N° 2142

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 novembre 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 1853),
DE Mme SOPHIE TAILLÉ-POLIAN ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,


visant à garantir l’intégrité de l’information sur le changement climatique face à la désinformation climatique et aux ingérences étrangères,

 

 

 

 

PAR Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN,

Députée

 

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; Mme Manon BOUQUIN, M. Laurent MAZAURY, Mme Nathalie OZIOL, vice-présidents ; MM. Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, Mme Liliana TANGUY secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Philippe BALLARD, Michel BARNIER, Guillaume BIGOT, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, Sophia CHIKIROU, Nathalie COGGIA, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Stéphane DELAUTRETTE, Jocelyn DESSIGNY, Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Denis FÉGNIÉR, Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, M. Bastien LACHAUD, Mmes Julie LAERNOES, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, MM. Pascal LECAMP, Matthieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Emmanuel MAUREL, Mmes Yaël MENACHÉ, Danièle OBONO, MM. Frédéric PETIT, Stéphane RAMBAUD, Mme Isabelle RAUCH, MM. Fabrice ROUSSEL, Alexandre SABATOU, Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLÉ-POLIAN, Sabine THILLAYE, Anne-Cécile VIOLLAND, Estelle YOUSSOUFFA.


SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. le cadre existant en matière de lutte contre la désinformation et le développement spécifique de la désinformation climatique

A. la désinformation est un phénomène aussi ancien que l’information elle-même, qui a conduit la France à se doter d’un cadre réglementaire dedié

1. Enjeux de définition : désinformation, mésinformation, narratif de désinformation, vérité

2. État des lieux de la désinformation

a. Les acteurs de la désinformation

b. La désinformation climatique, de plus en plus présente, fait peser le risque d’une imprégnation dans l’opinion publique

3. Cadre juridique de l’information et de la lutte contre la désinformation

a. Un cadre ancien, ayant su s’adapter aux mutations des formes de communication

b. L’arsenal de lutte contre la désinformation est structuré sous l’égide de l’Arcom

i. Le régulateur des communications audiovisuelles et numériques

ii. La décision récente du Conseil d’État

B. les formes de désinformation ont eu tendance à se multiplier de manière insidieuse ces dernières années, particulièrement en matière climatique

1. Une évolution des récits de désinformation vers des formes plus pernicieuses

2. Le développement des récits de désinformation climatique a trois facteurs causaux principaux

a. D’abord, un problème de temporalité entre la science et ses parodies fallacieuses de plus en plus rusées

b. Ensuite, la logique même de l’information en temps réel est difficilement compatible avec la rigueur, la concertation et la prudence scientifiques

c. Enfin, à cela s’ajoute un climat rampant de peur chez les chercheurs dont certains ne souhaitent plus s’exprimer publiquement compte tenu des risques personnels associés

3. Le rapport de Quota Climat, Science Feedback et Data for good

II. face à cette aggravation, des efforts sont entrepris mais doivent encore trouver leur matérialisation concrète

A. la cop 30

B. aux niveaux européen et national, la lutte contre la désinformation se structure lentement

1. Le règlement sur les services numériques (digital service act) : une mise en œuvre poussive, encore conditionnée à une volonté politique forte de sanction voire d’interdiction des grandes plateformes non-coopératives

2. L’UE a affiné son cadre de lutte contre la désinformation pour tenir compte des évolutions rapides de l’économie de l’information et des risques afférents

a. Le règlement sur la liberté des médias

b. Le règlement sur l’IA

c. Le bouclier démocratique européen

3. Des solutions sont envisageables pour accroître l’efficacité de la lutte contre la désinformation climatique

examen en commission

proposition de rÉsolution europÉenne initiale

amendements examinés par la commission

PROPOSITION EUROPEENNE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 


   introduction

Mesdames, Messieurs,

« Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et, avec un tel peuple, vous pouvez faire ce qu’il vous plaît. »

Cette citation d’Hannah Arendt ([1]) résonne avec une singulière actualité.

L’avènement de la société de l’information a eu pour corollaire inévitable le développement de la désinformation. Aux moyens d’information de plus en plus rapides et précis, ont répondu des moyens de désinformation de plus en plus rapides et pernicieux, difficiles à identifier et fastidieux à démentir.

Le changement climatique n’est pas épargné par la désinformation.

Ce phénomène était déjà présent dans les années 1980-1990 comme pouvait l’incarner le très médiatisé Claude Allègre, géologue de formation et ministre de l’éducation nationale, devenu figure de proue du climatoscepticisme.

Cependant, les stratégies de désinformation se sont renouvelées. Elles prennent aujourd’hui des formes plus fines, plus discrètes et, par là même, plus dangereuses.

Comme le note le climatologue Christophe Cassou ([2]), la confrontation du discours scientifique et des récits fallacieux se produisait auparavant « fait par fait », au coup par coup, sur un « déni de réalité ». Devant le caractère désormais incontestable du caractère anthropique du réchauffement climatique, les récits de désinformation ont muté en des formes plus pernicieuses empruntant les atours de la rigueur scientifique et contestant la « relation aux faits » dans une situation de « déni des solutions ». Les deux ne sont cependant pas exclusifs : il continue d’y avoir des lignes de contestation frontales de la réalité du changement climatique. Mais ces discours ont désormais moins de prise que le relativisme climatique, l’éco-blanchiment ou la contestation des solutions de décarbonation.

Au niveau international, l’accroissement des tensions géopolitiques est propice à ces nouvelles stratégies de désinformation. Connu pour ses critiques acerbes des médias « mainstream » et pour ses accusations infondées de « fake news », le président américain Donald Trump a ouvert son second mandat par une attaque en règle contre les départements de recherche dans le domaine des sciences de la durabilité et des sciences sociales.

La COP 30, qui s’est déroulée à Belém fin novembre, a offert un espace d’expression bienvenu pour rappeler l’importance du respect de la parole scientifique et des vérités acquises par la recherche.

Au niveau européen, le début du second mandat Von der Leyen est marqué par une baisse des ambitions climatiques tendant parfois à confondre nécessaire simplification et reculs écologiques. Il a ouvert la voie au retour de flammes, au backlash écologique ([3]) auquel nous assistons actuellement.

Au niveau français, l’accroissement de la concentration des médias entre les mains d’intérêts économiques privés fait peser un risque structurel sur l’orientation des rédactions en chef, le choix des sujets abordés et les grilles de lecture employées par les journalistes. L’espace informationnel est, en outre, de plus en plus saturé par des réseaux sociaux dont le cadre de régulation peine à être concrètement mis en œuvre.

Pour arriver à ce constat, votre rapporteure a mené une série d’auditions afin de rencontrer des scientifiques, des chercheurs, des représentants de l’Arcom et de la direction générale de l’énergie et du climat, ainsi que des responsables d’ONG œuvrant au respect de la parole scientifique.

La présente proposition de résolution européenne s’inscrit dans le contexte et l’ambition de la COP 30. Elle propose une approche pragmatique articulée autour de trois leviers :

1. Renforcer la coordination européenne :

● Inviter la Commission européenne à élaborer une feuille de route opérationnelle dédiée à la désinformation climatique, garantissant la cohérence entre les directions générales concernées (DG CLIMA, DG CONNECT, DG COM, EEAS) ;

● En faire une priorité thématique pour le Centre européen démocratique de résilience annoncé par le Bouclier démocratique.

2. Mobiliser les organes compétents :

● Inviter le Comité européen pour les services de médias (EMB) à mobiliser ses groupes de travail n° 1 et n° 5 afin de formuler, d’ici fin 2025, des recommandations d’actions concrètes sur la désinformation climatique ;

● Renforcer le rôle stratégique de l’EMB en tant qu’organe consultatif et de coordination auprès de la Commission, et en tant que plateforme de partage de bonnes pratiques entre les régulateurs nationaux.

3. Aligner l’action européenne et nationale et appeler le Gouvernement français à :

● Soutenir l’inscription de la désinformation climatique comme thème prioritaire du Conseil de l’UE sous présidence chypriote puis irlandaise ;

● Encourager les États membres à rejoindre l’Initiative mondiale pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique ;

● Lancer un chapitre français de cette initiative et l’intégrer dans les contributions déterminées au niveau national (CDN) pour la COP 30


 

I.   le cadre existant en matière de lutte contre la désinformation et le développement spécifique de la désinformation climatique

A.   la désinformation est un phénomène aussi ancien que l’information elle-même, qui a conduit la France à se doter d’un cadre réglementaire dedié

1.   Enjeux de définition : désinformation, mésinformation, narratif de désinformation, vérité

Dans le rapport publié récemment par les ONG Quota Climat, Science feedback et Data for good ([4]), la distinction entre désinformation et mésinformation est rappelée.

La désinformation climatique est définie comme un discours faux ou trompeur et à haut risque d’induire le public en erreur sur des faits avérés par l’état des connaissances scientifiques à propos du changement climatique et de l’action climatique concernant les mesures d’atténuation et d’adaptation telles qu’établies par le GIEC.

La mésinformation climatique se distingue par l’absence de volonté démontrée du locuteur de nuire, pouvant donc relever de l’erreur, ou de la perméabilité à des récits trompeurs.

Des cas de mésinformation répétée et délibérée sont considérés comme un narratif de désinformation. Les trois ONG considèrent en effet que la répétition de mésinformations sur un sujet identique, de façon statistiquement significative (> 8 occurrences), est un indice suffisant pour caractériser une intentionnalité trompeuse.

Comme l’a rappelé Mme Bénédicte Lesage, membre de collège de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la distinction entre désinformation et mésinformation est également faite par le régulateur. Cependant, la notion de narratif de désinformation n’est pas reconnue.

En tant que régulateur, l’approche de l’Arcom, est nécessairement plus conservatrice et précautionneuse. La notion de narratif de désinformation n’est ainsi pas directement consacrée et les exigences de contradiction sont moins élevées que celles retenues par les trois ONG dans la méthodologie de leur rapport.

Comme le note Mme Lesage, l’approche de l’Arcom est duale :

● S’agissant des données faisant l’objet d’un consensus scientifique établi : « Si le propos de désinformation est contredit à l’antenne, on considère que ce n’est pas de la désinformation et on ne sanctionne pas l’éditeur. »

● Sur les sujets ne faisant pas l’objet d’un consensus scientifique établi, l’Arcom parle des « questions portant à controverse ».

Le Haut conseil pour le climat a résumé la situation dans laquelle se trouve le régulateur : celle d’un équilibre à trouver entre la liberté d’expression – y compris la liberté de se tromper et de donner son avis sur des sujets portant à controverse – et la nécessité de sanctionner la désinformation et les stratégies organisées et délibérées de mésinformation.

En tout état de cause, la boussole du régulateur doit être l’expression d’opinions de bonne foi. Son autorité, son impartialité et sa légitimité reposent sur son indépendance, à laquelle participe son absence de faculté d’auto-saisine.

Une dernière précision sémantique d’importance tient à la notion de vérité, mise à l’honneur par la COP 30.

La vérité s’analyse, en matière scientifique, non en tant qu’absolu auquel on finirait par arriver, mais comme « assertabilité garantie » au sens où l’entend le logicien américain John Dewey ([5]).

La « théorie de l’enquête » qu’il développe est énoncée en ces termes : « si l’enquête commence dans le doute, elle s’achève par l’institution de conditions qui suppriment le besoin du doute ». Il y a alors « assertabilité garantie », ce qui signifie que la solution au problème a été trouvée.

Toutefois, le contexte de recherche continue à changer de sorte que d’autres problèmes surgissent, et avec eux de nouvelles enquêtes sont nécessaires. Elles ne contestent pas la vérité partielle établie initialement, mais elles l’affinent en tenant compte des données nouvelles.


2.   État des lieux de la désinformation

a.   Les acteurs de la désinformation

L’ONG identifie plusieurs catégories d’acteurs de la désinformation :

Une étude de 2023 menée par David Chavalarias intitulée « Les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme » ([6]) décrit certaines des stratégies mises en œuvre par les militants climatosceptiques et dénialistes sur Twitter, quantifie leurs effets et met en avant de potentielles motivations géopolitiques aux côtés des dimensions politiques et économiques déjà présentes.

