N° 2190
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LA PROPOSITION de loi
visant à mettre en place un programme de soutien à l’innovation thérapeutique contre les cancers, les maladies rares et les maladies orphelines de l’enfant,
par Mme marie RÉCALDE,
Députée.
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Voir le numéro : 1909.
SOMMAIRE
Pages
A. Les Cancers et maladies rares pédiatriques, un enjeu de santé publique non négligeable en France
2. Les deux tiers des maladies rares et orphelines débutent dans l’enfance
B. il n’existe Pourtant aucune stratÉgie coordonnÉe destinÉe spÉcifiquement aux enfants
1. Les plans nationaux en matière de cancers et de maladies rares sont orientés vers les adultes
2. Le mille-feuille institutionnel nuit à la lisibilité de la recherche
3. Peu d’appels à projet sont spécifiquement orientés vers les enfants
A. Des sources de financement non mutualisÉes et notoirement insuffisantes
2. Un écosystème d’innovation fragilisé par un déficit de financement durable
1. Le retard en matière de recherche médicale et de traitements
2. Pourquoi ces retards sont particulièrement graves pour les enfants et les maladies rares
Article 1er Création d’une contribution versée par les entreprises du médicament
Article 2 Fixation du taux et de l’assiette de la contribution
Article 3 Compensation financière
ANNEXE N° 1 Liste des personnes ENTENDUEs par la rapporteure
ANNEXE N° 2 Liste des CONTRIBUTIONS REÇUEs par la rapporteure
La recherche en matière de cancers pédiatriques et de maladies rares des enfants constitue un défi : diluée dans des politiques publiques pensées avant tout pour les adultes, elle demeure insuffisamment structurée et sous-financée. Il s’agit pourtant de réalités cliniques et sociales d’une acuité particulière, qui exigent une mobilisation cohérente, durable et résolument orientée vers les besoins spécifiques des enfants. Les cancers représentent aujourd’hui la deuxième cause de mortalité chez l’enfant, avec une incidence en hausse depuis dix ans. Près des deux tiers des maladies rares débutent avant l’âge adulte, entraînant des parcours de vie bouleversés dès les premières années d’existence.
En France, la recherche sur les cancers pédiatriques et les maladies rares de l’enfant évolue dans un paysage institutionnel morcelé. Les stratégies nationales existent, mais peu articulées entre elles, centrées sur les adultes et insuffisamment dotées pour répondre aux enjeux propres à l’enfance. Ce mille-feuille entrave la capacité à bâtir une vision intégrée de la prévention, du diagnostic et du traitement.
Cette fragmentation se répercute directement sur le financement de l’innovation thérapeutique. Les ressources publiques, déjà limitées, sont dispersées entre des dispositifs multiples et trop faiblement mutualisés. Le secteur industriel, quant à lui, s’engage trop peu dans la recherche clinique pédiatrique. L’ensemble aboutit à une situation préoccupante : la France accuse un retard dans le soutien aux entreprises innovantes du médicament (biotechs) qui sont pourtant le maillon indispensable entre recherche fondamentale et commercialisation des nouvelles molécules. Ce retard n’est pas seulement technique ; il est porteur de conséquences profondes. Les enfants, en raison de leur biologie spécifique, sont particulièrement vulnérables aux effets à long terme des traitements existants, souvent hérités de la cancérologie adulte et mal adaptés à leurs physiologies. Pour les maladies rares, l’effet de « double peine » est manifeste : à la rareté de la pathologie s’ajoute la rareté des innovations ciblant des cohortes de patients peu nombreuses.
La présente proposition de loi engage à remédier à cette situation en créant une nouvelle contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises du médicament dont l’objet est de financer, à terme, la recherche dans l’innovation pour les cancers pédiatriques ainsi que les maladies rares et orphelines de l’enfant.
Ces travaux ont été nourris par les témoignages de chercheurs impliqués dans la recherche sur les cancers pédiatriques notamment Mme Catherine Brenner et M. Sébastien Apcher à l’hôpital Gustave-Roussy, ainsi que M. Martin Hagedorn à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. Ils ont également été enrichis par le témoignage de parents et d’enfants engagés dans des parcours de soins.
L’article 1er instaure une taxe prélevée sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques assurant l’exploitation en France de médicaments remboursés par l’assurance maladie. L’article 2 définit le taux de cette contribution (0,15 %) et son assiette en excluant la part liée à l’exploitation des médicaments orphelins. L’article 3 constitue le gage.
I. Une singularité française : les stratégies et structures de recherche sur les cancers pédiatriques et les maladies rares sont cloisonnées et éparses
A. Les Cancers et maladies rares pédiatriques, un enjeu de santé publique non négligeable en France
1. Les cancers pédiatriques, en hausse en France depuis dix ans et deuxième cause de mortalité chez l’enfant de 2 à 17 ans
L’analyse des données standardisées disponibles met en évidence une progression mesurée mais continue de l’incidence des cancers pédiatriques au cours des dernières décennies en France. Cette évolution, bien que portant sur des effectifs relativement modestes en valeur absolue, demeure significative en termes de santé publique. Sur la période allant de 2000 à 2004, le taux d’incidence des cancers chez les enfants de 14 ans et moins était estimé à 152 nouveaux cas par million d’enfants, soit en moyenne 1 700 nouveaux cas par an ([1]). Dix ans plus tard, entre 2014 et 2020, ce taux atteint 161 nouveaux cas par million d’enfants, soit environ 1 823 nouveaux malades chaque année ([2]). Ces données témoignent d’une hausse d’environ 5 % du nombre de nouveaux cas sur dix ans. Selon l’Institut national du cancer, un enfant sur 440 développera un cancer avant l’âge de 15 ans.
Les tumeurs pédiatriques présentent par ailleurs des caractéristiques spécifiques : un quart d’entre elles correspondent à des types de tumeurs quasiment absents chez l’adulte (tels que les néphroblastomes, neuroblastomes ou rétinoblastomes). Les cancers les plus fréquemment observés chez les enfants de 0 à 14 ans sont les leucémies (28,2 %), les tumeurs du système nerveux central (26,3 %) et les lymphomes (10,5 %). Les cancers de l’enfant ne représentent qu’une faible proportion des cancers (0,6 % de l’ensemble tous âges confondus). Ils constituent néanmoins la deuxième cause de décès chez les enfants de 2 à 17 ans.
La rareté de chaque type de tumeur rend indispensable la conduite d’études dans plusieurs centres hospitaliers, souvent à l’échelle internationale. En conséquence, les avancées thérapeutiques s’avèrent plus lentes : depuis vingt‑cinq ans, les progrès sont modestes et les taux de guérison tendent à stagner, contrastant avec les améliorations substantielles observées chez l’adulte. Si le taux de survie à cinq ans des cancers pédiatriques a progressé de façon spectaculaire depuis la seconde moitié du XXe siècle, de l’ordre de 30 % à plus de 80 % dans les pays développés, les données récentes pour la France et l’Europe montrent que ce taux avoisine aujourd’hui les 83 % et que les gains supplémentaires sont devenus limités ([3]).
Taux de mortalité standardisés selon l’âge pour l’ensemble des cancers chez les enfants de 0 à 19 ans en 2020
Source : Organisation mondiale de la santé, « Inégalités face au cancer de l’enfant dans les pays européens membres de l’organisation mondiale de la santé », 2022.
2. Les deux tiers des maladies rares et orphelines débutent dans l’enfance
Dans l’Union européenne, la définition d’une maladie rare s’appuie sur les travaux du programme d’action communautaire relatif aux maladies rares, y compris celles d’origine génétique, mis en œuvre pour la période 1999‑2003 : une pathologie dont la prévalence n’excède pas cinq personnes pour 10 000 habitants.
Cette définition a été reprise dans le règlement (CE) n° 141/2000 du 16 décembre 1999 relatif aux médicaments orphelins, qui désigne comme « médicament orphelin » celui qui est destiné au diagnostic, à la prévention ou au traitement d’une affection mettant en jeu le pronostic vital ou entraînant une invalidité chronique, et ne touchant pas plus de cinq personnes sur 10 000 dans l’Union européenne au moment de la demande.
Cette définition harmonisée a notamment servi de fondement au développement de la base Orphanet, devenue la référence européenne pour l’identification, la classification et la diffusion d’informations sur les maladies rares. Orphanet constitue aujourd’hui un outil essentiel pour améliorer la visibilité de ces pathologies au sein des systèmes d’information en santé, soutenir la recherche et faciliter l’organisation des parcours de soins.
En France, les maladies rares et orphelines constituent un enjeu de santé publique particulièrement important. On estime qu’entre 6 000 et 8 000 maladies rares distinctes sont recensées, touchant environ 3 millions de personnes, soit près de 4,5 % de la population. Parmi ces pathologies, près de 70 % débutent dans l’enfance, ce qui permet d’affirmer que plusieurs centaines de milliers d’enfants vivent aujourd’hui en France avec une maladie rare. Cette réalité souligne la nécessité d’une structuration des filières spécialisées, d’une expertise clinique de haut niveau et d’un effort continu en matière de recherche, d’innovation thérapeutique et d’accompagnement des familles.
B. il n’existe Pourtant aucune stratÉgie coordonnÉe destinÉe spÉcifiquement aux enfants
En France, le soutien à l’innovation thérapeutique pour les cancers et les maladies rares infantiles repose sur un empilement de plans nationaux, d’agences, de filières hospitalières et d’associations. La politique de recherche et d’innovation en matière de maladies orphelines et de cancers est éparpillée ; aucune de ces politiques n’est spécifiquement orientée vers les enfants.
1. Les plans nationaux en matière de cancers et de maladies rares sont orientés vers les adultes
● Deux principaux dispositifs de planification et d’orientation coexistent s’agissant de la prise en charge des cancers et des maladies rares : la stratégie décennale de lutte contre les cancers et le plan national maladies rares. Si ces outils ont permis des progrès dans le pilotage et le financement de la recherche, ils ne comportent toutefois pas de volet spécifiquement fléché vers les enfants. En outre, ils demeurent largement cloisonnés.
● La stratégie décennale de lutte contre les cancers est pilotée par l’Institut national du cancer (Inca). Elle constitue la feuille de route pour réduire l’incidence des cancers évitables, améliorer la qualité de vie des patients et renforcer la recherche.
L’Institut national du cancer (Inca)
L’Inca est une agence d’expertise au service des personnes malades, de leurs proches, des usagers du système sanitaire et social, des professionnels de santé, des chercheurs et des décideurs. Il prend la forme d’un groupement d’intérêt public entre l’État et les principaux acteurs de la lutte contre le cancer, notamment l’Association pour la recherche sur le cancer, la Ligue nationale contre le cancer, les caisses d’assurance maladie, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les fédérations hospitalières et les associations de patients. L’État est représenté au conseil d’administration par les ministères chargés de la santé et de la recherche.
Pour la période 2021‑2030, la stratégie décennale assigne des objectifs ambitieux : prévenir plusieurs dizaines de milliers de nouveaux cas chaque année, augmenter massivement le recours au dépistage, améliorer la survie des cancers de mauvais pronostic et offrir un accès équitable aux innovations. Elle dédie 1,74 milliard d’euros à des actions de prévention, d’innovation et d’accompagnement. Son fonctionnement repose à la fois sur des financements directs de certaines structures, par exemple pour accompagner les dépistages ou les parcours après-cancer, et sur de nombreux appels à projets pilotés par l’Institut national du cancer.
Les objectifs de lutte contre les cancers sont déclinés en 234 mesures opérationnelles. Parmi elles, 11 seulement sont spécifiquement dédiées aux cancers pédiatriques.
