N° 2194
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à protéger les mineurs isolés et à lutter contre le sans-abrisme,
par M. Emmanuel GRÉGOIRE,
Député.
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Voir le numéro : 2021 rect.
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Partout en France, des personnes vivent sans domicile. Elles peuvent être majeures, mais également mineures. Il s’agit particulièrement du cas des plus grandes aires urbaines du pays, où des jeunes gens dorment sous des ponts, dans la rue ou bien encore dans des gares et parking.
Si les personnes majeures à la rue font généralement face à la saturation des dispositifs d’hébergement d’urgence, malgré une augmentation substantielle des places depuis 2010, les mineurs ou les jeunes gens se déclarant comme tels sont pour l’essentiel logés, le temps que soient évalués leur minorité et leur isolement. Si un conseil départemental estime qu’ils ne respectent pas l’une ou l’autre condition, ils ne relèvent pas d’une prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance. Pourtant, de nombreux jeunes forment chaque année un recours devant le juge aux enfants et se voient finalement reconnus mineurs non accompagnés pour un nombre conséquent d’entre eux. Dans l’intervalle, l’essentiel d’entre eux se retrouve à la rue, sans domicile. Chacun a déjà pu observer ces situations aussi insupportables pour les valeurs humanistes séculaires de la France que pour les effets particulièrement néfastes qu’elles engendrent pour ces jeunes, leur santé physique comme mentale et leur avenir, mais aussi plus généralement pour la société. Vulnérables, ces jeunes sont régulièrement exploités par des réseaux criminels, tantôt pour utiliser leurs corps à des fins de prostitution, tantôt pour les utiliser dans la vente, la livraison ou la consommation de drogues et produits illicites.
Se refusant à l’accoutumance comme au statu quo, le rapporteur estime qu’il est urgent d’agir pour ces jeunes particulièrement vulnérables, pour que plus aucun d’entre eux ne dorme à la rue. À ce titre, héberger les jeunes formant un recours contre une décision de refus de prise en charge de l’aide sociale à l’enfance aussi longtemps qu’une décision juridictionnelle définitive n’est pas intervenue apparaît indispensable tant du point de vue des valeurs humanistes de la France que de celui des impératifs d’ordre public. En étant soucieux des modalités d’application concrètes de cette mesure prévue à l’article 1er de la proposition de loi, le rapporteur sait aussi qu’un effort particulier devrait l’accompagner, pour le ministère de la justice en matière de délai d’audiencement et de décision, pour les conseils départementaux en matière de compensation à hauteur des efforts induits. Sur ce point, le rapporteur note que la mesure n’a pas soulevé une opposition a priori de l’association Départements de France, laquelle a au contraire souligné le caractère « vertueux » du dispositif et la nécessité, le cas échéant, d’une compensation financière égale aux dépenses engagées ([1]). Cette compensation est du reste prévue à l’article 3 de la proposition de loi. Les associations et collectifs entendus ont quant à eux tous apporté leur soutien à cette mesure qu’ils défendent de longue date.
Par ailleurs, se refusant tout autant au conflit de vulnérabilités auquel d’aucuns se prêtent lorsqu’il s’agit de sans-abrisme, le rapporteur propose par l’article 2 la création d’un observatoire national du sans-abrisme. Les associations et collectifs entendus ont là encore largement soutenu cette démarche, dans l’objectif partagé avec le rapporteur de mieux comprendre et mieux connaitre ce phénomène pour mieux agir.
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Article 1er
Suspendre les effets d’une décision de refus minorité contestée jusqu’à une décision juridictionnelle définitive
Rejeté par la commission
Le présent article permet de suspendre les effets d’une décision de refus de minorité adressée à une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, lorsqu’elle la conteste en justice. La suspension des effets de cette décision est maintenue, notamment l’hébergement provisoire d’urgence, jusqu’à une décison juridictionnelle définitive.
● En droit international, les enfants sont l’objet de garanties particulières. D’abord, au sein de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1949, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies à Paris le 10 décembre 1948, l’article 25 dispose que « la maternité et l’enfance ont droit à une aide et une assistance spéciale ». Rappelant en préambule cet article, les Nations unies ont adopté le 20 novembre 1989 la Convention relative aux droits de l’enfant. Ratifiée par la France le 7 août 1990, la Convention reste à ce jour le traité international le plus largement et le plus rapidement ratifié ([2]). Institué par la Convention, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a la charge de surveiller sa bonne application par les États.
Par cette ratification, la France a ainsi reconnu le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible ([3]), de bénéficier de la sécurité sociale ([4]) et de l’éducation ([5]), mais également le droit « de tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, à une protection et à une aide spéciale de l’État » ([6]). Plusieurs des articles de la Convention ont du reste été reconnus comme d’application directe en France par les juridictions internes. À titre d’exemple, l’article 16 de la Convention, relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant, a ainsi été affirmé d’application directe par le Conseil d’État en 1995 ([7]). Par ailleurs, sur le fondement de l’article 71-1 de la Constitution, la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits a chargé le Défenseur des droits de « défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant consacré par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France » ([8]).
● En droit interne, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 accorde de la même manière une place particulière à l’enfant, à qui la Nation garantit notamment « la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». C’est sur le fondement de ce onzième alinéa que le Conseil constitutionnel a ainsi dégagé une « exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant » ([9]).
● L’article 1er de l’arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille précise qu’un « mineur est considéré comme isolé lorsqu’aucune personne majeure n’en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se le voir durablement confier, notamment en saisissant le juge compétent ». De plus, si l’article L. 521-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile définit bien le mineur non accompagné comme un « mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de ses représentants légaux », il ne se distingue pas par sa nationalité mais bien par la double condition de minorité et d’isolement au sens de l’arrêté susmentionné.
● Les mineurs ne bénéficiant pas de la protection de leur famille ou les personnes se présentant comme telles entrent ainsi dans le champ de la protection de l’enfance, le cas échéant pour la période d’évaluation de cette double condition. Les missions de la protection de l’enfance sont définies à l’article L. 112‑3 du code de l’action sociale et des familles, qui dispose depuis la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance que celle-ci a notamment pour but « de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge ». C’est donc dans le cadre du service de l’aide sociale à l’enfance défini aux articles L. 221-1 à L. 211-9 du code de l’action sociale et des familles que sont pris en charge les mineurs non accompagnés ou se déclarant comme tel dans l’attente de leur évaluation.
● Aux termes de l’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental « du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille » est en premier lieu tenu de mettre en place un accueil provisoire d’urgence. L’article R. 221-11 du même code précise quant à lui que cet accueil provisoire d’urgence est de cinq jours à compter de la prise en charge de ladite personne, pouvant être prolongé deux fois pour une durée identique. Durant la période de l’accueil provisoire et ses éventuelles prolongations, le procureur de la République est informé par le président du conseil départemental.
Après un temps de répit laissé à personne, le président du conseil départemental procède en second lieu à l’évaluation de la minorité et de l’isolement au regard notamment des déclarations de la personne sur son « identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement » ([10]). Pour ce faire, le président du conseil départemental peut bénéficier du concours du représentant de l’État dans le département aux fins de la vérification de l’authenticité des documents produits et peut demander à l’autorité judiciaire la mise en œuvre des examens radiologiques osseux prévus au deuxième alinéa de l’article 388 du code civil. En outre, l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles précise que l’évaluation est réalisée pendant la période d’accueil provisoire d’urgence, c’est‑à‑dire au cours des quinze jours prévus pour cette période.
Enfin, l’évaluation est réalisée soit par les services du conseil départemental, soit, dans le cas où le président du conseil départemental la lui délègue, par un organisme public ou une association. Les entretiens sont conduits par des professionnels dûment formés et dans une langue comprise par la personne accueillie.
● Au terme de l’évaluation, le président du conseil départemental rend sa décision :
– si la personne est effectivement évaluée mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, il saisit le procureur de la République afin qu’une ordonnance de placement provisoire soit prise sur le fondement de l’article 375-5 du code civil. L’enfant est alors pris en charge par l’aide sociale à l’enfance de droit commun ;
Les mineurs non acccompagnés en France
Le nombre de personnes reconnues mineurs non accompagnés a sensiblement augmenté, passant de quelques centaines à la fin des années 1990 à 4 000 en 2010 ([11]), pour atteindre en 2023 près de 20 000 enfants, sur un total de plus de 45 000 demandes ([12]). En 2024, 13 554 personnes ont été déclarées mineurs non accompagnés au niveau national ([13]).
Pour le reste, aucun suivi statistique satisfaisant des mineurs non accompagnés, avant, pendant ou après la procédure d’évaluation n’est effectivement réalisé. Au terme des auditions qu’il a conduites, le rapporteur fait sien un constat de la Cour des comptes et déplore « qu’aujourd’hui encore, seul est connu et publié le nombre de mineurs signalés à la cellule nationale placée auprès de la direction de la protection judiciaire et de la jeunesse en vue d’une orientation vers un département métropolitain. Les autres composantes d’un véritable recensement et d’un suivi des mineurs non accompagnés sont inexistantes ou largement déficientes. » ([14])
– si la personne n’est pas évaluée comme mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le président du conseil départemental, estimant que la situation de la personne accueillie ne justifie pas la saisine de l’autorité judiciaire, lui notifie une décision de refus de prise en charge. Il est dès lors mis fin à l’accueil provisoire d’urgence.
Dans ce cas, la personne évaluée majeure ou non isolée peut saisir l’autorité judiciaire en application de l’article 375 du code civil. Cette décision juridictionnelle, une fois rendue, peut faire l’objet d’un recours en appel voire en cassation, sans que ces recours suspendent les effets de la décision. De même, le juge ne dispose d’aucun délai pour statuer et les mesures provisoires d’assistance éducative prévues à l’article 375-5 du code civil ne sont que facultatives et, par conséquent, que très rarement mises en œuvre. Si le Conseil d’État a admis que le juge des référés pouvait ordonner à un département de maintenir l’accueil provisoire d’une personne non admise au bénéficie de l’aide sociale à l’enfance, l’injonction ne peut se faire qu’à la double condition que l’appréciation du département soit « manifestement erronée » et que la personne soit confrontée à « un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité » ([15]). Ainsi, en pratique, comme le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) le précisait au rapporteur, « peu de jeunes peuvent effectivement bénéficier de la poursuite de leur accueil » malgré l’émergence d’un recours devant le juge administratif.