Selon l’étude, « les discours sur Twitter des communautés dénialistes et technosolutionnistes freinent probablement la dissémination des connaissances scientifiques et des conclusions du GIEC en agissant de manière négative sur l’activité en ligne des scientifiques des sciences du climat et du changement climatique. ». Elle met également en avant la surreprésentation de comptes « probablement bot » parmi la communauté climatodénialiste de Twitter, qui de ce fait « produit ou relaie 3,5 fois plus de messages toxiques que la communauté GIEC. »

De son côté, l’ONG Science Feedback note que :

« Parmi les principales sources de désinformation climatique, on trouve les think tanks conservateurs, notamment américains, financés par des entreprises et des associations professionnelles représentant certains intérêts économiques (industries du charbon, du pétrole, du gaz, de l’agriculture, de la chimie, de l’automobile…). Il existe aussi en Europe des réseaux documentés de think tanks climato-sceptiques. Les think tanks américains sont actuellement en train de se constituer en réseaux pour influencer la politique en Europe et au Royaume-Uni. Ce sont eux qui organisent la création et la diffusion d’éléments de langage et de campagnes de communication efficaces.

Les principaux relais de cette désinformation sont des acteurs médiatiques et politiques. Parmi les médias, on retrouve des institutions pseudo-journalistiques ou d’anciens journaux qui ont été rachetés et transformés en outils d’influence politique (par exemple Fox News, Breitbart News, … aux États-Unis, ainsi que les médias pointés dans le rapport de Science Feedback, Quota Climat et Data for Good : CNews, Sud Radio, Europe 1, …).

Certains partis politiques mobilisent leur base électorale en présentant les politiques climatiques comme une menace pour les libertés individuelles ou pour l’économie ([7]).

b.   La désinformation climatique, de plus en plus présente, fait peser le risque d’une imprégnation dans l’opinion publique

Les données fournies par l’Observatoire des Médias sur l’Écologie (OME) facilitent une vue d’ensemble de la couverture médiatique des enjeux environnementaux :

– La part de contenus dédiés aux crises environnementales dans les programmes d’information des médias audiovisuels en 2024 est faible et en baisse (à 3,7 % en 2024, en baisse de 30 % par rapport à 2023) ;

– La couverture médiatique est davantage centrée sur les crises que sur les solutions ;

– La mise à l’agenda des enjeux environnementaux reste très corrélée aux événements climatiques extrêmes (incendies, inondations, canicule) ainsi qu’à l’actualité politique et diplomatique.

En 8 mois d’analyse (janvier à août 2025), l’ONG Science Feedback a détecté 529 cas de mésinformation climatique en France. Le nombre de cas moyen par mois a triplé à l’été par rapport au début de l’année et s’est concentré sur des moments politiques et géopolitiques identifiés : prise de mandat de Donald Trump, débats sur les ZFE, débats sur la PPE3 et canicule.

Par ailleurs, la Commission européenne estime qu’entre 2021 et 2024, le volume de contenus climatosceptiques a augmenté de 43 % sur YouTube et de 82 % sur X ([8]). L’exposition répétée à ces contenus produit un biais de vérité illusoire, renforçant la perception d’un faux consensus et influençant durablement l’opinion publique.

L’étude de l’Arcom intitulée « Les Français et l’information », publiée en 2024 montre que les personnes les plus aptes à adhérer à des thèses complotistes sont d’une part, des personnes plutôt âgées (23 % ont plus de 70 ans) qui s’informent assez peu mais essentiellement par des médias traditionnels, et d’autre part, des personnes entre 35 et 44 ans (19 %) qui s’informent beaucoup, mais principalement par les réseaux sociaux, les plateformes de vidéos ou des outils numériques. Ils ont néanmoins pour point commun d’être peu éduqués (42 % avant le lycée).

Si les questions liées au climat et à l’environnement intéressent près de 70 % des Français, elles figurent parmi les sujets pour lesquels les répondants se sentent moins bien informés ([9]). L’ADEME montre que 33 % des Français considèrent qu’on ne parle pas assez des enjeux climatiques dans les médias et que les réseaux sociaux sont une source d’information quotidienne (57 % des Français se rendent sur Facebook au moins une fois par jour pour s’informer sur les sujets environnement et changement climatique) ([10]).

3.   Cadre juridique de l’information et de la lutte contre la désinformation

a.   Un cadre ancien, ayant su s’adapter aux mutations des formes de communication

La liberté d’expression et le droit à l’information sont garantis depuis la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 :

Art. 10. — Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.

Art. 11. — La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

 


La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est venue consacrer le premier cadre, à une époque où l’information était essentiellement diffusée par la presse écrite. Son article 27 mentionne, dans sa version actuellement en vigueur, l’interdiction de la diffusion ou de la reproduction de « fausses nouvelles ».

Article 27 :

La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d’une amende de 45 000 euros.

Les mêmes faits seront punis de 135 000 euros d’amende, lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction faite de mauvaise foi sera de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation.

Par la suite, ce cadre a évolué pour s’adapter aux nouveaux médias (radio, télévision, Internet) et faire face aux abus, notamment la diffusion de fausses nouvelles et de contenus illicites.

La loi du 30 septembre 1 986 relative à la liberté de communication a permis de faire face à l’essor de l’audiovisuel (radios libres dès 1981, premières télévisions privées).

Extrait de l’article 1er de la loi de 1986 :

La communication au public par voie électronique est libre.

L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la protection de l’enfance et de l’adolescence, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle.

La loi 1986 a également créé un régulateur indépendant, d’abord nommé Commission nationale des communications et des libertés de 1986 à 1989 puis Conseil supérieur de l’audiovisuel de 1989 à 2021 et enfin Arcom.

Par la suite, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) a permis l’adaptation à l’ère du numérique et au développement massif d’Internet.

Devant la montée des réseaux sociaux et la diffusion massive de contenus potentiellement dangereux (fausses informations virales, discours de haine), la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information a été adoptée.

Le caractère désormais international et transfrontalier de la circulation de l’information a conduit à une européanisation de l’approche réglementaire, avec les règlements DMA/DSA et le AI Act qui sont évoqués plus en détail dans le II.B.1 du présent rapport.

b.   L’arsenal de lutte contre la désinformation est structuré sous l’égide de l’Arcom

i.   Le régulateur des communications audiovisuelles et numériques

L’Arcom résulte de la fusion, le 1er janvier 2022, du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi). La compétence de l’Arcom, fixée par le législateur, comprend à la fois les communications audiovisuelles et les communications numériques.

L’Arcom ne vise pas directement la désinformation climatique et ne dispose d’ailleurs pas d’étude spécifique sur le sujet comme cela a été rappelé par Bénédicte Lesage, membre du collège de l’autorité.

Cependant, elle publie un rapport annuel revenant sur les signalements et les sanctions prononcées chaque année, selon la gradation suivante : mise en garde, mise en demeure, sanction.

Depuis 2022, l’Arcom traite un nombre croissant de saisines en lien avec des thématiques environnementales, ce qui lui permet, au fur et à mesure, de construire son analyse juridique sur ces sujets parfois complexes en termes de technicité scientifique.

Nombre de saisines traitant d’une thématique environnementale par an

2022

2023

2024

1

5

20

Source : Arcom

L’augmentation des saisines ces dernières années révèle avant tout une préoccupation croissante des téléspectateurs, et l’organisation du secteur associatif (Quota Climat, Observatoire des Médias sur l’Écologie, …) autour de l’exigence d’honnêteté de l’information autour de ces enjeux.

L’Arcom constate deux principaux types d’information climatique dans les saisines :

● celles portant sur les constats du changement climatique, de son origine anthropique, et de ses impacts (pour lesquels nous disposons d’un consensus scientifique) ;

● celles sur les solutions proposées pour avancer dans la transition écologique (voiture électrique, énergies renouvelables, ...). Ces dernières, parfois complexes, demandant parfois une compréhension technique plus grande. Elles peuvent aussi porter le risque de mésinformation quand elles sont traitées trop simplement, brièvement et sans nuance dans les médias audiovisuels et numériques.

L’Arcom est à ce jour intervenue à trois reprises sur ces questions :

     Mise en garde à l’encontre de Sud Radio en date du 4 juin 2024 ([11]), pour laquelle l’Arcom a relevé que plusieurs déclarations venaient contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique, par un traitement manquant de rigueur et sans contradiction ;

     Décision de sanction pécuniaire de 20 000 euros à l’encontre de CNews en date du 3 juillet 2024 ([12]), pour laquelle l’Arcom a relevé la présentation d’une thèse controversée et non vérifiée ([13]) par les données acquises de la science sans que la position défendue ne soit mise en perspective et sans qu’une contradiction sur ce sujet ne soit exprimée à la suite de ces propos. Cette décision a récemment été confirmée par le Conseil d’État en ces termes : « Ni le présentateur ni les autres invités de l’émission n’ont apporté de contradiction à ces propos grossièrement erronés et manifestement non conformes aux données acquises de la science, au surcroît accompagnés de propos de caractère complotiste » ;

     Mise en garde à l’encontre de Sud Radio en date du 31 juillet 2024 ([14]), pour laquelle l’Arcom a relevé que plusieurs déclarations venaient contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique, par un traitement manquant de rigueur et sans contradiction suffisante.

Les saisines portant sur des sujets environnementaux sont traitées sous l’angle de l’exigence d’honnêteté et de rigueur de l’information (délibération n° 2018‑11 du 18 avril 2018 relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes).

L’Arcom travaille par ailleurs à la mise en œuvre de la délibération n° 2024‑15 relative au respect du principe de pluralisme des courants de pensée et d’opinion par les éditeurs de service. Cette dernière pourrait lui permettre d’intervenir auprès d’un éditeur en cas de « déséquilibre manifeste et durable ». Dans son appréciation, l’Arcom tiendra notamment compte de la variété des sujets ou thématiques abordés à l’antenne, de la diversité des intervenants dans les programmes, et de l’expression d’une pluralité de points de vue dans l’évocation des sujets abordés à l’antenne.

Le raisonnement de l’Arcom en matière de désinformation climatique ([15]) :

Il est recherché s’il existe des données acquises de la science sur la question soulevée par la séquence.

Si l’analyse de l’état des connaissances scientifiques permet d’établir qu’il existe un consensus scientifique sur le point soulevé, l’Autorité analysera la séquence au regard de l’exigence d’honnêteté de l’information. Un manquement ne sera retenu qu’en cas d’absence de maîtrise de l’antenne par l’éditeur.

À cet égard, les rapports du GIEC ont pu être mobilisés – lorsque pertinents – par l’Autorité en ce qu’ils évaluent et synthétisent l’état des connaissances scientifiques sur le climat. Il est à noter que les rapports du GIEC ont déjà été cités comme source scientifique fiable par d’autres juridictions, française (Conseil d’État) comme internationales (CEDH, CIJ).

Jusqu’à présent, l’Arcom a été amenée à considérer, au gré de ses analyses, que trois constats faisaient l’objet d’un consensus scientifique en l’état actuel des connaissances scientifiques : 1 il existe actuellement un changement climatique inédit, 2 son origine anthropique est sans équivoque et 3 ses impacts sont déjà visibles. Il n’est évidemment pas exclu que d’autres sujets fassent l’objet d’un consensus scientifique, ces questions émergeant en opportunité lorsque l’Arcom est saisie sur une séquence précise.

Par ailleurs, lorsque l’analyse de l’état des connaissances scientifiques ne permet pas de dégager un consensus sur le sujet abordé dans la séquence, cette dernière peut être analysée sous l’angle des questions prêtant à controverse, qui exige une diversité de points de vue (toujours mise en balance avec la liberté éditoriale des chaînes, qui ont également la liberté de choisir un « angle » plutôt qu’un autre).

Par ailleurs, si un invité / un chroniqueur pour des raisons politiques / idéologiques donne des informations fausses (sur un fait relevant d’un consensus scientifique), et que celle-ci est rectifiée, l’éditeur ne sera pas sanctionné par l’Arcom. Cette notion de maîtrise de l’antenne, inscrite dans les conventions des éditeurs, est au cœur du mécanisme de régulation de l’Arcom. Il est à noter que la maîtrise de l’antenne est considérée par l’Arcom comme assurée y compris lorsque c’est le fait d’un invité, et non du journaliste ou du présentateur.

Plusieurs logiques peuvent expliquer l’existence de propos relevant de la désinformation à l’antenne :

– des raisons éditoriales ;

– la présence de certains invités politiques (dans le respect notamment du pluralisme politique) ;

– la technicité de nombreux enjeux environnementaux et en particulier des solutions favorisant la transition écologique, peut parfois engendrer de la mésinformation.

