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N° 2152

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2025.

 

RAPPORT

 

FAIT

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES,
EN NOUVELLE LECTURE, SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT,
de financement de la sécurité sociale pour 2026,

PAR M. Thibault BAZIN

Rapporteur général, rapporteur pour l’équilibre général, les recettes et la branche maladie, Député

M. Hadrien CLOUET
Rapporteur pour la branche autonomie, Député

Mme Anne BERGANTZ
Rapporteure pour la branche famille, Députée

Mme Sandrine RUNEL
Rapporteure pour la branche vieillesse, Députée

M. Gaëtan DUSSAUSAYE
Rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Député

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1ère lecture : 1907, 1999, 2057 et 2049

 Commission mixte paritaire : 2144.

 Nouvelle lecture : 2141.

Sénat : 1ère lecture : 122, 131, 126 et T.A. 23 (2025‑2026).

 Commission mixte paritaire : 162 et 163 (2025‑2026).


SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article liminaire Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour 2025 et 2026

PREMIÈRE PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025

Article 1er Rectification des prévisions de recettes, des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépenses pour 2025

Article 2 Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie et de ses sous-objectifs pour 2025

Article 3 Rectification de la contribution des régimes d’assurance maladie au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé pour 2025

Article 3 bis (nouveau) Déduction au sein de l’assiette sociale des nonsalariés agricoles de la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes pour la campagne de revenus de l’année 2025

DEUXIÈME PARTIE Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financier de la sécurité sociale pour l’exercice 2026

TITRE IER DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE

Article 4 Amélioration des capacités juridiques du recouvrement

Article 4 bis A (nouveau) Réitération des déclarations sociales par les employeurs suspectés de recourir à des entreprises éphémères

Article 4 bis B (nouveau) Extension à de nouvelles catégories de cotisants du rôle des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales en matière de validation des immatriculations au guichet unique des entreprises

Article 4 bis C (nouveau) Possibilité pour les employeurs et les travailleurs indépendants ultramarins de conclure avec les organismes de recouvrement des plans d’apurement de leurs créances sociales

Article 4 bis Report de l’intégration des activités de garde d’enfants de moins de 6 ans au service d’avance immédiate de crédit d’impôt pour les services à la personne

Article 5 Simplifier l’affiliation, la déclaration de revenu, l’action sociale et la gouvernance de la sécurité sociale des artistes-auteurs

Article 5 bis Subordination de l’affiliation des bailleurs à métayage au régime des nonsalariés agricoles à une participation effective à l’activité de l’exploitation agricole

Article 5 ter Exonération partielle de cotisations sociales pour les collaborateurs de chef d’exploitation agricole qui choisissent de devenir chef d’exploitation

Article 5 quater Mise en place d’un plan d’action ou d’une négociation sur l’emploi des seniors dans les entreprises de plus de trois cents salariés sous peine d’un malus sur les cotisations d’assurance vieillesse

Article 6 Gel des seuils de revenus pris en compte pour le calcul de la contribution sociale généralisée portant sur certains revenus de remplacement

Article 6 bis Augmentation du taux de la contribution sociale généralisée applicable aux revenus du patrimoine et des produits de placement

Article 6 ter Extension du dispositif de lissage du revenu pris en compte pour la détermination du taux de contribution sociale généralisée applicable à certains revenus de remplacement

Article 6 quater (nouveau) Exclusion des contributions employeurs destinées au financement d’un contrat solidaire « socle » de l’assiette des cotisations de sécurité sociale

Article 7 Créer une contribution des organismes complémentaires au titre de l’année 2026

Article 7 bis Instauration de niches sociale et fiscale en faveur des coopératives pharmaceutiques

Article 7 ter Soumission des contrats de complémentaire santé à destination des agriculteurs retraités à un taux réduit de taxe de solidarité additionnelle

Article 7 quater (nouveau) Extension au régime agricole de la mutualisation des coûts associés aux maladies professionnelles afin d’améliorer le taux d’emploi des travailleurs handicapés

Article 8 Réduction des niches sociales applicables à certains compléments salariaux

Article 8 bis A (nouveau) Plafonnement de certaines exemptions d’assiette de cotisations sociales pour les salariés dont la rémunération excède trois fois le salaire minimum

Article 8 bis Expérimentation de la possibilité pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole d’opter pour que leurs cotisations soient calculées sur la base d’une estimation de leurs revenus professionnels de l’année en cours

Article 8 ter Ajustement et pérennisation du régime social de certains instruments de fidélisation des salariés et dirigeants d’entreprise par leur association au capital

Article 8 quater Précision relative au champ des bénéfices intégrés à l’assiette sociale des travailleurs indépendants agricoles et exonération de contribution sociale généralisée des indemnités d’abattage affectées à la reconstitution du cheptel

Article 8 quinquies Exclusion des plus-values de court terme de l’assiette sociale de certains travailleurs indépendants agricoles

Article 8 sexies Réduction des allégements généraux de cotisations patronales pour les branches dont les minima sont inférieurs au Smic

Article 8 septies Extension aux entreprises de plus de deux cent cinquante salariés de la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur la rémunération des heures supplémentaires

Article 8 octies Rapport d’évaluation de la réforme du Régime social des indépendants et du recouvrement des cotisations au titre de ce régime

Article 9  Rationalisation d’exonérations spécifiques

Article 9 bis Exclusion de l’assiette des cotisations sociales de l’avantage tiré de la prise en charge par l’employeur des intérêts d’un crédit immobilier

Article 9 ter Harmonisation du calcul des cotisations et contributions sociales pour les agriculteurs louant des meublés de tourisme

Article 9 quater Suppression de l’exclusion des tâches réalisées par les entreprises de travaux forestiers de l’exonération dégressive pour l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi

Article 9 quinquies A (nouveau) Extension de l’exonération dégressive pour l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi aux coopératives vinicoles

Article 9 quinquies Exclusion des dons en nature de produits agricoles de l’assiette sociale des exploitants

Article 9 sexies A (nouveau) Précision concernant les recettes accessoires et les plus-values d’apport prises en compte dans l’assiette sociale des non-salariés agricoles

Article 9 sexies B (nouveau) Exclusion de l’assiette des travailleurs indépendants agricoles des rentes versées pour les maladies professionnelles et accidents de travail

Article 9 sexies C (nouveau) Maintien du bénéfice de l’exonération de cotisations pour les exploitations agricoles ultramarines de plus de 40 hectares pondérés

Article 9 sexies Extension du dispositif « Lodeom » aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres d’agriculture des départements et régions d’outremer pour leurs activités de nature industrielle et commerciale

Article 9 septies Rétablissement de l’exonération de contributions patronales « non-Enim » pour l’ensemble des navires soumis à la concurrence internationale

Article 9 octies (nouveau) Exclusion de l’assiette des cotisations sociales des dépenses supportées par les employeurs d’aides à domicile à raison de la mise à disposition de véhicules à ces salariés

Article 10 Simplifier la régulation du secteur des médicaments

Article 10 bis A (nouveau) Création d’une taxe à la charge des entreprises pharmaceutiques retardant l’entrée sur le marché d’un médicament générique

Article 10 bis B (nouveau) Exclusion des greffons tissulaires humains de la clause de sauvegarde

Article 10 bis Exclusion des médicaments génériques et biosimilaires du calcul de la clause de sauvegarde

Article 10 ter Introduction d’un critère de territorialité dans le calcul de la clause de sauvegarde

Article 11 Améliorer la gestion de la trésorerie du régime général en instaurant un mécanisme d’acompte des remises relatives aux produits de santé

Article 11 bis Extension du périmètre de la taxe sur les boissons prémix

Article 11 ter Taxer les produits n’affichant pas le nutri-score

Article 11 quater Ajustement de la contribution sur les dépenses de publicité des jeux d’argent et de hasard

Article 11 quinquies A (nouveau) Création d’une taxe sur les dépenses de publicité en faveur des boissons alcooliques à La Réunion

Article 11 quinquies B (nouveau) Création d’une taxe sur les produits alimentaires destinés aux nourrissons contenant des sucres ajoutés

Article 11 quinquies Allégement de la taxe sur les ventes en gros aux officines pharmaceutiques

Article 11 sexies Fixation par la loi du plafond des remises commerciales

Article 11 septies Contribution spécifique sur les entreprises qui importent, produisent ou commercialisent de l’hexane

Article 11 octies (nouveau) Création d’un plan d’épargne pour les salariés des associations

Article 11 nonies (nouveau) Augmentation du temps de travail annuel de douze heures et exclusion de la dernière heure de l’assiette des cotisations sociales

Article 12 Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale

Article 12 bis A (nouveau) Extension aux fonds de dotation de l’abattement de taxe sur les salaires applicable à d’autres organismes sans but lucratif

Article 12 bis Transfert d’une fraction de contribution sociale généralisée de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie vers les départements

Article 12 ter A (nouveau) Maintien des réductions proportionnelles des cotisations patronales maladie et famille pour la SNCF, la RATP et les entreprises des industries électriques et gazières

Article 12 ter Rendre automatique l’annulation des cotisations sociales prises en charge par l’assurance maladie en cas de fraude

Article 12 quater Limiter à un mois le délai de transmission à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale et à la Caisse nationale des allocations familiales des déclarations souscrites par les plateformes numériques auprès de la direction générale des finances publiques et recentrer le dispositif de précompte des cotisations sociales sur les plateformes d’emploi

Article 12 quinquies Supprimer les dérogations au principe de compensation des exonérations ciblées de cotisations sociales

Article 12 sexies Instauration d’une participation financière pour le bénéfice de la protection universelle maladie par les personnes résidant en France sans y exercer d’activité professionnelle ni y être imposables

Article 12 septies Supprimer la minoration de la compensation par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale des pertes de recettes induites par les allégements généraux pour l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

Article 12 octies Supprimer la possibilité de fixer par décret le montant de la contribution versée par les régimes complémentaires de retraite au régime général au titre de l’équilibre financier des régimes spéciaux fermés

Article 12 nonies Augmenter les majorations de cotisations sociales en cas de travail dissimulé

Article 12 decies Supprimer la possibilité pour un employeur de bénéficier d’une réduction des majorations de redressement après un constat de travail dissimulé

Article 12 undecies Modification du montant des pénalités prononcées en cas de non-respect de l’obligation de transmission à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales des données des vendeurs et prestataires recourant à des plateformes numériques

TITRE II CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Article 13 Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale

Article 14 Approbation, pour l’année 2026, des tableaux d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base

Article 15 Objectif d’amortissement de la dette sociale et prévisions de recettes du Fonds de réserve pour les retraites

Article 16 Liste et plafonds de trésorerie des organismes habilités à recourir à des ressources non permanentes

Article 16 bis Obligation pour certains organismes de sécurité sociale de s’endetter prioritairement auprès de la Caisse des dépôts et consignations

Article 17 Approbation de l’annexe pluriannuelle

TROISIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2026

TITRE IER DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES

Article 18 Étendre le champ des participations forfaitaires et franchises et rendre visible leur recouvrement

Article 18 bis A (nouveau) Définition des conditions dans lesquelles les anciens assurés retrouvent leurs droits à l’assurance maladie après leur retour sur le territoire français

Article 18 bis Subordination de la prise en charge des lentilles de contact à la télétransmission d’un acte de remise

Article 18 ter A (nouveau) Restriction des conditions de justification de la résidence principale

Article 18 ter Expérimentation de la prise en charge des actes de prélèvements consécutifs aux sévices sexuels subis, sans exigence d’un dépôt de plainte

Article 18 quater Demande de rapport sur le forfait patient urgences

Article 19 Prise en charge des prestations d’accompagnement préventif pour les assurés en risque de développer une affectation de longue durée

Article 20 Simplifier et rendre plus efficiente la politique vaccinale

Article 20 bis Permettre aux médecins de détenir et conserver le vaccin contre la grippe saisonnière

Article 20 ter Permettre à l’ensemble des médecins de détenir des vaccins dans leurs cabinets

Article 20 quater Application du tiers payant sur la part obligatoire du dispositif Mon soutien psy

Article 20 quinquies Interdire la prise en charge de protections périodiques contenant des substances contaminantes ou toxiques

Article 20 sexies Prolonger de deux ans l’expérimentation des haltes soins addictions

Article 20 septies Étendre à une région ultramarine la prise en charge expérimentale par l’assurance maladie du test de détection de soumission chimique

Article 20 octies Demande de rapport sur le dispositif Mon soutien psy

Article 20 nonies Demande de rapport sur la prise en charge des protections périodiques réutilisables

Article 20 decies Demande de rapport sur les parcours de santé post-cancer

Article 20 undecies Demande de rapport sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie

Article 20 duodecies Demande de rapport sur le bilan de santé des mineurs entrant dans un dispositif de protection de l’enfance

Article 21 Renforcer l’accès aux soins

Article 21 bis A (nouveau) Extension à Mayotte de la possibilité pour les infirmiers de rédiger des certificats de décès

Article 21 bis B (nouveau) Modalités de recouvrement des indus versés aux professionnels de santé libéraux par les centres médico-psychologiques

Article 21 bis Création du réseau France santé et prise en charge de certaines situations cliniques par les pharmaciens

Article 21 ter Création d’une consultation longue pour les femmes sujettes à la ménopause

Article 21 quater Supprimer le contrat de début d’exercice

Article 21 quinquies Prise en charge de parcours de guidance parentale

Article 21 sexies Élargissement du pouvoir de prescription des orthoprothésistes, podoorthésistes et orthopédistes-orthésistes

Article 21 septies A (nouveau) Consultation des ergothérapeutes sur adressage dans le cadre d’une prise en charge pluriprofessionnelle

Article 21 septies Mise en place d’une autorisation préalable pour la pratique de la médecine esthétique

Article 21 octies Permettre la délégation de tâches encadrée aux auxiliaires médicaux du service de contrôle de la Mutualité sociale agricole

Article 21 nonies Prolonger le délai de remise du rapport sur les infirmiers et le compléter

Article 21 decies Expérimentation d’une équipe de soins traitante

Article 22 Simplifier et sécuriser le financement des établissements de santé

Article 22 bis A (nouveau) Application provisoire des tarifs hospitaliers de l’année précédente en cas de retard dans la publication des nouveaux tarifs

Article 22 bis Interdire la double facturation des actes de radiothérapie effectués dans le cadre d’une activité libérale à l’hôpital

Article 22 ter Eviter la double facturation des actes effectués dans le cadre d’une activité libérale à l’hôpital

Article 23 Reporter le financement de la protection sociale complémentaire pour les agents de la fonction publique hospitalière

Article 24 Lutter contre les rentes dans le système de santé

Article 24 bis Réduction d’autorité du tarif des actes et prestations dégageant une rentabilité supérieure à un seuil

Article 25 Mieux réguler les dépenses dans le secteur des soins dentaires

Article 25 bis Prévoir une régulation prix-volume de l’ophtalmologie et des soins dentaires

Article 26 Renforcer les incitations au conventionnement des professionnels de santé et à la maîtrise des dépassements d’honoraires

Article 26 bis Mettre fin au remboursement des produits de santé, actes et prestations prescrits par un médecin non conventionné

Article 26 ter Prévoir une procédure assouplie et accélérée de révision de la nomenclature

Article 26 quater Permettre à l’assurance maladie de déterminer le tarif d’un acte ou d’une prestation nouvellement hiérarchisée lorsque la négociation n’a pas abouti dans les six mois

Article 27 Favoriser l’efficience, la pertinence et la qualité des activités des établissements de santé

Article 27 bis Supprimer la condition d’écart de coût significatif pour la mise en place d’un plafonnement des dépenses d’intérim pour une profession donnée

Article 27 ter Plafonner la rémunération des praticiens contractuels au niveau de celle des praticiens titulaires

Article 28 Limiter la durée de prescription des arrêts de travail pour maladie et la durée d’indemnisation des arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle et supprimer l’obligation de visite de reprise pour un retour de congé de maternité

Article 28 bis A (nouveau) Limitation du renouvellement d’un arrêt de travail par télémédecine

Article 28 bis Application à Saint-Pierre-et-Miquelon de dispositions relatives au service du contrôle médical

Article 28 ter Adaptations au droit des arrêts de travail

Article 29 Limiter la durée d’indemnisation des arrêts de travail des assurés ne relevant pas du dispositif de l’affection de longue durée

Article 30 Favoriser le recours à des outils d’aide à la prescription et à la décision médicale de dernière génération

Article 31 Rendre obligatoires l’alimentation du dossier médical partagé et sa consultation dans certains cas

Article 32 Lutter contre le gaspillage des produits de santé

Article 33 Améliorer la pénétration des biosimilaires et génériques en ville

Article 34 Adapter les dispositifs d’accès précoces, d’accès compassionnels et d’accès direct

Article 34 bis (nouveau) Renforcement de l’application du critère industriel dans la définition du prix des dispositifs médicaux

Article 35 Expérimenter le référencement de médicaments thérapeutiquement équivalents

Article 35 bis (nouveau) Adaptation de la période prise en compte pour le calcul du niveau du stock de sécurité des spécialités substituables

Article 36 Réforme de la tarification des établissements et services qui accompagnent des enfants et des jeunes handicapés (Serafin-PH)

Article 36 bis (nouveau) Créer une obligation de renseignement des données dans les services numériques en santé et réformer le régime des sanctions financières applicables aux établissements et services médico-sociaux

Article 36 ter (nouveau) Sécuriser le régime d’autorisation des établissements et services médico-sociaux à caractère expérimental

Article 37 Contribution à la prise en charge du coût de l’accord du 4 juin 2024 par les départements

Article 37 bis (nouveau) Préciser le périmètre du coefficient géographique appliqué pour le calcul du concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie dans les départements et régions d’outre-mer

Article 38 Déduire les indemnisations versées par les assurances et les fonds d’indemnisation de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap

Article 39 Améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles

Article 39 bis (nouveau) Inclusion des agents chimiques dangereux dans les facteurs de pénibilité pris en compte par le fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle

Article 39 ter (nouveau) Report de la mise en œuvre de la réforme de l’incapacité permanente fonctionnelle

Article 40 Étendre le bénéfice du capital décès aux ayants droit des nonsalariés agricoles décédés à compter du 1er janvier 2026 à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle

Article 41 Optimiser le recouvrement des pensions alimentaires

Article 42 Créer un congé supplémentaire de naissance

Article 42 bis (nouveau) Inclure dans la protection sociale contre les risques et conséquences de la maternité les frais médicaux engagés pour l’ensemble des soins réalisés auprès des nouveaunés pendant leur séjour à la maternité

Article 42 ter (nouveau) Maintenir la majoration pour âge des allocations familiales à 14 ans

Article 42 quater (nouveau) Exclure certaines indemnités du calcul du plafond horaire de rémunération conditionnant le bénéfice du complément de libre choix du mode de garde

Article 42 quinquies (nouveau) Conditionner le bénéfice du complément de libre choix de mode de garde à l’utilisation du dispositif Pajemploi +

Article 43 Rationaliser et simplifier le cumul emploiretraite

Article 43 bis (nouveau) Ajustements techniques concernant la mise en œuvre de la réforme du mode de calcul des pensions de retraite des nonsalariés agricoles

Article 44 Stabiliser le montant des prestations sociales, dont les pensions

Article 45 Réduire les inégalités entre les femmes et les hommes à la retraite

Article 45 bis Suspension du report de l’âge légal de départ à la retraite et du relèvement de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une retraite au taux plein

TITRE II DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DÉPENSES DES BRANCHES ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES

Article 46 Dotation de l’assurance maladie au Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux agences régionales de santé

Article 47 Dotations aux opérateurs financés par le sixième sous-objectif

Article 48 Objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

Article 49 Fixation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que de ses sous‑objectifs pour 2026

Article 50 Dotations au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, transfert de la compensation de la sousdéclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles et dépenses liées aux dispositifs de prise en compte de la pénibilité

Article 51 Objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles

Article 52 Objectif de dépenses de la branche vieillesse

Article 53 Objectif de dépenses de la branche famille

Article 54 Objectif de dépenses de la branche autonomie

COMPTES RENDUS DE L’EXAMEN DES ARTICLES

Réunion du samedi 29 novembre à 9 heures (article liminaire à article 9 octies)

Réunion du samedi 29 novembre à 14 heures 30 (article 10 à article 35 bis)

Réunion du samedi 29 novembre à 21 heures (article 36 à article 54)

TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN DU PROJET DE LOI

 


   AVANT-PROPOS DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL

● Traditionnellement, l’avant‑propos au rapport de nouvelle lecture sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale se borne à lister les articles adoptés conformes par l’Assemblée nationale et le Sénat et à rappeler le nombre d’articles restant en discussion.

La discussion n’ayant pas pu atteindre son terme dans le délai de vingt jours prévu à l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution et comme le prescrit la loi organique, le Gouvernement a donc saisi le Sénat du texte initial, modifié par les amendements votés par l’Assemblée nationale et acceptés par lui.

Conséquences de l’expiration des délais d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale en première lecture

Article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution

« Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet [de loi de financement de la sécurité sociale], le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45. »

Article L.O. 111‑7, alinéa 3, du code de la sécurité sociale.

« Si l’Assemblée nationale n’a pas émis un vote en première lecture sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans le délai prévu à l’article 47-1 de la Constitution, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu’il a initialement présenté, modifié le cas échéant par les amendements votés par l’Assemblée nationale et acceptés par lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de quinze jours après avoir été saisi. »

Une telle situation ne s’était produite que deux fois depuis 1996, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Le Gouvernement a fait le choix inédit cette année d’intégrer dans le texte transmis au Sénat l’ensemble des amendements adoptés par l’Assemblée nationale en première lecture.

L’absence d’adoption formelle du projet de loi par l’Assemblée nationale implique qu’aucun article n’a pu être adopté conforme par le Sénat, alors même qu’il n’a fait l’objet d’aucune modification par la chambre haute.

● Le projet de loi initial déposé le 14 octobre 2025 comptait cinquante‑cinq articles, auquel un cinquante‑sixième fut ajouté par le biais d’une lettre rectificative déposée le 23 octobre 2025 ; le texte transmis par le Gouvernement au Sénat le 13 novembre, à l’expiration du délai de vingt jours imparti à l’Assemblée, comprenait soixante‑quatorze articles additionnels et douze articles supprimés.

Le Sénat, pour sa part, a inséré trente-neuf articles et a en supprimé cinquante-cinq.

Dès lors, 169 articles restent en discussion.

 


COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article liminaire
Prévisions de dépenses, de recettes et de solde
des administrations de sécurité sociale pour 2025 et 2026

Origine de l’article : projet de loi.

Sort à l’Assemblée nationale : supprimé.

Sort au Sénat : rétabli.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article établit les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des administrations de sécurité sociale (Asso) pour l’exercice en cours et celui à venir.

À la différence des autres mesures des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), et en particulier des tableaux d’équilibre, son périmètre ne se limite pas aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss), au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et à leurs satellites, mais inclut l’ensemble des Asso, donc notamment l’assurance chômage – gérée par l’Unedic – et les régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires.

Sur cet agrégat issu des conventions statistiques européennes, est projeté :

– en volume, un déficit de 0,3 point de produit intérieur brut (PIB) en 2025 puis un excédent de 0,1 point en 2026 ;

– en valeur, un déficit de 8,4 milliards d’euros en 2025 puis un excédent de 3,4 milliards d’euros en 2026.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les deux amendements de suppression n° 1633 de Mme Joëlle Mélin et des membres du groupe Rassemblement National et n° 1808 de Mme Ségolène Amiot et des membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, adoptés contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement, l’amendement n° 585 de la rapporteure générale, rétablissant l’article liminaire dans sa rédaction initiale.

Puis, à la faveur d’une seconde délibération demandée par le Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement actualisant l’article liminaire :

– pour 2025, les recettes des Asso sont inchangées (26,7 points de PIB) mais leurs dépenses sont revues à la baisse de 0,1 milliard d’euros pour tenir compte de la non-revalorisation des prestations de l’Agirc-Arrco, principal régime de retraite complémentaire, ce qui d’après l’exposé sommaire « entraîne cependant la bascule de l’arrondi » (les portant à 26,9 points de PIB), ce mouvement étant facialement sans effet sur le déficit (qui reste projeté à 0,3 point de PIB) ;

– pour 2026, les recettes des Asso sont relevées de 0,1 point de PIB du fait de nouvelles compensations d’allégements par l’État (les établissant à 26,8 points de PIB) et leurs dépenses quoique croissantes en valeur sont inchangées en volume (soit 26,6 points de PIB), ce dont résulte une amélioration de l’excédent (qui passe de 0,1 à 0,2 point de PIB).

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de conserver l’article liminaire dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat, puisqu’il s’agit d’une disposition obligatoire et que sa sincérité importe pour des comparaisons ultérieures.

*

*     *

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2025

Origine de l’article : projet de loi.

Sort à l’Assemblée nationale : supprimé.

Sort au Sénat : rétabli.

1.   Les dispositions résultant de l’examen à l’Assemblée nationale

● Conformément aux prescriptions de l’article L.O. 111‑3‑3 du code de la sécurité sociale, le présent article procède à diverses rectifications.

Comparaison des prÉvisions du PLFSS 2026 avec celles de la LFSS 2025

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales pour 2025

Prévisions révisées pour 2025

Écart à la prévision initiale

(LFSS 2025)

(PLFSS 2026)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

246,4

261,8

 15,4

245,1

262,3

 17,2

– 1,3

0,5

 1,8

Accidents du travail et maladies professionnelles

17,1

17

0,2

16,9

17,5

 0,5

– 0,2

0,5

 0,7

Vieillesse

296,6

304,1

 7,5

297

303,4

 6,3

0,4

– 0,7

1,2

Famille

59,9

59,5

0,4

60,2

59,3

0,8

0,3

– 0,2

0,4

Autonomie

41,9

42,6

 0,7

41,7

42

 0,3

– 0,2

-0,6

0,4

Toutes branches (hors transferts entre branches)

643

666,1

 23

642,3

665,8

 23,5

– 0,7

– 0,3

 0,5

Toutes branches (hors transferts entre branches) y compris FSV

644,3

666,4

 22,1

643,1

666,1

 23

– 1,2

– 0,3

 0,9

Note : en raison de l’arrondi, le solde indiqué peut être différent de la somme des éléments qui le composent.

Source : commission des affaires sociales à partir des données de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

Il rectifie les prévisions de recettes, les objectifs de dépense et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice 2025.

Il rectifie également les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), mises en réserve par le FSV ainsi que l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

Les prévisions révisées du solde pour l’année 2025 sont légèrement inférieures aux estimations initiales malgré un solde pour l’année 2024 plus favorable de 2,9 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. La dégradation du déficit entre 2024 et 2025 est spectaculaire (– 7,7 milliards d’euros) et se décompose en 23 milliards d’euros de dépenses supplémentaires contre seulement 15,3 milliards d’euros de recettes en plus.

Comparaison des prÉvisions pour 2025 avec l’exÉcution pour 2024

(en milliards d’euros)

 

Résultat 2024

Prévisions révisées pour 2025

Écart par rapport à l’exercice précédent

 

(Placss 2024)

(LFSS 2026)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

239,2

253

-13,8

245,1

262,3

-17,2

5,9

9,3

-3,4

AT-MP

16,9

16,3

0,7

16,9

17,5

-0,5

0

1,2

-1,2

Vieillesse

288,2

293,8

-5,6

297

303,4

-6,3

8,8

9,6

-0,7

Famille

58,9

57,8

1,1

60,2

59,3

0,8

1,3

1,5

-0,3

Autonomie

41,2

39,9

1,3

41,7

42

-0,3

0,5

2,1

-1,6

Total

626,4

642,8

-16,4

642,3

665,8

-23,5

15,9

23

-7,1

Total incluant le FSV

627,8

643,1

-15,3

643,1

666,1

-23

15,3

23

-7,7

Note : en raison de l’arrondi, le solde indiqué peut être différent de la somme des éléments qui le composent.

Source : commission des affaires sociales à partir des données du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2024 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

● Le solde du FSV s’établirait à 0,5 milliard d’euros en 2025, une prévision légèrement plus dégradée que celle inscrite en loi de financement pour 2025 (0,7 milliard d’euros), en baisse de plus de 50 % par rapport à 2024 (1,1 milliard d’euros).

Les recettes mises en réserve par le Fonds de réserve pour les retraites sont, comme chaque année, nulles.

Le prévoit un objectif d’amortissement de 16,2 milliards d’euros, conforme à l’objectif fixé en loi de financement pour 2025 (16,28 milliards d’euros).

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les amendements de suppression nos 1639 de Mme Joëlle Mélin et des membres du groupe Rassemblement National et 1810 de Mme Ségolène Amiot et des membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire adoptés malgré l’avis défavorable du Gouvernement et du rapporteur général.

2.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

Le Sénat a adopté un amendement de la commission (no 586) rétablissant l’article 1er, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement.

Cet amendement rétablit l’article 1er dans sa rédaction initiale.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général est naturellement favorable au rétablissement d’un article obligatoire des lois de financement de la sécurité sociale.

Cet article reflétant les dernières prévisions pour l’exercice 2025, lesquelles ne sont pas affectées par les mesures du présent projet de loi de financement, son rétablissement dans sa version initiale apparaît adapté et nécessaire.

*

*     *

Article 2
Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie
et de ses sous-objectifs pour 2025

Origine de l’article : projet de loi.

Sort à l’Assemblée nationale : supprimé.

Sort au Sénat : rétabli et modifié.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article maintient à 265,9 milliards d’euros l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2025 mais rectifie la répartition entre ses six sous-objectifs, avec notamment une hausse de 0,7 milliard d’euros pour les soins de ville.

L’année en cours est marquée par le déclenchement, pour la première fois depuis dix-huit exercices, de l’identification d’un risque de dépassement de plus de 0,5 % dans l’avis n° 2025-2 du 18 juin 2025 du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie et par la prise de mesures pour y répondre.

Avec un total inchangé de 265,9 milliards d’euros, l’Ondam pour 2025 serait en hausse de 9,5 milliards d’euros par rapport à 2024 (+ 3,7 %), identique au montant prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, en dérapage de 3,4 milliards d’euros en comparaison avec les 262,5 milliards d’euros visés par la loi n° 2023‑1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027 et en dépassement de 0,7 point de pourcentage au regard des 3,0 % de progression depuis 2024 projetés par la même loi de programmation.

Alors qu’il avait été respecté de 2010 à 2019 puis dépassé consécutivement de 2020 à 2024, l’Ondam pourrait être respecté en 2025, sous l’impérieuse mais très incertaine réserve de la bonne tenue des mesures imposées par l’exécutif au tout début de l’été pour son redressement et de l’absence de choc d’ici à décembre.

Cette stabilité globale serait inégalement répartie entre les sous-objectifs :

– celui des soins de ville dépasserait sa cible de 739 millions d’euros, dont 287 millions d’euros (38,8 %) du fait des dépenses de produits de santé ;

– la compensation concernerait toutes les autres lignes :

* 165 millions d’euros pour les établissements de santé, ce qui est le solde d’une surconsommation de 226 millions d’euros sur le champ des produits de santé et 393 millions d’économies, elles-mêmes liées pour 267 millions d’euros (67,9 %) à la non-restitution de sommes mises en réserve ;

* 353 millions d’euros dans le champ de l’autonomie, avec 201 millions d’euros pour les établissements accueillant des personnes âgées et 152 millions d’euros pour ceux accueillant des personnes en situation de handicap ;

* 156 millions d’euros pour les divers soutiens à l’investissement, dont 60 millions d’euros de diminution de la dotation au fonds de modernisation pour l’investissement en santé (Fmis) ;

* 65 millions d’euros pour les autres prises en charge (addictions, soins des Français établis hors de France, etc.).

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu l’amendement de suppression n° 789 de M. Hadrien Clouet et des membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, adopté contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement (pour le rétablissement en tout cas, malgré une réserve sur la ventilation alternative), l’amendement n° 587 de la rapporteure générale, rétablissant l’article 2 dans une rédaction :

– majorant de 200 millions d’euros le sous-objectif des établissements de santé (porté à 109,7 millions d’euros), afin que les mesures de redressement infra‑annuelles ne pèsent pas trop sur ces derniers ;

– minorant de la même somme le sous-objectif des autres prises en charge (porté à 3,1 milliards d’euros).

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de conserver l’article 2 dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat, puisqu’il s’agit d’une disposition obligatoire et que sa sincérité importe pour des comparaisons ultérieures.

● Outre qu’il souscrit au soutien du Sénat aux hôpitaux, le rapporteur général souligne que, pour efficaces qu’elles semblent à ce stade de l’année – avec un risque de dépassement de 1,33 milliard d’euros, ont été prévues des économies de 1,74 milliard d’euros, lesquelles sont crédibles à hauteur de 1,53 milliard d’euros au moins –, les décisions prises après le déclenchement de l’alerte ont suscité un émoi légitime chez les masseurs-kinésithérapeutes, médecins spécialistes en psychiatrie, neurologie, gynécologie, gériatrie et médecine physique et de réadaptation, pédiatres, psychiatres, dermatologues et endocrinologues qui ont vu l’application de clauses conventionnelles majorant leurs honoraires suspendue jusqu’au 1er janvier 2026 alors que leurs représentants avaient négocié des avenants en toute bonne foi avec l’assurance maladie, parfois dès l’été de 2023.

*

*     *

Article 3
Rectification de la contribution des régimes d’assurance maladie
au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé pour 2025

Origine de l’article : projet de loi.

Sort à l’Assemblée nationale : supprimé.

Sort au Sénat : rétabli.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article rectifie à 463 millions d’euros au lieu de 523 millions d’euros – donc baisse de 60 millions d’euros – la dotation de la branche maladie, maternité, invalidité et décès des régimes obligatoires de base versée en 2025 au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (Fmis), géré aux termes de l’article 40 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et dont les charges font partie de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) au titre de son sous-objectif qui abrite aussi le fonds d’intervention régional (FIR).

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les quatre amendements de suppression n° 243 de Mme Sandrine Rousseau et des membres du groupe Écologiste et Social, n° 719 de Mme Sandrine Runel et des membres du groupe Socialistes et apparentés, n° 1640 de Mme Joëlle Mélin et des membres du groupe Rassemblement National et n° 1812 de Mme Élise Leboucher et des membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, adoptés contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement, l’amendement n° 719 de la rapporteure générale, rétablissant l’article 3 dans sa rédaction initiale.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de conserver l’article 3 dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat.

● Le rapporteur général souligne qu’avant même toute considération de fond, l’article 3 relève de la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale comprenant les mesures rectificatives pour l’année en cours : de fait, la révision à la baisse de la dotation de la branche maladie au Fmis est intervenue le 8 juillet 2025, la décision de la ministre du travail, de la santé, des solidarités, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées faisant suite à l’avis n° 2025-2 du 18 juin 2025 du comité d’alerte sur le respect de l’Ondam.

*

*     *

Article 3 bis (nouveau)
Déduction au sein de l’assiette sociale des nonsalariés agricoles de la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes pour la campagne de revenus de l’année 2025

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat en première lecture.

  1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu d’un amendement n° 998 rect. de M. Laurent Duplomb et plusieurs de ses collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste. Après avoir sollicité l’avis du Gouvernement – lequel, jugeant l’amendement satisfait par le droit en vigueur, en a d’abord demandé le retrait – la commission s’y est déclarée favorable, avant que le Gouvernement ne s’en remette à la sagesse du Sénat.

a.   Le droit existant

● La loi de finances pour 2025 a institué une provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes ([1]). Prévu à l’article 73 A du code général des impôts, ce dispositif a succédé à la déduction temporaire pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes, créée par la loi de finances pour 2024 dans un contexte général de hausse des prix des matières premières agricoles, pour éviter que l’appréciation de ces stocks entraîne une augmentation du bénéfice imposable des éleveurs ([2]).

La provision instituée par la loi de finances pour 2025 s’applique aux stocks précités lorsqu’est constatée une hausse de leur valeur entre l’ouverture et la clôture d’un même exercice. Son montant, plafonné à 15 000 euros par exercice, est égal à la hausse de valeur constatée au cours de l’exercice au titre des animaux inscrits en stock. Cette provision est enregistrée en comptabilité et minore par conséquent à la fois le résultat imposable et l’assiette des cotisations sociales de l’exploitant.

● Si la rédaction initiale du projet de loi de finances pour 2025 prévoyait que la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes pourrait être appliquée au titre des exercices clos à compter du 1er janvier 2024, cette possibilité a finalement été limitée aux exercices clos du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2028.

Afin de sécuriser la situation des exploitants qui avaient anticipé l’application du dispositif au champ défini par la version initiale du projet de loi, un communiqué de presse du 1er avril 2025 des ministres de l’agriculture et des comptes publics – et ultérieurement la doctrine fiscale commentant le dispositif – a, par tolérance administrative, autorisé les exploitants agricoles « à faire application de [la] provision dès les exercices clos à compter du 1er janvier 2024 » tout en précisant que le bénéfice de cette tolérance était exclusif du bénéfice du dispositif instauré par la loi de finances pour 2024 ([3]).

Aussi, pour sécuriser juridiquement l’application de la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes permise par la doctrine fiscale, le B du I de l’article 10 du projet de loi de finances prévoit l’application anticipée de celle-ci aux exercices clos à compter du 1er janvier 2024.

2.   Le dispositif proposé

● Cet article modifie la définition de l’assiette des cotisations sociales des non-salariés agricoles, dans sa version antérieure à la réforme prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, pour en exclure explicitement la provision pour augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes (I([4]), et prévoit que cette exclusion s’applique aux exercices clos à compter du 1er janvier 2024 (II). Cette dernière précision justifie que l’article soit placé dans la première partie du projet de loi.