● Par voie de conséquence, que la personne forme ou non un recours contre la décision du président du conseil départemental, elle relève du dispositif de droit commun de l’hébergement d’urgence. De même, lorsqu’elle est majeure et étrangère, la personne relève du droit des étrangers. Sauf à ce que cette personne demande et obtienne l’un des titres lui permettant de se maintenir sur le territoire national, elle sera dès lors considérée comme irrégulière au regard du droit du séjour, sans que le ministère de l’intérieur suive statistiquement ces personnes ([16]).
La répartition de la compétence d’hébergement d’urgence
entre l’État et les conseils départementaux
L’État et les conseils départementaux se partagent la compétence d’hébergement d’urgence.
Aux termes de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, les conseils départementaux sont compétents pour la prise en charge des mineurs qui le nécessitent, mais également pour la prise en charge des majeurs, lorsque ce sont des femmes enceintes ou des mères isolées avec leurs enfants de moins de 3 ans.
Hormis les majeurs de moins de 21 ans losqu’ils ont été confiés avant leur majorité à l’aide sociale à l’enfance et, dans certains cas ([17]), les majeurs de moins de 21 ans, l’État est compétent pour héberger l’ensemble des autres majeurs et des familles. S’il peut arriver que les conseils départementaux se chargent tout de même d’héberger ces personnes majeures vulnérables, le Conseil d’État a rappelé que leur intervention « ne revêt qu’un caractère supplétif, dans l’hypothèse où l’État n’aurait pas accompli les diligences qui lui reviennent, et ne saurait entraîner une quelconque obligation à la charge du département dans le cadre d’une procédure d’urgence qui a précisément pour objet de prescrire, à l’autorité principalement compétente, les diligences qui s’avéreraient nécessaires » ([18]).
● En vue de la prise en charge de ces enfants par les services d’aide sociale à l’enfance, la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a renforcé les critères de répartition entre les départements. Aux termes de l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles, le ministre de la justice fixe les objectifs de répartition proportionnée des accueils de ces personnes en fonction de critères démographiques, socio-économiques et d’éloignement géographique. À titre d’exemple, en 2019, 45 % des personnes effectivement reconnues ont été prises en charge par un autre département que celui qui avait procédé à l’évaluation ([19]).
Par ailleurs, aux termes de l’article R. 221-12 du code de l’action sociale et des familles, les conseils départementaux bénéficient de contributions forfaitaires par l’État au titre de leurs missions relatives, d’une part à la mise à l’abri des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille, et d’autre part à l’évaluation de la situation de ces personnes ainsi qu’à l’identification de leurs besoins en santé.
● Le droit applicable aux personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et qui se voient opposer un refus de prise en charge de l’aide sociale à l’enfance, qu’elles contestent en justice, soulève de nombreux enjeux en pratique.
● Au regard du droit international, le droit applicable en France aux personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille est dénoncé de longue date. C’est ainsi que dans son dernier rapport de 2023, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies regrettait « qu’en dépit de ses recommandations précédentes, la situation des enfants demandeurs d’asile ou migrants n’ait pas évolué » et était préoccupé par le fait que la France « ne prend pas suffisamment en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, qui devrait être un principe directeur dans tous les processus d’évaluation initiale et les arrangements ultérieurs » ([20]). À ce titre, le Comité relevait notamment « les pratiques arbitraires de détermination de l’âge » ([21]) et recommandait de « faire en sorte que la procédure de détermination de l’âge soit conforme au principe de présomption de minorité » et, pendant la durée de la procédure judiciaire de contestation, de traiter la personne « comme un enfant [...] maintenue dans le système de protection de l’enfance ».
De même, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé en 2025 que la procédure mise en œuvre pour évaluer l’âge et l’isolement d’un jeune se déclarant mineur non accompagné pouvait constituer une violation de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales au titre du respect de la vie privée, considérant que « malgré l’existence d’un cadre juridique interne comportant, en principe, les garanties procédurales minimales requises, les autorités compétentes n’ont pas, en l’espèce, agi avec la diligence raisonnable et ont manqué à leur obligation positive de garantir le droit du requérant au respect de sa vie privée » ([22]).
À l’échelle nationale, et dans le même esprit, la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance estimait en 2025 qu’il était « indispensable que le jeune bénéficie d’une présomption de minorité jusqu’à la décision de justice lorsqu’il saisit le juge pour contester la décision du département sur sa minorité » afin qu’il bénéficie d’un « accueil provisoire également durant cette période », concluant que « la saisine du juge [devait] donc être suspensive pour que le droit au recours devienne effectif » ([23]).
● En pratique, ces personnes se trouvent dans une situation où elles ne seraient ni réellement mineures, ni réellement majeures.
Premièrement, la procédure d’évaluation qui conduit à une décision de prise en charge ou non de l’aide sociale à l’enfance demeure critiquable. En effet, la Cour des comptes notait que l’évaluation de minorité et d’isolement restait « hétérogène d’un département à l’autre quant à sa durée et à ses modalités » et que le « délai règlementaire de cinq jours n’est quasiment jamais respecté et tend à se dégrader. Certains départements affichent plusieurs semaines voire plusieurs mois de délais pour conclure leurs évaluations. » ([24]) À ce titre, alors que des départements avaient annoncé en 2023 ne plus organiser l’hébergement d’urgence légalement dû aux personnes se déclarant mineures ([25]), les auditions ont permis de porter à la connaissance du rapporteur la persistance de ce type de pratiques illégales, pouvant prendre la forme de réorientations, parfois par la distribution de flyers incitant à bénéficier de la prise en charge organisée par la ville de Paris.
Par ailleurs, eu égard à ce processus d’évaluation pouvant être défaillant, l’exercice d’un droit effectif au recours est d’autant plus important. Pour autant, comme l’indiquait la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, le ministère de la justice « ne dispose pas de données consolidées relatives aux personnes non reconnues mineurs non accompagnés par les conseils départementaux qui saisissent un juge des enfants pour faire reconnaître leur qualité de mineur non accompagné » ([26]). Néanmoins, en excluant les décisions de placement provenant du parquet, prononcées sur la base de l’évaluation des conseils départementaux, il est possible d’estimer le nombre de recours annuels. En effet, les décisions émanant des juges des enfants ou des cours d’appel concernent généralement des jeunes qui n’ont pas été reconnus mineurs non accompagnés par les conseils départementaux et qui ont saisi la juridiction en vue que soient reconnus leur minorité et leur isolement. Ainsi, en 2024, les décisions prises par les juges des enfants représentaient 22,4 % du total des décisions de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance portées à la connaissance du ministère de la justice, soit 2 282 décisions, et celles des cours d’appel représentaient 0,5 %, soit 68 décisions. En bref, plus d’une décision de prise en charge de mineur non accompagné sur cinq interviendrait à la suite d’un recours formé par un mineur s’étant vu initialement opposer un refus de prise en charge. Cependant, estimé par des initiatives associatives, ce taux moyen de reconnaissance de minorité à la suite d’une saisine du juge des enfants s’élèverait à 60 % sur 48 départements hexagonaux interrogés ([27]). Il serait par ailleurs soumis à d’importantes variations, pouvant par exemple atteindre 82 % dans la métropole de Lyon ([28]). Si le rapporteur prend avec prudence ces chiffres au regard des écarts constatés avec les estimations formulées par le ministère de la justice, il note néanmoins qu’ils traduisent les disparités d’un département à l’autre pouvant être liées aux évaluations réalisées par les départements eux-mêmes ou aux pratiques judicaires.
Dans l’attente de leur audience devant le juge des enfants puis d’une décision, le cas échéant définitive, ces jeunes, mineurs ou non, se retrouvent ainsi en situation d’errance et contraints de vivre et dormir à la rue. Jugés trop vieux pour bénéficier de l’aide sociale à l’enfance, ils sont dans bien des cas trop jeunes pour bénéficier de l’hébergement d’urgence pour adultes qui, outre sa saturation, les refuse fréquemment eu égard à leur minorité ([29]). Ainsi, en juin 2025, la coordination nationale des jeunes exilés en danger comptabilisait 3 273 « mineurs non accompagnés en recours » au sein de 79 des 96 départements hexagonaux. En extrapolant ces chiffres à l’ensemble de l’Hexagone, l’association estimait ainsi à 3 800 le nombre de mineurs en recours au cours de ce même mois ([30]) et potentiellement à la rue. L’ordre des avocats de Paris estimait quant à lui à 500 ([31]), dont une cinquantaine de filles, le nombre actuel de ces jeunes dormant à la rue à Paris dans l’attente de leur audience devant le juge des enfants.
Dans ce contexte, certains départements ou certaines associations tentent de pallier cette situation que le rapporteur estime injustifiable. Ainsi, à titre d’exemple, le département de la Meuse propose à ces personnes de bénéficier d’une mise à l’abri d’une semaine à l’hôtel, de même qu’à Lyon, l’association Le Mas gère deux centres d’hébergement d’urgence à destination de ces jeunes en recours, que finance la métropole de Lyon ([32]). Par ailleurs, du fait de leur irrégularité au regard du droit du séjour, il peut arriver que certains de ces jeunes en recours soient placés en rétention administrative après avoir fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et, dans certains cas, qu’ils soient éloignés avant d’avoir pu bénéficier d’une décision juridictionnelle ([33]), sans que le rapporteur ait été en mesure de quantifier ce phénomène.
Enfin, ces situations sont d’autant plus alarmantes qu’elles perdurent trop longtemps du fait des délais d’audiencement, puis de décision. Là encore, aucune des administrations entendues n’a été en mesure de fournir au rapporteur des données consolidées sur les délais de recours. Toutefois, il est établi que ces délais s’allongent ([34]) et que, dans certains cas, « le mineur est même devenu majeur au moment où le juge rend sa décision » ([35]). À titre d’exemple, la durée moyenne d’attente pour ces jeunes entre le dépôt du recours et la date d’audience se situait entre cinq et douze mois à Paris selon l’ordre des avocats de Paris ([36]). Si le rapporteur salue l’augmentation du nombre de juges des enfants annoncée par le garde des sceaux, ministre de la justice, les délais actuellement observés lui paraissent en tout état de cause trop élevés pour que cette augmentation soit en mesure à elle seule de les réduire suffisamment.