 

 

Votre rapporteure tient à souligner un paradoxe qui est ressorti des auditions : l’Arcom considère que son arsenal répressif est suffisant pour mener à bien ses missions, tandis que les ONG investies dans la lutte contre la désinformation climatique souhaiteraient que ses pouvoirs soient renforcés.

A notamment été mentionné par Bénédicte Lesage le cas du dialogue constructif avec Sud Radio qui ont conduit à la déprogrammation de l’émission d’André Bercoff dont émanait la plupart des signalements.

Dans sa contribution écrite, l’Arcom note encore :

« Il nous semble que les dispositifs existants, s’appliquant aux médias audiovisuels, sont suffisants pour assurer l’honnêteté et la rigueur de l’information (formation des journalistes des rédactions par les médias audiovisuels, saisines Arcom, recommandations de l’Arcom, études Arcom-Arcep-Ademe, contrats climat, …). Par ailleurs, la création de nouveaux outils, comme l’OME par des acteurs de la société civile permet également d’inciter les médias à une vigilance accrue sur le sujet dans les programmes d’information.

Sur les plateformes en ligne, l’Arcom travaille à la mobilisation des outils du RSN, notamment par exemple avec l’ouverture des candidatures pour l’accès aux données à des chercheurs (article 40 du RSN).

L’Arcom œuvre à faire connaître les moyens d’action, et à encourager les chercheurs et les organismes de recherche potentiellement concernés à s’emparer des possibilités de faire des recherches sur le sujet afin de mieux comprendre (et potentiellement surveiller) la désinformation climatique.

Il faudrait cependant porter une attention particulière aux moyens financiers français ou européens à la disposition des chercheurs, et favoriser les collaborations entre les chercheurs européens pour y parvenir. »

À rebours de cette position du régulateur, les ONG Quota Climat, Science Feedback et Data for Good appellent à un renforcement des pouvoirs de l’autorité et à un durcissement de l’échelle des sanctions.

Le Haut Conseil pour le Climat considère quant à lui que l’Arcom a les moyens de sanctionner le « climatoscepticisme classique » mais que cela est plus délicat en matière de mésinformation, particulièrement dans le cas des narratifs de désinformation évoqués dans le rapport des trois ONG.

Le HCC note, en outre, qu’il est possible de tirer parti de l’expérience acquise dans la lutte contre la désinformation en santé pour la transposer au domaine climatique. La santé dispose en effet d’une antériorité, étant un domaine particulièrement sensible à la désinformation.

ii.   La décision récente du Conseil d’État

La décision de l’Arcom à l’encontre de l’éditeur de CNews (décision n° 2024-656 du 3 juillet 2024 portant sanction à l’encontre de la Société d’exploitation d’un service d’information – S.E.S.I.) a été confirmée par le Conseil d’État.

Dans le détail, par sa décision du 3 juillet 2024, l’Arcom a sanctionné la S.E.S.I., à hauteur de 20 000 euros. Cette décision fait suite à la diffusion, le 8 août 2023, dans l’émission Punchline Été, d’une séquence consacrée à l’information selon laquelle le mois de juillet 2023 avait été le mois le plus chaud jamais enregistré. Au cours de cette séquence, l’un des intervenants a contesté l’influence anthropique sur le réchauffement climatique. Ces propos de l’intervenant sur l’absence d’influence humaine sur le réchauffement climatique n’ont suscité aucune réaction de la part des autres personnes présentes en plateau.

Cette situation caractérise un manquement de l’éditeur, d’une part, aux dispositions de l’article 1er de la délibération du 18 avril 2018 relatives à l’obligation de présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l’expression des différents points de vue, auquel renvoient les stipulations de l’article 2‑3‑7 de la convention du 27 novembre 2019 et, d’autre part, aux stipulations de l’article 2‑2‑1 de la même convention.

La décision a été publiée au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet de l’Autorité.

Saisi d’un recours en annulation de la décision administrative de l’Arcom par la SESI, le Conseil d’État a eu à se prononcer sur la légalité de cette sanction.

Le Conseil d’État a rejeté le recours, détaillant plus précisément son argumentation dans le considérant n° 5 de la décision ([16]) :

« En second lieu, au cours de la séquence litigieuse, consacrée à l’information selon laquelle le mois de juillet 2023 avait été le mois le plus chaud jamais enregistré à cette date, M. A..., invité de l’émission présenté comme “ économiste ”, a, à deux reprises, contesté l’existence d’un réchauffement climatique dû aux activités humaines, niant son caractère scientifiquement établi et la qualifiant de mensonge et d’escroquerie, imputable à un complot destiné à justifier l’intervention de l’État dans la vie quotidienne des citoyens et qui s’apparenterait à une forme de totalitarisme. Ni le présentateur ni les autres invités de l’émission n’ont apporté de contradiction à ces propos grossièrement erronés et manifestement non conformes aux données acquises de la science, au surcroît accompagnés de propos de caractère complotiste. En estimant que la diffusion, dans ces conditions, de tels propos caractérisait une méconnaissance par l’éditeur du service des obligations résultant pour lui des stipulations des articles 237 et 221 de la convention du 27 novembre 2019, relatifs respectivement à l’exigence d’honnêteté de l’information et à la maîtrise de l’antenne, justifiant l’infliction d’une sanction pécuniaire d’un montant de 20 000 euros, l’Arcom n’a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu’elle tient de l’article 421 de la loi du 30 septembre 1986, ni retenu une sanction disproportionnée, ni porté une atteinte excessive à la liberté d’expression protégée par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Cette décision vient donc asseoir le pouvoir de l’Arcom et l’interprétation des bornes de sa compétence administrative.

B.   les formes de désinformation ont eu tendance à se multiplier de manière insidieuse ces dernières années, particulièrement en matière climatique

1.   Une évolution des récits de désinformation vers des formes plus pernicieuses

Auditionné, l’observatoire européen des médias numériques (EDMO) ([17]) fait le constat d’une évolution des formes de désinformation climatique. D’un « négationnisme climatique vieux style », consistant à nier la nature anthropique du changement climatique à un « nouveau négationnisme » critiquant les politiques publiques mises en œuvre pour faire face au changement climatique.

 

Attribution denial

Déni d’attribution

Déni de la responsabilité humaine dans le changement climatique

Consensus denial

Déni du consensus

Déni du caractère consensuel de l’analyse des causes du changement climatique au sein de la communauté scientifique

Impact denial

Déni des effets, relativisation

Déni des effets du changement climatique et relativisation des effets, discrédit des porteurs de message de mobilisation environnementale

Solution denial

Déni des solutions

Déni des solutions nécessaires à la mise en œuvre de la transition écologique ; inversement, mise en avant de solutions inefficaces (greenwashing ou éco-blanchiment)

Typologie des formes de désinformation climatique, d’après l’audition de l’EDMO.

2.   Le développement des récits de désinformation climatique a trois facteurs causaux principaux

a.   D’abord, un problème de temporalité entre la science et ses parodies fallacieuses de plus en plus rusées

Selon l’adage populaire déjà présent chez Rousseau ([18]) et repris par la loi de Brandolini : le mensonge prend l’ascenseur, la vérité prend l’escalier.

De fait, comme cela a pu être affirmé par l’ONG Science Feedback dont c’est le cœur de mission : il est bien plus rapide et facile de créer une fausse information que de venir démontrer scientifiquement en quoi elle est fausse.

Les récits fallacieux sont, en outre, de plus en plus sophistiqués, appelant, dans des formes de plus en plus subtiles, à la rigueur et à la précaution scientifique sur des sujets faisant l’objet d’un consensus, ou bien assénant frontalement des affirmations qui ne font l’objet d’aucun soubassement scientifique.

Cela a été analysé par Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au Commissariat à l’énergie atomique et ancienne co-présidente du groupe n° 1 du GIEC, lors de son audition. Elle parle ainsi de « greenwashing universitaire » au sujet d’études ou d’utilisations de canaux respectés d’information (type Wikipédia) à des fins d’autopromotion par les acteurs des industries fossiles.

La surexploitation du doute scientifique à des fins dilatoires est une stratégie de désinformation bien connue, notamment employée par l’industrie du tabac pour contester le plus longtemps possible l’instauration de réglementations de santé publique et reprise aujourd’hui par les pétroliers.

Ce problème de temporalité se retrouve jusque dans le tempérament des intervenants. Le propre de l’ethos scientifique tient dans la mesure et le doute, la précaution et l’écoute de l’autre. Tout l’inverse des « pseudo-experts » qui font florès dans certaines enceintes médiatiques et sont convoqués au service d’un message politique.

Ce biais cognitif a un nom : l’effet Dunning-Kruger.

Identifié en 1999 par les psychologues David Dunning et Justin Kruger, désigne la tendance observée chez des individus ayant un faible niveau de compétence dans un domaine à surestimer leurs connaissances ou leurs aptitudes, tandis que les personnes réellement compétentes ont plutôt tendance à sous-estimer leur niveau.

Il résulte d’une double méconnaissance :

● incapacité à évaluer objectivement ses propres performances ;

● incapacité à reconnaître la compétence d’autrui.

Pour illustration, votre rapporteure renvoie à la récente confirmation de la sanction de la chaîne CNews évoquée plus haut, au sujet d’une séquence où un économiste intervenait au sujet du changement climatique, sur lequel il ne dispose d’aucune légitimité scientifique et qui ne l’a pas empêché d’asséner des contre-vérités péremptoires en contradiction flagrante avec l’état de la science.

Effet voisin pouvant s’avérer dévastateur pour l’information de qualité : le syndrome du Nobel.

Ce biais consiste à ce que de véritables scientifiques reconnus pour leurs apports et leurs travaux dans un champ de connaissance spécifique en viennent à investir des champs éloignés de leur compétence, adoptant des positions pseudo-scientifiques ou scientifiquement infondées. Leur autorité légitimement acquise peut alors être utilisée à des fins néfastes et dommageables pour l’avancée de la science.

b.   Ensuite, la logique même de l’information en temps réel est difficilement compatible avec la rigueur, la concertation et la prudence scientifiques

Cela explique le foisonnement des discours fallacieux lors d’évènements ponctuels comme des catastrophes climatiques ou des problèmes techniques.

Valérie Masson-Delmotte a ainsi recensé, pour l’exemple, plusieurs évènements ayant fait l’objet de forts pics de désinformation :

– Sécheresse 2022 : mise en parallèle avec l’été 1976 pour s’adresser à un public âgé et minimiser l’aggravation des évènements extrêmes en relativisant son caractère extraordinaire ;

– Inondations à Valence : désinformation à tous les niveaux, rejetant la responsabilité sur les décisions d’aménagement et la gestion de risques mais le fait de comprendre en quoi un climat plus chaud ajoute 10 % de pluie en plus est rendu inaudible ;

– Inondations dans le Pas-de-Calais : attribution de la faute aux politiques écologistes locales qui n’ont pas épuré les canalisations ;

– Vallée de Chevreuse : débordement de l’Yvette en 2024, affirmation que la vallée a été inondée et sacrifiée pour protéger Paris ;

– Blackout du 28 avril 2025 dans la péninsule ibérique : rejet de la faute les énergies renouvelables.

S’agissant des narratifs de désinformation, l’EDMO a mentionné plusieurs exemples de cas de désinformation climatique détectés :

– En Norvège : les éoliennes provoquent la stérilité des rennes ;

– Battage médiatique sur X et YouTube début novembre prenant comme point de départ un article de Nature qui constate qu’il y a une croissance de 3,3 % de la taille des arbres dans la forêt amazonienne – et d’ajouter que c’est le CO₂ qui a permis à ces arbres de s’épanouir.

Valérie Masson-Delmotte a mentionné l’« astroturffing », pratique consistant à essayer d’imiter des mouvements spontanés de manière factice dans le cadre de campagnes de désinformation.

Les récits de désinformation varient d’un pays à l’autre selon les préoccupations politiques. Ainsi, Valérie Masson-Delmotte note qu’en France, les fausses informations se concentrent sur les batteries (dont l’empreinte environnementale est démultipliée par rapport à la réalité scientifique et à la comparaison avec les voitures thermiques) et l’éolien off-shore.

Au Royaume-Uni en revanche, c’était surtout la politique agricole commune qui était au cœur des critiques et des récits mensongers.

La question des particules fines émises par les porte-conteneurs est par exemple souvent extrapolée. De même que le coût des énergies renouvelables.

