera cet amendement, mais je vous propose de le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance afin d’inclure cet aspect.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS435 de Mme Ségolène Amiot
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Comme précédemment, nous cherchons par cet amendement à nous saisir des outils sociaux et fiscaux dont nous disposons pour orienter l’activité des entreprises. En l’occurrence, nous proposons l’établissement d’un bonus-malus relatif aux écarts de rémunération au sein d’une même entreprise. En effet, dépasser le ratio de 1 à 20 prôné par la Confédération européenne des syndicats – l’organisation commune à l’ensemble des syndicats de travailleuses et de travailleurs – est un problème. Le cas échéant, les salariés en bas de la pyramide ne bénéficient pas des revenus gaspillés pour accroître la rémunération de ceux qui se situent en haut. De plus, une telle situation vient casser le caractère collectif de l’entreprise : alors que les gens sont censés avoir envie d’aller bosser et de faire de leur mieux, ils voient certains tirer un bien plus grand profit de la réussite de la société. Dès lors qu’une entreprise est performante grâce au travail de ses ouvriers, techniciens, employés, salariés et ingénieurs, ces derniers doivent en profiter.
M. le rapporteur général. La pénalité que vous proposez prendrait la forme d’une majoration du taux de cotisations vieillesse. Or ces dernières, qui constituent des droits à prestation, ne devraient pas être assimilées à une sanction administrative.
Cet amendement m’étonne aussi sur le fond, car vous semblez négliger le fait que des prélèvements obligatoires ont lieu sur les rémunérations très élevées, de sorte qu’employeur et salariés contribuent au financement de la protection sociale. Au fond, votre proposition inciterait les entreprises à recourir à des modes de rémunération alternatifs, ce qui n’est certainement pas ce que vous souhaitez, si j’en crois vos discours habituels sur les compléments de salaires. De même, les sociétés seraient encouragées à ne pas distribuer une partie de leurs bénéfices sous la forme d’augmentations de salaire, en privilégiant, là encore, d’autres moyens.
Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.
M. Olivier Fayssat (UDR). Cette volonté systématique de porter atteinte à la liberté d’entreprendre, au capital et au patrimoine est assez terrifiante !
Cela étant, je suis prêt à soutenir cette proposition de La France insoumise si elle s’applique au Paris Saint-Germain (PSG). Imposer un ratio de 1 à 20 entre le salaire des stadiers et celui des joueurs serait une mesure très populaire à Marseille...
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Épargnons-nous le jeu de ping-pong consistant à nous reprocher de ne pas parler de fiscalité quand nous faisons une proposition sur les cotisations, et inversement. Nous n’y pouvons rien s’il y a deux textes différents ! Si cela ne tenait qu’à nous, il n’y aurait pas de PLFSS...
Quoi qu’il en soit, il est normal que des pénalités prennent la forme d’une hausse des cotisations vieillesse, car au-delà de 4 000 euros de salaire, on cesse pratiquement de cotiser au régime de retraite. Ainsi, une entreprise où les écarts de salaire vont de 1 à 20 est une entreprise où le sommet de la pyramide cesse de cotiser. Je rappelle à cet égard que les cotisations vieillesse représentent 10,5 % pour un salarié au Smic, contre 8 % pour un salarié gagnant 3 Smic. Mon amendement vise à mettre un terme à ce mécanisme dégressif.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS637 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La prime de partage de la valeur (PPV), créée sous Emmanuel Macron, n’est pas soumise aux contributions. C’était d’ailleurs le but : les employeurs pouvaient ainsi verser des rémunérations autrement que sous la forme d’un salaire. Le groupe LFI est opposé à cette idée de désocialiser les rémunérations, c’est-à-dire de pouvoir payer quelqu’un par une prime et non par un salaire, car ce fonctionnement met en concurrence l’ensemble des membres d’un collectif de travail et permet aux employeurs de ne pas cotiser à la sécurité sociale. Pour dire les choses autrement, c’est le salarié lui-même qui paie sa prime en se voyant privé d’une retraite qu’il ne touchera pas. C’est un problème de reporter sur la collectivité des frais non acquittés par les employeurs, alors que l’institution du salariat vise justement à collectiviser le prix de la force de travail. Nous ne proposons pas l’interdiction des primes mais, en toute cohérence, leur soumission à des cotisations sociales.
M. le rapporteur général. Je ne suis pas certain que votre proposition soit très populaire auprès des 5,9 millions de salariés qui ont bénéficié de la PPV en 2023, pour un montant moyen de 885 euros. Je rappelle que près du quart des montants de prime ont été versés par des entreprises de moins de dix salariés. Le montant de la prime est d’ailleurs généralement plus élevé dans les petites entreprises : il s’élève en moyenne à 1 141 euros dans les entreprises de moins de dix salariés, contre 855 euros dans celles de 2 000 salariés ou plus.
Du reste, contrairement à ce que vous laissez entendre, cette prime participe déjà au financement de la protection sociale. Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, elle est, certes, exonérée de cotisations sociales, mais elle est assujettie à la CSG, à la CRDS et au forfait social dans les mêmes conditions que l’intéressement. En outre, depuis la dernière loi de financement de la sécurité sociale, les sommes versées au titre de la PPV sont prises en compte dans le calcul des allégements généraux.
Pour que les entreprises augmentent davantage les salaires de base plutôt que de recourir aux dispositifs de partage de la valeur, il nous faut baisser les prélèvements sur les revenus du travail de manière à accroître la rémunération nette et à réduire le coût des augmentations de salaire pour l’employeur. Mais nous n’en sommes pas là. Pour l’instant, nous cherchons à aboutir à un budget de la sécurité sociale susceptible d’être adopté. Ce n’est guère propice aux révolutions que vous appelez de vos vœux.
Mme Annie Vidal (EPR). Cet amendement remet en cause le principe même de la PPV, selon lequel le salarié doit percevoir l’intégralité de la somme versée par l’employeur. Je ne suis pas certaine que cela ravisse les salariés dont le pouvoir d’achat a bénéficié de ce petit plus.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). D’abord, je me réjouis que M. Bazin attende la révolution.
Madame Vidal, la PPV se traduit aussi par des petits moins pour les salariés, qui vont payer leurs médicaments plus cher, voir leurs pensions de retraite baisser ou leurs indemnités journalières supprimées parce qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses de la sécurité sociale. Cette prime a coûté 1 milliard d’euros à la seule Caisse nationale d’assurance vieillesse. Puisque vous n’allez pas chercher ce milliard ailleurs, il faut arrêter les frais.
Monsieur le rapporteur général, la retraite à 64 ans ou les franchises médicales, que vous imposez parce que vous avez vidé les caisses, ne sont pas populaires non plus. Les salariés qui perçoivent une prime de 800 euros sont-ils d’accord pour que leur employeur verse 10 euros aux caisses de sécurité sociale ? Oui !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS158 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous proposons d’appliquer le forfait social à la PPV lorsque celle-ci est versée à des salariés dont la rémunération est supérieure à 3 Smic. Pour une partie des 5,9 millions de bénéficiaires de la PPV, dont le montant moyen est d’un peu moins de 900 euros, si j’en crois les derniers chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, cette prime représente en effet une forme de salaire déguisé. Je serais curieux, monsieur le rapporteur général, de connaître votre avis sur cette piste – vous noterez bien que je parle du forfait social et non des cotisations patronales classiques.
M. le rapporteur général. En fait, vous ciblez les entreprises de moins de 250 salariés puisque, dans les autres, la PPV est déjà soumise au forfait social de 20 %. Or il se trouve que celle-ci est versée, pour l’essentiel, dans ces petites entreprises. Faut-il étendre l’application du forfait social aux primes versées dans les TPE ou petites et moyennes entreprises ? Ce n’est pas ma pente naturelle – mais ce n’est pas à moi de faire des concessions...
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS650 de Mme Élise Leboucher
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous proposons que la PPV, dite « prime Macron », ne soit exonérée de cotisations que dans les entreprises qui n’ont pas de filiales dans les paradis fiscaux. Il n’est pas question de faire des cadeaux, fiscaux ou sociaux, à des sociétés qui fraudent le fisc français telles que McKinsey, McDonald’s, qui a privé les caisses de l’État de 737 millions d’euros, ou General Electric, pour qui ce chiffre atteint 800 millions. Cela n’a pas dérangé General Electric de faire d’assez vastes plans de licenciement, puisque 740 postes ont été supprimés en Europe, dont 360 en Loire-Atlantique, pour des raisons purement économiques. Or, avec l’argent que l’entreprise aurait dû verser à l’État, nous aurions pu entrer dans le capital de la filiale et sauver ces emplois...
M. le rapporteur général. Vous proposez de conditionner l’exonération de cotisations sociales dont bénéficie la PPV au fait que l’entreprise ne possède aucune filiale dans un État dont le taux d’impôt sur les sociétés est inférieur de 40 % à celui qui est applicable en France. Or les États qui se trouvent dans cette situation sont assez nombreux...
Nous devons lutter contre l’évasion et la suroptimisation fiscales, mais je ne suis pas certain que l’exemption de l’assiette des cotisations sociales dont fait l’objet la PPV soit le levier le plus adéquat. En effet, je doute que les montants dont il est question aient une influence déterminante sur les décisions d’investissement des entreprises multinationales. L’harmonisation des taux d’impôt sur les sociétés à l’échelle mondiale me paraît une piste bien plus prometteuse.
Enfin, votre amendement ne me paraît guère opérationnel, car il faudrait que l’Urssaf connaisse la liste et l’activité de l’ensemble des filiales de chaque entreprise à l’échelle mondiale pour déterminer le régime social applicable.
Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS154 de M. Jérôme Guedj
M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement a trait à la prime de partage de la valorisation de l’entreprise, créée par la loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise. Cette prime peut être versée aux salariés d’une entreprise dont la valeur a augmenté sur une période de trois ans. Par cet amendement, nous proposons que, lorsque cette prime – déjà soumise à la CSG, à la CRDS et à une contribution spécifique de 30 % – est versée à des salariés dont la rémunération est supérieure à 3 Smic, le plafond d’exemption de cotisations sociales dont elle bénéficie soit abaissé à 6 000 euros.
M. le rapporteur général. Je crains que votre amendement ne pénalise un dispositif vertueux et intéressant. Tout le monde préfère une augmentation de salaire à une prime, mais une entreprise est soumise aux cycles économiques et ne peut être assurée que sa croissance se poursuivra au même rythme ; elle ne peut donc pas toujours s’engager dans la durée en augmentant les salaires.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, d’avoir lu aussi attentivement les exposés sommaires de nos amendements. Depuis deux jours, nous essayons de dégager des recettes afin de réduire le déficit de la sécurité sociale sans faire subir à nos concitoyens les mesures qui composent le musée des horreurs qu’est le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 – année blanche, gel du barème de la CSG, doublement des franchises médicales, objectif national de dépenses d’assurance maladie insuffisant... J’ai l’impression que la suppression de nombre de ces mesures fait consensus, mais nous devons être conséquents et prévoir, en contrepartie, des recettes justes ; tel est précisément l’objet de nos amendements. Je regrette donc que nos propositions soient écartées, car sans recettes supplémentaires, le solde de la sécurité sociale sera dégradé, ce que personne ne souhaite.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Si vous préférez dégager des recettes supplémentaires en rognant les minuscules avantages dont bénéficient les salariés les moins bien payés – chèques-vacances, titres-restaurant... – plutôt qu’en prélevant quelques euros par mois sur les primes attribuées à ceux qui perçoivent des rémunérations supérieures à 3 Smic, alors je ne comprends pas à quoi servent nos discussions.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1686 de M. Max Mathiasin
M. Max Mathiasin (LIOT). Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport permettant de connaître enfin toute la vérité sur les dysfonctionnements du Régime social des indépendants (RSI) et de son système national de la gestion des comptes cotisants SNV2 – des dysfonctionnements qui perdurent même après la suppression du RSI et le transfert de la protection sociale des indépendants au régime général par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Ce problème dramatique empoisonne la vie des indépendants, notamment dans les territoires d’outre-mer, puisque des montants continuent de leur être réclamés, sans aucune justification, au titre du RSI et du régime actuellement en vigueur. Il paraît par ailleurs nécessaire, dans un souci de respect de la légalité, d’analyser la solidité juridique de la personnalité morale du RSI et des différentes caisses de l’Urssaf.
Il convient d’apporter des solutions aux indépendants qui, depuis près de vingt ans, subissent dysfonctionnements et demandes de remboursement de créances insincères et se retrouvent dans une situation financière critique, voire désespérée.
M. le rapporteur général. Je salue votre persévérance, car c’est un combat que vous menez de longue date.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 avait prévu la remise d’un rapport « évaluant notamment les difficultés persistantes rencontrées par les travailleurs indépendants pour rembourser leurs dettes envers l’ancien régime social des indépendants en outre-mer, en particulier à La Réunion, ainsi que les pistes de solutions permettant un règlement amiable de cette situation ». Cette demande de rapport n’a, semble-t-il, pas été suivie d’effet. Je ne pense pas non plus que vous ayez reçu de réponse à la question écrite que vous avez posée le 5 août dernier.
Je demanderai, d’ici à la séance publique, des précisions au Gouvernement sur ce point. En attendant, je vous propose de retirer votre amendement et de le redéposer, le cas échéant, en séance publique, afin d’avoir un échange avec le Gouvernement à ce sujet.
L’amendement est retiré.
Amendement AS513 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). Nous demandons un rapport mesurant l’effet des exonérations de cotisations et la réalité de leur compensation par la TVA.
En 2024, la Cour des comptes avait évalué le coût total de ces exonérations à 77,3 milliards d’euros – un niveau record –, en précisant que la dégradation du solde était surtout due au ralentissement des recettes, la TVA ne suivant plus la même dynamique que celle des cotisations sociales. Autrement dit, la compensation n’est pas intégrale. Le Haut Conseil des finances publiques dit exactement la même chose.
Nous manquons de données claires pour évaluer nos trajectoires financières. Faisons donc simple : il nous faut un rapport pour mesurer le coût caché des exonérations et garantir la sincérité de nos comptes sociaux.
M. le rapporteur général. Votre préoccupation est légitime, mais nous disposerons bientôt d’une documentation importante sur cette question. Outre les annexes 1 et 2 du Placss et l’annexe 4 du PLFSS, la Cour des comptes s’est intéressée à cette question dans son dernier Ralfss, et le Conseil des prélèvements obligatoires, saisi par notre commission, devrait publier dans les prochains jours une note sur l’évolution de l’assiette de la CSG et des cotisations sociales.
S’agissant de la compensation des exonérations de cotisations, j’ai moi-même formulé un certain nombre de propositions que nous évoquerons sans doute lorsque nous examinerons les amendements portant article additionnel l’article 12.
Le rapport que vous demandez ne me paraît donc plus utile. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendements de suppression AS776 de M. Gaëtan Dussausaye et AS1364 de M. Éric Ciotti
M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’article 9 présente aux Français la facture de l’accord conclu entre les macronistes et le parti socialiste, et elle est salée ! Il s’agit en effet de trouver de nouvelles recettes en augmentant les cotisations et prélèvements sur les apprentis, l’aide à la création ou à la reprise d’entreprise (Acre) et les activités économiques en outre-mer. Si le Rassemblement national est très attaché, sinon à une suspension, du moins à un léger report de la réforme des retraites, celui-ci ne doit pas se faire au détriment des apprentis, de nos compatriotes ultramarins et de ceux qui veulent investir et entreprendre. Je vous supplie donc de mettre un terme à ce musée des horreurs antisociales en votant pour ces amendements de suppression.
M. Éric Michoux (UDR). Je défends l’amendement AS1364. Alors que l’on s’efforce, depuis des années, d’inciter les entreprises à embaucher des jeunes, on nous propose maintenant de revenir sur l’exonération de cotisations sociales pour les apprentis. Il est déjà très difficile, pour les entreprises, d’accueillir des apprentis, car ces derniers sont soumis à des règles de sécurité spécifiques... Si l’on voulait envoyer un message très négatif aux entrepreneurs et aux apprentis, voilà qui est fait !
M. le rapporteur général. Comme l’article 8, l’article 9 comporte des mesures ayant trait à des dispositifs d’exonération de cotisations sociales très différents – mesures qui, je le précise, avaient été déjà annoncées par le gouvernement de François Bayrou. On ne saurait donc les présenter comme la facture de la décision prise par Sébastien Lecornu de décaler l’application de la réforme des retraites. Cela ne signifie pas pour autant que cet article ne doit pas être amendé – j’y reviendrai.
Monsieur Michoux, nos votes démontrent que le budget qui nous a été soumis n’est ni celui de la commission ni celui de l’un des groupes parlementaires ; nous souhaitons tous l’améliorer.
Je suis le premier à défendre l’apprentissage, mais force est de constater que le dispositif actuel est source d’injustices. Premièrement, à rémunérations brutes et postes identiques, l’apprenti perçoit un salaire net plus important que celui d’un non‑apprenti. Deuxièmement, il acquiert des droits à la retraite sans cotiser à cet effet. Enfin, si, après trois ans d’apprentissage, il est embauché par l’entreprise, son salaire net va baisser. Il arrive alors que, mécontent, il quitte l’entreprise. Dans ce cas, il perçoit des allocations chômage sans avoir cotisé. Je vous invite donc à examiner très attentivement l’article 9, car il tend à corriger ces injustices.
Faut-il réformer les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs d’outre-mer, dites « exonérations Lodeom », du nom de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ? Oui. La solution proposée dans le texte est-elle satisfaisante ? Je ne crois pas. Non seulement la situation varie d’un territoire à l’autre, mais le dispositif est éminemment complexe, au point que certains employeurs se trompent – certains de bonne foi, d’autres de mauvaise foi. Il faut donc simplifier le dispositif en veillant à ne pas être injuste avec les premiers. En outre, la pente est très forte : une augmentation des salaires entraîne une hausse très importante des cotisations. C’est donc un obstacle à l’augmentation des salaires qu’une majorité d’entre nous souhaite. C’est pourquoi je vous proposerai de corriger cette pente.
Quant à l’Acre, elle a été conçue pour les demandeurs d’emploi. Or le dispositif s’est éloigné de cette cible, si bien qu’il est nécessaire d’apporter des corrections. J’estime notamment que les créateurs d’entreprise en zone France ruralités revitalisation (FRR) doivent être soumis au même régime que ceux implantés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).
Enfin, le changement concernant les jeunes entreprises innovantes est de portée limitée puisque l’article 9 tend à réserver le bénéfice des exonérations à celles dont les dépenses en recherche et développement représentent 25 % des charges – contre 20 % actuellement.
Vous l’aurez compris, ces différents dispositifs méritent d’être examinés de manière distincte. C’est pourquoi je suis défavorable aux amendements de suppression.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). En ce qui concerne les apprentis, les macronistes vont devoir choisir. Soit on ne les considère pas comme des travailleurs, et on les sort des statistiques du chômage ; soit on les considère comme des travailleurs, et on les paie comme tels. En tout cas, rien ne justifie que l’on fasse des économies sur leur dos. L’an dernier, vous les avez privés, par 49.3, de 50 à 70 euros ; cette année, vous voulez leur faire payer 188 euros supplémentaires chaque mois. Ces jeunes travaillent 35 heures par semaine pour 800 euros par mois. Ils ne peuvent pas payer ces sommes ni se permettre de faire grève pour s’y opposer. Vous vous en prenez aux plus faibles, parce que vous refusez de faire payer les plus forts. Ne serait-ce que pour cette raison, le Gouvernement doit tomber !
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous votons chaque année des mesures qui ne sont jamais évaluées. Or, pour une fois, ces quatre dispositifs ont été évalués par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales, qui les ont jugés peu efficaces. Nous devons les remettre en question.
M. Thomas Ménagé (RN). Je remarque que seuls le RN et l’UDR s’intéressent au sort des apprentis, puisqu’ils ont déposé des amendements de suppression. L’Association nationale des apprentis de France estime que la mesure représentera une perte de salaire de 100 à 188 euros par mois – ce n’est pas vous qui l’avez chiffré, monsieur Boyard –, ce qui appauvrira davantage les jeunes. (M. Louis Boyard s’exclame.)
Monsieur Boyard, nous ne sommes ni dans une manifestation, ni à Tolbiac. Respectons-nous et parlons calmement ! Souffrez en silence que l’on ne soit pas d’accord avec vous, d’autant que vous participerez à cet appauvrissement en votant contre les amendements du Rassemblement national.
J’entends les arguments du rapporteur général concernant les effets de bord et le fait que certains groupes ont abusé de ces avantages, mais la suppression du dispositif aura pour seul résultat d’appauvrir les jeunes sans améliorer leur taux d’emploi, ce qui dégradera plus encore l’état du système par répartition. Les jeunes entrent déjà tard sur le marché du travail. Nous préférons les faire travailler deux ans de plus quand ils sont jeunes plutôt qu’en fin de carrière, quand ils seront fatigués.
M. Max Mathiasin (LIOT). Connaissez-vous le Lodeom, monsieur le rapporteur général ? C’est un dispositif fiscal et social spécifique aux outre-mer, où le taux de chômage se situe structurellement entre 20 et 25 % – il est même d’environ 40 % chez les jeunes. Ce régime spécifique est destiné à aider l’investissement et à soutenir l’emploi. La proposition du Gouvernement reviendrait à amputer de 350 millions d’euros par an le régime des allégements de cotisations outre-mer, en l’absence totale d’évaluation et surtout de concertation avec le monde économique et les élus ultramarins. C’est d’autant plus dramatique que des projets ont été lancés sur la base de ce qui était promis. Nous demandons donc la modification ou la suppression de l’article 9.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Je remercie M. le rapporteur général pour ses explications bienvenues. Il est bon d’évaluer chaque dispositif. On entend tout et n’importe quoi sur les apprentis. Il ne s’agit pas de mettre un coup d’arrêt au système de l’apprentissage, mais de rétablir la justice, à salaire brut égal, entre les salariés de droit commun et les apprentis, lesquels sont actuellement exonérés de cotisations sociales.
M. Didier Le Gac (EPR). Je suis ravi d’entendre louer l’apprentissage sur tous les bancs mais, en la matière, la majorité n’a de leçon à recevoir de personne. Il n’y avait que 300 000 apprentis en 2017 ; huit ans plus tard, il y en a un peu plus d’un million, comme en Allemagne et dans d’autres pays. C’est une fierté pour nous d’avoir réussi à changer l’image de l’apprentissage, qui constitue un véritable ascenseur social.
La suppression de l’exonération des charges salariales rapporterait 1,2 milliard d’euros en 2027. Ce n’est pas neutre. Je rappelle que les apprentis continueront de bénéficier d’un régime dérogatoire au droit commun en restant exonérés de la CSG, de la CRDS et de l’impôt sur le revenu. Je précise également qu’aucun apprenti actuel ne verra son salaire baisser, puisque la disposition ne s’appliquera qu’aux nouveaux apprentis.
M. Éric Michoux (UDR). Nous entendons des propos contradictoires au sein du même camp. Pour ma part, je pense que nous entrons dans l’antichambre de la fin de l’apprentissage. Depuis des années, le monde de l’entreprise travaille beaucoup pour intégrer les apprentis, et des aides lui ont été apportées en ce sens. M. le rapporteur général parle d’une injustice entre des salariés qui seraient payés plus ou moins cher pour le même travail, mais dans 90 % des cas, un apprenti ne fait pas le même travail qu’un ouvrier ou un collaborateur. Un apprenti boulanger ne travaille pas la nuit ; son travail ne peut pas faire concurrence à celui d’un boulanger. Un apprenti ne peut pas utiliser les outils coupants ; il ne fait pas le même métier sur les machines à commande numérique ou d’usinage. L’idée selon laquelle l’apprenti ferait à bas coût le travail que les autres ne veulent pas faire est rétrograde et dévalorisante pour l’apprentissage. Vous portez une lourde responsabilité en ne maintenant pas cette disposition.
M. Elie Califer (SOC). Monsieur le rapporteur général, vous avez fait une analyse complète de l’article 9. Nous la partageons. Ce que nous disons, c’est que les outre-mer ne peuvent pas payer à eux seuls le triple de ce que coûtera le report de la réforme des retraites – 350 millions contre 100 millions d’euros. Il y a là quelque chose de scandaleux. Nous rencontrerons demain Mme de Montchalin et Mme Moutchou pour faire le point sur le sujet. En attendant, nous vous demandons de renoncer à ce coup de hache, en déposant des amendements au besoin. Les outre-mer ne sauraient payer une si lourde facture.
M. le rapporteur général. J’ai bien entendu votre alerte sur le dispositif Lodeom. Je fais partie de ceux qui, l’année dernière, ont voté contre l’article qui le réformait. Pour tenir la trajectoire tout en prenant en compte vos préoccupations légitimes, je proposerai par amendement de réduire de moitié l’effort de 350 millions d’euros. C’est une position de compromis, que vous serez libres de repousser. Je ferai néanmoins remarquer que, sur ces 350 millions, il fait prendre en compte l’effet de l’impôt sur les sociétés à 20 %.
Monsieur Michoux, ce n’est pas l’antichambre de la fin de l’apprentissage. Le projet de loi de finances a reconduit l’aide à l’embauche pour les entreprises, et les apprentis bénéficieront toujours d’une exonération d’impôt sur le revenu, ainsi que d’une exonération de CSG et de CRDS sur la fraction de leur rémunération inférieure à 50 % du Smic. On ne change qu’un élément – celui qui crée des droits contributifs, soit dit en passant.
Je rappelle, à titre de comparaison, que les stagiaires paient la CSG et des cotisations sur la fraction de leur gratification qui dépasse 15 % du plafond horaire de la sécurité sociale, c’est-à-dire à partir de 4,50 euros de rémunération horaire, et que les salariés, quel que soit leur âge, y sont assujettis dès le premier euro. Concrètement, un ouvrier agricole de 18 ans paie les cotisations salariales et la CSG dès le premier euro, ce qui n’est pas le cas d’un apprenti de l’enseignement supérieur. J’irai même plus loin : le dispositif est tellement ciblé qu’à rémunération brute identique, l’apprenti continuera de gagner plus.
La commission rejette les amendements.
Amendements AS1260 de Mme Sandrine Rousseau et AS1157 de M. Laurent Wauquiez (discussion commune)
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement propose le rétablissement de l’exonération pour l’Acre. La plupart des autoentrepreneurs qui en bénéficient sont des gens qui essaient, par la débrouille, de créer leur propre activité économique ; une partie d’entre eux voient leurs droits au chômage arriver à leur fin. Je n’ai pas l’habitude de proposer des exonérations, mais il faut protéger ces personnes qui cotisent pour leurs droits sociaux et que la suppression de l’exonération mettrait en danger.
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS1157 vise également à maintenir l’exonération de cotisations sociales. Ce dispositif d’encouragement à l’entrepreneuriat est créateur de richesse économique et d’innovation. Sa suppression enverrait un signal de désincitation qui serait coûteux à long terme pour l’économie française. Il faut au contraire augmenter le taux d’emploi. Si nous avions le même taux d’emploi que l’Allemagne, nous aurions 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires et 5 milliards de dépenses en moins.
Plusieurs amendements à venir proposent de recentrer l’Acre sur des zones prioritaires comme les QPV et les zones FRR. Il est important de mettre le sujet sur la table. Tout ce qui facilite la reprise d’emploi et l’insertion par le travail doit être défendu.
M. le rapporteur général. Je veux rappeler brièvement l’histoire de cette exonération. Elle a été créée dans les années 1970 sous l’appellation d’aide aux chômeurs et visait à soutenir les demandeurs d’emploi qui lançaient une activité d’entrepreneur, soit en créant une entreprise, soit en en reprenant une. Au cours des décennies suivantes, son champ d’application a été progressivement étendu à d’autres publics prioritaires, comme les bénéficiaires du RSA et les jeunes de moins de 26 ans. Finalement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a supprimé les restrictions tenant à la situation sociale ou professionnelle des bénéficiaires.
Ce que propose l’article 9, c’est un retour à l’essence du dispositif initial, à savoir aider les demandeurs d’emploi à créer ou à reprendre une entreprise sous certaines conditions. L’économie ainsi réalisée s’élèverait à 100 millions d’euros la première année et à 160 millions l’année suivante. Ce n’est pas neutre. J’ajoute qu’il existe d’autres dispositifs d’aide à la création et à la reprise d’entreprises, parmi lesquels une exonération générale inspirée des allégements généraux de cotisations patronales.
Plutôt que de supprimer cette partie de l’article, je propose d’en ajuster le champ. Les personnes qui continueront à bénéficier du dispositif seront les demandeurs d’emploi indemnisés, les demandeurs d’emploi non indemnisés inscrits à France Travail durant six mois au cours des dix-huit derniers mois, les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique ou du RSA, les personnes âgées de 18 à 26 ans – les jeunes peuvent donc en bénéficier, madame Gruet – et les personnes physiques qui créent ou reprennent une entreprise implantée au sein d’un QPV. Par symétrie, je défendrai un amendement AS1739 visant à ajouter à cette liste les personnes physiques qui créent ou reprennent une entreprise implantée au sein d’une zone FRR. Je vous invite donc à retirer vos amendements au profit du mien.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Pour une fois, je suis attaché à l’universalité des aides, surtout lorsqu’elles permettent de lancer une activité entrepreneuriale. Cette évolution ne me dérange pas.
Même si vous avez raison de dire que le projet de budget Lecornu est identique à celui de François Bayrou, il y a eu, entre-temps, une lettre rectificative, par laquelle le Gouvernement aurait pu revenir non seulement sur la réforme des retraites, mais aussi sur ces arbitrages. Il a décidé de les maintenir : c’est donc bien une facture qu’il présente aujourd’hui aux Français.
À défaut d’avoir réussi à supprimer l’article 8, nous l’avons vidé de sa substance. Nous ferons la même chose à l’article 9 ; c’est pourquoi nous soutiendrons le très bon amendement de Mme Rousseau.
M. Philippe Vigier (Dem). J’appelle à la prudence sur la Lodeom. J’ai connu, à Bercy, la volonté de taper sur certains dispositifs sans étude d’impact précise. Je ne dis pas que tout est nickel – j’ai même corrigé certains d’entre eux, en lien avec les parlementaires –, mais on ne peut pas faire n’importe quoi dans les outre-mer, où le taux de chômage est quatre fois plus élevé.
J’ajoute que l’on ne parle jamais des aides apportées par les collectivités locales à la création d’entreprise et au retour à l’emploi, alors que nous les pratiquons au quotidien dans ma région. Pour reprendre la formule employée par Thibault Bazin, il faut resserrer le dispositif existant et le rendre plus efficace par une meilleure articulation avec les autres aides.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Je lis dans l’exposé sommaire de l’amendement de Mme Rousseau que l’article supprimerait l’Acre pour les jeunes, les demandeurs d’emploi, les bénéficiaires du RSA et les entrepreneurs dans les quartiers populaires. C’est l’inverse : il s’agit de pérenniser l’aide en la recentrant sur ces publics, auxquels on peut ajouter les personnes en situation de handicap.
Madame Gruet, un rapport de la Dares indique que le dispositif n’a pas eu d’effet positif sur la création d’entreprise. Il est donc pertinent de le recentrer sur ceux qui en ont besoin. Le groupe Ensemble pour la République votera contre ces amendements, s’ils sont maintenus.
Les amendements sont retirés.
Amendement AS1739 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Puisque les QPV continueront à bénéficier de l’Acre, je propose d’ajouter par symétrie les zones FRR et FRR + à la liste, pour un coût très limité.
Comme l’a dit M. Vigier, ce n’est pas parce que l’on n’a plus le droit à l’Acre que l’on n’a plus le droit à rien. La personne qui veut créer une entreprise en tant que travailleur indépendant bénéficie d’exonérations spécifiques, du « bandeau famille » et du « bandeau maladie » ; il existe des contrats d’appui au projet d’entreprise, des aides spécifiques à l’entrepreneuriat féminin et des aides des collectivités locales.
M. Max Mathiasin (LIOT). Je retiens surtout que M. Vigier nous demande de rester attentifs à la situation économique des outre-mer. Nous demanderons la suppression du coup de rabot.
M. le rapporteur général. Je l’ai bien noté. J’y serai sensible.
La commission adopte l’amendement.
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5. Réunion du mardi 28 octobre 2025 à 16 heures 30 (article 9 [suite] à article 10)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
Amendements identiques AS44 de M. Max Mathiasin, AS646 de M. Joseph Rivière et AS943 de Mme Karine Lebon
M. Max Mathiasin (LIOT). Le taux de chômage outre-mer demeure deux à trois fois plus élevé que celui de l’Hexagone.
La réforme envisagée du régime dit « Lodeom social » issu de la loi pour le développement économique des outre-mer est profondément injuste dans ses fondements et serait destructrice.
Alors même que la France hexagonale se fixe un objectif de plein-emploi – la loi du 18 décembre 2023 pour le plein-emploi vise un taux de chômage de 5 % –, les outre-mer n’ont jamais bénéficié d’une déclinaison stratégique à la hauteur de cette ambition nationale. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le taux de chômage dans les outre-mer s’élève en moyenne à 18 %.
Chaque territoire ultramarin doit être considéré comme un bassin d’emploi à dynamiser, grâce à des engagements pragmatiques et mesurables et à des moyens dédiés et stables. Cette réforme, purement budgétaire et paramétrique, va complètement à l’encontre de ces objectifs.
Pour cette raison, le présent amendement supprime les dispositions de l’article 9 relatives au régime d’exonérations dit « Lodeom ».
M. Christophe Bentz (RN). À défaut d’avoir réussi à supprimer l’article 9 dans sa globalité, voici un amendement AS646 de repli de notre collègue Joseph Rivière, député de La Réunion, visant à en supprimer certaines dispositions néfastes portant sur le régime d’exonération des cotisations, qui auraient de lourdes conséquences sur les territoires ultramarins, déjà en grande souffrance sur le plan économique et social. En effet, le texte tend à supprimer 350 millions d’euros d’allégements de charges ; les effets négatifs sur les petites et moyennes entreprises (PME) ultramarines, dans les domaines du tourisme, de l’industrie, de l’agriculture ou encore de l’artisanat, seraient nombreux.
M. Frédéric Maillot (GDR). Je défends l’amendement AS943.
La suppression de la Lodeom serait la guillotine assurée pour nos très petites entreprises (TPE) et PME.
En tant qu’insulaires, nous vivons sur un territoire exigu et étroit et nous ne pouvons pas aller chercher du travail dans le département d’à côté ; nous sommes confinés sur une île. Nous sommes certes bien contents d’y vivre, mais il est économiquement compliqué de se passer de la Lodeom. Ce n’est pas un cadeau fait aux outre-mer, c’est un besoin, car le taux d’emploi y est nettement moindre que dans l’Hexagone et le taux de chômage chez nos jeunes est beaucoup plus important.
À ceux qui évoquent des fraudes potentielles pour justifier le projet de supprimer les 350 millions d’euros de la Lodeom, je pose la question des 211 milliards distribués aux entreprises en France, sur lesquels ne s’exerce absolument aucun contrôle, comme le souligne le rapport de Fabien Gay au Sénat. Soyons justes et raisonnables, regardons les outre-mer droit dans les yeux et ne leur faisons pas payer ce dont ils ne sont pas responsables ; ils ne méritent pas ce traitement.
Quel impact la suppression de la Lodeom aurait-elle sur nos territoires ? M. Vigier avait raison de le demander ce matin. En tant que Martiniquais, Guadeloupéens, Réunionnais et Guyanais, nous pouvons vous dire qu’il serait terrible pour nos TPE et PME.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Comme le soulignait M. Mathiasin, nous devons en effet être attentifs à des territoires dont le taux de chômage s’élève à 18 % en moyenne et les considérer comme des zones d’emploi à dynamiser.
Notre collègue Frédéric Maillot a raison de nous alerter sur les questions de mobilité. Lorsque l’on habite sur une île, La Réunion en l’occurrence, l’on ne peut pas facilement changer de département.
Je rappellerai à M. Bentz que l’effort envisagé doit être mis en perspective avec ce qui était envisagé l’an dernier.
L’année dernière, le Gouvernement prévoyait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de réduire les exonérations de cotisations patronales au niveau du Smic, ce qui entraînait une réduction équivalente de l’exonération Lodeom – le taux maximal devait baisser de 2 points, puis à nouveau de 2 points pour atteindre 4 points –, pour 1,5 milliard d’euros. J’avais moi-même déposé un amendement de suppression de cette mesure et je suis d’accord avec l’idée, soulignée ce matin par M. Vigier, qu’il faut faire preuve d’une très grande prudence. Yannick Neuder, mon prédécesseur, avait d’ailleurs rejeté cet article avec la commission et l’avait ensuite refusé lors de la commission mixte paritaire.
Le second élément qui posait alors problème était de faire passer cette réforme par ordonnance, comme le savent nombre d’entre vous déjà présents alors. Ce sujet est désormais évacué.
Voilà donc déjà deux victoires : pas de réduction d’exonérations au niveau du Smic pour 1,5 milliard d’euros, connaissant les enjeux de salaire en outre-mer, et pas de réforme par ordonnance. Il n’est pas question de supprimer la Lodeom, mais seulement de modifier le régime applicable.
Vous me demanderez pourquoi cela ne rapporte que 350 millions d’euros à l’État : c’est parce que, lorsque vous sortez de la Lodeom, vous entrez dans le dispositif des allégements généraux.
Christophe Bentz évoquait l’agriculture ou le bâtiment, mais l’effet de cet article concerne d’abord le barème d’innovation et de croissance, propre aux nouvelles technologies de l’information et de la communication et qu’il est prévu de supprimer. Son point de sortie était plus élevé que celui des autres barèmes : 3,5 fois le Smic. Sa mise en œuvre soulevait des difficultés opérationnelles, comme le soulignait le rapport des inspections générales des affaires sociales et des finances. La construction des critères d’éligibilité de ce barème semble complexe et fragile.
L’article propose aussi de réduire les seuils de dégressivité et de sortie des barèmes de compétitivité et de compétitivité renforcée.
Vous voulez supprimer totalement la réforme ; peut-être la commission, dans sa sagesse, vous suivra-t-elle. Pour ma part, je vous donne tous les éléments.
Mme Annie Vidal (EPR). Je souligne à mon tour les difficultés de déplacement dans les territoires d’outre-mer, à propos desquelles Olivier Serva et moi-même avons fait des propositions dans un rapport sur la continuité territoriale rendu la semaine dernière et que nous remettrons aux ministres concernés dans les jours qui viennent.
Le coût des compensations des exonérations créées par la Lodeom a augmenté de 33 % entre 2019 et 2023 pour atteindre 1 milliard et demi d’euros en 2024. C’est pourquoi il est proposé de supprimer le barème d’innovation et de croissance, qui présente des conditions d’éligibilité restrictives, et d’aligner les régimes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin sur ceux des autres territoires.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Nous nous sommes exprimés sur le sujet et j’espère, monsieur le rapporteur général, que vous étiez en copie du courrier que nous avons reçu du ministre.
Si tous les groupes, en particulier de gauche, demandent le maintien d’un certain nombre d’exonérations, c’est que la situation économique de nos pays le justifie. Nous avons bien sûr mesuré la nécessité de certaines corrections et les effets de bord créés par certains aspects de ces dispositifs. C’est d’ailleurs pour cela et afin de poursuivre l’échange que nous, députés des pays des océans, avons rendez-vous demain, à seize heures trente, avec la ministre des outre-mer et celle des comptes publics. Mais il n’est pas question pour nous de discuter le bout de gras sur cette révision de la Lodeom tant que nous n’aurons pas la possibilité d’exposer nos réalités et de faire comprendre que nous ne pouvons pas contribuer de façon disproportionnée à la résolution des tracas budgétaires dans lesquels se trouve l’État.
M. Max Mathiasin (LIOT). « On n’est pas jaloux ici, quand c’est les autres on applaudit aussi. » Nous ne sommes pas jaloux de la continuité territoriale de la Corse, mais quand elle perçoit 416 euros par habitant à ce titre, nous en recevons 8.
Depuis le covid, des entreprises ont fermé et le taux de chômage a considérablement augmenté, tout comme le taux de criminalité ou les trafics de drogue, pas parce que les jeunes seraient criminels de naissance, mais parce qu’ils n’ont rien à faire, qu’ils ne trouvent pas de travail.
Nous demandons à nos collègues, dans cette instance démocratique, de comprendre. J’ai horreur qu’on me donne l’impression – comme lorsque j’ai été élu, en 2017, et que nous nous adressions à des députés qui ne connaissaient pas les outre-mer – de quémander quelque chose. Nous ne demandons pas un cadeau, mais simplement, par la voie démocratique du vote, la suppression de ces dispositions.
M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens mes collègues ultramarins. Des efforts importants pour ces territoires ont été faits depuis quelques années et leur budget a augmenté de 30 %, une hausse inédite.
Mais ils cumulent tous les handicaps : aléas climatiques, vie chère – qui n’est pas une vue de l’esprit, comme le prouvent nombre de rapports parlementaires –, problèmes de formation, retards terribles et taux de chômage explosif.
Si l’on met brutalement fin à ces exonérations, les efforts de redressement entrepris seront anéantis. Nous aurons alors gâché des centaines de millions d’euros et la situation sera encore plus catastrophique. Je plaide donc pour qu’on laisse du temps au temps et qu’on évalue le dispositif.
Lorsque j’étais aux responsabilités, j’ai demandé la diminution de certaines niches, mes collègues ultramarins le savent ; nous en avons débattu, cela n’a pas été simple. Mais cette fois, si l’on supprime les exonérations de charges sociales, nous irons assurément dans le mur.
M. le rapporteur général. Je suis très humble : je n’ai pas la connaissance des outre-mer qu’en ont ses élus. Le rapport des inspections générales sur la Lodeom montre la diversité de ces territoires. Si je m’en suis remis à votre sagesse, c’est parce que je pense qu’il faut réformer le dispositif, mais sans les fragiliser. Je répète que, l’année dernière, j’avais déposé des amendements pour supprimer la réforme.
Madame Bellay, vous évoquez un courrier ; je n’ai connaissance d’aucun échange avec le Gouvernement au sujet de la Lodeom.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Souhaitez-vous que je vous le communique ?
M. le rapporteur général. Volontiers. Moi, je ne participe pas à des réunions sur les concessions du Gouvernement... Je le lirai avec attention.
Le dispositif de la Lodeom est très complexe. Le représentant de la Fédération des entreprises des outre-mer m’a sensibilisé au besoin de dispositifs spécifiques d’allégements de charges pour des questions de renforcement de la compétitivité. Je ne souhaite pas que l’on fragilise encore davantage votre tissu économique. Mais la complexité est telle qu’il y a des erreurs dans les déclarations, comme me le disent les entrepreneurs de vos territoires. Il faut donc réformer la Lodeom, sans pour autant leur porter atteinte.
Je n’ai pas été invité à la réunion que vous aurez demain – je penserai bien à vous pendant que nous poursuivrons ici l’examen du PLFSS. J’espère que le Gouvernement me tiendra informé des discussions et de son éventuelle intention de déposer des amendements sur le PLFSS – je l’ai interrogé à ce sujet dimanche, mais n’ai toujours pas de réponse ; je suis très transparent vis-à-vis de vous. J’ai besoin, en effet, de ses réponses sur certains articles, qui posent des problèmes juridiques ou économiques, parfois de fond. Je relaie aussi parfois vos propres questions.
N’ayant pas ces éléments, je m’en remets, je le répète, à la sagesse de la commission. Peut-être cela peut-il servir de signal avant votre réunion de demain ; peut-être pouvons-nous appuyer ainsi votre demande de prendre en compte la spécificité de vos territoires et de ne pas les fragiliser. Mais le dispositif, sur lequel j’ai travaillé avec les représentants des entreprises, mérite d’être corrigé et simplifié.
La commission adopte les amendements identiques.
En conséquence, les amendements AS196 de M. Jérôme Guedj, AS1718 de M. Frantz Gumbs, AS1687 et AS1688 de Mme Estelle Youssouffa, AS1675 de Mme Béatrice Bellay, AS821 de Mme Danielle Brulebois, AS990 de M. Max Mathiasin, AS1065 de Mme Nicole Le Peih, AS1356 de M. Philippe Naillet, AS1579 de M. Joseph Rivière, AS1261 de Mme Sandrine Rousseau, AS96 de M. Christian Baptiste, AS1740 de M. Thibault Bazin et AS97 de M. Christian Baptiste tombent.
Amendements identiques AS723 de M. Stéphane Lenormand et AS1032 de M. Jean‑Claude Raux ; amendements identiques AS91 de Mme Sylvie Bonnet, AS198 de M. Jérôme Guedj, AS204 de M. Gaëtan Dussausaye, AS642 de Mme Ségolène Amiot, AS649 de M. Hadrien Clouet, AS651 de Mme Élise Leboucher, AS657 de M. Damien Maudet, AS945 de M. Yannick Monnet et AS1111 de Mme Camille Galliard-Minier (discussion commune)
M. Max Mathiasin (LIOT). L’amendement AS723 vise à supprimer la disposition mettant fin à l’exonération de cotisations salariales dont bénéficient les apprentis pour les nouveaux contrats.
Cette mesure reviendrait en effet à réduire directement la rémunération nette des apprentis, déjà parmi les plus modestes du marché du travail. En supprimant cette exonération, on envoie un signal négatif à la jeunesse alors que l’insertion professionnelle des jeunes reste fragile et que les entreprises peinent à recruter dans de nombreux secteurs. L’apprentissage constitue un levier majeur d’accès à l’emploi et de montée en compétence. Le nombre d’apprentis a augmenté ces dernières années, en lien avec la politique du Gouvernement.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Avec la suppression totale de l’exonération de cotisations salariales pour les apprentis, l’on continue de faire peser l’effort sur celles et ceux qui ont moins, au lieu de taxer les plus riches.
L’on parle ici de la rémunération de jeunes en apprentissage, ayant pour 40 % d’entre eux une formation inférieure ou équivalente au bac, très majoritairement issus des classes populaires. Or les rémunérations en apprentissage représentent déjà un faible revenu, largement inférieur au Smic : 468 euros pour un jeune mineur en première année et 702 euros en deuxième année.
Le Gouvernement a déjà fortement abaissé cette année le plafond d’exonération, de 79 à 50 % du Smic, entraînant une baisse de 288 euros de la rémunération moyenne d’un apprenti.
Quel est le sens de tout cela ? Économiser quelques millions d’euros en échange de plus de jeunes dans la galère et la misère, continuer de vouloir exploiter la jeunesse avec des revenus toujours plus faibles, alors que d’autres s’enrichissent toujours plus.
En prenant cette mesure après avoir passé des années à promouvoir l’apprentissage comme une voie de réussite pour la jeunesse, le Gouvernement donne une magnifique illustration de son inconséquence. M. Bazin affirmait ce matin que l’on ne modifiait qu’un élément concernant l’apprentissage. Or à cette suppression de l’exonération de cotisations salariales s’ajoute celle de l’aide de 500 euros au financement du permis de conduire qui bénéficiait jusque-là aux jeunes apprentis.
Mme Sylvie Bonnet (DR). L’alinéa 17 de l’article 9 vise à abroger les exonérations de cotisations sociales, de contribution sociale généralisée (CSG) et de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dont bénéficient les apprentis.
L’adoption de cette mesure aurait un impact direct sur leur rémunération et un effet dissuasif sur les recrutements.
Au-delà de l’emploi des jeunes, cette disposition affaiblirait directement la compétitivité des entreprises formatrices, qui jouent un rôle central dans la montée en compétence des nouvelles générations. Elle risque de provoquer une forte contraction des embauches en contrat d’apprentissage, alors même que la France a su faire de ce levier un moteur puissant de développement économique et social.
Je propose donc de supprimer cet alinéa.
M. Sacha Houlié (NI). Je défends l’amendement AS198.
Cet alinéa pose plusieurs problèmes. D’abord, il porte un coup à l’apprentissage, en incohérence avec ce qu’ont voulu faire une partie des gouvernements précédents, mais surtout avec les amendements que nous avons adoptés après l’article 8 : vous avez refusé d’assujettir à la CRDS et à la CSG nombre de revenus complémentaires – prévoyance complémentaire, participations, intéressements, titres-restaurant, mais aussi retraites chapeau et stock-options – et vous voulez y assujettir les revenus des apprentis. Ce n’est pas normal. Il faut supprimer cet alinéa ; je pense que la commission le souhaite à l’unanimité et j’espère que vous y serez favorable, monsieur le rapporteur général.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je suis agréablement surpris par la liste des groupes ayant déposé des amendements pour revenir sur cette décision : LIOT, Écologiste, macroniste, LR, PS, LFI, GDR et évidemment Rassemblement National. Puisque tous les groupes veulent, à l’unanimité, revenir sur cette disposition, qui a eu l’idée de la mettre dans le PLFSS ? Surtout, qui n’a pas usé de son influence et de sa proximité avec le Gouvernement, en tant qu’allié actuel, passé ou un peu honteux – comme le Parti socialiste –, pour convaincre M. Lecornu de retirer ce dispositif qui vise à faire payer les apprentis, les jeunes ?
Peut-être cette unanimité aurait-elle aussi pu servir les aides à la création d’entreprise ou à la reprise d’entreprise, mais elle servira au moins pour les apprentis.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS649.
Certains développent des arguments pour justifier cette augmentation des taxes sur les apprentis. Ils affirment que ce serait au nom de l’égalité, parce que d’autres doivent payer la CSG et autres impôts.
Avant de parler d’égalité, j’aimerais parler de justice. Quand on est jeune apprenti et que l’on a moins de 25 ans, il n’est pas possible de vivre au-dessus du seuil de pauvreté. Or on ne peut pas parler d’égalité tant que l’on n’est pas capable de permettre à ces jeunes de ne pas vivre dans la pauvreté. Voilà pourquoi cette mesure est ressentie comme une injustice : ces jeunes ne peuvent concrètement pas se permettre de payer ces taxes, ce n’est pas une question de morale.
En les surtaxant, on va donc taper des jeunes qu’on a enfermés dans une situation de précarité, car l’apprentissage fait travailler des jeunes qui sont en dessous du seuil de pauvreté. Pour ceux qui aimeraient utiliser l’argument de l’égalité, il ne tient pas : parlez d’abord de justice.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). C’est l’heure de l’impôt exceptionnel : pas sur les riches, pas sur les milliardaires, mais sur le million d’apprentis qui font tourner usines, ateliers et boutiques du pays. Avec cet article, vous allez faire payer 100 euros en moyenne aux apprentis.
Il faudrait savoir : soit ce ne sont pas des salariés ordinaires, et il n’y a dans ce cas aucune raison de leur infliger ce type de taxe, soit ce sont des salariés ordinaires, et il faut alors leur verser des salaires ordinaires. Mais il va falloir trancher, car ils finissent actuellement le mois à découvert et certains dorment dans leur voiture. Voilà la situation concrète.
Vous tapez les jeunes, déjà surexposés aux pires risques. Le mois dernier, un colloque s’est tenu à l’Assemblée sur les violences dans le secteur de la restauration. Des témoignages faisaient état d’injures, de maltraitances, de violences sexuelles ou sexistes, de coups, d’insultes racistes, de salaires minables. Tel est le quotidien dans plusieurs secteurs où travaillent des apprentis.
La moitié d’entre eux ne tiennent déjà pas jusqu’au bout du contrat d’apprentissage. Non seulement vous voulez une main-d’œuvre corvéable à merci, mais vous venez en plus la racketter. Voilà la vérité que doivent entendre les apprentis et leurs parents.
M. le rapporteur général disait ce matin qu’entre l’apprenti et le non-apprenti, à rémunération brute identique, il y a une différence de net. En effet, parce que l’apprenti est sous-payé : voilà la différence.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’alinéa 17 prévoit de soumettre à cotisations sociales l’intégralité du revenu des apprentis. Cette mesure risque évidemment de précariser ces derniers.
Par exemple, un apprenti de 16 ans, rémunéré entre 27 et 55 % du Smic, perdrait entre 55 et 100 euros par mois. Pour un apprenti de plus de 21 ans, la contribution monterait à 100 euros par mois. Cette perte de revenu s’appliquerait alors que plus de 75 % des apprentis vivent sous le seuil de pauvreté.
Il est inacceptable d’exiger qu’ils soient les premiers à payer des contributions lorsque l’on sait que le patronat est massivement subventionné pour les contrats d’apprentissage.
Nous défendons la revalorisation de la rémunération des apprentis avant toute hausse de contribution sur leurs revenus.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous sommes au cœur de l’injustice. Au lieu de taxer les riches, le Gouvernement veut donc taxer les apprentis qui vivent sous le seuil de pauvreté.
Je crois à l’apprentissage. Pour beaucoup de jeunes, il s’agit d’un moment où l’on peut prendre confiance, se découvrir, apprendre avec ses pairs, souvent des métiers essentiels. Mais pour le Gouvernement, l’apprentissage n’est qu’une variable d’ajustement pour faire baisser le chômage.
On est passé de 200 000 à 1 million d’apprentis, avec jusqu’à 15 milliards d’euros d’aides. À qui ont-elles profité ? Deux apprentis sur trois étaient issus de l’enseignement supérieur. On imagine que les apprentis travaillent dans le secteur du bâtiment, sont coiffeurs ou boulangers. En réalité, le dispositif a surtout profité à l’enseignement supérieur, en particulier à l’enseignement supérieur privé, qui a touché les trois quarts des aides à l’apprentissage – les écoles de commerce en premier lieu.
Nous défendons une aide destinée à un apprenti dans une entreprise du bâtiment, vous visez l’apprenti qui fera son stage chez Apple, et vous demandez désormais à tous les apprentis de payer les aides à l’apprentissage, à hauteur de 100 euros chacun.
Il faudrait garder ces aides dans certains secteurs d’activité essentiels, comme le bâtiment, par exemple, pour la rénovation thermique, et les supprimer dans d’autres, ceux où elles profitent aux écoles de commerce ; et, surtout, ne pas taxer les apprentis à 100 euros alors qu’ils vivent déjà sous le seuil de pauvreté.
Mme Christine Le Nabour (EPR). Nous ne traitons pas des aides à l’apprentissage pour les entreprises, qui seront abordées dans la seconde partie du projet de loi de finances (PLF), mais les exonérations liées aux contrats des apprentis.
Je ne sais pas qui a eu cette idée folle, mais en tout cas, l’apprentissage est un marqueur pour notre groupe depuis 2018, comme tout ce qui concerne la politique d’entrée dans l’emploi, de formation et d’apprentissage. La semaine dernière, comme chaque année, j’étais aux WorldSkills, à Marseille, où l’on voit la fierté des jeunes en compétition, qui suivent des formations en alternance. Il est donc hors de question pour nous de mettre un coup d’arrêt à l’apprentissage.
Effectivement, même avec 1 000 euros, un apprenti ne vit pas, surtout quand il fait ses études à Paris. Ces aides sont un moyen d’ascension sociale pour des jeunes qui n’auraient pas pu faire d’études sans elles. Nous sommes donc favorables à leur maintien.
M. Yannick Monnet (GDR). Je rappellerai d’abord l’importance de l’apprentissage dans notre pays, notamment pour des métiers en tension, et l’importance de la pédagogie de l’alternance, qui convient à beaucoup de jeunes. De ce point de vue, on pourrait imaginer qu’il n’y ait pas de cotisations sociales sur ce type de dispositif, puisqu’un apprenti est avant tout un étudiant qui apprend, et non un salarié lambda. On ne devrait donc même pas avoir d’exonération, puisqu’il ne devrait pas y avoir de cotisations !
M. le rapporteur général. Il y a une grande confusion : on peut être pour ou contre ces dispositifs, mais il faut savoir de quoi on parle.
Monsieur Raux, la suppression de l’aide au permis de conduire, suppression à laquelle je suis opposé, ne figure pas dans cet article mais relève de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux du PLF.
Messieurs Clouet, Maudet et Boyard, je suis très étonné : depuis deux jours, vous n’arrêtez pas de nous expliquer qu’il faut socialiser les revenus, que les cotisations ne sont pas des charges mais un salaire différé ; et voilà que vous qualifiez de « taxe » ou d’« impôt » les cotisations salariales.
Certains défendent aujourd’hui l’apprentissage alors que, ces dernières années, ils n’ont pas toujours soutenu les dispositifs d’aide à l’apprentissage, contrairement à moi. La question posée par cet alinéa est : est-ce qu’à salaire brut équivalent, un apprenti doit gagner plus qu’un salarié ?
Il est vrai que si le salaire est de 1 000 euros, en lui appliquant un prélèvement de 11 % au titre des cotisations, on arrive bien à votre chiffre de 100 euros par mois.
Selon Yannick Monnet, les apprentis ne devraient même pas cotiser ; pourquoi pas, mais allons au bout de ce raisonnement : dans ce cas, pas d’ouverture de droits, puisque les cotisations créent des droits. Je l’ai dit ce matin : je suis très favorable à la validation des trimestres pour la retraite, mais qui dit droit dit cotisation. D’ailleurs, tout le monde contribue pour alimenter ce droit. Est-on prêt à ce que les apprentis ne valident plus ces trimestres ?
Néanmoins, vous posez une question légitime, celle du juste niveau de rémunération des apprentis.
Il y a eu des évolutions ces dernières années ; elles ne vont pas assez loin pour certains, mais il existe une rémunération minimum qui augmente en fonction de l’année d’apprentissage, et il n’est pas question de supprimer les aides aux apprentis.
Les aides à l’embauche ne sont pas supprimées elles non plus. La mesure ne dissuadera pas les employeurs de recruter des apprentis, elle ne changera absolument rien pour eux.
En revanche, je le répète, l’apprenti qui, après trois années d’apprentissage, intégrera l’entreprise au même salaire brut verra son salaire diminuer, parfois de manière importante, dans les proportions que vous avez évoquées, et ne comprendra pas pourquoi. Certes, certains apprentis perçoivent une rémunération inférieure à 1 000 euros, mais certains salariés travaillent à temps partiel. À salaire brut équivalent, pourquoi un apprenti gagne-t-il plus qu’un salarié à temps partiel ?
Je n’ai pas écrit cet article – je n’aurais d’ailleurs pas pensé à l’inscrire dans le PLFSS. Mais je me dois de vous expliquer ce en quoi il consiste et ce qu’il ne traite pas – la rémunération, l’aide à l’embauche, l’aide au permis de conduire.
M. Nicolas Turquois (Dem). Les propos que j’ai entendus m’ont choqué. Certains s’opposent aux politiques en faveur de l’apprentissage. Or c’est un moyen formidable de faire découvrir le travail aux étudiants.
Je suis employeur d’apprentis. J’ai fait le calcul pour des apprentis qui gagnent autour de 1 000 euros : la mesure représente une baisse de 10 euros, loin des chiffres que j’ai entendus.
Par ailleurs, comme l’a très bien dit le rapporteur général, un salarié à mi-temps peut gagner moins qu’un apprenti du fait de la fiscalité et des cotisations.
Les apprentis valident désormais des trimestres de retraite. Or une ouverture de droits suppose une cotisation. Celle qui est proposée reste très faible. C’est normal de cotiser quand on travaille.
Enfin, votre image de l’apprenti, celle d’un enfant que l’on ferait travailler, est tout simplement insupportable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je ne suis pas une fan de l’apprentissage. Je suis très attachée à l’enseignement professionnel, que vous avez brisé. Maintenant que bon nombre de lycées professionnels sont à terre, beaucoup de jeunes n’ont plus d’autre choix de formation que l’apprentissage. En l’absence d’une allocation d’autonomie qui permettrait à chaque jeune de subvenir à ses besoins essentiels et d’être autonome, il faut garantir un niveau de rémunération correct. L’apprentissage ne le permet pas. Ne prenons pas en plus aux apprentis 100 euros par mois.
Bien entendu, le travail des apprentis ouvre des droits : les mois et les années d’apprentissage doivent être pris en compte pour la retraite.
En revanche, certains d’entre eux sont mineurs et ils peuvent être victimes d’accidents du travail – j’espère que vous êtes au courant des faits de ce type survenus ces dernières années.
Enfin, de nombreuses ruptures de contrats d’apprentissage sont le fait des employeurs et laissent les jeunes sans solution.
La réunion est suspendue de dix-sept heures quinze à dix-sept heures trente.
Mme Justine Gruet (DR). La Droite Républicaine encouragera toujours l’apprentissage. J’ai déposé une proposition de loi visant à abaisser à 16 ans l’âge du permis de conduire afin de décorréler l’âge du permis de celui du bac et d’encourager les voies professionnalisantes.
Évitons de tomber dans le registre émotionnel et soyons justes : pour ouvrir des droits, il est nécessaire de cotiser. L’apprentissage est un réel outil de formation : c’est une voie d’excellence qui allie les savoir-faire théorique et pratique. Ne cassons pas la dynamique de ces dernières années qui a favorisé la promotion de l’apprentissage. Continuons à encourager les entreprises à embaucher des apprentis. Cette démarche est gagnant-gagnant : les apprentis acquièrent un bagage considérable et les entreprises bénéficient d’une main-d’œuvre avec une valeur ajoutée.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Votons ces amendements pour refuser que le Gouvernement fasse payer aux apprentis le prix de sa politique d’austérité sociale. La suppression de l’exonération conduirait à ponctionner jusqu’à 100 euros sur le revenu mensuel de jeunes déjà sous le seuil de pauvreté.
Un chiffre pour éclairer ce débat : 75 % des apprentis gagnent moins de 1 200 euros. Ce sont des travailleurs pauvres et non des privilégiés. Pendant ce temps, on le dit et on le répète, les entreprises encaissent des milliards d’euros en exonérations et des primes à l’embauche d’alternants.
Voilà où est l’argent, pas dans la poche des jeunes qui bossent pour 600 ou 800 euros par mois. Ce n’est pas aux apprentis de combler les trous d’une sécurité sociale que le Gouvernement vide lui-même à coups de cadeaux patronaux. Nous demandons le maintien de l’exonération et la fin de cette hypocrisie sociale.
Mme Sandrine Runel (SOC). Je rappelle tout le bien que nous pensons de l’apprentissage et j’insiste sur la nécessité de supprimer cet alinéa. Quelqu’un s’est demandé qui avait eu l’idée de cette mesure. De mon côté, je me demande qui a eu l’idée de ce budget, dont personne n’a l’air ni solidaire ni coresponsable.
Le dépôt d’amendements de suppression par tous les groupes politiques – voire de plusieurs amendements par groupe – montre bien que nous sommes d’accord pour supprimer cette disposition.
Si nous voulons éviter de passer le week-end ensemble, le rapporteur général devrait abréger ses explications, aussi intéressantes et bienveillantes soient-elles. Quant à nous, nous devrions faire preuve de concision et respecter la minute de parole qui nous est impartie.
La commission adopte les amendements AS723 et AS1032.
En conséquence, les autres amendements en discussion commune tombent, ainsi que les amendements AS406 de Mme Ségolène Amiot, AS516 de Mme Christine Loir, AS206 et AS205 de M. Gaëtan Dussausaye et AS1676 de M. Olivier Serva.
Amendement AS1120 de M. Paul Midy
Mme Camille Galliard-Minier. Il vise à garantir que l’ensemble des entreprises innovantes continueront à bénéficier du dispositif d’exonération pour les jeunes entreprises innovantes (JEI). Pour être éligibles, les entreprises doivent réaliser des dépenses de recherche et développement (R&D) représentant au moins 20 % de leurs charges, seuil déjà difficile à atteindre.
Ne touchons pas à ce dispositif essentiel qui fonctionne : il soutient les JEI et les start‑up qui embauchent et sont l’avenir de notre pays.
M. le rapporteur général. Le dispositif JEI a fait l’objet de deux mesures importantes au cours des dernières années : d’une part, la loi de finances pour 2024 a créé la catégorie des jeunes entreprises de croissance (JEC), qui peuvent bénéficier du dispositif dès qu’elles atteignent le seuil de 5 % de dépenses de recherche et développement – très éloigné de celui de 20 % ; d’autre part, la même loi prévoit que la souscription au capital de ces entreprises ouvre droit à une réduction de l’impôt sur le revenu dans le cadre du dispositif dit « IR-PME ».
Par ailleurs, ces entreprises peuvent également bénéficier d’autres formes de soutien, telles que le crédit d’impôt pour l’innovation ou les aides distribuées par Bpifrance.
L’alinéa 18 ne porte que de 20 % à 25 % le seuil de dépenses de recherche et développement qui conditionne l’éligibilité au dispositif : ce n’est pas grand-chose. Et si une entreprise n’est plus éligible au JEI, elle peut bénéficier des allégements généraux de cotisations patronales, dont le point de sortie est fixé à trois fois le Smic.
Nous avons déjà supprimé plusieurs mesures de redressement des comptes sociaux. Cet alinéa ne remettra pas en cause le dispositif JEI.
Je vous invite à retirer cet amendement ; à défaut, avis défavorable.
Mme Camille Galliard-Minier. Je le maintiens. Certes, une augmentation de 5 points paraît faible, mais il n’est pas facile de faire ces dépenses en R&D, notamment pour les entreprises du secteur de l’innovation sociale. Par ailleurs, les entreprises qui sortiraient du dispositif subiraient une augmentation de 30 % de leurs charges sociales, ce qui n’inciterait pas à l’embauche.
M. Philippe Vigier (Dem). Je connais un peu le sujet : j’ai fondé un village de start‑up, dans lequel il y a des JEI. L’augmentation du seuil de dépenses de 20 % à 25 % n’entraînera pas 30 % de surcoût ; ce calcul n’est pas juste. Par ailleurs, les JEI peuvent bénéficier d’aides de la part de Bpifrance et des conseils régionaux. Ce dispositif ne les mettra pas à terre, bien au contraire.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS691 de M. Hadrien Clouet et AS693 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les bilans disponibles sur l’effet des niches sociales pour les JEI, les jeunes entreprises universitaires (JEU) et les JEC ne montrent pas leur pertinence. Il s’agit en fait de transferts de charges de certaines entreprises privées vers la puissance publique. Nous sommes donc favorables au rétablissement du droit commun. Les politiques menées doivent reposer sur l’organisation d’écosystèmes de recherche, la mutualisation des fonctions et la capacité à déposer un brevet collectif, plutôt que sur du saupoudrage de fonds par l’outil fiscal.
Dans un souci d’efficacité de la R&D nationale, nous proposons d’abroger l’article 131 de la loi de finances pour 2004.
M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). L’amendement AS693 est de repli. Dis-moi qui tu exonères, je te dirai pour qui tu gouvernes ! Le fait de réaliser 360 millions d’euros d’économies sur le dos des apprentis tout en maintenant 300 millions d’exonérations fiscales pour les start-up montre le lien entre un gouvernement et un groupe politique, d’une part, et, d’autre part, un groupe social bien identifié : la bourgeoisie, qui croit être le centre de l’univers et avoir toutes les bonnes idées pour demain. Pensons à nos finances publiques, soyons sérieux.
M. le rapporteur général. Pourrait-on échanger uniquement sur le fond ? Un rabot de 25 millions d’euros sur le dispositif JEI est prévu. J’ai compris que le groupe EPR y était défavorable. Le dispositif est recentré sur les entreprises qui investissent le plus en matière de recherche et développement. Il est plus attractif que les allégements généraux de cotisations, même si la différence n’est pas de 30 %.
Monsieur Clouet, en 2021, une étude économique réalisée par l’Insee avait conclu à un effet positif du dispositif JEI sur l’emploi salarié total et l’emploi salarié consacré à la R&D. Je ne suis pas sûr que tous ces salariés appartiennent à la grande bourgeoisie. Je m’inscris en faux contre cette remarque péjorative à l’endroit de ceux qui innovent et investissent. Par ailleurs, le rapport de 2023 de notre collègue Paul Midy, dont la publication avait été approuvée par la commission, a lui aussi montré tout l’intérêt de ce dispositif.
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je suis très content que le rapporteur général évoque cette étude de l’Insee, parue le 28 octobre 2021, qui s’intitule : « Dispositif “ jeune entreprise innovante” : un effet faible et incertain sur l’emploi des entreprises bénéficiaires ». Je vous invite à lire l’ensemble de l’étude, cela vous incitera à voter nos amendements. Votez insoumis ; vous verrez, ça vous fera du bien.
M. le rapporteur général. Il ne faut pas s’arrêter au titre ! Cette étude montre que ces dispositifs ont vraiment eu un effet.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS262 de M. Paul Midy
Mme Annie Vidal (EPR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1082 de M. Charles Fournier
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Cet amendement vise à créer une nouvelle catégorie de JEI, les jeunes entreprises innovantes à impact (JEII), qui satisferait aux critères de l’économie sociale et solidaire et de l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale ».
Ces entreprises développent en France l’innovation écologique et sociale conforme aux dix-sept objectifs de développement durable. Cette nouvelle catégorie concernerait entre 500 et 800 entreprises, pour un coût estimé à 5 millions d’euros. Ce dispositif permettrait à l’État d’éviter des coûts majeurs puisque pour 1 euro de chiffre d’affaires réalisé par ces structures, 1,30 euro en moyenne serait économisé pour la société et les pouvoirs publics.
M. le rapporteur général. Cette nouvelle catégorie bénéficierait donc d’une exonération d’impôt, ce qui n’est pas cohérent avec votre opposition passée aux exonérations.
L’éligibilité à cette nouvelle catégorie reposerait sur des critères environnementaux et sociaux ; sur ce point, vous êtes cohérents ; mais le soutien aux JEC et aux JEI par l’intermédiaire de Bpifrance ou des collectivités dépend déjà de tels critères. Il est donc inutile de créer une catégorie dans un système déjà très complexe.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 9 modifié.
Amendement AS1469 de M. Lionel Causse
Mme Camille Galliard-Minier. L’amendement vise à permettre aux employeurs de prendre en charge une partie des intérêts du prêt immobilier de leurs salariés.
La crise du logement atteint un niveau historique. L’application de ce dispositif reste marginale car il est peu incitatif du point de vue social et fiscal. Cet amendement vise à y remédier afin de permettre à de jeunes ménages d’accéder à un logement grâce au soutien de leur employeur.
M. le rapporteur général. Je connais bien cet amendement : j’avais déposé le même il y a un an. Nous devons encore le retravailler.
D’abord, ce dispositif soulève une difficulté s’agissant de la mobilité. Il ne faudrait pas que les salariés deviennent en quelque sorte captifs de l’entreprise qu’ils ne pourraient plus quitter faute de pouvoir s’acquitter seuls des intérêts de leur prêt.
Par ailleurs, certains employeurs prennent déjà en charge une partie des intérêts des prêts immobiliers contractés par leurs salariés. Il faudrait s’assurer que ces employeurs ne réduiraient pas le niveau de cette prise en charge pour bénéficier de l’exonération que vous proposez de créer.
À condition de résoudre ces deux problèmes, ce dispositif très intéressant, qui représenterait une aide d’une centaine d’euros pour les salariés voulant devenir propriétaires, peut avoir un effet de levier, notamment dans les zones tendues en métropole. Ce dispositif est une solution parmi d’autres pour résoudre la crise du logement. Je vous invite à le retirer pour le retravailler.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1332 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). L’amendement vise à lutter contre le gaspillage alimentaire dès la phase de production, en reconnaissant le rôle essentiel des exploitations agricoles dans cette démarche.
Ce sont 10 millions de tonnes de denrées alimentaires qui sont gaspillées du champ à l’assiette, soit 150 kilos par personne, pour une valeur de 16 milliards d’euros.
Le présent amendement vise donc à encourager et à valoriser les dons alimentaires consentis par les exploitations agricoles au profit d’associations caritatives, en proposant une réduction des cotisations sociales pour l’exploitation sur la base des dons réalisés.
M. le rapporteur général. Je ne peux que souscrire à votre superbe idée. En outre, je soutiens fermement les agriculteurs, comme en témoignent les amendements que j’ai défendus à ce sujet.
Néanmoins, il existe déjà une exonération de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés à hauteur de 60 % de la valeur des dons, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires global de l’exploitation ou de 20 000 euros par an. Je ne pense pas qu’il faille aller plus loin.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1573 de M. Fabrice Brun
M. Fabrice Brun (DR). Cet amendement est relatif au dispositif travailleur occasionnel-demandeur d’emploi (TO‑DE), qui consiste en une exonération de charges sociales pour l’emploi de travailleurs saisonniers agricoles et concerne les activités à forte intensité de main-d’œuvre comme l’arboriculture, la viticulture, le maraîchage, la pépinière viticole.
Pour rappel, le coût du travail est inférieur au nôtre de 37 % en Espagne et en Italie et de 22 % en Allemagne. Nous devons donc pérenniser le TO‑DE, qui sert la compétitivité de l’agriculture française.
Je propose ainsi d’exclure le TO‑DE de la réforme des allégements généraux de cotisations patronales réduisant le taux maximal d’exonération au niveau du Smic.
M. le rapporteur général. Chaque année, vous défendez cet amendement. Je le connais bien ; l’année dernière, j’avais présenté le même et nous l’avions fait adopter. Le dispositif proposé ne correspond plus à la situation actuelle et produirait l’effet inverse de celui que vous recherchez.
L’an dernier, nous avons évité que la réforme des allégements généraux prévue à l’article 6 du PLFSS 2025 entraîne une diminution du niveau maximal de l’exonération TO‑DE. Il n’y a donc rien à faire de plus. Adopter votre amendement serait même néfaste : prendre pour référence la date du 31 décembre 2025, comme vous le faites – au lieu de celle du 1er janvier 2024 –, revient à se régler sur celle du 31 décembre 2024, car rien n’a changé entre ces deux dates, contrairement à ce qui s’est passé entre le 1er janvier et le 31 décembre 2024. Vous en restez donc à l’ancien dispositif alors que nous avons amélioré les choses.
Comme vous ne souhaitez pas porter préjudice aux agriculteurs, je vous invite à retirer votre amendement et à ne surtout pas le redéposer en séance.
M. Fabrice Brun (DR). Je remercie le rapporteur général d’avoir souligné ma pugnacité quand il s’agit de défendre la compétitivité de notre agriculture. Je me range à vos raisons et je regarderai cela de plus près d’ici à la séance.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1741 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Je propose d’étendre le TO‑DE aux seules entreprises de travaux forestiers (ETF), ce qui représenterait une perte de recettes de 5 millions d’euros, plutôt qu’à toutes les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (Etarf) – la perte de recettes s’élèverait alors entre 17 et 20 millions d’euros.
Lors du débat que nous avions eu l’an dernier sur ce sujet, nous étions convenus de définir un champ d’application pertinent. C’est le sens de cet amendement.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il faut maintenir le TO‑DE, dispositif que nous défendons chaque année. L’an dernier, j’avais notamment déposé un amendement en ce sens avec Didier Le Gac, mais c’est l’amendement du rapporteur général que nous avions adopté, qui visait à prolonger le dispositif jusqu’en 2027.
M. le rapporteur général. Ce dispositif est désormais pérenne. Je vous propose de combler un trou dans la raquette en ciblant les entreprises de travaux forestiers. Parmi les 22 500 Etarf, on dénombre 6 700 ETF. Cet amendement coûte environ 5,3 millions d’euros ; il en coûterait près de 18 millions s’il visait l’ensemble des Etarf.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis perplexe : certaines entreprises de travaux forestiers exercent à la fois des activités forestières et agricoles – du reste, je rappelle que les entreprises agricoles demandent à bénéficier de cette exonération. De même, certaines entreprises qui gèrent les espaces verts accomplissent des travaux forestiers. Ce dispositif pourrait entraîner des effets de bord dangereux du point de vue financier. Je comprends cet amendement, mais dans un contexte budgétaire difficile, je préfère m’abstenir.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Pourquoi cet amendement cible-t-il uniquement les entreprises de travaux forestiers ?
M. le rapporteur général. D’une part, les Etarf non forestières disposent généralement d’une clientèle diversifiée et sont moins soumises aux contraintes de la saisonnalité ; d’autre part, elles emploient des travailleurs permanents. Or, conformément à son objet, cette exonération doit bénéficier aux exploitations qui emploient des travailleurs saisonniers.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AS654 de M. Damien Maudet et AS655 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). L’amendement AS654 vise à conditionner les aides au travail occasionnel dans les exploitations agricoles au respect du minimum de décence humaine.
Jusque dans l’Assemblée, les hypocrites ont une morale à géométrie variable. Leur fonds de commerce est de stigmatiser la main-d’œuvre immigrée, mais puisqu’elle est là, autant l’exploiter et lui faire discrètement planter des hectares de vignes. Je pense à un ancien parlementaire du Médoc, qui fait honte à la profession, ainsi qu’aux agriculteurs et aux agricultrices. Je salue les viticulteurs et les viticultrices de mon département, mais aussi tous les travailleurs agricoles, qui méritent sécurité, dignité et fierté, quelle que soit leur nationalité.
Faute d’inspecteurs du travail, des scandales liés à la canicule, aux payes dérisoires ou aux amplitudes horaires indécentes éclatent chaque année. Récemment, de grands exploitants agricoles ont été condamnés pour traite d’êtres humains. Nous ne voulons plus jamais revivre les vendanges de la honte, quand cinquante-sept travailleurs étrangers avaient été découverts dans des conditions de vie et d’hébergement indignes.
Les aides TO‑DE représenteront 620 millions d’euros l’an prochain. Fidèles à notre ligne, nous exigeons des contreparties sociales minimales à l’octroi d’aides.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Dans la foulée du précédent, l’amendement AS655 vise à exclure les sociétés de prestations de services internationales du bénéfice du dispositif TO‑DE.
Les entreprises qui font de la sous-traitance en recourant à des prestataires étrangers manquent souvent à leurs obligations juridiques et de sécurité sur les sites. Elles bénéficient pourtant de différents aménagements fiscaux, alors que les taux d’accident et de mortalité du secteur agricole sont les plus élevés du pays. Les 9 et 23 octobre, deux hommes sont morts écrasés, l’un par un caisson de blé, l’autre par une benne.
Monsieur Fabrice Brun, j’espère que vous voterez en faveur de la conditionnalité des exonérations concernées, puisque la Confédération paysanne a gagné les élections de la chambre d’agriculture dans votre département et que c’est une de ses revendications ; cela me semble plus intéressant que de coécrire des amendements avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
M. le rapporteur général. Moi aussi, je suis pour des conditions de travail dignes ; c’est à l’inspection du travail de contrôler le respect de cette exigence. Je reconnais votre constance sur la conditionnalité des aides, mais l’amendement AS654 présente un risque d’alourdissement de la charge de la Mutualité sociale agricole (MSA).
Le coût du dispositif est plutôt de 590 millions d’euros.
Dans le second amendement, vous évoquez la prestation de services internationale ; celle-ci repose sur un contrat, par lequel une entreprise établie à l’étranger s’engage à effectuer une prestation pour le compte d’une entreprise située en France, au moyen de travailleurs qu’elle détache temporairement. Il est exact, monsieur Clouet, que le recours à ce mécanisme croît dans le monde agricole, mais vous évoquez des cas de maltraitance de saisonniers sans contrat ; or la prestation de services internationale est un contrat. D’ailleurs, le dispositif TO‑DE ne s’applique pas en l’absence de contrat. Je ne nie pas l’existence d’abus, mais il nous faut relayer à la MSA et à l’inspection du travail les alertes que nous recevons dans nos circonscriptions.
Avis défavorable aux deux amendements.
Mme Joëlle Mélin (RN). Il y a un an et demi, de grandes sociétés, notamment espagnoles, se sont comportées de manière indigne à l’égard des personnes qu’elles avaient recrutées. Nous allons soutenir cette proposition pour les personnes titulaires d’un contrat et du statut de travailleur détaché tel que défini par les lois européennes.
Les travailleurs détachés représentent un vrai problème – leur nombre est estimé à 500 000. Or, depuis le début de nos travaux, nous ne les avons pas évoqués une seule fois alors que nous débattons à n’en plus finir des moyens de raboter le capital, les employeurs et les grandes entreprises. Il convient pourtant d’examiner cette catégorie avec la plus grande attention compte tenu des problèmes de financement de la sécurité sociale.
La commission adopte l’amendement AS654.
En conséquence, l’amendement AS655 tombe.
Amendement AS1722 de M. Fabrice Brun
M. Fabrice Brun (DR). Cet amendement transpartisan, et même trans-syndical pour faire plaisir à mon collègue Clouet, touche à l’agriculture collective. Nous souhaitons que les coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) qui emploient de la main-d’œuvre saisonnière puissent bénéficier, comme les groupements d’employeurs associatifs, du dispositif TO‑DE. Comme les Cuma sont le prolongement des exploitations agricoles, il nous paraît légitime que les quelques centaines d’emplois concernés bénéficient des exonérations de charges sociales.
M. le rapporteur général. Vous menez, cher Fabrice Brun, un combat constant pour les Cuma. J’avais déposé l’année dernière un amendement sur le sujet ; il avait été adopté, mais la navette parlementaire l’a modifié pour retenir une mesure différente de votre proposition. L’adoption de cette dernière se retournerait contre votre objectif car elle réduirait la portée du mécanisme actuel. Je vous invite donc à retirer votre amendement déjà satisfait et à ne pas le représenter en séance publique.
L’amendement est retiré.
Amendements AS197 de M. Jérôme Guedj et AS399 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement AS197 est défendu.
M. Hadrien Clouet (LFI‑NFP). L’amendement AS399 est défendu.
M. le rapporteur général. Ces deux amendements me surprennent beaucoup : depuis deux jours, vous souhaitez limiter les exonérations de cotisations sociales ; or vous proposez là une exonération totale de contributions alors que nous avions maintenu l’exonération jusqu’à 50 % du Smic l’année dernière ; je ne vous comprends plus !
Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il faut un droit ordinaire de référence fixant un taux de cotisations sociales interprofessionnel, dont le produit abonde une caisse unique de socialisation des risques, pour parler comme en 1946. C’est par rapport à ce droit ordinaire que l’on peut créer des situations extraordinaires.
En l’espèce, la réduction du temps de travail de certains salariés à 32 heures par semaine créerait des emplois, lesquels seraient soumis aux cotisations sociales. La nature du dispositif est la même que pour les 35 heures.
La commission adopte l’amendement AS197.
En conséquence, l’amendement AS399 tombe.
La réunion est suspendue de dix-huit heures cinq à dix-huit heures vingt-cinq.
Amendement AS1742 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Par souci de transparence, je signale que la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) m’a suggéré cet amendement au cours des auditions préparatoires que nous avons menées avec chaque caisse et organisme.
Les deux dernières lois de financement de la sécurité sociale ont révisé l’assiette sociale des indépendants, notamment celle des exploitants agricoles, pour mettre fin à la double circularité, contrainte qui oblige à calculer la CSG pour connaître les cotisations et inversement.
Je propose dans cet amendement que les abandons de comptes courants soient retirés de l’assiette sociale agricole. Il s’agit d’une renonciation par un associé à tout ou partie de sa créance sur la société, née de l’argent qu’il avait prêté, pour renforcer les fonds propres de l’exploitation agricole en difficulté. L’absence de remboursement de la mise de l’associé ne génère pas de revenu pour la société : ce produit comptable, qui est un apport, n’a pas à être assimilé à un produit assujetti aux prélèvements sociaux des agriculteurs.
M. François Gernigon (HOR). Pourquoi cette mesure ne concernerait-elle que le monde agricole ? Quel régime s’applique à ce type d’abandon de créance dans les activités commerciales et industrielles ?
M. le rapporteur général. J’ai trouvé cette idée de la CCMSA très pertinente, mais elle pourrait en effet s’appliquer à d’autres secteurs. Je n’ai pas entendu les acteurs du régime général et des autres branches avancer une revendication comparable. Je vous propose d’adopter mon amendement et de voir s’il suscite un intérêt plus large au cours de la navette parlementaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1095 de M. François-Xavier Ceccoli et sous-amendement AS1751 de M. Thibault Bazin
M. François-Xavier Ceccoli (DR). Les territoires ruraux et de montagne subissent chaque jour les conséquences de leur manque d’attractivité aux yeux des soignants. Dans ces zones sous-dotées, les professionnels de santé – médecins, infirmiers, kinésithérapeutes ou soignants de premiers secours – exercent souvent dans des conditions difficiles : les trajets quotidiens sont longs et épuisants, la charge logistique est lourde, la patientèle perçoit des salaires modestes et les revenus nets sont inférieurs à la moyenne.
En février, nous avons débattu de la désertification médicale, laquelle représente une rupture majeure de l’égalité d’accès aux soins. Il vous est proposé de soutenir les soignants qui exercent dans ces zones. L’amendement vise à rendre ces territoires plus attractifs en instituant une exonération partielle de 50 % des cotisations sociales personnelles pour les praticiens qui s’y installent. Accordée pour une période de cinq ans renouvelable une fois, l’exonération serait strictement encadrée par les zonages établis par les agences régionales de santé (ARS).
M. le rapporteur général. Je ne suis pas opposé aux aides à l’installation et votre idée m’intéresse. Jean-François Rousset et Yannick Monnet ont rendu un rapport sur le sujet au printemps – j’ai pu participer à certaines des auditions qu’ils ont menées.
Le dispositif de votre amendement pâtit néanmoins de limites importantes. Vous évoquez les cotisations hors CSG, mais celle-ci n’est pas une cotisation, elle s’apparente davantage à un impôt. En outre, le périmètre des cotisations sociales personnelles des médecins est très réduit. En effet, de très nombreux médecins ne paient pas leurs cotisations, c’est l’assurance maladie qui s’en charge. Les cotisations maladie et famille sont exonérées de paiement car acquittées par une dépense de la branche maladie ; lorsque les médecins les paient, le taux applicable est très faible, de l’ordre de 0,1 %. Hors régime de base, ils ne cotisent pas non plus à l’assurance chômage. Seules les cotisations vieillesse subsistent, mais je ne souhaite pas déséquilibrer les comptes de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) en ouvrant des droits sans cotisations pour les financer.
J’ai déposé un sous-amendement qui vise à éviter les écueils que je viens de pointer. Je souhaite supprimer du dispositif la mention à la CSG et exclure les cotisations abondant la Carmf. Pour être tout à fait honnête, l’adoption de mon sous-amendement viderait votre amendement de presque tout son contenu.
J’émets un avis favorable à l’adoption de l’amendement, sous réserve de celle du sous-amendement.
M. Yannick Monnet (GDR). Tant qu’à citer un rapport, autant évoquer ses conclusions. Nous avons démontré que l’installation des médecins ne dépendait pas de mesures financières, voilà pourquoi l’amendement n’aura aucune efficacité. Les médecins ne s’installent pas au gré des avantages et des aides, d’ailleurs ces dernières ne sont pas toutes consommées. Les déterminants de l’installation sont la présence d’une activité, de services publics et d’écoles. Un allégement de cotisations n’améliore pas l’attractivité des territoires aux yeux des médecins.
M. Jean-François Rousset (EPR). J’irai dans le même sens que Yannick Monnet, puisque nous avons rédigé le rapport ensemble. Ce sont les conditions d’exercice de la profession médicale qui définissent l’attractivité d’un territoire, y compris dans les communes les plus rurales.
Dans les déserts médicaux, il y a potentiellement beaucoup de malades à soigner pour un médecin qui s’installe, donc le problème n’est pas celui des revenus, lesquels sont assurés dès le premier mois d’activité. Les aides qui ont été déployées visaient à favoriser l’installation des jeunes à l’époque où ceux-ci étaient obligés d’acheter une clientèle. En tout état de cause, une multitude d’éléments peuvent favoriser l’installation des médecins.
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes plutôt favorables à l’amendement, car nous soutenons tous les modes d’aide à l’installation des praticiens, y compris ceux de nature fiscale. Nous rejetons en revanche toute mesure de coercition.
L’idée principale est la prise en compte des spécificités des territoires ruraux ou de montagne, lesquels souffrent de difficultés particulièrement fortes. Votre amendement présente deux écueils. Même si je n’aime pas l’expression « tourisme médical », on peut parfois constater des abus liés aux incitations fiscales : certains praticiens changent régulièrement de territoire, ce qui peut poser des problèmes. Le second défaut tient à la prérogative que donne l’amendement aux ARS, alors que ces structures ne constituent pas le bon échelon de décision et ne connaissent pas assez précisément la zone territoriale visée.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Je me demande parfois si les membres du Rassemblement national écoutent les médecins. Ce qu’ils appellent la coercition est en fait une forme très allégée de régulation, approche sans doute plus pertinente que l’élaboration d’un nouveau dispositif fiscal. L’ensemble des aides et des incitations fiscales n’ont pas réglé le problème de la désertification médicale et il ne sert à rien de s’obstiner dans cette voie.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Comme vient de le dire M. Raux, pourquoi poursuivre une politique qui ne fonctionne pas ? Un rapport de la Cour des comptes a expliqué que les aides à l’installation n’avaient presque aucun effet. Nos collègues Monnet et Rousset ont remis un rapport dont les conclusions vont dans le même sens, à savoir que ces dispositifs sont totalement inefficaces et très onéreux pour la sécurité sociale. Des solutions existent, comme la régulation de l’installation des médecins, mesure adoptée malgré l’opposition du groupe Rassemblement National. Privilégions les dispositions qui ne dilapident pas les ressources de la sécurité sociale.
M. le rapporteur général. Les conclusions du rapport de nos collègues rejoignent les positions des représentants des médecins : ceux-ci, à ma grande surprise, affirment qu’une telle mesure ne représente pas un levier important pour l’installation des médecins. Néanmoins, son coût sera faible pour la sécurité sociale en raison de la faiblesse du taux applicable.
M. François-Xavier Ceccoli (DR). L’amendement touche l’ensemble des soignants de ces zones, population au sein de laquelle les médecins ne sont qu’une minorité. Il faut donc évaluer la totalité de l’effet de levier du dispositif.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendements AS54 et AS53 de M. Didier Le Gac et AS1198 de M. Jimmy Pahun (discussion commune)
M. Didier Le Gac (EPR). Le secteur de la marine marchande est soumis à une très forte concurrence internationale, sachant que 90 % à 95 % de nos échanges commerciaux s’effectuent par voie maritime. Le coût de travail d’un marin français est bien plus élevé que celui d’un marin étranger, surtout extra-européen. C’est pourquoi la loi de 2016 pour l’économie bleue avait instauré une exonération de charges. Cette mesure avait donné des résultats dès l’année suivante, puisque plus de 1 200 gens de mer ont embarqué sur des navires français depuis 2017 ; en outre, le nombre de navires enregistrés au registre international français a progressé de plus de 30 % depuis cette date.
Or la loi de financement pour 2025 a supprimé cette exonération ; c’est sur cette décision qu’entend revenir l’amendement. Il s’agit d’une disposition cruciale pour l’avenir de la marine marchande, essentiel pour la souveraineté maritime et nationale, mais également pour l’embauche des jeunes marins formés dans les écoles de marine marchande. Refuser de rétablir ce mécanisme condamnerait le secteur aux plus grandes difficultés.
L’amendement AS53 est de repli.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement de mon collègue Jimmy Pahun repose sur deux piliers : une partie fiscale, adoptée en commission des finances lors de l’examen du PLF, et une partie sociale que nous vous soumettons.
Le transport maritime représente 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit près de 1 milliard de tonnes de dioxyde de carbone chaque année. Dans le cadre de l’Organisation maritime internationale, les États se sont fixé comme objectif la neutralité carbone en 2050. Nous souhaitons accélérer notre effort en rétablissant le régime d’exonération de charges sociales pour les navires à voile. L’adoption de l’amendement enverrait un signal fort. Comme les navires marchands à propulsion vélique sont malheureusement peu nombreux, le coût de la mesure est faible, de l’ordre de 300 000 euros.
M. le rapporteur général. Je salue le combat que vous menez depuis l’an dernier. Le premier amendement coûte 20 millions d’euros. Nous avons trouvé un compromis il y a un an en commission mixte paritaire : l’exonération est maintenue pour les navires câbliers et les navires de service consacrés aux énergies marines renouvelables compte tenu du caractère stratégique de leur activité. Nous n’avons pas supprimé l’exonération, nous l’avons recentrée, pour la marine marchande comme pour le transport de passagers.
Vous souhaitez rétablir l’exonération pour l’activité de fret de la marine. Les armateurs emploient, pour le transport de passagers, des marins souvent peu qualifiés et moins bien rémunérés que ceux travaillant sur les navires de fret et de service : le salaire y est compris entre 2,5 et 4 Smic, donc le coût de l’exonération est élevé.
Le recentrage de l’exonération l’année dernière me semble justifié : je ne souhaite pas revenir sur ce compromis, bien que je comprenne votre combat.
S’agissant du dernier amendement, je vous avoue avoir étudié le plus de sujets possible depuis le dépôt des 1 700 amendements vendredi à 17 heures, mais la propulsion vélique n’en fait hélas pas partie. Si vous le souhaitez, je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Michel Lauzzana (EPR). Quand j’étais à la commission des finances, j’avais rédigé un rapport sur l’environnement maritime. Je soutiens, au moins en partie, la démarche de notre collègue Didier Le Gac. La marine française occupait une position enviable : les Français étaient demandés dans le monde entier, car leurs compétences étaient reconnues à l’étranger. Cette situation contribuait à notre souveraineté et à notre compétitivité. Le premier amendement me semble trop large, mais je soutiendrai l’adoption du deuxième, l’AS53, car il faut aider ce secteur essentiel.
M. Yannick Monnet (GDR). Les exonérations sont un piège. Je ne sous‑estime pas les difficultés de certains secteurs économiques, mais l’exonération n’est pas le bon instrument. Il est préférable d’utiliser celui des aides directes. Ce n’est pas la vocation de la sécurité sociale d’aider les filières économiques. On a l’impression que les exonérations ne coûtent rien, un peu comme lorsque l’on paie avec une carte bleue : on ne voit pas les billets, donc on pense que c’est indolore. Je voterai contre l’adoption des amendements.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). En effet, il existe d’autres leviers. C’est notamment le rôle de la Banque publique d’investissement : elle peut aider des secteurs économiques pour empêcher des entreprises de délocaliser ou de fermer ; elle peut aussi soutenir les entreprises engagées dans la transition énergétique. Nous devrions d’ailleurs débattre de la manière d’aider ces dernières sous conditions, en fonction d’objectifs définis dans le cadre d’une planification au service de la transition énergétique. Mais ce n’est pas la fonction de la sécurité sociale. En l’étatisant, on en fait un outil au service des politiques publiques, alors qu’elle doit garantir tous les risques de la vie pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs. Nous devrions œuvrer à étendre son champ d’action, mais pas l’utiliser pour sauver des secteurs industriels.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le fret recourt surtout à l’énergie fossile. La France est en avance dans le domaine du fret vélique, qui dégage de fortes économies de carbone : il faut favoriser ce secteur. Le coût du dispositif est modique.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, vous nous avez plusieurs fois opposé que nos amendements relevaient du PLF, mais c’est aussi le cas de ceux que nous examinons.
M. le rapporteur général. Puisqu’ils concernent les cotisations des salariés qui travaillent sur ces bateaux, ils relèvent bien du budget de la sécurité sociale.
J’émets un avis défavorable également sur l’amendement AS1198 parce que je ne dispose pas d’éléments suffisants pour me convaincre de sa pertinence.
M. Didier Le Gac (EPR). Comme vous, je préférerais ne pas avoir à discuter d’exonérations de charges. Mais pourquoi en sommes-nous là ? C’est à cause du coût du travail. Les officiers français sont beaucoup plus onéreux que leurs homologues : entre 15 et 50 % plus chers que les Européens, 156 % que les Philippins. Certains États européens, comme Chypre, l’Italie et le Danemark, exonèrent déjà les salaires de toute cotisation : c’est un avantage significatif. Nous ne sommes plus compétitifs ; la marine marchande française va disparaître, quand 90 à 95 % du transport de marchandises se font par voie maritime.
Vous avez dit, monsieur le rapporteur général, que le dispositif prévu à l’amendement AS54 coûterait 20 millions d’euros ; selon mon estimation, ce serait entre 7,5 et 10 millions. L’amendement AS53 vise une réintégration plus ciblée.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS958 de M. Jean Terlier
M. Jean Terlier (EPR). Les structures à but non lucratif peuvent instituer l’intéressement, dispositif de partage de la valeur. Pour rendre l’économie sociale et solidaire plus attractive, cet amendement vise à les y encourager en élargissant l’avantage à la taxe sur les salaires.
Cette mesure, qui ne coûte pas cher, rendrait service aux associations et à leurs salariés – ils en ont besoin.
M. le rapporteur général. L’amendement AS1749, sous-amendé, que nous avons adopté hier, tend déjà à faire bénéficier les organismes non lucratifs d’un taux réduit de taxe sur les salaires. Il faudrait envisager d’appliquer le taux non majoré aux versements effectués en vertu de l’intéressement.
Par ailleurs, le dispositif de votre amendement renvoie à l’article 1679 A du code général des impôts, qui ne s’applique pas seulement, loin de là, aux organismes à but non lucratif. Il concerne par exemple des fondations et des mutuelles, qui se portent très bien. Il faut mieux cibler la mesure.
Je vous invite donc à retirer votre amendement et à le retravailler en vue de l’examen en séance.
M. Jean Terlier (EPR). Je vais réduire le périmètre.
L’amendement est retiré.
Amendements AS828 et AS827 de Mme Christelle Minard (discussion commune)
Mme Christelle Minard (DR). L’amendement AS827 vise à prévoir une aide exceptionnelle, gérée par la MSA, pour prendre en charge tout ou partie des cotisations sociales des exploitants céréaliers dont le revenu fiscal a chuté de plus de 25 % par rapport à la moyenne des trois dernières années.
Le secteur traverse une crise historique. Entre 2022 et 2025, le prix du blé tendre a diminué de 45 %, passant de 320 à 160 euros la tonne, mais les charges de production ont augmenté de près de 30 %. Selon la MSA, quatre exploitants céréaliers sur dix présentent désormais un résultat courant négatif. Les demandes d’étalement des cotisations ont augmenté de 60 % depuis le début de l’année.
La mesure que je propose est temporaire ; la MSA pourra intervenir directement pour soutenir ceux dont la trésorerie est la plus fragile et éviter les cessations d’activité. Nous avons déjà recouru à ce système en 2022 pour les éleveurs et en 2023 pour les viticulteurs.
L’amendement AS828 tend à permettre à la MSA, en cas de baisse significative des revenus liés à une crise, de moduler ou de reporter les cotisations sociales de l’année en cours sans attendre les bilans comptables établis l’année suivante.
M. le rapporteur général. La MSA peut recourir à des outils classiques, comme les plans d’étalement. Lorsqu’il est nécessaire d’aller plus loin, le ministère de l’agriculture intervient, comme ce fut le cas lors de l’épidémie de fièvre catarrhale ovine de 2024 et 2025, à l’occasion du PLF.
Je vous invite à retirer l’amendement AS828 et à le retravailler pour l’examen du projet de loi de fin de gestion.
S’agissant de la contemporanéité, nous avons adopté hier l’amendement AS679, sous-amendé, qui vise à expérimenter à partir du 1er janvier 2027 une option de calcul des cotisations sur les revenus de l’année en cours. Je vous invite à retirer votre amendement AS827 et à vous associer au travail de coconstruction de ce dispositif en vue de l’examen du texte en séance.
Les amendements sont retirés.
Amendement AS1412 de Mme Anne-Sophie Ronceret
Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). L’amendement vise à exonérer des cotisations MSA sur les revenus de 2025 les betteraviers touchés par la jaunisse virale, afin de les soutenir et d’assurer la pérennité de leurs exploitations. Il s’agit d’une aide temporaire, ciblée et contrôlée.
Moins d’agriculteurs betteraviers, c’est moins de betteraves récoltées, des sucreries fragilisées, des emplois menacés et, demain, plus de sucre importé qui ne respecte pas nos normes.
M. le rapporteur général. Je suis sensible à la situation des exploitants. Cependant, les aides aux secteurs en difficulté relèvent du PLF de fin de gestion. Je vous invite à déposer un amendement aux crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales visant à créer une enveloppe spécifique. Cette manière de procéder a par ailleurs l’avantage de débloquer les crédits avant la fin de l’année.
Avis défavorable.
M. Nicolas Turquois (Dem). Nous avons adopté hier l’amendement AS679 de M. de Courson, visant à calculer les cotisations sur les revenus de l’année n, et le sous‑amendement AS1753, qui tend à expérimenter la mesure avant de la généraliser. Si les revenus sont nuls en raison d’une crise, il n’y aura donc pas de cotisations. Il y a des crises tous les ans : il faut un dispositif pérenne, non des mesures spécifiques par filière.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On ne peut gérer les crises agricoles sectorielles par des exonérations de cotisations sociales, en particulier dans le PLFSS. Il faut recourir à d’autres outils, comme un fonds de solidarité, un revenu minimum ou un rachat de la dette agricole. Nous voterons contre cet amendement.
Mme Annie Vidal (EPR). J’entends les arguments, mais si cet amendement et les précédents n’avaient rien à voir avec le PLFSS, ils auraient été déclarés irrecevables.
En Seine-Maritime, les betteraviers sont en grande difficulté. Or cela se répercute sur l’ensemble de l’industrie agroalimentaire. Je soutiens donc l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS67 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS639 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Réduire le temps de travail permet de mieux répartir l’emploi, de diminuer le chômage, d’améliorer la qualité de vie des salariés, donc de lutter contre le burn-out, de mieux respecter les limites planétaires et de favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes grâce à une meilleure répartition des charges domestiques, parentales en particulier.
Au cours des dernières décennies, la productivité a fortement augmenté : deux salariés aujourd’hui produisent plus en moyenne que trois salariés dans les années 1980. Il est donc normal de redistribuer le temps de travail.
Nous aimons le travail, mais nous pensons qu’il faut travailler mieux. Mon amendement vise à expérimenter une exonération de cotisations pour les entreprises qui embauchent des salariés à 32 heures rémunérées 35. Cela contribuera à objectiver les bienfaits de la réduction du temps de travail, donc à éclairer nos débats en vue d’élaborer de meilleures politiques publiques.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Mon amendement tend à expérimenter un dispositif d’exonérations de cotisations sur les salaires lorsque le contrat prévoit 32 heures payées 35.
Le partage du temps de travail est un moyen d’élargir l’accès à l’emploi – nous proposons de travailler moins pour travailler tous.
Cela soulève la question de la place du travail dans la vie des individus. Le travail salarié n’est pas une fin en soi : c’est un moyen pour vivre dignement. L’augmentation de la productivité doit permettre de dégager du temps en plus, par exemple pour être présent auprès de ses proches ou pour s’engager dans des activités bénévoles, ce qui participerait à améliorer le bien-être de la société.
Cette expérimentation apportera des réponses aux questions relatives à la productivité de l’entreprise, aux besoins de recrutement et à la santé des salariés ; elle encouragera une organisation du travail cohérente avec les limites planétaires.
M. le rapporteur général. Les dispositifs des deux amendements renvoient beaucoup à des décrets. Or, pour modifier les prélèvements obligatoires, il faut prévoir le maximum de paramètres dans la loi.