La contestation du refus de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance : l’exemple de Paris
En 2024, à Paris, 9 365 personnes se sont présentées pour une évaluation, donnant lieu à 8 296 évaluations effectives. Après évaluation, 2 253 évaluations concluent à la minorité soit 27,2 % des personnes évaluées. Paris représentait ainsi 16 % de l’ensemble des prises en charge de mineurs non accompagnés à l’échelle nationale ([37]). Parmi les personnes s’étant vu opposer un refus de prise en charge, 2 236 saisines du juge des enfants ont été recensées par la ville de Paris, soit 37 % de ces personnes. Parmi elles, 393 jeunes ont finalement bénéficié d’un jugement favorable, soit 17 % d’entre eux, essentiellement car elles réussissent en fin de compte à présenter des éléments d’état civil reconnus par le juge ([38]). Dans un contexte de non‑reconnaissance de la présomption de minorité, la ville de Paris s’est notamment engagée par l’adoption d’un vœu de l’exécutif lors du conseil de Paris du mois de novembre 2025 à mettre à l’abri et accompagner l’ensemble des jeunes femmes évaluées non mineures, l’ensemble des jeunes en situation de handicap et ceux dont l’état de santé nécessite une prise en charge sanitaire continue ([39]).
● Enfin, le rapporteur relève que les conseils départementaux sont eux‑mêmes fréquemment confrontés à des difficultés de prise en charge des mineurs non accompagnés. Au-delà de l’évaluation et de la prise en charge opérationnelles de ces jeunes, ils demeurent limités sur le plan budgétaire. À ce titre, l’association Départements de France estime que sur 2 milliards d’euros dépensés au titre de la prise en charge des mineurs non accompagnés, l’État n’en compensait que 3 %, à hauteur de 68,8 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2026 ([40]).
● L’article 1er de la proposition de loi modifie l’article L. 211-2-4 du code de l’action sociale et des familles par l’insertion d’un IV bis constitué de deux nouveaux alinéas.
Le premier alinéa du IV bis traite des cas de figure où une personne qui se déclare mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille conteste la décision de refus de minorité prise par le président du conseil départemental en application du II du même article. Sans le mentionner, l’alinéa fait dès lors référence au recours devant le juge des enfants prévu à l’article 375 du code civil. Ainsi, l’article prévoit que ladite contestation ait pour conséquence la suspension des effets de cette décision aussi longtemps qu’une décision juridictionnelle ne sera pas devenue définitive.
Au cours de cette période, si le maintien de l’accueil provisoire d’urgence prévu au I du même article est la conséquence logique de la suspension des effets de ladite décision, le second alinéa du IV bis inséré par l’article 1er le précise tout de même.
Plus généralement, la suspension des effets de la décision commande que la personne qui la conteste ne saurait être considérée comme une personne majeure. Notamment, sans que l’article 1er le précise, cette suspension devrait emporter l’impossibilité de notifier à la personne, lorsqu’elle est étrangère, une obligation de quitter le territoire français. En effet, contrairement aux majeurs, la loi n’encadre pas la régularité ou l’irrégularité du séjour d’un enfant mineur, lequel ne peut donc se voir opposer l’irrégularité de son séjour.
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Article 2
Créer un observatoire national du sans-abrisme
Rejeté par la commission
Le présent article prévoit la création d’un observatoire national du sans-abrisme aux fins du recueil et de l’analyse de données sur les personnes sans domicile en France et notamment des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leurs familles.
● Aujourd’hui en France, aucune structure n’est spécifiquement chargée de recueillir et d’analyser les données sur les personnes sans domicile. De l’aveu de la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées elle-même ([41]), le sans-abrisme est insuffisamment connu.
Pour cette raison, le ministre délégué chargé de la ville et logement, M. Olivier Klein, avait annoncé le 16 mai 2023 la création d’un observatoire du sans‑abrisme afin de « disposer de chiffres objectivés et actualisés permettant de documenter le sans-abrisme » ([42]). Le ministère posait en effet le constat de sa nécessité, « pour améliorer la prise en charge des personnes sans-abri et faciliter leur orientation, de disposer de chiffres précis qui permettent aussi d’appuyer le travail partenarial mené par l’État, les collectivités et les associations » ([43]).
En effet, il n’existe peu voire pas de données fiables et consolidées. Seules des initiatives locales, portées par des associations et des collectivités, permettent de disposer de données à l’image des nuits de la solidarité. De ce fait, le ministère estimait nécessaire de disposer « d’un outil national d’observation sociale susceptible d’harmoniser les pratiques en la matière et de pouvoir centraliser et fiabiliser les données existantes sur le sans-abrisme » ([44]).
Par ailleurs, le même constat est posé en matière de personnes se déclarant mineures et sans la protection de leur famille, en recours ou non. En effet, la Cour des comptes notait par exemple que « les carences observées dans la connaissance statistique des effectifs concernés, conjuguées à une inégalité flagrante de traitement de ces jeunes à toutes les étapes, devraient conduire l’État à renforcer rapidement son action dans la connaissance et le suivi de phénomène qui, en l’absence de mesures fortes, risque de devenir une “bombe à retardement social” » ([45]).
● Plus de deux ans après ces annonces, force est de constater que l’observatoire du sans-abrisme n’a pas vu le jour, ce que regrette le rapporteur. Comme le soulignait l’association France terre d’asile « les données disponibles relatives au sans-abrisme de manière générale et au sans-abrisme des mineurs non accompagnés ou mineurs en recours en particulier, sont insuffisantes, ce qui semble contribuer à la quasi-absence de politiques publiques adéquates pour répondre à la grande précarité de ces jeunes » ([46]).
S’il apparaît que la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, en partenariat avec l’Institut national de la statistique et des études économiques, a depuis lancé, en mai 2025, une enquête nationale auprès des personnes fréquentant des services d’aides ([47]), la situation n’a pas évolué et ce phénomène reste toujours particulièrement méconnu en l’absence d’un tel observatoire.
Au sein du chapitre VI sur la protection des mineurs en danger et le recueil des informations préoccupantes, l’article 2 de la proposition de loi crée un nouvel article L. 226-13-1 du code de l’action sociale et des familles.
Est ainsi constitué par l’État, les départements et des personnes morales de droit public ou privé un observatoire national du sans-abrisme. L’article 2 détaille les missions de l’observatoire, dont le recueil et l’analyse des données et des études concernant la situation des personnes sans domicile en France, en particulier le suivi de leur évolution, fait partie. Notamment, les personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille font l’objet d’une attention particulière.
Annuellement, l’observatoire est chargé de remettre un rapport au Gouvernement et Parlement, lequel est rendu public.
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Rejeté par la commission
Le présent article compense la charge pour l’État induite par la proposition de loi et prévoit une compensation à due concurrence pour les collectivités territoriales de la dotation globale de fonctionnement.
En faisant obligation aux conseils départementaux, notamment, d’héberger les jeunes qui contestent le refus de leur prise en charge par l’aide sociale à l’enfance et en créant un observatoire national du sans-abrisme, la proposition de loi crée de nouvelles charges publiques.
En conséquence, le I de l’article 3 compense la charge constituée par la proposition de loi pour l’État par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévus au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
De même, le II de l’article 3 compense la charge pour les collectivités territoriales à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement. En effet, le rapporteur estime qu’il convient de compenser intégralement les nouvelles dépenses induites par la proposition de loi aux conseils départementaux. Par voie de conséquence, le II prévoit la création de la même taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs que celle prévue au I.
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Lors de sa première réunion du mercredi 3 décembre 2025 ([48]), la commission procède à l’examen de la proposition de loi visant à protéger les mineurs isolés et à lutter contre le sans-abrisme (n° 2021 rectifié) (M. Emmanuel Grégoire, rapporteur).
M. Emmanuel Grégoire, rapporteur. Je tiens à remercier l’administrateur qui m’a accompagné lors du travail sur de cette proposition de loi ainsi que la commission des affaires sociales de m’accueillir.
L’article 1er de cette proposition de loi est né d’un constat aussi simple qu’insoutenable, partagé avec les associations, les collectifs et les Françaises et les Français confrontés, parfois quotidiennement, à ce phénomène : aujourd’hui, en France, des enfants et des adolescents dorment seuls dans la rue, sous des ponts ou dans des gares.
Si ce phénomène peut être visible partout sur le territoire, dans l’Hexagone comme les outre-mer, il se concentre essentiellement dans les grandes aires urbaines, à Lyon, à Marseille, à Lille et à Paris bien sûr – je pense par exemple au site de Pont-Marie –.
En premier lieu, ces situations sont insoutenables sur le plan humanitaire, tant au regard des valeurs humanistes séculaires de la France que de ses engagements internationaux, tels que la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés, mais surtout la Convention internationale des droits de l’enfant. En second lieu, elles n’apparaissent pas davantage conformes à notre Constitution, dont le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 confère aux enfants une place à part.
Plus généralement, cette situation n’est pas tolérable pour la société dans son ensemble. Ces jeunes en situation d’extrême vulnérabilité sont régulièrement exploités par des réseaux criminels, tantôt à des fins de prostitution, tantôt pour vendre, livrer ou consommer de la drogue et d’autres produits illicites. Voici la réalité de la situation : des enfants deviennent le bras armé d’activités criminelles au cœur de nos villes.
Qui sont ces enfants qui dorment dans la rue ? L’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles impose aux conseils départementaux d’assurer un « accueil provisoire d’urgence » pour toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Cet accueil, d’une durée de cinq jours et renouvelable deux fois, permet aux services départementaux de vérifier la réunion de ce double critère. Si tel est le cas, elle bénéficie alors d’une prise en charge pérenne de l’aide sociale à l’enfance (ASE), incluant l’hébergement.
Pour l’essentiel, ce ne sont donc pas ces enfants et ces adolescents qui dorment dans la rue, sauf lorsque la loi n’est pas respectée – certaines auditions ont fait état de tels cas qui sont profondément condamnables. Il s’agit plutôt de jeunes se déclarant mineurs et privés qui, temporairement ou définitivement du soutien de leur famille, contestent devant le juge des enfants la décision de l’aide sociale à l’enfance refusant leur prise en charge.