Face à ces poussées, le fact checking opère souvent avec du retard, manquant, par sa réponse, la cible des personnes qui sont perméables aux discours de désinformation.

Notons que la force de la désinformation climatique tient aussi à la difficulté de la combattre sans la mettre incidemment en avant. Malheureusement : exposer la désinformation est à la fois nécessaire et un vecteur de sa mise en avant.

Cet effet est analogue à l’effet Streisand, caractérisant un phénomène médiatique involontaire allant à l’encontre de la volonté de son auteur. Il se produit lorsqu’en voulant empêcher la divulgation ou la propagation d’une information, le résultat inverse survient, à savoir que le fait que l’on voulait dissimuler attire et concentre l’attention médiatique.

c.   Enfin, à cela s’ajoute un climat rampant de peur chez les chercheurs dont certains ne souhaitent plus s’exprimer publiquement compte tenu des risques personnels associés

Comme l’a fait remarquer Valérie Masson-Delmotte, lors de son audition :

« Le GIEC n’a pas de personnalité morale, ce qui en fait une cible de choix. De manière générale, il existe un climat de méfiance et de peur (menaces physiques, harcèlement en ligne etc.) chez les chercheurs qui est également alimenté par le traitement actuel aux États-Unis. Derrière, ce sont les libertés académiques et la liberté d’expression qui sont en cause, avec parfois une mécompréhension de la distinction entre devoir de réserve et libertés académiques, pouvant amener certaines institutions à interdire leurs chercheurs de prendre position publiquement dans les médias. »

Prenant son cas personnel, Valérie Masson-Delmotte a ainsi mentionné le fait que lorsqu’elle s’exprime au sujet de la situation des sciences du climat aux États-Unis, la direction de la communication du CEA peut y voir une source d’inquiétude.

Il apparaît donc également nécessaire d’assurer la formation des communicants institutionnels pour veiller à la promotion de la parole scientifique dans les médias.

3.   Le rapport de Quota Climat, Science Feedback et Data for good

S’appuyant sur une méthodologie reproductible ([19]) de détection des contenus de désinformation ou de mésinformation dans les médias audiovisuels français et brésiliens, ce rapport permet d’étayer une affirmation centrale : les médias grand public restent des maillons centraux dans la chaîne de communication, en transmettant les informations sur le climat aux citoyens et aux institutions politiques nationales.

La cartographie obtenue permet d’observer une tripartition entre des médias « remparts contre la désinformation », des « vecteurs permissifs » et des « relais proactifs ».

Légende : Comparaison entre la prévalence de mésinformation par heure d’information sur le changement climatique et la part de cas de mésinformation prononcés par des journalistes ou des chroniqueurs au sein des médias sur la période analysée [jan 25 – août 25]. Source : données provenant de l’Observatoire des Médias sur l’Écologie. Analyse et grille de lecture : auteurs du rapport. Disques = nombre de cas identifiés sur la période [jan 25 – août 25]. Échelle Arte (6 cas) ; CNews (164 cas).

 

 

L’étude permet, en outre, de noter une mutation des formes de désinformation, passant de plus en plus par des formes pernicieuses de mésinformation dont la mauvaise foi peut être caractérisée par la répétition selon une stratégie éditoriale. Plusieurs narratifs de désinformation sont ainsi répertoriés :

II.   face à cette aggravation, des efforts sont entrepris mais doivent encore trouver leur matérialisation concrète

A.   la cop 30

Le paquet politique de Belém ([20]), comprenant l’ensemble des décisions adoptées par les négociateurs à l’issue de la plénière, s’avère d’une ambition moindre que celle défendue par l’Union européenne.

Une « initiative mondiale pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique » a certes été adoptée et signée par la France et douze autres États ([21]).

En vertu de la déclaration, les signataires s’engagent à :

- Promouvoir l’intégrité de l’information relative aux changements climatiques conformément au droit international des droits de l’homme, y compris les normes en matière de liberté d’expression ;

- Soutenir la durabilité d’un écosystème médiatique diversifié et résilient afin de garantir une couverture précise et fiable des questions climatiques et environnementales ;

- Soutenir l’intégration des engagements en matière d’intégrité de l’information dans le programme d’action pour l’autonomisation climatique dans le cadre de la CCNUCC ;

- Promouvoir une action climatique éclairée et inclusive en favorisant l’accès équitable à des informations précises, fondées sur des données probantes et compréhensibles pour tous ;

- Encourager la coopération et le renforcement des capacités afin de lutter contre les menaces qui pèsent sur l’intégrité de l’information, en protégeant ceux qui rendent compte et mènent des recherches sur les questions climatiques.

Comme cela a été noté par le Haut Conseil pour le Climat et par l’ONG Quota Climat, le terme « d’intégrité de l’information » a été préféré au terme de « désinformation » car le premier est plus positif et est plus susceptible de rallier des pays peu allants dans les négociations climatiques.

Deux objectifs ont été évoqués par Quota Climat pour prolonger l’effort de lutte contre la désinformation à l’issue de la COP 30 :

– Viser 30 États signataires à la déclaration mondiale sur l’intégrité et, particulièrement, une signature de l’Union européenne qui engagerait l’ensemble des États membres ;

– Décliner cette initiative mondiale sous la forme de 6 chapitres nationaux pour décliner concrètement les grands principes édictés.

La notion d’intégrité recouvre une information de qualité et en quantité suffisante, qui soit fiable et pluraliste.

L’intégrité de l’information se voit également gratifié d’une mention dans le dernier considérant de la principale décision adoptée ([22]) à la réunion plénière :

« La Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris, (…)

Se félicitant de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Belém, qualifiée de“ COP de la vérité ”, qui a rétabli la confiance et l’espoir dans la lutte contre les changements climatiques en réunissant la science, l’équité et la détermination politique, en promouvant l’intégrité de l’information et en renforçant le multilatéralisme, en reliant le processus aux populations sur le terrain et en accélérant la mise en œuvre de l’Accord de Paris »

La lutte contre la désinformation et la mésinformation est également évoquée dans la décision sur la réduction des inégalités de genre ([23]).

B.   aux niveaux européen et national, la lutte contre la désinformation se structure lentement

Comme l’a souligné l’Arcom lors de son audition, les réseaux sociaux posent un problème de régulation spécifique.

Des recherches ont ainsi révélé que, sur des plateformes telles que X (anciennement Twitter), les « fake news » se propagent six fois plus vite que les informations avérées ([24]). La contradiction n’y est pas toujours apportée, faute de présence d’une médiation journalistique ou d’une expertise scientifique.

Par ailleurs, la logique algorithmique et le fait que les informations proposées à chaque utilisateur puissent différer en autant de bulles informationnelles rendent l’enjeu de l’accessibilité des données absolument crucial.

1.   Le règlement sur les services numériques (digital service act) : une mise en œuvre poussive, encore conditionnée à une volonté politique forte de sanction voire d’interdiction des grandes plateformes non-coopératives

Le règlement (UE) 2022/2065 sur les services numériques vise à garantir les droits fondamentaux des utilisateurs en ligne et à responsabiliser davantage les plateformes. Les très grandes plateformes en ligne (TGPL) et les très grands moteurs de recherche (TGMR) désignés par la Commission européenne sont soumis à des obligations renforcées d’identification et de réduction des risques systémiques liés à la diffusion de contenus illicites mais aussi de contenus qui, sans être illicites, seraient préjudiciables pour le public ou certains utilisateurs. La désinformation climatique entre dans cette seconde catégorie.

Le DSA prévoit de nombreuses mesures, graduées selon les acteurs en ligne et leur rôle

Les plateformes en ligne doivent proposer aux internautes un outil leur permettant de signaler facilement ces contenus. Une fois le signalement effectué, elles devront rapidement retirer ou bloquer l’accès au contenu illégal. Dans ce cadre, les plateformes devront coopérer avec des “signaleurs de confiance”. Ce statut sera attribué dans chaque pays à des entités ou organisations en raison de leur expertise et de leurs compétences.

Les plateformes doivent expliquer le fonctionnement des algorithmes qu’elles utilisent pour recommander certains contenus publicitaires en fonction du profil des utilisateurs. Les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche auront l’obligation de proposer un système de recommandation de contenus non-fondé sur le profilage.

Les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche ont par ailleurs des obligations supplémentaires en ce qu’elles jouent un rôle important sur la sécurité en ligne, la diffusion de l’information, la formation de l’opinion publique et les transactions économiques.

– Obligation de réaliser une analyse annuelle des risques systémiques qu’elles génèrent (haine, violence en ligne, droits fondamentaux, élections…) et prendre les mesures nécessaires pour les réduire.

– Obligation de fournir les algorithmes de leurs interfaces à la Commission et aux autorités nationales compétentes.

– Obligation d’accorder un accès aux données clés de leurs interfaces aux chercheurs agréés afin qu’ils puissent mieux comprendre l’évolution des risques en ligne.

Les risques systémiques au sens du RSN correspondent à ceux qui sont susceptibles de générer des « effets négatifs réels ou prévisibles » dans certaines circonstances particulières, notamment « sur le discours civique, les processus électoraux et la sécurité publique. » À ce titre, les TGPL et TGMR « devraient […] accorder une attention particulière à la manière dont leurs services sont utilisés pour diffuser ou amplifier des contenus trompeurs ou mensongers, et notamment à la désinformation » (considérant 84 du règlement).

Les TGPL et TGMR doivent publier chaque année un rapport d’évaluation et d’atténuation des risques systémiques, ainsi que des rapports d’audit indépendant. Ces rapports feront l’objet d’une synthèse qui sera publiée prochainement par le Comité européen des services numériques (Board), en association avec les coordinateurs de services numériques (l’Arcom en France). Ils portent sur la désinformation mais sans précision thématique (pas d’information concernant spécifiquement la désinformation climatique).

Dans les rapports de transparence publiés au sens du RSN (janvier – juin 2024), seul Pinterest (TGMR) mentionnait spécifiquement la désinformation climatique.

Cependant, dans les derniers rapports publiés en application du Code de bonnes pratiques de lutte contre la désinformation (janvier – juin 2024), quelques signataires autres que les plateformes ont parfois évoqué les enjeux de la désinformation climatique. Par exemple, l’EFCSN (European Fact-Checking Standards Network) a constaté que la désinformation climatique était le deuxième sujet de désinformation pendant les élections européennes de 2024, après la guerre en Ukraine ([25]).

En octobre 2025, le CSA belge alerte sur le constat d’une tendance générale au désengagement des TGPL et des TGMR sur le sujet, alors même que le Code de bonnes pratiques de lutte contre la désinformation a été adopté en juillet 2025 comme texte de référence ([26]) (article 45 du DSA).

Sur la question spécifique de l’accès aux données des grandes plateformes, prévu par l’article 40 du règlement, l’ONG Science Feedback déplore le non-respect par lesdites plateformes de leurs obligations. Dans un rapport publié en septembre ([27]), elle note que seul LinkedIn, en dépit des demandes répétées envoyées à l’ensemble des plateformes, a fourni les données demandées et censées être accordées en vertu du DSA.

Article 40.12 du règlement DSA :

Les fournisseurs de très grandes plateformes en ligne ou de très grands moteurs de recherche en ligne donnent accès, sans retard injustifié, aux données, y compris, lorsque cela est techniquement possible, aux données en temps réel, à condition que ces données soient publiquement accessibles sur leur interface en ligne aux chercheurs, y compris ceux qui sont affiliés à des organismes et des associations à but non lucratif, qui remplissent les conditions énoncées au paragraphe 8, points b, c, d et e [i.e., indépendance de tous intérêts commerciaux, la demande indique la source de financement des recherches, ils respectent les exigences de sécurité et confidentialité des données, ils démontrent que leur accès aux données et les périodes d’accès demandées sont nécessaires et proportionnés aux besoins de la recherche], et qui utilisent les données uniquement à des fins de recherches contribuant à la détection, à la détermination et à la compréhension des risques systémiques dans l’Union en vertu de l’article 34, paragraphe 1.

Votre rapporteure insiste sur l’importance d’un portage politique au plus haut niveau pour faire appliquer la réglementation en vigueur. Il ne doit exister aucune impunité vis-à-vis de ces plateformes. Il en va de la crédibilité de l’Union européenne en la matière.