Les 11 mesures de la stratÉgie dÉcennale de lutte contre le cancer
ciblant les enfants
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Intitulé officiel |
Objet |
Financement / état d’avancement (2024‑2025) |
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Proposer un appel à projets « High Risk – High Gain » |
Soutenir des projets de recherche très innovants et risqués en cancérologie pédiatrique pour faire émerger de nouvelles pistes de prévention, diagnostic et traitement. |
Financé sur l’enveloppe de 5 millions d’euros par an dédiée à la recherche fondamentale pédiatrique ; plusieurs éditions de l’appel ont déjà eu lieu, avec vingt‑cinq projets de rupture financés. |
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Proposer un appel à projets de recherche en sciences humaines et sociales sur la prise en charge et l’accompagnement des enfants |
Financer des travaux sur le vécu des soins, les trajectoires de vie, l’impact sur les familles (parents/fratrie) et tester des interventions d’accompagnement. |
Appels à projets « santé publique et recherche interventionnelle » : six projets pédiatriques financés pour environ 3,2 millions d’euros. |
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Élargir la collecte de données par la mise en place de questionnaires |
Renforcer les registres de cancers pédiatriques en ajoutant des questionnaires standardisés (facteurs environnementaux, individuels, iatrogènes) pour mieux comprendre les causes et facteurs de risque. |
Élaboration des questionnaires en cours, sous la supervision d’un conseil scientifique regroupant épidémiologistes, cliniciens et représentants de patients. |
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Structurer et consolider une offre de soins d’excellence |
Organiser une filière nationale de soins d’excellence : maillage territorial, recours aux centres experts et organisations interrégionales de recours pédiatriques (OIR). |
Nouvelle réglementation des autorisations de soins cancérologiques pédiatriques en vigueur depuis 2023, autorisations délivrées par les agences régionales de santé, et 5 organisations interrégionales de recours pédiatriques labellisées en 2024. |
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Renforcer la formation des professionnels de santé, notamment non spécialistes de l’enfant |
Mieux former généralistes, urgentistes, pédiatres, paramédicaux aux spécificités des cancers de l’enfant, y compris en soins de support. |
L’Institut national du cancer finance des actions de formation via l’observatoire national de la démographie des professions de santé et des projets pédagogiques nationaux. |
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Sensibiliser les professionnels au diagnostic précoce des cancers pédiatriques |
Faire connaître les signes d’alerte (signes « faibles » mais évocateurs) et les bons réflexes pour raccourcir le délai diagnostic (examens adaptés, recours rapide aux centres spécialisés). |
Élaboration d’outils d’information destinés aux médecins de premier recours (généralistes, pédiatres) avec les sociétés savantes. |
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Garantir l’accès aux thérapeutiques les plus pertinentes, aux essais cliniques, à l’innovation |
Assurer aux enfants l’accès aux médicaments innovants, essais précoces, thérapies ciblées, immunothérapies, dans des structures expertes, avec évaluation de la toxicité et de la qualité de vie. |
Mobilisation du PHRC-K, des programmes d’essais académiques et des plateformes type CLIP2/AJA ; financement de nombreux essais pédiatriques. |
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Encourager les industriels à développer des médicaments contre les cancers pédiatriques et proposer une révision du règlement pédiatrique européen |
Utiliser la stratégie décennale et les leviers français/européens pour pousser les industriels à développer des médicaments spécifiquement pédiatriques, et soutenir une révision du règlement pédiatrique européen. |
Action articulée avec le plan cancer européen et les travaux au niveau de l’Union européenne. |
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Proposer une offre de soins de support adaptée à chaque situation |
Développer des soins de support spécifiques pédiatriques : douleur, nutrition, activité physique adaptée, soutien psychologique, préservation de la fertilité, accompagnement scolaire et social. |
Élaboration d’un référentiel national d’organisation des soins de support pour l’enfant, en cours de finalisation en 2025. |
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Accompagner les familles pour rendre l’accès aux soins plus facile et améliorer leur qualité de vie |
Aider les parents et fratries : transport et hébergement à proximité du centre, soutien social, aménagements de congés (présence parentale), prévention des difficultés financières, etc. |
Prévoit notamment de sécuriser les droits au congé de présence parentale et de faciliter l’accompagnement logistique des familles. |
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Mettre en place un dispositif de suivi à long terme des personnes ayant eu un cancer enfant, adolescent ou jeune adulte |
Créer un suivi structuré à long terme pour les anciens patients (surveillance des séquelles, complications tardives, aspects psycho-sociaux, insertion scolaire/professionnelle), avec parcours dédiés à l’âge adulte. |
S’appuie sur l’expertise sanitaire publiée en 2023 sur le suivi à long terme ; déploiement d’un dispositif coordonné à partir de 2024, avec principes d’organisation nationaux. |
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Poursuivre la structuration d’une recherche d’excellence française, de niveau international, en pédiatrie |
Consolider une recherche pédiatrique intégrée de haut niveau : centres de recherche intégrée d’excellence (PEDIACRIEX), réseaux nationaux, liens avec Cancer Grand Challenges et G7 Cancer. |
Entre 2021 et 2024, 30,9 millions d’euros ont été alloués à des projets de recherche en cancérologie pédiatrique via les programmes Inca-Inserm (en plus de l’enveloppe pédiatrie de 5 millions d’euros par an). |
Source : commission des affaires sociales.
● Les maladies rares, sont pour leur part structurées par les plans nationaux Maladies rares. Le quatrième plan, qui recouvre la période 2025‑2030, est piloté directement par les ministères du travail et des solidarités, de la santé, et de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Le plan national Maladies rares a pour objectifs d’améliorer le parcours de soins, de réduire l’errance de diagnostic, de promouvoir l’accès aux traitements et de développer des bases de données accessibles. Ces quatre axes sont déclinés en 26 objectifs et 75 mesures concrètes. Or, seuls 2 objectifs et 9 actions sont spécifiquement destinés aux enfants autour du dépistage prénatal et néonatal des maladies rares.
Lancé en 2025, le quatrième plan mobilise environ 233 millions d’euros par an. Son fonctionnement repose sur la labellisation et le renforcement des centres de référence et des filières maladies rares, le financement d’appels à projets, et un pilotage partagé entre ministères, acteurs de la santé, associations de patients et réseaux européens.
● S’agissant des enfants, le cloisonnement de ces deux instruments obère leur pertinence, dès lors que les approches médicales en matière de cancers pédiatriques et de maladies rares de l’enfant présentent de nombreux points communs.
Les cancers de l’enfant, comme la plupart des maladies rares, concernent de petites populations : environ 2 500 nouveaux cas de cancers pédiatriques par an en France, et une prévalence très faible pour chaque maladie rare prise individuellement. Cet effectif restreint rend difficile l’acquisition de preuves robustes, la constitution de cohortes ou l’évaluation des traitements selon les protocoles appliqués pour les adultes. Le développement de médicaments devient également moins attractif pour l’industrie pharmaceutique, d’où la nécessité de dispositifs d’incitation et du soutien de la puissance publique pour le financement de la recherche fondamentale et clinique.
Les deux domaines regroupent des pathologies souvent sévères, multiformes et difficiles à diagnostiquer. En oncologie pédiatrique, les cancers n’ont généralement pas les mêmes mécanismes biologiques ni la même évolution que chez l’adulte, ce qui exige des compétences spécialisées. Les maladies rares, quant à elles, couvrent un vaste spectre de mécanismes génétiques, métaboliques ou immunologiques. Dans les deux cas, cette complexité rend la standardisation difficile et impose des approches multidisciplinaires dès le diagnostic.
Parce que les cas sont rares et complexes, la qualité des soins dépend fortement de leur concentration dans des centres experts. C’est le principe des centres de référence maladies rares et des centres experts cancers pédiatriques labellisés par l’Institut national du cancer. Ces structures associent expertise clinique, accès rapide à des examens spécialisés (génomique notamment) et participation à la recherche. Pour les cancers de l’enfant, presque 100 % des patients sont pris en charge dans des centres spécialisés.
Enfin, les deux champs dépendent fortement de la recherche spécialisée pour progresser. En cancers pédiatriques, les découvertes récentes proviennent largement de la génomique, de la biologie des tumeurs rares et des immunothérapies. Dans les maladies rares, plus de 70 % sont d’origine génétique et nécessitent des travaux fondamentaux pour comprendre les mécanismes biologiques avant d’espérer développer des traitements. Dans les deux cas, la recherche est essentielle, mais elle repose sur des équipes très spécialisées et des financements ciblés.
Aucun pays n’ayant un nombre suffisant de patients concernés pour faire avancer seul la connaissance scientifique ou les essais cliniques, les progrès reposent donc sur la structuration de réseaux internationaux : consortiums européens, registres partagés, essais cliniques multicentriques ou bases de données mutualisées. Pour les cancers pédiatriques comme pour les maladies rares, cette coopération réunit suffisamment de cas pour comparer les pratiques et accélérer le développement de traitements innovants. L’Union européenne a structuré ces collaborations à travers les réseaux européens de référence maladies rares ([4]), dont plusieurs incluent l’oncologie pédiatrique.
Ces spécificités communes des cancers pédiatriques et des maladies rares de l’enfant pourraient justifier une coordination de la recherche. Pourtant, il n’existe à ce jour aucune approche centralisée.
2. Le mille-feuille institutionnel nuit à la lisibilité de la recherche
La recherche pédiatrique s’appuie aujourd’hui sur un ensemble de dispositifs successifs qui forment un véritable mille feuilles institutionnel.
● Dans le champ des cancers pédiatriques, l’Institut national du cancer accrédite des structures d’excellence à l’échelle nationale, notamment les Centres de recherche intégrée d’excellence en oncopédiatrie (Pediacriex). À ce jour, quatre plateformes pluridisciplinaires bénéficient de cette labellisation ([5]). Ces centres rassemblent des services médicaux de pointe ainsi que des équipes de recherche afin de conduire de manière coordonnée la recherche fondamentale, clinique et translationnelle ([6]).
L’Institut national du cancer organise et accrédite également des centres labellisés d’investigation ou d’essais de phase précoce (Clip²), qui ont pour mission de structurer des essais cliniques précoces et de favoriser un accès équitable aux innovations thérapeutiques sur l’ensemble du territoire. À ce jour, dix‑neuf centres sont spécifiquement dédiés aux patients adultes et huit centres sont labellisés pour les essais précoces pédiatriques.
Distribution géographique des centres d’investigation (Clip²) et des centres hospitaliers universitaires de recherche en oncologie
Source : Institut national du cancer.
Parallèlement, des initiatives ont vu le jour tels que React4Kid (REsearchers in oncology ACTing for Kids), créé en 2018 et qui est un réseau français de recherche fondamentale et translationnelle consacré aux cancers de l’enfant et de l’adolescent. Il s’est fixé pour missions principales la collaboration entre équipes de recherche ainsi que le partage de compétences et de ressources afin d’accélérer la compréhension des cancers pédiatriques. Ce réseau a développé un entrepôt national unique de données à destination des chercheurs « Share4Kids » pour faciliter la caractérisation médicale des tumeurs pédiatriques. Il réunit plusieurs centaines de scientifiques sur tout le territoire.
La Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l’enfant et de l’adolescent, association fondée en 2003, joue également un rôle important dans la structuration des centres de recherche en oncopédiatrie. Elle réunit vingt‑cinq comités et groupes scientifiques pour coordonner la recherche en oncologie et hématologie pédiatriques dont certains ont été labellisés par l’Institut national du cancer. L’association soutient la recherche par l’animation de réseaux et la publication d’études scientifiques.
À l’échelon territorial, plusieurs types de structures combinent également offre de soins et recherche médicale :
– les organisations hospitalières interrégionales de recours en oncologie pédiatrique (OIR), au nombre de cinq, qui couvrent l’ensemble du territoire national. Elles fédèrent des communautés de chercheurs, des établissements de santé, des universités et des partenaires industriels. Elles contribuent à l’harmonisation des pratiques cliniques ainsi qu’à la diffusion des thérapies innovantes, bien qu’elles ne les financent pas directement ;
– à l’échelle infrarégionale, les équipes de recherche rattachées aux universités, aux établissements hospitaliers et aux centres de lutte contre le cancer.
Ces organismes se sont constitués au fil de l’identification des besoins. Les efforts récents pour structurer des filières n’ont pas abouti à ce jour à une rationalisation du paysage de la recherche en oncopédiatrie.
● Pour les maladies rares, la structure de recherche repose sur un maillage plus structuré mais non spécifiquement fléché vers les enfants. Il est organisé autour des filières de santé maladies rares, qui regroupent les centres de référence maladies rares à vocation nationale et des centres de compétence maladies rares répartis sur le territoire. Cette architecture assure une couverture territoriale fine tout en concentrant l’expertise et la recherche dans les centres de références, souvent adossés à des laboratoires hospitalo-universitaires spécialisés en génomique, métabolisme ou encore immunologie. Les filières coordonnent la recherche clinique et translationnelle, gèrent des bases de données nationales, animent des appels à projets et collaborent avec les réseaux européens de référence qui mutualisent les connaissances et les cohortes à l’échelle continentale. Ainsi, la recherche est à la fois déconcentrée, pour garantir l’accès des patients sur tout le territoire, et centralisée, pour les expertises hautement spécialisées et les projets de recherche de pointe.
3. Peu d’appels à projet sont spécifiquement orientés vers les enfants
L’Institut national du cancer pilote deux appels à projets de référence dédiés à la recherche en oncologie depuis plus de dix ans : le programme hospitalier de recherche clinique en cancer (PHRC‑K) et le programme de recherche translationnelle en cancer (PRT‑K). Ces deux appels à projets disposent d’une enveloppe de plus de 30 millions d’euros par an accordée par le ministère de la santé. L’appel à projet libre de recherche en biologie et sciences du cancer comporte également un volet pour le financement d’appels à projet visant spécifiquement les enfants. En 2024, ces trois appels à projets de référence ont financé 8 projets pédiatriques sur 108 projets au total soit à peine 10 % des financements – 7 millions d’euros sur 70,34 millions d’euros au total.
Depuis 2019, une dotation annuelle spécifique de 5 millions d’euros existe pour des appels à projets en pédiatrie sous pilotage de l’Institut national du cancer. En 2025, seuls 2 appels à projet spécifiques pour les cancers pédiatriques sur les 36 appels lancés en 2025 sont financés grâce à cette enveloppe : « high risque high gain en cancérologie pédiatrique » qui a pour but de soutenir des projets très innovants et « modèles innovants en cancérologie pédiatrique » qui vise à promouvoir l’interdisciplinarité.
Part des projets pÉdiatriques financÉs
sur le total des appels À projets de l’exercice 2024
En euros
Source : Institut national du cancer, « La lutte contre les cancers pédiatriques », septembre 2025.
S’agissant des maladies rares, le ministère de la santé pilote chaque année des projets cliniques au travers de programmes nationaux tel que le programme hospitalier de recherche clinique. Ces appels ne sont pas exclusivement dédiés à l’enfant même si une part importante concerne les maladies génétiques pédiatriques, notamment en immunologie, en neurologie ou en maladies métaboliques.
Enfin, l’Agence nationale de la recherche ouvre régulièrement des appels thématiques en biologie-santé ou en génomique, ainsi que des appels transnationaux dans le cadre des programmes européens qui financent des projets collaboratifs sur les maladies rares avec un volet pédiatrique souvent majeur.
II. Du fait de cette absence d’approche coordonnÉe, lE FINANCEMENT DE l’innovation thÉrapeutique est insuffisant et la France accuse un retard
A. Des sources de financement non mutualisÉes et notoirement insuffisantes
1. Le financement public de la recherche en matière de cancers pédiatriques et de maladies rares est insuffisant et dispersé
En 2023, les activités de recherche et développement menées en France ont représenté une dépense de recherche et développement de 61,7 milliards d’euros, soit 2,18 % du produit intérieur brut (PIB) ([7]). Ce niveau reste en deçà de l’objectif fixé par l’Union européenne dans la stratégie « Europe 2020 », qui visait un seuil de 3 % du PIB. La France se situe loin derrière la Corée du Sud (5,0 %), la Suède (3,6 %), les États-Unis (3,5 %), le Japon (3,4 %), l’Allemagne (3,1 %) ou encore le Royaume-Uni (2,8 %). La moyenne de l’Union européenne s’établit pour sa part à 2,1 %.