Tout le monde veut travailler mieux, mais vous proposez surtout de travailler moins. La France peut-elle se le permettre ? Pour redresser le pays, il faudrait plutôt travailler davantage – collectivement. Trois heures de travail en moins par semaine, pour l’ensemble de la population, signifierait moins de richesses produites, donc une moindre capacité à financer les services publics pour relever les défis qui nous attendent et à développer le pays.
Non seulement ce n’est pas la bonne recette, mais cela nous entraînerait sur une pente dangereuse. L’équation à résoudre pour établir un budget est déjà complexe ; elle le serait davantage encore si nous adoptions ces amendements.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). On nourrit plein de fantasmes sur la réduction du temps de travail, qui serait destructrice. Pourtant, des expérimentations ont été menées, notamment pendant que Lionel Jospin était Premier ministre, qui prouvent que les effets sont bénéfiques : baisse significative du chômage, passé de 12 à 8 % ; équilibre des comptes sociaux ; balance commerciale positive ; répartition des tâches domestiques légèrement plus favorable aux femmes, notamment chez les parents de jeunes enfants.
Cette diminution est nécessaire, notamment pour prendre en compte les limites planétaires. En outre, elle comblerait l’aspiration d’une génération à mieux répartir les tâches. Le monde du travail a été conçu par les hommes à l’époque où les femmes restaient au foyer s’occuper du travail domestique. La société a évolué : notre rapport au travail doit évoluer.
M. Philippe Vigier (Dem). On peut toujours souhaiter travailler moins pour la même rémunération. L’Organisation de coopération et de développement économiques a publié un rapport comparant les situations des différents pays de l’Union européenne. Lisez-le : vous comprendrez que, malheureusement, nous ne pourrons échapper à la nécessité de travailler plus pour gagner plus d’argent.
Par ailleurs, vous voulez 32 heures payées 35. Qui va payer la différence ? L’État ? Avec quels crédits ? Il est déjà assez fragilisé. Mme Rousseau vient de s’opposer aux exonérations pour les agriculteurs frappés par la jaunisse de la betterave parce qu’on a interdit les néonicotinoïdes.
Mme Prisca Thevenot (EPR). En résumé, vous proposez de financer une réduction du temps de travail par l’endettement collectif. Derrière la dimension sociale affichée, cette mesure alourdirait la charge financière de l’État et fragiliserait notre système de protection sociale. Vous qui criez en permanence contre les allégements de charges visant à rendre les entreprises plus compétitives, vous voulez les subventionner pour réduire le temps de travail. Cela créerait un effet d’aubaine sans garantir la création d’emplois ni le gain de productivité.
Il faut plutôt miser sur la formation, l’innovation et la valorisation du travail. En effet, le progrès social, ce n’est pas travailler moins aux frais des autres, c’est permettre à chacun de mieux vivre de son travail.
Mme Justine Gruet (DR). Pour nous, « travail » n’est pas un vilain mot ; le travail est une source d’épanouissement – nous le défendons et nous croyons qu’il faut le valoriser.
Vous avez vanté les effets de l’instauration des 35 heures ; selon moi, nous en payons les conséquences dans le rapport au travail de nos concitoyens, comme nous payons celles de la retraite à 60 ans.
Vous restez fidèles à votre vision de la société : vous défendez le droit à la paresse et à taxer les riches. Pourtant, travailler permet de se sentir utile et de trouver sa place dans la société. Je suis kinésithérapeute ; je ne comptais pas mes heures, mais ça ne m’empêchait pas d’avoir une vie équilibrée.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, vous appelez à travailler davantage collectivement. Ce pourrait être un effet du dispositif : réduire le temps de travail, ce n’est pas réduire le travail, mais cela permet d’offrir plus d’emplois. C’est ce qui s’est passé lorsque les 35 heures ont été adoptées. La Suède a institué les 32 heures : le taux de chômage a diminué, la population vit mieux le travail, et la terre ne s’est pas arrêtée de tourner.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). La question du temps de travail et celle de l’innovation sont liées, madame Thevenot. L’intelligence artificielle supprimera des emplois, mais rien n’est anticipé pour les secteurs concernés – ni formation, ni partage du temps de travail. La situation n’est pas meilleure dans les secteurs impactés par le changement climatique.
L’enjeu est écologique, mais il y va aussi de la dignité au travail. Le monde du travail est divisé en deux : d’un côté, ceux qui ont des carrières, des progressions salariales, des contrats à durée indéterminée, des heures supplémentaires ; de l’autre, des personnes en situation de précarité avec un travail en miettes, des troubles musculo-squelettiques et aucune progression.
Quelle société voulons-nous ?
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements AS241 de Mme Josiane Corneloup et AS1399 de M. Philippe Vigier (discussion commune)
M. Philippe Vigier (Dem). Il s’agit d’un sujet essentiel : la clause de sauvegarde, chaque année âprement discutée et qui monte en puissance. Depuis trente ans, on fait chaque année un petit rabot avant de pousser des cris d’orfraie parce que les médicaments sont produits hors d’Europe – notamment en Asie, à 85 %. On ne peut pas s’en plaindre tout en terrassant notre industrie pharmaceutique.
Nous en avons stabilisé le montant à 1,6 milliard d’euros. Que chacun se rende compte de ce que cela signifie : connaissez-vous une seule entreprise à laquelle on demande en milieu d’année un chèque de remboursement alors même qu’elle ignore son niveau d’activité et n’est pas prescriptrice ? C’est assez étonnant.
Cette année, l’intelligence collective du ministère de la santé augmente le montant M de la clause de sauvegarde d’une somme complémentaire qui le porte à près de 2 milliards d’euros. S’il est adopté, c’est l’affaissement généralisé de la filière. Je me permets de vous mettre en garde. On ne peut pas à la fois déplorer qu’il y ait des manques dans les pharmacies et externaliser tout cela.
M. le rapporteur général. L’article 10 est le plus technique du projet de loi. J’ai interrogé les membres du Gouvernement à ce sujet lors de leur audition ; nous n’avons pas vraiment eu de réponse. J’ai aussi interrogé le Gouvernement sur la base de vos amendements, qui soulèvent des questions techniques et budgétaires ; je n’ai pas eu, à cette heure, de réponse.
Nous légiférons donc un peu à l’aveugle et je donnerai des avis à l’aveugle, ce qui m’ennuie profondément. L’étude d’impact se contente de mentionner d’éventuelles conséquences sur la répartition individuelle de la contribution.
C’est une énième réforme de la clause de sauvegarde, dont nous parlons chaque année. Nous avons déjà harmonisé les règles applicables aux contributions M et Z. Il y a des choses à changer dans cette nouvelle réforme, qui vaudra jusqu’en 2027, mais il y a aussi des éléments intéressants, notamment l’application d’un taux réduit aux médicaments génériques, biosimilaires et substituables.
Il y a surtout un élément dont on ne parle quasiment pas et que j’appelais de mes vœux il y a un an : les industriels versent les acomptes plus tôt, comme ils le demandaient, ce qui n’est pas sans effet sur la trésorerie de la sécurité sociale. À ce propos, je vous remercie de ne pas avoir déposé d’amendement visant à supprimer l’article alors même que nous naviguons à vue.
Les rédactions de l’article proposées par les amendements en discussion, qui ne sont pas sans intérêt, me posent problème dans la mesure où elles suppriment la possibilité de verser les acomptes plus tôt, ce qui représente une perte de trésorerie de 9 milliards d’euros pour la sécurité sociale. Il faudrait augmenter d’autant le plafond d’endettement de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale pour 2026, qui doit déjà passer de 65 à 83 milliards d’euros.
Nous ne pouvons pas nous priver de cet acompte, qui représente 95 % de la clause de sauvegarde. Si l’étude d’impact est muette sur ce point, j’en ai fait une expertise. Au demeurant, c’est le seul sur lequel la réponse des ministres, lors de leur audition, était explicite.
M. Michel Lauzzana (EPR). Les chiffres dont je dispose indiquent un rendement de 16 milliards d’euros par an. En voulant simplifier, le Gouvernement a compliqué le dispositif, qui associe désormais une contribution supplémentaire à la clause de sauvegarde.
L’article 10, très technique, sanctuarise un prélèvement dont nous ne pouvons pas nous passer et qui est plus ou moins accepté. Toutefois, je défendrai des amendements visant à assurer la fabrication en France des médicaments afin d’assurer notre souveraineté en la matière. Je voterai contre les amendements en discussion.
M. Paul Christophe (HOR). Si je me suis abstenu, cette année, de déposer des amendements visant à modifier la clause de sauvegarde, ce n’est pas par bienveillance envers le rapporteur général, qui sait ce que j’en pense. Je soutiens l’amendement de Philippe Vigier.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’on nuit à la prévisibilité de l’activité des entreprises. Aucun secteur industriel ne peut survivre à ce genre de chose. Il est d’ailleurs stupéfiant que nul ne soit capable de vous en détailler le fondement, monsieur le rapporteur général.
J’appelle l’attention sur la chute libre du nombre d’essais cliniques, qui restreint l’accès précoce aux médicaments. Je ne pense pas que nos patients y soient gagnants. La clause de sauvegarde met à mal la capacité du monde industriel à répondre présent sur nos territoires. Le caractère lacunaire de la réponse que vous avez obtenue ne laisse pas de m’inquiéter. La prévisibilité et la lisibilité sont essentielles pour les entreprises.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Dans le cadre de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), nous avons mené plusieurs auditions pour mieux comprendre l’industrie du médicament. Je trouve l’article 10 plutôt bien fait. Il précise la notion de remise en vue de l’appliquer aux contributions dues au titre de 2025 et des années précédentes, ce qui permet de récupérer 9 milliards d’euros. Il stabilise les montants M et Z, dont il limite les augmentations, ce qui est une amélioration. Quant aux essais cliniques, ce qui importe, c’est l’autorisation d’accès précoce aux médicaments, davantage que les montants M et Z. Je suis favorable à l’adoption de l’article 10 aussi peu modifié que possible.
M. le rapporteur général. Monsieur Lauzzana, le montant de 9 milliards d’euros correspond à la clause de sauvegarde, à hauteur de 1,6 milliard, ainsi qu’aux remises dues au titre de 2025 et des années précédentes, à hauteur d’environ 8 milliards.
Je fais miennes les préoccupations de Philippe Vigier et de Paul Christophe en matière de souveraineté et d’innovation. Comme vous, chers collègues, je considère que la clause de sauvegarde doit être un filet de sécurité dont le déclenchement doit être contrôlé.
Je défendrai à cette fin l’amendement AS1743, qui se fonde sur notre expertise de l’erreur de 1,2 milliard d’euros commise l’an dernier par la direction de la sécurité sociale (DSS) et relève les montants M et Z en proportion. Par ailleurs, je continuerai, d’ici à l’examen du texte en séance publique, à interroger la DSS et le Gouvernement – s’ils suivent nos débats, ils n’apprécient sans doute pas tout ce que je dis, mais j’exprime, je crois, notre position à tous.
Je souscris à l’intention de stimuler les médicaments génériques et biosimilaires, mais plafonner la contribution afférente pénalise les médicaments innovants. La maîtrise des coûts est en jeu, mais aussi l’innovation. Compte tenu du caractère composite de la clause de sauvegarde, en réduire l’assiette pénalise les médicaments qui y restent. La plus grande prudence s’impose. Il convient de vérifier que sa réforme n’est pas contraire aux objectifs que nous nous donnons.
M. Philippe Vigier (Dem). Le PLFSS, tel qu’il a été préparé par le Gouvernement, notamment par le ministère de la santé et, en son sein, par la direction générale de l’offre de soins, continue la même spirale qu’auparavant. Il faut marquer un coup d’arrêt à trente années de rabot aveugle qui ont tué l’industrie du médicament.
Votre amendement est très bien, mais votons le nôtre et voyons, d’ici l’examen du texte en séance publique, quelle est vraiment la volonté du Gouvernement en la matière. Il ne faut pas baisser la garde. Sinon, nous pouvons être sûrs que les médicaments biosimilaires et innovants seront pénalisés. Chacun le sait – Frédéric Valletoux, qui a été ministre de la santé, mieux que quiconque. Nous devons adresser ce signal à la profession dans son ensemble et aux industriels en particulier.
Mme Joëlle Mélin (RN). Sur la forme comme sur le fond, notre manière de gérer tout cela est très mauvaise. Quelle entreprise, quelle filière peut supporter un coup de rabot qui survient avant, pendant et après les processus industriels, et jusqu’à la vente ? Le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie indiquait dans son avis du mois de juin qu’il faudra une somme supérieure au milliard habituel pour faire des économies dans ce domaine.
Nous ne pouvons plus continuer comme ça. Cette façon de faire est contraire au bon sens commercial et nuit au service rendu aux Français. On ne peut pas dire aux entreprises « on rabote, on rend, peut-être pas, on verra en cours d’année ». Nous soutenons la réécriture de l’article.
M. le rapporteur général. Je suis sensible aux propos de Philippe Vigier selon lesquels il faut envoyer un signal, mais je ne puis, en tant que rapporteur général, avaliser un choc de trésorerie de 9 milliards d’euros. La situation dans laquelle nous sommes l’interdit. Je confirme mon avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques AS173 de M. Jérôme Guedj et AS1380 de M. Éric Michoux, amendement AS850 de M. Thierry Frappé (discussion commune)
Mme Sandrine Runel (SOC). Par l’amendement AS173, il s’agit d’exonérer de la clause de sauvegarde les médicaments génériques et biosimilaires. Il me semble essentiel de maintenir cette exonération.
M. Thierry Frappé (RN). Les médicaments génériques, hybrides et biosimilaires, par définition porteurs d’économies pour les comptes publics, à hauteur de 2 milliards d’euros, ne sont pas les spécialités qui contribuent à la croissance du marché pharmaceutique. La clause de sauvegarde fait peser sur ces médicaments un poids déraisonnable et menace la pérennité d’approvisionnement pour les patients français.
L’exemption de la clause de sauvegarde constitue une urgence économique, fiscale et industrielle pour les laboratoires qui commercialisent les médicaments matures. Notre indépendance sanitaire est en jeu.
M. le rapporteur général. Les amendements ne modifient en rien le montant de 1,6 milliard d’euros. Je suis favorable à la hausse de la part des médicaments génériques parce qu’elle améliore la maîtrise des remboursements. Toutefois, si l’idée peut sembler judicieuse, elle a pour effet de renchérir le coût des spécialités innovantes déjà produites mais pas encore rentables et de décourager l’élaboration des autres.
Par ailleurs, l’article 10 introduit un taux réduit applicable aux médicaments génériques et biosimilaires entrant en vigueur en 2027, ce qui constitue une amélioration de leur situation si la clause devait être déclenchée. Tous les dispositifs ne sont pas clairs, mais celui‑ci est incontestable. Les exclure de la clause de sauvegarde pénaliserait l’innovation, ce dont nous n’avons pas besoin.
Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Sur les génériques, il ne faut pas aller plus loin, compte tenu de l’exigence de souveraineté et de production de médicaments en France. La plupart des génériques ne sont pas produits en France. Certains n’y sont qu’ensachés.
Nous avons un vrai problème de souveraineté en matière de fabrication par des industries pharmaceutiques sur le sol français. Ce tissu industriel s’est appauvri, comme nous l’avons constaté pendant la crise sanitaire. Je suis surpris que nous ayons oublié cette leçon pourtant cuisante.
La commission adopte les amendements identiques AS173 et AS1380.
En conséquence, l’amendement AS850 tombe.
Amendements identiques AS592 de Mme Élise Leboucher et AS596 de Mme Ségolène Amiot
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Il s’agit de supprimer le plafonnement à 10 % du chiffre d’affaires de la contribution des laboratoires pharmaceutiques au titre de la clause de sauvegarde. Instauré par 49.3, il constitue un véritable cadeau fiscal à des multinationales déjà florissantes.
Ces entreprises font des profits records et versent chaque année des milliards en dividendes tout en profitant de niches fiscales et du crédit d’impôt recherche financés par nos impôts. Et pendant ce temps, on nous explique qu’il faut augmenter les franchises médicales et faire payer 2 euros de plus sur chaque boîte de médicaments. On marche sur la tête : les patients paient plus, les labos paient moins !
Nous proposons de mettre fin à cette logique d’injustice. Quand Sanofi verse 4,9 milliards d’euros de dividendes et prévoit 5 milliards de rachats d’actions, il n’y a aucune raison de limiter sa contribution. Cet amendement dit une chose claire : la santé avant les dividendes. Si les laboratoires font fortune grâce à la sécurité sociale, alors ils doivent la financer à hauteur de leurs profits.
M. le rapporteur général. 10 % du chiffre d’affaires, ce n’est pas rien. Ce plafond doit être conservé, car il offre une sécurité individuelle et collective en prémunissant les uns et les autres d’énormes effets de bord au sein de l’assiette fiscale.
Vous dites qu’il y a eu des abus ; je ne peux que constater que la clause de sauvegarde, qui n’est ni plus ni moins qu’une taxe sur les laboratoires, était de 76 millions d’euros en 2015, de 1,2 milliard en 2022 et de 1,6 milliard cette année, soit le montant auquel nous nous sommes engagés en 2022 et qui demeurera inchangé jusqu’en 2027. Ce que vous proposez n’est pas raisonnable.
Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Idéalement et à long terme, nous souhaitons créer un pôle public du médicament. Il est totalement inacceptable que des entreprises privées fassent des bénéfices exorbitants sur des médicaments qu’elles vendent pour faire du profit. Il s’agit de notre santé à toutes et à tous. Les cotisations des travailleurs et des travailleuses de ce pays servent à financer les profits d’entreprises qui ont par ailleurs bénéficié de la recherche publique.
Tout cela est totalement inacceptable. Je rappelle que le plafonnement de leur contribution à 10 % du chiffre d’affaires a été adopté par 49.3 : outre qu’il n’a pas toujours existé, il n’a pas fait l’objet d’un véritable débat démocratique.
M. Michel Lauzzana (EPR). Ces amendements procèdent d’une image répandue de l’industrie pharmaceutique. Certes, il y a des industriels qui font des gros bénéfices ; malheureusement, ils sont rarement français. Supprimer le plafonnement à 10 % du chiffre d’affaires, c’est prendre le risque de fragiliser les petits industriels sur notre sol. Or, dans le secteur du médicament, la désindustrialisation est très profonde en France.
Que l’on mette à contribution les grands groupes qui font énormément de bénéfices ne me pose aucun problème, mais ne fragilisons pas ces petites entreprises, qui se sont rassemblées dans des structures telles que le G5 Santé pour défendre les intérêts de l’industrie pharmaceutique française.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La vision qu’ont les autrices des amendements du médicament et des acteurs de la santé n’est pas la mienne. Ils sont là pour faire en sorte que nous soyons en meilleure santé. Grâce aux laboratoires pharmaceutiques, nous guérissons de maladies dont on mourait il y a dix ou quinze ans. Chacun peut le constater.
En avez-vous conscience, madame Simonnet ? Avez-vous conscience que, grâce aux laboratoires, nous faisons d’immenses progrès thérapeutiques et nous sauvons des vies ? Pour mettre au point des thérapeutiques, ils prennent des risques. En cas de succès, ils dégagent une plus-value ; en cas d’échec, ils subissent une moins-value. Vous devriez changer de regard sur les laboratoires pharmaceutiques, qui, chaque année, sauvent des milliers de nos compatriotes.
Mme Justine Gruet (DR). Le marché du médicament est mondialisé. Nous avons l’impérieuse obligation de maintenir la compétitivité des entreprises françaises. Nous tombons tous d’accord que la souveraineté industrielle, en matière de médicament, est importante, notamment en cas de crise sanitaire. Dans ce domaine tout particulièrement, la recherche et l’innovation sont essentielles. Les bénéfices y sont pour partie réinjectés pour conserver un temps d’avance dans la recherche.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). M. Isaac-Sibille a raison de dire que notre vision de la santé n’est pas la sienne. Il est primordial d’avoir la maîtrise des médicaments auxquels nous avons accès. Pour cela, je vous invite à financer la recherche publique, que nous pouvons piloter et orienter, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026.
Je vous invite aussi à soutenir la création d’un pôle public du médicament et la nationalisation des entreprises qui élaborent et vendent des médicaments stratégiques pour notre pays, tels que le Doliprane, que nous avons gentiment perdu au profit des Américains. Il faut aller vers des solutions pérennes et ne pas nous contenter d’engraisser Big Pharma.
Mme Sandrine Runel (SOC). La question n’est pas le médicament mais la vision que nous avons les uns et les autres de leurs fabricants. Monsieur Isaac-Sibille, vous avez une vision un peu minimaliste des bénéfices que font les laboratoires pharmaceutiques. À vous entendre, il faudrait les aider et les soutenir. C’est assez insupportable quand on voit l’état des caisses de la sécurité sociale.
La véritable difficulté ne concerne pas les laboratoires, au contraire, mais la recherche. Il faut y investir et s’abstenir d’accorder des exonérations et des cadeaux à l’industrie pharmaceutique. Par ailleurs, j’indique à M. Lauzzana que, d’après l’association GÉnérique Même Médicament (Gemme), 95 % des médicaments dispensés en France sont fabriqués en Europe et 55 % en France. Nous voterons les amendements.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS947 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise à introduire un critère de territorialité dans le calcul de la clause de sauvegarde, afin de valoriser la production de médicaments en France et en Europe et de garantir notre souveraineté dans ce domaine, dont la crise sanitaire a révélé la vulnérabilité. Il s’inscrit dans la continuité de la politique menée par la France, qui s’efforce de faire fabriquer de plus en plus de médicaments sur son sol, comme dans la vallée du Rhône s’agissant du paracétamol.
M. le rapporteur général. Je suis très sensible à l’idée de prendre en compte le lieu de production des médicaments. Nous avions noté une évolution en ce sens dans la LFSS 2022, puis dans celle pour 2025. Toutefois, le Comité économique des produits de santé (Ceps) a du mal à l’appliquer.
Vous proposez d’introduire dans le montant de la contribution individuelle une part dépendant du lieu de production et déterminée par un barème à coefficients. C’est une piste très intéressante, sur laquelle j’ai interrogé le Ceps, chargé de fixer les prix ; pour l’heure, je n’ai pas reçu de réponse officielle de sa part.
En ce qui me concerne, j’appelle plutôt cette différenciation de mes vœux. Néanmoins, je ne suis pas suffisamment éclairé sur le plan de la faisabilité technique ni sur les effets financiers qui en résulteraient. Or mon rôle, en tant que rapporteur général, est bien de mesurer ces deux éléments. J’espère être en mesure d’émettre un avis favorable d’ici à la séance ou de sous-amender votre amendement. En tout cas, je préfère celui-ci à votre amendement AS844, que nous examinerons ultérieurement.
Je me demande néanmoins si votre barème n’est pas de nature à défavoriser les génériqueurs, caractérisés par une production en chaînes de valeurs délocalisées. Il faut donc bien évaluer ses effets avant de prendre une décision.
C’est pourquoi je vous invite plutôt à retirer votre amendement.
M. Nicolas Turquois (Dem). Notre rôle est d’émettre de nouvelles idées et je suis très sensible au concept de territorialité défendu par notre collègue. Nous devons atteindre une certaine autonomie en matière de production médicamenteuse, comme sur le plan alimentaire. Or le rapporteur général lui-même a du mal à comprendre. Tous les ans, nous reparlons des fameux montants M et Z, mais nous ne sommes pas capables d’évaluer le dispositif. C’est une privation de démocratie. Nous devrions engager un rapport de force avec le Gouvernement à ce sujet. Sur le principe, je suis favorable à l’amendement, mais je n’en mesure pas tous les effets.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). En matière de souveraineté sanitaire, deux aspects sont à prendre en considération : le lieu de production – le critère de territorialité ne doit pas se résumer à la France ; il faut penser européen – et le prix des médicaments. En France, celui‑ci est l’un des plus bas d’Europe. Pourquoi un industriel nous vendrait-il ses médicaments s’il peut les vendre deux fois plus cher ailleurs ? C’est un vrai sujet.
J’ai du mal à comprendre le mécanisme de la clause de sauvegarde et de cette nouvelle contribution individuelle : est-on certain qu’il ne donnera pas lieu à une double taxation des fabricants ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS594 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Pour que tout le monde comprenne bien : la clause de sauvegarde est une disposition fiscale spécifique au secteur pharmaceutique ; lorsqu’une entreprise réalise un chiffre d’affaires très élevé, elle doit s’acquitter d’une contribution. La notion de sauvegarde concerne la sécurité sociale : il s’agit d’éviter une inflation des prix de vente qui lui coûterait trop cher.
Le débat est de savoir à quel niveau nous voulons fixer le filet de sécurité. Pendant longtemps, le plafond était de 10 % du chiffre d’affaires – à l’époque déjà, c’étaient des râles d’agonie à droite, « c’est terrible », « ils vont mourir », on pleurait des larmes de sang parce qu’on s’imaginait que les superprofits allaient être répartis. Puis le plafond est passé à 12 %, et tout va bien – comme quoi les limitations de la capacité contributive des laboratoires pharmaceutiques ne cessent de s’accroître avec le rapport de force.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer la limite, la démonstration ayant été faite que nous pouvions aller au-delà.
M. le rapporteur général. J’ai le même avis, défavorable, que lorsque le plafond était fixé à 10 %.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS599 de M. Damien Maudet et AS601 de Mme Élise Leboucher
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ces amendements concernent eux aussi nos amies les industries pharmaceutiques et leur concentration capitaliste. Lorsqu’une entreprise ne respecte pas ses obligations déclaratives, elle doit s’acquitter d’une majoration forfaitaire – il s’agit d’une sanction, qui vise à s’assurer qu’elle respecte le cadre légal et réglementaire en vigueur.
Or le présent PLFSS prévoit de supprimer cette majoration, alors qu’il serait d’intérêt général, à la fois pour les usagers, la sécurité sociale et les salariés des industries pharmaceutiques eux-mêmes, de conserver cette contribution majorée s’appliquant aux entreprises qui ne respectent pas le droit.
M. le rapporteur général. Vous souhaitez conserver le dispositif actuel. J’y suis défavorable : je préfère un circuit déclaratif sans erreur, avec un appel sur des sommes claires, plutôt que des pénalités qui tiennent à des retards eux-mêmes liés à la complexité du système. J’admets que la rédaction proposée par le Gouvernement peut parfois paraître obscure, mais ce texte apporte aussi quelques avancées, dont celle-ci. Elle est attendue et il ne faut pas la supprimer.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS826 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Par cet amendement, nous proposons d’asseoir la contribution des entreprises du médicament non plus sur le chiffre d’affaires brut déclaré, mais sur le montant effectivement remboursé par l’assurance maladie sur le prix du médicament. Cette modification peut s’avérer complexe à appliquer et nous pourrions la différer d’un an ou deux pour laisser à l’administration le temps de s’y préparer. Néanmoins, ce serait une taxation plus juste.
M. le rapporteur général. Je comprends l’objectif mais, tel qu’il est rédigé, votre amendement n’atteint pas sa cible. Pour donner une image, c’est comme si vous me disiez que votre impôt sur le revenu devait être assis sur le total des indemnités de tous les députés. Ce serait injuste ! Il faut distinguer l’assiette du fait générateur de l’impôt. Vous visez le fait générateur, mais votre amendement modifie les alinéas qui concernent l’assiette de la contribution, à travers ses trois parts, de base, additionnelle et supplémentaire. Or l’assiette, c’est la base d’imposition. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement et à le retravailler.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La proposition de notre collègue Lauzzana est intéressante. En travaillant dans le cadre de la Mecss sur le dépassement de 1,2 milliard d’euros des dépenses de médicaments, nous avons constaté que les laboratoires connaissent précisément leur chiffre d’affaires mois par mois, ce qui n’est pas le cas de l’assurance maladie. Auparavant, ils se réunissaient une fois par an pour comparer leurs chiffres ; ils le font désormais deux fois par an, pour s’assurer qu’il n’y a pas de dérives dans les calculs. Mais il serait préférable que l’assurance maladie connaisse, mois par mois, le montant des remboursements qu’elle effectue pour les médicaments.
M. Michel Lauzzana (EPR). J’accepte de retirer mon amendement afin de travailler à une nouvelle rédaction dans laquelle je préciserai que l’assiette doit être individualisée. C’était bien l’esprit de mon amendement, puisque la clause de sauvegarde, elle, est individualisée.
L’amendement est retiré.
Amendement AS307 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il s’agit de mettre en conformité le macronisme avec le monde réel. Depuis quelques jours, nous entendons dire qu’il faut faire des économies. Nous proposons donc de remplir les caisses en portant de 0,2 % à 0,5 % le taux de la contribution de base des laboratoires pharmaceutiques – un tel rehaussement ne devrait pas constituer un obstacle insurmontable pour un secteur aussi concentré, qui réalise des profits importants.
L’objectif n’est pas de lever de l’argent pour lever de l’argent, mais bien de dégager les moyens suffisants pour financer un pôle public du médicament, rendu nécessaire par les pratiques de désengagement de certains grands groupes – je pense notamment à Sanofi qui, après avoir vendu sa filiale Opella au groupe Clayton, est en train de vendre sa marque Aspegic à Substipharm, etc. Nous pouvons discuter des stratégies du privé, mais l’enjeu est d’avoir les moyens de créer un pôle public du médicament, lequel ne sera d’ailleurs pas soumis à cette contribution de base s’il crée des génériques.
M. le rapporteur général. Vous proposez de relever le taux de la part de base – sur les trois parts – de 0,2 % à 0,5 % : mathématiquement, cela correspond à une hausse de 150 % ! Je ne suis pas sûr qu’il faille renchérir à ce point.
Avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Nous avons travaillé sur la raréfaction des médicaments et la disparition de certains d’entre eux dans les pharmacies. Faisons très attention. Je veux bien qu’on taxe l’industrie pharmaceutique, mais il y a des limites !
La commission rejette l’amendement.
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6. Réunion du mardi 28 octobre 2025 à 21 heures 30 (article 10 [suite] à après article 11)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
M. le président Frédéric Valletoux. Près de la moitié des quelque 1 000 amendements déposés sur la troisième partie du projet de loi ont été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances. Il nous reste donc environ 700 amendements à examiner – le chiffre devant encore être affiné –, ce que nous serons en mesure de faire sans difficulté d’ici à vendredi soir si nous maintenons un rythme soutenu.
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2026
TITRE Ier
dispositions relatives aux recettes, au recouvrement et à la trésorerie
Amendements AS308 de Mme Élise Leboucher et AS907 de M. Hendrik Davi (discussion commune)
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, vous disiez cet après-midi que je voulais augmenter les impôts de 150 % mais il faut voir d’où l’on part : une goutte d’eau plus une goutte d’eau, cela reste peu de chose. L’amendement AS308 propose de porter la contribution additionnelle des laboratoires pharmaceutiques de 1,6 à 3,2 %. En effet, nous sommes confrontés à une pénurie qui est orchestrée par plusieurs grands industriels. Il faut accorder des moyens à l’assurance maladie pour réguler ces entreprises, bâtir un pôle public du médicament et prendre en main la production afin qu’elle soit en adéquation avec les besoins.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’amendement AS907 est défendu.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Je ne suis pas certain que l’on puisse parler de goutte d’eau à propos de 1,6 milliard d’euros supplémentaires, étant rappelé que ces entreprises sont aussi soumises à d’autres taxes ainsi qu’à la clause de sauvegarde. La contribution actuelle rapporte 1,6 milliard. La doubler pourrait se retourner contre nos objectifs de souveraineté industrielle et aggraver la pénurie.
Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). J’abonde dans le sens du rapporteur général. La France est le pays européen où le prix du médicament est le plus bas. Or nous souffrons de pénuries croissantes. Des études réalisées à ce sujet, y compris par des députés, montrent que la pénurie vient en partie de la faiblesse du prix. Si nous augmentons les taxes pesant sur les entreprises du médicament, elles iront ailleurs.
M. Philippe Vigier (Dem). À la clause de sauvegarde s’ajoute le dispositif complémentaire institué pour 2026. Doubler de surcroît le fameux taux de 1,6 %, c’est la seconde lame du rasoir ! Les conséquences seront considérables. Je rappelle aussi que ce ne sont pas les laboratoires pharmaceutiques qui fixent le prix de remboursement, dont ils doivent tenir compte pour déterminer le prix de vente de leurs produits aux distributeurs, aux grossistes répartiteurs et aux pharmaciens. S’ils ne le faisaient pas, d’autres produits génériques ou de substitution prendraient leur place et nous ferions entrer encore plus largement les produits venant d’autres pays du monde.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). En attendant de pouvoir créer un pôle public du médicament, nous pouvons augmenter le taux de la contribution additionnelle sur le chiffre d’affaires déclaré par les industriels pharmaceutiques au titre des médicaments remboursables. Rappelons tout de même que les marges brutes du secteur atteignent, en moyenne, 73 % ! Cette hausse permettrait de mieux encadrer les dépenses de médicaments et de garantir une contribution plus équitable des industriels. La Cour des comptes, la Caisse nationale de l’assurance maladie, des associations comme Médecins du Monde nous alertent sur le fait que les milliards dépensés en médicaments sont autant de ressources que l’on n’affecte pas à l’hôpital public, aux centres de santé, aux politiques de prévention ou aux soins de proximité. Et je vous assure que l’industrie pharmaceutique a de la marge !
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il m’avait semblé constater que les pays qui achetaient les médicaments plus cher subissaient aussi des pénuries. Celles-ci résultent en effet largement de choix stratégiques faits par les industriels, qui préfèrent investir dans des molécules à très forte valeur ajoutée. M. Lauzzana pourrait-il nous communiquer l’étude des députés qui met en évidence le lien entre le prix des médicaments et leur disponibilité ? Ce raisonnement me paraît sans fin : les médicaments seraient toujours plus chers ! Mieux vaudrait instituer un pôle public du médicament.
Mme Joëlle Mélin (RN). Il me paraît nécessaire de réfléchir à cette question à l’échelle du marché européen du médicament. Au Parlement européen, j’ai entendu pendant plusieurs années parler de la création d’un pôle public du médicament. On l’attend, tant sur le plan de la recherche que sur celui du développement. Certes il serait souhaitable que la recherche publique vienne en appui du privé, mais ne tirons pas sur le privé puisque pour l’heure, il n’existe rien en matière publique !
Quand on est en pénurie d’antibiotiques à Menton, on en trouve à Vintimille. La distribution européenne et le marché parallèle – qui est officiel – sont pour beaucoup dans la pénurie que subit la France, même si elle a aussi d’autres motifs.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS121 de M. Jérôme Guedj
Mme Béatrice Bellay (SOC). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je m’étonne de cet avis, monsieur le rapporteur général, puisque, par l’adoption de l’amendement AS173 du groupe socialiste, la commission a exonéré de la clause de sauvegarde les génériques, les hybrides et les biosimilaires substituables. C’est dans le prolongement de cette mesure que nous vous proposons d’exonérer de la contribution supplémentaire prévue à l’article 10 les mêmes catégories de médicaments.
M. Michel Lauzzana (EPR). Les génériques sont déjà pris en compte.
Par ailleurs, je voudrais revenir sur les propos tenus par Mme Runel cet après-midi. Je maintiens qu’on ne fabrique, en France, que 20 % de génériques. On entend parfois le chiffre de 45 % car certains font venir des génériques dans notre pays pour les conditionner.
M. le rapporteur général. Monsieur Guedj, peut-être la commission va-t-elle changer son vote, mais mon avis s’inscrit dans la droite ligne de celui que j’avais donné sur l’amendement AS173. Une évolution aura lieu à partir de 2027, date à laquelle les génériques bénéficieront d’un taux réduit de taxation au titre de la part supplémentaire. Si nous les exonérons totalement, nous pénaliserons à l’excès les spécialités innovantes, dont certaines ne sont pas encore assez matures pour être rentables tandis que d’autres risquent de ne pas être produites, demain, par des laboratoires trop fortement taxés. Cette exonération, qui peut paraître séduisante au premier abord, pourrait donc aller à l’encontre de nos objectifs.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AS746 de M. Stéphane Viry et AS832 de M. Michel Lauzzana tombent.
Amendement AS844 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet amendement vise à sécuriser l’approvisionnement des patients.
M. le rapporteur général. Sagesse.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS326 de Mme Ségolène Amiot
M. le rapporteur général. Je ne comprends pas pourquoi vous proposez de pénaliser les dépenses publiques en faveur de l’investissement dans la souveraineté pharmaceutique alors que vous entendez développer, par ailleurs, un pôle public du médicament. Cela me paraît parfaitement contradictoire.
Défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS330 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous proposons de moduler la contribution des laboratoires pharmaceutiques en fonction du montant des dividendes qu’ils versent à leurs actionnaires. Ces versements constituent en effet une activité socialement inutile. Il faut se donner des outils fiscaux pour les décourager et s’assurer que cet argent reste dans l’entreprise pour financer de la recherche et développement, de l’équipement ou des infrastructures.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS310 de M. Damien Maudet et AS952 de M. Yannick Monnet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les plafonds individuels prévus au titre de la contribution supplémentaire nous semblent ridiculement bas au regard du taux de profit du secteur, du montant des dividendes versés et des rachats d’actions. Il convient de déplafonner la contribution pour accroître son efficacité.
M. le rapporteur général. « Ridiculement bas », un montant de 10 % du chiffre d’affaires ? Mesurez-vous ce que cela représente ?
Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS954 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement vise, par une modification de l’alinéa 31, à rendre pleinement effectif l’article 10 en prévoyant une taxation d’office de l’entreprise pharmaceutique en cas de déclaration des contributions manifestement erronée.
M. le rapporteur général. Je suis surpris que vous proposiez de rendre obligatoire la taxation d’office – et, partant, la majoration fiscale – alors que, sur vos bancs, vous hurlez plutôt à l’autoritarisme lorsque l’on propose de renforcer les sanctions contre les auteurs de crimes et de délits. J’ajoute que l’absence d’individualisation des sanctions et l’automaticité des peines sont contraires à la Constitution.
Il faut distinguer l’alinéa 31, qui ouvre la possibilité d’une sanction en présence d’une erreur dans la déclaration, de l’alinéa 32, qui prévoit une majoration forfaitaire automatique en cas d’absence de déclaration dans les délais ou de taxation d’office. Je suis tout à fait favorable à ce qu’on lutte contre les fraudes et les abus, mais on se trouve ici sur le terrain de l’erreur.
Avis défavorable.
M. Yannick Monnet (GDR). Il ne faut pas avoir la matraque sélective ! Ce n’est pas contraire à la Constitution. Si vous ou moi roulons au-dessus de la vitesse autorisée, nous nous verrons infliger automatiquement une amende. Il s’agit d’instaurer une sanction dès lors que la déclaration est manifestement erronée. Je ne vois pas pourquoi on ferait preuve de souplesse pour certains alors qu’on n’en manifeste aucune pour d’autres.
M. le rapporteur général. En l’occurrence, nous ne parlons pas de faits soumis à contravention.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS315 de Mme Élise Leboucher, AS316 de M. Damien Maudet et AS317 de Mme Ségolène Amiot
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur général, nous pourrions vous retourner la question : pourquoi vous, qui êtes si rigides habituellement dès qu’il s’agit de sanctionner les gens qui enfreignent les règles, faites-vous preuve d’une telle retenue, pour ne pas dire d’un tel laxisme, lorsque l’industrie pharmaceutique est concernée ?
L’amendement AS315 a pour objet de rehausser le taux de la majoration forfaitaire appliquée aux entreprises pharmaceutiques qui ne respectent pas leurs obligations déclaratives auprès de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf). Le texte prévoit une amende de 0,05 % du chiffre d’affaires hors taxes ; autrement dit, elle pourrait se réduire à quelques milliers d’euros, ce qui est faible pour une entreprise qui enfreint la loi. Les amendements AS316 et AS317 visent à rehausser le plancher et le plafond de cette majoration.
M. le rapporteur général. Ces amendements ont pour objectif commun de taxer toujours davantage. C’est tout de même de producteurs de médicaments que nous parlons : je me demande parfois si vous n’avez pas une présomption de culpabilité à leur encontre ! Ce dont nous avons besoin, c’est de nous assurer que les producteurs seront aptes à nous fournir des médicaments et à éviter les pénuries. Le système doit être viable ; à défaut, il n’y aura plus de production en France.
Les majorations que vous prévoyez sont beaucoup trop élevées, d’autant qu’elles s’appliqueront par périodes de quinze jours de retard. Qui plus est, le dispositif actuel est très complexe et le circuit déclaratif, particulièrement lourd. Les travaux que nous avons menés au printemps, dans le cadre de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), l’ont montré : même la direction de la sécurité sociale, confrontée à plus de quatre cents hypothèses, s’est trompée – pour un montant de 1,2 milliard d’euros ! Dès lors, qui est capable de dire qu’une entreprise ne pourra pas, en toute bonne foi, commettre une erreur ?
Avis défavorable sur les trois amendements.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il y a de très grosses entreprises pharmaceutiques qui ne déclarent volontairement pas leur chiffre d’affaires en temps et en heure auprès de l’Urssaf : quand on ne risque qu’une amende de 2 000 euros, c’est parfois un risque que l’on accepte de prendre ! Je rappelle que nous ne parlons pas d’êtres humains, mais d’entreprises et que si la majoration forfaitaire n’est pas suffisamment dissuasive, elles seront tentées de la faire passer par pertes et profits.
Mme Justine Gruet (DR). À droite, nous restons cohérents : nous ne voulons pas de taxes supplémentaires. Nous examinerons prochainement un texte spécifique sur la lutte contre la fraude qui vous donnera tout loisir de pointer le viseur sur tout ce qui va mal dans le pays. En attendant, il serait bon que nous avancions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
M. Damien Maudet (LFI-NFP). C’est pour taquiner M. le rapporteur général que je lui disais qu’il était fort avec les faibles et faible avec les puissants. Mais en l’occurrence, contrairement à ce que j’entends, nous ne proposons pas de taxe : seulement une majoration pour les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations déclaratives. Quand les personnes ne respectent pas leurs obligations, vous proposez des peines toujours plus sévères ; quand nous proposons de faire de même pour les entreprises, vous dites que cela envoie un mauvais signal et qu’elles risquent de partir. Dans ce cas, pourquoi une amende ? Supprimez l’amende, supprimez même les règles, puisqu’elles ne servent à rien !
M. le rapporteur général. L’alinéa 31 concerne les erreurs de l’entreprise ; l’alinéa 32 les cas où les éléments n’auraient pas été fournis : « Lorsque les déclarations des contributions de base, additionnelles et supplémentaires n’ont pas été produites dans les délais [...], l’organisme chargé du recouvrement des contributions met à sa charge une majoration forfaitaire ». Vos amendements réclament des sanctions comme s’il n’en existait pas, alors qu’elles sont déjà prévues ! Ils sont satisfaits.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Vous dites que les amendements auraient dû modifier l’alinéa 32 ; c’est précisément ce qu’ils font. Vous dites également que les amendes ne servent à rien, sans toutefois proposer de les supprimer ; nous vous disons qu’elles sont trop basses et que cela les rendra inefficaces.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS319 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement concerne le montant M.
Heureusement, le droit français prévoit qu’en cas de profits excessifs, les entreprises privées qui fournissent les médicaments, les traitements et les dispositifs médicaux doivent rendre une partie des profits dégagés. La raison en est simple : dès lors qu’il existe un monopole en santé publique, ce monopole est tenté d’abuser de sa position dominante et de racketter la sécurité sociale en fixant des prix trop élevés.
Nous proposons seulement de maintenir le rendement de la clause de sauvegarde ; c’est un amendement de centre gauche très pâlot, modéré, presque conservateur, et j’imagine qu’il suscitera une large adhésion.
M. le rapporteur général. L’article 10 prévoit deux niveaux : la clause de sauvegarde et la contribution supplémentaire. Si l’on refuse le rehaussement du montant de déclenchement de la clause de sauvegarde, on l’active beaucoup plus tôt – et il y aura une double taxation beaucoup plus tôt. C’est la double peine assurée. Ce n’est pas la volonté de notre commission.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous proposons simplement de ne pas réévaluer. Au lieu de porter à 30,6 milliards d’euros le montant à partir duquel se déclenche la clause de sauvegarde, nous voulons le maintenir au niveau antérieur de 27,25 milliards. On peut être d’accord ou pas, mais ne parlez pas de double imposition : le niveau de l’année dernière a tout de même permis de produire des médicaments, personne n’en est mort ! Je note avec stupeur que vous êtes toujours contre tout. Vous contestez systématiquement toutes nos propositions.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Les nombreux rapports publiés sur le sujet donnent trois raisons aux pénuries de médicament : la production en dehors de l’Union européenne, la concentration de l’offre, et les prix. Vous ne pouvez pas taxer davantage les laboratoires pharmaceutiques sans qu’ils partent ailleurs, c’est aussi simple que cela. La clause de sauvegarde est un filet de sécurité ; elle ne doit pas entraîner une double taxation.
M. Michel Lauzzana (EPR). La refonte de la clause de sauvegarde va de pair avec un rendement assuré de 1,6 milliard d’euros. Elle viendra en plus, et retrouvera son rôle de corde de rappel. Rappelons que le prix du médicament en France est le plus bas d’Europe. On peut taxer quand il y a beaucoup de bénéfices, mais si l’on rajoute des couches et des couches, cela devient intenable. Le mécanisme va devenir pervers.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Clouet, c’est de l’acharnement thérapeutique ! Par rapport à il y a quatre ans, la nouvelle clause de sauvegarde demande 85 % de plus aux laboratoires. Depuis quatre ans, y a-t-il plus de médicaments fabriqués en France ? Non – nous avons encore perdu des parts de marché.
Mme Simonnet disait tout à l’heure vouloir créer un pôle public du médicament. Si un jour vous arrivez aux affaires, vous serez bien contents d’avoir encore des laboratoires pharmaceutiques en France pour le faire ! La difficulté que nous avons tient au fait que tout le reste a été externalisé. En outre, comme le montrent les comparaisons des prix des médicaments dans l’Union européenne, c’est en France qu’ils sont les plus bas.
Enfin, on ne s’interroge jamais sur notre consommation de médicaments. Ce ne sont pas les laboratoires qui les prescrivent, que je sache, ce sont les médecins. Il faut y réfléchir en amont.
Mme Joëlle Mélin (RN). C’est quand même en partie avec l’argent de la sécurité sociale que se fait le lobbying des laboratoires pharmaceutiques – 8,2 milliards d’euros !
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le collègue Vigier m’accuse d’acharnement ; je trouve que c’est plutôt vous qui êtes dans la nonchalance. Je ne suis pas non plus d’accord pour dire que les médecins sont responsables alors qu’on parle du prix du médicament. Bien sûr qu’on peut discuter du volume des prescriptions, mais à volume constant, il y a de toute façon un effet prix.
Je suis d’accord avec le collègue Lauzzana pour parler d’une corde de rappel. La question est de savoir si elle est fixée est au bon niveau ; or, au vu des profits, des délocalisations et des désinvestissements dans l’appareil productif des entreprises du secteur, je considère qu’elle est trop haute.
S’il y a vraiment un problème avec le fonctionnement libéral de l’industrie du médicament, la solution est la production directe par le pôle public du médicament. On ne peut pas dire à la fois que l’industrie pharmaceutique paie plus d’impôts qu’ailleurs et qu’elle partira si on l’impose davantage : puisqu’elle est toujours là, l’argument ne tient pas la route.
M. le rapporteur général. Si je comprends bien, vous voulez maintenir l’assiette pour que le produit de la taxe soit plus important. La difficulté tient au fait que cette assiette dépend de nombreux éléments et évolue chaque année. Elle repose sur le chiffre d’affaires hors taxes, déduction faite des remises pour accès dérogatoire et des remises conventionnelles – l’assurance maladie peut signer ou non des baisses conventionnelles, ce qui est plutôt intéressant pour elle. Le chiffre d’affaires considéré a été progressivement étendu pour inclure les médicaments remboursés en officine, les médicaments bénéficiant des dispositifs d’accès direct, les médicaments en autorisation temporaire d’utilisation pour accès compassionnel ou précoce, les médicaments de la liste en sus et ceux figurant sur la liste de rétrocession des établissements hospitaliers. Sans compter que les articles 34 et 35 du PLFSS vont encore retoucher l’accès direct.
Même si je vous suivais donc, nous ne pourrions pas reconduire automatiquement en 2026 le montant M de 2025 car l’assiette a changé. D’après les éléments en ma possession, ce montant sera plutôt plus bas l’année prochaine en raison des modifications apportées par le Gouvernement avec la création de la contribution supplémentaire. Vous dites que la clause de sauvegarde est un filet de sécurité qui ne sera pas déclenché, mais cela risque d’arriver, d’autant qu’il y a eu des erreurs dans les calculs des années précédentes – de 900 millions à 1,2 milliard d’euros.
L’article est confus, mais il faut distinguer la clause de sauvegarde, qui ne devrait plus être déclenchée, de la contribution supplémentaire, qui garantit un rendement de 1,6 milliard d’euros. Je proposerai, dans un amendement que nous examinerons prochainement, de remonter le montant M pour que la clause de sauvegarde ne se déclenche pas.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1743 de M. Thibault Bazin, AS336 de M. Damien Maudet, AS333 de Mme Élise Leboucher et AS900 de M. Hendrik Davi (discussion commune)
M. le rapporteur général. En réponse aux alertes légitimes de Philippe Vigier et de Paul Christophe, je propose de relever le montant M de 1,2 milliard d’euros. Ce chiffre ne sort pas de nulle part : il est fondé sur les erreurs qui ont été faites à partir de la base de calcul et des quatre cents hypothèses de la direction de la sécurité sociale (DSS). Je propose également de relever au prorata le montant Z, soit 0,1 milliard d’euros.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Par l’amendement AS336, nous proposons la même évolution du montant Z, mais dans la direction opposée. M. Bazin relève le montant pour que la clause ne soit pas déclenchée ; moi, je veux l’abaisser pour obtenir une déflation du prix du matériel médical. C’est un marché qui pèse 30 milliards d’euros en France, qui connaît un taux de croissance très dynamique – 6 % par an –, dont le taux de profit va croissant et sur lequel les économies d’échelle sont faciles. Il faut donc baisser le montant de déclenchement de la clause pour éviter que les profits ne se fassent au détriment de la sécurité sociale.
L’amendement Leboucher est un amendement de repli.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous proposons avec l’amendement AS900 de ramener le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde – ce mécanisme qui oblige les laboratoires pharmaceutiques à rembourser l’État lorsqu’un seuil global de dépenses de médicaments fixé chaque année est dépassé – de 26,65 à 25,65 milliards d’euros. Nous envoyons ainsi aux laboratoires pharmaceutiques le message qu’il est temps de changer de modèle économique et de revenir à des prix plus justes, plus transparents et plus soutenables pour notre système de santé et pour l’accès aux soins. De nombreuses associations nous ont interpellés sur l’explosion du prix des médicaments et des produits pharmaceutiques. Il faut revenir à la raison et ce mécanisme nous en donne les moyens.
M. le rapporteur général. Il y a un point de confusion : vous avez parlé des dispositifs médicaux puis de l’enveloppe de 30 milliards d’euros, mais les dispositifs médicaux ne représentent que 2 milliards environ ; derrière, il y a tout l’enjeu du virage domiciliaire et de la proximité dans les territoires. Je rappelle que l’an dernier, sans la censure, le montant Z se serait déclenché pour la première fois, sans possibilité d’y revenir a posteriori. On voit que cela peut porter préjudice et c’est pour cela que je propose de le relever.
Quant au montant de 23 milliards d’euros auquel l’amendement Leboucher propose de revenir, il date d’il y a trois ans. Depuis, il y a eu l’inflation – vous nous en parlez régulièrement – et des revalorisations de salaires dans les entreprises pharmaceutiques. C’est donc la peine assurée, et cela ne me paraît pas légitime.
Avis défavorable aux trois amendements autres que le mien.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Si l’on augmente le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde, c’est malheureusement parce qu’il y a plus de maladies chroniques et plus de cancers, avec des thérapies qui coûtent plus cher. Si vous en limitez le montant, les patients ne bénéficieront plus de traitements.
Par ailleurs, la Mecss a effectué une mission sur le dérapage des dépenses de l’an dernier : il n’est pas de 1,2 milliard d’euros, mais de 950 millions, et il s’explique par les remises dont ont bénéficié les laboratoires, qui avaient été sous-estimées par la DSS.
Je pense donc qu’il faut en rester au chiffre tel qu’il est, sans l’augmenter, contrairement à ce que propose M. le rapporteur général, et sans le baisser.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il est légitime de vouloir faire des économies, mais nous sommes déjà l’un des pays qui négocie le mieux le prix des médicaments. Nos prix font référence parce que les autres pays savent que nous négocions très fortement. En outre, le médicament ne représente que 10 % de nos dépenses de santé. Jusqu’où allons-nous pouvoir faire des économies là-dessus ?
La commission adopte l’amendement AS1743.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendement AS955 de M. Yannick Monnet
M. Yannick Monnet (GDR). Dans le montant M, il y a une approche collective des entreprises du médicament, et il y a des critères individuels, notamment l’évolution du chiffre d’affaires. C’est certes un système compliqué, mais il mérite d’être modulé.
Les entreprises pharmaceutiques font certainement de belles choses, mais elles délocalisent, confortent leur rentabilité nette, distribuent des dividendes et suppriment même des postes de chercheur, comme Sanofi. Elles n’ont donc pas qu’un fonctionnement vertueux.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Avec votre amendement, il n’y en aura plus !
M. Yannick Monnet (GDR). Il faut donc leur donner plein d’argent public et les laisser faire ce qu’elles veulent ? Je ne crois pas que ce soit la bonne solution.
Je propose donc que le montant M soit modulé en fonction des aides publiques reçues par l’entreprise, lesquelles sont octroyées sans aucune contrepartie à l’heure actuelle.
M. le rapporteur général. Vous proposez de compléter l’alinéa 39 par la phrase suivante : « [Le montant M] est retranché du total des financements et des aides publiques perçus au cours de l’année précédant la déclaration par l’entreprise assujettie. » Si l’on se place du côté individuel, c’est un grand cadeau pour l’entreprise ; et si l’on se place sur le plan collectif, c’est une énorme punition. Je comprends l’idée, mais la rédaction de l’amendement pose problème. Il faudrait faire l’inverse. Je vous suggère donc de le retirer.
M. Yannick Monnet (GDR). Ce que j’ai expliqué me semble beaucoup plus clair : ce que je veux, c’est retrancher les aides publiques du montant M. Je suis prêt à reformuler l’amendement.
M. le rapporteur général. La limite, c’est qu’il y a à la fois une approche individuelle et une approche collective. Il faut être capable de les comptabiliser de manière dynamique.
L’amendement est retiré.
Amendement AS840 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Nous avions adopté un amendement de ce type l’an dernier. Je propose d’appliquer à la clause de sauvegarde le même mécanisme qu’à la contribution supplémentaire concernant les médicaments génériques, les médicaments soumis à tarif forfaitaire de responsabilité – c’est-à-dire les génériques aux prix les plus bas – et les spécialités de référence commercialisées à prix bas. Tout cela vise à protéger les médicaments qui coûtent très peu cher et qui menacent de disparaître. En tant que médecin, j’ai vu disparaître des médicaments utiles, qui ne coûtaient trois fois rien et qui ne sont plus à notre disposition.
M. le rapporteur général. Il y a deux choses différentes : la clause de sauvegarde et la contribution supplémentaire. L’amendement que nous avons voté l’année dernière ne concernait que la clause de sauvegarde au titre de 2025. Attendons de voir ce que cela donne, puisque la saison de l’appel de la clause est encore en cours. Nous aurons plus d’éléments à l’avenir.
L’amendement propose de prolonger ce mécanisme pour 2026. Nous avons entre-temps changé de modèle. Je n’y suis pas favorable, d’une part parce qu’un rehaussement de M et Z doit éviter toute activation de la clause, d’autre part parce que le nouveau dispositif prévoit déjà un taux réduit pour les médicaments génériques dans la contribution sur le chiffre d’affaires.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS312 de Mme Ségolène Amiot
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous arrivons à la fin de la discussion sur l’industrie pharmaceutique. C’est peut-être la dernière chance de trouver un point d’atterrissage consensuel. Nous avions anticipé la mauvaise foi certaine des libéraux et donc déposé plusieurs amendements pour leur donner l’occasion, au fil de la réflexion, de revenir sur leurs positions.
Cet amendement vise à porter la contribution supplémentaire des laboratoires pharmaceutiques de 4,24 % à 5,24 %. Pourquoi cette proposition ? Il faut rappeler que le rendement à seulement 1,6 milliard d’euros de la clause de sauvegarde était à l’origine une demande des Entreprises du médicament (Leem) et que Mme Vautrin y avait mis comme condition l’atteinte de 800 millions d’économies sur le prix des médicaments. Cet accord a‑t‑il été respecté ? Non, puisque les économies n’atteignent que 500 millions. Pour faire une comparaison utile, l’effort de l’industrie capitaliste du médicament est bien inférieur à l’effort exigé des malades via l’augmentation de la franchise médicale. Pourtant, on lui offre le montant de la clause de sauvegarde demandé initialement.
Cela me paraît une injustice et même un mauvais exemple donné au reste du pays, à qui l’on enseigne ainsi que celui ne répond pas à ses engagements recevra quand même un cadeau à la fin. Pour cette simple raison de moralité et de vertu publiques, je vous demande de voter l’amendement.
M. le rapporteur général. Il ne s’agit, au fond, que de multiplications entre un taux et une assiette. L’assiette augmentant chaque année, si l’on veut préserver un rendement de 1,6 milliard, il faut baisser le taux. Or vous faites l’inverse. Cela imposerait une énorme contribution aux entreprises pharmaceutiques, qui contribuent déjà par le biais des taxes habituelles. Par ailleurs, vous voulez modifier la donne pour l’année en cours, ce qui n’est pas raisonnable.
Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je ne comprends pas. Les industries pharmaceutiques ne devaient-elles pas tenir l’engagement de ne pas faire exploser les prix ? Puisqu’elles ne l’ont pas respecté, en représailles, notre devoir est de trouver une solution. L’amendement propose une méthode dont nous vérifierons tout simplement l’efficacité l’année prochaine.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il y a méprise. Les prix des médicaments, fixés par le Comité économique des produits de santé (Ceps) après négociation, n’augmentent jamais. Ils tendent plutôt à diminuer chaque année. En outre, le prix réel des médicaments ne correspond pas au prix facial : les laboratoires font une remise sur le prix facial, dont le montant correspond aux 9 milliards reversés à la sécurité sociale. Le problème, ce n’est pas le prix des médicaments mais leur nombre – il y a de plus en plus de maladies chroniques et de médicaments innovants.
M. Michel Lauzzana (EPR). Augmenter le taux de la contribution supplémentaire n’est pas utile, puisque la clause de sauvegarde se déclenche déjà en cas de dérapage. Cela ferait un second mécanisme qui pèserait sur les entreprises du médicament, qui ne peuvent pas supporter une telle augmentation.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). En juin dernier, au moment de l’intervention du comité d’alerte, Mme Vautrin avait annoncé qu’il n’y aurait pas d’accord avec le Leem sur les 800 millions d’euros prévus, seulement sur 500. Malgré cela, la cible de la clause de sauvegarde est restée la même. Il n’y a pas de raison de leur faire ce cadeau.
Pour prendre un exemple, le Sovaldi, un médicament utilisé contre l’hépatite C, est vendu à 40 000 euros alors qu’il coûte 150 euros à produire. L’amendement permet de s’attaquer à certains de ces cas de superprofits.
M. le rapporteur général. Il y a beaucoup de confusion. L’avis du comité d’alerte portait sur la maîtrise des dépenses de l’assurance maladie. L’idée de négociations conventionnelles avec le Leem avait été défendue ; elles n’ont hélas pas abouti. Rappelons que l’assurance maladie peut, de manière arbitraire, opérer des réductions. Là où vous vous méprenez, c’est qu’une baisse de 600 millions d’euros fait baisser l’assiette et va donc à l’encontre de votre objectif de faire davantage contribuer les entreprises – à volume moindre, rendement moindre. Compte tenu du vieillissement de la population, la pente naturelle est celle d’une augmentation de la consommation. Il ne faut pas confondre le prix unitaire, qui n’augmente pas, et le volume consommé, qui augmente.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS314 de M. Hadrien Clouet.
Enfin, elle adopte l’article 10 modifié.
Amendement AS923 de M. Hendrik Davi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’amendement vise à instaurer la transparence sur les remises de prix réelles des médicaments et dispositifs médicaux, qui sont aujourd’hui tenues secrètes, afin de permettre un contrôle public de cette dépense.
M. le rapporteur général. Vous allez être satisfaite : les données que vous demandez figurent dans le rapport du Ceps, avec un luxe de détails – remises, prix facial et public, acomptes. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le rapport ne dit rien sur les coûts nets, qui comprennent la masse salariale, le niveau de recherche et développement, les profits réalisés, les dividendes versés le cas échéant, l’autofinancement et le renouvellement de capital fixe. Pourtant, la France s’est engagée auprès de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le 28 mai 2019, à rendre transparent le prix du médicament. Pour la crédibilité de la France à l’international, il faut adopter cet amendement.
M. Michel Lauzzana (EPR). Vous faites une confusion. L’amendement vise à rendre transparentes les remises négociées. Vous parlez, vous, du calcul du coût de revient d’un médicament, qui est très compliqué à établir et que je ne m’aventurerais pas à traiter dans un amendement alors que même le Ceps a du mal à le calculer.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 11 non modifié.
Amendements AS1461 de Mme Corinne Vignon et AS1745 de M. Thibault Bazin ; amendements identiques AS52 de Mme Françoise Buffet et AS1471 de Mme Josiane Corneloup ; amendements AS1149 de M. Laurent Wauquiez, AS138 de Mme Sylvie Bonnet, AS1679 de Mme Josiane Corneloup et AS327 de M. Hadrien Clouet ; amendements identiques AS102 de Mme Sandrine Runel et AS1375 de M. Guillaume Garot (discussion commune)
Mme Corinne Vignon (EPR). Les remises commerciales constituent une ressource indispensable au fonctionnement du réseau des pharmacies. La détermination des plafonds de ces remises, qui relevait de la compétence du législateur, est passée en 2014 au pouvoir réglementaire. Un arrêté du 4 août 2025 prévoit de ramener pour 2026 les plafonds de ces remises à 30 % pour les médicaments génériques, contre 40 % auparavant, ce qui ne sera nullement générateur d’économies pour l’assurance maladie.
Les nouveaux plafonds de remises entraîneront une perte massive de ressources pour le réseau officinal, qui risque de voir disparaître de nombreuses officines de proximité, sachant que l’on observe chaque année environ trois cents cessations d’activité. Mon amendement vise à redonner sa compétence au législateur en lui permettant de réévaluer les plafonds de remises, chaque année, à l’occasion de l’examen du PLFSS et en cohérence avec l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).
M. le rapporteur général. Je retire mon amendement AS1745, car d’autres me semblent mieux écrits que le mien.
Mme Françoise Buffet (EPR). Les remises commerciales accordées par les laboratoires constituent un pilier du modèle économique des officines et soutiennent le dynamisme du médicament générique au bénéfice de l’assurance maladie. Initialement fixés par la loi, les plafonds des remises ont été confiés au pouvoir réglementaire en 2014, dans la limite de 50 %, afin de favoriser les économies en permettant un relèvement des plafonds en vigueur. L’arrêté du 4 août 2025 a pourtant inversé cette logique en abaissant les plafonds à 30 % pour les génériques et 15 % pour les biosimilaires. Ils seront tous à 20 % à compter du 1ᵉʳ juillet 2027.
Cette baisse ne produira pas d’économies nouvelles, l’État procédant déjà à des ajustements de prix selon les remises déclarées. Elle risque en revanche d’opacifier les conditions tarifaires, de priver le réseau officinal d’environ 520 millions d’euros et d’accélérer les fermetures de pharmacie, notamment en zone rurale.
Mon amendement propose donc de rendre au législateur la fixation annuelle de ces plafonds, dans le cadre du PLFSS et en cohérence avec l’Ondam, afin de préserver le modèle gagnant-gagnant de la substitution. Il prévoit également la réalisation d’une étude gouvernementale sur l’impact et l’évolution du système de remises et de rémunération des pharmaciens.
Mme Josiane Corneloup (DR). Mon amendement est identique au précédent. Il s’agit de rendre au législateur la compétence de fixation des plafonds de remises afin qu’ils puissent être réévalués chaque année, lors de l’examen du PLFSS, en cohérence avec l’Ondam, pour préserver le modèle équilibré et vertueux de rémunération de la substitution.
Alors que les génériques représentent plus de 30 % du chiffre d’affaires des officines, ramener la remise à 30 %, voire à 20 %, aura des conséquences très importantes sur leur économie et fragilisera particulièrement celles de plus petit chiffre, notamment dans les territoires ruraux. Cela n’engendrera pas d’économies pour la sécurité sociale. En revanche, c’est tout notre maillage territorial qui sera mis à mal, avec des conséquences très importantes en matière d’accès aux soins.
Mme Justine Gruet (DR). Ce sujet est essentiel pour l’accès aux soins dans nos territoires. Chaque Français connaît l’importance de disposer d’un réseau de pharmacies proches et proposant un service de qualité. Les députés du groupe Droite Républicaine s’opposent depuis plusieurs années aux remises en cause du modèle économique du réseau officinal français, tout comme l’a fait Yannick Neuder, ancien ministre chargé de la santé.
Les remises commerciales sont une ressource indispensable au fonctionnement des officines, notamment dans les territoires ruraux. Or l’arrêté du 4 août a réduit unilatéralement les plafonds de ces remises – 30 % pour les médicaments génériques au lieu de 40 % auparavant, 15 % pour les médicaments biosimilaires au lieu de 20 %, l’objectif étant d’arriver à 20 % à terme pour toutes les catégories.
Grâce à la suspension de cet arrêté pour une durée minimale de trois mois, décidée par l’ancien ministre Neuder, le dialogue a pu reprendre avec les syndicats. La suspension a également permis d’éviter une perte d’environ 520 millions d’euros pour le réseau officinal et la fermeture de nombreuses officines de proximité. Les fermetures de pharmacies sont déjà une réalité, avec un rythme proche des trois cents par an. Ne changeons pas les règles sans une réforme globale.
Notre amendement AS1149 vise lui aussi à redonner compétence au législateur pour réévaluer chaque année, dans le PLFSS et en cohérence avec l’Ondam, le niveau des plafonds de remises.
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS138 est défendu.
L’amendement AS1679 vise à clarifier les mécanismes incitatifs dédiés au développement des génériques, en particulier des nouvelles molécules – hybrides et biosimilaires. Nous avons énormément de retard sur la substitution, du fait, certainement, de l’absence d’incitation économique pour les pharmaciens. La pénétration n’est pas du tout à la hauteur des économies attendues pour l’assurance maladie. Nous devons mener une politique beaucoup plus volontariste, qui passera par une incitation importante.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). En plafonnant les remises sur les génériques, le Gouvernement a mis en péril beaucoup d’officines, au profit des grands laboratoires. Les pertes avoisinent les 25 000 euros en moyenne par officine, ce qui revient, étant donné la fragilité de leur modèle économique, à en liquider des centaines dans les zones rurales ou périurbaines. C’est la raison pour laquelle, le 18 septembre dernier, 90 % des pharmacies étaient en grève. L’arrêté leur faisait courir quatre risques : disparition des officines les plus fragiles, concentration entre les mains de groupes financiers, suppression d’emplois dans les officines intermédiaires, et enfin baisse de la commande de génériques et risque de ruptures de stocks.
Le Gouvernement préfère taxer les officines plutôt que de faire contribuer certains grands laboratoires – c’est aussi le choix que vous avez fait en refusant mes amendements. Nous proposons de fixer les plafonds dans la loi, pour sortir par le haut de ce mouvement social que nous soutenons.
M. Jérôme Guedj (SOC). Par l’amendement AS102, nous souhaitons graver dans le marbre l’engagement pris à ce sujet par le Premier ministre Sébastien Lecornu et faire passer le plafond des remises de 30 à 40 %.
M. Guillaume Garot (SOC). Mon amendement vise à acter définitivement la suspension de l’arrêté du 4 août, en revenant à la législation en vigueur avant 2014. Les nouveaux plafonds, décidés par voie réglementaire, risquent d’entraîner une perte de ressources de plus de 500 millions d’euros pour le réseau officinal, sensibles en particulier pour les officines des déserts médicaux, qui sont déjà fragiles faute de prescripteurs. C’est tout l’inverse qu’il faut faire.
M. le rapporteur général. L’arrêté du 6 octobre 2025, qui suspend celui du 4 août pour au moins trois mois, était un premier pas. Il faut maintenant régler la question.
Aucun de ces amendements ne permettra pas de régler la question du modèle économique des officines ni n’empêchera la disparition malheureuse de certaines d’entre elles. Il faut un travail plus global. En attendant, sur le sujet qui nous occupe, autant être ambitieux et adopter les amendements les plus déterminants.
Certains amendements proposent de conserver la fixation du plafond des remises par voie réglementaire, mais en changeant les limites pour les spécialités matures, pour les génériques ou pour les deux. En gros, la compétence reste réglementaire mais est mieux encadrée pour protéger les officines. D’autres redonnent la compétence au législateur. Je privilégie cette approche, qui est celle de l’amendement que j’avais déposé.
Madame Vignon, votre amendement propose de fixer le taux à 50 %. Il me semble suffisant et raisonnable budgétairement de rester à 40 %. Je vous suggère donc de le retirer.
En revanche, les amendements identiques suivants, qui ont été déposés par plusieurs groupes, cumulent le retour de la compétence au législateur, un taux de 40 % pour les génériques et une demande de rapport intéressante. Je retire bien volontiers le mien, qui avait des différences rédactionnelles minimes, en espérant qu’ils deviennent un amendement de la commission.
Je suis donc favorable à l’adoption des amendements identiques AS52 et AS1471 et défavorable aux autres.
M. Philippe Vigier (Dem). Je m’en remets à l’analyse du rapporteur général. Le législateur doit avoir la main. Nous devons protéger le maillage rural des pharmacies sur lequel nous nous sommes tant appuyés ces dernières années – n’oublions pas leur rôle dans les campagnes de vaccination contre le covid et la grippe, ni les cabines de télémédecine. Mais, pour la séance, il serait intéressant d’introduire des éléments sur la financiarisation, qui joue un rôle dans l’extinction des petites pharmacies.
Mme Joëlle Mélin (RN). À la différence du numerus clausus, le numerus d’installation devait assurer aux pharmaciens un territoire et une clientèle solvable. Faute de médecins dans les déserts médicaux, les pharmacies ont fermé petit à petit – bientôt, une pharmacie fermera chaque jour en France.
La baisse des remises proposée par le Gouvernement était plus que malvenue. Je suis donc ravie de l’unanimité des commissaires, avec l’appui du rapporteur général, pour la remettre en cause. Il est important de manifester notre soutien à une profession qui rencontre près de 3 millions de personnes par jour et de sortir de la logique comptable, à laquelle se conjuguent les exigences financières des laboratoires pharmaceutiques.
M. Michel Lauzzana (EPR). À défaut d’étude d’impact, j’espère que nous disposerons d’éléments plus précis pour apprécier les conséquences de ce que nous votons. C’est la raison pour laquelle je soutiens l’amendement de Mme Buffet, qui prévoit la remise d’un rapport.
Nous avions insisté auprès de la ministre Mme Vautrin sur la nécessité de protéger les petites officines en milieu rural, auxquelles de nouvelles tâches ont été confiées pour pallier la raréfaction des médecins. Mais il semble que les négociations n’aient pas abouti.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Outre la voie réglementaire ou législative, il nous faut choisir entre 40 % ou 50 % pour le taux plafond de remise. Mon amendement, comme l’AS138 de Mme Bonnet, retient le second, qui répond à une demande des officines déjà fragilisées avant la réforme en cause. Le taux de 50 % garantit à toutes les officines de disposer des revenus nécessaires pour fonctionner. Rien n’empêche ensuite de réfléchir à un mécanisme pour redistribuer les fonds entre celles qui sont très rentables et celles qui ont des difficultés.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je partage l’avis du rapporteur général mais nous aurions pu être plus ambitieux encore : en tant que professionnels de santé, les pharmaciens devraient être rémunérés autrement que par des remises sur les médicaments qu’ils vendent.
Par ailleurs, la diminution des remises ne génère aucune économie pour la sécurité sociale : elle profite à l’industrie pharmaceutique.
Les amendements AS1461 et AS1745 étant retirés, la commission adopte les amendements identiques AS52 et AS1471.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Amendements identiques AS759 de Mme Colette Capdevielle et AS1761 de M. Frédéric Valletoux
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous entrons avec ces amendements dans le domaine des taxes comportementales.
Il est question ici d’un phénomène qui préoccupe beaucoup d’entre nous, le regain des prémix, ces boissons alcoolisées prémélangées. Notre assemblée avait pris des mesures contre ces boissons qui titrent entre 1,2 % et 12 % d’alcool. Or de nouveaux prémix sont apparus sur le marché, en particulier ceux qu’on appelle les vodies, qui associent alcool, boissons énergisantes et ingrédients sucrés ou aromatisés et sont vendus au prix moyen de 3,5 euros.
Par l’amendement AS759, il faut mettre un coup d’arrêt à la propagation de ces boissons pour lutter contre l’alcoolisation des jeunes.
M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement, qui a été travaillé avec Addictions France, ne vise pas à créer une nouvelle taxe sur les vodies mais à étendre la taxe sur les prémix, créée il y a quelques années.
Présentés comme des boissons festives, les vodies – prémix avec une teneur en alcool, en caféine, en taurine et en sucre plus forte – sont une porte d’entrée vers l’alcoolisation. Soutenu par un marketing agressif et un réseau de vente informel, leur succès est un fléau pour la santé, selon les mots de Yannick Neuder. Les vodies profitent en France d’un vide juridique puisqu’elles échappent à toute classification. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ouvert une enquête à leur sujet il y a quelques mois. Certains pays les ont déjà interdits.
M. le rapporteur général. Je suis très favorable à l’idée de combler les trous dans la raquette. Nous avons en particulier un problème de définition des vodies et je serai très intéressé par les conclusions de la DGCCRF, que nous pourrions auditionner, à ce sujet.
Mais vos amendements ne résolvent pas le problème puisqu’ils se bornent à augmenter le titrage en alcool des boissons assujetties à la taxe sur les prémix, le seuil supérieur passant de 12 % à 25 %. La hausse du prix risque en outre de pousser les jeunes vers d’autres produits encore plus dangereux sur des marchés parallèles.
Je suis donc défavorable aux amendements mais très ouvert à un travail de définition des vodies.
M. le président Frédéric Valletoux. Je suis étonné de votre réponse. En augmentant le taux d’alcool, nous ciblons précisément ces boissons, qui échappent aujourd’hui à la taxation car leur titrage est largement supérieur aux bornes que nous avions fixées pour les prémix.
Il n’est pas question de les interdire mais de renchérir leur prix. Cette boisson de 25 centilitres avec un taux d’alcool de 20 % est vendue 3,5 euros dans certaines épiceries, mais elle n’est pas considérée comme une boisson alcoolisée.
M. le rapporteur général. Tant qu’il n’y a pas de définition, vous ne pouvez pas les cibler spécifiquement.
Mme Justine Gruet (DR). Je suis fidèle à notre ligne : pas de taxes supplémentaires.
Face à ce problème de santé publique qui doit tous nous alerter, je crois plutôt à la prévention et à l’éducation. Il n’y a qu’à voir l’exemple du tabac, sur lequel la taxation n’a cessé de s’alourdir : on est parvenu à un plateau, avec une consommation qui ne diminue plus et une baisse des ventes au profit du marché parallèle.
La taxation de tout et n’importe quoi n’est pas la bonne réponse. Il faut s’attaquer au cœur du problème et miser sur la pédagogie et la prévention auprès des jeunes.
M. Nicolas Turquois (Dem). J’entends les hésitations du rapporteur général.
Ces boissons dont j’ai découvert l’existence récemment sont très addictives pour les jeunes car elles sont très sucrées. L’alcool est à peine perceptible mais l’accoutumance est réelle et rapide.
Nous pourrions à court terme jouer sur le prix et, à moyen terme, travailler sur la définition. Tout ce qui peut permettre d’entraver l’implantation de ces boissons sur le marché français est bienvenu. C’est un enjeu sanitaire majeur. Je suis donc favorable à la taxation.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il y a bien des points sur lesquels nous vous rejoignons. Le marketing très agressif de ces boissons, qui s’adresse aux jeunes, constitue selon moi un premier levier sur lequel nous pouvons agir.
N’oublions pas par ailleurs que, quel que soit le degré d’alcool, l’élément déterminant reste la quantité consommée.
La taxation est-elle le bon outil pour empêcher les prémix d’arriver sur le marché – ou plutôt de l’inonder puisqu’ils y sont déjà ? Je ne le crois pas. Il me semble plus pertinent de s’intéresser au marketing et de taxer ceux qui ciblent volontairement les jeunes.
Mme Annie Vidal (EPR). À une époque, j’étais plutôt favorable à la taxation. Après réflexion, je ne suis pas sûre qu’elle soit le meilleur moyen d’éviter les effets délétères de ce type de produit, qui cible notre jeunesse et dont la consommation est facilitée par des goûts édulcorés et un prix attractif.
Qu’il s’agisse d’alcool, de sucre ou de gras, nous devons nous doter d’une politique de lutte contre les addictions. La taxation est une mesure isolée qui ne produira pas les effets attendus.
M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur le rapporteur général, l’article 1613 bis du code général des impôts, qui concerne la taxe sur les prémix, les définit précisément comme « un mélange préalable de boissons ayant un titre alcoométrique acquis n’excédant pas 1,2 % vol. et de boissons alcooliques ».
Pour que la boisson obtenue soit soumise à la taxation, son titre alcoométrique doit actuellement être supérieur à 1,2 % du volume et inférieur à 12 % du volume. Afin d’inclure les vodies, nos amendements portent la borne supérieure de 12 à 20 %.
Il n’y a pas de problème de définition, à la différence de ce que nous connaissons habituellement pour les nouveaux produits – ce fut le cas pour les puffs. Nous avons la chance d’avoir un texte et une expérience significative en ce qui concerne les prémix. Il suffit d’inclure les vodies dans le cadre juridique actuel en modifiant le titrage.
M. le président Frédéric Valletoux. Le terme vient du produit marketé, le Vody, mais il s’agit juste d’un prémix à 20 %, voire 22 % d’alcool. La composition n’est pas différente.
M. Christophe Bentz (RN). Permettez-moi un propos général sur les taxes comportementales.
Le PLFSS 2026 crée de nouvelles taxes et en étend d’existantes. Des taxes, encore des taxes, comme si elles étaient l’unique et ultime solution. Vous invoquerez là la santé publique, ici la prévention, la protection des mineurs ou encore le financement de la sécurité sociale.
Mais les taxes trouvent très vite leurs limites, en particulier celles des politiques qui ont été menées jusqu’à présent. Elles sont un aveu d’échec de la part des gouvernements successifs et le signe d’une inventivité perdue.
Ces taxes attaqueront très durement le pouvoir d’achat des Français, qui n’en peuvent plus. C’est la raison pour laquelle le Rassemblement national s’opposera à l’ensemble des taxes comportementales.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je souscris aux arguments de Jérôme Guedj. Le vody correspond exactement à la définition du prémix, donc je ne vois aucun problème à adopter les amendements qui le soumettent à la taxe sur les prémix.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Madame Gruet, la hausse des prix peut avoir une incidence sur les conduites addictives. Le tabac en est un excellent exemple. Selon l’OMS, l’augmentation des prix est le moyen le plus efficace de baisser, voire d’arrêter la consommation du tabac. Ce qui est valable pour le tabac le sera aussi, je l’espère, pour lutter contre l’alcoolisme.
Manifestement le Rassemblement national est peu préoccupé par la santé des Français et la lutte contre l’alcoolisme des jeunes. Nous soutiendrons ces amendements qui prennent à bras-le-corps le problème de l’alcoolisme en combattant ces nouveaux produits à la mode qui favorisent l’addiction et banalisent l’alcool.
M. Yannick Monnet (GDR). Le discours sur les taxes est d’une démagogie absolue et d’une grande vacuité.
Je suis prêt à voter ces amendements car la hausse du prix peut limiter la consommation. Mais pourquoi n’interdit-on pas ces produits ? Si c’est mauvais, on interdit ! Il y a une hypocrisie à taxer sous prétexte que c’est nocif – tout en comptant sur l’argent que cela rapportera pour financer des politiques de prévention.
M. le président Frédéric Valletoux. Pourquoi n’est-ce pas interdit ? Le phénomène, qui est né aux Antilles, n’a que quelques mois. Notre collègue Olivier Serva nous avait alertés sur ce fléau à la suite d’un accident de voiture en Guadeloupe, ayant causé la mort de plusieurs jeunes, dans lequel les vodies étaient incriminés. L’Allemagne s’en est déjà prémunie, de même que certains pays d’Afrique, qui les interdisent sur leur sol. Face à un phénomène nouveau, il y a souvent un temps de retard mais nous pouvons adresser ce soir au Gouvernement le message qu’il faut se saisir de la question.
Monsieur Bentz, je suis étonné de vos propos. Nous parlons là d’un fléau de santé publique, de jeunes qui sont poussés vers l’alcool grâce à des produits bon marché, servis frais pour être bus plus facilement. C’est la vie de nos enfants qui est exposée.
Même la filière agroalimentaire et celle des spiritueux sont demandeuses puisqu’elles voient arriver des produits concurrents sans aucune taxation ni aucun encadrement.
Nous devons commencer à poser un cadre. C’est le sens de mon amendement.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Je connais ces produits grâce aux jeunes qui m’entourent. Je me suis laissée prendre au piège : le marketing mise sur la couleur, qui vous laisse penser qu’il s’agit d’un soda. En toute sincérité, c’est joli, ça sent bon, c’est mignon et ça a plutôt bon goût même si c’est un peu chimique. C’est parfait pour cibler les jeunes, et plus spécialement encore les jeunes femmes : c’est tellement sympa d’avoir une petite canette vert bonbon dans son sac !
Je peux en témoigner, c’est un désastre. J’ai vu des jeunes filles en Martinique dans un état si catastrophique que j’ai dû les garder chez moi et appeler leurs parents. Chacun connaît les ressorts du marketing. Chacun sait pourquoi ces boissons sont vendues à un prix modique – mais faites pour qu’on les achète par packs entiers et qu’on en boive cinq ou six.
Il faut protéger notre jeunesse et, oui, le prix a un effet dissuasif, comme pour le tabac. Les recettes tirées de la taxe permettront, en outre, de financer des politiques de prévention en matière d’alcool pour nos jeunes.
M. Philippe Vigier (Dem). Le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait interdit temporairement la vente des prémix, sans avoir compétence en la matière, en considérant que c’est un véritable fléau. Il faut garder en tête les ravages qu’ils provoquent. Le seul levier dont nous disposons est le coût. Il ne s’agit pas de taxer pour taxer mais de taxer pour protéger. Collègues du Rassemblement national, vous qui parlez sans cesse de protection, vous ne pouvez pas laisser les jeunes exposer leur santé à de tels dangers.
M. Jean-François Rousset (EPR). Ces boissons associent le sucre et l’alcool. Le sucre crée de l’addiction et accélère le passage de l’alcool dans le sang. C’est de la physiologie de base. Il faut absolument protéger nos jeunes contre ces produits.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Nous connaissons bien les taxes comportementales dont le meilleur exemple est celle sur le tabac, et nous savons que cela ne fonctionne pas. Pour vous le prouver, les chiffes valent mieux que les témoignages émotionnels.
17,7 % du tabac consommé en France provient de la contrebande. 8 000 tonnes de tabac consommées chaque année échappent au réseau des buralistes. Cela représente un manque à gagner de 4,3 milliards d’euros pour l’État. Dans les départements frontaliers, les ventes chez les buralistes ont baissé de 45 %.
Non, les taxes comportementales ne fonctionnent pas. Elles n’ont qu’un seul but, renflouer les caisses de l’État, sans considération pour le pouvoir d’achat des consommateurs des produits taxés. Ça suffit, ouvrez les yeux ! Arrêtez de taxer tout ce qui bouge !
M. le rapporteur général. Oui, les vodies sont un fléau. Je les considérais comme un nouveau produit, qui, à l’instar des puffs, devait faire l’objet d’une définition avant de pouvoir être réglementé. Instruit par nos débats, je comprends que vous les intégrez dans les prémix. Je sais, on fait avec ce qu’on a, en l’occurrence un levier fiscal puisqu’on est dans un PLFSS, mais je maintiens que l’absence de définition pose problème.
J’ajoute qu’il ne suffit pas d’augmenter le prix. Nous devons être très vigilants, et les administrations plus encore, à l’application de la mesure. Il faudra effectuer les contrôles nécessaires, sans quoi nous risquons de nous faire déborder par des offres non conventionnelles – vente en ligne notamment – de la part d’acteurs dont l’inventivité semble sans limite. Si nous voulons dissuader la consommation, nous ne pouvons absolument pas nous contenter du levier fiscal.
Compte tenu de nos débats, j’émets désormais un avis de sagesse, assorti d’une double réserve : le problème de définition reste entier – je suggère à cet égard de saisir la DGCCRF ; et soyons exigeants en matière de contrôle pour éviter une consommation dans des lieux moins conventionnels et dans de pires conditions.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS1451 de Frédéric Valletoux, amendements identiques AS1035 de M. Nicolas Thierry et AS1164 de Mme Colette Capdevielle (discussion commune)
M. le président Frédéric Valletoux. Nous proposons d’augmenter le droit spécifique perçu sur les bières titrant à plus de 8 degrés – bien plus alcoolisées que les bières normales. Leur marketing, qui insiste sur le caractère festif du produit, vise spécialement les jeunes. Cet amendement a été travaillé avec l’association Addictions France.
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Les bières titrant à plus de 8 degrés, très alcoolisées, sont souvent bon marché. Elles ciblent particulièrement les jeunes et favorisent des consommations à risque, puisqu’elles les amènent assez facilement vers l’ivresse, qui est sans doute le but escompté. Une canette de 50 centilitres contient déjà trois unités d’alcool, alors qu’il est recommandé de ne pas dépasser deux unités par jour.
L’alcool est la deuxième cause de cancer évitable en France, et son coût social s’élève à 102 milliards d’euros par an. Avec l’amendement AS1035, en créant une fiscalité applicable aux bières fortes, nous agirons pour la prévention et la santé publique et nous responsabiliserons les producteurs. Cette taxe, qui a été travaillée avec Addictions France, doit décourager certains excès sans pénaliser les brasseries artisanales.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Je défends l’amendement AS1164.
M. le rapporteur général. Nous sommes tous d’accord pour lutter contre la consommation excessive d’alcool, qui est préoccupante, en particulier chez les jeunes. Or les bières sont déjà frappées par diverses taxes – accise générale, cotisation... – qui rapportent 4 à 5 milliards d’euros par an à la sécurité sociale. Je ne crois pas que les jeunes soient la cible des bières titrant à 8,2 ou 8,3 degrés, souvent produites en Belgique ou dans le nord de la France, ni qu’ils en soient spécialement friands. Elles sont plutôt appréciées par des amateurs qui savent se contenter d’un verre – car en vérité, la question est surtout la quantité consommée : boire une bière à 8,5 degrés ne fait pas tomber dans l’alcoolisme.
Je ne suis donc pas sûr qu’une taxation supplémentaire soit efficace. Le problème principal, qui ne relève pas totalement du PLFSS, réside dans le manque de contrôle sur la publicité de ces produits et leur vente aux mineurs. Il faut plutôt une vigilance accrue des commerçants et une sévérité de la DGCCRF et de la police.
Avis défavorable.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Ce soir, je suis un parlementaire heureux, puisque je mène ce combat depuis plusieurs années – j’y avais été sensibilisé par Axel Kahn – et que je vois un consensus se former. L’objectif n’est pas de pénaliser les bières artisanales qui peuvent dépasser un peu 8 degrés. J’ai pour ma part déposé un amendement visant à augmenter la taxation des bières titrant à plus de 11 degrés, généralement vendues en canettes ou en bouteilles de 50 centilitres et dont il ne fait aucun doute qu’elles sont conçues pour alcooliser les jeunes.
M. Michel Lauzzana (EPR). J’ai moi aussi déposé un amendement à 11 degrés, mais si les présents amendements sont votés, les nôtres tomberont.
Je tiens à dire à M. Dussausaye que la consommation de tabac n’a jamais été aussi basse qu’aujourd’hui – un récent sondage le montre. Le plan antitabac a porté ses fruits, tout comme la loi visant à interdire les puffs, dont j’ai été le corapporteur. L’augmentation du prix des cigarettes en a été un élément important.
M. le rapporteur général. Vos amendements ne tomberaient pas, monsieur Lauzzana, car ils visent à augmenter les taxes existantes tandis que celui de M. le président et les identiques créeraient une taxe supplémentaire.
M. le président Frédéric Valletoux. En matière de lutte contre les addictions, une seule recette ne saurait suffire. La politique du prix n’a pas suffisamment d’effet si elle n’est pas accompagnée d’actions de prévention, et inversement. Il faut actionner tous les leviers.
M. Paul Christophe (HOR). Il y a une certaine hypocrisie dans ce débat, et je rejoins les arguments du rapporteur général : on peut taxer tant qu’on veut, cela ne sert pas à grand-chose si on ne contrôle pas la vente.
Quant à l’amendement de M. Isaac-Sibille, il ne vise pas explicitement les canettes de 50 centilitres. Je pourrais vous faire goûter des bières triples ou quadruples qui ne sont pas vendues en 50 centilitres et qui ne sont pas destinées aux jeunes. Ne mélangeons pas tout et ne tombons pas dans la facilité. Autant la politique antitabac a été efficace, autant dans le cas présent, il y a une hypocrisie à vouloir taxer.
Le prémix est un autre sujet : il faut de toute évidence en endiguer la consommation.
L’amendement AS1451 est retiré.
La commission rejette les amendements AS1035 et AS1164.
Amendements AS1037 de M. Nicolas Thierry, AS1163 de Mme Colette Capdevielle et AS1442 de M. Frédéric Valletoux (discussion commune)
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Avec l’amendement AS1037, nous souhaitons appliquer une fiscalité comportementale aux bières aromatisées, sucrées ou édulcorées afin de prévenir leur consommation précoce, porte d’entrée des jeunes dans l’alcool – même si nous savons bien que l’alcoolisme est un fléau à tout âge.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Les bières aromatisées, sucrées ou édulcorées produites par des industriels ont majoritairement pour cible les 18‑25 ans. Elles peuvent également attirer les mineurs par leur goût et leur packaging. Pour prévenir les risques liés à la surconsommation d’alcool, nous proposons par l’amendement AS1163 qu’elles fassent l’objet d’une taxe dont le produit serait affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Les bières produites par les brasseries artisanales, dont les arômes peuvent évoquer un ingrédient local, en seraient exemptées.
Cet amendement a été travaillé avec l’association Addictions France.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous quittons ici les rives de la bière traditionnelle et artisanale. Le souci d’attirer une nouvelle clientèle, de conquérir de nouveaux marchés et d’entretenir de nouvelles addictions conduit les fabricants à ajouter du sucre et des arômes qu’on ne trouve pas dans les bières traditionnelles, ce qui augmente le taux d’alcool – le tout avec un packaging attractif. Des professionnels nous alertent : certains fabricants poussent les feux trop loin vers des publics sensibles. La commission ne peut pas ignorer ce phénomène. La taxation que je propose toucherait les produits incriminés mais pas les bières artisanales, puisqu’elle ne s’appliquerait qu’à partir d’un seuil de production assez élevé, de 200 000 hectolitres annuels.
M. le rapporteur général. Vous voulez créer une nouvelle taxe, et non augmenter une taxe existante. J’y suis défavorable sur le fond. Sur la forme, vous prévoyez la formule d’indexation annuelle du tarif de cette contribution, mais pas son tarif de départ pour la première année. Par conséquent, ce dispositif n’aurait aucun effet.
Je vous invite à retirer vos amendements et à les retravailler en vue de la séance.
M. le président Frédéric Valletoux. Les amendements précisent bien que le tarif de la contribution serait déterminé par décret.
M. le rapporteur général. Les montants des prélèvements obligatoires doivent être fixés par le législateur et ne peuvent pas être renvoyés à des décrets.
Mme Justine Gruet (DR). Nous devons nous atteler à responsabiliser, sensibiliser et éduquer pour mieux protéger. On peut se voiler la face en prétendant que la consommation de tabac a diminué, mais les chiffres officiels sont probablement faussés par la contrebande et les marchés parallèles. Et comme l’a dit M. le président, il n’y a pas de recette unique pour changer les habitudes de consommation – une grande campagne de sensibilisation a ainsi été consacrée aux dangers du tabac, parallèlement à l’augmentation du prix.
On ne pourra pas taxer toutes les addictions. Demain, voudrez-vous taxer la consommation excessive des réseaux sociaux, qui sont l’un des principaux problèmes de santé mentale chez les jeunes et les moins jeunes ? Il faut faire de la prévention et de la pédagogie, et n’interdire qu’en cas de risque avéré, comme nous l’avons fait pour la puff. J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à la reconnaissance et à la prévention de la maltraitance inconsciente des enfants liée à l’exposition excessive aux écrans, à la mauvaise alimentation et à la sédentarité. Là comme ailleurs, une taxe ne résoudrait pas ces problèmes.
Mme Christine Le Nabour (EPR). Je ne suis pas une grande fan de la taxation comportementale. Nous avons ce débat tous les ans depuis huit ans : si j’étais sûre que le produit de ces taxes finançait vraiment les actions de prévention et de sensibilisation, je les voterais sans hésiter. En tant que conseillère municipale à la jeunesse, j’ai organisé un forum de prévention des conduites à risque – car quand on entre dans l’addiction, il est déjà trop tard ; or il s’avère que dès qu’on fait de la prévention, on nous coupe les financements parce qu’on ne produit pas des résultats immédiats. Notre pays n’arrive pas à financer la prévention dès le plus jeune âge.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre l’alcoolisation et l’alcoolisme, lequel est une maladie. Au reste, le problème ne se limite pas à l’alcool et au tabac : désormais, l’alcool se consomme associé aux médicaments et à la drogue. C’est un vrai problème de société. Si les taxes servaient à faire de la prévention auprès des jeunes pour qu’ils ne tombent pas dans les addictions et l’alcoolisme, j’y serais favorable, mais taxer pour taxer n’a aucun intérêt. Il faut d’abord actionner d’autres leviers.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements identiques AS831 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS957 de M. Michel Lauzzana
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Comme je l’ai déjà expliqué, il me paraît plus juste que la taxation sur les bières fortes s’applique à partir de 11 degrés d’alcool, pour préserver les productions artisanales.
Quant aux députés du Rassemblement national qui s’insurgent contre les taxes, ils viennent de voter dans l’hémicycle une taxe sur les bénéfices des multinationales qui pourrait rapporter 26 milliards d’euros. Les voilà libérés !
M. Michel Lauzzana (EPR). Mon amendement vise lui aussi les bières très alcoolisées, au-dessus de 11 degrés. Je l’ai travaillé avec la Ligue contre le cancer. Pour rappel, 170 000 personnes meurent chaque année en France de cancers, dont 40 % sont dus au tabac et 20 % à l’alcool.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements.
Amendements identiques AS700 de M. Hadrien Clouet, AS1045 de M. Nicolas Thierry, AS1204 de Mme Béatrice Bellay et AS1449 de M. Frédéric Valletoux ; amendement AS1439 de M. Frédéric Valletoux (discussion commune)
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Voici les macronistes qui n’arrivent pas à financer la lutte contre les addictions... Quel dommage d’être dans l’opposition et de ne pas avoir la main sur la fiscalité publique !
Nous proposons de déplafonner l’évolution de la cotisation sur les boissons alcooliques afin de l’indexer sur l’inflation. Je m’explique : tous les ans, les impôts sur l’alcool sont réévalués en fonction de l’inflation, mais dans la limite de 1,75 %. Autrement dit, quand l’inflation est supérieure à 1,75 %, les droits sur l’alcool – et donc, le prix de l’alcool – augmentent moins. Nous voulons mettre fin à cette exception.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Comme l’a expliqué M. Clouet, les taxes sur l’alcool ne peuvent augmenter que de 1,75 % par an. En période d’inflation forte, ce plafonnement revient à une baisse relative de la fiscalité, et le prix ne joue plus son rôle dissuasif.
L’alcool est la deuxième cause de cancer évitable, et son coût social atteint 102 milliards d’euros chaque année. Nous avons tous beaucoup débattu du cancer ces derniers mois. Avec l’amendement AS1045, il nous semble nécessaire de déplafonner cette taxe pour redonner à la fiscalité comportementale sa pleine efficacité. C’est une mesure de santé publique.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Nous souhaitons aussi que de véritables politiques de prévention soient déployées dans les pays des océans, dits d’outre-mer, où la prévalence du cancer, du diabète et de la cirrhose est importante.
M. le président Frédéric Valletoux. Je ne suis pas atteint de frénésie fiscale, mais nous devons être sensibles aux alertes du monde médical sur les dégâts provoqués par l’addiction au tabac, à l’alcool et aux drogues. Tout ne relève pas de la responsabilité individuelle, et on ne peut pas s’abriter derrière l’argument selon lequel les gens n’ont qu’à ne pas consommer. L’addiction est entretenue par des méthodes de marketing.
M. le rapporteur général. Ces enjeux de marketing ne relèvent pas tous du PLFSS. J’ai évoqué le rôle de la DGCCRF : il faut contrôler de façon effective l’accès aux produits alcoolisés et au tabac, notamment pour les mineurs, ainsi que la publicité qui en est faite, et s’assurer que les sanctions sont mises en œuvre. Nous aurons beau rehausser toutes les taxes, nous passerons à côté d’une partie du problème. Dire le contraire, c’est tomber dans la caricature. Il faut mobiliser un ensemble de leviers.
Revenons au fond : vos amendements visent à déplafonner l’indexation annuelle de la cotisation sur l’alcool. Or ces trois prochaines années, les prévisions tablent sur une inflation bien inférieure à 1,75 %. Votre mesure n’aurait donc aucun effet. Mieux vaut jouer sur d’autres leviers. Il serait d’ailleurs intéressant que nous auditionnions la DGCCRF à ce sujet, monsieur le président.
Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Une fois encore, l’enjeu est une vraie politique de prévention et d’accompagnement des parents. Nous devons les mettre face à leurs responsabilités quant à l’éducation, l’accompagnement et la prévention qu’ils doivent dispenser à leurs enfants sur les effets d’un certain mode de consommation. Tout alcool n’est pas mauvais à boire : cela dépend de la quantité, de la qualité, du moment et de la façon dont on consomme, plus ou moins propices à l’addiction.
J’ajoute que le plafonnement de la taxe n’empêche pas que le prix de l’alcool augmente au gré dans l’inflation, dans la limite que vous avez rappelée. À titre de comparaison, l’indexation des loyers est elle aussi plafonnée, ce qui permet de rester dans des limites raisonnables.
M. Nicolas Turquois (Dem). Merci pour les mots que vous avez eus, monsieur le président. J’avoue que je suis un peu désespéré, car ce sujet se prêtait à une approche véritablement transpartisane. Nous sommes appelés à exercer notre responsabilité sur des questions de santé. La santé qui coûte le moins cher, c’est de ne pas tomber malade. Si nous pouvions faire de la prévention à une échelle industrielle dans une multitude de domaines, nous économiserions beaucoup. Faut-il rappeler les conséquences de l’alcool, au-delà même de la santé ? N’importe quel commandant de brigade vous dira que 60 % de son activité est plus ou moins liée à l’alcool : violences intrafamiliales, violences entre voisins... Nous sommes un pays qui boit énormément d’alcool, beaucoup trop. C’est une réalité. Le levier du prix ne suffit évidemment pas, mais il est incontournable.
La commission adopte les amendements identiques AS700, AS1045, AS1204 et AS1449.
En conséquence, l’amendement AS1439 tombe.
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7. Réunion du mercredi 29 octobre 2025 à 9 heures (après article 11 [suite] à après article 12)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
M. le président Frédéric Valletoux. Il nous reste 609 amendements à examiner.
Amendements de suppression AS320 de Mme Élise Leboucher, AS777 de Mme Joëlle Mélin et AS1365 de M. Éric Ciotti
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS320. Cet article contient vraiment le pire du pire. Il prévoit des ponctions au profit de l’État sur la sécurité sociale, notamment au détriment des patients atteints d’affections de longue durée – des maladies chroniques, comme le diabète, un cancer ou une endométriose invalidante –, mais aussi des retraités et des personnes privées d’emploi. Je suis révulsée de voir que l’Unedic, qui pourrait être excédentaire, devrait subir une ponction de l’État, notamment pour financer France Travail au lieu des allocations chômage. Tout cela n’est plus acceptable.
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous demandons tous les ans la suppression de l’article du PLFSS qui propose des transferts financiers, tous plus rocambolesques les uns que les autres. On sent la fébrilité de l’État, qui est à la recherche du moindre centime. Ce mélange des genres et ces transferts de caisse en caisse, variables selon les années, deviennent tout à fait insupportables, tant sur le plan de la transparence que sur celui de la gestion des flux financiers. Quand on voit, par exemple, que la contribution tarifaire d’acheminement va ainsi être transférée à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), on se dit quand même qu’on pourrait faire autre chose avec les taxes sur les industries gazières.
M. Olivier Fayssat (UDR). L’amendement AS1365 est défendu.
M. le rapporteur général. Ces amendements, qui ne sont pas défendus avec les mêmes arguments, tendent à supprimer un article qui ajuste les transferts financiers entre les branches de la sécurité sociale. Sans lui, les tuyaux existants seraient simplement maintenus.
Madame Amiot, vous évoquez dans l’exposé sommaire de votre amendement un élément qui ne relève pas du PLFSS, mais du projet de loi de finances (PLF), à savoir l’assujettissement des indemnités journalières à l’impôt sur le revenu. Supprimer le présent article ne changerait rien à ce que prévoit le PLF en la matière. Il me semble que cette mesure a été supprimée par la commission des finances, mais nous verrons ce qu’il en sera en séance. Votre exposé sommaire aborde également la question, importante, de ce qu’il conviendrait de faire des 3,1 milliards d’euros de gains liés à la réforme des allégements généraux. J’estime qu’ils doivent rester à la sécurité sociale car le mécanisme par lequel ils sont compensés par l’État est inadapté. L’espèce de dette qui s’est constituée depuis 2019 s’élève à peu près à 18 milliards d’euros. J’ai déposé un amendement à l’article 40 du PLF afin de réajuster la fraction de TVA qui est affectée à la sécurité sociale et supprimer la récupération, par l’État, du gain de la réforme des allégements généraux. J’espère que vous me soutiendrez en séance.