D’après l’exposé sommaire de l’amendement dont il est issu, l’article 3 bis a pour objet d’étendre à l’assiette des cotisations sociales des exploitants agricoles la mesure prévue par le projet de loi de finances, laquelle ne concernerait que la composante fiscale du régime propre à cette provision ([5]). Toutefois, cette dernière étant inscrite en comptabilité, elle réduit les revenus professionnels sur lesquels sont calculées les cotisations des non-salariés agricoles, comme l’a d’ailleurs souligné la ministre de l’action et des comptes publics en donnant l’avis du Gouvernement sur cet amendement ([6]). L’objectif poursuivi par cet article serait donc satisfait en droit en cas d’adoption des dispositions précitées de l’article 10 du projet de loi de finances et l’est déjà en pratique compte tenu de la tolérance prévue par la doctrine fiscale.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de conserver cet article. Si les dispositions de ce dernier semblent redondantes avec celles de l’article 10 du projet de loi de finances pour 2026, l’incertitude calendaire entourant l’adoption de celui-ci justifie de conserver dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale une disposition dont le maintien ne comporte pas de risque juridique.

*

*     *

 


DEUXIÈME PARTIE
Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financier de la sécurité sociale pour l’exercice 2026

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE

Article 4
Amélioration des capacités juridiques du recouvrement

Origine de l’article : projet de loi.

Sort à l’Assemblée nationale : modifié.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article apporte divers ajustements à des règles de procédure ayant trait au recouvrement des cotisations et des contributions sociales :

– il supprime l’obligation d’inscription des créances privilégiées de la sécurité sociale au registre des sûretés mobilières ;

– il met en cohérence avec le droit commun les règles applicables au sein du régime agricole s’agissant de la remise des pénalités ou des majorations de retard dues par le redevable en cas de procédure collective ;

– il étend aux créances sociales les conditions de délai applicables aux créances fiscales en cas de procédure collective ;

– il permet le mandatement des présidents de commission des chefs de service financier (CCSF) par les directeurs des organismes de recouvrement.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu deux amendements rédactionnels du rapporteur général (n° 2291, n° 2292).

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement n° 588 de la rapporteure générale de la commission des affaires sociales prévoyant, dans un nouvel article L. 115-10 du code de la sécurité sociale, que les organismes du réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf), les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) et les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA) communiquent, sans que s’y oppose le secret professionnel, au président du tribunal de commerce ou au président du tribunal judiciaire compétent, le montant des créances dues par un cotisant dépassant un plafond. Ce montant et la périodicité de sa communication seraient définis par décret.

D’après l’exposé sommaire de l’amendement susmentionné, cette mesure vise à corriger un possible effet de bord de la suppression de la publicité des créances privilégiées de la sécurité sociale, à savoir que l’absence d’inscription de celles-ci auprès des tribunaux de commerce pourrait compromettre la capacité de ces derniers à identifier les entreprises en difficulté pour mettre en œuvre des actions de prévention en leur faveur.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général estime que la rédaction adoptée par le Sénat apporte une solution satisfaisante au problème posé par la suppression de l’inscription des créances privilégiées de la sécurité sociale. Ladite rédaction préserve les effets vertueux de cette suppression quant à l’efficacité du recouvrement des créances sociales tout en favorisant l’action des tribunaux de commerce à l’égard des entreprises en difficulté.

En conséquence, il propose d’adopter cet article dans sa version issue du Sénat.

*

*     *

Article 4 bis A (nouveau)
Réitération des déclarations sociales par les employeurs suspectés de recourir à des entreprises éphémères

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture au Sénat

Cet article est issu d’un amendement (n° 802 rect.) de Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste, adopté contre l’avis de la commission et du Gouvernement. Un amendement semblable avait été adopté par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 en première lecture, avant que l’article qui en était issu fût supprimé par la commission mixte paritaire, puis par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture ([7]).

L’article 4 bis A tend à renforcer les obligations déclaratives incombant aux employeurs suspectés de recourir à des entreprises dites « éphémères », qui organisent leur insolvabilité pour ne pas honorer leurs créances.

Il définit pour cela, suivant la technique du faisceau d’indices, un ensemble de « présomptions graves et concordantes [qu’un employeur] a contrevenu, contrevient ou va contrevenir à ses obligations » à l’égard de ses salariés ou de divers organismes de sécurité sociale ou administrations.

L’existence de telles présomptions serait considérée comme établie lorsque l’employeur dirige ou dirigeait une personne morale remplissant au moins trois des conditions suivantes :

– la personne morale a été créée depuis moins de douze mois ;

– elle a mis fin à son activité moins de six mois après sa création ;

– elle utilise ou utilisait les services d’une entreprise de domiciliation ;

– son siège est ou était situé hors d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

– elle comptait plus de dix associés ou salariés dès le premier mois suivant sa création ou plus de vingt salariés dès le deuxième mois.

Aussi, un employeur répondant à ces critères serait tenu de transmettre sans délai aux organismes de sécurité sociale et aux administrations qui en feraient la demande les données présentées dans la déclaration sociale nominative (DSN).

2.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général souligne, comme il l’avait déjà fait à propos de dispositions analogues introduites par le Sénat dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ([8]), que l’article 4 bis A paraît inopérant bien qu’il poursuive un objectif légitime.

En premier lieu, il ressort d’une jurisprudence établie que, tant en matière civile qu’en matière criminelle, « la fraude ne se présume pas » ([9]). Or cet article définit un ensemble particulièrement large de présomptions portant sur le comportement passé, présent et futur de certains employeurs.

Au demeurant, s’il peut être soutenu que cet article ne poursuit pas de finalité directement répressive – dans la mesure où le renforcement sélectif de certaines obligations déclaratives ne constitue pas nécessairement une sanction –, il paraît douteux que les critères retenus présentent une fiabilité suffisante pour présumer d’une intention frauduleuse. À titre d’exemple, toute entreprise récente d’au moins dix salariés dont le siège est situé hors de l’Union européenne entrerait dans le champ d’application de l’article.

En outre, il est difficile de déterminer quelles obligations supplémentaires pèseraient sur les employeurs entrant dans le champ d’application de l’article 4 bis A, dans la mesure où ce dernier ne prévoit la transmission d’aucune donnée que ne contiendraient pas déjà les déclarations sociales que l’ensemble des employeurs sont tenus de souscrire. Au surplus, comme l’avait remarqué le ministre du travail et des solidarités à propos d’un amendement semblable portant sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, prévoir que l’employeur doit établir dans certains cas des déclarations sociales selon un autre vecteur que la DSN paraît contraire à l’objectif d’unification et de simplification de ces déclarations, tout en présentant un intérêt limité pour lutter contre la fraude ([10]).

● Par ailleurs, le rapporteur général note que le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales comprend des dispositions tendant à prévenir l’organisation, par certaines entreprises, de leur propre insolvabilité. En particulier, son article 21 permet la saisie conservatoire des biens d’entreprises ou de personnes qui auraient procédé à la liquidation de leur patrimoine saisissable entre la réception du document constatant des faits de travail dissimulé et la prise, par le directeur de l’organisme de recouvrement, de la décision d’effectuer des saisies. Comme l’expliquent les sénateurs Frédérique Puissat et Olivier Henno dans leur rapport sur ce projet de loi, ce dispositif de flagrance sociale empêcherait notamment des entreprises de vider leurs comptes bancaires pour en transférer le contenu « dans des pays avec lesquels la coopération pénale s’avère complexe », ce qu’elles sont actuellement inclinées à faire dès qu’elles sont informées de la possibilité offerte au directeur des organismes de sécurité sociale de prendre des mesures conservatoires à leur encontre ([11]).

Par ailleurs, l’article 22 du même projet de loi vise à accroître les obligations qui incombent aux maîtres d’ouvrage en matière de lutte contre le travail dissimulé en instaurant un devoir de vigilance à l’égard de l’ensemble de leurs sous-traitants, y compris ceux qui ne sont pas leurs cocontractants. Cet article permettrait de « s’adapter à des chaînes de sous-traitances “en cascade” de plus en plus sophistiquées, dans lesquelles des entreprises éphémères peuvent disparaître avant toute mise en œuvre du recouvrement social » ([12]).

Ces dispositions, qui subordonnent le renforcement des moyens d’action des organismes de recouvrement au constat d’une infraction – dans le cas du dispositif de flagrance sociale – ou qui procèdent au renforcement sélectif d’une obligation de vigilance – à l’égard des chaînes de sous-traitances – paraissent plus adaptées à l’objectif de lutter contre les entreprises éphémères que l’article 4 bis A.

En conséquence, le rapporteur général propose de supprimer celui-ci.

*

*     *

Article 4 bis B (nouveau)
Extension à de nouvelles catégories de cotisants du rôle des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales en matière de validation des immatriculations au guichet unique des entreprises

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat.

  1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

Cet article est issu d’un amendement n° 805 rect. de Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste et d’un amendement identique n° 1085 du Gouvernement, adoptés suivant l’avis de la commission.

a.   Le droit existant

● La loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises du 22 mai 2019 a prévu que toute entreprise, à compter du 1er janvier 2023 ([13]), se conforme à l’obligation de déclarer sa création, la modification de sa situation ou la cessation de ses activités par le dépôt d’un seul dossier comportant les déclarations qu’elle est tenue d’effectuer ([14]). Géré par l’Institut national de la propriété intellectuelle, le nouveau guichet unique des formalités des entreprises a remplacé les réseaux de centres de formalités des entreprises (CFE), gérés par les chambres consulaires, les greffes des tribunaux de commerce, l’administration fiscale et les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf). La formalité accomplie par l’entreprise est ensuite validée par l’organisme compétent.

● Toutefois, d’après les auteurs des amendements dont cet article est issu, « les formalités réalisées par certaines populations ne font [...] plus l’objet d’aucune validation. C’est le cas notamment [de celles] qui relevaient historiquement du CFE des Urssaf. Le volume de ces formalités non validées s’élève ainsi à environ 1 million par an » ([15]).

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 s’est attelée à étendre le rôle des Urssaf en la matière en prévoyant que celles-ci valident les formalités des entreprises étrangères non agricoles sans établissement stable en France accomplies au moyen du guichet unique des entreprises ([16]), par parallélisme avec le contrôle qu’exerçaient déjà les caisses de mutualité sociale agricole sur l’inscription des entreprises étrangères agricoles au registre national des entreprises (RNE) ([17]).

b.   Le dispositif proposé

● D’après l’exposé sommaire des amendements identiques dont il résulte, l’article 4 bis B « a vocation à étendre ce rôle de [validation] des formalités accomplies lors de l’immatriculation [au RNE] des populations suivantes : les marins exerçant une activité libérale non-réglementée, les artistes-auteurs, les professionnels libéraux et les praticiens et auxiliaires médicaux » afin de lutter contre la fraude à l’affiliation et de permettre aux Urssaf de prononcer des affiliations à bon droit en cas d’erreurs des déclarants commises de bonne foi.

Le  du I procède à cet élargissement. Il modifie l’article L. 123‑49‑2 pour étendre la compétence de l’Urssaf désignée par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) en matière de validation des immatriculations aux personnes physiques, autres que les agents commerciaux, les personnes relevant du secteur des métiers de l’artisanat et celles exerçant une activité agricole, établies en France et exerçant une activité économique régulière et professionnelle, ayant opté pour le statut d’entrepreneur individuel et qui relèvent :

– du régime des professions libérales ou du régime des avocats ([18]). Seraient aussi concernés les travailleurs indépendants exerçant une profession libérale qui ne relève pas de l’un de ces régimes ;

– du régime des marins ([19]) ;

– du régime des artistes-auteurs ([20]).

● Le même I précise également le champ du contrôle de l’immatriculation des entreprises étrangères agricoles :

– son insère dans le code de commerce un nouvel article L. 129‑49‑3 confiant à la direction générale des finances publiques la validation de l’inscription au registre national des entreprises des entreprises étrangères agricoles qui n’emploient pas de personne affiliée à un régime de sécurité sociale en France et ne sont pas soumises à « une obligation fiscale en France ». Ces deux conditions sont cumulatives ;

– son  modifie, par coordination, l’article L. 123‑49‑1 du code de commerce, qui prévoit qu’une caisse de mutualité sociale agricole valide les informations inscrites et les pièces déposées par des entreprises agricoles étrangères au registre national des entreprises à l’occasion de demandes d’immatriculation, d’inscriptions modificatives et de radiations, pour exclure du champ de cette validation les entreprises étrangères qui remplissent les critères définis par le  ;

– son tire les conséquences de ces modifications dans la définition du champ du contrôle de l’Urssaf en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, en remplaçant, à l’article L. 123‑49‑2 précité, la référence aux « entreprises [étrangères] non agricoles » par une mention des entreprises étrangères « autres que celles mentionnées aux articles L. 123491 et L. 123493 » du code de commerce, dont l’immatriculation serait validée respectivement par la mutualité sociale agricole et par l’administration fiscale.

Le II prévoit que l’élargissement de la compétence des Urssaf à la validation de l’immatriculation des travailleurs indépendants susmentionnés entre en application le 1er janvier 2026.

2.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose d’adopter cet article, qui est de nature à fiabiliser certaines affiliations et qui participe à ce titre de la lutte contre la fraude.

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Article 4 bis C (nouveau)
Possibilité pour les employeurs et les travailleurs indépendants ultramarins de conclure avec les organismes de recouvrement des plans d’apurement de leurs créances sociales

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● L’article 4 bis C résulte de l’adoption par le Sénat d’amendements identiques n° 2 rect. quater de Mme Viviane Malet et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, n° 578 rect. ter de Mme Annick Petrus et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, n° 961 rect. quater de M. Frédéric Buval et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants ainsi que n° 1354 rect. de M. Victorin Lurel et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Ces amendements avaient reçu un avis de sagesse de la commission et du Gouvernement.

L’article prévoit la mise en place d’un dispositif transitoire d’étalement du paiement des cotisations et contributions sociales dues par les employeurs et les travailleurs indépendants établis dans les départements et régions d’outre-mer, ainsi que dans certaines collectivités d’outre‑mer telles que Saint‑Martin, Saint‑Barthélemy et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon auprès de l’organisme de sécurité sociale dont ils relèvent.

● Les employeurs et travailleurs indépendants installés dans l’un de ces territoires depuis au moins deux ans à la date du 31 décembre 2025 pourraient solliciter un sursis à poursuite pour le règlement de leurs cotisations et contributions sociales dues auprès des organismes de sécurité sociale dont ils relèvent, ainsi que pour le règlement des dettes non prescrites et des majorations de retard et pénalités afférentes. La formulation de cette demande entraînerait de plein droit la suspension des poursuites afférentes auxdites créances ainsi que celle du calcul des pénalités et majorations de retard afférentes.

Ce dispositif serait ouvert à compter du 1er janvier 2026 et jusqu’au 31 décembre 2027. L’organisme de sécurité sociale et le cotisant pourraient alors convenir d’un plan d’apurement de la dette sur une période comprise entre six et soixante mois. Par dérogation, les cotisants bénéficiaires d’un contrat de commande publique pourraient solliciter que la date de prise d’effet du plan coïncide avec celle du « déblocage des paiements des travaux prévus par l’acteur public ». Pour bénéficier de cette dérogation, les cotisants devraient motiver leur demande en produisant un décompte général définitif.

Les employeurs et travailleurs indépendants ayant souscrit un plan d’apurement de la dette et respectant les échéances de celui‑ci ainsi que le paiement des cotisations en cours seraient considérés à jour de leurs obligations de paiement des cotisations sociales, ce qui leur permettrait d’être éligibles à la passation des contrats de la commande publique ([21]). Sous les mêmes conditions, le cotisant bénéficierait de la remise de la totalité des pénalités et majorations de retard dues au titre des dettes étalées.

● Le dispositif proposé par l’article 4 bis C s’inspire des plans d’apurement de dette mis en place à l’occasion de la crise sanitaire, en application de l’article 65 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 ([22]), et applicables aux employeurs et aux travailleurs indépendants installés sur l’ensemble du territoire national ([23]).

Ces plans pouvaient prévoir un apurement des dettes sur une durée pouvant aller jusqu’à trois ans. Les départements et collectivités d’outre‑mer ont bénéficié quant à eux d’une dérogation permettant de porter cette durée à cinq ans.

Comme l’avait rappelé M. Thomas Cazenave, alors ministre délégué chargé des comptes publics, à propos d’amendements semblables portant sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, ces plans d’apurement ont permis d’assouplir le paiement de 6 milliards d’euros de passif social accumulés par les employeurs et les travailleurs indépendants ([24]). Les cotisants ultramarins ont particulièrement bénéficié de ces mesures puisque près de 76 000 plans d’apurement étaient mis en œuvre au second semestre 2022.

Dans un objectif de normalisation post‑crise sanitaire, ces dispositifs exceptionnels font l’objet d’une extinction progressive qui se poursuit compte tenu du calendrier spécifique applicable aux employeurs et aux travailleurs indépendants ultramarins.

● Des dispositifs transitoires spécifiques d’apurement des dettes sociales avaient déjà été mis en œuvre auparavant au profit des entreprises ultramarines, en application de l’article 5 de la loi dite « Loom » ([25]) et de l’article 32 de la loi dite « Lodeom » ([26]). Dans ce dernier cas, la mise en œuvre d’un tel plan visait notamment à permettre aux entreprises de bénéficier de l’exonération de cotisations patronales spécifiques prévue par cette loi, l’accès à ce dispositif étant conditionné au paiement des cotisations ou, à défaut, à l’inscription dans un plan d’apurement.

2.   La position du rapporteur général

● Si le rapporteur général comprend l’objectif poursuivi par cet article, le dispositif proposé ne semble pas entièrement adéquat.

En premier lieu, si la situation particulière des entreprises ultramarines justifie qu’elles fassent l’objet d’une attention spécifique et bénéficient dans certains cas de dispositifs dérogatoires au droit commun, l’on peut s’interroger sur la pertinence de proroger un cadre mis en place dans le contexte d’une crise exceptionnelle par sa nature et par son ampleur.

En outre, la durée des plans d’apurement qui pourraient être conclus en application de cet article – laquelle pourrait atteindre cinq ans – serait très supérieure à la durée des délais de paiement consentis dans les conditions de droit commun par les organismes de recouvrement, qui ne peut excéder un an. Comme l’a souligné la ministre de l’action et des comptes publics en séance publique dans sa réponse à un amendement semblable déposé à l’Assemblée nationale, il n’est pas certain que l’allongement du délai à cinq ans facilite le versement des cotisations d’une entreprise qui ne serait pas parvenue à s’en acquitter sur une durée plus brève ([27]).

Par ailleurs, il convient de rappeler que les entreprises peuvent solliciter la mise en œuvre de plans d’apurement auprès des créanciers publics réunis au sein de la commission des chefs de services financiers (CCSF) ainsi que l’appui des comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi).

● Compte tenu de ces éléments, le rapporteur général propose de supprimer l’article 4 bis C.

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Article 4 bis
Report de l’intégration des activités de garde d’enfants de moins de 6 ans au service d’avance immédiate de crédit d’impôt pour les services à la personne

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : adopté sans modification.

  1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

Cet article est issu d’un amendement (n° 2021) du rapporteur général adopté suivant l’avis du Gouvernement.

a.   Le droit existant

● La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 a jeté les bases, sous une forme expérimentale, du versement contemporain des aides fiscales et sociales aux particuliers ayant recours à des aides à domicile ([28]). L’objectif était de limiter les sommes versées par les particuliers employeurs à leur seul reste à charge en leur évitant d’avancer les sommes qui leur seraient ultérieurement versées soit au titre du crédit d’impôt en faveur de l’emploi d’un salarié à domicile (Cisap) ([29]), soit au titre des prestations auxquelles ils sont éligibles, en particulier l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ([30]) et la prestation de compensation du handicap (PCH) ([31]). Dans le cas du Cisap, le dispositif prend la forme d’une aide spécifique dont le montant, qui s’élève à 50 % des dépenses éligibles à ce crédit d’impôt, s’impute sur les dépenses effectivement supportées durant l’année en cours, dans la limite d’un plafond annuel de 6 000 euros ([32]).

Les particuliers employeurs volontaires, qu’ils procèdent eux-mêmes au versement des cotisations et contributions sociales au salarié ou qu’ils recourent à une entreprise ou à une association intermédiaire, ont pu bénéficier de ce dispositif à Paris et dans le département du Nord.

● La LFSS 2022 a prévu la généralisation du service d’avance immédiate, suivant un calendrier distinct selon les prestations ([33]). Alors que le Cisap a pu être pris en compte dès 2022, la mise en œuvre de l’avance aux bénéficiaires de l’APA et de la PCH a d’abord été reportée à 2023. À partir de 2024, le dispositif devait être étendu à la garde d’enfants de moins de 6 ans.

Ce calendrier a été modifié par les deux lois de financement de la sécurité sociale suivantes. La LFSS 2023 a prévu que les plans d’aide établis pour le versement de l’APA et de la PCH seraient intégrés au dispositif à une date définie par décret, au plus tard le 1er janvier 2024 ([34]). La LFSS 2024 a finalement prévu que l’APA et de la PCH seraient prises en compte par le service d’avance immédiate d’ici au 1er juillet 2027 et que la garde d’enfants de moins de 6 ans le serait au plus tard le 1er juillet 2026 ([35]).

Dans le cas de la garde d’enfants de moins de 6 ans, ce décalage visait à tenir compte de la refonte du service Pajemploi et du calendrier de déploiement de la réforme du complément de libre choix de mode de garde (CMG) ([36]), qui est finalement entrée en vigueur le 1er septembre dernier ([37]).

b.   Le dispositif proposé

● D’après les informations portées à la connaissance du rapporteur général, les conditions techniques de l’intégration des activités de garde d’enfants de moins de 6 ans au service d’avance immédiate de crédit d’impôt ne sont pas encore réunies et ne pourront l’être d’ici au 1er juillet 2026. En effet, l’état de l’interconnexion entre les systèmes d’information respectifs du réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) et de l’administration fiscale ne permet pas encore d’exclure les risques d’erreur ou de fraude quant au correct rattachement de l’enfant à la charge du bénéficiaire ou quant à l’identification de l’état civil des enfants. La résolution de ces problèmes nécessite de poursuivre les travaux préparatoires actuellement mis en œuvre, et par voie de conséquence de reporter une nouvelle fois la généralisation de la prise en compte des activités de garde d’enfants de moins de 6 ans dans le cadre du service d’avance immédiate.

● Aussi, l’article 4 bis propose de différer cette généralisation, actuellement prévue le 1er juillet 2026, en la reportant au 1er septembre 2027.

Le du I modifie le calendrier, défini au 1° du I de l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, de l’expérimentation susmentionnée – laquelle concerne à la fois la garde d’enfants et les services effectués au domicile de bénéficiaires de l’APA et de la PCH – en en reportant le terme du 1er juillet 2027 au 1er septembre de la même année. Il convient de relever que la date de la prise en compte de l’APA et de la PCH par le service d’avance immédiate resterait fixée au 1er juillet 2027 conformément au calendrier issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ([38]).

Le du même I modifie par coordination la date de la remise du rapport d’évaluation de cette expérimentation. Malgré la prolongation de cette dernière, le IV de l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit toujours que la transmission de ce rapport intervienne avant le 31 décembre 2023 ([39]). L’article 4 bis supprime la référence à cette date et propose que le rapport soit remis « à la fin de [la] période d’expérimentation ».

Le II adapte le calendrier de la généralisation du service d’avance immédiate aux activités de garde d’enfants de moins de 6 ans. Il modifie à cet effet les premier et deuxième alinéas du IV de l’article 13 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 en prévoyant que cette généralisation intervienne à une date définie par décret, et au plus tard le 1er septembre 2027, dans le cas des activités de garde au domicile ou hors du domicile d’un enfant de moins de 6 ans et des activités d’accueil des enfants réalisés par un assistant maternel agréé.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose d’adopter cet article dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat.

S’il déplore le retard que connaît la mise en œuvre d’un service conçu pour simplifier les démarches des bénéficiaires de certaines prestations et soutenir leur pouvoir d’achat, il constate qu’un nouveau report de la généralisation de ce dispositif paraît inévitable sauf à courir le risque que celui-ci subisse des dysfonctionnements ou qu’il fasse l’objet de tentatives de fraude. Il souligne qu’au demeurant, la détermination de la date de cette généralisation incombant au pouvoir réglementaire, le terme proposé par l’article 4 bis aurait seulement valeur de terminus ad quem et ne ferait pas obstacle au choix d’une date plus rapprochée. Par conséquent, comme il l’avait fait lors de la présentation de son amendement devant l’Assemblée nationale, le rapporteur général invite le Gouvernement à étendre le service d’avance immédiate à la garde d’enfants de moins de 6 ans dès que les conditions techniques de cette généralisation seront réunies, sans nécessairement attendre la nouvelle date butoir prévue par cet article.

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Article 5
Simplifier l’affiliation, la déclaration de revenu, l’action sociale et la gouvernance de la sécurité sociale des artistes-auteurs

Origine de l’article : article du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article réforme la gestion de la couverture de base des artistes-auteurs en transférant au réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf), déjà compétent pour le recouvrement des cotisations de ces derniers, les missions actuellement assumées par la sécurité sociale des artistes-auteurs en matière d’affiliation et d’action sociale ainsi que la compétence résiduelle qu’elle conserve vis-à-vis du recouvrement des cotisations de ses ressortissants. La sécurité sociale des artistes-auteurs se verrait confier un nouveau rôle de représentation des artistes-auteurs à l’égard des pouvoirs publics. Elle continuerait par ailleurs de définir les orientations, désormais mises en œuvre par l’Urssaf, de l’action sociale en faveur de cette population.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu :

– sept amendements rédactionnels du rapporteur général (n° 2293, 2294, 2295, 2296, 2297, 2298 et 2299) ;

– un amendement (n° 1945) de Mme Camille Galliard-Minier (groupe Ensemble pour la République) et M. Frédéric Valletoux (groupe Horizons & Indépendants) ayant reçu un avis de sagesse du rapporteur général et un avis défavorable du Gouvernement, permettant à une personne dont l’affiliation a été refusée de saisir une commission professionnelle unique chargée de rendre un avis sur cette affiliation. Les membres de cette commission seraient désignés par le conseil d’administration de l’association agréée. En l’état du droit, une commission de recours amiable installée au sein de la sécurité sociale des artistes-auteurs peut être saisie d’une décision de refus d’affiliation ;

– un amendement (n° 1905) de Mme Camille Galliard-Minier (groupe Ensemble pour la République), Mme Soumya Bourouaha (groupe Gauche Démocrate et Républicaine) et de M. Frédéric Valletoux (groupe Horizons & Indépendants), à propos duquel le rapporteur général et le Gouvernement s’en sont remis à la sagesse de l’Assemblée nationale, qui réserve à l’association agréée pour exercer les attributions prévues par cet article le nom de « conseil national de la protection sociale des artistes-auteurs » ;

– un amendement (n° 2563) de Mme Camille Galliard-Minier (groupe Ensemble pour la République) qui, d’une part, supprimait la représentation des organismes de gestion collective au conseil d’administration de l’association agréée et, d’autre part, prévoyait que les représentants des artistes-auteurs au sein de ce conseil soient désignés conformément au résultat des élections professionnelles. Cet amendement – qui a fait l’objet d’un avis défavorable du Gouvernement et auquel le rapporteur général s’est déclaré favorable sous réserve de l’adoption d’un sous‑amendement, finalement rejeté par l’Assemblée nationale ([40]) – proposait aussi que le décret en Conseil d’État qui devrait préciser la composition et le fonctionnement du conseil d’administration de l’association agréée définisse les critères de représentativité des organisations syndicales et professionnelles des artistes-auteurs. Pour mémoire, faute d’élections professionnelles, les représentants des artistes-auteurs au conseil d’administration de la sécurité sociale des artistes-auteurs sont actuellement désignés au moyen d’une enquête de représentativité et que les organismes de gestion collective ne sont pas associés à la gouvernance de cette association.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● Outre deux amendements rédactionnels de la commission des affaires sociales (n° 1816 et n° 1818), le Sénat a d’abord adopté, suivant l’avis du Gouvernement, un amendement de la commission (n° 589) supprimant une disposition introduite par l’Assemblée nationale réservant à l’association agréée la dénomination de conseil national de la protection sociale des artistes-auteurs. La commission a estimé que cet ajout constituait une immixtion dans le fonctionnement d’une association régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 ([41]).

Toujours avec un avis favorable du Gouvernement, le Sénat a ensuite adopté un amendement (n° 590) de la commission rétablissant la participation des organismes de gestion collective au conseil d’administration de cette association, supprimant le rétablissement des élections professionnelles effectué par l’Assemblée nationale et instaurant, pour la désignation des représentants des artistes-auteurs audit conseil d’administration, une enquête de représentativité inspirée de la procédure applicable à la nomination des membres du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants. La commission a estimé que la situation professionnelle des artistes-auteurs présentant certaines analogies avec celle des travailleurs indépendants, les conditions de représentation des premiers dans les instances de gouvernance de leur régime social devaient s’inspirer des modalités applicables à la représentation des seconds ([42]).

Cet amendement a lui-même fait l’objet de deux sous-amendements (n° 1851 et n° 1852) de Mme Monique de Marco (groupe Écologiste - Solidarité et Territoires), adoptés suivant l’avis de la commission mais contre celui du Gouvernement, qui ont supprimé respectivement la présence des organisations professionnelles d’artistes-auteurs et de diffuseurs au conseil d’administration de l’association agréée, ainsi que la mention du caractère professionnel de l’activité des artistes-auteurs qui seraient comptabilisés pour apprécier l’audience de chaque organisation. D’après son exposé sommaire, le premier sous-amendement visait à éviter l’emploi, à propos des organisations d’artistes-auteurs, d’une dénomination que le code du travail réserverait aux représentants des employeurs ([43]). Toutefois, outre qu’elle paraissait inutile au regard de l’objectif poursuivi, cette modification avait pour conséquence de limiter aux organisations syndicales, à l’exclusion d’autres organisations d’artistes-auteurs, la représentation de ces derniers dans la gouvernance de l’association. Le second tendait à ne pas réserver le bénéfice de la représentation au sein de la gouvernance de l’association agréée aux seuls artistes-auteurs « professionnels », compte tenu de l’absence de consensus quant à la définition d’une activité artistique professionnelle.

En outre, suivant l’avis de la commission et du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement (n° 1050) de Mme Monique de Marco et des membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires prévoyant que, pour être admis à siéger au conseil d’administration de l’association agréée, les représentants des artistes-auteurs, des diffuseurs et des organismes de gestion collective déclarent le nombre, attesté par un commissaire aux comptes, des artistes adhérents à leur organisation.

Enfin, conformément à l’avis de la commission, le Sénat a également adopté un amendement (n° 1076 rect. bis) de M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste et un amendement identique du Gouvernement (n° 1795) transférant à l’Urssaf les contentieux relatifs au recouvrement des cotisations dues au titre des périodes antérieures à 2019.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général constate que certaines des modifications introduites au Sénat apportent des précisions bienvenues et sont complémentaires des ajouts effectués à l’Assemblée nationale. Tel est notamment le cas de l’explicitation du transfert des contentieux relatifs aux cotisations dues au titre des périodes antérieures à l’Urssaf, qui est cohérent avec l’unification des procédures à laquelle œuvre cet article. Il en va de même de la précision suivant laquelle les organisations d’artistes-auteurs représentées au sein du conseil d’administration de l’association agréée devront faire attester le nombre de leurs adhérents par un commissaire aux comptes, ce qui pourrait concourir à clarifier la représentativité desdites organisations.

● En revanche, le rapporteur général remarque que le Sénat s’est écarté de la position de l’Assemblée nationale en prévoyant la participation des organismes de gestion collective au conseil d’administration de l’association agréée et en refusant le rétablissement des élections professionnelles.

Sur le premier point, l’Assemblée nationale avait exclu que les organismes de gestion collective soient représentés dans ce conseil d’administration au motif qu’ils mettent en œuvre une action sociale à l’égard de leurs adhérents qu’il importe de distinguer de celle de l’association agréée, laquelle resterait compétente pour définir les orientations de l’action sociale dorénavant assurée par l’Urssaf ; que les organismes de gestion collective comprenant à la fois des artistes-auteurs et des diffuseurs, et ces catégories étant déjà représentées dans ce conseil d’administration, leur participation à ce dernier ne s’imposait pas avec évidence ; et que cette participation ne paraissait pas recueillir l’assentiment de l’ensemble des intéressés, comme l’avait d’ailleurs constaté Bruno Racine dans son rapport de 2020.

 

La diversité des structures défendant les intérêts des artistes-auteurs
(extrait du « rapport Racine »)

« Une multitude de structures, de natures diverses, ont pour objet, chacune dans son domaine, de s’exprimer au nom des auteurs et de défendre leurs intérêts. Cette fonction est assumée tout à la fois par des syndicats et des associations, ainsi que par les organismes de gestion collective (OGC), qui sont au nombre de 22, ce qui n’est pas sans poser des problèmes de légitimité, voire de concurrence entre ces acteurs. Disposer d’une représentation idoine constitue un enjeu sensible pour chaque catégorie d’artistes-auteurs, fût-elle très peu nombreuse [...]. L’attachement à des identités artistiques propres, impliquant des intérêts supposés spécifiques, a ainsi conduit à un émiettement de la représentation des auteurs, parallèlement au traitement “en silos” que leur réserve le ministère. [...] Les instances de représentation existantes sont trop faibles ou contestées pour permettre un véritable dialogue social. En l’absence d’élections professionnelles, aucune structure ne peut se prévaloir d’être représentative au sens où l’entend le code du travail, d’où la relative faiblesse des syndicats auto-constitués. Ceux-ci ne comptent généralement qu’un nombre relativement faible d’adhérents [...]. Enfin, la représentativité des acteurs puissants que sont les OGC ne fait pas l’unanimité, dans la mesure notamment où ceux-ci peuvent être mixtes et représentent alors d’autres acteurs de la filière dont les intérêts ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux des artistes-auteurs (éditeurs, producteurs, interprètes...). Se donnant par leurs statuts la mission de représenter et défendre les intérêts matériels et moraux de leurs membres, disposant globalement de ressources très conséquentes et ayant développé une expertise juridique, les OGC conduisent notamment des actions dites de promotion et de défense, incluses dans l’aide à la création, qui représentent 5,9 millions d’euros en 2017, soit un montant non négligeable mais relativement modeste au regard de la masse de leurs dépenses d’action artistique et culturelle (plus de 120 millions d’euros). Les OGC assurent de fait la représentation des auteurs dans certaines enceintes, comme le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), où ils sont majoritaires dans le collège des auteurs. De manière plus indirecte, ils soutiennent financièrement de nombreuses structures associatives ou syndicales ayant pour objet de représenter les auteurs, ce qui permet à ces structures de survivre mais n’est pas sans poser la question de leur indépendance. Enfin, la représentation des auteurs au sein même des OGC fait logiquement apparaître le poids dominant des sociétaires, qui disposent dans l’assemblée générale d’un nombre de voix très supérieur aux autres membres. »

Source : Bruno Racine, L’auteur et l’acte de création, janvier 2020, pp. 3738.

En conséquence, le rapporteur général est favorable à ce que la composition du conseil d’administration de l’association agréée soit rétablie dans sa version issue des délibérations de l’Assemblée nationale.

● Par ailleurs, si le rétablissement des élections professionnelles ne pourrait sans doute intervenir à très brève échéance compte tenu des enjeux qui s’attachent à la définition du corps électoral pertinent et à l’organisation des opérations électorales au sein d’une population très morcelée, l’Assemblée nationale a souhaité rétablir ce mode de désignation qui semble le plus à même de s’assurer de manière indiscutable de la représentativité de chaque organisation.

En conséquence, le rapporteur général propose qu’il soit tenu compte du résultat des élections professionnelles dans la désignation des membres du conseil d’administration de l’association agréée à compter du 1er janvier 2027.

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Article 5 bis
Subordination de l’affiliation des bailleurs à métayage au régime
des nonsalariés agricoles à une participation effective
à l’activité de l’exploitation agricole

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article résulte de l’adoption de l’amendement n° 721 de M. Charles de Courson et plusieurs de ses collègues du groupe Liberté, Indépendants, Outre‑mer et Territoires malgré un avis défavorable du rapporteur général et du Gouvernement.

Il subordonne l’affiliation des bailleurs à métayage au régime des personnes non salariées des professions agricoles à une participation effective à l’activité ou à la direction de l’exploitation agricole.

L’objectif est de faire en sorte que les bailleurs à métayage ne soient plus considérés comme des exploitants agricoles afin de les exonérer du paiement de cotisations sur les revenus issus du métayage et de leur permettre de cumuler leur pension et lesdits revenus.

● Le bail à métayage est un contrat par lequel le bailleur dispose d’un revenu en nature ou en espèces, versé par le preneur du bail. Habituellement, le preneur supporte l’essentiel des charges d’exploitations tandis que le bailleur conserve à sa charge les dépenses d’investissement de l’exploitation. En application de l’article L. 417‑3 du code rural et de la pêche maritime, les préfets peuvent toutefois définir une dérogation au partage des dépenses d’exploitation entre le bailleur et le preneur ([44]).

C’est notamment le cas en Champagne, à travers la pratique du « métayage franc » viticole dont les baux prévoient le partage de la production de l’exploitation, en nature ou en valeur, généralement à raison d’un tiers (tiers-franquistes) ou d’un quart (quart‑franquistes) pour le bailleur et de deux tiers ou trois quarts pour le preneur, sans partage des frais d’exploitation, qui incombent intégralement au métayer.