La part des publications de recherche françaises dans la production scientifique mondiale, mesurée par la base de données utilisée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, atteint 2,0 % en 2023. La France se classe ainsi au treizième rang mondial et, en Europe, derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
S’agissant de la recherche en santé, les dépenses publiques s’élèvent à 916 millions d’euros en 2023, un niveau qui demeure relativement faible au regard des comparaisons internationales : selon les données de l’Organisation de coopération et de développement économiques, la France reste en effet derrière l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne en 2023 comme en 2024.
Les dÉpenses de Recherche et dÉveloppement pour la santÉ de 2022 à 2024
(en millions d’euros)
Source : Organisation de coopération et de développement économiques.
Les financements dédiés à la recherche en santé sont par ailleurs dispersés entre plusieurs enveloppes budgétaires. Ils sont répartis entre cinq programmes du budget général de l’État issus de trois missions différentes, une part non négligeable relevant en outre du budget des organismes de sécurité sociale.
On peut ainsi relever :
– les programmes 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires et 150 Formations supérieures et recherche universitaire au sein de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, sous le pilotage du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
– le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soin sous le pilotage du ministère de la santé.
En outre, sur la période 2021‑2025, des crédits votés dans le cadre du plan France 2030 ont été fléchés pour partie vers le soutien aux entreprises très innovantes en matière de santé : les programmes 421 Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche et 422 Valorisation de la recherche ont été dotés pour la production de 20 biomédicaments contre les cancers et les maladies chroniques. Ces programmes sont pilotés par le secrétariat général pour l’investissement, qui coordonne l’ensemble de « France 2030 », et par l’Agence nationale de recherche pour la mise en œuvre opérationnelle.
Enfin, une part non négligeable de la recherche est soutenue hors budget général à travers la loi de financement de la sécurité sociale tandis que, dans le cadre de la tarification à l’activité, la participation des établissements de santé aux missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation est financée par des dotations budgétaires spécifiques au titre de missions d’intérêt général d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation. L’essentiel des appels à projet en matière de recherche clinique, impliquant des volontaires sains ou patients, est financé sur le budget de la sécurité sociale sous le pilotage de la direction générale de l’offre de soins.
Au sein de ces enveloppes, le financement public dédié aux cancers pédiatriques ne représente qu’une part minime des financements.
Quant aux crédits attribués à l’Institut national du cancer, même s’ils ont été progressivement accrus, la part consacrée aux cancers pédiatriques est restée faible. L’annexe au projet de loi de finances relative aux opérateurs de l’État montre également une situation budgétaire dégradée de l’organisme qui est largement déficitaire depuis de nombreuses années ([8]).
Évolution de la part pÉdiatrie
dans le budget total des principaux programmes rÉcurrents
coordonnÉs par l’Institut national du cancer et l’Institut thÉmatique Cancer de l’institut national de la santÉ et de la recherche mÉdicale
Source : Institut national du cancer, « La lutte contre les cancers pédiatriques », septembre 2025.
Budgets allouÉs aux projets pÉdiatriques
dans le cadre des programmes de recherche coordonnÉs par
l’Institut national du cancer et l’institut national de la santÉ
et de la recherche mÉdicale entre 2021 et 2024
en euros
|
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2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
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Projets libres de recherche « biologie et Sciences du Cancer » |
2 589 327 |
870 400 |
2 881 559 |
3 002 602 |
|
Programme de recherche translationelle en cancer (PRT-K) |
663 175 |
1 164 170 |
701 516 |
1 345 487 |
|
Programme hospitalier de recherche clinique en cancer (PHRC-K) |
800 000 |
4 085 000 |
2 500 000 |
2 700 000 |
|
Doctorants en sciences humaines et sociales |
0 |
229 415 |
121 500 |
0 |
|
Recherche interventionnelle, sciences humaines et sociales épidémiologie et santé publique |
0 |
2 000 000 |
1 400 000 |
0 |
|
Inserm |
1 900 000 |
1 455 629 |
542 592 |
0 |
|
TOTAL |
5 952 502 |
9 804 614 |
8 147 167 |
7 048 089 |
Source : Institut national du cancer, « La lutte contre les cancers pédiatriques », septembre 2025.
Le plan national Maladies rares (PNMR), dont le coût prévisionnel a été fixé à 223 millions d’euros par an pour la période 2025‑2030, est également financé de façon interministérielle.
Deux programmes du budget général sont concernés à titre principal :
– le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins de la mission Santé, qui finance la coordination du plan, les actions de prévention, la structuration de l’offre de soins et certaines actions nationales (base de données Orphanet, base de données nationale des maladies rares, et appels à projets) ;
– le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires de la mission Recherche et enseignement supérieur, qui finance la recherche sur les maladies rares à travers l’Agence nationale de la recherche et les organismes de recherche.
En complément, une part prépondérante des financements du plan est assurée hors budget de l’État par l’assurance maladie au sein de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, notamment à travers les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (mission F23 « appui à l’expertise maladies rares », financements des filières et plateformes d’expertise).
La multiplication des guichets, l’impossibilité de regrouper les financements et l’hétérogénéité des règles propres aux appels à projets nuisent à la lisibilité et à l’efficacité de la dépense en matière de recherche. Une centralisation et une coordination des acteurs qui pilotent ces appels, ainsi que des opérateurs, consolideraient le continuum de recherche, de l’enrichissement des connaissances jusqu’à leur traduction en innovations cliniques, sociales ou industrielles.
2. Un écosystème d’innovation fragilisé par un déficit de financement durable
Comme le souligne le Conseil d’analyse économique, « le processus d’innovation commence par une découverte fondamentale » ([9]). C’est sur ce fondement que la découverte peut aboutir à la commercialisation d’un nouveau produit. Il existe donc une complémentarité entre recherche fondamentale, dont les résultats ne sont pas immédiatement commercialisables et qui de ce fait doit être financée par la puissance publique, et recherche appliquée, qui présente plus de potentiel de gains et peut être développée par le secteur privé.
Le conseil d’analyse économique fait état de l’existence d’une « vallée de la mort » entre la recherche fondamentale, académique, et la recherche appliquée soutenue par les entreprises. La complexité croissante des innovations médicales rend le financement de la recherche et du développement toujours plus difficile. À titre d’exemple, le coût moyen de mise au point d’un médicament commercialisé, estimé à 802 millions de dollars en 2003, atteignait 2,558 milliards de dollars en 2016, soit une progression annuelle d’environ 8,5 %.
En 2017, les grands groupes pharmaceutiques ont consacré 97,2 milliards de dollars à la recherche, faisant de ce secteur l’un des plus intensifs en investissement. Si ces grandes entreprises disposent de moyens financiers importants, elles n’ont pour autant ni la capacité ni l’expertise interne pour soutenir l’ensemble des candidatures médicamenteuses. Pour répartir leur risque, elles s’appuient sur un grand nombre de jeunes entreprises innovantes ou collaborent avec des structures plus petites et plus flexibles, telles que les biotechs. Ces structures sont en grande partie financées par le capital-risque, qui y investit dans la perspective d’un gain futur lors d’une revente. Le bon fonctionnement des marchés financiers, et notamment du capital-risque, est donc essentiel pour permettre leur émergence et leur croissance. Le secteur biopharmaceutique présente toutefois des caractéristiques particulières : un besoin initial en capital très élevé, une durée de développement longue qui correspond au temps des différentes phases d’essais (dix à quinze ans), et une probabilité de succès relativement faible. Ce modèle engendre un déficit structurel de financement, qui perdure malgré l’essor du capital-risque et le développement d’écosystèmes d’innovation, en particulier dans les biotechnologies.
En France, le secteur des biotechs reste ainsi en retrait par rapport à ses homologues européens. En 2019, 117 jeunes entreprises innovantes y ont été financées contre 135 au Royaume-Uni, avec des montants moyens investis inférieurs (9 millions d’euros en France contre 12 millions au Royaume-Uni et 16 millions en Allemagne). La place française dans le paysage européen tend donc à diminuer. Pourtant, le financement public de la phase d’amorçage en France est très important et efficace, qu’il vienne de l’État, des collectivités locales ou de la Banque publique d’investissement (Bpifrance). En 2024, Bpifrance a par exemple versé 682 millions d’euros d’aides et contribué au développement de 724 projets de biothérapie et de dispositifs médicaux innovants. En revanche, les financements sont chroniquement insuffisants sur la durée de vie et rendent la croissance de ces entreprises difficiles. France Biotech calcule, en 2019, que 64 % des biotechs sont en recherche de fonds et qu’un tiers du temps des entrepreneurs est consacré à rechercher des fonds ([10]).
Dans ce paysage, le financement de la recherche sur les cancers pédiatriques et les maladies rares de l’enfant fait figure de parent pauvre. Les investissements privés se concentrent prioritairement sur les aires thérapeutiques où les perspectives de marché permettent un retour sur investissement prévisible, soulignent les entreprises du médicament auditionnées. À l’inverse, les maladies rares pédiatriques concernent des populations extrêmement restreintes, des parcours de développement complexes et des essais cliniques difficiles. Leur faible rentabilité attendue limite fortement l’engagement du secteur industriel. Le Conseil d’analyse économique souligne, en outre, que les financements publics des essais cliniques sont mal orientés en France : ils sont concentrés sur des essais « à faible niveau de preuve » ce qui freine la commercialisation de produits innovants.
B. le retard de la France en matiÈre de recherche mÉdicale et d’accÈs aux traitements innovants pour les maladies rares et les cancers pÉdiatriques
1. Le retard en matière de recherche médicale et de traitements
Depuis 2009, sur 150 médicaments anticancéreux développés pour l’adulte, seuls 16 ont été autorisés pour une indication spécifique de cancer pédiatrique, soulignaient dans une tribune publiée en septembre 2024 l’association de patients Eva pour la vie et la Fédération Grandir sans cancer. Des travaux récents sur la gouvernance de la recherche en santé pointent la multiplication des structures et agences comme un frein, évoquant même un retard dans la mise en place d’outils nationaux, en particulier de grandes infrastructures de données de santé, à cause de cette fragmentation.
Deux éléments montrent que les délais d’accès restent problématiques :
– le délai de remboursement des médicaments orphelins : le délai médian entre l’autorisation de mise sur le marché et le remboursement des médicaments orphelins est d’environ 360 jours ([11]). 71 % de ce délai est lié aux négociations de prix et de remboursement, et non à la partie réglementaire ;
– l’allongement général des délais pour les innovations : dans l’édition 2024/2025 du baromètre d’attractivité de la France pour l’industrie pharmaceutique, les entreprises indiquent que la part des nouveaux médicaments autorisés au niveau européen effectivement disponibles en France chute à 60 % en 2024 (– 6 points par rapport à 2023), derrière l’Allemagne (89 %) et l’Italie (83 %). Elles relèvent aussi un nombre d’indications en négociation de prix depuis plus de 500 jours augmente fortement (78 indications, + 22 % par rapport à 2023), signe de blocages durables.
La situation est donc paradoxale : comparativement à une grande partie de l’Union européenne, la France reste plutôt performante, mais elle décroche par rapport aux meilleurs (Allemagne, Suisse) et, surtout, par rapport aux besoins cliniques des malades rares et des enfants.
En effet, les chiffres globaux d’accès ne disent pas qui bénéficie concrètement des innovations. De nombreux médicaments anticancéreux sont remboursés uniquement chez l’adulte, sans programme pédiatrique associé, alors même qu’ils pourraient, en théorie, viser des cibles présentes dans des tumeurs d’enfants. En conséquence, les oncologues pédiatres doivent parfois attendre des années que des essais pédiatriques soient menés, ou passer par des dispositifs d’exception (accès précoces et essais compassionnels ([12])), avec des inégalités d’accès selon les centres et les territoires.
Le dispositif français d’accès précoce, réformé en 2021 ([13]), est un point fort. Entre 2021 et mi‑2023, plus de 100 000 patients en impasse thérapeutique, dont beaucoup en oncologie et maladies rares, en ont bénéficié. Le délai médian d’évaluation par la Haute Autorité de la santé et l’Agence nationale du médicament est de 77 jours, sous le délai réglementaire, et l’accès précoce permet une prise en charge en moyenne 9 mois avant l’inscription sur la liste de remboursement. Mais des analystes de la réforme notent que, pour certains produits destinés au traitement des maladies rares, les nouvelles règles ont été perçues comme restrictives, laissant persister des espaces où l’accès précoce est difficile ou impossible. L’Académie de médecine rappelle ainsi que les thérapies cellulaires pédiatriques restent peu accessibles du fait de la capacité de production limitée et des coûts, malgré l’existence des accès précoces ([14]).
Au-delà des choix français, de nouvelles règles européennes peuvent encore ralentir le développement. De nouvelles lignes directrices européennes, risquent d’entraver les traitements pour maladies rares en rendant plus difficiles les essais cliniques « à un seul bras » ([15]), pourtant souvent la seule option pour les cancers pédiatriques rassemblant peu de patients et présentant un problème éthique pour les placebos. De nombreuses organisations de patients et d’industriels alertent sur le risque de retards d’autorisation de mise sur le marché et d’accès. Le Parlement européen a engagé une réforme de la législation pharmaceutique avec l’objectif d’accélérer l’autorisation de mise sur le marché, mais les arbitrages sur les incitations aux médicaments orphelins restent débattus.
Pour la France, déjà confrontée à des délais longs, ces évolutions peuvent se traduire par des retards supplémentaires pour les innovations les plus complexes, souvent celles qui concernent les maladies rares de l’enfant.