Madame Mélin, vous avez évoqué la taxe qui a été mise en place pour permettre le financement de la part des prestations du régime des industries électriques et gazières correspondant aux activités régulées antérieurement à 2005. Cette taxe devrait rapporter 1,8 milliard d’euros en 2026, alors que les droits spécifiques qu’elle finance devraient représenter 1,2 milliard. Que faire de l’excédent de 600 millions ? Si nous supprimons l’article 12, cet argent dormira au lieu d’être transféré à la Cnav.
S’agissant de l’amendement AS1365, je pense aussi qu’il faut arrêter de ponctionner la branche famille, compte tenu des défis à affronter, mais qu’il est nécessaire d’assurer une solidarité interbranches, par des transferts au sein de la sécurité sociale – je m’exprime sous le contrôle de notre collègue rapporteure pour la branche famille, Anne Bergantz.
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). Je m’élève en faux contre les interprétations qui ont été données au sujet de cet article. Il répond à une exigence de bonne gouvernance de la sécurité sociale et résulte directement de la diminution des exonérations de charges qui a été votée l’année dernière dans le projet de loi de finances. Nous n’étions pas favorables à cette mesure, mais elle a été adoptée, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences.
Monsieur le rapporteur général, je vous rejoins s’agissant de la TVA affectée au système de sécurité sociale – c’est une question extrêmement importante – et je soutiendrai donc votre amendement en séance.
La branche famille bénéficiant de la diminution des allégements de charges, l’article 12 vise à assurer une répartition des gains entre les branches qui en ont le plus besoin, celles de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse. Loin de certaines interprétations, selon lesquelles il s’agirait de faire payer ceux-ci ou ceux-là, cet article vise à assurer une gestion rigoureuse. Je vous invite à consulter les annexes, qui sont très détaillées.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS114 de Mme Isabelle Santiago
M. Sacha Houlié (SOC). Notre collègue Isabelle Santiago, qui est à l’origine de cet amendement, a beaucoup travaillé sur la protection de l’enfance. Le manque de compensation financière de la part de l’État conduit à un mauvais traitement des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) et à des disparités très importantes entre les départements selon leurs moyens ou leur volonté politique. L’amendement reprend une des propositions figurant dans le rapport de notre collègue, qui est d’affecter une fraction de CSG au financement de l’ASE. D’autres amendements relatifs à la protection de l’enfance seront examinés après l’article 12, mais je vous invite à adopter dès maintenant celui-ci, afin de réduire les disparités entre les départements et d’accorder des financements suffisants à la prise en charge des enfants placés.
M. le rapporteur général. Vous avez oublié de préciser que ces crédits seraient enlevés à la branche famille. Je pourrais comprendre qu’on affecte une part de CSG aux départements en vue de financer l’ASE, qui est une vraie question – je vois bien dans mon département qu’un défi est à relever –, mais est-ce à la sécurité sociale de pallier les carences de l’État pour ce qui est des transferts de charges aux départements ? Je ne suis pas favorable à l’idée d’enlever une recette à la branche famille. Il serait préférable de retirer l’amendement et de revenir sur cette question lors de l’examen de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances : le sujet relève plutôt du programme 304 du PLF, et non, même si je peux comprendre que ce soit frustrant, de la sécurité sociale.
M. Sacha Houlié (SOC). Nous sommes contraints par l’article 40 de la Constitution, qui oblige à prévoir un gage. Par ailleurs, nous ne pourrons demander cette affectation de recettes dans le cadre du programme que vous avez évoqué. Enfin, comme l’indique l’exposé sommaire de l’amendement, il ne paraît pas anormal que la branche famille finance une action pour des enfants qui, par définition, n’ont pour famille que l’État.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Nous voterons contre cet amendement, même si nous partageons, bien sûr, le constat que les départements sont au bord de la rupture. Ils portent presque seuls la responsabilité de milliers d’enfants que, souvent, l’État n’a pas su protéger faute de places ou de solutions médico-sociales adaptées. Votre amendement, je rejoins M. le rapporteur général sur ce point, entérinerait le désengagement de l’État. En attribuant une part de la CSG aux départements, nous transformerions une ressource nationale, symbole de solidarité, en un financement local. Or la protection de l’enfance n’est pas une compétence territoriale, mais une responsabilité nationale. Les enfants relevant de l’ASE ne sont pas confiés à un département, mais à la République. Leur premier parent défaillant, c’est bien souvent l’État lui-même, et il ne faut pas gérer la pénurie, en procédant à des redistributions, mais reconstruire une véritable politique nationale de protection de l’enfance, bénéficiant d’un ministère de l’enfance, de moyens d’État et d’un pilotage unifié, afin de garantir la même protection à chaque enfant, quel que soit le département où il vit.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS586 de Mme Ségolène Amiot et AS580 de M. Damien Maudet (discussion commune)
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Par l’amendement AS586, nous demandons le rétablissement de l’autonomie du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Le Gouvernement, vous vous en souvenez, a décidé de le fusionner avec la Cnav dans le cadre de la loi de financement pour 2025, sans vote du Parlement, en raison du recours au 49.3. Le FSV est un pilier essentiel de la solidarité nationale : il finance des droits à la retraite qui ne reposent pas sur des cotisations mais sur la solidarité collective – minimum vieillesse ou validation gratuite de trimestres en lien avec le chômage, la maladie, la maternité ou le service civique. Grâce à ce fonds, des millions de personnes ayant connu la précarité peuvent bénéficier d’une retraite digne. Tel est l’esprit de la sécurité sociale : protéger chacun selon ses besoins, à partir de la richesse produite ensemble.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Notre amendement AS580 vise à poser la question du rôle et de la fonction du FSV, qui est notamment financé par une imposition du capital et du patrimoine. Ce fonds sert à assurer des droits non contributifs à celles et ceux qui n’ont pas eu la capacité de cotiser à un moment mais qui, généralement, pourront le faire plus tard dans leur vie – il faut les aider à s’en sortir, à retrouver un boulot, pour verser alors des cotisations. Le FSV prend en charge l’ouverture de droits pour les stages professionnels, le service civique ou les arrêts de travail en cas de maladie ou de maternité.
Nous souhaitons empêcher une ponction sur le FSV. Son intégration à la Cnav vise en réalité à fusionner les comptes et à permettre de se servir dans ses moyens, en supprimant sa mission historique et en le détournant de la solidarité nationale. Nous pensons au contraire que les excédents du FSV devraient être mis en réserve pour assurer la pérennité des dispositifs non contributifs, par exemple la prise en charge des cotisations retraite pour le temps passé au RSA par des personnes qui seront ainsi aidées à retrouver plus vite un emploi et à sortir de leurs difficultés, ce qui leur permettra de recotiser plus rapidement par la suite.
M. le rapporteur général. Il faut continuer à protéger chacun et je suis sensible à l’alerte de M. Clouet, qui s’inquiète de l’avenir des missions assurées par le FSV. Notre collègue a donné beaucoup d’exemples, mais je m’étonne qu’il n’ait pas parlé du chômage, qui représente la plus grande partie des trimestres pris en compte dans ce cadre.
Pourquoi a-t-on supprimé le FSV ? C’était une mesure de simplification administrative. Le fonds employait 2,5 équivalents temps plein, et son fonctionnement nécessitait des conseils d’administration et des réunions multiples, lourdeur administrative qui n’était pas justifiée. Par ailleurs, l’intégration du FSV à la Cnav ne modifie en rien les droits des assurés et des bénéficiaires de la solidarité nationale en matière d’assurance vieillesse. La Cnav continuera à assurer tout le travail et toutes les missions du FSV, et elle récupérera l’intégralité de ses ressources. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir.
S’agissant de la forme, le maintien du FSV nécessiterait le rétablissement de tous les articles du code de la sécurité sociale – plus d’une vingtaine – le concernant. De plus, la suppression de l’alinéa de l’article 12 que vous visez n’aurait aucun effet sur l’intégration du FSV à la Cnav : ces amendements n’ont pas la portée que vous pensez. Je vous invite à les retirer et peut-être à les réécrire. Sinon, avis défavorable.
M. Fabien Di Filippo (DR). Comme l’a dit le rapporteur général, la suppression du FSV ne change pas grand-chose. Par ailleurs, notre système de retraite prend l’eau de toute façon : les excédents du FSV vont disparaître à mesure qu’on glisse sur la pente démographique. Il me paraît contre-productif de continuer à alimenter le système d’assistanat qui sert de béquille pour la prise en charge de droits à la retraite de personnes qui restent au revenu de solidarité active (RSA) et ne sont pas encouragées, comme vous l’avez dit, à reprendre une activité plus rapidement – bien au contraire, puisque le dispositif réduit les effets de leur inactivité. Pourtant, je ne doute pas que vous soyez, comme nous, d’ardents défenseurs de la valeur travail.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je me réjouis que des collègues de la Droite Républicaine disent partager avec nous la valeur travail.
J’entends la réponse du rapporteur général concernant les vingt articles du code de la sécurité sociale qu’il faudrait rétablir. Je compte sur sa sagacité et sa force de travail pour nous aider à le faire en vue de la séance.
Je ne pense pas qu’il y ait d’un côté des sujets techniques et de l’autre des sujets politiques. Lorsqu’on distingue ou, au contraire, fusionne des organismes, il s’agit toujours de savoir qui prend des décisions. Il n’est pas vrai que les logiques organisationnelles n’ont pas de caractère politique. En l’espèce, l’intégration du FSV dans une autre institution concourt à permettre des basculements, des redistributions de fonds entre des comptes qui ne resteront pas séparés très longtemps. En témoigne le détournement ou plutôt la réaffectation de 1,5 milliard d’euros vers la Cnav qui est actuellement prévue.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’article 12 non modifié.
Amendement AS1605 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). L’alcool est une cause majeure de mortalité et de maladie, à l’origine de 41 000 morts prématurées par an. Il constitue la deuxième cause de cancer évitable. L’alcool est présent dans un féminicide sur deux et multiplie par dix-huit le risque d’accident mortel au volant.
Pour lutter plus efficacement contre ce fléau, l’amendement propose d’instaurer un prix minimum par litre d’alcool. Depuis 2018, l’Écosse a instauré un tel plancher, fixé à 0,50 livre sterling par unité d’alcool. Ce dispositif a été évalué par l’organisme écossais de santé publique Public Health Scotland : les ventes d’alcool ont reculé de 3 %, essentiellement chez les plus gros consommateurs ; les décès et les hospitalisations liés à l’alcool ont diminué de respectivement de 13,4 % et 4,1 % ; l’impact négatif sur l’industrie est relativement négligeable.
En France, la modélisation dirigée par le chercheur Fabrice Étilé confirme que cette mesure générerait d’importants bénéfices, collectifs, sociaux et en termes de santé publique.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. J’ai déjà évoqué les différents vecteurs pour lutter contre l’alcoolisme, je n’y reviens pas. Vous jouez à nouveau sur le vecteur fiscal, en instaurant un prix minimum de vente par litre d’alcool, une proposition intéressante au regard de certains alcools venant de l’étranger, parfois produits dans des conditions lamentables et vendus à des prix ridicules.
Votre amendement contourne les règles de recevabilité. En effet, un prix minimum de vente – idée que l’on peut approuver ou rejeter – correspond à de l’encadrement commercial, ce qui est un cavalier dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), puisque la question relève davantage du droit commercial. Votre astuce consiste à flécher le surplus de recettes vers la sécurité sociale, mais ce dispositif ne relève pas du PLFSS : de quel surplus s’agit-il – le chiffre d’affaires, les bénéfices ? Comment est-il collecté – avec la TVA, au moment de la déclaration des résultats ?
Par conséquent, je vous invite à retirer votre amendement.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). J’avais déposé un amendement similaire mais il a été jugé irrecevable. Quid du surplus ? Le prix minimum de 0,60 euro par centilitre d’alcool pur est assez élevé : à raison de 10 centilitres d’alcool dans une bouteille de vin de 1 litre, le prix minimum serait de 6 euros. Par ailleurs, il ne faut pas pénaliser les producteurs : le prix minimum devrait être établi pour eux, et non au final. Par principe je voterai toutefois en faveur de cet amendement, même s’il est un peu excessif et si l’on ne voit pas comment la sécurité sociale pourrait bénéficier de ces recettes.
M. Jean-François Rousset (EPR). Je ne doute pas de l’efficacité des taxes sur les produits addictifs comme l’alcool et le tabac, mais elles ne sont pas le seul moyen : il faut les intégrer dans un plan de prévention contre les addictions de grande ampleur. En fin de compte, il y aura moins de malades et moins de morts ; la sécurité sociale s’en portera mieux.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’étude de modélisation que j’ai évoquée souligne que l’instauration d’un prix minimal se traduirait par une réduction de 22 % de la mortalité par cancer et par une redistribution sectorielle non anticipée : les profits des petits producteurs augmenteraient de 39 %, tandis que ceux des gros industriels et des distributeurs connaîtraient une baisse équivalente. On a coutume de nous reprocher de détruire une filière dès lors que l’on veut taxer l’alcool : en réalité, les choses sont plus complexes. Quant à la redistribution, il ne me semble pas très difficile de récupérer les surplus.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS782 de M. Damien Maudet et AS950 de M. Hendrik Davi
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Seuls les alcools titrant à plus de 18 % d’alcool s’acquittent de la cotisation de sécurité sociale qui alimente la branche maladie. L’amendement AS782 vise à remédier à une inégalité, puisque les produits de moins de 18 % d’alcool – vins, cidres, bières et cocktails légers – ne sont pas concernés, alors qu’ils sont les plus consommés. Certains producteurs profitent d’ailleurs de l’absence de cotisation sociale pour dégager des marges. Nous proposons donc d’harmoniser les taux de la cotisation sociale sur l’alcool, en l’étendant aux produits titrant moins de 18 %, au profit de la branche maladie.
M. Hendrik Davi (EcoS). Identique, mon amendement vise à harmoniser la fiscalité sur l’alcool en étendant la cotisation sécurité sociale à toutes les boissons alcoolisées, et non plus seulement à celles titrant à plus de 18 %. En effet, l’alcool est cancérigène dès le premier verre et cette exception ne se justifie pas.
Cette mesure toucherait d’abord les alcools les moins chers, souvent consommés par les jeunes et les buveurs excessifs, tout en renforçant le financement de la branche maladie. Cela revient à augmenter chaque verre de 7 centimes, ce qui est acceptable, d’autant que les recettes fiscales liées à l’alcool ne couvrent que 42 % des soins engendrés par sa consommation. Je le redis, l’alcool représente la deuxième cause de cancer évitable en France.
M. le rapporteur général. Ces amendements, puissants, sont susceptibles de rapporter 2 à 3 milliards d’euros de recettes fiscales.
Vous évoquez les alcools les moins taxés, notamment le vin. Or les études montrent que la consommation de vin diminue structurellement en France, alors que la fiscalité qui pèse sur lui est la moins lourde. Le sujet est plutôt celui des nouveaux produits, plus dangereux pour la santé et plus attractifs pour la nouvelle génération.
Vos amendements posent un autre problème : vous faites une confusion entre l’alcool et l’alcool pur. Le tarif que vous proposez revient à un décuplement – et même plus –, puisque l’on passerait de 50,60 euros à 599,31 euros pour les boissons relevant du 2° de l’article L. 245‑9 du code de la sécurité sociale, que vos amendements visent à abroger. L’absence de prise en compte de la différence entre un calcul par hectolitre de boisson ou d’alcool pur pose un problème technique.
Je vous invite donc à retirer vos amendements ; à défaut, avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). J’ai déjà évoqué l’opposition du groupe Rassemblement National à l’ensemble des taxes comportementales.
Ces amendements incluent le vin ; or la France est le pays du vin, avec ses filières, les sous-traitants et artisans qui en dépendent, économiquement, commercialement et à l’export : il contribue en grande partie au rayonnement et à l’attractivité de notre pays.
Vous invoquez des questions de santé publique, auxquelles il convient d’opposer l’argument principal de la défense du vin sur le plan économique. Les études prouvent, depuis des décennies, que la consommation de vin, à faible dose, n’est pas dangereuse pour la santé.
Je me fais le porte-voix de ces vignerons et viticulteurs, qui sont inquiets. Nous nous opposerons à cette ribambelle d’amendements qui attaquent la filière du vin.
M. Arnaud Simion (SOC). L’enjeu est important, puisque l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) estime le coût social de l’alcool à 102 milliards d’euros.
M. Hendrik Davi (EcoS). Monsieur le rapporteur général, la fiscalité sur le vin est soixante-quinze fois moindre que sur les autres alcools, ce qui est inégalitaire : pourquoi un buveur de whisky paierait-il beaucoup plus qu’un buveur de vin ? Que l’on boive un verre de whisky ou cinq verres de vin, le danger est le même.
Pour répondre à mon collègue du Rassemblement national, les études montrent – beaucoup de médecins et d’addictologues ont été auditionnés – que l’alcool est cancérigène dès le premier verre, même si cela ne signifie pas qu’un buveur modéré prenne énormément de risques. Toutefois, je voudrais tordre une fausse idée sur les maladies cardiovasculaires : les études les plus récentes infirment le prétendu effet protecteur de l’alcool en ce domaine. Si cette idée a longtemps dominé, c’est parce que les personnes qui boivent un peu de vin sont aussi celles qui ont des comportements favorables en termes de sport, de nutrition ou d’alimentation équilibrée.
M. Michel Lauzzana (EPR). L’alcool n’est pas cancérigène dès le premier verre, ce en quoi il se distingue du tabac, par exemple. M. Davi a toutefois raison de souligner le caractère délétère de ses effets cardiovasculaires, qui invite à la modération. Si l’alcool n’est pas à distinguer selon qu’il se trouve dans le vin ou dans le whisky, l’Institut national du cancer (Inca) montre qu’il existe une certaine tolérance.
M. Nicolas Turquois (Dem). L’alcool est un drame de notre société, à l’origine de conséquences dramatiques en termes de santé et de relations sociales. Cependant je ne suis pas en accord avec ces amendements. En effet, les jeunes ne boivent plus de vin de table, lui préférant l’alcool en soirée. Par ailleurs, le monde viticole est en transition : il ne faut pas envoyer ce type de message à une filière déjà fragilisée, en très grande crise.
La commission rejette les amendements.
Amendements AS702 Mme Élise Leboucher, AS1292 de Mme Sandrine Rousseau et AS820 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Mon amendement vise à taxer la publicité pour les produits alcooliques afin de financer le fonds de lutte contre les addictions. Le diagnostic est simple : les recettes de taxation issues de l’alcool couvrent à peine la moitié du coût des soins engendrés par la consommation d’alcool, lequel représente pourtant la deuxième cause de cancer évitable – près de 600 000 séjours hospitaliers et plus de 40 000 morts par an.
La crise sanitaire a généré une augmentation de la consommation d’alcool chez les personnes souffrant déjà d’une addiction. À cela s’ajoute la publicité encore mal régulée sur réseaux sociaux, qui touche les jeunes de 15 à 21 ans. Ce risque pour la santé publique doit nous encourager à faire contribuer davantage les alcooliers aux actions de prévention. C’est pourquoi l’amendement vise à taxer les publicités pour les produits alcooliques.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement vise à taxer les publicités pour les boissons alcooliques. La sécurité sociale bénéficiera ainsi de ressources supplémentaires et un signal-prix sera donné aux publicitaires.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous vivons tous sous influence. Notre santé est fonction de déterminants – sociaux, éducatifs ou, dans le cas présent, commerciaux. En face, les industriels nous influencent – en particulier les jeunes – avec des campagnes publicitaires. Leurs budgets sont bien plus importants que ceux dont nous disposons en matière de prévention.
Il nous faut lutter contre les déterminants commerciaux. Il est donc très important de taxer la publicité sous toutes ses formes, notamment sur les réseaux sociaux, qui influencent les jeunes dès leur plus jeune âge.
M. le rapporteur général. Je vous le concède, la violation des règles de publicité relatives à l’alcool – qui, pour l’essentiel, figurent dans la loi Évin – pose problème. La solution réside dans un plus grand contrôle par les services des directions générales de l’alimentation, de la santé et de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi que par les forces de police et l’autorité judiciaire. Il s’agit toutefois de questions commerciales, sans lien avec le financement de la sécurité sociale.
Vos amendements proposent d’utiliser le levier fiscal en instaurant une taxe sur les publicités pour l’alcool.
Madame Leboucher, je vous invite à retirer le vôtre car il comporte une petite erreur. Vous faites en effet référence au 6° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, qui concerne le droit de licence sur la rémunération des débitants de tabac.
De plus, l’ensemble des amendements ne comportent pas de définition des boissons alcoolisées concernées. Or trois définitions sont possibles, l’une relevant du code de l’article L. 3321-1 du code de la santé publique, une autre de la section 2 du chapitre IV ainsi que le chapitre V du titre IV du livre VI du code rural et de la pêche maritime et une troisième du 2° de l’article L. 111-4 du code des impositions sur les biens et services.
Plus grave peut-être, vous renvoyez les modalités de recouvrement d’une taxe à un décret, disposition qui s’expose de manière certaine à la censure du juge constitutionnel.
Je vous invite donc à retirer vos amendements, sinon j’émettrai un avis défavorable.
M. Jean-François Rousset (EPR). Je soutiens ces amendements. J’en avais d’ailleurs déposé un similaire l’année dernière, sur les boissons sucrées ou trop sucrées. Les industriels consacrent beaucoup d’argent la publicité : elle est permissive et constitue un appel à la consommation, en particulier avec les réseaux sociaux. Tous les moyens sont bons pour lutter contre cela.
M. Hendrik Davi (EcoS). Selon un très bon article de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, intitulé « Alcool et santé, lutter contre un fardeau à multiples visages », « le risque de développer certains cancers devient significatif dès le premier verre ».
Je suis choqué que persistent les publicités pour des alcools forts, dans nos gares et ailleurs. À défaut de pouvoir y remédier, il faut au moins les taxer.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On parle peu du fléau que représentent toutes les publicités et toutes les distributions gratuites d’alcool dans les écoles et dans les universités – en particulier de médecine : ce sujet mérite une bien plus grande discipline.
M. Philippe Vigier (Dem). J’entends les propos du rapporteur général concernant les imperfections rédactionnelles des amendements. Le chemin a toutefois été fait concernant le tabac. Il ne suffit pas de dresser un constat sans donner de suite au motif d’un problème juridique : cela revient à s’en remettre à la technocratie, et cela ne doit donc pas nous freiner. Nous disposons de toutes les voies et moyens pour taxer la publicité, même si le distributeur d’alcool en répercute le prix sur le consommateur. La prévention doit être au cœur de nos préoccupations.
La commission adopte l’amendement AS702.
En conséquence, les amendements AS1292 et AS820 tombent.
Amendements AS421 et AS794 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)
Mme Fanny Dombre‑Coste (SOC). L’amendement AS421 est défendu.
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement AS794, de repli, vise à augmenter de 1 centime le montant de la taxe sur chaque canette de boisson sucrée – les sodas – et à affecter ce surplus à la lutte contre la malnutrition.
M. le rapporteur général. Une augmentation a déjà été décidée l’an dernier, de 11 centimes et 17 centimes d’euros sur les bouteilles rouges et noires bien connues, respectivement, de 1 et de 1,5 litre. Ce dispositif est effectif depuis quelques mois. Il ne me semble pas opportun d’en rajouter après cette hausse très importante.
Avis défavorable.
Mme Sandrine Runel (SOC). Il n’est pas acceptable de défendre ici les marques productrices de boissons pétillantes avec un bandeau rouge. Une faible hausse de 1 centime de la taxe ne devrait pas les mettre à mal et permettra de financer une action internationale – la lutte contre la malnutrition –, d’autant que nos jeunes continuent à boire cette fameuse boisson.
M. le rapporteur général. Il ne vous appartient pas de décider de ce que je peux dire ou ne pas dire, madame Runel. Chacun a sa liberté et je respecte la vôtre. Si vous tenez à interdire ces boissons, utilisez le levier du droit de la consommation. Un certain public continue à consommer ces boissons, quelle que soit la fiscalité qui pèse sur elles : le seul levier fiscal ne suffit pas. Je ne nie pas les dérives sur la santé ; les teneurs en sucre ont d’ailleurs connu une évolution et l’on peut observer que les stratégies des différentes marques diffèrent. En utilisant le seul levier fiscal, nous ferons fausse route, sans obtenir les résultats attendus en termes de santé publique.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1060 de M. Nicolas Thierry
M. Hendrik Davi (EcoS). La banalisation des boissons énergisantes, qui font l’objet de stratégies promotionnelles ciblant largement les jeunes, suscite une inquiétude croissante dans la communauté scientifique en raison de leurs effets sanitaires délétères – risques cardiovasculaires, psycho-comportementaux et neurologiques –, documentés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en 2013. L’amendement vise à lutter contre la consommation de ces produits au moyen d’une fiscalité comportementale avec la création d’une taxe spécifique dont le montant serait fixé pour 2025 à 100 euros par hectolitre, soit 0,25 euro pour une canette de 25 centilitres.
M. le rapporteur général. En clair, vous voulez créer une sorte de « taxe Red Bull ». Une telle taxe a déjà existé mais le Conseil constitutionnel l’a censurée au motif qu’elle était contraire au principe d’égalité devant l’impôt dans la mesure où elle ne s’appliquait pas à toutes les boissons contenant une quantité équivalente de caféine. En conséquence, la taxe avait été élargie à toutes les boissons contenant plus de 220 milligrammes de caféine par litre.
Puis, en 2016, un rapport de Razzy Hammadi pour la commission des finances avait démontré que la contribution avait eu une incidence collatérale négative sur toute la filière et, surtout, n’avait pas généré les recettes escomptées. La taxe avait alors été abrogée.
Je vous invite donc à retirer votre amendement puisque l’histoire législative nous enseigne qu’une telle disposition risque la censure et ne génère pas les résultats attendus.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS818 de M. Cyrille Isaac-Sibille
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement a pour objet la création d’une taxe sur les publicités pour les denrées alimentaires qui n’afficheraient pas le nutri‑score, afin d’inciter à l’utilisation de ce dernier dans les messages publicitaires. Le nutri‑score vise en effet à apporter une meilleure information sur la qualité nutritionnelle des aliments.
L’influence des déterminants commerciaux est essentielle. Lorsque les grandes industries mettent 10 euros sur la table pour changer nos comportements, Santé publique France, qui a des moyens bien plus limités, ne peut mettre en face que 1 centime. Il faut absolument se placer au même niveau que ces influenceurs commerciaux. C’est pourquoi il est important d’afficher le nutri‑score dans les publicités.
M. le rapporteur général. Nous entamons une longue série d’amendements portant sur le nutri‑score. Ils proposent des définitions différentes des denrées, de l’assiette, du taux, de l’affectation ou encore des exceptions. Derrière les aliments concernés – chocolat, fromage, charcuterie, beurre, bonbons, plats à réchauffer, petits gâteaux à la noix de coco, confiture... –, ce sont les consommateurs qui sont visés. Certains produits, consommés en trop grande quantité, peuvent causer des problèmes de santé. Doit-on utiliser le levier fiscal pour y remédier ? Faut-il stigmatiser ces produits, ou surtout les consommateurs ? Je ne le pense pas.
Je vous invite à lire le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale du Sénat, publié en mai 2024. Il propose de recourir à deux leviers qui me semblent beaucoup plus efficaces qu’une fiscalité comportementale : fixer des limites réglementaires de composition nutritionnelle en imposant des plafonds de teneurs en sucre, en sel et en matières grasses pour certaines catégories d’aliments – l’Anses pourrait être chargée de définir ces standards sur la base des données collectées par l’Observatoire de l’alimentation ; réduire le marketing alimentaire envers les enfants – il s’agit bien de réduire la publicité, et non de la taxer.
Avis défavorable à tous ces amendements.
M. le président Frédéric Valletoux. Permettez-moi de nuancer l’appréciation du rapporteur général. Il ne s’agit pas de stigmatiser le consommateur mais de faire évoluer les pratiques industrielles. C’est en effet la transformation industrielle qui pose des problèmes de santé publique, et nous utilisons les outils à notre disposition, certes imparfaits, pour en corriger les conséquences.
M. Jean-François Rousset (EPR). Le nutri‑score est un instrument d’intérêt général mais il faudrait en enlever ce qui n’a pas lieu d’y être, comme le roquefort et toutes les productions bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une indication géographique protégée (IGP). Leur classement parmi les produits de mauvaise qualité est une catastrophe pour les territoires, alors que des études scientifiques ont démontré leur intérêt pour la santé, par exemple pour la composition du microbiote intestinal. Il ne faut pas tout mélanger ; c’est une question de bon sens.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous sommes là pour parler de santé et de prévention, et pas seulement de levier fiscal et d’argent. L’exigence absolue, c’est la traçabilité. Si l’on se contente de fixer des plafonds de quantité de tel ou tel ingrédient dans la composition d’un produit, qui ira en vérifier le respect ? Personne. Le consommateur sait parfaitement où le nutri‑score le mène ; il fait ensuite son choix en toute responsabilité. J’ai vécu ces débats en 2018 : avec Olivier Véran, alors rapporteur général du budget, nous avions fait adopter le nutri‑score, contre l’avis de la ministre Agnès Buzyn.
On ne peut pas tout ramener à des problèmes fiscaux, administratifs ou juridiques quand on sait les drames qu’a connus notre pays – je n’ai rien oublié de ces produits transformés qui ont eu des conséquences dramatiques en matière de santé. Ne laissons pas passer cela : le nutri‑score permet un choix éclairé du consommateur.
Mme Justine Gruet (DR). Je trouve qu’on infantilise le consommateur. La liste des ingrédients présents dans les aliments donne déjà des indications ; il n’est pas utile de les simplifier en attribuant des notes A, B, C ou D.
Si la hausse de la consommation de produits transformés doit nous alerter, j’ai l’intime conviction que la prévention doit être faite au sein de la cellule familiale. Les habitudes alimentaires ont également leur importance : manger à table en famille ou consommer un produit tout seul devant son ordinateur, cela n’a pas les mêmes conséquences. Je crains que l’on ne stigmatise certains produits alors que tout dépend s’ils sont consommés dans le cadre d’un équilibre alimentaire et comportemental. De même, nos produits du terroir qui, parfois, obtiennent un mauvais résultat au nutri‑score ne posent pas de difficultés s’ils s’inscrivent dans le cadre d’une nutrition adaptée. Plutôt que de taxer ou d’infantiliser, nous devrions travailler sur l’éducation et la prévention.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La sécurité sociale, dont nous fêtons les quatre‑vingts ans, repose sur la promesse de soigner les Français le jour où ils tombent malades. On connaît le résultat : plus de 260 milliards d’euros consacrés aux soins. Il faut renverser ce mouvement en s’intéressant aux comportements des Français. Or la prévention, c’est l’information : si les Français ne savent pas, ils ne peuvent pas opter pour les bons comportements.
Le nutri‑score présente l’intérêt d’informer. Tout comme on indique les degrés d’alcool sur les bouteilles, il faut afficher des informations sur les aliments ultra-transformés. Cela ne concerne absolument pas les produits du terroir ou de l’artisanat : ce sont les aliments industriels que nous avons en ligne de mire – du reste, le plus grand adversaire du nutri‑score est une pâte chocolatée italienne. Notre premier devoir est d’informer nos concitoyens.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AS228 de M. Boris Tavernier et AS817 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)
M. Boris Tavernier (EcoS). Mon amendement vise à rendre l’inscription du nutri‑score obligatoire sur les produits alimentaires. Les études scientifiques démontrent son efficacité et les consommateurs le plébiscitent, 94 % des Français souhaitant qu’il devienne obligatoire. Alors qu’attendons-nous ? Savoir ce que l’on mange, c’est le minimum syndical des droits des consommateurs. La transparence dans notre assiette ne doit pas être facultative. Ce n’est pas aux industries agroalimentaires de décider.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Après avoir rendu l’affichage du nutri‑score obligatoire sur tous les supports publicitaires relatifs aux denrées alimentaires, mon amendement vise à le rendre obligatoire sur les emballages.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). Il est vraiment important de rendre le nutri‑score obligatoire car l’obésité explose en France, particulièrement chez les jeunes. Dans la population globale, le taux des citoyens en situation d’obésité est ainsi passé de 8,5 % en 1997 à 17 % en 2020 – et de 2,1 % à 9 % chez les moins de 25 ans, soit une multiplication par quatre.
Tous ceux qui ont des enfants savent qu’il est difficile de leur faire accepter autre chose que des gâteaux ultra-sucrés, tant le marketing est puissant. L’absence de nutri‑score sur les paquets empêche les parents de s’informer et a un effet négatif sur les industriels qui jouent le jeu. Il faut rendre le nutri‑score obligatoire sur absolument tout.
Mme Joëlle Mélin (RN). Si chacun souhaite être informé par un étiquetage le plus détaillé possible, le nutri‑score peut se révéler contre-productif. En effet, il ne prend pas en compte l’ensemble des éléments concourant à la fabrication du produit, notamment la valeur environnementale, contrairement au Planet Score, dispositif reposant sur un indicateur élaboré par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.
Le risque majeur du nutri‑score est d’aboutir à un formatage terroriste, poussant les consommateurs à ne plus acheter un produit si son emballage ne l’affiche pas. Étendre ce dispositif à tous les produits n’aurait pas de sens : dans un paquet de beurre, il y a du gras, et dans une boîte de sucre, il y a du sucre. Il faut en revenir au bon sens paysan pour ce qui est de la quantité. Quant à la qualité, il n’est pas nécessaire de s’en remettre au nutri‑score. Voilà pourquoi nous nous opposons à cette disposition.
Mme Justine Gruet (DR). Si le problème de santé publique posé par l’obésité est réel, il faut arrêter de sous-estimer la capacité des consommateurs à s’informer sur le contenu des produits, alors que les étiquettes listent les ingrédients, les pourcentages de glucides, de lipides, etc. J’en reviens donc à la nécessité de repenser collectivement nos habitudes alimentaires et à l’importance de la cellule familiale. La puissance publique ne fera pas tout : l’éducation à l’alimentation a un rôle important à jouer, comme l’autorité parentale. Le nutri‑score est un outil pédagogique mais il ne doit pas servir à se donner bonne conscience.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il faut faire attention aux termes que l’on emploie – il n’est pas question d’un formatage terroriste – et revenir au sens de notre débat : il ne s’agit pas d’infantiliser les Français mais d’assurer la lisibilité et la transparence dans l’information des consommateurs.
Olivier Véran avait mené le combat pour créer l’outil. Celui-ci a été adopté par de nombreux professionnels, les médecins le soutiennent et 1 500 marques l’utilisent, ce qui a permis de faire évoluer les pratiques commerciales. Nous devons poursuivre ce combat pour permettre aux consommateurs de mieux consommer et d’être moins malades.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le nutri‑score n’est certes pas parfait mais il s’améliore peu à peu. Il permet de compenser la publicité dans laquelle les forces commerciales dépensent des milliards – l’État est un nain face à la puissance de ce marketing – avec des informations sur la qualité nutritionnelle des aliments.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis un peu étonné par les propos de Mme Mélin : il ne faut pas s’engager sur cette pente.
Les citoyens doivent être les acteurs de leur santé ; cela passe par un changement comportemental. Ce qu’a dit Hendrik Davi est tout à fait juste. La surcharge pondérale aux États‑Unis a considérablement augmenté ces quinze dernières années ; en France, on observe la même tendance, notamment chez les jeunes, parce qu’ils bouffent n’importe quoi. La puissance des grandes entreprises agroalimentaires est telle que nous ne pouvons rien faire. Le nutri‑score ne changera pas toute la politique de prévention mais il permet au moins de s’informer et d’éviter que de nouveaux produits transformés, sur lesquels nous n’aurions aucune maîtrise, arrivent sur les étals.
C’est malheureusement nécessaire car l’hyperglycémie des gamins de 5 à 15 ans a progressé de 15 % en dix ans. Je suis bien placé pour le savoir : c’est mon métier.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il est très étonnant d’entendre certains affirmer que le fait d’informer le grand public serait du terrorisme nutritionnel – à moins qu’ils ne se fassent le porte-voix des lobbies de l’agroalimentaire.
Nous avons besoin d’étiquettes interprétables parce qu’une bonne partie des informations affichées ne sont pas compréhensibles par le grand public – c’est peut-être volontaire. Si les ingrédients sont présentés par ordre décroissant en quantité, cela ne correspond pas forcément à leur degré de nocivité. Une aide est donc nécessaire pour comprendre ce qu’il y a sur l’étiquette. Qui, dans cette commission, sait à quoi correspond le E102 ? Il s’agit de la tartrazine, un colorant alimentaire. Vous pouvez parfaitement décider que vous vous en fichez et que vous continuerez à consommer sans vous en préoccuper, mais n’imposez pas cela aux autres. En revanche, si vous souhaitez savoir ce que vous consommez, alors une aide publique sera nécessaire.
La commission adopte l’amendement AS228.
En conséquence, l’amendement AS817 tombe.
Amendements AS183 de M. Thierry Sother et AS182 de Mme Sandrine Runel ; amendements identiques AS181 de Mme Sandrine Runel, AS695 de M. Damien Maudet et AS1659 de M. Boris Tavernier ; amendements identiques AS602 de Mme Ségolène Amiot et AS1293 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
Mme Martine Froger (SOC). L’amendement AS183 vise à taxer la publicité pour les produits alimentaires manufacturés et pour les boissons avec ajout de sucre, de sel ou d’édulcorants de synthèse. L’objectif est de réduire l’impact sanitaire de la malbouffe, responsable d’au moins 11,7 milliards d’euros de dépenses liées notamment à l’obésité et au diabète. Alors que les industriels investissent plus de 5,5 milliards dans la publicité pour ces produits, les moyens de prévention sont très faibles. La publicité influence très fortement les jeunes. Cette taxe pourrait envoyer un signal de régulation aux entreprises et permettrait de renforcer le financement de la prévention et de la santé publique.
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement AS182, de repli, vise à rendre obligatoire la mention du nutri‑score sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires, à l’exception des produits avec une AOP, afin de mieux orienter le consommateur. Je me demande d’ailleurs dans quel monde vit Mme Gruet et combien de temps elle met pour faire ses courses. Cette mesure a déjà permis de lutter contre le diabète et l’obésité en incitant les industriels à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits.
L’amendement AS181 a le même objet mais il inclut les produits avec une AOP.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement AS695 vise à rendre obligatoire la mention du nutri‑score sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires. Les industriels peuvent déroger à cette obligation en versant une contribution. Le nutri‑score est salué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et par les organisations de consommateurs, et plébiscité par les citoyens. Il est temps de lui donner toute sa place dans nos politiques de santé publique en mettant fin aux stratégies de contournement des industriels.
Je suis d’accord avec vous, madame Gruet, sur l’importance de la sphère familiale. Le nutri‑score permet aux parents de discuter avec leurs enfants du contenu des produits, de leur apprendre ce qu’est un glucide, un lipide ou à quoi sert le sel. C’est un outil d’éducation.
M. Boris Tavernier (EcoS). Mon amendement vise à rendre obligatoire l’inscription du nutri‑score sur les publicités alimentaires.
Notre groupe défend avant tout l’interdiction de la publicité pour les produits alimentaires les plus mauvais pour la santé et, en premier lieu, l’interdiction des publicités ciblant les enfants. Si, malgré le bon sens de la mesure, on ne les interdit pas, il convient alors de les taxer afin que les industriels compensent en partie les coûts qu’ils font peser sur le système de santé. Et si on ne les interdit pas et qu’on ne les taxe pas non plus, alors informons le consommateur sur la qualité nutritionnelle des produits alimentaires que les publicités veulent leur faire acheter.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS695.
Taxons la publicité sur la malbouffe : c’est une mesure de santé publique. L’OMS fait un lien entre l’obésité de plus en plus présente chez les enfants et la commercialisation de produits alimentaires trop riches en gras ou en sucres – rappelons que, en un an, le nombre de personnes traitées pour le diabète a augmenté de 160 %.
De plus, les personnes ayant des revenus faibles, dont 30 % déclarent ne pas avoir les moyens de manger sainement, sont surexposées aux produits moins chers, surtransformés et de mauvaise qualité. Ces publics cibles sont les proies des industriels : le sucre et le gras sont leur fonds de commerce. Vous ne les incitez jamais à assainir leurs marchandises, au contraire : les annonceurs ont accru la pression publicitaire sur les produits alimentaires riches en sucre, sel et matières grasses.
Une étude démontre que le système alimentaire coûte au moins 12 milliards d’euros au système de santé, chiffre qui serait même sous-évalué. Miser sur la bonne volonté des industriels est un échec. À défaut d’une interdiction il est donc primordial, voire vital de mettre à contribution leur publicité agressive et incitative.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On entend de ces choses, dans cette commission : les gamins mangent n’importe quoi, on parle de terrorisme...
Je rappelle tout de même que le plan Cancer incriminait les seuls comportements individuels – le cancer était dû au fait que les personnes fumaient, buvaient, consommaient trop de sucre, trop de gras... –, ignorant la responsabilité des industriels qui, pourtant, cachent dans leurs produits transformés du sucre, du gras et du sel afin de les rendre plus addictifs et d’économiser sur le coût des matières premières ; rien non plus sur les pollutions de type substances per- ou polyfluoroalkylées (Pfas) ou pesticides, ni sur le fait que les produits les plus néfastes pour la santé sont aussi les moins chers, exposant ainsi davantage les personnes qui n’ont pas d’argent.
Mon amendement vise à rétablir la responsabilité là où elle devrait être, c’est-à-dire chez les industriels.
M. le rapporteur général. Nous venons d’adopter, même si j’y étais défavorable, deux taxes portant, l’une, sur les dépenses de publicité pour les denrées alimentaires et l’autre, sur le chiffre d’affaires tiré de la vente de ces denrées, sauf en cas d’usage du nutri‑score.
Si nous adoptons l’un de ces amendements, ces nouvelles taxes s’ajouteraient à celles que vous venez de créer et qui sont très différentes puisqu’elles ne relèvent pas du même code – raison pour laquelle elles n’ont pas été examinées dans le cadre de cette discussion commune.
Afin de rester cohérent avec ce que je défends depuis tout à l’heure, j’émets un avis défavorable.
Mme Josiane Corneloup (DR). Je trouve complètement anormal que le nutri‑score ne prenne pas en compte l’impact environnemental des denrées alimentaires, notamment leur empreinte carbone, leur origine locale ou non, ou encore leur mode de production. Un aliment issu d’un mode de production intensif peut ainsi afficher un bon nutri‑score s’il est pauvre en sucre et en gras, alors que l’on connaît les problèmes sanitaires générés par ce mode de production.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements AS1408 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS1130 de Mme Nicole Dubré‑Chirat, AS1445 de M. Frédéric Valletoux, AS959 de M. Michel Lauzzana et AS1403 de M. Cyrille Isaac-Sibille ; amendements identiques AS184 de M. Thierry Sother et AS1043 de Mme Sabrina Sebaihi ; amendement AS185 de M. Thierry Sother (discussion commune)
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les habitudes alimentaires ont changé : on cuisine de moins en moins et l’on consomme plus de plats ultra‑transformés, mauvais pour notre santé. Ces aliments participent en effet de l’augmentation de l’obésité et de la survenue de nouvelles maladies. Mon premier amendement vise à les taxer, en se fondant sur la définition qui en est donnée par la classification scientifique Nova.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je fais quant à moi une proposition issue d’une préconisation de l’assurance maladie dans son rapport « Charges et produits » pour 2026. Il s’agit de créer une taxe sur les produits alimentaires transformés contenant des sucres ajoutés, sur le modèle du relèvement de la taxe soda voté en 2025. Le Conseil des prélèvements obligatoires suggérait déjà, en 2023, une extension du champ de la fiscalité nutritionnelle au‑delà des boissons, ciblant les produits sucrés ou contenant des additifs nocifs pour la santé.
La finalité de cette proposition de taxe est de contraindre les industriels à revoir la composition de leurs produits en leur imposant une contribution dont le montant serait dégressif selon qu’ils réduisent ou non leur teneur en sucre. Il y a là un véritable enjeu de santé publique, alors que 10 millions de Français sont en situation d’obésité.
Cet amendement exclut de son champ les entreprises réalisant moins de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce qui le différencie des autres. Il important en effet de préserver le modèle économique de nos artisans et petites et moyennes entreprises (PME), qui sont nombreux à fabriquer des boissons sucrées artisanales dans nos régions.
M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement s’inspire également du rapport « Charges et produits » pour 2026. À ce jour, aucune taxe spécifique ne cible les produits alimentaires ultra‑transformés alors qu’ils représentent plus de 30 % des apports énergétiques quotidiens selon des études menées par l’Anses en lien avec l’Inca.
Par rapport aux autres, mon amendement s’appuie sur une définition plus précise des aliments ultra‑transformés ; il se réfère à la littérature scientifique et établit des critères précis. Le tarif proposé de la contribution me semble aussi plus adapté aux aliments solides et semi-solides que la grille utilisée pour la taxe soda. Enfin, cet amendement vise aussi les édulcorants.
Je redis avec force, à l’attention notamment de Mme Gruet, qu’il ne s’agit nullement de remplacer l’éducation et la prévention par la fiscalité. Il faut jouer sur l’ensemble des outils disponibles, comme cela a été fait dans le cadre du plan Cancer lancé par Jacques Chirac en 2003, reconnu pour son efficacité et devenu une référence mondiale : pour la première fois, on a travaillé à la fois sur l’éducation, la recherche médicale, la prise en charge des malades et la fiscalité.
Je plaide pour une taxe sur les sucres ajoutés qui encourage les industriels à s’interroger sur la composition de leurs produits, comme la taxe soda commence à le faire.
M. Michel Lauzzana (EPR). Mon amendement a été travaillé avec la Ligue contre le cancer. Rappelons en effet que l’obésité est un facteur de risque de cancer.
On note une évolution vertueuse, qui doit se poursuivre : de plus en plus d’industriels sont vigilants, certains réduisant de façon notable la teneur en sucre de leurs produits. Des recherches sont en cours pour trouver des solutions alternatives au sucre ; un laboratoire de l’institut de recherche privé Inovie, dans ma circonscription, propose ainsi des produits qui semblent ne pas avoir d’effets délétères.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il est inadmissible que les industriels qui fabriquent des aliments pour nourrissons ajoutent du sucre dans leurs purées de carottes ou de petits pois. Leur but est de rendre les enfants addict dès le plus jeune âge. Pour lutter contre les sucres ajoutés, une première étape pourrait être de les taxer fortement dans ces produits, dont la définition est plus aisée que celle d’un plat industriel. C’est ce à quoi tend mon second amendement dans cette discussion.
Mme Martine Froger (SOC). Notre amendement AS184 vise à créer une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés afin d’inciter les industriels à réduire la teneur en sucre dans leurs recettes, sur le modèle de ce qui existe dans des pays étrangers. Le montant pourrait dépendre du taux du sucre, selon plusieurs tranches, afin d’encourager la production de produits plus sains. Une telle mesure s’inspire de recommandations de l’OMS et de la Fédération française des diabétiques.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous sommes tous d’accord pour faire contribuer les producteurs de la malbouffe à la réparation de ses dégâts. Avec l’amendement AS1043, ous proposons l’instauration d’une taxe progressive sur les produits transformés les plus sucrés. Le message envoyé serait clair : la santé publique ne doit plus être subordonnée aux intérêts industriels. L’explosion des cas d’obésité, de diabète et de maladies cardiovasculaires frappe d’abord les plus pauvres. Or il faut cesser de culpabiliser les familles précaires pendant que l’industrie engrange des profits colossaux – et que la sécurité sociale paye la facture.
Il faut promouvoir une alimentation digne et accessible, et mettre en place un cercle vertueux. Le Portugal et la Norvège y sont déjà parvenus avec des taxes sur les sodas aux résultats tangibles : baisse de la consommation, amélioration de la qualité nutritionnelle et économies pour la collectivité.
Mme Martine Froger (SOC). L’amendement AS185 est défendu.
M. le rapporteur général. Je regrette que nous ayons adopté précédemment deux amendements et créé ainsi deux nouvelles taxes. En effet, les amendements en discussion sont sans doute plus pertinents mais, si nous les adoptions, certains produits seraient taxés trois fois. Lors de l’examen du texte en séance, je plaiderai sans doute pour l’instauration d’une seule taxe qui soit la plus efficace possible.
On ne peut qu’encourager la consommation de produits sains. La fiscalité fait partie des leviers pour y parvenir, parmi d’autres. Il est vrai que, depuis la mise en place de la taxe soda, certains industriels ont diminué régulièrement depuis vingt ans la teneur en sucre de leurs produits ; d’autres l’ont fait plus brutalement.
Certains amendements visent uniquement les produits ultra‑transformés. Le mieux rédigé et le plus équilibré me semble être celui du président Valletoux, qui exclut « les produits fabriqués et vendus directement au consommateur final par des artisans, notamment des boulangers, des pâtissiers, des chocolatiers, des charcutiers, des traiteurs ou des restaurateurs dans le cadre d’une production de proximité ». On sait en effet que ces produits sont souvent synonymes de qualité. L’effort de définition est aussi à saluer sur le plan juridique. Quant aux paramètres proposés, s’inspirant de la taxe sur les sodas, ils sont bien adaptés car ce sont les plus raisonnables ; les mesures les plus excessives n’aboutissent pas toujours.
J’émets un avis défavorable à l’ensemble des amendements, à l’exception de celui du président Valletoux : sur cet amendement-ci, j’émets un avis de sagesse.
Mme Justine Gruet (DR). Notre groupe est défavorable à toute nouvelle taxe. Le nouveau prix du produit ne sera peut-être pas suffisamment désincitatif pour modifier les habitudes de consommation, mais assez significatif pour diminuer le pouvoir d’achat. Pour trouver le juste équilibre, nous devons mettre l’accent sur la pédagogie et la prévention plutôt que sur la sanction.
M. Jean-Carles Grelier (Dem). Le plan Cancer a permis de mettre en cohérence l’ensemble des initiatives grâce à un organisme qui les a centralisées, l’Inca. J’entends d’innombrables propositions pertinentes qui méritent débat mais, tant que nous n’aurons pas une gouvernance de la prévention, de l’éducation à la santé et de l’éducation thérapeutique, tout cela sera pour partie vain. Il faut une coordination générale entre la prévention, la recherche et le soin.
M. le rapporteur général. Vous avez raison, mais le cadre organique du débat parlementaire sur le PLFSS nous permet de discuter de ce qui se rattache directement au financement de la sécurité sociale – donc des créations de taxes – mais ni de gouvernance, ni d’organisation. C’est frustrant, car cela nous prive de certains leviers.
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes défavorables aux taxes, mais ne les opposons pas aux politiques de prévention. Il faudrait déployer ces dernières de façon plus offensive, afin d’influer davantage sur le mode de consommation.
L’amendement du président Valletoux est intéressant car il épargne les petits commerçants et artisans, mais celui qui nous intéresse le plus est celui de M. Isaac-Sibille, qui vise à taxer les sucres ajoutés dans les produits pour nourrissons. Il est inacceptable que les industriels ajoutent du sucre dans ces aliments, alors que l’on connaît l’importance des mille premiers jours de la vie. La question, cependant, est d’abord celle de la liberté et de la responsabilité des parents ; il faudrait une politique de prévention efficace et non contraignante.
Pour le reste, l’augmentation générale des taxes demeure une atteinte inacceptable au pouvoir d’achat des Français.
M. le rapporteur général. Je précise que, tous ces amendements étant en discussion commune, l’adoption de l’un ferait tomber les autres.
Il est vrai, monsieur Isaac-Sibille, que la teneur en sucre de certains produits pour nourrissons est problématique. Pour en avoir discuté avec des pédiatres spécialistes de maladies rares, je vous invite néanmoins à retravailler votre amendement de telle sorte qu’il ne pénalise pas les produits destinés aux enfants ayant des besoins particuliers, notamment ceux souffrant de carences.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis heureux que l’assurance maladie s’attaque, dans son rapport « Charges et produits » pour 2026, à un sujet sur lequel je travaille depuis plusieurs années. J’aimerais préciser que les taxes que nous proposons ne sont pas forcément comportementales mais incitatives. La modification de la taxe soda adoptée l’an dernier porte ses fruits : outre qu’elle rapporte de l’argent – ce qui n’est pas le plus important –, elle conduit les industriels à reformuler leurs recettes pour réduire la teneur en sucre.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il est vraiment scandaleux et pervers, de la part de l’industrie agroalimentaire, de rendre des bébés addict au sucre. Mais il me semble que les amendements identiques AS184 et AS1043 incluent aussi les petits pots pour bébé, et je ne vois pas en quoi l’amendement de M. Isaac-Sibille sur le sujet ferait tomber les autres. Ce sont tous les sucres ajoutés qu’il faut taxer.
M. le président Frédéric Valletoux. Notre discussion est organisée ainsi pour des raisons légistiques.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je retire mon amendement portant sur l’ensemble des plats ultra‑transformés, dans la mesure où le rapporteur général considère celui du président comme mieux formulé. En revanche, je ne retire pas celui qui porte sur les aliments pour nourrissons.
L’amendement AS1408 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS1130.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Mme Prisca Thevenot (EPR). Si tout le monde en est d’accord, peut-être pourrions-nous nous en tenir, pour la discussion des amendements, à un orateur pour et un orateur contre – sauf lorsqu’un amendement nécessite une discussion de fond plus longue ?
M. le président Frédéric Valletoux. Si vous le souhaitez, je n’y suis pas opposé.
Amendement AS229 de M. Thierry Sother
Mme Martine Froger (SOC). Avec cet amendement, nous proposons la création d’une taxe sur les produits alimentaires contenant des additifs à risque. Certains font encore l’objet de controverses scientifiques ; ils peuvent avoir des effets néfastes sur la santé et encourager les conduites addictives.
M. le rapporteur général. J’émets un avis défavorable et vous conseille de réécrire votre amendement si vous souhaitez le redéposer lors l’examen du texte en séance : vous ne précisez pas, en effet, le montant initial de la taxe.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1047 de M. Nicolas Thierry et AS1505 de M. Frédéric Valletoux (discussion commune)
M. Hendrik Davi (EcoS). Par l’amendement AS1047, nous proposons de rehausser la fiscalité sur les prix du tabac afin d’augmenter ceux-ci de 10 % par an jusqu’en 2032. La hausse des prix du tabac est reconnue par l’OMS comme le levier le plus efficace pour réduire le tabagisme – qui demeure, avec environ 75 000 décès par an, la première cause de mortalité évitable en France. Une hausse de 10 % des prix engendre une diminution de 4 % de la consommation. La dernière campagne de hausse régulière, entre 2017 et 2020, a montré des résultats probants. L’objectif du paquet de cigarettes à 10 euros avait alors permis une chute de plus de 5 points de la prévalence tabagique. Or, depuis 2020, il n’existe aucune trajectoire fiscale de hausse des prix du tabac. Rappelons que, selon l’OFDT, le coût social du tabac s’élève à 156 milliards d’euros par an.
M. le président Frédéric Valletoux. Je propose moi aussi d’accélérer la trajectoire d’augmentation des prix du tabac en jouant sur l’augmentation de l’accise. J’indiquerai, en complément du chiffre évoqué par M. Davi, que le coût direct du tabac atteint 16 milliards d’euros par an, quand l’accise rapporte 13 milliards.
Contrairement à ce que certains ont dit hier, la politique du prix élevé fonctionne, comme le montre l’exemple de l’Australie. S’il en découle une explosion du marché parallèle, c’est aussi parce qu’il manque une coordination entre les politiques antitabac des pays européens. La position de la France, au cœur d’un continent aux frontières poreuses, joue à cet égard en sa défaveur. Le prix n’est pas le seul outil permettant de lutter contre le tabagisme mais il est incontournable.
Nous examinerons dans les prochains mois, lorsque l’ordre du jour le permettra, une proposition de résolution relative à la mise en œuvre du protocole de l’OMS pour lutter contre le commerce illicite de tabac.
M. le rapporteur général. La fiscalité du tabac augmente chaque année. Le prix du paquet de cigarettes, passé à 10 euros environ entre 2017 et 2020, continue d’augmenter et atteindra 12,73 euros en 2027. Or je ne crois pas qu’il faille accélérer la trajectoire de hausse progressive, et j’appelle votre attention sur deux points en particulier. Une forte augmentation de la fiscalité entraîne immédiatement un développement du marché parallèle – sur lequel on trouve des produits de moins bonne qualité, parfois – et encourage la consommation de produits de substitution encore plus dangereux que le tabac.
Il me semble préférable de nous en tenir à la trajectoire de hausse progressive concertée. Tout en partageant les préoccupations des défenseurs de ces amendements, j’émets un avis défavorable.
M. Thomas Ménagé (RN). Je souscris totalement à ces arguments. Nous sommes tous conscients de la nécessité de lutter contre le tabagisme mais le levier fiscal, qui fut sans doute le bon il y a une vingtaine d’années, ne l’est plus. L’augmentation des prix entraîne un report vers les dérivés nicotiniques et vers le vapotage.
Les chiffres de Santé publique France me semblent pouvoir être mise en doute, du fait de la méthodologie utilisée : les déclarations se font maintenant en ligne, et l’on sait que les Français ont tendance à minimiser leur consommation. On observe par ailleurs une baisse de la consommation au niveau européen, alors que certains pays n’ont pas augmenté leur fiscalité. Une hausse des prix diminuerait les recettes fiscales – les ventes de tabac échappant à la fiscalité nous ont fait perdre 4,3 milliards d’euros en 2023 – et aurait un effet contre-productif sur la santé publique : les cigarettes de contrebande vendues sur les marchés parallèles contiennent des substances bien plus nocives pour la santé.
Nous atteindrons plus facilement nos objectifs en matière de santé publique en favorisant la prévention et l’éducation.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je suis le seul à défendre cette mesure, dont je ne nie d’ailleurs pas les effets de bord : dans ma région, les gens se rendent ainsi en Espagne pour acheter du tabac. Cependant, l’efficacité de l’augmentation du prix du tabac est indiscutable.
Les effets de bord doivent donc être pris en compte et circonscrits, en aidant par exemple les détaillants de tabac à créer des multicommerces ou en les autorisant à vendre d’autres produits. On pourrait aussi sanctionner plus fermement le trafic de tabac. Des usines de tabac frelaté ont été fermées. Il faut poursuivre les enquêtes.
À l’échelon européen, une prise de conscience croissante conduit à des décisions qui diminuent ce trafic. On ne peut pas, sous prétexte qu’ils existent, dire que l’on se lave les mains de la consommation de tabac : 40 % des causes de cancer sont liées au tabac. C’est énorme.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1462 de Mme Josiane Corneloup
Mme Josiane Corneloup (DR). Cet amendement vise à rétablir dans le code de la sécurité sociale la contribution sociale à la charge des fournisseurs agréés de produits du tabac, supprimée en 2020.
L’objectif est de faire participer le secteur du tabac au coût social et sanitaire de la consommation de ces produits, conformément au principe du pollueur-payeur. Le tabac est en effet la cause directe ou un facteur favorisant de nombreux types de cancers. Il importe donc de lutter contre lui le plus efficacement possible.
Sans affecter le produit de cette contribution à une dépense spécifique, nous souhaitons que les recettes ainsi générées puissent contribuer au renforcement des politiques de prévention et de lutte contre les addictions dans la mise en œuvre budgétaire.
M. le rapporteur général. Votre amendement me surprend car il tend à recréer un impôt de production qui a déjà existé. Dans son rapport de nouvelle lecture sur le projet de loi de finances pour 2020, notre ancien collègue Joël Giraud, alors rapporteur général, expliquait d’ailleurs que cette contribution ne pesait en réalité que sur un seul fournisseur – en somme, un impôt pour une seule entreprise.
Dès 2016, le Conseil constitutionnel avait jugé que la partie relative à la répercussion de cette contribution était contraire à la Constitution et rendait inopérant le dispositif prévu. Cet impôt dysfonctionnel avait donc été supprimé, mais pas de manière sèche : le même amendement du Sénat avait augmenté à due concurrence la part spécifique et la part proportionnelle de l’accise. Le surcroît de produit de l’accise ainsi obtenu est venu alimenter le fonds de lutte contre les addictions. L’objectif de prévention que vous poursuivez étant ainsi satisfait, je vous invite à retirer votre amendement et à ne pas le redéposer en séance.
L’amendement est retiré.
Amendement AS177 de Mme Sandrine Runel
M. Arnaud Simion (SOC). Cet amendement vise à augmenter le taux de contribution sociale généralisée (CSG) sur les paris sportifs et les jeux de hasard. Le risque pour la santé que présentent ces pratiques en matière d’addiction est désormais démontré scientifiquement. Un joueur sur cinq environ risque l’addiction, qui peut entraîner dettes, tensions familiales et troubles psychologiques, soit un impact social important.
M. le rapporteur général. Ce sujet avait déjà occasionné de grands débats l’an dernier, auxquels vous aviez activement participé en commission et en séance.
Vous proposez d’inclure les paris hippiques dans la contribution sur la publicité en faveur des jeux créée alors. La dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) a augmenté la CSG et la taxe sur la publicité sur les jeux, dont l’assiette avait en outre été élargie. Nombre de changements et de corrections ont donc déjà été effectués.
Ces contributions financent d’ores et déjà la filière équine et hippique, notamment des équipements et des infrastructures dans nos territoires. La mesure fragiliserait notamment le domaine de la formation, sachant que l’équitation est le premier sport féminin.
Cette mesure se retournerait finalement contre des acteurs de l’aménagement du territoire auxquels on ne pense pas forcément. Je plaide presque coupable : les anciens haras nationaux du petit village dont j’ai été maire accueillent désormais un manège olympique financé par le fonds Eperon, qui bénéficie largement au comité régional, en proposant notamment des formations d’attelage ou de collecte hippomobile des déchets – sujet qui pourrait plaire à Mme Rousseau.
Je ne souhaite pas fragiliser les emplois directs et indirects liés aux chevaux. J’émets donc un avis défavorable.
Je viens de répondre, pardonnez-moi mon erreur, sur l’amendement suivant, AS511, et non sur l’amendement dont nous discutons, AS177, qui concerne les loteries.
Selon la Cour des comptes, ce segment de jeux est le plus taxé. D’après l’OFDT, les joueurs excessifs y sont pourtant cinq fois moins nombreux que dans les autres types de jeux.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je m’étonnais de l’argumentation de M. le rapporteur général sur le sport féminin et le ramassage des déchets pour ne pas taxer les paris sportifs !
Les paris sportifs sont un fléau, particulièrement chez les jeunes, touchés par une publicité extrêmement agressive et des comportements d’addiction. Des mises de départ sont offertes pour que les personnes deviennent dépendantes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS511 de Mme Élise Leboucher
M. Louis Boyard (LFI-NFP). M. le rapporteur général a fait l’erreur de nous donner tous ses arguments sur les paris hippiques. Ce secteur réalise un chiffre d’affaires de 9,3 milliards d’euros. Il génère 30 000 emplois directs et 60 000 emplois indirects, raison avancée par le rapporteur général pour lui accorder des exemptions après les propositions fiscales du Sénat.
Nous sommes en désaccord sur ce point : si vous comptez sur les paris sportifs pour faire tenir toute la filière hippique, alors nous nous sommes enfermés dans un piège dont nous ne sortirons pas. Un autre modèle de financement doit être trouvé, qui ne repose pas sur l’addiction de personnes, dont beaucoup appartiennent aux milieux populaires.
Les recettes proposées par cet amendement AS511 doivent donc nous aider à la fois à lutter contre l’addiction et à créer un autre modèle de financement. Nous devons collectivement sortir du piège dans lequel nous sommes.
M. le rapporteur général. Je ne cache pas mes arguments. Nous avons déjà apporté des corrections sur ce sujet, avec un élargissement de l’assiette et une augmentation de la CSG et des taxes sur les publicités sur les jeux. En effet, nous devons lutter contre les addictions.
En revanche, nous ne nous sommes pas enfermés dans un piège, nous pouvons en sortir en conjuguant lutte contre les addictions et préservation des filières et de leurs emplois. Il vaut mieux attendre les conclusions de notre collègue Éric Woerth, chargé d’un rapport sur le sujet.
Je vous invite donc à retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Théo Bernhardt (RN). Cet amendement me surprend, mais pas de la part de La France insoumise. Beaucoup d’hippodromes sont gérés par de petites structures, sous forme d’associations. La filière hippique est en danger et des emplois sont en jeu.
Dans l’hippodrome de ma circonscription se déroulent seulement quatre courses par an. Le président de l’association des courses hippiques m’a dit que les recettes baissaient de plus en plus. Si l’on taxe encore plus les paris hippiques, on condamne la filière, alors que les courses hippiques s’inscrivent dans la tradition française. Ce serait donc contre-productif.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’année dernière, le Sénat avait justement exclu le secteur hippique de la taxe sur les publicités, avec les arguments avancés par le rapporteur et le Rassemblement national.
Ce secteur n’est pas exactement en difficulté : il a connu une croissance de 2,3 % l’année dernière et de 1 % au premier semestre 2025.
Le Rassemblement national déplore que les petites structures soient en danger. Mais c’est justement parce qu’elles sont tenues par le lobby des paris hippiques, qui gagne des milliards grâce à l’addiction des gens, sur laquelle repose tout le modèle de financement. Si vous ne voulez pas en sortir, vous ne trouverez pas de solution.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS515 de M. Damien Maudet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Depuis tout à l’heure, étonnamment, des collègues de droite veulent créer de nouveaux impôts. Faisons-le de manière juste. Il s’agit ici d’augmenter la contribution des opérateurs de jeux d’argent au profit de l’assurance maladie, a fortiori car La Française des jeux a été privatisée en 2019. Ses actionnaires privés ont désormais besoin d’élargir le public des jeux d’argent et les pathologies liées – les addictions – pour augmenter leur cours en bourse : l’action valait 20 euros au moment de la privatisation, contre 25 aujourd’hui.
L’année dernière, 10 milliards d’euros ont été pariés, dont la moitié en ligne. Des publicités sont diffusées sur YouTube, notamment par des youtubeurs connus de la jeunesse, avec les codes du manga ou du dessin animé. Les profits des opérateurs privés de jeux d’argent augmentent de 4 à 5 % par an.
Bref, la maladie – l’addiction aux jeux d’argent – est devenue un fondement de la valeur boursière. On a triplé le nombre de joueurs à risque depuis la privatisation de La Française des jeux. Des milliers de personnes ne jouent pas par plaisir, mais par anxiété, par obligation, pour gérer leurs émotions personnelles. Des gens claquent leur salaire en deux jours parce qu’ils sont touchés par une pathologie, celle du jeu.
Et que fait-on ? Il faut bien sûr renationaliser La Française des jeux et discuter du monopole public sur ce type d’activités, dangereuses pour une partie de la population. En attendant, il faut faire payer les opérateurs de jeux d’argent pour alimenter l’assurance maladie, qui accompagne les soins des 5 % de personnes dépendantes aux jeux, dont les deux tiers vivent en dessous du Smic. Ce n’est donc pas à eux de payer par des impôts sur la consommation, mais aux opérateurs privés de s’en acquitter, par la taxation des investissements publicitaires.
M. le rapporteur général. Votre demande est déjà satisfaite puisque, en février 2025, la LFSS a justement créé une taxe sur les publicités pour les jeux d’argent, avec un taux de contribution de 15 % – vous avez voté contre. Nous ne savons d’ailleurs pas encore ce que cela va donner, 2025 n’étant pas terminée.
Vous voulez cibler les publicitaires, mais vous incluez dans l’assiette modifiée les gratifications des joueurs – donc un revenu des joueurs. Peut-être d’ailleurs faudrait-il plutôt faire cette proposition concernant la CSG sur le produit brut des jeux.
J’émets un avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous savons bien que ce taux existe, puisque nous l’augmentons justement de 15 à 20 % : nous ne mettons pas des chiffres au hasard. Nous parlons donc de l’alinéa 5 de l’article L. 137-27 – nous aussi pouvons faire « techno ».
N’essayez pas de faire croire que nous taperions à côté du dispositif. La discussion, politique, porte sur le fait de savoir si ce taux est suffisant. Nous pensons que non, car il n’apporte pas les sommes nécessaires pour la prévention et l’accompagnement des personnes sujettes à des addictions aux jeux.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS109 de Mme Colette Capdevielle
Mme Océane Godard (SOC). Cet amendement obéit au principe du pollueur-payeur, en vertu duquel les acteurs économiques qui génèrent des externalités négatives sur la santé publique doivent contribuer à la prévention et à la réparation de leurs conséquences.
Les partenariats et parrainages sportifs conclus par les opérateurs de jeux ont connu une progression notable ces dernières années. Ils constituent un vecteur de communication néfaste pour les publics jeunes, exposés à la promotion des jeux.
Le présent amendement vise à lever toute ambiguïté juridique en inscrivant clairement que les dépenses de parrainage de sponsoring sportif, lorsqu’elles servent la promotion d’opérateurs de jeux d’argent et de hasard, doivent être prises en compte dans l’assiette de la contribution et soumise à un taux au taux applicable de 15 %, ce qui générerait près de 7 millions d’euros de recettes supplémentaires.
M. le rapporteur général. À l’automne dernier, l’Assemblée avait exclu la filière hippique de ces mesures. Vous abordez ici une autre question, précisée lors de la commission mixte paritaire : doit-on étendre la taxe sur la publicité sur les jeux d’argent au sponsoring sportif ?
Il en a été exclu. Le spectre est large, du très grand club dont tout le monde parle à Paris, à des clubs de ligues inférieures comme à des associations, avec de nombreux emplois à la clé. Le sponsoring concerne aussi la PME qui, dans notre circonscription, payera 500 euros pour une banderole lors d’un match.
Il est vrai que vous limitez le champ des redevables, en taxant uniquement les dépenses de parrainage des opérateurs de jeux. Cependant, un tel amendement risquerait de réduire l’incitation des gros comme des petits opérateurs à apporter un soutien financier aux clubs dans nos territoires.
Or je suis un peu inquiet, car les compétitions sont parfois pour les jeunes la seule occasion de prendre une fois par semestre le bus de Lunéville à Sarrebourg pour un match de handball. Ces transports ont un coût, et les associations ont besoin du mécénat sportif. Des acteurs très divers bénéficient donc d’une certaine manière du produit de ces jeux.
Le secteur n’est pas en grande forme et rencontre des difficultés. Je ne vous parle pas ici du Paris Saint-Germain mais de clubs professionnels de nos régions qui ont vu baisser leurs recettes et la valeur des contrats négociés. La question des droits de diffusion télévisuelle les place aussi dans une situation complexe. Or il s’agit aussi d’emploi local. J’émets donc un avis défavorable.
Mme Océane Godard (SOC). Vous souhaitez protéger les PME du territoire mais pas nécessairement le PSG, j’entends bien. Je vous propose donc de sous-amender notre amendement, de manière à protéger les PME et les très petites entreprises. Nous le soutiendrons évidemment.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS180 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Il s’agit de créer une taxe sur la publicité pour les paris en ligne afin de désinciter à la consommation de jeux d’argent et de hasard. De fait, 40 % du chiffre d’affaires des opérateurs de jeux d’argent proviennent de personnes qui ont une pratique excessive en la matière, et 58 % pour les paris sportifs.
Le budget publicitaire des plateformes de jeux d’argent et de hasard a augmenté de 26 % entre 2019 et 2021, année de la Coupe du monde de football au Qatar – ça fait beaucoup dans la même phrase. Ces publicités, largement et vivement critiquées, incitent à des pratiques de jeux excessives, abusives, mauvaises pour notre jeunesse. Cette taxe vise donc à dissuader les opérateurs de multiplier ces campagnes publicitaires et de toucher nos jeunes.
M. le rapporteur général. Vous voulez créer une nouvelle taxe sur les dépenses de publicité pour les jeux d’argent. Or une taxe sur les dépenses de publicité des opérateurs de jeux a déjà été créée en LFSS. En parallèle, la fiscalité sur les jeux a été lourdement et doublement augmentée, avec une hausse de l’assiette et du taux de la CSG sur le produit brut des jeux.
Ce que vous proposez n’écrase pas ce qui a déjà été adopté en février, mais s’y ajoute. J’alerte aussi mes collègues sur le fait que vous en profitez pour intégrer le secteur hippique.
Pour toutes ces raisons, j’y suis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de onze heures dix à onze heures trente.
Amendement AS1744 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Lors de notre discussion sur la chaîne du médicament, nous avons déjà évoqué les laboratoires et les officines, que nous souhaitons préserver. Entre les deux, les grossistes-répartiteurs assurent des missions de service public d’approvisionnement en médicaments, avec certaines obligations.
Ces dernières années, le modèle des répartiteurs pharmaceutiques rencontre des difficultés : la modification du circuit de distribution des produits de contraste utilisés en radiologie a réduit leurs revenus.
Cet amendement tend donc à modifier légèrement la contribution sur la vente en gros, afin d’abaisser le taux de contribution de la première part pour ne pas les fragiliser davantage.
M. Nicolas Turquois (Dem). La technicité de cet amendement sur des produits de contraste me surprend. Ce niveau de précision semble davantage relever du cadre réglementaire. Pourquoi les produits de contraste, et pas tel autre produit ?
M. le rapporteur général. L’amendement ne porte pas sur les produits de contraste mais sur le taux de contribution de la vente en gros qui pèse sur les répartiteurs pharmaceutiques. Nous l’avions d’ailleurs baissé de 1,75 à 1,5 % pour prendre en compte la fragilisation de leur modèle économique encadré par l’État.
Les produits de contraste ayant été ôtés de leur périmètre de distribution, leur chiffre d’affaires a diminué, ce qui a encore aggravé la fragilité de leur modèle. Je souhaite donc diminuer le taux de la contribution qu’ils acquittent, laquelle ne concerne pas uniquement les produits de contraste.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis opposé cet amendement. Une idée géniale a été inventée : avant, le radiologue fournissait le produit de contraste ; maintenant, il faut aller le chercher à la pharmacie. Cela coûte plus cher, puisque le prix d’achat a bondi.
Il faut revenir au système antérieur, qui évitait au patient d’aller à la pharmacie. Cette règle conçue par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) est incompréhensible.
M. le rapporteur général. L’amendement ne revient pas sur ce point. On a retiré aux grossistes-répartiteurs, qui assurent des missions de service public, une partie des produits qu’ils commercialisaient. Ils s’en trouvent fragilisés ; d’où mon amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS224 de M. Boris Tavernier
M. Boris Tavernier (EcoS). Cet amendement ne plaira probablement pas à M. Arnaud Rousseau, patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles et surtout président du groupe Avril. Il vise en effet à créer une contribution sur les entreprises productrices, importatrices ou distributrices d’hexane.
Ce solvant d’origine pétrolière est largement utilisé par l’industrie agroalimentaire pour l’extraction des huiles végétales. Or l’hexane est une substance préoccupante pour la santé publique et l’environnement. Des études scientifiques établissent clairement ses effets neurotoxiques et potentiellement reprotoxiques. L’exposition, en milieu professionnel ou par l’alimentation, est associée à des lésions nerveuses permanentes ainsi qu’à des corrélations inquiétantes avec des pathologies telles que Parkinson ou Alzheimer.
Ne rigolons pas avec notre santé, qui vaut bien plus que leurs profits. Protégeons notre alimentation. Encourageons les industriels à se passer d’hexane.
M. le rapporteur général. L’usage de l’hexane est strictement encadré, tant en amont que pour les consommateurs, par la directive européenne du 23 avril 2009. Le 13 septembre 2024, l’Autorité européenne de sécurité des aliments n’a relevé aucun problème sanitaire immédiat lié à l’exposition orale à l’hexane. Elle a même conclu à la nécessité de procéder à une réévaluation de la sécurité de l’utilisation de l’hexane, à la lumière de certaines publications récentes.
Une mission a d’ailleurs été lancée par la commission des affaires économiques. Il faut attendre ses conclusions, mais, en l’état, il ne me semble ni justifié sur le plan sanitaire, ni pertinent sur le plan financier d’adopter votre amendement.
M. Boris Tavernier (EcoS). Du pétrole dans notre alimentation ! Le principe de précaution s’impose, car de plus en plus d’études montrent la toxicité de l’hexane. Nous pourrions juste être juste prudents.
M. Jean-François Rousset (EPR). Ce sujet, très important, est nouveau et ancien à la fois. Pendant longtemps, l’on a considéré l’hexane comme neutre et pensé que sa molécule ne pouvait pas évoluer dans le temps. Des études récentes montrent cependant que c’est faux : l’hexane est transformé à l’intérieur de notre organisme et pourrait être à l’origine de maladies neurodégénératives dont on connaît l’incidence dans notre société.
D’autres études montrent qu’il faut rester prudent. Attendre les résultats d’une commission ad hoc est justifié ; aussi je suis contre cet amendement. Mais l’hexane est présent dans de nombreux produits transformés puisqu’il permet d’extraire, par un procédé qui pourrait être délétère, jusqu’au dernier centigramme d’huile végétale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS79 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Ce magnifique amendement est novateur. Il vise à créer un toxi-score destiné à informer les consommateurs sur la dangerosité des produits ménagers et de nettoyage pour la santé humaine et l’environnement. Ce score, inspiré du nutri‑score et de l’éco-score, permettrait d’afficher de manière simple et lisible le niveau de toxicité des produits, grâce à un code couleur ou un symbole apposé sur l’emballage et dans les publicités.
Les produits ménagers sont aujourd’hui l’une des principales sources de pollution de l’air intérieur, dont les effets sanitaires sont désormais bien documentés : irritations, asthme, allergies, troubles endocriniens. Les études de l’Anses le prouvent. Il s’agit donc d’une mesure de bon sens pour préserver la santé de nos concitoyens et de nos concitoyennes.
M. le rapporteur général. Vous soulignez de vrais problèmes. Vous y répondez par une taxe sur la publicité – soit la huitième. Mais la France est sous le coup d’une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne par la Commission européenne en juillet 2025 : en voulant imposer un marquage environnemental français, contradictoire avec les règles européennes, notre État a enfreint les règles du marché intérieur. La mesure proposée renforcerait le risque de condamnation.
Nos citoyens prêtent de plus en plus attention aux produits de nettoyage qu’ils utilisent – nous pouvons tous le constater dans nos entourages. La taxe proposée aurait pour effet de renchérir le prix de ces produits et affecterait les ménages les plus modestes. J’y suis donc défavorable.
Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Nous ne nous posons pas la question du financement du nutri‑score. Nous pouvons en effet réfléchir à celui du toxi-score : j’attends vos propositions de réécriture.
Il est faux de dire que nous savons exactement ce que nous consommons quand nous achetons un produit ménager : nous choisissons soit le moins cher, soit un produit vaguement labellisé bio – peut-être d’ailleurs du greenwashing de l’entreprise –, ce qui ne veut d’ailleurs pas dire que ce produit est bon pour la santé.
Dans une approche de santé environnementale, il faudrait faire l’effort de mieux comprendre les risques et la toxicité de ce que nous consommons, et pas uniquement de ce que nous ingérons. Il faut de la transparence, et nous risquons d’attendre longtemps si nous comptons sur les industriels pour la mettre en place. Il est donc de notre responsabilité de l’assurer sur les produits que nous consommons au quotidien pour protéger les gens.
Nous ne pouvons pas, d’un côté, promouvoir Octobre rose, porter un petit ruban et dire qu’il faut lutter contre le cancer et, de l’autre, ne rien faire et nous retrancher derrière des arguments techniques lorsque nous pouvons prendre des mesures concrètes pour informer les gens et pour lutter contre la toxicité des produits que nous consommons.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). M. le rapporteur général a répondu que cela conduirait à une nouvelle taxe. Or ce n’est pas ce que prévoit l’amendement : il n’y aura de taxe qu’en l’absence de toxi-score.
M. le rapporteur général. Une taxe sera appliquée si un toxi-score n’est pas affiché. Vous voulez utiliser le levier fiscal pour atteindre un objectif de transparence s’agissant du contenu des produits de nettoyage, mais ne pourrait-on pas y parvenir sans utiliser ce levier ? Tout le problème des PLFSS est que le seul moyen de parler de certaines questions est de proposer la création d’une taxe.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS960 de M. Charles de Courson et AS1651 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)
M. Charles de Courson (LIOT). La taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA), est partagée entre les départements, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et l’État. Or vous connaissez l’état désastreux des finances des départements. Comme la Cnaf sera excédentaire de 700 millions d’euros, selon les projections, pourquoi ne pas diminuer la part qui doit lui revenir, pour augmenter celle des départements ? Le Gouvernement a prévu, dans le projet de loi de finances, un fonds de sauvegarde de 300 millions d’euros dont le financement doit s’inscrire à l’intérieur de l’enveloppe de la dotation globale de fonctionnement. La solution que je vous propose pour redonner un peu d’oxygène aux départements me paraît plus raisonnable.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Mon amendement est en quelque sorte de repli par rapport à celui de M. de Courson, dont je partage totalement l’analyse quant aux difficultés des départements. Il est nécessaire de leur apporter un financement complémentaire pour les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), comme l’a montré une mission conduite par M. Dessigny, en 2024, au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Dans la même logique que M. de Courson, je propose d’affecter une part plus importante de la TSCA aux départements, à hauteur de 200 millions d’euros. Je soutiendrai naturellement l’amendement de notre collègue, qui prévoit 700 millions, mais si d’aventure vous ne votiez pas en sa faveur, chers collègues, je ne peux que vous inviter à adopter le mien, car nos départements ont vraiment besoin de moyens supplémentaires.
M. le rapporteur général. Comme vous, je suis très sensible à la question des finances des départements. Nous avons reçu un courrier de Départements de France qui nous alerte sur la situation budgétaire actuelle. C’est peut-être l’échelon, parmi les collectivités locales, qui est le plus en souffrance, puisque les départements n’ont plus aucune autonomie malgré les charges qui pèsent sur eux.
Comment répondre à cette situation ? Vous voulez mobiliser des ressources qui vont aujourd’hui à la sécurité sociale, à hauteur de 900 millions d’euros pour l’amendement de M. de Courson, et de 330 millions – et non 200 millions – pour celui de M. Delautrette. Vous avez déposé ces amendements en faisant abstraction de l’article 12, qui fait basculer cette ressource de la branche famille et, dans une moindre mesure, de la branche autonomie vers la branche vieillesse. C’est donc elle que vous priveriez. Or j’avais cru comprendre que les socialistes voulaient un décalage, une suspension ou une abrogation de la réforme des retraites, ce qui a un coût. Je rappelle par ailleurs que la commission a supprimé, à l’article 7, l’une des solutions proposées pour le financement de cette demande.
D’une manière plus générale, la sécurité sociale a des ressources affectées, et je ne suis pas sûr qu’il faut déshabiller Pierre pour habiller Paul. Je préférerais qu’on traite les problèmes des départements dans le cadre du PLF et que, si je puis permettre, vous laissiez un peu tranquille la sécurité sociale, qui se trouve déjà dans une situation financière un peu compliquée. Alors que son déficit était de 17 milliards d’euros au commencement de nos travaux, nous l’avons déjà alourdi, par nos choix collectifs, de quelques milliards de plus.
Je vous invite plutôt à retirer ces amendements, même si j’entends votre message. Je suis prêt à soutenir les départements avec vous – nous avons ce combat en commun –, mais pas de cette façon.
Mme Anne Bergantz (Dem). Si j’ai bien compris le mécanisme, on prendrait à la branche famille 700 millions d’euros pour les donner aux Sdis – ces crédits iraient donc de la famille aux pompiers. Sans minimiser la question du financement des Sdis, je trouve cette proposition assez saugrenue.
Par ailleurs, la branche famille a effectivement un excédent, mais cela n’a pas toujours été le cas. Soyons donc prudents. S’il y a un excédent, c’est en raison d’une baisse de la natalité. Je ne suis pas certaine qu’on puisse la piloter au moyen de crédits mais il faudrait vraiment mener une réflexion sur l’accompagnement du désir d’enfant, qui a nécessairement une dimension financière. Ce que je comprends, monsieur de Courson, c’est qu’en réalité vous baissez les bras dans ce domaine.
Par ailleurs, prendre 700 millions d’euros à la branche famille reviendrait, comme M. le rapporteur général l’a dit, à creuser d’autant le déficit de la sécurité sociale, donc la dette.
M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le rapporteur général, pourriez-vous préciser le montant transféré de la branche famille à la branche vieillesse ?
M. le rapporteur général. Le total de la TSCA qui va à la sécurité sociale s’élève à 1,2 milliard d’euros – c’est que représente la tuyauterie prévue à l’article 12.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Je peux vous donner une piste pour compenser la baisse de recettes de la branche famille. Nous pourrions faire passer le point de sortie des allégements généraux de cotisations de 3 à 2 Smic, toutes les études démontrant l’inefficacité des allégements au-delà de ce seuil.
M. le rapporteur général. Comme je l’ai précédemment expliqué, j’ai déposé des amendements au PLF pour récupérer les 3,1 milliards d’euros supplémentaires qui seront collectés cette année. J’espère que vous soutiendrez ces amendements, comme Charles de Courson.
M. Charles de Courson (LIOT). Je ne comprends pas votre réponse. L’excédent prévu est de 700 millions d’euros après, et non avant, le transfert dont vous avez parlé. Votre argument ne tient donc pas.
M. le rapporteur général. Je vous invite à consulter l’annexe 3 au PLFSS, qui comporte tous les éléments au sujet du transfert réalisé par l’article 12. Le jeu de tuyauterie conduit vers une branche des ressources qui allaient à une autre. Si nous faisons une ponction au profit des départements, les crédits n’iront pas à la branche prévue.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS701 de Mme Sandra Delannoy
Mme Sandra Delannoy (RN). Cet amendement permettra de renforcer la détection des cumuls frauduleux d’activité, salariée ou indépendante, avec le versement des prestations sociales. Selon un rapport d’information du Sénat publié en 2024 et intitulé « IA, impôt, prestations sociales et lutte contre la fraude », la direction générale des finances publiques (DGFiP) a démontré l’efficacité de l’intelligence artificielle et des croisements de données pour la détection automatisée des anomalies et le recouvrement des sommes indues, alors que les caisses de sécurité sociale hésitent à franchir le cap, au nom de craintes liées à la protection des données personnelles, au respect des droits fondamentaux et à la maîtrise des technologies. Cet amendement ne laissera plus le croisement de données au bon vouloir des agents de l’État, puisqu’il sera rendu automatique, dans un cadre sécurisé et encadré par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), pour les principales branches de la sécurité sociale – unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, Cnaf et Cnam –, afin de prévenir la fraude sans augmenter la charge administrative.
M. le rapporteur général. Votre exposé sommaire ne correspond pas au dispositif de l’amendement. Nous voulons tous lutter contre la fraude. Un projet de loi visant à lutter contre toutes les fraudes, sociales et fiscales, sera ainsi examiné au Sénat à partir du 12 novembre, puis rapidement à l’Assemblée nationale. Ajouter le mot « automatiquement » aux dispositions d’un article qui prévoit déjà des échanges d’informations ne conduira pas, sur le plan opérationnel, à un changement.
Votre amendement est un peu symbolique : sa portée ne correspond pas à vos ambitions. Je vous invite donc à le retirer ; sinon, avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je m’insurge contre l’exposé sommaire. Prétendre que « la DGFiP démontre l’efficacité de l’intelligence artificielle », c’est contredire ses syndicats, unanimes pour affirmer le contraire après avoir réalisé des questionnaires internes.
On a imposé aux inspecteurs de la DGFiP de travailler pour moitié avec l’intelligence artificielle, ce fut une catastrophe. Il est démontré que l’intelligence artificielle n’est pas efficace en matière de contrôle fiscal.
La commission des finances a prévu de mener – quand ? – une mission d’information dont l’intitulé est « Faire des économies grâce à l’intelligence artificielle » – je vous laisse imaginer ce que j’en pense. Laissons-la travailler, avec objectivité j’espère.
On ne peut pas décréter de but en blanc que l’intelligence artificielle a été utile pour lutter contre la fraude fiscale et sociale. Elle a servi de prétexte pour supprimer en masse des postes de fonctionnaires.
Le fonds de dotation des administrations fonctionne comme suit : si elles endossent des suppressions de postes, on leur donne des moyens pour développer l’intelligence artificielle. À l’arrivée, c’est une catastrophe. Quant aux croisements de données, il est essentiel de bien écouter ce qu’en dit la Cnil, qui y est plutôt défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). Quoi que l’on pense de l’intelligence artificielle, nous ne pouvons pas aller à contre-courant de la gestion par algorithmes. Il nous faut donc un outil technologique pour la rationaliser et s’assurer qu’elle demeure un moyen, dans l’attente de véritables outils législatifs qui, dans le cadre d’un projet de loi, la mettront au service de la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Mieux contrôler, c’est valoriser ceux qui respectent les règles.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS329 de Mme Élise Leboucher et AS124 de M. Jérôme Guedj (discussion commune)
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je m’inscris dans la continuité des propos de Mme Gruet : préoccupons-nous de ceux qui fraudent ! Depuis 2024, il est possible de recouvrer la cotisation sociale d’un professionnel de santé frauduleux, mais de façon facultative et partielle. Dans l’espace public et médiatique, les débats sur la fraude se concentrent essentiellement sur les assurés, alors même qu’ils ne représentent que 18 % de son montant, contre 68 % pour les professionnels.
Nous considérons que l’annulation des cotisations sociales prises en charge par l’assurance maladie doit être systématique et entière. C’est le moindre respect que nous devons à la sécurité sociale.
Mme Sandrine Runel (SOC). Je défends l’amendement AS124. Le remboursement des cotisations n’est pas obligatoire. Nous souhaitons que les médecins frauduleux, qui délivrent des arrêts maladie injustifiés, ne respectent pas les obligations de la sécurité sociale et, ce faisant, abîment le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, remboursent véritablement les cotisations sociales.
On oppose souvent la fraude fiscale à la fraude sociale. Dire aux médecins qu’ils doivent être exemplaires, c’est envoyer un signal. Il faut arrêter de toujours matraquer les assurés. Ce ne sont pas eux qui abîment notre sécurité sociale, mais les pratiques frauduleuses.
M. le rapporteur général. La LFSS 2 024 a renforcé le pouvoir de sanction des professionnels de santé coupables de fraude par l’assurance maladie, qui peut désormais récupérer les sommes prises en charge indûment et non plus seulement suspendre la participation aux cotisations. Les amendements, en prévoyant une procédure automatique, ne lui laissent aucune marge de manœuvre. Or, selon la qualification que l’on donne à la désignation de la prise en charge des cotisations, elle peut revêtir ou non le caractère d’une sanction administrative.
Si le premier alinéa de l’article L. 114-17-1-1 du code de la sécurité sociale a été ainsi rédigé – je me souviens des échanges que j’ai eus alors avec Jérôme Guedj –, c’est en vertu du principe constitutionnel d’individualisation des peines, qui s’applique également aux sanctions prononcées par l’administration et place le législateur dans l’impossibilité de prévoir des sanctions automatiques. Adopter des dispositions telles que celles prévues par les amendements faisait courir un risque à tout le dispositif. Celui que court l’amendement de M. Guedj est moindre, mais il comporte quand même une part d’automaticité.
Je n’en souscris pas moins à la nécessité de lutter contre la fraude non seulement des assurés mais aussi des professionnels. Tel est l’objet de l’article 17 du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, que nous étudierons dans quelques semaines.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Sandrine Runel (SOC). Le risque de censure du Conseil constitutionnel ne pèse pas sur l’automaticité du prélèvement sur prestation s’il s’agit de bénéficiaires du RSA. Adoptons notre amendement en dépit de ce risque. Nous verrons ce qu’en dira le Conseil constitutionnel. Nous verrons s’il préfère sanctionner les bénéficiaires du RSA ou les médecins.
Mme Joëlle Mélin (RN). Il est tout à fait clair que tout professionnel de santé qui fraude doit être sanctionné. La lutte contre la fraude est un objectif majeur de nos politiques de protection sociale. Mais, quand bien même les professionnels en seraient responsables à hauteur de 68 % et les assurés à hauteur de 18 %, je vous fais gentiment remarquer que les outils de contrôle interne de toutes les branches sont terriblement défectueux, dixit la Cour des comptes.
Par définition, seuls les professionnels de santé sont contrôlés au plus près. Ni les employeurs indélicats ni les usagers de santé qui se permettent des écarts ne sont contrôlés dans leur totalité. Il faut être très prudent. Nous sommes réservés sur ces amendements.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). La Cour des comptes a été assez claire : la plupart des fraudes sont le fait des professionnels. Si quelqu’un, professionnel ou assuré, enfreint le code de la route, l’amende est la même. De même, si un professionnel de santé est pris en flagrant délit de fraude, il doit intégralement rembourser.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1746 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Cet amendement s’inscrit dans un débat récurrent sur la réalité de la compensation des exonérations de cotisations sociales. Qu’on y soit favorable ou défavorable par principe, certaines exonérations présentent un intérêt. Quoi qu’il en soit, notre commission peut, me semble-t-il, s’accorder sur la nécessité de compenser les pertes de recettes qu’elles induisent pour la sécurité sociale.
La plupart des exonérations ciblées sont compensées par des crédits budgétaires, en application de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, à hauteur de 5,7 milliards d’euros, dont le détail figure à l’article 13 du présent PLFSS. Le montant des exonérations ciblées non compensées représente environ 2,7 milliards, dont 2,3 milliards relatifs à l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires.
Je vous propose, par cet amendement, de faire entrer dans le droit commun de la compensation des exonérations ciblées celles qui ne sont pas compensées. Il s’agit de l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires – 2,3 milliards d’euros –, de l’exonération de cotisations et contributions sociales des stagiaires en milieu professionnel adapté – 121 millions –, de l’exonération applicable au titre des contrats uniques d’insertion et d’accompagnement dans l’emploi – 110 millions – et de l’exonération applicable aux contrats de sécurisation professionnelle – 79 millions. Ces exonérations auraient dû faire l’objet d’une compensation sur les crédits de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux mais elles ont fait l’objet de dispositions expresses de non-compensation, comme le permet notre cadre organique.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous soutenons l’excellent amendement de M. le rapporteur général. Ainsi, il y a des sujets sur lesquels nous progressons, au sein de la commission ! Bien entendu, nous sommes favorables à la compensation des mesures d’allègement fiscal non compensées.
Une fois cet amendement voté, nous n’aurons pas épuisé la question. Sur les 100 milliards d’euros que coûtent les niches, seuls 66 sont compensés. L’abattement de CSG et de contribution pour le remboursement de la dette sociale et le taux réduit de CSG, en particulier, ne sont pas compensés. Sans doute irons-nous plus loin l’année prochaine pour en finir avec les exonérations non compensées !
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS144 de M. Jérôme Guedj et AS236 de Mme Justine Gruet ; amendements AS161 de M. Jérôme Guedj et AS561 de M. Damien Maudet (discussion commune)
M. Sacha Houlié (SOC). Avec l’amendement AS144, il s’agit d’aller dans le sens des dispositions que nous venons d’adopter sur proposition de M. le rapporteur général, en prévoyant que toute mesure de réduction d’exonération de cotisations en vigueur à partir du 1er janvier 2026 est compensée par la suppression d’autres mesures d’exonération de cotisations. Il s’agit en somme de ne pas accroître le volume déjà élevé d’aide publique des entreprises, qui s’élève à 211 milliards d’euros, soit 8,4 % du PIB de notre pays.
Il s’agit, au fond, d’arrêter de vider les caisses en continuant d’exonérer jour après jour de nouvelles cotisations sociales au profit de nouveaux dispositifs. Plusieurs groupes, de sensibilités diverses, ont déposé des amendements en ce sens. J’espère qu’ils bénéficieront de la même unanimité que l’amendement AS1746.
Mme Justine Gruet (DR). Il s’agit d’établir le principe de compensation systématique et intégrale des exonérations de cotisations sociales, en faisant en sorte que tout nouveau dispositif induise la suppression d’un dispositif existant. Nous n’avons plus les moyens financiers d’ajouter des exonérations, ni des taxes d’ailleurs, dans notre pays le plus taxé au monde.
Nous devrions appliquer plus souvent le principe consistant à dépenser non plus mais mieux, et de ne pas toujours taxer plus. Ainsi, nous pourrions mieux valoriser le travail, diminuer nos dépenses sociales et protéger nos concitoyens les plus vulnérables.
Par-delà les exonérations, il nous arrive, dans notre travail de législateur, d’empiler des dispositifs sans en analyser et en évaluer suffisamment la pertinence, ni en supprimer quand nous en créons. Il s’agit de limiter un peu la bureaucratie et surtout de redonner du sens à ce que nous faisons dans notre travail de législateur.
M. Jérôme Guedj (SOC). J’ai vraiment l’impression qu’il y a un consensus, après le vote de l’excellent amendement du rapporteur général Thibault Bazin, pour rappeler le principe de la compensation de toute exonération. Nous plaçons la focale sur les 2,6 milliards d’euros – désormais 2,7 milliards – d’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires qui ne sont pas compensés. Si j’étais taquin, je dirais que, depuis que cette exonération n’est pas compensée, elle a coûté autant aux finances publiques que le déficit de la sécurité sociale.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement AS561 vise à créer un principe de non-prolifération des dispositifs d’exonération de cotisations sociales en prévoyant que chaque nouveau dispositif fasse l’objet de la suppression d’un dispositif existant pour un montant équivalent. En 1993, la sécurité sociale se finançait à 82 % par les cotisations. Aujourd’hui, les cotisations ne représentent plus que 49 % de ses recettes.
La prolifération des exonérations dévoie le modèle assurantiel de la sécurité sociale, initialement construit sur la cotisation des travailleuses et travailleurs afin de couvrir les risques auxquels ils sont exposés. Cette prolifération mène à définancer progressivement et à bas bruit la sécurité sociale.
Le montant total des exonérations a dépassé 90 milliards d’euros en 2024. Nous ne pouvons pas continuer sur ce chemin de fiscalisation de la sécurité sociale. Il convient au moins de plafonner le volume global d’exonérations pesant sur la sécurité sociale en instaurant une règle de compensation de toute nouvelle niche sociale.
M. le rapporteur général. Après avoir défendu l’amendement AS1746, je ne peux pas écarter d’un revers de main l’idée d’une compensation automatique des exonérations de cotisations. J’y ai donc réfléchi.
D’abord, notre cadre organique, que nous avons réformé il y a quelques années, a évolué. Les exonérations de cotisations et contributions sociales votées hors loi de financement sont bornées dans le temps. C’est une avancée pour réguler, sinon limiter, leur prolifération – Jérôme Guedj siégeait déjà dans cette commission lorsque nous avons adopté ce dispositif.
Ensuite, une absence de compensation par le budget de l’État n’est pas toujours synonyme de non-compensation. Certaines exonérations entrant dans le champ d’application des amendements sont compensées par l’affectation de recettes. Depuis deux jours et demi, nos débats ont montré que les idées de recettes pour financer des exonérations de cotisations ne manquent pas.
Ce qui m’inquiète, c’est l’application opérationnelle des dispositions proposées, qui obligent, si l’on crée une exonération pour un secteur particulier, à en supprimer une dans un autre secteur même si elle est toujours justifiée, ce qui serait injuste. Je comprends l’idée qui sous-tend les amendements, mais leur application peut aboutir à l’effet inverse de celui recherché.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Nicolas Turquois (Dem). S’agissant du déroulement de nos débats, je constate que la règle consistant à donner la parole à deux orateurs par amendement, un pour et un contre, a un peu démobilisé nos collègues. Certains quittent la salle, d’autres parlent entre eux, ce qui crée un bruit de fond désagréable. Sur les sujets importants, cette règle crée des frustrations et décourage certains collègues de prendre part aux débats.
Les compensations prévues par les amendements sont trop automatiques. Pourquoi faudrait-il annuler des exonérations pertinentes ? L’amendement du rapporteur général est pertinent, ceux-là ne le sont pas, quand bien même il faut sécuriser nos finances publiques.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Le rapporteur général nous objecte que nous obligeons à supprimer une exonération ici pour en créer une là. La question mérite d’être posée. Outre que les exonérations doivent d’ores et déjà être compensées, l’objectif n’est pas d’en donner à tout le monde. Une exonération, c’est un trou que l’on creuse dans le budget, compensé avec les impôts des Français par la TVA. Elle doit présenter un intérêt stratégique évident.
D’après le rapport du sénateur Fabien Gay, il y a eu 210 milliards d’euros d’aides aux entreprises et d’exonérations de cotisations en 2023. Cela ne laisse pas d’interroger. En 2024, LVMH a perçu des aides à hauteur de 275 millions d’euros, dont 197 millions sont des exonérations de cotisations, et réalisé 15 milliards de bénéfices. Avait-il besoin de ces 197 millions d’exonérations de cotisations sociales ? Je n’en suis pas sûr. Il est donc possible de réduire les exonérations pour en augmenter d’autres, car elles pourraient l’être dans de nombreux secteurs, auxquels elles ne sont pas absolument nécessaires.
M. le rapporteur général. Il faut mettre un terme à la non-compensation des exonérations. Tel est le sens de l’amendement que j’ai défendu, qui s’inscrit dans l’esprit de la loi Veil de 1994.
La limite du raisonnement qui sous-tend les amendements que nous examinons est qu’il ne tient pas compte de la dynamique des exonérations. Il faudrait par exemple, pour créer une exonération qui coûte 100 millions d’euros, en supprimer une autre au coût identique l’année considérée mais différent trois ans plus tard.
L’impact des exonérations, à la hausse et à la baisse, varie selon les secteurs et l’activité. Il faut s’inscrire dans une logique dynamique tenant compte de la vie des dispositifs.
La commission rejette les amendements identiques AS144 et AS236.
Puis elle adopte l’amendement AS161.
En conséquence, l’amendement AS561 tombe.
Amendements identiques AS36 de Mme Sylvie Bonnet et AS1711 de M. Stéphane Delautrette
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement AS36 vise à faire en sorte que l’État partage à égalité avec les départements la charge de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), afin de garantir la cohérence et la pérennité du financement de la perte d’autonomie et du handicap. Le constat, nous le connaissons tous : les montants de PCH et d’APA versés par les départements ont fortement augmenté, en raison notamment de la hausse du nombre de bénéficiaires.
L’accroissement de la charge des départements résulte de facteurs dont ils n’ont pas la maîtrise et relèvent de ce fait de la solidarité nationale, au premier rang desquels le vieillissement de la population. Les données dont nous disposons sont suffisamment documentées pour que nous ne doutions pas que les dépenses liées à l’APA augmenteront. Quant à l’explosion du coût de la PCH, il est dû au vieillissement des personnes en situation de handicap et à l’extension des droits, les maladies mentales ayant été incluses dans le champ du handicap.
À l’aune de ce constat, il est nécessaire de rééquilibrer la participation de l’État à égalité avec les départements.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Les départements jouent un rôle primordial en matière d’action sociale et assurent les versements afférents, dans leur grande diversité. Pour diverses raisons, notamment l’évolution des critères d’éligibilité, le nombre de bénéficiaires n’a cessé d’augmenter. Tout cela a le plus souvent été décidé par l’État sans progression de sa compensation au titre de la conduite de ces politiques, qui relèvent de la solidarité nationale, ce qui place les départements en difficulté.