Malheureusement, aucun chiffre officiel n’existe en la matière, ce qui est en soi un problème. Le ministère de la justice estime que plus d’une décision de prise en charge au titre de l’ASE sur cinq interviendrait à la suite d’une décision juridictionnelle. Selon les associations, le taux moyen de reconnaissance de minorité, à la suite d’une saisine du juge des enfants, s’élèverait à 60 % mais varierait fortement selon les villes – il atteindrait 82 % dans la métropole de Lyon par exemple.
Ces chiffres, qui doivent être maniés avec prudence, révèlent qu’une part non négligeable des jeunes auxquels l’ASE refuse la prise en charge, seront in fine reconnus par la justice mineurs et isolés. Néanmoins, le temps du recours, qui dure en moyenne plusieurs mois voire jusqu’à un an pour une décision de première instance, ces jeunes sont en errance : ils ne sont ni assez jeunes pour relever de l’ASE ni assez âgés pour accéder à l’hébergement d’urgence de droit commun. Au quotidien, ils bénéficient au mieux d’initiatives locales d’hébergement – j’en cite plusieurs exemples dans mon rapport. Au pire, ils sont à la rue, voire placés en rétention avant d’être éloignés. Rien qu’à Paris, on en compterait 500.
Face à cette situation, ma proposition de loi prévoit un dispositif simple : la suspension des effets de la décision de l’ASE refusant la prise en charge d’une personne se déclarant mineure et privée du soutien de sa famille qui fait l’objet d’un recours. Il est nécessaire d’instaurer une présomption de minorité car le simple fait que des enfants, dont la minorité sera reconnue ultérieurement, restent à la rue pendant de longs mois est inacceptable sur le plan moral. En clair, l’hébergement serait maintenu jusqu’à l’intervention d’une décision juridictionnelle définitive. De même, réputés mineurs durant cette période, ils ne pourraient être éloignés du territoire avant qu’une décision juridictionnelle définitive les estime majeurs ou effectivement accompagnés.
Cette disposition nous paraît nécessaire et juste pour des raisons juridiques, humanistes mais aussi sécuritaires. Naturellement, elle ne pourra être mise en œuvre efficacement qu’avec le soutien de l’État aux départements qui devra leur rembourser chaque euro dépensé – compensation prévue à l’article 3 de la proposition de loi. Cependant, les coûts engendrés ne diminueront que grâce à une réduction des délais d’audiencement – lesquels sont de trois à quatre mois dans certains ressorts et, dans d’autres, jusqu’à un an en première instance –, ce qui est souhaitable au premier chef pour les justiciables. Et je le rappelle au passage, un mineur finit toujours par devenir majeur. Au bout du compte, je suis persuadé que l’argent investi aujourd’hui permettra d’éviter demain des dépenses en matière sociale, sanitaire, économique et sécuritaire. Tel est le sens de l’article 1er de la proposition de loi.
L’article 2 complète le dispositif prévu à l’article 1er. Il n’existe aucune structure chargée de recueillir et d’analyser les données relatives à l’ensemble des personnes sans domicile. Pourtant, le 16 mai 2023, le ministre délégué chargé du logement, M. Olivier Klein, avait bien annoncé la création d’un observatoire du sans-abrisme afin de « disposer de chiffres objectivés et actualisés permettant de documenter le sans-abrisme ». Bien que défendue par le Gouvernement, cette mesure aurait pu recueillir l’assentiment d’une majorité d’entre nous. Pourtant, depuis ces annonces, rien n’a évolué. Les seuls chiffres dont nous disposons sur le sans‑abrisme en général, comme sur celui des enfants, sont ceux obtenus grâce à des initiatives associatives ou locales, comme le dispositif de la Nuit de la solidarité, lancé par la ville de Paris et appliqué désormais par d’autres collectivités. L’article 2 prévoit la création d’un observatoire du sans-abrisme afin de faire évoluer une situation que nous sommes nombreux à dénoncer, des associations à l’administration en passant par la Cour des comptes. Cette mesure plus générale que celle de l’article 1er est tout aussi importante. En matière de sans-abrisme, je n’établirai jamais de hiérarchie entre les personnes vulnérables contrairement à certains qui souhaitent nous entraîner dans cette voie.
Vous connaissez aussi bien que moi l’exercice des niches parlementaires. Ce texte ne peut pas tout ; il n’apporte qu’une partie de la réponse globale aux problèmes que je viens d’évoquer. Il n’en reste pas moins une pierre essentielle de l’édifice juridique que nous aspirons à construire et que nous devons aux personnes sans abri et aux enfants.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Théo Bernhardt (RN). Le constat dressé par cette proposition de loi est indéniable : des enfants dorment dans les rues, des mineurs réellement en danger se retrouvent sans protection. Cette réalité nous interpelle tous. Personne ici ne peut rester indifférent à ces drames humains. Mais, soyons lucides, les solutions proposées par ce texte relèvent davantage de l’angélisme que du pragmatisme.
Conférer un effet suspensif illimité aux décisions de refus de minorité en cas de recours reviendrait à ouvrir une voie royale au détournement manifeste du système de protection de l’enfance. Ce serait offrir sur un plateau d’argent un nouveau levier aux réseaux de passeurs qui exploitent déjà la détresse humaine.
Avec des délais judiciaires pouvant atteindre dix-huit mois, toute personne contestant sa majorité se verra de facto délivrer un titre de séjour provisoire. Les passeurs le savent, les candidats à l’immigration irrégulière le sauront rapidement ; l’appel d’air sera massif et incontrôlable.
Or ce sont tant les départements, déjà exsangues et croulant sous le poids financier de la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA), que les services sociaux saturés, qui ne pourront plus protéger efficacement les mineurs en danger, qui en assumeront les conséquences.
Notre groupe refuse cette fuite en avant migratoire déguisée en protection de l’enfance. Il ne s’agit pas de nier la protection due aux mineurs en danger, mais de refuser que notre générosité soit exploitée au détriment de ceux qui en ont réellement besoin. Nous proposerons donc une vision responsable : limiter l’effet suspensif à six mois, exiger une coopération loyale et assurer des vérifications objectives de l’âge.
M. Christophe Mongardien (EPR). La proposition de loi comporte deux volets. Le premier, qui vise à inscrire dans la loi la présomption de minorité pour les MNA qui forment un recours sur la décision de refus de minorité, met la lumière sur une situation inacceptable et un problème croissant qui mérite toute notre attention.
Ces trois dernières années, le nombre d’enfants dormant dans la rue a augmenté de 30 %, révélant l’incapacité de notre pays à garantir un accès à l’hébergement d’urgence, droit pourtant inscrit dans les principes fondamentaux du droit humanitaire. À cette crise s’ajoute la situation des MNA dont la minorité est contestée lors du premier examen assuré par le département d’accueil.
En juin 2025, plus de 3 200 recours avaient été formés contre ces décisions. Dans l’attente de leur traitement, ces jeunes sont présumés majeurs et ne bénéficient donc plus des dispositifs de protection de l’enfance. Pour la plupart, ils se retrouvent à la rue, exposés aux violences et aux trafics en tout genre. Le délai de recours beaucoup trop long, qui peut aller jusqu’à douze mois, aggrave cette situation.
Si l’intention de l’article 1er est parfaitement louable, il présente de nombreux inconvénients. Dans sa rédaction en vigueur, il risque d’aggraver la situation. Les départements doivent faire face à des contraintes logistiques et financières. Sans compensation financière adéquate et sans infrastructures supplémentaires, les départements seraient dans l’impossibilité d’assurer la charge additionnelle significative incombant à l’ASE, au risque de mettre en péril ses missions. Par ailleurs, cette situation pourrait être amplifiée par l’appel d’air qu’une telle mesure pourrait créer.
Avant de voter l’article 1er, il nous paraît indispensable de réduire significativement les délais de recours, de disposer d’infrastructures d’accueil adéquates et d’assurer aux départements les moyens de financement nécessaires. Nous sommes néanmoins disposés à y travailler.
Nous ne serons pas opposés à la création de l’observatoire prévue à l’article 2, qui permettrait d’obtenir au niveau national des chiffres consolidés actuellement indisponibles ou peu fiables en raison du fonctionnement du système en silo.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). En ma qualité d’élu, je me sens une responsabilité individuelle et collective à l’égard d’une personne, notamment un enfant, qui dort dans la rue. Nous avons aujourd’hui une responsabilité individuelle et collective.
Comment pouvons-nous légiférer et débattre de lois alors que, dans le même temps, des enfants dorment dans la rue ? Cette proposition de loi concerne des jeunes qui se voient refuser la reconnaissance de leur minorité. Non seulement ils ne peuvent pas bénéficier de la protection de l’enfance, qui, seule, leur garantit le respect des droits humanitaires, mais ils entrent de surcroît dans une zone de non-droit. En effet, le simple fait de réclamer les droits auxquels ils pourraient prétendre en tant qu’adultes reviendrait à nier leur minorité. Dès lors, certains jeunes, certains adolescents, certains enfants n’ont le droit ni à un logement, ni à un travail, ni à des aides médicales ; ils n’ont le droit à rien. C’est précisément de cette situation qu’il est question dans le texte.
Je comprends les critiques formulées par certains. Néanmoins, lorsque ceux qui auront voté contre ce texte croiseront une personne à la rue, notamment un enfant, ils ne pourront que se rappeler qu’ils sont responsables de cette situation. Les départements sont sans le sou. Certains d’entre eux prennent en charge 9 % des jeunes quand ce taux atteint 100 % dans d’autres, selon les politiques mises en œuvre, lesquelles reposent sur des critères arbitraires. Ce texte apporte des solutions.
Mme Sandrine Runel (SOC). Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi qui, je l’espère, nous permettra d’améliorer la situation.