2. Pourquoi ces retards sont particulièrement graves pour les enfants et les maladies rares
Les enfants, en matière sanitaire, ne sont pas des « mini-adultes » : de nombreux cancers pédiatriques (neuroblastome, rétinoblastome, certains sarcomes) n’existent pas ou peu chez l’adulte et, quand c’est le cas, ils ont des trajectoires biologiques différentes. Les traitements non adaptés à l’âge, comme les chimiothérapies lourdes et la radiothérapie, laissent des séquelles cardiaques, neurocognitives, endocriniennes, de fertilité. Un retard de trois à cinq ans dans la mise à disposition d’une thérapie ciblée chez l’enfant, ce ne sont pas seulement quelques mois de délai administratif : c’est potentiellement une génération entière de jeunes survivants qui subissent des séquelles évitables.
Pour les maladies rares, il existe une double peine. Le bilan du troisième Plan national maladie rare montre que 25 % des patients attendent plus de 5 ans pour un diagnostic, ce qui retarde déjà l’éligibilité à d’éventuels essais ou médicaments orphelins. S’il faut ensuite 360 jours en médiane pour obtenir le remboursement des médicaments orphelins après l’autorisation de mise sur le marché, une partie des patients aura littéralement « vieilli », ou aura développé des complications irréversibles. Pour les enfants, qui représentent environ 75 % des patients en maladies rares en France, ce cumul de retards dans le diagnostic et dans l’accès aux thérapies est particulièrement délétère.
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Adopté par la commission sans modification
L’article 1er crée une contribution versée par les entreprises assurant l’exploitation en France, au sens de l’article L. 5124‑1 du code de la santé publique, d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d’assurance maladie.
Le chapitre 5 du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale regroupe les contributions et taxes pharmaceutiques destinées à participer au financement de l’assurance maladie. Ces dispositifs incluent notamment :
– la contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises de préparation de médicaments (article L. 245‑1 et suivants du code de la sécurité sociale) ;
– les contributions à la charge des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux, tissus et cellules, produits de santé autres que les médicaments et prestations associées (article L. 245‑5‑1 et suivants du code de la sécurité sociale) ;
- la contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques (article L. 245‑6 du code de la sécurité sociale).
Ces contributions sont instituées au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Dans une démarche de simplification, la loi n° 2013‑1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 a supprimé deux taxes portant sur l’industrie pharmaceutique : la contribution sur le chiffre d’affaires et la taxe annuelle sur les spécialités pharmaceutiques. Elle les a remplacées, à compter du 1er janvier 2014, par une contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au sens de l’article L. 5124‑1 du code de la santé publique.
L’article 1er instaure une taxe prélevée sur les laboratoires pharmaceutiques assurant l’exploitation en France de médicaments remboursés par l’assurance maladie.
Cette taxe serait affectée à un programme de soutien à l’innovation thérapeutique contre les cancers et les maladies rares de l’enfant.
Le dispositif proposé insère un article L. 245‑6‑1 dans le code de la sécurité sociale. Il se compose d’un seul alinéa qui instaure la contribution et définit sa base. Elle sera versée par les entreprises assurant l’exploitation en France :
– d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques dans le cadre défini à l’article L. 5124‑1 du code de la santé publique (qui encadre la fabrication, l’importation, l’exportation et la distribution en gros de produits médicaux) et donnant lieu à remboursement par les caisses d’assurances maladie (ce que prévoient, dans le code de la sécurité sociale, les deux premiers alinéas de l’article L. 162‑17) ;
– ou bien celle des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités.
Cette base reproduit celle retenue par le législateur pour la contribution définie à l’article L. 245‑6 du code de la sécurité sociale : les mêmes acteurs seraient imposés par ce dispositif.
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Article 2
Fixation du taux et de l’assiette de la contribution
Adopté par la commission avec modifications
L’article 2 fixe à 0,15 % le taux de la contribution créée à l’article 1er.
Il définit en outre l’assiette d’imposition constituée du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre‑mer au cours d’une année civile au titre des médicaments bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché, à l’exception des médicaments orphelins désignés tels en application du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999.
La contribution mentionnée à l’article L. 245‑6 du code de la sécurité sociale est assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer au cours de l’année civile, au titre des médicaments bénéficiant d’un enregistrement, d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou par l’Union européenne, ou d’une autorisation d’importation parallèle. Sous certaines conditions, le chiffre d’affaires relatif aux spécialités génériques, aux médicaments orphelins et aux médicaments dérivés du sang respectant les critères du don éthique est exclu de l’assiette.
Cette contribution se compose de deux volets :
– une cotisation de base au taux de 0,20 %, due par toute entreprise assurant l’exploitation d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques et portant sur la totalité du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France ou dans les départements d’outre‑mer ;
– une cotisation additionnelle au taux de 1,6 %, due par les seuls exploitants de spécialités pharmaceutiques prises en charge par les caisses d’assurance maladie ou inscrites sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités, portant sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France ou dans les départements d’outre‑mer.
Depuis 2014, ces cotisations sont versées de manière provisionnelle le 1er juin de l’année au titre de laquelle elles sont dues, pour un montant correspondant à 95 % du produit du chiffre d’affaires défini pour chacune d’elles, et régularisées au 1er mars de l’année suivante. Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales assurent leur recouvrement et leur contrôle.
Le dispositif de la contribution sur le chiffre d’affaires a été modifié à l’article 42 de la loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020. La taxe annuelle sur les premières ventes de médicaments, codifiée à l’article 1600‑0 N du code général des impôts, a été supprimée. En conséquence, l’assiette de la contribution sur le chiffre d’affaires de l’article L. 245‑6 du code de la sécurité sociale a été élargie au chiffre d’affaires des médicaments non remboursables ou non pris en charge par l’assurance maladie.
L’article 2 de la proposition de loi définit le taux et l’assiette de la nouvelle contribution. Il s’agit du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au cours de l’année civile en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer et généré au titre des médicaments bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché et inscrits sur certaines listes précisément définies.
Sont pris en compte uniquement les médicaments qui disposent d’une autorisation de mise sur le marché et qui figurent sur les listes des spécialités pharmaceutiques remboursables prévues aux deux premiers alinéas de l’article L. 162‑17 du code de la sécurité sociale, ou sur la liste des médicaments agréés aux collectivités mentionnée à l’article L. 5123‑2 du code de la santé publique.
Sont également prises en compte les spécialités génériques remboursées sur la base d’un tarif fixé en application de l’article L. 162‑16 du code de la sécurité sociale, article qui permet de limiter les remboursements de l’assurance maladie pour certaines molécules délivrables sous la forme « générique ».
En revanche, échappent à cette contribution les médicaments bénéficiant du statut de médicament orphelin, dès lors qu’ils ont été désignés tels conformément au règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil relatif aux médicaments orphelins du 16 décembre 1999. Ces médicaments étant mis sur un marché étroit afin de soigner les cancers orphelins, la fiscalité doit en effet impérativement conserver son caractère incitatif.
Les médicaments qui ne figurent sur aucune des listes mentionnées aux articles L. 162‑17 du code de la sécurité sociale et L. 5123‑2 du code de la santé publique, c’est-à-dire les médicaments non remboursés, sont également exclus de l’assiette de la contribution.
Le taux est proposé à 0,15 %. La proposition de loi prévoit une affectation de cette nouvelle ressource. C’est pourquoi elle entend assurer une information régulière du Parlement sur l’emploi de ces fonds. L’alinéa 2 de l’article 2 de la proposition de loi exige en conséquence la remise d’un rapport annuel.
Enfin, aux termes du dernier alinéa, un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de cet article.
La commission a adopté un amendement AS13 de M. Michel Lauzzana (Ensemble pour la République) visant à abaisser le taux de la contribution à 0,1 %.
Elle a également adopté un amendement AS11 de M. Michel Lauzzana (Ensemble pour la République) insérant un article additionnel après l’article 2 qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur l’âge minimum requis pour participer aux essais cliniques en cancérologie et sur la possibilité d’abaisser cet âge de 18 à 12 ans.
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Article 3
Compensation financière
Adopté par la commission sans modification
L’article 3 compense la charge pour l’État résultant des dispositions de la présente proposition de loi par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.
L’article 40 de la Constitution du 4 octobre 1958 encadre la recevabilité des propositions de loi en matière financière. Il dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».
En application de l’article 89, alinéa 1, du Règlement de l’Assemblée nationale, la recevabilité d’une proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution est appréciée au moment de son dépôt sur le bureau de l’Assemblée. Conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la diminution d’une ressource publique est autorisée dans la mesure où celle-ci est compensée par l’augmentation d’une autre ressource.
L’article 3 de la proposition de loi compense la charge pour l’État résultant de la présente proposition de loi. Il prévoit la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs. Il est attendu que le Gouvernement lève ce gage en cas d’adoption de la proposition de loi.
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Lors de sa première réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission procède à l’examen de la proposition de loi visant à mettre en place un programme de soutien à l’innovation thérapeutique contre les cancers, les maladies rares et les maladies orphelines de l’enfant (n° 1909) (Mme Marie Récalde, rapporteure) ([16]).
Mme Marie Récalde, rapporteure. Permettez-moi d’exprimer la gratitude que j’éprouve, comme commissaire de la défense, à être accueillie dans votre commission pour évoquer un sujet qui me tient à cœur – un sujet dans lequel politique de santé, éthique et humanité se conjuguent avec une intensité particulière.
Chaque année, 1 800 enfants sont diagnostiqués d’un cancer dans notre pays. Ces diagnostics bouleversent des familles, souvent avant que l’enfant n’entre à l’école. Les cancers de l’enfant représentent la deuxième cause de mortalité entre 2 ans et 17 ans, avec une incidence en hausse depuis dix ans. Les chiffres montrent que 1 enfant sur 440 développera un cancer avant ses 15 ans. Pour 20 % d’entre eux, il n’existe pas encore de traitement. En outre, lorsqu’un enfant guérit, ce n’est jamais sans séquelles. Une majorité d’entre eux subissent des effets à long terme, parfois des limitations fonctionnelles, parfois des complications sévères.
À ces cancers pédiatriques, s’ajoutent près de 7 000 maladies rares recensées, qui touchent environ 3 millions de personnes, dont deux tiers dès l’enfance.
Cette concentration pédiatrique devrait faire de la recherche dédiée une priorité. Or tel n’est pas le cas.
La singularité française tient à ce que nos stratégies et nos structures de recherche, loin d’être cohérentes et intégrées, sont cloisonnées, éparses et difficilement lisibles. Les politiques publiques ne compensent pas cette réalité puisque, si les deux dispositifs qui structurent notre action – la stratégie décennale de lutte contre les cancers et le plan national Maladies rares – ont permis des avancées indéniables, ils restent largement cloisonnés et insuffisamment orientés vers les besoins de l’enfant. Alors que la stratégie décennale compte 234 mesures opérationnelles et mobilise plus de 1,7 milliard d’euros, seules onze mesures et moins de 8 % des financements concernent spécifiquement les cancers pédiatriques. Dans le quatrième plan national Maladies rares, seuls deux objectifs visent explicitement les enfants.
Le cloisonnement de ces dispositifs est d’autant plus regrettable que les cancers pédiatriques et les maladies rares présentent de fortes similitudes : de faibles effectifs de patients, des pathologies sévères et complexes qui nécessitent des compétences spécialisées, et une forte dépendance à la recherche internationale pour progresser. Ces éléments justifieraient à eux seuls une stratégie intégrée. Pourtant, le paysage institutionnel est fragmenté et peine à se structurer. Les centres d’expertise nationaux, les centres d’essais précoces en cancérologie, les organismes interrégionaux de recherche, les centres hospitaliers universitaires, les centres de lutte contre le cancer, les agences et les comités scientifiques constituent autant de guichets pour les chercheurs. Chacun agit selon ses propres règles, ses propres calendriers et ses propres critères, sans compter que les équipes passent un temps considérable à identifier et à répondre aux appels à projets plutôt qu’à faire avancer les traitements.
De cette absence de stratégie coordonnée découle une conséquence majeure, la dispersion des financements. Les ressources sont éparpillées entre cinq programmes du budget général, issus de trois missions ministérielles, et dépendent en partie aussi du budget de la sécurité sociale. Cette segmentation limite la masse d’investissements nécessaires pour faire émerger des innovations significatives, réduit la visibilité des possibilités et ralentit l’ensemble de la chaîne d’innovation. Or la recherche pédiatrique ne peut être pensée comme un simple sous-chapitre de la cancérologie adulte. Elle doit constituer un domaine autonome, doté de moyens dédiés, mais elle souffre d’un paradoxe persistant : elle est scientifiquement nécessaire, mais économiquement peu attractive. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles l’oncologie pédiatrique reste un parent pauvre de la recherche médicale.
Les grands laboratoires pharmaceutiques investissent majoritairement dans des domaines dans lesquels les retours économiques sont plus prévisibles, les cohortes de patients plus larges et les essais cliniques moins risqués. À l’inverse, les cancers de l’enfant constituent des pathologies rares, complexes, et nécessitant des approches thérapeutiques spécifiques. Le modèle économique classique de la recherche pharmaceutique ne peut donc pas s’y appliquer. Résultat : les innovations destinées aux enfants proviennent rarement des grands groupes industriels. Elles émergent principalement de la recherche académique et reposent, pour leur développement clinique, sur l’écosystème fragile des start‑up et des biotechs spécialisées. Celles‑ci sont devenues des entreprises déterminantes pour les innovations de rupture qu’un grand laboratoire ne prendrait pas le risque de développer sans preuve préalable de viabilité. Pourtant, elles sont insuffisamment financées et leur développement ne peut pas s’appuyer sur des financements publics pérennes. Là où d’autres pays ont construit des environnements stables, la France laisse ses meilleures initiatives s’essouffler faute de moyens ou se tourner vers des capitaux étrangers. Cela fragilise notre souveraineté scientifique et notre capacité à maintenir un continuum de recherche.