Mon amendement vise à faire en sorte que l’État contribue à hauteur de 50 % de la dépense engagée par les départements pour les politiques du handicap et du vieillissement. Je ne peux que vous inviter à les soutenir. Par anticipation de ce que dira peut-être M. Bazin, je rappelle qu’il n’y a rien de plus normal à financer les politiques sociales avec l’argent collecté pour le social.
M. le rapporteur général. Je rejoins votre préoccupation pour les départements, qui sont en première ligne. Toutefois, votre proposition de prélever une fraction de la CSG dont bénéficie actuellement la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) causerait le déficit de la branche autonomie. De fait, cela induirait un transfert d’environ 630 millions d’euros en 2026 et de 1,4 milliard d’ici à 2027.
Je vous rejoins concernant l’enjeu du financement à parité de la compensation. Oui, il faut que l’État contribue mieux, mais pas en retirant des fonds à la CNSA. Celle-ci en a besoin, justement pour aider financièrement les départements !
C’est l’une des frustrations de notre débat : la compensation des prestations versées par les collectivités locales relève du PLF et non du PLFSS. Je vous demande donc de retirer vos amendements, afin de ne pas fragiliser la CNSA, qui a de grands défis devant elle.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Très bien, évoquons donc le PLF. La suppression de diverses ressources fiscales des départements a été compensée par le versement d’une fraction de la TVA. Les promoteurs de cette réforme l’ont vendue en expliquant que les départements bénéficieraient du dynamisme de cette taxe – ils n’en bénéficieront finalement pas, car le PLF prévoit un écrêtement de leurs recettes de TVA.
C’est absurde. On finance des politiques sociales par la TVA, alors que tout le monde mesure que c’est l’impôt le plus injuste. Il serait plus cohérent que les budgets sociaux financent les politiques sociales et que les autres politiques territoriales soient financées par d’autres ressources.
Mme Josiane Corneloup (DR). J’entends que la question pourra être abordée dans le PLF, mais je me demande comment les départements pourront assumer leurs charges financières dans les mois et années qui viennent.
Mme Joëlle Mélin (RN). Alors que nous comptions nous abstenir, cette discussion nous pousse à voter contre ces amendements.
La cinquième branche – celle de l’autonomie – est inaboutie. Faute d’avoir prévu un financement ad hoc, nous sommes contraints à des transferts entre le budget de l’État, celui de la sécurité sociale et celui des collectivités territoriales, alors que ces trois budgets reposent chacun sur une philosophie et des prélèvements différents. En outre, la Cour des comptes nous rappelle que la cinquième branche ne dispose d’aucun outil technique de contrôle interne.
Je comprends que les départements sont à l’os, mais peut-être y a-t-il d’autres postes de dépenses à limiter dans leur budget. Je comprends qu’on veuille les aider, mais pas de cette manière. La porosité entre les trois budgets est une mauvaise chose.
Mme Justine Gruet (DR). Alors que les députés doivent respecter l’article 40 de la Constitution, qui impose de compenser toute création d’une charge publique, l’État, lui, n’a pas à compenser les nouvelles charges qu’il impose aux collectivités. Il devrait pourtant y être obligé.
Il importe de décloisonner les cinq branches. Actuellement, celles-ci ne fonctionnent absolument pas de la même manière. Alors qu’un dépassement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ne pose aucun problème, la prise en charge de la dépendance est limitée par le manque de financements.
La commission rejette les amendements.
Amendements AS1315 et AS1335 de M. Karim Ben Cheikh (discussion commune)
M. Hendrik Davi (EcoS). Ces amendements visent à transférer une partie de la fraction de la CSG sur les revenus du patrimoine affectée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) à la Caisse des Français de l’étranger (CFE), pour donner à celle-ci les moyens d’assurer durablement sa mission de service public. L’amendement AS1335 prévoit un transfert moindre que l’AS1315 car c’est un amendement de repli.
Actuellement, la CFE, qui a le même statut que les caisses primaires d’assurance maladie, est intégralement financée par les Français de l’étranger. Elle ne reçoit aucun soutien de l’État, ni aucune taxe affectée, alors même que les Français de l’étranger contribuent à la CSG sur leurs revenus de source française et participent donc au financement de la solidarité nationale. C’est une rupture d’équité flagrante.
Comme toute caisse de sécurité sociale, la CFE a une obligation d’accueil universel, sans sélection médicale ni limite d’âge, ce qui fragilise son équilibre financier. Elle demeure le seul lien de sécurité sociale pour nos compatriotes établis hors de France.
Le transfert de CSG proposé dans ces amendements transpartisans garantirait un financement pérenne à la CFE. À défaut de soutien de soutien financier, cette caisse de sécurité sociale pourrait disparaître dans les trois à cinq ans, selon les alertes notamment lancées par l’Inspection générale des affaires sociales,.
M. le rapporteur général. M. Ben Cheikh avait déjà déposé de tels amendements l’an dernier. Mon prédécesseur l’avait appelé à attendre les conclusions des assises de la protection sociale des Français de l’étranger. Ces assises ont rendu leurs conclusions il y a une dizaine de jours. La ministre déléguée chargée des Français de l’étranger les analyse. J’ai hâte de connaître le retour de l’exécutif, pour apporter une réponse au problème que vous soulevez.
En attendant, la réponse que vous apportez avec cet amendement n’est pas adaptée, car elle réduirait les ressources de la Cades de plusieurs dizaines de millions d’euros. Or la Cades sert à rembourser notre dette sociale. Nous ne devons surtout pas réduire nos capacités de remboursement, sinon, emprunter nous coûtera plus cher. Je vous invite à relancer la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger et à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Comment pourrait-on priver la Cades de ressources, alors qu’à plusieurs reprises, nous avons dû chercher des financements pour lui permettre de faire face au remboursement de la dette ? Ces amendements ne tournent pas.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS202 de M. Jérôme Guedj et sous-amendement AS1757 de M. Thibault Bazin
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur général. Cet amendement vise à augmenter la majoration de cotisations sociales pour les employeurs qui se sont soustraits intentionnellement à leur obligation de déclaration d’un travail salarié – en la matière, le caractère intentionnel importe, car il permet d’écarter les employeurs de bonne foi.
Cette proposition mesurée renforcerait la lutte contre le travail dissimulé. J’y suis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement de coordination. La France insoumise nous accuse d’être forts avec les faibles, mais ici, nous sommes durs avec les forts. J’essaie d’être le plus juste possible dans mes avis, au service du bien commun.
Mme Annie Vidal (EPR). Nous souscrivons à la philosophie de cet amendement, mais pour que nous le votions, il faudrait modifier son exposé sommaire, car celui-ci attaque les « macronistes ». Même si cela n’a pas d’incidence sur le plan législatif, nous ne pouvons pas laisser écrire n’importe quoi.
M. le rapporteur général. Je ne peux pas sous-amender l’exposé sommaire.
Mme Sandrine Runel (SOC). Si les socialistes devaient s’abstenir chaque fois qu’un exposé sommaire les insulte... Nous modifierons toutefois l’exposé sommaire de cet amendement pour sa présentation en séance publique, car nous sommes constructifs !
Monsieur le rapporteur général, nous sommes favorables à votre sous-amendement de coordination.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous‑amendé.
Amendement AS201 de M. Jérôme Guedj
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur général. C’est bien de redresser les entreprises ; c’est encore mieux de recouvrer les sommes redressées. Or cet amendement risque d’empêcher leur recouvrement.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS335 de M. Damien Maudet et AS338 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Ces deux amendements visent à augmenter les majorations de redressement en cas de récidive de travail dissimulé, dans les cinq années suivant la notification de la première infraction.
Monsieur le rapporteur général, je compte que vous les soutiendrez, car vous expliquiez tout à l’heure que les employeurs qui se soustraient intentionnellement et de manière répétée à leurs obligations doivent être sanctionnés. Il faut augmenter les sanctions pour fraude aux cotisations patronales.
M. le rapporteur général. Chers collègues de La France insoumise, je vous écoute toujours très attentivement, même si je suis souvent en désaccord avec vous. Ici, vous allez trop loin.
Pour lutter contre la fraude, le Haut Conseil du financement de la protection sociale recommande de mettre davantage l’accent sur la prévention des risques et de limiter l’accumulation de normes. En effet, lorsqu’elles sont mal construites ou trop permissives, les normes peuvent être « fraudogènes » selon l’expression du Haut Conseil. Paradoxalement, ainsi, vos propositions permettraient aux employeurs fraudeurs de continuer à bénéficier d’exonérations de cotisations sociales.
Selon moi, il faut favoriser les échanges d’information entre les administrations concernant les fraudes – nous avons déjà beaucoup légiféré en la matière et nous examinerons bientôt le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
Vous demandez une majoration très importante. Commençons déjà par recouvrer les sommes dues et par procéder aux majorations prévues.
Avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il est normal que les sanctions soient majorées pour les fraudeurs qui récidivent dans les cinq ans : c’est une question de principe. Je ne veux pas qu’ils fraudent une troisième fois ! Cet amendement entre totalement dans la philosophie de l’amendement AS202 de M. Guedj, que vous venez de soutenir. Je ne comprends pas votre avis défavorable.
M. le rapporteur général. L’amendement de M. Guedj était plus équilibré. Il nous permet déjà de porter de 25 % à 35 % le taux de majoration des cotisations sociales en cas de travail dissimulé, et de 40 % à 50 % le même taux en cas de travail dissimulé d’une personne mineure. Peut-être faudrait-il une majoration en cas de récidive, mais le doublement que vous proposez me semble disproportionné.
La commission adopte l’amendement AS335.
En conséquence, l’amendement AS338 tombe.
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8. Réunion du mercredi 29 octobre 2025 à 15 heures (après l’article 12 [suite] à après l’article 21)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
Amendement AS367 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement de coconstruction : il a été adopté en 2023 et en 2025 au Sénat lors de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais dégagé ensuite par le 49.3.
Depuis un peu plus de dix ans sont créées des entreprises éphémères, notamment des autoentreprises, dont le seul but est de monter des fraudes aux cotisations sociales. Malheureusement, l’arsenal législatif qui nous permet de lutter contre ce phénomène n’est pas suffisamment développé, d’où cette proposition.
Le Premier ministre s’est engagé à ne pas utiliser le 49.3 cette fois-ci. Dans le souci de travailler avec les territoires et leurs représentants, nous plaidons pour l’adoption de cet amendement.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Je suis d’accord avec vous sur la nécessité de lutter contre les entreprises éphémères, un véritable fléau sur lequel les dispositions existantes ne vont pas assez loin.
L’article 21 du projet de loi de lutte contre les fraudes sociales et fiscales prévoit une adaptation de la procédure de flagrance sociale, afin que le directeur de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) puisse prendre des mesures conservatoires, et la suppression du caractère suspensif de l’opposition à contrainte en cas de redressement pour travail dissimulé. Si nous l’adoptions ici, nous prendrions le risque que la mesure n’aboutisse pas, car elle ne relève pas du champ d’une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).
Je vous propose donc de retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je suppose que vous craignez une censure par le Conseil constitutionnel, mais ce ne serait pas la première : tentons ! Nous maintenons cet amendement, validé par le Sénat, et qui rend plus opérant le dispositif de l’article.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS526 de Mme Ségolène Amiot et AS532 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends les deux amendements.
Nous vous proposons de rendre impossible le pillage de l’Unedic par décision gouvernementale. En effet, depuis plusieurs années, les gouvernements ponctionnent régulièrement dans ses caisses pour payer par exemple France Travail.
Ce fardeau coûte extrêmement cher, alors même que l’Unedic a pour vocation de payer les allocations des personnes privées d’emploi. À l’heure où se multiplient les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), en réalité des plans de sacrifice de l’emploi, il est primordial de maintenir les fonds de l’Unedic pour pouvoir payer les futurs chômeurs.
M. le rapporteur général. Si les caisses de l’Unedic sont excédentaires ces dernières années, il faut être prudent pour les années à venir, car sa dette s’alourdit.
Mais cette ponction est utilisée pour le financement des politiques de l’emploi et de formation. Le meilleur moyen d’améliorer la situation financière de l’Unedic est d’augmenter le taux d’emploi. Je suis donc opposé au premier amendement.
Le second a déjà été adopté, avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel, car il ne relève pas d’une loi de financement de la sécurité sociale. Je vous invite donc à le retirer, sans quoi j’émets un avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il est un peu facile de dire qu’à terme, cette ponction pourrait profiter à l’emploi. Il y a aussi un décalage : vous dites en même temps que l’Unedic est excédentaire et que sa dette s’alourdit.
Et surtout, un excédent n’oblige pas à aller piquer dans la caisse. Il peut au contraire servir pour les années suivantes, en particulier lorsqu’on nous annonce encore plusieurs centaines de PSE à venir : on sait que plusieurs milliers voire centaines de milliers de salariés – d’ArcelorMittal, de General Electric, de Vencorex ou de Michelin par exemple – se retrouveront sur le carreau dans les mois à venir. Ils auront besoin qu’il y ait de l’argent dans la caisse de l’Unedic.
La commission adopte l’amendement AS526.
En conséquence, l’amendement AS532 tombe.
Amendement AS575 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement porte sur l’Agirc-Arrco. Le fonctionnement de ce régime, et notamment son système à points, pourrait être discuté. Mais l’urgence est ici le risque de ponction arbitraire dans ses caisses par le Gouvernement.
Nous refusons le passage en force du Gouvernement sur la convention qui lie la puissance publique à l’Agirc-Arrco. Nous proposons donc de supprimer les dispositions de ce PLFSS qui permettraient un tel transfert de fonds.
M. le rapporteur général. Je faisais partie de ceux qui avaient combattu les ponctions injustifiées de l’Agirc-Arrco. Mais vous ne dites pas tout : ceux qui relevaient des régimes spéciaux jusqu’à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale de 2023 vont être intégrés au régime général et la démographie de l’Agirc-Arrco sera donc favorable.
Il semble donc normal que le régime général contribue à couvrir les régimes spéciaux en extinction. La question concerne le montant de cette contribution. La Caisse nationale d’assurance vieillesse et l’Agirc-Arrco ont signé une convention permettant de fixer cette contribution des régimes de retraite complémentaire à l’équilibre des régimes spéciaux mis en extinction par la réforme des retraites de 2023.
Vous voilà rassuré. Je vous invite à retirer votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS361de Mme Élise Leboucher
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement vise à rendre impossible le report de paiement de cotisations par les employeurs coupables de fraude aux cotisations sociales.
Le droit actuel permet à des employeurs fraudeurs aux cotisations sociales de retarder le paiement de ces cotisations fraudées, après la notification de leur redressement par l’Urssaf. En effet, la contestation par recours contentieux d’une notification permet aujourd’hui la réception d’une attestation de paiement des cotisations. Par cette voie de recours, les entreprises peuvent continuer à frauder.
Cet amendement est donc un moyen de mettre fin aux fraudes en cours.
M. le rapporteur général. Il s’agit là de travail dissimulé et le cas est déjà traité. Votre proposition va trop loin. Il me semble normal que lorsqu’un employeur, possiblement un autoentrepreneur, conteste par voie contentieuse le montant des cotisations qui lui sont demandées par l’Urssaf, il puisse bénéficier de la présomption d’innocence.
Les Urssaf peuvent aussi faire des erreurs, et empêcher les personnes concernées d’obtenir des contrats en leur refusant la délivrance d’une attestation de vigilance me semble être une erreur. Il faut certes lutter contre la fraude, mais en se focalisant sur la fraude à enjeu, pas sur les entrepreneurs de bonne foi. Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). On permet à des personnes qui ont déjà été sanctionnées, redressés par l’Urssaf, de poursuivre leurs méfaits. Il n’y a aucun moyen de les en empêcher si l’on continue à délivrer cette attestation.
Je vous invite à regarder de près ce mécanisme très technique, car nous devons trouver une solution pour empêcher que la fraude se perpétue avec le blanc-seing de l’Urssaf – elle délivre cette attestation de paiement alors même que le document précédent concerne un redressement à cause d’une fraude.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AS371 de Mme Ségolène Amiot et AS1748 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’un des deux amendements sera adopté, mais il existe un désaccord entre notre groupe et le rapporteur général. Une réforme sur le recouvrement des cotisations, notamment pour les autoentrepreneurs, fixait un seuil de sanction à 7 500 euros pour les plateformes comme pour les gens qui travaillent pour elles. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut mettre fin à cette uniformité.
M. Bazin propose de diviser par deux la sanction pour les travailleurs et de multiplier par deux celle appliquée aux plateformes. Mais les plateformes n’ont pas un revenu deux fois plus élevé que les travailleurs ! Le revenu moyen d’un travailleur des plateformes est de 590 euros. En 2022, le chiffre d’affaires déclaré de Deliveroo s’élevait à 320 millions d’euros. Le différentiel proposé par le rapporteur n’est donc pas le bon.
C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement AS371, une autre répartition : 75 euros pour les travailleurs et 750 000 euros pour les plateformes, soit un niveau plus équilibré que celui que propose l’amendement de M. le rapporteur général.
M. le rapporteur général. Ma proposition va pourtant dans le même sens ; j’espérais même vous satisfaire. Proposer la même sanction est surprenant, en effet, alors que les plateformes ont en effet des moyens plus importants. Mais votre raisonnement comporte une limite : la sanction pour la plateforme n’est pas de 15 000 euros – dans ma proposition – en tout et pour tout, mais de 15 000 euros par travailleur. La sanction peut donc être multipliée par trois, par dix...
J’ajoute que cette sanction s’applique en cas de non-transmission des éléments permettant l’identification des travailleurs des plateformes. Elle n’est donc pas exclusive de la sanction déjà prévue pour la plateforme en cas de méconnaissance de l’obligation de précompte, qui peut s’élever jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires. La plateforme subit donc aussi une autre sanction.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je me fais peu d’illusions quant à l’avenir de notre amendement. Cependant, je soulignerai que, pour une plateforme, 15 000 euros multipliés par 3, 4 ou 5 sont une somme supportable. Pour un travailleur des plateformes, 3 250 euros ruinent une vie. Je trouve donc votre amendement violent pour le travailleur, mais pas suffisamment pour la plateforme.
Je propose un compromis : garder la sanction de 15 000 euros que vous proposez pour les plateformes – même si nous redéposerons notre amendement pour tenter d’obtenir une somme supérieure – et baisser la limite de 3 250 euros pour les travailleurs, une somme considérable pour des gens dont le revenu moyen est de 590 euros.
Votre amendement ne relevant donc pas vraiment de notre conception de la justice, j’appelle donc à voter le nôtre. J’aimerais cependant connaître votre avis sur ma proposition.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les travailleurs des plateformes sont en quasi‑totalité des autoentrepreneurs dont les revenus mensuels sont bien inférieurs au smic. Parmi eux, les véhicules de transport avec chauffeur sont parmi ceux qui ont les plus hauts revenus – c’est dire à quel point les autres, livreurs à vélo ou agentes de nettoyage, gagnent peu. Le montant de 3 250 euros que vous proposez est donc terrifiant et extrêmement lourd, car un travailleur des plateformes ne se remet pas d’une telle somme en une année.
En revanche, les plateformes brassent énormément d’argent sans aucune responsabilité, puisqu’elles prétendent n’être qu’un moyen de mise en relation pour des services. La transposition dans le droit français de la directive européenne « présomption de salariat » balayera bientôt cela.
Mais le ratio proposé par le rapporteur général, 3 250 contre 15 000 euros, n’est pas à la hauteur du décalage complet entre un livreur à vélo et Deliveroo. Nous préférons l’amendement de Mme Amiot ; mais il faut vraiment changer la règle actuelle.
M. le rapporteur général. Lisant tous vos amendements, je trouvais en effet l’asymétrie non pertinente, d’où la baisse proposée pour le travailleur et l’augmentation pour la plateforme. Les sanctions inscrites dans la loi sont un maximum : la sanction peut donc être inférieure aux fameux 3 250 euros, elle dépend des éléments constatés.
De plus, la sanction pour la plateforme s’applique pour chaque travailleur ; or vous proposez ici 750 000 euros par travailleur. Si la plateforme en a cent, votre sanction me semble disproportionnée. Une comparaison des deux chiffres ne fonctionne donc pas, car il faut le multiplier par le nombre de travailleurs pour la plateforme. C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Pour des personnes dont le revenu est souvent inférieur à 590 euros et même s’il ne s’appliquait qu’à une seule personne, un maximum de 3 250 euros reste trop élevé. Pourriez-vous retravailler l’amendement en baissant le seuil pour le travailleur ? Nous sommes prêts à rediscuter les 75 euros que nous proposons.
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous nous opposons à l’amendement de Mme Amiot. Nous pouvons entendre que le montant peut être considéré comme disproportionné pour un autoentrepreneur, mais pas le poncif répété à l’envi l’année dernière, celui du gentil fraudeur qui, le pauvre, ne pourrait pas payer une éventuelle sanction.
Les sommes sont quant à elles arbitraires et nous en laissons la responsabilité aux auteurs des amendements.
M. le rapporteur général. Quelle que soit la teneur des amendements que nous adoptons ici, nous repartirons en séance du texte initial – heureusement d’ailleurs, vu la teneur de certains amendements. Nous pouvons donc nous prononcer maintenant et faire d’autres propositions pour la séance.
Je vous alerte simplement sur cette disproportion, après avoir relevé dans votre amendement la partie qui me semblait pertinente.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Si les travailleurs étaient des salariés, ce précompte n’existerait pas. En droit du travail, quelle est l’assise de cette réforme qui oblige les plateformes à faire un précompte de cotisations sociales ? Car soit les travailleurs sont des salariés et les plateformes des employeurs, et elles payent leurs cotisations, soit ils sont des indépendants, et il ne doit pas y avoir de précompte.
M. le rapporteur général. Il s’agissait de leur créer des droits.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il s’agit donc bien de ce tiers statut complètement fumeux qui sautera dans un an avec la transposition de la directive, et auquel nous sommes fermement opposés.
La commission rejette l’amendement AS371.
Puis elle adopte l’amendement AS1748.
Amendement de suppression AS321 de M. Damien Maudet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet article approuve 5,7 milliards d’euros de compensation d’exonération de cotisations sociales. Or la multiplication des dispositifs d’exonérations de cotisations et de contributions sociales vise à définancer progressivement la sécurité sociale.
Le montant total de ces exonérations atteint 88,5 milliards d’euros en 2025. En 2024, la sous-compensation des allégements généraux représentait 5,5 milliards de pertes de recettes. Cette politique d’abaissement du prix du travail ne produit aucun effet sur l’emploi ; elle ne fait que nourrir les profits et incite les entreprises à maintenir les bas salaires.
La multiplication des exonérations a provoqué une fiscalisation avancée de la sécurité sociale, qui tire désormais moins de la moitié de ses recettes des cotisations sociales. Cet énorme gâchis se paie sur le dos des malades. Nous rejetons d’un bloc cette logique et appelons à reconquérir la valeur produite et à fixer les niveaux des cotisations de telle sorte que les recettes permettent de satisfaire l’ensemble des besoins de la sécurité sociale.
Dans une telle situation, les compensations n’auraient plus lieu d’être. Pour toutes ces raisons, nous appelons par l’amendement AS321 à la suppression de cet article.
M. le rapporteur général. Les allégements généraux, sur lesquels je vous ai répondu lors de la discussion de l’article 12, ne sont pas l’objet de cet article, qui concerne les exonérations ciblées. J’ai déposé un amendement à l’article 40 du projet de loi de finances (PLF) afin que nous puissions récupérer les sommes liées à la réforme des allégements généraux, notamment les 3,1 milliards d’euros espérés l’année prochaine.
Il est paradoxal de vouloir supprimer cet article sur les exonérations ciblées, car cela irait à l’encontre de l’objectif de compensation des exonérations de cotisations sociales.
Avis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). Nous sommes contre cet amendement : ce que vous proposez, c’est de supprimer 5,7 milliards d’euros de compensation d’exonérations ; cela priverait la sécurité sociale de cette somme.
M. Jérôme Guedj (SOC). J’ai une question sur la cohérence de cet article avec les votes précédents. Il prévoit en effet une baisse de 700 millions d’euros de la compensation « pour tenir compte des mesures contenues dans le présent projet de loi en vue de réaliser des économies ».
Or ces économies concernent, notamment, je crois, les exonérations au titre de la loi pour l’ouverture et le développement économique de l’outre-mer. Le tableau est-il à jour par rapport aux votes précédents, puisque nous avons refusé des mesures d’économie qui donnaient lieu à compensation ?
M. le rapporteur général. Les tableaux du projet de loi initial n’ont évidemment pas changé, puisque les votes réalisés ces trois derniers jours ne modifient pas automatiquement le projet de loi de financement de la sécurité sociale initial.
Après trois lectures, le Gouvernement met à jour les tableaux avec tous les calculs, ce qui permet d’articuler le PLF et le PLFSS.
Cet article aborde le principe même de la compensation des exonérations ciblées. Elles évolueront dans un sens ou dans un autre, en fonction de l’arbitrage de l’Assemblée nationale, mais je pense qu’il ne faut pas supprimer cet article.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 13.
Amendement AS1499 de Mme Joëlle Mélin
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous souhaitons la suppression de cet article, tout comme nous avons soutenu la suppression des premiers articles de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’ai employé de terme d’insincérité, repris ensuite par différentes personnes. Il avait déjà été employé par M. Moscovici lorsqu’il était venu présenter les rapports de la Cour des comptes.
C’est pourquoi, comme les années précédentes, nous demandons la suppression de ces comptes et de cet équilibre qui, pour nous, n’en est pas un.
M. le rapporteur général. Comme les années précédentes, vous proposez la suppression d’un article pourtant obligatoire dans une loi de financement de la sécurité sociale. En tant que rapporteur général, je ne peux que rappeler le cadre organique et tendre à le respecter. J’émets donc un avis défavorable.
Je réponds à la question de Jérôme Guedj pour éclairer notre commission avant même d’envisager la partie relative aux dépenses. Certains voudront en effet revenir notamment sur le gel de certaines prestations de retraite, qui représentent plus de 3 milliards d’euros.
Dans la partie relative aux recettes, un calcul rapide montre que nous avons dégradé le déficit prévisionnel, passé de près de 17 milliards d’euros initialement à plus de 19 milliards maintenant, avant même d’envisager ce que nous comptons faire dans la partie dépenses. Je tenais à vous alerter sur cette dégradation du solde global.
Mme Annie Vidal (EPR). Cet article obligatoire nous fournit les tableaux d’équilibre à un instant T. Nous arrivons bientôt à la fin de la discussion de la partie recettes, qu’il serait bien de pouvoir voter pour poursuivre l’examen du texte et parler aussi des dépenses.
Mais je ne vois pas comment nous pourrions voter la deuxième partie sans les articles obligatoires et sans l’affichage des tableaux d’équilibre. Je suis opposée à la suppression de cet article absolument indispensable, même s’il méritera d’être corrigé à l’issue de nos discussions.
M. le rapporteur général. Pour clarifier le processus, nous allons nous prononcer sur cet article, puis sur l’ensemble de la partie relative aux recettes. Mais même si nous rejetions cette partie, nous continuerions à discuter de la partie dépenses : vous n’êtes pas en week-end...
Mme Justine Gruet (DR). Il y a eu une lettre rectificative : ce tableau tient‑il compte de la suspension de la réforme des retraites dans les dépenses supplémentaires de la branche vieillesse ?
M. le rapporteur général. La lettre rectificative est comme un nouveau PLFSS. Les tableaux d’équilibre ont bien été mis à jour.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1548 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Cet amendement résume les nouvelles recettes proposées par le groupe Écologiste et social pour ce PLFSS, dans l’esprit du programme politique partagé du Nouveau Front populaire. Il rappelle que nous proposions 21,75 milliards d’euros pour réduire le déficit, financer durablement les hôpitaux et abroger la réforme des retraites dès 2026.
À la différence de celles du Gouvernement, nos propositions ne touchent ni les plus modestes ni les classes moyennes. Elles visent ceux qui profitent sans contrepartie : les entreprises qui bénéficient de près de 211 milliards d’euros d’aides publiques non conditionnées, les entreprises pharmaceutiques financiarisées, les hauts patrimoines et les producteurs et marchands de biens nocifs pour la santé ou l’environnement.
Il s’agit donc d’un amendement symbolique, qui résume notre contre-proposition et qui met en valeur ce que serait un budget de la sécurité sociale si la gauche et les écologistes étaient au pouvoir, ce qui ne saurait tarder.
M. le rapporteur général. Comme il est symbolique, le maintenez-vous ?
M. Hendrik Davi (EcoS). Oui. De toute façon, ces tableaux seront tous changés : celui que vous allez voter est tout aussi symbolique.
M. le rapporteur général. Ce qui n’est pas symbolique, c’est que si vous étiez au pouvoir et que nous avions adopté tous vos amendements, nous aurions 21,75 milliards de cotisations en plus ! Comme ce n’est heureusement pas le cas, il me semble incohérent de modifier le tableau.
M. Hendrik Davi (EcoS). Notez bien que, si nous n’avons pas été jusqu’aux 22 milliards d’euros, nous avons cependant cheminé, puisque vous avez adopté une augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) – de 1 point certes, et non de 2,8 points –, et que nous avons adopté des amendements sur les taxes comportementales.
M. le président Frédéric Valletoux. Le compromis est un long chemin.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1500 de M. Guillaume Florquin
M. Guillaume Florquin (RN). Cet amendement vise à revaloriser le congé du proche aidant en indexant l’indemnisation sur les revenus de l’aidant, avec une couverture à 100 % des pertes salariales au niveau du smic, à 80 % jusqu’au salaire médian, puis à 50 % au‑delà, et à créer une indemnité spécifique de 300 euros mensuels pour toute personne faisant le choix de vivre au domicile d’un proche dépendant ou de l’accueillir chez elle pour se consacrer pleinement à son accompagnement. Il s’agit de l’une des mesures fortes du programme de Marine Le Pen.
M. le rapporteur général. Vous évoquez un sujet qui me tient à cœur, celui des proches aidants. Pour autant, je ne comprends pas cet amendement : vous vouliez supprimer l’article, et vous proposez ensuite cette modification.
De plus, vous vous êtes également opposés à l’article 12, qui traitait justement des transferts financiers pour intervenir au niveau de la branche autonomie et couvrir les dépenses que vous proposez.
Par souci de cohérence, si vous voulez vraiment avancer sur le sujet des proches aidants, il faut donner des moyens à la branche autonomie. J’invite donc votre groupe à ne pas déposer d’amendement de suppression de l’article 12.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1503 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). On demande régulièrement comment le Rassemblement national finance les dépenses. La réponse se trouve dans le contre-budget présenté par Jean-Philippe Tanguy, qui trouve 36 milliards d’euros d’économies, tant en réductions de dépenses qu’en nouvelles recettes.
En particulier, nous déposons chaque année des amendements sur le problème récurrent qu’est la suradministration de la santé, à la fois au niveau de l’État central, de l’État déconcentré – ou faussement déconcentré, avec les agences régionales de santé (ARS) – et des établissements de santé eux-mêmes. Notre amendement vise ainsi à réduire de 10 % le nombre de postes administratifs, afin de recentrer les ressources humaines et financières sur le cœur de mission des hôpitaux : le soin aux patients.
M. le rapporteur général. Je ne comprends pas bien où veut aller Jean-Philippe Tanguy : pour réduire de 10 % le nombre de postes administratifs dans les hôpitaux, il faudrait commencer par définir ce qu’est un poste administratif. Une secrétaire médicale, par exemple, a-t-elle un poste administratif ? Vous parlez de 300 millions d’euros : je suis vraiment preneur de vos hypothèses de calcul.
En tout cas, le dernier rapport de la Cour des comptes sur le personnel non soignant ne recoupe pas le périmètre de votre amendement. Qu’il y ait des marges d’efficience dans les fonctions support à l’hôpital et un besoin de rationalisation et de mutualisation, cela ne fait pas de doute. Mais un coup de rabot d’un montant fixé de façon hasardeuse ne contribuera pas à améliorer la situation.
Avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes là pour vous expliquer les mesures de notre contre-budget que vous ne comprenez pas.
Le personnel administratif des hôpitaux a augmenté de 150 % en vingt ans. Y a-t-il eu en parallèle une amélioration significative de la qualité et de la proximité dans les services publics concrètement rendus aux patients ? Je n’en suis pas sûr, pas en tout cas à hauteur d’une augmentation de 150 %, si on pouvait la quantifier.
Nous avons commencé à chiffrer les marges d’économie. Les ARS représentent ainsi 630 millions d’euros de dépenses de fonctionnement par an. Il y aurait donc mécaniquement des économies d’échelle le jour où nous arrivons au pouvoir et où nous supprimons les ARS. L’administration de la santé est aussi une question d’échelle d’exercice des compétences.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle rejette l’article 14.
Amendement AS343 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement vise à transférer les excédents de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) à la branche maladie.
Depuis la création de la Cades par les ordonnances Juppé de 1996, les taux de cotisation sont gelés à la fois en montant, en assiette et sur le plafond de la sécurité sociale. Celle‑ci est ainsi privée de ressources essentielles, ce qui la met en déficit, parce que les besoins continuent de croître. Puisqu’il y a un déficit, il y a un endettement ; celui-ci est placé dans une caisse de cantonnement, laquelle emprunte à des taux supérieurs à ceux de l’État, réussissant à gaspiller 75 milliards d’euros en dépenses parasitaires – commissions bancaires et frais d’intérêts. L’intérêt général plaide pour qu’on utilise l’argent disponible pour des besoins sociaux.
M. le rapporteur général. Dans votre excellent rapport d’information sur la gestion de la dette sociale, on apprend que l’écart de taux d’intérêt entre la Cades et l’État sur les emprunts à dix ans est proche de 10 points de base, c’est-à-dire de 0,01 %. Sur un emprunt de 1 milliard d’euros, une telle différence représente 1 million. Cela paraît relativement raisonnable, eu égard au fait que l’autonomie juridique de la Cades lui apporte de la souplesse pour réaliser son programme d’émission, souplesse qu’elle n’aurait pas si l’Agence France Trésor se chargeait du financement de la dette sociale au même titre que de celle de l’État. Je ne sais donc pas comment vous arrivez à un coût dix fois plus élevé du financement de la dette sociale par la Cades : cela m’étonne ; d’habitude vous êtes très rigoureux.
Par ailleurs, la Cades ne reçoit pas 1 euro de cotisations sociales, contrairement à ce qui est écrit dans votre exposé des motifs. Elle n’est financée que par la CSG, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et une dotation du Fonds de réserve pour les retraites (FRR).
Avis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). La présentation de la Cades faite par notre collègue Clouet ne correspond pas à la réalité. La Cades existe parce qu’une dette sociale a été créée. Celle-ci devait venir en extinction en 2024. Lors de la crise sanitaire, la sécurité sociale a parfaitement joué son rôle d’amortisseur social et économique – mieux que partout ailleurs en Europe. Cela a créé une dette, que l’on a fait reprendre par la Cades en 2020 pour couvrir des déficits jusqu’en 2024.
Tôt ou tard, tous les déficits devront être repris dans le cadre d’une nouvelle dette sociale. La Cades n’est pas un fonds obscur : elle permet à la sécurité sociale de se financer, notamment en cas de crise. Actuellement, le déficit est encore trop important. Malheureusement, bientôt, nous ne verrons plus nos déficits, puisqu’on supprime tous les tableaux d’équilibre de nos textes : nous serons dans une totale obscurité. Un peu de cohérence : ne laissons pas véhiculer de tels propos, qui vont à l’encontre de ce que représente la sécurité sociale.
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous sommes favorables à l’amendement. Ce mécanisme a déjà été utilisé l’an dernier pour mettre nos comptes à l’équilibre, si l’on peut dire : ce processus ne correspond pas à ce que nous souhaitons mais je ne peux pas laisser dire que l’on ne peut pas l’utiliser, puisque cela a déjà été fait.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je suis reconnaissant au rapporteur d’avoir lu mon rapport mais le problème, c’est qu’il n’en a lu qu’une page sur deux. Oui, la Cades est plus souple, mais dans quel but ? Si c’est pour coûter plus cher, cela ne sert à rien. Vous dites que la différence de taux d’intérêt n’est que de 0,01 point. Cela figure en page 65, effectivement, mais vous ne lisez que l’année 2023. N’hésitez pas à regarder les chiffres des années précédentes : le coût est certes de 22 millions d’euros en 2023 il était de 45 millions en 2022 et encore bien supérieur auparavant. Ce que vous dites n’est donc malheureusement pas vrai.
Ensuite, je vous invite à lire la page 74 du rapport – je rappelle que j’ai corédigé ce rapport avec l’actuelle ministre de la santé : c’est vous dire s’il est fiable. Il y est précisé ceci : « Déduction faite des revenus d’intérêts perçus [...], la charge d’intérêt nette de la dette sociale, y compris commissions, s’est élevée à 75 milliards d’euros constants [...] entre 1996 et 2022. [...] Rapportée sur la durée de vie de la Cades, cette somme de 75 milliards d’euros aurait amélioré le solde de 2,8 milliards d’euros par an en moyenne [...] si elle avait été affectée à la sécurité sociale. » Cette information est cosignée par Mme Rist : écoutez-la !
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS165 de Mme Sandrine Runel et AS572 de Mme Élise Leboucher
Mme Sandrine Runel (SOC). Le FRR a été créé pour assurer la protection sociale des générations à venir. Mais vous avez trouvé le moyen de le laisser investir dans des activités polluantes, notamment pétrolières et gazières, avec l’argent provenant des excédents de cotisations sociales. Nous proposons d’interdire à ce fonds d’utiliser cet argent pour continuer à contribuer au développement des activités polluantes.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement AS572 vise à interdire au FRR d’investir dans les secteurs polluants. Sur les 20 milliards d’euros qui lui sont confiés pour investir et bonifier les sommes allouées aux retraites, 1 milliard est investi dans des entreprises très polluantes comme TotalEnergies, Saudi Aramco, BlackRock, JP Morgan ou Monsanto. Plutôt que de continuer à financer les énergies fossiles, le FRR doit investir dans des activités vertes afin d’assurer que l’argent de nos retraites ne serve pas à polluer notre planète.
M. le rapporteur général. Le FRR est déjà très engagé dans une démarche environnementale : il applique une politique d’investissements responsables, fondée sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ; ses portefeuilles ont réduit de plus de moitié leur empreinte carbone depuis 2014 – le fonds s’est d’ailleurs fixé un objectif de neutralité carbone d’ici 2050 ; de 2016 à 2023, l’empreinte carbone du portefeuille actions a diminué de 41 % ; sa nouvelle stratégie d’investissements responsables pour la période 2024‑2028 renforce les critères d’exclusion des activités liées au charbon thermique et à certaines énergies non conventionnelles.
Vos amendements étant satisfaits, je vous invite à les retirer ; à défaut, avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Leur adoption permettrait d’éviter qu’une nouvelle direction puisse à l’avenir décider de revenir en arrière sur la politique de verdissement des investissements. Je vous invite donc à adopter ces amendements ; le fonds étant déjà engagé dans cette démarche, cela ne sera pas douloureux.
La commission rejette les amendements.
Amendement de suppression AS344 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous vous appelons à supprimer l’article 15, qui fixe les objectifs d’amortissement de la dette sociale par la Cades et les prévisions de recettes pour le FRR.
En 2020, le Gouvernement a décidé le transfert de la « dette covid » à la Cades : 136 milliards d’euros ont ainsi gonflé artificiellement le montant que la caisse est censée rembourser, tandis que le remboursement de la dette sociale immobilise 16,4 milliards d’euros.
La dette qu’il s’agit de rembourser est illégitime, imposée par la droite et gonflée par la Macronie dans le but de servir des intérêts sur les marchés financiers. En 2024, la Cades s’est acquittée de 3,2 milliards d’euros de charges financières. Sur le premier semestre 2025, les marchés financiers ont déjà coûté 1,4 milliard à la sécurité sociale. Les ressources issues des cotisations n’ont pas à alimenter les rentes des investisseurs. Elles doivent financer la réponse aux besoins de santé, assurer la prise en charge de la perte d’autonomie, aider les familles et servir des pensions de retraite.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer cet article orientant les recettes sociales vers la Cades.
M. le rapporteur général. Je sais pourquoi je ne suis pas un insoumis : je suis responsable ; quand on a une dette, on la rembourse.
Nous consacrons 19 milliards d’euros par an au remboursement de la dette sociale : c’est trop, je suis d’accord avec vous sur ce point. Mais si on ne veut pas de dette sociale, il faut avoir le moins de déficit possible. Or tous les amendements que vous avez adoptés depuis trois jours aggravent notre déficit et notre dette : demain, il faudra donc rembourser davantage.
L’objectif n’est pas de faire plaisir aux marchés mais de préserver les générations futures. C’est une question de responsabilité : je ne veux pas transférer à mes enfants une dette qu’ils auront à payer parce que nous aurons mal géré. Notre système de protection sociale est fondé sur la solidarité intergénérationnelle ; plus nos déficits sont importants, plus on entame cette solidarité. Je pense que, chez les Insoumis, vous êtes sensibles à la question de la solidarité ; je vous invite donc à retirer votre amendement.
Enfin, cet article est obligatoire pour respecter notre cadre organique.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il faut vraiment avoir l’esprit tordu pour penser que le but de la Cades serait de financer les marchés financiers – c’est l’idéologie qui pense à votre place ! La Cades se voit confier une dette, qu’elle amortit le mieux possible. Or, actuellement, c’est sur les marchés financiers que cela s’avère le plus efficace. Les agents de la Cades font un très bon travail ; ils sont d’ailleurs reconnus au niveau mondial pour cela. Ils parviennent à faire diminuer la dette sociale : le but n’a jamais été de donner de l’argent aux marchés financiers.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous dites, monsieur Lauzzana, que la Cades amortit au mieux ; or elle fait moins bien que l’État. Visiblement, nous savons faire mieux que vous – nous pourrons y revenir.
Le financement de la Cades repose sur la CSG et la CRDS, autrement dit sur une logique fiscale. Cela pose un premier problème car la fiscalité est régressive. Nous pouvons en discuter mais, pour ma part, j’y suis opposé. Ensuite, si les sommes consacrées à la Cades avaient servi à financer directement la sécurité sociale, on se serait épargné des commissions bancaires et des intérêts à hauteur de 75 milliards d’euros. Quand on jette 75 milliards par les fenêtres, on ne vient pas faire le malin en commission en insultant tout le monde.
Par ailleurs, M. le rapporteur général dit qu’il faut rembourser la dette. Nous sommes d’accord : c’est un engagement contractuel. Mais la question est de savoir si l’on continue à repousser toujours plus loin l’horizon de la clôture de la Cades. Sur ce sujet, nous ne faisons pas de politique : il faut y mettre fin et rapatrier la dette dans l’État. Ayons une discussion intelligente ; cela nous changera !
M. le président Frédéric Valletoux. Gardons un débat serein et des propos modérés. Il n’y a pas eu d’insulte, monsieur Clouet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS348 de M. Damien Maudet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). On entend parfois dire que les générations actuelles font peser la dette sur les générations futures. Ce n’est pas tout à fait exact : en réalité, les enfants des contribuables d’aujourd’hui paieront les créances des créanciers de demain. Le rapport n’est donc pas seulement générationnel : la répartition et la redistribution des richesses sont aussi à l’œuvre. Par la CSG et la CRDS, on enrichit des ménages qui sont créanciers de la Cades, comme d’autres du Trésor public.
M. le rapporteur général. Avis défavorable à votre amendement, qui vise éteindre immédiatement la dette de la Cades.
Dans le débat sur la Cades, la partie consacrée à l’immobilier des hôpitaux mériterait sans doute d’être réexaminée car ce patrimoine relève plutôt de l’État. Il y a là une marge d’évolution.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle rejette l’article 15.
Amendement AS557 de M. Damien Maudet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Par cet amendement, nous souhaitons dénoncer la financiarisation de la sécurité sociale et insister sur la nécessité pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) de se financer par l’emprunt en priorité auprès de la Caisse des dépôts et consignations, plutôt que sur les marchés financiers. Depuis 2021, l’Acoss se finance uniquement sur les marchés financiers. Selon le rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale de 2025, la remontée des taux d’intérêt en 2023 a significativement augmenté le montant des charges financières supportées par l’organisme. Les intérêts acquittés par la Cades sont passés de 1,3 milliard d’euros en 2022 à 3,4 milliards en 2024, pour un montant amorti en baisse de près de 4 milliards. Cette financiarisation accrue des besoins à court terme de la sécurité sociale est une impasse. Il est grand temps d’arrêter de rémunérer les acteurs financiers.
M. le rapporteur général. Je ne lis sûrement pas votre rapport aussi bien que vous, monsieur Clouet, mais il me semble que vous y écrivez que les gestionnaires de l’Acoss remplissaient bien cette fonction de refinancement.
Vous souhaitez que l’Acoss se finance prioritairement auprès de la Caisse des dépôts. Cela pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, d’un point de vue rédactionnel, votre amendement ne prévoit pas réellement d’établir de priorité entre les différentes sources de financement. Ensuite, sur le fond, rien n’interdit à l’Acoss de recourir à des financements de la Caisse des dépôts ; elle l’a d’ailleurs fait pendant la crise sanitaire. Le choix de se financer auprès des marchés répond à un objectif de bonne gestion de la trésorerie de la sécurité sociale. Il tient à la flexibilité qu’offre le recours à des financements de court terme, qui permet d’ajuster le volume des emprunts. Selon les représentants de l’Acoss, que nous avons auditionnés, leur durée moyenne est à peu près de deux mois ; ils ne peuvent pas dépasser un an sur l’ensemble de leurs portefeuilles et durent au maximum vingt-quatre mois.
Je rappelle que le PLFSS prévoit une augmentation de 65 à 83 milliards d’euros du plafond de recours à des ressources non permanentes. Je ne suis pas sûr que la Caisse des dépôts serait en mesure d’accorder des prêts de ce montant sans compromettre ses autres activités de prêt – je sais que vous êtes sensible aux enjeux liés à la souveraineté et aux infrastructures. Il faut laisser aux gestionnaires de l’Acoss le soin de définir les modalités de financement qui leur permettent de remplir leur mission le plus efficacement possible. Si cela passe par la Caisse des dépôts, qu’ils le fassent, mais il faut leur laisser cette flexibilité.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 16 non modifié.
Amendement de suppression AS1627 de M. Hadrien Clouet
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). L’article 17 est inique car il avalise des coupes budgétaires d’une ampleur et d’une brutalité inédites dans les dépenses de santé. Le gel des pensions accélérera la dégradation de la situation de 17 millions de retraités. Leur pension sera amputée d’environ 300 euros dès l’an prochain. Lorsque l’on sait que 34 % des retraités perçoivent une pension inférieure à 1 000 euros – 50 % en Martinique –, on imagine aisément les dégâts que cet article provoquerait.
D’autre part, l’année blanche pénalisera près de 14 millions de foyers, plongeant des familles dans la précarité et poussant certainement beaucoup d’enfants et de jeunes vers des formes de délinquance. On voit bien le caractère irresponsable de cette mesure qui, à terme, renforcera les thèses du Rassemblement national. Les malades chroniques sont également la cible privilégiée de la Macronie : 18 millions de personnes seront pénalisées par la hausse des franchises médicales et de leurs plafonds.
Pour toutes ces raisons, avec l’amendement AS1627 nous souhaitons la suppression de l’article 17.
M. le rapporteur général. L’annexe sert à informer sur la trajectoire pluriannuelle de la sécurité sociale mais elle n’a aucune valeur juridique. Rien de ce que l’on enlève de cette annexe ni de ce qu’on y ajoute n’a d’effet sur qui que ce soit. Mon rôle de rapporteur général est de faire en sorte que cette annexe soit la plus cohérente possible. Il ne s’agit pas d’un excès de zèle de ma part à l’égard du Gouvernement – je continue à porter une voix libre et exigeante – mais je suis défavorable à cet amendement de suppression et à tous les autres amendements qui ajoutent des éléments non expressément intégrés dans la trajectoire pluriannuelle.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Pourquoi, dès lors, vouloir à tout prix conserver une annexe manifestement mensongère ? Elle se fonde en effet sur un objectif de croissance de 1 % alors que tous les observateurs ont estimé que ce taux serait au maximum de 0,7 %. Si, dès le départ, on sait que cette annexe est erronée, pourquoi la maintenir ?
Mme Annie Vidal (EPR). Je comprends votre logique : comme vous ne voulez pas de la photo de 2025, vous la supprimez. La prévision pour 2026, vous n’en voulez pas non plus, et celles pour 2027, 2028 et 2029 encore moins. Or cette annexe, qui comporte une projection sur les années à venir, est demandée depuis longtemps. Chacun veut savoir quelle sera la trajectoire budgétaire de la sécurité sociale. Nous avons besoin de ces prévisions : elles nous permettront peut-être, dans un monde idéal, de nous mettre tous autour d’une table pour réfléchir au financement de la protection sociale. Il faut donc vraiment maintenir ces prévisions, qui nous seront très utiles.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 17 est supprimé et les amendements AS1616 de Mme Ségolène Amiot, AS1617 de Mme Élise Leboucher, AS1549, AS1567, AS1568, AS1577, AS1582 et AS1592 de Mme Chantal Jourdan, AS1628 de Mme Élise Leboucher, les amendements identiques AS1595 de Mme Sandrine Rousseau et AS1634 de Mme Ségolène Amiot ainsi que les amendements AS1544 et AS1545 de M. Boris Vallaud, AS1546 de Mme Sophie Pantel, AS1685 de Mme Anne Bergantz, AS1539, AS1541, AS1540 et AS1576 de Mme Isabelle Santiago, AS1640 de Mme Annie Vidal, AS1490 et AS1491 de Mme Sylvie Bonnet, AS1538 de M. Denis Fégné et AS1547 de Mme Chantal Jourdan tombent.
M. le rapporteur général. Nous avons supprimé des articles dont certains sont pourtant obligatoires. Le travail collectif aboutit à quelque chose qui ne respecte pas notre cadre organique. Nous avons adopté quelques mesures très positives, qu’il faudra reprendre en séance publique puisque nous repartirons du texte initial, mais nous avons également voté des choses incohérentes ou pas opérationnelles. Sur le vote de la deuxième partie du projet de loi, je m’en remets donc à la sagesse de notre commission, étant précisé toutefois que l’alourdissement du déficit peut nous être préjudiciable.
La commission rejette la deuxième partie du projet de loi.
TROISIÈME PARTIE :
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2026
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES
Amendements de suppression AS103 de Mme Sandrine Runel, AS332 de M. Hadrien Clouet, AS203 de Mme Josiane Corneloup, AS728 de M. Paul-André Colombani, AS983 de Mme Karine Lebon, AS1581 de M. René Lioret et AS1604 de M. Hendrik Davi
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je pense que cet amendement sera adopté parce qu’il me semble que cette commission est majoritairement hostile au système des franchises médicales. Le principe des franchises médicales et des participations forfaitaires, c’est qu’une personne malade doit s’acquitter d’une somme fixe – 2 euros, 3 euros – quand elle consulte un médecin ou achète un traitement. Cela signifie que, riche ou pauvre, vous payez la même chose. C’est un impôt non seulement sur la maladie, mais sur la maladie des pauvres. Ce dispositif est donc doublement injuste. De plus, les effets attendus ne sont pas là.
Quelle solution alternative proposez-vous aux personnes qui finissent le mois à découvert et n’ont pas les moyens de se soigner ? Devront-elles choisir quelle personne de la famille pourra guérir ? Devront-elles couper le chauffage pendant l’hiver pour faire des économies ? Il faut abroger cet impôt injuste.
Mme Josiane Corneloup (DR). Mon amendement vise à supprimer l’article 18, qui étend le champ des participations forfaitaires et des franchises médicales à de nouveaux actes et produits de santé. En effet, cet article prévoit d’appliquer une participation forfaitaire sur les consultations chez les chirurgiens-dentistes et une franchise sur les dispositifs médicaux, au même titre que pour les médicaments. Ces mesures viendraient alourdir la charge financière des patients dans un contexte de forte inflation et de baisse de pouvoir d’achat, en particulier pour les ménages modestes et les personnes souffrant de pathologies chroniques et nécessitant des soins réguliers. Alors que l’accès aux soins est déjà difficile pour de nombreux Français, notamment dans les zones sous-dotées, une telle disposition risquerait d’avoir un effet dissuasif sur la fréquentation des cabinets dentaires et sur l’achat de dispositifs médicaux, ce qui est pourtant essentiel à la santé quotidienne.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Mon amendement vise à supprimer l’article 18, qui instaure de nouvelles participations forfaitaires et franchises médicales tout en relevant leurs plafonds et en modifiant leurs modalités de recouvrement.
Cet article élargit l’application des franchises et participations aux dispositifs médicaux – lunettes, pansements, orthèses... – et aux soins dentaires, qui en étaient jusqu’à présent exemptés. Par ailleurs, il double les plafonds annuels des franchises et participations forfaitaires en les portant de 50 à 100 euros chacun, pour un plafond global de 350 euros par an.
À ces mesures s’ajoute le doublement par décret des franchises et participations sur les médicaments, les transports et les actes médicaux. Cela entraînerait une augmentation du reste à charge de 42 euros par an pour les patients. Ces dispositions représentent une augmentation significative, particulièrement pour les personnes âgées et les malades chroniques ou en situation de handicap, qui cumulent les soins et les dispositifs médicaux. En période de tension sur le pouvoir d’achat, il est inacceptable de faire peser l’effort budgétaire sur les assurés au détriment de l’accès aux soins.
M. René Lioret (RN). Alors que l’explosion du coût de la franchise sur les médicaments que propose le Gouvernement risque d’accentuer le renoncement aux soins, l’article 18 vise à créer une participation forfaitaire sur les soins dentaires pour les plus de 18 ans et à étendre les franchises aux dispositifs médicaux remboursables et aux transports sanitaires – autrement dit, un moindre remboursement pour les patients sur les soins et sur la maladie.
Progressivement, et même insidieusement, vous officialisez un troisième niveau de prélèvements s’ajoutant aux cotisations à la sécurité sociale et aux mutuelles, qui sont de plus en plus chères. Se soigner deviendrait ainsi toujours plus difficile pour les Français. Ils devaient déjà, pour certains, choisir entre manger ou se chauffer ; il faudra désormais ajouter une troisième option : choisir entre manger, se chauffer ou se soigner. Dans le même temps, les étrangers en situation irrégulière, euphémisme pour désigner les clandestins, bénéficient des soins 100 % gratuits avec l’aide médicale de l’État (AME), ce qui est tout à la fois choquant et inadmissible. Nous demandons en conséquence la suppression pure et simple de l’article 18.
M. Yannick Monnet (GDR). Je défends l’amendement AS983.
Une personne sur quatre renonce déjà à des soins ; il semble logique de ne pas décourager les trois autres. Or, contre toute logique et dans le seul but de réaliser un peu plus d’économies, l’article 18 s’attaque à ceux qui parviennent encore à se soigner. Une étude menée par Eurodentaire et Harris Interactive, en 2023, indiquait que près d’un Français sur trois avait renoncé à des soins dentaires au cours des deux dernières années. La raison était d’ordre économique pour 56 % d’entre eux.
Qu’à cela ne tienne : vous prévoyez d’étendre la participation forfaitaire et la franchise médicale aux consultations chez les dentistes et aux dispositifs médicaux. Un plafond spécifique sera également créé pour les transports de patients. De plus, le Gouvernement confirme le doublement du montant des participations forfaitaires, des franchises médicales ainsi que de leurs plafonds annuels. Après un premier doublement en 2024, les plafonds annuels s’élèveront ainsi à 100 euros. Certes, ces mesures à court terme engendreront quelques moindres dépenses du côté de la sécurité sociale mais, très immédiatement, elles entraîneront un plus grand renoncement aux soins et, à moyen terme, une aggravation de l’état de santé globale des Français.
M. Hendrik Davi (EcoS). Mon amendement vise à supprimer l’article 18, qui prévoit l’extension des forfaits et des franchises médicales aux actes des chirurgiens-dentistes et aux dispositifs médicaux, et crée un plafond de dépenses ad hoc pour les transports sanitaires. Franchement, qui se rend chez le dentiste par confort ? Les franchises et participations ne sont pas des moyens de responsabilisation des patients. Ce sont des impôts déguisés sur la maladie. En imposant un nouveau reste à charge sur chaque acte, médicament ou dispositif, elles font peser le coût de la santé sur celles et ceux qui en ont besoin, autrement dit sur les malades eux-mêmes.
Cette mesure frapperait plus durement les personnes les plus précaires. Selon les dernières enquêtes, 37 % des Français ont déjà renoncé à des soins ou équipements médicaux, dentaires ou optiques alors qu’ils en avaient besoin, et 17 % à plusieurs reprises.
Enfin, nous appelons à une suppression générale des franchises et des participations forfaitaires, dont le doublement a été annoncé et sera fait par décret. Ce seul doublement des franchises par décret vaut censure.
M. le rapporteur général. Monsieur Monnet, ce n’est pas moi qui ai prévu les dispositions inscrites dans cet article : il s’agit du projet du Gouvernement. Je vais en revanche porter à votre connaissance les éléments que j’ai obtenus en vue de la préparation de ce PLFSS, notamment lors des auditions.
Il existe une confusion : le doublement des franchises fait bien partie des sous‑jacents du PLFSS mais sera décidé par voie réglementaire ; il n’est pas prévu par l’article 18. La suppression de cet article n’entraînera donc pas la suppression des 2,3 milliards d’euros attendus de cette mesure. L’augmentation que vous avez évoquée de la valeur et des plafonds, par exemple de 2 euros à 4 euros pour les médicaments et de 50 euros à 100 euros pour les consultations de sages-femmes, est prévue pour 2026 ; elle ne figure pas dans l’article 18.
Cet article n’a aucun rendement budgétaire en 2026 : en le supprimant, on n’alourdit pas le déficit, on ne l’améliore pas non plus. En revanche, il devrait rapporter 600 millions d’euros à partir de 2027, d’après la direction de la sécurité sociale.
Par ailleurs, je vous avoue que je suis surpris par cet article 18 car l’étude d’impact indique que le passage de 43 à 85 euros en moyenne pour les franchises aura des effets négatifs sur les personnes ayant une affection de longue durée (ALD) et les personnes en situation de handicap. J’essaye de me montrer équilibré ; le principe d’une plus grande responsabilisation ne me rebute pas mais, en procédant ainsi, on risque de pénaliser ceux qui ont le plus besoin de consulter et d’obtenir des produits de santé. L’article 18 cible les dispositifs médicaux et les chirurgiens-dentistes : je ne suis pas sûr qu’il faille procéder de cette façon pour responsabiliser. De même, le fait de demander un paiement direct chez le professionnel n’est pas sans poser des problèmes pratiques. On voit mal comment cela fonctionnera.
Que la branche maladie soit en difficulté, c’est une évidence ; qu’il faille responsabiliser les assurés aussi. Toutefois, un autre problème se pose : celui du transfert de charges de l’assurance maladie obligatoire vers les complémentaires, qui s’élève 400 millions d’euros – un autre sous-jacent. J’ai demandé si on pouvait nous le documenter pour les hospitalisations ; je n’ai pas encore reçu d’éléments mais je l’évoque pour que vous ayez toutes les informations.
Avec l’article 18, nous franchissons un seuil symbolique. Je ne pense pas nécessaire de faire autant peser la responsabilité sur le patient ; les prescripteurs aussi sont concernés.
J’invite donc le Gouvernement à revoir sa copie et je m’en remets à la sagesse de la commission sur le sort de cet article.
M. le président Frédéric Valletoux. Je suis défavorable à ce doublement des franchises – qui viendrait après un premier doublement il y a dix-huit mois. J’étais opposé à l’augmentation du ticket modérateur l’année dernière et je n’ai pas changé d’avis. Ce n’est pas aux patients de payer les conséquences de l’absence de réformes de structure de notre système de santé. Cette mesure est une solution de facilité qui ne répond pas aux problèmes et qui ne fera qu’alourdir la charge financière qui pèse sur les patients.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis également défavorable à cette solution de facilité. Je mène un combat depuis de nombreuses années contre la désertification médicale. Une telle mesure constituera une double peine pour ceux qui vivent dans ces zones.
Comment assurer une bonne articulation entre le remboursement de la mutuelle et celui de l’assurance maladie ? Si vous vous penchiez sur la répartition pour chaque pathologie, vous découvririez des situations absolument invraisemblables. Le risque est pris en charge par l’assurance maladie et tout ce qui n’est pas risqué échoit aux mutuelles. On cherche de l’argent pour la prévention : 4 milliards d’euros sont éparpillés entre une centaine d’actions sans convergence ni stratégie de long terme.
Retenons le mécanisme des franchises cautionnées si nous voulons vraiment taxer ceux dont les revenus sont les plus élevés, mais ne prélevons pas 100 euros sur le dos de ceux qui paient déjà 50 euros et qui, pour la plupart, sont handicapés ou souffrent d’une affection de longue durée. Étudions plutôt les moyens vertueux de sortir d’une ALD.
Mme Justine Gruet (DR). Je souhaite que mes propos ne soient pas perçus de façon émotionnelle, mais on ne peut pas dire n’importe quoi sur l’accès financier aux soins. Notre pays offre la meilleure prise en charge de la maladie. La comparaison avec le reste à charge dans le secteur médico-social est édifiante, puisqu’une personne âgée placée en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) peut devoir payer jusqu’à 2 500 euros.
Nos concitoyens peuvent en revanche ne pas comprendre qu’on leur demande un effort supplémentaire alors qu’aucune franchise ni reste à charge ne sont exigés de certains qui ont pourtant accès à notre système de santé. Nous devons avoir le courage d’interroger ce système en silos, qui repose sur cinq branches de sécurité sociale et dans lequel la perte d’autonomie est sous-financée. Nous devons avoir le courage politique d’imposer un reste à charge sur la branche maladie parce que celui sur la dépendance est très élevé. Enfin, il faut faire des économies sur la suradministration plutôt que sur l’accès aux soins.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous rencontrons des problèmes techniques de retransmission : je vous propose de suspendre la réunion.
La réunion est suspendue de seize heures trente à seize heures quarante-cinq.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il s’agit d’un sujet sensible. Nous n’avons pas à nous prononcer sur le doublement des franchises : cette mesure ne figure pas dans le PLFSS mais dans un texte réglementaire qu’a pris le Gouvernement.
La situation de la sécurité sociale est difficile : si un effort est demandé, il doit être limité et partagé. Le reste à charge est, en France, le plus bas des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques. Nous devons également porter une grande attention au phénomène de non-recours aux soins. Enfin, un quart de la population française n’est pas soumis aux franchises : les personnes les plus modestes, qui perçoivent la complémentaire santé solidaire (C2S), les mineurs, les femmes enceintes ; de même, les frais liés à la contraception échappent aux franchises. Le rappel de ces exceptions montre que les personnes les plus modestes ne sont pas, contrairement à ce que l’on peut entendre, concernées par les franchises.
Les prescripteurs ont également une responsabilité dans la consommation des médicaments.
Nous sommes opposés au règlement « au comptoir » que prévoit l’article 18.
Mme Sandrine Runel (SOC). L’article 18 illustre parfaitement le musée des horreurs qu’est ce PLFSS ; elle en est même la principale. Il vise à faire peser sur les plus modestes le doublement des franchises. Vous pensez sans doute que 4 euros pour une consultation chez le médecin ou 2 euros pour une boîte de médicaments ne sont rien, comme quand le Président de la République disait que 5 euros en moins d’aide personnelle au logement ne représentaient pas grand-chose : pourtant ces sommes sont élevées pour les personnes qui ont peu. Encore une fois, vous voulez faire les poches des plus pauvres. Nous sommes évidemment opposés à l’élargissement du champ des franchises et des participations forfaitaires, car ces décisions vont à l’encontre de ce qu’est la sécurité sociale. Les parlementaires doivent unanimement défendre la nature de la sécurité sociale et supprimer cet article infâme.
M. René Lioret (RN). Monsieur le rapporteur général, vous semblez considérer que certains dispositifs médicaux seraient des produits de confort.
M. le rapporteur général. J’ai dit l’inverse !
M. René Lioret (RN). D’accord. Je voudrais préciser que certains dispositifs médicaux méritent d’être remboursés. Je pense en particulier aux pansements modernes utilisés pour la cicatrisation des escarres et des ulcères : ces produits sont très efficaces et évitent l’alitement prolongé des patients. Leur remboursement représente un coût non négligeable, mais bien inférieur à celui de l’immobilisation prolongée. Enfin, le renouvellement de la pose de ces pansements est indolore, aspect important pour le confort du patient.
M. le président Frédéric Valletoux. Connaissant le sérieux et la précision de notre rapporteur général, je doute qu’il ait affirmé que les dispositifs médicaux constituaient des accessoires de confort. En tout cas, vous avez pu rappeler l’importance de ces produits et leur contribution aux soins.
M. Fabien Di Filippo (DR). L’article 18 sera malheureusement supprimé. Je le regrette car il faut ouvrir les yeux sur le déficit de l’assurance maladie. La surconsommation de médicaments y contribue massivement. Elle découle d’ailleurs en partie de la surprescription, phénomène dont nous avons tous été témoins à un moment de notre vie.
Ce qui est en jeu, c’est l’existence même du système social français, lequel est très généreux et soigne tout le monde. Je sais que l’expression de responsabilisation individuelle ne plaît pas à tout le monde sur le plan philosophique, mais c’est ce chemin que nous devons emprunter.
Vous refusez une mesure partielle et plafonnée, d’ampleur très réduite par rapport à notre consommation de soins. Faire des efforts et rationaliser les dépenses déplaisent, mais si nous ne faisons rien, nous ne pourrons peut-être plus soigner certaines personnes à l’avenir.
J’ai déposé un amendement qui vise à imposer une franchise sur chaque acte médical et chaque médicament reçu par les bénéficiaires de l’AME, à savoir les étrangers en situation irrégulière. Depuis 2015, le nombre d’allocataires de l’AME a augmenté de près de 40 % et celui des ayants droit de près de 60 % : une telle situation n’est plus acceptable alors que ces personnes ne contribuent aucunement à notre système social.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Cet article est totalement scandaleux. Augmenter les franchises médicales et les étendre à de nouveaux secteurs comme le dentaire alors que le renoncement aux soins, notamment dentaires, ne cesse de progresser à cause de la crise sociale et se révélera très coûteux pour la collectivité.
Il y a deux logiques : certains pensent qu’il faut responsabiliser les malades, qui aiment les dépenses et la gabegie, quand d’autres estiment qu’il faut préserver notre histoire – le programme du Conseil national de la Résistance puis les quatre-vingts ans de sécurité sociale. Cette belle histoire peut continuer, car il est possible de sauver, d’étendre et d’améliorer la sécurité sociale : il faut pour cela mettre réellement à contribution celles et ceux qui doivent l’être, donc mettre un terme aux exonérations de cotisations sociales. Les hauts revenus doivent participer à l’effort visant à garantir l’accès aux soins de toutes et de tous.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Cet article constitue un véritable scandale. De nombreuses personnes souffrent d’une ALD provoquée par des politiques publiques irresponsables, qui ont privilégié les intérêts financiers d’une minorité à la santé d’une majorité écrasante et écrasée de la population. Cela est particulièrement vrai dans les dits « outre-mer », où les taux de sucre des aliments sont toujours plus élevés que dans l’Hexagone. Le chlordécone a été massivement répandu sur les plantations de bananes, ce qui a provoqué un nombre considérable de cancers du sein et de la prostate ainsi que de cas d’hypertension et de diabète. Ces gens, qui sont des victimes, devraient s’acquitter d’un reste à charge pour avoir accès à leur traitement médical : on touche là au scandale !
Mme Josiane Corneloup (DR). Le doublement des franchises représente une taxe supplémentaire. J’appelle de mes vœux depuis des années l’élaboration d’une véritable stratégie pour notre système de santé. L’absence d’une telle réflexion est regrettable car nous ne faisons que dégrader un peu plus notre système de soins.
La récupération des franchises chez les professionnels de santé me semble en outre une mesure extrêmement complexe. Son déploiement nécessiterait des développements informatiques importants et coûteux. Elle risque non seulement de retarder les projets d’amélioration du parcours de soins, mais également de représenter pour le professionnel de santé une grande complexité : il devra y consacrer beaucoup de temps et apprécier la situation du patient – celle-ci variera selon qu’il est en ALD ou non, invalide ou non. Cette mesure pourrait pénaliser le suivi des traitements et la prévention, que nous souhaitons tous renforcer.
Voilà pourquoi je soutiens la suppression de l’article.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Deux aspects de l’article 18 me choquent. D’abord, les dentistes n’étaient jusqu’à présent pas soumis aux franchises. L’accès aux soins dentaires est particulièrement marqué socialement ; la qualité de la dentition et des soins des dents est très corrélée au revenu. Instaurer des franchises sur les soins dentaires, c’est faire des économies sur le dos de personnes qui éprouvent déjà des difficultés à se soigner.
Le second élément est le terme, employé notamment par la ministre de la santé lors de son audition, de « responsabilisation ». Quand on est malade, on doit se soigner : voilà ce qu’est un comportement responsable. Dire que l’augmentation des franchises équivaut à un forfait de responsabilisation signifie que les malades doivent prendre conscience du coût qu’ils représentent pour la société. Il s’agit d’une opération de culpabilisation. Je veux dire à toutes les personnes qui souffrent d’une ALD, d’un cancer ou d’une maladie chronique qu’elles ne sont pas des boulets pour la société et que nous sommes fiers que la solidarité joue pour les soigner.
Mme Anne Bergantz (Dem). Mon avis sera quelque peu dissonant. J’entends toutes les voix qui s’opposent au doublement des franchises et de la participation forfaitaire. Prendre une telle décision n’est ni facile ni populaire. Je souscris aux appels à conduire des réformes structurelles, mais si jamais nous parvenions à nous mettre d’accord sur ces transformations d’ampleur, celles-ci ne produiraient leurs effets que dans plusieurs années. Or nous n’avons pas le temps d’attendre.
Compte tenu de la structure de notre système social et de notre exigence collective à son égard, je doute vraiment, en responsabilité, que nous puissions nous dispenser de faire des efforts. Ces derniers épargnent 18 millions de personnes, les plus fragiles de nos concitoyens. Ils me paraissent donc raisonnables par rapport au faible reste à charge actuellement en vigueur pour les assurés. Dans notre situation budgétaire, l’article 18 est responsable.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Il est toujours plus facile de s’opposer aux franchises que de soutenir leur augmentation. Le déficit de la sécurité sociale est énorme et le système de protection sociale est fragilisé. La mesure épargne 18 millions de personnes.
Il est vrai qu’une refonte structurelle de notre système est nécessaire. Il faudra responsabiliser les prescripteurs et mettre un terme au tout-gratuit pour tout le monde. Le tiers payant pour tous n’est sans doute pas non plus la solution. Les patients doivent connaître le coût des traitements, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Les ALD doivent bien entendu être exclues du dispositif : nous connaissons tous des personnes atteintes d’un cancer ou d’une ALD, madame Rousseau. Il est facile de leur dire qu’elles ne vont rien payer, mais il faudrait au moins qu’elles connaissent le coût de leur traitement. Ne tombons pas dans la démagogie !
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’impact de la non-observance des traitements est un problème peu souvent évoqué. Certains patients ne suivent pas complètement les prescriptions des médecins et ne prennent que deux comprimés par jour au lieu de trois, par exemple. Le traitement est donc moins efficace. Des antibiorésistances peuvent se développer. Le médecin, ne comprenant pas ce qui s’est passé, peut demander une batterie d’examens supplémentaires pour comprendre la situation et prescrire des doses encore plus élevées de médicaments.
Si l’on ne consent pas à financer les soins dès le début, la facture sera, au bout du compte, plus élevée. En outre, des accidents, des erreurs médicales et des décès peuvent résulter du refus par certaines personnes de prendre une partie ou l’intégralité de leur traitement.
M. Christophe Bentz (RN). Notre opposition au doublement des franchises est totale. Cette mesure est inacceptable car elle augmente trop fortement les restes à charge pour les soins dentaires, les dispositifs médicaux et le transport sanitaire – les représentants des taxis sanitaires étaient prêts à accepter une franchise de 1 euro par trajet –, surtout dans un contexte de crise aiguë du pouvoir d’achat. La décision du Gouvernement s’apparente à une provocation.
Nous nous réjouissons que presque tous les groupes politiques réclament la suppression de l’article. Le Gouvernement doit absolument entendre le message de notre commission : l’article 18 n’est pas viable économiquement, il est injuste socialement, il est bancal politiquement et il n’est pas pérenne financièrement.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il est toujours plus facile de ne pas faire payer que de demander une contribution à l’effort collectif pour combler le déficit de la sécurité sociale. Une ligne sépare ceux qui ont du courage et ceux qui n’en ont pas.
Non, ce ne sont pas les plus fragiles qui paieront ! En effet, 18 millions de personnes sont exonérées de la mesure. En outre, les franchises sont plafonnées : le plafond sera doublé, mais il ne disparaîtra pas. Certains veulent faire croire que nous paierons 1 euro sur chaque boîte de médicaments tout au long de l’année : c’est faux. Nous conservons le plafond car nous ne sommes pas irresponsables.
Enfin, je tiens à rappeler que nous avons instauré le remboursement intégral des soins dentaires, ophtalmologiques et auditifs : tout le monde l’a oublié. Quand j’entends que des personnes n’ont pas les moyens de consulter un dentiste, je tiens à rappeler que notre majorité a créé le 100 % dentaire il y a quelques années. Je suis médecin et je peux vous assurer qu’il s’agit d’une avancée majeure ; pourtant, personne n’en parle. Que l’on ne nous fasse pas le procès de vouloir enfoncer les plus fragiles, ce n’est pas vrai !
M. Yannick Monnet (GDR). Nous n’instruisons aucun procès, nous participons à un débat. De plus en plus de gens renoncent à se soigner. À cela, vous nous répondez que la sécurité sociale est trop dispendieuse et que tout le monde doit participer à son financement. Avec cette politique, encore plus de gens renonceront aux soins.
Le seuil de déclenchement de la C2S est inférieur à celui de la pauvreté. Toute une partie de la population n’a donc pas accès à cette complémentaire.
Certains professionnels, y compris des dentistes, n’acceptent pas la C2S. Trouver un dentiste quand on perçoit le revenu de solidarité active est très difficile.
Enfin, vous suivez avec constance votre ligne libérale, monsieur Di Filippo, mais quand vous dites qu’il a trop de prescriptions, attaquez-vous à la liberté de prescription des médecins ! Allez jusqu’au bout et faites preuve de courage ! Mais je ne suis pas certain que vous soyez capable d’aller jusque-là.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’article 18 se situe au cœur de l’injustice de ce PLFSS. Depuis cinq ans, le budget annuel des frais de santé a crû de 75 % : en 2018, il s’établissait à 715 euros et il atteint désormais 1 249 euros. Pensez-vous vraiment que c’est encore là qu’il faut récupérer de l’argent ? Nous avons avancé de nombreuses propositions pour augmenter les ressources de la sécurité sociale, notamment en faisant contribuer celles et ceux qui en ont les moyens, mais vous les avez toutes refusées pour privilégier la taxation des Français sur leur santé alors qu’ils n’ont aucune marge de manœuvre sur celle-ci.
Une collègue de droite a dit qu’il était temps que les Français connaissent le prix d’une boîte de médicaments : très bien, mais informons-les également du taux de profit de l’entreprise produisant le médicament. Soyons transparents jusqu’au bout !
M. Jean-François Rousset (EPR). Si vous vous intéressez à la C2S, ne supprimez pas les articles. Nous avons déposé un amendement visant à augmenter le plafond de cette complémentaire et à rendre l’inscription à celle-ci automatique. En effet, certains jeunes se pensent à l’abri de tout problème de santé et ne souscrivent pas à la C2S : en cas de maladie ou d’accident, ils se retrouvent à devoir acquitter des frais élevés.
Acceptons le débat et ne supprimons pas les articles. Nous pourrons ainsi nous prononcer sur l’ensemble du PLFSS une fois nos discussions achevées.
M. Jérôme Guedj (SOC). L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) intègre le doublement des franchises pour un rendement de 2,3 milliards d’euros. L’article 18 crée de nouvelles franchises sur les soins dentaires et les dispositifs médicaux. Cette mesure avait déjà été proposée à l’été 2023, mais le ministre de la santé d’alors, Aurélien Rousseau, ne l’avait opportunément pas retenue.
Une opposition de principe sépare les uns et les autres. Des collègues et la ministre de la santé, Stéphanie Rist, affirment que certaines personnes peuvent se permettre de payer les franchises et que celles qui ne le peuvent pas, à savoir les 18 millions de détenteurs de la C2S, sont épargnées. Au-delà de la question du rendement, il faut s’arrêter à l’aspect philosophique de la discussion en cette année de quatre-vingtième anniversaire de la sécurité sociale : si on module le remboursement en fonction des revenus des intéressés, on touche à l’universalité de la sécurité sociale et on crée un système à deux vitesses. Ceux qui, comme moi, sont attachés à la sécurité sociale ne peuvent pas accepter cette orientation : c’était une erreur d’instaurer les franchises, la gauche a eu tort de ne pas les supprimer lorsqu’elle était au pouvoir et vous vous trompez en les doublant tous les deux ans.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Certains d’entre vous réclament du courage. Dont acte. Sortons de la responsabilité individuelle et tournons-nous vers la responsabilité collective : faisons preuve de courage et attaquons-nous aux industriels qui répandent la malbouffe, à l’utilisation des pesticides, au tabagisme, à l’alcoolisme, à la précarité, au mal‑logement et à toutes les politiques qui détériorent la santé de nos concitoyens.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 18 est supprimé et les amendements AS1431 de M. Fabien Di Filippo et AS965 de M. Hendrik Davi, les amendements identiques AS231 de Mme Josiane Corneloup, AS951 de M. Jean‑Pierre Bataille et AS1422 de M. Frédéric Valletoux ainsi que les amendements AS1522 de Mme Justine Gruet, AS1278 de M. Hendrik Davi, AS232 de Mme Josiane Corneloup, AS915 de Mme Danielle Simonnet, AS280 de Mme Josiane Corneloup et AS877 de M. Cyrille Isaac‑Sibille tombent.
Amendement AS645 de M. Sébastien Chenu
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS212 de M. Stéphane Viry et AS912 de M. Michel Lauzzana
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS212 est défendu.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cette proposition a été élaborée avec la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) : il s’agit de mieux lutter contre la fraude à l’assurance maladie, notamment en améliorant la coordination entre celle-ci et les mutuelles. Une marge de progression existe.
M. le rapporteur général. Vous proposez que les professionnels de santé appliquant le tiers payant puissent se voir suspendre, sous un certain délai, la garantie de paiement de la prise en charge par l’assurance maladie si cette dernière a porté plainte pour fraude contre un professionnel au cours des deux dernières années : toutes les fraudes sont concernées, pas simplement celle touchant à la prescription d’arrêts donnant lieu à l’attribution aux assurés d’indemnités journalières. En outre, une suspension peut être prononcée dès l’ouverture d’une procédure de déconventionnement pour fraude.
Je soutiens bien entendu toute mesure empêchant le versement de sommes indues. Le tiers payant est intéressant pour les assurés, mais il s’accompagne d’une garantie qui invite une minorité de professionnels de santé à frauder.
Vous suggérez également que les contrats responsables ne doivent plus assumer le tiers payant dans le cas où la complémentaire a été informée par l’assurance maladie obligatoire qu’une enquête pour fraude ou une procédure de déconventionnement d’un praticien avait été ouverte.
Avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS917 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Dans le même esprit, l’amendement, élaboré avec la FNMF et inspiré par le rapport « Charges et produits » pour 2026 de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), a pour objet d’autoriser la suspension du tiers payant pour les assurés sanctionnés ou condamnés pour fraude.
M. le rapporteur général. C’est à la loi de prévoir les conditions dans lesquelles le bénéfice du tiers payant peut-être temporairement suspendu, non à un simple décret comme le prévoit votre amendement. Je vous invite à le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendements AS1424 de M. Fabien Di Filippo et AS1150 de M. Laurent Wauquiez (discussion commune)
M. Fabien Di Filippo (DR). Vous connaissez mon attachement à la société des droits et des devoirs. Certains de nos concitoyens s’en éloignent. L’amendement prévoit que tous les bénéficiaires de la C2S s’acquittent d’une franchise médicale, fixée par décret. J’en ignore le montant : peut-être doit-il être symbolique dans un premier temps, mais personne ne peut se présenter à un guichet en exigeant toujours plus de droits. La fracture s’aggrave entre la France des gens qui paient toujours tout et celle qui se contente de bénéficier des aides.
Mme Justine Gruet (DR). Le groupe Droite Républicaine croit aux symboles. L’amendement AS1150 vise à supprimer la gratuité de la C2S. L’objectif de cette complémentaire est de préserver l’accès de tous à des soins de qualité tout en assurant la viabilité de notre modèle de remboursement. Or le nombre de bénéficiaires ne cesse de croître : il s’établissait à 7,7 millions en juillet 2024, dont 6 millions disposent d’une C2S gratuite.
Nous souhaitons maintenir le subtil équilibre entre solidarité et responsabilité budgétaire. Il importe que nous travaillions collectivement à fixer un reste à charge compatible avec les capacités de chacun mais également une contribution de tous à hauteur des moyens de chacun. On doit contribuer pour bénéficier d’un système : c’est ainsi que l’accès à la C2S deviendra plus juste.
M. le rapporteur général. Il y a lieu de revoir les seuils de la C2S par rapport à celui de la pauvreté.
Vous proposez d’octroyer la C2S sous réserve d’une participation symbolique à son financement. Monsieur Di Filippo, je vous demande de retirer votre amendement au profit de celui de votre président de groupe, plus complet, auquel je donne un avis favorable. À la lecture de votre amendement, on ne peut en effet pas savoir si le plafond correspond aux ressources de l’assuré ou au montant de sa participation.
L’intérêt de la participation symbolique est d’ouvrir un champ des possibles, dans lequel le Gouvernement et la Cnam pourront fixer les critères de la participation financière des assurés.
M. Fabien Di Filippo (DR). Je retire mon amendement.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Depuis le covid, nous savons qu’il est essentiel que tout le monde puisse bénéficier de soins et je déplore que nous n’ayons pas tous évolué sur ce point. En effet, si l’argument humaniste ne vous touche pas, peut-être que la préoccupation de votre propre santé vous convaincra davantage : en effet, la prise en charge des personnes trop pauvres pour accéder aux soins sans la C2S renforce la santé de l’ensemble de la population.
L’amendement AS1424 est retiré.
La commission rejette l’amendement AS1150.
Amendement AS334 de M. Damien Maudet
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La France insoumise veut bannir votre infamie d’une ALD à deux vitesses, pensée par des technocrates pour dérembourser des soins. Sous le prétexte cynique de la prévention, le Gouvernement invente un système de tri : d’un côté, les malades assez graves pour mériter une prise en charge complète, de l’autre, les moins graves, que l’on sort du dispositif. En clair, vous déremboursez de nombreuses pathologies et vous faites payer les malades chroniques, notamment les personnes diabétiques, pour boucher le trou de la sécu ; dans le même temps, vous rechignez à faire contribuer les vrais responsables que sont les lobbys, les industriels et les publicitaires.
Concrètement, vous vous attaquez à des prises en charge de transport, de soins de santé mentale, de thérapies douces, d’adaptation du logement pour des patients dont le reste à charge s’élève déjà à 2 000 euros et jusqu’à 8 200 euros pour les 10 % les plus exposés. Il y a 40 millions pour la prévention, mais 500 millions sont ponctionnés sur le dos des malades. C’est une opération comptable, pas une politique de santé publique et humaine. Pour nous, la santé n’est pas une variable d’ajustement : nous défendons l’universalité, la solidarité et le droit à être soigné sans condition de gravité ni de revenu. Par l’amendement AS334, nous exigeons la suppression de cette mesure ignoble.
M. le rapporteur général. La Haute Autorité de santé (HAS) sera appelée à se prononcer sur une éventuelle modification des critères d’entrée dans le dispositif d’accompagnement préventif des ALD, mais l’article 19 ne le modifie pas.
Nous soulignons souvent l’importance de la prévention. Il faut non supprimer ce dispositif, ce que votre groupe est seul à vouloir faire, mais en discuter. Qui y entre ? Qui en sort ? À quel moment ? Voilà les questions qu’il faut poser. Ensuite, il faut définir le parcours, établir la prise en charge et prévoir le financement.
Concrètement, s’il ne prévoit pour un patient diabétique de stade 1 qu’un bilan diététique et un bilan des activités physiques et sportives possibles, il ne le prémunira pas du stade 2. Mais si le parcours évite le basculement et les soins associés, par exemple les injections, c’est un investissement qu’on ne peut pas critiquer.
Les questions sont légitimes mais l’objectif de l’article est sensé. Il nous faut l’avis de la HAS.
Avis défavorable.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On sait que certaines personnes ont des prédispositions à développer des pathologies. Il est intéressant de leur offrir un panier de soins, qui pourrait contenir du dépistage, des analyses biologiques et des conseils pour prévenir une déclaration de la maladie. Parce que je plaide souvent pour faire de la prévention une politique industrielle ; je pense qu’il faut généraliser ce dispositif et je ne comprends pas que La France insoumise s’y oppose.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1638 de Mme Ségolène Amiot et AS92 de Mme Sylvie Bonnet (discussion commune)
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je me suis engagé à vous lire le message d’une personne concernée. Le voici.
« Je m’appelle Cerise, j’ai 19 ans et je viens du Doubs. J’ai un cancer depuis mes 17 ans, qui m’a laissée lourdement handicapée. J’ai des besoins spécifiques, notamment pour écrire. Les factures de pharmacie s’alourdissent. Mes parents, pourtant considérés comme faisant partie des classes moyennes supérieures, n’arrivent plus à subvenir à tous mes besoins.
« Pour étudier, j’aurais besoin d’argent, de matériel. J’ai toujours été une élève sérieuse – j’ai eu mon baccalauréat à tout juste 15 ans. Mais mes parents se ruinent pour mes soins, donc ils ne peuvent se permettre de m’acheter, par exemple, l’iPad contenant les technologies dont j’aurais besoin, ou le stylet ergonomique qui me serait nécessaire parce que les nerfs de mes mains sont coupés. Non, ils doivent aller plusieurs fois par semaine se ruiner à la pharmacie. À ça, l’État répond que je perçois l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, 140 euros, même pas le prix d’une piqûre, même pas ce qu’on avance pour un rendez-vous avec un spécialiste.
« S’il vous plaît, c’est un cri du cœur, aidez-moi, aidez-nous, aidez nos familles ! Je vous remercie de l’attention que vous porterez à mon message car aucun de mes messages aux politiques n’a pour l’instant eu de réponse, même celui que j’ai écrit à notre président, il y a un an. »
L’amendement AS1638 tend à faire participer les associations à la prise de décision. Je vous ai lu ce message pour que vous compreniez l’importance d’entendre la parole de ceux qui sont concernés avant de faire des choix.
Mme Josiane Corneloup (DR). La HAS doit définir les critères pour bénéficier d’un parcours d’accompagnement. Il faut qu’elle le fasse en concertation avec les associations d’usagers. C’est l’objet de l’amendement AS92.
M. le rapporteur général. Monsieur Boyard, je ne connais pas Cerise et je ne sais pas quel est son statut mais je ne suis pas certain que cet article la concerne : elle semble relever plutôt du post-ALD que d’un parcours de prévention. Nous pourrons en reparler.
Sur le fond, vous pouvez être tranquilles, les associations participeront à la définition des critères d’inclusion. Il se trouve que je représente notre commission auprès de la HAS pour le suivi des organismes. Les associations siègent à la commission recommandations, pertinence, parcours et indicateurs. Lorsque la HAS élabore des recommandations, elle sollicite cette commission, donc les associations.
Je vous invite à retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Cet article crée un parcours de soins, qui plus est consacré à la prévention : il préfigure la médecine du futur. Il faut déployer ce dispositif novateur et en observer les effets. La gauche, qui dénonce la tarification à l’activité (T2A), ne devrait pas s’y opposer.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’amendement que je défends a été proposé par France Assos Santé, en premier lieu parce que les associations s’opposent à l’article 19. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’elles siègent dans quelques commissions, à côté de beaucoup d’autres personnes, que leur parole est entendue comme elle devrait l’être. Leur avis, c’est‑à‑dire celui des personnes qui ont besoin de la sécurité sociale, devrait compter autant que celui de la HAS – c’est d’ailleurs ce qu’elles demandent.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS940 de M. Fabrice Brun
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement vise à préciser que le parcours peut inclure des prises en charge non médicamenteuses ainsi que l’accompagnement par une structure spécialisée.
M. le rapporteur général. C’est l’objet de l’article : l’amendement est satisfait. De plus, nous avons prévu de nous en remettre à l’avis de la HAS pour définir le parcours ; il ne serait pas cohérent de le faire dans la loi.
Si vous tenez à le redéposer en vue de l’examen en séance, il faudra en modifier la rédaction, qui n’est pas opérante.
Avis défavorable.
Mme Camille Galliard-Minier. Par cet article, il ne s’agit pas de modifier la prise en charge des ALD mais de faire de la prévention afin que les personnes à risque soient moins malades. On passe d’un modèle centré sur le soin et la réparation à un modèle qui valorise la prévention et l’accompagnement. Ce dispositif devrait faire l’unanimité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS77 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je défends cet amendement. Le rôle des facteurs environnementaux dans l’aggravation des pathologies chroniques croît. Je pense à la pollution de l’air, responsable de 40 000 décès prématurés par an ; à celle des bâtiments, liée à la vétusté, à l’humidité et à la moisissure ; à l’exposition aux produits chimiques, cause de maladies respiratoires et cardio-vasculaires ; aux perturbateurs endocriniens. Les politiques de prévention sanitaires doivent en tenir compte.
M. le rapporteur général. Le concept d’exposome le montre, votre préoccupation est légitime. Cependant l’article 19 prévoit de créer un parcours de prévention composé d’actions concrètes, comme améliorer l’alimentation et prévoir une activité physique adaptée. L’assurance maladie remboursera un panier de soins. Je crains que l’adoption de votre amendement ne rende son élaboration plus compliquée. Que pourrions-nous proposer pour prévenir les expositions que vous dénoncez ? La question risque d’être trop vaste.
Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les médecins s’intéressent déjà de plus en plus à l’environnement du patient pour définir la prise en charge de sa maladie. Nous allons devoir modifier nos politiques publiques afin d’empêcher que les facteurs environnementaux n’accélèrent le développement de certaines pathologies en maladies chroniques incurables. Cet amendement, dont l’adoption ne coûtera pas 1 centime, peut y contribuer.
M. Michel Lauzzana (EPR). Ce que vous proposez ne coûte pas cher mais c’est une déclaration d’intention, non l’élément d’un panier de soins. Il faut prendre les facteurs environnementaux en considération, c’est une évidence. J’ai été rapporteur de la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers : les enseignements qu’on tirera de son application permettront de définir des actions concrètes. Ici, nous parlons d’un panier de soins ; votre proposition est inopérante.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS941 de Mme Sandrine Runel, AS93 de Mme Sylvie Bonnet et AS1713 de Mme Ségolène Amiot
Mme Sandrine Runel (SOC). Le dispositif que vous proposez constitue une rupture de prise en charge de pathologies risquant d’évoluer vers une ALD. Il s’agit de maladies graves : cancers, sclérose en plaques, diabète, mucoviscidose, Parkinson. Nous proposons d’interdire les dépassements d’honoraires pour les prestations effectuées dans le cadre de ces actions de prévention. L’objectif est d’éviter une prise en charge ALD. Il y va du bien-être des patients et de la santé publique.
Mme Josiane Corneloup (DR). Je défends l’amendement AS93.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). L’amendement AS1713, identique, vise à s’assurer que le parcours ne pourra pas donner lieu à des dépassements d’honoraires. Ceux-ci coûtent de plus en plus chers aux Français : si vous n’avez pas le courage de les encadrer, voire de les interdire, il faut éviter que les personnes qui suivront le parcours pré-ALD ne les subissent.
M. le rapporteur général. Ce n’est pas moi qui propose le texte, madame Runel, je n’ai pas participé à son élaboration. Je parle d’une voix libre. Le Gouvernement ne participe pas aux travaux de la commission ; vous pourrez interpeller ses représentants lors de l’examen en séance publique.
Sur les amendements, je comprends votre intention et je partage votre volonté. La Cnam voudrait interdire les dépassements d’honoraires pour les actes de prévention. Nous ne pouvons pas déposer d’amendement en ce sens parce que ce serait un cavalier social, mais nous en discutons.
Il est vrai que la question se pose pour les analyses biologiques ou les actes de dépistage, par exemple. En revanche, les diététiciens, kinés, ergothérapeutes, psychomotriciens et autres professionnels habilités à faire pratiquer une activité physique adaptée ne pourront pas forcément procéder à des dépassements d’honoraires. Donc la portée de l’amendement est limitée.
Je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme Justine Gruet (DR). Les professionnels paramédicaux n’ont pas de secteur 3 : ils pratiquent peu le déconventionnement et les actes hors nomenclature. Je comprends l’avis du rapporteur général parce qu’il faut une vraie prise en charge de la prévention.
Nous finançons mieux les bilans que la prise en charge. Je m’inquiète que nous ne parvenions pas à financer les soins qui devraient suivre lesdits bilans.
M. le rapporteur général. D’un autre côté, il faut faire attention. Si nous voulons inciter les professionnels concernés à jouer le jeu de la prévention, il faut coter les actes concernés en conséquence.
Nous avons un autre défi à relever. La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) doit veiller à la répartition des charges respectives de l’assurance maladie et des complémentaires santé. Il va falloir obtenir que ces dernières prennent mieux en charge les actes de prévention.
M. Philippe Vigier (Dem). La HAS est indépendante. Commencer à contester ses décisions serait mettre le doigt dans un engrenage. Je dis ça en sachant, par exemple, qu’obtenir un avis sur les tranches d’âge pour la vaccination contre le covid n’est pas allé sans mal.
La HAS consulte les associations d’usagers. Faisons-lui confiance.
M. Jean-François Rousset (EPR). J’ai présenté avec Yannick Monnet un rapport sur les dépassements d’honoraires ; nous proposons notamment de les interdire pour les actes de prévention. Si une politique publique amène aux professions de santé une patientèle spécifique, il est logique de leur demander en contrepartie de ne pas pratiquer de dépassements. Mais ce n’est pas si simple : il faut suivre tout un processus, incluant les négociations conventionnelles, pour définir les actes qui permettraient ou non les dépassements.
Je ne voterai donc pas ces amendements mais je vous proposerai sans doute une autre rédaction ultérieurement.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS1333 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement vise à élargir le parcours de prévention à la santé psychique, cruciale mais souvent oubliée.
M. le rapporteur général. La santé mentale a été déclarée grande cause nationale de l’année et il y a fort à faire. Cependant, votre amendement tend à ajouter que le parcours « prend en compte [des] risques » : la rédaction, peu claire, est dépourvue d’effets juridiques. C’est aux médecins qui élaborent le parcours de « prendre en compte » les risques en question. Je vous propose de le retravailler pour la séance.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 19 modifié.
Amendement AS1396 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement vise à réviser le protocole de soins des bénéficiaires du dispositif ALD dès que leur état de santé indique une rémission ou une guérison, et à obtenir un rapport annuel du Gouvernement sur les révisions effectuées.
Comment se fait-il que 350 000 personnes entrent en ALD chaque année mais que jamais personne n’en sorte, malgré le nombre élevé de guérisons ? Un éclairage est nécessaire.
Par ailleurs, nous devons aider les praticiens à résister à la pression qui s’exerce sur eux : certains patients veulent rester en ALD quoi qu’il arrive. Quand on guérit d’un cancer, on n’a pas besoin d’y rester.
M. le rapporteur général. Vous avez raison : la sortie du dispositif pose un problème. L’ALD consiste à prendre en charge à 100 % les patients qui en ont vraiment besoin ; quand il n’y a plus de pathologie grave, il faut réviser la situation.
Toutefois, le dispositif de l’amendement renvoie à l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale mais, dans la nouvelle numérotation, c’est l’article L. 160-14 qui prévoit les conditions d’une prise en charge totale.
Je vous demande donc de retirer votre amendement et de corriger ce point avant de le redéposer pour l’examen en séance.
L’amendement est retiré.
Amendement AS763 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement vise à mettre en conformité la situation des patients irrégulièrement reconnus en affection de longue durée sans limitation de temps.
M. le rapporteur général. Vous voulez limiter à dix ans la durée des protocoles de soin des ALD. Cependant, la voie réglementaire définit la durée des ALD inscrites sur la liste établie par le ministère et fixe à trois ans par défaut la durée des autres. Si le protocole de soins ne prévoit pas de durée spécifique, la durée réglementaire s’applique par défaut.
De plus, le Gouvernement saisira la HAS pour qu’elle édicte de nouvelles recommandations relatives à la durée de reconnaissance des différentes ALD.
Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Dans un rapport de 2025, la Cour des comptes affirme que 524 500 personnes sont en ALD sans limitation de durée.
Mme Justine Gruet (DR). Comment sont déterminées les pathologies ouvrant droit à l’ALD ? La HAS met-elle à jour régulièrement la liste ? Même si je fais pleinement confiance aux médecins pour faire la part des choses, il arrive que des pathologies qui ne sont pas forcément des affections de longue durée hors liste, dites ADL 31, soient prises en charge.
Pour les patients qui ont besoin d’une prise en charge lourde et complète, ce dispositif est indispensable. Je ne le remets pas en cause, je m’interroge sur la définition scientifique de la liste encadrant la prise en charge des ALD.
M. le rapporteur général. Le ministre de la santé établit la liste, sur recommandation de la HAS, qui est la mieux placée pour déterminer la durée des soins, et qui définit de même les critères permettant d’inclure des ALD hors liste dans le dispositif.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1357 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes réservés – pour dire le moins – quant à l’opportunité de confier le pilotage de la vaccination aux ARS, dont nous voulons restreindre les prérogatives. Pendant la crise du covid, elles ont montré qu’elles étaient déconnectées et inefficaces, au contraire du couple préfet-collectivités.
L’article 20, si l’on en croit l’exposé des motifs, a pour ambition de simplifier l’organisation des centres de vaccination grâce à l’intervention des agences régionales de santé. Mais pour nous, les termes « simplifier » et « ARS » sont antinomiques.
M. le rapporteur général. Il faut unifier le pilotage de la vaccination dans les territoires. Vous voulez le confier aux collectivités. Certaines gèrent en effet des centres, par délégation de l’État, mais les périmètres ne sont pas toujours harmonisés. Je suis favorable au rapprochement avec les échelons territoriaux mais il faut que l’État conserve son rôle : la solidarité nationale et la souveraineté sanitaire sont de son ressort. Or, dans les territoires, ce sont les ARS qui conduisent son action.
Il faut certes en renforcer le contrôle parlementaire des ARS, mais ce n’est pas l’objet de l’amendement. Vous voulez supprimer une partie du dispositif sans pour autant proposer de solution de pilotage. Il évoluera peut-être en séance parce que les collectivités n’interviennent pas de la même manière dans tous les territoires.
Avis défavorable.
M. Christophe Bentz (RN). Je prends note de votre scepticisme quant à la gestion des ARS en tant que telles.
En qualité de rapporteur pour avis de la mission Santé, j’ai mené des auditions sur l’évolution du rôle des collectivités territoriales dans ce domaine. J’aurai donc l’occasion d’y revenir. En attendant, il va de soi que l’État doit rester le premier responsable du pilotage de la vaccination, mais l’État déconcentré, c’est-à-dire le préfet.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Il faut coordonner la gouvernance. Lors de l’épidémie de covid, il a fallu s’organiser en urgence ; certains départements et régions ont très bien travaillé avec l’ARS ; à l’inverse, certaines communes ont déployé des dispositifs inadaptés, ce qui ne les a pas empêchées de demander la rentabilisation de leurs installations. Il faut une territorialisation adaptée pour prévenir les inégalités.
S’agissant des vaccins, le contexte est au scepticisme. Il faut augmenter la vaccination, notamment celle des personnes âgées fragiles et du personnel soignant contre la grippe, qui provoque de nombreuses hospitalisations et quelque 10 000 décès par an – ce qui coûte beaucoup plus cher que le vaccin. J’ajoute que l’absentéisme du personnel médical pendant les épisodes grippaux est très pénalisant.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1129 de Mme Prisca Thevenot
Mme Prisca Thevenot (EPR). L’amendement vise à garantir l’application rapide des recommandations de la HAS, afin de rendre notre politique vaccinale plus réactive.
Le calendrier vaccinal est mis à jour en avril ; seules des exceptions discrétionnaires justifient une modification en cours d’année. Cela entraîne un décalage entre les recommandations de la HAS et leur inscription effective dans le calendrier. Il faut réduire ce délai administratif pour accélérer la protection de la population. Le virage préventif, dont l’ancienne majorité a dessiné la trajectoire il y a plusieurs années, profite directement aux finances de sécurité sociale. Il faut le poursuivre.
M. le rapporteur général. Je comprends votre intention, mais la rédaction que vous proposez ne réglerait pas le problème. En effet, elle est très proche de dispositions du code de la santé publique déjà en vigueur et n’impose pas de délai au ministre chargé de la santé pour prendre un arrêté après avis de la HAS.
Si vous souhaitez que le calendrier vaccinal soit mis à jour plusieurs fois par an, au lieu d’une fois par an, comme c’est le cas actuellement, vous devriez donc retravailler votre amendement, en vue de la séance publique.
Pour ma part, je m’en remettrai à la sagesse de la représentation nationale.
L’amendement AS1129 est retiré.
Amendement AS681 de M. Guillaume Florquin
M. Guillaume Florquin (RN). Cet amendement tend à introduire une exception médicale explicite à l’obligation vaccinale contre la grippe pour les professionnels de santé exerçant à titre libéral.
Il faut reconnaître, conformément au principe de proportionnalité, que certains professionnels peuvent présenter une contre-indication médicale qui rend la vaccination impossible ou risquée.
Cette précision ne remettrait pas en cause le principe général de l’obligation vaccinale, qui demeure justifiée pour la protection des patients et des soignants.
M. le rapporteur général. L’alinéa 5 du présent article prévoit déjà une exception similaire pour les personnes résidant en Ehpad. La précision est donc utile : avis favorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Je me félicite du chemin parcouru pour aboutir à l’obligation vaccinale des soignants contre la grippe. Après qu’elle a été inscrite dans la loi en 2006, elle n’a jamais été déclinée par un décret que Xavier Bertrand n’a pas pu ou su prendre. En 2016, Marisol Touraine avait permis d’introduire la notion de « vaccination altruiste » dans la loi, pour lever les objections à cette obligation, mais elle n’avait pas eu le temps de prendre le décret d’application.