2.   L’UE a affiné son cadre de lutte contre la désinformation pour tenir compte des évolutions rapides de l’économie de l’information et des risques afférents

a.   Le règlement sur la liberté des médias

Adopté en 2024, le règlement européen sur la liberté des médias (EMFA) est entré en vigueur en août 2025 ([28]). L’Union reconnaît désormais aux citoyens le droit à une information fiable (article 3) : « Les États membres respectent le droit des destinataires de services de médias d’avoir accès à une pluralité de contenus médiatiques indépendants sur le plan éditorial et veillent (...) afin de préserver ce droit, dans l’intérêt d’un discours libre et démocratique. »

L’EMFA prévoit également des garanties pour les contenus publiés par des fournisseurs de médias sur les grandes plateformes soumises au règlement sur les services numériques (DSA).

Le règlement EMFA prévoit la création d’un organe consultatif indépendant réunissant les autorités nationales de régulation. Le conseil des médias a été créé le 10 février 2025 pour coordonner les actions des autorités de régulation et conseiller la Commission européenne.

Le nouveau règlement introduit un cadre d’évaluation des concentrations du marché des médias qui peuvent nuire à l’indépendance et au pluralisme des médias. Le conseil des médias peut émettre un avis lorsqu’une concentration du marché des médias est susceptible d’affecter le marché intérieur.

De même, le comité peut émettre un avis si un État membre adopte une mesure susceptible d’avoir un effet négatif sur le pluralisme des médias et sur le fonctionnement des fournisseurs de services de médias.

Face aux risques d’ingérence étrangère, le conseil des médias est chargé de coordonner les mesures des autorités de régulation nationales relatives à la diffusion ou à l’accès à des services médiatiques provenant de l’extérieur de l’Union et présentant un risque sérieux pour la sécurité publique.

b.   Le règlement sur l’IA

Adopté en mars 2024 et publié en juillet 2024, le règlement (UE) 2024/1689 établit un cadre harmonisé pour l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) au sein de l’Union européenne ([29]). Il prolonge ainsi le cadre de lutte contre la désinformation en intégrant le rôle désormais structurant de l’IA dans les médiums d’information.

Lors de son audition, l’ONG Science Feedback a estimé que : « Les LLM sont corrects en termes de qualité d’information. Ils relaient avant tout du contenu fiable, mais le risque est grand que ne se développe un « LLM laundering », c’est-à-dire un blanchiment de la désinformation qui viendrait peu à peu nourrir les IA et dégrader la qualité de leurs réponses, légitimant, en sortie, des informations fausses et mensongères.

c.   Le bouclier démocratique européen

Dans son discours sur l’état de l’Union en septembre 2025, la présidente de la Commission européenne a annoncé la création d’un bouclier démocratique européen pour protéger l’UE des ingérences étrangères dans les processus démocratiques.

Le lancement d’un Centre européen pour la résilience démocratique est prévu, initiative qui permettra de réunir toute l’expertise et toutes les capacités des États membres et des pays voisins. Dans ce cadre, la Commission souhaite s’appuyer sur les exemples de Viginum (service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères) en France ou de l’Agence suédoise de défense psychologique.

L’organe s’appuiera sur une plateforme de coordination, regroupant des universitaires, des think tanks et la société civile. Comme attendu, il sera bâti sur l’Observatoire européen des médias numériques (EDMO), qui y gagne de nouvelles missions, en lien étroit avec le futur réseau européen des « fact checkers », qui s’appuiera lui aussi sur les structures existantes. Ces derniers, de plus en plus snobés par les réseaux sociaux, n’obtiennent pas de piste directe de financement.

Le Conseil de l’UE a publié, le 19 novembre, son projet final de conclusions sur le bouclier démocratique ([30]), que les ministres doivent approuver le 28 novembre. Les États membres comptent demander à la Commission de rééquilibrer le marché entre les plateformes et fournisseurs d’IA d’un côté, et les diffuseurs audiovisuels traditionnels de l’autre, en particulier concernant la responsabilité éditoriale et les modèles économiques.

3.   Des solutions sont envisageables pour accroître l’efficacité de la lutte contre la désinformation climatique

Comme le note l’EDMO, la France pourrait prendre exemple sur d’autres pays qui disposent déjà de dispositifs de lutte contre la désinformation. La RAI italienne fait par exemple régulièrement des campagnes de sensibilisation sur le thème de la désinformation, à des heures de grande écoute, dans une logique non pas de « debunking » (a posteriori) mais de « prebunking » (a priori).

Le rapport réalisé par Quota Climat, Science Feedback et Data for Good illustre l’importance de passer d’une analyse des contenus à une analyse de la diffusion des contenus, en s’attachant à l’analyse des biais algorithmiques et des stratégies éditoriales.

Plutôt que de créer un nouvel observatoire national ou européen, il serait plus opportun de capitaliser sur les structures existantes. La priorité devrait être de doter l’EDMO d’un pôle spécifiquement dédié à la désinformation climatique, afin de renforcer une approche transversale et comparative des stratégies de manipulation et des publics ciblés.

À long terme, l’éducation aux médias et à l’information est la meilleure défense pour assurer la résilience démocratique des sociétés européennes.

 


   examen en commission

La Commission s’est réunie le mercredi 26 novembre 2025 sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous allons examiner, dans le cadre d’une discussion générale commune, deux propositions de résolution européenne dont l’objet est assez proche : la PPRE de Madame Julie Laernoes visant à réaffirmer l’ambition climatique de la France au niveau européen et celle, déposée par Madame Sophie Taillé-Polian, visant à garantir l’intégrité de l’information sur le changement climatique face à la désinformation climatique et aux ingérences étrangères.

Je me réjouis que notre commission puisse se saisir de ces sujets extrêmement importants. Dix ans après les accords de Paris, plusieurs signaux d’alerte demeurent extrêmement inquiétants, notamment l’absence des États-Unis à la COP30, les faibles engagements chinois, l’impossibilité d’inscrire une trajectoire claire de sortie des énergies fossiles ou encore le financement très insuffisant du fonds pour les forêts tropicales. Face aux limites du multilatéralisme climatique, l’Union européenne doit nous permettre de continuer d’agir à grande échelle et d’avancer. Le Conseil européen du 23 octobre a remis la politique climatique en bonne place – peut-être pas au premier plan, mais en bonne place – et un accord récent entre le Conseil et le Parlement a fixé un objectif de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040, pour viser la neutralité carbone en 2050.

Dans cette dynamique, notre pays a joué ces dernières années un rôle moteur et je souhaiterais qu’il puisse continuer à le faire. La France a été au rendez-vous ces dernières années de la réforme du marché carbone, du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, de la structuration du pacte vert, mais aussi des normes ambitieuses sur l’air, la biodiversité ou la décarbonation industrielle. Nous devons continuer dans ce sens.

Bien sûr, nos politiques européennes sur tous ces sujets peuvent être améliorées, elles doivent l’être, mais n’oublions pas qu’elles reposent sur une architecture solide et fortement partagée entre les États membres : marché carbone efficace, protection de nos puits naturels et soutien à l’innovation indispensable à la décarbonation des secteurs les plus émetteurs. Ce leadership européen honore évidemment les institutions européennes, les États membres, mais nous oblige aussi à poursuivre sur ce chemin. Je me réjouis donc que cette ambition figure à notre ordre du jour et que nous puissions en débattre.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure. Je tiens à ajouter que les reculs auxquels nous faisons face aujourd’hui sur les enjeux climatiques sont aussi liés à des stratégies claires et déterminées d’un certain nombre d’acteurs, dont la désinformation et la diffusion de fausses informations font partie.

La montée partout dans le monde d’une extrême droite au discours climatosceptique, et la guerre informationnelle qui menace notre continent représentent autant de menaces qui fragilisent l’accès à une information de qualité par nos concitoyens et le débat démocratique. Nous ne devons pas nous y habituer.

Je cite l’historienne et philosophe Hannah Arendt : « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce qu’il vous plaît ».

Ici se trouve la principale menace que fait peser la désinformation sur nos sociétés, non pas dans le fait que les gens y croient, mais dans le fait que les gens ne savent plus ce qu’ils peuvent croire.

La désinformation climatique et les menaces qui y sont liées ont pris des formes nouvelles ces dernières années. Dans la préparation de ce rapport, j’ai auditionné des chercheurs, des scientifiques, des ONG qui travaillent sur ces questions, les administrations nationales et européennes, et le constat dressé a été unanime : la désinformation climatique est bien présente et elle s’est transformée. Il ne s’agit plus seulement de nier en bloc la réalité du changement climatique, mais de relativiser son caractère anthropique, de relativiser la nécessité d’agir, de relativiser enfin les moyens d’action. Le climatoscepticisme 2.0 s’est adapté à l’ère des réseaux sociaux, de l’intelligence artificielle et de la controverse de plateau. Son discours porte désormais sur la critique des éoliennes, la négation de la multiplication des catastrophes climatiques, la contestation des bénéfices des politiques écologiques sur la qualité de l’air, par exemple.

Dans leur rapport paru début novembre, quelques jours avant le début de la COP30, les ONG Quota Climat, Science Feedback et Data for Good établissent une distinction sémantique importante entre la mésinformation et la désinformation climatique.

La désinformation climatique est définie comme un discours faux ou trompeur et à haut risque d’induire le public en erreur sur des faits avérés par l’état des connaissances scientifiques à propos du changement climatique. La mésinformation climatique se distingue par l’absence de volonté démontrée du locuteur de nuire, pouvant donc relever de l’erreur.

Par ailleurs, ces ONG – et c’est la nuance importante – mettent en avant un nouveau concept, celui de narratif de désinformation, qui est constitué par une accumulation répétée et délibérée de mésinformations, qui caractérise une intention de tromper. Finalement, c’est l’instillation du doute permanent par petites touches.

Cette distinction est importante et il est à noter que l’Arcom, que nous avons auditionnée, ne reconnaît pas la notion de narratif de désinformation. C’est certainement lié au fait que l’Arcom n’a pas encore mis en œuvre les outils permettant d’analyser les choix des éditeurs dans leur ensemble. L’Arcom ne travaille que par saisine et ces saisines ne portent que sur des séquences ciblées, ponctuelles. Cette méthode permet de repérer la désinformation climatique mais plus complexe l’appréhension des narratifs de désinformation.

Pour illustration, le Conseil d’État a, dans un arrêt récent, rejeté le recours de la société détenant CNEWS, qui contestait la sanction administrative de 20 000 euros infligée à la suite de propos tenus par l’un des « experts » dont CNEWS a le secret, qui affirmait que le réchauffement climatique n’était pas dû aux activités humaines mais était une escroquerie destinée à justifier l’interventionnisme de l’État dans la vie quotidienne des citoyens, ce qui s’apparentait à une forme de totalitarisme. La décision du Conseil d’État face à ces propos vient conforter, et c’est heureux, l’interprétation que l’Arcom fait de ses pouvoirs de sanction. Mais il s’agit là d’une forme de climatoscepticisme un peu passé de mode, qui est aujourd’hui minoritaire dans le volume des fake news climatiques.

La plupart des nouveaux récits remettent en cause les solutions, justifient l’inaction par la supposée faiblesse des émissions européennes, ou alors – et c’est contradictoire – disent que de toute façon on ne peut rien faire, ou que la technologie nous sauvera – sans savoir bien de quelle technologie il s’agit.

Un exemple nous a été rapporté par la climatologue Valérie Masson-Delmotte, pour vous faire comprendre un petit peu toutes ces nuances et le raffinement de cette nouvelle génération du climatoscepticisme. Lors de la canicule de 2022, qui a entraîné des records de températures dans toute l’Europe à la mi-juin, et a causé plus de 60 000 morts sur le vieux continent, certains journalistes ont trouvé bon de la comparer à celle de 1976. Derrière cette comparaison, qui s’adresse volontairement à un public âgé, qui peut en avoir le souvenir, se cache l’idée que ce genre de canicule a déjà eu lieu, n’est pas une nouveauté, et donc finalement, n’est pas si grave.

J’évoquais la COP30 il y a quelques instants, et d’après les mots même de son président, elle devait être « la COP de la vérité ». Méfions-nous des mots. La vérité est toujours brandie par ceux qui mentent. La vérité est un processus, un processus scientifique d’établissement d’un consensus, ce que le logicien John Dewey appelle une « assertabilité garantie ». L’établissement de ce consensus scientifique ne dispense pas, bien sûr, de faire des recherches ultérieures, et d’ajuster l’action, de la corriger, voire d’en changer l’orientation, si les données scientifiques ultérieures l’estiment nécessaires. Mais le relativisme à outrance, le pervertissement de la science sont un procédé bien connu de la désinformation.