Les dépenses de recherche et développement représentent 2,2 % du produit intérieur brut (PIB), en deçà de l’objectif fixé par l’Union européenne qui visait un seuil de 3 %. La France se situe loin derrière la Corée du Sud, où ces dépenses atteignent 5 % du PIB, les États‑Unis où elles sont de 3,5 %, le Japon et l’Allemagne où elles s’établissent respectivement à 3,4 % et 3,1 % du PIB.
En France, l’environnement morcelé est particulièrement défavorable aux start‑up. Le manque de visibilité à long terme rend difficiles l’embauche de personnels qualifiés, l’entrée dans des essais cliniques ou l’acquisition d’équipements lourds. Dans un secteur où les phases cliniques sont longues – de dix à quinze ans au minimum –, coûteuses et complexes, l’absence de stabilité financière constitue un frein majeur à la recherche et au progrès thérapeutique.
Pourtant, ce sont ces entreprises qui ont un potentiel de transformation du paysage de la recherche pédiatrique. Elles pourraient, si elles étaient mieux soutenues, accélérer le développement de médicaments innovants, proposer des approches fondées sur la biologie moléculaire des tumeurs de l’enfant et explorer des immunothérapies adaptées, tout en construisant des modèles économiques réalistes. Investir davantage dans ces entreprises, c’est investir dans l’espoir de traitements plus efficaces et moins toxiques pour l’enfant. C’est aussi envoyer le message clair que la société française ne considère pas la rareté d’une maladie ou l’absence de rentabilité immédiate comme un frein à l’innovation.
Le manque de financements entraîne un retard concret et préoccupant – dans la mise en place d’essais cliniques pédiatriques et dans l’accès aux thérapies. En France, il faut près d’un an aux patients pour avoir effectivement accès aux médicaments orphelins bénéficiant d’une autorisation au niveau européen et percevoir un remboursement. Un an, pour un enfant souffrant d’une maladie rare ou d’un cancer agressif, c’est parfois et même souvent une perte de chance majeure.
Ces retards sont particulièrement lourds de conséquences chez l’enfant dans la mesure où la biologie pédiatrique est spécifique : les enfants ne sont pas des adultes en miniature. Un traitement conçu pour l’adulte ne peut être administré à un enfant sans précaution majeure, car les doses et les mécanismes d’action diffèrent profondément. De nombreux cancers pédiatriques comme le neuroblastome, le rétinoblastome ou certains sarcomes n’existent pas ou très peu chez l’adulte et ont des trajectoires biologiques différentes. Les traitements non adaptés à l’âge, notamment les chimiothérapies lourdes, laissent des séquelles cardiaques, neurocognitives, endocriniennes et de fertilité qui impacteront les enfants durant toute leur vie d’adulte.
Pour les maladies rares, de surcroît, il existe un effet de double peine puisque 25 % des patients attendent plus de cinq ans avant que ne soit posé un diagnostic, ce qui retarde d’autant l’accès à d’éventuels essais ou traitements. S’il faut ensuite 360 jours en médiane pour obtenir le remboursement des médicaments, une partie des patients aura littéralement vieilli ou développé des complications irréversibles.
Pourtant, la France possède des atouts indéniables au travers de son système hospitalo-universitaire de grande qualité, d’une recherche fondamentale reconnue internationalement, d’équipes et d’associations engagées, ou encore d’entreprises innovantes prêtes à s’investir. Ce qui manque n’est ni la compétence ni la volonté, mais une stratégie cohérente et un soutien financier à la hauteur des enjeux.
C’est pourquoi je vous propose de créer une contribution dédiée au financement de la recherche pédiatrique en oncologie et en maladie rares.
Cette contribution serait prélevée sur le chiffre d’affaires des entreprises du médicament, étant précisé que les médicaments orphelins seraient exclus de l’assiette, par cohérence avec l’objectif de ne pas pénaliser les acteurs qui s’engagent déjà dans des marchés à faible rentabilité et à forte utilité sociale.
Le taux retenu serait volontairement faible, afin de ne pas fragiliser la filière pharmaceutique ou entraver ses capacités d’innovation.
Le sens de cette contribution serait la reconnaissance que, face à la rareté des pathologies, c’est à la puissance publique d’organiser un modèle de financement adapté. Je salue, à ce titre, les associations, les chercheurs et les soignants – notamment ceux de Gustave-Roussy et de Bordeaux que j’ai pu rencontrer – qui déploient des trésors d’énergie et d’ingéniosité pour accompagner les enfants et leurs familles tout au long de leur parcours de soins. Leur abnégation quotidienne nous oblige.
Enfin, cette contribution doit permettre de renforcer le soutien à nos biotechs, dont la capacité d’innovation est indispensable pour transformer les découvertes académiques en traitements réellement accessibles.
Comme l’indiquait Charlotte, une jeune fille en rémission aujourd’hui âgée de 15 ans, il faut enfin donner de l’espoir à ces enfants qui voulaient grandir et que, pour certains, elle a vu partir. Pour finir de vous convaincre, je ne saurais que trop vous suggérer de regarder le numéro de « Circo » que La Chaîne parlementaire a consacré aux cancers pédiatriques.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Il y a urgence à soutenir l’innovation thérapeutique pour les cancers, les maladies rares et les maladies orphelines de l’enfant. Cette urgence est d’autant plus forte que la France n’a toujours pas de stratégies coordonnées et dédiées à ces pathologies pédiatriques : la lutte contre le cancer repose sur une stratégie décennale largement pensée pour les adultes ; les maladies rares relèvent d’un plan national généraliste ; les dispositifs de recherche se superposent. Ce millefeuille institutionnel nuit à la lisibilité des priorités et réduit l’efficacité des financements.
La réponse proposée par votre texte consiste à créer une nouvelle contribution pesant sur les médicaments remboursés. Cette logique n’est pas nouvelle. Dès qu’un problème se pose, une partie de la gauche fait systématiquement le choix de créer une taxe supplémentaire. Mais ajouter une taxe à un système déjà saturé revient à fragiliser davantage un écosystème indispensable à notre souveraineté sanitaire. Cette nouvelle contribution frapperait indistinctement tous les médicaments remboursés, y compris ceux à très faible marge souvent essentiels en pédiatrie ou dans les maladies rares. C’est un risque majeur. En affaiblissant des produits peu rentables, on menace des traitements indispensables et l’on fragilise un tissu industriel déjà sous tension.
Par ailleurs, cette approche va à l’encontre des objectifs fixés par France 2030, qui visent à développer des biomédicaments innovants, à soutenir nos biotechs et à renforcer la recherche translationnelle. Demander aux mêmes acteurs de financer un nouveau prélèvement, sans l’assurance que cet effort fiscal se traduira par un soutien réel à l’innovation, envoie un message contradictoire au moment où la compétition mondiale s’accélère.
Enfin, il ne faut pas ignorer la dimension humaine et scientifique de l’attractivité, alors que la France peine déjà à retenir ses médecins-chercheurs, ses ingénieurs et ses talents. Les écarts de rémunération avec l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie ou les États‑Unis entraînent un exode de compétences. Si nous voulons renforcer notre capacité à innover, la priorité doit être donnée à la consolidation des moyens de la recherche publique.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Alors que près de 500 enfants décèdent d’un cancer tous les ans et que les maladies rares sont responsables de 10 % des décès des enfants âgés de 1 à 5 ans, il est temps de réellement financer la recherche dans ces domaines. Entre 2018 et 2022, seuls 11 des 177 projets financés concernaient l’enfant. Pour garantir des traitements efficaces, les enfants doivent bénéficier d’une recherche qui leur soit spécifique pour ne plus dépendre du hasard des résultats de la recherche ciblée vers les adultes.
Les laboratoires pharmaceutiques ne prennent pas leur part dans la recherche contre les maladies rares et les cancers pédiatriques, alors qu’ils se gavent d’argent public – en 2020, par exemple, ils ont bénéficié de 700 millions d’euros de crédit d’impôt recherche (CIR). L’industrie pharmaceutique ne recherche que la rentabilité et n’a donc aucun intérêt à développer une molécule qui ne bénéficierait qu’à peu de personnes. Pour autant, nous ne sommes pas certains que redistribuer des aides à des acteurs privés sans condition soit la meilleure idée.
Nous approuvons votre proposition de taxer l’industrie pharmaceutique, mais financer des start-up nous rappelle le goût amer de 2017.
La recherche contre les cancers des enfants mérite mieux. Elle doit être publique, pleinement financée et efficace, et ne pas reposer sur un dispositif de CIR dont les dérives sont connues : cet argent dont les entreprises sont gavées finit dans les poches des actionnaires. Cette proposition de loi ne prévoit aucune mesure de contrôle de l’utilisation des fonds attribués, et aucun critère d’attribution.
Notre groupe salue l’intention de ce texte, mais son exécution semble porteuse de dérives qui pourraient s’avérer contre-productives. Aussi proposerons-nous des amendements pour que cela n’arrive pas et pour que nous puissions converger vers un texte plus ambitieux.
M. Sacha Houlié (SOC). C’était déjà à l’initiative du groupe Socialistes et apparentés et de mon collègue Aurélien Rousseau que nous avons créé, il y a quelques mois, le registre national des cancers, avec l’objectif de mieux prévenir, mieux soigner et mieux comprendre ces pathologies qui se répandent à une vitesse inouïe chez l’adulte et frappent du même coup toute la société. La spécificité des cancers pédiatriques est aussi une question sensible. Quand bien même le nombre de cas peut sembler moins élevé, dénombrer 450 décès d’enfants par an est grave pour une société.
Lors de l’examen de notre proposition de loi sur la justice des mineurs, il a été indiqué que la France n’est pas assez riche d’enfants pour négliger ce qui peut en faire des êtres sains. Ce qui vaut en matière morale vaut autant, sinon plus, en matière de santé publique. Parmi les 1 823 enfants décédés en un an, la part de ceux atteints de cancer est de 25 %. C’est un niveau élevé de mortalité.
L’esprit du texte est celui d’un pilotage de l’aide publique apportée aux laboratoires pharmaceutiques. Cette volonté de conditionner les aides publiques est légitime. La contribution proposée impacterait 70 millions des 73 milliards d’euros de chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques, soit une goutte d’eau au regard de l’enjeu pour notre modèle de société.
Je salue l’initiative portée par Mme la rapporteure et je me félicite que mon groupe ait choisi d’en faire le premier sujet de notre niche. Je souhaite que la commission puisse dépasser les polémiques dont elle peut être friande pour faire œuvre utile et adopter, sinon à l’unanimité, au moins à la plus grande majorité, le texte qui nous est présenté.
M. Thibault Bazin (DR). Madame la rapporteure, je vous remercie d’avoir inscrit la question des cancers pédiatriques à l’ordre du jour. Comment peut-on y rester insensible, quand 450 enfants décèdent de cancer chaque année ? La recherche en la matière est peu développée, même si nous avons observé des améliorations et obtenu des financements. Je salue la mobilisation des associations qui mènent de nombreuses actions dans nos territoires, comme l’association Nina, un rayon de soleil, dans mon département, qui lutte contre la gliomatose cérébrale.
Oui, il faut améliorer la recherche. Mais comment ? Si la création d’un programme de soutien à l’innovation thérapeutique est une piste, le principal enjeu est celui d’une meilleure coordination et d’une meilleure structuration. L’Institut national du cancer (Inca), qui dédie un rapport spécifique aux cancers pédiatriques, serait mieux à même que BPIFrance d’y répondre, en incluant les maladies rares. Dans la mesure où peu de personnes sont concernées, nous avons peu de données à disposition. Pour avancer dans la recherche, il est donc essentiel de partager les connaissances et les données à l’échelle internationale et pas seulement française ou européenne.
Il faut aussi un financement public et privé, pour mobiliser le maximum de fonds. Pour autant, taxer les laboratoires pour financer la recherche risque de s’avérer contre‑productif. Nous devrions plutôt envisager des modalités discriminées. Alors que l’enjeu du financement de l’innovation a été soulevé par la mission du Comité économique des produits de santé relative au prix des médicaments, je vous propose d’interroger ce dernier au nom de notre commission sur la question précise de la fixation des prix des médicaments pédiatriques.
M. Benoît Biteau (EcoS). Je salue l’initiative de notre collègue Marie Récalde.
Dans ma circonscription, les communes de Saint-Vivien, Saint-Rogatien, L’Houmeau ou de la Plaine d’Aunis ont pour sinistre point commun un risque excessif de cancers pédiatriques. Cette surincidence se retrouve partout en France puisque, chaque année, seuls 10 % des 1 700 cancers pédiatriques sont d’origine héréditaire. Les 90 % restants sont attribués à la malchance ou à des facteurs environnementaux. Les liens causaux entre la pollution chimique et la santé de nos enfants sont trop peu explorés par la recherche, alors que la concentration des cas explose.
Les résultats de l’étude sur la qualité de l’air conduite en 2019 dans ma circonscription étaient sans appel : à la Plaine d’Aunis, trente-trois pesticides empoisonnent l’air. En 2022, on atteint quarante et un pesticides, avec un score record pour le prosulfocarbe qui est un herbicide agricole. L’eau et l’alimentation ne font pas exception. On y retrouve aussi des pesticides, des métaux lourds comme le cadmium, et d’autres polluants éternels. L’effet cocktail de ces molécules sur le corps humain, de surcroît celui des enfants, n’est pas suffisamment étudié.
Pourtant, face à l’urgence, les industries du médicament ne s’affolent pas. Pire, dans un cynisme ahurissant, elles préfèrent développer la recherche sur les médicaments pour soigner ces cancers plutôt que de renoncer aux molécules qui sont à la cause du problème. On constate aussi un sous-investissement dans la recherche sur les pathologies pédiatriques.