En 2025, au moins 2 160 enfants dorment dans la rue. Néanmoins ce chiffre, déjà dramatique, est très largement sous-estimé car un grand nombre de personnes, dont des MNA, ne contactent pas le 115. Le phénomène du sans-abrisme, qu’on observe dans les grandes agglomérations, résulte de l’abandon des politiques sociales depuis de trop nombreuses années. Manque de places et de financement, absence de prise en charge spécifique des mineurs isolés : le Gouvernement a abandonné la lutte contre la précarité depuis trop longtemps. Depuis des années, les acteurs associatifs et les collectifs citoyens dénoncent l’absence de prise en charge de ces jeunes et, bien souvent, font le travail des administrations.
La procédure d’évaluation de la minorité des MNA manque cruellement d’objectivité et d’humanité. Il s’agit de tests osseux dégradants, peu fiables et les rendez‑vous sont expéditifs. Une présomption de fraude pèse sur ces jeunes auxquels incombe la charge de la preuve. Tous ces éléments font de la reconnaissance de minorité un parcours du combattant. Du reste, nous la connaissons la suite : dans 50 % des cas, le juge reconnaît la minorité de ces jeunes, mais souvent bien trop tard car ils ont été exclus de dispositifs les protégeant.
Ces jeunes isolés ne sont accompagnés ni par les services de la protection de l’enfance ni par ceux de l’État, qui font valoir la présomption de majorité. Si nous voulons protéger ces enfants, nous devons instaurer une présomption de minorité, ainsi que le propose ce texte.
Pour avoir laissé ces jeunes sans solution d’hébergement, sans suivi médical ou psychologique et sans accès à l’éducation, alors que c’est la première chose qu’ils viennent chercher dans notre pays, la France a été condamnée à plusieurs reprises pour violation de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Aussi, n’attendons plus. Je vous invite à agir pour que la France soit à la hauteur de ses engagements internationaux et pour protéger l’intérêt supérieur de l’enfant.
M. Fabien Di Filippo (DR). Ce texte pose un vrai problème. On cherche à nous imposer une morale culpabilisante qui résiste mal à l’examen des faits. Vous voulez que, par principe, on considère tous les étrangers clandestins qui entrent en France comme des mineurs et qu’ils bénéficient de la protection de l’enfance le temps que leur recours soit tranché.
Ce texte aborde tous les sujets, sauf celui des enfants qui sont à la rue. D’après votre projet de rapport qui, monsieur Grégoire, contient de nombreuses affirmations non chiffrées, « de nombreux jeunes [...] se voient finalement reconnus mineurs non accompagnés pour un nombre conséquent d’entre eux ».
Or les chiffres montrent exactement l’inverse. En 2018, les trois quarts des 7 367 jeunes étrangers s’étant présentés comme mineurs et ayant été mis à l’abri n’ont pas été reconnus comme tels. Premièrement, ce texte encourage le détournement du système et le contournement les procédures. Deuxièmement, il favorisera la clandestinité, alors que nous ne parvenons plus à gérer ce phénomène. Troisièmement, il entraînera une saturation des services de l’ASE qui sont déjà débordés, privant d’aide les jeunes qui en ont réellement besoin.
Il existe pourtant des solutions, à commencer par la lutte contre la clandestinité. Le meilleur moyen de mieux accueillir les personnes qui ont vocation à demeurer en France est de renvoyer celles qui y sont présentes illégalement, conformément à nos lois et aux conventions internationales.
Par ailleurs, pour aider les personnes mineures, il faut pratiquer des relevés d’empreintes et des tests osseux, et assurer un suivi biométrique dans un fichier national qui les répertorierait. Vous proposez des solutions démagogiques et non financées, qui ne feront qu’accroître la clandestinité et les difficultés de l’ASE.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je tiens d’abord à saluer le courage et la mobilisation des jeunes mineurs non accompagnés de Belleville qui, par leurs occupations successives, dont celle de la Gaîté Lyrique, interpellent l’État et les départements sur leur obligation de prendre en charge les mineurs non accompagnés.
Je salue également les associations qui, dans de nombreuses villes en France, de Calais à Marseille, s’impliquent dans un esprit de solidarité. Le désengagement financier de l’État a conduit des départements à augmenter le nombre de contestations de minorité quand d’autres se soustraient purement et simplement à leurs obligations. Malgré les engagements qu’elle a pris en 2024, la ville de Paris n’a reconnu mineurs que 30 % des jeunes évalués par France terre d’asile comme tels, les autres se retrouvant condamnés à l’errance urbaine et à la répression policière. Ils seraient 60 % à gagner leur recours, tout en ayant perdu des mois de scolarisation et s’être retrouvés en grave danger face aux trafics de la rue. Dans soixante‑dix‑neuf départements, 2 300 jeunes ont engagé un recours.
Pourtant, dès 2019, l’ancien Défenseur des droits, Jacques Toubon, préconisait d’instaurer la présomption de minorité. Tant que le juge des enfants n’a pas statué définitivement, les jeunes devraient bénéficier d’une prise en charge globale – logement, suivi social, scolarisation, santé, notamment mentale, transports, culture.
À ce titre, la proposition de loi est une première avancée. Elle permettra aux MNA de sortir de ce no man’s land où ils ne bénéficient ni de la protection de l’État via l’hébergement d’urgence, ni de celle de l’aide sociale à l’enfance. Elle permettra de garantir un accueil d’urgence tout au long du recours.
Néanmoins, elle reste insuffisante car elle ne garantit pas l’ensemble des droits attachés à la minorité durant la période précédant la décision finale du juge. Hélas, nos six amendements allant dans ce sens, travaillés avec les associations, ont tous été déclarés irrecevables. Reste un amendement essentiel pour garantir la scolarisation via l’accès au test dit Cazenave dès le premier accueil.
Il faut soutenir cette proposition de loi. Il est urgent de prendre en charge, notamment à Paris, l’ensemble des jeunes qui sont à la rue, en particulier les lycéens. Mais il est également urgent que le Gouvernement mette un terme à sa logique de répression policière, qu’il impose à tous les départements de respecter leurs obligations en matière de prise en charge de l’intégralité des MNA et qu’il alloue les moyens financiers y afférents.
Enfin, il est grand temps que l’État cesse de piétiner la Convention internationale des droits de l’enfant. Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies recommande d’instaurer la présomption de minorité et accuse la France de faire primer des considérations financières sur les intérêts de l’enfant. Il est temps que cela change.
Mme Anne Bergantz (Dem). Ce texte aborde un sujet très délicat. Nous sommes tous d’accord : un MNA doit être protégé s’il est isolé et mineur.
Si la détermination de l’âge ne présentait aucun problème, nous ne serions pas amenés à l’évoquer. C’est bien toute la difficulté de l’exercice. Oui, la minorité est difficile à évaluer, surtout en ce qui concerne des jeunes qui déclarent avoir 16 ou 17 ans – la minorité d’un enfant de 10 ans ou d’un adolescent de 14 ans est évidente. Dans leur immense majorité, ces jeunes présentent des faux papiers.
Oui, l’évaluation de la minorité est compliquée : les récits, construits avec les passeurs ou des associations, se ressemblent tous sans qu’on puisse nier la difficulté et la violence des parcours migratoires. Oui, les examens radiologiques d’âge osseux, qui ne sont pas une science exacte, ne suffisent pas à déterminer la minorité mais participent à un faisceau d’indices. Oui, l’analyse des taux de reconnaissance de minorité à la suite des tests révèle des disparités entre les départements. Néanmoins, la prise en charge est similaire grâce à une clef de répartition.
Sans offenser personne, un certain nombre de ces candidats mineurs ne le sont pas. Les évaluateurs sont prudents et tétanisés à l’idée d’envoyer un mineur à la rue. Alors comment faire ? Je n’ai pas de solution à proposer, le problème est très difficile.
La justice pourrait trancher plus rapidement les recours. Par ailleurs, comme certains départements le proposent, prolonger d’une semaine la mise à l’abri permettrait aux structures d’urgence de prendre le relais.
Néanmoins, en l’état, adopter une présomption de minorité risquerait de peser considérablement sur les conseils départementaux, alors même que les dispositifs de plusieurs d’entre eux sont saturés, ce qui conduirait à détériorer l’accueil des mineurs reconnus comme tels. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates réserve son vote, qui dépendra de l’évolution des débats.
M. François Gernigon (HOR). Comme vous le rappelez dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi, le 18 août 2025, 2 159 enfants, dont 503 âgés de moins de 3 ans, n’ont pas trouvé de solution d’hébergement après un appel au 115, d’après le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et la Fédération des acteurs de la solidarité. Ce chiffre, en hausse d’environ 30 % depuis 2022, témoigne de l’urgence humanitaire à laquelle nos politiques publiques doivent répondre.
L’article 1er prévoit que tout jeune se déclarant mineur reste automatiquement hébergé jusqu’à la fin de son recours. Toutefois, les données montrent que cela ne correspond pas à la réalité des situations. Selon l’enquête réalisée par Départements de France en 2023, seuls 23 % des jeunes évalués ont finalement été reconnus mineurs. Ainsi, dans la grande majorité des cas, les départements concluent que la personne n’est pas mineure.
Si nous allongeons automatiquement la durée d’hébergement pour tous sans distinction, nous mettons sous tension des dispositifs qui sont déjà saturés. Les départements consacrent environ 2 milliards d’euros par an à leur prise en charge, alors que la compensation versée par l’État représente, d’après la Cour des comptes, 6 % de ce montant. Nous créerions là un appel d’air et surtout des files d’attente encore plus longues, avec le risque que certains mineurs isolés se retrouvent sans solution immédiate.
Concernant l’article 2, la création d’un nouvel observatoire n’apporte pas de réponse opérationnelle supplémentaire. Des outils existent déjà, notamment l’Observatoire national de la protection de l’enfance, et la collecte de données peut être améliorée sans créer de structure supplémentaire.
Certes, nous partageons tous l’objectif de mieux protéger les enfants et de mieux lutter contre le sans-abrisme. Mais ce texte ne règle pas les problèmes identifiés, notamment en ce qui concerne le financement ou la capacité des dispositifs. Pour ces raisons, le groupe Horizons & Indépendants votera contre cette proposition de loi.
Mme Karine Lebon (GDR). Un enfant reste un enfant. Quelle que soit son origine, il doit être protégé avec la même exigence.