L’industrie du tabac insistait sur l’importance de douter quant au lien de cause à effet avec le cancer du poumon dans les années 70. L’industrie pétrolière faisait de même quant à la responsabilité de l’Homme dans le réchauffement climatique. Ce sont finalement des tours assez usés. Elle continue aujourd’hui de chercher à instiller un doute, alors même qu’il existe un consensus, une assertabilité garantie, non seulement sur le constat – c’est l’objet des travaux du groupe n° 1 du GIEC, que Mme Masson-Delmotte a coprésidé de 2015 à 2023 – mais aussi sur les solutions. Rappelons-le : le groupe n° 3 du GIEC est précisément chargé de ces questions et a publié plusieurs travaux sur les solutions matures et prêtes à être déployées pour limiter les ravages du changement climatique.

Alors, que retirer de cette COP30 ? Elle a, à bien des égards, et comme souvent avec les grandes messes internationales, été insuffisantes et décevantes. Mais je veux souligner un message d’espoir : l’adoption d’une déclaration mondiale pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique, signée par la France et douze autres États. Nous devons mesurer la fragilité et l’importance d’une sphère informationnelle intègre pour nos sociétés.

Quand je dis « intègre », j’entends, comme dans le cadre onusien, une information de qualité suffisante, impartiale, en quantité suffisante, diversifiée, c’est-à-dire pluraliste. L’Union européenne s’est dotée d’un cadre pour lutter contre la désinformation : le règlement sur les services numériques (DSA), le règlement sur la liberté des médias (EFMA) et le règlement sur l’IA (AI Act). Ce cadre constitue aujourd’hui le dispositif de protection de l’information le plus complet et le plus robuste au monde.

Je crois que nous pouvons en être fiers. Nous entrons désormais dans la phase de mise en œuvre, qui est délicate. Le plus dur est encore devant nous.

Il ne faudra manquer ni de courage ni de volonté politique en cas d’infraction d’une grande plateforme. À titre d’exemple, et comme cela nous a été rapporté lors de l’audition de l’ONG Science Feedback, le règlement sur les services numériques oblige les grandes plateformes à ouvrir leurs données aux chercheurs qui en feraient la demande. L’ONG a sollicité ces données. Et combien de plateformes ont répondu ? Une seule : LinkedIn.
Ces comportements ne doivent pas rester impunis. Il en va de la crédibilité du cadre réglementaire européen.

Je terminerai cette présentation en mentionnant la création, annoncée en septembre dernier, d’un bouclier démocratique européen destiné à protéger l’Union européenne des ingérences étrangères dans les processus démocratiques. Ce bouclier devrait reposer sur un centre européen pour la résilience démocratique, réunissant les Viginium (services de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères) de tous les États membres, afin de mieux lutter contre la désinformation. Ces initiatives vont dans le bon sens, mais il est essentiel de ne pas manquer le coche de la mise en œuvre et de ne surtout pas faiblir dans notre volonté politique commune d’assurer une sphère informationnelle impartiale et pluraliste.

L’information d’aujourd’hui fait l’opinion de demain. Nous ne devons pas laisser ce terrain aux intérêts économiques, aux puissances étrangères ni aux stratégies éditoriales organisées de désinformation. C’est le sens de cette proposition de résolution européenne, autour de laquelle, je l’espère, nous pourrons nous retrouver pour engager une démarche concertée, cohérente, collégiale y compris au niveau international et définir une feuille de route précise. Je vous remercie.

Après que Mme Julie Laernoes ait présenté son rapport, un débat a eu lieu sur les deux propositions de résolution européenne.

Mme Céline Calvez (EPR). Dans un contexte marqué par la prolifération des fausses informations et la multiplication des ingérences étrangères, la fiabilité de l’information scientifique sur le climat est devenue un impératif démocratique.

Les cas de désinformation climatique se multiplient en raison de la défiance à l’égard des médias traditionnels, de l’irruption des médias sociaux, de leur logique algorithmique, et de la montée d’un discours climatosceptique d’extrême droite. Lutter contre la désinformation climatique n’est pas restreindre le débat public mais le permettre. Certes, la réalité scientifique est complexe, la controverse fait partie intégrante de la démarche scientifique et du progrès vers la connaissance, mais une fois que ces connaissances sont établies et reconnues, elles ne sauraient être niées ou occultées.

L’absence de référence à ces connaissances biaise le débat et fausse notre capacité collective à répondre aux défis actuels. Sans constat commun et partagé : pas de progrès collectif. Lors du sommet Choose Europe for Science en mai dernier, le Président de la République a déclaré que la lutte contre la désinformation en matière de sciences, de climat et de santé fait partie des dix chantiers du siècle afin d’assurer l’autonomie stratégique européenne. La France a toujours été à l’avant-garde de ces sujets.

L’Union européenne a engagé de nombreuses démarches : le règlement sur les services numériques et son code de bonne conduite, le European Media Freedom Act, et le bouclier démocratique européen – une stratégie sur cinq ans pour lutter contre les ingérences. Vous avez aussi mentionné que l’intégrité de l’information sur le changement climatique a été pour la première fois inscrite dans l’agenda d’action de la COP30.

Cette bonne dynamique est à conforter. L’Europe doit montrer la voie. Le groupe Ensemble pour la République est évidemment favorable à ce que la France continue à être le fer de lance. Nous soutenons la proposition de résolution européenne présentée par Mme Sophie Taillé-Polian, parce que la France pourra réaffirmer son engagement pour la science et contre les obscurantismes.

S’agissant de la proposition de résolution visant à réaffirmer l’ambition climatique de la France au niveau européen, nous partageons l’objectif. Nous constatons que le texte, dans l’état actuel, réitère largement les engagements déjà actés. Nous aurons l’occasion de détailler notre pensée lors de la discussion des amendements.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure. Je partage avec vous et nombre d’autres collègues l’impératif démocratique. Je voudrais préciser que le débat concernant les solutions est indispensable si nous voulons que la société tout entière se mobilise pour faire face au réchauffement climatique.

Il faut que nous nous accordions, suite à un débat contradictoire, sur les solutions. Pour cela nous avons besoin de nous ancrer solidement sur le consensus scientifique.

La France a signé le texte de l’initiative de Belém. Il faut désormais qu’elle entraîne les autres pays européens, l’Union européenne et les pays des autres continents en ce sens – voilà tout le sens de cette résolution.

Il faut maintenant que cette initiative soit déclinée sous la forme de feuilles de route nationales précises. Je vous rejoins sur le fait que nous attendons en France un texte suite aux États généraux de l’information, qui nous permettrait d’avancer concrètement pour une presse indépendante, libre et pluraliste.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Le calendrier des auditions s’est déroulé dans un contexte international et européen mouvant, notamment autour de la COP. Certaines auditions ont eu lieu avant le 13 novembre, soit avant la confirmation par les eurodéputés en plénière des objectifs de baisse des émissions convenus par les États membres.

Lors des auditions de Valérie Masson-Delmotte et du Haut conseil pour le climat, l’objectif intermédiaire de 2035 a été présenté comme un recul. À cet égard, je présenterai dans un instant plusieurs amendements tendant à assurer la cohérence de la proposition de résolution européenne.

De plus, nous avons constaté que l’information sur le positionnement de la France dans les négociations était peu transparente. Face à ce défaut constaté, je porte également un amendement visant à garantir un mandat clair pour nos ministres et notre exécutif, qui soit validé par la représentation nationale. Cet aspect est d’autant plus important, que la France dispose d’un pouvoir majeur dans les négociations et dans l’atteinte de ces objectifs. Par exemple, son poids n’est pas comparable à celui d’autres pays, tels que les Pays-Bas, qui disposent d’une influence plus limitée pour emporter une décision.

Enfin, je me réjouis de la configuration de l’arc républicain dans laquelle nous débattons aujourd’hui et note que l’extrême droite n’est pas présente aujourd’hui pour parler de climat.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Un réchauffement du monde d’au moins 2,5 °C d’ici 2100, c’est l’alerte du programme des Nations unies pour l’environnement dans un rapport publié le 4 novembre.

Nous sommes bien loin de l’objectif fixé en 2015 avec l’accord de Paris, qui prévoyait de contenir le réchauffement en dessous de 2 °C voire 1,5 °C. L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée à l’échelle planétaire, dépassant le seuil de 1,5 °C de réchauffement.

Une étude publiée par Oxfam International en octobre 2025 appelle à une action collective urgente et met en évidence les liens entre inégalités et changements climatiques, du fait des dynamiques engendrées par les systèmes économiques capitalistes. Ce rapport souligne que depuis l’accord de Paris en 2015, les 1 % les plus riches de la population mondiale ont consommé plus du double du budget carbone de l’ensemble de la moitié la plus pauvre de l’humanité. À ce jour, une personne appartenant aux 0,1 % les plus riches émet plus de 800 kg de CO2 par jour tandis qu’une personne appartenant aux 50 % les plus pauvres émet en moyenne 2 kilos de CO₂ par jour.

Le budget proposé par le gouvernement sacrifie l’écologie sur l’autel de l’austérité budgétaire imposée par la Commission européenne. La hausse revendiquée par le gouvernement de 1,3 milliard d’euros sur l’écologie par rapport à 2025 est absolument insuffisante et ne compense ni les effets de l’inflation ni les coupes budgétaires des années précédentes, avec 14 milliards envolés entre 2023 et 2024. Le fonds vert, qui soutient les collectivités locales dans le financement des projets d’adaptation aux changements climatiques, de rénovation énergétique et d’amélioration du cadre de vie, comme la qualité de l’air, est lui, divisé quasiment par deux dans le PLF 2026.

Concernant l’importance de garantir l’intégrité de l’information sur le changement climatique face à la désinformation, il est aussi nécessaire de souligner les liens existants entre les discours ouvertement hostiles contre les efforts globaux de lutte contre le changement climatique et les intérêts économiques des classes les plus puissantes. Pendant la COP29, par exemple, plus de 1 600 lobbyistes du charbon, du pétrole et du gaz ont eu accès à la conférence. En France, rappelons la condamnation de la chaîne d’extrême droite du milliardaire Vincent Bolloré, CNEWS, à 20 000 euros d’amende pour des informations sur le climat par l’Arcom, puis par le Conseil d’État.

Je note à mon tour l’absence des députés du Rassemblement national à cette réunion consacrée au sujet de l’écologie et de la bonne information sur le changement climatique.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure. Je tiens à vous remercier et souhaite abonder dans votre sens sur la question des lobbies. Nous les avons déjà observés à l’œuvre sur tant de sujets. J’évoquais tout à l’heure l’exemple du tabac, mais il en existe bien d’autres. Il est essentiel de minimiser le plus possible leur poids dans la fabrique de l’opinion publique afin de garantir un débat démocratique de qualité.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Les phénomènes météorologiques extrêmes gagnent en nombre et en intensité sous l’effet du dérèglement climatique. Nous enregistrons déjà des températures supérieures de 1,5 °C par rapport à la période préindustrielle.

Pour que citoyens et décideurs politiques du monde entier puissent engager les actions nécessaires, il est essentiel que tous aient accès à des informations précises, cohérentes, fiables et transparentes sur les causes et les conséquences du changement climatique, mais surtout sur les solutions disponibles pour y remédier. Or, aujourd’hui, ce n’est clairement pas le cas partout. La montée dans le monde du populisme d’extrême droite porteur d’un discours ouvertement climatosceptique, la persistance d’intérêts économiques contraires à l’intérêt général, une couverture médiatique limitée et intermittente des enjeux environnementaux, ainsi que la concentration des médias largement dénoncée dans notre assemblée expliquent en grande partie cette recrudescence de la désinformation climatique. Cette dernière est d’ailleurs largement documentée par l’Observatoire européen des médias numériques. Cette propagation de la désinformation climatique alimente la défiance envers les politiques publiques de protection de l’environnement, de santé publique et d’adaptation au dérèglement climatique.

Face à ce constat, j’ai déposé, il y a un an, une proposition de loi transpartisane sur le sujet. Je remercie notre collègue Sophie Taillé-Polian de prolonger ce travail en lui donnant une dimension européenne.