En application de l’article L. 722‑7‑1 du code rural et de la pêche maritime ([45]), le preneur et le bailleur de biens ruraux faisant l’objet de baux à métayage sont considérés de manière constante comme des chefs d’exploitation et assujettis en cette qualité aux cotisations sociales du régime des personnes non salariées des professions agricoles. Le premier est assujetti sous réserve qu’il ne soit pas déjà affilié au régime des salariés agricoles. Le second l’est sous réserve qu’il ne soit pas déjà affilié à un autre régime de profession indépendante, en application de l’article L. 171‑6‑1 du code de la sécurité sociale qui empêche une double affiliation. Cette affiliation se fait en application des critères généraux d’assujettissement des activités non salariées agricoles fixés à l’article L. 722‑5 du code rural et de la pêche maritime.

En vertu d’une pratique spécifique et ancienne de la caisse de mutualité sociale agricole (MSA) Marne‑Ardennes‑Meuse, les bailleurs à métayage champenois ne sont toutefois historiquement pas affiliés au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles. Il en résulte qu’ils ne paient pas de cotisations sur les revenus tirés du métayage et qu’ils ne sont pas soumis, contrairement aux autres bailleurs à métayage, à la règle subordonnant le service d’une pension de retraite de non‑salarié agricole à la cessation ou la réduction de l’activité agricole ce qui leur permet de cumuler lesdits revenus avec leur pension de retraite.

● Suite au rappel de la doctrine effectué récemment par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) à l’ensemble des caisses relevant de son réseau, instruction fut donnée à la caisse de MSA Marne‑Ardennes‑Meuse d’affilier les bailleurs à métayage champenois au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles en vertu des dispositions législatives applicables.

Afin de sanctuariser une pratique qui s’est développée contra legem, l’article 5 bis modifie l’article L. 722‑7‑1 du code rural et de la pêche maritime afin de prévoir que, dans les baux à métayage, le bailleur ne soit affilié au régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles qu’à la condition qu’il participe effectivement à l’activité ou à la direction de l’exploitation.

  1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Jugeant qu’un tel article permettait à certains bailleurs de ne plus être affiliés au régime des personnes non salariées des professions agricoles, de ne pas payer de cotisations tout en permettant de bénéficier de règles dérogatoires au cumul emploi‑retraite des agriculteurs, la commission des affaires sociales du Sénat a adopté un amendement de suppression, redéposé en séance (n° 591).

● En séance toutefois, la rapporteure générale a changé de position et, avec le Gouvernement, a émis un avis favorable à l’amendement n° 1362 rect. quinquies de Mme Anne‑Sophie Romagny (groupe Union Centriste) et plusieurs de ses collègues de son groupe ainsi que des groupes Les Républicains, Les Indépendants - République et Territoires et Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants qui, tout en maintenant la dérogation résultant de l’article 5 bis, restreint légèrement son champ d’application. Les bailleurs à métayage ne seraient ainsi plus affiliés au régime des personnes non salariées des professions agricoles qu’à la condition que l’absence de partage des dépenses d’exploitation avec le preneur soit expressément prévue par le contrat ou résulte d’un « droit ancien ».

Le Sénat a ainsi adopté l’article 5 bis modifié.

  1.   La position du rapporteur général

● En première lecture, le rapporteur général avait proposé une demande de retrait s’agissant de l’amendement dont résulte le présent article, jugeant qu’il convenait d’éviter que la réponse à une situation locale spécifique ne se traduise par une modification générale des règles applicables sur l’ensemble du territoire national.

La rédaction résultant du Sénat lui apparaît toutefois mieux encadrée afin de permettre le maintien d’une pratique ancestrale propre à la région champenoise sans pour autant remettre en cause les règles générales d’affiliation des bailleurs à métayage au régime des personnes non salariées des professions agricoles.

Aussi propose‑t‑il de maintenir cet article dans sa rédaction résultant du Sénat.

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Article 5 ter
Exonération partielle de cotisations sociales pour les collaborateurs de chef d’exploitation agricole qui choisissent de devenir chef d’exploitation

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article résulte de l’adoption de l’amendement n° 1312 du rapporteur général et des amendements identiques n° 389 de Mme Danielle Brulebois (groupe Ensemble pour la République), n° 1768 de M. Laurent Wauquiez et des membres du groupe Droite Républicaine et n° 2340 de Mme Annie Vidal et des membres du groupe Ensemble pour la République malgré un avis défavorable du Gouvernement.

Sous certaines conditions, il élargit aux anciens conjoints collaborateurs passés chefs d’exploitation le bénéfice des exonérations partielles de cotisations sociales dont bénéficient les jeunes agriculteurs de moins de 40 ans.

L’objectif est d’inciter les conjoints collaborateurs atteignant la limite des cinq ans sous ce statut d’opter pour le statut de chef d’exploitation.

● En application de la loi n° 2021‑1679 du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles (dite « loi Chassaigne 2 »), le statut de conjoint collaborateur d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole ne peut être conservé pour une durée supérieure à cinq ans. Applicable aux périodes courant depuis le 1er janvier 2022, cette règle conduira près de 10 000 personnes à devoir opter pour un autre statut au 1er janvier 2027.

Dans le but d’inciter ces personnes à opter pour le statut de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, le présent article propose de leur octroyer le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales applicables aux jeunes agriculteurs ([46]). Cette exonération ne s’appliquerait qu’à la condition que les conjoints collaborateurs concernés justifient bien d’une durée d’affiliation de cinq années sous ce statut, qu’ils fassent le choix d’exercer en tant que chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre principal ou exclusif et qu’ils s’engagent à conserver ce statut pendant au moins cinq ans.

L’application de cette exonération partielle aux anciens conjoints collaborateurs se ferait dans les mêmes conditions que pour les jeunes agriculteurs, à l’exception de la condition d’âge. L’exonération serait ainsi dégressive et limitée dans le temps.

Cet article entrerait en vigueur le 1er janvier 2027. Son coût est estimé à environ 3 millions d’euros.

  1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Le Sénat a adopté des amendements de suppression de la commission (n° 592) et de Mme Annie Le Houerou et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (n° 1763) suivant l’avis favorable du Gouvernement.

Les motifs ayant conduit le Sénat à supprimer cet article sont les suivants :

– l’incertitude concernant l’ampleur de son effet sur les recettes du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles ;

– le renforcement du caractère protecteur du statut de conjoint collaborateur lié à l’augmentation de l’effort contributif résultant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ;

– la difficulté supposée de contrôle des règles encadrant le bénéfice de cette exonération partielle ;

– les différences de situation entre les jeunes agriculteurs et les conjoints collaborateurs reprenant l’exploitation qui ne justifieraient pas que le dispositif prévu pour les premiers soit étendu aux seconds.

3. La position du rapporteur général

● Le rapporteur général ne partage pas la position des sénateurs.

D’une part, le caractère financier de la mesure apparaît relativement modeste puisqu’il a été estimé à environ 3 millions d’euros par le ministère chargé de l’agriculture, ce qui est très faible au regard d’un régime par ailleurs légèrement excédentaire. En outre, il s’agit bien d’inciter les conjoints collaborateurs qui devront quoiqu’il arrive renoncer à ce statut au bout du délai légal de cinq ans à choisir celui de chef d’exploitation plutôt que celui de salarié voire, ce qui serait pire, plutôt que de poursuivre leur activité sans la déclarer. Dans cette dernière hypothèse, la perte de recettes serait encore plus élevée que celle résultant de l’application du présent article.

D’autre part, le rapporteur général s’étonne que l’argument consistant à indiquer que les critères encadrant le bénéfice de cette exonération seraient complexes à contrôler émane des sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d’habitude plutôt enclins à défendre la conditionnalité des exonérations de cotisations sociales. Il ne partage en outre pas leur avis. La condition d’avoir exercé pendant cinq ans en tant que conjoint collaborateur est en effet facilement contrôlable. Elle n’entraînera en outre pas de charges supplémentaires pour les caisses de mutualité sociale agricole dans la mesure où elles doivent déjà contrôler cette condition afin de supprimer le bénéfice du statut de conjoint collaborateur aux personnes qui atteignent la limite des cinq ans. Il en va de même du critère exigeant que l’activité agricole soit exercée à titre principal puisqu’il s’applique déjà aux jeunes agriculteurs.

● Pour ces raisons, et convaincu qu’il convient de traiter urgemment la question de la transition vers un statut plus protecteur des conjoints collaborateurs qui arriveront au bout du délai maximal de cinq ans sous ce statut en janvier 2027, le rapporteur général propose de rétablir cet article dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

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Article 5 quater
Mise en place d’un plan d’action ou d’une négociation sur l’emploi des seniors dans les entreprises de plus de trois cents salariés sous peine d’un malus
sur les cotisations d’assurance vieillesse

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article résulte de l’adoption de l’amendement n° 1349 de M. Paul‑André Colombani et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires malgré un avis défavorable du rapporteur général et du Gouvernement.

Il insère un nouvel article L. 241‑3‑3 dans le code de la sécurité sociale, aux termes duquel « les entreprises d’au moins trois cents salariés mentionnées à l’article L. 2242-2-1 du code du travail sont soumises à un malus sur les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre de l’assurance vieillesse et de l’assurance veuvage » si elles ne mettent pas en œuvre :

– une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés ;

– ou, à défaut, un plan d’action annuel destiné à favoriser leur emploi.

Les modalités du malus seraient déterminées par voie réglementaire, en prenant en compte les « efforts constatés » dans l’entreprise en faveur de l’emploi des seniors ainsi que des « motifs de sa défaillance, sur la base de critères clairs ».

  1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Le Sénat a adopté des amendements de suppression de la commission (n° 593) et de Mme Patricia Demas et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains (n° 1763 rect. bis) suivant l’avis favorable du Gouvernement.

Les sénateurs ont en effet considéré :

– que le dispositif était partiellement satisfait par la loi n° 2025‑989 du 24 octobre 2025 portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social. En effet, l’article L. 2241‑1 du code du travail tel qu’il résulte de l’article 1er de cette loi impose une négociation obligatoire au moins tous les quatre ans au niveau des branches professionnelles sur le thème de l’emploi et du travail des salariés expérimentés. L’accord de branche conclu en application de cette négociation peut comporter un plan d’action type pour les entreprises de moins de trois cents salariés ([47]).

En outre, en application de l’article L. 2242‑2‑1 du code du travail créé par l’article 2 de la loi précitée, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés, l’employeur a l’obligation d’engager au moins une fois tous les quatre ans une négociation sur l’emploi, le travail et l’amélioration des conditions de travail des salariés expérimentés ;

– que le choix de créer une sanction pour les employeurs ne respectant pas ces dispositions sous la forme d’un malus applicable aux cotisations d’assurance vieillesse n’apparaissait ni conforme à la volonté des partenaires sociaux signataires de l’accord national interprofessionnel qui n’ont pas souhaité instaurer une telle sanction, ni adapté sur le plan technique, la modulation des cotisations d’assurance vieillesse pouvant avoir un effet insuffisamment documenté sur le système de retraites et les droits à pensions.

  1.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général partage la position des sénateurs et avait mobilisé certains arguments similaires en première lecture à l’appui de son avis défavorable à l’amendement de M. Colombani.

Instaurer une sanction en cas de manquement à une obligation conventionnelle alors même que les partenaires sociaux signataires n’ont pas souhaité la prévoir lui semble contraire à l’esprit de l’accord national interprofessionnel dont la transposition n’a été promulguée, faut‑il le rappeler, que le 24 octobre 2025.

Quand bien même une telle sanction devait être prévue, le choix de recourir à un mécanisme de modulation des cotisations d’assurance vieillesse apparaît certes logique du point de vue de la nécessité formelle de créer un dispositif relevant du champ des lois de financement de la sécurité sociale pour éviter une censure, mais ne semble pas particulièrement pertinent sur le fond. Certes la modulation des cotisations existe‑t‑elle s’agissant des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles mais celle‑ci est directement liée à la sinistralité de l’entreprise. Or, l’on peut douter de l’existence d’un lien privilégié entre l’absence de négociation sur les conditions de travail des salariés expérimentés et les dépenses d’assurance vieillesse par rapport par exemple aux dépenses d’assurance maladie. Une pénalité financière sans lien avec les cotisations paraîtrait plus justifiée mais présenterait le risque d’être considéré comme un cavalier social.

Au‑delà de ces considérations d’opportunité, le rapporteur général considère que les critères selon lesquels les modalités de la modulation des cotisations d’assurance vieillesse devraient être déterminées sont insuffisamment précis.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur général propose de maintenir la suppression de l’article 5 quater.

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Article 6
Gel des seuils de revenus pris en compte pour le calcul de la contribution sociale généralisée portant sur certains revenus de remplacement

Origine de l’article : article du projet de loi, supprimé par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : rétabli.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

Cet article maintient à leur niveau de 2025 les seuils d’assujettissement à la contribution sociale généralisée (CSG) applicables aux pensions de retraite et d’invalidité et aux allocations de chômage. Il constitue à ce titre le pendant, dans le champ des recettes de la sécurité sociale, de l’« année blanche » prévue à l’article 44 concernant les prestations sociales. Par ailleurs, il supprime pour l’avenir le mécanisme d’indexation automatique de ces seuils sur l’inflation.

Contre l’avis du rapporteur général de la commission des affaires sociales et du Gouvernement, l’Assemblée nationale a adopté les amendements de suppression n° 122 de M. Jérôme Guedj et des membres du groupe Socialistes et apparentés, n° 128 de Mme Karine Lebon et des membres du groupe Gauche Démocrate et Républicaine, n° 310 de M. Hendrik Davi et des membres du groupe Écologiste et Social, n° 853 de Mme Joëlle Mélin et des membres du groupe Rassemblement National, n° 873 de M. Laurent Wauquiez et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, n° 1350 de M. Paul-André Colombani et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, n° 1814 de Mme Ségolène Amiot et des membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, n° 1892 de M. Éric Ciotti et des membres du groupe Union des droites pour la République et n° 2280 de M. Jean-Didier Berger (groupe Droite Républicaine).

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Suivant l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté les amendements identiques n° 33 rect. de M. Olivier Henno (groupe Union Centriste) et n° 594 rect. de la commission visant à rétablir l’article 6 dans sa rédaction initiale, moyennant la réintroduction pour l’avenir du mécanisme d’indexation automatique du barème sur l’inflation que le projet de loi proposait de supprimer au profit de l’indexation annuelle des seuils sur ce barème par la loi de financement de l’année.

3.   L’avis du rapporteur général

● Le rapporteur général prend acte du rétablissement par le Sénat d’une mesure qui avait fait l’objet d’une large opposition sur les bancs de l’Assemblée nationale. Il relève cependant que le Sénat a choisi, comme il l’avait lui-même proposé, de rétablir pour l’avenir l’indexation automatique du barème sur l’inflation, conformément au principe de l’année blanche qui, par nature, doit demeurer exceptionnelle.

Lors de l’examen en première lecture, le rapporteur général, soucieux de préserver le niveau de vie des retraités et des bénéficiaires de l’assurance chômage aux ressources modestes, avait proposé de limiter la non-indexation du barème au seuil d’assujettissement au taux supérieur applicable aux pensions de retraite, ce qui aurait permis de préserver une partie de l’effet de la mesure, qui n’aurait dès lors plus concerné qu’environ 1 % des foyers fiscaux, dont le revenu mensuel s’élève à environ 2 170 euros pour la première part de quotient familial.

● Fort du vote émis par l’Assemblée nationale en première lecture, le rapporteur général est favorable à la suppression de cet effort qui pénaliserait 1 % à 3 % des foyers fiscaux selon que le gel serait total ou partiel.

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Article 6 bis
Augmentation du taux de la contribution sociale généralisée applicable aux revenus du patrimoine et des produits de placement

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

Cet article est issu de trois amendements identiques n° 127 de M. Jérôme Guedj et des membres du groupe Socialistes et apparentés, n° 131de M. Yannick Monnet et des membres du groupe Gauche Démocrate et Républicaine ainsi que n° 1817 de Mme Élise Leboucher et des membres du groupe La France Insoumise - Nouveau Front Populaire, ayant fait l’objet d’un avis favorable du Gouvernement. La ministre de l’action et des comptes publics a déclaré souhaiter que le débat sur une possible hausse du taux de la contribution sociale généralisée (CSG) applicable aux revenus du capital puisse se poursuivre aux étapes ultérieures de la navette dans le cas où une telle augmentation serait nécessaire pour réduire le déficit des comptes sociaux ([48]).

Auparavant, des amendements identiques avaient été adoptés par la commission des affaires sociales avant que cette dernière ne rejette la deuxième partie du projet de loi, puis l’ensemble de ce dernier ([49]). En séance publique, le rapporteur général s’y est déclaré défavorable, comme il l’avait fait durant l’examen du projet de loi par la commission ([50]).

La motivation de l’avis du Gouvernement concernant les amendements 127 et identiques

Le Gouvernement a d’abord émis un avis que la ministre de l’action et des comptes publics a qualifié « de responsabilité et de méthode » concernant l’amendement n° 1020 de M. Jérôme Guedj et des membres du groupe Socialistes et apparentés, qui proposait d’augmenter le taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et des produits de placement de 1,4 point en 2026 puis de 0,6 point en 2027, avant de le ramener à 10,2 % en 2028 – soit un niveau supérieur de 1 point au taux prévu par le droit existant. Invitée par M. Aurélien Pradié, à l’occasion d’un rappel au Règlement, à préciser la position du Gouvernement au regard des trois modalités usuelles d’expression de celle-ci – lesquelles consistent à émettre un avis favorable ou défavorable ou à s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée nationale –, la ministre s’est déclarée favorable à l’amendement n° 1020.

Ce dernier, placé au début d’une discussion commune, a toutefois été rejeté par l’Assemblée nationale à la fin de la première séance du mercredi 5 novembre. Au début de la séance suivante, les amendements n° 127 et identiques – qui faisaient partie de la même discussion commune et proposaient une augmentation pérenne de 1,4 point du taux de la CSG portant sur la même assiette – ont finalement été adoptés.

Extraits du compte rendu de la première séance du 5 novembre 2025 :

« Mme Amélie de Montchalin, ministre

« Nous devons regarder la réalité en face et assumer notre responsabilité, qui est d’assurer la pérennité de notre système social. Il est très important de nous fixer l’objectif de ne pas dépasser un déficit de la sécurité sociale de 20 milliards d’euros en 2026, alors qu’il était déjà de 23 milliards en 2025. Je le rappelle, un déficit supérieur à 20 milliards en 2026 signifierait porter le plafond d’endettement de [l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ou Acoss] à plus de 85 milliards, ce qui mettrait notre système en danger.

« Vous avez fait une série de propositions auxquelles le gouvernement n’était pas initialement favorable. Nous sommes en première lecture et nous entrons, vous le savez, dans un processus d’entonnoir : dans le cadre de la navette, il y aura des discussions. Compte tenu des équilibres politiques que nous connaissons au Sénat, affirmer ce soir que je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements en discussion commune signifierait faire disparaître la CSG dite patrimoine de l’ensemble du processus budgétaire.

« M. Erwan Balanant

Ce serait dommage !

« Mme Amélie de Montchalin, ministre

« Aussi, je donne un avis de responsabilité et de méthode sur l’amendement n° 1020 de M. Jérôme Guedj, ce qui signifie que je suis favorable à ce que, dans le cadre de ce débat, nous contribuions à équilibrer les comptes de la sécurité sociale. Je le dis avec beaucoup de solennité : le gouvernement se mobilise pour trouver des économies et accompagnera les nombreux députés qui y travaillent, mais il ne souhaite pas prendre le risque de mettre la sécurité sociale en difficulté en se privant, dans la navette, de l’outil que constitue la CSG patrimoine. Je formule donc un avis de responsabilité et de méthode, je le répète, pour que nous puissions revenir sur le sujet dans la navette, en deuxième lecture, au vu des économies qui, je l’espère, seront proposées d’ici là et qui nous éviteraient d’utiliser cet outil outre mesure.

« [...]

« M. Aurélien Pradié

« [...] Le gouvernement ne peut donner que deux avis –⁠ favorable ou défavorable – ou bien s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée. En revanche, l’avis de « méthode » et l’avis de « responsabilité » n’existent que dans votre monde –⁠ ils n’ont pas cours dans la vie parlementaire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Sur ces amendements, nous voulons savoir si vous donnez un avis favorable, défavorable ou si vous vous en remettez à la sagesse de l’Assemblée. Tout le reste, c’est du baratin !

« Mme Amélie de Montchalin, ministre

« Favorable ! »

Extraits du compte rendu de la deuxième séance du 5 novembre 2025 :

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l’action et des comptes publics

« [...]

« Vous avez rejeté l’amendement n° 130 rectifié, similaire à l’amendement n° 127, à venir. Mais ce dernier, contrairement au précédent, s’applique aussi aux années 2027 et 2028, et pas uniquement à 2026. Or nous ne sommes pas dans le cadre d’un projet de loi de programmation.

« [...]

« Nous pouvons tous convenir qu’il y aura bien un PLFSS pour 2027. Vous serez là pour en débattre –⁠ l’Assemblée est censée durer plus longtemps que les ministres – et vous pourrez donc décider ce que vous ferez pour 2027.

« Je le répète, nous ne sommes pas dans le cadre d’un projet de loi de programmation. Les engagements pour 2027 peuvent être écrits, puis retirés. En conséquence, même si l’amendement n° 127 parle du futur, nous devrions nous concentrer sur ce qu’il propose concrètement pour 2026. »

a.   Le droit existant

● La CSG est juridiquement constituée de plusieurs contributions portant sur les différentes catégories de revenus des personnes physiques. Elle comprend ainsi :

– une contribution portant sur les revenus d’activité et de remplacement ([51]) ;

– une contribution portant sur les revenus du patrimoine ([52]) ;

– une contribution portant sur les produits de placement ([53]) ;

– une contribution portant sur les sommes engagées et les produits perçus à l’occasion des jeux ([54]).

● Les taux respectifs de ces contributions ont progressivement augmenté depuis la création de la CSG. Au même titre que la contribution assise sur les revenus d’activité et de remplacement – hormis les pensions de retraite et les allocations d’assurance chômage, qui sont soumises à un barème spécifique ([55]) –, la CSG est prélevée depuis 2019 au taux de 9,2 % tant sur les revenus du patrimoine que sur ceux tirés de placements ([56]).

Évolution du taux de la cSG par assiette

Origine du changement de taux

Revenus du patrimoine et des placements

Revenus d’activité

Loi n° 90‑1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991

1,1 %

1,1 %

Loi n° 93‑936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale

2,4 %

2,4 %

Loi n° 96‑1160 du 27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale pour 1997

3,4 %

3,4 %

Loi n° 97‑1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité social pour 1998

7,5 %

7,5 %

Loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie (1)

8,2 %

7,5 %

Loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018

9,9 %

9,2 %

Loi n° 2018‑1213 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 (2)

9,2 %

9,2 %

(1) L’augmentation de 0,7 point du taux de la CSG sur les revenus du capital s’était accompagnée, à défaut d’une augmentation équivalente du taux de la CSG sur les revenus d’activité, d’un élargissement de l’assiette de celle-ci sous la forme d’une réduction de deux points de l’abattement forfaitaire au titre des frais professionnels.

(2) La réduction de 0,7 point du taux de la CSG sur les revenus du capital participait d’une réorganisation – à taux global constant – des prélèvements sociaux sur ces revenus. Cf. note de bas de page infra.

Source : commission des affaires sociales sur la base des rédactions successives de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.

La somme des prélèvements sociaux sur les revenus du capital – qui, outre la CSG, comprennent la contribution pour remboursement de la dette sociale (CRDS) ([57]), au taux de 0,5 % ([58]), et le prélèvement de solidarité, au taux de 7,5 % ([59]) – s’élève ainsi à 17,2 % ([60]). Les revenus des valeurs mobilières subissent également l’impôt sur le revenu au taux de 12,8 % lorsque le contribuable opte pour le prélèvement forfaitaire unique (PFU, ou « flat tax »), ce qui porte à 30 % le taux global des prélèvements obligatoires sur les revenus concernés par cette option ([61]).

● L’assiette de la CSG sur les revenus du patrimoine comprend en particulier les revenus fonciers, les rentes viagères constituées à titres onéreux et les revenus de capitaux mobiliers ([62]).

● La CSG sur les produits des placements s’applique en particulier aux plus‑values immobilières, aux produits attachés aux contrats de capitalisation, aux intérêts et primes des plans d’épargne logement (PEL) et des comptes d’épargne logement (CEL), aux produits des plans d’épargne populaire (PEP), au gain net réalisé ou à la rente viagère versée lors d’un retrait de sommes ou valeurs ou de la clôture d’un plan d’épargne en actions (PEA) et aux revenus des plans d’épargne salariale (plans d’épargne en entreprise, ou PEE ; plans d’épargne interentreprise, ou PEI ; plans d’épargne pour la retraite collectif, ou Perco ; plans d’épargne retraite d’entreprise collectif, ou PER-CO) ([63]).

Sont toutefois exclus de l’assiette de cette contribution, en particulier, les intérêts des produits d’épargne réglementés que sont le livret A, le livret d’épargne populaire (LEP), le livret jeune et le livret de développement durable et solidaire (LDSS).

b.   Le dispositif proposé

Cet article propose d’augmenter de 1,4 point le taux de la CSG sur les revenus du patrimoine et des placements, en le portant de 9,2 % à 10,6 %. Par conséquent, dans le cas des revenus soumis au prélèvement forfaitaire unique, la somme des taux des contributions applicables passerait de 30 % à 31,4 %.

D’après les prévisions présentées dans le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, cette augmentation de taux entraînerait des recettes supplémentaires de l’ordre de 2,8 milliards d’euros ([64]).

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté quatre amendements de suppression de cet article déposés par M. Emmanuel Capus et plusieurs de ses collègues des groupes Les Indépendants - République et Territoires, Union Centriste et Les Républicains (n° 523 rect. bis), la commission des affaires sociales (n° 595), M. Michel Canévet et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste (n° 1093 rect. bis) et M. Stéphane Le Rudulier et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains (n° 1506 rect. ter). Le Gouvernement s’en est remis à la sagesse du Sénat. À l’appui de sa position, la commission des affaires sociales a exprimé une préférence de principe pour la maîtrise des dépenses sur l’augmentation de la fiscalité, tout en rappelant que des propositions tendant à accroître la fiscalité sur le patrimoine ou les transmissions pour dégager de nouvelles ressources en faveur de la sécurité sociale ont été formulées dans divers rapports au cours des dernières années ([65]).

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général approuve la suppression de cet article effectuée par le Sénat.

Il relève en premier lieu que, compte tenu de la diversité des revenus entrant dans l’assiette de la CSG sur le capital et du caractère proportionnel de cette imposition, l’effet d’une telle mesure ne serait pas concentré sur les détenteurs d’un patrimoine conséquent mais que celle-ci frapperait au contraire, dès le premier euro versé, la plupart des revenus du patrimoine et de l’épargne, sans distinction tenant aux capacités contributives des redevables.

Le rapporteur général déplore également que l’avis favorable émis par le Gouvernement, même motivé par des considérations de méthode plus que par une adhésion à la lettre du dispositif proposé, n’ait pas été accompagné d’une évaluation des effets d’une telle mesure sur les revenus des ménages ou sur l’investissement. Il rappelle à cet égard que les trois Haut Conseils ont constaté, dans un rapport récent, qu’il n’existe pas « de simulation des impacts économiques » d’une augmentation du taux de la CSG limitée à une partie de l’assiette de celle-ci. Ce rapport soulignait cependant qu’une hausse d’un point de ce taux pour l’ensemble des assiettes entraînerait à long terme, selon les modèles économétriques de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et de la direction générale du Trésor, une contraction du produit intérieur brut comprise entre 0,2 et 0,9 point et une diminution de l’emploi de 0,1 % à 1 %.

Incidence d’une hausse d’un point du taux de la CSG
sur l’ensemble des assiettes

Source : HCFiPS, Hcaam et HCFEA, Pour un redressement durable de la sécurité sociale, juillet 2025, p. 365.

S’il est impossible d’extrapoler l’effet d’une augmentation du taux de la CSG limitée aux revenus du capital à partir de ces simulations – dans la mesure où ces revenus constituent une part minoritaire de l’assiette de la CSG et où les mécanismes économiques de transmission d’une hausse de la fiscalité ne sont pas les mêmes d’une catégorie de revenus à l’autre –, le rapporteur général y voit un motif supplémentaire de prudence à l’égard d’une mesure aux effets économiques non documentés, et qui ne saurait être appréhendée sous le seul angle de son rendement à court terme pour les finances sociales.

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Article 6 ter
Extension du dispositif de lissage du revenu pris en compte pour la détermination du taux de contribution sociale généralisée applicable à certains revenus de remplacement

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu d’un amendement (n° 159) de Mme Valérie Rossi et des membres du groupe Socialistes et apparentés, adopté contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement, puis retenu par ce dernier dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution.

● Dans le cas des pensions de retraite et d’invalidité, un contribuable auparavant exonéré de la contribution sociale généralisée (CSG) sur ces revenus ou soumis au taux réduit de 3,8 % ne se voit appliquer un taux supérieur qu’à la condition que ses revenus dépassent le seuil correspondant à ce taux durant deux années consécutives ([66]). Ce mécanisme de lissage s’applique aussi aux exonérations de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et de contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa) dont bénéficient les personnes exonérées de CSG ou assujetties à cette dernière au taux de 3,8 %.

D’après les auteurs de l’amendement dont résulte cet article, ce dernier vise à étendre le dispositif de lissage, d’une part, au franchissement du seuil d’assujettissement au taux de 3,8 % par un contribuable auparavant exonéré de CSG ( du I, qui modifie le 1° du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale) et, d’autre part, au passage du taux de 6,6 % au taux de 8,3 %, pour les seules pensions de retraite et d’invalidité ( du I, portant sur le 1° du III bis du même article) ([67]).

Toutefois, si l’article est conforme à l’objectif poursuivi par l’amendement sur ce dernier point, il soumettrait par ailleurs au taux de 3,8 % les contribuables ayant franchi le seuil d’assujettissement à celui-ci au cours de l’antépénultième année – et non seulement ceux l’ayant atteint au cours de l’avant-dernière année –, ce qui aurait pour conséquence de soumettre à la CSG des revenus de remplacement qui en sont actuellement exonérés –  à savoir les pensions et les allocations de contribuables passant du taux de 3,8 % au taux zéro. Ce « lissage à rebours » ne paraît pas conforme à l’intention des auteurs de l’amendement.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Suivant l’avis du Gouvernement, la commission a adopté un amendement (n° 596) de suppression de cet article.

Comme l’avait fait votre rapporteur général devant l’Assemblée nationale, la commission des affaires sociales du Sénat a souligné que cet article, en rendant plus difficile le passage à un taux supérieur, entraînerait des pertes de recettes pour la sécurité sociale. D’après les informations transmises par le Gouvernement à cette commission, le montant de ces pertes atteindrait 200 millions d’euros ([68]).

En outre, la commission a mis en évidence le risque de constituer un précédent qui justifierait de prévoir un dispositif analogue de lissage dans le cas d’autres prélèvements obligatoires comprenant un barème tenant compte des capacités contributives des redevables.

Elle a enfin rappelé que le taux supérieur de la CSG applicable aux pensions de retraite et d’invalidité (8,3 %) est inférieur à celui auquel cette contribution est prélevée sur les revenus d’activité (9,2 %).

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général approuve la suppression de l’article 6 ter effectuée par le Sénat.

S’il comprend naturellement l’intention des auteurs de l’amendement dont résulte cet article – qui était de prémunir les retraités et les chômeurs aux ressources modestes d’une augmentation du taux de la CSG applicable respectivement à leurs pensions et à leurs allocations –, il rappelle que son dispositif juridique ne remplit pas cet objectif, que le coût de cette mesure n’est pas négligeable et que celle-ci, comme l’a justement souligné la commission des affaires sociales du Sénat, pose un problème de principe vis-à-vis du barème d’autres prélèvements – tels que l’impôt sur le revenu –, qui ne comportent pas de dispositif de lissage.

En outre, le rapporteur général tient à rappeler que le barème propre à certains revenus de remplacement constitue en tant que tel un régime dérogatoire favorable aux retraités et aux titulaires d’une allocation de chômage, dans la mesure où la CSG portant sur les autres revenus n’est pas prélevée selon un barème progressif et où le taux supérieur applicable respectivement aux pensions de retraite (8,3 %) et aux allocations de l’assurance chômage (6,2 %) est inférieur à celui auxquels sont assujettis les revenus d’activité, qui est de 9,2 % quelles que soient les capacités contributives des redevables.

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Article 6 quater (nouveau)
Exclusion des contributions employeurs destinées au financement d’un contrat solidaire « socle » de l’assiette des cotisations de sécurité sociale

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture au Sénat.

  1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● L’article 6 quater est issu de l’adoption de l’amendement n° 1286 rect. bis présenté par Mme Marie‑Claire Carrère‑Gée et plusieurs de ses collègues des groupes Les Républicains, Union Centriste et Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. Il a fait l’objet d’un avis défavorable de la commission suivant la position exprimée par le Gouvernement.

L’article 6 quater exclut de l’assiette des cotisations de sécurité sociale les contributions employeurs destinées au financement d’un contrat solidaire « socle » nouvellement créé ([69]). Cette nouvelle catégorie de contrat complémentaire – dont l’encadrement est renvoyé au pouvoir réglementaire – proposera aux assurés une couverture restreinte aux seuls besoins de santé considérés « essentiels ». La disposition traduit une recommandation de la mission d’information sénatoriale « Complémentaires santé, mutuelles : l’impact sur le pouvoir d’achat des Français » qui proposait une révision du périmètre du contrat responsable dans le sens d’une amélioration du rapport entre le coût généré pour les assurés, d’une part, et les garanties de santé offertes, d’autre part ([70]).

Au cours des débats en séance publique, le Gouvernement a indiqué qu’il souhaitait également une réforme du contrat complémentaire solidaire. Toutefois, il a relevé le caractère partiel de la disposition créée qui ne modifie pas, en l’état de sa rédaction, le régime applicable au contrat solidaire. Enfin, l’absence de chiffrage des effets financiers de la mise en œuvre de la mesure a également été relevée.

2.   La position du rapporteur général

● Si le rapporteur général estime nécessaire une réforme des contrats complémentaires solidaires afin de les recentrer sur la couverture des besoins essentiels de santé, il considère néanmoins qu’une telle évolution gagnerait à faire l’objet d’un texte spécifique. Il partage, en ce sens, le souhait formulé en séance publique devant les sénateurs par la ministre de la santé de renvoyer cette question aux travaux de la mission gouvernementale consacrée à la coordination assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire. En outre, dans un contexte de fortes tensions sur les finances de la sécurité sociale, il partage l’inquiétude formulée quant à l’absence de chiffrage d’une disposition qui pourrait réduire le montant appelé des cotisations de sécurité sociale.

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Article 7
Créer une contribution des organismes complémentaires
au titre de l’année 2026

Origine de l’article : projet de loi – modifié par la lettre rectificative.

Sort à l’Assemblée nationale : supprimé.

Sort au Sénat : rétabli et modifié.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article, l’un des cinq à avoir été modifiés par la lettre rectificative, prévoit, pour le seul exercice à venir, une participation fiscale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Ocam) sur leurs cotisations (sauf celles complétant les arrêts de travail des affiliés aux deux régimes agricoles et au titre de souscriptions collectives d’entreprises). Son taux serait de 2,25 % ; son produit serait affecté à la branche maladie pour 2,05 points et à la branche vieillesse pour 0,2 point.

Il s’agit d’abord de répondre à la hausse de ces dernières constatées en 2025 alors que le relèvement du ticket modérateur sur les actes et consultations médicaux et les médicaments qui sous‑tendait le précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale au moment de son dépôt puis de son examen en première lecture n’a pas été mis en œuvre.

Le but est aussi de compenser le coût de la suspension de la réforme des retraites de 2023 qu’opère l’article 45 bis inséré par lettre rectificative, toujours pour 2026 – en compléments d’autres dispositions figurant à l’article 44.

Le rendement de la contribution pour la branche maladie équivaudrait à la croissance des primes – ou du gain budgétaire un temps envisagé –, soit 1,02 milliard d’euros ; celui pour la branche vieillesse serait de 99,5 millions d’euros.

Dans sa version antérieure au dépôt de la lettre rectificative, l’article 7 créait une contribution au taux de 2,05 %, affectée à la seule branche maladie.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les douze amendements de suppression n° 124 de M. Corentin Le Fur et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, n° 150 de M. Yannick Monnet et des membres du groupe Gauche Démocrate et Républicaine, n° 161 de M. Jérôme Guedj et des membres du groupe Socialistes et apparentés, n° 393 de Mme Danielle Brulebois (groupe Ensemble pour la République), n° 874 de M. Laurent Wauquiez et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, n° 1125 de Mme Christelle D’Intorni et plusieurs de ses collègues du groupe Union des droites pour la République, n° 1647 de M. Christophe Bentz et des membres du groupe Rassemblement National, n° 1820 de M. Hadrien Clouet et des membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, n° 1876 de M. Alexandre Allegret-Pilot (groupe Union des droites pour la République), n° 2047 de M. Bastien Marchive et plusieurs de ses collègues du groupe Ensemble pour la République, n° 2163 de M. Charles de Courson et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires et n° 2499 de M. Stéphane Viry (groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires), adoptés après que le rapporteur général s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée et contre l’avis du Gouvernement.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement, les trois amendements identiques n° 180 de M. Xavier Iacovelli et des membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, n° 597 de la rapporteure générale et n° 1259 de M. Daniel Chasseing et des membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires rétablissant l’article 7 dans sa rédaction antérieure au dépôt de la lettre rectificative, donc avec un taux de 2,05 % et une affectation du produit à la seule branche maladie.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de conserver l’article 7 dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat.