Il est plus qu’urgent que le secteur contribue à hauteur de ses capacités. En 2023, l’industrie pharmaceutique a enregistré 73 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé une hausse du taux de contribution à 0,3 %, ce qui flécherait environ 220 millions vers la recherche et l’innovation thérapeutique contre les cancers, les maladies orphelines et les maladies rares des enfants.
Le groupe écologiste et moi-même soutenons cette proposition de loi.
M. Nicolas Turquois (Dem). Cette proposition de loi nous met dans l’embarras. La question des cancers et des maladies graves des enfants est grave et touche des ressorts profonds chez chacun d’entre nous. Les attentes sont fortes et l’enjeu est réel pour la recherche.
Dans les maladies rares, une première complexité vient du faible nombre de patients concernés. Chez les enfants, où elles sont encore plus rares, d’autres complications s’ajoutent. Il faudrait, par exemple, envisager une galénique spécifique.
Certes, il existe un enjeu majeur de recherche. Mais la solution que vous proposez ne nous convient pas. Vous évoquez un fonds géré par BPIFrance. Alors que vous déploriez, dans vos propos liminaires, la multiplicité des acteurs de la recherche, un fonds supplémentaire compliquerait encore l’équation et mobiliserait du temps de recherche.
Qui plus est, vous proposez d’alimenter ce fonds par un prélèvement obligatoire des entreprises pharmaceutiques. Or les études montrent que nous avons déjà le taux de prélèvements obligatoires des industries pharmaceutiques le plus élevé de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
Même si ce n’est pas la cause unique, l’affaissement de la recherche est aussi en lien avec la progression des contributions demandées à ces entreprises. Certes, toutes les entreprises pharmaceutiques ne sont pas vertueuses, mais les taxer davantage ne nous semble pas être un bon moyen de financer la recherche. Il faudrait plutôt un fonds public dédié, pour coordonner une recherche spécifique autour des cancers et des maladies rares des enfants.
Nous nous abstiendrons donc sur ce texte.
Mme Audrey Abadie-Amiel (LIOT). Cette proposition de loi apporte une réponse utile et attendue à un enjeu sanitaire majeur. Les cancers pédiatriques et les maladies rares de l’enfant restent confrontés à un déficit d’innovation thérapeutique, à une forte errance diagnostique et à une insuffisante disponibilité de traitements adaptés. Un programme spécifiquement consacré à ces pathologies constituerait une avancée majeure pour structurer l’effort national et accélérer le développement de nouvelles solutions thérapeutiques.
La contribution proposée, fixée à 0,15 % du chiffre d’affaires des médicaments remboursés ou agréés, apparaît proportionnée et compatible avec les équilibres économiques du secteur. L’exclusion des médicaments orphelins s’avère pertinente pour préserver la viabilité de traitements dont la rentabilité est, par nature, limitée.
Le dispositif est conçu de manière à assurer un financement dédié, lisible et sécurisé, ce qui répond à une demande récurrente des acteurs de la recherche et des familles.
Le suivi annuel devant le Parlement permettra d’assurer une traçabilité complète de l’usage des fonds et de mesurer l’impact réel du programme sur l’innovation pédiatrique. Cette exigence de transparence est essentielle pour garantir l’efficacité du dispositif et éviter la dispersion des financements.
Aussi le groupe LIOT soutient-il cette proposition, qui apporte une réponse ciblée et responsable à des besoins médicaux particulièrement critiques pour les enfants et pour leurs familles.
Mme Karine Lebon (GDR). En quinze ans, sur cent cinquante médicaments anticancéreux pour les adultes, seize seulement ont été autorisés pour les enfants – et ils ne concernent que des tumeurs responsables de moins de 4 % des décès par cancer chez l’enfant. Cela signifie que pour les cancers pédiatriques les plus répandus, la leucémie et le neuroblastome, il n’existe pas de traitement spécifique.
Je voudrais vous parler d’Ayrton, petit Réunionnais diagnostiqué d’un neuroblastome à l’âge d’un an et demi. Pour lui, l’enfer a commencé avec de la fièvre, un ganglion au cou, un ventre gonflé et un œil tuméfié. Mais après chaque passage chez le médecin ou aux urgences, le résultat était le même – un renvoi à la maison. Le jour où le diagnostic a été posé, trente-quatre métastases ont été découvertes. La prise en charge qui a suivi a été chaotique, avec trois hôpitaux, des protocoles différents, des équipes réitérant les examens faute de connaître l’enfant, des services vieillissants et des matériels obsolètes. Au-delà du soin, les familles affrontent une lourdeur administrative incessante, des démarches interminables et des coûts indirects élevés. Pourtant, pour guérir, un enfant malade a besoin de stabilité et de parents sereins. Depuis octobre, Ayrton suit un traitement avec un protocole allégé, même si la tumeur est toujours là et qu’il n’est ni en rémission ni guéri. Après quatre ans de chimiothérapie, de prises de sang, de scintigraphies et d’allers-retours à l’hôpital, il peut enfin commencer à vivre son enfance.
La proposition de loi envisage la création d’un programme de soutien à l’innovation thérapeutique contre les cancers et les maladies rares de l’enfant, avec un financement pérenne grâce à une taxe prélevée sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques. Orienter une partie des profits du médicament vers les enfants qui en ont le plus besoin constitue un choix politique fort. Il n’est pas question de compétitivité, mais de vie d’enfants. C’est aussi un choix de justice, car le droit à l’innovation ne doit pas dépendre du hasard des pathologies ou du lieu où l’on vit.
Nous examinons un texte visant à octroyer des moyens pour l’innovation thérapeutique contre les cancers, les maladies rares et les maladies orphelines de l’enfant. Cette proposition de loi est capitale. Nous la voterons, tout en insistant sur le fait que l’existant a aussi besoin de moyens et d’amélioration.
M. Michel Lauzzana (EPR). Mon groupe et moi saluons et soutenons cette proposition de loi. Comme vous le savez, je travaille depuis longtemps sur les cancers pédiatriques.
Des avancées ont déjà été enregistrées, depuis 2017. Chaque année, nous avons voté une enveloppe de 5 millions d’euros pour améliorer la recherche. Un versement en une fois de 20 millions a également été voté. En outre, un des chapitres de la stratégie décennale est dédié aux cancers pédiatriques. Cela étant, nous manquons d’une vision cohérente et d’une coordination des initiatives, lesquelles pourraient s’avérer bénéfiques si elles étaient placées sous une même bannière et avançaient dans le même sens.
Le niveau de prélèvement que vous proposez est discutable, compte tenu du prélèvement de base de 0,20 % déjà applicable aux entreprises du médicament. Comme cela a été rappelé, nous sommes le pays qui taxe le plus l’industrie pharmaceutique. Il ne faudrait pas que cette dernière se désengage des initiatives qu’elles ont pu prendre, souvent sous l’impulsion des associations. En revanche, l’accélération et l’allègement des procédures, en contrepartie d’une baisse du montant des prélèvements, permettraient de réelles avancées.
Enfin, si BPIFrance est très au point pour financer des start-up et des entreprises, cet opérateur manque peut-être d’expertise médicale et scientifique.
Nous essaierons donc de faire évoluer votre nécessaire proposition de loi sur les cancers pédiatriques.
Mme la rapporteure. J’observe que nous partageons les objectifs de cette proposition de loi. Par ailleurs, je comprends la réticence de certains vis-à-vis de ce qu’ils appellent une taxe, mais que j’appelle une contribution, voire un investissement sur l’avenir.
Il est crucial de disposer d’un financement spécifique. Les chercheurs sont prêts, pour la plupart. Ils ont même créé des start-up ; mais dès qu’ils prononcent le mot « pédiatrique », les investisseurs se retirent. Pourtant, nos enfants sont l’avenir. Demander une contribution à cet investissement sur l’avenir ne me choque donc pas.
Quant à BPIFrance, vous noterez que cette banque n’est pas explicitement fléchée dans le texte – précisément pour permettre d’envisager des alternatives. Pour autant, BPIFrance a un savoir-faire et une expertise indéniables s’agissant des start-up. L’objectif est de créer un effet levier, pour garantir la pérennité du dispositif.
Article 1er : Création d’une contribution versée par les entreprises du médicament
Amendements AS9 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS22 de Mme Christine Loir et AS10 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS9 propose de passer d’une logique de taxation à une logique d’incitation, en substituant à la contribution sectorielle prévue un crédit d’impôt dédié à l’innovation thérapeutique pédiatrique.
Tous les acteurs – laboratoires publics, centres hospitaliers, fondations, start‑up dans les biotechnologies – nous ont en effet rappelé que le principal frein à l’innovation pédiatrique est l’absence de financements stables dans les phases les plus risquées de la préclinique, des études toxicologiques et d’acquisition d’équipements lourds. C’est là que les projets s’arrêtent et que l’accompagnement public est le plus déterminant.
Le crédit d’impôt que nous proposons est calibré, avec un taux 40 % porté à 50 % pour les petites et moyennes entreprises (PME), conformément à la réglementation européenne, et une éligibilité large couvrant la recherche fondamentale, le développement préclinique, les essais préparatoires et les investissements technologiques.
Mme Christine Loir (RN). L’amendement AS22, de repli, tend à créer un crédit d’impôt recherche spécifiquement dédié aux traitements pédiatriques contre les cancers et les maladies rares. Cet instrument fiscal incitatif compléterait utilement le fonds d’investissement prévu par la proposition de loi, sans alourdir la fiscalité déjà dense pesant sur l’industrie pharmaceutique.
Contrairement à une nouvelle contribution, un crédit d’impôt encouragerait les entreprises à engager des programmes de recherche, à assumer le risque des essais cliniques pédiatriques et à développer les innovations encore trop rares dans ce domaine. Dans un secteur où les marchés sont étroits et les investissements difficiles à rentabiliser, offrir un levier fiscal stable et ciblé peut déclencher des projets aujourd’hui inexistants.
Cet amendement vise donc à renforcer l’efficacité du dispositif tout en adoptant une approche non punitive, tournée vers l’innovation et l’intérêt des enfants concernés.
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS10 vise à placer l’innovation thérapeutique pédiatrique dans une stratégie cohérente, lisible et déjà structurée par l’État – le plan Innovation santé 2030. Ce faisant, les efforts en faveur des cancers et des maladies rares de l’enfant ne seront ni isolés ni soumis à des dispositifs parallèles peu coordonnés. Ce plan, doté d’environ 7 milliards d’euros et articulé autour des biothérapies, des plateformes technologiques et de l’accélération de la recherche préclinique, constitue la colonne vertébrale de notre politique publique de santé et de recherche biomédicale. Y intégrer un volet pédiatrique dédié, c’est assurer une gouvernance unifiée, des financements mieux orientés et une articulation entre les laboratoires publics, les industrielles et les structures de transfert.
Cet amendement permettrait de mobiliser les outils du plan Innovation santé 2030, notamment les appels à projets pour des biothérapies innovantes, et de renforcer la place des plateformes technologiques pédiatriques.
Mme la rapporteure. Les deux premiers amendements visent à remplacer la contribution par un crédit d’impôt. Le premier envisage un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche fondamentale en phase préclinique et d’acquisition d’équipements lourds, avec un taux de 40 % pour les grandes entreprises et de 50 % pour les très petites entreprises (TPE) et les PME.
Je ne suis pas favorable à l’idée d’un crédit d’impôt, dont le caractère incitatif n’est jamais certain alors que le coût pour les finances publiques, lui, est bien réel. Nous voulons soutenir l’investissement dans la recherche pédiatrique, et ce sans délai. Or, avec un crédit d’impôt, les entreprises doivent d’abord investir avant d’être remboursées. En matière de recherche pédiatrique, les freins à l’investissement ne sont pas fiscaux : ils viennent du manque de rentabilité et de l’étroitesse du marché. En outre, le ciblage d’un crédit d’impôt est toujours difficile, sans parler des effets d’aubaine et du coût du contrôle. Enfin, un crédit d’impôt ne permet pas de piloter la dépense.
Nous proposons un financement ciblé pour les entreprises innovantes et les biotechs qui en ont le plus besoin, et tout au long de la vie des projets, lesquels durent en moyenne de dix à quinze ans. Le crédit d’impôt ne permet pas d’accompagnement, tandis que le financement par un fonds d’innovation permet d’entrer au capital des entreprises concernées et d’avoir accès aux décisions stratégiques.
La recherche pédiatrique ne se prêtant pas au crédit d’impôt, mon avis est défavorable. Il l’est également sur l’amendement de repli, qui est plus compliqué encore que le premier et présente un risque plus élevé en termes d’effets d’aubaine.
Par ailleurs, je ne comprends pas bien le sens du troisième amendement. Nous proposons une contribution à part entière, fléchée par le soutien à l’innovation pédiatrique en oncologie et en maladies rares. Le plan Innovation santé 2030 disposant de crédits budgétaires propres, inscrits au budget général de l’État, il n’y a pas de raison objective de mélanger les deux dispositifs. En outre, ce plan prévoit explicitement de mobiliser BPIFrance comme opérateur pour financer l’innovation, la recherche et l’industrialisation de projets innovants dans les domaines de l’écologie, de l’énergie, de la technologie et de la santé. En fusionnant ces dispositifs, le risque existe de noyer la contribution que nous recherchons dans des programmes sans lien avec l’objectif poursuivi.
J’émets donc un avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements
Amendement AS18 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). Afin de sécuriser juridiquement la contribution créée au futur article L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale, nous proposons de préciser qu’elle sera indépendante de celles déjà prévues à l’article L. 245-6 du même code, afin d’éviter toute ambiguïté quant à son assiette et à son articulation avec les prélèvements existants.
La nouvelle contribution sera ainsi clairement perçue comme un dispositif autonome, affecté spécifiquement au fonds de soutien à l’innovation thérapeutique pédiatrique. La lisibilité du texte s’en trouverait renforcée et tout risque d’interprétation erronée ou de contentieux serait ainsi écarté.