Notre groupe soutiendra également la deuxième proposition de résolution présentée par notre collègue Julie Laernoes. La position de la France ces dernières semaines est plus que préoccupante : en reportant au mois de novembre les discussions sur l’objectif 2040, main dans la main avec les États d’Europe centrale, elle a affaibli la dynamique climatique européenne et la prive d’un mandat clair et ambitieux à la COP30.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure. Je remercie notre collègue Delautrette pour son soutien et son engagement sur ce sujet, à travers sa proposition de loi transpartisane visant à garantir le droit d’accès du public aux informations relatives aux enjeux environnementaux et de durabilité. J’espère que cette proposition pourra bientôt être discutée dans notre hémicycle.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je tiens à saluer le travail capital de notre rapporteure Sophie Taillé-Polian, qui met en lumière un enjeu démocratique majeur : la désinformation climatique. Face à l’urgence du dérèglement climatique, l’espace public est de plus en plus vulnérable aux manipulations, aux fake news et aux stratégies d’influence qui entravent l’action collective.

Lors de la COP30, une avancée majeure a été réalisée avec l’adoption de la déclaration sur l’intégrité de l’information en matière de changement climatique. Cette déclaration appelle à lutter contre les contenus mensongers diffusés en ligne et à mettre fin aux attaques visant des journalistes, scientifiques et chercheurs diffusant des données vérifiées. À cet instant, j’ai une pensée pour mes amies Morgan Large et Inès Léraud, qui ont été victimes d’intimidations et de menaces de mort.

Il est urgent que la France traduise cet engagement en acte et que le plus grand nombre de pays en fasse autant. La présente proposition de résolution européenne nous invite à agir dans ce sens.

Au niveau européen, les nouvelles ne sont pas rassurantes, puisque certains règlements en vigueur, comme celui visant à protéger les utilisateurs en ligne et à rendre les grandes plateformes responsables de ce qu’elles diffusent, ne sont pas appliqués correctement laissant un boulevard à la désinformation. Face à la désinformation et à la mésinformation présente sur un certain nombre de chaînes de télévision de notre pays, il est urgent de soutenir cette proposition de résolution européenne.

En ce qui concerne le rapport de ma collègue Julie Laernoes, effectivement, ce qui s’est passé à la COP30 à Belém est particulièrement inquiétant. Cela est d’autant plus préoccupant que la France, joue un rôle déterminant dans les négociations. Nous devons nous interroger : comment la France peut-elle, d’une main, signer l’accord de Paris et, de l’autre, promouvoir des dérogations qui en vident la substance, tout en réduisant dans nos propres budgets les moyens consacrés à la transition écologique ?

Ce texte est d’autant plus indispensable aujourd’hui qu’il réaffirme l’exigence d’un objectif européen de réduction d’au moins 90 % des émissions d’ici 2040. À nos amis du Rassemblement national, qui ont l’habitude de dire que la France ne pèse rien, j’ai envie de rappeler une citation de Gandhi, qui disait que montrer l’exemple n’est pas une façon de convaincre, c’est la seule.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je remercie mes collègues Benoît Biteau et Stéphane Delautrette dont le soutien ne me surprend pas. Pourquoi avoir présenté une PPRE sur l’objectif des 90 % ? Je l’ai déjà expliqué : les auditions menées ont permis de rappeler un certain nombre de faits, d’entendre des ONG et des scientifiques spécialisés dans le climat, et de mettre en exergue l’impérieuse nécessité d’accélérer notre action en faveur du climat.

La représentation nationale doit pouvoir affirmer de manière claire et nette sa volonté de porter des objectifs climatiques ambitieux, pas uniquement pour 2050, mais également des objectifs intermédiaires pour 2035 et 2040.

Mme Anne-Cécile Violland, (HOR). Ces deux propositions de résolution abordent deux enjeux majeurs, le niveau d’ambition climatique de la France au niveau européen et la lutte contre la désinformation climatique. Ces deux questions sont évidemment intimement liées, car aucune stratégie de transition écologique ne peut réussir sans informations fiables ni sans une trajectoire européenne claire et crédible.

Mon groupe Horizons et indépendants partage pleinement le constat de l’urgence à agir. Les dérèglements climatiques s’accélèrent, l’Europe se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne, et nos territoires en ressentent déjà les effets. Nous reconnaissons également le rôle central de la France dans la négociation européenne et dans la construction d’une stratégie climatique ambitieuse, cohérente avec l’objectif d’obtenir une neutralité carbone en 2050.

Dix ans après l’accord de Paris sur le climat, la France est restée un fer de lance en matière d’ambition climatique en n’opposant pas économie et écologie, mais en recherchant un consensus pour permettre le développement économique et l’innovation tout en tenant compte des impératifs environnementaux. À l’échelle européenne, la France tente de convaincre ses partenaires européens de l’importance de ces enjeux. C’est pourquoi, pour nous, cette PPRE adopte une vision déséquilibrée de la réalité des négociations européennes et des enjeux industriels associés.

Elle tend à minorer des acquis récents. La France a soutenu la sortie des énergies fossiles comme une ligne rouge dans la position européenne défendue à la COP30. Certes, l’issue a été décevante. Toutefois, l’Union européenne a transmis une contribution climatique ambitieuse pour 2035.

Le Conseil a su trouver un compromis acceptable alliant ambition et flexibilité pour préserver nos capacités industrielles et sociales dans la transition écologique. Une ambition climatique crédible doit conjuguer volontarisme et pragmatisme, objectifs climatiques et souveraineté industrielle, transition écologique et protection des travailleurs. Or, la PPRE propose une trajectoire unilatérale ne tenant pas suffisamment compte des équilibres européens ni de la nécessité de préserver la compétitivité de nos filières stratégiques.

Aussi, s’il s’accorde sur les constats établis, le groupe Horizons ne votera pas cette PPRE qu’il juge insuffisamment équilibrée.

À l’inverse, la PPRE de Mme Taillé-Polian représente pour notre groupe un levier essentiel. Nous faisons face à une double menace, celle du réchauffement climatique tangible et documenté et celle de la désinformation massive, souvent instrumentalisée par des acteurs étrangers ou extrémistes, qui fragilisent l’adhésion citoyenne et minent nos démocraties.

Nous sommes convaincus que si l’Europe doit poursuivre et renforcer la vision ambitieuse de sa politique climatique, celle-ci doit rester sincère, réaliste et compatible avec notre souveraineté économique. Nous sommes entièrement convaincus qu’aucun cap climatique ne saurait être atteint sans une protection robuste de l’information, sans un espace public fondé sur la science, la vérité et la transparence. Le groupe Horizon votera donc en faveur de cette seconde PPRE.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je regrette le choix du groupe Horizons. J’ai tenu à rappeler dans cette proposition de résolution les faits, les revirements de positions ainsi que le rôle joué par la France dans le retard pour l’adoption de l’objectif de 90 %. La présidence danoise avait mis cet objectif sur la table des négociations, dès le mois de février.

La France a choisi de reporter ces discussions et de s’allier au groupe de Visegrad, composé de la Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie, qui a contesté la méthode utilisée par la présidence danoise. La France s’est donc objectivement alliée avec les États membres de l’Union européenne n’étant pas les fers de lance en matière d’action climatique pour retarder l’adoption de cet objectif. Je vous l’ai déjà expliqué, ce fut le fruit de longues discussions avec Mme Valérie Masson-Delmotte, mais aussi avec le Haut conseil pour le climat, ainsi qu’avec le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) : la question des flexibilités et des crédits carbone minorent l’effort que l’Europe doit faire en matière d’ambition climatique.

Concernant le revirement de la France, il m’a paru important que la représentation nationale, qui n’a pas été concertée sur les objectifs climatiques, puisse réaffirmer une position ferme en la matière.

Mme Nicole Le Peih, députée (EPR). Votre rapport met en évidence la divergence d’appréciation entre, d’une part, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, qui estime disposer d’un arsenal juridique suffisant, et d’autre part, les ONG, ainsi que le Haut Conseil pour le climat, qui considèrent que ces outils ne permettent pas de répondre pleinement aux nouvelles formes de désinformations en matière de changement climatique. En droit français, il n’existe aucun régime spécifique consacré à la désinformation climatique. La réponse ne peut s’appuyer que sur des instruments juridiques généraux, notamment sur la loi de 2018.

Pensez-vous qu’il faille renforcer les compétences et les pouvoirs de sanction de l’Arcom en la matière ? Faut-il plutôt créer un cadre plus contraignant pour les médias et les plateformes au niveau européen ? Comment éviter qu’un cadre plus contraint ne crée le risque d’une forme de sur-régulation ?

M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Mesdames les rapporteures, alors que se tenait la COP30, le Parlement européen a voté le paquet législatif dit « Omnibus 1 », visant à éradiquer plusieurs mesures du Pacte vert de 2019, feuille de route pourtant déjà largement insuffisante pour vivre avec le dérèglement climatique. Difficile de parler d’ambition climatique et d’intégrité de l’information sur le changement climatique à l’échelle européenne lorsque Strasbourg et Bruxelles détricotent leurs obligations climatiques et affaiblissent l’obligation du devoir de vigilance !

C’est faire preuve de cécité en matière environnementale et de droits humains pour mieux continuer comme avant en toute impunité, au nom de la compétitivité ! À ce titre, comme ma collègue Nathalie Oziol, je regrette que l’on ne fasse pas le lien entre capitalisme et destruction de la biodiversité.

Lors des auditions, le Gouvernement et les administrations centrales, notamment la Direction générale de l’énergie et du climat, ont-ils pris des engagements pour défendre des politiques climatiques ambitieuses à l’échelle nationale et européenne, ou la poursuite de leurs politiques écocidaires semble-t-elle s’être confirmée ? Qu’en est-il de leur engagement vis-à-vis de l’initiative mondiale relative à l’intégrité de l’information sur le changement climatique ?

Mme Liliana Tanguy (EPR). Je souhaite revenir sur un aspect de votre rapport concernant les campagnes de désinformation climatiques, nouveau terrain d’intervention pour des acteurs étrangers ou nationaux cherchant à freiner l’adhésion citoyenne aux politiques de transition écologique. Quelle articulation peut-on faire entre le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), en France, et des initiatives européennes telles que le bouclier démocratique européen ou l’Observatoire européen des médias numériques ? Comment peut-on assurer concrètement une protection efficace et coordonnée de l’information scientifique, notamment face aux tentatives d’ingérence et de manipulation de l’opinion ?

M. Benoît Biteau (EcoS). Concernant le rapport de Julie Laernoes, je ne peux qu’exprimer ma surprise lorsque notre collègue oppose encore compétitivité et lutte contre le dérèglement climatique. Ce qui menace véritablement la souveraineté alimentaire aujourd’hui, ce qui menace la productivité de la ferme Europe, c’est bien le dérèglement climatique ! On ne peut pas parler de compétitivité tant que cette question-là n’a pas été prise à bras-le-corps, tant que nos politiques publiques ne sont pas construites pour accompagner les agriculteurs dans une transition agro-écologique nécessaire pour conserver une souveraineté alimentaire, mais aussi pour préserver la compétitivité ! Il n’existe plus d’opposition aujourd’hui entre lutte contre le dérèglement climatique et compétitivité en agriculture.

Je souhaitais donc manifester mon étonnement quant à la position de vote exprimée par le groupe Horizons.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure. Pour vous répondre, les ONG comme Science Feedback et Data for good ont pris la main précisément parce que la puissance publique ne met pas en œuvre des mesures suffisantes.

En raison de l’absence de moyens indiquée par l’Arcom, cette institution est dans l’incapacité de mettre en œuvre des outils pour surveiller sur long terme, en tirer des enseignements et ensuite entrer dans le dialogue avec les éditeurs. L’Arcom n’agit que sur saisine et sur des séquences limitées.

Devant les capacités d’action limitées de l’Arcom, les ONG comblent une lacune. Par exemple, RSF a mis en place un outil sur la question du pluralisme qui vient de sortir aujourd’hui. Il en est de même sur la question environnementale avec l’ONG Quota Climat qui s’appuie sur des acteurs spécialisés disposant d’un réseau étoffé. Nous en sommes réduits à nous appuyer sur la base d’un travail citoyen et cela me pose un problème.