● Sur le fond, le rapporteur général réitère la position qu’il a exprimée en première lecture : la hausse des cotisations des complémentaires décidée à l’été 2025 a pu avoir pour prétexte un relèvement annoncé du taux du ticket modérateur qui est demeuré au stade de projet ; la crainte que la taxe exigée par le Gouvernement soit répercutée dans les tarifs exigés de la part des assurés est sérieuse ; à défaut d’une suppression de l’article 7, il est effectivement préférable de le rétablir avec un taux de 2,05 %, car ce n’est pas à la protection maladie complémentaire – qu’il s’agisse de ses prestataires ou de ses clients – de payer pour l’équilibre de la branche vieillesse, que la suspension de la réforme de 2023 va encore considérablement dégrader. Le rapporteur général s’inquiète que cette contribution des organismes complémentaires au titre de l’année 2026 se répercute sur les assurés sociaux en 2027 par des hausses de cotisations. Il invite le Gouvernement à ne pas pérenniser pareille contribution.

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Article 7 bis
Instauration de niches sociale et fiscale
en faveur des coopératives pharmaceutiques

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement, de l’amendement n° 797 de M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Les Démocrates).

Il crée un article L. 136-8-1 du code de la sécurité sociale aux termes duquel les « dividendes coopératifs et [...] excédents de gestion distribués annuellement par les sociétés coopératives ou unions de coopératives, ayant pour objet principal la mise en commun de moyens, l’achat, la logistique, la distribution ou la promotion de produits et services pharmaceutiques » et les « dividendes distribués annuellement par les sociétés du commerce associé [...] ayant [le même] objet principal » (I), quand dans ces secondes sont cumulativement observés divers critères comme le fait que « la présidence ou la direction effective est assurée par un pharmacien en exercice [...] » ou celui que « l’intégralité des droits de vote est détenue par des pharmaciens titulaires d’officine » (II), et dans les deux cas à hauteur des sommes distribuées à des pharmaciens (tant l’entrée au capital d’une structure est libre) (III), et sous réserve de faire l’objet d’une déclaration spécifique (IV et VI), bénéficient d’un traitement fiscal et social extrêmement favorable (V), à savoir :

– un taux de 15 % pour l’impôt sur les sociétés (IS), alors que le principal cas d’une dérogation de cette ampleur au taux normal de 25 % prévu par l’article 219 du code général des impôts concerne les « redevables ayant réalisé un chiffre d’affaires n’excédant pas 10 millions d’euros [et] dans la limite de 42 500 euros de bénéfice imposable par période de douze mois », ce qui d’ailleurs ne devrait même pas être évoqué à la faveur des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisqu’il s’agit d’un impôt d’État ;

– une exonération complète des prélèvements sociaux qui s’additionnent au taux de 17,2 %, soit 9,2 % pour la contribution sociale généralisée (CSG) et 0,5 % pour la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ainsi que 7,5 % pour le prélèvement de solidarité.

● Le rapporteur général partage la volonté de soutenir le réseau des officines. Il est aussi attentif aux dérives de la financiarisation : l’actionnariat, parfois étranger, remet en cause le monopole pharmaceutique et perturbe les remboursements de l’assurance maladie ([71]) ; toutefois, il juge que c’est sous l’angle de la régulation que la lutte contre les « coups » portés au modèle officinal sera conduite avec le plus d’efficacité : la franchise envisagée par l’article 7 bis paraît constituer une différence de traitement qu’il serait difficile de justifier en droit vis-à-vis d’autres professionnels qui ont également des difficultés ponctuelles ou souffrent d’une concurrence plus structurelle.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu l’amendement n° 797 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement, les deux amendements de suppression de l’article 7 bis n° 598 de la rapporteure générale et n° 1464 de M. Michel Canévet et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de maintenir la suppression de l’article 7 bis effectuée par le Sénat.

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Article 7 ter
Soumission des contrats de complémentaire santé à destination
des agriculteurs retraités à un taux réduit de taxe de solidarité additionnelle

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, le rapporteur général s’en étant remis à la sagesse de l’Assemblée et contre l’avis du Gouvernement, des deux amendements identiques n° 180 de Mme Justine Gruet et M. Éric Liégeon (groupe Droite Républicaine) et n° 1320 de M. Hubert Ott et plusieurs de ses collègues des groupes Les Démocrates et Ensemble pour la République.

Il modifie le 2° du II bis de l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale pour que, s’agissant de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) qui repose sur les cotisations d’assurance maladie complémentaire et est affectée à la branche maladie, notamment pour financer la complémentaire santé solidaire (C2S), le taux réduit de 6,27 % au lieu de 13,27 % – qui s’applique déjà aux garanties de protection couvrant les personnes physiques ou morales qui exercent exclusivement ou principalement une des professions agricoles ou connexes à l’agriculture ([72]) ainsi que leurs salariés et les membres de la famille de ces personnes lorsqu’ils vivent avec elles sur l’exploitation – soit étendu aux contrats souscrits par les « retraités relevant de ces mêmes régimes ».

● Le rapporteur général souligne que le coût de cette mesure, situé dans une fourchette de 100 à 200 millions d’euros, doit être mis en regard du faible niveau de pension des affiliés aux deux régimes de la Mutualité sociale agricole (MSA) et des primes plus élevées qui, comme en moyenne à tous les retraités, leur sont facturées.

Pour 2021, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) indique que les contrats individuels avaient une tarification variant avec l’âge dans 93 % des cas pour les mutuelles, 71 % pour les institutions de prévoyance et 100 % pour les assurances et que la même année la cotisation mensuelle moyenne était de 68 euros pour l’ensemble de la population étudiée, contre 104 euros pour les clients de plus de 65 ans et 146 euros pour ceux de plus de 85 ans – sans précision en ce qui concerne les agriculteurs ([73]).

Le rapporteur général a cependant exprimé son « doute sur le fait que ces complémentaires –⁠ Agrica, Aésio, Groupama – répercutent la baisse de leur fiscalité en une baisse de leurs tarifs » ([74]).

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les amendements identiques n° 180 et n° 1320 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

La commission des affaires sociales du Sénat a estimé que « la rédaction retenue manque de précision : l’inclusion des pensionnés de droit dérivé n’est, à cet égard, pas certaine » ([75]).

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement, les deux amendements de suppression de l’article 7 ter n° 599 de la rapporteure générale et n° 1054 de Mme Raymonde Poncet Monge et des membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, l’exposé sommaire du premier rappelant que « les organismes complémentaires d’assurance maladie ser[aie]nt libres de répercuter ou non cet allégement de la fiscalité sur les cotisations à verser » et faisant part d’un « doute [sur le fait] qu’il soit juste qu’un assuré, qui n’a cotisé que trois ou quatre années au régime agricole, se voie ouvrir à ce titre une fiscalité avantageuse pour sa complémentaire santé une fois à la retraite ».

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de maintenir la suppression de l’article 7 ter effectuée par le Sénat.

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Article 7 quater (nouveau)
Extension au régime agricole de la mutualisation des coûts associés
aux maladies professionnelles afin d’améliorer
le taux d’emploi des travailleurs handicapés

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture au Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Les dispositions du présent article ont été introduites par les sénateurs en séance publique. Elles font suite à l’adoption des amendements identiques :

– n° 780 rect. ter, de Mme Annie Le Houerou et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste Écologiste et Républicain ;

– n° 1361 rect. quater de Mme Monique Lubin (groupe Socialiste Écologiste et Républicain) ;

– n° 390 rect. ter de M. Franck Menonville et plusieurs de ses collègues des groupes Union centriste, Les Républicains et Les Indépendants - République et Territoires.

Le Gouvernement a émis, sans réserve, un avis favorable à l’adoption de ces trois amendements qui ont, par ailleurs, donné lieu à des concertations avec la caisse centrale de la mutualité sociale agricole.

En l’état du droit, la déclaration des maladies professionnelles donne lieu à une présomption de responsabilité du dernier employeur, y compris lorsque l’affection a été influencée dans son développement par une exposition antérieure. Si cette présomption peut être contestée, il demeure que c’est bien au dernier employeur que le surcoût, en modulation de cotisations, vient à s’appliquer. Cette situation n’est pas sans incidence sur l’employabilité des publics qui présentent une vulnérabilité particulière au développement des maladies professionnelles, à l’instar des plus âgés. En effet, pour préserver leurs statistiques de sinistralité et leurs niveaux de cotisations, les entreprises peuvent utiliser des stratégies d’embauche défavorables aux publics à risque, à l’instar des travailleurs expérimentés ou en situation du handicap.

La loi n° 2023‑270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, tirant à son article 5 les conséquences des effets adverses de cette situation, a instauré un principe de mutualisation du coût des maladies professionnelles dites « à effet différé ». Les critères d’inscription au « compte spécial » ont été élargis afin de diminuer le nombre de situations où un unique employeur doit supporter les conséquences d’une déclaration de maladie professionnelle ([76]).

Dans un mouvement complémentaire, l’article 20 de la loi n° 2025‑199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 a inclus dans la liste des objectifs permettant la mutualisation des cotisations sociales celui de l’insertion des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. En substance, l’article 7 quater étend au régime agricole cette disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

2.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général accueille favorablement cette disposition destinée à améliorer l’employabilité des travailleurs handicapés par l’alignement du droit applicable au régime agricole sur le régime général. Il rappelle, à cet égard, le rôle primordial des instruments de financement de la protection sociale sur le taux d’emploi et invite, par conséquent, l’Assemblée nationale à adopter cet article dans la rédaction issue du Sénat.

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Article 8
Réduction des niches sociales applicables à certains compléments salariaux

Origine de l’article : projet de loi.

Sort à l’Assemblée nationale : modifié.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Dans sa rédaction initiale, cet article réformait le régime dérogatoire applicable à certains accessoires du salaire exclus de l’assiette des cotisations sociales et, pour certains d’entre eux, de celle de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

Il soumettait au « forfait social » au taux de 8 % les aides directes consenties aux salariés par leur employeur ou par le comité social et économique (CSE) de leur entreprise, sans toutefois assujettir ces compléments de rémunération à la CSG et à la CRDS ([77]). Par ailleurs, il augmentait le taux de la contribution patronale applicable aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite ([78]), en le portant de 30 % à 40 %, tout en intégrant ce prélèvement spécifique au forfait social, dont le régime juridique était du même coup remanié.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution, le Gouvernement a transmis cet article modifié par un amendement (n° 183) de rédaction globale, déposé par M. Jérôme Guedj et les membres du groupe Socialistes et apparentés, qui a recueilli un avis favorable du rapporteur général de la commission des affaires sociales, le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse de l’Assemblée.

S’inspirant d’un compromis esquissé durant l’examen du projet de loi par la commission des affaires sociales ([79]), cet amendement a supprimé les dispositions élargissant l’assiette du forfait social à certains compléments salariaux. En outre, au lieu de soumettre les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite à cette contribution au taux de 40 %, il a relevé à ce niveau le taux du prélèvement spécifique applicable à ces indemnités.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● Après que la commission a sollicité l’avis du Gouvernement, qui s’y est déclaré défavorable, le Sénat a adopté un amendement (n° 245 rect. bis) de M. Jean‑Jacques Michau et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain prévoyant un nouveau cas de déblocage des avoirs issus de la participation ou de l’intéressement pour financer le rachat d’une participation, d’actions ou de valeurs mobilières d’une entreprise par ses salariés (nouveau I A), et soumettant au forfait social au taux réduit de 8 % les « droits au titre de la participation aux résultats de l’entreprise débloqués » dans ces conditions (nouveau b du du I).

Plus précisément, le nouveau paragraphe I A introduit aux articles L. 23‑10‑1 et L. 23‑10‑7 du code de commerce – relatifs à la présentation d’une offre d’achat par les salariés d’entreprises comptant respectivement moins de cinquante salariés et plus de cinquante salariés en cas de vente de parts sociales donnant accès à la majorité du capital de ces sociétés – un nouvel alinéa prévoyant que « les droits au titre de la participation aux résultats de l’entreprise affectés à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d’un plan d’épargne salariale ou à un compte courant [bloqué] et les sommes attribuées au titre de l’intéressement affectées à un plan d’épargne [d’entreprise], à l’exclusion des droits et sommes affectés à des fonds investis dans des entreprises solidaires [...] » peuvent faire l’objet d’un déblocage anticipé à la « demande du salarié pour financer un projet de rachat total ou partiel d’une participation ou d’actions ou de valeurs mobilières » de l’entreprise qui l’emploie.

Le b du du I complète l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale – qui définit le taux applicable à chacune des assiettes du forfait social – dispose que « le taux de 8 % s’applique [...] aux droits au titre de la participation aux résultats de l’entreprise débloqués » dans les conditions ainsi définies « pour financer un projet de rachat total ou partiel d’une participation, d’actions ou de valeurs mobilières par les salariés », sans préjudice des exonérations de forfait social en vigueur.

D’après son exposé sommaire, cet amendement visait à étendre à l’ensemble des entreprises le bénéfice de dispositions propres aux sociétés coopératives de production (Scop, cf. infra([80]).

● En principe, les droits ou sommes issus de la participation ou de l’intéressement affectés à un plan d’épargne salariale ne sont exigibles par leurs bénéficiaires qu’à l’expiration d’un délai de cinq ans, sauf dans des circonstances particulières tenant à la situation personnelle ou professionnelle du salarié, ou pour certains usages ([81]). En particulier, cette liquidation anticipée est possible en cas de reprise d’une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous la forme d’une société, à condition que le salarié concerné en exerce le contrôle, ou encore pour acquérir des parts sociales d’une société coopérative de production ([82]).

Par ailleurs, les versements de l’employeur à la réserve spéciale de participation sont en principe soumis au forfait social au taux de 20 % ([83]), sauf dans les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ne sont pas redevables de cette contribution sur ces sommes ([84]). Toutefois, conformément au deuxième alinéa de l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale, un taux réduit de 8 % s’applique aux sommes affectées en parts sociales ou en comptes courants bloqués au sein des sociétés coopératives de production ([85]). Ce taux correspond à l’ancien taux de droit commun du forfait social applicable jusqu’en 2012, année durant laquelle une loi de finances rectificative a fixé celui-ci à 20 % tout en prévoyant plusieurs dérogations, dont l’une a consisté à maintenir inchangé le taux applicable aux Scop ([86]).

● Sous sa forme actuelle, la réduction du taux du forfait social adoptée par le Sénat ne semble pas correspondre à l’objectif poursuivi. En effet, cette contribution est due par l’employeur sur les versements qu’il effectue au titre de la participation et non sur les sommes issues du déblocage de l’épargne salariale ainsi constituée, de sorte que les « droits au titre de la participation aux résultats de l’entreprise débloqués » pour financer l’acquisition d’une part du capital de l’entreprise, auxquels s’appliquerait cette réduction de taux, ne font en réalité pas partie de l’assiette du forfait social.

En outre, l’on peut s’interroger sur la pertinence d’étendre à l’ensemble des entreprises un taux réduit justifié par la situation économique particulière des Scop. On peut relever que, lors des travaux préparatoires de la loi dite « Pacte » ([87]), dont l’article 155 a modifié le régime social applicable à l’épargne salariale dans le but d’en favoriser le développement, le maintien d’un régime dérogatoire favorable à ces sociétés avait été explicitement motivé par « l’équilibre financier souvent précaire » de celles-ci ([88]), constat qui ne peut être transposé à l’ensemble des entreprises.

● Par ailleurs, à propos du nouveau cas de déblocage anticipé de droits issus de la participation et de l’intéressement dorénavant prévu par l’article 8, il convient de relever que l’article L. 3332-16 du code du travail prévoit déjà la possibilité d’affecter les sommes versées sur un plan d’épargne d’entreprise à un fonds – qualifié de « fonds commun de placement d’entreprise spécifique », et également appelé « FCPE de reprise » –, consacré au rachat des titres de cette entreprise ou d’entreprises du même groupe dans le cadre d’opérations de rachat réservées aux salariés. Les organisations signataires de l’accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise avaient d’ailleurs demandé « à l’administration de préciser le mode de fonctionnement » de cet instrument pour favoriser le recours à celui-ci ([89]).

3.   La position du rapporteur général

Au vu des limites que présente le nouveau dispositif introduit à cet article lors de l’examen du projet de loi par le Sénat, le rapporteur général propose de rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Au demeurant, s’il estime que la mobilisation de l’épargne salariale en faveur de l’acquisition par les salariés d’une partie du capital de leur entreprise pourrait être encouragée, une telle mesure ne relève pas véritablement du domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

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Article 8 bis A (nouveau)
Plafonnement de certaines exemptions d’assiette de cotisations sociales pour les salariés dont la rémunération excède trois fois le salaire minimum

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat en première lecture.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu de l’amendement n° 1678 de Mme Annie Le Houerou et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, adopté contre l’avis du Gouvernement, la rapporteure générale de la commission des affaires sociales ayant indiqué qu’elle le soutenait à titre personnel tout en appelant à ce qu’il soit modifié au cours de la navette ([90]).

Cette disposition vise en premier lieu, dans le cas des salariés dont la rémunération excède trois fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) ([91]), à réintégrer à l’assiette des cotisations sociales, définie à l’article L. 242‑1 du code de la sécurité sociale, la part des sommes versées au titre de différents dispositifs de partage de la valeur qui dépasse 6 000 euros au cours d’une année civile (I). Ce seuil s’appliquerait :

– aux sommes allouées au titre de l’intéressement ;

– aux sommes réparties au titre de la réserve spéciale de participation ;

– aux sommes versées par l’employeur à un plan d’épargne d’entreprise ou à un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif.

Dans le même esprit, l’article propose, également pour les seuls salariés dont la rémunération est supérieure à 3 Smic, de ne pas appliquer l’exonération de cotisations sociales et de forfait social à la fraction des primes versées dans le cadre d’un plan de partage de la valorisation de l’entreprise qui excède 6 000 euros (II).

En l’état du droit, ces instruments de partage de la valeur sont soumis à la contribution sociale généralisée (CSG), à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et au forfait social dans des conditions qui, s’agissant de cette dernière contribution, varient en fonction de la taille de l’entreprise ou de l’emploi des sommes qui en procèdent.

Taux de forfait social applicable aux revenus d’activité exclus de l’assiette des cotisations sociales mais soumis à la CSG-CRDS

Source : annexe 2 du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024, p. 37.

● D’après l’exposé sommaire de l’amendement dont cet article est issu, celui-ci vise à mettre en œuvre une préconisation formulée par la Cour des comptes dans le chapitre du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de 2024 relatif aux règles dérogatoires d’assujettissement aux cotisations et aux contributions sociales applicables à certains accessoires du salaire. Ce rapport préconisait notamment, dans le but de « limiter les effets de cumul des exemptions de cotisations sociales et de substitution sur le long terme aux salaires de base, [d’]abaisser les plafonds d’exemption des compléments de salaire de partage de la valeur en entreprise en les alignant sur ceux de la prime de partage de la valeur » ([92]), qui est exonérée de cotisations sociales dans la limite de 3 000 euros par bénéficiaire et par année civile. Ce plafond est porté à 6 000 euros pour les employeurs qui mettent en œuvre un dispositif d’intéressement ou, dans les entreprises où sa mise en place n’est pas obligatoire, un accord de participation ([93]). Par comparaison, les régimes propres aux autres dispositifs de partage de la valeur ne prévoient pas de seuil à partir duquel les sommes qui en sont issues seraient soumises aux cotisations et aux contributions sociales dans les conditions de droit commun. Certains dispositifs prévoient toutefois un plafond de versement, à l’instar de la participation et de l’intéressement, le montant des droits alloués et des sommes versées à un salarié ne pouvant excéder au cours d’une année 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass), soit environ 35 300 euros en 2025.

● D’après la rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat, la mesure proposée par cet article entraînerait en 2026 des recettes supplémentaires de 400 millions d’euros pour les régimes obligatoires de base et de 700 millions d’euros pour l’ensemble des administrations publiques ([94]).

2.   La position du rapporteur général

● La disposition introduite par le Sénat s’inscrit dans le cadre de la réflexion engagée, à la faveur de rapports récents ([95]) qui ont trouvé un écho lors de l’examen des deux derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale ([96]), sur le régime social et fiscal de certains éléments de rémunération exclus de l’assiette des cotisations. La commission des affaires sociales s’est saisie de cette question en demandant au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) d’évaluer la pertinence et les modalités d’un éventuel rapprochement des assiettes respectives des cotisations sociales et de la contribution sociale généralisée (CSG) ([97]).

Parmi les pistes envisagées par le CPO figurait notamment l’instauration d’un plafonnement des dispositifs dérogatoires passant par la définition :

– soit d’un point de sortie correspondant à un montant du complément de salaire, exprimé en pourcentage d’un multiple de référence, telle qu’une fraction du plafond de la sécurité sociale, ou d’un montant fixe en euros, comme c’est le cas s’agissant de la prime de partage de la valeur ;

– soit d’un point de sortie défini en fonction du niveau de rémunération du bénéficiaire. Suivant cette logique, « au-delà d’un montant de salaire, l’exemption ne s’applique pas ou, pour éviter les effets de seuil, décroît jusqu’à un point de sortie sur le modèle des allègements généraux » ([98]). Le CPO souligne qu’un tel plafonnement pourrait s’appliquer au niveau individuel, sur le modèle de certaines niches fiscales, ou au niveau de l’entreprise, ce qui pourrait limiter les disparités entre les avantages perçus par les salariés.

L’article 8 bis A combine ces deux logiques, qu’il met en œuvre de façon cumulative.

● Le rapporteur général, qui est favorable au développement des dispositifs de partage de la valeur au sein de l’entreprise, n’est pas opposé par principe à ce qu’une réflexion soit menée concernant le régime social et fiscal ainsi que les modalités de mise en œuvre de ces instruments, dans le but d’en accroître la lisibilité pour les entreprises et leurs salariés ou de corriger d’éventuels effets d’aubaine. C’est dans cet esprit qu’il prend acte des recommandations formulées par le CPO dans son avis, dont la portée dépasse au demeurant le cas des compléments de salaire concernés par cet article.

Par ailleurs, il convient de rappeler que, comme le souligne le CPO, plusieurs évaluations portant sur certaines catégories de compléments de salaire ont été conduites ou engagées au cours de l’année écoulée, dont des missions relatives au régime social du financement patronal de la protection sociale complémentaire, au régime des avantages accordés par les comités sociaux et économiques et à celui des indemnités de rupture du contrat de travail. Le rapporteur général estime qu’il serait opportun de disposer d’une vision d’ensemble de ces dispositifs avant d’en engager la réforme ou d’en restreindre le champ d’application.

Plus spécifiquement, s’agissant des dispositions de l’article, le rapporteur général note que le CPO a souligné que la mise en œuvre du plafonnement proposé, « qui n’existe pas en l’état [nécessiterait] des investigations complémentaires car il pourrait accroître la complexité des obligations reposant sur les entreprises » ([99]). En particulier, sous sa forme actuelle, ce plafonnement présenterait l’inconvénient d’introduire un effet de seuil au niveau de la rémunération à compter de laquelle les sommes concernées seraient intégrées à l’assiette des cotisations. Il pourrait limiter la capacité des entreprises à recourir au profit de leurs salariés les plus qualifiés aux différents instruments d’épargne salariale. En outre, en l’absence d’approche globale des compléments de salaire, toute réduction de l’avantage comparatif de l’un d’entre eux pourrait favoriser le report vers d’autres modes de rémunération alternatifs au salaire de base, sans gain pérenne pour les finances sociales.

 Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et de la difficulté de faire aboutir une réforme du régime social des dispositifs de partage de la valeur dans le temps imparti à l’examen du projet de loi, le rapporteur général propose de supprimer cet article.

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Article 8 bis
Expérimentation de la possibilité pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole d’opter pour que leurs cotisations soient calculées sur la base d’une estimation de leurs revenus professionnels de l’année en cours

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : modifié.

  1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu d’un amendement (n° 2290) du rapporteur général, à propos duquel le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée nationale, qui vise à introduire à titre expérimental un nouveau mode de calcul des cotisations des non-salariés agricoles.

En l’état du droit, les cotisations sociales dues par les chefs d’exploitation et d’entreprise agricole sont en principe calculées sur la moyenne de leurs revenus professionnels des trois années antérieures à celle au titre de laquelle les cotisations sont dues ([100]). Le recours à une assiette triennale permet de lisser les revenus pris en compte dans ce calcul afin d’éviter que le montant des cotisations varie trop fortement d’une année à l’autre. Les non-salariés agricoles peuvent également opter pour que leurs cotisations soient calculées sur leurs revenus professionnels se rapportant à l’année précédant celle au titre de laquelle ces cotisations sont dues ([101]).

Le I de l’article 8 bis prévoit que, jusqu’au 31 décembre 2028, à titre expérimental, les chefs d’exploitation et d’entreprise agricole puissent opter pour que leurs cotisations soient calculées sur la base d’une estimation de leurs revenus professionnels de l’année en cours, sous réserve d’une régularisation ultérieure fondée sur les revenus professionnels définitifs.

Son II renvoie à un décret la définition des conditions de mise en œuvre de cette expérimentation.

Son III prévoit que l’article entre en vigueur – et donc que l’expérimentation débute – le 1er octobre 2026. Cette date a d’abord été choisie pour laisser au Gouvernement et à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (MSA) le temps nécessaire pour mener les travaux préalables à cette expérimentation, qui débutera au cours d’une année durant laquelle entreront en application à la fois la réforme de l’assiette sociale des travailleurs indépendants agricoles et celle du calcul de leurs droits à pension. En outre, prévoir une entrée en vigueur au cours de l’année 2026 permet de satisfaire à la règle définie par le c du 1° de l’article L.O. 111-3-7 du code de la sécurité sociale, qui exclut que des dispositions ne présentant pas un caractère permanent puissent figurer dans la loi de financement de la sécurité sociale de l’année, dès lors que ces dispositions ne sont applicables qu’aux années ultérieures.

Il convient de rappeler que l’article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, inséré lors de l’examen en première lecture par le Sénat, prévoyait la possibilité pour le Gouvernement de mettre en œuvre une expérimentation présentant un objet analogue ([102]). Toutefois, cet article a conféré une simple faculté au Gouvernement et non l’obligation de mener cette expérimentation. Il prévoyait au demeurant que le décret définissant les conditions de celle-ci soit pris au plus tard le 1er octobre 2025. En outre, il limitait cette expérimentation à trois régions alors que, d’après les informations communiquées au rapporteur général par la caisse centrale de MSA, il serait plus aisé, d’un point de vue technique, de la conduire à l’échelle nationale.

● Le Gouvernement a conservé cet article dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Suivant l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement (n° 600) de la commission pour prévoir la remise d’un rapport d’évaluation de cette expérimentation appréciant la pertinence de sa généralisation et pour abroger par coordination l’article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 précité, rendu caduc par l’article 8 bis.

Suivant l’avis de la commission et du Gouvernement, le Sénat a auparavant adopté un sous-amendement (n° 1805 rect. ter) déposé par M. Henri Cabanel et plusieurs de ses collègues du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen) ainsi que M. Laurent Duplomb (groupe Les Républicains) modifiant la date de la remise du rapport d’évaluation susmentionné – qui devrait intervenir au plus tard le 31 décembre 2027 et non six mois avant le terme de l’expérimentation comme le proposait l’amendement de la commission – et précisant que celui-ci devrait évaluer la pertinence de généraliser la mesure dès le lendemain de l’expiration du cadre expérimental.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose d’adopter cet article dans sa rédaction issue des travaux du Sénat, qui lui semble avoir utilement complété les dispositions introduites par l’Assemblée nationale.

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Article 8 ter
Ajustement et pérennisation du régime social de certains instruments de fidélisation des salariés et dirigeants d’entreprise par leur association au capital

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

Cet article est issu de l’amendement n° 2289 de M. Paul Midy (groupe Ensemble pour la République), ayant reçu un avis favorable du rapporteur général de la commission des affaires sociales et du Gouvernement.

a.   Le droit existant

● Afin d’aligner les intérêts de ses dirigeants et salariés sur ceux de ses actionnaires, une société peut mettre en place des dispositifs spécifiques d’acquisition d’actions à son capital, qualifiés de « management packages ».

Pour constituer ces derniers, certaines entreprises recourent notamment à des instruments qui ne sont pas uniquement réservés aux salariés et dont le régime d’imposition n’est pas encadré par la loi ([103]), tels que les bons autonomes de souscription d’actions (BSA) ou les contrats d’option d’achat d’actions ([104]).

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2025, en application de trois décisions du Conseil d’État rendues le 13 juillet 2021 ([105]) :

– l’acquisition ou la souscription de ces instruments à un tarif préférentiel étaient requalifiées par l’administration fiscale comme un avantage assimilé aux traitements et salaires soumis à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, dès lors que cet avantage trouvait « essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou de salarié » ([106]) ;

– suivant un raisonnement analogue, alors que les gains issus de la cession de ces instruments sont en principe imposables comme des plus‑values de cession de valeurs mobilières, ils étaient également imposés dans la catégorie des traitements et salaires et soumis aux cotisations sociales lorsque, compte tenu des conditions de cette cession, ces gains constituaient la contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant. Le Conseil d’État a également jugé que, lorsque l’action était cédée dans des délais tels que sa valeur réelle n’avait pas évolué depuis la levée de l’option, l’administration était fondée à imposer l’intégralité de l’écart entre le prix de cession et le prix d’achat majoré du montant acquitté pour acquérir cette option ainsi que de l’avantage ayant été éventuellement imposé dans la catégorie des traitements et salaires ([107]).

● Depuis, l’article 93 de la loi de finances pour 2025, introduit par voie d’amendement ([108]), a défini deux régimes distincts applicables aux gains réalisés sur les titres souscrits ou acquis par des salariés ou des dirigeants ou attribués à ceux-ci en contrepartie de leurs fonctions dans la société émettrice :

– la fraction de ces gains inférieure au triple de la performance financière de l’entreprise durant la période de détention du titre ([109]) est assujettie au prélèvement forfaitaire unique – au taux de 30 % – dans les mêmes conditions que les plus-values de cession de valeurs mobilières ([110]) et soumise à un prélèvement social spécifique au taux de 10 % à la charge du bénéficiaire, dont le produit est affecté à la branche famille ([111]). ;

– au-delà du seuil de performance financière précité, ces gains sont imposés suivant les règles de droit commun des traitements et salaires ([112]). Il en est de même lorsque la durée de détention des titres est inférieure à deux ans ou en l’absence de risque de perte de la valeur d’acquisition ou de souscription de ceux-ci ([113]).

Par ailleurs, les mêmes gains sont exclus de l’assiette de la CSG sur les revenus d’activité et de celle des cotisations sociales ([114]). Conformément au bornage des dispositifs sociaux dérogatoires prévu par le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale, l’application du régime social propre aux management packages – constitué de l’exemption d’assiette et de la contribution spécifique précitées – est actuellement limitée à la période courant jusqu’au 31 décembre 2027.

b.   Le dispositif proposé

● L’article 8 ter précise la définition du champ d’application du régime social des management packages en le mettant en cohérence avec l’assiette de leur régime fiscal.

En l’état du droit, l’exemption d’assiette et la contribution précitées portent sur « le gain net réalisé sur des titres souscrits ou acquis par des salariés ou des dirigeants ou attribués à ceux-ci qui est acquis en contrepartie des fonctions de salarié ou de dirigeant dans la société émettrice de ces titres, dans toute société dans laquelle la société émettrice détient directement ou indirectement une quote-part du capital ou dans toute société qui détient directement ou indirectement une quote-part du capital de la société émettrice » ([115]).

Le du I propose de soumettre à ce régime particulier « le gain net mentionné au premier alinéa du II de l’article 163 bis H du code général des impôts ainsi que la fraction de ce gain qui excède la limite » précitée, laquelle correspond au triple de la performance financière de l’entreprise déterminée dans les conditions décrites plus haut. Outre qu’il lie expressément le régime social propre aux management packages aux dispositions fiscales applicables à ces instruments, le renvoi au code général des impôts permet de préciser certains éléments de l’assiette de ce régime, notamment quant à la condition de durée de détention des titres ou à celle tenant au risque de perte. Ainsi, aux termes du premier alinéa du II de l’article 163 bis H précité, « s’agissant des [attributions gratuites d’actions], le prix payé est réputé être la valeur d’acquisition desdits titres. Les [attributions gratuites d’actions et les options de souscription ou d’achat d’actions] doivent présenter un risque de perte de leur valeur d’acquisition ou de souscription. Les [autres titres] doivent présenter un risque de perte du capital souscrit ou acquis et avoir été détenus pendant deux ans au moins ».

Le du I tire les conséquences de ce changement de définition dans le dispositif de l’article L. 137‑42 du code de la sécurité sociale, relatif à la contribution spécifique précitée, laquelle porterait sur « la fraction du gain net mentionné au premier alinéa du II de l’article 163 bis H du code général des impôts qui excède la limite déterminée dans les conditions définies au même premier alinéa », et non plus sur « les avantages mentionnés au a bis du 3° du III de l’article L. 13611 qui sont imposés à l’impôt sur le revenu suivant les règles de droit commun des traitements et salaires ».

Par ailleurs, le II pérennise le régime social applicable à ces instruments de fidélisation, ce que seule une loi de financement de la sécurité sociale peut faire aux termes du 2° du I de l’article L.O. 111‑3‑16 du code de la sécurité sociale ([116]).

Le III précise que les ajustements du régime social des management packages s’applique aux dispositions, aux cessions, aux conventions ou aux mises en location réalisées à compter du 15 février 2025, soit la date à laquelle est entré en vigueur le nouveau régime social et fiscal applicable à ces instruments.

● Le Gouvernement a conservé cet article dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● Outre un amendement de coordination (n° 1819) de la commission ([117]), le Sénat a d’abord adopté, contre l’avis du Gouvernement, deux amendements identiques n° 601 de la commission et n° 1056 de Mme Raymonde Poncet Monge et des membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, supprimant la pérennisation de ce régime dérogatoire.

La commission des affaires sociales a jugé que la pérennisation d’un régime social particulier moins d’un an après son entrée en application était contraire à l’esprit du cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale, qui a limité à trois ans la durée des niches sociales notamment pour qu’il soit possible d’en évaluer la pertinence avant d’en prolonger la mise en œuvre ([118]).

● Par ailleurs, contre l’avis de la commission et du Gouvernement, le Sénat a adopté deux amendements identiques n° 258 rect. de M. Michel Savin et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains et n° 720 rect. bis de M. Claude Kern et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste, excluant de l’assiette de la CSG sur les revenus d’activité, dans des conditions et limites prévues par décret, « les avantages que représentent pour ses salariés la mise à disposition par l’employeur de places pour assister à des événements sportifs à destination de l’ensemble de ses salariés » (nouveau  bis du I de l’article 8 ter([119]).

3.   La position du rapporteur général

● Moyennant la modification rédactionnelle bienvenue effectuée par le Sénat, le rapporteur général propose de rétablir la rédaction de cet article issue des travaux de l’Assemblée nationale.

S’il partage la préoccupation exprimée par la commission des affaires sociales du Sénat quant à l’importance d’évaluer les niches sociales, il lui semble que l’intérêt du bornage des dispositifs dérogatoires dans le temps doit être concilié avec l’exigence de sécurité juridique et de stabilité de la norme fiscale et sociale. Or, comme l’a rappelé le ministre du travail et des solidarités devant le Sénat ([120]), les opérations qui donnent lieu à l’attribution de management packages – lesquels sont notamment utilisés dans le cadre d’opérations d’achat à effet de levier – se déroulent au cours de plusieurs années, raison pour laquelle il paraît justifié de conférer aux entreprises concernées une visibilité suffisante quant au cadre juridique applicable.

● En outre, l’exclusion de l’assiette sociale de l’avantage résultant de la mise à disposition par l’employeur de places pour assister à des événements sportifs ne lui semble pas justifiée compte tenu des contraintes qui pèsent sur le financement de la sécurité sociale. Le rapporteur général estime injustifié d’établir un nouveau régime d’exemption au risque de constituer un précédent qui entraînerait ensuite l’exclusion d’autres avantages en nature de l’assiette des contributions et des cotisations sociales.

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Article 8 quater
Précision relative au champ des bénéfices intégrés à l’assiette sociale des travailleurs indépendants agricoles et exonération de contribution sociale généralisée des indemnités d’abattage affectées à la reconstitution du cheptel

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de six amendements identiques n° 76 rect. de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, n° 1106 rect. de Mmes Valérie Bazin-Malgras et Frédérique Meunier (groupe Droite Républicaine), n° 1318 rect. de M. Hervé Berville (groupe Ensemble pour la République), n° 1508 rect. de MM. Lionel Vuibert (Non inscrit) et Didier Le Gac (groupe Ensemble pour la République), n° 1926 rect. de M. David Taupiac et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires et n° 1961 rect. de M. Gérard Leseul et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, sous‑amendés par le rapporteur général, ayant reçu un avis favorable de ce dernier et du Gouvernement.

Cette disposition apporte une précision technique à la définition de l’assiette des contributions sociales dues par les non-salariés agricoles, laquelle a été réformée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et a fait l’objet d’ajustements supplémentaires dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ([121]). Celle-ci a notamment réintégré à l’assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) des travailleurs indépendants agricoles les bénéfices tirés d’activités commerciales (BIC) et non commerciales (BNC), définis respectivement aux articles 34 et 92 du code général des impôts. Toutefois, ces deux articles ne concernent pas spécifiquement les bénéfices résultant d’activités agricoles, alors même que seuls les revenus issus des activités commerciales et non commerciales considérés comme des travaux agricoles ou forestiers en application des articles L. 722‑1 à L. 722‑3 du code rural et de la pêche maritime sont en principe intégrés à l’assiette des contributions dues par les exploitants.