Mme la rapporteure. La précision que vous voulez apporter est purement rédactionnelle : elle n’a aucune portée sur le fond et n’apporte pas une meilleure lisibilité, puisque le texte prévoit déjà d’intégrer un nouvel article au code de la sécurité sociale et que la contribution proposée fera l’objet d’un taux et d’une assiette spécifiques.
Avis défavorable.
Mme Christine Loir (RN). Comme je l’ai indiqué, il s’agit simplement d’améliorer la sécurité juridique du dispositif.
Mme la rapporteure. Je ne vois pas en quoi la rédaction que vous proposez apporterait une sécurité supplémentaire. Le texte ne pose aucune difficulté juridique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1 de Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Le versement sans condition de grosses sommes d’argent aux entreprises est source de dérives. Le CIR en est un parfait exemple : dépourvu de toute conditionnalité, il n’a absolument pas empêché ses bénéficiaires de conduire des politiques de casse sociale préjudiciables au bon déroulement de la recherche.
Pour que cette proposition de loi ne se traduise pas par un cadeau supplémentaire des pouvoirs publics aux acteurs privés, il nous semble indispensable d’assortir le versement des fonds attribués de contreparties, en prévoyant qu’ils seront effectivement consacrés à des activités de recherche fondamentale visant à faire avancer la lutte contre les cancers pédiatriques et les maladies rares touchant spécifiquement les enfants. Il est légitime d’exiger, en cas de non-respect de cette condition, un remboursement des sommes perçues, majorées d’une pénalité de 10 %.
Mme la rapporteure. Vous souhaitez conditionner le versement des fonds à la préservation, pendant deux ans, des dépenses de personnel de recherche. Votre objectif est louable, mais je suis défavorable à la conditionnalité des aides dans le cas précis du financement de la recherche pédiatrique, car ce serait méconnaître les spécificités de ce marché.
Le but est ici de soutenir des TPE ou PME très innovantes, les biotechs. Or vous visez plutôt, me semble-t-il, les grands groupes pharmaceutiques, qui ne sont pas concernés par le dispositif de soutien, car ils ne sont pas investis dans la recherche pédiatrique, le marché étant trop étroit, trop risqué et pas assez rentable à leurs yeux.
Les cycles de développement des biotechs sont longs et incertains : l’élaboration d’un produit peut prendre quinze ans et le taux d’échec est très élevé. Le délai de deux ans que vous proposez d’instaurer rigidifierait donc un modèle déjà fragile. Alors que la majorité des biotechs ne réalisent aucun chiffre d’affaires pendant de nombreuses années, de telles conditions seraient incompatibles avec leur modèle financier.
Avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). L’objectif est en outre de favoriser les synergies entre acteurs publics et privés pour encourager non seulement la recherche fondamentale, mais aussi la recherche translationnelle, car c’est elle qui manque le plus actuellement. L’amendement ne permettrait pas d’atteindre cette cible, bien au contraire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS2 de Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Comme le précédent, cet amendement vise à conditionner le versement des fonds. Nous souhaitons tous encourager la recherche fondamentale et préserver les postes de chercheurs. Il est donc primordial de conditionner les aides dont bénéficient les entreprises, y compris les TPE et les PME, qui ne sont pas exemptes de dérives.
Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Je comprends vos précautions, mais les start-up actives dans ce champ de recherche très spécifique sont fragiles et évoluent dans un environnement caractérisé par un haut niveau de risque. Le plus souvent, elles ne gagnent pas d’argent pendant de longues années. Elles ont donc besoin qu’on les aide, et non qu’on les entrave.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS8 de Mme Sandrine Dogor-Such
Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le dispositif proposé ne doit pas fragiliser davantage notre souveraineté sanitaire. Avant d’imposer une nouvelle contribution à l’industrie pharmaceutique, nous demandons donc qu’une étude d’impact complète soit transmise au Parlement dans l’année suivant la promulgation de la loi.
À l’heure où plusieurs médicaments essentiels – antibiotiques pédiatriques, anticancéreux, corticoïdes injectables – sont déjà soumis à des tensions d’approvisionnement récurrentes, toute mesure fiscale supplémentaire pourrait inciter certains laboratoires à réduire ou délocaliser leurs productions, ou encore à arbitrer au détriment des segments les moins rentables, notamment des médicaments pédiatriques et des innovations de niche. Cet amendement vise à apporter une garantie de sérieux et de transparence.
Mme la rapporteure. Je comprends votre objectif, mais une étude d’impact est généralement rédigée préalablement à l’adoption de la loi, et non après sa promulgation. Un délai d’un an serait en outre insuffisant pour évaluer l’efficacité de la contribution avec le recul nécessaire, puisque la durée moyenne d’un projet de recherche est comprise entre dix et quinze ans.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 1er non modifié.
Après l’article 1er
Amendement AS26 de M. Théo Bernhardt
M. Théo Bernhardt (RN). On peut légitimement s’interroger sur la pertinence de la gouvernance du fonds prévue dans le texte. Si BPIFrance possède une expertise financière indiscutable, elle ne bénéficie pas de l’expertise médicale et scientifique nécessaire, contrairement à l’Institut national du cancer, qui est l’institution de référence en France, celle qui connaît le terrain et qui dialogue quotidiennement avec les chercheurs, les cliniciens et les associations de patients.
Nous proposons donc d’instaurer une coopération structurée entre ces deux institutions : BPIFrance assurerait la gestion opérationnelle du programme et l’Inca définirait les orientations stratégiques et validerait la pertinence scientifique des investissements majeurs, dans une logique de complémentarité et d’efficacité. Pour garantir la légitimité du dispositif, l’Inca associerait à ses travaux les associations de parents et les sociétés savantes d’oncologie pédiatrique.
Mme la rapporteure. Je comprends votre souhait de clarifier la gouvernance du fonds d’investissement, mais nous avons souhaité ne pas trancher d’emblée cette question, précisément pour nous laisser le temps de constituer un comité de gestion, qui pourra bien sûr associer d’autres acteurs pertinents. Qu’en serait-il, dans le dispositif que vous proposez, des maladies rares ou des ministères chargés de la recherche et de la santé ? Par ailleurs, la gestion d’un fonds d’investissement ne figure pas dans les missions de l’Inca telles qu’elles sont définies à l’article L. 1415-2 du code de la santé publique.
Il n’est pas utile de définir la gouvernance du fonds dans ce texte. C’est dans un second temps qu’il conviendra de déterminer les véhicules législatifs et réglementaires adéquats pour y associer tous les partenaires concernés.
Avis défavorable.
M. Michel Lauzzana (EPR). On touche tout de même à un point de fragilité du texte. Le fonds d’investissement engloberait non seulement les cancers pédiatriques, mais aussi les maladies rares et orphelines. Or, si le domaine des cancers pédiatriques est un pays, celui des maladies rares est un continent. Je crains qu’on ne s’y perde un peu dans le fléchage des différents flux financiers.
Mme la rapporteure. Vous avez tout à fait raison de souligner ce risque. C’est bien pour cette raison que la définition de ces modalités précises de gestion n’interviendra que dans un second temps.
La commission rejette l’amendement.
Article 2 : Fixation du taux et de l’assiette de la contribution
Amendement AS25 de M. Théo Bernhardt
M. Théo Bernhardt (RN). M. Lauzzana a exprimé le souhait de revoir le niveau de la taxe et Mme la rapporteure s’est déclarée hostile à un crédit d’impôt. Notre proposition est susceptible de les satisfaire tous les deux, puisqu’elle vise à créer un mécanisme d’incitation puissant : les laboratoires qui s’engageraient concrètement dans la recherche pédiatrique verraient leur contribution réduite de moitié. Plutôt que d’alimenter un fonds par un prélèvement dont chacun s’acquitterait passivement, nous souhaitons créer une incitation directe à l’investissement. Les laboratoires auraient le choix : payer la taxe à taux plein ou investir pour les enfants et bénéficier d’une réduction.
Mme la rapporteure. Vous proposez de diminuer de moitié le taux de la contribution dont s’acquitteraient les entreprises ayant engagé des essais cliniques de phase II ou III incluant des enfants ou ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché pour un médicament indiqué en oncologie pédiatrique ou destiné à soigner une maladie rare.
Je ne suis pas favorable à la conditionnalité de la contribution : j’y vois un facteur de lourdeur administrative nuisible à l’efficacité du dispositif.
En outre, quelles seraient précisément les entreprises visées ? Les grands groupes pharmaceutiques ne sont pas positionnés sur le créneau des essais de phase II ou III en recherche pédiatrique : ceux-ci sont généralement conduits par des start-up qui ne réalisent aucun chiffre d’affaires et ne bénéficieraient donc pas de la réduction que vous proposez.
Votre amendement dissuaderait également les entreprises de mener des essais de phase I, créant ainsi un déséquilibre entre les différentes phases du projet, alors que nous souhaitons pérenniser l’ensemble de la chaîne d’innovation. Il introduirait enfin une rupture d’égalité entre les entreprises et les types de recherche.
Avis défavorable.
M. Théo Bernhardt (RN). Je crois au contraire que cet amendement inciterait les entreprises pharmaceutiques à lancer des essais cliniques de phase I, dans l’espoir de bénéficier de la réduction d’impôt si ces essais devaient atteindre la phase II ou III.
Mme la rapporteure. Nous n’avons pas la même conception de l’incitation.
La commission rejette l’amendement.
Amendements identiques AS4 de Mme Anaïs Belouassa-Cherifi et AS16 de M. Benoît Biteau, amendements AS12 et AS13 de M. Michel Lauzzana (discussion commune)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). Bénéfices en hausse, dividendes records, actionnaires qui s’en mettent plein les poches sur la santé des gens : l’industrie pharmaceutique se porte bien. Ce secteur capte notamment la plus grande partie du CIR.
Si la contribution de 0,15 % prévue dans la proposition de loi est un bon début, il faut donc aller plus loin : nous proposons de doubler ce taux pour faire en sorte que la recherche fondamentale et clinique aboutisse et permette effectivement de lutter contre les cancers pédiatriques et les maladies rares infantiles. L’insuffisance chronique des moyens alloués à ce champ de recherche crée des retards et entrave les projets. Si notre amendement était adopté, ces financements seraient portés à 140 millions d’euros, ce qui permettrait de soutenir durablement les efforts en la matière sans menacer l’industrie pharmaceutique, dont le chiffre d’affaires dépassait 73 milliards d’euros en 2023.
M. Benoît Biteau (EcoS). Ces industries réalisent effectivement des bénéfices absolument colossaux. Dès lors, on peut tout à fait leur demander de contribuer bien davantage à un domaine qui reste le grand orphelin de la recherche.
Pour formuler les choses de façon aussi cynique qu’eux, les laboratoires consacrent d’énormes moyens à la recherche contre les cancers « rentables », délaissant les cancers pédiatriques, qui souffrent d’un déficit d’investissement. Pourquoi la puissance publique devrait-elle pallier ce manque, alors que les cancers pédiatriques sont très souvent d’origine environnementale et découlent de l’usage des molécules développées par ces mêmes groupes, qui nuisent à la qualité de l’eau, de l’air et de la nourriture ? Il n’y aurait rien de choquant à appliquer le principe pollueur-payeur et à exiger de ces firmes, qui font d’importants profits, qu’elles alimentent la recherche pour protéger la santé de nos enfants.
M. Michel Lauzzana (EPR). À l’inverse des intervenants précédents, je veux baisser la contribution, non pas pour faire plaisir à l’industrie pharmaceutique, mais parce que les acteurs nationaux de ce secteur, dont beaucoup sont de petits laboratoires, sont très fragiles. L’industrie française est en difficulté parce qu’elle commercialise principalement des médicaments matures, qui rapportent assez peu mais contribuent à l’emploi local. Nous devons la défendre.
L’amendement AS12 vise donc à baisser la contribution à 0,05 %, contre 0,10 % pour l’amendement AS13.
Mme la rapporteure. Je remercie ceux de nos collègues qui proposent de porter la taxe à 0,3 % pour leur souci de garantir un financement pérenne de l’innovation. Nous sommes tous conscients des besoins. Néanmoins, les entreprises du médicament contribuent déjà significativement à travers plusieurs taxes sectorielles, qui s’ajoutent aux dispositifs de droit commun et à la clause de sauvegarde, laquelle permet de moduler les remboursements de certains médicaments particulièrement coûteux pour l’assurance maladie.
Pour mémoire, il existe une contribution sur le chiffre d’affaires ainsi qu’une contribution additionnelle des entreprises du médicament, dont le rendement annuel est de 590 millions d’euros ; une contribution sur les dépenses de promotion des médicaments qui rapporte environ 70 millions par an ; une contribution due par les laboratoires et les grossistes répartiteurs sur les ventes en gros aux officines pharmaceutiques, pour un rendement de 270 millions ; des droits d’enregistrement perçus au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie ainsi qu’une taxe due par les laboratoires de biologie médicale, qui rapportent ensemble 70 millions par an.
Dans ce contexte, il ne me semble pas opportun de doubler la nouvelle contribution : le taux proposé, fixé à l’issue d’échanges avec l’ensemble des partenaires, constitue un point d’équilibre. Je suis donc défavorable aux amendements identiques.
Je connais l’engagement de M. Lauzzana en matière de soutien à la recherche pédiatrique et je comprends son souhait de s’assurer que la contribution reste soutenable et incitative, donc efficace et pérenne. L’amendement AS12 viderait toutefois le texte de son contenu, car un taux de 0,05 % ne permettrait pas de financer significativement la recherche pédiatrique. J’y suis donc défavorable. Je suis en revanche prête à émettre un avis favorable sur l’amendement AS13, qui prévoit une contribution de 0,1 %.
M. Benoît Biteau (EcoS). Je tiens à préciser que notre amendement vise avant tout à promouvoir une approche globale de cette question.