Aujourd’hui, la HAS recommande la banalisation de l’obligation vaccinale pour les soignants, les professionnels des secteurs sanitaire et médico-social. Toutefois, le taux de vaccination contre la grippe des professionnels des Ehpad reste désespérément bas, à 30 %.
Quant à l’opportunité du présent amendement, le PLFSS mentionne déjà les recommandations de la HAS, qui, évidemment, exemptent de l’obligation vaccinale les personnes présentant des contre-indications. C’est suffisant. Si nous reprenions dans la loi tout le contenu des recommandations et des avis de la HAS, nous la rendrions très bavarde.
M. le rapporteur général. Cette exemption est déjà inscrite à l’alinéa 5 du présent article, pour les personnes résidant en Ehpad. Soit nous ne l’inscrivons pour personne, soit nous l’inscrivons pour tout le monde.
Mme Annie Vidal (EPR). Je suis favorable à l’amendement. En inscrivant cette exemption, nous soulignerons le parallèle entre les secteurs médico-social et sanitaire.
Il faut mener le virage préventif et développer la politique vaccinale. Or tous mes amendements allant dans ce sens ont été jugés irrecevables, alors qu’ils ne coûtaient rien ou permettaient des économies. Je proposais notamment d’expérimenter l’intégration des départements et de tous les élus locaux dans la politique vaccinale, dans une logique d’aller vers, en s’appuyant sur les données démographiques de chaque territoire.
Quoi qu’il en soit, la politique vaccinale devrait être développée, car elle constitue une source d’économie.
M. le président Frédéric Valletoux. Notre commission devrait traiter de l’extension du champ de la vaccination indépendamment du PLFSS. De fait, les amendements qui en traitent sont souvent déclarés irrecevables sur avis du président de la commission des finances. En effet, même s’ils permettent des économies indirectes, ils créeraient des dépenses immédiates.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je souscris à cet amendement, notamment pour des raisons psychologiques. Je suis provaccination à 100 %, mais l’obligation vaccinale a suscité des résistances – souvent pour de mauvaises raisons, d’ailleurs.
Plus généralement, je trouve que l’organisation de la discussion du PLFSS ne fonctionne pas. Nous essayons de bâtir une politique sans vision globale, à partir de microdécisions, qui ne sont pas cohérentes entre elles et font exploser le compteur des dépenses. Et en même temps, des amendements visant à favoriser la vaccination ou la prévention sont déclarés irrecevables. En outre, nous ne pouvons pas discuter d’un cadre pluriannuel, alors que le budget de la santé devrait être planifié à plus long terme.
M. le président Frédéric Valletoux. Tout à fait. Nous sommes unanimes sur ce point.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 20 modifié.
Amendement AS1244 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Dans le cadre de la mission d’information sur la santé mentale des mineurs, nous avons constaté que le dispositif Mon Soutien psy – une avancée majeure qui permet le remboursement de douze séances d’accompagnement psychologique – ne fonctionne pas auprès des publics les plus précaires, en raison de l’absence de tiers payant. Nous proposons donc d’instaurer le tiers payant pour tous. Cela aiderait certainement à désengorger les centres médico-psychologiques, qui sont saturés, souvent à mauvais escient.
M. le rapporteur général. Je ne peux que souscrire à votre propos. Toutefois, le tiers payant est déjà obligatoire pour les publics précaires que vous évoquez. Les psychologues et les médecins sont tenus de le pratiquer pour les bénéficiaires de la C2S et de l’AME, ainsi que pour les soins en lien avec une ALD, une maternité, un accident de travail, ou une maladie professionnelle. Le problème est que, souvent, les assurés ne le savent pas. Le premier enjeu est de faire connaître leurs droits aux assurés.
Sagesse.
M. Nicolas Turquois (Dem). Cet amendement prévoit une avance de trésorerie. Il devrait donc être irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, qui s’applique parfois pour moins que ça. Pourquoi n’est-ce pas le cas ?
M. le président Frédéric Valletoux. C’est au président de la commission des finances qu’il revient d’en juger. Peut-être a-t-il considéré que l’amendement ne crée pas de charge nouvelle, mais modifie simplement les modalités de prise en charge ?
M. le rapporteur général. Ou peut-être est-ce une question d’échelle ? Cela peut jouer en matière de recevabilité. Vous pourrez interroger le président de la commission des finances. Nous sommes tous victimes des règles de recevabilité.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1176 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Le présent amendement vise à modifier les modalités d’utilisation des crédits alloués aux fonds d’intervention régionaux (FIR), afin de recentrer ces crédits sur les missions les plus essentielles pour l’accès aux soins et leur qualité.
De fait, mon groupe s’interroge sur l’utilisation actuelle des crédits des FIR. Puisqu’ils ont été créés pour permettre d’adapter les financements aux besoins des territoires, les ARS sont libres de leur utilisation. Toutefois, celle-ci n’est soumise à aucun contrôle parlementaire, alors que le montant alloué aux FIR a doublé en cinq ans. Le Gouvernement devrait donc transmettre un rapport à ce sujet aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale du Sénat, afin qu’elles formulent un avis sur l’ensemble des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom).
M. le rapporteur général. Je bois du petit-lait, car il s’agit de l’une de mes grandes souffrances de parlementaire. Par exemple, je n’ai pas pu accéder à la documentation concernant le FIR de l’ARS Grand Est. Pourtant, les parlementaires devraient pouvoir contrôler l’usage de ces dotations, d’autant que leur montant est important.
Je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Nicolas Turquois (Dem). L’enveloppe des FIR se chiffre en centaines de millions d’euros. Pourtant, leur usage, qui est à la main des directeurs d’ARS, échappe à tout contrôle. Dans mon territoire, les sommes sont même phénoménales – alors qu’on embête par ailleurs les députés pour des mesures – une politique vaccinale, par exemple – qui ne coûtent pas grand-chose.
Je suis donc favorable à des mesures renforçant la gouvernance et la transparence des FIR.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS246 de Mme Justine Gruet et AS1247 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Mme Justine Gruet (DR). La nécessité d’une planification pluriannuelle des dépenses et des grandes évolutions de notre système de santé fait désormais consensus parmi les acteurs de la santé – et parmi les membres de notre commission. Nous proposons donc d’instaurer une loi de programmation pluriannuelle de la santé.
Notre système de santé connaît une crise profonde, liée au vieillissement de la population, à la forte augmentation de la prévalence des maladies chroniques et aux conséquences de la crise du covid en matière de santé publique. Il faut agir sans délai et mieux anticiper les besoins de santé futurs. Or le pilotage annuel des dépenses de santé dans le cadre de l’Ondam a montré toutes ses limites.
Afin d’organiser l’accès aux soins de la population et de soutenir l’investissement ainsi que la recherche et l’innovation, les acteurs de la santé ont besoin de confiance et de visibilité. Une programmation pluriannuelle renforcerait la cohérence des budgets, à l’hôpital ou en médecine de ville, et permettrait de mieux orienter l’évolution du système de santé vers la prévention.
Enfin, il faut aller plus loin dans le décloisonnement entre les cinq branches de la sécurité sociale, en renforçant notamment les liens entre la branche maladie et la branche dépendance.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). En effet, une loi de programmation pluriannuelle apporterait davantage de visibilité aux acteurs de la santé.
M. le rapporteur général. Sur le fond je ne peux que vous rejoindre : nous avons besoin de visibilité. C’est toute la logique des Cpom. Pour planifier et piloter, il faut formuler des objectifs en prenant en compte les besoins des territoires, puis déployer les moyens nécessaires. Or le pilotage de notre système de santé pose problème. L’Ondam, notamment, n’est pas forcément un outil adéquat.
Toutefois, il ne suffit pas de décréter que la programmation doit être pluriannuelle pour que cela fonctionne. Il faudrait sans doute mener une réforme d’ensemble, y compris de la loi organique. Peut-être pourriez-vous retirer ces amendements, pour les redéposer en séance publique, afin d’en débattre avec le Gouvernement ?
En attendant, je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS635 de M. Hadrien Clouet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). À l’issue d’un travail avec les associations concernées, nous proposons de créer des espaces dédiés exclusivement aux femmes dans les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud). Ces établissements médico-sociaux qui accueillent les usagers de drogues sont des acteurs de première ligne en matière de réduction et de prévention des risques sanitaires et psychosociaux. Ils jouent également un rôle souvent essentiel dans l’accès aux soins.
Cependant, les Caarud sont principalement fréquentés par des hommes. Seules 20 % des personnes accueillies en 2019 étaient des femmes. Plusieurs facteurs l’expliquent, dont la crainte de subir des violences sexistes ou sexuelles, les représentations stéréotypées de la consommation de drogues, ou le fait que le matériel mis à disposition dans ces espaces est plus souvent adapté à la consommation des hommes qu’à celle des femmes. Pourtant, les femmes sont elles aussi concernées par la consommation de drogues et doivent pouvoir bénéficier d’espaces de réduction des risques, au même titre que les hommes.
M. le rapporteur général. Mon expertise en la matière est très limitée et je ne dispose pas d’éléments suffisants pour juger de la pertinence de cet amendement.
Sagesse.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Les consommateurs de drogues accueillis dans ces lieux ont parfois des accès de violence, qui peuvent donner lieu à des agressions sexuelles. Nous soutenons cet amendement.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’expérimentation proposée serait fondamentale. Monsieur le rapporteur général, vous en remettrez-vous également à la sagesse de la commission sur l’amendement suivant AS560, qui prévoit le même type d’expérimentation, mais dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie ?
M. le rapporteur général. J’allais vous proposer de retravailler ces deux amendements pour n’en soumettre qu’un en séance publique. Mais, puisqu’il s’agit d’établissements différents, je m’en remets également à la sagesse de la commission sur le suivant.
La commission adopte l’amendement, puis elle adopte l’amendement AS560 de Mme Élise Leboucher.
Amendement AS1759 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Il faut dépister les troubles du rachis, notamment la scoliose, au début de l’adolescence, au vu de leurs effets. Or certains troubles passent encore entre les mailles du filet.
Pour y remédier, une expérimentation a été lancée en 2021-2022, dans un cadre conventionnel, avec des masseurs kinésithérapeutes. Elle a été étendue en 2023 à treize départements. Le présent amendement tend à la relancer et à l’amplifier pour la période 2026‑2028, dans un maximum de cinq régions.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS631 de M. Damien Maudet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous demandons par cet amendement la production d’un rapport évaluant le niveau de la prévention en santé, notamment la ventilation des crédits qui y sont alloués. Le mot « prévention » recouvre tout et n’importe quoi – je serais ravie de vous apporter mon éclairage personnel. Quoi qu’il en soit, un état des lieux est nécessaire, pour comprendre quels dispositifs fonctionnent.
M. le rapporteur général. C’est un beau et vaste sujet, qui a donné lieu à de nombreuses publications – il pourrait même faire l’objet d’une thèse. Je ne sais pas si un rapport du Gouvernement apporterait une plus-value. Plutôt que de multiplier les rapports, l’important est de favoriser la prévention.
Avis défavorable. Vous pourrez redéposer l’amendement en séance publique, pour échanger avec le Gouvernement à ce propos.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1669 de M. Théo Bernhardt
M. Théo Bernhardt (RN). Nous demandons la production d’un rapport évaluant la politique de vaccination contre les infections à papillomavirus, notamment son impact épidémiologique et financier, en prenant en compte le coût de la vaccination et les économies qu’elle permet. En Australie, la vaccination a fait ses preuves puisque l’incidence des cancers du col de l’utérus a baissé.
M. le rapporteur général. Santé publique France a déjà publié beaucoup d’éléments concernant cette campagne de vaccination. Elle coûte 88 millions d’euros chaque année, en rythme de croisière. Nous connaissons également le taux de couverture vaccinale pour les garçons et les filles et pour une ou deux doses. Enfin, le vaccin est pris en charge et les professionnels de santé qui vaccinent dans les collèges sont rémunérés. Nous n’avons pas besoin d’un rapport.
Avis défavorable.
M. Théo Bernhardt (RN). Je retire l’amendement, mais disposons-nous d’informations sur les économies permises par ces vaccinations ?
M. le rapporteur général. Nous savons que le vaccin est efficace pour les patients, ce qui est le plus important. Sur le plan financier, il évite la prise en charge – coûteuse – de nombreux cancers du col de l’utérus.
L’amendement AS1669 est retiré.
Amendement AS51 de Mme Céline Thiébault-Martinez
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). La LFSS 2 024 prévoyait la prise en charge des protections périodiques pour les femmes en situation de précarité. À l’époque, les organisations féministes avaient salué cette mesure, qui répondait à une attente importante dans la population.
En mai, quand j’ai interpellé Aurore Bergé, alors ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, concernant l’entrée en vigueur du remboursement, elle m’a indiqué qu’il serait effectif en septembre de cette année. Or ce n’est toujours pas le cas.
Nous demandons donc la production d’un rapport concernant les mesures réglementaires prises ou en cours de préparation pour appliquer ce remboursement et le calendrier prévisionnel de son déploiement. Le rapport préciserait en outre quels moyens sont envisagés pour garantir un accès effectif et équitable au dispositif sur l’ensemble du territoire.
M. le rapporteur général. Le Gouvernement s’était engagé à déployer la mesure d’ici à la fin de 2025. Plus que d’un rapport, nous avons besoin d’interroger le Gouvernement, ce que vous pourrez faire si vous redéposez l’amendement pour la séance publique. En attendant, n’étant pas le Gouvernement, je ne peux pas vous répondre.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous soutiendrons cet amendement. Il y a de quoi être en colère. Depuis deux ans que la mesure a été adoptée, nous attendons les décrets d’application en vain. Je suis persuadée que si c’étaient les hommes qui avaient leurs règles, un remboursement, des systèmes d’allocations ou des garanties de gratuité seraient prévus depuis belle lurette.
Rappelons que chaque femme dépense entre 8 000 et 23 000 euros pour ces produits essentiels à la santé et la dignité. L’absence de gratuité est un calvaire pour les plus précaires, qu’elle plonge dans l’indignité. Espérons qu’avec cet amendement d’appel, le Gouvernement passera aux actes.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS555 et AS449 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Depuis quelques années, des maternités ferment, de manière inégale selon les territoires. Certains y voient un scandale, d’autres une nécessité.
Dans ce contexte, nous proposons, avec l’amendement AS555, une évaluation de l’expérimentation des maisons de naissance – des structures autonomes où les sages-femmes réalisent des accouchements physiologiques.
Quant à l’amendement AS449, il concerne les services de protection maternelle et infantile (PMI), dont la situation est elle aussi très hétérogène. Alors que certains départements ne comptent qu’un ou deux centres de PMI, d’autres en comptent quinze, sans que la densité de population justifie toujours ces écarts. Nous proposons qu’un rapport évalue le rôle de ces services départementaux, l’adéquation entre leurs moyens et leurs missions, notamment au regard de l’augmentation de la mortalité infantile dans notre pays – qui est une anomalie sans équivalent dans les pays dits développés. Il faut en comprendre le pourquoi du comment.
M. le rapporteur général. S’agissant de l’amendement AS555, la Mecss avait lancé une mission concernant les maisons de naissance, dont les rapporteurs étaient Sandrine Josso, Joëlle Mélin et Sébastien Peytavie. Toutefois, à cause de la dissolution, cette mission n’a pas pu rendre ses travaux. Il vaudrait mieux relancer cette évaluation, plutôt que de demander des éléments au Gouvernement.
Concernant l’amendement AS449, le financement de la PMI relève essentiellement des conseils départementaux – l’assurance maladie n’intervient que très marginalement. Je vous propose d’en rester dans cette commission aux politiques qui concernent directement l’assurance maladie.
Je sais toutefois que de nombreux postes restent vacants dans les centres de PMI. Je vous propose donc de retirer votre amendement pour interpeller le Gouvernement à ce sujet en séance publique.
Mme Joëlle Mélin (RN). La mission d’évaluation des maisons de naissance nous avait permis de recueillir des témoignages sur ces structures. Autant ces maisons peuvent apporter de très bonnes choses et répondre à la demande des parturientes, autant il semblerait que leurs résultats médicaux ne soient pas si encourageants. Pour tirer les choses au clair, il faut impérativement un rapport.
Quant à la PMI, elle joue un rôle de prévention fondamental. Il est urgent qu’un rapport dresse un bilan de l’état actuel de ces services.
M. le président Frédéric Valletoux. Seriez-vous d’accord, monsieur Guedj, en votre qualité de coprésident de la Mecss, pour relancer, après l’examen du PLFSS, ce travail d’évaluation ?
M. Jérôme Guedj (SOC). Nous avons toute latitude pour le faire, soit dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, l’année prochaine, soit après l’examen du PLFSS, lorsque la commission sera moins sollicitée, sous réserve aussi de disposer de volontaires, au sein de la Mecss, pour reprendre ce travail. Que ceux qui sont intéressés se fassent connaître, sachant que nous formons habituellement des binômes – un député de droite, un de gauche.
L’amendement AS555 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS449.
Amendement AS661 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous souhaitons évaluer l’opportunité d’intégrer la santé mentale des enfants et des adolescents aux rendez-vous de prévention. En effet, ceux-ci couvrent un spectre tellement large que les troubles psychiques peuvent facilement passer inaperçus. Pourtant, il y a urgence. Entre 2016 et 2021, le nombre de passages aux urgences pour troubles psychiques chez les mineurs a augmenté de 65 % ; 13 % des enfants âgés de 6 à 11 ans présentent au moins un trouble probable de santé mentale ; un quart des jeunes se disent atteints de dépression et 24 % des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois.
La création de rendez-vous de prévention spécifiquement dédiés à la santé mentale est une piste sérieuse, afin d’améliorer la prévention, le repérage et l’accompagnement des enfants et des adolescents.
M. le rapporteur général. Votre demande est déjà satisfaite : vingt examens de santé sont prévus entre la naissance et l’âge de 16 ans, au cours desquels les pédiatres ont une approche globale et préventive qui couvre aussi les troubles de la santé mentale. Le rapport que vous demandez au Gouvernement ne changera pas grand-chose. Toutefois, si vous voulez être rassurée, je vous invite à le retirer et à le redéposer en séance.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1086 de M. Sébastien Peytavie, AS543 de M. Damien Maudet et AS609 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Avec l’amendement AS1086, notre objectif est de tirer les leçons des défaillances structurelles du dispositif Mon soutien psy et de réaffecter les 170 millions d’euros qui lui sont alloués au recrutement d’au moins 2 500 psychologues, notamment dans les centres médico-psychologiques (CMP).
Alors que la santé mentale est une énième grande cause nationale du quinquennat, il ne se passe rien : trois ans après son lancement, Mon soutien psy continue à être délaissé par 80 % des psychologues. Les patients doivent entrer dans des cases trop étriquées, qui ne correspondent pas à un travail psychique à la hauteur des besoins. Pourtant, nous avons en France un service public de la santé mentale : les centres médico-psychologiques. Mais ceux‑ci sont sous-financés et saturés, ce qui crée des délais d’attente pouvant aller jusqu’à deux ans et demi. Appuyons-nous sur les psychologues des trois fonctions publiques – que je salue, car ils ont été très fortement mobilisés ces derniers temps.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Par l’amendement AS543, nous appelons également à tirer les leçons de l’échec du dispositif Mon soutien psy, en vue d’y mettre fin et de réaffecter les crédits alloués au recrutement de 2 500 psychologues en CMP. Les troubles psychiques concernent chaque année un Français sur cinq. Pourtant, la grande cause nationale de 2025 repose sur un investissement équivalent à 1,66 euro par personne. Trois ans après son lancement, le dispositif est, au mieux, un échec, au pire, un gâchis d’argent public – les syndicats de psychologues l’ont réaffirmé devant la commission d’enquête sur la santé mentale que préside Mme Dubré-Chirat. Construit sans concertation, ce dispositif ne prévoit que douze séances et ne répond absolument pas aux besoins des patients. Si le Gouvernement voulait atteindre les plus précaires, il a raté sa cible.
Ni une enveloppe supplémentaire ni un changement de nom tous les six mois ne suffiront pour répondre aux besoins. Nous disposons déjà de consultations de psychologues prises en charge au sein des centres médico-psychologiques, mais ces derniers sont saturés. Sortons donc de cette politique d’effets d’annonce et finançons les CMP pour permettre une réelle prise en charge par la sécurité sociale des consultations de psychologues pour toutes et tous.
Ensuite, par l’amendement AS609, nous demandons la remise d’un rapport sur la disponibilité, dans chaque département, des professionnels de santé pour les femmes concernées par une interruption de grossesse. Selon le baromètre sur l’accès à l’avortement publié par le Planning familial en septembre 2024, les difficultés d’accès à cet acte médical font partie des freins les plus régulièrement relevés : 55 % des femmes qui ont avorté témoignent du manque de structures ; neuf femmes sur dix n’ont pas accès à un gynécologue conventionné de secteur 1 et un quart vivent dans un désert médical gynécologique. 77 % des départements ne sont pas assez dotés en gynécologues médicaux, ce qui provoque une réduction drastique de la prévention, du dépistage et du soin. Quelle est la réalité de la prise en charge post-interruption de grossesse, alors que la fausse couche concerne au moins 200 000 femmes chaque année et l’interruption volontaire de grossesse (IVG) environ 240 000 ? La prise en charge des femmes concernées par une IVG est un enjeu de santé publique, qui appelle des solutions opérationnelles et ambitieuses.
M. le rapporteur général. Vous évoquez des sujets très différents. En principe, les demandes de rapports portent sur des dispositions adoptées dans de précédentes lois de financement de la sécurité sociale.
S’agissant du dispositif Mon soutien psy, votre demande est satisfaite puisque le Gouvernement a publié le 27 mars un rapport d’évaluation sur son déploiement. C’est pourquoi je vous invite à retirer vos amendements.
M. Hendrik Davi (EcoS). Ce rapport ne convient pas aux psychologues. Je rencontre régulièrement des professionnels de santé, des psychologues ou des professionnels de l’éducation nationale qui déplorent le manque de places dans les CMP : à Marseille, par exemple, un enfant qui a besoin d’un suivi pluridisciplinaire doit parfois attendre un an – c’est inadmissible ! De nombreux psychologues ne se reconnaissent pas dans le dispositif Mon soutien psy et, en définitive, très peu sont conventionnés. L’abroger permettrait d’utiliser les crédits pour recruter 2 500 psychologues en CMP et de traiter le sujet à plus long terme.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Certes, les CMP sont totalement saturés, mais ils accueillent aussi beaucoup de jeunes patients qui n’y ont pas vraiment leur place. Le dispositif Mon soutien psy permet également, grâce au système du tiers payant que nous avions adopté, de désengorger les CMP.
La commission adopte l’amendement AS1086.
En conséquence, les amendements AS543 et AS609 tombent.
Amendement AS337 de Mme Ségolène Amiot
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’objectif de cet amendement, qui ne coûtera pas un centime, est que les praticiens libéraux exerçant au sein des centres de santé en soins non programmés (CSNP) participent à la permanence des soins ambulatoires (PDSA), qui est l’une des composantes du service public et de l’accessibilité de la population aux soins. Il est important de rétablir une obligation intégrale de participation à cette permanence pour les patients qui, en l’absence de solution alternative, se tournent vers d’autres types de structures, telles que les urgences, qui ne sont pas nécessairement les plus adaptées. On en arrive à des situations comme celle du centre hospitalier universitaire de Toulouse, contraint de filtrer les patients et qui s’apprête à fermer, dans les prochaines semaines, une partie de ses urgences pour éviter l’engorgement hivernal – même s’il est toujours préférable de prendre les patients en charge plutôt que de les laisser sur le pas de la porte !
Cette obligation de permanence des soins présente aussi un intérêt pour le tiers de praticiens qui exercent à eux seuls toutes les permanences : si elles étaient réparties sur l’ensemble des praticiens, chacun en ferait moins.
M. le rapporteur général. Le renforcement des structures de soins non programmés fait précisément l’objet de l’article 21. Dans mon département, un centre permet d’apporter une réponse dans des délais satisfaisants, notamment le samedi ou le dimanche, à des besoins de prise en charge, de manière coordonnée avec les urgences du centre hospitalier régional universitaire à côté. La participation à la permanence des soins sera évidemment l’un des attendus du cahier des charges. Votre amendement étant satisfait par la rédaction du texte, je vous invite à le retirer.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je suis ravi de vous entendre affirmer que la permanence des soins sera, évidemment, un attendu du cahier des charges. Dans ce cas, votez notre amendement : vous serez certain que le cahier des charges respectera vos attentes. Votre réponse est sans doute votre manière très délicate d’exprimer l’avis favorable que vous ressentez au fond de votre cœur.
M. le rapporteur général. Je confirme mon avis défavorable, puisque l’amendement est satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1033 de M. Jean-Claude Raux
M. Jean-Claude Raux (EcoS). Cet amendement a été adopté par l’Assemblée lors de l’examen de la proposition de loi d’initiative transpartisane visant à lutter contre les déserts médicaux. Pourtant, en raison de la désertification médicale qui continue de s’étendre, l’absence de réponse aux besoins de soins en soirée ou le week-end conduit à des difficultés en chaîne : problèmes de déplacement, engorgement des urgences, allongement des délais de prise en charge.
Depuis la suppression de l’obligation de permanence des soins en 2003 au profit du volontariat, l’accès aux soins en dehors des horaires classiques repose sur moins de 40 % des médecins ; quarante-deux départements sont même des zones blanches nocturnes. Pourtant, l’accès aux soins est un droit, quel que soit son lieu de vie et quelle que soit l’heure du jour et de la nuit. L’obligation de permanence des soins permettrait de réduire l’affluence aux urgences – qui sont engorgées et subissent une pression constante –, une prise en charge plus rapide des patients et une meilleure répartition de la charge de la permanence entre l’ensemble des médecins.
M. le rapporteur général. La situation n’est pas parfaite, mais il existe déjà un outil contraignant à la main des préfets, qui peuvent réquisitionner les médecins. Il ne me semble pas souhaitable d’aller au-delà.
M. Jean-François Rousset (EPR). Au-delà de la réquisition rendue possible grâce aux lois que nous avons adoptées, la permanence des soins sous la forme du volontariat a permis de couvrir 97 % des besoins en 2024. Les jeunes praticiens y participent d’ailleurs volontiers, puisque la moyenne d’âge est de 45 ans. Quinze centres de soins supplémentaires ont été ouverts pour assurer cette permanence. Les choses se mettent donc en place et il n’est pas utile de réguler davantage.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1555 de Mme Fanny Dombre Coste
Mme Fanny Dombre Coste (SOC). L’amendement concerne aussi les CSNP qui s’installent sans aucune autorisation préalable ni répartition liée à une analyse territoriale de l’offre de soins. Si les CSNP répondent effectivement à un besoin de prise en charge rapide et permettent de désengorger les urgences, nous observons néanmoins une augmentation des prescriptions et d’examens complémentaires. De plus, la continuité des soins n’est pas assurée et leur pertinence peut être remise en question. Par ailleurs, et c’est ce qui nous pose problème, les CSNP recrutent des médecins généralistes et urgentistes, notamment dans les grandes villes, attirés par des conditions de travail plus favorables, ce qui entraîne la fermeture de certains services d’urgences.
Cet amendement propose donc de fixer des objectifs quantitatifs d’implantation, pour avoir un regard sur la permanence des soins, la continuité et l’organisation, en lien avec les services d’accès aux soins (SAS) et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
M. le rapporteur général. J’admets que le problème que vous soulevez existe dans certains territoires métropolitains. L’article 21 y répond précisément, puisque son objectif est d’éviter que des CSNP ne soient créés en excès dans des zones où il n’y aurait pas suffisamment de besoins, car ils génèrent une surconsommation de soins, de manière non régulée par le SAS et la PDSA. La rédaction de l’article permettra de réguler ces pratiques et il n’est pas souhaitable de donner un pouvoir trop important aux agences régionales de santé. Mieux vaut trouver un juste équilibre.
Demande de retrait ; à défaut avis défavorable.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis d’accord avec le rapporteur général : avant que le SAS existe, il n’était pas possible d’obtenir un maillage complet dans chaque département ; il a fallu forcer les ARS, qui étaient réticentes, à organiser ce maillage, par le biais des CPTS qui incluaient des services de soins non programmés. N’ajoutons pas de la rigidité au système et laissons les professionnels de santé s’organiser, en lien avec l’ARS, dans le cadre de la régulation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1358 de M. Christophe Bentz
M. Christophe Bentz (RN). Nous contestons la pertinence de l’échelon régional, considérant que les préfets de département peuvent exercer les compétences et prérogatives en matière d’accès aux soins.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS3 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Si je partage le constat sur les inégalités d’accès aux soins et la nécessité d’apporter des réponses à la désertification médicale, je considère que les rémunérations complémentaires versées aux jeunes médecins ne sont pas la solution. La Cour des comptes l’a démontré : l’impact des aides à l’installation, qui représentent un coût non négligeable de 100 millions d’euros, est décevant. Dans un contexte budgétaire tendu, qui implique des économies, nous proposons donc que ces aides ne dépassent pas 10 % de la rémunération des médecins. Nous, socialistes, avons formulé dans la proposition de loi transpartisane déjà mentionnée, des recommandations pour lutter contre les déserts médicaux, dont celle de réguler l’installation des médecins pour assurer une présence médicale dans tous les territoires.
M. le rapporteur général. Je pense, comme nos collègues Yannick Monnet et Jean-François Rousset dans leur évaluation présentée dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, qu’il faut mettre de l’ordre dans le maquis des aides et des incitations destinées aux médecins. Toutefois, le contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, prévu dans les déserts médicaux répond à un besoin. Le ratio de 10 % que vous voulez fixer, sans que nous ayons pris le temps de nous assurer de sa validité, me semble arbitraire. De plus, cette disposition relève plutôt du domaine réglementaire. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement et à le redéposer en séance si vous voulez avoir un échange avec le Gouvernement – il semblerait que certains d’entre vous aient des discussions avec lui, mais je n’en fais pas partie. Il faut rendre l’installation des jeunes médecins plus attractive et cela ne passe pas uniquement par un maquis d’aides.
Mme Sandrine Runel (SOC). Contrairement au fantasme des uns et des autres, nous n’avons aucune discussion avec le Gouvernement. Je maintiens mon amendement.
M. Jean-François Rousset (EPR). L’évaluation que nous avons réalisée avec Yannick Monnet confirme que les aides à l’installation ne sont pas déterminantes : c’est plutôt l’environnement – crèches, maisons de santé permettant un exercice pluridisciplinaire, etc. – qui incite le jeune médecin à choisir son lieu d’implantation. D’autant que, dès le premier mois de son installation, en l’absence d’autre médecin dans le territoire, la patientèle est bien présente et les revenus assurés. Par conséquent, ces crédits pourraient être fléchés vers d’autres postes, pour favoriser par exemple un parcours de soins ou mener une expérimentation dans le cadre d’une CPTS. Évitons de réguler et favorisons l’installation autrement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS801 de M. Elie Califer
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1762 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. L’amendement vise à préciser par décret les conditions dans lesquelles le contrat prévu au présent article peut être cumulé avec d’autres dispositifs d’aides, afin d’offrir la visibilité nécessaire aux jeunes médecins. Il est essentiel, par ailleurs, de réviser régulièrement la définition des zones rouges identifiées comme prioritaires.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS953 de Mme Josiane Corneloup
Mme Josiane Corneloup (DR). Le réseau des pharmacies françaises est en recul constant : on compte 2 000 officines de moins qu’il y a dix ans et 4 000 de moins qu’en 2007 ; près d’une officine ferme ses portes chaque jour ouvré. Les fermetures sèches, c’est-à-dire sans repreneur, constituent une majorité inquiétante : 64,2 % ont fermé sans être reprises en 2023, contre 45 % en 2022.
L’alinéa 22 du présent article vise à permettre l’installation d’une officine par voie de création dans les communes de moins de 2 500 habitants, dans lesquelles la dernière officine a cessé définitivement son activité. Il semble toutefois illusoire de vouloir créer des officines, sachant que celles qui ont fermé l’ont fait faute de repreneur, par manque d’attractivité et parce qu’elles ne parvenaient pas à survivre. Mieux vaut préserver le maillage territorial actuel, en donnant la possibilité à celles qui existent de vivre correctement.
M. le rapporteur général. La viabilité économique des officines est une vraie question. Hier soir, nous avons adopté une mesure conférant au législateur la possibilité de fixer les remises sur les médicaments biosimilaires et les génériques, mais ce n’était pas suffisant.
Je partage votre scepticisme sur la disposition de l’article qui autorise la création d’officines dans les villes de moins de 2 500 habitants. La loi Valletoux de décembre 2023 a autorisé un dispositif expérimental donnant la possibilité de créer des antennes de pharmacie ; les premières commencent à se déployer mais je ne suis pas totalement convaincu. Ouvrir une antenne avec des horaires réduits, alors qu’il y a des problèmes de viabilité économique, n’est pas forcément une bonne solution. C’est pourquoi je vous propose d’attendre les résultats de l’expérimentation. À ce stade, je ne suis pas favorable à supprimer l’alinéa 22 : ne prenons pas le risque de bloquer la création d’une officine là où, par un miracle économique, entrepreneurial ou territorial, elle serait possible.
M. Philippe Vigier (Dem). Je ne soutiendrai pas cet amendement. Savez-vous comment ont évolué les conditions d’ouverture des pharmacies ? Auparavant, les règles étaient d’une pharmacie pour 2 000 habitants puis ce seuil a été porté à 5 000. Pour un regroupement de communes, l’ouverture d’une deuxième officine nécessite qu’il y ait au moins 7 500 habitants. Je connais des pharmacies dans des villages de moins de 2 500 habitants qui, grâce à un petit bassin de vie, fonctionnent très bien. La création ne serait-ce que d’une seule officine permet déjà de fournir un service aux habitants. Laissons l’expérimentation se dérouler et nous verrons dans un an ce qu’il en est.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1556 de Mme Joëlle Mélin
Mme Joëlle Mélin (RN). Renforcer l’accès aux soins passe par le maintien d’un maillage territorial d’officines. Or force est de constater qu’un désert pharmaceutique est en train de s’installer, puisqu’une pharmacie ferme chaque jour en France. Ce n’est donc pas la création de nouvelles officines dans les communes de moins de 2 500 habitants qui réglera le problème. Cet article contrevient au numerus d’installation des pharmacies, destiné à assurer un volume de clientèle suffisant à chacune. Elle est en outre contreproductive car elle risque d’affaiblir les officines existantes. Dès lors, la sagesse et l’efficience recommandent d’autoriser l’ouverture d’antennes de pharmacies existantes plutôt que de favoriser des implantations qui seraient déficitaires dès leur création. La présence d’un pharmacien titulaire dans chaque antenne serait obligatoire.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ces amendements me surprennent un peu car en Occitanie, où il y a de nombreuses petites communes, des jeunes sont prêts à ouvrir une officine, y compris à une certaine distance d’une ville importante, pour éviter un effet de concentration. Mais on leur conseille généralement de se rattacher à la plus grande ville du coin, ce qui ne correspond pas à leur projet. Nous gagnerions donc à lever cet obstacle et à permettre, dans un rayon de 100 kilomètres, l’ouverture ou la réouverture d’officines. Avec ma collègue Sylvie Ferrer, nous avons déposé une proposition de loi visant à favoriser l’accès aux pharmacies en milieu rural, pour laquelle nous avons obtenu le soutien des acteurs, y compris l’ARS et les CPTS, lesquels estimaient qu’il convenait effectivement de lever cet obstacle.
Mme Joëlle Mélin (RN). J’entends ce que vous dites mais les jeunes pharmaciens qui souhaitent s’installer peuvent aussi reprendre les officines qui ferment. Pourquoi ne le font‑ils pas ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1098 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement poursuit deux objectifs : donner aux étudiants en médecine la possibilité de réaliser des stages dans des centres de santé à but non lucratif dans tout le territoire et accorder une priorité aux stages réalisés dans les centres de santé non lucratifs plutôt que dans des cliniques privées ou des cabinets. La loi permet aux centres de santé de recevoir des étudiants mais certains départements de médecine générale de l’université du secteur n’ouvrent pas cette possibilité.
Plus largement, il faut développer les centres de santé publics, car les jeunes médecins souhaitent exercer la médecine de manière pluridisciplinaire et collective. Par ailleurs, on assiste à une multiplication des centres de soins privés, qui font du chiffre et coûtent beaucoup d’argent à la sécurité sociale.
M. le rapporteur général. Vous voulez imposer aux départements de médecine générale de proposer des stages en centres de santé dès lors que les conditions d’accueil le permettent. Les centres accueillent d’ores et déjà des étudiants pour leurs stages, à condition que les médecins du centre soient volontaires pour devenir maîtres de stage. Ensuite, la commission d’évaluation des besoins de formation arrête la liste des lieux de stage qui seront proposés aux étudiants : les représentants de l’ARS, les coordonnateurs de la spécialité et les représentants des internes sont les mieux à même de choisir, de manière concertée, les lieux de stage les plus adaptés, en fonction des besoins du territoire.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS921 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Les maisons de santé sont des structures pluridisciplinaires qui regroupent des professionnels de santé assurant des missions de premier recours, de prévention et de coordination. Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi leur participation aux soins non programmés puisque, sur le terrain, elles répondent déjà à ce besoin de la population, en raison de leur nature pluridisciplinaire et de leur organisation collective.
Cela permettra de clarifier le cadre de leur intervention, de renforcer la coordination avec les ARS et les services d’accès aux soins et de valoriser leur rôle dans la continuité de l’offre de soins de proximité.
M. le rapporteur général. L’article 21 cherche précisément à faire le contraire et à éviter que tout le monde fasse un peu de soins non programmés dans son coin. Cela suppose que les centres de soins non programmés soient des structures bien identifiées, dotées d’un cahier des charges ad hoc, répondant à une mission spécifique, en coordination avec les SAS. Pour être centre de soins non programmés, les maisons de santé devront donc répondre à ce cahier des charges.
M. Jean-François Rousset (EPR). Je dis simplement qu’il faut favoriser cette mission et qu’elle s’intègre dans la coordination, avec les SAS.
M. le rapporteur général. J’ai bien compris que votre objectif est qu’un maximum de centres de soins participent à cette mission, mais le concept de maisons de santé englobe des réalités très différentes et certaines disent participer à la prise en charge des soins non programmés alors que, dans la réalité, elles ne répondent pas au cahier des charges.
M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement de notre collègue Rousset ne semble pas totalement abouti. Il y a les maisons de santé et le SAS ; l’ARS valide l’architecture et octroie les financements complémentaires, qui passent par le SAS et sont alimentés par les CPTS. Réfléchissons à une nouvelle rédaction de l’amendement d’ici à la séance, en évitant en outre que des soins non programmés se fassent à l’hôpital en même temps qu’en ville – cela existe. Il faut prévoir une obligation d’articulation et de mutualisation, de manière que le SAS soit parfaitement efficace, avec une régulation par le 15 qui permette de répondre à tous les cas de figure.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’ai sous les yeux un courrier de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) et d’AVECsanté, qui ne sont pas favorables à cette nouvelle définition. Ils estiment que les CPTS sont le pivot de l’organisation des soins non programmés dans les territoires et appellent à mieux comprendre les difficultés des centres et des maisons de santé. J’insiste pour ma part sur les centres de santé, qui sont hélas financés exclusivement par la T2A, sans prise en compte de leurs frais de fonctionnement, ce qui les rend structurellement déficitaires ; mais là n’est pas le sujet. Au vu de la carence en médecins de ville, n’organisons pas un nouvel îlot.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). On ne peut pas réaliser des soins non programmés n’importe où. Chez moi, des médecins généralistes ont créé une structure spécifique pour les soins non programmés et ils sont détachés de leur maison de santé pour pouvoir y travailler. Il faut cibler pour répondre à la demande, qui n’est pas la même que celle des patients lambda. C’est aussi une indemnisation différente.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1351 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous ne sommes pas contre l’idée de mieux organiser les soins non programmés. La question est de savoir qui va en bénéficier.
Notre amendement vise à préciser que les structures spécialisées en soins non programmés doivent être publiques ou non lucratives. Notre groupe s’oppose à la privatisation du système de santé et refuse que le financement forfaitaire spécifique proposé dans l’article contribue à l’enrichissement d’établissements privés et lucratifs. Vous ne pouvez pas ignorer que de puissants groupes privés agissent comme de véritables prédateurs sur l’ensemble du territoire. Il est urgent de mettre un terme à cette logique et d’enrayer leur expansion. Je me réjouis que la loi avance, mais il faut éviter de favoriser les centres de santé lucratifs.
J’ai discuté du sujet avec les responsables de l’ARS de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui ont fait fermer sur certains horaires des centres de santé privés qui fonctionnent à la chaîne. Ces centres sont parfois dangereux pour les patients, qui perdent la continuité des soins, et coûteux pour la sécurité sociale du fait des dépassements d’honoraires.
M. le rapporteur général. L’amendement aurait pour effet de supprimer les rares centres de soins non programmés qui existent dans les territoires périurbains et ruraux. En Meurthe-et-Moselle, le seul centre qui existe, et qui heureusement fait du bon travail, est géré par une association de professionnels libéraux sous forme de société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa), c’est-à-dire sous statut de droit privé. Nous ne pouvons pas distinguer, comme vous le faites, le public, le privé non lucratif et le privé lucratif.
Je partage votre préoccupation pour la financiarisation et je mène des concertations sur le sujet depuis plusieurs mois, mais vous sous-estimez l’ingéniosité des néo-centres de santé : parfois, ils mettent en façade une association, ce qui donne l’impression que la structure est non lucrative, mais il y a derrière toute une ingénierie financière. Vous vous trompez de cible. Pour assurer le maillage et une organisation coordonnée entre les centres de soins non programmés, il ne faut surtout pas interdire les Sisa, car cela portera préjudice aux territoires. Ce n’est pas comme cela que nous lutterons contre la financiarisation.
Avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je suis également défavorable à l’amendement. Les arguments de M. le rapporteur général sont absolument justes. Nous avons besoin de structures non publiques sinon, il faudra fermer beaucoup de lieux.
J’appelle votre attention sur les centres de santé employant des médecins salariés, dont les coûts de fonctionnement sont très élevés car les jeunes médecins ont de plus en plus d’exigences. Chez moi, un centre de santé privé a fermé des structures dans plusieurs départements car elles n’étaient pas rentables. Il ne faut pas voir de l’hyper-financiarisation partout... Enfin, je citerai ce chiffre donné par l’assurance maladie : pour remplacer un ancien médecin, il en faut 2,3 nouveaux. Avant de retrouver le nombre de médecins nécessaire pour irriguer le territoire, il faudra composer avec la raréfaction de la ressource. Imaginez s’il faut, en plus, accéder à toutes les demandes des médecins salariés !
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement ne propose pas de supprimer les centres privés lucratifs. Simplement, nous ne voulons pas qu’ils bénéficient de financements publics. Ceux qui sont très rentables n’ont pas besoin de financements publics supplémentaires. Il faut adopter cet amendement si vous ne voulez pas favoriser davantage la financiarisation.
M. le rapporteur général. Vous allez exclure les médecins des centres de santé privés qui jouent le jeu de la permanence des soins ambulatoires. Cela va se retourner contre les patients et les territoires. Vous ne vous en rendez pas compte ! J’imagine que vous venez d’un territoire urbain doté de plusieurs centres de santé. Dans les autres territoires, il y aura un gros problème si nous ne travaillons pas avec les Sisa.
M. Hendrik Davi (EcoS). À Marseille aussi, il y a des déserts médicaux !
M. le président Frédéric Valletoux. Monsieur Davi, laissons faire les acteurs de terrain. Si certains ne jouent pas le jeu de la PDSA, l’autorité administrative a tout loisir de leur retirer l’agrément. C’est ce qu’il s’est passé dans mon territoire quand l’ARS a constaté que certains professionnels libéraux ne faisaient pas le travail demandé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS919 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Les CSNP ont pour mission de prendre en charge les malades qui ne sont pas en urgence vitale pour leur proposer un diagnostic et une prise en charge rapides. C’est un métier de médecine générale. L’amendement a pour but de garantir qu’au moins un médecin généraliste exerce dans chacun de ces centres.
M. le rapporteur général. Vous voulez mettre fin aux dérives observées dans certains territoires, où les centres de soins non programmés pillent les ressources médicales des services d’urgences. Je serai plus nuancé que vous sur la question. En effet, de nombreux médecins généralistes n’assurent plus certains types de soins non programmés, pour lesquels ils renvoient vers les services d’urgences – il y a là des enjeux de formation et de parcours, ainsi qu’un effet de génération.
Il ne faut pas rigidifier à l’excès le fonctionnement de ces structures au risque d’exclure les complémentarités. À l’échelon local, on trouve dans les centres de soins non programmés des médecins qui sont passés par les urgences et des spécialistes de médecine générale ; ils apprennent les uns des autres, en coordination avec le service des urgences voisin.
Avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je retiens surtout de nos échanges précédents qu’il faut faire avec les acteurs concernés. Je pourrai vous transmettre, si vous le souhaitez, le courrier du 28 octobre 2025 que je citais à l’instant. Le titre est clair : « La FNCS et AVECsanté s’opposent à la création d’un statut pour les structures spécialisées en soins non programmés et appellent à renforcer les équipes de soins primaires de proximité. » Je n’invente pas ! Ils considèrent que la mesure risque de fragmenter les soins primaires. Je peux vous en lire un extrait : « Les SNP sont déjà au cœur de l’activité quotidienne des professionnels de santé »...
Mme Annie Vidal (EPR). Nous l’avons tous reçu !
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Eh bien, cela ne vous interpelle pas ? Vous ne vous dites pas qu’il y a un problème ?
M. le président Frédéric Valletoux. Je connais les revendications de la FNCS. Elle représente légitimement les maisons de santé pluridisciplinaires, qui fonctionnent bien. Le texte peut encore évoluer. Je ne sais pas ce que défendra la ministre dans l’hémicycle ; sans trop m’avancer, il me semble que la rédaction actuelle n’est pas tout à fait dans sa philosophie.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS920 M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Pour que les CSNP fonctionnent, il faut qu’ils s’intègrent dans la réalité d’un territoire, en coopération avec les médecins généralistes, les SAS et les services d’urgences. Je propose donc que ces centres soient membres à part entière de la CPTS, quand elle existe.
M. le rapporteur général. Ce n’est pas moi qui ai écrit l’article, c’est le Gouvernement ; il faudra échanger avec lui.
Vous voulez imposer l’adhésion des CSNP aux CPTS pour assurer une réponse coordonnée sur l’ensemble du territoire. La difficulté tient au fait que le périmètre du CSNP ne recouvre pas toujours celui de la CPTS. Dans mon département, il y a plusieurs CPTS ; une partie du territoire n’en a pas ; de plus, le centre de soins non programmés est implanté sur le territoire d’une CPTS, mais il rend surtout service aux patients de l’autre. La PDSA doit être envisagée à l’échelle du département.
Par ailleurs, une adhésion obligatoire serait contradictoire avec le fait que les CPTS sont des associations de loi 1901, laquelle pose distinctement le principe de la liberté d’adhérer et de sortir d’une association. C’est la raison pour laquelle le principe de l’adhésion volontaire aux CPTS est maintenu à ce jour.
M. Philippe Vigier (Dem). Certes, le maillage du territoire n’est pas complet, mais n’a-t-il pas triplé au cours des quatre dernières années ? La réponse est oui. Deuxièmement, que se passe-t-il si le CSNP n’appartient pas à une CPTS ? J’en ai un dans ma circonscription ; il a été créé de façon indépendante, il ne répond à personne et il fait comme il veut. Il faut structurer l’offre.
Je propose donc de modifier l’amendement pour obliger les centres à s’inscrire dans le cadre du projet médical de la CPTS lorsque celle-ci existe. Comment sont financés les services de soins non programmés lorsqu’il n’y a pas de SAS ? Par des subventions versées par l’assurance maladie aux CPTS ! C’est ça, la vraie vie.
M. Jean-François Rousset (EPR). Nous allons le réécrire pour la séance, mais l’amendement précise bien que la mesure s’applique dans le cas où il existe une CPTS.
L’amendement est retiré.
Amendement AS339 de M. Hadrien Clouet
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement vise à mettre en conformité le fonctionnement concret des centres de santé avec l’objectif qui leur est attribué : avancer vers le reste à charge zéro. Nous proposons donc, afin de soulager les patientes et les patients sur le plan financier, de rendre obligatoire le tiers payant et d’y interdire les dépassements d’honoraires. C’est une mission d’intérêt général et public, a fortiori dans un texte qui prévoit des franchises médicales, des participations forfaitaires et des taxations complémentaires.
M. le rapporteur général. C’est un non-sujet. Les professionnels exerçant en CSNP sont soit salariés – auquel cas ils ne peuvent pas pratiquer de dépassements d’honoraires – soit installés en secteur 1, comme 96 % des médecins généralistes. Sur les 4 % restants, 2 % exercent en secteur 2 avec option de pratique tarifaire maîtrisée et pratiquent des dépassements d’honoraires, souvent pris en charge par les complémentaires santé. Le problème tient à la prolifération de centres dont le panneau indique « maison de santé » ou « centre de santé », alors que la réalité est toute autre. Ces confusions sémantiques ne sont pas de notre fait, mais il faut clarifier le maquis.
Par ailleurs, il faut avoir en tête que les tarifs des soins non programmés ne sont pas les mêmes qu’en journée : des majorations s’appliquent le soir et le week-end qui peuvent être assez importantes. Ces majorations aboutissent à ce que la consultation soit plus chère, sans qu’il y ait facturation de dépassements d’honoraires.
Concernant le tiers payant obligatoire, la loi prévoit déjà de protéger les patients les plus vulnérables dans certains cas : patients en ALD, bénéficiaires de la C2S ou de l’AME, etc. Cela me semble suffisant.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Si ces mesures sont déjà appliquées dans la majorité des situations, faisons en sorte qu’elles le soient dans la totalité. Nous serons tous plus heureux que le monde que vous décrivez soit garanti dans son existence matérielle.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 21 modifié.
Mme Annie Vidal (EPR). Monsieur le président, Eloi fixe toujours la limite de dépôt des amendements pour la séance publique à demain, dix-sept heures. Il faudrait le modifier car il est clair que nous ne serons pas prêts demain. Pouvez-vous apporter des précisions ?
M. le président Frédéric Valletoux. Thibault Bazin et moi avons plaidé en ce sens lors de la dernière Conférence des présidents. La Présidente nous a répondu qu’elle adapterait le délai de dépôt des amendements en fonction de l’avancée de nos discussions et de la fin de nos travaux.
M. le rapporteur général. Si nous n’avons pas fini nos travaux ce soir à minuit, nous reprendrons nos discussions vendredi matin à neuf heures et le délai de dépôt sera décalé en conséquence. Cela ne veut pas dire que nous avons encore dix jours devant nous, car le texte sera examiné en séance mardi...
Amendement AS1118 de M. Jean-François Rousset
M. le rapporteur général. Vous voulez mettre en extinction le contrat de début d’exercice au motif qu’il ne profite plus qu’aux médecins remplaçants et que son effet propre apparaît limité. C’est l’une des recommandations de votre rapport, que j’ai parcouru ; j’avais également participé à certaines auditions.
La Cnam, que j’ai consultée, a souligné que le contrat de début d’exercice ne disposait d’aucun équivalent pour les médecins remplaçants au sein de la nouvelle convention médicale. En substance, il y a beaucoup de dispositifs d’aide, mais ils ne sont pas forcément tournés vers les médecins remplaçants, dont nous avons aussi besoin. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Jean-François Rousset (EPR). Il est important de mettre fin à ce contrat qui coûte et qui n’est pas utile.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1330 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). Les organismes d’assurance maladie sont confrontés à une pyramide des âges défavorable des médecins-conseils et des chirurgiens-dentistes-conseils. L’article 63 de la LFSS 2 024 a modifié l’article L. 315‑1 du code de la sécurité sociale pour en tenir compte. Toutefois, les contrôles médicaux du régime agricole ont été oubliés. L’amendement vise à corriger cet oubli.
M. le rapporteur général. L’amendement vise à permettre la délégation encadrée de tâches aux auxiliaires médicaux du service du contrôle médical de la Mutualité sociale agricole, par parallélisme avec ce qui a été voté en LFSS 2 024 pour les praticiens conseil des caisses du régime général. Vous parlez de rectifier un oubli ; c’est aussi mon impression. Je ne vois pas pourquoi cette délégation ne serait pas autorisée selon les mêmes termes dans le régime agricole. J’ai d’ailleurs déposé le même amendement.
Avis favorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1355 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Cet amendement vise à retirer la possibilité d’un remboursement à toute personne qui refuserait un transport sanitaire partagé lorsque celui-ci a la possibilité d’être mutualisé.
M. le rapporteur général. L’amendement paraît intéressant en première approche ; néanmoins, avec le recul, je vous trouve un peu sévère. Le dispositif me semble équilibré. Si la personne ne veut pas de transport sanitaire partagé, elle paie plus cher, un peu comme pour avoir une chambre seule à l’hôpital, et la Cnam ne souhaite pas aller plus loin. Cette majoration avait déjà fait polémique au moment où elle a été instaurée.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Fabien Di Filippo (DR). Je sais que le dispositif est déjà contraignant. Mais vous connaissez ma fibre écologiste et je suis sûr que cet amendement suscitera l’adhésion de l’autre côté de la salle.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Monsieur Di Filippo, comment faites-vous quand, comme moi il y a deux ans, vous avez une multifracture de la rotule et que vous ne pouvez pas plier le genou, ce qui vous oblige à occuper toute la banquette arrière du taxi ? Le covoiturage, c’est bien sympathique, mais certaines personnes atteintes de troubles psychologiques ne peuvent pas partager leur taxi avec des inconnus. Dans de nombreux cas, le covoiturage n’a rien d’évident, or la personne à l’accueil de l’hôpital chargée de remettre le bon de conventionnement pour le taxi n’est pas toujours en mesure de distinguer si la pathologie de la personne permet un transport partagé. Ce n’est pas un luxe, c’est une question de dignité et de respect humains.
M. le rapporteur général. Ce que vous décrivez ne correspond pas au cas prévu par M. Di Filippo. C’est le médecin qui prescrit le transport sanitaire ; vous concernant, j’imagine qu’il avait conscience de la nécessité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS606 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI‑NFP). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS612 de Mme Karen Erodi
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La loi sur la profession d’infirmier, promulguée cet été, avait un but : reconnaître les compétences propres des infirmiers et infirmières et libérer du temps médical. Parmi les hypocrisies de ce texte, la consultation infirmière est reconnue, mais l’accès direct, lui, reste au point mort. Le patient doit encore passer par un médecin pour des actes de routine. Même dans le cas où l’infirmière s’aperçoit pendant sa visite qu’une prescription pour un bilan sanguin, par exemple, a été oubliée par le médecin, il faut le renvoyer vers le médecin – médecin qui manque cruellement dans les déserts médicaux, notamment dans les départements ruraux. À cause de qui, de quoi ? À cause de l’ordre des médecins, appuyé par certains députés médecins, mais aussi par des ministres médecins, qui s’opposent aussi à la régulation de l’installation des médecins.
Depuis la pandémie du covid-19, plus de 58 % des infirmiers et infirmières libérales envisagent de quitter leur métier. La crise s’enracine : délais allongés, renoncement aux soins, inégalités accrues. Notre amendement vise à réclamer l’application des dispositions votées et à définir clairement le rôle propre de l’infirmier, ses compétences ainsi que les modalités de consultation et d’accès direct.
M. le rapporteur général. La LFSS 2025, promulguée en février, incluait une demande de rapport au Gouvernement sur le sujet. Depuis, nous avons fait mieux en adoptant la proposition de loi que vous citez. Il ne me semble donc pas pertinent de modifier la demande de rapport.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La loi sur la profession d’infirmier a été promulguée cet été. Il faut y aller.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS537 de M. Damien Maudet
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La France insoumise aborde au travers de cet amendement la question de la rémunération des infirmiers et infirmières libérales, dont les actes n’ont pas été revalorisés depuis 2009. En seize ans, pas une révision de la lettre clé qui définit les rémunérations. Les actes ont été très faiblement revalorisés. Doit-on rappeler leur rôle décisif pendant la pandémie ? Ce sont eux et elles qui allaient au domicile des patients quand plus personne ne s’y rendait. La reconnaissance promise n’est jamais venue. Pour rappel, plus de 58 % des infirmiers et infirmières libérales envisagent de quitter leur métier. Pendant que les consultations médicales ont été revalorisées à 30 euros, elles subissent de plein fouet la crise inflationniste – électricité, carburant, matériel. Les indemnités kilométriques ne compensent plus les frais et la dégressivité des soins les précarise encore davantage. Leurs conditions de travail se répercutent directement sur la qualité des soins.
La dernière LFSS prévoyait un rapport à ce sujet, qui n’a jamais été rendu. Nous demandons qu’il le soit enfin et qu’il intègre deux pistes précises : la revalorisation, incluant les indemnités kilométriques indexées sur l’inflation, et un mécanisme automatique d’indexation des tarifs sur cette même inflation.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Le décret prévu dans la loi sur la profession d’infirmier est actuellement en discussion avec les professionnels de santé. Les indemnités kilométriques prévues dans cette loi ont été augmentées de 10 % depuis 2023. Le reste sera décliné dans l’année. Il est donc inutile de faire un rapport sur des mesures qui seront mises en œuvre en janvier 2026.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Souvent, nous espérons et rien n’arrive. C’est une piqûre de rappel pour que personne n’oublie les infirmiers libéraux en colère.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS656 de Mme Céline Thiébault-Martinez
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’amendement propose une expérimentation pour répondre à l’urgence de l’accès aux soins dans nos territoires. Plus de 6 millions de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant, dont près d’un demi-million de patients en ALD. Derrière ces chiffres, il y a des renoncements, des diagnostics retardés, des parcours de soins décousus ; bref, la réalité des déserts médicaux, que vous connaissez vous‑même en Seine-et-Marne, monsieur le président.
Le système fondé sur le médecin traitant a montré ses limites. Nous devons passer d’un médecin traitant isolé à une équipe de soins traitante, pluridisciplinaire et coordonnée. Elle serait composée au minimum d’un médecin, d’un infirmier, d’un pharmacien et d’un assistant médical ; elle permettrait de mieux coordonner les parcours de santé, de renforcer la prévention, d’optimiser le temps médical par le partage des compétences et, in fine, de réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins. Il ne s’agit pas de remplacer le médecin traitant mais de travailler ensemble pour mieux soigner les patients. En permettant une prise en charge partagée, les équipes de soins offrent une réponse concrète à la crise de l’accès aux soins et à la désertification médicale.
M. le rapporteur général. L’amendement relaie une demande de la Mutualité française, dont j’ai auditionné les représentants en préparation du PLFSS. L’expérimentation demandée est en cours. Elle a bénéficié de l’article 51 de la LFSS 2018, sous l’appellation « paiement en équipe de professionnels de santé » (Peps), et elle a été conduite de 2019 à 2024 ; comme les résultats étaient encourageants, le ministère a lancé au début de l’année une deuxième phase d’expérimentation qui concerne davantage d’équipes.
L’amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Je suis surprise par votre réponse. Je connais bien la Mutualité française ; si l’expérimentation était déjà en cours, elle n’aurait pas suggéré cet amendement.
M. Philippe Vigier (Dem). Cette expérimentation donne de très bons résultats. Néanmoins, il est important qu’il y ait un médecin de contrôle pour ventiler les tâches ; à partir de là, on peut faire de la délégation de tâches très avancée mais, sans médecin, il finira par y avoir un problème de responsabilité.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS905 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Les transports sanitaires ont un coût exorbitant ; par ailleurs, certains patients ne veulent pas d’un transport partagé ou préféreraient prendre leur voiture. Je propose donc une expérimentation qui permettrait au patient d’engager le transport de son choix, puis d’en demander le remboursement. Cela ne toucherait pas une proportion élevée des patients, mais une indemnité kilométrique coûte beaucoup moins cher qu’un transport sanitaire.
M. le rapporteur général. Les frais de transport de certaines catégories de patients sont pris en charge par l’assurance maladie. Si je vous suis, ils devraient tenter leur chance en prenant un transport et essayer d’en obtenir le remboursement a posteriori. Je ne crois pas que beaucoup soient prêts à prendre un transport sanitaire si celui-ci risque d’être entièrement à leur charge. Par transparence, il faut leur dire d’emblée s’il est remboursé ou non, sans quoi nous risquons de créer de la frustration et de la déception.
L’amendement ne me semble pas opérationnel. Je vous invite à le retirer et à le déposer en séance pour échanger avec la ministre, Stéphanie Rist.
M. Jean-François Rousset (EPR). L’expérimentation participerait à la responsabilisation des usagers et au respect pour notre système de santé. Il suffirait de créer une case supplémentaire sur le bon de transport.
M. le président Frédéric Valletoux. Effectivement, cela les responsabilise.
M. le rapporteur général. J’ai évolué. Avis de sagesse.
Mme Josiane Corneloup (DR). Actuellement, la personne peut demander le versement d’une indemnité kilométrique à la caisse primaire d’assurance maladie, sous réserve d’un accord préalable, mais rien n’est remboursé en dessous de 150 kilomètres parcourus. C’est la première chose à changer. Il est certain que beaucoup de personnes prendraient leur véhicule si elles étaient assurées d’être remboursées en dessous de 150 kilomètres.
M. le président Frédéric Valletoux. On tordrait le cou à une usine bureaucratique.
M. Philippe Vigier (Dem). Mme Corneloup a tout à fait raison. Nous devrions revoir l’amendement avant la séance pour nous assurer qu’il fonctionne. C’est un acte de responsabilisation.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS603 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous proposons d’autoriser à titre expérimental, les entreprises de transport de personnes à mobilité réduite à réaliser des missions de transport sanitaire et à véhiculer des personnes à mobilité réduite jusqu’à leur lieu de soins. C’est d’ailleurs une recommandation de la Cour des comptes de 2019.
Les personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite du fait d’une pathologie ont des difficultés supplémentaires pour se rendre à leurs rendez-vous médicaux. Elles subissent de plein fouet l’inaccessibilité des transports, la persistance des déserts médicaux et les restrictions budgétaires, et essuient de nombreux refus de prise en charge pour des motifs de rentabilité. Le tri des patients selon leur pathologie porte directement atteinte à l’accès aux soins des personnes malades et en situation de handicap. La situation risque d’être aggravée par l’adoption de mesures contraignantes visant à conditionner le remboursement du transport sanitaire au recours à des transports partagés. Notre proposition vise donc à favoriser l’accès aux soins des personnes à mobilité réduite et en situation de handicap.
M. le rapporteur général. Vous aviez déposé cet amendement l’an dernier. Depuis, la mesure a été votée : elle figure à l’article 61 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, qui autorise à prévoir des conditions spécifiques pour les entreprises de transport sanitaire exerçant exclusivement une activité de transport de personnes à mobilité réduite. Le problème est donc réglé au niveau de la loi ; il ne manque plus que le décret d’application.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
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9. Réunion du mercredi 29 octobre 2025 à 21 heures 30 (article 22 à après l’article 27)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
Amendement AS1682 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Alors que le Premier ministre affirme valoriser le paritarisme et la sécurité sociale, l’article 22 réduit le rôle des organisations représentatives dans la gouvernance du système de santé en supprimant leur avis sur les dotations et financements des établissements. Ces avis sont pourtant essentiels pour garantir la transparence et la légitimité des décisions. Nous souhaitons donc qu’ils restent obligatoires, afin de préserver la démocratie sociale et d’assurer un pilotage concerté et équilibré du financement de la santé.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. L’article 22 prévoit effectivement que les organisations représentatives des établissements de santé ne seront plus consultées sur la dotation populationnelle ni sur les dotations régionales des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation destinées aux établissements exerçant des activités de soins médicaux et de réadaptation.
Ces avis alourdissent la procédure et ne sont pas toujours recueillis à temps. De ce fait, les établissements se voient notifier leurs dotations tardivement, alors qu’ils auraient besoin de les connaître le plus tôt possible pour s’organiser en conséquence. Le fonctionnement que vous entendez rétablir se retourne ainsi parfois contre les structures que vous souhaitez aider.
Aucune des fédérations hospitalières que j’ai auditionnées, notamment la Fédération hospitalière de France, n’a vu dans la suppression de ces consultations un élément particulièrement problématique – alors qu’elles ont exprimé par ailleurs de très nombreuses attentes – dans la mesure où elles sont régulièrement informées à ce sujet.
Étant convaincu qu’il faut simplifier le fonctionnement des hôpitaux et réduire le poids de l’administration, je suis défavorable à votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS290 de Mme Sylvie Bonnet
Mme Josiane Corneloup (DR). Nous proposons par cet amendement de supprimer les alinéas 27 et 28 afin de préserver la possibilité d’appliquer l’échelle tarifaire publique aux actes effectués dans le cadre de coopérations entre établissements publics et privés, notamment sous la forme de groupements de coopération sanitaire (GCS). Cette souplesse tarifaire est indispensable pour maintenir une offre médico-chirurgicale, d’urgences et de soins de proximité dans des zones confrontées à des fragilités démographiques, économiques et médicales.
M. le rapporteur général. Le dispositif proposé aux alinéas 27 et 28 vise essentiellement les cliniques privées à but lucratif, qui appliquent une échelle tarifaire distincte – et moins avantageuse – que les hôpitaux publics et les établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic). Quand ces cliniques forment un GCS avec un hôpital public ou un Espic et que ce dernier effectue la majeure partie de l’activité, le GCS peut facturer les soins selon l’échelle tarifaire majoritaire, c’est-à-dire aux tarifs publics, supérieurs d’environ un tiers à ceux du privé. Il s’agit d’encourager la coopération entre public et privé tout en simplifiant le fonctionnement des GCS.
Le ministère estime toutefois que ces dispositions donnent lieu à des pratiques d’optimisation : il arrive qu’une clinique privée facture des soins à l’assurance maladie en appliquant l’échelle tarifaire publique alors même qu’elle seule, au sein du groupement, réalise les actes en question. C’est pour cette raison que le Gouvernement entend, à travers l’article 22, mieux réguler l’application des échelles tarifaires – même si je regrette que l’ampleur budgétaire de ce phénomène ne soit pas précisée dans l’étude d’impact. L’échelle tarifaire majoritaire du GCS continuera à s’appliquer pour toutes les activités effectivement réalisées dans le cadre d’une coopération public-privé.
Je suis donc défavorable à votre amendement.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 22 non modifié.
Suivant les avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements AS1670 de Mme Sandrine Rousseau et AS275 de Mme Josiane Corneloup.
Amendements identiques AS998 de M. Michel Lauzzana et AS1313 de Mme Annie Vidal
M. Michel Lauzzana (EPR). D’après le réseau Unicancer, il arrive que l’assurance maladie rémunère deux fois une même prestation lorsque des patients sont pris en charge en secteur libéral au sein d’un établissement public : le praticien hospitalier exerçant une activité libérale lui facture directement ses honoraires, tandis que l’établissement hospitalier lui facture un séjour dont le tarif inclut des honoraires médicaux. Nous proposons de faire quelques économies en mettant fin à cette pratique.
M. le rapporteur général. Vous présentez les choses de façon percutante, mais la réalité est un peu plus complexe. En appliquant votre idée, nous reprendrions de l’argent aux établissements sans nous attaquer aux abus auxquels peuvent se livrer certains praticiens hospitaliers. La précision que vous apportez serait en outre dépourvue d’effet juridique. Je vous invite donc à retravailler votre amendement.
Dans un rapport de 2023, la Cour des comptes préconise d’encadrer l’activité libérale des praticiens hospitaliers en prenant en compte non pas le temps de travail, mais le montant des honoraires perçus au titre de l’activité libérale, lesquels ne pourraient dépasser une certaine proportion des revenus tirés de l’activité publique. Cette piste me semble intéressante pour lutter contre les effets de bord.
M. Philippe Vigier (Dem). Je rejoins le premier argument avancé par Thibault Bazin. En revanche, apprécier l’activité d’un praticien uniquement à l’aune d’un temps passé par patient, sans tenir compte des différences de situations, serait une négation complète de la médecine. Malgré toute l’estime que j’ai pour les magistrats de la Cour des comptes, leur approche me paraît un peu décalée.
Les amendements sont retirés.
Amendements AS674 et AS888 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). La psychiatrie publique souffre d’un retard de financement accumulé au cours des dernières décennies : d’après la Cour des comptes, entre 2008 et 2018, les établissements privés ont vu leurs financements augmenter de 46,9 %, contre 12,7 % pour les établissements publics. Ce retard affecte fortement la qualité des soins disponibles et enferme les établissements publics dans un cercle vicieux, les empêchant de faire les investissements nécessaires pour obtenir les mêmes dotations complémentaires que le secteur privé lucratif. La « grande cause nationale » pour 2025 – dont je rappelle qu’elle repose sur un investissement de 1,66 euro par personne – devrait au moins nous conduire à nous interroger sur l’effondrement de la psychiatrie publique, en particulier de la pédopsychiatrie.
Parce que nous sommes contre la privatisation totale de notre système de soins et que nous voulons défendre la psychiatrie publique, nous proposons, avec l’amendement AS674, d’imposer l’équité de financement entre établissements publics et établissements privés lucratifs ainsi que la prise en compte du sous-financement chronique du secteur public et privé non lucratif lors de l’attribution des dotations complémentaires.
L’amendement AS888 vise quant à lui à obtenir un rapport évaluant le déploiement de la réforme du financement de la psychiatrie adoptée en 2023 et les inégalités de financement entre établissements publics et privés.
M. le rapporteur général. Le sous-financement que vous décrivez est réel. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons adopté une réforme du financement censée permettre un rééquilibrage en faveur des secteurs public et privé non lucratif. La phase de transition, qui devait s’achever à la fin de l’année, devrait finalement être prolongée jusqu’en 2028, car les établissements ne se sont que modestement approprié la réforme dans un premier temps : ils ont surtout cherché à sécuriser les dotations historiques.
Je vous propose donc de retirer vos amendements et de les redéposer en séance publique, pour que le Gouvernement vous réponde sur l’entrée en application de cette réforme.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Les acteurs de terrain expliquent néanmoins que ladite réforme ne permet nullement de rattraper le retard dont souffrent les établissements publics, d’où l’intérêt de mon amendement.
La commission adopte l’amendement AS674.
L’amendement AS888 est retiré.
Amendements de suppression AS340 de Mme Élise Leboucher, AS1342 de Mme Sandrine Rousseau et AS1498 de Mme Christine Loir
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Alors que les 1 200 000 agents de la fonction publique hospitalière attendent depuis 2021 une protection sociale complémentaire, le Gouvernement propose de reporter de deux ans son entrée en vigueur.
Ainsi, les agents – dont près de 75 % sont des femmes –, qui travaillent déjà dans des conditions dégradées, en sous-effectif et au sein d’un secteur en tension constante du fait des coupes budgétaires, se voient encore privés du remboursement de leurs soins par leur employeur. Ces reports répétés font peser sur eux le reste à charge, alors que le coût financier est une des principales raisons du non-recours au soin. Les agents de la fonction publique hospitalière cotisent au même titre que les salariés des autres secteurs ; la protection sociale complémentaire devrait donc également leur être accordée. Nous n’hésitons pas à nous appuyer sur le personnel hospitalier pour qu’il nous soigne ; comment accepter que, dans le même temps, on lui refuse la prise en charge complète de ses propres soins ?
En attendant l’avènement du « 100 % Sécu » pour couvrir l’intégralité des soins, permettons au moins aux agents de l’hôpital de bénéficier de la protection sociale complémentaire dès 2026.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les personnels hospitaliers, que nous applaudissions tous les soirs à 20 heures pendant la crise du covid, n’ont pas vu le début d’un commencement d’amélioration de leurs conditions de travail : bien au contraire, ils exercent dans un hôpital qui se dégrade progressivement et doivent faire face à l’intérim, au manque de personnel, au turnover et aux burn-out. Les priver de la complémentaire santé, c’est leur faire un affront supplémentaire. Toute la fonction publique y a droit ; pourquoi pas eux ?
Surtout, leur refuser cette possibilité n’est pas une mesure d’économie. Il existe évidemment des soignants qui sont très heureux de travailler à l’hôpital public, mais reconnaissez que celui-ci traverse une telle période de tension qu’on ne peut pas laisser les personnels seuls et sans soins.
Mme Christine Loir (RN). Reporter à 2028 l’extension de la complémentaire santé aux agents hospitaliers, c’est reporter la reconnaissance qu’on doit à ceux qui ont tenu les hôpitaux à bout de bras pendant les crises. C’est un message désastreux envoyé à des soignants déjà épuisés. La fonction publique hospitalière est à bout de souffle et l’État ne lui apporte pour toute réponse qu’un nouveau retard !
M. le rapporteur général. Qui ne voudrait pas étendre la protection complémentaire à la fonction publique hospitalière ? Nous espérons tous qu’on pourra un jour la déployer. Deux problèmes se posent cependant.
Le premier concerne la compensation aux hôpitaux du coût de la mesure, soit quelques centaines de millions d’euros. On en parle peu, mais c’est le véritable enjeu : si nous ne le traitons pas, nous risquons de fragiliser encore davantage les établissements.
Par ailleurs, nous pouvons nous faire plaisir en adoptant des amendements, mais la réalité est que la réforme ne sera pas prête au 1er janvier 2026. Dans les autres fonctions publiques, son entrée en vigueur a pris du temps : il faut définir le contenu de la protection sociale complémentaire, choisir les prestataires, lancer les appels d’offres. Ce n’est pas impossible, mais cela nécessite un délai supplémentaire.
Je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les deux ans de report prévus à l’article 23 constituent un délai maximal.
Par ailleurs, si chacun est d’accord pour accorder une protection sociale complémentaire aux agents de la fonction publique hospitalière, il n’en reste pas moins que ces derniers – dont j’ai fait partie pendant un certain nombre d’années – peuvent déjà se faire soigner sans devoir acquitter des restes à charge impossibles à assumer.
Indépendamment de la question de la compensation soulevée par le rapporteur général, il faut aussi laisser le temps au dialogue avec les organisations syndicales d’aboutir à la solution la plus adaptée. Vous devriez être attachés au maintien du dialogue social.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 23 est supprimé et les amendements AS342 de M. Damien Maudet, AS1076 de M. Charles Fournier, AS4 de Mme Sandrine Runel et AS995 de Mme Karine Lebon tombent.
Amendement de suppression AS1492 de Mme Josiane Corneloup
Mme Josiane Corneloup (DR). L’article 24 introduit un dispositif de modulation des tarifs médicaux fondé sur une appréciation unilatérale des « rentes » supposément constatées dans certaines spécialités libérales. Une telle mesure constitue une rupture majeure de l’équilibre conventionnel qui fonde la relation entre l’assurance maladie et les professionnels de santé. En permettant à l’assurance maladie de réduire les tarifs jugés excessifs sans concertation réelle, le texte porte atteinte au principe de négociation équitable et menace la liberté d’exercice des praticiens. Ce précédent pourrait, à terme, être étendu à d’autres professions conventionnées et fragiliser l’ensemble du modèle libéral français. Le dispositif envisagé risque de provoquer une désaffection pour certaines spécialités, d’accroître les inégalités territoriales d’accès aux soins et de décourager l’investissement dans l’innovation et la qualité.
M. le rapporteur général. L’article 24, dont le titre pourrait paraître consensuel, vise à tirer les conséquences de divers rapports en luttant contre les « rentes ». J’en ai lu à plusieurs reprises l’exposé des motifs afin de comprendre les intentions exactes du Gouvernement.
Il est vrai que la branche maladie est en déficit. L’objectif consistant à rémunérer les actes des professionnels et des établissements au juste prix, en luttant contre les abus, est louable. Or la rentabilité de l’activité varie en fonction des secteurs, mais aussi, au sein d’un même secteur, selon les actes pratiqués. Reconnaissons que certains professionnels sont tentés de pratiquer davantage certains actes que d’autres et qu’on observe des disparités entre l’hôpital et la ville.
L’article traite explicitement de la radiothérapie. Nous avions nous-mêmes adopté une réforme du financement de ce secteur, qui devait entrer en vigueur au 1er octobre 2025 mais n’est toujours pas appliquée. La ministre Rist, avec qui j’ai échangé à ce sujet, semble tout aussi désireuse que moi de voir ces mesures s’appliquer. Reste que nous ne sommes pas prêts et que, visiblement, nous ne le serons pas non plus en 2026 : les résultats du test effectué par le ministère ne sont pas bons et ce dernier doit revoir sa copie. Les cabinets libéraux, qui assurent un maillage indispensable, doivent notamment être intégrés à la réflexion, comme ils en expriment le souhait. En tardant trop, on s’expose à la financiarisation du secteur. Je ne peux donc que déplorer la lenteur du processus.
L’exécutif entend aussi habiliter le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) à procéder arbitrairement à des baisses de tarifs si aucun avenant conventionnel n’est signé. Je suis favorable à de telles baisses quand elles sont justifiées. En revanche, pour certains actes que peu de praticiens acceptent déjà de réaliser, elles pourraient se retourner contre l’assurance maladie. On nous demande de faire confiance au directeur général de l’Uncam, mais la méthode consistant à appliquer la technique du rabot sans concertation ne me semble pas bonne. Je crains que ces dispositions ne se traduisent par des restes à charge plus élevés, voire par l’abandon de certains actes.
L’article prévoit également de faire évoluer les modalités de fixation des tarifs des forfaits techniques en imagerie médicale. La question mérite effectivement d’être posée, mais, là encore, tout dépend des actes concernés. Je crois par exemple comprendre que le forfait est moins intéressant pour un scanner que pour une imagerie par résonance magnétique (IRM). L’assurance maladie permet désormais au titulaire d’une autorisation d’exploiter des équipements lourds d’en utiliser jusqu’à trois sur un même site. Or la viabilité économique – la rentabilité – de ces appareils n’est pas toujours au rendez-vous. En Lorraine, plus de la moitié des autorisations sont accordées à des établissements hospitaliers souvent intégrés au sein de GCS – ou de GIE (groupements d’intérêt économique), désormais privilégiés par les agences régionales de santé (ARS). Modifier les forfaits techniques applicables à ces groupements, qui incluent des hôpitaux, n’affecte donc pas uniquement les structures privées : des établissements publics peuvent y perdre également.
Je ne suis pas favorable à la suppression de l’article, car le système mérite d’être corrigé. Nous devons néanmoins l’amender, car les modalités proposées ne sont pas les bonnes.
Mme Josiane Corneloup (DR). Je comprends la nécessité de réguler le système de santé, mais il ne faut pas le faire sans concertation, en permettant au directeur de l’Uncam d’intervenir de façon autoritaire. Le cadre conventionnel me semble beaucoup plus adapté pour établir une relation de confiance.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis moi aussi favorable à la suppression de l’article, car ne suis pas d’accord pour donner la main à l’assurance maladie : lorsque nous l’avons fait pour la radiologie, elle a décrété, du jour au lendemain, une baisse de 11 % du forfait technique. Exigeons plutôt des professionnels qu’ils engagent une vraie négociation sur la radiothérapie pour parvenir à une nouvelle tarification, en leur imposant un délai de 90 ou 120 jours au-delà duquel la puissance publique interviendra.
Nous devrons également nous interroger sur le fait qu’une structure qui reçoit l’autorisation de se doter d’une machine à IRM peut en installer trois. La France est un pays merveilleux dans lequel on peut mettre des appareils de radiologie partout sans autorisation ! Tout cela fait courir un risque de financiarisation du secteur.
Mme Annie Vidal (EPR). Les tarifs doivent être régulés. À vous entendre, les décisions seraient prises de façon autoritaire. L’alinéa 8 mentionne pourtant clairement « des négociations en vue de la conclusion d’un avenant permettant une baisse des tarifs ». L’alinéa 9 précise que le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie les engage « dans un délai d’un mois à compter de la réception de la décision ». Je suis donc opposée à la suppression de l’article.
M. le rapporteur général. J’ai déposé plusieurs amendements, notamment pour améliorer la concertation en associant l’ensemble des acteurs concernés – ce qui devrait satisfaire Mme Corneloup.
La suppression de l’article ne me semble pas souhaitable, notamment en raison des dispositions qui concernent la radiothérapie.
En revanche, le secteur de l’imagerie médicale est probablement celui qui compte le plus de partenariats public-privé. Ces derniers sont indispensables pour assurer la permanence des soins. La fixation des forfaits techniques est donc un enjeu important : il ne faudrait pas que nous prenions des mesures de nature à pénaliser ceux qui jouent le jeu du partenariat public-privé. Je travaille d’ailleurs à l’élaboration d’une proposition de loi relative aux excès de la financiarisation. Sur ce point, il faut absolument modifier l’article.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS186 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). On nous demande de faire confiance au directeur de l’Uncam, disait le rapporteur général. J’irai plus loin en m’appuyant sur le rapport « Charges et produits » présenté par l’assurance maladie en juin 2025, qui fait état de taux de rentabilité excessifs dans certains secteurs, notamment la biologie – 23 % en 2022 –, la radiothérapie – 27 % –, la radiologie et la médecine nucléaire.
Afin de rationaliser les dépenses de l’assurance maladie, nous proposons de reprendre la proposition consistant à « prévenir la constitution de rentes en faisant évoluer de manière plus réactive la tarification des actes et forfaits versés aux professionnels de santé ». L’amendement vise ainsi à permettre aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale de réduire d’autorité les tarifs supérieurs à des seuils déterminés après avis de la Haute Autorité de santé.
M. le rapporteur général. Je partage certains de vos arguments. Le manque de réactivité dans l’adaptation des nomenclatures et des tarifications est réel et crée effectivement des distorsions. Le Haut Conseil des nomenclatures avait engagé un travail de révision de la classification commune des actes médicaux, qui devait aboutir en 2025 mais ne s’achèvera finalement pas avant 2026 : nous avons toujours un train de retard.
Mais votre amendement va trop loin : son adoption risque de pénaliser des structures vertueuses. Surtout, vous proposez de supprimer toute négociation conventionnelle. Si nous voulons préserver la démocratie sanitaire et le dialogue social, il ne faut pas construire contre les personnes concernées, mais avec elles, en les associant toutes à la discussion. Je ne crois pas que la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) ait une connaissance suffisamment fine des actes et de la réalité économique pour décider seule.
Vous prévoyez une révision automatique des tarifs, mais seulement pour ceux qui surévalués, alors que nombre d’entre eux sont, par ailleurs, sous-évalués. On peut conserver une forme d’équilibre entre les actes qui sont viables économiquement et ceux qui ne le sont pas, en privilégiant une approche par secteur, ou alors laisser libre cours à la financiarisation, qui incitera les médecins à ne se consacrer qu’aux actes les plus rentables, au détriment des autres.
Je suis défavorable à votre amendement. N’adoptons pas la technique du rabot bête et méchant, que vous dénoncez dans bien d’autres domaines.
M. François Gernigon (HOR). Comment peut-on imaginer réduire les tarifs sans négociation sur la base de données comptables que chacun peut faire évoluer à sa guise ? Si une structure affiche un rapport entre l’excédent brut d’exploitation et le chiffre d’affaires élevé, il lui suffit de recruter une personne, même à mi-temps, pour le faire baisser. Fonder une politique sur de telles données n’est ni sain ni cohérent. Je ne suis pas du tout favorable à cet amendement.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS1763 et AS1764 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. L’amendement AS1763 vise à revenir sur la possibilité donnée à l’assurance maladie d’arrêter seule le montant des forfaits techniques d’imagerie médicale. Leur rémunération ne saurait être guidée par une logique purement comptable. Dans de nombreuses régions, les autorisations d’équipements lourds sont destinées en majorité à des établissements hospitaliers publics ayant développé des coopérations avec le privé à travers des GCS ou des GIE. Alors qu’ils jouent un rôle de premier plan dans la permanence des soins les décisions de l’assurance maladie en matière de forfaits techniques, loin de se limiter aux cabinets de radiologues libéraux, les affecteraient.
Nous proposons donc conférer la décision de fixer ces tarifs à la commission des équipements matériels lourds d’imagerie médicale, qui regroupe professionnels libéraux et représentants des établissements de santé, et d’étendre sa composition aux représentants des groupes d’imagerie médicale afin de les associer aux négociations tarifaires. En outre, il est prévu de donner la majorité aux groupes, médecins et établissements.
L’amendement AS1764 précise que les évaluations des niveaux de rentabilité devront porter sur des secteurs comparables en termes d’activité et d’investissement. Il s’agira ainsi de préserver la capacité d’investissement dans des secteurs caractérisés par un progrès technique très intense.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement AS1343 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Pour la négociation des tarifs dans les secteurs présentant une rente manifestement excessive, nous proposons de faire entrer l’Uncam dans la boucle afin que la décision ne repose pas seulement sur les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Vous allez encore plus loin que Mme Runel : en supprimant toute habilitation ministérielle, vous laissez l’assurance maladie décider seule.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS687 de M. Guillaume Florquin
M. Guillaume Florquin (RN). Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale peuvent demander à l’Uncam d’engager des négociations mais sans fixer de date ni conférer à cette démarche un caractère obligatoire. Cela peut entraîner des délais avant l’ouverture des discussions tarifaires. Nous proposons de rendre les négociations immédiates et obligatoires afin de rendre la procédure plus ferme et plus réactive.
M. le rapporteur général. À la tête de l’Uncam, on trouve le directeur général de la Cnam, à qui l’article 24 donne déjà tous pouvoirs. N’allons pas plus loin en rendant immédiate l’ouverture des négociations, d’autant que l’alinéa 9 précise qu’elle doit intervenir « dans un délai d’un mois ».
Votre amendement est donc satisfait et je vous propose de le retirer mais je note la transparence et la sincérité dont vous avez fait preuve.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS368 de M. Damien Maudet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement fait écho aux préoccupations exprimées par le rapporteur général : il prévoit la création d’un observatoire des niveaux de rentabilité et d’endettement des offreurs de soins. Il aiderait à identifier les surfacturations afin d’apporter des rectifications, notamment dans les secteurs de la radiologie, de la médecine nucléaire ou de la biologie médicale. En outre, il permettrait de tenir compte des évolutions très rapides que connaît la médecine, notamment du fait du recours à l’intelligence artificielle, pour ajuster les tarifs en conséquence.
M. le rapporteur général. Je ne sais si un tel observatoire a vocation à être consacré dans la loi. Toujours est-il qu’il importe de disposer d’évaluations, d’une manière ou d’une autre, et je vous invite à retirer votre amendement au profit de l’amendement AS985 de votre collègue Hendrik Davi, qui propose de rendre publiques les évaluations prévues au présent article.
M. Philippe Vigier (Dem). Je ne suis nullement opposé aux évaluations et aux observatoires mais j’insiste sur la nécessité de ne pas se limiter aux « offreurs de soins privés », pour reprendre les termes de l’exposé sommaire. Il faut prendre en compte l’intégralité de la filière, qu’il s’agisse du privé comme du public, hôpital compris, afin d’établir des comparaisons justes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1766 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Le texte réglementaire devra préciser, outre les critères et les modalités de l’évaluation, sa périodicité, enjeu fondamental en matière de cotation.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1765 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Pour être acceptables et acceptés, les paramètres sous‑tendant les évaluations de rentabilité doivent être transparents et arrêtés de manière concertée avec les représentants des différents secteurs concernés. Il importera donc de consulter ces derniers avant la publication du texte réglementaire.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS796 de M. Elie Califer
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement est défendu.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.
Amendement AS985 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). La concentration croissante dans le secteur médical a favorisé l’émergence d’établissements, sociétés ou groupes privés financiarisés. Ce phénomène génère des rentes que l’article 24, auquel nous sommes plutôt favorables, entend éviter. Nous proposons de rendre publiques les évaluations prévues dans un triple objectif : éclairer le débat public, mieux mesurer le degré de financiarisation et de concentration du secteur, anticiper les risques que font peser les défaillances sur l’offre de soins.
M. le rapporteur général. Favorable, comme je l’ai annoncé.
M. Philippe Vigier (Dem). C’est un très bel amendement mais il faudrait aller plus loin. Cette concentration à outrance est connue de Bercy et nous savons quels sont remèdes pour éviter cette dérive. Il faut maintenant avoir le courage de les appliquer.
M. Michel Lauzzana (EPR). Un collègue du groupe GDR a déposé une proposition de loi pour lutter contre la financiarisation du secteur de l’imagerie. Comme j’ai pu le lui dire, il s’agit souvent de sociétés emboîtées les unes dans les autres, ce qui rend très compliqué de combattre ce phénomène. Or il ne fait que s’amplifier, notamment dans le domaine de la biologie et de la radiologie, ce qui déstabilise le secteur.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1049 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Il importe de préciser que les actes de traitement du cancer par radiothérapie dont le directeur de l’Uncam peut être amené à fixer les tarifs se limitent à ceux qui sont réalisés en ville. Selon la Cour des comptes, le secteur hospitalier public et privé non lucratif se distingue en effet par une gestion particulièrement maîtrisée de ses dépenses en radiothérapie – hausse de 14 % contre 159 % dans le secteur libéral.
M. le rapporteur général. Sagesse.
M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens à 159 % cet amendement. Il ne s’agit pas de tirer les rémunérations vers le bas mais il nous appartient de corriger cette dérive aux multiples effets. Des radiothérapeutes quittent le public, ce qui crée des pénuries dans certains territoires.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1384 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le champ des négociations conventionnelles doit être étendu aux actes de biologie, de radiologie, de radiothérapie, de médecine nucléaire et d’anatomopathologie.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Votre amendement prévoit « un montant total d’économies d’au moins 100 millions au cours de l’année 2026 » pour tous ces actes. Or un autre alinéa de l’article prévoit ce même montant d’économies pour les seuls actes de traitement du cancer par radiothérapie. Voudriez‑vous les épargner ? Autre étrangeté : vous faites figurer les actes de biologie et de radiothérapie pour lesquels des baisses de tarifs ont déjà été décidées très récemment. Enfin, vous semblez avoir choisi ce montant d’économies au doigt mouillé, sans évaluer son impact sur l’offre de soins. Je suis très défavorable aux coups de rabot arbitraires.
M. le président Frédéric Valletoux. Il est vrai que l’on peut s’interroger sur le fait d’inscrire dans la loi un montant attendu d’économies. Imaginez qu’elles soient plus importantes.
M. Philippe Vigier (Dem). L’assurance maladie vient de diminuer les remboursements des actes de radiologie de 360 millions d’euros et des actes de biologie de 300 millions. Le but n’est pas de continuer à réduire les tarifications mais de déterminer quels actes sont justifiés afin d’éviter les prescriptions redondantes et celles qui, pour une large part – 30 % à 40 % – sont inutiles. Il faut travailler avec la profession à travers les négociations conventionnelles, en se donnant du temps et en s’appuyant sur des guides bonnes pratiques d’exécution.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 24 modifié.
Amendements de suppression AS1767 de M. Thibault Bazin et AS1282 de Mme Sandrine Rousseau
M. le rapporteur général. L’article 25 vise à donner à la Cnam la possibilité de baisser unilatéralement les tarifs dans le domaine des soins dentaires, possibilité qui avait été accordée l’an dernier pour d’autres secteurs. L’atteinte au principe de la négociation conventionnelle qu’implique cette régulation unilatérale peut se justifier quand les leviers existants n’ont pas permis de juguler les dérives. Or ce n’est pas le cas. En 2023, le protocole d’accord que la Cnam a conclu avec les chirurgiens-dentistes a permis de remettre l’accent sur la prévention et sur les soins conservateurs, alors que les dépenses de soins prothétiques avaient beaucoup augmenté. En 2024, les dépenses de prothèses se sont nettement ralenties. Par ailleurs, la Cnam, par le levier du déconventionnement, parvient à écarter des acteurs dont les pratiques ne sont pas déontologiques et des dispositions ont été prises pour réguler les prix pratiqués par certains néocentres de santé.
Lors de son audition devant notre commission, le directeur général de la Cnam, M. Thomas Fatôme, a confirmé ne pas ressentir la nécessité de cet article. L’utilité de ce levier contraignant n’ayant été étayée ni par les auditions, ni par l’étude d’impact, ni par mes propres analyses, je propose de supprimer l’article 25. Les entorses au fonctionnement conventionnel doivent se limiter aux cas de stricte nécessité.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS68 de Mme Élise Leboucher
M. Louis Boyard (LFI-NFP). La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a introduit la possibilité d’imposer, sur décision du directeur général de la Cnam ou du ministre de la santé, des baisses de tarifs dans les secteurs financiarisés. Nous proposons de l’étendre des actes d’imagerie médicale et de biologie aux soins dentaires et à l’ophtalmologie, autres secteurs où la financiarisation fait craindre une explosion des prix.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS685 de M. Damien Maudet
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Les restes à charge constituent le premier frein à l’accès aux soins. Plus de quatre Français sur dix déclarent avoir déjà renoncé à se faire soigner pour des raisons financières. La situation est particulièrement préoccupante pour les soins dentaires : malgré le dispositif 100 % Santé, de nombreux actes restent inaccessibles. Les protocoles de maîtrise des dépenses ne doivent pas avoir pour effet de réduire les coûts pour la seule assurance maladie. S’ils ne concourent pas à faire baisser les tarifs pour les patients, ils contribuent à un renoncement organisé. Il importe de garantir un reste à charge nul pour les patients.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Il faut distinguer les tarifs, que rembourse la sécurité sociale, des honoraires dont s’acquittent les patients. Ces derniers ne sont pas régulés par les accords prix-volume. Votre amendement est donc inopérant. Si vous voulez garantir un reste à charge zéro pour les patients, il faut prévoir une prise en charge par l’assurance maladie en conséquence.
Mme Joëlle Mélin (RN). L’assurance maladie place entre l’usager et les caisses un intermédiaire : les soignants ou les établissements de santé. Je ne crois pas qu’il leur appartienne de payer pour les mauvaises nouvelles. La maîtrise des dépenses de santé ne doit pas se faire uniquement sur leur dos. Si vous voulez que le reste à charge soit le plus bas possible, objectif que nous partageons, la régulation doit peut-être se faire ailleurs : il importe que les caisses remettent leur gestion en question, chose qu’elles ne font jamais. Il y a là d’énormes sommes à récupérer.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement AS345 de Mme Ségolène Amiot.
Enfin, elle adopte l’article 25 non modifié.
Amendements de suppression AS1758 de M. Thibault Bazin et AS1493 de Mme Josiane Corneloup
M. le rapporteur général. Instaurer, comme le prévoit l’article 26, une cotisation sur les dépassements d’honoraires et l’activité non conventionnée peut sembler un objectif louable. Si je propose de le supprimer, c’est que je considère qu’il est mal écrit. Il ne fait pas de différences entre les médecins qui jouent le jeu en adhérant à l’option de pratique tarifaire maîtrisée (Optam) ou en assurant la permanence des soins, et les autres, ce qui risque d’avoir un effet désincitatif qui irait à l’encontre des patients. En outre, il n’opère pas de distinction selon les secteurs et les spécialités, au sein desquels excès et abus recouvrent des réalités différentes.
Derrière cet article, il y a d’abord l’assurance maladie : il lui permet de faire des économies, quitte à ce que le reste à charge soit plus important pour les patients. Il y a aussi les complémentaires, puisqu’elles couvrent une partie des dépassements d’honoraires.
Nous savons par ailleurs qu’il n’y aurait pas de dépassements d’honoraires sur certains actes si ceux-ci avaient été revalorisés par l’assurance maladie. L’accouchement, par exemple, est toujours à 313,50 euros depuis 2005, l’appendicectomie par cœlioscopie reste à 187 euros. Certes, des augmentations d’honoraires ont été constatées ces dernières années mais dans le même temps, les médecins qui sont aussi des employeurs ont dû faire face à des hausses de charges et des revalorisations salariales.
Cet article relève d’une forme d’hypocrisie. Il me met très mal à l’aise car il porte en lui des risques : un risque de déconventionnement, même s’il est mineur ; un risque, quant à lui massif, de désengagement des médecins des dispositifs de tarifs maîtrisés. Qui sera perdant ? Les patients !
Des choses à corriger, il y en a. Un simple exemple : la destruction d’une tumeur hépatique par radiofréquence est remboursée par l’assurance maladie 76 euros alors que l’aiguille coûte à elle seule 800. Toutefois, les modifications auxquelles procède cet article ne me semblent pas pertinentes, j’en suis de plus en plus convaincu. Je pense même que le Gouvernement en séance reviendra sur sa rédaction.
Mme Josiane Corneloup (DR). C’est choisir une voie simpliste que d’augmenter la taxation des revenus liés à une surcotation. Cela accroîtra inévitablement le reste à charge des patients.
M. Sacha Houlié (SOC). Je suis profondément choqué par les propos du rapporteur général et je soupçonne un peu de malhonnêteté dans sa démonstration. Selon le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam), les dépassements d’honoraires des spécialistes ont atteint 4,3 milliards d’euros en 2024 : ils n’ont cessé d’augmenter depuis 2019, à raison de 5 % par an en valeur réelle, hors inflation. Vous mettez en avant le risque d’un déconventionnement. Eh bien, proposez une surtaxe sur le déconventionnement. Vous soulignez une absence de prise en compte de l’adhésion aux tarifs maîtrisés ou de la participation à la permanence des soins. Qu’est-ce qui vous empêche d’ajouter ces critères ?
Vous cherchez des prétextes pour vous opposer à cette régulation et vous ne dites pas votre véritable volonté. Pour notre part, nous voterons pour cet article.
M. Jean-François Rousset (EPR). La taxation des dépassements d’honoraires, au cœur de cet article, a motivé le rapport que Yannick Monnet et moi-même venons de remettre au Premier ministre. Au lieu de les limiter, cette mesure risque de produire l’effet inverse : les médecins vont intégrer ce montant supplémentaire dans leurs honoraires. Cet article mérite donc d’être réécrit. Une seule mesure ne suffira pas à réguler ces dépassements : il y a des leviers conventionnels et règlementaires à actionner, des motivations à trouver chez les médecins et des accords à établir pour trouver un équilibre pérenne.
Parmi les dix propositions que nous avons formulées en vue d’une limitation, il y a une révision de l’Optam. Devant le constat que les jeunes spécialistes s’installent désormais dans leur quasi-totalité directement en secteur 2, nous proposons une adhésion obligatoire mais attractive à travers un contrat de cinq ans : possibilité leur serait offerte de pratiquer des dépassements d’honoraires pour la moitié de leur activité et d’appliquer les tarifs opposables pour l’autre moitié. Pour ma part, je m’abstiendrai sur cet article.
M. Nicolas Turquois (Dem). Supprimer l’article donnerait un mauvais signal, en termes de méthode. Mieux vaudrait le modifier en vue de la séance car il importe de prendre en compte la question des dépassements d’honoraires.
M. Christophe Bentz (RN). Notre position initiale était plutôt l’abstention mais devant le décalage entre l’intention qui sous-tend cet article et la réalité légistique, nous voterons sa suppression, dans l’attente d’une rédaction plus limpide et plus efficace.
M. le rapporteur général. Je vais rassurer tout le monde : les modifications que nous apportons dans cette commission n’ont pas d’incidence sur le texte qui sera discuté en séance : ce sera la version du Gouvernement puisqu’il s’agit d’un texte budgétaire.
Monsieur Houlié, d’autres de vos collègues du groupe socialiste font preuve de davantage de respect. Vous parlez de malhonnêteté alors que j’essaie d’être le plus sincère possible. J’ai bien précisé que des augmentations d’honoraires avaient été constatées ces dernières années mais j’ai rappelé qu’il existait des disparités suivant les spécialités, ce qui me paraît être une approche pragmatique. En outre, je n’ai pas dit que les médecins allaient tous se déconventionner. Le risque principal, c’est qu’ils quittent le dispositif des tarifs maîtrisés. Comme l’a souligné M. Rousset, cette taxation peut aboutir à l’effet inverse de celui qui est recherché : les médecins ajusteraient leurs dépassements pour l’intégrer dans leurs honoraires, au détriment des patients. Je me suis inspiré pour mes amendements de certaines des propositions qu’il a formulées dans son rapport, notamment sur le secteur 3, non conventionné, car il faut aussi prendre en compte la responsabilité des prescripteurs. D’autres mesures sont à envisager. Pour l’heure, je propose une suppression de cet article, qui présente plus de risques que d’avantages.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS347 de M. Hadrien Clouet
Mme Élise Leboucher (LFI‑NFP). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS1283 et AS1284 de Mme Sandrine Rousseau, amendement AS349 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mes amendements visent à maintenir la cotisation additionnelle sur les dépassements d’honoraires, dont le taux serait fixé par la loi afin d’éviter qu’il ne soit laissé à la discrétion du ministre ou des autorités sanitaires.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). En premier lieu, les dépassements d’honoraires entraînent des restes à charge très importants qui entravent l’accès aux soins. En second lieu, ils favorisent la constitution de fortunes personnelles réalisées au détriment de l’intérêt des assurés sociaux.
Le Hcaam voit dans cette pratique un affaiblissement de l’adhésion au contrat social qui lie la médecine et la société, particulièrement en ce qui concerne l’accessibilité et l’équité des soins. Par cet amendement, nous proposons d’augmenter le taux de la surcotisation sur les dépassements à 13 %, à défaut de pouvoir mettre fin à ces pratiques.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l’article 26 non modifié.
Amendements AS1114 de M. Jean-François Rousset et AS1768 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
M. Jean-François Rousset (EPR). Cet amendement du groupe Ensemble pour la République reprend une proposition du rapport sur les dépassements d’honoraires que Yannick Monnet et moi-même avons remis la semaine dernière au Premier ministre.
Environ 800 praticiens exercent en secteur 3, déconventionné, c’est-à-dire qu’ils pratiquent des honoraires libres en dehors de toute convention avec l’assurance maladie. Leurs consultations ne sont quasiment pas remboursées alors que leurs prescriptions le sont.
L’amendement propose de mettre fin au remboursement des prescriptions des médecins exerçant en secteur 3. En effet, il serait cohérent que l’assurance maladie ne rembourse que les actes et les prestations réalisés dans le cadre d’une relation conventionnelle entre le praticien et elle.
M. le rapporteur général. Mon amendement est très similaire puisque je me suis inspiré de votre rapport.
Le vôtre ne met pas fin au remboursement des prescriptions de produits de santé, ce qui me semble pourtant indispensable.
Par ailleurs, votre dispositif figurerait à l’article du code de la sécurité sociale relatif à la liste des actes et prescriptions remboursés, ce qui en restreindrait automatiquement le champ. Il serait préférable de l’insérer dans l’article du même code relatif aux tarifs applicables aux médecins déconventionnés. Je vous invite donc à retirer votre amendement afin que nous déposions ensemble une rédaction commune pour la séance publique.
M. Philippe Vigier (Dem). L’amendement de M. Bazin complète le dispositif proposé par M. Rousset, qui ferait que la consultation du patient qui consulte un médecin en secteur 3 ne soit plus remboursée alors que les produits de santé prescrits le seraient toujours. L’amendement de M. Bazin permet de responsabiliser les patients, dont la consultation et les produits de santé ne seraient plus remboursés.