L’article 8 quater tend à remédier à cette malfaçon en intégrant uniquement à cette assiette les BIC et les BNC tirés d’activités dont l’exercice relève du champ du régime social agricole défini aux articles précités du code rural et de la pêche maritime.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution, le Gouvernement a transmis cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● Suivant l’avis de la commission et après que le Gouvernement s’en est remis à la sagesse du Sénat, celui-ci a adopté deux amendements identiques n° 17 rect. de Mme Sylvie Vermeillet et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste et n° 223 rect. ter de M. Franck Menonville et plusieurs de ses collègues des groupes Union Centriste et Les Républicains.

Le nouvel alinéa ( du I) inséré par ces amendements exclut de l’assiette des contributions sociales des non-salariés agricoles la fraction de l’indemnité perçue par les exploitants au titre de l’abattage des animaux d’un cheptel affecté à la reproduction excédant la valeur nette à l’actif de ces animaux à la date de leur abattage. D’après leur exposé sommaire, ils visaient à étendre aux contributions et aux cotisations sociales agricoles l’exonération d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés portant sur les mêmes sommes instaurée par les C et D de l’article 10 du projet de loi de finances pour 2026.

● L’indemnité perçue par les exploitants dont tout ou partie du cheptel a été abattu sur l’ordre de l’administration en application de l’article L. 221–2 du code rural et de la pêche maritime est calculée sur la base de la valeur de remplacement des animaux, laquelle est constituée, d’une part, de la valeur marchande de ces derniers au jour de l’abattage, ou « valeur marchande objective » (VMO) ([122]) ; et, d’autre part, des frais de renouvellement du cheptel, tels que les frais de désinfection des bâtiments et des équipements d’élevage, les frais de transport et d’approche ainsi que les frais sanitaires – notamment de vaccination – engagés lors de l’intégration des nouveaux animaux.

Les indemnités perçues à la suite d’un sinistre sont comptabilisées dans les résultats de l’entreprise comme des produits exceptionnels et peuvent à ce titre donner lieu à la constatation de plus‑values ou de profits sur stocks. Aussi, comme l’explique le rapporteur général de la commission des finances dans son commentaire de la disposition précitée du projet de loi de finances ([123]), « [lorsque] les animaux abattus sont immobilisés et amortis dans les comptes de l’exploitation, l’abattage constitue une cession involontaire dont les indemnités peuvent constituer une plus‑value dès lors que le montant des indemnités dépasse la valeur nette du cheptel abattu. La valeur nette est calculée à partir du prix d’acquisition du cheptel, auquel sont appliqués les amortissements en matière d’immobilisations [...].

« [Lorsque] les animaux abattus font partie du stock, ces mêmes indemnités peuvent entraîner un profit sur stock résultant de la différence entre le montant de l’indemnité et la valeur en stock des animaux abattus. Cette valeur en stock correspond en principe au prix de revient, c’est-à-dire au prix d’achat des animaux majoré des dépenses engagées pour les élever, sous réserve de dispositions particulières.

« Ces plus‑values étant en principe imposables au titre de l’exercice de l’abattage, les exploitants peuvent être pénalisés lorsque les animaux abattus sont affectés à la reproduction du cheptel, puisque l’indemnité ne pourrait pas être entièrement consacrée à la reconstitution de ce cheptel », une partie de ces sommes étant consacrées au paiement de l’impôt.

Si plusieurs dispositifs permettent aux exploitants agricoles d’atténuer l’incidence de la fiscalisation des plus-values et des profits sur stocks résultant de la perception de ces indemnités ([124]), ils bénéficient uniquement aux exploitations soumises à l’impôt sur le revenu et ne s’appliquent donc pas à celles assujetties à l’impôt sur les sociétés. De surcroît, ces dispositifs n’empêchent pas qu’une fraction des indemnités soit affectée au paiement de l’impôt ([125]).

C’est pourquoi l’article 10 du projet de loi de finances pour 2026 prévoit d’exonérer d’impôt sur le revenu (article 75‑0 D du code général des impôts rétabli par le C de cet article dudit projet de loi) ou d’impôt sur les sociétés (nouvel article 208 octies du même code) la totalité des plus‑values et des profits sur stocks constitués à raison de la perception d’indemnités versées à l’issue de l’abattage, pour motif sanitaire, d’animaux affectés à la reproduction du cheptel. Pour s’assurer que l’exonération soit limitée aux plus‑values et aux profits sur stocks affectés à la reconstitution de la partie du cheptel affectée à cet usage, son bénéfice serait conditionné à l’emploi des indemnités à la reconstitution de ce cheptel dans un délai d’un an à compter de leur perception.

D’après l’évaluation préalable de cet article, la différence de régime fiscal qu’il institue entre les indemnités versées respectivement en compensation de l’abattage d’un animal affecté à la reproduction du cheptel ou d’un animal qui avait vocation à être vendu à brève échéance est justifiée par la fonction différente desdites indemnités qui, dans le premier cas, visent à garantir la pérennité de l’exploitation par le remplacement des animaux disparus et, dans le second, se substituent de facto au produit d’une vente ([126]).

● Les dispositions introduites par le Sénat visent à exclure de l’assiette des contributions sociales des non-salariés agricoles, définie à l’article L. 136‑4 du code de la sécurité sociale, « les sommes exonérées » d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés en application des deux nouveaux articles du code général des impôts insérés par l’article 10 du projet de loi de finances.

Relevons, à titre liminaire, que ce dispositif semble comporter une malfaçon légistique dans la mesure où il fait référence au « 3°octies » du futur article 208 du code général des impôts, alors même que celui-ci ne comprend de telle division ni dans la rédaction initiale de l’article 10 précité, ni dans la version dans laquelle l’Assemblée nationale a adopté celui-ci avant de rejeter la première partie du projet de loi ([127]).

Sur le fond, il convient de rappeler que le 2° du A du I de l’article L. 136‑4 précité prévoit une exonération de prélèvements sociaux portant sur la différence entre l’indemnité versée en compensation de l’abattage total ou partiel de troupeaux sur l’ordre de l’administration ou des vétérinaires inspecteurs dans leur fonction de protection de la santé des consommateurs ([128]) et la valeur en stock ou en compte d’achats des animaux abattus. Instaurée en 2005 ([129]), cette exclusion d’assiette s’est substituée à un dispositif d’étalement du calcul des cotisations sociales des non-salariés agricoles bénéficiaires d’indemnités d’abattage liées à la lutte contre l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ([130]).

Aussi, il semble que la rédaction actuelle de l’article L. 136‑4 précité réponde en partie à l’intention des auteurs des amendements dont sont issues les dispositions commentées, dans la mesure où l’exonération sociale qu’elle institue porte également sur la différence entre le montant de ces indemnités et la valeur en stock des animaux concernés. En revanche, cette exonération ne porte pas sur la différence entre le montant de l’indemnité et la valeur nette à l’actif de ces animaux, laquelle tient compte à la fois animaux inscrits en stock et de ceux qui sont immobilisés.

En outre, le champ de l’exonération de contributions sociales semble à certains égards plus étendu que celui du nouveau régime fiscal prévu par le projet de loi de finances dans la mesure où, contrairement à ce régime, le dispositif social n’est pas limité aux indemnités versées en compensation de l’abattage des seuls animaux affectés à la reconstitution du cheptel, ni conditionné à ce que ces indemnités soient utilisées dans un délai d’un an à compter de leur perception.

Champ d’application des exonérations prévues à l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale et à l’article 10 du projet de loi de finances

 

Exonération fiscale prévue par l’article 10 du projet de loi de finances pour 2026

Exonération sociale prévue par le 4° du A du I de l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale

Fondement juridique de l’indemnité perçue

Article L. 212–2 du code rural et de la pêche maritime

Article L. 212–2 du code rural et de la pêche maritime et article L. 234–4 du code rural et de la pêche maritime

Cheptel concerné

Uniquement les animaux affectés à la reproduction

Totalité du cheptel

Conditionnalité

Le montant de l’indemnité doit être employé dans un délai d’un an à compter de la date de sa perception, à la reconstitution du cheptel affecté à la reproduction

Aucune condition

Nature de l’actif

Immobilisé ou stocké

Stocké

Source : commission des affaires sociales à partir des réponses du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire au rapporteur général de la commission des affaires sociales.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général partage l’objectif de soutenir les éleveurs confrontés à l’abattage de tout ou partie de leur troupeau et approuve par conséquent les dispositions introduites par le Sénat.

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Article 8 quinquies
Exclusion des plus-values de court terme de l’assiette sociale de certains travailleurs indépendants agricoles

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : adopté sans modification.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de trois amendements identiques n° 77 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, n° 1507 de M. Lionel Vuibert (Non inscrit), M. Didier Le Gac (groupe Ensemble pour la République) et M. Philippe Bonnecarrère (Non inscrit) et n° 1925 de M. David Taupiac et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, ayant reçu un avis favorable du rapporteur général et du Gouvernement.

Cette disposition apporte une précision technique à la définition de l’assiette des contributions sociales dues par les non-salariés agricoles, laquelle a été réformée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et a fait l’objet d’ajustements supplémentaires dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ([131]).

Alors que celle-ci a exclu de l’assiette de droit commun des travailleurs indépendants agricoles certaines plus-values de court terme exonérées d’impôt sur le revenu ([132]), il n’a pas fait de même dans le cas de l’assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) due par les exploitants relevant du régime spécifique de la microentreprise agricole (dit « micro-BA ») ou soumis au forfait forestier, définie au IV de l’article L. 136‑4 du code de la sécurité sociale ([133]).

Aussi, cet article met en cohérence les cas d’exclusion de l’assiette sociale de ces exploitants avec ceux prévus pour les autres indépendants agricoles. Il complète à cet effet la définition de l’assiette de la CSG due par les premiers en prévoyant que celle-ci ne comprend pas « les recettes des sommes mentionnées » au 3° du A du I de l’article L. 136‑4 précité, c’est‑à‑dire les plus-values de court terme susmentionnées.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution, le Gouvernement a transmis cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose d’adopter cet article dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat.

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Article 8 sexies
Réduction des allégements généraux de cotisations patronales pour les branches dont les minima sont inférieurs au Smic

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu d’un amendement n° 1353 de M. Paul‑André Colombani et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, adopté contre l’avis du rapporteur général de la commission des affaires sociales et du Gouvernement.

Il modifie les modalités de calcul de la réduction générale des cotisations patronales dans le cas des entreprises relevant d’une branche au sein de laquelle les rémunérations minimales sont inférieures au Smic. Pour l’essentiel, il reprend la teneur de dispositions introduites à la faveur d’une proposition de rédaction de M. Jérôme Guedj à l’article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ([134]), relatif à la réforme des allégements généraux de cotisations patronales, durant la réunion de la commission mixte paritaire chargée de se prononcer sur les dispositions de ce texte qui restaient en discussion. Les dispositions en question n’avaient toutefois pas été introduites dans le projet de loi lors de son examen en première lecture, l’Assemblée nationale ayant rejeté les conclusions de la commission mixte après que le Premier ministre Michel Barnier eut engagé la responsabilité de son Gouvernement sur celles-ci dans les conditions prévues à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.

● L’article 8 sexies prévoit que le taux d’exonération applicable à chaque rémunération serait calculé, pour les entreprises concernées, sur le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification et non sur le Smic, ce qui se traduirait, pour un niveau de rémunération déterminé, par un montant d’exonération moindre que celle qui résulterait de l’application du droit commun. Cette dérogation aux règles normales de calcul de la réduction générale s’appliquerait aux entreprises qui relèvent d’une branche pour laquelle le salaire minimum national susmentionné était inférieur au Smic en vigueur durant toute l’année civile précédant celle du mois civil au titre duquel le montant de la réduction est calculé et pour lesquelles aucun accord d’entreprise ni aucune décision unilatérale de l’employeur n’ont prévu au cours de l’année civile précédente des salaires supérieurs au Smic applicable.

Un décret préciserait les conditions d’application de ces modalités particulières de calcul de la réduction générale.

● Le dispositif introduit par l’Assemblée nationale en première lecture s’écarte sur deux points de celui issu des travaux de la commission mixte paritaire précitée :

– d’une part, la rédaction de l’article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale issue des travaux de celle-ci prévoyait que les modalités dérogatoires de calcul de la réduction générale qu’il prévoyait ne fussent mises en application qu’à compter du 1er janvier 2026 et dans la seule hypothèse où moins de 90 % des branches dans lesquelles, au 1er novembre 2024, le salaire minimum national professionnel était inférieur au Smic en vigueur se fussent mises en conformité avec le Smic applicable au moins une fois. Au contraire, l’article 8 sexies ne fixe pas de condition à l’entrée en vigueur de la dérogation qu’il prévoit ;

– d’autre part, la rédaction adoptée par la commission mixte renvoyait à un décret la définition des conditions d’application de cette dérogation, en particulier la liste des branches entrant dans le champ d’application de celle-ci. L’article 8 sexies ne mentionne pas cette liste mais prévoit que ce décret devrait notamment envisager le cas des entreprises relevant de plusieurs branches ou de plusieurs conventions collectives.

● Le Gouvernement a conservé cet article dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Suivant l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté l’amendement n° 602 de la commission supprimant cet article.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général approuve la suppression effectuée par le Sénat, suivant des arguments d’ailleurs proches de ceux qu’il avait lui-même énoncés durant l’examen d’amendements semblables par l’Assemblée nationale ([135]).

Il relève que les écueils opérationnels et de principe de l’instauration de modalités dérogatoires de calcul des allégements généraux pour favoriser la conduite de négociations salariales ont été mises en évidence par MM. Marc Ferracci et Jérôme Guedj dans un rapport d’information qui a rencontré un large écho ([136]).

En particulier, sa mise en œuvre soulèverait des difficultés opérationnelles, que les auteurs de l’amendement dont résulte cet article ont d’ailleurs tenté de prendre en considération en mentionnant le cas des entreprises qui relèvent de plusieurs branches. Une entreprise peut en effet relever de plusieurs branches différentes, notamment lorsqu’elle est divisée en établissements ou en filiales. De même, certaines branches se caractérisent par l’existence de plusieurs conventions collectives. Il en résulte qu’une entreprise peut relever de plusieurs conventions collectives à la fois. En outre, certaines conventions collectives peuvent prévoir plusieurs grilles salariales différentes avec des minima distincts. Cette réalité impose donc de prévoir des règles spécifiques dans chacun de ces différents cas. Une telle règle s’ajouterait aux éléments de complexité déclarative que les allégements généraux représentent déjà pour les entreprises, en particulier pour les plus petites d’entre elles, comme pour les organismes de recouvrement.

Au surplus, le problème du maintien de minima conventionnels inférieurs au Smic s’est certes posé durant le choc d’inflation des années 2022 et 2023, au cours desquelles le salaire minimum a été revalorisé à plusieurs reprises, mais il n’est pas certain que cette question retrouve une acuité comparable dans un avenir proche.

Pour ces raisons, les inconvénients de la mesure paraissent excéder ses avantages.

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Article 8 septies
Extension aux entreprises de plus de deux cent cinquante salariés de la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur la rémunération des heures supplémentaires

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : adopté sans modification.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu des amendements identiques n° 879 de M. Laurent Wauquiez et des membres du groupe Droite Républicaine et n° 2283 du rapporteur général. Le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée nationale.

a.   Le droit existant

● La loi dite « Tepa » de 2007 a instauré plusieurs exonérations sociales et fiscales portant sur la rémunération des heures supplémentaires, dont certaines bénéficiaient directement au salarié (exonération des revenus perçus de l’assiette de l’impôt sur le revenu ; réduction des cotisations salariales ; augmentation de la majoration de la rémunération des heures supplémentaires pour les salariés employés dans les entreprises de moins de vingt salariés) quand d’autres étaient à l’avantage de l’employeur, dont la création d’une déduction forfaitaire sur le montant des cotisations à sa charge et l’exclusion des majorations au titre des heures supplémentaires de la rémunération prise en compte dans le calcul de la réduction générale dégressive ([137]).

Le dispositif a ensuite été provisoirement élargi en 2008 ([138]), avant d’être restreint par la loi de finances rectificative pour 2012 ([139]), qui a supprimé les exonérations d’impôt sur le revenu et de cotisations salariales ainsi que la déduction forfaitaire de cotisations patronales applicables aux entreprises de plus de vingt salariés. Cette déduction est toutefois demeurée en vigueur dans les entreprises de moins de vingt salariés, son montant – défini par décret – restant resté fixé à 1,50 euro par heure rémunérée.

● La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a ensuite rétabli le dispositif de réduction des cotisations salariales ([140]), dont la loi dite « Mues » du 22 décembre 2018 a avancé l’entrée en application ([141]). L’exonération d’impôt sur le revenu a également été rétablie par la loi de finances pour 2019 ([142]).

La loi dite « Mupa » du 16 août 2022 a ensuite rétabli la déduction forfaitaire de cotisations patronales pour les entreprises de 20 à 250 salariés ([143]). Le montant de celle-ci, fixé par décret, s’élève à 0,50 euro par heure rémunérée, soit le même montant que la déduction en vigueur jusqu’en 2012 dans les entreprises de plus vingt salariés.

Enfin, la loi de finances rectificative pour 2022 a temporairement permis la monétisation des journées de RTT non prises par le salarié, cette monétisation étant éligible à la réduction de cotisations salariales ([144]). Ce dispositif a été reconduit par la jusqu’au 31 décembre 2026 ([145]).

b.   Le dispositif proposé

● L’article 8 septies supprime la restriction, prévue par le premier alinéa de l’article L. 241‑18‑1 du code de la sécurité sociale, réservant le bénéfice de la déduction forfaitaire de 0,50 euro aux entreprises de moins de 250 salariés. D’après les estimations concordantes du rapporteur général et du Gouvernement, le coût de cet élargissement peut être évalué à 150 millions d’euros.

Conformément à l’esprit du plan Tepa, la mesure proposée vise en premier lieu à inciter le plus grand nombre d’entreprises à proposer à leurs salariés d’effectuer des heures supplémentaires, dans le but d’accroître le pouvoir d’achat des intéressés. Elle corrigerait ce faisant une inégalité entre les entreprises et entre les salariés tenant au seuil d’effectif en vigueur. La disparition de cet effet de seuil bénéficierait d’ailleurs, compte tenu du caractère forfaitaire de la déduction, proportionnellement davantage aux salariés aux revenus modestes.

● Le Gouvernement a conservé cet article dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose d’adopter cet article dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat.

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Article 8 octies
Rapport d’évaluation de la réforme du Régime social des indépendants et du recouvrement des cotisations au titre de ce régime

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’amendement n° 91 de M. Max Mathiasin et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre‑mer et Territoires. En séance publique, le rapporteur général a constaté que les questions sous-jacentes à la demande de rapport formulée par cet amendement appelaient une réponse du Gouvernement, lequel s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée nationale quant à son adoption.

L’article prévoit la remise d’un rapport améliorant l’information du Parlement sur l’application de l’article 15 de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, lequel a supprimé le Régime social des indépendants (RSI) afin d’intégrer la sécurité sociale des indépendants (SSI) au régime général.

Ce rapport analyserait plus précisément « la fiabilité du [système national de la gestion des comptes des cotisants, dit] système national version 2 sur lequel repose le recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants » au titre de l’ancien RSI et du régime actuel, « ainsi que les difficultés persistantes rencontrées par les travailleurs indépendants, en particulier en outre‑mer », qui se verraient réclamer des « sommes indues » au titre de leurs arriérés auprès de l’ancien RSI. Il comporterait des propositions visant à favoriser un règlement amiable de cette situation.

● Comme le rappelle l’exposé sommaire de l’amendement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 avait prévu, selon une formulation voisine quoique plus étroite – dans la mesure où elle ne concernait que les travailleurs indépendants ultramarins –, la remise d’un rapport qui ne semble pas avoir été transmis au Parlement ([146]).

 

Article 27 de la LFSS 2024

Article 8 octies du PLFSS 2026

Avant le 1er avril 2024, le Gouvernement remet un rapport d’évaluation de l’article 15 de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018. Ce rapport évalue notamment les difficultés persistantes rencontrées par les travailleurs indépendants pour rembourser leurs dettes envers l’ancien régime social des indépendants en outre-mer, en particulier à La Réunion, ainsi que les pistes de solutions permettant un règlement amiable de cette situation.

 

Avant le 1er avril 2026, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’article 15 de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018. Ce rapport évalue notamment la fiabilité du système national version 2 sur lequel repose le recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants au titre de l’ancien régime social des indépendants et du régime actuel, ainsi que les difficultés persistantes rencontrées par les travailleurs indépendants, en particulier en outre-mer, qui se voient réclamer des sommes indues. Il analyse les éléments liés à l’acquisition de la personnalité morale par le régime social des indépendants et les entités se présentant comme venant à ses droits et il propose des solutions permettant un règlement amiable de cette situation.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Suivant l’avis du Gouvernement, et en vertu d’une position de principe concernant les demandes de rapport, le Sénat a adopté l’amendement n° 603 de la commission supprimant cet article.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général appelle le Gouvernement à remettre au Parlement le rapport prévu par l’article 27 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, ce qui permettrait de répondre aux interrogations exprimées par les auteurs de l’amendement.

Par ailleurs, le rapporteur général prend acte de l’engagement formulé par la ministre de l’action et des comptes publics devant l’Assemblée nationale de s’assurer que les parlementaires ultramarins puissent aborder à brève échéance avec l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), représentée par son directeur, les problèmes mis en évidence par cette demande de rapport ([147]).

● Compte tenu de cet engagement et de l’existence d’une disposition analogue dans une loi de financement antérieure, le rapporteur général propose de ne pas rétablir cet article supprimé par le Sénat, dont il approuve néanmoins l’esprit.

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Article 9
Rationalisation d’exonérations spécifiques

Origine de l’article : article du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : modifié.

  1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article réforme plusieurs exonérations de cotisations sociales ciblées sur des territoires ou des publics particuliers :

– il diminue le niveau maximal de l’exonération de cotisations patronales applicable aux créateurs et aux repreneurs d’entreprise (Acre), tout en réservant ce dispositif aux demandeurs d’emploi et à certains publics vulnérables ;

– il réforme les exonérations spécifiques applicables à certaines entreprises établies dans certains départements, régions et collectivités d’outre-mer (dites « Lodeom ») ;

– il supprime l’exonération de cotisations salariales dont bénéficient les apprentis sur une partie de leur rémunération ;

– enfin, il restreint le bénéfice de l’exonération de cotisations patronales applicables aux jeunes entreprises innovantes (JEI) aux entreprises dont les charges comptent au moins 25 % de dépenses de recherche et développement, contre 20 % actuellement.

● L’Assemblée nationale a supprimé la plus grande partie des dispositions de l’article, à la faveur :

– huit amendements identiques supprimant la réforme du dispositif Lodéom ([148]) ;

– sept amendements identiques, relatifs à la suppression de l’exonération de cotisations salariales applicable à la rémunération des apprentis ([149]) ;

– deux amendements identiques, dans le cas du resserrement du champ d’application du dispositif des JEI ([150]).

Par ailleurs, à la faveur d’un amendement n° 2159 de Mme Sandrine Rousseau, l’Assemblée nationale a maintenu à son niveau actuel, soit la totalité des cotisations dues, le niveau l’exonération au titre de l’aide à la création et à la reprise d’entreprises, en supprimant les dispositions qui le réduisaient à 25 % de ces cotisations. À l’initiative du rapporteur général ([151]), elle a également prévu que cette exonération continue de s’appliquer aux créateurs et aux repreneurs d’entreprises situées dans des territoires bénéficiant du statut de zone France ruralités revitalisation (ZFRR) ou de zone France ruralités revitalisation renforcée (ZFRR+) ([152]), l’auteur de l’amendement ayant constaté que la rédaction initiale maintenait cette exonération dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● Suivant l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté deux amendements de la commission rétablissant certaines dispositions de la rédaction initiale supprimées par l’Assemblée nationale :

– l’amendement n° 604 a réduit le niveau de l’exonération Acre à 25 % des cotisations sociales dues au cours de la première année d’activité ;

– l’amendement n° 605 a rétabli les dispositions supprimant l’exonération de cotisations salariales en faveur des apprentis.

● Le Sénat n’est cependant pas revenu sur la suppression effectuée par l’Assemblée nationale de la réforme des dispositifs Lodeom et JEI.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général approuve le « recentrage » de l’Acre, dont il convient de rappeler qu’elle n’est pas le seul dispositif de soutien à la création d’entreprises, y compris pour les publics à l’intention desquels celui-ci a d’abord été instauré. En particulier, outre cette exonération, les allocataires de l’assurance chômage peuvent bénéficier du cumul d’une partie de l’allocation d’aide au retour à l’emploi avec les revenus qu’ils tirent de leur nouvelle activité ou obtenir le versement d’une somme correspondant à 60 % de leurs droits à allocation ([153]). Plus généralement, depuis 2017, l’accompagnement à la création et à la reprise d’entreprise est dévolu aux régions, qui mettent en œuvre les dispositifs de leur choix ([154]), lesquels possèdent dans certains cas un champ d’application proche de celui de l’Acre sous la forme que le projet de loi propose de lui donner ([155]).

En outre, la suppression de cette mesure effectuée par l’Assemblée nationale diminuait de deux tiers le montant des économies liées à la réforme ce dispositif ([156]).

● Par ailleurs, le rapporteur général constate qu’un large consensus s’est dégagé à l’Assemblée nationale comme au Sénat pour ne pas réduire le niveau des exonérations de cotisations prévues par le dispositif Lodeom. S’il prend acte de l’engagement pris par le Gouvernement de poursuivre les travaux préparatoires à la réforme de cette exonération spécifique ([157]), il regrette que l’examen en première lecture n’ait pas permis, a minima sans augmentation des charges pour les entreprises ultramarines, d’entamer la nécessaire simplification des barèmes, dont chacun s’accorde à reconnaître la complexité ([158]). La rédaction initiale du projet de loi s’y était attelée en proposant de supprimer le barème d’innovation et de croissance ainsi que le régime particulier applicable à Saint‑Barthélemy et à Saint‑Martin, au profit de l’intégration de ces territoires au régime des départements et régions d’outre‑mer (Drom).

Le rapporteur général note que les effets de la réforme du dispositif spécifique propre à ces deux collectivités d’outre‑mer sont difficiles à évaluer en l’état des informations disponibles. Le rapport des inspections générales des affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) dont s’inspire la réforme relevait sur ce point que l’extension du dispositif des Drom à ces territoires au « pourrait avoir un impact différencié à SaintBarthélemy, dans une économie mono-sectorielle où les rémunérations sont plus élevées mais où les exonérations bénéficient essentiellement à l’hôtellerie de luxe et à SaintMartin où les rémunérations sont plus faibles » ([159]).

Le rapporteur général relève que les défauts du barème d’innovation et de croissance ainsi que les conséquences de son éventuelle suppression sont davantage documentés. Les inspections générales ont notamment souligné :

– que « le barème innovation et croissance, au périmètre plus spécifique [que les deux autres barèmes du dispositif applicable aux Drom], ne concerne que les établissements des secteurs des technologies de l’information et des télécommunications (TIC) [...]. Par ailleurs, au sein de ces entreprises, seuls sont éligibles les salariés “concourant directement et principalement” à la réalisation de “projets innovants”. La construction des critères d’éligibilité de ce barème innovation et croissance semble complexe et fragile. En effet, l’appréciation de ces deux critères, quant au salarié et quant au projet, ne repose sur aucune base déclarative particulière. Il n’est donc pas possible pour les services de contrôle des caisses générales de sécurité sociale d’évaluer, sur la seule base des déclarations sociales, le bien-fondé de l’application de l’exonération selon ce barème. Même en cas de contrôle, l’appréciation de ces deux critères reste difficilement objectivable, faisant courir un risque de contentieux. » ([160]) Aussi, « les secteurs qui ne sont pas ciblés par l’esprit du barème innovation et croissance (encourager les projets innovants dans les TIC) représentent au total 41,6 % » du montant des exonérations accordées au titre de ce barème ([161]) ;

 que 84 % des salariés entrant dans le champ d’application de ce régime sont également éligibles aux barèmes de compétitivité ou de compétitivité renforcée de la Lodeom, une part des autres salariés pouvant relever des allégements généraux de droit commun dans leur forme antérieure à la réforme prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ([162]). En conséquence, la suppression de ce régime n’entraînerait pas la perte de l’ensemble des exonérations auquel il donne lieu.

Prenant acte de la poursuite des travaux préparatoires, le rapporteur général propose de reporter à un prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale la réforme du dispositif Lodeom.

● Le rapporteur général a exposé en première lecture dans le rapport de la commission puis lors de l’examen des articles les raisons qui justifient à ses yeux que l’exonération de cotisations salariales applicables à la rémunération des apprentis soit réduite voire supprimée. Dans un esprit de compromis, et pour ne pas modifier les conditions de rémunération des futurs apprentis aux revenus les plus faibles, il proposera comme il l’avait fait en première lecture de réduire le seuil d’exonération à 25 % du Smic pour ces apprentis plutôt que de supprimer entièrement le dispositif.

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Article 9 bis
Exclusion de l’assiette des cotisations sociales de l’avantage tiré de la prise en charge par l’employeur des intérêts d’un crédit immobilier

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu des amendements identiques n° 1346 de M. Lionel Causse et plusieurs de ses collègues des groupes Ensemble pour la République ainsi que des groupes Droite Républicaine, Horizons & Indépendants, Socialistes et apparentés, Les Démocrates et Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, n° 1767 de M. Laurent Wauquiez et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, et n° 2051 du rapporteur général. Ces amendements ont fait l’objet d’un avis défavorable du Gouvernement.

Le I de l’article 9 bis insère un nouvel article L. 313‑7 dans la section du code de la construction et de l’habitation relative à la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec). Il prévoit que, sans préjudice de cette obligation, les employeurs soumis à celle-ci, à savoir les employeurs de plus de cinquante salariés autres que les organismes publics, puissent prendre en charge tout ou partie des intérêts du crédit immobilier contracté par un salarié primo-accédant pour acquérir ou faire construire sa résidence principale. La condition de première accession à la propriété s’entendrait comme le fait de ne pas avoir été propriétaire de sa résidence principale au cours des deux années précédant celle au cours de laquelle le crédit serait contracté.

L’employeur verserait chaque mois au salarié les sommes correspondant à cette prise en charge. Par ailleurs, pour éviter que le recours à ce dispositif n’entrave la mobilité professionnelle de ses bénéficiaires, la rupture du contrat de travail ne pourrait donner lieu à la restitution de ces sommes par le salarié.

Si les employeurs peuvent déjà à des dispositifs de prêt subventionné, l’avantage qui en résulte est qualifié d’avantage en nature. Aussi, la novation de l’article réside dans l’exclusion de cet avantage de l’assiette des cotisations salariales et patronales (II). Cette nouvelle exemption d’assiette serait limitée à 8 % du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) ([163]) par an, soit environ 3 770 euros en 2025. Les sommes concernées resteraient assujetties à la contribution sociale généralisée (CSG), à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et seraient soumises au forfait social (troisième alinéa du I). En l’absence de dérogation expresse, cette dernière contribution s’appliquerait au taux de droit commun, qui est de 20 % ([164]).

Ces dispositions s’appliqueraient aux contrats de travail ainsi qu’aux conventions et aux accords d’entreprise ou d’établissement conclus à compter du 1er janvier 2026 (III).

● Le Gouvernement a conservé cet article dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

● Suivant l’avis du Gouvernement, le Sénat a supprimé cet article en adoptant l’amendement n° 606 de la commission, laquelle s’est déclarée défavorable à la création d’une nouvelle niche sociale dont le Gouvernement avait estimé que le coût pourrait atteindre « plusieurs centaines de millions d’euros voire [plusieurs] milliards d’euros » ([165]). La commission a aussi marqué son opposition au seuil de cinquante salariés retenu pour définir le champ d’application de ce dispositif, lequel avait été retenu pour l’aligner sur celui de la Peec ([166]).

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général est sensible à l’argument suivant lequel la limitation du bénéfice de la mesure proposée aux entreprises de plus de cinquante salariés entraînerait une distorsion regrettable, même si l’introduction de ce seuil visait initialement à maintenir une unité de champ entre ce dispositif et la Peec qui, quoique d’une nature différente, poursuit aussi l’objectif de faire contribuer les employeurs aux dépenses de logement de leurs salariés.

En revanche, les hypothèses de coût formulées par le Gouvernement pour rejeter cette proposition n’emportent pas sa conviction. Leur réalisation supposerait un très large recours au nouveau dispositif de prêt subventionné associé à une forte substitution de celui-ci au salaire de base. Ce risque pourrait se réaliser si des entreprises décidaient de verser sous forme de prêt subventionné exonéré de cotisations sociales une partie de la rémunération qu’elles auraient de toute façon accordée à leur salarié. En l’absence d’un tel effet, le nouveau dispositif créant un nouvel accessoire du salaire soumis à prélèvements sociaux, il entraînerait mécaniquement une hausse des recettes sociales.

L’ampleur d’un éventuel effet de substitution étant difficile à évaluer a priori, il pourrait être opportun d’en évaluer la réalité, ainsi que les autres effets de la mesure, dans le cadre d’une expérimentation. C’est pourquoi le rapporteur général propose de rétablir sous une forme expérimentale le dispositif adopté par l’Assemblée nationale et supprimé par le Sénat, tout en en étendant le champ d’application à l’ensemble des entreprises.

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Article 9 ter
Harmonisation du calcul des cotisations et contributions sociales
pour les agriculteurs louant des meublés de tourisme

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : adopté sans modification.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique des trois amendements identiques n° 74 de M. Julien Dive et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, n° 1109 de Mmes Valérie Bazin-Malgras et Frédérique Meunier (groupe Droite Républicaine) et n° 1510 de MM. Lionel Vuibert et Didier Le Gac (respectivement non-inscrit et membre du groupe Ensemble pour la République), après que le rapporteur général s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée et suivant l’avis du Gouvernement.

Il précise que l’article L. 731-14-1 A du code rural et de la pêche maritime déroge aussi à l’article L. 136‑4 du code de la sécurité sociale.

● Sur le fond :

– le 1° de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime dispose que les non-salariés agricoles sont affiliés à la Mutualité sociale agricole (MSA) à raison de leurs activités d’accueil touristique, d’hébergement, y compris en meublé ([167]), et de restauration situées sur l’exploitation, auquel cas les bénéfices pour l’impôt sur le revenu (IR) ou sur les sociétés (IS) et les cotisations et contributions sociales peuvent relever du régime dit « micro », c’est-à-dire être déterminés en application des articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts ;

– les a à c du 1° du A du I de l’article 7 de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, publiée au Journal officiel pendant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 en première lecture par le Sénat, avaient réduit les abattements applicables à 50 % dans la limite de 77 700 euros de revenus locatifs annuels (contre auparavant 71 % dans la limite de 188 700 euros) pour un premier cas de figure et à 30 % sous le seuil de 15 000 euros (contre 50 % dans la limite de 77 700 euros) dans un second, pour les prélèvements aussi bien d’État que sociaux et il importe au rapporteur général, malgré son opposition de principe à cette loi dite « AirBnB », de souligner que la conséquence – ensuite évitée – pour les agriculteurs n’aurait pas été une erreur du législateur, ce qu’illustrent les travaux préparatoires de Mme Annaïg Le Meur et M. Inaki Echaniz pour l’Assemblée nationale et de Mme Sylviane Noël et M. Jean-François Husson pour le Sénat ;

– l’article L. 731-14-1 A du code rural et de la pêche maritime a été créé par l’article 12 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 afin d’opérer, pour sa seule application aux prélèvements sociaux des agriculteurs louant des gîtes, une cristallisation de la rédaction antérieure de l’article 50-0 du code général des impôts, donc un maintien des abattements élevés (mécanisme que la commission mixte paritaire avait privilégié à une exonération).

● En droit, l’article 9 ter est donc doublement satisfait :

– d’abord, il dispose expressément que « les cotisations et les contributions de sécurité sociale dues au titre des activités de location de meublés de tourisme [des affiliés agricoles] sont assises sur » l’assiette susmentionnée ([168]) ;

– ensuite, il prévoit une dérogation à l’article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime ; or si cette référence vise en premier lieu les « cotisations de sécurité sociale dues par les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole », c’est pour indiquer qu’elles sont « assises sur l’assiette définie à l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale [...] et à l’article L. 136-3 [du même code] » et il s’agit bien de la contribution sociale généralisée (CSG) des non-salariés agricoles (ou des non‑salariés en général), tandis qu’un autre jeu de renvois vise la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;

– enfin, l’intention du législateur est sans ambiguïté, le rapporteur général ayant utilisé les expressions « assiette sociale » et « prélèvements sociaux » ([169]) et son homologue au Sénat écrit deux fois que « la mesure s’appliquer[a] au calcul des cotisations et contributions » ([170]).

Le rapporteur général et la ministre de l’action et des comptes publics ont fait assaut de bons mots, le premier relevant que « mieux vaut se munir de la ceinture, des bretelles et du parachute » et la seconde que quitte à « inscrire dans la loi des choses qui y sont déjà, on aura le principe, l’esprit et la lettre avec toutes les virgules et tous les points » ([171]).

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les amendements identiques n° 74, n° 1109 et n° 1510 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

La commission des affaires sociales du Sénat a aussi noté que « cette disposition n’entraîne aucun effet dans le droit existant » ([172]).

Le Sénat a adopté l’article 9 ter sans modification.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de conserver l’article 9 ter dans sa rédaction commune aux deux assemblées.

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Article 9 quater
Suppression de l’exclusion des tâches réalisées par les entreprises
de travaux forestiers de l’exonération dégressive pour l’embauche
de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis du Gouvernement, des trois amendements identiques n° 1202 de Mme Katiana Levavasseur et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National, n° 1700 du rapporteur général et n° 1769 de M. Laurent Wauquiez et des membres du groupe Droite Républicaine.