Il se trouve que de nombreuses firmes pharmaceutiques produisent aussi des poisons à l’origine de cancers, y compris pédiatriques. Le premier agriculteur mort d’une maladie professionnelle en France était un très bon ami d’enfance. Quelques mois avant son décès, il racontait que les poches de médicaments qu’il recevait pour soigner son cancer portaient le même logo que les produits qui avaient causé sa maladie. Nous tenions donc à souligner que certaines de ces entreprises ne se contentent pas de produire des médicaments : elles sont aussi à l’origine du problème. Il ne faut pas avoir de scrupules à les faire participer à la recherche pour identifier les causes de ces cancers afin de mieux les soigner et, peut‑être, de les prévenir.
Toutes les firmes pharmaceutiques ne sont pas productrices de molécules dangereuses – en ce sens, notre amendement n’est sûrement pas parfait –, mais ce sont bien celles-là qui sont ciblées.
M. Nicolas Turquois (Dem). Nous ne sommes pas favorables à la création d’une contribution supplémentaire. Il faut certainement trouver le moyen d’agir spécifiquement contre les cancers et les maladies rares pédiatriques, car le modèle économique des entreprises actives dans ce secteur est compliqué, mais cela passe avant tout par des mesures réglementaires – on sait par exemple que les accès précoces aux médicaments sont parfois difficiles à obtenir. Si l’objectif de la rapporteure est totalement justifié, nous nous opposons donc à la méthode retenue.
Surtout, je veux réagir à la première intervention de notre collègue Biteau, qui a désigné tout l’écosystème de la pharmacie à la vindicte. Avec des propos aussi réducteurs, il ne faut pas s’étonner que la recherche se détourne de la France. Si des produits doivent disparaître, interdisons-les, mais mêler ainsi lutte contre les cancers pédiatriques et produits phytosanitaires est inacceptable.
M. Michel Lauzzana (EPR). Je m’associe aux propos de notre collègue Turquois.
Par ailleurs, une contribution trop élevée pourrait effaroucher les laboratoires. Certains sont déjà engagés en faveur de la recherche pédiatrique à travers des partenariats avec des fondations ou des associations, car, outre le bénéfice d’image qu’ils en retirent, ils savent que les progrès réalisés dans un domaine de recherche peuvent avoir des applications dans d’autres champs. Veillons donc à ne pas brider l’engagement de ces laboratoires vertueux.
M. Jean-François Rousset (EPR). Il faut sortir des caricatures. Pour prendre un exemple qui vous parlera sans doute, la recherche sur l’atome a conduit à la fois à la création de la bombe atomique et au développement de la radiothérapie. On ne peut pas savoir, au commencement, quelle direction la recherche prendra. Acceptons ses échecs comme ses bénéfices et prenons un peu de hauteur sur ces questions.
M. Yannick Neuder (DR). Les maladies rares touchent une famille sur vingt et les cancers pédiatriques font près de 500 morts par an : le sujet est suffisamment grave pour que nous fassions attention aux propos que nous tenons. Chacun ici est, je le crois, soucieux de lutter contre la défiance vis-à-vis de la science. Or certaines affirmations, sorties de leur contexte, pourraient contribuer à cette méfiance. Dans le contexte de l’essor des médecines parallèles, nous devons au contraire conforter les parents et leur dire que la recherche peut les accompagner et sauver des vies.
C’est pourquoi je salue cette proposition de loi, même si elle doit encore être améliorée. Je déposerai d’ailleurs en séance un amendement afin que les critères de robustesse des essais cliniques soient définis par un comité scientifique regroupant des experts, des membres de l’Inca, ou encore des représentants des associations de patients.
En tant qu’élus de la République, nous avons un message à faire passer. Nos propos nous engagent et sont largement repris par les médias. Les familles doivent pouvoir avoir confiance en la science. Il faut lutter contre les fausses nouvelles, car une société qui ne croit plus en la recherche ou en la science n’est pas une société qui va de l’avant.
M. Hendrik Davi (EcoS). Les propos de mon collègue ne visaient nullement à remettre en cause l’importance de la science.
Simplement, soigner les cancers pédiatriques, c’est bien, mais les prévenir, c’est mieux. Si l’incidence de ces maladies est si forte, c’est que l’industrie de la chimie a empoisonné l’air, l’eau et les sols. Or le processus d’évolution de la science est tel que les groupes pharmaceutiques – pas tous, mais la plupart – sont souvent les descendants des industriels qui ont conçu ces produits chimiques. Cela ne signifie pas qu’ils ne peuvent pas fabriquer de très bons médicaments. En revanche, cela signifie qu’il n’est pas anormal de ponctionner une petite part de la richesse qu’ils ont accumulée en produisant des poisons.
Par ailleurs, les grandes entreprises pharmaceutiques font énormément de profits. À l’échelle mondiale, elles ont versé plus de 373 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, soit l’équivalent de leurs dépenses de recherche et développement. On peut donc les taxer davantage.
Je rejoins Yannick Neuder sur un point : le plus important sera ensuite que cet argent soit géré par les scientifiques et qu’il soit utilisé au mieux pour faire avancer la science.
La commission rejette les amendements AS4 et AS16.
Puis elle rejette l’amendement AS12 et adopte ensuite l’amendement AS13.
Amendement AS23 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). L’article 2 exclut les médicaments orphelins de la nouvelle contribution. Si l’intention affichée est claire – protéger les traitements des maladies rares –, le texte présente, à y regarder de plus près, une incohérence.
En effet, le terme de « médicament orphelin » ne désigne pas un médicament pédiatrique, mais un statut administratif potentiellement accordé sur demande du laboratoire en fonction du seuil de prévalence de la maladie, voire de considérations économiques. Il ne dit absolument rien de l’usage du médicament chez l’enfant, comme l’Agence européenne des médicaments le rappelle régulièrement. Il en découle des situations difficilement justifiables : plusieurs traitements d’immunothérapie prescrits pour des cancers pédiatriques très graves ne disposent d’une autorisation de mise sur le marché que pour l’usage chez l’adulte et ne sont pas considérés comme des médicaments orphelins, faute de demande du laboratoire. À l’inverse, certains traitements orphelins ne concernent que les patients adultes, mais seraient, aux termes de l’article 2, totalement exonérés de la nouvelle contribution.
Ce critère reflète-t-il réellement les besoins pédiatriques ? Est-il juste de taxer les traitements effectivement utilisés chez l’enfant tout en exonérant les produits très rentables qui ne les concernent pas ? Nous devons faire preuve de logique et de justice pour répondre à l’objectif central de cette proposition de loi : financer l’innovation thérapeutique pour les enfants.
Mme la rapporteure. Cette exclusion a un fondement qui n’est pas qu’administratif : les médicaments orphelins sont déjà très proches du seuil de non-rentabilité. Les taxer davantage serait donc à la fois contre-productif et incohérent avec l’objectif de la proposition de loi.
Depuis l’entrée en vigueur du règlement européen concernant les médicaments orphelins en 2000, le nombre d’autorisations de mise sur le marché accordées pour des traitements destinés à soigner des maladies rares a fortement augmenté, à tel point que les médicaments orphelins représentent désormais une part significative des nouvelles substances actives approuvées en Europe. Votre amendement irait à rebours de cette logique d’incitation fiscale.
La France exclut les médicaments orphelins de l’assiette de la taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises du médicament et du mécanisme de la clause de sauvegarde. Par souci de cohérence, il est proposé de reprendre la même assiette pour la future contribution.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS14 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). Afin de préserver notre souveraineté et de protéger les petites industries françaises, je propose que les entreprises dont plus de 50 % de la production de médicaments est réalisée en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne soient exonérées de la contribution. Cela diminuerait un peu les recettes, mais pas très fortement.
Mme la rapporteure. Je partage votre objectif, mais ce type de mesures n’est jamais décisif pour inciter au maintien d’une activité sur le sol national. Dès lors que la contribution prévue affiche un taux inférieur à 1 % du chiffre d’affaires, je doute que les entreprises visées – les grands groupes industriels – soient incitées efficacement à ne pas délocaliser.
En revanche, l’amendement pourrait contribuer à créer un effet d’aubaine pour des entreprises de taille intermédiaire ou des sous-traitants, qui sont précisément ceux que nous souhaitons voir contribuer davantage au financement de la recherche pédiatrique.
Le risque de vider la contribution de son contenu est donc réel. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS17 de Mme Christine Loir
Mme Christine Loir (RN). L’amendement vise à rendre la contribution prévue à l’article 2 plus juste, plus cohérente et plus incitative. Les entreprises pharmaceutiques ne bénéficient que de très peu d’incitations économiques pour investir dans la recherche pédiatrique, notamment en matière de cancers et de maladies rares de l’enfant.
Or taxer au même niveau celles qui ne consentent aucun effort et celles qui investissent réellement dans un plan d’investigation pédiatrique ou des essais cliniques revient à créer un dispositif déséquilibré et, finalement, contre-productif. La diminution de 50 % de la contribution versée aux entreprises dépassant un seuil significatif d’investissement en recherche et développement pédiatrique permettrait de réintroduire de la logique et de la justice dans le mécanisme. Il s’agit de récompenser les acteurs engagés tout en incitant les autres à intensifier leurs efforts. Il ne s’agit pas d’une exonération mais d’un levier vertueux visant à aligner le financement du fonds sur l’objectif de simulation de l’innovation thérapeutique pédiatrique.
Mme la rapporteure. Ce type de mesure n’est jamais décisif pour inciter au maintien d’une activité et peut contribuer à créer un effet d’aubaine. Le risque de vider la contribution de sa substance est réel.
Enfin, la fixation d’un seuil d’exonération complexifie considérablement le dispositif, notamment pour l’administration. Quel seuil pertinent pourrait être fixé sans créer des inégalités de traitement entre les entreprises ? Comment assurer l’équité alors que leurs activités ne sont pas toujours comparables ? Comment garantir le contrôle de ces seuils ?
Pour toutes ces raisons, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
Article 2 bis (nouveau) : Rapport relatif à l’âge minimum requis pour participer aux essais thérapeutiques
Amendement AS11 de M. Michel Lauzzana
M. Michel Lauzzana (EPR). L’amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport relatif à l’âge minimum requis pour participer aux essais thérapeutiques, afin d’accélérer l’accès des enfants à certains médicaments. En France, les mineurs ne peuvent participer qu’à des essais spécifiques alors que, aux États-Unis, la participation aux essais thérapeutiques est possible dès l’âge de 12 ans.
Mme la rapporteure. Comme le ministère, je suis favorable à cet amendement.
La commission adopte l’amendement. L’article 2 bis est ainsi rédigé.
Article 3 : Compensation financière
La commission adopte l’article 3 non modifié.
Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
*
* *
En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
– Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/eqVcnh
–Texte comparatif : Lien vers le texte comparatif
ANNEXE N° 1
Liste des personnes ENTENDUEs par la rapporteure
(par ordre chronologique)
Les entreprises du médicament (Leem)* – Mme Ariane Galaup-Paci, directrice Recherche clinique, Mme Ségolène Seguineau, responsable Fiscalité, M. Matthieu Boudon, responsable Affaires économiques, et M. Loïck Landouzy, responsable Affaires publiques France
BPIFrance* – M. Laurent Arthaud, directeur du pôle Biotech et écotech, M. Philippe Boucheron, pôle Investissement biotech et écotech de la direction de l’innovation, et M. Jean‑Baptiste Marin‑Lamellet, directeur des relations institutionnelles
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
ANNEXE N° 2
Liste des CONTRIBUTIONS REÇUEs par la rapporteure
Direction générale de l’offre de soins (DGOS)
Direction générale de la santé (DGS)
Association Grandir Sans Cancer
Institut national du cancer (Inca)
ANNEXE N° 3
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi
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Proposition de loi |
Dispositions en vigueur modifiées |
|
|
Article |
Codes et lois |
Numéro d’article |
|
1er |
Code de la sécurité sociale |
L. 245‑6‑1 [nouveau] |
([1]) « Dix ans de lutte contre le cancer évaluation, stratégie et prospective », Actualité et dossier en santé publique n° 94, mars 2016.
([2]) Rapport de l’Institut national du cancer, septembre 2025.
([3]) Registre national des cancers de l’enfant.
([4]) En anglais European Reference Networks (ERN).
([5]) Les quatre centres sont EN-HOPE SMART4CBT pour la région est et nord, Paris Kids Cancer pour l’Île‑de‑France (issu de l’alliance Assistance publique - Hôpitaux de Paris, Gustave-Roussy et Institut Curie), South‑ROCK pour le sud-est et CERCLE pour le sud-ouest.
([6]) La recherche translationnelle vise à transférer rapidement les connaissances issues de la recherche fondamentale vers des applications cliniques et de santé publique.
([7]) Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France, n° 18, juin 2025.
([8]) Annexes au projet de loi de finances sur les opérateurs de l’État pour les exercices 2021 à 2024.
([9]) « Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français ? », Note du Conseil d’analyse économique n° 62, janvier 2021.
([10]) France Biotech est une association qui a pour objectif principal de fédérer les entrepreneurs de l’innovation en santé (biotechnologies, medtech, e-santé, healthtech) et leurs partenaires (investisseurs).
([11]) Marion Bourdoncle, Blandine Juillard-Condat et Florence Taboulet, « Patient access to orphan drugs in France », Orphanet Journal of Rare Diseases, vol. 14, art. 47, 18 février 2019.
([12]) Un essai compassionnel consiste en la mise à disposition, pour certains patients, de médicaments susceptibles d’être utilisés pour traiter des maladies graves ou rares, en l’absence d’alternative thérapeutique appropriée.
([13]) Article 78 de la loi n° 2020‑1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
([14]) Académie de médecine, « Les cellules CAR-T ciblant GD2 : un espoir pour les enfants atteints de neuroblastome », 26 mars 2025.
([15]) Un essai single-arm est un essai clinique sans groupe de comparaison : tous les participants reçoivent le même traitement expérimental, et il n’y a ni groupe placebo, ni groupe recevant le traitement standard.