Pour répondre également à Mme Tanguy, rejoindre l’initiative de Belém doit aussi conduire à la mise en œuvre d’une feuille de route concrète avec des moyens qui correspondent.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je voudrais répondre à notre collègue Gabriel Amard concernant la DGEC. Celle-ci n’a pas donné plus d’explications même s’il faut reconnaître que cela relève en l’occurrence de la ministre que nous n’avons pas pu auditionner puisqu’elle se trouvait à Belém. Au demeurant, l’objet de la proposition de résolution se situe plus sur le positionnement de la France au niveau européen que sur un strict plan national. Il y a des reculs qui sont notables. Le report de l’ETS 2 par exemple et le fait que le gouvernement n’ait pas engagé de dialogue avec la représentation nationale sur ce sujet. Nous partageons vos regrets sur les reculs français au niveau européen.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous en venons à l’examen de la proposition de résolution européenne de Mme Sophie Taillé-Polian et plusieurs de ses collègues visant à garantir l’intégrité de l’information sur le changement climatique face à la désinformation climatique et aux ingérences étrangères (n° 1853)

Amendement n° 1 de la rapporteure

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure : Il s’agit d’un amendement d’actualisation afin de mentionner la déclaration mondiale sur l’intégrité de l’information adoptée dans le cadre de la COP30 qui n’existait pas encore lors de la rédaction de la PPRE.

L’amendement n° 1 est adopté.

L’article unique est adopté.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est adoptée.

 


   proposition de rÉsolution europÉenne initiale

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828,

Vu le règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE,

Vu le règlement (UE) 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE,

Vu la communication de la Commission COM(2018) 236 final du 26 avril 2018 relative à la lutte contre la désinformation en ligne,

Vu la communication de la Commission COM(2019) 640 final du 11 décembre 2019 sur le Pacte vert pour l’Europe,

Vu la communication de la Commission COM(2020) 790 final du 3 décembre 2020 relative au plan d’action pour la démocratie européenne, et notamment l’initiative « European Democracy Shield »,

Vu la communication de la Commission COM(2024) 91 final du 12 mars 2024 relative à la gestion des risques climatiques, à la protection des personnes et à la prospérité,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil COM(2023) 166 final relative à la justification et à la communication des allégations environnementales explicites (directive sur les allégations écologiques),

Vu les principes mondiaux des Nations unies pour l’intégrité de l’information,

Vu les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, et notamment le sixième rapport de synthèse paru en 2023,

Vu les priorités de la présidence tournante de la République de Pologne à la tête du Conseil européen entre janvier et juin 2025,

Vu l’Initiative mondiale sur l’intégrité de l’information sur les changements climatiques lancée conjointement par l’UNESCO, le G20 et le Brésil en novembre 2024,

Considérant la priorité affirmée par la présidente de la Commission européenne devant le Parlement européen, le 18 juillet 2024, de défendre les acquis démocratiques européens face aux manipulations informationnelles et aux ingérences numériques ;

Considérant que la lutte contre le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité est affichée comme une priorité stratégique de l’Union européenne et de ses États membres depuis 2019 ;

Considérant que l’intégrité de l’information est une nécessité pour permettre aux citoyennes et aux citoyens de prendre part à la vie démocratique ;

Considérant que le lancement du chapitre brésilien de l’Initiative mondiale pour l’intégrité de l’information en matière de changements climatiques au Brésil en mars 2025 transforme l’initiative multilatérale en opportunité de déclinaisons sous forme de feuilles de routes nationales ;

Invite le Comité européen pour les services de médias à mobiliser les groupes de travail compétents (n° 1 et n° 5) au sujet de la lutte contre la désinformation climatique, et à présenter des premiers enseignements et recommandations d’action à l’issue du programme de travail 2025 ;

Invite la Commission européenne à se saisir de la lutte contre la désinformation climatique sous forme de feuille de route opérationnelle dédiée, afin de centraliser la coordination de l’action des institutions européennes en la matière ;

Invite le Gouvernement de la République française à prendre position pour :

– encourager les États membres de l’Union européenne à rejoindre l’Initiative mondiale sur l’intégrité de l’information sur le changement climatique ;

– lancer un chapitre français déclinant cette initiative à l’échelon national ;

– encourager les États membres de l’Union européenne à inscrire l’intégrité de l’information sur le changement climatique au sein de leur contribution déterminée au niveau national pour la COP 30 ;

Invite la Commission européenne à lancer un chapitre européen sur cette initiative.

 


   amendements examinés par la commission

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

26 NOVEMBRE 2025


proposition de résolution européenne visant à garantir l’intégrité de l’information sur le changement climatique face à la désinformation climatique et aux ingérences étrangères (N°1853)

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, rapporteure

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ARTICLE UNIQUE

Insérer après l’alinéa 19 un alinéa ainsi rédigé :

« Considérant la déclaration mondiale pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique, adoptée dans le cadre de la COP 30 et signée par la France ainsi que douze autres États ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à tenir compte des derniers développements de la COP 30 qui s’est achevée à Belém au Brésil le 21 novembre dernier. Cette COP qui devrait être, d’après les mots de son président, « la COP de la vérité » a fait la part belle à l’intégrité de l’information en matière climatique, à un moment où la tentation du recul des ambitions climatiques est grande à l’échelle mondiale et où les formes de désinformation se diversifient.

Il est à noter que l’expression « d’intégrité de l’information » a été préférée à celle de « lutte contre la désinformation » pour colorer le sujet d’une teinte positive plutôt que négative, et ainsi maximiser les chances de soutien de l’initiative.

 

Cet amendement a été adopté.

 

 


   PROPOSITION EUROPEENNE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

 

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828, 

Vu le règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE, 

Vu le règlement (UE) 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE,   

Vu la communication de la Commission COM(2018) 236 final du 26 avril 2018 relative à la lutte contre la désinformation en ligne, 

Vu la communication de la Commission COM(2019) 640 final du 11 décembre 2019 sur le Pacte vert pour l’Europe, 

Vu la communication de la Commission COM(2020) 790 final du 3 décembre 2020 relative au plan d’action pour la démocratie européenne, et notamment l’initiative « European Democracy Shield », 

Vu la communication de la Commission COM(2024) 91 final du 12 mars 2024 relative à la gestion des risques climatiques, à la protection des personnes et à la prospérité, 

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil COM(2023) 166 final relative à la justification et à la communication des allégations environnementales explicites (directive sur les allégations écologiques), 

Vu les principes mondiaux des Nations unies pour l’intégrité de l’information, 

Vu les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, et notamment le sixième rapport de synthèse paru en 2023, 

Vu les priorités de la présidence tournante de la République de Pologne à la tête du Conseil européen entre janvier et juin 2025, 

Vu l’Initiative mondiale sur l’intégrité de l’information sur les changements climatiques lancée conjointement par l’UNESCO, le G20 et le Brésil en novembre 2024, 

Considérant la priorité affirmée par la présidente de la Commission européenne devant le Parlement européen, le 18 juillet 2024, de défendre les acquis démocratiques européens face aux manipulations informationnelles et aux ingérences numériques ;

Considérant que la lutte contre le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité est affichée comme une priorité stratégique de l’Union européenne et de ses États membres depuis 2019 ;

Considérant que l’intégrité de l’information est une nécessité pour permettre aux citoyennes et aux citoyens de prendre part à la vie démocratique ;

Considérant que le lancement du chapitre brésilien de l’Initiative mondiale pour l’intégrité de l’information en matière de changements climatiques au Brésil en mars 2025 transforme l’initiative multilatérale en opportunité de déclinaisons sous forme de feuilles de routes nationales ;

Considérant la déclaration mondiale pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique, adoptée dans le cadre de la COP30 et signée par la France ainsi que douze autres Etats ; 

Invite le Comité européen pour les services de médias à mobiliser les groupes de travail compétents (n° 1 et n° 5) au sujet de la lutte contre la désinformation climatique, et à présenter des premiers enseignements et recommandations d’action à l’issue du programme de travail 2025 ;

Invite la Commission européenne à se saisir de la lutte contre la désinformation climatique sous forme de feuille de route opérationnelle dédiée, afin de centraliser la coordination de l’action des institutions européennes en la matière ;

Invite le Gouvernement de la République française à prendre position pour :

– encourager les États membres de l’Union européenne à rejoindre l’Initiative mondiale sur l’intégrité de l’information sur le changement climatique ; 

– lancer un chapitre français déclinant cette initiative à l’échelon national ;

– encourager les États membres de l’Union européenne à inscrire l’intégrité de l’information sur le changement climatique au sein de leur contribution déterminée au niveau national pour la COP 30 ;

Invite la Commission européenne à lancer un chapitre européen sur cette initiative.


Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Commissariat à l’énergie atomique

– Mme Valérie Masson-Delmotte, climatologue, directrice de recherche

 

Haut Conseil pour le Climat

– M. Jean-François Soussana, président

 

European digital média obsveratory (EDMO)

– M. Paolo Cesarini, directeur

 

Arcom

– Mme Bénédicte Lesage, membre du collège et présidente du groupe de travail « Éducation aux médias, transition écologique et santé publique »

 

Quota Climat

– Mme Eva Morel, secrétaire générale

– Mme Louna Wemaere, responsable des affaires européennes

 

Science Feedback

– M. Emmanuel Vincent, directeur

 

Contribution écrite :

– Quota Climat

 Science Feedback


([1]) Entretien avec Roger Errera, sur la question du totalitarisme, 1974.

([2]) Voir par exemple : https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/on-esperait-tellement-avoir-tort-malgre-les-vents-contraires-les-scientifiques-du-climat-refusent-de-baisser-les-bras-2183913 .

([3]) Voir, à ce sujet, le livre publié en octobre 2024 au Seuil : Green Backlash : qui veut la peau de l’écologie ?

([4]) https://quotaclimat.org/app/uploads/2025/10/Cartographie-desinformation-climatique-France-Bresil-octobre-2025.pdf .

([5]) John Dewey, précurseur de Jürgen Habermas à travers sa théorie de l’enquête, Logique : la théorie de l’enquête (1938).

([6]) https://hal.science/hal-03986798v2/file/Etude_CNRS_Climatoscope.pdf .

([7]) Contribution écrite.

([8]) https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/2025-european-media-industry-outlook-report .

([9]) Baromètre des médias 2025, La Croix, janvier 2025.

([10])  Baromètre des représentations sociales du changement climatique, ADEME, 13 novembre 2025.

([11]) https://www.arcom.fr/nos-ressources/espace-juridique/decisions/emission-bercoff-dans-tous-ses-etats-diffusee-le-7-decembre-2023-sud-radio-et-sud-radio-mises-en-garde .

([12]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049928482 .

([13]) L’invité a qualifié l’origine anthropique du réchauffement climatique de « mensonge », « d’escroquerie » et de « complot d’État ».

([14]) https://www.arcom.fr/nos-ressources/espace-juridique/decisions/emission-bercoff-dans-tous-ses-etats-diffusee-le-25-mars-et-le-2-mai-2024-sud-radio-et-sud-radio-mises-en-garde-0 .

([15]) Contribution écrite.

([16]) https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2025-11-06/497471 .

([17]) Le European digital media observatory a été créé en 2020. Il constitue un réseau d’organisations, coordonné par l’institut universitaire européen de Florence. Objectif : faire converger les efforts des fact checkers et des organisations de la société civile pour développer des outils intégrés vérifiant les faits et analysant les données sur les médias numériques. 1 500 / 2 000 articles sont fact checkés chaque mois. 5 à 15 % de la désinformation détectée chaque mois concerne le climat.

([18]) Jean-Jacques Rousseau notait déjà en 1751, dans sa Réponse au roi de Pologne : « c’est une chose bien commode que la critique ; car où l’on attaque avec un mot, il faut des pages pour se défendre ».

([19]) L’analyse s’appuie sur un échantillonnage représentatif et une typologie des récits climatosceptiques validée par la littérature académique, la typologie CARDS.

([20]) https://unfccc.int/cop30/belem-political-package .

([21]https://www.unesco.org/sites/default/files/medias/fichiers/2025/11/cop_30_declaration_information_integrity_on_climate_change_12112025.pdf .

([22]) https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cma2025_L24_adv.pdf .

([23]) https://unfccc.int/sites/default/files/resource/cp2025_L16adv.pdf .

([24]) https://www.science.org/doi/10.1126/science.aap9559 .

([25]) https://ec.europa.eu/newsroom/edmo/newsletter-archives/52444 .

([26]) https://regulation.be/2025/10/09/les-grandes-plateformes-en-ligne-sont-permeables-a-la-desinformation-et-se-desengagent/ .

([27]) https://science.feedback.org/wp-content/uploads/2025/09/SIMODS-Report-1.pdf .

([28]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202401083 .

([29]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202401689 .

([30]) https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-15234-2025-INIT/en/pdf .