Il supprime l’exclusion des tâches réalisées par les entreprises de travaux forestiers figurant au troisième alinéa du I de l’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime, relatif à l’exonération dégressive de cotisations patronales pour l’embauche, sous conditions (limite de 119 jours par an, point haut à 1,25 fois le salaire minimum et point de sortie à 1,6 fois ce montant), de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO-DE), c’est-à-dire de saisonniers agricoles ([173]).

Les entreprises de travaux forestiers (ETF) sont une partie des entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (Etarf) :

– l’article L. 722-2 du même code qualifie d’agricoles « les travaux qui entrent dans le cycle de la production animale ou végétale, les travaux d’amélioration foncière agricole ainsi que les travaux accessoires nécessaires à l’exécution des travaux précédents [et] les travaux de création, restauration et entretien des parcs et jardins comprenant les travaux de maçonnerie paysagère nécessaires à l’exécution des travaux précédent » ;

– l’article L. 722-3 dudit code considère comme forestiers les « travaux de récolte de bois, à savoir abattage, ébranchage, élagage, éhoupage, débardage sous toutes ses formes, les travaux précédant ou suivant normalement ces opérations tels que débroussaillement, nettoyage des coupes ainsi que transport de bois effectué par l’entreprise qui a procédé à tout ou partie des opérations précédentes et, lorsqu’ils sont effectués sur le parterre de la coupe, les travaux de façonnage, de conditionnement du bois, de sciage et de carbonisation, quels que soient les procédés utilisés, ainsi que la production de bois et dérivés destinés à l’énergie ou à l’industrie ; les travaux de reboisement et de sylviculture, y compris l’élagage, le débroussaillement et le nettoyage des coupes ; les travaux d’équipement forestier, lorsqu’ils sont accessoires aux travaux [susmentionnés] », étant précisé qu’ils « conservent leur caractère forestier lorsqu’ils sont effectués en dehors du parterre de la coupe par une entreprise ou une section d’entreprise dont l’activité principale est l’exploitation forestière ou la production de bois brut de sciage ».

Statistiques sur les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers

(en valeur absolue)

Source : Fédération nationale des entrepreneurs des territoires, janvier 2025.

Le rapporteur général note que l’article 9 quater ne fait que rétablir l’état du droit antérieur à l’article 84 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015. Il estime que son coût serait de 5 à 10 millions d’euros, quand l’exécutif fait valoir une fourchette de 40 à 80 millions d’euros.

Or les ETF ont, comme les autres bénéficiaires de l’exonération TO-DE, des besoins de main-d’œuvre concentré dans le temps et connaissent des fragilités que la Cour des comptes a bien expliquées : « les pratiques de fractionnement des contrats entre les travaux d’abattage, de débardage et de transport du bois relations commerciales sont également défavorables aux entreprises de travaux forestiers, qui ne peuvent souvent pas effectuer toutes les prestations de la forêt à l’usine, comme c’est la pratique dans d’autres pays ; ces entreprises, souvent unipersonnelles et confrontées à des coûts d’investissement importants, sont en position faible face à des donneurs d’ordre de grande taille et n’hésitant pas à dicter leurs conditions (délais de paiement, contrôle de la facturation) » ([174]).

Leur exclusion de l’allégement n’a pas montré sa justification, alors que les travaux forestiers sont de formidables leviers pour le dynamisme de nos territoires, la résilience de nos arbres face aux incendies et la transition écologique.

Quant aux Etarf non forestières, elles disposent généralement d’une clientèle diversifiée, sont moins soumises aux contraintes des saisons et ont plutôt un salariat permanent.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les amendements n° 1202, n° 1700 et n° 1769 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement, les deux amendements de suppression de l’article 9 quater n° 607 de la rapporteure générale et n° 880 de M. Daniel Salmon et des membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, motivés pour le premier par la préservation des comptes et pour le second par un doute sur l’efficacité économique et environnementale de l’exonération TO-DE.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de rétablir l’article 9 quater tel qu’adopté par l’Assemblée nationale.

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Article 9 quinquies A (nouveau)
Extension de l’exonération dégressive pour l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi aux coopératives vinicoles

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par le Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis du Gouvernement, de l’amendement n° 1121 rect. bis de M. Franck Montaugé et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il complète l’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime pour rendre éligibles à l’exonération dégressive de cotisations patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO-DE), c’est-à-dire de saisonniers agricoles, les sociétés coopératives agricoles – que ne définissent pas les seuls articles L. 521-1 à L. 521-7 du même code que mentionne l’article additionnel, mais l’ensemble du titre II du livre V dudit code, c’est-à-dire jusqu’à l’article L. 529‑6 – dès lors qu’elles réalisent plus de 75 % de leur chiffre d’affaires au titre d’activités issues des produits de la vigne – que n’organisent pas non plus les seuls articles L. 665-1 à L. 665-9 dudit code comme y fait référence la mesure adoptée au Sénat, mais aussi tout le reste du chapitre V du titre VI de son livre VI.

Ses auteurs et les sénateurs ayant pris la parole pour soutenir l’amendement n° 1121 ont en particulier évoqué un soutien aux « caves coopératives ».

2.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de supprimer l’article 9 quinquies A.

● Les preuves de l’attachement du rapporteur général au secteur agricole dans toute sa diversité et de sa conviction quant à l’efficacité du TO-DE sont nombreuses : il est d’ailleurs à l’origine de l’adoption par l’Assemblée nationale d’amendements dont résulte l’article 9 quater (cf. supra), lequel ouvre l’exonération à des entreprises, celles spécialisées dans les travaux forestiers (ETF), qui n’ont sinon pas le moyen d’être aidées dans leur embauche de saisonniers.

Mais tel n’est pas le cas des coopératives vinicoles, pour qui la disposition adoptée au Sénat est pour partie satisfaite et au surplus non nécessaire :

– s’il est certain qu’elles « forment une catégorie spéciale de sociétés, distinctes des sociétés civiles et des sociétés commerciales ([175]) [et] ont la personnalité morale et la pleine capacité » ([176]), il est tout aussi évident qu’elles ont des associés, qu’ils soient « coopérateurs » ([177]) ou « non-coopérateurs » ([178]) ;

– or ces associés peuvent être « toute personne physique ou morale ayant la qualité d’agriculteur ou de forestier dans la circonscription de la société coopérative agricole » ou, par exemple, « d’autres sociétés coopératives agricoles » – catégorie dans laquelle entrent les coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) ([179]) auxquelles le TO-DE a précisément été étendu en 2025 ([180]) ;

– ainsi, il suffit à l’associé d’une coopérative dont plus de 75 % de l’activité est vinicole qui souhaite bénéficier de l’exonération pour un saisonnier, et l’on pense naturellement à un vendangeur, de l’embaucher lui-même, comme cela s’observe au demeurant chaque année dans des milliers d’exploitations ;

– les coopératives agricoles, surtout s’il s’agit comme le disaient les auteurs de l’amendement n° 1121 de celles qui gèrent une cave, ont plutôt un personnel permanent et ne participent pas au cycle primaire de la production animale et végétale qui constitue le fondement même de l’exonération dont il est question ; à ce propos, le rapporteur général relève qu’il a bien fallu, pour ouvrir le TO-DE aux coopératives de conditionnement des fruits et légumes, que le législateur admette que leurs tâches n’étaient que le prolongement de l’acte de production.

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Article 9 quinquies
Exclusion des dons en nature de produits agricoles de l’assiette sociale des exploitants

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : supprimé.

  1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’amendement n° 886 de M. Guillaume Garot (groupe Socialistes et apparentés), adopté contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement. D’après son exposé sommaire, cet amendement visait à mettre en cohérence le régime social des dons en nature effectués par les non-salariés agricoles avec celui applicable aux dons en numéraire, qui « contrairement aux dons en nature, [seraient] quant à eux exonérés de cotisations » ([181]).

Cette intention se traduit par l’ajout, dans la définition de l’assiette des contributions sociales dues par les travailleurs indépendants agricoles qui figure à l’article L. 136‑4 du code de la sécurité sociale, d’un nouveau cas d’exclusion portant sur les dons de produits tirés des activités agricoles effectués à des associations habilitées à recevoir des contributions publiques destinées à la mise en œuvre de l’aide alimentaire.

● Il convient de rappeler que les dons effectués au profit de structures relevant du secteur non lucratif par les entreprises donnent lieu à une réduction d’impôt sur les sociétés ou d’impôt sur le revenu à hauteur de 60 % de la valeur du bien, dans la limite de 20 000 euros ou de 5 pour mille du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé ([182]). D’après la documentation budgétaire, le coût de ce dispositif atteindrait 1,73 milliard d’euros en 2026 ([183]).

Or, aux termes du 8 de l’article 238 bis du code général des impôts, les versements qui donnent lieu à cette réduction d’impôt ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice imposable. Par conséquent, le montant des sommes versées ou, dans le cas des dons en nature, le montant correspondant au coût de revient des biens donnés sont intégrés au résultat comptable pris en compte pour la détermination de l’assiette de cotisations et contributions sociales, de sorte qu’il ne semble pas exister de différence de régime social selon la nature du don.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Suivant l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté l’amendement de suppression n° 608 déposé par la commission, qui s’est déclarée défavorable à la création de nouvelles exonérations et exemptions d’assiette ([184]).

3.   La position du rapporteur général

Au bénéfice des observations formulées ci-dessus, le rapporteur général propose de ne pas rétablir cet article qui introduirait une différence de régime social en fonction de la nature du don.

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Article 9 sexies A (nouveau)
Précision concernant les recettes accessoires et les plus-values d’apport prises en compte dans l’assiette sociale des non-salariés agricoles

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat en première lecture.

  1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu de l’amendement n° 394 rect. ter de M. Franck Menonville et plusieurs de ses collègues des groupes Union Centriste et Les Républicains, à propos duquel la commission a sollicité l’avis du Gouvernement, qui s’y est déclaré favorable sous réserve d’ajustements rédactionnels aux étapes ultérieures de la navette ([185]).

D’après son exposé sommaire, cet amendement visait à corriger la nouvelle définition de l’assiette des contributions sociales des non-salariés agricoles, qui figure à l’article L. 136‑4 du code de la sécurité sociale, au motif que celle‑ci « n’apporte[rait] aucune précision s’agissant du dispositif fiscal de rattachement des recettes accessoires aux bénéfices agricoles [prévu par l’article 75 du code général des impôts] et n’intègre[rait] pas non plus, au plan social, les modalités d’imposition des plus-values d’apport » définies à l’article 151 octies du même code.

Toutefois, l’article restreint en réalité la liste des modalités particulières de calcul du résultat imposable prises en compte pour déterminer l’assiette sociale des travailleurs indépendants agricoles. Cette modification aurait pour conséquence de rendre inapplicables à cette assiette les dispositifs fiscaux définis aux articles 72 E bis à 73 E du code général des impôts, dont la déduction pour épargne de précaution de précaution, prévue à l’article 73 du même code, ou encore la provision pour vaches allaitantes ou laitières définie à l’article 73 A dudit code.

Indépendamment de cette apparente erreur matérielle, l’article 9 sexies A étend à l’assiette sociale des non-salariés agricoles le régime fiscal des plus-values d’apport et des revenus tirés d’activités accessoires.

2.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose d’adopter cet article moyennant la correction de l’erreur matérielle précitée.

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Article 9 sexies B (nouveau)
Exclusion de l’assiette des travailleurs indépendants agricoles des rentes versées pour les maladies professionnelles et accidents de travail

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture au Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Les dispositions ont été intégrées en séance par l’amendement n° 387 rect. quater de M. Franck Menonville et plusieurs de ses collègues des groupes Union Centriste, Les Républicains et Les Indépendants - République et Territoires. Il a donné lieu à un double avis favorable du Gouvernement et de la commission. L’amendement visait à exclure de l’assiette des cotisations de sécurité sociale des non-salariés agricoles les rentes versées au titre de l’indemnisation des maladies professionnelles et accidents de travail ou en réparation des maladies causées par des pesticides.

Plus spécifiquement, l’article ainsi créé harmonise le régime social et fiscal applicable à ces revenus de remplacement en cohérence avec la réforme conduite par l’article 18 de la loi  2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

2.   La position du rapporteur général

 Le rapporteur général ne peut que se satisfaire de l’adoption d’une disposition qui réalise une coordination avec une loi de financement antérieure. Au surplus, il relève que cet article, pour lequel il propose à l’Assemblée nationale une adoption dans les mêmes termes, va dans le sens d’une indemnisation renforcée  les versements étant exonérés de prélèvements sociaux  des non-salariés agricoles victimes d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle.

 

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Article 9 sexies C (nouveau)
Maintien du bénéfice de l’exonération de cotisations pour les exploitations
agricoles ultramarines de plus de 40 hectares pondérés

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par le Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis de la commission et du Gouvernement, de l’amendement n° 229 rect. bis de Mme Viviane Malet et plusieurs de ses collèges du groupe Les Républicains.

● Il modifie le dernier alinéa de l’article L. 781-6 du code rural et de la pêche maritime pour supprimer les trois conditions restrictives au maintien de l’exonération des cotisations pour les branches maladie, vieillesse et famille dont bénéficient les exploitants agricoles de Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy et Saint-Martin exerçant sur des parcelles de moins de 40 hectares pondérés dans le cas où ce seuil est dépassé, à savoir :

– que la conservation de l’avantage vaut si le dépassement ne se constate qu’au cours d’une seule année civile ;

– que ce dépassement doit avoir eu pour cause une diversification (mise en place d’autres productions que la canne à sucre et la banane, etc.) ou la mise en valeur de terres incultes, laissées à l’abandon ou insuffisamment exploitées ;

– que le maintien n’est octroyé que pour cinq ans.

2.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de supprimer l’article 9 sexies C.

● S’il est très sensible au traitement juste des entreprises ultramarines compte tenu de leurs difficultés structurelles et conjoncturelles et s’il entend l’alerte émise chaque année par les parlementaires ultramarins sur la possibilité que certains agriculteurs hésitent ou renoncent à augmenter la surface de leur ferme par crainte de perdre plus sans exonération que ce qu’ils gagneraient en production, le rapporteur général ne soutient pas le maintien de l’allégement malgré le franchissement du seuil et le déplafonnement de ce maintien.

À ses yeux, il faut préserver l’exigence de diversification, car c’est elle qui tirera les revenus des agriculteurs et, partant des territoires ultramarins, vers le haut et renforcera l’autonomie de notre pays. La diversification est d’ailleurs largement subventionnée par le ministère chargé de l’agriculture et cela est heureux.

Le bornage à cinq ans doit également demeurer car, dans ce délai, l’entrepreneur doit avoir réussi dans la majorité des cas à trouver un modèle économique beaucoup plus solide, de sorte que si tel n’est pas le cas ce n’est peut‑être pas l’assujettissement aux cotisations agricoles qui pose problème.

En revanche, le rapporteur général estime qu’une façon de faire autre que celle suggérée par l’article 9 sexies C serait plus pertinente, car il faut rappeler que les hectares mentionnés par l’article L. 781-6 du code rural et de la pêche maritime sont pondérés ; or les coefficients paraissent trop exigeants. Par exemple, ils étaient en 2024, pour La Réunion, de 4 pour la banane (donc 10 hectares réels), 8 pour le maraîchage de plein champ, 10 pour la vanille sur tuteur, 10 pour les ananas ou les fraises, 20 pour le safran ou le gingembre, etc. ([186])

C’est donc plutôt sur ces multiplicateurs qu’il faut travailler : évidemment, leurs valeurs sont réglementaires mais comme l’a indiqué le rapporteur général dès la première lecture à l’Assemblée nationale, il est prêt à appuyer les démarches de ses collègues auprès de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), des caisses générales de sécurité sociale (CGSS) et des ministères chargés de l’outre‑mer et de l’agriculture ([187]).

Enfin, il faut rappeler que 98 % des exploitants ultramarins ont une entreprise dont les caractéristiques la font bénéficier de l’allégement intégral.

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Article 9 sexies
Extension du dispositif « Lodeom » aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres d’agriculture des départements et régions d’outremer pour leurs activités de nature industrielle et commerciale

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : supprimé.

  1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’amendement n° 1977 de Mme Béatrice Bellay (groupe Socialistes et apparentés), adopté contre l’avis du rapporteur général de la commission des affaires sociales et du Gouvernement.

Alors que le I de l’article L. 752‑3‑2 du code de la sécurité sociale réserve aux employeurs du secteur privé ([188]) le bénéfice du dispositif spécifique d’exonération de cotisations patronales applicable en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion (dit « Lodeom Drom »), l’article 9 sexies vise à en étendre le champ d’application :

– aux chambres d’agriculture « pour leurs seules activités industrielles et commerciales mentionnées à l’article L. 5144 du code rural et de la pêche maritime », lequel prévoit que les agents de ces établissements publics qui sont « affectés à des services dont l’activité est principalement de nature industrielle et commerciale » relèvent d’une situation contractuelle de droit privé ;

– aux chambres de commerce et d’industrie territoriales, également au titre, semble-t-il, de ces seules activités, l’intégration au régime d’exonération étant limitée aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) « mentionnées au 4° de l’article L. 7113 du code de commerce », lequel prévoit que ces établissements publics « recrutent et gèrent les personnels de droit privé et, le cas échéant, gèrent les personnels de droit public nécessaires au bon accomplissement des services publics industriels et commerciaux, notamment en matière d’infrastructures portuaires et aéroportuaires », qui leur ont été confiés avant la publication de la loi dite « Pacte » ([189]).

● Le Gouvernement a conservé cet article dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Suivant l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté l’amendement de suppression n° 610 de la commission.

3.   La position du rapporteur général

● Si le rapporteur général comprend l’objectif poursuivi par l’amendement dont cet article est issu, la disposition insérée par l’Assemblée nationale lui paraît comporter plusieurs écueils.

En premier lieu, il convient de relever que, si l’article 6 sexies fait référence aux « activités » industrielles et commerciales des chambres consulaires, l’éligibilité à l’exonération Lodeom s’apprécie à l’échelle de chaque salarié. Or, comme l’avait souligné un rapport parlementaire relatif aux chambres d’agriculture et à leur financement, « des confusions peuvent se faire jour : un même agent peut, au cours d’une même journée voire sur un même dossier, conduire à la fois des activités de droit public fournies à titre gratuit et d’autres qui donnent lieu à rémunération » ([190]). Dès lors, il pourrait se révéler difficile de faire le départ, parmi les activités d’un même agent, entre celles entrant dans le champ de la dérogation prévue par cet article et celles ne pouvant donner lieu à une exonération de cotisations sociales.

En outre, il n’est pas certain que l’élargissement du bénéfice de l’exonération Lodeom à deux catégories particulières d’établissements publics exerçant une activité de nature industrielle et commerciale, à l’exclusion d’autres organismes publics exerçant des missions de ce type, soit conforme aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques ([191]). Au-delà du risque de non‑conformité à la Constitution, le dispositif introduit une exception au principe général suivant lequel les établissements publics ne relevant pas du même régime de prélèvement que les employeurs du secteur privé, ils ne sauraient bénéficier des exonérations de cotisations sociales applicables à ces derniers.

Dans ces conditions, le rapporteur général estime que le soutien aux chambres consulaires devrait reposer sur d’autres instruments, en jouant sur le montant des subventions qui leur sont versées ou sur le niveau de la fiscalité dont elles sont affectataires.

● Compte tenu de ces éléments, le rapporteur général approuve la suppression de cet article effectuée par le Sénat.

Article 9 septies
Rétablissement de l’exonération de contributions patronales « non-Enim » pour l’ensemble des navires soumis à la concurrence internationale

Origine de l’article : amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : supprimé.

  1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’amendement n° 388 de M. Didier Le Gac et plusieurs de ses collègues des groupes Ensemble pour la République, Les Démocrates et Horizons & Indépendants, adopté contre l’avis du rapporteur général de la commission des affaires sociales et du Gouvernement.

Depuis 2005 ([192]), les entreprises d’armement maritime dont les équipages sont affiliés au régime spécial de retraite des marins bénéficient, sous certaines conditions (cf. infra), d’une exonération des cotisations employeur maladie et vieillesse, dites « charges Enim ».

Les navires de passagers bénéficiaient initialement d’exonération plus large que celles applicables aux autres navires de commerce, car ils faisaient aussi l’objet d’exonérations de cotisations employeur d’allocations familiales et d’assurance chômage, dites « charges non‑Enim » ([193]). Puis, la loi du 16 juin 2016 pour l’économie bleue a étendu le champ d’application de ce dispositif aux navires de transport et de services maritimes ([194]). En conséquence, le taux des cotisations patronales dues par les bénéficiaires de ce dispositif est nul, soit une situation de « net wage » – ou salaire net –, suivant la terminologie en usage dans le secteur maritime.

Cette exonération s’applique aux navires précités qui sont à la fois :

– dirigés et contrôlés à partir d’un établissement stable situé sur le territoire français, battant pavillon français ou d’un autre État membre de l’Union européenne, d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

– affectés à des activités de transport ou à des activités de services maritimes relevant des orientations de l’Union européenne sur les aides d’État au transport maritime et soumises à titre principal à une concurrence internationale. Cette dernière condition est appréciée par les services de l’État, qui établissent la liste des entreprises entrant dans le champ d’application du dispositif et accordent le bénéfice de cette exonération ([195]).

En outre, le bénéfice de cette exonération est conditionné au fait qu’au moins un quart des membres de l’équipage sont des ressortissants de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoyait de réserver ce dispositif aux seuls navires de passagers, c’est-à-dire à ceux relevant du champ d’application de cette exonération antérieure à l’élargissement de celle‑ci effectué en 2016, pour une économie estimée à 20 millions d’euros. Durant la réunion de la commission mixte paritaire puis à la faveur de la nouvelle lecture, les câbliers et les navires de service consacrés aux énergies marines renouvelables ont été préservés de ce resserrement.

● L’article 9 septies propose de redonner aux exonérations « non-Enim » le champ d’application qui était le leur jusqu’à l’entrée en vigueur de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Il rétablit à cet effet l’ancienne rédaction de l’article L. 5553‑11 du code des transports, qui définit les exonérations de charges sociales accordées aux entreprises d’armement maritime soumises à la concurrence internationale. Le coût de cette mesure peut être évalué à 15 millions d’euros.

● Le Gouvernement a conservé cet article dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2 de la Constitution.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Suivant l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté les amendements de suppression n° 610 de la commission et n° 1005 de Mme Raymonde Poncet Monge et des membres du groupes Écologiste - Solidarités et Territoires.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général relève que la Cour des comptes avait jugé que le dispositif de soutien aux navires exposés à la concurrence internationale, dans sa forme antérieure à la réforme mise en œuvre par la dernière loi de financement de la sécurité sociale, était « mal calibré » ([196]). Elle notait en particulier que, s’agissant du transport de marchandises ou des flottes de travaux, « [l’incidence] de l’exonération [semblait] limité[e] voire inexistant[e], au regard de la très faible part représentée par les salaires dans les coûts d’exploitation de ces navires » ([197]). Il en va différemment des navires de passagers, qui emploient une main‑d’œuvre à la fois plus nombreuse et moins qualifiée.

L’évaluation préalable de l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 soulignait d’autre part que les marins employés sur des navires de fret perçoivent des rémunérations comprises entre 2,5 et 4 fois le Smic, soit des niveaux auxquels la concurrence internationale repose davantage sur le niveau de qualification des salariés ou le savoir‑faire propre à certaines entreprises que sur le coût du travail.

Par ailleurs, les cotisations dues par les armateurs s’appliquent, dans le secteur du commerce, à une assiette forfaitaire inférieure aux rémunérations brutes des salariés, ce qui limite la contribution des dispositifs d’exonération à la réduction du taux effectif de cotisations ([198]).

En outre, le compromis noué lors de la commission mixte paritaire et confirmé lors de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 avait permis de maintenir dans le périmètre de cette exonération certains navires relevant de secteurs stratégiques.

● Compte tenu de ces éléments, le rapporteur général approuve la suppression de cet article effectuée par le Sénat.

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Article 9 octies (nouveau)
Exclusion de l’assiette des cotisations sociales des dépenses supportées par les employeurs d’aides à domicile à raison de la mise à disposition de véhicules à ces salariés

Origine de l’article : amendement adopté par le Sénat en première lecture.

1.   Les dispositions du projet de loi résultant de l’examen en première lecture au Sénat

Cet article est issu des amendements identiques n° 340 rect. de Mme Laurence Muller‑Bronn et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, n° 764 rect. de Mme Brigitte Bourguignon et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste et n° 949 de Mme Raymonde Poncet Monge et des membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, modifiés par le sous-amendement n° 1868 de la rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement s’est initialement déclaré défavorable aux amendements avant d’émettre un avis favorable sur le sous-amendement, sans toutefois lever le gage.

L’article 9 octies complète le II de l’article L. 242‑1 du code de la sécurité sociale, qui exclut certaines sommes de l’assiette des cotisations sociales définie par son I, pour en retrancher « les dépenses supportées par l’employeur s’agissant des véhicules terrestres motorisés quels que soient leurs nature et qualification, mis à la disposition des salariés tels que définis à l’article L. 24110 [du même code] sur les aides à domicile ». L’article L. 241‑10 précité définit les exonérations dégressives et la déduction forfaitaire de cotisations patronales applicables à la rémunération des personnes intervenant comme aide à domicile auprès d’une personne fragile, qui sont employées par un particulier, par une association ou par une entreprise.

Le sous-amendement précité de la rapporteure générale a précisé que cette nouvelle exemption s’appliquerait à la mise à disposition de véhicules à ces salariés « dans leurs déplacements professionnels », et renvoyé à un décret la définition des conditions de mise en œuvre de cette mesure.

2.   La position du rapporteur général

Il ressort des délibérations du Sénat que cet article visait à permettre aux aides à domicile de conserver leur véhicule de service à l’issue de leurs heures de travail, sans toutefois que la mise à disposition prolongée de celui-ci soit requalifiée comme un avantage en nature soumis à cotisations.

L’objectif était que ces salariés puissent consacrer à l’accompagnement des personnes auprès desquelles elles interviennent le temps qu’ils occupent à effectuer les trajets nécessaires à la restitution du véhicule mis à leur disposition par leur employeur, à la récupération de leur véhicule personnel et au retour à leur domicile ([199]).

La définition dans la doctrine administrative des avantages en nature liés à la mise à disposition d’un véhicule par l’employeur

1)         L’utilisation privée d’un véhicule mis à disposition du salarié de façon permanente constitue un avantage en nature, qu’il s’agisse d’un véhicule dont l’employeur est propriétaire ou locataire, ou d’un véhicule dont l’employeur acquiert la propriété dans le cadre d’une location avec option d’achat.

2)         Il y a mise à disposition à titre permanent du véhicule chaque fois que les circonstances de fait permettent au salarié d’utiliser à titre privé – et donc en dehors du temps de travail – un véhicule professionnel. On considère qu’il y a mise à disposition permanente lorsque le salarié n’est pas tenu de restituer le véhicule en dehors de ses périodes de travail, notamment en fin de semaine (samedi et dimanche) ou pendant ses périodes de congés.

3)         Il n’y a pas d’avantage en nature lorsque le salarié est tenu de restituer à l’employeur le véhicule lors de chaque repos hebdomadaire et durant les périodes de congés. De même, lorsque le salarié dispose en permanence d’un véhicule mais a l’interdiction de l’utiliser pendant le repos hebdomadaire et durant les périodes de congés payés, il n’y a pas lieu de procéder à l’évaluation d’un avantage en nature. Toutefois, cette interdiction doit être notifiée par écrit (règlement intérieur, circulaire professionnelle, courrier papier ou électronique de la direction). Lorsque l’interdiction d’utiliser le véhicule pendant le repos hebdomadaire est notifiée par écrit, l’employeur n’a pas non plus à comptabiliser un avantage en nature au regard de la carte de carburant de l’entreprise.

4)         Lorsque le salarié est tenu de restituer le véhicule durant le repos hebdomadaire et les congés mais qu’il dispose néanmoins d’un véhicule de l’entreprise pour effectuer les trajets entre son domicile et son lieu de travail, il n’y a pas lieu de considérer qu’il y a un avantage en nature lorsqu’il est démontré que l’utilisation du véhicule est nécessaire à l’activité professionnelle. Par ailleurs, l’employeur doit démontrer que le salarié ne peut pas utiliser les transports en commun soit parce que le trajet domicile-lieu de travail n’est pas desservi ou est mal desservi, soit en raison de conditions ou d’horaires particuliers de travail.

5)         Lorsque le véhicule est mis à disposition par l’employeur auprès de plusieurs salariés et que l’employeur indique sur un document que ce véhicule est utilisé pour un usage uniquement professionnel, aucun avantage en nature ne doit être décompté. Il en est de même pour la carte de carburant appartenant à l’entreprise.

Source : Bulletin officiel de la sécurité sociale, section 1 du chapitre 4 de la page relative aux avantages en nature, paragraphes 540 à 570.

La portée de la disposition paraît toutefois incertaine dans la mesure où la précision introduite par le sous-amendement précité, en limitant le champ de l’exemption d’assiette à la mise à disposition d’un véhicule durant les « trajets professionnels », semble aligner le champ de la mesure sur la définition des véhicules de service. Or la mise à disposition de ces derniers, qui se distinguent des véhicules de fonction dans la mesure où leur utilisation est en principe limitée aux périodes de travail, n’est pas considérée comme un avantage en nature ([200]). C’est d’ailleurs au nom du maintien de la distinction entre les véhicules de service et de fonction que des amendements qui visaient à exclure de l’assiette des cotisations la mise à disposition permanente d’un véhicule aux aides à domicile ont pu être rejetés par le passé, y compris au Sénat ([201]).

Les situations évoquées lors de l’examen en séance publique semblent en tout état de cause couvertes par la doctrine administrative applicable aux avantages en nature, qui prévoit que « lorsque le salarié dispose en permanence d’un véhicule mais a l’interdiction de l’utiliser pendant le repos hebdomadaire et durant les périodes de congés payés, il n’y a pas lieu de procéder à l’évaluation d’un avantage en nature », dès lors que cette interdiction lui est notifiée par écrit (cf. l’encadré infra).

● Par ailleurs, le rapporteur général note que l’article 20 du 8 avril 2024 dite « bien‑vieillir » a prévu le versement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), aux départements et collectivités territoriales uniques, d’une aide financière annuelle afin de contribuer au financement de la mobilité des professionnels assurant des prestations d’aide et d’accompagnement dans les services d’autonomie à domicile (SAD) ([202]).

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il propose de supprimer cet article.

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Article 10
Simplifier la régulation du secteur des médicaments

Origine de l’article : projet de loi.

Sort à l’Assemblée nationale : modifié.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article apporte des précisions, à titre de validation, sur certains paramètres techniques de la clause de sauvegarde et de la contribution sur le chiffre d’affaires, lesquels ont fait ou font à la date de la rédaction du présent rapport l’objet de contentieux.

Il tend également à recentrer la clause de sauvegarde frappant les exploitants de médicaments (M) et de dispositifs médicaux (Z) sur son but de régulation, de « corde de rappel », en amont des dépenses de l’assurance maladie plutôt que comme source de rendement pour cette dernière :

– il fixe des montants M (30,6 milliards d’euros en 2025 et 26,65 milliards d’euros en 2026) et Z (2,19 milliards d’euros en 2026) à des niveaux tels que l’appel ne devrait pas se déclencher ;

– il intègre les déterminants de la clause qui généraient des recettes, d’ailleurs plafonnées à 1,6 milliard d’euros, dans ceux de la nouvelle part supplémentaire d’une contribution existante sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques, ce qui permet pour cette part un versement suivant un acompte de 95 %, déjà en vigueur pour les deux parts actuelles.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu :

– les amendements rédactionnels nos 2235, 2236, 2313, 2237, 2316, 2312 et 2314 du rapporteur général, adoptés suivant l’avis du Gouvernement ;

– l’amendement n° 1388 de Mme Christine Pirès Beaune et les membres du groupe Socialistes et apparentés, excluant de l’assiette de la nouvelle part supplémentaire de la contribution sur le chiffre d’affaires celui tiré des médicaments génériques, hybrides, biologiques similaires, remboursés suivant un tarif forfaitaire de responsabilité ou dont le prix est inférieur à un seul fixé par décret (ce périmètre se rapprochant de celui mentionné à l’article 10 bis commenté infra, sans coïncider avec lui), adopté contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement ;

– l’amendement n° 371 de Mme Karine Lebon et des membres du groupe Gauche Démocrate et Républicaine, rendant obligatoire la taxation d’office par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) si la déclaration est manifestement erronée, adopté contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement ;

– l’amendement n° 777 de M. Michel Lauzzana et plusieurs de ses collègues du groupe Ensemble pour la République, créant pour la clause de sauvegarde au titre de 2026 un plafond à 1,75 % du chiffre d’affaires tiré des médicaments génériques, remboursés suivant un tarif de responsabilité ou dont le prix est inférieur à un seul fixé par décret, adopté contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté les amendements n° 1861, n° 514, n° 160, n° 613 rect. et n° 925 rect. bis.

● Le Sénat a adopté, suivant l’avis de la rapporteure générale à titre personnel, l’amendement n° 1861 du Gouvernement, que ce dernier a présenté par la voix de la ministre de la santé, des familles, de l’autonomie et des personnes handicapées comme un « compromis [issu d’une] discussion avec les parlementaires  députés et sénateurs – et les acteurs [sic] », par quoi il faudrait certainement entendre les industriels ([203]). Le rapporteur général indique d’abord qu’il ignore si effectivement des députés ont été associés au travail du Gouvernement sur l’article 10 mais que tel n’est pas le cas pour lui-même.

Dix modifications sont opérées par l’amendement de l’exécutif :

– il complète l’article L. 138‑10 du code de la sécurité sociale par un III pour exclure de l’assiette de la clause de sauvegarde tant les spécialités génériques que les spécialités de référence dont la base de remboursement des frais exposés par les assurés est limitée à un tarif forfaitaire de responsabilité ou dont le prix est identique à celui des spécialités génériques figurant dans le même groupe générique, ce qui est équivalent à une intégration de l’alinéa 3 de l’article 10 bis dans l’article 10 (qu’un amendement de la rapporteure générale a par ailleurs intégralement supprimé) ;

– il remplace la rédaction du V de l’article L. 138‑12 du même code, relatif au plafonnement de la clause de sauvegarde, de sorte qu’il ait le même taux que celui fixé par le futur D du futur III de l’article L. 246‑6 dudit code, donc 10 % du chiffre d’affaires après déduction des remises conventionnelles ou d’accès direct ;

– il exclut de la nouvelle part supplémentaire de cette dernière contribution (celle qui accueillerait en somme le rendement permanent de la clause de sauvegarde) les génériques et les spécialités de référence dont la base de remboursement est limitée à un tarif forfaitaire de responsabilité ou dont le prix est identique à celui des spécialités génériques figurant dans le même groupe générique, c’est-à-dire qu’il fait une rédaction du futur A bis du même III moins large que l’amendement n° 1388 adopté à l’Assemblée nationale (cf. supra), qui visait aussi, entre autres, les hybrides et les biosimilaires ;

– il dispose que l’assiette de la part supplémentaire (une coordination étant faite avec la modification précédente) sera le chiffre d’affaires « minoré [des remises conventionnelles] à l’exclusion de toutes autres » alors que la version initiale, non-amendée à l’Assemblée nationale, prévoyait un chiffre d’affaires « sans déduction [des remises conventionnelles] ni de toutes autres », ce qui fait droit à la volonté des grands laboratoires d’avoir la base la plus nette, donc la plus petite, possible ;

– il crée un taux différencié (en plus de celui déjà prévu pour les génériques) pour les entreprises au chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ;

– il prévoit que le plafonnement de 10 % susmentionné s’applique au total dû par chaque entreprise redevable au titre à la fois de la part supplémentaire et de la clause de sauvegarde (mais sans exclusion du chiffre d’affaires tiré des spécialités concernées par la nouvelle rédaction du futur A bis du III de l’article L. 245‑6 sur les génériques et spécialités ayant un tarif forfaitaire de responsabilité) ;

– il indique que seuls les 1° et 2° du I de l’article 10 (donc les modifications à deux articles codifiés sur la clause de sauvegarde au sens le plus strict, à l’exclusion des modifications paramétriques pour 2025 et 2026 qui ne sont pas codifiées) doivent s’appliquer aux sommes dues au titre de 2025, tandis que les autres items voient leur première application décalée à celles dues pour 2026 ;

– il supprime l’alinéa qui relevait le montant M pour 2025, donc le laisse fixé à 27,25 milliards d’euros, mais le rapporteur général souligne qu’il ne peut vérifier si cela garantit, compte tenu de la toute première modification faite par l’amendement du Gouvernement (exclusion des génériques et spécialités sous tarif forfaitaire de responsabilité), l’absence de déclenchement de la clause cette année ;

– il supprime les alinéas correspondant à l’amendement n° 777 adopté par l’Assemblée nationale, le plafonnement ponctuel à 1,75 % pour les seuls génériques ou spécialités au tarif de responsabilité n’ayant plus lieu d’être une fois écarté à titre permanent leur assujettissement ;

– il fixe les taux de base et différencié de la nouvelle part supplémentaire pour 2026 à respectivement 6,45 % et 4,01 %, alors que la version de départ prévoyait aussi des taux pour 2025 et que ceux pour 2026 étaient de 4,01 % et 1,65 %, ce que le rapporteur général aura la courtoisie de ne pas commenter à ce stade dès lors que l’exposé sommaire de l’amendement n° 1861 avance que « les taux de contribution devront être ajustés ultérieurement dans la navette parlementaire pour garantir le rendement attendu de 1,6 milliard d’euros pour 2026 ».