L’amendement AS1114 est retiré.
La commission adopte l’amendement AS1768.
Amendement AS1115 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). La nomenclature des actes médicaux, créée en 2005, n’a jamais été révisée en profondeur. Résultat, elle ne correspond plus à la réalité de la pratique médicale ni à l’économie des soins.
Certains actes sont obsolètes, d’autres ne sont pas encore reconnus. Les tarifs fixés depuis vingt ans expliquent une partie des dépassements d’honoraires, les médecins les considérant même comme des compléments. Une révision globale de la nomenclature est en cours, mais son intégration dans la convention médicale risque de prendre encore plusieurs années.
Or cette obsolescence fragilise notre système de santé. La mesure proposée, soutenue par le groupe Ensemble pour la République, reprend une des dix propositions du rapport sur les dépassements d’honoraires.
Elle ne remet pas en cause la négociation conventionnelle ; au contraire elle la sécurise. L’amendement prévoit qu’en cas d’échec des négociations dans un délai de six mois, les nouveaux tarifs puissent être fixés par voie réglementaire. Ce mécanisme de bon sens garantirait que la révision de la classification commune des actes médicaux (CCAM) ne reste pas lettre morte et qu’elle produise enfin des effets concrets pour les praticiens et les patients.
M. le président Frédéric Valletoux. Cette situation est lunaire : la révision de la CCAM est en cours depuis des années. En Australie, la modernisation du système de santé a été confiée à des hauts fonctionnaires qui ont réglé l’affaire en un an. Il est incroyable que, depuis des années, l’assurance maladie paie le décalage entre la valeur réelle de l’acte et le geste technique. Il y a là un vrai gisement d’économies.
M. le rapporteur général. Thomas Fatôme vous aurait-il suggéré cet amendement ? L’absence de mise à jour est un facteur majeur de distorsions dans le système de soins. C’est un processus très long, dont l’échéance est sans cesse retardée.
Sagesse.
Mme Joëlle Mélin (RN). Ce problème est fondamental. Dans certains domaines, la nomenclature n’a pas été revue depuis trente ans. En outre, alors qu’on nous avait dit, en particulier dans les années 2000, qu’on allait simplifier dans certains domaines, nous sommes alors passés de 700 à 7 700 actes, notamment dans les secteurs de la kinésithérapie et de la rééducation.
Par ailleurs, l’ensemble des fraudes ou à tout le moins des mésusages résultent d’un contournement de la nomenclature qui était devenu le sport national de certaines petites professions. Pour toutes ces raisons, la nomenclature doit être révisée.
Néanmoins, les négociations ne doivent pas être encadrées dans le temps car l’expiration du délai pourrait entraîner des décisions unilatérales difficilement supportables.
M. le président Frédéric Valletoux. Je partage votre avis : ce problème majeur, qui est pourtant méconnu, doit être résolu pour améliorer l’efficacité du système de santé et mieux dépenser.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS795 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Nous souhaitons accroître la souplesse de la nomenclature. L’amendement prévoit une procédure d’adaptation accélérée permettant rapidement d’y inscrire les nouveaux actes et de supprimer les actes obsolètes.
M. le rapporteur général. Sur le fond, j’y suis favorable en raison du décalage entre la nomenclature et la réalité. Néanmoins, vous faites mention d’une procédure spécifique définie par voie réglementaire tout en renvoyant aux modalités de révision prévues à l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale. Votre amendement est ainsi inopérant et je vous propose de le retravailler ensemble en vue de la séance publique.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1126 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). L’amendement reprend une des recommandations que nous avons formulées avec Yannick Monnet. Les dépassements d’honoraires, qui s’élèvent à 4,5 milliards d’euros par an, sont un complément de revenu pour les médecins exerçant en secteur 2. Cet avantage économique doit donc s’accompagner de contreparties au service de l’intérêt général.
Nous proposons ainsi de conditionner les dépassements au respect de plusieurs engagements : participation à une démarche qualité, comme cela existe déjà dans d’autres pays européens ; réalisation de consultations avancées dans les zones sous-dotées pour lutter contre les déserts médicaux ; participation à la permanence des soins ; contribution à la formation de futurs professionnels de santé. La logique est simple : à avantages particuliers, responsabilité particulière.
Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, plus les dépassements d’honoraires augmentent, plus le volume d’activité diminue : un ophtalmologiste dont le taux de dépassement est de 140 % réalise près de 40 % d’actes en moins qu’un confrère dont le taux n’est que de 14 %. Cela réduit d’autant le temps médical disponible. En gros, les médecins qui pratiquent des dépassements pourraient ne travailler qu’un jour par semaine.
M. le rapporteur général. Je crois davantage à la démarche incitative de l’Optam qui s’accompagne d’engagements dans une logique gagnant-gagnant.
Néanmoins, il faut rendre le dispositif opérant, d’autant que je déteste que le Sénat corrige notre travail. Aussi faudrait-il préciser que la participation aux consultations avancées est attendue « le cas échéant », car toutes les spécialités médicales ne sont pas concernées, et ajouter la permanence des soins.
Demande de retrait, à défaut avis défavorable.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le groupe La France insoumise ne votera pas cet amendement pour trois raisons. Premièrement, il conduirait à exclure les médecins du secteur 1 de la permanence des soins alors que le prix à payer pour y participer, c’est précisément d’être en secteur 1. Deuxièmement, les dépassements seraient banalisés : ils doivent faire l’objet d’une régulation publique plutôt que d’une contractualisation. Troisièmement, la participation à des actions de formation est un engagement un peu flou.
En revanche, je partage votre hostilité à l’endroit du Sénat...
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS551 de M. Hadrien Clouet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement vise à conditionner l’ouverture de nouvelles cliniques privées à la garantie d’un reste à charge zéro. Les dépassements d’honoraires ont considérablement augmenté ces dernières années dans les cliniques privées. Selon un rapport de 2025 du Hcaam, les dépassements d’honoraires des médecins spécialistes s’élevaient à 4,3 milliards d’euros en 2024, soit une augmentation moyenne de 5 % par an depuis 2019 hors inflation, sachant que 80 % à 90 % des patients de cliniques privées paient des dépassements d’honoraires. Au cours des quatre dernières années, plus d’un tiers des Français ont ainsi renoncé à des soins ou à des équipements médicaux alors qu’ils en avaient besoin.
Ces dépassements d’honoraires contribuent à la création d’un système de santé à deux vitesses, où les plus riches peuvent accéder à des soins de qualité rapidement et où les plus précaires subissent de plein fouet les coupes budgétaires dans la santé publique.
Il est plus que temps de stopper le développement des centres de santé privés lucratifs. La santé ne doit pas être une manne financière faisant le bonheur des acteurs financiers qui cherchent à dégager des bénéfices toujours plus gros sur le dos des patients.
M. le rapporteur général. Je suis opposé à votre amendement, bien que je ne sois pas contre la diminution des restes à charge pour les patients. Certains établissements privés veulent devenir des Espic ; or les acteurs locaux peuvent y être opposés pour de nombreuses raisons. Ne versons pas dans la caricature : certains acteurs privés jouent le jeu de la maîtrise des dépassements et des restes à charge. Le secteur est plus divers qu’on veut le faire croire.
Par ailleurs, l’amendement traite des nouvelles cliniques et non de celles déjà ouvertes. Enfin, il aboutirait à une situation baroque et inégalitaire.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les dépassements sont un véritable problème : ils remettent en cause le principe d’égal accès aux soins. Combien de nos concitoyens doivent accepter de payer des dépassements d’honoraires faute de quoi ils devront attendre pour être soignés ? Comme par hasard, en acceptant, il sera possible d’obtenir plus rapidement une consultation avec le spécialiste incontournable.
Ces logiques sont inacceptables. La santé n’est pas une marchandise et devrait sortir du secteur marchand. Elle ne devrait relever que du secteur public ou associatif à but non lucratif.
Il est donc essentiel de conditionner l’ouverture de nouvelles cliniques privées à la garantie d’un reste à charge zéro. La politique publique de santé ne doit contribuer, directement ou indirectement, qu’au financement des structures respectant les tarifs conventionnels sans dépassements d’honoraires.
La commission rejette l’amendement.
Amendements de suppression AS350 de M. Damien Maudet et AS991 de M. Hendrik Davi
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Lorsque j’ai lu l’article 27, je n’y croyais pas. Il prévoit que « Les établissements de santé exerçant les activités [...] sont intéressés financièrement à l’efficience et à la pertinence des soins qu’ils délivrent ou des prescriptions des professionnels de santé exerçant en leur sein. En fonction des résultats obtenus par les établissements au regard des objectifs fixés au niveau national ou régional, qui peuvent être exprimés en volume ou en évolution et qui sont mesurés à partir d’indicateurs relatifs à l’efficience et à la pertinence des soins [...], le directeur général de l’agence régionale de santé peut [...] en fonction des résultats obtenus, évalués à l’aide d’indicateurs relatifs à la qualité et à la sécurité des soins [...] leur attribuer une dotation complémentaire [...] ».
L’attribution par des technocrates de dotations supplémentaires à l’hôpital sera donc fondée sur l’optimisation économique. C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’article 27 crée un nouveau mécanisme d’incitation à l’efficience et à la pertinence des soins dans les établissements de santé. En réalité, les termes d’efficience et de responsabilisation traduisent une incitation financière à réduire les actes et les prescriptions, ce qui n’est pas toujours dans l’intérêt du patient. Il y a donc un véritable risque que les soins soient rationnés plutôt que leur qualité améliorée.
Ce dispositif limitera automatiquement l’autonomie des soignants dans leurs décisions cliniques. Les décisions médicales risquent d’être guidées par la crainte d’une sanction budgétaire plutôt que par l’intérêt du patient.
Ce mécanisme traduit l’application du new public management dans l’ensemble de la fonction publique. Cette approche financière et bureaucratique a déjà fragilisé les hôpitaux. L’amélioration du système, notamment la réduction des prescriptions, passe par une meilleure formation des médecins, indépendante de l’industrie pharmaceutique.
M. le rapporteur général. J’ai auditionné tous les acteurs concernés par cet article. Selon les fédérations hospitalières, qui y sont très favorables, cette démarche est positive car elle est susceptible d’apporter des moyens complémentaires à l’hôpital qui atteindrait les objectifs d’efficience et de pertinence.
Je ne crois pas que l’efficience et la pertinence soient contradictoires avec la qualité et l’humanité du soin, au contraire. Travailler en faveur de la pertinence des soins, c’est éviter l’iatrogénie médicamenteuse, c’est privilégier le soin le moins invasif possible, la prise en charge la plus légère, c’est éviter de pratiquer des examens inutiles ou redondants, qui n’ont rien d’agréable pour le patient.
Ce mécanisme étant réclamé par plusieurs groupes, adoptons-le et procédons à une évaluation de son application.
Avis défavorable.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis défavorable à la suppression de cet article. Donner des objectifs à des hôpitaux et accompagner les bons élèves a du sens. Olivier Véran avait lancé un programme de reprise de la dette : certains établissements parmi les plus dysfonctionnels ont été accompagnés, tandis que ceux dont l’endettement était maîtrisé ne l’ont pas été.
Évaluer le fonctionnement de l’hôpital public, notamment sa productivité – j’ose prononcer ce gros mot – peut avoir un effet incitatif. Cette démarche n’est pas une fin en soi mais elle peut être très intéressante.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). En ouvrant ce débat, nous espérions vraiment que nous voterions la suppression de cet article. L’exposé des motifs évoque « un intéressement [...] aux gains dégagés par leurs actions ou [une] pénalité financière ». Il ne s’agit pas de verser plus d’argent à ceux qui feraient bien les choses mais plutôt de pénaliser ceux qui les feraient mal. Ce type de dispositif conduit à distribuer moins d’argent car, au bout du compte, les pénalités dépasseront les gains. Il s’agit donc d’un moyen discret et déguisé de réaliser des économies sur l’hôpital.
Vous avez parlé de bons et de mauvais élèves. Dans un hôpital, il n’y a pas d’élèves ; il y a des aides-soignantes, des aides-soignants, des infirmières, des infirmiers, des médecins, des personnels techniques et administratifs. Ce sont des professionnels de santé qui font leur boulot.
Par ailleurs, ces indicateurs seraient définis par des bureaux d’études et des cabinets de conseil qui ne connaissent pas le cœur de métier. Cet article, qui ne prévoit nullement l’association des professionnels de santé, doit être immédiatement supprimé.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS9 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement vise à tenir compte des caractéristiques de santé du territoire lors de l’analyse des résultats obtenus par l’établissement.
La réalité locale varie selon les territoires, tout comme les besoins en soins varient en fonction des populations. Or ce dispositif, qui serait appliqué uniformément sur l’intégralité du territoire, entraînerait de graves inégalités entre les établissements.
M. le rapporteur général. Cette précision est inutile et mal placée dans le texte, rendant la phrase obscure.
Je vous invite à retirer votre amendement et à le retravailler en vue de la séance.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Plutôt que de classer les médecins selon leurs compétences et d’établir des comparatifs par spécialités, il serait plus judicieux de conclure avec les hôpitaux des contrats d’objectifs et de moyens prévoyant un financement et un contrôle. Le système du bonus et du malus est une usine à gaz : si un établissement reçoit un malus, que fait-on de l’avis des soignants et des malades ? Ces derniers trouveront peut-être qu’il n’est pas pertinent de s’y rendre. Nous ne saurons pas gérer ce dispositif, parce que nous sommes incapables d’élaborer une liste de critères simples et communs à tous. C’est un leurre et ce n’est pas utile sous cette forme.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je ne comprends pas qu’on n’ait pas supprimé cet article. L’hôpital public croule sous les contraintes administratives accumulées au fur et à mesure des réformes. Par ailleurs, un hôpital qui n’a pas suffisamment de moyens sera dysfonctionnel et pourra être sanctionné, alors que le problème vient de l’insuffisance de ses moyens. L’amendement de ma collègue Runel vise à prendre en compte les contraintes de territoire. On peut imaginer qu’un hôpital public dans l’Ouest parisien ne se trouve pas dans la même situation qu’un autre en Seine-Saint-Denis ou ailleurs dans le territoire français. Il est donc indispensable de tenir compte du contexte dans lequel évolue l’hôpital.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS351 de Mme Ségolène Amiot
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Les personnes qui se rendent dans un hôpital ne demandent pas cela. Plus vous faites des économies, plus on vous donnera de moyens ; moins vous faites des économies, moins on vous donnera de moyens : c’est une idée stupide ! Il est question de soins, de santé, d’un hôpital malade. Même McKinsey n’est pas assez diabolique pour suggérer quelque chose comme ça ! Même un technocrate n’est pas censé pondre ce truc. Je ne comprends pas comment on peut estimer que c’est une bonne idée quand il s’agit de soigner des gens.
Pour le moment, nous en débattons dans la salle obscure de la commission, mais attendez que le débat ait lieu dans l’hémicycle et que le pays se rende compte de ce que l’on est en train d’essayer d’imposer aux soignants : on a fait des révolutions pour moins que ça ! Et ce serait mérité.
M. le rapporteur général. Monsieur Boyard, vous avez fait un très beau discours mais lisez bien votre amendement : vous faites une révolution inversée – je ne suis pas sûr que cela plairait à Jean-Luc Mélenchon. En supprimant le dispositif d’intéressement, votre amendement supprimerait involontairement l’incitation financière à l’amélioration de la qualité (Ifaq). Je ne suis pas sûr que ce soit ce que vous recherchiez.
Avis défavorable.
M. Philippe Vigier (Dem). J’indique à Mme Runel, à propos de son amendement précédent, que les coefficients géographiques sont déjà intégrés dans le calcul des dotations affectées aux hôpitaux. Ce calcul n’est pas le même selon les territoires.
Monsieur Boyard, ce qui compte, c’est la meilleure prise en charge des patients. Il est inutile d’envoyer un patient qui doit se faire opérer du canal carpien ou subir une chirurgie thoracique dans un hôpital qui ne sait pas pratiquer une telle opération : il faut l’envoyer dans le bon établissement, en évitant de passer par une case intermédiaire où il sera peut-être mal aiguillé. C’est cela, l’efficience. Nous sommes d’accord sur la finalité, pas sur le parcours.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Premièrement, s’il y a des dotations à donner à l’hôpital, vous ne les conditionnez pas : vous les donnez. Les hôpitaux en ont besoin maintenant : il n’est pas nécessaire de leur demander de prouver qu’ils ont fait de belles économies.
Deuxièmement, un service ou un hôpital qui n’aura pas été suffisamment efficient se verra retirer des moyens. À la fin, ce sont donc les patients qui paieront, et les soignants également puisqu’ils se retrouveront sous-dotés. Et même sans aller jusque-là, les soignants devront s’interroger : si je ne fais pas suffisamment d’économies, je n’obtiendrai pas ma subvention ; si je veux ma subvention, je dois faire des économies. Votre mesure ne fait qu’aggraver l’ambiance de mort qui règne déjà à l’hôpital. Ce n’est pas nécessaire.
M. le président Frédéric Valletoux. Essayons de ne pas tomber dans la caricature.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1340 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). Cet amendement de précision vise à intégrer les indicateurs relatifs à la pharmacie clinique dans les dispositifs d’incitation à l’efficience.
L’efficience consiste à valoriser les pratiques professionnelles. Il faut donc inciter les professionnels à les améliorer. Toutefois, l’article mériterait d’être réécrit parce que ce n’est pas avec des pénalités qu’on développe une culture de la qualité. Il faut travailler sur la philosophie de cet article pour pouvoir le rendre opérant.
M. le rapporteur général. Vous êtes un peu dure avec l’article 27 ! Cela étant, c’est une usine à gaz et l’attente est très forte pour rénover et simplifier les dispositifs.
Votre amendement comporte deux aspects, l’un positif, l’autre préjudiciable. Vous avez raison de souligner que les enjeux liés à la pharmacie clinique sont très importants. Mais en substituant les quatre alinéas qui sont censés réformer l’Ifaq, vous contribuez à maintenir le statu quo alors qu’il est nécessaire de la réformer. Je souhaite donc le retrait de votre amendement afin que vous puissiez le retravailler. J’espère que le Gouvernement, en nous écoutant, prendra conscience qu’il faut réécrire l’article 27.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1181 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La sécurité sociale a investi des millions dans les dossiers médicaux partagés (DMP) et les espaces numériques de santé. Ces outils, qui jouent un rôle essentiel dans la prévention et dans le suivi des patients, méritent d’être mieux utilisés. Mon amendement vise donc à encourager les hôpitaux publics et les cliniques privées à y recourir en conditionnant l’attribution des dotations d’incitation financière à leur utilisation.
M. le rapporteur général. Vous avez raison : il est sans doute nécessaire de parvenir à une meilleure utilisation de ces outils dans les hôpitaux. Nous aborderons un peu plus tard les critères relatifs à la consolidation du DMP.
Toutefois, vous commencez à décliner les critères de l’Ifaq dans la loi, alors que c’est précisément la sédimentation de plusieurs couches de critères qui a conduit à transformer l’Ifaq en une véritable usine à gaz et à rendre le dispositif illisible pour les soignants.
Par ailleurs, je vous donne rendez-vous à l’article 31, qui vise à pousser les professionnels de santé et les établissements à utiliser massivement le DMP. Votre amendement fait donc un peu doublon.
Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1488 de Mme Josiane Corneloup
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement vise à traduire dans l’article les indicateurs liés aux activités de prélèvement d’organes et de tissus, reconnues comme priorité nationale par la loi de bioéthique de 2004. Cela concerne le taux de réalisation d’entretiens avec les proches conformes aux règles de bonnes pratiques relatives aux prélèvements d’organes et de tissus, ainsi que le taux de greffe rénale réalisé à partir de donneurs vivants d’organes. Les entretiens existent mais ils sont réalisés de façon très hétérogène selon les établissements. L’objectif est d’harmoniser les pratiques.
M. le rapporteur général. Les questions soulevées par les bonnes pratiques en matière de prélèvements d’organes et de tissus ou encore de taux de greffe rénale réalisés à partir de donneurs vivants d’organes sont essentielles. Je suis d’accord sur le fond mais, sur la forme, je pense qu’il ne faut pas les énumérer dans la loi.
Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
La commission rejette l’article 27 non modifié.
Amendement AS169 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Dans l’article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2025, nous avions donné la possibilité de plafonner les dépenses d’intérim médical et paramédical, ce qui était évidemment une bonne chose. Toutefois, cette possibilité était conditionnée à l’existence d’un écart de coût significatif entre l’intérim et l’emploi permanent, ce qui en limitait un peu l’intérêt. Pourtant, le coût de l’intérim ne cesse de croître. Nous proposons donc de développer le plafonnement des dépenses d’intérim en supprimant la condition de l’écart significatif.
M. le rapporteur général. Cela avait provoqué beaucoup de débats à l’époque. Les fédérations hospitalières tenaient à cette condition de l’écart significatif afin que le dispositif ne soit pas trop lourd à gérer. Dans la situation actuelle, votre amendement risquerait de poser des problèmes à certains établissements, notamment dans les territoires connaissant de fortes tensions.
Par ailleurs, les plafonds de rémunération adoptés par l’arrêté du 5 septembre 2025 couvrent les professions les plus problématiques au regard de l’intérim : médecin, odontologiste, pharmacien, infirmier, manipulateur en radiologie, préparateur en pharmacie, kinésithérapeute, sage-femme. Je pense sincèrement qu’il ne faut pas aller plus loin.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS170 de Mme Sandrine Runel et AS520 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)
Mme Sandrine Runel (SOC). L’intérim médical coûte 1 milliard d’euros à la sécurité sociale. Nous en combattons le développement car il n’offre absolument pas de sécurité aux équipes de professionnels et entraîne souvent des conditions de travail déplorables et des soins de moins bonne qualité.
Dans un rapport de 2024, la Cour des comptes recommande de faire établir par l’ARS, pour chaque groupement hospitalier, un contingent pour les contrats d’intérim passés sur le fondement de difficultés particulières de recrutement. Mon amendement vise à appliquer cette recommandation car il nous semble important de limiter la part maximale des contrats intérimaires qu’un hôpital ou un établissement médico-social peut conclure.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). L’intérim médical et paramédical est devenu la norme et c’est problématique. Ces recours excessifs à l’intérim créent du dysfonctionnement dans la permanence des soins et dans la soutenabilité financière ; la qualité des soins s’en ressent. L’amendement AS520 vise à limiter la proportion de contrats intérimaires autorisés dans les établissements et services publics de santé. Ce plafond permettrait d’encadrer le volume des recrutements temporaires.
M. le rapporteur général. L’amendement AS170 vise à plafonner la part des contrats d’intérim conclus à l’échelle du groupement hospitalier de territoire (GHT) pour une catégorie de professionnels donnée. Si tant est que cela soit souhaitable, ce ne serait pas faisable car il n’y a pas de gestion globale des contrats d’intérim à l’échelle des GHT. Si nous adoptons cet amendement, à chaque fois qu’un GHT embauchera un personnel en intérim, il devra d’abord vérifier s’il est toujours dans les clous pour son ratio d’intérim. Cette usine à gaz est inadaptée au besoin de souplesse des établissements.
L’amendement AS520 propose le même type de disposition mais à l’échelle d’un établissement ou d’un service. Un établissement a besoin de souplesse pour pallier les absences non anticipées et ne peut pas calculer chaque jour des ratios. De plus, les services ne concluent pas de contrats : cela relève de l’établissement. La rédaction de cet amendement est donc problématique.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, j’émets un avis défavorable.
M. Fabien Di Filippo (DR). Il était nécessaire de plafonner les dépenses d’intérim. Le rapport entre l’offre et la demande était tellement déséquilibré que les médecins fixaient presque eux-mêmes leur rémunération, qui atteignait des sommes délirantes. Néanmoins, votre présentation laisse penser que le recours à l’intérim est un choix de l’hôpital, ce qui n’est absolument pas le cas. Il préférerait avoir des personnels stables. Votre amendement, qui ne prend pas en compte la réalité de la situation, risque de provoquer la fermeture de services.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Lors de notre mission d’information sur la psychiatrie, avec Mme Nicole Dubré-Chirat, nous avons constaté que certains services de petits hôpitaux ne fonctionnaient qu’avec des intérimaires, ce qui est du reste terrible pour la continuité des soins. Mais sans eux, il n’y a plus de services.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous n’avons pas fixé le plafond ! Il le sera en fonction des réalités du terrain. Un secteur qui a un fort recours à l’intérim ne verra donc pas s’appliquer les mêmes règles. Il faut trouver un juste milieu pour soulager des équipes qui souffrent de la désorganisation et de la récurrence des arrivées et des départs.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1420 de M. Philippe Vigier
M. Philippe Vigier (Dem). Il vise à lutter contre la dérive administrative dans les hôpitaux. De fait, le pourcentage des soignants baisse chaque année, tandis que celui des administratifs augmente. Nous devons nous fixer un cap pour rendre à l’hôpital son rôle premier : soigner. L’objectif est d’atteindre un ratio de l’ordre de 75/25 en 2027-2028. Le seul centre hospitalier universitaire excédentaire en France est celui de Poitiers, qui est excellemment géré. Comme par hasard, il compte un moindre nombre d’administratifs.
M. le rapporteur général. Votre amendement est intéressant. Vous fixez un cap clair et réaliste et demandez un décret en Conseil d’État pour définir la liste des soignants et des non‑soignants, ainsi que les mécanismes de transition pour les établissements. Votre approche est raisonnée et méthodique.
Avis favorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). S’il y a de plus en plus d’administratifs, c’est parce que vous n’arrêtez pas d’inventer des indicateurs et des procédures pour contrôler le travail des salariés à l’hôpital. C’est très pernicieux. On pousse aussi les soignants à diminuer la durée moyenne du séjour pour libérer les lits. Ils font sortir trop tôt des patients, qui reviennent avec des pathologies parfois très lourdes. Tout cela finit par coûter beaucoup plus cher. Pour faire respecter des indicateurs, des administratifs passent un temps fou à faire des calculs d’efficience. Il ne fallait pas voter l’article 27, si vous ne souhaitiez pas plus d’administratifs.
M. Christophe Bentz (RN). Tous les ans, nous déposons des amendements pour limiter le personnel administratif dans les établissements de santé. Pour favoriser le soin et le temps médical, nous souhaitions imposer un ratio de 10 % d’administratifs. Votre amendement allant dans le même sens, nous le voterons.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je me souviens de nos débats en 2024 et en 2023 : nous avions décidé de recruter du personnel administratif pour libérer du temps médical. Ce que vous proposez n’est-il pas en contradiction avec cette décision ?
M. le rapporteur général. C’est tout l’enjeu de la définition de la liste des soignants et des non-soignants.
M. le président Frédéric Valletoux. La réalité d’un hôpital est souvent plus compliquée qu’elle n’en a l’air. Par exemple, c’est souvent une infirmière qui gère les plannings et les secrétaires médicales font partie des personnels administratifs, alors qu’elles sont là pour libérer du temps médical. Ce n’est pas ce soir que nous pourrons faire de la dentelle fine.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Davi, comme je le précise dans l’exposé sommaire, moi aussi j’en ai ras‑le‑bol que les médecins et les soignants passent leur temps à remplir des fichiers.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS407 de Mme Ségolène Amiot
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Par cet amendement, nous souhaitons encadrer les rémunérations des praticiens contractuels faisant le choix d’un contrat à motif 2, conclu en cas de difficultés particulières de recrutement ou d’exercice. L’accroissement du recours à ces contrats a un effet direct sur les candidatures au contrat de motif 1, mobilisé en cas de remplacement ou d’accroissement temporaire d’activité contrats. La Cour des comptes relève entre les deux un écart de rémunération qui atteint presque 50 000 euros par an. Qui plus est, la baisse d’attractivité des contrats de motif 1 pousse les hôpitaux publics à se tourner vers des contrats d’intérim onéreux.
M. le rapporteur général. Si je reconnais qu’il y a eu des dérives, je ne suis pas sûr que votre solution soit la bonne. En plafonnant les rémunérations des contrats de motif 2, vous risquer de mettre les établissements dans une situation insoluble : ils ne pourront pas recruter certains spécialistes auxquels la clinique voisine proposera une rémunération quatre fois supérieure. Il faut plutôt trouver des leviers d’attractivité en faveur de l’hôpital.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1020 de Mme Marie Pochon
M. Hendrik Davi (EcoS). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS653 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Les chiffres sont édifiants : à mesure que les lits ont fermé, que les effectifs ont fondu et que la formation a disparu, les soignants en psychiatrie ont eu plus souvent recours à l’isolement et à la contention. Cela doit nous alerter en matière de libertés publiques et de respect de la dignité humaine. En 2022, 76 000 patients ont été hospitalisés sans leur consentement ; plus d’un tiers ont été mis à l’isolement ; 8 000 ont fait l’objet d’une contention mécanique et ont été attachés des heures durant. En 2021, la LFSS a permis de créer un registre sur les mesures d’isolement ou de contention dans les établissements de santé autorisés en psychiatrie et de faire publier un rapport annuel sur les pratiques de coercition. Malheureusement, les transmissions d’informations sont trop rares. C’est pourquoi nous demandons un rapport, afin d’être éclairés sur l’étendue et les conditions du recours aux mesures coercitives.
M. le rapporteur général. Le sujet est très sensible et votre demande ne me semble pas illégitime. Néanmoins, même si je ne connais pas assez ce sujet, il me paraît assez éloigné du financement de la sécurité sociale. Je vous invite à redéposer votre amendement en séance pour échanger avec la ministre.
Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Si vous cherchez de la littérature sur le sujet, monsieur le rapporteur général, vous pourrez lire les rapports de deux femmes fabuleuses : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui a remis un rapport suite à plusieurs visites dans des établissements pratiquant la contention, et la Défenseure des droits, qui alerte régulièrement sur l’usage excessif et souvent disproportionné de la contention chimique et mécanique. Régulièrement, des personnels soignants lancent aussi des alertes, dans la presse, parce que, par manque de personnels, ils sont contraints d’utiliser la contention, qui est illégale.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous n’allons pas attaquer l’article 28 à vingt-trois heures cinquante-huit.
Mme Sandrine Runel (SOC). Nous avons examiné 670 amendements en trois jours, soit une moyenne de 223 par jour. Il en reste 303 pour vendredi. Nous attendons tous avec impatience les articles 44 et 45 bis, sur lesquels nous aurons besoin de temps. Nous aurions pu continuer pendant trente ou quarante minutes ce soir. En réalité, je vois bien que certains n’ont pas envie que l’on aille au bout de l’examen du texte. Nous en prenons acte.
M. le président Frédéric Valletoux. Je suis patient et je donne à tout le monde la possibilité de parler. On va regarder de près les temps de parole des différents groupes, leur nombre d’amendements. On regardera aussi qui n’est pas capable de respecter sa minute de parole. On peut jouer à ça, madame Runel, et voir où est l’obstruction rampante. Ne proférez pas ce genre d’accusations ! Nous avons largement le temps de discuter vendredi et s’il faut que l’on termine à deux heures du matin, nous le ferons.
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10. Réunion du vendredi 31 octobre 2025 à 9 heures (article 28 à après l’article 36)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
Amendements de suppression AS352 de M. Hadrien Clouet, AS749 de Mme Sandrine Runel, AS1007 de M. Hendrik Davi et AS1019 de M. Yannick Monnet
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS352.
Avec l’article 28, la Macronie franchit un nouveau cap dans l’absurdité et la mesquinerie. Coutumiers des attaques contre les droits, vous vous en prenez cette fois à ceux des travailleurs – le droit de se soigner, le droit de pouvoir être malade. L’an dernier déjà, François Bayrou avait pris en douce un décret réduisant les indemnités journalières de 52 à 42 euros. Pour quel résultat ? Des salariés obligés de venir travailler, de contaminer leurs collègues, de reporter leurs soins, donc d’aggraver leur pathologie et de prolonger leur arrêt de travail ; par conséquent, un coût plus élevé pour la collectivité.
C’est absurde, cruel et économiquement idiot. En pleine pénurie de soignants, les malades qui ne sont pas guéris à l’issue des quinze jours d’arrêt devront retourner chez le médecin alors même que 7 millions de Français n’ont pas de médecin traitant.
Par ailleurs, vous supprimez la visite médicale au retour d’un congé de maternité, alors qu’une femme sur cinq souffre de dépression post-partum. C’est ignoble.
Mme Sandrine Runel (SOC). La journée d’Halloween commence fort. L’infâme article 28 est la pièce maîtresse du musée des horreurs que la Macronie a concocté dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Après avoir tapé sur les retraités, sur les ménages précaires et plus généralement sur tous ceux qui ont besoin d’une aide, vous vous en prenez aux personnes en arrêt maladie, au motif principal que les indemnités journalières coûtent trop cher. Or, 45 % des montants versés concernent des arrêts de plus de six mois.
Face à la hausse des indemnités, deux solutions s’offrent à nous : blâmer les personnes en arrêt qui coûtent trop cher à la Sécurité sociale ou s’interroger sur les causes des arrêts. Sans surprise, vous avez choisi la première. Pourtant, il y a beaucoup à faire en matière de prévention et de santé au travail, en lien avec les employeurs, pour que les travailleurs se sentent mieux.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’article 28 renforce le contrôle administratif des travailleurs et diminue leurs indemnités. Il retire également un droit après un congé de maternité. Il s’inscrit dans une logique d’économies, fondée sur la défiance envers les assurés et les soignants. Il s’appuie sur le postulat selon lequel la hausse des arrêts de travail serait due à une fraude accrue. C’est faux, elle a avant tout des causes structurelles : le vieillissement de la population - et la réforme des retraites n’a rien arrangé en augmentant le nombre de travailleurs plus âgés et par conséquent la probabilité d’arrêts de travail –,la dégradation des conditions de travail et son intensification ; l’exposition accrue au stress et aux pollutions.
Ce n’est ni en supprimant la médecine du travail ni en limitant les visites médicales à la reprise après un congé de maternité que l’on réduira les arrêts de travail. Ces mesures de contrôle risquent de dissuader les salariés d’y recourir donc d’aggraver les pathologies et d’allonger les convalescences, ce qui aboutira à une hausse des coûts médicaux et sociaux à moyen et long termes.
M. Yannick Monnet (GDR). L’article 28 fait partie de la batterie de mesures qui fragiliseront la situation des travailleurs et la santé au travail. Depuis 2017, la logique est toujours la même : porter le soupçon sur les malades et leurs soignants en prétendant que les arrêts de travail sont des arrêts de complaisance.
Les vraies questions ne sont jamais posées par ceux qui veulent sanctionner les malades : quelles sont les raisons de la hausse du nombre d’arrêts et de notre triste record en matière de maladies professionnelles et d’accidents du travail ? Comment déployer des politiques de prévention efficaces ? Comment faire en sorte que les entreprises et les administrations respectent leurs obligations en matière de prévention des risques professionnels ? Comment réduire les inégalités en matière de santé ?
Les restrictions imposées reposent sur une logique totalement absurde : ceux qui reprendront le travail sans être complètement rétablis aggraveront leur état, seront moins productifs et devront de nouveau consulter. L’annexe 9 du projet de loi note que « la mesure aura donc pour conséquence d’augmenter le nombre de consultations médicales ». Outre son caractère préjudiciable pour la santé des travailleurs, elle n’est même pas opportune d’un point de vue économique.
Alors que, depuis 2017, la protection des femmes enceintes dans le droit du travail a été affaiblie puisque l’obligation de surveillance médicale renforcée a été supprimée, voilà que le Gouvernement veut supprimer la visite médicale de reprise après un congé de maternité, qui est pourtant un moment de fragilité.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Madame Runel, l’article 45 bis fait‑il aussi partie du musée des horreurs à vos yeux ? Madame Belouassa-Cherifi, il est difficile de parler de décret pris en douce quand il est publié. Tout n’est pas noir ou blanc. Tâchons d’être mesurés !
L’article ne supprime pas la visite de reprise après un congé maternité. Il la rend facultative. Quoi qu’il en soit, cette mesure est à mon sens un cavalier législatif – la médecine du travail ne relève pas de la branche maladie.
Pour le reste, ne nous voilons pas la face. Nous constatons une augmentation énorme des arrêts de travail, qui a fait des victimes collatérales – les kinésithérapeutes ont vu gelée la revalorisation de leurs tarifs.
L’article ne réduit en rien le droit de prescrire, ni la possibilité de se voir prescrire un arrêt de travail pour maladie ou pour accident du travail-maladie professionnelle (AT‑MP). Il pourrait même faciliter un suivi plus régulier des patients. Des dérogations restent possibles dès lors que le médecin fait l’effort de justifier qu’il ne respecte pas les durées recommandées. Par ailleurs, le fait de limiter à quatre ans le versement d’indemnités journalières en cas d’incapacité temporaire pour AT‑MP donne tout son sens à l’adjectif « temporaire ». À l’issue de ce délai, la victime peut voir son incapacité reconnue permanente.
Avis défavorable à la suppression de l’article.
M. Nicolas Turquois (Dem). Comme l’a dit M. Monnet, il faut se poser les vraies questions. Si nous voulons préserver notre dispositif d’arrêts de travail, nous devons nous interroger sur son financement, sur les raisons de la forte progression du nombre d’arrêts et sur la pertinence de certains d’entre eux, notamment lorsque leur multiplication met en difficulté l’entreprise. Il semble bienvenu d’établir certaines limites. Je voterai contre les amendements.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je soutiens les amendements car l’article 28 rend plus contraignant l’accès à l’affection de longue durée et aux arrêts maladie.
Tous les indicateurs montrent un avant et un après le covid‑19. La dégradation de la santé, en particulier mentale, qui explique la hausse des arrêts de travail, a commencé avant mais elle explose après. S’y ajoute une désaffection pour certains métiers qui manquent de sens. Il en résulte une souffrance au travail, qui ne pourra être résorbée sans une réflexion sur l’organisation du travail et sur le management. Croire que la coercition est la solution est une erreur d’analyse profonde et une négation du malaise dans le monde du travail.
La visite de reprise après un congé de maternité est indispensable pour repérer les dépressions post-partum ou les autres difficultés que peuvent rencontrer les femmes.
M. Yannick Monnet (GDR). Sans vouloir être désagréable, monsieur le rapporteur général, j’ai un peu l’impression d’être au café du commerce. L’inspiration est la même que pour le numerus clausus : à l’époque, on nous expliquait que la baisse du nombre de médecins devait faire diminuer les dépenses de santé. Vous ne vous appuyez à aucun moment sur des éléments objectifs.
Vous ne pouvez pas nier la souffrance au travail, la disparition de la médecine du travail et la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Si vous voulez réduire les arrêts, il faut vous intéresser au bien-être au travail, non incriminer de prétendus abus. Je rappelle qu’un arrêt de travail repose sur un diagnostic médical. Pourquoi faire peser la responsabilité sur le patient ?
La commission rejette les amendements.
Amendements AS353 de Mme Élise Leboucher et AS1014 de M. Hendrik Davi (discussion commune)
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Il s’agit de supprimer les dispositions limitant la durée des arrêts pour accident du travail ou maladie professionnelle. Les salariés tombent malades à cause des conditions de travail, mais encore une fois, vous inversez la responsabilité : ce sont les salariés qui trinquent, sans que jamais ne soit remise en cause la suppression de la médecine du travail et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
M. Hendrik Davi (EcoS). Le contrôle des arrêts de travail qu’institue l’article est lourd pour les patients comme pour les professionnels de santé. Il aura pour effet de les dissuader de demander, de prescrire ou de prolonger un arrêt nécessaire. Ce renoncement se traduira par une dégradation de l’état de santé, une prise en charge plus tardive et plus lourde, et finalement sans doute par des coûts plus élevés pour la collectivité.
Plutôt qu’un modèle fondé sur la défiance et le contrôle, l’amendement propose un principe simple : faire confiance aux professionnels de santé pour prescrire les arrêts nécessaires. Si l’on veut comprendre la hausse des arrêts de travail, il faut d’abord s’interroger sur le management, en particulier dans les entreprises publiques. Ce n’est pas en niant les épuisements professionnels que vous résoudrez le problème.
M. le rapporteur général. Je ne nie pas les problèmes de santé au travail, mais j’essaie de m’en tenir au texte : en ce qui concerne les arrêts de travail AT‑MP, que change l’article ? Une incapacité, temporaire ou permanente, doit être constatée par un médecin. Cette qualification doit-elle être éternelle ou bornée dans le temps ? Il est proposé une réévaluation à l’issue d’un délai de quatre ans : soit on est capable de retourner au travail, soit on ne l’est pas, auquel cas l’incapacité temporaire devient permanente, ce qui ouvre droit à un autre régime d’indemnisation. On ne laisse personne au bord du chemin. Cela me semble être du bon sens. Avis défavorable.
Mme Justine Gruet (DR). En matière d’arrêts de travail et d’indemnités journalières, une cruelle inégalité perdure entre le secteur public et le secteur privé, sans parler du secteur libéral où le délai de carence atteint parfois quinze jours. Afin d’éviter les abus, nous pourrions réfléchir à un jour de carence dynamique – une personne qui n’a jamais été malade pourrait être dispensée de jour de carence quand une personne coutumière des arrêts, au risque de déstabiliser une équipe et d’altérer le rapport au travail, se verrait imposer un délai plus long.
En effet, il faut s’interroger sur les causes de la hausse des indemnités journalières. Le fait de ne pas valoriser suffisamment ceux qui travaillent en est une. Nous aurons l’occasion d’en parler au sujet de l’allocation sociale unique, plafonnée à 70 % du salaire minimum, grâce à laquelle celui qui travaille aura toujours raison face à celui profite de l’assistanat. Maintenons la solidarité. Nous aurons l’occasion d’évoquer les fraudes dans le projet de loi sur le sujet.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Ce que nous venons d’entendre est fabuleux : il y a de bons malades et de mauvais malades. Les bons malades sont ceux qui n’ont pas d’enfant, donc pas de gastro-entérites à répétition ; ceux qui vont au travail quoi qu’il arrive, quitte à contaminer leurs collègues. Mais personne ne choisit d’être malade ! Les gens en arrêt maladie ne sont pas des profiteurs ; ils cotisent tout au long de leur carrière pour pouvoir s’arrêter si besoin. Qui peut se substituer au médecin et au patient pour décider de la durée d’un arrêt maladie ? Personne ne devrait s’immiscer dans leur relation.
M. Hendrik Davi (EcoS). Il faudrait s’interroger sur les conséquences à long terme de la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. N’oublions pas que la hausse des arrêts de travail est aussi le signe de maladies plus fréquentes. C’est particulièrement vrai pour le cancer, notre pays étant celui dans lequel la prévalence est la plus forte. Cela se traduit par une hausse des arrêts de travail et des prises en charge pour affection de longue durée.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS14 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Afin d’éviter un choix discrétionnaire du Gouvernement, il est proposé de rendre obligatoire la consultation de la Haute Autorité de santé avant qu’un décret ne vienne fixer la durée maximale des arrêts de travail et des indemnisations.
Le rapport « Charges et produits » publié par l’assurance maladie préconise ainsi de limiter la durée de l’arrêt de travail à un mois en primo-prescription en cas d’hospitalisation et quinze jours en ville, puis par tranche de deux mois maximum.
M. le rapporteur général. L’amendement est satisfait puisque la Haute Autorité de santé donne déjà un avis, certes pathologie par pathologie. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les arrêts de travail ne sont pas toujours liés à des difficultés dans le travail. Le travail n’est pas que souffrance, on peut aussi s’y épanouir.
La durée de l’arrêt dépend de l’appréciation du médecin qui, pour certaines pathologies, peut s’appuyer sur des recommandations de la Haute Autorité de santé, recommandations que tout le monde ignore superbement alors qu’elles sont bien faites. Il faut laisser au médecin le soin de décider et renforcer les contrôles pour éviter les abus liés à des prescriptions inadaptées.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement est satisfait. En matière d’épuisement professionnel, la Haute Autorité de santé recommande un premier arrêt de travail de quinze jours, à l’issue duquel le médecin revoit le patient pour faire le point et prolonger l’arrêt si besoin. C’est bien mieux que de laisser le patient dans la nature pendant un mois. Peu importe l’arrêt de travail, ce qui compte, c’est d’aider le patient à s’en sortir.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS15 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Nous souhaitons inscrire dans la loi, plutôt que dans un décret, la durée minimale des arrêts maladie préconisée par l’assurance maladie – un mois pour une première prescription et deux mois pour une prolongation de prescription.
M. le rapporteur général. Je m’en remets à la sagesse de la commission pour choisir, d’une part, la voie réglementaire ou législative et, d’autre part, la durée plancher proposée par l’amendement ou le plafond qu’envisage le Gouvernement.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Qui sommes-nous pour nous immiscer dans la relation entre le patient et le médecin ? Plafond ou plancher, ce n’est pas à nous de décider. L’épuisement professionnel, par exemple, se manifeste chez certains par une impossibilité de se lever un matin, chez d’autres par une tentative de suicide ou par autre chose encore. Le législateur ne peut pas se prononcer sur la durée appropriée de l’arrêt. Des recommandations peuvent être formulées mais le choix regarde le médecin et le patient.
M. Jérôme Guedj (SOC). L’alinéa 16, qui a été ajouté à la suite des observations du Conseil d’État, vient répondre à ces préoccupations en rappelant que le médecin peut toujours déroger au plafond prévu « lorsqu’il justifie, sur la prescription, de la nécessité d’une durée plus longue au regard de la situation du patient et en considération, lorsqu’elles existent, des recommandations établies par la Haute Autorité de santé ». Ces recommandations, qui sont fondées sur les bonnes pratiques médicales – ce ne sont pas des références médicales opposables –, sont précieuses pour s’assurer de l’adéquation à la situation du patient.
M. le rapporteur général. Nous devons veiller à ne pas rigidifier les règles en les gravant dans le marbre de la loi, d’autant que les bonnes pratiques peuvent être amenées à évoluer. Je rappelle que la possibilité de dérogation est prévue.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS354 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous nous opposons à la limitation de la durée des arrêts de travail. Le discours macroniste n’est pas faux : le travail peut être émancipateur et plein de gens se plaisent dans leur travail, se lèvent le matin en ayant envie d’y aller. Mais il ne l’est plus lorsque, s’ils sont malades, on leur dit que c’est de leur faute et qu’ils doivent continuer à travailler.
Aujourd’hui, c’est le médecin qui est censé juger si le malade peut reprendre le travail et à quelle échéance. Ce n’est pas le rôle du législateur. Si, dans plusieurs secteurs, les conditions de travail se sont détériorées, c’est aussi sous l’effet de la politique conduite depuis 2017, notamment la fin des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Vous ne pouvez pas infliger une double peine aux travailleurs.
M. le rapporteur général. La suppression de l’alinéa 11 que vous demandez revient à peu près à supprimer l’article. On ne parle ici que de restreindre très modestement la durée de prescription des arrêts et de compléter les informations mentionnées sur la prescription.
Vous revendiquiez hier le fait que la responsabilité pèse sur le prescripteur plutôt que sur le patient. En l’espèce, la responsabilité du prescripteur est importante. L’article ne prive pas le malade de la possibilité de demander un arrêt de travail et n’interdit pas au médecin d’en prescrire. Il prévoit même les conditions dans lesquelles celui-ci peut déroger aux recommandations. Il me semble que tout ceci est très pondéré.
Mme Joëlle Mélin (RN). L’arrêt de travail doit être considéré comme un traitement à part entière, idéalement même le seul traitement – lorsqu’on est à deux doigts d’un épuisement professionnel, un arrêt de quinze jours peut suffire à éviter une bascule violente et imprévisible.
Par ailleurs, les arrêts maladie sont déjà régulés, notamment dans le cadre des AT‑MP. Dès que l’état du patient est consolidé – c’est-à-dire qu’il n’évolue plus, ni en bien, ni en mal, malgré le risque de rechute à tout moment –, celui-ci sort du cadre : soit il retourne dans le monde du travail, soit il est déclaré définitivement en invalidité. En cas de maladie, il est également possible de prescrire un congé de longue maladie, lui-même limité à trois ans – peut-être est-ce un peu long, mais la régulation existe bel et bien.
Mme Béatrice Bellay (SOC). Les mots utilisés me choquent, notamment ceux du rapporteur général : on ne « demande » pas un arrêt de travail, c’est toujours le médecin qui décide. Il y en a suffisamment dans cette salle pour le confirmer.
Au reste, certaines maladies sont invisibles. Je pense notamment à l’endométriose, qui engendre des douleurs sous-évaluées, y compris par les médecins, alors que pour certaines femmes, la douleur est aussi intense que lors d’un accouchement. Une femme qui évalue sa douleur à 8 sur une échelle allant de 1 à 10 devrait-elle même avoir à solliciter un arrêt ? Cette volonté de régulation est étonnante. Laissons les médecins faire leur travail !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS106 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Afin d’éviter l’engorgement des cabinets médicaux et le remboursement par la Sécurité sociale de consultations inutiles, cet amendement exclut du dispositif les arrêts liés à une affection de longue durée, par nature susceptibles d’être plus longs.
M. le rapporteur général. Les dérogations sont déjà possibles, c’est écrit noir sur blanc : les médecins « peuvent déroger au plafond prévu au deuxième alinéa lorsqu’ils justifient, sur la prescription, de la nécessité d’une durée plus longue au regard de la situation du patient [...] ». Cela inclut bien les affections de longue durée. Cet amendement étant satisfait, je suis tenté d’en demander le retrait. Pour me montrer constructif, je m’en remettrai à la sagesse de la commission.
Mme Annie Vidal (EPR). Il ne s’agit pas d’empêcher la prescription d’arrêts de travail, seulement de mieux les encadrer en fixant une durée maximale afin de s’assurer que le patient soit bien suivi. Par exemple, on ne peut pas laisser un patient en épuisement professionnel sans suivi pendant un mois. C’est trop long. Nous avons un faux débat. Nous ne voulons pas bloquer les arrêts de travail, mais redonner la main aux médecins.
M. Hendrik Davi (EcoS). Rien n’empêche un patient en épuisement professionnel de prendre rendez-vous avec son médecin. Vous voulez l’y obliger : c’est toute la différence.
Certes, les médecins pourront déroger à cette limitation. Mais il est à craindre qu’on finisse par leur opposer des indicateurs – voyez ce que nous avons voté à l’article précédent ! – au regard desquels on considérera qu’ils prescrivent trop d’arrêts de travail. À terme, s’ils ne réduisent pas les arrêts, on réduira leur salaire.
Voilà la petite musique insidieuse qui se fait entendre ! Au bout du compte, il ne sera plus possible de déroger au plafond. Faisons confiance aux soignants et laissons-les déterminer si un arrêt est nécessaire, et, le cas échéant, pour quelle durée. C’est fondamental. La lutte contre les éventuelles fraudes est un autre sujet.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS994 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Il s’agit de supprimer l’obligation faite aux médecins de justifier un arrêt de travail supérieur à trente jours lorsque cette prescription est conforme aux recommandations de la Haute Autorité de santé. Celles-ci devraient constituer un motif suffisant. Les médecins ne devraient pas avoir à motiver une décision relevant de leur expertise clinique, particulièrement pour les quarante pathologies qui nécessitent, selon la Haute Autorité, un arrêt supérieur à un mois.
Les médecins sont déjà surchargés de tâches administratives, notamment à l’hôpital : alléger ces formalités dégagerait du temps de soins. Cet amendement défend un principe simple : faire confiance aux soignants, et respecter le jugement médical comme les recommandations de la Haute Autorité de santé.
M. le rapporteur général. Votre position vis-à-vis des recommandations de la Haute Autorité de santé ne me paraît pas cohérente. En outre, motiver une dérogation ne me semble pas excessif. Au reste, tous les médecins sont surchargés, y compris les médecins de ville.
Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). N’oublions pas que la multiplication des arrêts de travail courts prive les employeurs de la visibilité nécessaire pour s’organiser : on ne remplace pas systématiquement un employé en arrêt pour quinze jours, mais il en va différemment si on sait dès le départ que l’arrêt durera trois mois. Il faut une vision globale.
En outre, quand la Haute Autorité de santé recommande un arrêt de plusieurs mois pour une pathologie, pourquoi demander des comptes au médecin ? Éviter la multiplication des consultations pour arrêt facilite la vie de tout le monde – l’employeur, le patient. Pourquoi se compliquer les choses ?
M. Michel Lauzzana (EPR). Parce qu’on peut tirer des enseignements de l’évolution épidémiologique ! Par exemple, les conséquences de l’épuisement professionnel étaient moins bien prises en compte par le passé. Beaucoup de patients concernés, qui refusent de sortir de chez eux, ne vont pas voir le médecin. D’où l’intérêt d’imposer des consultations régulières, pour en parler plutôt que de rester enfermés.
Monsieur Davi, vous voyez décidément tout en noir : s’il y a autant de cancers en France – et nous ne sommes pas les champions, tout juste sommes-nous dans le top 10 –, c’est parce que nous les dépistons beaucoup mieux qu’ailleurs en Europe. Les pays moins avancés que nous en détectent beaucoup moins, et en soignent donc beaucoup moins aussi.
La commission rejette l’amendement.
Puis, suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS862 de M. Paul-André Colombani.
Amendements identiques AS855 de M. Paul-André Colombani et AS1012 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Pour mieux protéger les travailleurs, mon amendement supprime la limitation dans le temps du droit d’indemnisation dans le cadre de l’AT‑MP. Cet article prévoit que les patients basculent automatiquement vers un régime d’incapacité ou d’invalidité au-delà d’une certaine durée, mettant fin au versement des indemnités journalières et entraînant donc une diminution des revenus. Vous cherchez à faire des économies sur le dos des victimes du travail, qui paient déjà au prix fort un accident dû à leur activité professionnelle : dégradation de leur état de santé, perte d’emploi, perte d’autonomie. C’est indigne.
M. le rapporteur général. À la fin du régime d’incapacité temporaire – ce serait au bout de quatre ans –, les patients ne sont pas abandonnés : soit ils entrent dans le régime d’incapacité permanente, ouvrant leurs droits à compensation par des indemnités ou même une rente, soit ils basculent dans le régime d’invalidité qui ouvre lui aussi droit à une prise en charge.
Avis défavorable.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Monsieur Lauzzana, permettez-moi de lire un extrait d’un article paru dans la rubrique « Décryptages » du Monde : « Au niveau européen, la France fait plutôt figure de mauvaise élève du dépistage. Selon les données publiées par l’Organisation européenne du cancer en 2024, la France se situe en dessous de la moyenne européenne pour les trois principaux programmes mis en place. Le taux de participation au dépistage du cancer du sein n’est que de 46 % en France [...] ». S’il y a tant de cancers, notamment de cancers du sein, ce n’est pas parce que nous les dépistons mieux, seulement parce qu’il y en a véritablement davantage.
M. Hendrik Davi (EcoS). Monsieur le rapporteur général, pour ne pas perdre d’indemnités, il faut un taux d’incapacité permanente d’au moins 80 %. Même celui qui perd sa main sur un chantier ne l’atteint pas ! En le faisant entrer dans le régime d’incapacité permanente, vous obérez une partie de ses revenus.
M. le rapporteur général. Nous ne touchons pas aux taux.
M. Hendrik Davi (EcoS). Mais vous accélérez le passage vers le régime d’incapacité permanente.
M. Philippe Vigier (Dem). Si le texte avait prévu un écrasement des taux d’indemnisation, cela aurait effectivement été un problème. Ce n’est pas le cas.
La commission rejette les amendements.
Amendements identiques AS13 de Mme Sandrine Runel et AS730 de M. Paul-André Colombani
Mme Sandrine Runel (SOC). Cet amendement maintient le caractère obligatoire de la visite médicale au retour du congé maternité. Aucun corps médical, aucune autorité scientifique ne recommande de la supprimer, à commencer par la Haute Autorité de santé. Cette mesure sans fondement scientifique ferait peser un risque grave sur la santé physique et mentale des mères – en particulier dans le cas d’un premier enfant. C’est injuste et scandaleux.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Je souscris à ces arguments. En réalité, cet article cherche à pallier la pénurie de médecins, en particulier de médecins du travail. Encore une fois, ce sont les plus fragiles qui en pâtissent.
M. le rapporteur général. Cette disposition est un cavalier et elle sera sans doute supprimée au cours de la navette. Sur le fond, la visite de reprise, bien qu’obligatoire, n’est pas toujours effectuée, sans que cela empêche une femme de reprendre son activité. De là vient la proposition de la rendre facultative et non pas, comme vous l’avez dit, de la supprimer. Les femmes qui le souhaitent pourront toujours en bénéficier.
Sagesse.
M. Yannick Monnet (GDR). Tout à l’heure, vous vouliez forcer les gens à aller voir le médecin. Cette fois, vous rendez la visite médicale facultative. C’est vraiment comme ça vous arrange !
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). C’est dans les semaines qui suivent l’accouchement que les femmes sont le plus vulnérables. J’en veux pour preuve les dépressions post‑partum et la hausse du taux d’accidents du travail chez les jeunes femmes. La visite médicale de reprise après un congé de maternité permet de vérifier que leur poste de travail est compatible avec leur état de santé physique et psychique et, en cas de besoin, de l’adapter ou d’émettre un avis d’inaptitude. La supprimer au motif qu’elle ne serait pas suivie d’effet n’est pas recevable : ce n’est pas parce que certains font une heure supplémentaire non payée qu’il faut supprimer le salaire minimum ou les 35 heures !
M. le rapporteur général. Monsieur Monnet, je répète que je ne suis pas responsable du texte ! De toute façon, cette disposition n’a rien à y faire. Elle sera supprimée. Passons à des sujets plus importants !
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis sensible à ce sujet, mais je ne vois pas pourquoi cette visite médicale de reprise devrait être obligatoire. Le post-partum est un moment important de la vie, avec parfois des conséquences psychologiques, et il faut que toute femme qui en ressent le besoin soit prise en charge par un gynécologue ou un psychologue dans les meilleures conditions. Rendre la visite de reprise obligatoire n’apporte aucune garantie.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements AS356 de Mme Ségolène Amiot, AS1132 de Mme Prisca Thevenot et AS70 de Mme Marie-Charlotte Garin tombent.
La commission adopte l’article 28 modifié.
Amendements AS1205 de M. Fabien Di Filippo, AS1755 de M. Thibault Bazin, AS1182 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé et AS266 de Mme Nicole Dubré-Chirat (discussion commune)
M. Fabien Di Filippo (DR). En moins de dix ans, le montant des indemnités journalières a augmenté de 30 % pour atteindre 17 milliards d’euros par an. Soyons lucides : la situation est hors de contrôle et cette dynamique, aggravée par les consultations à distance, n’est ni soutenable ni acceptable. N’importe qui dans cette salle peut se faire prescrire un arrêt en moins de vingt minutes de manière prétendument légale grâce à une consultation en ligne.
Il faut en finir avec ce phénomène qui met en péril notre système de santé et notre système social. Mon amendement interdit la prescription et le renouvellement d’un arrêt de travail lors d’une consultation en télémédecine. Pour juger de la pertinence de l’arrêt, le médecin doit voir le patient.
M. François Gernigon (HOR). L’amendement AS1182 est défendu.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les indemnités journalières s’élèvent à plus de 15 milliards d’euros par an. La prescription d’arrêts de travail par téléconsultation est encadrée mais, d’après un rapport de la Cour des comptes paru en avril 2025, les pratiques frauduleuses persistent. Il faut donc renforcer le cadre. Mon amendement interdit la délivrance ou le renouvellement d’arrêts en téléconsultation, sauf lorsque celle-ci est assurée par le médecin traitant du patient ou que celui-ci justifie de son impossibilité de consulter.
M. le rapporteur général. Ces amendements offrent divers degrés de renforcement du cadre existant. L’amendement AS1205 de M. Di Filippo interdit toute prescription d’un arrêt de travail par téléconsultation. L’amendement AS1182 de Mme Colin‑Oesterlé maintient cette possibilité pour les arrêts de moins de trois jours, mais en les réservant au médecin traitant ou à la sage-femme référente sans possibilité de dérogation pour le patient qui ne trouverait pas de rendez-vous. Mon amendement AS1755 supprime l’opportunité de prescrire un arrêt de plus de trois jours ou de renouveler un arrêt par téléconsultation, mais il maintient la dérogation pour les patients sans médecin traitant ou justifiant qu’ils n’ont pas pu obtenir un rendez-vous classique. Quant à l’amendement AS266 de Mme Nicole Dubré-Chirat, il limite cette modalité aux exceptions déjà prévues – mais sa rédaction s’insère mal dans le code, il faudra la retravailler d’ici à l’examen en séance publique.
J’ai évidemment une préférence pour ma proposition. Mais je n’ai pas l’orgueil de l’écrivain : à notre commission de décider où elle veut placer le curseur.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). À la différence de ce qui se passe dans d’autres pays, la télémédecine est encadrée en France : un médecin ne peut pas accomplir plus de 20 % de son activité selon cette modalité, contre 50 % en Allemagne ; certains pays n’imposent même aucune limite. En outre, l’arrêt ainsi prescrit ne peut excéder trois jours. N’oublions pas que la télémédecine permet aux patients des déserts médicaux d’avoir accès à un médecin. Elle rend service à des millions de Français : depuis le covid‑19, ils sont de plus en plus nombreux à recourir à la téléconsultation. Nous devons trouver une solution équilibrée.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous avons ce débat chaque année. La télémédecine permet aux patients qui n’ont pas de médecin traitant, ou qui ne peuvent pas obtenir un rendez-vous dans les quarante-huit heures imparties pour envoyer l’arrêt de travail à l’employeur, d’éviter de se trouver le bec dans l’eau. À l’instar de ce qui existe pour France Travail, vous voudriez que le patient justifie qu’il n’a pas pu obtenir de rendez-vous : c’est ridicule et déconnecté de la réalité. Aucun médecin n’enverra une attestation pour confirmer qu’il n’a pas de rendez-vous disponible pendant trois semaines !
La commission rejette l’amendement AS1205.
Puis elle adopte l’amendement AS1755.
En conséquence, les amendements AS1182 et AS266 tombent.
La réunion est suspendue de dix heures cinq à dix heures quinze.
Amendement AS1756 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. L’article 26 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 dispose : « En cas de fraude avérée d’un assuré en vue du versement d’indemnités journalières [...], les organismes [d’assurance maladie obligatoires] transmettent à l’employeur les renseignements et les documents strictement utiles et nécessaires à la seule fin de caractériser ladite fraude. » Par cet amendement, je propose qu’elles informent aussi les complémentaires santé, puisque la fraude peut également les concerner.
Pour sécuriser le dispositif d’un point de vue juridique, la commission mixte paritaire avait précisé que les informations ne pouvaient être transmises qu’une fois la fraude avérée, donc après épuisement des voies de recours et non dès le contrôle primaire. J’ajoute que cette disposition vise exclusivement les déclarations frauduleuses relatives au bénéfice des indemnités perçues en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, et que le champ des informations transmises est limité à celles nécessaires pour constater la fraude, à l’exclusion de toutes celles qui porteraient atteinte à la vie privée. C’est un point important.
Mme Joëlle Mélin (RN). C’est une mesure de bon sens, qui mérite d’être gravée dans la loi. Nous l’avions déjà adoptée l’an dernier mais elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS219 de M. Stéphane Viry et AS1401 de M. Nicolas Turquois
Mme Justine Gruet (DR). Face à la hausse continue des dépenses d’indemnités journalières, l’amendement AS219 permet aux médecins de prescrire la poursuite ou la reprise d’une activité en télétravail lorsque l’état de santé du patient le permet et que son poste est compatible avec cette modalité, afin d’encourager une reprise progressive et adaptée. L’objectif est triple : prévenir la désinsertion professionnelle, réduire les arrêts évitables et maintenir le lien entre le salarié et son entreprise. Les modalités d’application, notamment les conditions médicales et l’accord de l’employeur, seront précisées par décret.
M. Nicolas Turquois (Dem). Effectivement, pourquoi un employé de bureau qui s’est cassé la jambe ne pourrait-il pas télétravailler ? Certains hésitent parfois à s’arrêter : ils seraient plus sereins s’ils pouvaient simplement continuer à distance. C’est une mesure de bon sens, équilibrée, qui peut faciliter la vie de l’entreprise sans nier les droits de l’employé.
M. le rapporteur général. Je comprends l’intention. Mais cette mesure est discriminante, car tous les métiers ne permettent pas le télétravail. En outre, les salariés toucheraient-ils alors des indemnités journalières ? Au vu de vos interventions, je crois comprendre que non, mais ce point gagnerait à être précisé dans le dispositif d’ici à l’examen en séance publique.
Sagesse.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Tant que vous y êtes, autorisez le télétravail depuis un lit d’hôpital ! Comment penser qu’une personne ayant besoin d’un arrêt maladie puisse travailler de chez elle ? C’est incroyable ! Demain, ce sera avec une jambe cassée, après-demain avec une grippe. Les arrêts de travail sont un droit. Ils doivent être respectés.
M. Philippe Vigier (Dem). Voyons les choses positivement. C’est une possibilité sur laquelle les syndicats ont attiré notre attention. Si le salarié souhaite reprendre son travail mais qu’il ne peut pas se rendre sur place, pourquoi ne pas l’autoriser à télétravailler ? Cela n’entrave pas sa récupération puisqu’il est accompagné par un médecin dans sa démarche. En revanche, il faudra revenir sur la rédaction des amendements.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je partage l’analyse du rapporteur général. Pour éviter tout abus et rendre le dispositif effectif, sans doute faut-il le construire avec les partenaires sociaux.
M. le rapporteur général. Je vais essayer d’ici à la séance publique même si les délais sont serrés.
Mme Justine Gruet (DR). Arrêtons les caricatures. Ce dispositif concerne la reprise du travail et non l’arrêt de travail : notre but est d’offrir au salarié qui le souhaite la possibilité de reprendre son activité en télétravail dans des conditions adaptées.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS1754 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. La rédaction de l’article L. 321‑1 du code de la Sécurité sociale est ambiguë. Pour clarifier les choses, je m’appuie sur deux arrêts de la Cour de cassation – l’un de juin 2018, l’autre de mai 2025 – selon lesquels « le bénéfice des indemnités journalières est subordonné à la seule constatation de l’incapacité physique de l’assuré de reprendre le travail et que cette incapacité s’analyse non pas dans l’inaptitude de l’assuré à remplir son ancien emploi, mais dans celle d’exercer une activité salariée quelconque ». Reprenant cette jurisprudence vertueuse pour les comptes publics comme pour les employeurs, nous proposons de remplacer le mot « travail » par les mots : « une activité salariée ou non salariée quelconque ».
Par ailleurs, il est actuellement prévu que le médecin du travail, lui-même sollicité par le médecin-conseil de l’assurance maladie, vérifie qu’un assuré en arrêt peut reprendre le travail ou envisager une formation, mais seulement pour les interruptions de plus de trois mois. Je propose de supprimer cette borne temporelle.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1183 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
M. François Gernigon (HOR). Pour les arrêts maladie de courte durée – inférieurs ou égaux à sept jours –, nous introduisons la possibilité pour le salarié, en accord avec son employeur, de rattraper les heures perdues plutôt que de recourir au versement d’indemnités journalières. Cette adaptation répond à un problème d’organisation identifié. Les arrêts longs sont aisés à anticiper, notamment en recourant à des contrats à durée déterminée de remplacement ou à l’intérim. En revanche, les arrêts courts, souvent imprévus et répétés, perturbent le travail des équipes sans laisser le temps à l’employeur de trouver une solution.
En permettant au salarié concerné de récupérer ultérieurement les heures non effectuées, sous réserve d’un accord avec son employeur, la mesure garantit le maintien intégral de son salaire, une souplesse d’organisation pour l’entreprise et une économie pour l’assurance maladie, les indemnités journalières n’étant pas versées lorsque l’accord est activé.
M. le rapporteur général. La combinaison que vous suggérez est bonne : le salarié obtient son arrêt de travail mais il renonce aux indemnités journalières versées par l’assurance maladie en rattrapant les heures non travaillées qui lui sont payées normalement par l’employeur. C’est même une forme de mesure de pouvoir d’achat puisqu’il n’y a aucune perte de revenus. Le calibrage, avec une limite de sept jours, me semble raisonnable. Tout cela va dans le sens de la responsabilité, qu’il s’agisse du budget ou du plein respect de la liberté des contrats.
Avis favorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cela va à l’encontre de la jurisprudence la plus récente en vertu de laquelle les salariés ont la possibilité de reporter leurs congés payés s’ils tombent malades pendant leurs vacances. Un arrêt de travail, ce n’est pas un congé : c’est le temps de se rétablir. Votre mécanisme nie cette finalité en faisant porter au salarié la responsabilité du travail non fait. Ces heures récupérables seraient des heures supplémentaires non payées. Il me semble gravissime de s’approprier le temps de vie des salariés.
M. Philippe Vigier (Dem). Ma lecture est différente de la vôtre. Soulignons d’abord qu’il s’agit d’une simple possibilité laissée aux salariés. En outre, grâce à cette disposition, la rémunération serait maintenue puisque les heures seraient payées normalement alors que les arrêts de travail se traduisent par des pertes de revenus du fait des délais de carence – un jour dans la fonction publique, trois dans le privé, même si 82 % de salariés reçoivent une compensation de leur entreprise. C’est donc plutôt une avancée, fruit du dialogue social.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1216 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). L’augmentation des arrêts maladie que l’on observe depuis quelques années se traduit par une hausse exponentielle des coûts pour notre système de santé. Les arrêts courts engendrent moins de dépenses que les arrêts longs, mais ce sont eux qui augmentent le plus. La croissance ne saurait être corrélée à l’état de santé de la population. Nous proposons, pour endiguer ce phénomène, un « jour de carence dynamique » : il s’agit de relever le délai de carence d’un jour pour chaque nouvel arrêt de travail sur douze mois glissants. Seraient exclus bien sûr les arrêts de travail liés à une affection de longue durée ou à une maladie lourde ou chronique.
M. le rapporteur général. Avis favorable.
Cela me paraît une excellente idée, d’autant que vous avez intelligemment calibré le mécanisme en prévoyant une durée de douze mois et des exceptions. Le groupe Droite Républicaine avait déjà réfléchi l’année dernière à cette solution mais votre rédaction est beaucoup plus simple. Beaucoup de Français trouveront sans doute responsable cette disposition qui contribue à la maîtrise de nos dépenses. Elle appellera des compléments sur le plan du droit du travail et de la fonction publique.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Votre amendement nie certaines réalités vécues par les femmes. Vous pénalisez toutes celles qui, de manière cyclique, souffrent à cause de leurs règles, du fait notamment de l’endométriose, du syndrome des ovaires polykystiques ou du syndrome prémenstruel. Vous leur imposez une nouvelle taxe après avoir refusé le congé menstruel !
M. Fabien Di Filippo (DR). Ces arguments apportent plutôt de l’eau à mon moulin. Le dispositif que je propose ne s’appliquerait pas aux personnes qui souffrent d’une maladie lourde ou chronique. Et c’est vous qui êtes sexiste en réduisant le problème des arrêts maladie aux problèmes menstruels des femmes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS525 de Mme Élise Leboucher
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement sollicite un rapport sur l’impact sur nos comptes publics de la limitation à trois jours des arrêts de travail prescrits par téléconsultation instaurée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024.
M. le rapporteur général. Vous allez être satisfait : les assises de la télémédecine, lancées en juin dernier, doivent rendre leurs conclusions en janvier 2026.
Demande de retrait.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Ce rapport pourrait compléter les travaux des assises. Nous savons que la vérité existe et qu’elle est toujours révolutionnaire !
M. Philippe Vigier (Dem). Je trouve plutôt pertinente cette demande de rapport. Simplement, d’ici à la séance publique, il serait bon d’ajouter parmi les questions à explorer les raisons de l’explosion du nombre de téléconsultations pendant le covid‑19.
La commission rejette l’amendement.
Amendements de suppression AS17 de Mme Sandrine Runel, AS357 de M. Hadrien Clouet, AS731 de M. Paul-André Colombani et AS1672 Mme Sandrine Rousseau
M. Arnaud Simion (SOC). Après avoir réduit la durée des arrêts maladie, le Gouvernement veut faire basculer le régime d’indemnisation des arrêts de travail des personnes atteintes d’une affection de longue durée non exonérante, comme l’épilepsie ou l’arthrose, dans le droit commun. Il cherche ainsi à faire des économies en pénalisant les patients plutôt que de s’attaquer aux causes de ces affections, privilégiant une logique comptable au détriment de la santé publique. C’est une injustice sociale et sanitaire qui stigmatise des malades aux parcours souvent épuisants. Par l’amendement AS17, nous demandons la suppression de ce recul majeur.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le fil rouge de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c’est de faire passer à la caisse les malades chroniques : suppression du régime des affections de longue durée non exonérantes au bout d’un an, déremboursements, franchises médicales, participations forfaitaires. Vous tapez toujours sur les mêmes. Les personnes atteintes d’une affection de longue durée non exonérante ne peuvent pas travailler et vous voulez leur retirer le peu de droits qu’elles ont pu arracher : c’est une double peine pour elles. Ce n’est pas parce que vous réduisez l’indemnisation des gens qu’ils iront mieux. Arrêtons les frais et supprimons cet article !
M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous voulons aussi supprimer cet article. Les affections exonérantes comme le diabète ou le cancer, recensées dans une liste, ouvrent droit à une prise en charge intégrale. Parmi les affections non exonérantes figurent des situations graves – par exemple les suites d’un accident de la route qui immobilise pendant plusieurs mois ou plusieurs années. Retirer aux personnes qui en sont atteintes le bénéfice du compteur de 1 095 jours d’indemnités journalières sur trois ans ou l’application de règles spécifiques pour les délais de carence serait une mauvaise chose.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je vais donner à une partie des membres de cette commission une raison de supprimer cet article en parlant dans leur langue : la productivité dans la sphère du travail dépend de la bonne santé des travailleurs. En vue d’une pleine reconstitution de la force de travail, il faut s’abstenir de porter atteinte aux arrêts maladie. Cet article est une attaque de plus contre les plus fragiles, les plus vulnérables, les malades, bref, contre toutes les personnes que nous devrions chercher à protéger.
M. le rapporteur général. Un problème se pose : l’assurance maladie a utilisé les termes d’affection de longue durée non exonérante pour désigner des pathologies qui ne sont pas des affections de longue durée. Il s’agit d’affections longues, nécessitant plus de six mois de soins, et lourdes au point d’ouvrir droit à l’attribution d’indemnités journalières sans limitation de durée, comme pour les affections de longue durée proprement dites, mais pas à l’exonération du ticket modérateur.
Je ne défends pas aveuglément le Gouvernement mais la mesure proposée me semble équilibrée : limiter les indemnités journalières à 360 jours par période de trois ans. Cette borne, celle du droit commun, est très élevée mais nous pouvons toujours discuter de ce plafond.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Soyons clairs : il est proposé de limiter les droits de personnes atteintes de dépression sévère, de glaucome, d’arthrose... Vous votez ce que vous voulez, mais c’est dit.
M. Jean-François Rousset (EPR). Je voterai contre ces amendements de suppression car j’estime nécessaire de débattre du régime des affections de longue durée et de réfléchir à leur financement, qui doit se concentrer sur les personnes qui en ont le plus besoin. Il y a toutefois des précisions à apporter et je proposerai un amendement pour en discuter.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis choquée. Notre rôle, en tant que parlementaires, est d’améliorer la santé de tous. Nous assistons à une explosion des dépressions et des troubles musculosquelettiques. Nous devrions nous demander quels dysfonctionnements dans notre société, dans les conditions de travail en particulier, provoquent une telle souffrance. Face à ce problème, que faites-vous ? Vous cherchez des sous ! C’est inacceptable sur le plan humain mais aussi absurde sur le plan économique car en vous attaquant aux droits de ces personnes, vous les empêchez d’être assez en forme pour reprendre leur travail.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Pour un diabète, la prise en charge en affection de longue durée est quasiment automatique. Pour une affection non exonérante, l’attribution est précédée d’une discussion entre le médecin traitant et le médecin de la caisse. Il ne faut pas toucher à cette durée de trois ans : si vous avez les deux jambes cassées dans un accident, il vous sera difficile de revenir travailler au bout d’un an.
M. le rapporteur général. M. Colombani a raison d’insister sur le rôle du médecin. On ne peut qu’être sensibles aux cas que vous mentionnez : nous sommes là aussi pour veiller à toutes les personnes malades. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous nous préoccupons de la bonne santé de la Sécurité sociale : c’est un préalable pour qu’elle soit en mesure de prendre soin de ceux qui en ont besoin.
J’ai entendu certains propos qui vont loin. Je ne nie pas que des réductions de droits sont envisagées mais le caractère limité des modifications apportées au régime des affections de longue durée non exonérantes invite à être plus nuancé.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS1077 de M. Jean-François Rousset
M. Jean-François Rousset (EPR). Cet amendement ne remet pas en cause les modifications auxquelles procède l’article 29. Il les entoure de précautions dans un esprit de responsabilité. Des milliers de patients vivent avec des pathologies chroniques parfois invalidantes qui nécessitent un suivi régulier et une coordination spécifique. Ils ne bénéficient pas de remboursements à 100 % mais ils profitent d’un cadre qui reconnaît la singularité de leur situation, notamment pour les arrêts de longue durée. Supprimer ce dispositif sans évaluation préalable, c’est prendre le risque de fragiliser ces parcours de soins et de créer des ruptures dans la prise en charge.
Je vous propose de conditionner l’extinction du régime dérogatoire des affections de longue durée non exonérantes à la publication d’un rapport de la Haute Autorité de santé. Celui-ci dressera l’état des connaissances scientifiques, médicales et épidémiologiques relatives aux maladies concernées, et formulera, le cas échéant, des recommandations pour une transition sécurisée et équitable vers le droit commun.
M. le rapporteur général. Il me semble que nous disposons déjà de nombreuses publications scientifiques et administratives au sujet des affections de longue durée. En réalité, subordonner l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles à la publication d’un rapport me paraît revenir à supprimer l’article 29.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle rejette l’article 29.
Amendement AS1769 rectifié de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Mon amendement met la rédaction de l’article 30 en cohérence avec l’étude d’impact. Il doit viser les systèmes d’aide à la décision médicale, et non des logiciels d’aide à la prescription. En conséquence, il importe de supprimer la référence à la certification par la Haute Autorité de santé qui ne s’applique qu’auxdits logiciels.
La commission adopte l’amendement. En conséquence, les amendements identiques AS18 de Mme Sandrine Runel et AS1024 de Mme Karine Lebon tombent.
Amendement AS359 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Par cet amendement, nous voulons préciser que ces logiciels contribuent à l’amélioration de la « qualité » des soins plutôt que de leur « pertinence ». Nous savons que dans l’esprit du Gouvernement, rechercher la pertinence revient à faire des économies. Je vous renvoie à la déclaration horrible que la ministre chargée de la santé a prononcée ce matin.
M. le rapporteur général. Tout le monde vise, bien sûr, la qualité des soins. Mais je ne vois pas comment parvenir à mesurer, à l’échelle de chaque praticien, l’amélioration qui découlerait du recours à un système d’aide à la décision médicale. La pertinence renvoie à des économies chiffrées quantifiables. La qualité n’est pas facilement mesurable, nous le voyons bien avec l’incitation financière à l’amélioration de la qualité.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Annie Vidal (EPR). Cessons d’associer la pertinence aux économies. La pertinence, c’est le bon soin au bon patient, au juste prix et au bon endroit.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Madame Vidal, votre définition, qui associe la pertinence à la qualité des soins, contredit l’intervention du rapporteur. Notre amendement dénonce vos politiques. Pour l’hôpital et la santé en général, vous passez votre temps à vous demander comment faire des économies et à les imposer pour compenser les exonérations de cotisations sociales distribuées sans frein aux entreprises, sans aucun résultat. Et quand nous voulons remettre un peu de justice et de raison dans ces exonérations, vous vous y opposez. Nous refusons que des logiciels viennent accroître encore la pression. C’est de qualité que notre système de santé a besoin, pas de logiques comptables.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS358 de Mme Élise Leboucher
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par cet amendement, il s’agit d’instaurer des garde-fous en nous assurant que ces logiciels constituent un appui, mais ne contraignent pas les prescriptions des médecins et ne freinent pas non plus l’accès aux soins.
M. le rapporteur général. Le praticien garde une liberté de prescription. Le logiciel, comme son nom l’indique, a pour objet de l’aider. Il n’est pas contraignant. Je suis le premier à m’opposer à des diminutions de crédits injustifiées, à des coups de rabot qui se retournent contre les bénéficiaires de notre système de santé. À côté de cela, il y a des économies intelligentes à faire ; les exemples abondent dans nos territoires. On pourrait se passer de certains actes, inutiles ou redondants, comme de certains médicaments. Cela rejoint, dans une perspective écologique qui est souvent la vôtre, la volonté de mieux consommer. Cela n’est pas uniquement motivé par des raisons économiques mais aussi par des préoccupations liées à la santé du patient. Le système d’aide peut faire prendre conscience qu’un acte n’est pas pertinent et, ainsi, l’éviter. Je ne sais pas si cela fonctionnera parfaitement mais il ne faut pas s’opposer à tout par principe. Dans le cadre des efforts menés pour améliorer le système de santé, le développement de la prévention doit aller de pair avec l’amélioration de la pertinence des soins.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Un outil n’est pas bon ou mauvais en soi : il est ce que l’on en fait. Nous proposons une définition bordée, qui n’empêche pas l’aide à la décision. Il nous semble préférable que ce soit un humain qui décide de la pertinence d’un acte, plutôt qu’une machine. Il faut s’assurer que l’outil est toujours utilisé à bon escient et qu’il ne devient pas un frein parce qu’il aurait été calibré de telle ou telle manière. Définir les choses d’emblée permettrait de se prémunir contre ce genre de problèmes.
M. Jean-François Rousset (EPR). Les médecins sont demandeurs d’aide au diagnostic et au traitement. En effet, la médecine est devenue de plus en plus technique et sophistiquée. Je citerai deux exemples. En matière de diagnostic, l’examen radiologique le plus fréquent est la radiographie du crâne standard trois profils, qui est complexe et n’a aucune utilité. À la longue, ce type d’irradiations pourrait entraîner une maladie dégénérative. En matière de traitement, on utilise mal, parfois trop souvent, les antibiotiques, ce qui crée des résistances. L’aide au traitement, qui recourt à des applications remarquables, permet de prescrire le traitement le plus adapté en tenant compte par exemple des épidémies du moment. Les généralistes ne voient parfois que trois fois dans leur vie certaines maladies, comme la leptospirose. Il convient de favoriser les aides au diagnostic, qui doivent être sécurisées et bien utilisées.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS360 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Il s’agit, par cet amendement, de s’assurer que les données fournies par le logiciel d’aide au diagnostic ne seront à aucun moment opposées au prescripteur ou au patient – en justice ou par la Sécurité sociale, par exemple. La décision doit rester humaine.
M. le rapporteur général. Je comprends votre crainte, mais elle n’est pas fondée. Le texte ne crée pas de malus. Au contraire, il prévoit la possibilité de recevoir un bonus. Les systèmes d’aide ne pourront pas envoyer à l’assurance maladie les données relatives à un médecin ; il faudrait, pour cela, qu’on les autorise explicitement à le faire, ce que ne prévoit pas l’article.
Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Pour le moment, ce n’est pas le cas. Je propose que l’on s’assure dès maintenant que cela n’arrivera pas.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je suis opposé à l’amendement. Les médecins sont preneurs de l’évaluation car elle permet d’améliorer les choses. J’avais déposé un amendement, déclaré irrecevable, destiné à soutenir la recherche publique vers la désescalade thérapeutique. Cette dernière, qui permet une économie de moyens, est de plus en plus utilisée dans le traitement des cancers. On s’appuie sur l’évaluation pour réduire la quantité de médicaments, adapter le traitement, etc.
M. Jérôme Guedj (SOC). Les propos de M. Lauzzana me paraissent fondés. Je ne comprends pas pourquoi le projet de loi de financement de la Sécurité sociale n’a pas repris une des propositions du rapport « Charges et produits » qui est de faire financer par les laboratoires pharmaceutiques les essais en lien avec la désescalade thérapeutique. On sait que, pour certaines pathologies, il y a de la surprescription. Voilà une mesure d’économie – qui se chiffrerait en dizaines, voire en centaines de millions d’euros – qui n’affecterait ni les assurés sociaux ni les patients. Peut-être pourra-t-on amender en ce sens en séance publique, ou tout au moins convaincre le Gouvernement de s’orienter dans cette direction.
M. le rapporteur général. Monsieur Lauzzana, votre idée est intéressante. Je suis favorable à la désescalade thérapeutique. Nous allons regarder pourquoi votre amendement a été déclaré irrecevable. S’il crée une charge, je vous invite à prendre l’attache du Gouvernement, qui pourrait reprendre votre disposition. C’est une mesure qui n’aurait pas d’impact direct sur les dépenses d’assurance maladie : on pourrait donc considérer qu’elle ne se rattache pas à un projet de loi de financement de la Sécurité sociale, même si elle mériterait d’être examinée.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS732 de M. Paul-André Colombani
M. Paul-André Colombani (LIOT). Cet amendement complète les critères d’intéressement prévus pour les logiciels d’aide à la décision médicale, afin que le financement ne dépende pas uniquement des économies pour l’assurance maladie. L’article 30 prévoit un intéressement des exploitants fondé uniquement sur les gains financiers, ce qui pourrait encourager des décisions axées sur la réduction des dépenses au détriment de la qualité ou de la pertinence médicale des prescriptions.
M. le rapporteur général. Je ne pense pas que l’on pourra faire de la dentelle et aller voir dans quelle mesure ces logiciels améliorent aussi la qualité et l’intérêt thérapeutique des soins. Il faut prendre en compte le caractère mesurable des choses de manière simple et opérationnelle. Toutefois, je vous rejoins sur les objectifs d’amélioration de la pertinence médicale, de qualité des prescriptions et d’intérêt thérapeutique des soins dispensés.
Sagesse.
M. Michel Lauzzana (EPR). Comment cela s’articule-t-il avec la rémunération sur objectifs de santé publique, qui prévoit des mesures destinées à inciter les médecins à utiliser l’outil numérique ?
M. le rapporteur général. En l’occurrence, nous discutons de la rémunération des exploitants de logiciels d’aide à la prescription, non de celle des médecins.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 30 modifié.
Amendement AS363 de Mme Élise Leboucher
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Par cet amendement, nous proposons de supprimer la possibilité offerte à l’assurance maladie de prononcer des pénalités financières à l’encontre des professionnels de santé en fonction du taux de report dans le dossier médical partagé des patients. Vous cherchez à faire primer la logique du chiffre sur celle du soin en transformant un acte censé être au service du patient en une obligation administrative, qui risque d’être contreproductive. Rappelons que la création d’un dossier médical partagé n’est pas obligatoire. L’article instaure une pénalité pouvant atteindre 2 500 euros, soit l’équivalent de l’astreinte qui peut être exigée des laboratoires pharmaceutiques qui ne se conforment pas à leurs obligations en matière de stock de sécurité des médicaments. On nous a souvent dit que ces astreintes étaient démesurées mais, lorsqu’il s’agit des professionnels de santé, cela ne pose pas de problème, ce qui montre bien qu’il y a deux poids et deux mesures.
M. le rapporteur général. Cet article a une portée limitée. Les pénalités ne pourront pas dépasser un certain plafond. Il y a des garanties. Aucune pénalité ne sera appliquée de manière prématurée et injustifiée. Avant d’être sanctionné, le professionnel sera averti et mis en mesure de présenter ses observations. Le message me semble devoir être passé. Si l’établissement n’a pas mis en place l’infrastructure nécessaire en matière de systèmes d’information, sa responsabilité se substituera à celle du professionnel salarié. Concernant la médecine de ville, la pénalité ne sera applicable que si le professionnel dispose de logiciels à jour et fonctionnels, ce qui n’est toujours pas le cas pour certaines spécialités. Il faut s’efforcer d’avoir un espace santé partagé qui fonctionne.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Je soutiens l’amendement car, pour l’heure, le dossier médical partagé fonctionne mal. Les professionnels y accèdent difficilement. Peut-être pourra-t-on en rediscuter d’ici un an mais il n’est pas possible, en l’état actuel des choses, de sanctionner les professionnels de santé, qui essaient tant bien que mal d’utiliser le système.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1519 de Mme Justine Gruet
Mme Justine Gruet (DR). L’alimentation du dossier médical partagé par les professionnels de santé libéraux est un enjeu majeur de coordination, de pertinence et de qualité des soins. Cependant, l’obligation d’alimentation n’est parfois pas effective, faute d’outils adaptés. Or, malgré les promesses du Ségur du numérique en santé, plusieurs professions de santé libérales, dont les kinésithérapeutes, ne bénéficient toujours pas des logiciels adéquats. Avant de prévoir des sanctions, il est indispensable que les pouvoirs publics s’assurent de la possibilité d’appliquer concrètement cette obligation. Cet amendement vise à fixer par le biais des négociations conventionnelles, plutôt que par la loi, les dispositifs d’incitation et de sanction concernant le report d’informations. Je plaide pour une automatisation du processus afin d’épargner aux professionnels une lourdeur administrative excessive.
M. le rapporteur général. La mesure que vous proposez se heurte à une difficulté : elle laisserait de côté tous les professionnels exerçant en établissement. Il est essentiel d’avancer sur l’utilisation du dossier médical partagé et sur l’amélioration de la pertinence, en particulier dans les établissements. On voit bien, en effet, que des actes redondants y ont lieu faute de consultation du dossier partagé. Cela étant, je donnerai un avis favorable à l’amendement AS1784, qui reporte à 2028 l’application des pénalités.
Mme Justine Gruet (DR). Pourrait-on emprunter la voie conventionnelle pour la médecine de ville et prévoir, pour les établissements hospitaliers voire médico-sociaux la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ? Les enjeux et le mode de fonctionnement diffèrent en effet dans l’un et l’autre cas.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). On ne peut qu’être favorable à l’esprit du texte. La consultation systématique du dossier médical partagé ferait gagner du temps aux professionnels, permettrait une meilleure coordination des soins, éviterait des prescriptions inutiles, et procurerait donc des économies. En revanche, on peut nourrir un doute quant aux moyens. Peut-être serait-il souhaitable de créer, au préalable, une forte incitation à l’utilisation du dossier médical partagé, dont le fonctionnement devrait être amélioré. Le code de la santé publique prévoit déjà, en ses articles L. 1111‑14 et L. 1111‑15, l’obligation de consultation et d’alimentation. Il faut rappeler que cet outil devrait être utilisé, demain, par la totalité des professionnels de santé.
M. le rapporteur général. Je donnerai un avis favorable à l’amendement AS1101 de M. Rousset, qui ajoute l’alinéa suivant : « L’application de cet article est conditionnée à l’harmonisation du système numérique du dossier médical partagé permettant aux professionnels et structures concernés de l’alimenter et d’en faciliter la consultation ». En outre, comme je l’ai dit, je suis favorable à un report des pénalités au 1er janvier 2028. On ne pourrait sécuriser davantage les choses.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS364 de M. Damien Maudet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Promouvoir le dossier médical partagé est une bonne idée. L’imposer au moyen de sanctions financières l’est beaucoup moins. Cette mesure amplifie la politique austéritaire et de contrôle autoritaire. Alors que les services hospitaliers souffrent d’une insuffisance chronique de moyens humains et matériels, voilà que le Gouvernement entend les punir, dans le cas où ils n’auraient pas le temps de remplir le dossier médical partagé, par des amendes pouvant atteindre 100 000 euros par an ! Celles-ci retomberont naturellement sur les patients. Nous défendons les établissements publics hospitaliers et ceux qui les tiennent à bout de bras. Nous appelons le Gouvernement à trouver d’autres moyens de promouvoir le dossier médical partagé.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
Nous devons aussi faire en sorte que les établissements s’engagent. Cet article ne rend pas les sanctions automatiques : celles-ci sont modulables et plafonnées.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS1025 de Mme Karine Lebon et AS1248 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
M. Yannick Monnet (GDR). Par l’amendement AS1025, nous proposons de sanctionner les éditeurs de logiciels défaillants, ce qui arrive souvent.
M. François Gernigon (HOR). L’amendement AS1248 est défendu.
M. le rapporteur général. Ces sociétés subissent, d’une certaine manière, la sanction du marché si leurs produits sont insatisfaisants. Néanmoins, on pourrait envisager qu’elles soient sanctionnées en lieu et place des professionnels de santé.
Sagesse.
M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens ces amendements. Le marché des logiciels ne comporte que quatre ou cinq acteurs, qui ont la main sur tout et qui se refusent à assurer l’interopérabilité des systèmes et à transmettre les données, au motif d’une trop grande complexité. Les praticiens sont entre les mains de ces entreprises, qui font payer très cher le développement et la maintenance des applications.
M. le rapporteur général. Je tiens tout de même à rappeler que des systèmes ont été développés par les établissements eux-mêmes, parfois avec le soutien financier des collectivités locales.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS176 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Le dossier médical partagé est un outil efficace, qui permet à tous les professionnels de santé d’accéder aux mêmes informations relatives à un patient donné et favorise la pertinence des soins. Toutefois, le taux d’alimentation n’était que de 29 % en 2024, tous secteurs d’activité confondus – les laboratoires de biologie médicale, par exemple, se pliant fort peu à l’exercice. Nous proposons de systématiser l’utilisation du dossier médical partagé, ce qui permettrait des économies, en dehors des avantages déjà évoqués, sans que cela n’affecte en rien les assurés sociaux ni la qualité de la prise en charge.
M. le rapporteur général. Vous proposez de réduire d’autorité le tarif des actes qui n’ont pas fait l’objet d’un report dans le dossier médical partagé. Cette proposition me semble brutale et difficilement applicable, car la Caisse nationale de l’assurance maladie ne pourra jamais vérifier que le dossier médical partagé a été renseigné pour chaque acte. Je préfère m’en tenir au dispositif proposé, qui allie pédagogie et à terme sanction, en se fondant sur des niveaux d’alimentation généraux des dossiers médicaux partagés des patients.
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous nous opposons à cet amendement. La situation d’errance que nous connaissons au sujet du dossier partagé depuis vingt-cinq ans a coûté des sommes folles. Ce n’est pas aux médecins, aujourd’hui, de régler l’addition. Le dossier médical partagé est certes un outil très utile et théoriquement obligatoire. Mais il n’est toujours pas généralisé. Le problème des comptes de la Sécurité sociale vient en grande partie d’un système informatique insuffisant, largement obsolète, dont on se demande même si les dirigeants des caisses souhaitent qu’il s’améliore.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS362 de M. Hadrien Clouet
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Par cet amendement, nous demandons la suppression de la pénalité financière infligée aux professionnels de santé qui n’auraient pas consulté le dossier médical partagé avant de prescrire un acte. C’est une mesure injuste et absurde. On prétend vouloir faire des économies mais on pénalise les médecins au lieu de leur redonner du temps médical. On leur demande de passer du temps derrière un écran à cocher des cases pendant que les patients attendent. Au passage, on fait peser une nouvelle suspicion sur les patients, supposés abuser du système, comme sur les soignants, suspectés de surprescrire. La santé est un droit, pas une variable d’ajustement budgétaire.
M. le rapporteur général. Vous parlez d’injustice et d’absurdité. Il ne s’agit que d’un système d’aide. Avant de rédiger une prescription onéreuse, la moindre des choses est que le médecin consulte le dossier médical partagé pour certaines vérifications.
La suppression de ce dispositif reviendrait à rétablir celui voté en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, qui oblige les patients à produire un formulaire certifiant que le médecin a bien consulté le dossier médical partagé pour obtenir le remboursement. Je ne suis pas sûr que ce dispositif soit préférable, car il pèse au moins autant sur le patient que sur le prescripteur.
Le mécanisme prévu n’impose pas une consultation systématique du dossier médical partagé. Un médecin traitant qui connaît bien son patient n’aura pas besoin d’accéder à chaque fois à l’historique. Il faut être pragmatique. La rédaction actuelle me paraît adaptée.
M. Philippe Vigier (Dem). Si le médecin ne vous connaît pas, il saura, grâce au dossier médical partagé, quels praticiens vous avez consultés, quels soins vous ont été prodigués, quels médicaments vous ont été délivrés. C’est un outil d’accompagnement. Parfois, dans les établissements privés, on n’arrive pas à lire l’imagerie par résonance magnétique réalisée à l’hôpital, ce qui oblige à en faire une autre. Le système proposé permettrait un réel gain. Quant au temps administratif, il sera réduit car, grâce à l’informatique, il n’est plus nécessaire de tout retranscrire par écrit.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1784 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
M. François Gernigon (HOR). Afin de garantir l’applicabilité des obligations définies par l’article 31 et le respect de l’équité entre les professionnels, nous proposons de reporter à 2028 l’entrée en vigueur des pénalités en cas de non-alimentation ou de non-consultation du dossier médical partagé.
Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendements AS1078 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS1101 de M. Jean-François Rousset (discussion commune)
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Cet amendement conditionne l’obligation de renseignement du dossier médical partagé à l’opérationnalité effective du carnet de vaccination numérique dans Mon espace santé. Patients et médecins s’accordent sur l’utilité du dossier médical partagé, qu’il faut promouvoir. Toutefois, la difficulté provient de son caractère insuffisamment opérationnel. Le professionnel de santé doit avoir un accès simple au dispositif. La Caisse nationale de l’assurance maladie avait promis, avant le covid‑19, un carnet de vaccination numérique opérationnel, ce qui n’est toujours pas le cas. Je suis favorable à ce que l’on mette davantage à contribution les éditeurs de logiciels mais cela n’est pas envisageable tant que le dossier médical partagé n’est pas structuré. De même, avant que cet objectif ne soit atteint, on peut difficilement imposer des obligations aux médecins. Le système doit être conçu de telle manière qu’en un clic, le patient ou le médecin puisse consulter le dossier partagé.
M. Jean-François Rousset (EPR). La deuxième vague du Ségur numérique pour les professionnels et le programme cyber accélération et résilience des établissements de santé sont en cours de mise en œuvre. Ils permettront à certains logiciels métiers d’entrer des données dans le dossier médical partagé. Cet amendement conditionne l’application de la procédure de sanction à l’harmonisation des logiciels numériques. L’objectif est que tous les logiciels métiers des professionnels de santé, des établissements et des structures médico-sociales permettent le transfert automatique des données et en facilitent la consultation. Il convient de donner aux professionnels la capacité de respecter leurs obligations.
M. le rapporteur général. L’amendement AS1078 se focalise sur la vaccination. Or nous devons agir sur l’ensemble des usages du dossier médical partagé. C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter l’amendement de M. Rousset, sur lequel j’émets un avis favorable. Je vous alerte toutefois : il est en discussion commune avec l’amendement de M. Isaac-Sibille, à qui je demande de bien vouloir le retirer. S’il ne le souhaite pas, je vous invite alors à ne pas l’adopter car cela ferait tomber celui de M. Rousset.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je comprends l’intention de mon collègue Rousset mais je trouve son amendement trop ambitieux. Cela fait cinq ou six ans que je demande la mise en place d’un carnet de vaccination, et l’assurance maladie n’est toujours pas en mesure de le faire. Si vous lui demandez de tout faire, rien ne se fera jamais. Je préfère que l’on avance petit à petit, en commençant par le carnet de vaccination. Si nous y parvenons, nous aurons fait un grand pas et nous pourrons envisager d’aller plus loin.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Je suis pour l’amendement de M. Rousset. Une forte ambition est nécessaire car nous avons besoin d’améliorer ces outils. Nous devons mettre la pression sur les éditeurs de logiciels pour que la transmission ait un caractère automatique, tout en conservant la possibilité pour les médecins de ne pas le faire. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité retenir la date proposée par l’amendement précédent, à savoir 2028.
La commission adopte l’amendement AS1078.
En conséquence, l’amendement AS1101 tombe.
La commission adopte l’article 31 modifié.
Amendements AS1155 de M. Laurent Wauquiez et AS1441 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune)
Mme Josiane Corneloup (DR). Plusieurs rapports ont remis en cause, ces dernières années, l’opacité et le coût du titre de séjour pour soins. Selon le rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration de 2023, la France dispose d’un système unique au monde se situant bien au-delà des obligations qui s’imposent aux pays européens. Par ailleurs, le rapport de 2023 sur l’évaluation du coût des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière, de Véronique Louwagie, dénonçait des critères flous, précisant qu’il existe des dispositifs de prise en charge des étrangers ne résidant pas habituellement en France, en particulier pour des soins urgents.
Aussi, l’amendement AS1155 remet en cause le fonctionnement actuel du titre de séjour pour soins en empêchant tout remboursement de la Sécurité sociale. Cela ne signifie pas qu’un étranger possédant un titre de séjour pour soins ne sera pas soigné, mais simplement qu’il paiera ses frais médicaux.
M. Fabien Di Filippo (DR). Je souhaite la suppression du titre de séjour pour soins. Le nombre de demandes d’admission a connu une forte augmentation, quasiment 200 000 demandes entre 2017 et 2022, alors que le taux d’avis favorables se limite à un sur deux, ou à peine plus.
Les exemples ne manquent pas de gens venant de Djibouti pour une procréation médicale assistée, venant d’Afrique parce que le grammage des médicaments disponibles n’est pas le même dans leur pays ou, encore mieux, de patients venant de pays très avancés, y compris dans le domaine des soins, pour se faire soigner aux frais du contribuable français – on parle de quelque 5 600 demandes.
Au-delà de cette problématique, le dispositif a été dévoyé par des personnes dont la demande de régularisation a été rejetée et qui tentent d’obtenir un titre de séjour pour soins. Ce dernier n’a absolument plus lieu d’être.
M. le rapporteur général. Je partage l’avis que le dispositif a été dévoyé. Les excès sont documentés. Mais ce qui m’a le plus marqué, ce sont les rapports successifs de l’Office français de l’immigration et de l’intégration indiquant que la France va très loin en la matière, y compris pour des personnes venant des États-Unis, du Canada ou de Suisse dans le but de bénéficier de notre système très généreux à leur égard.
S’il faut réformer ce dispositif, je ne crois pas que vos amendements proposent une solution opérationnelle. Nous risquerions de perdre ceux que l’on souhaitait initialement prendre en charge, c’est-à-dire des étrangers entrés régulièrement en France, qui tombent gravement malades et qui ne peuvent être pris en charge dans leur pays d’origine. Je vous invite donc à retravailler votre dispositif pour préserver l’idée initiale tout en évitant les abus.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Je vois bien les manœuvres qui consistent à tout mélanger – ceux qui ont le titre de séjour pour étrangers malades, et des cas particuliers cités sans avoir connaissance des dossiers médicaux des personnes – afin de fonder une sorte de mythe autour d’un tourisme médical venant de l’étranger.