Lorsqu’un jeune se présente comme mineur isolé, une mise à l’abri provisoire est organisée, suivie d’une évaluation réalisée par le département. Si celui-ci refuse de reconnaître sa minorité, le jeune peut saisir le juge des enfants. Mais ce recours n’a aucun effet suspensif. Entre la décision administrative et la décision judiciaire, ces enfants basculent dans un vide total, exclus de l’ASE et privés d’accès aux dispositifs d’hébergement d’urgence pour adultes. Dans cet entre-deux indigne, la rue devient leur seul refuge.
Les chiffres sont édifiants : plus de 3 000 jeunes sont en attente de jugement, dont plus d’un millier dorment sous les ponts. Et, dans près de 60 % des cas, les recours aboutissent pourtant à une reconnaissance de minorité. Cela signifie que des enfants, que la justice reconnaît ensuite comme tels, auront passé des mois exposés à toutes les violences.
La Défenseure des droits, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, la Commission nationale consultative des droits de l’homme nous disent tous la même chose : la présomption de minorité n’est pas garantie, l’intérêt supérieur de l’enfant est maltraité. Ces instances préconisent d’instaurer un recours suspensif et une prise en charge effective jusqu’à la décision définitive.
L’article 1er traduit concrètement ces recommandations. Il consacre le caractère suspensif du recours et assure la continuité de la mise à l’abri jusqu’à la décision du juge. L’article 2, en créant un observatoire national du sans-abrisme, offre enfin à l’État et aux collectivités, qui ne réalisaient que des opérations ponctuelles de recensement, un outil pérenne pour suivre, documenter et rendre visibles ces situations.
Ce texte constitue une étape décisive pour combler une faille indigne de notre République en matière de protection de l’enfance. Il engage notre responsabilité collective pour garantir le respect du droit, la dignité des enfants et la parole donnée par la France dans le cadre de ses engagements internationaux. Le groupe GDR votera donc pour cette proposition de loi.
M. le rapporteur. Aucun groupe n’a dit que, du point de vue moral, on pouvait justifier de laisser un enfant à la rue. L’objet des débats est de démontrer que tout ce qui a été dit, en dehors de cette proposition de loi, revient à laisser des enfants dormir dans la rue. On peut raconter ce qu’on veut, c’est la réalité du terrain qui s’impose.
S’agissant de la mise en œuvre du texte, elle ne relève pas du législateur mais du Gouvernement et de l’administration. En revanche, le législateur doit veiller à ce que les opérateurs chargés d’appliquer les politiques publiques disposent des moyens nécessaires. Je partage les observations relatives à l’insuffisance de la compensation versée par l’État au bloc départemental. Alors même qu’on leur confie des missions qu’ils ne peuvent accomplir, on leur reproche de ne pas les mener à bien.
Monsieur Di Filippo, vous avez affirmé ne plus vouloir voir d’enfants dormir dans la rue. Mais le reste de votre intervention, avec ses contrevérités, contredit ce vœu. Vous avez repris exactement le chiffre que j’ai donné : un jeune sur cinq est reconnu mineur par le juge des enfants. Si je suis votre raisonnement, pour éviter que de jeunes adultes, tout juste majeurs pour la plupart, bénéficient d’une prise en charge, on laisse à la rue des mineurs. Or un majeur de 18 ans et un jour ne mérite pas plus de dormir dans la rue qu’un mineur de 18 ans moins un jour. Alors que les chiffres attestent cette réalité, vous ne faites que verser des larmes de crocodiles lorsque vous soutenez ne pas vouloir que des enfants dorment à la rue.
Enfin, vous confondez deux sujets bien différents, même s’ils ne sont pas sans lien : la protection de l’enfance et la politique migratoire. Au regard du droit, les jeunes qui dorment sous les ponts ne sont pas expulsables. C’est pourquoi les associations dénoncent à raison l’incurie de cette politique : ces jeunes ne sont pas reconnus comme mineurs et pris en charge comme tels, mais ils ne peuvent non plus bénéficier des dispositions du droit commun car ils ne sont pas non plus considérés comme majeurs. Je propose donc de clarifier cette situation de « ni ni » pour ces jeunes – étant entendu que ce n’est pas à moi de présumer s’ils sont mineurs ou non – , qui sont contraints de dormir sous les ponts parce que personne n’a pensé à eux.
Madame Simonnet, heureusement que certaines collectivités vont bien au-delà du droit commun en matière d’hébergement, mission qui relève strictement de l’État. On ne peut donc leur reprocher que certains jeunes dorment dans la rue. La ville de Paris, par exemple, héberge 800 personnes dans des gymnases ; c’est mieux que de dormir dans la rue, certes, mais ce n’est pas pour autant une solution digne.
Au manque de fiabilité des tests d’âge osseux s’ajoutent une inégalité de traitement entre les départements, certains demandant des examens complémentaires. La simple prescription de tests d’âge osseux peut retarder la procédure de plusieurs mois, si bien qu’un enfant mineur pourra devenir majeur avant la décision. L’inégalité de traitement confirme la nécessité d’instaurer une présomption de minorité pour ces jeunes.
Enfin, les délais d’audiencement, qui sont le nerf de la guerre, sont trop longs dans de nombreux ressorts. Leur réduction permettrait de réconcilier des positions a priori irréconciliables : plus la décision est prise rapidement, plus cela sécurise l’institution, les jeunes et les associations qui les accompagnent. À cet égard nous avons échangé avec le Gouvernement et les administrations centrales sur l’objectif partagé, si cette proposition de loi est mise en œuvre, d’un raccourcissement des délais.
Article 1er : Suspendre les effets d’une décision de refus minorité contestée jusqu’à une décision juridictionnelle définitive
Amendement de suppression AS2 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Je n’ai absolument aucune illusion sur le fait que nous pourrons tomber d’accord avec M. le rapporteur sur ce sujet. S’il est capable de proposer des moyens pour accueillir toutes ces personnes et surtout pour les intégrer dans notre société, notamment par le travail, nous pourrons revoir cela, mais le but du présent amendement est de supprimer l’article 1er.
Vous faites comme si rien ne se passait. Vous ne voyez pas que le nombre de personnes accueillies ces dernières années est en hausse. Entre 2017 et 2024, les crédits alloués à l’hébergement d’urgence ont fortement augmenté. Si vous n’êtes pas capable d’avoir une vision lucide sur la clandestinité, si vous n’êtes pas capable de reconnaître que des personnes se présentent comme des mineurs alors qu’elles ne le sont absolument pas, et que vous refusez de prendre les mesures qui s’imposent pour lutter contre de tels détournements du système, alors vous ne pourrez pas trouver les moyens d’aider réellement les enfants – je parle bien des petits enfants – qui se retrouvent à la rue.
Les propositions de loi comme la vôtre sont non pas idéalistes mais naïves – et la naïveté peut être coupable. Votre texte ne ferait qu’aggraver les problèmes : il contribuerait à surcharger les foyers de l’ASE, à mettre des mineurs en contact avec des majeurs ayant eu des parcours de vie très difficiles, à mettre les éducateurs en difficulté et à inciter davantage d’étrangers à se présenter. Tel qu’il est rédigé, votre texte permettrait à n’importe qui de se prétendre mineur, même s’il a 40 ans, aussi longtemps qu’aucune décision de justice n’intervient, afin de bénéficier de la protection de l’enfance. On est vraiment sur Mars !
M. le rapporteur. Je répondrai rapidement pour ne pas allonger nos débats car nous en reparlerons en séance publique.
Ce que vous dites, monsieur Di Filippo, est factuellement faux, tant sur la capacité d’accueil et que sur la prise en charge. Je rappelle que cela concerne quelque 4 000 recours sur plus de 75 000 prises en charge par les services de l’ASE, dont le taux d’occupation s’élève à 93 %. Le problème de l’ASE porte sur le cofinancement de la charge et la couverture du reste à charge par le bloc départemental – je ne vous entends pas beaucoup nous soutenir quand nous soulevons cette question en séance publique !
Par ailleurs, ces enfants – ou ces supposés enfants – sont là : vous aurez beau invoquer le Saint-Esprit, vous n’obtiendrez pas, par miracle, leur évaporation ou leur disparition. Tout cela s’inscrit dans un contexte international qui met en jeu la politique migratoire du pays – mais ce n’est pas le thème de notre débat. Mon texte vise ceux qui sont déjà là, les enfants qui dorment dans les rues, à Paris, à Lyon, à Marseille, vivent dans des squats et font ce qu’ils peuvent pour survivre, et ce, dans un climat d’embrigadement par des réseaux criminels – cela devrait toucher votre fibre, qui n’est pas exactement la mienne. Nous sommes doublement coupables, d’abord de ne pas aider les enfants, et ensuite de les laisser à la main de réseaux criminels.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Adopter cet amendement de suppression reviendrait à supprimer la présomption de minorité proposée dans ce texte. Aujourd’hui, une évaluation peut décider en quinze minutes qu’un mineur non accompagné n’est pas mineur ; il est alors traité comme un majeur, même quand la procédure de recours dure des mois.
Monsieur Di Filippo, vous êtes grotesque. Il s’agit de 3 273 jeunes exactement, qui contestent ainsi une décision de refus de minorité. Parmi eux, 1 087 dorment dehors parce que, pendant la procédure de recours, ils perdent tout, condamnés à l’errance, à la rue, privés d’accès à la nourriture, à l’eau, aux soins, à l’éducation. Rappelons qui ils sont : des enfants traumatisés, qui ont fui une guerre, une crise climatique, des violences.
Le système est défaillant car 60 % de ces jeunes sont finalement reconnus mineurs à l’issue de leur recours. Refuser de consacrer le droit à la présomption de minorité, garanti par les conventions internationales, revient à faire un choix : celui de laisser des mineurs sans protection plutôt que de risquer de protéger quelques majeurs.
Cet article propose un renversement moral et juridique : faire passer l’intérêt de l’enfant avant toute autre considération, comme le rappelle la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Même si cet article concerne seulement l’accueil provisoire d’urgence, et non une réelle présomption de minorité au sens de la Convention, qui garantit d’autres droits fondamentaux comme le droit à l’école, nous ne voterons pas cet amendement de suppression raciste défendu par la droite – et par l’extrême droite, avant qu’elle ne supprime ses amendements, qui étaient les mêmes – car, pour elle, humilier et maltraiter des étrangers en situation de grande précarité passe avant la protection des enfants.