● Le Sénat a par ailleurs adopté :

– contre l’avis de la commission et du Gouvernement, l’amendement n° 514 de M. Khalifé Khalifé (apparenté au groupe Les Républicains), abrogeant le 6° du II de l’article L. 138-10, précité, du code de la sécurité sociale, donc excluant de la clause de sauvegarde les médicaments acquis par l’Agence nationale de santé publique (Santé publique France) ;

– contre l’avis de la commission et du Gouvernement, l’amendement n° 160 rect. de M. Stéphane Piednoir et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, excluant cette fois de la nouvelle part supplémentaire de la contribution sur le chiffre d’affaires prévue à l’article L. 245-6 du même code ces mêmes médicaments acquis par Santé publique France ;

– contre l’avis du Gouvernement, l’amendement n° 613 rect. (la rectification tenant compte de ce que plusieurs alinéas de l’amendement de départ n’avaient plus d’objet compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 1861) de la rapporteure générale, relevant de 2,19 à 2,29 milliards d’euros le seuil Z (dispositifs médicaux) pour 2026, dont l’exposé indique qu’il « reprend un amendement présenté par Thibault Bazin, rapporteur général à l’Assemblée nationale, visant à augmenter le seuil du montant Z afin de limiter les risques de déclenchement de la clause dans de trop grandes proportions ; en effet, son déclenchement plus que probable au regard des montants prévus porte un risque pour les industriels du secteur et envoie un signal négatif en faveur de l’innovation ; en cas de déclenchement de la clause de sauvegarde, environ 50 % de la charge pourrait peser sur des TPE/PME » ;

– la commission ayant demandé son retrait et contre l’avis du Gouvernement, l’amendement n° 925 rect. bis. de Mme Pascale Gruny et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, excluant les médicaments dits matures, ou plus exactement les « spécialités de référence au sens de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique et les spécialités autorisées sur la base d’un usage médical bien établi, au sens de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, dont le principe actif n’est plus breveté » de la part de base (la première des deux qui existent déjà) de la contribution sur le chiffre d’affaires.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de revenir sur l’exclusion des achats de Santé publique France et de relever M et Z dans une proportion à propos de laquelle il est naturellement prêt à continuer sa discussion avec le Gouvernement.

● Le rapporteur général souligne, d’une part, qu’il avait lui-même suggéré dans le passé que la clause de sauvegarde, lorsqu’elle est due, soit payée grâce à un acompte et, d’autre part, que toutes choses égales par ailleurs l’assiette et le taux qui sont retenus par l’article 10 pour la nouvelle part supplémentaire profiteront aux producteurs de spécialités génériques, hybrides et biosimilaires.

Aussi déplore-t-il au sujet des modifications faites par l’exécutif :

– s’agissant de la clause de sauvegarde :

* l’exonération des génériques et des spécialités au tarif de responsabilité, qui par un effet de vases communicants conduira à un renchérissement pour les autres médicaments (la clause étant un impôt collectif alors que la contribution relevant de l’article L. 245-6 étant plus individualisée) ;

* la fixation (en fait le maintien) de M à un niveau semblant trop bas ;

– s’agissant de la part supplémentaire :

* le décalage d’un an d’une réforme qui, par le biais d’un acompte de 95 %, aurait été très intéressante pour les organismes de recouvrement (le manque à gagner en termes de trésorerie ne lui a pas été communiqué) que pour les redevables ;

* la fixation de taux de base et différencié sans explication (et même avec l’aveu d’une improvisation).

Quant aux changements résultant d’amendements sénatoriaux :

– l’exclusion des médicaments achetés par Santé publique France pour la constitution de stocks stratégiques ne semble pas pertinente pour trois raisons :

* d’abord, Santé publique France paie pour ses achats, donc ce n’est pas une réquisition et il en résulte un chiffre d’affaires parfaitement normal ;

* ensuite, le marché concerné des achats stratégiques est, par nature, marqué par des barrières fortes à l’entrée et un niveau élevé de concentration, comme l’a noté la directrice générale de Santé publique France, devant la commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française ([204]). De ce fait et compte tenu d’une nécessité de disponibilité rapide de ces types de production, les industriels concernés bénéficient d’une prime à la vente supérieure à celle d’entreprises opérant sur des marchés moins stratégiques, laquelle est renforcée en situation de crise, ainsi que l’a démontré l’exemple des équipements de protection lors de la crise du covid-19 ;

* enfin, même dans le cas où Santé publique France renoncerait à ses achats, les industriels pharmaceutiques sont rémunérés pour l’immobilisation de capacités de production spécifiques qui seraient utilisées en cas de crise sanitaire, et si la crise n’intervient pas, ils ont moins de consommations intermédiaires à payer.

– le rapporteur général se félicite naturellement que son homologue ait repris un amendement qu’il avait déposé à l’Assemblée nationale pour relever Z ;

– le rapporteur général entend le souhait du Sénat de préserver les spécialités matures, mais il lui semble :

* d’une part, que les questions de propriété intellectuelle doivent se traiter ailleurs que dans le budget de la sécurité sociale ;

* d’autre part, qu’il y avait pour aller dans ce sens une solution, qui consistait à ne pas transformer l’assiette d’un chiffre d’affaires brut en un chiffre d’affaires net comme l’a pourtant impliqué l’amendement du Gouvernement.

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*     *

Article 10 bis A (nouveau)
Création d’une taxe à la charge des entreprises pharmaceutiques
retardant l’entrée sur le marché d’un médicament générique

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par le Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis de la commission et du Gouvernement, de l’amendement n° 1694 de M. Serge Mérillou et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il crée un article L. 138-10-1 du code de la sécurité sociale aux termes duquel serait instituée au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) une taxe de 3 % – voire de 5 % en cas de « récidive » – sur le chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France par les exploitants de spécialités pharmaceutiques qui « retardent l’entrée effective sur le marché d’un médicament générique plus de douze mois après la date d’expiration du brevet initial ou du certificat complémentaire de protection » (au titre des ventes de la spécialité concernée).

À cette fin, une présomption qualifierait de retard les « pratiques consistant à maintenir artificiellement l’exclusivité commerciale d’un médicament par le dépôt d’un ou plusieurs brevets portant sur des formes galéniques, dosages, associations de principes actifs ou procédés n’apportant pas d’amélioration du service médical rendu ou toute action judiciaire ou administrative manifestement dilatoire visant à empêcher ou retarder l’autorisation de mise sur le marché d’un générique équivalent » – agissements dont l’exposé de l’amendement n° 1694 note qu’ils sont connus en anglais comme « evergreening ».

L’expiration d’un brevet permet l’apparition du générique : le princeps est alors l’objet d’une décote de 20 % et le générique est en principe 60 % moins cher (40 points de moins que le prix décoté) pendant dix‑huit mois, avant que s’applique une nouvelle décote de 12,5 % pour le princeps et de 7 % pour le générique.

2.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de supprimer l’article 10 bis A.

Il estime comme son homologue Mme Élisabeth Doineau que les pratiques abusives dans le champ commercial ou de la propriété intellectuelle doivent être sanctionnées par les juridictions, administrations ou autorités indépendantes compétentes plutôt que faire l’objet d’une taxe ; surtout, il n’appartient pas au fisc ou aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de se prononcer – leurs services n’en ont tout bonnement pas les moyens humains et juridiques – sur le caractère « manifestement dilatoire » de l’enregistrement de brevets, sur l’abus de position dominante ([205]), sur les gestes anticoncurrentiels, etc.

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*     *

Article 10 bis B (nouveau)
Exclusion des greffons tissulaires humains de la clause de sauvegarde

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par le Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, suivant l’avis de la commission et le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse du Sénat, des amendements identiques n° 192 rect. de Mme Florence Lassarade et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains et n° 1594 rect. de Mme Marion Canalès et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il modifie l’article L. 138‑19‑10 du code de la sécurité sociale pour que ne soient pas soumis à la clause de sauvegarde au titre des dispositifs médicaux (DM), laquelle se déclenche en fonction du montant Z (alors que le montant M est relatif aux médicaments), les « établissements et organismes qui, autorisés à cet effet [...], assurent la préparation, la conservation, la distribution et la cession des produits inscrits au chapitre 3 du titre III de la liste des produits et prestations pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation ([206]) ». La liste en sus est consultable sur le site de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) ([207]) : le titre III regroupe les DM individuels et les implants et greffons tissulaires d’origine humaine ; son chapitre 3 porte sur les implants dérivés de dérivés humains et les greffons.

Les établissements et organismes concernés sont donc les banques de tissus humains, dont l’article L. 1243‑2 du code de la santé publique prévoit que si les y autorise l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), après avis de l’Agence de la biomédecine (ABM), elles « peuvent assurer la préparation, la conservation, la distribution et la cession, à des fins thérapeutiques autologues ou allogéniques, des tissus et de leurs dérivés et des préparations de thérapie cellulaire ».

2.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de conserver l’article 10 bis B dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat.

Son raisonnement n’est pas le même que pour les initiatives tendant à retirer de l’assiette de la clause de sauvegarde tel ou tel médicament (ou ici tel ou tel DM) : en effet, il rejoint les sénateurs ayant déposé les deux amendements à l’origine de cet article additionnel sur le fait que les greffons tissulaires humains se distinguent des autres produits de santé (il est loisible à chacun d’avoir un avis favorable ou contraire aux dons de produits du corps humain, mais les structures concernées sont de fait des partenaires du service public) et qu’il est pertinent d’alléger la charge fiscale de leurs banques, qui sont déjà fragiles (pour un coût vraisemblablement marginal si la clause se déclenchait, situation que le rapporteur général ne souhaite pas).

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*     *

Article 10 bis
Exclusion des médicaments génériques et biosimilaires du calcul
de la clause de sauvegarde

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement, des deux amendements identiques n° 972 de Mme Sylvie Bonnet et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine et n° 2177 de Mme Annie Vidal et plusieurs de ses collègues du groupe Ensemble pour la République.

Il complète l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, relatif (avec les articles L. 138-11 à L. 138-16 du même code) à la contribution dont sont redevables les entreprises assurant l’exploitation, l’importation et la distribution de spécialités pharmaceutiques lorsqu’est dépassé un montant M fixé chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale – exprimé en fonction de leur chiffre d’affaires hors taxes (CAHT) jusqu’en 2027 et appelé à l’être suivant les remboursements de la branche maladie à compter de cet exercice. Ce versement est souvent qualifié de clause de sauvegarde car il vient a posteriori en atténuation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

Les médicaments pris en compte pour la détermination du chiffre d’affaires sur lequel est, le cas échéant, assise la clause sont, ainsi que le commentaire produit en première lecture sur l’article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 l’indique avec plus de détails : les médicaments remboursables dispensés en officine ; les médicaments pris en charge en sus des prestations d’hospitalisation et ceux vendus au détail par les pharmacies à usage intérieur (PUI) des établissements de santé à des malades non hospitalisés, inscrits sur la « liste de rétrocession » ; les médicaments ayant une autorisation temporaire d’utilisation (ATU), au titre de l’accès compassionnel ou précoce ; les préparations de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique bénéficiant d’une autorisation d’importation et remboursées ; les médicaments bénéficiant du dispositif d’accès direct ; à compter de 2024, les médicaments acquis par Santé publique France pour faire face aux menaces sanitaires graves, ainsi que les médicaments en fin de prise en charge au titre de l’accès précoce et bénéficiant d’une prise en charge dérogatoire et temporaire.

L’article 10 bis écarte de cette base les génériques, les médicaments biologiques similaires et les médicaments hybrides.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les amendements n° 972 et n° 2177 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, contre l’avis du Gouvernement – ce qui est à tout le moins contradictoire avec les modifications qu’il a lui-même soumises et fait introduire par le Sénat à l’article 10 (cf. supra) –, l’amendement de suppression de l’article 10 bis n° 615 de la rapporteure générale.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de maintenir la suppression de l’article 10 bis effectuée par le Sénat.

Il a fréquemment pu montrer son soutien au développement des spécialités génériques, biosimilaires et hybrides mais rappelle que la solution la plus efficace en ce sens est d’aller plus loin dans les substitutions (à la prescription ou à la délivrance) et que, s’agissant de la fiscalité :

– la clause de sauvegarde n’aurait, si l’on en croit le Gouvernement et surtout si l’on s’en assure, ce qui reste à faire, en relevant M (médicaments) et Z (dispositifs médicaux), plus vocation à se déclencher ;

– au cas où la clause serait appelée, les amendements à l’origine de l’article 10 bis prévoient un système dont la commission des affaires sociales du Sénat note justement qu’il sera « difficilement articulable avec la nouvelle rédaction de l’article L. 138-10 prévue par l’article 28 de la LFSS pour 2024 ; en effet, les montants de la clause de sauvegarde appelés en 2027 et dus au titre de l’année 2026 seront calculés sur le montant remboursé par l’assurance maladie [...], minoré des remises consenties par les entreprises, des marges des distributeurs, des honoraires de dispensation et des taxes en vigueur ; il n’est donc pas pertinent de prévoir un mécanisme d’exemption sur le chiffre d’affaires réalisé puisque ce dernier ne sera plus prix en compte au titre de l’année 2026 » ([208]) ;

– l’autre contribution sur le chiffre d’affaires, prévue à l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale :

* est déjà favorable aux génériques qui sont exemptés de sa part de base ;

* dans la rédaction initiale de l’article 10, le demeurait dès lors qu’au titre de sa prochaine part supplémentaire un taux réduit était envisagé par le Gouvernement pour ces spécialités, ainsi que celles qui, quoique de référence, sont sous tarif forfaitaire de responsabilité ou dont le prix est fixé au niveau de celui du groupe générique correspondant ;

– dans la rédaction de l’article 10 résultant des travaux du Sénat, le serait davantage, compte tenu de leur exclusion.

Il est vrai que ces aspects intéressants visent les médicaments génériques ou sous tarif de responsabilité, pas les biosimilaires et hybrides. En rappelant qu’il les soutient mais suivant d’autres leviers de la fiscalité, le rapporteur général fait siens, sur ce point précis, les arguments donnés par son homologue Mme Élisabeth Doineau dans l’exposé de l’amendement n° 615 : « au regard de l’évolution des dépenses liées aux biosimilaires et du modèle économique de ces médicaments qui, bien que moins chers que les médicaments de référence, ne peuvent être assimilés aux génériques, les exclure entièrement de la clause ne paraît pas soutenable dans le contexte financier actuel de l’assurance maladie ».

*

*     *

Article 10 ter
Introduction d’un critère de territorialité dans le calcul
de la clause de sauvegarde

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, suivant l’avis du rapporteur général mais contre celui du Gouvernement, des trois amendements identiques n° 407 de M. Bertrand Bouyx (groupe Horizons & Indépendants), n° 2056 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé et plusieurs de ses collègues des groupes Horizons & Indépendants, Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires et Ensemble pour la République et n° 2351 de M. Michel Lauzzana et plusieurs de ses collègues du groupe Ensemble pour la République.

S’agissant toujours de la clause de sauvegarde sur les médicaments (cf. supra les commentaires des articles 10 et 10 bis), il remplace le II de l’article L. 138-12 du code de la sécurité sociale ([209]), lequel concerne la détermination individuelle de chaque entreprise redevable (puisque la clause est une imposition collective) :

– le droit applicable au moment de la rédaction du présent rapport :

* applique au chiffre d’affaires agrégé un taux de 50 % (part supérieure à M et inférieure ou égale à 1,005 fois M), de 60 % (part entre 1,005 fois M et 1,01 fois M) ou de 70 % (part supérieure à 1,01 fois M) ;

* puis la répartit entre chaque redevable à concurrence de 70 % au prorata de son propre chiffre d’affaires et de 30 % suivant la progression de ce chiffre d’affaires individuel par rapport à l’exercice précédent ;

– la version devant s’y substituer en 2027 prévoit :

* que le taux collectif est de 90 % de la différence entre M et les sommes remboursées, ce qui fait que même en cas de déclenchement de la clause, un reliquat du dépassement ne vient jamais en minoration de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) ;

* puis que la contribution individuelle dépend à 70 % des remboursements au titre des médicaments exploités, importés ou distribués par l’entreprise et à 30 % de la progression de ces premiers pour la même entreprise d’une année à l’autre ;

– l’article 10 ter ne modifie que le calcul de la contribution individuelle pour disposer que 50 % dépendront des remboursements, 30 % de leur variation et 20 % du lieu de production des médicaments, en fonction du barème ci-après.

Pondération pour le comput de 20 % de la contribution individuelle
à la clause de sauvegarde envisagé par l’article 10 ter

Part des médicaments
produits dans l’Union européenne

Coefficient

Part de la contribution
de l’entreprise

Inférieure ou égale à 20 %

4

Coefficient de l’entreprise divisé par la somme des coefficients de l’ensemble des entreprises redevables

Supérieure à 20 % et inférieure ou égale à 40 %

3

Supérieure à 40 % et inférieure ou égale à 60 %

2

Supérieure à 60 % et inférieure ou égale à 80 %

1

Supérieure à 80 %

0

Source : texte résultant des délibérations de l’Assemblée nationale.

Le rapporteur général voit dans ce schéma une troisième étape bienvenue, car à l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale il avait été prévu en 2022 que le prix des médicaments « peut tenir compte du lieu de production » et en 2024 qu’il « tient compte » de cette territorialité, afin de soutenir la production nationale et en tout cas européenne des spécialités pharmaceutiques, sans que cette incitation à la souveraineté sanitaire soit incompatible avec un complément sur le plan fiscal ; il voit dans les trois amendements un « dispositif très structuré », lequel nécessitera toutefois de « clarifier les étapes de la production du médicament car certains peuvent être fabriqués de manière séquentielle ou bien en parallèle, sur différents sites situés dans différents pays » – en propre ou avec des sous-traitants ([210]).

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les amendements n° 407, n° 2056 et n° 2351 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

La commission des affaires sociales du Sénat a estimé que l’article 10 ter viendrait « complexifier » les déclarations des entreprises et l’appel éventuel de la clause alors qu’il serait possible de continuer à passer par les négociations entre le Comité économique des produits de santé (Ceps) et les laboratoires ([211]).

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement, l’amendement de suppression de l’article 10 ter n° 616 de la rapporteure générale.

3.   La position du rapporteur général

Malgré son soutien en première lecture pour les amendements à son origine, le rapporteur général prend acte que l’administration et le Ceps ne sont pas prêts, techniquement, pour appliquer le barème territorialisé dont il est question ; aussi propose-t-il de maintenir la suppression de l’article 10 ter effectuée par le Sénat mais il lui semble indispensable que le Gouvernement se saisisse plus sérieusement de la question de la souveraineté française et européenne de production des médicaments, non seulement dans leur prix mais dans le calcul de la contribution individuelle des laboratoires à la clause de sauvegarde – même s’il serait préférable que M et Z soient fixés à un niveau tel qu’elle ne se déclenche pas.

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*     *

Article 11
Améliorer la gestion de la trésorerie du régime général en instaurant
un mécanisme d’acompte des remises relatives aux produits de santé

Origine de l’article : projet de loi.

Sort à l’Assemblée nationale : modifié.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article prévoit, avec une transition en 2026, que les remises reversées à l’assurance maladie par les entreprises exploitant, important ou distribuant des médicaments ou des dispositifs médicaux remboursés le seront à compter de 2027 au moyen de quatre acomptes (pour 95 %) durant l’exercice au titre duquel elles sont dues, puis d’une régularisation, alors que pour l’heure elles sont appelées à l’automne de l’année suivante. Si le but est d’apporter à la branche maladie des encaissements plus réguliers, donc de minorer ses emprunts, l’effet sera analogue pour les redevables, dont les représentants avaient dans le passé suggéré une mesure proche.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu :

– l’amendement n° 378 de M. Hendrik Davi et des membres du groupe Écologiste et Social, prévoyant que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) rende publics, pour chaque entreprise concernée, les remises, prix, tarifs et coûts nets, ainsi que le niveau de régularisation par rapport à l’acompte, adopté contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement ;

– l’amendement n° 2315 du rapporteur général, clarifiant la distinction entre les mesures transitoires et pérennes, adopté suivant l’avis du Gouvernement.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement, les six amendements identiques n° 316 rect. ter de M. Alain Milon et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, n° 564 de M. Khalifé Khalifé (apparenté au même groupe), n° 618 de la rapporteure générale, n° 746 rect. bis de M. Guislain Cambier et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste, n° 1087 rect. de M. Martin Lévrier et des membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants et n° 1369 rect. bis de Mme Martine Berthet et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, supprimant les alinéas relatifs à la diffusion par l’Acoss ou le Comité économique des produits de santé d’informations qui violeraient le secret des affaires et fragiliseraient les laboratoires en termes de concurrence internationale (tandis que la confidentialité de la différence entre les prix facial et effectif n’a pas d’incidence sur les finances publiques).

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de conserver l’article 11 dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat.

● Le rapporteur général souligne qu’outre une grande simplification pour les entreprises les reversant à l’assurance maladie, l’acompte de 95 % que met en place l’article 11 générerait, s’il combiné au mécanisme analogue prévu à l’article 10 dans sa rédaction examinée par l’Assemblée nationale (en ce qui concerne la contribution sur le chiffre d’affaires), un choc de trésorerie positif de près de 9 milliards d’euros en 2026 pour l’Acoss – sans lequel son plafond d’emprunt ne serait pas de 83 mais de 92 milliards d’euros.

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*     *

Article 11 bis
Extension du périmètre de la taxe sur les boissons prémix

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, suivant l’avis du rapporteur général et le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse de l’Assemblée, de l’amendement n° 2416 du président Frédéric Valletoux et plusieurs de ses collègues des groupes Horizons & Indépendants, Ensemble pour la République, Écologiste et Social et Gauche Démocrate et Républicaine.

Il complète le I de l’article 1613 bis du code général des impôts, relatif à la taxe perçue au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) sur les prémix, c’est-à-dire :

– les « boissons constituées par :

* « a) un mélange préalable de boissons ayant un titre alcoométrique acquis n’excédant pas 1,2 % vol. et de boissons alcooliques au sens du 2° de l’article L. 1114 du code des impositions sur les biens et services ;

* « ou b) un ou plusieurs produits soumis à l’accise sur les alcools mentionnés à l’article L. 313-2 du [même] code qui ne répondent pas aux définitions prévues par [deux] règlements [européens] ([212]), à l’exclusion des produits mentionnés par [un troisième] règlement [européen] ([213]), ainsi que les cidres et poirés [...], qui ne bénéficient pas d’indications géographiques protégées ou d’attestations de spécificité [...], et qui contiennent plus de 35 grammes de sucre ou une édulcoration équivalente par litre exprimée en sucre inverti » ;

– lorsqu’elles présentent un « titre alcoométrique acquis de plus de 1,2 % vol. et inférieur à 12 % vol ».

L’article 11 bis y assujettit, dans un nouvel alinéa, « toutes les boissons alcoolisées titrant plus de 1,2 % vol. et comportant une adjonction de substances actives ayant un effet stimulant sur le corps » : autrement dit, la définition serait pour celles‑ci beaucoup moins restreinte et surtout ne comprendrait pas de borne haute de titrage, au risque de renforcer le degré d’alcool dans des produits que le législateur entend justement combattre.

L’objectif est en effet de réagir à l’apparition sur le marché, et d’abord dans les territoires ultramarins, de boissons présentées comme énergisantes dès lors qu’en effet elles comprennent beaucoup de sucre et des molécules excitantes mais qui ont pour ingrédient principal un alcool fort, généralement de la vodka compte tenu à la fois de son goût assez neutre et de son coût plus bas que d’autres spiritueux, de sorte qu’une canette de 25 centilitres peut atteindre les 18 % voire 22 % d’éthanol.

La marque la plus présente en France est Vody, qui appartient à une entreprise allemande : elle commercialise, selon un conditionnement coloré et moderne, attirant pour les jeunes, ces mélanges d’alcool et de stimulants, aromatisés ou non (de façon chimique : citron, fruits tropicaux, cola, etc.), avec jusqu’à 30 grammes de glucose par dose, pour 3,50 à 5 euros – d’après une note publiée par l’Union nationale des associations agréées du système de santé (France Assos Santé) en juillet 2025.

Le dispositif de l’article 11 bis cite comme possibles adjonctions la caféine, la taurine et la guaranine, mais renvoie à un décret la précision de cette liste : il sera plus facile pour l’autorité réglementaire de la mettre à jour selon l’inventivité des industriels, alors que toute énumération fermée dans la loi aurait immédiatement généré des contournements.

Ces substances ont des alternatives : la caféine peut être remplacée par de la théine ou du maté ou de la théobromine ; la taurine peut être remplacée par de la carnitine, de la L-tyrosine, de la béta-alanine, de la méthionine, de la cystéine ; le guarana peut être remplacé par du damiana, de la cystéine, etc.

Quant au tarif, il s’agirait nécessairement des 11 euros par décilitre d’alcool pur que mentionne le 2° du II de l’article 1613 bis du code général des impôts puisque les boissons touchées par cet article additionnel n’appartiennent pas aux « catégories fiscales des vins ou des autres boissons fermentées » (article L. 313-15 du code des impositions sur les biens et services) qui ne sont frappées qu’à hauteur de 3 euros.

Enfin, le rapporteur général souligne que la mesure a été rédigée de manière à ne pas toucher les vermouths et vins d’apéritif (Lillet, Quintinye, Dolin, Noilly, Byrrh, Dubonnet, Saint-Raphaël, etc.), donc ne pas pénaliser les producteurs de vins aromatisés ou fortifiés traditionnels mais ceux de Vody et d’équivalents.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu l’amendement n° 2416 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, contre l’avis de la commission et du Gouvernement, l’amendement de rédaction globale de l’article 11 bis n° 1756 rect. quater de M. Bernard Jomier et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui complète le I de l’article 1613 bis du code général des impôts pour assujettir également à la taxe sur les prémix :

– « toutes les boissons constituées par un mélange préalable de boissons ayant un titre alcoométrique acquis n’excédant pas 1,2 % vol. et de boissons alcooliques au sens du 2° de l’article L. 111-4 du code des impositions sur les biens et services » ;

– « les boissons spiritueuses répondant aux définitions prévues au règlement [européen du 17 avril 2019] ([214]), à l’exception des catégories de boissons spiritueuses figurant aux 1 à 44 de l’annexe I de ce règlement ».

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de rétablir l’article 11 bis dans une rédaction qui sur le fond correspond à celle qu’avait adoptée l’Assemblée nationale mais sur la forme reprend des améliorations rédactionnelles que faisait l’amendement n° 619 de la rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat, tombé avec l’adoption de l’amendement n° 1756 (l’amendement de la rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat comportait aussi des modifications de fond auxquelles le rapporteur général ne souscrit pas, tant il lui paraît évident qu’en fixant une limite à 25 % vol., le législateur ne serait pas venu cibler plus finement les boissons mais donner un signal immédiat pour que les industriels renforcent le degré d’alcoométrie de leurs produits pour franchir la barre d’imposition : l’échec aurait été double – budgétaire et sanitaire).

● Le rapporteur général ne soutient pas la modification effectuée par le Sénat car outre la longueur spectaculaire de l’annexe du règlement européen auquel il était fait référence (quoiqu’il fût heureux d’exclure de la hausse de l’assiette les spiritueux traditionnels comme les eaux-de-vie, liqueurs ou pastis), il s’écarte du souhait clair de l’Assemblée nationale, à l’initiative du président Valletoux : viser en tout premier lieu les boissons comportant des excitants.

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Article 11 ter
Taxer les produits n’affichant pas le nutri-score

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis du rapporteur général et du Gouvernement, des deux amendements identiques n° 508 de Mme Sandrine Runel et des membres du groupe Socialistes et apparentés et n° 1801 de M. Boris Tavernier et des membres du groupe Écologiste et Social, modifiés par le sous-amendement n° 2585 de M. Jean-François Rousset et plusieurs de ses collègues des groupes Ensemble pour la République, Horizons & Indépendants, Socialistes et apparentés, Droite Républicaine, Les Démocrates et Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, ayant reçu un avis favorable du rapporteur général mais le Gouvernement n’ayant pas donné le sien.

D’une part, il complète la section 3 du chapitre II du titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts par un article 1613 bis A aux termes duquel la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) bénéficierait du produit d’une nouvelle taxe de 5 % du chiffre d’affaires des metteurs sur le marché de produits dans le champ du règlement européen sur l’étiquetage des aliments ([215]).

Le rapporteur général ne peut se livrer à une citation fastidieuse de ce texte, mais il relève que son champ est très large puisque le premier alinéa du 3 de son article 1er dispose qu’il s’applique aux « exploitants du secteur alimentaire à tous les stades de la chaîne alimentaire » et à « toutes les denrées alimentaires destinées au consommateur final, y compris celles servies par les collectivités, ou destinées à être livrées à des collectivités ».

L’article 11 bis prévoit deux exceptions :

– grâce au sous-amendement, pour les « produits bénéficiant d’un des signes nationaux ou européens de qualité dont la liste est définie par décret », comme les appellations d’origine protégée (AOP), le Label rouge ou les produits biologiques ;

– dans le dispositif initial, « lorsque l’entreprise respecte les obligations prévues à l’article L. 3232-8 du code de la santé publique ».

D’autre part et surtout, car là réside l’intention principale des auteurs de cette mesure, sous un angle qui s’il avait été fait seul l’objet d’un amendement aurait sans doute été frappé d’irrecevabilité comme cavalier puisqu’il concerne le droit de la consommation et du commerce, l’article additionnel modifie le premier alinéa de cet article L. 3232-8 du code de la santé publique afin que la « déclaration nutritionnelle obligatoire » prévue par le règlement européen précité « s’accompagne » (alors que la rédaction actuelle est : « peut être accompagnée ») d’une « présentation ou d’une expression complémentaire au moyen de graphiques ou de symboles ».

Le sous-amendement a de même prévu une exception pour les produits sous signe de qualité.

La déclaration dont il s’agit concerne, selon la section 3 du règlement, toute une série d’éléments : valeur énergétique, quantité de graisses, d’acides gras saturés, de glucides, de sucres, de protéines et de sel, teneur en acides gras mono-insaturés, acides gras polyinsaturés, polyols, amidon, fibres alimentaires, vitamines ou sels minéraux, etc. – le tout avec des règles de calcul que le présent commentaire ne peut raisonnablement aborder.

Quant à la présentation, si plusieurs possibilités existent, ce que les députés à l’origine de l’article 11 ter avaient expressément à l’esprit, comme en attestent leur exposé sommaire et le compte rendu, est de « rendre obligatoire le Nutri-Score ».

Le rapporteur général a évidemment connaissance des travaux scientifiques ou rapports administratifs sur l’intérêt (que personne ne conteste) et les nettes limites (que l’on oublie plus volontiers) du nutri-score.

Il estime toutefois que la fiscalité n’est pas le bon moyen d’inciter à une amélioration de la composition des denrées et à une réduction de la publicité envers les enfants et adolescents : si l’on taxe plus les entreprises qui vendent des produits sucrés, salés, etc., elles répercutent l’impôt sur le prix de vente soit en rayon – or la propension à acheter des aliments mal notés est supérieure chez les ménages les plus modestes, dont il serait malvenu de venir encore baisser le pouvoir d’achat –, soit en aval – or le rapporteur général soutient au contraire le revenu des agriculteurs.

Afficher le nutri-score est une charge lourde pour un petit producteur : le recours à un bureau d’études peut coûter des centaines d’euros, l’abonnement à un logiciel spécialisé ne revient pas moins cher, s’y ajoutent, le cas échéant en payant un graphiste, le reconditionnement des denrées concernées, etc.

Des metteurs sur le marché ont appelé l’attention du rapporteur général sur le fait que la dernière classification met les produits laitiers dans le même ensemble que les sodas. Il faut aussi souligner que la reformulation, c’est-à-dire l’adaptation des recettes, est un processus exigeant et de long terme, qui nécessite de la recherche, donc de l’investissement : ce n’est pas avec une taxe sur le chiffre d’affaires que la puissance publique va l’encourager.

Sur le plan juridique, le rapporteur général relève que l’article 11 ter renvoie à l’intégralité des dispositions du règlement européen susmentionné, pas seulement à celles sur la déclaration nutritionnelle. Par exemple, cela inclut les compléments alimentaires, pour lesquels il est impossible d’afficher le nutri-score ([216]) et qui ne pourraient donc pas échapper à la nouvelle contribution.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les amendements n° 508 et n° 1801 et le sous-amendement n° 2585 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

La commission des affaires sociales a relevé que : « la réglementation européenne en vigueur fixe [...] un cadre juridique strict, qui interdit d’imposer des mentions additionnelles à celles qu’elle prévoit au titre du principe de libre circulation des marchandises ; [...] la mesure pourrait être interprétée comme une obligation déguisée d’affichage » ([217]).

Après avoir adopté trois amendements sur la question des signes de qualité, le Sénat a rejeté l’article 11 ter.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de maintenir la suppression de l’article 11 ter effectuée par le Sénat.

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Article 11 quater
Ajustement de la contribution sur les dépenses de publicité
des jeux d’argent et de hasard

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, suivant l’avis du rapporteur général et du Gouvernement, de l’amendement n° 792 – repris au nom de la commission, qui l’avait accepté – de M. Charles de Courson et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires.

Il précise à l’article L. 137-27 du code de la sécurité sociale, rétabli par le 6° du I de l’article 32 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025 qui a institué au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) une contribution à la charge des opérateurs des activités relevant de l’article L. 320-6 du code de la sécurité intérieure ([218]) autres que les paris hippiques – du Pari mutuel urbain (PMU), des sociétés-mères ou sur internet – et certaines opérations promotionnelles, que pour les établissements titulaires d’une autorisation de jeux mentionnée à l’article L. 321‑1 du code de la sécurité intérieure, c’est-à-dire les casinos, seules les dépenses de publicité afférentes à l’activité de jeux d’argent sont incluses dans l’assiette.

L’ajout vient combler une ambiguïté : la contribution repose sur les frais de publication et d’achat d’espaces publicitaires et sur les prestations externalisées de même nature à la charge des opérateurs de jeux ; pour tous les redevables, hormis les casinos, il n’y a pas d’autres charges de publicité que celles en faveur des jeux, alors qu’un casino peut être opéré par un établissement qui a aussi d’autres activités (café, thalassothérapie, hôtel, voire musée, etc.) pouvant faire l’objet de publicité.

L’article 11 quater sécurise simplement l’intention du législateur.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu l’amendement n° 792 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, suivant l’avis du Gouvernement, l’amendement rédactionnel n° 620 de la rapporteure générale.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose d’apporter à l’article 11 quater dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat une précision légistique de pure forme.

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Article 11 quinquies A (nouveau)
Création d’une taxe sur les dépenses de publicité
en faveur des boissons alcooliques à La Réunion

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par le Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis de la commission et du Gouvernement, de l’amendement n° 1698 de Mme Audrey Bélim et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

● Il présente une rédaction analogue à celle de l’amendement n° 1262 que la même auteure avait fait adopter contre l’avis de la commission et du Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 par le Sénat en première lecture et qui était devenu son article 9 ter A avant qu’il soit écarté dans la suite de la navette.

Les deux différences avec le dispositif de 2025 sont que l’affectataire serait la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de La Réunion au lieu de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et que le seuil de chiffre d’affaires serait de 5 millions d’euros au lieu de 2 millions d’euros.

Le I de l’article de 2026 complète le chapitre V du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale par une section 4 comprenant un article L. 245-13 et instituant au profit de la CGSS de La Réunion le produit d’une taxe au taux de 1 % sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des frais d’achats d’espaces publicitaires de toute nature et forme ou liés à des événements publics en faveur d’une boisson alcoolique à La Réunion, dont seraient redevables les entreprises produisant, important ou distribuant ces biens en France et dont le chiffre d’affaires serait supérieur ou égal à 5 millions d’euros.

Son II prévoit une entrée en vigueur immédiate.

● Ainsi que l’avait indiqué le rapporteur général en janvier dernier ([219]), des motifs substantiels font que l’article 11 quinquies A est pratiquement inapplicable.

En premier lieu, le rapporteur général n’estime pas que la fiscalité soit un levier efficace contre la consommation excessive d’alcool – s’agissant des produits classiques, le cas des Vody étant d’une nature différente (cf. supra le commentaire de l’article 11 bis).

Ainsi que l’a souligné la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat il y a quelques mois ([220]), 10 % des personnes âgées de 18 à 75 ans consomment 58 % de l’alcool, de sorte qu’il faudrait donc une hausse brutale des accises ou de nouvelles taxes pour réduire massivement l’achat des boissons en question, mais cela n’est réaliste ni pour les agriculteurs qu’à l’inverse il faut soutenir, ni pour les consommateurs.

En deuxième lieu, les problèmes liés à la violation des règles de publicité relatives à l’alcool, figurant pour l’essentiel au chapitre III du titre II du livre III de la troisième partie du code de la santé publique et résultant des modifications successives de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite « Évin », doivent trouver une solution dans leur plus grand contrôle par les services des directions générales de l’alimentation (DGAL), de la santé (DGS) et de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGGCRF), ainsi que par les forces de police et l’autorité judiciaire, mais il est inopportun de confondre les questions commerciales avec le financement de la sécurité sociale.

En troisième et dernier lieu, le dispositif de l’article additionnel comporte d’importantes fragilités juridiques :

– il ne définit pas les boissons alcooliques concernées, lesquelles peuvent être appréhendées sous le prisme du 2° de l’article L. 111-4 du code des impositions sur les biens et services comme celles « dont le titre alcoométrique volumique acquis excède 1,2 % vol ou, pour les bières de malt et mélanges de bières de malt et de boissons non alcooliques, 0,5 % vol » mais ont d’autres acceptions suivant les 3° à 5° de l’article L. 3321-1 du code de la santé publique d’une part et la section 2 du chapitre IV ainsi que le chapitre V du titre IV du livre VI du code rural et de la pêche maritime d’autre part ;

– il ne précise pas si le fait générateur de son assiette est la promotion faite à La Réunion ou celle faite pour une consommation à La Réunion ou celle faite en cumulant ces critères, ce qui pose au demeurant une difficulté pour la publicité utilisant d’autres supports que des affiches ou des médias locaux ;

– il renvoie les modalités de recouvrement à un décret, entachant ipso facto la mesure d’incompétence négative et l’exposant de manière certaine à la censure du juge constitutionnel ;

– il peut être lu comme provoquant une rupture d’égalité devant l’impôt, la différence de situation observée dans le seul département concerné avec le reste du territoire national n’étant, malgré son sérieux, pas étayée au point qu’elle formerait avec évidence un motif d’intérêt général suffisant.