Or la réalité n’est pas celle-là. Tout d’abord, le nombre de titres de séjour pour étrangers malades a baissé depuis 2016. Il est encadré et concerne majoritairement hépatite, tuberculose, virus de l’immunodéficience humaine et maladie rénale sévère. Surtout, la grande majorité de ces titres est accordée non à des gens qui viennent en France se faire soigner, mais à ceux qui découvrent leur pathologie alors qu’ils se trouvent en France. Vous pouvez inventer ce qui vous arrange, mais ces chiffres sont confirmés par le monde médical.
Nous avons vu, ces derniers jours, à quel point les relents xénophobes pouvaient faire dire des contrevérités. Il faut absolument préserver ce titre, tant pour les personnes que pour la santé publique en général.
M. le rapporteur général. J’essaie d’être mesuré et équilibré dans mes propos. Je ne suis pas sûr qu’on puisse dire qu’il y a un mythe. S’agissant des maladies graves, il n’est pas question de refuser de les prendre en charge : nous devons être au rendez-vous en matière de santé publique. Mais l’Office français de l’immigration et de l’intégration lui-même affirme que la politique de la France a connu une évolution qui ne se justifie pas au regard des autres pays. Traiter les excès en continuant à prendre en charge ceux qui ont besoin de l’être, voilà l’esprit qui m’anime.
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous soutenons ces amendements, mais avec une précision préalable. Manifestement, vous parlez d’un des cinq dispositifs permettant à des étrangers, européens ou non, de se faire soigner sur notre territoire, en l’occurrence le dispositif pour pathologies particulièrement graves, et qui n’auraient pas la possibilité d’être traités dans leur pays d’origine. Il s’agit d’un domaine précis, contrôlé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui remet chaque année un rapport éclairant sur ce sujet. Ces pathologies sont particulièrement lourdes et coûteuses, et nous n’avons aucune assurance quant aux récupérations des créances. En effet, il devrait s’agir d’une avance et non de paiements directs par la caisse de Sécurité sociale française. À tout le moins, si ce dispositif est respecté, il nécessite un titre de séjour.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS838 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). La téléconsultation, qui a pris son essor avec l’épidémie de covid‑19, joue un rôle important pour les patients. Or, certaines cabines ont été installées dans des locaux commerciaux alimentaires. La Caisse nationale de l’assurance maladie a dénoncé ce choix d’implantation car il soulève des questions d’hygiène, de salubrité et de confidentialité. Cela ne répond pas non plus aux recommandations de la Haute Autorité de santé. Il est essentiel de stabiliser la régulation de la téléconsultation et d’encadrer l’implantation des dispositifs connectés.
M. le rapporteur général. Notre commission a déjà débattu, ces dernières années, de la question du lieu d’implantation. On ne prévoit pas de téléconsultation dans un supermarché ou dans un lieu commercial. Une réponse par voie réglementaire a été apportée pour encadrer les lieux de téléconsultation, en reprenant la recommandation de la Haute Autorité de santé datant du 29 février 2024, Lieux et conditions d’environnement pour la réalisation d’une téléconsultation ou d’un télésoin.
Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
L’amendement est retiré.
Amendement AS682 de M. Guillaume Florquin
M. Guillaume Florquin (RN). Cet amendement étend l’expérimentation de redispensation des médicaments non utilisés, ouverte aux établissements et services sociaux et médico-sociaux – établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, maisons d’accueil spécialisées, foyers d’accueil médicalisés, instituts médico-éducatifs, services de soins infirmiers à domicile –, qui gèrent chaque année des stocks significatifs de médicaments non entamés et encore conformes dans des conditions de conservation et de traçabilité encadrées. En les intégrant au dispositif, il devient possible de réduire le gaspillage pharmaceutique, de valoriser les produits sûrs et d’associer le secteur médico-social à la politique d’efficience du médicament. Cette extension est sans incidence financière directe et conduite à moyens constants par les organismes de Sécurité sociale. Cela répond à la volonté du projet de loi de financement de la Sécurité sociale de lutter contre le gaspillage et de sécuriser le circuit du médicament.
M. le rapporteur général. Votre amendement part d’une bonne intention. Il se heurte à deux limites. La première réside dans le faible nombre d’établissements sociaux et médico-sociaux disposant de pharmacies à usage intérieur, peu rentables du fait de leur financement par le forfait soins. La deuxième tient au fait que de nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux conventionnent avec des officines de ville pour la gestion de leur pharmacie, ce qui limite la traçabilité des produits redispensés et pose des difficultés pour assurer la sécurité des patients. Votre amendement compliquerait le suivi des circuits d’approvisionnement, sans pour autant permettre de réduire sensiblement le gaspillage en produits de santé.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. Guillaume Florquin (RN). Je maintiens mon amendement. De nombreux établissements et services sociaux et médico-sociaux peuvent récupérer les médicaments de leurs patients, qui arrivent avec des valises entières de médicaments non utilisés. Des professionnels m’ont dit que c’était tout à fait concevable et que cela limiterait le gaspillage.
Mme Brigitte Liso (EPR). Je soutiens cet amendement car il permettrait de faire de véritables économies sans affecter les patients. J’avais moi-même déposé un amendement visant à étendre l’expérimentation aux pharmacies d’officine pour les mêmes raisons, puis je l’ai retiré pour le réécrire car il soulevait en effet un problème de traçabilité. Mais, sur le fond, on ne peut qu’être d’accord.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1026 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Les dates de péremption des médicaments, souvent fixées à trois ans, sont arbitraires et sous-estiment la stabilité réelle de nombreux produits. Plusieurs études scientifiques montrent que la majorité des médicaments restent efficaces et sûrs au-delà. Aux États-Unis, un programme mené par l’autorité des médicaments a permis de prolonger la durée de conservation de 88 % des lots testés, pour une durée moyenne de 66 mois, et seuls 18 % des produits ont dû être retirés en raison d’un défaut de stabilité.
Une évaluation similaire en France permettrait de réduire le gaspillage, de faire baisser les coûts financiers comme environnementaux et de lutter contre les pénuries. L’objectif de cet amendement est d’inclure cette question dans le rapport prévu à l’article 32.
M. le rapporteur général. Le rapport prévu à l’article 32 vise les effets potentiels de l’extension de la date de péremption des médicaments dans le cadre de l’expérimentation. Votre amendement va au-delà de ce cadre. Je ne suis pas convaincu.
Mme Justine Gruet (DR). Je suis hostile à cet amendement. Il faut faire confiance aux autorisations de mise sur le marché. Le médicament est une question qu’il faut traiter dans sa globalité. En revanche, nous pouvons tomber d’accord sur le reconditionnement, qui permettrait une distribution individualisée avec le nombre précis de médicaments prescrits. Je sais que ce serait une révolution dans le monde de la pharmacie mais cela permettrait de répondre aux besoins tout en faisant des économies.
Je m’interroge sur le reconditionnement du matériel médical – fauteuils roulants, lits, béquilles –, même si ce n’est pas l’objet de l’amendement. Dans le Jura, il existe une expérimentation afin de redonner une seconde vie à ces objets. À l’heure où l’on parle de recyclage, il est de notre devoir de législateur de faire mieux avec ce qui nous est donné.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il y a des médicaments dont on peut prolonger la durée de vie, par exemple les collyres, que l’on peut conserver bien au-delà de leur durée de péremption une fois ouverts. Nous avons des progrès à faire et nous devons prêter attention aux coûts. Je suis donc d’accord sur le fond. De plus, s’agissant d’un amendement visant à compléter un rapport, ce sera une manière d’interpeller la ministre.
M. le rapporteur général. L’article 32 a pour objet une expérimentation sur la redispensation. Il prévoit un rapport d’évaluation de cette expérimentation. Vous souhaitez le compléter avec une évaluation sur la péremption des médicaments : cela s’éloigne de l’objet de l’article. Ce n’est pas impossible mais la cible n’est pas exactement la même. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 32 modifié.
Amendement AS1034 de M. Yannick Monnet
M. Yannick Monnet (GDR). La pénurie de médicaments ne cesse d’augmenter depuis 2021. On dénombrait 4 925 occurrences en 2023, et leur nombre a encore augmenté en 2024. Nous proposons d’imposer un stock minimal qui ne peut être inférieur à quatre mois de couverture des besoins pour les médicaments reconnus d’intérêt thérapeutique majeur.
M. le rapporteur général. Votre amendement est louable : il poursuit une lutte contre les pénuries. Je crains, même si c’est contre-intuitif, qu’il ne fasse qu’aggraver ce phénomène. En effet, si vous permettez une hausse du stock de sécurité des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur sans relever le seuil des médicaments contribuant à une politique de santé publique ou des autres médicaments, vous incitez les exploitants à sous-déclarer les molécules qui relèvent pourtant de cette catégorie des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Ce faisant, vous priveriez l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de la possibilité d’anticiper des pénuries susceptibles de produire des effets significatifs.
Il est aujourd’hui possible au directeur général de l’Agence de relever le seuil minimal du stock jusqu’à quatre mois pour les médicaments faisant l’objet de risques de ruptures ou ayant subi des ruptures au cours des deux années précédentes. Je rappelle que la durée moyenne de production d’un médicament ordinaire oscille entre quatre et six mois. Fixer un stock de sécurité minimal de quatre mois revient donc à faire peser une contrainte qui ne me semble pas proportionnée et fait courir le risque d’un retrait pur et simple de la commercialisation de la molécule. Ce risque est mentionné dans un rapport d’enquête de la sénatrice Laurence Cohen du 4 juillet 2023.
Avis défavorable.
M. Philippe Vigier (Dem). Je suis favorable à cet amendement. La clause de sauvegarde est une arme de destruction massive concernant l’industrie du médicament parce que les carences sont toujours plus nombreuses. Mais l’amendement est ciblé sur les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur : les laboratoires ne peuvent pas se soustraire à l’exigence de constituer des stocks importants et de quatre mois. Pour les autres molécules, on aura beau faire, on n’y arrivera pas. Mais nous devons vraiment adopter cette disposition pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.
M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur le rapporteur, votre réponse s’entend peut-être parmi les spécialistes, mais elle est incompréhensible pour toute personne manquant de médicaments alors qu’elle en a réellement besoin. Moi-même, d’ailleurs, je ne comprends pas votre réponse.
M. le rapporteur général. Le problème tient au fait que c’est l’exploitant qui décide si un médicament est d’intérêt thérapeutique majeur. Il en fait la déclaration à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
M. le président Frédéric Valletoux. C’est l’Agence qui valide.
M. le rapporteur général. Oui mais c’est l’exploitant qui le déclare à l’Agence. C’est bien le problème.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS272 de Mme Josiane Corneloup
Mme Josiane Corneloup (DR). Nous savons tous combien les pénuries de médicaments constituent un enjeu majeur de santé publique. Selon un rapport du Sénat, 37 % des Français déclarent avoir déjà été confrontés à une rupture de stock. Ces situations fragilisent la continuité des soins et mettent en difficulté les professionnels de santé comme les patients.
Or nous avons un problème majeur : le droit en vigueur ne permet d’agir qu’en cas de rupture avérée. Les pharmaciens d’officine ne peuvent substituer un médicament d’intérêt thérapeutique majeur que lorsque la rupture de stock est constatée. Cette logique réactive ne permet pas d’anticiper les tensions qui précèdent la pénurie. Le rapport « Charges et produits » soulignait d’ailleurs que l’accroissement des tensions d’approvisionnement dans de nombreux champs thérapeutiques plaidait pour un élargissement des actions à la main des autorités sanitaires afin de prévenir les ruptures et d’engager un plan d’action graduée dans des délais courts.
Cet amendement intègre la notion de tension d’approvisionnement afin de permettre une détection et une intervention plus précoces par les autorités sanitaires et les pharmaciens d’officine, pour agir en amont de la rupture.
M. le rapporteur général. Je ne sais pas comment distinguer le risque de rupture de stock du risque de rupture d’approvisionnement, le premier recouvrant bien souvent le second. De plus, il existe déjà plus de 8 000 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Si l’on adopte votre amendement, j’anticipe une hausse des signalements du fait des critères extensifs que vous proposez, notamment celui sur les tensions d’approvisionnement. Or des signalements prématurés ne permettraient pas aux équipes de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’identifier correctement les pénuries devant susciter des mesures immédiates.
Enfin, des dispositifs de signalement précoces risquent de pousser les industriels à une sous-déclaration, ce qui menace l’architecture d’un système de prévention des pénuries fondé sur le transfert d’informations entre l’exploitant et le régulateur.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1777 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Cet amendement vise à réintroduire une disposition adoptée dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 et déclarée non conforme par le Conseil constitutionnel en raison de son caractère trop large. Le dispositif proposé tire les leçons de cette jurisprudence en octroyant la faculté au ministre chargé de la santé de prendre par arrêté des mesures de limitation ou d’interdiction de prescription de médicaments par actes de télémédecine si les trois conditions suivantes sont réunies : l’existence d’une situation de rupture ou de risque de rupture d’approvisionnement est constatée pour le médicament concerné ; le médicament concerné par la mesure de restriction doit appartenir à la catégorie des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et faire l’objet d’une mesure de contingentement ; les actions de limitation ou d’interdiction de prescription ne doivent pas porter une atteinte d’une particulière gravité à la continuité des soins des patients concernés.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1123 de Mme Annie Vidal
Mme Annie Vidal (EPR). Cet amendement, adopté l’année dernière, propose que certains médicaments soient délivrés à l’unité en officine lorsque leur forme pharmaceutique le permet. Le gaspillage de médicaments est important, ce qui a un impact économique et environnemental notable. L’écart entre les médicaments distribués et l’usage qui en est fait ou les besoins réels s’élève à 40 %.
M. le rapporteur général. Avis défavorable.
M. Philippe Vigier (Dem). C’est un très bel amendement. Des centaines de millions de tonnes de médicaments sont jetées à la poubelle chaque année. Il faut y mettre un terme : cela représente un coût considérable et pose des problèmes écologiques.
Dans certains pays, cette mesure est en application depuis quelques années avec succès. On ne peut pas le faire pour toutes les thérapeutiques et tous les médicaments, mais on peut le faire sur certains protocoles. Cela existe déjà en France pour des protocoles isolés. Élargissons le spectre : ce serait un grand bond en avant pour nos concitoyens et pour l’assurance maladie.
Mme Josiane Corneloup (DR). J’entends cette volonté de faire des économies en délivrant à l’unité, mais c’est une fausse bonne idée. La délivrance à l’unité est d’une complexité impressionnante et elle fait surtout naître un risque d’erreur thérapeutique pour une personne âgée avec plusieurs délivrances à l’unité. N’oublions pas que notre population vieillit !
Nous devrions nous montrer beaucoup plus exigeants envers les industriels dont les conditionnements ne respectent pas les recommandations de la Haute Autorité de santé. Je ne vois pas pourquoi ils commercialisent des boîtes de quatorze médicaments pour une prescription d’antibiotiques alors que la recommandation est d’un comprimé matin et soir pendant six jours.
Mme Annie Vidal (EPR). Chaque Français jette en moyenne 1,5 kilogramme de médicaments non utilisés. Autoriser la délivrance à l’unité serait pertinent car cela permettrait de faire des économies sans affecter la prise en charge du patient. Cette disposition a été votée à l’Assemblée nationale l’année dernière.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS761 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). Chaque année, notre système de santé consacre 34,5 milliards d’euros à la consommation de médicaments en ville, sur lesquels 25,5 milliards sont remboursés par l’assurance maladie. Or une part importante de ces médicaments n’est pas utilisée et finit à la poubelle. La Cour des comptes estime que cela représenterait entre 561 millions et 1,735 milliard d’euros chaque année.
Une solution existe : la délivrance à l’unité. L’expérimentation menée en 2014 a montré qu’elle réduisait jusqu’à 10 % des volumes de médicaments délivrés, notamment pour certains antibiotiques. Le Royaume-Uni, le Portugal ou l’Espagne ont déjà mis en place ce modèle avec succès. Leur approche repose sur la préparation industrielle à l’unité, le ciblage précis des médicaments, une traçabilité numérique et une rémunération adaptée des pharmaciens.
M. le rapporteur général. Nous venons d’adopter une mesure similaire. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. le président Frédéric Valletoux. Pour information, cet amendement n’est pas tombé avec l’adoption du précédent car il n’est pas rattaché au même article du code de la santé publique.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1249 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
M. François Gernigon (HOR). Il est essentiel de lutter pour la réduction de l’impact environnemental de l’activité pharmaceutique. En ce sens, l’expérimentation proposée à l’article 32 doit être encouragée. Cet amendement AS1249 renforce l’action des pharmacies à usage intérieur en la matière.
Les sorties d’hospitalisation donnent parfois lieu à une perte de médicaments sous forme de déchets lorsque leurs conditionnements de vente ne sont pas adaptés aux durées de séjour. Il s’agirait de permettre aux établissements de santé de dispenser les conditionnements entamés de médicaments aux patients pour qu’ils continuent leurs traitements après hospitalisation.
M. le rapporteur général. Votre idée entre en concurrence avec les dispositions de l’article 32. Pour tout vous dire, j’ai même été saisi par les représentants des pharmaciens hospitaliers selon lesquels la généralisation de l’expérimentation est prématurée au regard des moyens des pharmacies à usage intérieur. Cet amendement pose aussi problème en ce qu’il donne au ministre de la santé la possibilité d’inscrire sur la liste en rétrocession de toutes les pharmacies à usage intérieur des médicaments qui ne sont pas classés dans la catégorie des médicaments réservés à l’usage hospitalier.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1778 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. J’ai travaillé cet amendement avec l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé et la chambre syndicale de répartition pharmaceutique. Il vise à assurer le respect de l’interdiction légale d’exportation de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Entre novembre 2023 et avril 2024, près de quarante-huit transactions illégales ont été effectuées pour une quantité totale de 6 487 produits. Ce dispositif ne vise pas une interdiction pure et simple : son but est d’interdire les abus afin que tous les grossistes-répartiteurs soient traités de façon équivalente.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS489 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Nous demandons un rapport sur l’élargissement de la délivrance à l’unité de certains médicaments – qui fait désormais consensus. Des pharmaciens ont été sanctionnés par le conseil de discipline de leur ordre pour avoir distribué des médicaments à l’unité. C’est le cas de deux professionnels du nord de la Corrèze qui, en pleine période de pénurie et pour aider leurs concitoyens, ont été condamnés à six mois, dont quatre avec sursis, d’interdiction d’exercer. La Cour des comptes estime pourtant à 1,7 milliard d’euros les pertes associées au gaspillage des médicaments.
Nous souhaitons donc étendre la délivrance de certains médicaments à l’unité et souligner le décalage entre Paris, où le législateur y est favorable, et certaines situations de terrain.
M. le rapporteur général. Ceux qui ont participé l’an dernier au débat savent que cette mesure n’avait pas survécu car elle posait des problèmes opérationnels. Un tel bilan pourrait être un des sujets du Printemps social de l’évaluation : je ne suis pas sûr qu’une telle expertise nécessite un rapport.
Demande de retrait.
M. le président Frédéric Valletoux. Monsieur le rapporteur, votre suggestion est excellente. Nous en reparlerons en bureau et en commission après l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS172 de Mme Sandrine Runel
Mme Sandrine Runel (SOC). Nous souhaitons favoriser la prescription et l’utilisation des médicaments génériques. Ils sont l’une des sources les plus efficaces d’économie pour l’assurance maladie sans que cela n’affecte la prise en charge des assurés. En l’état actuel du droit, il faut attendre deux ans après l’inscription du premier générique pour que le remboursement du médicament d’origine soit aligné. Nous proposons de le faire plus rapidement et d’abaisser ce délai de deux à un an.
M. le rapporteur général. Je vous invite à retirer votre amendement qui n’est pas opérationnel. Un problème de rédaction rend en effet impossible son application à compter du 1er septembre 2026.
L’amendement est retiré.
Amendement AS366 de Mme Ségolène Amiot
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Par cet amendement, nous souhaitons supprimer une disposition instaurant une sanction financière pour les patients qui refusent la substitution d’un médicament par des médicaments biosimilaires ou hybrides. Nous soutenons cette substitution. Toutefois, nous pensons qu’un travail pour convaincre les patients de l’opérer de leur plein gré vaudrait mieux qu’une pression financière suscitant l’incompréhension et fragilisant la confiance.
M. le rapporteur général. Les patients n’ont pas à régler le montant des médicaments : ils avancent les frais et bénéficient, dans tous les cas, d’une prise en charge par l’assurance maladie. Le reste à charge n’est pas affecté. L’argument de la défiance que susciterait l’avance des frais n’est donc pas recevable.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS235 de Mme Josiane Corneloup
Mme Josiane Corneloup (DR). La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 a précisé le cadre d’une dispensation par substitution d’un médicament biosimilaire dans le cas où celui-ci n’est pas inscrit sur la liste des groupes de biosimilaires substituables. En absence d’inscription, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dispose d’un délai de deux ans pour rendre son avis sur le droit de substitution. Or une dizaine de molécules ne disposent toujours pas de médicaments biosimilaires alors même que leur brevet est échu.
Le présent amendement supprime ce délai d’inscription instauré au moment de l’introduction des biosimilaires et qui ne se justifie plus. Il serait possible de dégager 988 millions d’euros d’économies supplémentaires sur cinq ans, tout en maintenant le même niveau de sécurité pour les patients.
M. le rapporteur général. Je vois bien l’intérêt d’une telle accélération mais je crains qu’une modification du cadre applicable n’affecte la sécurité des soins, notamment pour les patients qui pourraient être induits en erreur par des substitutions trop régulières. Le chiffrage de 988 millions d’euros d’économies supplémentaires me semble en outre élevé : j’aimerais avoir le détail de son calcul.
Je vous propose donc de laisser entrer en vigueur les mesures prévues par l’article 33 quitte à ce que nous y revenions dans un prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Demande de retrait sinon avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1256 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). La substitution par des médicaments biologiques similaires est importante pour la soutenabilité du système de santé. Cependant, des substitutions répétées peuvent provoquer chez certains patients des effets nocebo et une baisse de l’observance thérapeutique.
Nous proposons qu’un patient ayant commencé un traitement avec un médicament biologique similaire continue à recevoir le même produit lors des renouvellements, sauf raison médicale ou indisponibilité. Cette mesure garantit la continuité et l’efficacité du traitement, la stabilité clinique et l’adhésion du patient ainsi que la sécurité de la substitution. Elle respecte la liberté de prescription et les exigences de traçabilité pharmaceutique. Cet amendement a été travaillé avec la Confédération des syndicats médicaux français.
M. le rapporteur général. Les consignes données aux pharmaciens me semblent contradictoires. Votre amendement leur donnerait la mission supplémentaire de veiller à la dispensation du même biosimilaire, qui n’est ni d’une interdiction ni une obligation, alors que la loi est par nature normative. En outre, des exceptions à la procédure de substitution existent déjà, pour raisons de santé notamment.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
M. le président Frédéric Valletoux. Je vous informe que la Cour des comptes a travaillé sur la dispensation à l’unité des médicaments. Son rapport vous sera communiqué dans les prochains jours.
La commission adopte l’article 33 non modifié.
Amendement AS837 de M. Thierry Frappé
M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement revient sur l’article 52 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 qui introduit la possibilité pour les pharmaciens de procéder à des tests rapides d’orientation diagnostique et de prescrire des antibiotiques de manière conditionnelle. L’objectif est d’obtenir un rapport sur les économies réelles résultant de cette initiative, en tenant compte des coûts liés à la rémunération de l’acte, pour évaluer l’impact économique de ces nouvelles compétences accordées aux pharmaciens.
M. le rapporteur général. Il sera difficile pour les services des ministères et l’assurance maladie de chiffrer les effets des seuls tests rapides d’orientation diagnostique et de prescriptions d’antibiotiques sans tenir compte des évolutions de la rémunération à l’acte comme pour tout médicament.
Avis défavorable.
M. Jean-François Rousset (EPR). Je suis également défavorable à cet amendement. La possibilité donnée aux pharmaciens devait pallier l’absence de médecins et permettre des diagnostics et des prescriptions plus rapides. Cette mesure a demandé aux pharmaciens des efforts, de la souplesse et des formations. La question économique n’est donc pas prépondérante et une telle évaluation ne me paraît pas adéquate.
M. Thierry Frappé (RN). Ce rapport sur les tests rapides d’orientation diagnostique est important et il présenterait aussi un aspect médical.
La commission rejette l’amendement.
Amendement de suppression AS1779 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. J’ai évoqué l’article 34 avec le cabinet de la ministre de la santé : non seulement il ne fonctionne pas mais il présente des risques nombreux. Il faudrait le réécrire intégralement. Je vous propose de le supprimer.
Dans un contexte où les droits de douane applicables aux produits pharmaceutiques augmentent, la réforme des modalités d’accès dérogatoires au traitement ferait peser un risque de surcoûts pour l’assurance maladie et, pire encore, menacerait l’accès de nombreux malades à l’innovation thérapeutique. En effet, la restriction du bénéfice de l’accès précoce fait redouter un retrait de commercialisation de molécules alors que la France présente déjà un délai d’inscription au remboursement très élevé. La création d’une prise en charge à titre gracieux pour une durée minimale de 12 mois pourrait, elle, induire une inflation par anticipation de l’indemnité libre fixée pour le prix de la molécule.
Je vous invite donc à supprimer cet article pour inciter le Gouvernement à déposer un amendement qui renonce aux dispositions relatives à la réforme de l’accès précoce et ne conserve que les mesures vertueuses sur l’accès direct et le tarif de responsabilité.
M. Michel Lauzzana (EPR). Rien ne va dans cet article. Je suis étonné qu’il ait été écrit par le Gouvernement : Mme Vautrin m’avait assuré que l’accès précoce ne serait ni touché, ni surtout remplacé par l’accès direct qui ne concerne pour le moment que six molécules. Comment, dans ces conditions, tirer des conclusions sur l’accès direct ? L’accès précoce permet de disposer de médicaments innovants en 77 jours, contre 600 jours pour l’accès normal. C’est un des seuls dispositifs que nous ayons pour obtenir des médicaments innovants et permettre une meilleure prise en charge. Il faut effectivement supprimer cet article.
M. le rapporteur général. À ma grande surprise, le Comité économique des produits de santé, qui a diligenté une mission « flash » cet été, a déclaré pendant les auditions préparatoires que cet article ne lui convenait pas.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 34 est supprimé et les amendements AS1040 et AS1042 de M. Hendrik Davi, AS1253 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé, AS370 de Mme Élise Leboucher, AS1029 de Mme Karine Lebon et AS369 de M. Hadrien Clouet tombent.
Amendements de suppression AS1780 de M. Thibault Bazin, AS238 de Mme Josiane Corneloup et AS822 de M. Michel Lauzzana
M. le rapporteur général. Cet article m’a posé question : d’où vient-il ? Le Comité économique des produits de santé, que j’ai interrogé, a déclaré qu’il avait les mêmes inquiétudes que nous. La procédure de référencement constitue un préalable à la décision de remboursement. Par conséquent, les molécules non référencées seront déremboursées et les entreprises exploitantes sortiront du marché, ce qui conduira à une diminution de l’intensité concurrentielle et à une hausse des prix. En outre, la multiplication des critères de la procédure de référencement altère sa lisibilité et renforce un risque de référencement des seuls acteurs pharmaceutiques détenteurs d’importantes parts de marché.
L’article ne fonctionne pas non plus sur le plan opérationnel. Il faut des garanties sur le caractère multi-attributaire du référencement et surtout, sur les compétences et les moyens du Comité économique des produits de santé, qui semblent insuffisants.
J’invite donc le Gouvernement à réécrire totalement cette disposition. Pour l’heure, ne perdons pas de temps et supprimons-la.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 35 est supprimé et les amendements AS199 de Mme Sandrine Runel, l’amendement AS1030 de Mme Karine Lebon ainsi que les amendements AS1781 et AS1782 de M. Thibault Bazin tombent.
Amendement AS963 de M. Yannick Monnet, AS118 de M. Sébastien Saint-Pasteur, AS1091 de M. Hendrik Davi, AS480 de M. Damien Maudet (discussion commune)
M. Yannick Monnet (GDR). Mon amendement transpose dans le droit national les engagements que la France a contractés lors de la résolution sur la transparence du marché des médicaments, vaccins et produits de santé.
Mme Sandrine Runel (SOC). Il s’agit de mieux réguler les dépenses de médicaments et de faire des économies sans détériorer la qualité de la prise en charge des assurés ni augmenter leur reste à charge. Les industriels justifient souvent leurs prix élevés par le coût de la recherche et du développement, des dépenses qui ont certes une part importante mais qui sont financées par des fonds publics.
Afin de permettre des négociations éclairées et d’évaluer la légitimité des prix demandés par les industriels, l’amendement AS118 rend transparentes les informations sur les financements publics de la recherche et développement des médicaments. Ces informations présenteront les investissements publics directs et les aides indirectes comme le crédit d’impôt recherche.
M. Hendrik Davi (EcoS). L’objectif de mon amendement est de renforcer la transparence sur les financements publics de la recherche pharmaceutique. Les entreprises justifient les prix élevés des médicaments par les coûts de la recherche et développement alors qu’une grande partie de cette recherche est financée par des fonds publics, comme l’ont démontré l’Organisation mondiale de la santé et de nombreux articles scientifiques, notamment publiés dans la revue Prescrire.
L’exemple du Zolgensma, une thérapie génique sur une maladie rare commercialisée par Novartis et dont le prix atteint deux millions d’euros par patient illustre cette situation. Les recherches fondamentales qui ont permis son développement ont été financées par le Centre national de la recherche scientifique, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et l’AFM-Téléthon.
Malgré l’obligation de transparence sur les financements publics de la recherche inscrite dans la loi de finances de 2021, en 2023, seules deux entreprises ont déclaré 1,4 million d’euros de financements publics. L’amendement rend publique la traçabilité de ces financements – aides directes et crédit impôt recherche notamment.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS480.
Pourquoi les médicaments coûtent-ils cher ? « Parce que l’innovation coûte cher » répondent les industriels. Heureusement pour les laboratoires, ils ne sont pas seuls : une part non négligeable des dépenses de recherche et développement proviennent de financements publics.
Nous finançons sans savoir à quel point cela aide les laboratoires. Ce n’est pas moi qui le dis, mais l’assurance maladie, qui indique que le manque de transparence empêche de distinguer la part des investissements publics et privés pour le développement de nouvelles molécules. Il est encore plus difficile d’évaluer la légitimité des prix avancés par les industriels. Le laboratoire Sanofi est par exemple particulièrement réticent à communiquer. Dans le même temps, il supprime 325 postes de chercheurs et verse plus de 4 milliards d’euros de dividendes. Peut-être que Sanofi n’a rien à se reprocher, que les aides publiques ont été utilisées de la meilleure manière possible et que les prix étaient parfaitement justifiés. Il n’y a alors rien à cacher et nous pouvons exiger une transparence sur ces investissements.
M. le rapporteur général. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur les aides publiques aux grandes entreprises rédigé par notre collègue Fabien Gay indiquait qu’en 2022, le secteur pharmaceutique représentait 10 % du montant total des dépenses de recherche et développement en France, soit 5,4 milliards d’euros.
Il faut être réaliste : le marché français du médicament ne pèse que 3 % du marché mondial. Or, soumettre ces entreprises à des contraintes excessives engendrerait un risque de décommercialisation de molécules. Vous voulez obliger les entreprises à transmettre ces informations au Comité économique des produits de santé. Je me pose une question opérationnelle : comment pourrait-il vérifier qu’elles sont exactes, s’agissant des pays étrangers, et dans des matières aussi complexes que celles du prix des médicaments ? Je comprends votre idée, même si d’un point de vue politique je ne la partage pas, mais ce problème me conduit à émettre une demande de retrait ou un avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). J’ai la même position que le rapporteur général. Je comprends vos exigences et j’aimerais que ce que vous demandez soit possible. Mais cet amendement n’est pas opérationnel. Le Comité économique des produits de santé est conscient qu’on ne peut déterminer quelle partie de recherche va s’appliquer à quel médicament. La recherche est multiple, avec des résultats qui s’appliqueront de manière tout à fait imprévue. C’est tout le problème du Comité. Celui-ci, je le rappelle, fait un travail internationalement reconnu afin de définir en France le prix facial le plus bas, sur lequel beaucoup de pays s’appuient.
Successivement, la commission rejette l’amendement AS963 et adopte l’amendement AS118.
En conséquence, les amendements AS1091 et AS480 tombent.
Amendement AS459 de M. Hadrien Clouet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet amendement vise l’interdiction de substances contaminantes, cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques et de perturbateurs avérés ou suspectés dans les protections périodiques réutilisables prises en charge par la Sécurité sociale. L’association 60 millions de consommateurs relevait en 2023 la présence de ces contaminants dans vingt-quatre produits testés, en particulier les culottes menstruelles, dans lesquelles ont été retrouvées des traces de nanoparticules d’argent et des substances per- ou polyfluoroalkylées aussi appelées polluants éternels.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a confirmé la présence de résidus de produits toxiques potentiellement nocifs dans diverses protections menstruelles mais reste dans l’incapacité d’estimer leur dangerosité, faute de référentiel adapté aux muqueuses exposées. En outre, les études actuelles ne tiennent pas compte de l’impact d’une pluri-exposition à ces contaminants sur plusieurs dizaines d’années.
Les substances retrouvées représentent pourtant un risque considérable pour la santé. Qui souhaiterait que des polluants éternels traversent la paroi de ses muqueuses vaginales ? Même si les seuils sanitaires ne sont pas dépassés, qui serait prêt à prendre ce risque ? Ayons le courage de souscrire au principe de précaution et d’interdire purement et simplement la présence de substances toxiques dans les protections périodiques.
M. le rapporteur général. Je souligne votre combat permanent pour améliorer la qualité des produits d’hygiène féminine. La question des chocs toxiques est centrale. Toutefois, en 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a émis un avis plus nuancé que votre exposé sommaire. Il n’y a pas de dépassement des seuils sanitaires.
Le déremboursement présente deux risques : augmenter le reste à charge des ménages et faire baisser le volume de protections périodiques sur le marché, avec un risque de pénurie. Cela irait à l’encontre de ce que vous souhaitez. Il faut donc selon moi approfondir les analyses du marché et des conséquences d’une telle mesure sur le budget des ménages.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). J’ai l’impression que vous ne répondez pas au principe de précaution en matière de toxicité des produits hygiéniques, mais plutôt aux enjeux de l’amendement suivant.
M. le rapporteur général. Votre amendement comporte cette phrase : « L’inscription de produits contenant des substances contaminantes, cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques ou perturbateurs avérés ou suspectés est interdite. » Vous posez donc un principe d’interdiction qui conduit au déremboursement.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Sauf si les industriels se mettent en conformité !
M. le rapporteur général. Ce qui conduit au risque de pénurie.
M. Michel Lauzzana (EPR). En matière de toxicité, la question du seuil est importante. Il n’y aura pas forcément d’effet si on est exposé à un produit en faible quantité. Nous sommes entourés de produits toxiques et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – dont nous avons récemment voté et garanti l’indépendance – est reconnue pour sa compétence. Votre proposition est un dévoiement du principe de précaution : si on l’applique de cette manière, on stérilise tout !
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur Lauzzana, votre intervention est insupportable. S’il s’agissait de mettre en contact la muqueuse de votre gland avec un produit qui pourrait potentiellement vous rendre stérile ou vous donner un cancer, nous n’aurions pas ce débat. Nous proposons que les produits remboursés par la Sécurité sociale, c’est-à-dire censés prendre soin des femmes, soient sains et que, faute de recul, certains produits que nous soupçonnons fortement d’être mauvais ne soient pas remboursés. L’amendement invite les industriels à se mettre en conformité et à produire sainement. Ne nous opposons pas à un principe élémentaire de précaution qui protège toutes les personnes qui ont un vagin et un utérus et qui vont perdre du sang tous les mois !
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS457 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement étend la prise en charge des protections périodiques réutilisables au-delà de l’âge de 26 ans. D’après l’association Règles élémentaires, 4 millions de personnes au moins, en France, sont touchées par la précarité menstruelle. Alors que les dépenses en protections menstruelles et antidouleurs représentent en moyenne 3 800 euros au cours de la vie, la précarité menstruelle entraîne de multiples privations qui touchent au droit, à l’hygiène et à la santé, et n’a pas de limite d’âge – c’est le cas d’une femme de 18 à 50 ans sur trois et 75 % d’entre elles ont plus de 25 ans. Ainsi, fixer un âge de 26 ans au-delà duquel ce risque serait soudainement réduit paraît sans fondement. Nous proposons la suppression de cette limite de 26 ans.
M. le rapporteur général. Cet amendement qui demande un rapport est une sorte d’amendement d’appel. Je vous invite à le retirer afin que vous puissiez avoir un échange à ce propos avec le Gouvernement. J’indique par ailleurs que 48 % des amendements que nous examinons cette semaine visent à introduire des articles additionnels, tandis que 52 % seulement portent sur les 55 articles du texte qui nous est proposé.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas d’un amendement d’appel et nous sommes sérieux quand nous disons avoir besoin de ce rapport. En effet, il est insupportable que la moitié de la population doive payer pour des protections périodiques. Ce produit indispensable devrait être gratuit ou remboursé. Or cela suppose toute une organisation sociale : où allez-vous chercher ces protections, où les mettez-vous à disposition des femmes, comment organisez-vous la production et le remboursement ?
Nous insistons sur les jeunes femmes car les apprenties qui travaillent pour moins que le salaire minimum sont taxées et les étudiantes connaissent une précarité totale, mais les protections périodiques devraient être gratuites pour toutes. Nous sommes donc sérieux quand nous demandons un rapport sur ce projet de transformation sociale.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Le décret qui devait assurer la gratuité pour les moins de 26 ans n’est même pas encore publié. Même pour les petites avancées positives du Gouvernement, les décrets ne sont pas pris !
M. le rapporteur général. Nous ne devons pas tout attendre du Gouvernement et je vous suggère de soumettre cette question à la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS461 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous demandons un rapport sur la faisabilité d’une distribution gratuite des préservatifs à l’ensemble de la population, sans limite d’âge à 26 ans. On observe une recrudescence de syphilis et autres infections sexuellement transmissibles, ainsi qu’un retour du virus de l’immunodéficience humaine, car une grande partie de la population n’est plus exposée à des messages de sensibilisation et de prévention. Or, dans les espaces communautaires, certaines personnes utilisent la prophylaxie pré‑exposition pour se prémunir du virus de l’immunodéficience humaine, mais pas de préservatif, de sorte que la syphilis et les gonorrhées continuent à se développer, ainsi que le papillomavirus, qui risque de provoquer un cancer du col de l’utérus, et d’autres infections.
Il est grand temps de revoir les politiques de prévention face à l’ensemble des infections sexuellement transmissibles et pour l’ensemble de la population, sans laisser les seules structures communautaires prendre en charge la prévention.
M. le rapporteur général. Ce n’est pas moi qui peux vous répondre sur ces questions, car je ne suis pas le Gouvernement. Je vous invite à retirer l’amendement pour avoir cet échange avec lui en séance publique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement de suppression AS1068 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Il faut supprimer cet article qui met en œuvre la réforme de la tarification des établissements et des services médico-sociaux accueillant des enfants en situation de handicap – la réforme Serafin-PH. Nous sommes fermement opposés à l’extension de la tarification à l’acte aux établissements sociaux et médico-sociaux avec cette réforme, qui fait peser une menace grave sur le service public d’accompagnement du handicap. Sa logique est de découper le travail social en une multitude de taches disjointes : on chronométrera chaque acte et, ainsi, on perdra de vue la prise en charge globale des personnes en situation de handicap, ce qui déshumanise les métiers du social.
Cette réforme, inspirée de la tarification à l’acte hospitalière, déjà responsable de beaucoup de bureaucratie et de souffrance au travail, favorise une logique de rentabilité ouvrant la voie à une privatisation progressive du secteur. Le privé captera les activités rentables, comme cela a été le cas dans le milieu hospitalier, tandis que le public supportera les activités plus lourdes et moins dotées.
Notre amendement réaffirme un principe simple : le financement de l’accompagnement des enfants en situation de handicap ne peut dépendre d’une logique comptable et doit garantir dignité, continuité et qualité de l’accompagnement.
M. Hadrien Clouet, rapporteur pour la branche autonomie. Avis favorable.
D’une part, en effet, la modification des logiques de tarification par Serafin-PH a des effets opaques, puisque l’équation tarifaire qui entrera en vigueur est renvoyée à un décret : nous ne nous prononçons donc pas sur l’ensemble des dimensions permettant de calculer les coûts et nous ne connaissons pas les effets sur les établissements. La direction générale de la cohésion sociale a admis, durant son audition, qu’il y aurait des perdants, mais on ne sait pas de quels types d’établissements il s’agit. C’est la raison pour laquelle j’étais favorable à une clause de non-régression évitant que les nouvelles modalités de calcul soient moins favorables que les anciennes afin que nous puissions, le cas échéant, nous poser la question.
D’autre part, la réforme est censée accompagner la transformation de l’offre médico-sociale, sans que l’on sache ni comment ni avec quels moyens, hormis ceux du plan 50 000 solutions, dont nous sommes bien en peine de contrôler l’emploi. Nous n’avons donc aucune idée des moyens supplémentaires qui seraient alloués à cette transformation.
Mme Christine Le Nabour (EPR). L’idée est de mieux objectiver les objectifs de financement et de sortir de dotations historiques qui, avec le temps, ne sont souvent plus adaptées à la réalité. L’article prévoit une nouvelle tarification et de nouvelles modalités quant à la taille des structures, aux modalités d’accueil et à la complexité des accompagnements, avec une incitation à l’inclusion, tant au travail qu’à l’école. Nous nous opposons à sa suppression.
M. Yannick Monnet (GDR). Ce n’est pas parce qu’un produit est mauvais qu’il faut en choisir un autre qui soit pire. Comment peut-on, dans le médico-social, tarifer à l’acte alors qu’il y a autant d’actes que de personnes et de difficultés ? On a vu le résultat à l’hôpital public. D’ailleurs, les hôpitaux de proximité sortent de cette tarification car ils ont besoin de lisibilité. Fondamentalement, un accompagnement social et médico-social ne peut pas se tarifer car, en évaluant le cœur de métier, on évalue toujours la marge, puisque beaucoup de choses reposent sur la relation qui, par définition, ne s’évalue pas. Cette mesure est donc un moyen de faire des économies sur le dos de ces structures.
M. le rapporteur. La part principale et la modulation étant toutes deux renvoyées à des décrets, nous ne savons pas qui gagne et qui perd. Ce serait prendre un risque que d’adopter cet article. J’en soutiens la suppression.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 36 est supprimé et les amendements AS1652 de M. Sébastien Peytavie, AS987 de M. Hendrik Davi, AS1653 et AS1262 de M. Sébastien Peytavie, AS26 de Mme Sandrine Runel, AS1036 de M. Yannick Monnet, AS1051 de M. Sébastien Peytavie et AS1038 de Mme Karine Lebon tombent.
Amendements AS451 de M. Hadrien Clouet, AS1311 de Mme Annie Vidal et AS230 de M. Sébastien Saint-Pasteur (discussion commune)
M. Hadrien Clouet, rapporteur. Mon amendement vise à expérimenter pour trois ans, dans trois départements volontaires, le système canadien de mesure de l’autonomie fonctionnelle afin d’évaluer la perte d’autonomie des personnes âgées. La grille nationale « Autonomie gérontologie groupes iso-ressources » (Aggir) propose un prisme médicalisé et ne prend pas assez en considération l’environnement de la personne et ses capacités physiques ou mentales. En outre, dans la mesure où elle détermine le niveau de financement des structures qui accompagnent les personnes âgées en fonction de leur groupe iso-ressources moyen, cette grille pénalise celles qui accompagnent les personnes à faible perte d’autonomie.
Nous voulons faire évoluer ce système vers un meilleur financement de structures qui accompagnent plus précocement et de manière plus préventive les personnes en perte d’autonomie pour en ralentir ou limiter la progression.
Mme Annie Vidal (EPR). L’accompagnement des personnes âgées se fonde sur les capacités perdues, et pas assez sur les capacités restantes, qui peuvent être exploitées pour un maintien, voire un gain d’autonomie. Cette expérimentation permettrait d’évoluer vers une refonte de nos grilles, qui ne sont pas appropriées à ce stade.
M. Jérôme Guedj (SOC). On sait ce que notre grille a permis d’obtenir mais, comme vient de le dire Mme Vidal, la dimension « capacitaire » des personnes en perte d’autonomie n’est pas prise en compte à sa juste mesure. Par ailleurs, elle présente des lacunes en matière de perte d’autonomie, notamment pour ce qui concerne des déficiences sensorielles comme la vue ou l’ouïe. Par l’amendement AS230, nous soutenons donc cette proposition d’expérimentation. Voilà longtemps que la grille canadienne de mesure de l’autonomie fonctionnelle est dans le débat, mais elle n’a pas été assez explorée. L’idée d’expérimenter dans trois départements volontaires semble donc pertinente.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Nous sommes tout à fait d’accord. Cet amendement propose d’expérimenter une autre façon, plus humaine et plus juste, d’évaluer la perte d’autonomie. Étant donné que tout repose aujourd’hui sur la mesure de ce que les personnes âgées ne peuvent plus faire, les établissements qui parviennent à maintenir l’autonomie de leurs résidents sont pénalisés : moins de dépendance, donc moins de financements. C’est le monde à l’envers.
Mon groupe politique souhaite tester un autre outil, déjà utilisé au Canada et même dans certains établissements français : le système de mesure de l’autonomie fonctionnelle, qui ne regarde pas seulement les pertes, mais s’intéresse à ce que la personne peut encore faire. C’est une manière de valoriser le travail des équipes de gérontologie qui accompagnent, stimulent et rééduquent. Avec trois départements volontaires et trois ans d’expérimentation, il ne s’agit pas de tout bouleverser, mais de redonner du sens à l’évaluation de l’autonomie pour qu’elle serve enfin à accompagner, non à comptabiliser.
La commission adopte l’amendement AS451.
En conséquence, les amendements AS1311 et AS230 tombent.
Amendement AS447 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Certains groupes ont bénéficié indûment d’argent public issu de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Je sais, monsieur le rapporteur, que vous seriez favorables à ce que tous les biens immobiliers et les contrats soient collectivisés afin de créer un véritable service public de l’autonomie et à cet égard, j’en conviens, cet amendement AS447 ne va pas assez loin. Il propose toutefois une forme de compromis car il vise à ce qu’aucune personne morale sanctionnée pour avoir indûment bénéficié de fonds publics versés par la Caisse ne puisse plus jamais prétendre à ces sommes. Je citerai à cet égard Orpea, qui avait construit tout un système permettant de toucher de l’argent public qui ne se retrouvait jamais dans la vie des personnes dont elle avait la charge.
M. le rapporteur. Je suis évidemment favorable à cet amendement interdisant le financement public à des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes qui ont dû rembourser des sommes reçues indûment de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, à l’image des rétrocommissions du groupe Orpea.
J’ajoute, à titre personnel, qu’on pourrait aller plus loin, d’une part en retirant les autorisations aux établissements qui cherchent à faire des économies sur le dos des résidents par des logiques de privation et de rationnement, et d’autre part en se donnant pour objectif d’interdire les établissements privés lucratifs. Je considère qu’il y a une contradiction entre la recherche de bénéfices rapides et le maintien de la dignité et des droits humains des résidents.
La commission adopte l’amendement.
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11. Réunion du vendredi 31 octobre 2025 à 14 heures 30 (après l’article 36 [suite] à après l’article 45)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
Amendement AS1562 de M. Romain Eskenazi
M. Jérôme Guedj (SOC). Notre amendement renforce les contrôles financiers sur les groupes d’établissements sociaux et médico-sociaux privés à but lucratif. Cette proposition fait suite à l’affaire Orpea et il est probable que nous la représentions lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et sociale.
M. Hadrien Clouet, rapporteur pour la branche autonomie. Le contrôle financier que vous souhaitez instaurer sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes privés, à l’échelle des groupes, vise à vérifier que les financements publics ne s’accompagnent pas de bénéfices déraisonnables, réalisés au détriment des conditions de vie et du bien-être des résidents. Cette mesure ayant pour objet d’endiguer la financiarisation du secteur médico-social ou en tout cas de limiter les tares liées à ce phénomène, j’émets un avis favorable même si je pense que nous gagnerions à aller plus loin en nous interrogeant sur les régimes de propriété et les actions financières légales dans le secteur.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS98 de Mme Valérie Rossi
M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit, là encore, d’encadrer davantage la financiarisation des établissements accueillant des publics fragiles, qu’il s’agisse des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou des crèches, au moyen de la notion de bénéfices raisonnables, déjà utilisée dans l’économie sociale et solidaire.
M. le rapporteur. Je suis d’accord avec le principe, mais un peu moins enthousiaste qu’au sujet du précédent amendement. Vous proposez de conditionner le financement public d’établissements et de services médico-sociaux privés à but lucratif à « une recherche raisonnable du bénéfice », conformément aux valeurs de l’économie sociale et solidaire. Je suis favorable, sur le fond, à la définanciarisation et à l’endiguement de la recherche de bénéfices à tout prix, c’est-à-dire à une logique capitaliste dans ce secteur. Mais je ne suis pas sûr de savoir ce qu’est une « recherche raisonnable du bénéfice ». C’est plutôt le bénéfice qui devrait rester raisonnable. Je crains aussi que l’établissement d’un seuil, de 1, 2 ou 3 % peut-être, incite les opérateurs qui seraient en deçà à s’aligner vers le haut, ce qui transformerait le plafond en plancher. Selon moi, le secteur privé lucratif ne devrait tout simplement pas exister dans ce domaine, car il me paraît incompatible avec un accompagnement de qualité des usagers. Néanmoins, je ne m’opposerai pas à l’adoption de cet amendement et je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Thibault Bazin (DR). Vous nous dites que le secteur lucratif ne devrait pas exister.
M. le rapporteur. Je parlais des activités lucratives dans ce domaine, ce qui est différent.
M. Thibault Bazin (DR). Nous avons la chance que des solutions soient proposées aux familles qui en ont besoin et je remercie tous les acteurs, en particulier les salariés, qui y contribuent. Cela permet d’accueillir dans de bonnes conditions des personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie ainsi que de jeunes enfants.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous remercions également les salariés et toutes les personnes qui ont décidé de faire ce type de métier qui correspond, en réalité, à une vocation. Ceux que nous ne remercions pas, ce sont ceux qui dégagent des bénéfices immenses en profitant de situations dans lesquelles la collectivité devrait intervenir. Je vais dans le sens du rapporteur : ces activités ne devraient pas être lucratives, mais ce n’est pas parce qu’on s’oppose au privé qu’on ne soutient pas ceux qui y travaillent. Nous aimerions simplement qu’ils puissent exercer leur métier dans un cadre public.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AS99 de Mme Valérie Rossi et AS411 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)
M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement AS99 s’inscrit dans la continuité du combat mené par notre collègue Dominique Potier pour limiter les écarts de rémunération dans les entreprises. Nous demandons qu’ils ne puissent pas dépasser un rapport allant de 1 à 9 dans le champ médico-social.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Notre amendement de repli interdit le financement public des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et des établissements sociaux ou médico-sociaux dans lesquels les écarts de salaire dépassent un rapport allant de 1 à 9. Le scandale Orpea a révélé, en 2022, combien le modèle lucratif nuisait à la santé physique et mentale de leurs résidents. Ce groupe avait mis en place un système permettant de se servir de l’argent public pour faire des bénéfices sans que les résidents en voient la moindre trace dans leurs assiettes ni le personnel dans sa rémunération. La course à la rentabilité concerne aussi les crèches privées à but lucratif. Le financement complexe de ces structures encourage les établissements à accepter plus d’inscriptions qu’il n’y a de places, ce qui fait travailler les professionnels dans des conditions dégradées et met en danger les enfants. Nous défendons la fin du modèle lucratif dans les secteurs du grand âge et de la petite enfance, où la course à la rentabilité expose les publics accueillis à de la maltraitance institutionnelle malgré d’importants financements publics.
M. le rapporteur. Votre proposition conditionne le financement public au respect d’un ratio entre les salaires les plus bas et les revenus les plus élevés – y compris actionnariaux, ce qui est intéressant. Je suis favorable à la limitation des écarts de rémunération dans ce secteur et à sa définanciarisation. Il me semble que réduire la recherche de profits déraisonnables ne peut que contribuer au bien-être des personnes vulnérables. En outre, si la réduction des écarts se fait au bénéfice des rémunérations les plus faibles, cela ne pourra que favoriser les recrutements, nécessaires dans une branche dont on connaît le déficit d’attractivité à l’heure actuelle.
La commission adopte l’amendement AS99.
En conséquence, l’amendement AS411 tombe.
Amendements identiques AS1772 de M. Thibault Bazin et AS1312 de Mme Annie Vidal
M. Thibault Bazin (DR). Monsieur le rapporteur, mon amendement fait suite à notre audition conjointe de Départements de France. Il prolonge d’une année, jusqu’au 31 décembre 2027, l’expérimentation de la fusion des sections soins et dépendance au sein du budget des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Le bilan prévu six mois avant la fin de l’expérimentation pourra avoir lieu après une période suffisamment longue pour permettre une évaluation dans de bonnes conditions.
M. le rapporteur. Il me semble aussi qu’une durée d’un an et demi ne permettrait pas un bilan complet. Les premiers éléments disponibles montrent que les opérations se déroulent d’une manière convenable mais il faut aussi veiller à évaluer les effets de l’expérimentation sur la situation budgétaire des établissements à moyen terme, sur les finances départementales et sur la qualité de l’accompagnement des résidentes et résidents. Pour toutes ces raisons, avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS1773 de M. Hadrien Clouet
M. le rapporteur. Cet article est relatif à la compensation partielle de l’extension de la prime Ségur pour les départements. Mon amendement précise les modalités de répartition de l’enveloppe prévue de 85 millions d’euros. Il serait préférable de s’appuyer sur le nombre de personnes concernées par la revalorisation plutôt que sur le nombre de places dans les établissements, le taux d’encadrement n’étant pas le même partout.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS737 de M. Hadrien Clouet et AS790 de Mme Élise Leboucher
M. le rapporteur. Je propose que le Gouvernement remette un rapport au sujet des personnels qui ne bénéficient pas des revalorisations prévues lors du Ségur de la santé. Il devra faire état des mesures de compensation financière versées ou non par les autorités de tarification. Je pense en particulier au secteur associatif, qui a dû répercuter des revalorisations de salaire sans que les dotations versées suivent. Ce rapport permettra d’évaluer dans quelle mesure le Ségur de la santé a réellement été financé au cours des cinq dernières années et d’estimer l’influence du sous-financement, ou de l’absence de financement, constaté sur la situation des établissements et services concernés.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous demandons un rapport sur les personnels exclus du Ségur de la santé. Alors que le Gouvernement se targue d’avoir revalorisé le salaire de tous les soignants, aucun mois ne passe sans que nous soyons alertés sur le sous-financement ou le non-financement du Ségur. Il est temps de faire la lumière. Le rapport devra évaluer dans quelle mesure le Ségur de la santé a réellement été financé au cours des cinq dernières années et estimer l’impact du sous-financement constaté sur la situation économique et budgétaire des établissements et services concernés.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS613 de Mme Karen Erodi
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Le 1er avril 2025, 473 travailleurs sociaux de la Mutualité sociale agricole, soit 55 % d’entre eux, débrayaient. Ils avaient été exclus du bénéfice de la prime Ségur. Par cet amendement, nous demandons un rapport sur l’opportunité d’y rendre éligibles ces oubliés, qui ont été parmi les premiers mobilisés pendant la crise du covid‑19. Selon nous, ils devraient aussi avoir droit à la prime.
M. le rapporteur. Cet amendement aurait beaucoup de sens si les précédents n’avaient pas été adoptés. Le rapport que nous venons de demander couvre assez largement la question.
Le Ségur est effectivement un dispositif à trous. Certains n’en ont pas bénéficié, notamment les personnels associatifs, techniques et administratifs. Les compensations versées n’ont pas été à la hauteur dans le secteur associatif, ce qui a conduit à des plans de licenciement. Par ailleurs, les 85 millions d’euros prévus ne couvrent que la moitié des surcoûts. Tout cela plaide pour que les financements soient mis au niveau de ce qui a été promis aux salariés, afin de leur assurer une rémunération digne.
Vous avez raison sur le fond mais je vous invite à retirer cet amendement, que nous pourrions retravailler d’ici à la séance publique pour le combiner avec le précédent.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous sommes d’accord, monsieur le rapporteur, sur la nécessité d’une expropriation de tout ce qui a été volé aux travailleurs. Vous connaissez la méthode Alinsky – quand des gens s’engagent dans un combat et qu’ils font grève, par exemple, obtenir des victoires leur permet de s’inscrire dans la lutte à plus long terme. Puisque nous avons le même objectif, qui est d’abattre la société capitaliste, vous pourriez vous inspirer de cette démarche pour donner un avis favorable à notre amendement.
M. le rapporteur. Je maintiens ma position, mais je ne peux qu’encourager les luttes dont vous parlez.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 37 modifié.
Amendements de suppression AS738 de M. Hadrien Clouet, AS27 de Mme Sandrine Runel, AS791 de M. Damien Maudet, AS931 de M. François Ruffin, AS1048 de M. Yannick Monnet, AS1119 de Mme Camille Galliard-Minier, AS1324 de Mme Annie Vidal et AS1533 de Mme Christine Le Nabour
M. le rapporteur. Le dépôt de huit amendements de suppression témoigne de l’indignation provoquée, au sein de plusieurs groupes, par l’article 38, qui oblige à déduire des montants de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap les rentes d’invalidité versées par ailleurs. Je vous propose de rejeter de telles économies, qui seraient par ailleurs d’un faible niveau.
Tout d’abord, la récupération des rentes perçues repose sur une confusion délétère entre deux logiques différentes : celle des indemnités, versées par un assureur ou par l’auteur d’un dommage pour réparer un préjudice, et celle de prestations attribuées au titre de la solidarité nationale pour compenser un handicap ou une perte d’autonomie en réponse à un besoin. Par ailleurs, rien n’empêche, dès maintenant, les départements de tenir compte des travaux d’aménagement du logement ou du véhicule, par exemple, effectués grâce à l’indemnité réparant un dommage corporel. De même, si une assistance à tierce personne est prise en compte dans le calcul des dommages et intérêts, rien n’empêche les départements de la prendre en considération pour estimer les besoins d’assistance du bénéficiaire.
Ce que cet article tend à systématiser existe déjà dans de rares circonstances, dont on pourrait discuter la légitimité et qui ne gagneraient pas à être généralisées. En effet, les présentes dispositions n’ont pas d’autre objet que des économies au détriment de personnes qui font partie des plus précaires et qui pourtant verront leurs revenus baisser. En outre, il incombera à ces personnes de déclarer aux services départementaux les indemnités qu’elles perçoivent au titre de la réparation d’un dommage, ce qui nous fait entrer, en réalité, dans une logique de non-accès ou de non-recours aux droits par la multiplication d’obstacles administratifs qui s’ajouteront aux difficultés déjà rencontrées.
Je souhaite la suppression de cet article, qui conduirait à paupériser certains foyers comptant déjà parmi les plus vulnérables de notre pays.
Mme Sandrine Runel (SOC). Il faut supprimer cet article, illustration des horreurs que contient le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le recul des droits qui nous est proposé ne repose sur aucun fondement. Il va de soi que nous ne soutiendrons pas cette réforme tout à fait injuste et hasardeuse.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je défends l’amendement AS931. Cet article est vraiment indigne. Il tape sur les plus précaires, les personnes en situation de handicap, en mélangeant des questions qui n’ont pas à être mélangées, comme l’a bien expliqué le rapporteur. Les allocations et prestations de compensation du handicap ne relèvent pas du même registre que les indemnités financières versées dans le cadre d’un préjudice. Au lieu de faire des soustractions, il faudrait revaloriser l’ensemble des prestations.
Mme Elsa Faucillon (GDR). L’amendement AS1048 est défendu.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Sans aller jusqu’à parler d’horreurs ou d’indignité, je propose également de supprimer cet article. Nous pouvons nous rejoindre sur le fait que les montants en question correspondent à deux logiques différentes, celle de la réparation et celle de la compensation. Néanmoins, un fonds d’indemnisation peut déduire du montant qu’il verse celui de la prestation de compensation du handicap. On peut contester une telle logique, mais elle est déjà suivie et le présent article vise à l’étendre s’agissant des sommes versées par les assureurs. Nous demandons la suppression de cette mesure car elle n’a pas été discutée avec les associations. Il convient d’examiner les conséquences qu’elle pourrait entraîner pour ceux qui perçoivent la prestation de compensation du handicap.
Mme Annie Vidal (EPR). Je précise simplement que le même dispositif s’applique en ce qui concerne l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Pour le reste, je suis totalement d’accord avec Mme Galliard-Minier.
Mme Christine Le Nabour (EPR). Je rappelle, pour ma part, que les personnes percevant une rente à vie à la suite d’un accident du travail, par exemple, gagnent deux fois le salaire minimum. Je défendrai toujours les personnes handicapées, mais il ne faut pas lier la question du handicap à celle de la précarité financière. J’ai été personnellement concernée, à travers mon père. Quand vous touchez une rente viagère, vous bénéficiez de tous les droits possibles – vous pouvez ainsi percevoir une bourse quand vous êtes étudiant – et vous ne payez plus rien, à commencer par l’impôt sur le revenu.
Ce que je veux dire par là, c’est que la solidarité nationale est là pour circonvenir la précarité, mais qu’il n’est pas certain que toutes les personnes qui perçoivent des rentes compensant un préjudice soient dans la précarité. Quand vous touchez une rente à la suite d’un accident du travail, vous bénéficiez d’un accompagnement financier en fonction du nombre d’actes pour lesquels vous avez besoin d’être aidé par une tierce personne.
M. Thibault Bazin (DR). Monsieur le rapporteur, vous avez raison : il faut distinguer la compensation et la réparation, qui renvoient à des questions différentes. Cet article, si je comprends bien, est issu d’une demande de Départements de France et il ne concernera que peu de cas. Il aura donc un impact budgétaire limité. Je pense qu’il faudrait réécrire ces dispositions car le véritable objectif est de faire en sorte que les départements soient informés de ce qui est couvert ou non, de manière à ce qu’il n’y ait pas de doublon. L’idée n’est pas de pénaliser qui que ce soit. La rédaction actuelle manque donc sa cible. L’enjeu, en réalité, est que les personnes soient bien prises en charge, qu’elles aient une compensation pour ce qui doit être compensé et qu’on soit informé de ce qu’elles perçoivent par ailleurs au même titre. Si ce n’est pas au même titre, en revanche, il n’y a pas lieu de baisser les montants versés.
M. Christophe Bentz (RN). Nous avons lu et relu cet article, et beaucoup hésité. J’entends, monsieur Bazin, que peu de cas seraient concernés. Mais c’est d’abord une question de principe. Je pense à cet égard qu’il faudrait réécrire, en partie ou totalement, ces dispositions qui peuvent concerner des personnes en situation de fragilité ou de vulnérabilité.
Monsieur le rapporteur Clouet, vous m’avez convaincu sur un point, qui est le dispositif prévu à l’alinéa 9 : « Il appartient au bénéficiaire d’informer le département de toute indemnisation reçue en réparation d’un dommage corporel et de toute modification de son montant. » Je le dis comme je le pense : c’est moralement inacceptable.
M. Philippe Vigier (Dem). Les réponses apportées sont variables selon les départements, pour une raison connue de tous, qui est le partage des compétences, tant en matière de handicap que de prise en charge de nos aînés. S’agissant de ces derniers, une récupération sur succession est demandée dans certains départements mais pas dans d’autres. Il serait bon de s’interroger sur la façon dont nous pourrions le plus possible harmoniser les choses. Il existe de vraies distorsions et la réparation mise en œuvre ne correspond pas toujours à ce que l’on pourrait souhaiter.
M. Yannick Monnet (GDR). Ne cherchez pas à faire des économies sur la prestation de compensation du handicap et l’allocation personnalisée d’autonomie. C’est incroyable ! L’État ne respecte même pas la loi votée en 2005. Le critère d’âge pour la prestation de compensation du handicap devait être supprimé, mais cela n’a toujours pas été fait parce que cela coûterait trop cher. La prestation de compensation du handicap et l’allocation personnalisée d’autonomie ne réparent pas un préjudice : elles correspondent à une situation, à un état, ce qui est fondamentalement différent. Nous voterons la suppression de cet article.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 38 est supprimé et les amendements AS1094 de M. Charles Fournier, AS115 de Mme Sandrine Runel, AS145 de Mme Sylvie Bonnet et AS1458 de M. Charles Fournier tombent.
Amendement de suppression AS1061 de M. Yannick Monnet
M. Yannick Monnet (GDR). Malgré l’annonce louable d’une amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles, cet article, que nous proposons de supprimer, ne répond pas aux difficultés des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles et néglige l’origine des défaillances du système actuel. Dans un avis récent, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a recommandé d’actualiser plusieurs tableaux de maladies professionnelles et d’en créer de nouveaux afin de mieux tenir compte de l’évolution des connaissances scientifiques.
M. Gaëtan Dussausaye, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Je partage évidemment l’idée qu’il faut mettre à jour certains tableaux de maladies professionnelles, comme l’a recommandé l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail en décembre 2024. Plusieurs d’entre eux n’ont pas évolué depuis plus de vingt ans, ce qui pose beaucoup de problèmes. L’exposé sommaire de votre amendement évoque ainsi les troubles musculosquelettiques. L’état actuel des tableaux contribue, par ailleurs, à la sous-déclaration des maladies professionnelles, notamment dans ce domaine.
Néanmoins, je ne suis pas certain que la suppression de l’intégralité de l’article 39 aide à résoudre les difficultés. Nous devons faciliter la révision des tableaux, ce que le présent article permettra précisément de faire. Je vous invite donc à retirer l’amendement, à défaut de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. Didier Le Gac (EPR). Je suis du même avis que le rapporteur : cet article est perfectible mais ne doit pas être supprimé. Je suis d’ailleurs favorable aux amendements de suppression de l’alinéa 4, déposés par différents groupes.
L’article 39 applique la recommandation de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et de la commission d’évaluation de la sous‑déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Il propose un assouplissement des conditions requises pour la reconnaissance de l’origine professionnelle des pathologies grâce aux tableaux de maladies professionnelles. Cette mesure a pour but de résoudre plusieurs dysfonctionnements des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, en particulier l’allongement des délais de traitement en raison de l’augmentation du nombre de dossiers. Alors que les dossiers simples seront directement traités par les médecins-conseils de l’assurance maladie, les comités régionaux pourront se consacrer aux affaires les plus complexes.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS373 de Mme Élise Leboucher
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement supprime le renvoi à un décret en Conseil d’État pour déterminer les modalités générales d’établissement du diagnostic d’une maladie désignée dans le tableau des maladies professionnelles. Passer par le Conseil d’État ne donne aucune visibilité sur la qualité des décisions prises.
M. le rapporteur. Non seulement le décret en Conseil d’État permettrait d’agir plus rapidement, mais il serait éclairé par les avis de la Haute Autorité de santé. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Renvoyer la détermination d’une maladie professionnelle à un décret du Conseil d’État présente un risque : en se référant au seul avis de la Haute Autorité de santé, les membres du Conseil d’État seront privés de celui du Conseil d’orientation des conditions de travail. Un avis collégial est nécessaire pour compléter le tableau des maladies professionnelles.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS75 de Mme Marie-Charlotte Garin
Mme Julie Laernoes (EcoS). L’amendement intègre la dimension du sexe dans les modalités générales d’établissement du diagnostic des maladies professionnelles. Les tableaux recensent essentiellement des maladies professionnelles touchant les métiers masculins, notamment du bâtiment. En matière de métiers pénibles, femmes et hommes occupent souvent des emplois différents. Les femmes travaillent beaucoup dans les secteurs du soin, de la propreté, de l’aide à domicile, de la coiffure ou de l’agroalimentaire. Elles sont exposées à des substances chimiques, biologiques et physiques – on l’a vu dans le cas des fleuristes. En conséquence, les maladies professionnelles qui les touchent sont diagnostiquées tardivement.
M. le rapporteur. Je suis sensible aux disparités entre les femmes et les hommes en matière d’activité professionnelle, notamment s’agissant de la pénibilité du travail. La surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel en est un exemple. Toutefois, votre amendement est satisfait : pour reconnaître une maladie professionnelle, la situation d’un individu est qualifiée à partir d’un taux médical et d’un taux socio-professionnel.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Non seulement les accidents du travail dans les métiers dits féminins ont doublé, mais ils ne font l’objet d’aucune campagne de prévention de la part du ministère du travail ou de la Caisse nationale de l’assurance maladie. Disposer de données par sexe leur donnerait une plus grande visibilité.
Cet amendement est nécessaire pour améliorer l’égalité entre femmes et hommes, pour mieux prendre en considération les maladies professionnelles et les accidents du travail.
Mme Julie Laernoes (EcoS). Il est essentiel de faire apparaître cette dimension en tant que telle parce que les maladies touchant les femmes sont moins bien reconnues, moins bien diagnostiquées et donc moins indemnisées. C’est une inégalité supplémentaire dont les femmes sont victimes.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS375 de Mme Ségolène Amiot, AS869 de Mme Céline Thiébault-Martinez, AS933 de M. François Ruffin, AS1463 de Mme Josiane Corneloup et AS1596 de M. Yannick Monnet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer le remplacement de l’avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles par celui d’un médecin-conseil pour une partie des maladies professionnelles. Un tel changement présente des risques trop importants. En matière de maladies professionnelles, il n’y a pas de dossiers simples puisque chaque cas est individuel. De plus, le tableau des maladies professionnelles est obsolète : il ne tient pas compte des métiers pénibles exercés par des femmes.
Les comités régionaux sont déjà stricts en matière de reconnaissance des maladies professionnelles. Faire peser cette décision sur une seule personne nous semble trop léger. De plus, pour libérer du temps supplémentaire à ces comités – l’argument avancé pour justifier cette mesure –, il serait plus efficace de revoir le tableau des maladies professionnelles.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). En effet, renvoyer ces décisions aux médecins-conseils, qui n’ont pas suivi une formation adéquate, est problématique. Depuis peu, ils ont pour supérieur hiérarchique le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie, ce qui réduit leur autonomie. Dans ce contexte et compte tenu également de la pression économique pesant sur les acteurs chargés des politiques publiques – notamment les caisses primaires –, je crains qu’à terme, les décisions des médecins-conseils soient plus comptables que médicales.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je défends l’amendement AS933.
L’alinéa 4 fait croire qu’il y aurait d’un côté des dossiers simples et de l’autre des dossiers complexes. Il suffirait de transmettre les premiers aux médecins-conseils pour désengorger les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Mais les médecins-conseils n’ont pas une connaissance fine des conditions d’exposition en milieu professionnel. De plus, ils sont sous la hiérarchie de la caisse primaire d’assurance maladie : les considérations comptables risquent de l’emporter sur les exigences médicales. Pour désengorger les comités régionaux sans dégrader le droit à la réparation des assurés, il est nécessaire de réactualiser le tableau des maladies professionnelles complètement obsolète, puisqu’il ne prend pas en considération la situation des femmes et ne tient pas compte de nombreuses évolutions scientifiques.
Mme Josiane Corneloup (DR). Cette réforme du dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles, qui prévoit de confier à un collège de deux médecins-conseils les dossiers dits simples, pose problème. J’entends le double objectif de simplification et de réduction des délais, qui est louable, mais les médecins-conseils ne seront pas toujours en mesure de prendre des décisions compte tenu de leur méconnaissance des conditions d’exposition. Il est préférable de mettre à jour la liste des maladies professionnelles.
M. le rapporteur. Un consensus semble émerger quant à la nécessité de mettre à jour certains tableaux des maladies professionnelles. Cependant, cela n’empêche en rien un travail de simplification de la reconnaissance des maladies professionnelles.
L’alinéa 4 propose de charger des médecins-conseils de la reconnaissance des maladies professionnelles dites hors tableau, parallèlement à la procédure normale de reconnaissance des maladies professionnelles. La Cour des comptes, dans un rapport de 2024, indique que le délai moyen de reconnaissance des maladies professionnelles hors tableau et de réparation est de 207 jours, ce qui est problématique. En outre, sans modification de la façon de procéder, on prend le risque de se soumettre à la variabilité des rejets des demandes par les caisses primaires d’assurance maladie.
L’objectif de l’alinéa 4 consiste à simplifier et à fluidifier les procédures afin de réduire le délai de reconnaissance des maladies professionnelles. En dégageant du temps aux comités régionaux, on leur donne les moyens d’instruire les demandes les plus complexes, comme celles relatives aux troubles psychosociaux.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles ne se réunissent pas selon la même fréquence dans toutes les régions, comme le précise le rapport de la Cour des comptes évoqué. Peut-être faudrait-il les rappeler à l’ordre pour qu’ils se réunissent plus souvent, ce qui réduirait les délais d’examen ? Compléter le tableau des maladies professionnelles serait une autre manière de gagner du temps.
De nombreuses maladies professionnelles, pourtant dûment documentées, ne sont pas reconnues telles dans les tableaux. C’est une source de perte de temps. De plus, se ranger à l’avis d’une seule personne présente des risques. On constate déjà une diminution des reconnaissances des maladies professionnelles.
Mme Joëlle Mélin (RN). La reconnaissance d’une maladie professionnelle à partir du tableau est effectuée sur la base d’informations strictement médicales. Il s’agit de vérifier l’existence de la pathologie telle qu’elle est définie dans le tableau. Cette reconnaissance doit également tenir compte d’un délai d’apparition de la pathologie, qui permet de légitimement la rattacher à une profession exercée antérieurement – parfois plusieurs décennies auparavant, comme dans le cas des pathologies liées à l’amiante. Il faut ensuite établir une relation de cause à effet, c’est-à-dire une imputabilité. Il est donc impossible de supprimer la dimension médicale de la reconnaissance d’une maladie professionnelle.
La commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l’article 39 modifié.
Amendement AS497 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement vise à réparer une injustice. Lorsqu’un salarié meurt au travail, la Caisse nationale de l’assurance maladie participe aux frais d’obsèques à hauteur de 1 963 euros. Or, suivant les régions, ces frais varient de 4 000 euros à 4 500 euros. Mais mourir au travail ne s’anticipe pas, surtout lorsque les salariés sont jeunes. Ayons une pensée pour les familles qui se battent pour faire reconnaître qu’il n’est pas normal de mourir au travail, en particulier à 20 ans.
Nous proposons que les employeurs soient tenus de participer aux frais d’obsèques en cas d’accident mortel du travail.
M. le rapporteur. Votre amendement aborde deux sujets différents. Tout d’abord, la réforme de la prise en charge du coût des obsèques nécessiterait une large réflexion collective. Ensuite, dans le cas spécifique d’un accident du travail, vous souhaitez imposer à l’employeur la prise en charge intégrale du coût des obsèques, voire lui imputer la responsabilité et la culpabilité de l’accident. J’y suis opposé.
La branche AT‑MP est déjà financée à plus de 94 % par les employeurs. Cependant, je suis d’accord pour insister sur la prévention, comme d’autres collègues l’ont proposé, parce que la meilleure des solutions consiste à améliorer les conditions de travail et à éviter l’usure provoquée par les activités professionnelles.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Lorsqu’un accident de travail survient, l’employeur est responsable, qu’il ait ou non appliqué des mesures de protection. Parce que le salarié est à son service, l’employeur a nécessairement une part de responsabilité. Lorsqu’un salarié meurt au travail, il ne semble pas démesuré d’imposer à l’employeur la prise en charge des frais réels de ses obsèques. Nous défendrons tout à l’heure un amendement imposant aux employeurs la souscription d’une assurance spécifique pour couvrir les frais relatifs aux accidents du travail, mortels ou non.
M. Philippe Vigier (Dem). Je ne peux pas laisser dire qu’un employeur est systématiquement responsable d’un accident du travail. L’employeur a une obligation de formation de ses salariés, mais chacun d’entre eux demeure responsable de ses propres gestes. Lorsque leur responsabilité est établie, les employeurs doivent verser une réparation, mais ils ne sont pas responsables quoi qu’il se passe. Vous ne pouvez les stigmatiser ainsi.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS378 de M. Hadrien Clouet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement a pour objectif la remise d’un rapport d’évaluation du taux de non-recours, par les ayants droit, au capital décès proposé par la sécurité sociale. Quel que soit le sujet, le non-recours est malheureusement très répandu.
M. le rapporteur. Il est toujours intéressant d’avoir des informations et des données fiables. Je m’en remets à la sagesse de la commission.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Beaucoup de nos concitoyens ignorent que la sécurité sociale verse un capital décès forfaitaire. Il n’est pas versé automatiquement et doit être demandé dans un certain délai ; il est attribué selon un système de priorités.
Le groupe La France insoumise a déposé une proposition de loi visant à créer un remboursement des frais d’obsèques et funéraires par la sécurité sociale. À cette occasion, nous avons eu des difficultés à déterminer le montant total versé au titre de ce capital décès et le nombre de personnes qui en ont bénéficié. Disposer de ces informations permettrait à la sécurité sociale d’être plus efficace en matière de capital décès.
M. Philippe Vigier (Dem). Je soutiens cette demande. En tant que député, j’ai eu connaissance de recours que des familles ont eu toutes les peines du monde à faire aboutir. Nous devons comprendre la complexité de ces démarches afin de résoudre les difficultés rencontrées par nos concitoyens.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 40 modifié.
Amendement AS493 de M. Hadrien Clouet
M. le rapporteur. Cet amendement impose aux employeurs la souscription d’une assurance contre les conséquences d’une faute inexcusable. Je suis surpris qu’il ait été déposé par votre groupe, puisqu’il aurait pour conséquence le transfert d’un pan de l’indemnisation des AT‑MP à des assurances privées. Or ce transfert n’aurait pas la même incidence en fonction de la taille des entreprises : les très petites, petites et moyennes entreprises, en particulier, risqueraient de se trouver captives du marché des assurances, ce qui entraînerait une augmentation sensible de leurs frais. Avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Le temps d’examen des causes des accidents du travail relève de la responsabilité des employeurs. Il est parfois très long, au point qu’il arrive que les entreprises ferment avant la fin de la procédure, quand cette fermeture n’est pas une stratégie de l’employeur pour ne pas être tenu responsable. En tout état de cause, pendant cette période, c’est la collectivité qui assume l’indemnisation des victimes. Recourir à une assurance permettrait de garantir que la caisse primaire d’assurance maladie récupère les fonds pour la branche AT‑MP.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de quinze heures trente à seize heures.
Amendement AS379 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous demandons un rapport évaluant l’efficacité des dispositifs de recouvrement en cas d’impayés de pension alimentaire. Depuis janvier 2023, l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires a été automatisée, ce qui a réduit le nombre de pensions alimentaires non versées. Néanmoins, 20 % des pensions, soit une sur cinq, restent impayées.
Pour les pensions fixées avant 2023, il incombe au parent créancier – très majoritairement les mères – de demander le recouvrement, ce qui fait peser une charge mentale et provoque un taux de non-recours important. Je vous laisse imaginer les conséquences sur les mères, et plus encore sur les besoins des enfants, du non-paiement et du non-recouvrement de la pension alimentaire due.
Mme Anne Bergantz, rapporteure pour la branche famille. Je me réjouis que l’article 41 ait suscité si peu d’amendements : c’est un bel article, qui met en conformité le paiement direct par l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires avec le délai légal de prescription applicable aux créances alimentaires, qui est de cinq ans. Ce dispositif est important pour les parents créanciers, majoritairement des mères, puisque 30 % à 40 % des pensions alimentaires demeurent non versées ou partiellement versées.
L’Agence existe depuis 2020 et a été réformée en 2023, avec la systématisation de l’intermédiation. Nous disposons de certaines données, telles que le nombre de recouvrements, de réussites et d’intermédiations. Toutefois, vous évoquez également les situations datant d’avant 2023, notamment le non-recours à l’intermédiation qui peut résulter de pressions exercées par les pères. Cette demande est légitime. Mais il me semble qu’elle pourrait être plus efficacement traitée par les parlementaires au cours du Printemps social de l’évaluation.
Demande de retrait, sinon avis défavorable.
M. Jérôme Guedj (SOC). Permettez-moi de rappeler quelques faits : l’Agence de recouvrement et d’intermédiation des pensions alimentaires a été créée le 1er janvier 2017 par Najat Vallaud-Belkacem et soutenue ensuite par Laurence Rossignol. En 2020, ses missions ont été amplifiées.
M. Philippe Vigier (Dem). Je souscris à l’avis de la rapporteure : il me paraît plus pertinent que cette évaluation ait lieu au cours du Printemps de l’évaluation.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 41 non modifié.
Amendement de suppression AS71 de Mme Marie-Charlotte Garin
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous retirons cet amendement.
L’amendement est retiré.
Amendement AS1774 de M. Thibault Bazin
M. Thibault Bazin (DR). L’article 42 était attendu depuis longtemps et la création de ce congé supplémentaire de naissance va dans le bon sens. Il y a tant à faire en matière de politique familiale !
Cet amendement ouvre la possibilité de prendre ce congé à temps partiel. Il s’agit de rendre le dispositif plus souple et plus modulable, pour qu’il s’adapte au mieux aux attentes et aux besoins des familles. Cesser toute activité professionnelle pourrait constituer un obstacle et réduire le recours à ce dispositif, pour des raisons de finances ou de carrière. En outre, le temps partiel peut constituer une transition douce des congés de maternité et de paternité vers le retour au travail. Ceci permettrait un recours plus large.
Mme la rapporteure. Je vous sais attaché à la flexibilité du dispositif. Le congé supplémentaire de naissance est proposé au père et à la mère pour une durée d’un ou deux mois. C’est un droit individuel, qui peut être pris en alternance ou simultanément. En le transformant en un congé à la carte, votre amendement présente le risque d’en réduire l’intérêt.
Du point de vue de l’enfant, ce congé présente l’intérêt de rendre le parent totalement disponible. Ce n’est du tout la même chose que d’être disponible à temps partiel. De plus, il est déjà possible de demander à son employeur de travailler à temps partiel pendant un temps.
Il s’agit de permettre aux parents d’être pleinement présents auprès de leur enfant dans une période décisive pour son bien-être, sa santé et son développement social, cognitif et affectif. Je vous renvoie aux conclusions du rapport sur les 1000 premiers jours. C’est pourquoi je ne souhaite pas autoriser le temps partiel pendant le congé de naissance, ni pour le père ni pour la mère.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je commence à me perdre dans tous ces dispositifs. On me dit qu’il y en aurait cinq ! Ne serait-il pas judicieux d’apporter un peu de clarté et de simplification ?
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Une fois n’est pas coutume, le groupe Socialistes et apparentés soutient un amendement de Thibault Bazin, avec lequel j’ai récemment mené une mission d’information sur les congés parentaux. Apporter de la souplesse à ce dispositif permettrait à un couple accueillant un enfant de s’adapter au mieux, de prendre le temps de s’en occuper sans perte de chance au niveau professionnel. Vous connaissez les effets de la maternité sur les carrières des femmes : prendre ce congé à temps partiel serait pour elles un moyen de ne pas trop s’éloigner de leur environnement professionnel.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). J’entends l’intention, louable, qui sous‑tend cet amendement. Mais l’objectif du congé supplémentaire de naissance est précisément de permettre à chacun des parents de profiter pleinement des premiers mois de vie de l’enfant. Par pleinement, il faut entendre la totalité du temps.
Cet objectif est facilité par une rémunération largement revalorisée : elle correspond à 70 % des revenus le premier mois et à 60 % le second. Enfin, ce congé peut être pris alternativement pour couvrir les six premiers mois de l’enfant. Il faut permettre aux parents d’utiliser pleinement ce nouveau droit très attendu. Autoriser son usage à mi-temps lui ferait perdre une partie de son intérêt.
Mme la rapporteure. Le système est complexe car il y a un congé de maternité, un congé de naissance de trois jours pour le père, un congé de paternité, un congé supplémentaire de naissance et la prestation partagée d’éducation de l’enfant, sans parler du congé d’adoption. Il serait opportun de rendre le système plus lisible d’autant que les régimes d’indemnisation sont également divers. Ainsi, l’indemnité varie entre le premier et le deuxième mois. Cette complexité m’a incitée à déposer un amendement supprimant la dégressivité, bien entendu déclaré irrecevable.
Toutefois, cette question n’est pas celle de l’article 42. Il représente une avancée pour les femmes, même si je ne méconnais pas les difficultés. Je reste défavorable à l’amendement car la disponibilité auprès de l’enfant est essentielle. Si vous ouvrez la possibilité d’un congé à temps partiel, la mère aura tendance à le privilégier. Cette mesure compliquera la conciliation de la vie privée et familiale avec la vie professionnelle. Elle réduira l’égalité entre les hommes et les femmes.
La commission adopte l’amendement.
Amendements AS752 et AS753 de Mme Angélique Ranc.
M. Christophe Bentz (RN). Ils ont été retirés.
Amendement AS1775 de M. Thibault Bazin et amendements identiques AS28 de Mme Céline Thiébault-Martinez et AS568 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)
M. Thibault Bazin (DR). Avec Céline Thiébault-Martinez, nous avons auditionné de nombreuses personnes au cours de notre mission d’information car il y a beaucoup à faire pour améliorer les dispositifs existants pendant les 1000 premiers jours de l’enfant. La demande de flexibilité et d’adaptation du congé supplémentaire de naissance est forte. De récents sondages ont montré que les parents entendaient s’organiser librement pendant cette période.
L’impossibilité de fractionner le mois ou les deux mois de congé supplémentaire pourrait réduire le recours à ce dispositif. Plus il sera souple et modulable, plus les parents seront incités à y recourir, en particulier les pères. À la suite de l’allongement du congé de paternité en 2021, les données disponibles montrent que 20 % des pères choisissent de fractionner leur congé, mais que très peu d’entre eux y ont recours. Le fractionnement permettrait de s’adapter aux contraintes professionnelles et d’être plus présents auprès des enfants en diminuant le non-recours au congé supplémentaire de naissance.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Je souscris en partie aux propos de Thibault Bazin. Je suis toutefois opposée au renvoi à un décret de la définition du fractionnement, instruite par l’attente, qui dure maintenant depuis presque deux ans, du décret sur la précarité menstruelle. En effet, les femmes ne peuvent toujours pas bénéficier de cette mesure de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Pour que la loi fixe le fractionnement, je propose d’ouvrir la faculté de fractionner le congé supplémentaire de naissance par périodes d’une semaine.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Notre amendement AS568 est identique à celui de Mme Thiébault-Martinez : nous souhaitons que ce soit la loi qui fixe les conditions du fractionnement, qui est indispensable pour faciliter l’accès des pères à ce congé.
Mme la rapporteure. Je comprends votre argument selon lequel plus le congé supplémentaire de naissance sera flexible, plus les parents, notamment les pères, seront incités à y recourir. Le congé de paternité est déjà fractionnable.
Je m’oppose à vos amendements car le fractionnement par périodes d’une semaine ne semble pas le meilleur moyen d’encourager les pères à s’impliquer auprès des nourrissons. Une telle mesure nuirait à l’évolution du rôle du parent auxiliaire. Les pères prendraient des bouts de congé de naissance – une semaine par-ci, une autre par-là – sans s’investir davantage auprès des enfants. En outre, pour des raisons techniques, ceci compliquerait le versement de l’indemnité.
En revanche, je ne suis pas opposée à un fractionnement par périodes d’un mois. Je ne rejette pas le fractionnement des deux mois, mais il doit être limité pour ne pas créer un congé à la carte, qui dénaturerait totalement l’objet du dispositif.
Je suis donc défavorable aux trois amendements.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Le fractionnement d’une semaine n’emporte aucune complexité technique insurmontable. Cette commission adopte tous les ans des modalités tarifaires et des contributions diverses sur à peu près toutes les prestations du système d’assurance maladie. Or, l’ensemble des organismes de sécurité sociale et les complémentaires se révèlent toujours capables de les appliquer. Il est tout à fait possible de déployer un système dans lequel le remboursement des indemnités journalières se ferait semaine par semaine avec un délai d’information de la sécurité sociale.
M. Yannick Monnet (GDR). Je ne suis pas favorable aux amendements. La souplesse du mi-temps est envisageable car la disponibilité excède la seule dimension temporelle. Elle recèle des aspects psychologiques et moraux. En revanche, un congé parental doit s’inscrire dans un projet. Ce n’est pas un congé payé supplémentaire. Certains parents peuvent refuser de le prendre car il n’entre pas dans leur projet de vie.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS1783 de Mme Anne Bergantz
Mme la rapporteure. L’amendement revient sur la possibilité pour les deux parents de recourir simultanément au congé supplémentaire de naissance, en précisant que l’exercice de ce droit se fait de manière alternée.
La faculté pour les parents de se trouver conjointement aux côtés de l’enfant est déjà ouverte pour une période maximale d’un mois, pendant les congés de maternité et de paternité. À l’issue de ces congés, il semble important que le congé supplémentaire de naissance soit pris en alternance et non simultanément, afin que chaque parent soit avec son enfant. Le fait d’être seul avec l’enfant garantit que les pères ne jouent pas le rôle de parent auxiliaire, à côté des mères qui effectueraient l’essentiel des soins et des tâches ménagères. La prise conjointe du congé ne me semble pas aller dans le sens de l’égalité entre hommes et femmes.
En favorisant la garde parentale pendant quatre mois supplémentaires, soit deux mois maximum pour chaque parent à l’issue des congés de maternité et de paternité, le congé supplémentaire de naissance vise également à alléger la tension sur l’offre d’accueil du jeune enfant. Dans l’hypothèse d’un congé pris simultanément, l’effet sur cette offre serait plus limité, avec un coût important.
M. Philippe Vigier (Dem). En écho aux propos de Yannick Monnet, l’essentiel à mes yeux est d’avoir un projet de vie. L’objectif est d’organiser l’arrivée de l’enfant et de l’accompagner le plus possible. Si le congé supplémentaire de naissance est pris successivement par les parents et non simultanément, l’enfant passera plus de temps avec eux au cours de ses premières semaines de vie, dont on sait à quel point elles sont essentielles.
M. Thibault Bazin (DR). Je crois beaucoup à la liberté de choisir : certaines familles peuvent ressentir le besoin de recourir simultanément, pendant certaines périodes, au congé supplémentaire. Cette configuration peut apporter un peu de répit aux parents car il arrive qu’ils ne puissent pas être constamment avec le bébé pour diverses raisons. Voilà pourquoi je m’oppose à cet amendement, facteur de rigidité.
Mme la rapporteure. Les congés de maternité et de paternité offrent déjà la possibilité d’un congé simultané. Le congé supplémentaire de naissance du père peut également être pris pendant le congé de maternité, puisqu’il s’agit d’un droit individuel. Il est donc possible d’avoir presque deux mois de congé simultanés. Pour le reste, il me semble opportun de prévoir la faculté d’une prise de congé alternée entre les deux parents. N’oublions pas la dimension relative à l’égalité entre les hommes et les femmes !
La commission rejette l’amendement.
Amendements AS100 de Mme Céline Thiébault-Martinez et amendements identiques AS29 de Mme Céline Thiébault-Martinez et AS 638 de Mme Marie-Charlotte Garin (discussion commune)
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’objectif est le suivant : si l’un des deux parents ne prend pas une partie de son congé supplémentaire, la durée du congé de l’autre parent est réduite à due concurrence. Il s’agit de responsabiliser les deux parents pour qu’ils s’occupent tous les deux de l’enfant après sa naissance. La rapporteure a évoqué l’écart entre le congé de maternité et celui de paternité : je rappelle que celui-ci ne comporte que sept jours obligatoires. En moyenne, les hommes prennent 23 jours de congé ; les femmes prennent 128 jours. C’est la raison pour laquelle, nous proposons par l’amendement AS100 que le congé supplémentaire de naissance soit d’une durée égale pour les deux parents.
Quant à l’amendement AS29, il instaure un quota minimum de semaines prises par chaque parent, sous peine de les perdre. Là encore, le but est de garantir que le congé soit effectivement partagé entre les hommes et les femmes.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement AS638 cale le dispositif sur les systèmes en vigueur dans le Nord de l’Europe, en prévoyant une part non transférable du congé entre les parents, afin d’inciter les pères à prendre leur part du congé.
Mme la rapporteure. L’adoption de l’amendement AS100 empêcherait un parent seul de prendre un congé supplémentaire de naissance : j’y suis défavorable.
Quant aux amendements identiques, ils sous-entendent qu’une partie du congé serait transférable d’un parent à l’autre. Or, ce n’est pas le cas. Le congé de naissance n’est pas un congé de quatre mois à partager entre les parents. Il s’agit d’un congé individuel d’un ou deux mois par parent. L’introduction d’une condition de partage entre les parents reproduirait les effets contre-productifs de la prestation partagée d’éducation de l’enfant : comparaison n’est pas raison car les niveaux d’indemnisation sont différents, mais le congé de naissance répond à une demande des jeunes parents qui souhaitent rester plus longtemps auprès de leur enfant. Je ne souhaite pas que la durée du congé soit enserrée dans une contrainte trop forte.
Madame Rousseau, vous avez évoqué les congés parentaux dans les pays du Nord de l’Europe : la structuration de leur politique familiale est différente de la nôtre, et paritaire depuis longtemps. La politique française, elle, repose sur un triple soutien : monétaire, fiscal avec le quotient familial, et d’accueil du jeune enfant en crèche, même si le nombre de places est insuffisant. En Suède, aucun enfant n’est accueilli dans une structure avant l’âge de 1 an : cela change forcément la perspective des congés parentaux.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Il y a toujours un problème lorsqu’une mesure doit être imposée aux hommes alors que les femmes n’ont pas le choix. Le droit du travail dispose que tous les salariés ont droit à vingt-cinq jours de congés : hommes ou femmes, presque tous les salariés prennent tous leurs jours de congés. L’obligation présente un avantage : l’employeur, qu’il embauche un homme ou une femme, sait qu’il devra lui accorder ces vingt-cinq jours. Si le congé supplémentaire de naissance est obligatoire pour les hommes et pour les femmes, il n’y aura plus d’inégalité entre eux sur ce point-là. Il s’agit d’une mesure d’égalité, surtout sur le plan professionnel, entre les femmes et les hommes.
M. Fabien Di Filippo (DR). Le risque des amendements est de réduire le congé que prendront les femmes. Plusieurs facteurs, biologiques notamment, entrent en ligne de compte après un accouchement : la situation n’est pas identique pour les deux parents. La natalité diminue car la vie s’organise différemment, les contraintes professionnelles évoluent. Dans ce contexte, il y a besoin de souplesse dans les couples. Le rôle des pères est de plus en plus important : peut-être qu’un jour, les tâches seront réparties autrement. Il ne faut pas forcer les choses ni imposer un carcan en pensant que ce serait à nous de décider la façon dont les gens doivent vivre.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS380 de M. Damien Maudet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par cet amendement, nous souhaitons que les parents bénéficient, à l’issue de leur congé supplémentaire de naissance, d’un entretien professionnel. Cette rencontre aurait pour but de faire le point sur les évolutions qu’ils auraient manquées pendant leur absence et de redéfinir une trajectoire, puisque l’arrivée d’un enfant peut modifier la perception du travail et les objectifs de carrière.
Mme la rapporteure. Votre amendement est satisfait.
Le nouvel article L. 1225‑46‑7 du code du travail prévoit que le salarié, au retour du congé, a droit à un entretien professionnel. En outre, l’article L. 6315‑1 du même code dispose que l’entretien professionnel est proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue d’un congé supplémentaire de naissance. La rédaction ne laisse aucun choix à l’employeur mais offre une possibilité au salarié. Le tout me semble tout à fait équilibré.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’article 42 modifié.
Amendement AS431 de M. Hadrien Clouet.
Mme Ségolène Amiot (LFI‑NFP). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1436 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Il s’agit d’un amendement important, dont l’objet est de contribuer au rétablissement des repères nécessaires à la préservation et à l’avenir de notre système social. Nous souhaitons conditionner, pour les étrangers, le bénéfice de certaines prestations sociales à la double condition de trois années de présence légale et de contribution en France. Cette mesure traduit notre attachement au fait que les personnes rejoignant notre pays doivent en épouser totalement les valeurs et participer à son développement économique. Sont concernées l’aide personnalisée au logement et certaines prestations non contributives.
Mme la rapporteure. Le code de la sécurité sociale prévoit déjà une condition de résidence stable et régulière. Je ne suis pas fermée à un débat sur la durée minimale de résidence ouvrant le bénéfice des prestations sociales en général, à condition de discuter dans le cadre constitutionnel et de rechercher une solution équilibrée.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel montre que l’exclusion totale du bénéfice des prestations sur le seul critère de la nationalité s’apparente à une discrimination. Elle est donc inconstitutionnelle. En revanche, le Conseil admet qu’une durée minimale de résidence puisse être exigée dès lors qu’elle est proportionnée. C’est d’ailleurs le cas pour certaines prestations comme le revenu de solidarité active – cinq ans de séjour requis – ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées – dix ans de séjour nécessaires. Tout l’enjeu est de savoir quelle durée peut être considérée proportionnée. Dans une décision du 11 avril 2024, le Conseil a considéré qu’un délai de cinq ans de résidence ou de trente mois d’affiliation à un régime de sécurité sociale était trop long et disproportionné.
Le Sénat a adopté en mars une proposition de loi visant à instaurer une condition de durée de résidence pour le versement de certaines prestations sociales, fixée à deux ans pour les étrangers non ressortissants de l’Union européenne, à l’exception des réfugiés, des bénéficiaires de la protection subsidiaire, des apatrides, des étrangers titulaires de la carte de résident et des étrangers justifiant d’une affiliation au titre d’une activité professionnelle – dans ce texte, les personnes qui travaillent ne sont pas soumises à la condition de durée de résidence. Nous ignorons si le Conseil constitutionnel considèrerait le dispositif proportionné.
Le conditionnement du bénéfice des prestations familiales à une durée de résidence de deux ans ou à l’exercice d’une activité professionnelle me paraît plus équilibré que votre amendement. La portée de la proposition de loi sénatoriale comme celle de votre proposition seraient considérablement réduites par les clauses d’égalité de traitement contenues dans plusieurs traités et conventions bilatérales : à ce titre, toute condition de durée de résidence minimale ne serait pas applicable avec les nombreux pays avec laquelle la France a signé une convention, notamment les pays du Maghreb, la Turquie, le Liban et de nombreux pays d’Afrique subsaharienne et d’Amérique du Sud.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.
M. Fabien Di Filippo (DR). Vous dites qu’un délai de cinq ans ne serait pas raisonnable. Celui de mon amendement est fixé à trois ans. Il me semble entrer dans la définition de la durée raisonnable. Toutefois, il faudra un jour traiter plus largement cette question.
M. Sacha Houlié (SOC). M. Di Filippo mériterait une nouvelle leçon du Conseil constitutionnel, qui l’a déjà renvoyé dans ses cordes en janvier 2024 puis trois mois plus tard. Il constaterait de façon certaine la disproportion de l’amendement.
Sur le plan philosophique, je suis en désaccord avec la rapporteure. Ces aides obéissent à un principe d’universalité, qui exclut toute condition de régularité. En outre, les travailleurs étrangers portent à bout de bras presque tous les secteurs abritant des métiers en tension, qu’il s’agisse du bâtiment ou de la restauration. Les infirmiers et les aides-soignants sont également concernés, eux qui se trouvent en situation irrégulière car les préfectures mettent du temps à produire les récépissés de séjour : ils ne pourraient percevoir aucune prestation, ni pour eux ni pour leurs enfants. Il est indigne et indécent d’avoir ce type de débat.
Mme la rapporteure. Monsieur Di Filippo, la proposition de loi sénatoriale exclut toute condition de durée de résidence pour les personnes qui cotisent.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1151 de M. Laurent Wauquiez
Mme Justine Gruet (DR). Sans esprit polémique et dans la lignée de l’amendement précédent, nous souhaitons par cet amendement rendre plus juste l’accès à notre système social en instaurant une condition de résidence stable de trois ans pour obtenir le versement des prestations familiales. Certaines allocations sont exclues du dispositif. L’objectif est de réorienter le bénéfice de la politique familiale vers les contribuables qui cotisent. La condition de cotisation peut remplacer celle de la durée de résidence dans notre discussion, car il importe que celui qui contribue bénéficie et non l’inverse.
Mme la rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je n’attends plus rien de la Droite Républicaine. Mais je suis déçu de la réponse de la rapporteure, qui n’est vraiment pas à la hauteur du sujet. Ce type d’amendement ne sanctionne pas seulement les parents mais également les enfants : il est logique que l’ensemble de la famille soit touché par des dispositions qui concernent la branche du même nom.
Quel est le principe de la République, vous qui avez la prétention de qualifier votre droite de républicaine ? Il repose sur la conviction selon laquelle le logement, l’éducation et le soin sont des droits humains. Madame la rapporteure, vous ne pouvez pas donner une réponse uniquement technique : vous devez prendre des positions politiques sur le fondement de la sécurité sociale. En l’occurrence, vous n’êtes pas à la hauteur.
M. Thibault Bazin (DR). La rapporteure a apporté une réponse de nature pas seulement technique, mais aussi politique. L’instauration de conditions d’obtention des prestations ne dévoie pas notre système. Tous les autres pays le font et imposent un cadre parfois moins généreux que le nôtre. Débattre de ces conditions pour que le système ne soit pas perverti est profondément républicain.
Nous allons retravailler nos amendements pour trouver la bonne rédaction. Votre position consistant à dire qu’il n’y a aucun problème est démagogique. Notre système de protection sociale repose sur des régimes de conditions : si tel n’était pas le cas, il risquerait d’être profondément fragilisé.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1184 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
M. François Gernigon (HOR). Dans la continuité de la proposition de loi du groupe Horizons & Apparentés sur le sujet, le présent amendement réforme le régime des allocations familiales en prévoyant que, lorsqu’un enfant est confié à un autre membre de la famille, à un tiers digne de confiance ou à un organisme tel que le service départemental de l’aide sociale à l’enfance, les allocations continuent d’être évaluées en tenant compte à la fois des enfants présents au foyer et des enfants confiés.
La part des allocations familiales due à la famille pour cet enfant est versée à ce tiers afin de répondre à ses besoins matériels. Toutefois, l’amendement prévoit que le juge puisse décider, sur saisine du président du conseil départemental, de maintenir le versement à la famille, non plus lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant, mais seulement lorsqu’il est établi que le tiers auprès duquel l’enfant a été confié n’en assure pas exclusivement la charge matérielle.