Enfin, monsieur Di Filippo, il n’y a pas de petits ou de moyens enfants : il y a seulement des enfants.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’aimerais bien savoir si celles et ceux qui sont prêts à supprimer l’article fondamental de cette proposition de loi auraient le courage de déposer un texte visant, par exemple, à retirer la signature de la France de la Convention internationale des droits de l’enfant. Il faut être cohérent : cette proposition de loi vise seulement à améliorer la situation, à défaut de nous mettre en conformité avec les principes de la convention. Si vous êtes contre cela, monsieur Di Filippo, assumez-le et dites-le !
Par ailleurs, puisque vous vous opposez au maintien de la présomption de minorité jusqu’à la décision du juge, ce qui permettrait pourtant de mettre ces enfants à l’abri et de les scolariser, que proposez-vous ? Ils ne peuvent pas être expulsés : vous les condamnez donc tout simplement à vivre dans la rue – et de la rue. En effet, non seulement c’est inhumain pour ces mineurs – des enfants, rappelons-le – mais vous permettez ainsi aux trafics d’êtres humains, qui exploitent ces jeunes, de prospérer dans nos villes. Il faut donc absolument que nous rejetions tous cet amendement de suppression. Cette proposition de loi est importante : elle doit être adoptée.
Mme Sandrine Runel (SOC). Ce qui est bien, avec nos collègues de droite, c’est qu’on sait toujours où ils vont : il suffit d’attendre pour les voir arriver. Monsieur Di Filippo, vous ne savez pas de quoi vous parlez. Vouloir supprimer cet article, c’est vouloir supprimer la proposition de loi. Du reste, vous nous l’avez dit, vous voterez contre – d’une manière générale, vous êtes contre tout ce qui peut protéger les plus vulnérables et les personnes en grande précarité.
Aujourd’hui, certains départements refusent la prise en charge des mineurs non accompagnés. C’est un véritable scandale. Je citerai les propos de votre amie Martine Vassal, présidente du département des Bouches-du-Rhône : « Les MNA, je n’en veux plus. » Or il s’agit d’enfants, de jeunes – ce sont des êtres humains, pas des objets ! On ne parle pas des gens comme cela, encore moins quand il s’agit de personnes en précarité. Trois départements, dont celui des Bouches-du-Rhône, ont laissé des jeunes filles mineures sans accompagnement se prostituer. Nous sommes coupables quand nous détournons le regard ou quand nous refusons d’agir pour protéger ces jeunes qui sont seuls et qui, en outre, n’ont pas 40 ans : en disant cela, vous insultez les services de protection de l’enfance. Aucun adulte de 40 ans ne se présente au service de protection de l’enfance en prétendant être un MNA. Ces jeunes ont 15, 16 ou 17 ans – à la rigueur, ils ont 18 ans ou 18 ans et demi ; ils n’en sont pas moins vulnérables. Nous avons donc la responsabilité de les prendre en charge.
Nous voterons contre cet amendement de suppression car nous voulons que cette loi puisse voir le jour afin d’accompagner au mieux ces jeunes qui, actuellement, ne sont pas pris en charge.
M. Théo Bernhardt (RN). Madame Runel, vous avez dit qu’on savait où attendre la droite – vos propos sont la preuve que l’on sait également où attendre la gauche !
Nous soutiendrons l’amendement de suppression de M. Di Filippo, qui a tout à fait raison : la situation migratoire est incontrôlable et, on ne peut pas le nier, il y a beaucoup de faux mineurs isolés. Cette proposition de loi est contre-productive : il faut cibler et protéger les vrais mineurs et les vrais enfants. Avec ce texte, vous ne ferez que créer un appel d’air migratoire qui alimentera les réseaux de passeurs. À Mayotte, dont chacun connaît la situation migratoire, le problème sera décuplé. C’est pourquoi il faut absolument supprimer cet article.
M. Fabien Di Filippo (DR). Vous pensez bénéficier d’une supériorité morale et être capable d’aider tout le monde – je ne sais pas avec quels moyens. En adoptant ce texte, vous ne ferez qu’accroître le nombre de personnes qui se présenteront et qui tenteront de détourner les procédures.
Ce que j’ai dit, c’est que, si le texte est adopté en l’état, vous serez obligés de considérer une personne de 40 ans qui prétend en avoir 17 comme un mineur et de l’accueillir jusqu’à ce que la procédure aille à son terme. Si elle fait un recours, elle prendra la place d’un enfant pendant une durée indéterminée.
Enfin, madame Runel, s’il vous plaît, pas de leçon de morale ! Avez-vous toujours accueilli dans vos logements des adultes et des enfants ? N’essayez pas de jeter l’opprobre sur mon nom, parce que je défends des choses réalistes et cartésiennes.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Il y a quelque chose d’assez savoureux à écouter l’extrême droite parler d’immigration incontrôlable. En réalité, c’est elle qui organise le bordel, parce qu’elle maîtrise si peu le sujet et si peu l’application de la loi qu’elle crée des situations où il n’existe plus de droits.
Quand un mineur veut contester la décision qui le déclare majeur, il fait un recours. Mais de quel droit dépend-il dans l’attente du jugement ? Pas du droit des mineurs puisque ce statut lui a été refusé, ni du droit des majeurs puisque reconnaître qu’il est majeur ferait tomber la procédure. Il devient par conséquent un adolescent sans droits.
Il en va de même dans beaucoup d’autres situations. Une personne déposant une demande de titre de séjour reçoit un récépissé valable quelques mois. Or il peut arriver qu’elle attende un an ou deux avant d’obtenir une réponse, se retrouvant de ce fait sans droit. Voilà d’où vient le bordel : ce sont vos lois racistes et les économies que vous faites en matière d’immigration qui placent des personnes respectueuses de la loi dans une zone de flou, alors même que les procédures finiront par leur donner raison. Dans cette attente, ces gens n’ont pas droit à un logement ni à un travail – ils n’ont droit à rien, pas même à l’éducation pour les adolescents. Et ensuite, vous venez vous plaindre que ce soit le bordel – mais c’est vous, à l’extrême droite, qui organisez le bordel, par idéologie et par racisme !
Enfin, je répondrai aux députés macronistes qui nous demandent d’arrêter de faire la morale que nous avons une responsabilité dans le fait que les gens dorment dans la rue. Les ministres et les députés peuvent faire en sorte que de telles situations ne se produisent pas. Or, je vous le rappelle, vous êtes députés : ce que vous votez a des conséquences sur la vie de millions de personnes. Vous qui vous apprêtez à voter l’amendement de suppression, la prochaine que vous verrez un adolescent à la rue, regardez-vous dans un miroir et rappelez‑vous que vous êtes responsables.
Mme Christine Le Nabour (EPR). Je serai un peu plus nuancée : on ne peut pas nier qu’il ait des abus, et il y en aura toujours. Mais, monsieur Di Filippo, il est impossible que des personnes de 40 ans fassent un recours car la période d’évaluation permet déjà de savoir si le demandeur est en dehors des clous ou pas.
Pour ma part, je suis très partagée. Je sais que des associations travaillent avec les missions locales. Dans mon territoire, l’Association pour la réalisation d’actions sociales spécialisées fait un très bon travail d’accueil et d’accompagnement des MNA. Certains jeunes, qui sont entrés dans des processus de formation, par exemple en apprentissage, perdent leurs droits du jour au lendemain et se retrouvent sans rien. Cela pénalise non seulement le jeune à qui l’on paye une formation et pour qui tout s’arrête brutalement, mais aussi l’entreprise et le centre de formation. Il faut donc faire quelque chose – peut-être faudra-t-il définir des garde‑fous en séance – car on ne peut pas se satisfaire que des jeunes ne soient plus accompagnés et perdent tous leurs droits dans l’attente que leur recours aboutisse. Et, en même temps, il faut gérer les abus, parce qu’il en existe tout de même.
Mme Anne Bergantz (Dem). Je voudrais simplement rappeler qu’on ne parle pas d’enfants ni d’adolescents de 14 ans, mais bien de personnes qui déclarent avoir 17 ans et affirment donc être mineures. Or il peut être compliqué de déterminer l’âge d’une telle personne, qui pourrait aussi bien avoir 25 ans, voire 30 ans.
Je pense aux personnes chargées de l’évaluation dans les départements, qui nous écoutent. Il s’agit de professionnels formés et conscients des enjeux. Quand il y a un doute raisonnable, la déclaration se fait en faveur de la minorité. Que leur dit-on aujourd’hui, à ces professionnels : que leur rôle, que leur professionnalisme, que leurs compétences ne servent à rien ? Je me pose la question.
M. le rapporteur. Tout d’abord, sur le cas des jeunes de 40 ans, il ne faut pas imaginer que la procédure devant le juge pour enfants est facile : déposer un recours nécessite un accompagnement juridique, qui est assuré par des associations. Celles que j’ai interrogées sur ce sujet m’ont répondu qu’il n’était pas possible pour un adulte de se faire passer frauduleusement pour un enfant. Du reste, elles ne sont pas confrontées à ce cas de figure parce que, de toute façon, ils n’engagent pas de recours et ne sont donc pas accompagnés dans cette procédure.
Je vous invite à ne pas voter cet amendement de suppression, y compris les groupes qui ne sont pas encore convaincus de voter la proposition de loi. Donnons-nous au moins la chance de débattre des amendements à suivre.
Enfin, je suis très sensible à l’argument concernant les professionnels concernés mais je voudrais l’éclairer d’un point de vue pratique. Certains départements gèrent l’évaluation en interne, parce que les flux de jeunes qui veulent se faire reconnaître mineurs sont faibles. À l’inverse, d’autres départements confient à des associations la mission de les accompagner pour produire les documents nécessaires à la reconnaissance de la minorité. En effet, le jeune ne les a pas toujours en sa possession : s’il est parti dans la précipitation sans ses papiers d’identité, il faut s’adresser à des services consulaires pour les récupérer. Il arrive aussi que des mineurs, incités par des passeurs, se fassent passer pour des majeurs afin de bénéficier du droit d’asile, avant de se rendre compte que cela n’a aucun sens.