2.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de supprimer l’article 10 quinquies A, compte tenu de ses fragilités juridiques.

Comme il l’a écrit l’année dernière, aucun de ses arguments de droit ne remet en cause le sérieux de l’alerte formulée par l’auteure de l’amendement à l’origine de l’article additionnel : « si l’on boit moins d’alcool à La Réunion que dans l’Hexagone, 10 % des usagers [y] consomment 69 % du volume d’alcool ; cette alcoolisation massive d’une frange de la population a des répercussions majeures : accidents, violences intrafamiliales, maladies chroniques, près de 600 morts prématurés par an, 5 000 passages aux urgences, des vies brisées à cause des troubles liées au syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) ; les entreprises qui incitent à la consommation d’alcool doivent participer à la prévention [...] ».

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Article 11 quinquies B (nouveau)
Création d’une taxe sur les produits alimentaires destinés aux nourrissons
contenant des sucres ajoutés

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par le Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, la commission s’en étant remise à la sagesse du Sénat et le Gouvernement s’y étant dit défavorable, de l’amendement n° 854 rect. de M. Xavier Iacovelli et plusieurs de ses collègues des groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants et Les Républicains.

● Il complète la section 2 du chapitre II du titre III de la deuxième partie du code général des impôts par un article 1613 bis A aux termes duquel serait perçu au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), à compter du 1er juillet 2026, une taxe sur les « préparations alimentaires non médicamenteuses présentées comme spécifiquement destinées aux besoins des nourrissons et des enfants en bas âge contenant des sucres ajoutés » :

– son tarif varierait avec l’édulcoration (arrondie à l’entier le plus proche) :

* sous 5 kilogrammes par quintal, 4 euros par quintal ;

* entre 5 et 8 kilogrammes par quintal, 21 euros par quintal ;

* au-dessus de 8 kilogrammes par quintal, 35 euros par quintal

– ce tarif serait, comme c’est le cas pour la plupart des droits indirects (tabac, alcool, etc.), indexé chaque 1er janvier suivant l’inflation de l’avant-dernière année.

Le barème est donc, hors la mention d’une masse solide au lieu d’un volume liquide, le même que celui retenu il y a quelques mois par le législateur, s’inspirant expressément d’une récente réforme britannique, en faisant passer de quinze à trois tranches très heurtées le calcul de la taxe sur les sodas ([221]).

2.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de supprimer l’article 11 quinquies B.

● S’il note avec satisfaction que l’amendement adopté au Sénat n’intègre pas à l’assiette les denrées médicamenteuses, contrairement à certains dispositifs étudiés par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en première lecture (certains bébés ont des carences ou des intolérances au lait par exemple et ont besoin d’un apport glucidique, lipidique ou protéinique élevé) et si à l’évidence il est en faveur d’une amélioration constante de la composition nutritionnelle des produits destinés aux nourrissons, le rapporteur général ne voit pas en quoi un impôt de plus pourrait inciter les industriels à modifier leurs recettes et force lui est surtout de constater que la mesure aurait pour seule conséquence (comme cela s’est observé en 2025 sur les sodas) de rendre plus chers des produits du quotidien : pour un petit pot pour bébé de la marque qui viendra spontanément à l’esprit du lecteur comportant 8 grammes de sucres ajoutés pour 100 grammes, donc plutôt 9,6 grammes dans une dose pour un enfant de quatre mois ou 12,8 grammes dans une dose pour un enfant de six à huit mois, la taxe créée par l’article 11 quinquies B entraînerait un surcoût de 21 centimes par kilogramme, ce qui n’est pas un signal positif à envoyer aux parents de notre pays.

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Article 11 quinquies
Allégement de la taxe sur les ventes en gros aux officines pharmaceutiques

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : adopté sans modification.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis du Gouvernement, de l’amendement n° 1704 du rapporteur général.

Il modifie le a de l’article L. 138‑2 du code de la sécurité sociale pour baisser de 1,5 % à 1,3 % le taux de la première part de la contribution sur la vente en gros (CVEG), dont le produit serait de 261 millions d’euros en 2021 et qui est :

– assise sur le chiffre d’affaires hors taxes (CAHT) réalisé en France auprès des pharmacies d’officine, mutualistes et de sociétés de secours minières au titre des spécialités inscrites sur une liste ([222]) ;

– due par les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques, celles bénéficiant d’une autorisation d’importation parallèle pour une ou plusieurs spécialités, celles assurant leur distribution parallèle et, lorsqu’elles font de la vente en gros, celles qui les exploitent ([223]).

Le rapporteur général est depuis des années inquiet du recul de la profitabilité des grossistes répartiteurs, qui font le métier essentiel d’approvisionner chaque jour les environ 20 000 pharmacies de notre pays mais que la loi prive du levier qui, pour compenser l’augmentation de leurs coûts d’exploitation, tiendrait à une répercussion sur le prix des médicaments remboursables et qu’elle charge, ce qui est bien normal, d’obligations de service public comportant notamment des exigences de stocks ou de délais de livraison.

Les grossistes ont également perdu près de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires par an à raison du déremboursement de certains produits de contraste utilisés en imagerie, lesquels ne sont plus délivrés en officine sur prescription ([224]), mesure qui d’ailleurs a perturbé les radiologues en plus des pharmaciens.

Au moment où se créent, se creusent les déserts pharmaceutiques, il importe au rapporteur général de soutenir les grossistes, dont la commission des finances estimait sous une précédente législature qu’ils paient 85 % de la CVEG totale ([225]).

Les deux autres parts de la CVEG, inchangées par l’article 11 quinquies, sont respectivement aux taux de 2,25 % et de 20 % et reposent pour la deuxième sur l’écart entre le CAHT d’un exercice avec celui du précédent et pour la troisième sur la marge théorique minorée de la marge effective après rétrocession pour les princeps ([226]).

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu l’amendement n° 1704 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté l’article 11 quinquies sans modification.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de conserver l’article 11 quinquies dans sa rédaction commune aux deux assemblées.

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Article 11 sexies
Fixation par la loi du plafond des remises commerciales

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : adopté sans modification.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis du Gouvernement, des huit amendements identiques n° 5 de Mme Françoise Buffet (groupe Ensemble pour la République), n° 374 de Mme Sandrine Runel et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, n° 472 de Mme Josiane Corneloup et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, n° 882 de M. Laurent Wauquiez et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, n° 1164 de M. Marcellin Nadeau et des membres du groupe Gauche Démocrate et Républicaine, n° 1862 de Mme Joëlle Mélin et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National, n° 1869 de M. Guillaume Garot et plusieurs de ses collègues des groupes Les Démocrates, Écologiste et Social, Ensemble pour la République, La France insoumise - Nouveau Front Populaire, Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires et Horizons & Indépendants et n° 2238 du rapporteur général.

Il remplace la rédaction de l’article L. 138‑9 du code de la sécurité sociale par une version changeant sa logique et plusieurs de ses paramètres.

L’article codifié est afférent aux remises dites commerciales – en fait, à ces remises s’ajoutent des ristournes et d’autres avantages – consenties par les laboratoires fournissant des médicaments remboursables aux officines.

Ces remises entrent dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) car outre leur aspect privé elles viennent en déduction du chiffre d’affaires pour la contribution sur la vente en gros (cf. supra le commentaire de l’article 11 quinquies) et pour celle prévue à l’article L. 245‑6 du code de de la sécurité sociale (cf. supra le commentaire de l’article 10) – mais assurément pas pour la clause de sauvegarde dont l’assiette est abattue des seules remises conventionnelles (cf. le même article 10) –, mais elles n’ont pas d’incidence directe sur les dépenses publiques dès lors que les remboursements des médicaments par l’assurance maladie se font sur la base du prix facial.

Actuellement, ces remises commerciales ne peuvent excéder :

– 2,5 % du prix du fabricant hors taxes (PFHT) dans le cas général ;

– un plafond fixé par arrêté dans la limite de 50 % du PFHT pour ce qui concerne les spécialités génériques ou inscrites au répertoire des groupes génériques, les spécialités de référence dont le prix de vente au public est identique à celui des autres spécialités de leur groupe générique, les spécialités hybrides substituables, les médicaments biologiques similaires substituables, les spécialités de référence substituables figurant sur un registre et dont le prix de vente est identique à celui des autres spécialités de leur groupe hybride et les spécialités de référence dont le prix de vente est identique à celui des médicaments biologiques similaires substituables ;

– un plafond fixé par arrêté dans la limite de 50 % du PFHT correspondant au tarif forfaitaire de responsabilité pour les spécialités de référence soumises à un tel forfait.

Les deux plafonds de 50 % n’étaient en pratique pas saturés mais étaient de 40 % ([227]), ce qui paraissait un équilibre raisonnable aux vendeurs, aux acheteurs et à l’assurance maladie. La prise en compte de l’extension du bénéfice dérogatoire aux spécialités hybrides et biosimilaires substituables ([228]) avait impliqué un nouveau texte mais sans particularité sur le fond ([229]). Or le Gouvernement avait ensuite prévu trois étapes, du 1er juillet 2026 au 30 juin 2027 puis du 1er juillet au 31 décembre 2027 et enfin à compter du 1er janvier 2028, pour réduire à 20 % (génériques et hybrides) voire 15 % (biosimilaires) ces plafonds, ce qui aurait été défavorable aux pharmacies (ces remises dépassant 1 milliard d’euros), lesquelles se sont à juste titre mobilisées, au point que le Premier ministre suspende pour trois mois la réforme ([230]).

Soucieuse de préserver la marge des officines pharmaceutiques – car de plus fortes remises signifient pour elles une moindre charge –, l’Assemblée a souhaité :

– conserver le plafond général de 2,5 % (ainsi que le régime d’infraction aux exigences déclaratives) ;

– rétablir la compétence du législateur ;

– établir à 40 % de plafond des remises pour les génériques et hybrides, ainsi que pour les spécialités sous tarif forfaitaire de responsabilité ;

– établir à 20 % le plafond pour les biosimilaires.

Le rapporteur général constate que la détermination du plafond des remises a rejoint le champ réglementaire il y a seulement onze ans ([231]) et que son rapatriement dans le domaine législatif ne devrait pas entraîner de contrainte particulière, tant les LFSS modifient chaque année de nombreux pans de la fiscalité des médicaments.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu les amendements identiques n° 5, n° 374, n° 472, n° 882, n° 1164, n° 1862, n° 1869 et n° 2238 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté l’article 11 sexies sans modification.

3.   La position du rapporteur général

Le rapporteur général propose de conserver l’article 11 sexies dans sa rédaction commune aux deux assemblées.

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Article 11 septies
Contribution spécifique sur les entreprises qui importent, produisent
ou commercialisent de l’hexane

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : supprimé.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, contre l’avis du rapporteur général et le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse de l’Assemblée, de l’amendement n° 148 de MM. Richard Ramos et Pascal Lecamp (groupe Les Démocrates).

Il insère à l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale des I bis, III et IV aux termes desquels la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) serait, à partir du 1er janvier 2026, affectataire du produit d’une contribution de 0,3 centime d’euro par litre payée par les entreprises qui produisent, vendent ou importent du n‑hexane, sans seuil de chiffre d’affaires, dont elle utiliserait une moitié pour accompagner les industriels dans la conversion de « leur outil [sic] à des solutions ne requérant pas [cette] substance », l’autre allant à des « actions de prévention » ([232]).

L’hexane – ou plus exactement le n-hexane qui est une de ses cinq molécules isomères – est un alcane, c’est-à-dire un hydrocarbure obtenu par une distillation ou une thermolyse du pétrole ou du gaz naturel. Il sert comme solvant, diluant ou dégraissant industriel, par exemple en combinaison avec des colles ou dans le but d’extraire l’huile des graines de tournesol ou de colza.

D’abord, sur la forme, le rapporteur général note que la codification choisie par les auteurs de l’amendement ne fonctionne pas, puisque l’article L. 138‑10 du code de la sécurité sociale, plusieurs fois mentionné dans le présent rapport, concerne la contribution connue sous le nom de clause de sauvegarde du médicament.

Ensuite, sur le fond, il estime que l’article 11 septies n’est ni justifié sur le plan sanitaire ni pertinent sur le plan financier :

– nul ne nie que tout produit chimique mal utilisé est dangereux et que si les doses ne sont pas respectées (1 milligramme par kilogramme), l’hexane est à la fois neurotoxique, irritant pour les muqueuses et néfaste pour la fertilité ;

– mais l’usage de l’hexane ([233]) est très encadré par la directive 2009/32/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les solvants d’extraction utilisés dans la fabrication des denrées alimentaires et de leurs ingrédients ;

– au début de l’année, le commissaire européen chargé de la santé et du bien‑être animal a souligné que « dans son rapport sur la nécessité d’une réévaluation de la sécurité de l’hexane utilisé comme solvant d’extraction dans la production de denrées alimentaires et d’ingrédients alimentaires publié le 13 septembre 2024, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) n’a relevé aucun problème sanitaire immédiat lié à l’exposition orale à l’hexane ; toutefois, l’EFSA a conclu qu’il était nécessaire de procéder à une réévaluation [...] à la lumière de certaines publications récentes [...] sur les effets du n-hexane et de ses métabolites [...] ; la Commission prendra, si nécessaire, des mesures appropriées de gestion des risques [...], en conservant la santé et la sécurité comme principes directeurs » ([234]) ;

– la taxe suggérée par l’article 11 septies réduirait la compétitivité des entreprises françaises, par exemple productrices d’huiles végétales, alors qu’elles contribuent à la souveraineté alimentaire et énergétique du pays, et renchérirait le prix des produits pour tous leurs acheteurs particuliers et professionnels.

Enfin, en termes de méthode, le rapporteur général s’étonne du dépôt d’un tel amendement alors même que la commission des affaires économiques a confié le 24 septembre 2025 à MM. Richard Ramos et Frédéric Weber (ce dernier ayant été remplacé le 8 octobre 2025 par M. Julien Gabarron) une mission « flash » sur l’incidence économique de l’utilisation d’hydrocarbures dans la production d’huiles alimentaires et leur mise sur le marché, dont il faudrait attendre les conclusions.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu l’amendement n° 148 dont résulte cet article.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a adopté, le Gouvernement s’en étant remis la sagesse de celui-ci, les trois amendements de suppression de l’article 11 septies n° 135 rect. de M. Pierre Cuypers et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, n° 621 de la rapporteure générale et n° 1508 rect. ter de M. Stéphane Le Rudulier et plusieurs de ses collègues des groupes Les Républicains et Les Indépendants - République et Territoires.

3.   La position du rapporteur général

En redisant à la fois sa conviction que les taxes dites comportementales ont pour principale conséquence un renchérissement des produits pour les clients finaux et son appel aux autorités compétentes pour se saisir avec la plus grande vigilance du débat scientifique renouvelé sur la dangerosité de quantités trop élevées ou d’un usage trop peu rigoureux de l’hexane, le rapporteur général propose de maintenir la suppression de l’article 11 septies effectuée par le Sénat.

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*     *

Article 11 octies (nouveau)
Création d’un plan d’épargne pour les salariés des associations

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par le Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● Cet article est issu de l’adoption en séance publique, la commission s’en étant remise à la sagesse du Sénat et contre l’avis du Gouvernement, de l’amendement n° 850 rect. bis de M. Martin Lévrier et des membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

● Il crée un article L. 242-1-1 A du code de la sécurité sociale aux termes duquel serait institué sous le nom de « plan d’épargne association » un dispositif par lequel « [les] salariés des associations soumises au titre III du livre III de la troisième partie du code du travail et qui dégagent un excédent net comptable au cours des trois derniers exercices clos [pourraient] se constituer un portefeuille de valeurs mobilières avec l’aide de leur employeur », étant précisé que ses paramètres seraient calqués sur ceux du plan d’épargne entreprise (PEE) puisque « les conditions d’ouverture, de fonctionnement, de blocage des sommes ainsi que les plafonds d’abondement [seraient] ceux mentionnés aux articles L. 3332‑1 à L. 3332‑27 du code du travail, l’association étant assimilée à une entreprise » (I de l’article créé).

Pour respecter de manière un peu artificielle l’exigence d’un « effet sur les recettes des régimes obligatoires de base » posée par le 1° de l’article L.O. 111-3-6 du code de la sécurité sociale, l’article additionnel se place – ce qu’indique son insertion dans la sous-section 1 de la section 1 du chapitre II (relatif à l’assiette, au taux et au calcul des cotisations) du titre IV du livre II du même code – sur le terrain d’une exclusion de la base des cotisations et contributions de sécurité sociale.

En effet, l’article L. 3332-27, précité, du code du travail, prévoit que les sommes versées sur un PEE par l’employeur :

– peuvent être déduites par l’entreprise de son bénéfice pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés (IS) ou de l’impôt sur le revenu (IR), par exemple si c’est une entreprise unipersonnelle ;

– sont exclues de l’assiette des cotisations définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, or comme le présent rapport l’a plusieurs fois souligné, il s’agit des revenus d’activités pris en compte pour la contribution sociale généralisée (CSG) aux termes des articles L. 136-1 et L. 136-1-1 du même code ;

– sont exonérées de l’IR des bénéficiaires.

L’article L. 3332-11 du code du travail dispose que les versements faits par les salariés excédant 30 % du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale – connu comme plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) – sont imposables dans les conditions prévues à l’article 80 sexdecies du code général des impôts, lequel se révèle parfaitement circulaire puisqu’il se borne à indiquer que ces sommes sont assujetties de manière normale, à l’exception de celles qui ne dépassent pas le plafond, lesquelles sont exonérées, ce que d’ailleurs répètent ne varietur les a et a bis du 18° de l’article 81 du même code.

S’agissant du plan d’épargne que l’article 11 octies créerait pour les salariés des associations, l’abondement de l’employeur viendrait en franchise des cotisations et contributions de sécurité sociale (II), à l’exception de la CSG et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) – force est de noter qu’un renvoi au 3° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale aurait pour conséquence que le taux de 7,2 % qu’il prévoit ne s’appliquerait pas qu’à la CSG, pour laquelle c’est un taux réduit, mais aussi à la CRDS, pour laquelle ce serait une multiplication par 14,4 en comparaison avec celui prévu par l’article 19 de l’ordonnance n° 96‑50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ([235]) – (du III) et du forfait social, c’est-à-dire de la contribution de l’employeur au taux de 20 % prévue par les articles L. 137-15 à L. 137-17 dudit code ( du III).

L’excédent net comptable serait défini par voie réglementaire (IV).

2.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général propose de supprimer l’article 11 octies.

● Naturellement, le rapporteur général fait sien le souhait d’encourager nos concitoyens à se constituer, s’ils le peuvent, une épargne, mais il indique une fois de plus son refus que les règles organiques soient contournées : la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), ainsi du reste que la loi de finances, ne sont pas des véhicules adaptés pour la création d’un produit de banque ou d’assurance, que leur soit associé ou non un traitement fiscal et social dérogatoire.

Par ailleurs, il ne lui semble pas que la solution soit de créer un plan pour les seuls salariés des associations, car il serait plus simple juridiquement et efficace d’un point de vue financier de faciliter l’ouverture d’un PEE aux salariés de l’économie sociale et solidaire (ESS).

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*     *

Article 11 nonies (nouveau)
Augmentation du temps de travail annuel de douze heures et
exclusion de la dernière heure de l’assiette des cotisations sociales

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par le Sénat

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

● L’article 11 nonies résulte de l’adoption en séance publique au Sénat d’un amendement de M. Olivier Henno et plusieurs de ses collègues du groupe Union Centriste (n° 572 rect. septies) malgré un avis défavorable du Gouvernement et de la commission.

Il propose de porter la durée annuelle de travail de 1 607 à 1 619 heures pour le décompte des heures supplémentaires. Sa recevabilité au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale est assurée, d’une manière que ses auteurs reconnaissent essentiellement technique, par l’exclusion de la dernière heure de travail annuel de l’assiette des cotisations sociales.

● Le I apporte plusieurs modifications au code du travail en vue d’augmenter la durée annuelle du temps de travail :

– l’article L. 3121‑44 qui autorise un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche à définir les modalités d’aménagement du temps de travail et à organiser la répartition de la durée de travail sur une période supérieure à la semaine. Il s’agit que l’accord puisse déterminer une limite annuelle inférieure à 1 619 heures pour le décompte des heures supplémentaires, soit 12 heures de plus qu’actuellement ;

– l’article L. 3121‑41 qui dispose que, lorsqu’est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de cette période de référence. Il s’agit de permettre, lorsque la période de référence est annuelle, que les heures effectuées au-delà de la 1 619e heure soient considérées comme des heures supplémentaires (et plus au-delà de la 1 607e heure) ;

– le 3° de l’article L. 3123‑1 afin que soient considérés salarié à temps partiel les salariés dont la durée de travail annuelle est inférieure à 1 619 heures.

Le II opère une coordination pour les agents de l’État en modifiant l’article L. 611‑1 du code général de la fonction publique. Celui‑ci mentionne en effet que leur durée de travail effectif est celle fixée à l’article L. 3121‑27 du code du travail, c’est-à-dire la durée légale de trente‑cinq heures hebdomadaires, et que le décompte du temps de travail est effectué sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures. Cette durée est ainsi portée à 1 619 heures.

● Le III ajoute un 9° au II de l’article L. 242‑1 du code de la sécurité sociale afin que la dernière heure de travail annuel mentionnée aux différents articles du code du travail et du code général de la fonction publique précitée soit exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

Les auteurs de l’amendement soulignent que cette disposition n’a d’autre motivation que d’assurer sa recevabilité dans la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

● Ces mêmes auteurs estiment qu’un accroissement de douze heures de la durée annuelle de travail générerait un rendement supérieur à 10 milliards d’euros pour les administrations publiques. Ils se fondent sur les estimations présentées par les sénatrices Élisabeth Doineau et Raymonde Poncet Monge dans leur rapport d’information, fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat ([236]), qui estiment, selon un calcul qu’elles qualifient de « simple », que si chaque personne ayant un emploi travaillait une journée de plus, le solde des administrations publiques pourrait être amélioré de 6 milliards d’euros dont 2,5 milliards d’euros pour la sécurité sociale.

Les auteurs estiment enfin que la mesure d’exonération totale de la dernière heure de travail équivaudrait à une perte de 800 millions d’euros, sans toutefois préciser les hypothèses prises en compte pour un tel calcul.

2.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général partage, sur le fond, la conviction qu’il sera nécessaire de travailler plus. Il estime d’ailleurs, comme il l’a dit et écrit à de nombreuses reprises, que l’augmentation du taux d’emploi et de la quantité de travail sont des éléments clefs pour l’amélioration de la richesse nationale, et donc l’une des solutions les plus efficaces pour réduire les déficits de la sécurité sociale sans concession sur le pouvoir d’achat de tous ceux qui travaillent dur.

Cela étant, et on peut le regretter, il n’appartient pas à une loi de financement de la sécurité sociale de définir les règles applicables en matière de durée du travail. Or, l’appréciation de la recevabilité des amendements au Parlement est telle qu’un amendement peut être déclaré recevable car fictivement rattaché au domaine des lois de financement par la création d’une disposition de nature fiscale ou sociale ayant un effet sur les recettes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.

Pour autant, le Conseil constitutionnel procède à un contrôle plus approfondi. Il n’hésite pas, ce que ne font pas les autorités parlementaires chargées de l’examen de la recevabilité des amendements qui considèrent l’amendement comme un tout indivisible, à censurer des dispositions cavalières au sein d’un article même si certaines autres dispositions relèvent bien du domaine des lois de financement.

En l’espèce, il est certain que l’article 11 nonies serait censuré par le Conseil constitutionnel.

● Au‑delà de la seule question juridique, qui constitue déjà un obstacle considérable au maintien de cet article dans le projet de loi de financement, le rapporteur général estime qu’un tel choix de société ne peut être réglé par l’adoption d’un amendement sans réelle étude d’impact au détour d’une discussion sur les finances sociales.

Au demeurant, l’exposé sommaire de l’amendement à l’origine de cet article mentionne un gain estimé sans préciser si ce gain est brut ou net, c’est-à-dire en tenant compte notamment des dépenses publiques supplémentaires liées à l’application de l’augmentation du temps de travail aux agents publics.

En outre, si les auteurs citent les estimations de rendement présentées par les sénatrices Élisabeth Doineau et Raymonde Poncet Monge, ils omettent de rappeler, comme le font justement les sénatrices, qu’une augmentation de la durée de travail des personnes qui ont un emploi peut avoir des effets négatifs sur le taux d’emploi en phase basse du cycle économique, c’est-à-dire lorsque le produit intérieur brut est inférieur à son niveau potentiel ([237]). Or, les données annexées aux textes budgétaires pour 2026 suggèrent que la croissance française (+ 1 % en 2026) se situerait en deçà de la croissance potentielle (+ 1,2 %) ([238]). L’écart de production serait ainsi, en 2026, de l’ordre de – 0,6 % du produit intérieur brut potentiel ([239]).

Enfin, l’article modifie la durée de référence qui définit le début du décompte des heures supplémentaires. Or, il ne propose aucune coordination avec les dispositifs existants d’exonération, de sorte que son application pourrait conduire à des pertes de pouvoir d’achat pour les travailleurs bénéficiant de ces dispositifs sur leurs heures supplémentaires. Si la question de principe peut se défendre – privilégier les heures normales aux heures supplémentaires –, il semble que l’articulation entre la hausse du temps de travail et les dispositifs sociaux incitant au recours aux heures supplémentaires ne soit pas suffisamment prise en compte, ce qui nécessiterait des travaux complémentaires pour en préciser les ressorts et les conséquences.

● Compte tenu de cette réalité et indépendamment de l’intérêt réel du débat qu’il pose, le rapporteur général propose de supprimer l’article 11 nonies.

Article 12
Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale

Origine de l’article : projet de loi.

Sort au Sénat : modifié.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale

● L’article 12 procède, comme chaque année, à la modification de la clef de répartition des ressources fiscales affectées aux différentes branches de la sécurité sociale. Il doit se lire en miroir de l’article 40 du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 qui modifie la part de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée à la sécurité sociale pour tenir compte de certaines mesures prises dans les textes financiers.

Il retrace l’ensemble des transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale d’une part, et entre les organismes de sécurité sociale entre eux d’autre part. Il procède également comme chaque année à des mesures de coordination ou de mise en cohérence de certaines dispositions relatives aux relations financières au sein du champ de la sécurité sociale.

Dans sa version initiale, la modification de la clef de répartition de la taxe sur les salaires ainsi que les nouvelles affectations d’autres contributions engendraient des effets financiers pour les branches de la sécurité sociale qui sont résumés dans le tableau suivant.

impact financier des mesures de transfert (en droits constatÉs)

(en millions d’euros)

 

2025

2026

2027

2028

2029

Robss

 

0

0

0

0

Maladie

 

+ 1 567

+ 1531

+ 1 512

+ 1 524

Famille

 

– 5 730

– 5 898

– 6 062

– 6 230

Vieillesse

 

+ 3 972

+ 4 170

+ 4 347

+ 4 497

Autonomie

 

+ 190

+ 196

+ 202

+ 209

Source : annexe 9 au projet de loi de financement.

● Dans le texte dont il a saisi le Sénat en application de l’article 47‑1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a retenu six amendements rédactionnels du rapporteur général.

2.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

Le Sénat a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel de la commission ainsi que par les amendements suivants.

● Les amendements identiques n° 622 de la commission et n° 1057 de Mme Raymonde Poncet Monge et des membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, malgré l’avis défavorable du Gouvernement. Ils suppriment les mouvements de recettes que l’article 12 effectue entre les branches de la sécurité sociale afin de répartir le « manque à gagner » découlant de la rétrocession à l’État des gains de la réforme des allégements généraux de cotisations sociales pour l’année 2025.

En effet, cette réforme a conduit, par la baisse du point de sortie des exonérations de 1,8 point de cotisations familiales et de 6 points de cotisations d’assurance maladie – dites « bandeaux famille et maladie » –, à un gain de 1,6 milliard d’euros pour la sécurité sociale. Lors de l’adoption des textes budgétaires pour l’année 2025, il fut décidé de conserver ce gain à la sécurité sociale et ne pas le rétrocéder à l’État. Ce choix initial est toutefois remis en cause par l’article 40 du PLF, qui intègre, dans la minoration de la part de TVA affectée à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), la récupération totale des gains liés à la réforme des allégements généraux de cotisations pour l’année 2026 mais également pour l’année 2025.

Afin de protester contre ce choix, les sénateurs ont ainsi ajusté la clef de répartition de la taxe sur les salaires telle qu’elle résulte de l’article 12 dans les proportions suivantes :

– 7,24 points de plus pour la branche vieillesse, soit 1,294 milliard d’euros ;

– 1,67 point de plus pour la branche famille, soit 299 millions d’euros ;

– 8,91 points de moins pour la branche maladie, soit 1,593 milliard d’euros.

Les auteurs de l’amendement appellent le Gouvernement à tirer les conséquences du vote du Sénat en modifiant l’article 40 du PLF pour rehausser de 1,6 milliard d’euros la fraction de TVA affectée à la Cnam.

● Les amendements identiques n° 624 de la commission et n° 1186 de Mme Cathy Apourceau‑Poly et des membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky, suivant l’avis favorable du Gouvernement.

Ces amendements suppriment les dispositions de l’article 12 permettant d’inscrire les excédents des opérations de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (Cnieg) relatives à la contribution tarifaire d’acheminement (CTA) dans les comptes de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). Les auteurs poursuivent toutefois deux objectifs différents.

Mme Cathy Apourceau‑Poly motive son amendement par le fait qu’une telle disposition constituerait une modification de la CTA, dont l’objet d’est pas d’abonder les caisses de la Cnav, et qu’il n’appartiendrait pas aux usagers de l’électricité et du gaz de participer, en cette qualité, au financement du système de retraite.

La rapporteure générale de la commission des affaires sociales du Sénat estime quant à elle que cette disposition ferait courir le risque d’une requalification de la Cnieg, actuellement considérée comme une société financière, en administration publique, ce qui susciterait une hausse faciale du déficit des administrations publiques de plus de 20 milliards d’euros, soit 0,7 point de PIB. Aussi, si elle ne s’oppose pas en tant que tel à l’utilisation des excédents de contribution tarifaire d’acheminement à l’amélioration de la trésorerie de la Cnav, elle propose d’expertiser davantage les conséquences de ce dispositif en termes de comptabilité nationale.

3.   La position du rapporteur général

● Le rapporteur général partage l’avis des sénateurs concernant la nécessité d’assurer une compensation réelle des pertes de recettes que les allégements de cotisations sociales engendrent pour les organismes concernés. Or, comme le rappelle la Cour des comptes dans sa dernière communication sur la situation financière de la sécurité sociale ([240]), les modalités de la compensation des allégements généraux par l’État aboutissent à ce que celle‑ci soit sous‑calibrée, à hauteur de 5,5 milliards d’euros en 2024.

La Cour estime ainsi que, « au regard du niveau élevé du déficit de la sécurité sociale, la baisse de la TVA de 3,0 milliards d’euros en 2026 est préjudiciable à la lisibilité des efforts consentis en matière de meilleure maîtrise des niches sociales ; elle revient de plus sur la décision prise en 2025 de laisser les 1,6 milliard d’euros restants à la sécurité sociale afin de contribuer à son retour à l’équilibre financier, conformément à la recommandation de la Cour, et à réduire la sous-compensation des allègements ».

Le rapporteur général propose donc de maintenir la rédaction de l’article 12 résultant des amendements n°s 622 et 1057 pour soutenir le principe. Il rappelle toutefois deux éléments :

– d’une part, qu’il a proposé des amendements à l’article 40 du projet de loi de finances afin de rehausser la part de TVA affectée à la Cnam d’un montant correspondant aux gains générés par la réforme des allégements généraux non seulement pour 2025 mais aussi pour 2026, à hauteur donc de 3,1 milliards d’euros. Ledit projet ayant été considéré comme rejeté suite au rejet de sa première partie en première lecture par l’Assemblée nationale, il appartiendra d’opérer une telle modification au cours de la navette parlementaire ;

– d’autre part, l’article 12 devrait, comme chaque année, faire l’objet d’une modification en fin de parcours législatif afin de tirer les conséquences des votes intervenus sur la tuyauterie financière de la sécurité sociale. Il y a donc fort à parier que la clef de répartition de taxe sur les salaires telle qu’elle résulte des votes intervenus au Sénat doive être modifiée.

● S’agissant de la modification proposée par les amendements n°s 624 et 1186, le rapporteur général ne partage pas les motivations de fond. Il rappelle ainsi que la contribution tarifaire d’acheminement a été mise en place pour permettre le financement de la part des prestations du régime des industries électriques et gazières correspondant aux activités régulées antérieures à 2005 ([241]), c’est‑à‑dire à l’ouverture du secteur à la concurrence ; qu’elle devrait rapporter 2,2 milliards d’euros en 2026 alors que les droits spécifiques qu’elle finance ne devraient s’élever qu’à 1,3 milliard d’euros la même année, soit un excédent estimé de 900 millions d’euros ([242]).

La mesure qui est proposée à l’article 12 consiste à transférer à la Cnav des excédents qui ne peuvent pas, en l’état actuel de la législation, être affectés à d’autres fins. Cette mesure est neutre financièrement car la Cnieg est déjà adossée à la Cnav mais elle permet à cette dernière d’avoir des facilités de trésorerie et de réduire son recours à l’endettement. C’est donc vertueux sur le plan financier puisque cela conduira à payer moins d’intérêts sur la dette.

Sur la question relative à la requalification de la Cnieg en administration publique, le rapporteur général s’étonne que l’inscription des excédents de CTA dans les comptes financiers de la Cnav soit de nature à remettre en cause la qualification même de la Cnieg en comptabilité nationale. Le rapporteur général rappelle que la Cnieg est déjà adossée à la Cnav depuis le 1er janvier 2005 et que, compte tenu de la fermeture du régime par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 et de la réforme du schéma de financement du système de retraite résultant de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ([243]), elle a vocation à être intégrée financièrement au régime général lorsque ses fonds propres ne permettront plus son équilibrage en application du 3° de l’article L. 134‑3 du code de la sécurité sociale ([244]).

Lors de l’examen de l’article 12 en séance publique au Sénat, le ministre du travail et des solidarités a toutefois confirmé le besoin d’expertiser cette question afin d’assurer qu’une telle mesure ne se traduirait pas par une requalification de la Cnieg au sens de la comptabilité nationale. Le ministre s’est donc prononcé pour sa suppression en indiquant saisir l’Institut national de la statistique et des études économiques de ce problème.

● Le rapporteur général propose d’adopter l’article 12 dans sa rédaction issue du Sénat moyennant des modifications rédactionnelles.

Article 12 bis A (nouveau)
Extension aux fonds de dotation de l’abattement de taxe sur les salaires applicable à d’autres organismes sans but lucratif

Origine de l’article : amendement adopté en première lecture par le Sénat.

1.   Les dispositions résultant de l’examen en première lecture au Sénat

Cet article est issu de l’adoption en séance publique, la commission comme le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse du Sénat, de l’amendement n° 934 rect. de Mme Catherine Conconne et plusieurs de ses collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

a.   Le droit existant

Deux séries de dispositions du code général des impôts sont relatives à la taxe sur les salaires.

La section 2 du chapitre III du titre Ier de la première partie de son livre Ier définit :

* son assiette, à savoir les sommes prises en compte pour la contribution sociale généralisée (article L. 136-1 du code de la sécurité sociale) à l’exception de deux avantages sur les plus-values tirées d’actions (articles 80 bis et 80 quaterdecies du code général des impôts) ;

* ses exemptions, à savoir les rémunérations versées par les employeurs dont le chiffre d’affaires réalisé au cours de l’année civile précédant le versement de ces rémunérations n’excède pas les plafonds définis aux I et I bis de l’article 293 B du code général des impôts, c’est-à-dire 85 000 euros ou 50 000 euros dans des cas particuliers, et les rémunérations payées par l’État sur son budget général « lorsque cette exonération n’entraîne pas de distorsion dans les conditions de la concurrence » d’une part et les indemnités servies à raison du chômage, de l’activité partielle ou de certaines périodes de formation, de reclassement, de reconversion ;

* son barème, à savoir 4,25 % jusqu’à 9 147 euros puis 8,50 % sur la fraction allant jusqu’à 18 259 euros et 13,60 % au‑delà (taux dits majorés), le taux de base étant porté à 2,95 % (Guadeloupe, Martinique et La Réunion) ou 2,55 % (Mayotte) et les taux majorés ne s’appliquant pas aux rémunérations versées par les personnes physiques ou morales, associations et organismes en outre-mer ;

* ses redevables, déterminés de manière complexe mais dont il est possible de retenir qu’il s’agit surtout des employeurs dont le chiffre d’affaires n’est pas pour au moins 90 % imposable à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;

* les employeurs exonérés, à savoir les collectivités territoriales, leurs régies et leurs groupements, les établissements publics de coopération culturelle ou environnementale, les services départementaux d’incendie et de secours, les centres d’action sociale dotés d’une personnalité propre lorsqu’ils sont subventionnés par les collectivités territoriales et divers établissements de formation.

Répartition sectorielle des redevables de la taxe sur les salaires (gauche)
et de leur poids dans son produit (droite) en 2023

(en pourcentage)