Mme la rapporteure. Mon avis est favorable, mais je rappellerai quelques difficultés de mise en œuvre. En effet, les allocations familiales ne sont pas versées dès le premier enfant. Quand les familles n’ont qu’un enfant et qu’il est placé, il n’y aura donc pas de reversement au tiers ou au service. Le calcul sera aussi compliqué au deuxième et au troisième enfant, si seuls un enfant sur deux ou deux enfants sur trois sont placés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS893 de Mme Justine Gruet
Mme Justine Gruet (DR). Il est important de redonner du sens aux allocations familiales, qui sont un soutien à la parentalité et non une aide sociale. L’idée est de recentrer le dispositif pour que les ménages qui ne perçoivent aucune ressource issue du travail ne puissent bénéficier du supplément d’allocation familiale versé à partir du troisième enfant. En effet, avoir des enfants est un choix personnel et responsable, qui implique de subvenir à leurs besoins essentiels et de leur offrir un cadre stable. La solidarité nationale doit continuer à protéger les familles, mais elle ne peut se substituer durablement à la responsabilité individuelle.
Cette réforme ne remet pas en cause le principe de solidarité. La société continue de soutenir les familles tout en réaffirmant que la décision d’agrandir un foyer doit aller de pair avec la volonté et la capacité d’en assumer les conséquences économiques. Bien sûr, la mesure prévoit des exceptions pour les situations d’incapacité, d’invalidité ou de proche aidance, afin de ne pas pénaliser les familles confrontées à des circonstances qui rendent impossible toute activité professionnelle.
Mme la rapporteure. Je suis défavorable.
Les écueils sont importants ; par exemple, une mère au foyer dans un couple qui se sépare pourrait se retrouver sans allocations pour son troisième enfant. Je pense que ce n’est pas possible.
Je vois quand même un intérêt à votre réflexion, sur la courbe parabolique de l’organisation de notre système socio-fiscal. Les familles avec un double revenu, pas modestes mais de classe moyenne, sont dans le creux : elles ne gagnent pas assez pour bénéficier du quotient familial mais trop pour les prestations familiales. Il faut travailler à une remise à plat des allocations familiales.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Selon la philosophie de cet amendement, une mère seule avec des enfants ne pourrait plus recevoir d’allocations familiales si elle n’a pas de travail. Vous proposez donc une révolution totale de notre système : renoncer à son fondement universaliste pour, en plus, toucher encore une fois les mères seules avec des enfants. Bravo !
Mme Justine Gruet (DR). Ce n’est pas la droite, mais la gauche qui a mis fin à l’universalité des allocations familiales. Dans l’exposé des motifs, je précise qu’en cas d’impossibilité de travailler, les allocations sont maintenues.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Comment détermine-t-on cette impossibilité ?
Mme Justine Gruet (DR). En l’absence de mode de garde, qui peut être compliqué pour des femmes célibataires. (Exclamations.)
On peut toujours caricaturer. Je trouve parfois irresponsable, à partir de trois enfants, qu’il n’y ait aucune source de revenus au sein du foyer. L’idée est d’en avoir au moins une. En cas d’accident de la vie, la société est bien faite et accompagne les gens. (Nouvelles exclamations.) L’idée est de redonner du sens aux allocations familiales, qui sont un soutien à la parentalité. Inutile d’élever la voix ! Arrêtez donc d’essayer de crier toujours plus fort que les autres !
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1056 de M. Sébastien Peytavie
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cet amendement limite la logique d’optimisation des coûts dans les crèches pour qu’il y ait un prix plancher du berceau, pour s’assurer que même dans les entreprises à but lucratif, les conditions d’accueil des enfants sont dignes et décentes.
Mme la rapporteure. Un marché public comporte deux parties et il appartient à la collectivité de choisir le poids de chaque critère, dont le prix. Je partage le constat de fortes dérives concernant la course aux prix bas. D’un côté, des collectivités ont été tentées par des réponses moins-disantes ; de l’autre, des comportements prédateurs ont conduit à des prix anormalement bas – parfois 3 500 euros le berceau, ce qui est impossible à tenir sur le plan de la qualité.
Je ne pense pas que nous améliorerons la qualité d’accueil en sous-finançant les crèches, alors que la prestation de service unique est déjà décriée. Il faut commencer par le commencement, déterminer le coût annuel d’une place en crèche de qualité en tenant compte de la localisation géographique de la structure, puis réformer le financement. Ce sont les collectivités qui ont la responsabilité de leur marché.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). J’ai présidé une commission d’enquête sur le modèle économique et la qualité d’accueil en crèche. Je vous invite à lire son rapport. Le coût du berceau chez les opérateurs privés est en moyenne de 20 000 euros ; il est moins élevé chez les opérateurs publics. Vous faites une confusion sur les 3 500 euros, qui correspondent au prix de réservation de la place, non au prix de revient. Au reste, plus de la moitié de ceux qui réservent des places auprès d’entreprises privées sont des acteurs publics. Il s’agit donc d’un coupe-file : certaines administrations achètent le droit d’avoir une place pour leurs employés.
Il est certain qu’il faut réviser la prestation de service unique. C’est un combat à mener. Mais un tel amendement m’étonne de la part du groupe écologiste car il risque d’entraîner une sélection par l’argent dont, à la fin, les victimes seront les familles.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). On ne cesse d’appeler à réformer la prestation de service unique, comme d’ailleurs les ministres successifs. En vérité, la réforme ne sera pas faite si l’Assemblée nationale ne la propose pas. J’adorerais que notre commission travaille sur ce sujet. Nous nous arrachons les cheveux pour trouver des solutions.
Les collectivités ne devraient pas s’occuper du service public de la petite enfance. Elles font comme elles peuvent avec leurs budgets, en cherchant à réduire les coûts. C’est une situation dont profite le secteur privé. Le projet de loi de finances prévoit en outre la baisse des dotations. Je plaide pour que l’État organise un service public de 0 à 18 ans.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS426 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Rapporteur de la branche famille pour le précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’avais demandé à la Caisse nationale des allocations familiales pourquoi elle maintenait la prestation de service unique malgré les critiques. Sa réponse : un graphique comptable figurant les économies réalisées et ajoutait que la prestation de service unique répondait ainsi à ses objectifs. Comme les auditions l’ont montré, ils sont purement comptables.
Nombre de ministres ont tenté, sans y parvenir, de réformer la prestation de service unique, car la Caisse nationale des allocations familiales y met une extrême mauvaise volonté. C’est pourquoi cet amendement vise à montrer que l’Assemblée nationale veut réformer et le fera si la Caisse ne s’en charge pas. Si nous ne nous saisissons pas de la souffrance des personnels, des bébés et des parents, personne ne le fera. Votez cet amendement !
Mme la rapporteure. Nous nous accordons tous sur la nécessité d’une réforme de la prestation de service unique. En revanche, je ne pense pas qu’elle se fera par le biais d’un amendement car il faut engager une réflexion sur une évolution structurelle, pas au doigt mouillé. Je suis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Depuis que la prestation de service unique existe, tous les ministres de la famille ont demandé à la Caisse nationale des allocations familiales de la réformer. Aucun n’a obtenu de réforme structurelle parce que la Caisse ne le veut pas. Notre commission et vous, en tant que rapporteure, nous devons prendre les choses en main. Cet amendement est une première pierre en vue de cette réforme structurelle.
M. Thibault Bazin (DR). Vous avez raison : la prestation de service unique doit évoluer et le retour à la demi-journée doit être testé. En revanche, l’État ne peut pas l’expérimenter dans cinq départements, en raison de la convention d’objectifs et de gestion passée entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales et des dispositifs d’une complexité sans nom entre la Caisse nationale et les caisses d’allocations familiales. Si l’on bascule en forfait demi-journée, que fait-on des bonus qualité, handicap, territoire – dans les quartiers prioritaires de la ville ou dans les zones qui ont besoin ?
Je meurs d’envie de voter votre amendement, mais je crains qu’il ne se retourne contre nos territoires et leurs acteurs. Je vous demande donc de le retirer, sans quoi nous voterons contre, et de le retravailler en séance.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS433 de Mme Ségolène Amiot
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Parmi les objectifs de la branche famille figure un objectif de natalité, que je plaide pour retirer d’urgence. Il est surprenant que la droite qui, d’habitude, n’aime pas les dépenses veuille absolument poursuivre dès lors qu’il s’agit des allocations familiales. Pour nous, elles visent un objectif non de natalité, mais d’égalité. Le fait qu’elles ne soient pas versées dès le premier enfant est une injustice, créée pour une politique nataliste qui ne fonctionne pas. Nous voulons une véritable universalité, avec des allocations pour chaque enfant.
Mme la rapporteure. J’ai eu du mal à comprendre le cheminement qui vous a conduit à cette demande de rapport. Les prestations familiales ne répondent pas à une volonté de réarmement démographique, mais à l’objectif de la branche familiale : l’accompagnement des familles qui ont des enfants ou qui en désirent.
Vous demandez un rapport sur la mise en place d’allocations familiales réellement universelles, versées dès le premier enfant et financées par une réforme du quotient familial. J’avais déposé une proposition de loi en ce sens, examinée en commission. De nombreux rapports existant sur le sujet, en demander un énième ne permettrait pas d’avancer davantage. Il faut travailler collectivement à un dispositif, sur lequel nous aurons des points de rencontre comme de divergence. Je vous demande de retirer votre amendement, sans quoi je donnerai un avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il s’agit d’un amendement d’appel puisque, lors de votre dernière niche parlementaire, vous aviez justement suggéré le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Nous répétons cet appel à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais la situation n’avance pas. Nous avions évoqué ensemble la possibilité d’un groupe de travail, que nous pourrions organiser avec l’aide du président de la commission. Quoi qu’il en soit, cet amendement permet de mener la nécessaire bataille culturelle et parlementaire. Mme la rapporteure, venez nous aider sur la barricade parlementaire pour cette grande victoire populaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS385 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet amendement propose d’étudier la possibilité de remplacer le congé paternité par un congé d’accueil de l’enfant dont la durée, les modalités d’indemnisation et les obligations incombant à l’employeur seraient identiques à celle du congé maternité. Ce congé d’accueil permettrait de lutter contre la discrimination à l’embauche et favoriserait l’égalité professionnelle, tout en renouvelant les modèles de parentalité, conformément aux aspirations de nombre de femmes et d’hommes.
Le coût d’être mère entraîne un cercle vicieux : les femmes sont les premières à interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper de l’enfant, à perdre en salaire puis à être celle des deux parents qui assume les sacrifices professionnels – congé parental, congé enfant malade, temps partiel.
De plus, remplacer les actuels congés maternels et paternels inégalitaires par un congé d’accueil de l’enfant identique pour les deux parents permettrait de créer des droits pour toutes les familles, sans discriminations liées au sexe des parents ni à leur statut matrimonial. Cette proposition sort à la fois des stéréotypes de genre et des représentations patriarcales hétérocentrées de la famille.
Mme la rapporteure. Votre amendement est une demande de rapport sur le remplacement du congé de paternité par un congé de l’accueil de l’enfant d’une durée identique à celle du congé maternité. Cette réflexion sera en effet nécessaire. Au reste, certains pays limitrophes, comme l’Espagne, ont déjà passé le cap. Je déplore que nous ayons cinq dispositifs différents qui se superposent, ce qui les rend illisibles et donc moins utilisés par les parents. C’est la raison pour laquelle la prestation partagée d’éducation de l’enfant a par exemple été peu demandée par les pères.
Je vous demande cependant de retirer votre amendement. Nous disposons déjà du rapport sur les congés parentaux de Thibault Bazin et Céline Thiébault-Martinez comme du rapport de la mission d’information de la délégation aux droits des femmes sur l’accompagnement à la parentalité de Sarah Legrain et Delphine Lingemann. Ce sont maintenant les décisions qu’il faudrait prendre.
La commission rejette l’amendement.
Amendement de suppression AS387 de M. Damien Maudet
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). La France insoumise ne dévie pas de sa position et reste fermement opposée à la retraite à 64 ans, comme 93 % des actifs. Nous demandons la suppression de cet article 43, qui met en conformité le dispositif emploi-retraite avec la réforme des retraites de 2023 et, par extension, contribue à l’avaliser.
L’objectif de cet article est clair : limiter les incitations à un départ précoce afin de dégager des économies pour le système de retraite. Il prévoit donc un écrêtement pouvant atteindre 100 % de la pension en cas de reprise d’activité avant 64 ans. Derrière ce jargon technique, le message est clair : impossible de cumuler un salaire et une pension avant cet âge sans en perdre tout ou une partie. Le Gouvernement veut ainsi empêcher des personnes de partir trop tôt à la retraite.
Mme Sandrine Runel, rapporteure pour la branche vieillesse. Avis défavorable.
Je vous rejoins sur l’une des critiques adressées au système actuel du cumul emploi-retraite : il découragerait l’allongement des carrières. Cet argument ne suffit cependant pas à justifier une réforme. Le problème de son fonctionnement actuel est plus large et plus complexe. On pourrait penser que le cumul emploi-retraite touche les retraités modestes, aux carrières hachées, particulièrement les femmes contraintes de reprendre une activité.
Or, les données disponibles montrent une réalité différente : les règles bénéficient plutôt aux assurés à carrière complète. Selon les données de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, 15 % des retraités en cumul emploi-retraite seraient dans une situation de cumul plafonné et 85 % dans une situation de cumul intégral, qui nécessite un taux plein et concerne donc soit des personnes ayant tous leurs trimestres, soit celles ayant atteint l’âge de 67 ans. Ce dispositif bénéficie également à des hommes cadres. Selon les informations transmises par la Caisse sur les catégories d’assurés en cumul emploi-retraite, seuls 22 % d’entre eux correspondent à l’idée que nous avons du public cible de ce dispositif – des femmes qui vivent seules avec des pensions inférieures à 10 000 euros par an.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de dix-sept heures quinze à dix-sept heures quarante-cinq.
Amendement AS833 de M. Dominique Potier
Mme la rapporteure. Actuellement, les anciens exploitants agricoles ne peuvent cumuler leur retraite avec une activité relevant du régime des exploitants agricoles, sauf s’ils réduisent leur surface d’exploitation en dessous d’une superficie minimale d’assujettissement. Cet amendement propose d’étendre aux dirigeants assimilés salariés la condition selon laquelle le cumul emploi-retraite suppose la réduction de la surface d’exploitation. Il met donc fin à la distorsion sociale existante.
M. Thibault Bazin (DR). J’y suis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 43 non modifié.
Amendement AS498 de Mme Élise Leboucher
Mme Sandrine Runel, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement, qui reprend la proposition de loi déposée par notre collègue Émeline K/Bidi et adoptée par notre commission le 28 mai dernier. La récupération sur succession de l’allocation de solidarité aux personnes âgées représente un montant annuel de 100 millions d’euros, soit à peine 2 % des dépenses liées à ce dispositif.
D’autres raisons justifient l’adoption de cet amendement. D’abord, la suppression du remboursement sur succession aurait des avantages pour les caisses de retraite. De l’aveu même de leurs agents, les procédures de remboursement sont lourdes et ont un intérêt limité. Ensuite, cette suppression clarifierait la loi. Actuellement, les seuils à partir duquel l’allocation est récupérée sont indexés sur l’inflation en droit commun mais pas outre-mer. En outre, un dispositif de remboursement spécifique est prévu pour les agriculteurs. Enfin, la suppression du remboursement permettrait à notre système de solidarité de gagner en cohérence. L’obligation de remboursement avait déjà été supprimée pour l’allocation supplémentaire d’invalidité en 2020, à l’initiative du gouvernement d’Édouard Philippe.
M. Thibault Bazin (DR). Quel serait le coût de cette mesure ?
Mme la rapporteure. Il serait de 100 millions d’euros.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous soutenons cet amendement car récupérer sur l’héritage ce qui relève d’une allocation universelle est vraiment injuste.
M. Fabien Di Filippo (DR). N’oubliez pas que l’argent versé au titre de l’allocation de solidarité aux personnes âgées est celui de la solidarité nationale. Lorsqu’on a les moyens de subvenir soi-même à ses besoins, il n’y a pas de raison de profiter sans limites du soutien public. Sinon, tout le monde a intérêt à capitaliser au maximum, à cotiser le moins possible, puis à recevoir l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Ce n’est pas possible.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS420 de Mme Élise Leboucher
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Cet amendement limite le cumul des pensions de retraite des anciens élus. M. François Hollande reçoit 5 500 euros de retraite en tant qu’ancien chef de l’État, auxquels s’ajoutent 3 600 euros en tant qu’ancien magistrat de la Cour des comptes, sans compter les régimes auxquels il a cotisé en tant que ministre et député. Au total, il peut percevoir la somme plutôt confortable de 16 000 euros mensuels. Sachant qu’il a allongé la durée de cotisation et qu’il noue aujourd’hui des accords avec le Gouvernement pour voter la retraite à 64 ans tout en gelant les pensions et en augmentant le prix des mutuelles, nous serions plutôt d’avis qu’il prenne sa retraite – sans en percevoir trop ! Nous proposons donc de limiter à 8 000 euros la pension des anciens élus.
Mme la rapporteure. Je ne commenterai pas l’exemple choisi.
On peut comprendre l’intérêt de plafonner le montant total des pensions perçues par les personnes ayant exercé des mandats électifs. Néanmoins, le dispositif proposé comporte plusieurs malfaçons. D’abord, le renvoi à la pension de vieillesse mentionnée à l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale ne me paraît pas approprié, car cet article porte sur les conditions permettant aux assurés de bénéficier du taux plein même s’ils ne justifient pas du nombre de trimestres requis. Ensuite, vous n’intégrez pas les pensions servies par le régime des fonctionnaires ni par celui des exploitants agricoles : les anciens élus percevant ces pensions pourraient les cumuler intégralement.
Il me semble donc nécessaire de revoir cet amendement. Je vous demande de le retirer et j’émettrai, à défaut, un avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de dix-sept heures cinquante-cinq à dix-huit heures quinze.
Amendements de suppression AS1514 de Mme Sandrine Runel, AS1481 de M. Paul-André Colombani, AS1504 de M. Thomas Ménagé, AS1528 de M. Yannick Monnet, AS1629 de Mme Ségolène Amiot et AS1673 de Mme Sandrine Rousseau
Mme Sandrine Runel (SOC). Chaque article de ce projet de loi est une horreur, mais celui-ci est le Mozart de l’austérité ! Le gel des prestations sociales et des pensions est la mesure la plus régressive que l’on pouvait imaginer. Il frappera exclusivement les ménages des premiers déciles, c’est-à-dire les plus précaires, sans avoir aucun effet sur les plus riches. Pour une personne seule percevant le revenu de solidarité active, la perte atteindra 80 euros à l’année. Plutôt que des économies sur le dos des plus pauvres, nous vous avons proposé des mesures redistributives permettant de nouvelles recettes, comme la taxation du capital et des superprofits avec la taxe Zucman. Mais vous les avez refusées. Je crois que la suppression de l’article 44 fera l’unanimité.
M. Paul-André Colombani (LIOT). L’article 44 prévoit de geler ou de réduire la revalorisation de plusieurs prestations sociales et pensions de retraite sur la période 2026‑2030.
Pour l’année 2026, il prévoit de ne pas revaloriser un ensemble de prestations essentielles : pensions de retraite et d’invalidité, capital décès, prestations familiales, prestations d’autonomie, prestations de solidarité, aide d’urgence pour les victimes de violences conjugales, rentes AT‑MP, allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, rémunération des stagiaires de la formation professionnelle et allocation forfaitaire des contrats d’engagement jeune. L’article prévoit également le gel des plafonds de ressources pour certaines prestations familiales comme les allocations familiales, la prime de naissance ou d’adoption, le complément du libre choix de mode de garde, l’allocation de rentrée scolaire ou l’allocation forfaitaire en cas de décès. Ce gel pèserait directement sur le pouvoir d’achat des ménages, notamment des plus fragiles.
M. Thomas Ménagé (RN). Par l’amendement AS1504, notre groupe souhaite supprimer la désindexation des pensions de retraite et s’oppose à la vision du Gouvernement, qui consiste à faire payer aux Français les erreurs de tous les gouvernements depuis plus de quarante ans. Rappelons que si les pensions ont été indexées sur l’inflation en 2025, c’est uniquement parce que Michel Barnier, qui souhaitait lui aussi les désindexer, a été censuré par le Rassemblement national. Je suis donc étonné d’entendre des députés du groupe Droite Républicaine pousser des cris d’orfraie à ce sujet alors qu’ils ont refusé il y a quelques jours de censurer le gouvernement Lecornu, qui prévoit leur désindexation jusqu’en 2030 !
Si vous cherchez 4 milliards d’euros, il y a trois façons simples de les trouver avant de taper dans le porte-monnaie des Français ayant subi un accident de la vie ou celui des retraités : réservons les prestations sociales non contributives aux Français et aux étrangers ayant travaillé au moins cinq ans en France ; mettons fin aux accords de 1968 avec l’Algérie à la suite de la belle avancée réalisée hier grâce au Rassemblement national ; remplaçons l’aide médicale de l’État par une aide médicale d’urgence. Ces mesures permettraient d’économiser près de 18 milliards d’euros, soit quatre à cinq fois plus que ce que nous recherchons. Ayez le courage de les soutenir !
M. Yannick Monnet (GDR). Je vais vous surprendre : je suis satisfait que nous ayons ce débat budgétaire, qui aura eu le mérite de révéler les intentions de chacun. En l’espace d’une heure, nous sommes passés d’un hémicycle qui refuse de prendre le moindre centime aux ultra-riches à une commission où l’on veut geler les prestations sociales de ceux qui ont le moins. Cela rend cette dernière mesure d’autant moins acceptable. Plus généralement, nous rejetterons tout article du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui irait à l’encontre de la solidarité.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Cet article est le point culminant des horreurs de ce projet de loi. En le supprimant, nous pouvons soulager les plus de 13 millions de foyers qui subiront l’année blanche. Après huit ans de politique macroniste antisociale, votre bilan est un taux de pauvreté record et une souffrance au quotidien pour les Français. L’année blanche aggravera d’autant plus cette situation que l’inflation, les prix de l’énergie et les loyers augmentent. Les personnes en situation de handicap, déjà en grande précarité, verront leur niveau de vie baisser. Les familles monoparentales subiront le gel des allocations de rentrée scolaire et de soutien familial. Les retraités verront leurs pensions baisser jusqu’en 2030. Par l’amendement AS1629, nous demandons la suppression de cet article d’une violence sociale considérable.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cet article dit tout de la bataille que nous sommes en train de mener en commission et dans l’hémicycle. Le Gouvernement a la voix qui tremble lorsqu’il explique la main sur le cœur, avec des arguments fallacieux, qu’il ne faut pas prendre 1 euro aux plus riches. Il n’a jamais la main qui tremble, en revanche, lorsqu’il s’agit de prendre quelques euros aux plus pauvres, aux précaires ou aux malades. On l’a vu dès les premiers jours d’Emmanuel Macron au pouvoir : les 5 euros de baisse des aides personnelles au logement ont donné le ton des dix ans qui ont suivi.
C’est honteux. Un Français sur trois se prive de nourriture faute de moyens. Une partie de la France est en train de décrocher. Elle vit de débrouillardise, sans même 1 euro d’avance. Et c’est elle que l’on va solliciter ! Honte au Gouvernement d’avoir osé présenter cet article !
M. le rapporteur général. Nous voici à l’article fatidique : celui relatif au gel des prestations sociales et des pensions de retraite. Il ne faut pas être devin pour imaginer le sort que notre commission lui réservera. Je veux en rappeler les enjeux budgétaires, ce qui ne signifie pas que je le soutiens.
Il y a deux mesures principales. La première est le gel des prestations sociales, c’est‑à‑dire l’année blanche. Le champ en est très large puisque toutes les prestations sont concernées : revenu de solidarité active, prime d’activité, prestations familiales, allocation aux adultes handicapés, rentes AT‑MP et pensions de vieillesse. Ce gel devrait permettre des économies de 3,6 milliards d’euros sur les finances publiques dans leur ensemble, dont 2,7 milliards d’euros dans le seul champ des retraites. Au total, cela représente 2,5 milliards d’euros pour les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.
La seconde mesure est la sous-indexation pluriannuelle des pensions de retraite de 2027 à 2030. Vous ne l’avez pas évoquée, mais pour moi, elle pose aussi problème. Dans la version initiale du texte, elle devait être de 0,4 point par rapport à l’inflation. Mais, du fait de l’intégration de la suspension de la réforme des retraites négociée avec les socialistes et de son coût important en 2027 – estimé à 1,4 milliard d’euros à ce stade –, la lettre rectificative porte cette sous-indexation à 0,9 point. Avec une inflation à 1 %, les pensions augmenteraient ainsi de 0,1 %, contre 0,6 % dans la version initiale. Selon les prévisions du Gouvernement, qu’il faut prendre avec précaution, cette trajectoire induirait des économies de l’ordre de 6 milliards d’euros en 2029 par rapport à l’évolution tendancielle.
Depuis le début de l’examen en commission, nous avons dégradé la copie initiale. Alors que le déficit dépassait déjà 19 milliards d’euros après la partie recettes, la suppression de l’article 44 le porterait à plus de 21,5 milliards d’euros.
J’ai souvent évoqué l’importance de la solidarité intergénérationnelle. Avec des dépenses de 307,5 milliards d’euros prévues en 2026, les masses financières de la branche vieillesse sont un levier significatif pour réduire le déficit et les dépenses sociales. En l’absence de réforme de structure, la seule solution – mais aussi la pire – est l’année blanche.
Cela dit, il ne se dégage aucun consensus ou majorité pour maintenir cet article en l’état. Peut-être faudra-t-il envisager une solution de repli comme celles que proposent nos collègues du groupe Horizons et Annie Vidal dans leurs amendements à l’article ? Mais l’instauration d’un gel différencié se heurte à d’importantes questions : où mettre le seuil ? Qu’est-ce qu’une petite retraite ? Le compromis pourrait passer par un effort partagé mais moindre : une légère sous-indexation par rapport à l’inflation, comme prévu dans le régime de l’Agirc-Arrco – mais pour 2026 uniquement, sans quoi on ne peut plus parler d’année blanche.
Soucieux de ne pas trop dégrader la situation de nos finances sociales, je m’en remettrai à la sagesse de la commission.
La réunion est suspendue de dix-huit heures trente à dix-huit heures trente-cinq.
Mme Justine Gruet (DR). Monsieur Ménagé, nous ne souhaitions pas censurer d’emblée car nous accordons une importance toute particulière au travail parlementaire.
Cette année blanche n’est pas souhaitable pour les retraités. Nous l’avons toujours dit. En nous opposant à l’assistanat, nous souhaitons valoriser ceux qui travaillent et ceux qui ont travaillé. Nous dénonçons la suppression de la revalorisation des pensions en 2026 et leur sous-indexation les années suivantes, destinées à compenser la suspension de la réforme des retraites. En conséquence, nous avons déposé l’amendement AS1466, qui ne sera pas discuté si ces amendements de suppression sont adoptés.
Nous nous étions de même opposés à la surtaxe sur les contrats des complémentaires santé. Cette hausse a été écartée grâce à l’adoption d’un amendement de notre groupe.
Mme Annie Vidal (EPR). Cet article est extrêmement important. Je ne reviendrai pas sur les enjeux économiques, bien décrits par le rapporteur général. Ce budget n’est ni le vôtre ni le nôtre. Il a été conçu dans un contexte que chacun connaît. Nous sommes un certain nombre à nous être engagés pour l’améliorer et pour essayer de faire en sorte qu’il soit adopté. C’est la raison pour laquelle mon groupe souhaitait que l’on étudie les amendements modifiant cet article, que nous non plus ne trouvons pas satisfaisant.
Nous aurions voulu discuter de notre amendement qui prévoit d’exclure du gel les pensions dont le montant n’excède pas 80 % du salaire minimum. Ce débat aurait mérité d’être tenu, mais ce ne sera pas le cas. Il faut faire des propositions de compromis et aborder les différents sujets en considérant l’équilibre d’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment compte tenu de l’article 45 bis qui suspend la réforme des retraites.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Notre pays traverse une crise fiscale et sociale. Des milliardaires ne paient pas leur juste part d’impôts. Leur taux d’imposition est seulement de 26 % alors que celui des Français est en moyenne de 50 %. En période de dette, deux choix sont possibles : soit on décide de prendre à ceux qui ont beaucoup, soit on décide de continuer d’étrangler les Français. Actuellement, un tiers d’entre eux déclarent avoir du mal à se soigner et devoir sauter un repas par jour. Ils sont 22 % à être à découvert le 16 du mois. Le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté a augmenté de 14 points depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir. Pourtant, le Gouvernement choisit de les ponctionner. Il tape sur les retraités et ceux qui perçoivent l’allocation aux adultes handicapés ou les allocations familiales. Il serait pourtant simple et courageux d’aller chercher ceux qui ont beaucoup.
Les députés du Rassemblement national vont voter la suppression de cet article, donc de l’année blanche. Mais ce n’est pas cohérent s’ils refusent de prendre l’argent à ceux qui ont beaucoup. Vous avez choisi d’accompagner les macronistes en laissant tranquille les milliardaires et vous faites tout pour qu’ils puissent se justifier de frapper l’ensemble des Français !
Mme Elsa Faucillon (GDR). Mme Vidal a dit que ce projet n’était ni le nôtre ni le vôtre. Mais c’est bien celui que le Gouvernement a présenté.
Il a décidé de ne pas rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune, pourtant en rien inconstitutionnel, et de ne pas taxer les ultrariches. En revanche, il s’attaque aux prestations sociales en proposant de les geler. On parle de mères célibataires, parfois obligées de ne pas travailler ou aux petits salaires, de personnes licenciées dans le cadre des trop nombreux plans sociaux et de personnes en situation de handicap. Ce sont elles qui subiront les conséquences de ce budget.
Certains disent que les mesures proposées portent sur de petites sommes. Mais nous recevons tous dans nos permanences de gens pour qui perdre 10 euros par mois veut dire quelque chose. Il ne s’agit pas d’un yacht en moins, comme dans le cas de ceux que vous avez refusé de taxer en séance publique. Je parle d’avoir un repas ou non. Cela donne la mesure de l’importance de ces amendements.
M. Christophe Bentz (RN). Cet article est le plus injuste et le plus incompréhensible du texte. Il ne s’agit pas d’une sous-indexation mais bien d’une désindexation des pensions de retraite, des prestations sociales, des allocations familiales et de celles versées aux personnes handicapées.
C’est très clairement une ligne rouge pour le groupe Rassemblement national. Il y a un an, le gouvernement Barnier est tombé pour cette raison précise. Le gouvernement actuel attaque gravement le pouvoir d’achat. Lors de son audition, la ministre a déclaré qu’après tout il fallait bien faire des économies. Le Gouvernement a ainsi avoué qu’il voulait faire payer ses fautes budgétaires aux Français. Pour nous, c’est non !
Mme Sandrine Runel (SOC). Il n’y a aucun compromis possible sur cette année blanche et nous demandons évidemment la suppression de cet article. J’ai entendu le Premier ministre se référer à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen pour écarter la taxation des plus riches. Je considère pour ma part que cet article est contraire à tous les principes constitutionnels.
M. le rapporteur général. Lors de cette discussion, j’ai entendu dire qu’il conviendrait d’avoir une approche globale, en prenant en compte les mesures proposées tant par le projet de loi de financement de la sécurité sociale que par le projet de loi de finances. C’est l’une des grandes difficultés de l’exercice. Mais nous avons l’avantage d’en être au stade de l’examen en commission, en première lecture. Le parcours de ce texte sera encore long.
S’agissant des compromis à trouver, j’ai moi-même déposé des amendements de repli. Il faudra retravailler un certain nombre d’articles et nous avons envoyé des messages clairs à cet égard.
La quête d’un budget de la sécurité sociale acceptable doit nous rassembler. Nous avons dit ce dont nous ne voulions pas. Le plus dur reste à faire : dire ce qu’une majorité d’entre nous est prête à accepter. Le travail se poursuit.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 44 est supprimé et les amendements AS1630 de M. Hadrien Clouet, AS1584 et AS1585 de Mme Sandrine Rousseau, les amendements identiques AS1466 de M. Laurent Wauquiez et AS1631 de Mme Élise Leboucher, les amendements AS803 de M. Charles de Courson, AS1586 de Mme Sandrine Rousseau, AS1472 de M. François Gernigon, AS1729 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé, AS1587 et AS1588 de Mme Sandrine Rousseau, AS1554 de Mme Géraldine Bannier, AS1641 de Mme Annie Vidal, AS1635 de M. Jean-Hugues Ratenon, AS1632 de M. Damien Maudet, AS1589 de Mme Sandrine Rousseau, AS1714 de Mme Annie Vidal, AS1590 de Mme Marie-Charlotte Garin, AS1591 de Mme Sandrine Rousseau, les amendements identiques AS1583 de Mme Sandrine Rousseau et AS1633 de Mme Ségolène Amiot ainsi que l’amendement AS1636 de M. Jean-Hugues Ratenon tombent.
Amendement AS1654 de M. Sébastien Peytavie
Mme Danielle Simonnet (EcoS). En octobre 2023, l’allocation aux adultes handicapés a enfin été déconjugalisée. Cette réforme a permis de rendre cette prestation indépendante des revenus du conjoint, reconnaissant ainsi le droit fondamental à l’autonomie financière des personnes handicapées. C’est d’autant plus important pour les femmes.
Cet amendement propose de déconjugaliser l’allocation de solidarité aux personnes âgées – qui est un véritable filet de sécurité, permettant d’éviter que les personnes âgées ne basculent dans la grande pauvreté – et l’allocation supplémentaire d’invalidité.
M. le rapporteur général. Je fais partie de ceux qui avaient appelé à déconjugaliser l’allocation aux adultes handicapés et j’étais l’un des cosignataires des amendements qui ont permis d’y aboutir, ce qui a mis du temps. Mais il y a une différence fondamentale entre l’allocation aux adultes handicapés et l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
L’allocation aux adultes handicapés a perdu sa vocation de minimum social depuis que l’on fait abstraction des revenus du conjoint. Cela peut se justifier par la nature compensatoire de cette allocation et de la situation spécifique de nos concitoyens en situation de handicap. D’autres prestations, telles que la prestation de compensation du handicap, jouaient déjà un rôle de minimum social.
L’allocation de solidarité aux personnes âgées est d’une nature différente. Je m’interroge sur la pertinence de lui retirer son caractère de minimum social en l’octroyant sans considérer les revenus du foyer. En tout état de cause, je trouve dommage de demander un rapport au Gouvernement sur ce sujet, ce qui revient à lui déléguer une réflexion que nous pouvons mener au sein de cette commission.
Demande de retrait.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Cet amendement est essentiel pour une raison évidente : le mécanisme de calcul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées pénalise souvent les femmes, parce que l’on tient compte des revenus du foyer, donc du conjoint. La retraite de celui-ci étant fréquemment bien plus élevée que la leur, elles ne peuvent pas bénéficier de l’allocation.
Si l’on souhaite faire progresser l’émancipation des femmes à tout âge de la vie, y compris lorsqu’elles sont retraitées, la moindre des choses serait de leur permettre de bénéficier de cette allocation sans tenir compte du revenu de leur conjoint.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS397 de Mme Élise Leboucher
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Alors que la réforme Borne fait naufrage, je souhaite souligner un point. Les macronistes n’ont pas arrêté de dire cette réforme nécessaire et juste, notamment parce qu’elle permettait des avancées notables pour les petites retraites, particulièrement celles des femmes.
Avec cet article, les masques tombent. Après bientôt trois ans de bataille politique, le Gouvernement accepte de soumettre à la discussion des mesures concernant les femmes, ce qui prouve que la réforme n’était pas satisfaisante pour elles. Mais ce sont évidemment des mesures au rabais, qui ne prévoient rien pour les femmes aux carrières hachées et pour celles qui ont des métiers précaires et pénibles. Nous nous opposerons à cet article parce que nous voulons l’abrogation de la réforme des retraites, et rien d’autre.
Cet amendement insère dans le dispositif un titre qui met en évidence les conséquences de cet article, en particulier pour les femmes.
Mme Sandrine Runel, rapporteure. Avis défavorable à cet amendement d’appel car ce type de déclaration politique n’a pas sa place dans un article de loi.
En 2023, 29 % des bénéficiaires de l’ouverture de droit à retraite anticipée pour carrière longue étaient féminines. Votre amendement laisse entendre que seulement 3 % des femmes seraient concernées par la mesure proposée, mais elles sont en fait bien plus nombreuses.
Il va sans dire que je préfère un retour à la retraite à 62 ans. Mais les mesures qui figurent dans cet article sont malgré tout positives. Je rappelle que le montant moyen des pensions des femmes représentait seulement 77 % de celles des hommes en 2023.
La commission rejette les amendements.
Amendement AS398 de M. Damien Maudet
M. Louis Boyard (LFI-NFP). L’amendement prévoit un rapport évaluant les effets de cet article. Quoi qu’on pense de ce projet de loi, il reposait sur une forme d’équilibre puisque le gel des pensions prévu par l’article 44 et l’augmentation de la taxation sur les mutuelles étaient destinés à financer la suspension de la réforme des retraites – dont nous démontrerons qu’il s’agit d’une fausse suspension.
Madame la rapporteure, défendez-vous encore cette suspension alors que les deux mesures qui devaient la financer ont été supprimées ? Aucune taxation supplémentaire du capital ou suppression de niche fiscale n’a été adoptée lors de l’examen de ce projet de loi, ce qui signifie qu’aucun compromis n’a été fait dans cette commission. De même, il n’y en a eu aucun dans l’hémicycle sur le projet de loi de finances.
Mme la rapporteure. Demande de retrait.
Encore une fois, demander un rapport ne me paraît pas opportun car notre commission peut accomplir ce travail. En outre, vous proposez que le rapport soit remis par le Gouvernement dans un an. Ce délai est beaucoup trop court et nous aurons l’occasion de reparler de ce sujet à l’occasion de la campagne présidentielle en 2027.
Nous avons bien accru les recettes en discutant de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. En effet, nous avons adopté une augmentation de la contribution sociale généralisée sur les revenus du capital qui rapportera 2,7 milliards d’euros, ce qui permet de financer la suspension de la réforme des retraites en 2026 et 2027 – et même d’autres mesures.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 45 non modifié.
La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante-cinq à dix-neuf heures trente-cinq.
Présidence de Mme Annie Vidal, vice-présidente
Mme la présidente Annie Vidal. Je vous propose de lever la séance et de reprendre nos travaux ce soir.
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12. Réunion du vendredi 31 octobre 2025 à 21 heures 15 (article 45 bis à article 54)
La commission poursuit l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 (nos 1907 et 1999) (M. Thibault Bazin, rapporteur général ; M. Hadrien Clouet, Mme Anne Bergantz, Mme Sandrine Runel et M. Gaëtan Dussausaye, rapporteurs).
M. le président Frédéric Valletoux. Sur le vote de l’article, je suis saisi d’une demande de scrutin public par huit députés du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire.
Amendements de suppression AS1479 de M. Laurent Wauquiez et AS1728 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Mme Justine Gruet (DR). Notre système de retraite par répartition fait face à un défi démographique d’ampleur. Alors que la France comptait quatre actifs pour un retraité au début des années 1970, il n’y a plus que 1,7 cotisant par retraité, ratio qui tombera à 1,54 en 2045. Cette démographie défavorable entraîne une baisse des recettes issues du produit des cotisations des actifs.
Pour assurer l’avenir de notre système de retraite et les pensions de nos enfants, la question du financement est donc décisive. Or l’article 45 bis, introduit par lettre rectificative au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour répondre à une forme de chantage, suspend l’application de la réforme des retraites de 2023 et transfère la charge financière de cette suspension sur le reste à charge des patients, par l’augmentation du coût des mutuelles, et sur les retraités, par la baisse des pensions de retraite.
Il est totalement déraisonnable de proposer la suspension de la réforme de 2023 sans dessiner des pistes de financement sérieuses. Au bout du compte, ce sont toujours les mêmes qui paient : la France qui travaille ou qui a travaillé toute sa vie. L’avenir de notre régime par répartition est compromis. Ne faisons pas croire aux Français qu’ils ne devront pas travailler plus.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Mon amendement vise à rétablir la clarté, la sincérité et la crédibilité de notre politique des retraites. On ne peut pas bâtir un compromis sans dire la vérité. Annoncer la suspension de la réforme comme s’il s’agissait d’une issue politique, alors que les fondamentaux démographiques n’ont pas changé, crée une illusion dangereuse.
Les faits sont simples : notre système par répartition s’est construit alors qu’il y avait plus de quatre cotisants pour un retraité ; désormais, c’est moins de 1,8. Depuis quarante ans, tous les gouvernements ont ajusté les paramètres pour préserver l’équilibre et la justice entre générations ; la réforme de 2023, qui est loin d’être parfaite, correspond à cette réalité arithmétique. Dans un pays très endetté, promettre une suspension revient à reporter la facture, qu’il faudra bien que quelqu’un paie tôt ou tard.
L’annonce de la suspension de la réforme brouille les règles du jeu, car elle affaiblit la prévisibilité pour les assurés et les employeurs. Elle déstabilise les trajectoires individuelles de départ, crée une loterie de millésimes au sein desquels des cohortes pourtant proches se verront appliquer des règles différentes et brise ainsi la lisibilité nécessaire à un droit social solide. Enfin, faire cette annonce alors que nous demandons à la nation un effort durable d’activité, de formation et d’emploi des seniors rend les signaux économiques contradictoires. Un système de retraite tient par sa prévisibilité et sa crédibilité. Changer de cap au gré des séquences politiques détruit ces fondements.
Mme Sandrine Runel, rapporteure pour la branche vieillesse. Nous voici enfin à l’article relatif à la suspension de la réforme des retraites, intégré au PLFSS dans des conditions rocambolesques, et vous voulez déjà le supprimer !
Dans sa déclaration de politique générale du 14 octobre dernier, le Premier ministre a pris l’engagement solennel, devant la représentation nationale, de suspendre la réforme. Il a précisé : « Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028. » Le PLFSS, qui avait pourtant été déposé le matin même, ne comportait pas cette disposition. C’est donc sous la pression politique et syndicale que le Gouvernement a déposé une lettre rectificative, procédure rare s’agissant d’un texte financier, afin d’intégrer l’article dont nous discutons.
Il gèle l’âge de départ à la retraite à son niveau actuel, c’est-à-dire 62 ans et 9 mois, pour la génération née en 1964. Certes, le calendrier reprendrait son cours à partir de la génération née en 1965, à raison de trois mois par génération. Néanmoins, cela permettra de réduire d’un trimestre l’âge de départ de toutes les générations, y compris celle née en 1968 : ce n’est pas rien. L’article gèle également à son niveau actuel, c’est-à-dire 170 trimestres, la durée d’assurance requise pour un départ à taux plein. Cela permettra d’améliorer la pension de retraite des assurés des générations nées en 1964 et en 1965.
C’est une avancée et une première victoire. Toutefois, ce n’est qu’une étape, car l’article ne matérialise pas complètement l’engagement du Premier ministre. D’une part, le gel ne s’appliquerait pas aux carrières longues ni aux assurés de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte ; d’autre part, l’engagement de geler la réforme jusqu’au 1er janvier 2028 imposerait de permettre un départ à 62 ans et 9 mois, y compris pour les assurés nés au premier trimestre de l’année 1965. De nouveaux engagements ont été pris pour corriger ces oublis. Dans sa rédaction actuelle, la suspension induirait des dépenses modestes, de 100 millions d’euros en 2026 et de 1,4 milliard en 2027, estimations qui sont revues à la hausse après la prise en compte des éléments que je viens d’évoquer.
Si nous saluons l’intégration de la suspension de la réforme des retraites dans ce texte, nous n’approuvons pas pour autant les solutions de financement qui ont été avancées par le Gouvernement – taxation des mutuelles et gel durable des pensions de retraite. Nous combattrons donc ces mesures et proposerons en séance, comme nous l’avons fait en commission, des solutions alternatives, telles que la taxation du capital ou des surcotisations pour nos concitoyens les plus aisés. Enfin, cette suspension ne vaut naturellement pas acceptation de la réforme de 2023. Il est important de le rappeler ici solennellement. Elle n’est qu’un statu quo qui permettra aux Français de se prononcer sur l’avenir qu’ils souhaitent donner au système de retraite lors de la prochaine élection présidentielle. C’est un engagement qui a été pris devant la représentation nationale.
Pour toutes ces raisons, et même si nous souhaitons, j’y insiste, voir évoluer le dispositif proposé, je suis bien évidemment défavorable aux amendements de suppression.
M. Thomas Ménagé (RN). Le Rassemblement national sera cohérent et votera contre les amendements de suppression, puisque nous ne souhaitons pas la politique du pire. Nous ne sommes pas là pour faire souffrir davantage les Français. Certes, il ne s’agit que d’un petit report de la réforme et non d’une abrogation ; néanmoins, tout ce que nous pourrons gratter en faveur des Français qui travaillent, qui souffrent, qui en ont plein le dos et qui ont déjà du mal à aller jusqu’à l’âge de la retraite est bon à prendre.
Il y a cependant ici de l’hypocrisie : les partis de gauche auraient pu voter l’abrogation de la réforme des retraites dès le 31 octobre 2024, lorsque nous l’avions mise à l’ordre du jour de notre niche parlementaire ; et le Parti socialiste se réjouit d’avoir obtenu un report de trois mois qui annule pourtant en partie la réforme qu’il avait défendue aux côtés de Marisol Touraine.
Ensuite, nous ne validerons pas ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, car nous refusons de faire les poches des Français en échange d’un petit report.
Telle est la ligne du Rassemblement national ; et c’est celle que nous suivrons ce soir.
Mme Annie Vidal (EPR). Nous ne sommes pas favorables à la suppression de l’article car, même si nous avons toujours ardemment soutenu la réforme des retraites, la proposition de sa suspension est un des grands éléments mis en discussion sur le sujet et nous souhaitons que cette discussion ait lieu, pour trouver un équilibre – même si cela semble difficile.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les Françaises et les Français n’ont jamais avalé la réforme de la retraite à 64 ans, mais après une série de réunions secrètes, vous tentez de nous la faire avaliser en toute discrétion, sous prétexte de changer une virgule au calendrier. Il s’agit d’une arnaque de première catégorie ! Vous reprenez mot pour mot la réforme des retraites de 2023, dont vous avez modifié le rythme d’un an : toute personne de moins de 60 ans partirait à 63 ans ou plus ; toute personne de moins de 57 ans partirait à 64 ans ou plus.
La seule chose qui est suspendue, c’est le courage politique et le respect des électeurs et des électrices. Écoutez-moi bien : le groupe La France insoumise ne votera jamais aucun texte prévoyant un report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite ! Jamais ! Nous ne priverons jamais les gens de deux ans de vie, quelle que soit leur année de naissance.
En plus d’être une arnaque, c’est un mensonge de bout en bout : Lecornu a promis de suspendre la réforme tandis que Macron a parlé d’un simple décalage. Et maintenant, vous nous présentez un décalage qui ne suspend rien ! Ça suffit ! Que les gens partent à la retraite maintenant ! Il y a une majorité, à l’Assemblée nationale, pour abroger la réforme, plutôt que pour faire de la tambouille avec ce texte.
Permettez-moi de conclure en vous confiant un secret : il y a une chose qui n’est ni décalée ni suspendue, c’est notre volonté de dégager tous les macronistes !
Mme Océane Godard (SOC). Ce débat budgétaire est un grand moment démocratique et la suspension de la réforme des retraites en est l’expression directe pour les 3,5 millions de femmes et d’hommes qui pourront partir à la retraite plus tôt. Il témoigne de notre capacité à prendre en considération le sentiment d’injustice ressenti par un grand nombre de Françaises et de Français. C’est le combat que nous menons depuis 2023. Il illustre aussi notre capacité à écrire l’histoire d’une démocratie qui ne repose plus uniquement sur le fait majoritaire. Plutôt que de privilégier les intérêts partisans, montrons aux Français qu’il est possible d’incarner le compromis, c’est-à-dire de reconnaître les intérêts contradictoires qui nous traversent et sur lesquels nous parvenons à dialoguer pour trouver un consensus. Cette suspension est le fruit des négociations engagées par les socialistes. Rejoignez, chers collègues, cet intérêt supérieur et rejetez avec nous les amendements de suppression de l’article ; nous serons, ensemble, du bon côté de l’histoire.
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous arrivons à la fameuse suspension – qui n’en est pas une – de la réforme des retraites. Nous ne voterons pas les amendements de suppression de l’article, mais nous ne voterons pas non plus l’article. Pourquoi ?
Nous sommes favorables à toute avancée et cette mesure en est une – nous verrons donc ce que nous déciderons en séance. Néanmoins, au stade de la commission, nous voulons envoyer un signal. Nous refusons ce décalage pour deux raisons. D’abord parce qu’il s’agit d’un décalage et non d’une suspension, contrairement à ce qu’avait promis le premier ministre Lecornu – pour une fois, je suis en accord avec le président Emmanuel Macron. Ce décalage nous pose problème, parce qu’il entérine, d’une certaine manière, le passage à 64 ans. Ensuite se pose la question du financement : si la suspension doit être financée au prix d’une diminution des droits des retraités ou d’une hausse des franchises médicales, nous nous y opposerons. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur l’article.
M. Philippe Vigier (Dem). Nous voterons naturellement contre la suppression de l’article. Le Premier ministre a rappelé tout à l’heure au banc qu’il s’agissait bien d’une suspension de la réforme. Et l’âge légal de départ à la retraite est déjà de 62 ans et 9 mois.
Pourquoi sommes-nous favorables à la suspension alors que nous avons défendu la retraite à 64 ans ? Pour une raison simple : il faut faire un compromis et agir sur certains verrous pour doter le pays d’un budget. Nous acceptons donc le contraire de ce que nous voulions initialement, parce que nous ne pouvons pas demander aux autres de faire un effort si nous n’en faisons pas de notre côté.
Sans vouloir polémiquer, j’ai souvenir que la moitié du groupe Les Républicains n’avait pas voté la réforme, et qu’à l’Assemblée nationale nos collègues étaient favorables à une retraite à 63 ans, tandis qu’au Sénat ils proposaient 65 ans.
Quoi qu’il arrive, la réforme se réglera après l’élection présidentielle de 2027. Il faudra ouvrir de nouveau le débat, car la démographie l’impose. La capitalisation et le système de retraite à points sont des questions que nous devrons traiter le moment venu.
Néanmoins, pour montrer que nous sommes capables de faire des pas afin d’aboutir à un budget, et dans l’esprit d’un compromis qui n’est pas une compromission, nous acceptons de revenir en arrière sur ce point.
M. Paul-André Colombani (LIOT). Le Premier ministre s’est engagé, dans sa déclaration de politique générale du 14 octobre, à ce qu’aucun relèvement de l’âge n’intervienne à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028 et à ce que la durée d’assurance reste fixée à 170 trimestres. Cet engagement se concrétise par le gel de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et 9 mois et de la durée de cotisation à 170 trimestres, comme c’était prévu pour la génération née en 1963.
Toutefois, notre groupe attend des précisions complémentaires pour la suite. Le Premier ministre a évoqué 2028. Envisage-t-il une reprise du calendrier initial après cette date ou bien un décalage à cette date de l’entrée en vigueur ? Même si cette question devra être tranchée dans le cadre de l’élection présidentielle de 2027, nous devrions prévoir dans la loi, dès à présent, des modalités post-2028 afin de ne pas entraîner un vide juridique. La suspension n’est qu’une première étape, un gage de confiance pour remettre sur la table l’avenir de notre système de retraite, après une réforme injuste, adoptée sans vote à l’Assemblée nationale, et qui porte une grande part de responsabilité dans la crise politique et démocratique que nous traversons.
M. Yannick Monnet (GDR). Je voterai naturellement contre les amendements de suppression de l’article. Je ne referai pas le débat sur la réforme des retraites, puisqu’il a déjà été tranché par l’Assemblée nationale, qui s’est majoritairement exprimée contre en adoptant une résolution visant à l’abroger que le groupe GDR avait déposée dans le cadre de sa niche parlementaire.
Il ne faut jamais renoncer à améliorer la vie des gens et tout recul de la réforme est bon à prendre. Cependant, ce qui me pose problème – et c’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai sur l’article 45 bis –, c’est que la lettre rectificative ne correspond en rien aux engagements du Premier ministre. Celui-ci avait promis un blocage à 170 trimestres jusqu’en 2028. Or cette disposition ne concernera que la génération née en 1964, puisque celle née en 1965 devra cotiser 171 trimestres et celle née en 1966, 172 trimestres. Par conséquent, le compte n’y est pas. Je veux bien croire à une erreur et attendre de voir ce qui se passera dans l’hémicycle. Toutefois, comme on dit chez moi, c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses. J’attends donc que la foire finisse pour savoir ce que je voterai.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Je rejoins les derniers propos de Yannick Monnet : la vraie question est de savoir ce sur quoi nous nous prononçons vraiment. Devons‑nous voter ce qui figure dans le texte du PLFSS ou ce qui a été annoncé cet après-midi par le Premier ministre concernant les modalités de financement de la suspension, sachant que nous avons rejeté en commission les articles 7 et 44 ?
Quel est l’impact de la suspension ? Elle coûtera à la branche vieillesse 100 millions d’euros en 2026 et 1,4 milliard en 2027 ; et si l’on tient compte des départs anticipés, le coût s’élèverait respectivement à 400 millions et à 1,8 milliard. Il y a aussi un impact pour les finances sociales – non mesuré – lié à la baisse induite du produit des cotisations, qui pénalisera notamment la branche maladie. Il y a un coût pour les finances publiques, puisque la mesure entraînera une baisse d’impôt sur le revenu. Enfin, j’aimerais disposer d’ici à la séance d’une étude permettant de mesurer les effets de la suspension sur le montant de la retraite des personnes qui partiront plus tôt. Si nous leur permettons de partir trois mois plus tôt mais que leur retraite, une fois liquidée, est plus faible qu’elle ne l’aurait été sans la suspension – et ce jusqu’à la fin de leur vie –, elles doivent le savoir avant.
Enfin, il y a la question des compensations financières. Tout le monde est d’accord pour ne pas augmenter le taux de la taxe sur les organismes complémentaires et ne pas sous‑indexer les pensions de retraite. Sauf que c’est la solution préconisée et que nous n’avons pas d’autre réponse pour l’instant. Nous, nous en avons formulé une : améliorer le taux d’emploi, ce qui permettra de résoudre l’équation, à court et à moyen terme. Nous avons un problème de trajectoire financière : le déficit de demain générera de la dette après-demain. Et qui trinquera, au bout du compte ? Ceux qui bossent et ceux qui ont bossé. Nous ne pouvons pas l’accepter.
Mme la rapporteure. L’engagement a été pris en séance de déposer un amendement gouvernemental qui intégrera ceux de la génération 1965 nés au premier trimestre, les carrières longues et les assurés de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte. Par conséquent, le coût sera plus élevé que les premières estimations et que ce qui est prévu dans la lettre rectificative. Mais si nous parvenons à changer la vie des gens et à leur permettre de partir trois mois plus tôt, l’impact se mesurera sur leur vie, leur santé et leur bien-être. Cela n’a pas de prix !
Nous sommes nous aussi favorables à l’augmentation du taux d’emploi, mais ce sera un autre combat et cela n’empêche pas de permettre à des personnes de partir plus tôt à la retraite.
La commission rejette les amendements.
Conformément aux dispositions de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, de l’article.
Votent pour : Mme Anchya Bamana, Mme Béatrice Bellay, M. Christophe Bentz, M. Théo Bernhardt, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Sandra Delannoy, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Fanny Dombre Coste, M. Gaëtan Dussausaye, M. Guillaume Florquin, M. Thierry Frappé, Mme Martine Froger, Mme Océane Godard, M. Jérôme Guedj, M. René Lioret, Mme Christine Loir, Mme Joëlle Mélin, M. Thomas Ménagé, Mme Sandrine Runel, M. Arnaud Simion, M. Philippe Vigier
Votent contre : Mme Ségolène Amiot, Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, M. Louis Boyard, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, Mme Elsa Faucillon, Mme Justine Gruet, Mme Zahia Hamdane, Mme Élise Leboucher, M. Damien Maudet, M. Frédéric Valletoux
S’abstiennent : M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, M. Hendrik Davi, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Julie Laernoes, M. Michel Lauzzana, Mme Joséphine Missoffe, M. Yannick Monnet, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Danielle Simonnet, Mme Annie Vidal
Les résultats du scrutin sont donc les suivants :
Nombre de votants : 47
Abstentions : 13
Nombre de suffrages exprimés : 34
Pour l’adoption : 22
Contre : 12
En conséquence, la commission adopte l’article 45 bis non modifié.
Amendement AS418 de M. Damien Maudet
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il y a une semaine, partout en France, on a vu s’abattre la tempête Benjamin. En Limousin, il y a eu de grandes inondations et 10 000 foyers ont été privés d’électricité. Un restaurant a même été endommagé à Limoges. Pour faire face, nous avons pu compter sur nos sapeurs-pompiers, parmi lesquels 80 % sont volontaires, c’est‑à‑dire qu’ils s’engagent en plus de servir leur pays par leur travail.
En 2023, ils avaient réussi à obtenir la prise en compte de trimestres supplémentaires pour le calcul de leur retraite, mais le décret afférent n’a toujours pas été pris. Par cet amendement, je demande qu’un rapport nous soit remis à ce sujet, afin de rappeler que, deux ans plus tard, cette dette envers les sapeurs-pompiers attend d’être honorée.
M. le rapporteur général. C’est un combat que nous sommes nombreux à mener.
La mesure avait été adoptée dans le cadre de la loi rectificative de financement de la sécurité sociale pour 2023. Nous attendons le décret. Il y a deux jours, le Premier ministre a écrit ceci : « L’engagement pris en 2023 sera bien sûr tenu. Les modalités d’application et d’éligibilité ont fait l’objet d’un travail interministériel et permettent désormais de finaliser sa rédaction. Le décret sera publié dans les prochains jours. »
Pour que les choses se concrétisent, encore faut-il qu’il y ait encore un gouvernement à cette date. Je vous invite donc à retirer cet amendement et à ne pas voter la censure trop vite !
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le nombre de décrets que cette commission attend relève presque de la farce ! Je ne doute pas que nous obtiendrons celui-ci, comme tous ceux dont nous avons parlé au cours de la semaine... Vous nous permettrez néanmoins de censurer le Gouvernement avant.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Bruno Retailleau, alors ministre de l’intérieur, assurait déjà devant la commission des finances en juin dernier que le décret serait pris quelques jours plus tard. Comme nous entendons cette promesse depuis 2023, j’insiste pour inscrire cette demande de rapport dans la loi et ainsi envoyer un message au ministère.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS417 de Mme Ségolène Amiot
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement a exactement le même objet, mais il me semble pertinent d’enfoncer le clou. À mon tour, je demande un rapport sur les effets de cette disposition que nous avions adoptée à la quasi-unanimité lors de l’examen du projet de loi rectificative de financement de la sécurité sociale pour 2023. J’ai personnellement interpellé tous les gouvernements successifs depuis cette date, oralement ou par écrit, mais en vain. Il est grand temps que les pompiers volontaires et les volontaires de la sécurité civile obtiennent justice.
M. le rapporteur général. La commission vient de voter la remise d’un rapport sur ce sujet, mais si vous pensez que leur multiplication fera arriver les décrets plus vite, je m’en remets à votre sagesse !
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS448 de Mme Élise Leboucher
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Nous demandons un rapport analysant les effets qu’aurait une indexation du minimum vieillesse sur le seuil de pauvreté. Il est inacceptable que l’écart entre ce dernier et l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) ne soit en moyenne que de 200 euros. Notre amendement vise à remédier à cette injustice.
M. le rapporteur général. C’est un amendement d’appel ; j’entends cet appel et j’espère que le Gouvernement l’entendra aussi. Les seuils sont un vrai problème. On l’a vu plus tôt cette semaine au sujet des franchises médicales. Pour autant, je ne crois pas qu’obtenir un rapport changerait grand-chose.
Demande de retrait ou avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Puisque vous parlez d’appel, avez-vous été informés, monsieur le rapporteur général, monsieur le président, des annonces faites dans l’hémicycle tout à l’heure ? Ce ne sont pas de petites annonces : elles portent sur le coût du décalage de la réforme des retraites, sur le dégel des pensions – qui représenterait 3,6 milliards d’euros –, ou encore sur le milliard d’euros, annoncé par M. Faure, que le Gouvernement consentirait à allouer à l’hôpital public.
M. le rapporteur général. Je n’en étais pas informé. À en croire les annonces, confirmées par Mme Runel, qui a dû avoir des échanges avec le Premier ministre, le décalage de la réforme des retraites ne coûtera pas 100 millions d’euros en 2026, mais 400 millions si l’on intègre les départs anticipés. Nous avions interrogé la Caisse nationale d’assurance vieillesse à ce sujet et calculé que, le cas échéant, la facture serait de 1,8 milliard en 2027 et non de 1,4 milliard, comme l’avait annoncé le Gouvernement. Taxer encore plus les complémentaires santé n’est pas une solution, comme l’a montré notre vote sur l’article 7 ; sous-indexer davantage les retraites pendant plusieurs années non plus. Tout reste donc à faire et à écrire.
D’autres annonces ont porté sur le dégel des pensions et des minima sociaux. De telles mesures ont été votées ici même et j’avais alors donné leur coût, qui n’a pas changé. Si l’on additionne toutes ces dépenses, le déficit global de la sécurité sociale s’aggravera.
Je répète que les choses sont mouvantes ; elles évolueront d’ailleurs encore certainement lors de l’examen du texte en séance. Nous n’en sommes qu’à la première lecture à l’Assemblée nationale. Quelqu’un a parlé de musée des horreurs ; il faudra qu’il y en ait le moins possible à la fin et que nous parvenions à donner à la France un budget de la sécurité sociale. Je m’efforce de trouver des voies de passage. Il faut qu’on finisse par s’entendre sur ce qui est le plus raisonnable pour les Français.
M. le président Frédéric Valletoux. J’ai aussi découvert les annonces au moment où elles ont été faites. C’est le propre des compromis qui se bâtissent en direct ou presque. On ne pourra pas se plaindre que la discussion n’ait pas été ouverte : tous les députés étaient présents et ont pu entendre les échanges.
Par ailleurs, je partage l’inquiétude du rapporteur général au sujet du déficit final de la sécurité sociale. Je vous transmettrai lundi une note de la Cour des comptes contenant les derniers chiffres des comptes sociaux et une analyse de la version initiale du PLFSS. J’aurais préféré que cette étude soit prête avant le début de nos travaux, mais nous l’aurons donc en amont de l’examen du texte en séance. On apprend en marchant !
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Puisque nous parlons du seuil de pauvreté, je tiens à appeler l’attention de la commission sur l’iniquité dont souffrent les outre-mer, où ce seuil est inférieur à celui de l’Hexagone alors même que les taux de pauvreté y sont beaucoup plus élevés. Si nous appartenons bien à la même République et si nous voulons atteindre l’égalité réelle entre les territoires, c’est une distorsion à laquelle il faudra bien s’attaquer un jour. Cet amendement est donc encore plus pertinent s’agissant des outre-mer.
M. Michel Lauzzana (EPR). Par convention, le seuil de pauvreté correspond à 60 % du niveau de vie médian de la population, qui est, je le reconnais, plus bas dans les outre‑mer.
Et pour répondre à M. Boyard, il me semble que le Premier ministre l’a dit et répété : le Gouvernement propose, puis le Parlement dispose. C’est nous qui avons le pouvoir de voter.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS1138 de M. Laurent Wauquiez
Mme Justine Gruet (DR). Il s’agit là d’un amendement essentiel pour le groupe Droite Républicaine, toujours attaché à valoriser le travail. En effet, les aides sociales doivent être une forme de solidarité en cas d’accident de la vie et non un revenu d’assistanat. Depuis de nombreuses années, nous formulons donc des propositions concrètes pour qu’il y ait une différence tangible entre les aides et les revenus du travail. Pour le dire autrement, l’emploi doit toujours être mieux valorisé et rémunéré que l’inactivité.
Notre système de protection sociale souffre de plusieurs maux : la dérive incontrôlée des dépenses, les fraudes importantes, le mille-feuille administratif. Nous constatons en effet un empilement de prestations sociales aux règles de calcul disparates. Une trentaine d’aides sont soumises à des conditions de ressources, représentant au total près de 120 milliards d’euros par an. L’idée serait donc de simplifier les choses et de réunir l’ensemble des prestations sociales non contributives en une aide sociale unique, dont le montant serait plafonné à 70 % du Smic.
M. le rapporteur général. Cet amendement a le mérite d’ouvrir le débat.
J’apprécie que votre proposition tienne compte des sujétions liées au nombre d’enfants et de personnes à charge, ainsi que de la composition du foyer ; cela me semble très important lorsqu’on envisage un plafonnement. Je me félicite aussi que vous excluiez certaines prestations destinées aux personnes en situation de handicap, de dépendance ou de perte d’autonomie, et que vous défendiez l’universalité de la politique familiale.
Cependant, tous nos travaux et auditions montrent le défi opérationnel absolument considérable que représenterait une telle réforme. De plus, ce serait mettre la charrue avant les bœufs que de fusionner les prestations en une allocation sociale unique et d’instaurer un plafonnement sans avoir préalablement harmonisé les bases ressources pour la définition d’un revenu social de référence.
Je comprends l’idée du point de vue politique, j’y suis même sensible, mais, en tant que rapporteur général, je m’intéresse aux modalités des mesures et à leur faisabilité.
Je suggère donc son retrait, au profit de mon amendement AS1776, qui vise à expérimenter une telle orientation – ce qui pourrait susciter le consensus de tous les groupes.
Mme Justine Gruet (DR). Je vous remercie pour vos explications, mais je vais maintenir l’amendement afin de poser un jalon en vue de l’examen du texte en séance. Notre rôle de parlementaire est de refuser l’impuissance publique, de cesser de considérer que, parce qu’on a toujours fait d’une certaine façon, il serait trop compliqué de changer. Il est nécessaire pour nos concitoyens de vraiment valoriser le travail ; posons cette première pierre. Je suis très sensible à l’idée de revenu social de référence et je crois que nous parviendrons ensemble à apporter quelque chose d’intéressant.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS1776 de M. Thibault Bazin et AS1139 de M. Laurent Wauquiez
M. le rapporteur général. Je rappelle que l’allocation sociale unique a fait l’objet d’une mission « flash » au sein de notre commission.
Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS1139 est défendu.
La commission adopte les amendements.
Amendement AS1771 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Cet amendement, de nature interprétative, vise à réaffirmer une intention du législateur remontant à 2012 et à sécuriser juridiquement les opérations que les régimes de sécurité sociale peuvent utilement réaliser grâce à leurs systèmes d’information conçus pour l’interopérabilité avec les autres opérateurs de la sécurité sociale. Au fond, l’idée est de mieux travailler et échanger avec l’Agirc-Arrco.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1148 de M. Laurent Wauquiez et sous-amendement AS1785 de M. Thibault Bazin
Mme Justine Gruet (DR). Par cet amendement, nous souhaitons poser une première pierre avant l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Il s’agit de systématiser les sanctions encourues par les fraudeurs aux prestations sociales et à tripler leur montant pour ceux en état de récidive ou dont la volonté de tromper l’administration est établie.
De fait, 6 milliards d’euros de versements issus de la branche famille n’ont pu être certifiés ces dernières années. Les fraudes détectées se concentrent sur le revenu de solidarité active, la prime d’activité et les aides au logement. Alors que de nombreux Français sont dans une situation très difficile et que notre dette publique représente 112 % du produit intérieur brut, il est insupportable que certains puissent tricher et abuser.
M. le rapporteur général. J’essaye d’être juste et équilibré. Je ne peux donc pas ne pas vous opposer, puisque je l’ai fait précédemment à nos collègues insoumis, le caractère inconstitutionnel de l’automaticité des sanctions. C’est la raison pour laquelle je propose, par mon sous-amendement, de supprimer cet aspect. Seraient conservées la hausse du plafond des pénalités pouvant être prononcées par le directeur de la caisse d’allocations familiales ou de la caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat), ainsi que la hausse du montant plancher desdites pénalités.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous n’êtes pas équitable, monsieur le rapporteur général : lorsque nous avons proposé la hausse automatique des sanctions à l’encontre des employeurs coupables de fraudes successives, vous n’avez pas sous-amendé nos amendements. D’ailleurs, que vous vous soyez opposé à ces derniers montre que l’indignation vis-à-vis de la fraude est à géométrie variable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Il est important de lutter contre la fraude, car elle lèse les autres assurés, ceux qui en ont le plus besoin. Celle dont nous parlons est désormais organisée en réseaux. J’aurais donc tendance à approuver toutes les propositions comme celle dont nous discutons.
M. le rapporteur général. Je répète que j’essaie d’être précis et juste. Quand un amendement ne prévoit que l’automaticité, je ne peux pas le sous-amender. L’amendement en discussion prévoit plusieurs dispositions.
Madame Amiot, vous proposiez de doubler les sanctions contre les employeurs récidivistes, si bien que les montants auraient été disproportionnés. En revanche, j’ai soutenu un amendement de Jérôme Guedj qui prévoyait aussi une majoration de ces sanctions. Il n’est donc pas juste de dire que j’ai refusé cette mesure.
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendement AS408 de Mme Ségolène Amiot
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Cet amendement vise à rendre obligatoire pour chaque offreur de soins la déclaration auprès de l’assurance maladie de son éventuelle appartenance à un groupe, groupement ou réseau.
En effet, nous assistons depuis plusieurs années à une dérive, avec la multiplication des structures privées à but lucratif, la montée en puissance de fonds d’investissement dans le domaine sanitaire, la concentration de l’offre et la constitution de rentes privées financées par nos cotisations – dérive qui demande un cadre renouvelé de régulation et de transparence.
Or, à ce jour, aucune obligation ne permet aux autorités de régulation et singulièrement à l’assurance maladie de connaître et d’actualiser l’ensemble des affiliations des offreurs de soins. Une telle obligation serait salutaire en ce qu’elle permettrait de lutter contre la concentration de l’offre et surtout d’utiliser l’outil des prix pour éviter le détournement du produit de nos cotisations au profit des acteurs financiers.
M. le rapporteur général. Cela vous surprendra peut-être, mais je trouve cette idée intéressante. S’agissant de la financiarisation, il y a effectivement quelque chose à faire.
Cependant, il y a un problème de méthode : cet amendement tend à créer une sanction avant même d’avoir créé le dispositif dont la méconnaissance serait sanctionnée. Pour ne pas mettre la charrue avant les bœufs, il faudrait faire l’inverse.
Je suggère de rénover les règles relatives à la déontologie et à la transparence des professionnels vis-à-vis de leurs liens avec des groupes financiarisés. Vous pourriez prévoir un amendement en ce sens à l’article 12 du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes que nous examinerons en décembre prochain, sauf censure entre‑temps – n’y voyez pas une incitation à ne pas censurer le Gouvernement.
M. Michel Lauzzana (EPR). Nous connaissons tous les dérives de la financiarisation, contre lesquelles il faut absolument lutter. Le problème est particulièrement prégnant dans les secteurs de l’imagerie et de la biologie, ainsi que dans certains territoires d’outre-mer. Toutefois, dans les faits, il est souvent compliqué de savoir à qui appartient l’outil de travail, à cause de l’enchevêtrement des structures juridiques. Bien que votre proposition soit intéressante, et même nécessaire, vous n’allez pas au fond des choses.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1147 de M. Laurent Wauquiez
Mme Justine Gruet (DR). En 2024, le Haut Conseil du financement de la protection sociale a montré que la fraude sociale représentait un manque à gagner d’au moins 13 milliards d’euros. En 2020, la commission d’enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, présidée par Patrick Hetzel, avait notamment souligné le défaut de sécurisation des cartes Vitale.
Lors de la première lecture du PLFSS 2025, le Sénat avait donc conditionné la délivrance d’une carte Vitale à la présentation obligatoire d’une preuve d’identité. Cette disposition, inscrite à l’article 50 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), a toutefois été censurée par le Conseil constitutionnel. Pour tirer les enseignements de cette censure, nous proposons de réintroduire cette obligation dans une nouvelle rédaction, en ciblant les versements indus de prestations de l’assurance maladie et en renvoyant ses modalités d’application au champ réglementaire. Une telle mesure se substituera avantageusement à la généralisation de la carte Vitale biométrique, car elle plus efficiente et moins coûteuse.
Nous avons bon espoir de réduire les fraudes, alors que le Sénat examinera en novembre le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
M. le rapporteur général. Le Conseil constitutionnel a jugé que cette disposition constituait un cavalier social. Nous pouvons faire une nouvelle tentative, d’autant que votre rédaction articule mieux cette mesure avec l’objectif de réduction des dépenses de l’assurance maladie, mais cela reste risqué. Je vous invite à retirer votre amendement et à faire en sorte que cette disposition figure dans la future loi sur la lutte contre la fraude.
L’amendement est retiré.
Amendements AS1597 de Mme Justine Gruet et AS771 de M. Pascal Jenft (discussion commune)
Mme Justine Gruet (DR). L’Aspa doit bénéficier à ceux de nos concitoyens qui ne peuvent prétendre à une retraite complète, notamment parce que leur carrière est hachée. Je propose de restreindre les conditions d’attribution de cette allocation en la réservant à ceux qui justifient à la fois d’au moins cinq ans de cotisation et de dix ans de résidence continue sur notre territoire. Nous ferions ainsi œuvre de justice, alors que notre système de protection sociale est l’un des plus généreux de l’Union européenne.
M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS771 est défendu.
M. le rapporteur général. Vous essayez de limiter les dommages collatéraux que causerait votre amendement, en ménageant une exception pour les parents au foyer mentionnés à l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale. C’est tout à votre honneur, mais il reste des trous dans la raquette. Votre proposition pourrait priver les fonctionnaires et les exploitants agricoles retraités du bénéfice de l’allocation, ce qui n’est pas votre intention. Par ailleurs, si vous proposez un abaissement de l’âge minimal en cas d’inaptitude au travail, vous ne prévoyez pas d’exonérer les personnes en situation de handicap de la condition de durée de cotisation, alors que certaines d’entre elles n’ont pas pu cotiser.
Je vous invite donc à retirer votre amendement et à le retravailler d’ici à la séance.
Les amendements sont retirés.
Amendement AS874 de M. Théo Bernhardt
M. Théo Bernhardt (RN). La Cour des comptes relève qu’un quart des fraudes au sein de la branche vieillesse concernent le non-respect de la condition de résidence en France. Actuellement, les contrôles en la matière reposent sur un simple questionnaire. Nous proposons plutôt de créer, comme le recommande la Cour elle-même, un mécanisme automatisé de détection des départs reposant sur une analyse des données relatives aux dépenses de santé. Ainsi, il serait possible de vérifier chaque année que les bénéficiaires des pensions résident bien en France.
M. le rapporteur général. Le Conseil constitutionnel estimera sans doute qu’une telle disposition n’a rien à faire dans le budget de la sécurité sociale. Vous pourrez creuser ces propositions intéressantes à la faveur de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes. Le croisement automatisé des fichiers nécessitera toutefois une coordination interministérielle complexe, ainsi que des garanties techniques et juridiques solides.
L’amendement est retiré.
Amendement AS261 de Mme Justine Gruet
Mme Justine Gruet (DR). L’arsenal de contrôle et de sanction des professionnels de santé libéraux n’a jamais été aussi important. La sécurité sociale peut désormais les déconventionner en urgence et exiger des indus par extrapolation. La LFSS 2 024 prévoyait même, dans certains cas, la suspension automatique de la participation de l’assurance maladie à la prise en charge des cotisations de praticiens. Ainsi, les professionnels de santé libéraux n’ont pas le droit à l’erreur, ce qui induit une charge mentale considérable, alors que les agents qui les contrôlent ne risquent, eux, aucune sanction. Or la volonté affichée de réduire le déficit risque de conduire à des dérives administratives. Nous proposons donc que les contrôleurs soient financièrement sanctionnés, en cas d’erreur avérée.
Les professionnels de santé libéraux pâtissent de la complexité administrative. Il faut leur donner le droit à l’erreur, quand ils sont de bonne foi.
M. le rapporteur général. Si nous adoptions votre amendement, plus personne n’oserait effectuer de contrôle. Demande de retrait.
L’amendement est retiré.
Amendement AS967 de Mme Mereana Reid Arbelot
M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS1145 de M. Laurent Wauquiez et sous-amendement AS1787 de M. Thibault Bazin, amendements AS1156 de M. Laurent Wauquiez et AS1770 de M. Thibault Bazin (discussion commune)
Mme Justine Gruet (DR). Dans son rapport de mai 2025 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes demande un contrôle accru des justificatifs d’existence des retraités percevant une pension française mais vivant à l’étranger. Ceux-ci habitent, pour les trois quarts d’entre eux, dans six pays : le Portugal, le Maroc, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et l’Algérie. Les dépenses les concernant s’élèvent chaque année à plus de 3 milliards d’euros, pour la retraite de base, et à plus de 1 milliard, pour les retraites complémentaires. La Cour des comptes note en outre que la moyenne d’âge des retraités du régime général résidant à l’étranger est de 78,6 ans, alors que celle des retraités résidant en France n’est que de 74,5 ans. Proportionnellement, les retraités âgés de 80 à 89 ans sont également plus nombreux à l’étranger qu’en France. Enfin, le taux de centenaires parmi les retraités résidant à l’étranger s’élève à 0,23 %, alors qu’il n’est que de 0,19 % en France.
De tels écarts invitent à renforcer les contrôles. Il convient notamment d’organiser un contrôle annuel systématique de l’existence des retraités vivant hors de France, comme le prévoit l’article 88 de la LFSS 2025 – mais avec une date d’application trop tardive. Par les amendements AS1145 et AS1156, nous proposons d’avancer cette date au 1er janvier 2026. L’amendement AS1145 prévoit en outre qu’en l’absence de solutions techniques efficaces, ce contrôle annuel pourra être réalisé par les services consulaires.
M. le rapporteur général. Nous sommes un certain nombre à souhaiter renforcer ces contrôles, comme le rapport de la Cour des comptes nous y invite.
L’article 88 de la LFSS 2025 prévoit une mise en œuvre des nouveaux contrôles le 1er janvier 2028. Les amendements AS1145 et AS1156 visent à avancer cette date au 1er janvier 2026. Je n’y suis pas favorable, car il faut laisser aux administrations le temps nécessaire pour s’organiser. Par l’amendement AS1770, je propose la date du 1er janvier 2027, qui constituerait un compromis.
L’amendement AS1145 prévoit en outre qu’en l’absence de moyens techniques satisfaisants pour procéder aux contrôles électroniques prévus dans la LFSS 2025, les retraités concernés devront se présenter physiquement devant les autorités consulaires. C’est une idée intéressante, mais qu’il serait compliqué d’appliquer au 1er janvier 2026. J’ai donc déposé un sous-amendement AS1787 visant à reporter cette date au 1er janvier 2027. Si ce sous‑amendement était adopté, je pourrais donner un avis favorable à votre amendement AS1145.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Quand les étrangers sont en France et travaillent, cela ne va pas. Quand ils retournent à l’étranger, cela ne va pas non plus.
Certaines personnes retournent dans leur pays d’origine à leur retraite, ce qui leur permet de renouer des liens familiaux. Bien souvent, ces retraités ont été exploités en France, où ils n’ont pas toujours pu déclarer leur travail. J’ai vraiment du mal à comprendre cette aversion à l’égard des étrangers, cette xénophobie.
Mme Justine Gruet (DR). Je suis intimement convaincue que, sur le fond, nous sommes d’accord. Il faut valoriser le travail, valoriser ceux qui ont travaillé toute leur vie, mais pourquoi verser une retraite à une personne décédée ? Nous proposons simplement de vérifier que les bénéficiaires des pensions sont vivants. Et le fait que nos relations avec certains pays manquent de réciprocité n’est pas l’enjeu. Les retraités vivants n’ont rien à craindre de cette mesure, car ils continueront à percevoir leur pension.
Accessoirement, je ne suis pas xénophobe, et la xénophobie est un délit.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Vous soupçonnez en permanence les étrangers d’être des fraudeurs !
M. le rapporteur général. Sur 17 millions de retraités, 1 million vivent hors de France. Tous ne sont pas étrangers. Parmi eux, les Français sont même nombreux.
Pour être tout à fait clair, je précise que l’amendement AS1770, contrairement à l’amendement AS1145, ne prévoit pas de contrôle physique par les autorités consulaires lorsque les moyens techniques ne sont pas satisfaisants.
M. Philippe Vigier (Dem). Les retraités vivant à l’étranger peuvent être français ou étrangers. En tout cas, ils ont travaillé en France toute leur vie et méritent leur retraite. Est‑ce un drame de vérifier qu’ils sont encore vivants ?
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cela se fait déjà !
M. Philippe Vigier (Dem). Non, car les moyens informatiques ne sont pas forcément les mêmes qu’en France. C’est, du reste, ce que recommande la Cour des comptes, dans un rapport très intéressant.
Contrôler, ce n’est pas pointer du doigt. D’ailleurs, en tant que parlementaires, nous avons une mission importante de contrôle et d’évaluation. Enfin, en nous donnant les moyens de vérifier, nous pourrons tordre le cou aux rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux.
La commission rejette successivement le sous-amendement et les amendements.
TITRE II
DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DÉPENSES DES BRANCHES ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES
Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement AS1002 de M. Hendrik Davi.
Puis elle adopte l’article 46 modifié.
Amendement AS1786 de M. Thibault Bazin
M. le rapporteur général. Depuis cette année, le PLFSS précise le montant des dotations versées par l’assurance maladie aux opérateurs. Or je suis surpris par l’évolution de certaines dotations, qui est peu voire pas du tout justifiée à l’annexe 2. Ainsi, alors qu’on demande des efforts à tous les Français et que certaines prestations sont gelées, la dotation de l’Agence nationale du développement professionnel continu passerait de 215 à 225 millions d’euros, et celle de Santé publique France de 328 à 395 millions. Une augmentation de 68 millions, ce n’est pas négligeable !
Nous en discuterons en séance publique avec le Gouvernement. En attendant, je propose d’appliquer le principe de l’année blanche, mais avec discernement. Nous gèlerions donc toutes les dotations, à l’exception de celle de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, car nous ne pouvons bloquer l’indemnisation des victimes concernées, dont le nombre est croissant.
M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur le rapporteur général, vous nous avez habitués à mieux. C’est à nous, et non au Gouvernement, qu’il revient de décider du montant des dotations.
Vous proposez d’annuler ces augmentations, car elles vous semblent bizarres. C’est un peu léger ! Ces hausses doivent bien avoir une raison. Je vois d’ailleurs d’un bon œil l’évolution du montant des dotations des organismes que vous avez cités, car ils sont importants.
M. Michel Lauzzana (EPR). Quand j’étais commissaire aux finances, je m’étais penché sur les annexes budgétaires relatives aux agences de l’État, notamment celles concernant les organismes divers d’administration centrale. Eh bien, c’est extraordinaire ! Certains opérateurs continuent d’être financés alors qu’ils sont inactifs depuis deux ou trois ans. D’autres organismes exercent des missions très proches, si bien qu’il faudrait les regrouper. M. Philippe, quand il était Premier ministre, avait supprimé quelques-unes de ces structures. Nous devons regarder tout cela de près et poursuivre ce travail de tri car, au bout du compte, ces opérateurs coûtent très cher à l’État. Je suis donc favorable à l’amendement du rapporteur général.
M. le rapporteur général. Vous avez raison, monsieur Monnet, c’est à nous de décider.
Outre les augmentations que j’ai mentionnées, j’ai également été surpris par certaines baisses, comme celle de la dotation de l’Établissement français du sang. J’ai demandé au Gouvernement des explications sur ces évolutions, mais à ce jour, je n’en ai pas reçu. Si j’en obtiens d’ici à la séance publique, je déposerai un amendement totalement différent. Il n’est pas normal de ne pas justifier et de ne pas documenter de telles évolutions.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 47 modifié.
Amendement de suppression AS1089 de M. Yannick Monnet
M. Yannick Monnet (GDR). Alors que l’augmentation naturelle des dépenses est estimée à 10 milliards d’euros pour l’an prochain, soit une hausse 4,5 %, l’article 48 n’augmentera l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) que de 4,5 milliards, soit une hausse de 1,6 %. Les cinq fédérations hospitalières estiment la perte pour l’hôpital public à 1 milliard d’euros – c’est l’équivalent de 20 000 postes d’infirmiers, alors que les recrutements s’amélioraient plutôt jusqu’à présent. Elles dénoncent également des chiffres en trompe-l’œil côté médico-social, puisque ce texte laissera un déficit de 500 millions d’euros pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), le handicap et les services à domicile. Ce n’est pas acceptable.
La Constitution nous interdisant de déposer des amendements qui créeraient des dépenses nouvelles, nous proposons de supprimer cet article.
M. le rapporteur général. Je reviens dans mon rapport sur les périmètres respectifs des articles 48 et 49. L’Ondam est fixé à l’article 49 ; l’article 48, lui, concerne d’autres dépenses.
Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). L’Ondam prévu, dont la progression est inférieure à l’inflation, ne répond absolument pas aux besoins. La feuille de route du Gouvernement est de détruire ce joyau qu’est l’hôpital public : assumez-le ! Mieux vaut supprimer cet article que de se moquer du personnel soignant, qui travaille matin, midi et soir pour nos concitoyens.
M. Michel Lauzzana (EPR). Arrêtez de dire que nous voulons tuer l’hôpital public ! Quel est ce fantasme ? Espérez-vous qu’à force de répéter ces éléments de langage, nos concitoyens vous croiront ?
Au cours des dernières années, nous avons beaucoup augmenté l’Ondam, à un rythme plus rapide que l’inflation. Rappelons en outre qu’il s’agit d’un simple objectif, qui est dépassé chaque année – souvent à raison.
Il n’est pas utile d’ajouter des couches supplémentaires de moyens. Il faut plutôt réfléchir à des manières de travailler plus efficientes. Cette réflexion a lieu partout ; elle doit aussi avoir lieu à l’hôpital.
M. Yannick Monnet (GDR). L’article 48 fixe à 267,5 milliards d’euros l’objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès pour 2026. C’est bien le sujet qui me préoccupe.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’article 48 est supprimé.
Amendements de suppression AS84 de Mme Sandrine Runel et AS412 de M. Damien Maudet
M. Jérôme Guedj (SOC). L’Ondam qui nous est proposé pour 2026 augmenterait de 1,6 %. Plusieurs de ses composantes sont problématiques. Le sous-objectif « Dépenses de soins de ville » ne progresse que de 0,88 %, parce qu’il intègre les 2,3 milliards de recettes liées au doublement des franchises médicales, auquel nous sommes opposés. L’augmentation de 2,1 % du sous-objectif « Dépenses des établissements de santé » est notoirement insuffisante ; elle comporte un risque de tarification négative pour un grand nombre d’établissements et ne permet pas de résorber la dette cumulée des hôpitaux publics, qui atteint 2 milliards d’euros. Quant à l’objectif global de dépenses pour les personnes âgées et les personnes handicapées (OGD PA-PH), il est également insuffisant, en particulier pour accompagner les Ehpad en difficulté.
Notre amendement de suppression AS84 est un coup de semonce. Le Premier ministre a déclaré cet après-midi dans l’hémicycle que l’Ondam hospitalier devait être augmenté ; nous attendons donc qu’il amende son texte pour prendre en compte nos objections.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Clarisse, infirmière en Île-de-France, explique : « Avec les heures supplémentaires à répétition, nous ne pouvons plus rien prévoir. Nos proches ne peuvent jamais compter sur nous. À tout moment, on décale les plans. Il est très compliqué d’articuler vie personnelle et vie professionnelle. À 28 ans, il va falloir que je choisisse : est-ce que je dois sacrifier ma vie de famille ou continuer le travail que j’aime ? Les deux sont devenus incompatibles. »
Qu’a déclaré Sébastien Lecornu lorsqu’il s’est rendu pour la première fois dans un hôpital public en tant que Premier ministre ? « Il y a des problèmes de finances publiques parce qu’on a décidé de remettre beaucoup d’argent dans l’hôpital. » Autrement dit, les soignants, qui tiennent l’hôpital à bout de bras, seraient responsables de la dette ! Non seulement ses propos sont honteux, mais en plus, ils sont faux. Sous Macron, l’hôpital public a été constamment sous-financé, sauf lors de la crise du covid. Depuis 2017, 30 000 lits ont été supprimés. Pour 2026, la Fédération hospitalière de France (FHF) estime qu’il manque 1 milliard d’euros, ce qui empêchera l’ouverture de 20 000 postes d’infirmières. Nous proposons donc de supprimer cet Ondam, parce qu’il est dangereux pour l’hôpital et la santé des Français.
M. le rapporteur général. L’article 49 est obligatoire. La commission peut le supprimer pour envoyer un message au Gouvernement, mais il devra être maintenu lors de la discussion en séance publique.
L’Ondam n’est qu’un objectif, qui est, du reste, souvent dépassé. Qui plus est, en 2026, il progresse encore, puisqu’il atteint un niveau inédit – 270 milliards d’euros, à comparer aux 185 milliards de 2017. Mais sans budget, pas d’augmentation ! Or mieux vaut un OGD PA-PH dont le montant est insuffisant qu’un objectif égal à zéro : toutes les aides à l’investissement seraient bloquées. Qu’il y ait besoin de moyens supplémentaires, c’est évident. Mais on ne peut pas dire que l’Ondam ne croît pas.
J’ai hâte de savoir par quelles mesures se traduiront les annonces du Premier ministre – peut-être en savez-vous plus que moi à ce sujet, monsieur Guedj –, car le diable se cache dans les détails. Je vous propose donc de ne pas adopter ces amendements de suppression et d’attendre la séance publique pour vous exprimer.
M. Hendrik Davi (EcoS). Un Français sur quatre renonce à se soigner, un sur trois vit dans un désert médical, 9 millions de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant, les délais moyens pour obtenir un rendez-vous chez un cardiologue ou un dermatologue sont respectivement de quarante-deux jours et d’un mois, et près d’un tiers des établissements hospitaliers déclarent des incidents graves liés à la surcharge d’activité. Or l’augmentation de 1,6 % de l’Ondam est très insuffisante pour remédier à cette situation.
Il faut réinvestir massivement dans l’hôpital public pour revaloriser les carrières, recruter des personnels et réduire la dette hospitalière, qui s’élève à 30 milliards d’euros. Le déficit des hôpitaux publics atteindra en 2025 un niveau historique, à 2,7 milliards. Selon la FHF, il manquera au moins 1 milliard en 2026. C’est pourquoi notre amendement AS1079 tend à porter l’Ondam à 3,5 %. Pour financer cette augmentation, nous avons proposé des solutions : gel des exonérations de cotisations sociales, hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), etc. Nous sommes prêts à en rediscuter. En attendant, nous voterons pour la suppression de l’article.
Mme Annie Vidal (EPR). Depuis 2017, l’Ondam a augmenté de 79,7 milliards d’euros. Or force est de constater que le système de santé ne fonctionne pas mieux pour autant. Personne ne veut des mesures d’efficience que nous avons proposées pour lutter contre le gaspillage de médicaments ou les 20 % à 30 % de surprescriptions, par exemple. Pourtant, la réduction de ces dépenses, qui ne contribuent pas à améliorer la prise en charge des patients, permettrait de contenir l’Ondam.
On dit que celui-ci n’est pas une mesure pertinente. En 2018, une collègue de La France insoumise avait proposé à la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de réfléchir à un autre système, avant d’y renoncer face à la complexité de la tâche. Si quelqu’un souhaite reprendre ce travail, je suis disponible !
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 49 est supprimé et les amendements AS416 de Mme Ségolène Amiot, les amendements identiques AS793 de Mme Céline Thiébault-Martinez, AS1193 de Mme Océane Godard et AS1571 de M. Arthur Delaporte, ainsi que les amendements AS1079 et AS1136 de M. Hendrik Davi, AS804 de Mme Élise Leboucher, AS1083 de Mme Karine Lebon, AS226 de M. Boris Tavernier, AS446 de M. Damien Maudet, AS116 de Mme Sandrine Runel, AS1073 de M. Yannick Monnet, AS444 de Mme Élise Leboucher, AS200 de Mme Sandrine Runel, AS450 de Mme Ségolène Amiot, AS419 et AS437 de Mme Élise Leboucher, AS802 de M. Hadrien Clouet, AS706 et AS878 de Mme Élise Leboucher, AS400 de Mme Sandrine Dogor‑Such, AS425 de M. Hadrien Clouet, AS107 de Mme Sandrine Runel, AS430 de M. Damien Maudet, AS615 et AS605 de Mme Ségolène Amiot tombent.
Amendement AS1092 de Mme Karine Lebon
M. Yannick Monnet (GDR). Le texte que nous examinerons en séance publique sera, je le rappelle, le même que celui qui nous a été soumis par le Gouvernement, quels que soient les amendements que la commission aura adoptés.
Nous nous adaptons aux moyens dont nous disposons. En l’espèce, nous sommes opposés à la baisse du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), mais dès lors que nous ne pouvons pas proposer d’augmenter ses crédits, le seul moyen que nous avons de contester cette mesure est de supprimer l’alinéa 1 de l’article.
Enfin, depuis combien de temps réclamons-nous un débat sur la pertinence de l’Ondam ? Cette question est désormais dépassée, comme celle du projet de loi de financement de la sécurité sociale d’ailleurs. Mais nous n’avons jamais ces débats de fond.
M. Gaëtan Dussausaye, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Il s’agit d’un amendement d’appel, à l’instar de ceux déposés sur l’article 49 relatif à l’Ondam. J’ai moi-même indiqué dans le rapport ne pas bien comprendre pourquoi les crédits du Fiva baissent alors que les demandes d’indemnisation augmentent.
Je m’en remets à la sagesse de la commission.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 50 modifié.
Amendements de suppression AS460 de M. Damien Maudet et AS1345 de M. Yannick Monnet
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS460. Les objectifs de dépenses de la branche sont fondés sur une sous-déclaration chronique et organisée des accidents du travail et des maladies professionnelles – il est même possible à un employeur de se faire aider par un professionnel pour que les accidents du travail ne soient pas déclarés comme tels. L’article 51 n’est donc pas du tout à la hauteur des besoins réels de la branche.
M. le rapporteur. Je partage les préoccupations exprimées par les auteurs des amendements dans leurs exposés sommaires. La France détient le record du nombre de morts au travail – on en compte en moyenne deux par jour. Quant au taux de sinistralité, il est très élevé – plus de 900 000 accidents du travail et maladies professionnelles chaque année – et a, du reste, un lien évident avec le report de l’âge légal de départ à la retraite. Il convient donc de développer la prévention. Or la part de celle-ci dans les crédits affectés à la branche n’est que de 2 %, alors qu’elle est de 7 % en Allemagne.
Là encore, je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme Justine Gruet (DR). Je comprends le message politique que nos collègues souhaitent envoyer en déposant ces amendements de suppression, mais j’espère qu’ils n’adopteront pas la même démarche en séance publique car, si nous supprimons l’Ondam, ce sont les Françaises et les Français qui devront payer.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 51 est supprimé.
Amendements de suppression AS1529 de Mme Karine Lebon et AS1619 de Mme Ségolène Amiot
Mme Elsa Faucillon (GDR). Nous continuons sur notre lancée. Plutôt que de ne raisonner qu’en termes de dépenses, donc de réduction des droits des pensionnés, nous proposons par l’amendement AS1529 de provoquer une discussion sur les recettes de la branche vieillesse.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cette soirée d’Halloween est parfaitement indiquée pour évoquer la branche vieillesse, car les régimes d’assurance retraite sont un véritable cauchemar pour les Français. Ce soir, les enfants qui iront frapper aux portes dans ma circonscription porteront un masque d’Emmanuel Macron !
Lorsqu’on laisse les recettes augmenter trois fois moins vite que les dépenses, on crée volontairement un déficit. Les engagements pris par le Premier ministre, notamment à propos des carrières longues, n’ont aucun sens, puisque les gens de la génération 1964 ayant eu une carrière longue partiront à la retraite au 1er janvier 2026, de sorte que la Carsat n’aura pas eu le temps de traiter leur dossier. Quant à l’augmentation de la CSG sur le patrimoine, elle n’est pas une concession : notre commission l’a adoptée. Cette pantalonnade justifie la suppression de l’article par notre amendement AS1619.
Mme Sandrine Runel, rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements tendant à supprimer un article obligatoire de la loi de financement de la sécurité sociale – article qui devra, en tout état de cause, être modifié car, en l’état, il ne prend pas en compte l’ensemble des dépenses qui incomberont à la branche vieillesse, lesquelles devraient être supérieures d’environ 400 millions d’euros.
M. Philippe Vigier (Dem). Arrêtons de réclamer toujours plus sans savoir comment on dépense ! Il est temps que nous débattions d’une véritable refonte de notre système de santé.
M. Clouet reconnaîtra certainement, par honnêteté intellectuelle, que la situation des salariés qui ont commencé à travailler avant 20 ans a été améliorée par la réforme des retraites.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 52 est supprimé.
Amendements de suppression AS468 de M. Hadrien Clouet et AS1353 de Mme Karine Lebon
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je défends l’amendement AS468.
Si nous avons eu le plaisir de supprimer plusieurs des horreurs contenues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous regrettons que les exonérations de cotisations, inutiles, aient été maintenues, grâce à l’alliance entre le Rassemblement national et la Macronie.
J’aurais souhaité que nous travaillions davantage sur la branche famille. Mais on peut se demander si, en définitive, le véritable travail n’est pas effectué à Matignon, à l’heure du déjeuner, par le Parti socialiste et Lecornu. Si je remercie notre président et notre rapporteur général pour la qualité du travail réalisé par la commission, je ne remercie donc pas le Parti socialiste car, au bout du compte, nous nous retrouvons avec des milliards de déficit, des exonérations de cotisations sociales non compensées et une branche famille qui n’a pas progressé ! (Exclamations.)
M. Yannick Monnet (GDR). Je défends l’amendement AS1353.
Mme Anne Bergantz, rapporteure pour la branche famille. Je serais très déçue que notre commission vote contre l’objectif de dépenses de la branche famille. Sur la forme, un tel vote n’aurait aucun effet. Sur le fond, on peut considérer que cet objectif est insuffisant, mais n’oublions pas que ce texte comporte une belle mesure concernant la branche famille : le congé de naissance supplémentaire.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 53 est supprimé.
Amendements de suppression AS471 de Mme Élise Leboucher et AS1360 de M. Yannick Monnet
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). La hausse de 3,5 % des dépenses de la branche autonomie ne trompe personne : elle est près de deux fois inférieure à celle prévue initialement entre 2024 et 2025. Un tel freinage traduit le manque de volonté politique de traiter le problème de l’autonomie, du grand âge et du handicap. Pire : il témoigne des sacrifices imposés par le gouvernement Lecornu aux personnes en perte d’autonomie.
Aucune solution structurelle n’est apportée aux problèmes de la transition démographique et du vieillissement de la population. La loi « grand âge », maintes fois promise, n’a jamais vu le jour. Quant à la petite loi sur le bien‑vieillir, dont le manque d’ambition est souligné par l’ensemble des acteurs, son examen a été sans cesse repoussé. Enfin, les mesures annoncées ne couvrent pas les besoins réels, et le déficit de 500 millions d’euros compromet la création des emplois et des places indispensables.
M. Yannick Monnet (GDR). Je profite de cette dernière intervention pour vous remercier, monsieur le président, d’avoir dirigé nos travaux avec intelligence. (Applaudissements.) Nous avons eu de bons débats, même si je regrette que nous n’ayons parfois pas pu aller plus loin. Mes remerciements vont également au rapporteur général. (Nouveaux applaudissements.)
M. Hadrien Clouet, rapporteur pour la branche autonomie. Je suis favorable à ces amendements de suppression, pour trois raisons.
D’abord, les dépenses de la branche sont manifestement sous-évaluées au regard des besoins. Certes, ceux-ci sont illimités, mais la politique a précisément pour objet de déterminer ceux auxquels il convient de répondre collectivement. En l’espèce, c’est l’adéquation de l’environnement extérieur aux besoins d’une personne qui lui permet d’être autonome. Si elle ne l’est pas, c’est parce que le choix politique a été fait de la maintenir dans la sujétion.
Ensuite, le PLFSS 2026 n’alloue même pas à la branche les recettes nécessaires à la couverture des dépenses dont nous avions fixé ensemble l’objectif l’an dernier.
Enfin, les politiques actuelles ne favorisent ni l’autonomie, ni l’émancipation des personnes concernées, ni la démarchandisation du secteur.
M. Philippe Vigier (Dem). Je tiens à remercier notre président, notre rapporteur général et l’ensemble des membres de la commission, car nous sommes parvenus à examiner quelque 1 500 amendements dans un climat apaisé. C’est de bon augure pour la séance publique !
M. Jérôme Guedj (SOC). Je remercie à mon tour, au nom du groupe Socialistes et apparentés, le président de notre commission, le rapporteur général et les rapporteurs thématiques. L’examen du texte en séance publique sera très suivi, car il comporte des mesures essentielles, qu’il s’agisse de recettes, d’économies, d’économies évitées ou de la suspension de la réforme des retraites.
Compte tenu de la suppression des mesures irritantes que comportait la troisième partie du texte – je pense notamment à l’année blanche et à la trajectoire problématique de l’Ondam – et de la suspension de la réforme des retraites, nous voterons pour cette partie et pour l’ensemble du PLFSS.
Mme Joëlle Mélin (RN). Je remercie notre président, qui a permis que nos débats se déroulent dans un climat apaisé, propice aux discussions de fond, et notre rapporteur général, dont les réponses nous ont bluffés, d’autant que le texte, conçu dans la précipitation, comportait des chiffres imprécis et était dépourvu d’axes stratégiques, au point de donner le sentiment que les services avaient pour seul objectif de trouver le moindre centime d’euro.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Je remercie à mon tour le président et le rapporteur général. Puisque nous nous inscrivons dans une démarche constructive de compromis, nous voterons pour le texte, quoique nous ayons perdu quelques batailles, car nous souhaitons à tout prix que la France soit dotée d’un budget de la sécurité sociale.
M. le président Frédéric Valletoux. Je vous remercie tous pour votre implication dans les travaux de notre commission. La discussion a parfois été vive – et c’est normal, car les sujets sont sensibles, techniques, et la copie n’était pas terrible –, mais nous avons su nous écouter.
Je remercie également les services de la commission qui nous accompagnent, les rédacteurs des comptes rendus, nos collaborateurs et les journalistes qui nous ont suivis jusqu’au bout (Applaudissements). Après ses travaux sur la fin de vie, notre commission a confirmé sa réputation de sérieux, celui d’une commission où les débats sont intéressants, même si parfois vifs. Je n’oublie pas le rapporteur général et les rapporteurs thématiques qui, grâce au travail intense qu’ils ont fourni en peu de jours, nous ont apporté des réponses sérieuses, étayées et intéressantes.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 54 est supprimé.
La commission rejette la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.
L’article liminaire et les trois parties du projet de loi ayant été supprimés ou rejetés, l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 est rejeté.
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