Concrètement, ces professionnels font leur métier avec un sérieux immense, avec une exigence et une charge affective très fortes. Or ce sont ces associations qui nous réclament cette proposition de loi : elles disent avoir atteint leur limite de compétence au regard des cas à traiter et des pièces à fournir. Elles ont besoin d’aide et de temps pour que l’autorité judiciaire puisse rendre ses décisions, quel que soit le sens dans lequel elle s’oriente.
La commission rejette l’amendement.
La réunion est suspendue de onze heures vingt à onze heures trente.
Amendement AS28 de M. Emmanuel Grégoire
M. le rapporteur. Il s’agit de préciser que les personnes en recours sont prises en compte dans les objectifs de répartition proportionnée entre les départements. En effet, l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles dispose que le garde des sceaux fixe ces objectifs après avoir été informé du nombre de personnes mineures et majeures prises en charge par l’aide sociale à l’enfance.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS17 de Mme Danielle Simonnet
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il s’agit de concrétiser l’annonce par le Gouvernement, lors du comité interministériel à l’enfance du 20 novembre 2023, de son intention de raccourcir les délais d’inscription scolaire des enfants et des jeunes faisant l’objet d’un accueil d’urgence ou d’un accueil provisoire MNA.
L’objectif est de faciliter la scolarisation des mineurs non accompagnés car il faut regarder la réalité en face : les problèmes de recours complexifient énormément l’accès des jeunes aux tests de positionnement du centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav). Or rien ne devrait s’opposer à l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est de suivre une scolarité. Dès le premier accueil, les mineurs non accompagnés doivent pouvoir s’inscrire aux tests Casnav et être scolarisés. Prenez conscience que les recours, qui sont extrêmement longs, privent les jeunes de nombreux mois de scolarité.
M. le rapporteur. Je partage totalement l’esprit de cet amendement. Il s’agit non seulement de l’un des objectifs du comité interministériel à l’enfance de novembre 2023, mais surtout d’une obligation faite par le code de l’éducation, liée à la reconnaissance de minorité ou au sursis lors du recours. Je vous propose donc de retirer cet amendement parce qu’il alourdirait inutilement la proposition de loi avec un objectif qui est déjà atteint, et fragiliserait son adoption en séance publique.
Demande de retrait.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Le problème, c’est que mes autres amendements, auxquels je tenais également, ont été jugés irrecevables. Le présent amendement a été travaillé avec l’Unicef et avec des associations. Je souhaite vraiment que votre proposition de loi soit adoptée en commission et dans l’hémicycle mais il me semble important que le respect du droit à la scolarisation figure dans ce texte. Je préfère donc maintenir mon amendement.
M. le rapporteur. Dans ce cas, je m’en remets à la sagesse de la commission.
Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’éducation est un droit pour tous les enfants. Les députés du Rassemblement national ont parlé de la nécessité d’intégration de ces enfants et des moyens que cela supposait. En l’occurrence, l’intégration passe par l’éducation : c’est la première porte vers la citoyenneté, vers l’apprentissage de la langue, vers la possibilité d’avoir un jour un avenir. L’école est indispensable pour tous. Il est donc important d’adopter cet amendement.
Au-delà, j’ai une petite pensée pour les collègues du bloc central, à qui j’aimerais rappeler la promesse d’Emmanuel Macron que plus personne ne dorme à la rue. Plus personne, cela veut dire plus un enfant, plus un adulte. La question n’est même pas de savoir s’il s’agit d’un mineur ou non : plus personne à la rue !
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS8 de Mme Marie Mesmeur
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Les chiffres démontrent qu’il existe une grande disparité entre les départements : certains ne reconnaissent la minorité que de 9 % des demandeurs, d’autres au contraire de 90 % à 100 %.
De plus, quelques départements refusent de reconnaître la minorité de ces adolescents sans même avoir mené une enquête ou une recherche sur leur état civil. En procédant ainsi, ils font reposer la charge de la preuve sur les jeunes. Or nos engagements internationaux obligent les départements à prendre contact avec les autorités consulaires afin de reconstituer l’état civil et de prendre une décision éclairée. Le présent amendement vise donc à inverser la charge de la preuve : aucun département ne doit pouvoir refuser de reconnaître la minorité d’un jeune sans avoir effectué les recherches et contacté les autorités consulaires.
M. le rapporteur. Je comprends le fondement de votre amendement puisque, dans bien des cas, c’est sur la base de ces démarches que les départements puis les juges des enfants donnent finalement raison aux mineurs isolés.
Pour autant, je n’aime pas la solution proposée, à savoir un accueil provisoire d’urgence. Le recours suspendant les effets de la décision me paraît beaucoup plus efficace. En effet, il serait très compliqué de vérifier la réalisation effective de ces démarches par le conseil départemental ; l’appréciation serait subjective, discutable et pourrait susciter de nombreux contentieux. Même s’il relève du bon sens, cet amendement alourdirait inutilement le texte au regard de son objectif de concision et d’efficacité.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS9 de M. Louis Boyard
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Lorsque des associations sont mandatées pour mener les entretiens visant à évaluer si le demandeur est majeur ou mineur, il arrive que ceux‑ci ne durent que dix ou quinze minutes, ce qui paraît assez peu raisonnable au vu de la gravité de la situation et des conséquences de la décision qui sera prise. L’amendement a donc pour objet d’instaurer une durée minimale obligatoire pour ces entretiens afin de s’assurer que la procédure soit correctement appliquée et aboutisse à une décision éclairée. C’est une question de bon sens.
M. le rapporteur. Je comprends la motivation de l’amendement, parce que, vous avez raison, les entretiens ne sont pas toujours assez qualitatifs ni assez poussés – c’est d’ailleurs un motif de recours auprès de la juridiction compétente. Toutefois, l’article L. 221‑2‑4 du code de l’action sociale et des familles précise déjà que plusieurs entretiens doivent être conduits. De plus, une durée minimale pourrait être contre‑productive, par exemple dans le cas où la minorité de la personne est manifeste et reconnue immédiatement. Il faut préserver l’objectif de simplicité de la proposition de loi.
Avis défavorable.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Je vais vous donner un exemple très concret et que vous connaissez bien : à Paris, certaines associations font des entretiens en dix ou quinze minutes. Nous sommes très critiques sur la manière dont la ville de Paris, dirigée par les socialistes, gère ce genre de situation. Les exemples que je connais sont parisiens.
Il est faux de prétendre qu’une durée allongée serait défavorable au jeune dont la minorité est immédiatement reconnue. En revanche, elle serait profitable à tous ces jeunes qui auraient dû être reconnus comme mineurs et ne l’ont pas été parce que l’entretien n’a pas duré assez longtemps. Au vu de la politique menée à Paris et des cas concrets que je viens de rappeler, je pense que cet amendement serait d’une grande aide pour Mme Hidalgo.
M. le rapporteur. Monsieur Boyard, l’avantage, c’est que l’association chargée de l’évaluation à Paris, France terre d’asile, nous écoute. Je ne sais pas à quel agent de France terre d’asile vous entendez adresser vos insultes concernant son manque de professionnalisme – inutile de protester, monsieur Boyard : il faut assumer vos propos ! Je suis donc doublement défavorable à votre amendement compte tenu de ce que vous venez de préciser.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS1 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). J’ai toujours le cœur fendu de voir la gauche qui se déchire sur des sujets aussi importants. Je vais tenter de ramener un peu de paix, de concorde et surtout d’objectivité avec cet amendement. J’ai l’impression, quand je vois les amendements précédents, que tout est bon pour essayer d’instaurer une présomption de minorité, quelle que soit la situation ou l’aspect de la personne qui vient se présenter.
Si vous êtes honnêtes et que vous voulez vraiment aider les enfants, vous n’aurez aucun problème à aller le plus loin possible dans la recherche d’éléments établissant la minorité, non seulement par des entretiens mais aussi par des processus biométriques. L’amendement vise donc à considérer comme majeure toute personne qui s’opposerait au recueil de ses empreintes ; elle ne pourrait dès lors bénéficier des dispositions de protection. En effet, si elle est honnête dans sa démarche, elle souhaitera que l’on prenne toutes les mesures possibles pour s’assurer concrètement de sa minorité. C’est encore la meilleure mesure de protection.
M. le rapporteur. Monsieur Di Filippo, je reconnais là votre passion pour les fichiers. Vous proposez de modifier l’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles pour que le refus de recueil des empreintes vaille reconnaissance de majorité. En l’état, cet article précise que « la majorité d’une personne se présentant comme mineure [...] ne peut être déduite de son seul refus opposé au recueil de ses empreintes », ce qui n’a d’ailleurs pas grand‑chose à voir avec le sujet qui nous occupe. La rédaction actuelle est donc claire et précise : le refus peut faire partie d’un faisceau d’indices mais ne saurait constituer à lui seul une preuve suffisante. La rédaction voulue par le législateur me semble équilibrée, tant pour la personne se déclarant mineure que pour l’administration.
Je suis donc défavorable à votre amendement.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Monsieur Di Filippo, êtes-vous juge des enfants pour affirmer que certains jeunes se prétendent mineurs afin de pouvoir se maintenir sur le territoire ? Seul le juge des enfants est compétent pour statuer sur la minorité.
Dans mon département, 60 % des recours reconnaissent la minorité de ces jeunes, et quand une association indépendante du département les accompagne, le taux grimpe à 70 %. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail des associations, notamment Utopia 56, parce qu’elles sont d’un grand secours. Je rends également hommage à tous ces jeunes que je côtoie dans mon département. Aujourd’hui, 120 personnes occupent un espace social pour ne pas être à la rue, dont 44 mineurs non accompagnés qui sont non reconnus par le département. Leur expulsion est prévue pour cette semaine et je m’inquiète réellement du sort qui leur sera réservé.
Vous proposez dans cet amendement d’imposer des relevés d’empreintes, comme s’ils étaient coupables. Mais coupables de quoi ? De tenter de survivre ? Je refuse que le soupçon remplace la protection. Vous voulez ficher des enfants : on est loin de la patrie des droits de l’homme, et loin des textes européens et internationaux auxquels vous vous référez ! De quoi la prise d’empreintes protègera-t-elle ? Pensez-vous que cela permettra d’attester de la minorité ? Allez jusqu’au bout de votre raisonnement ! Ces jeunes ne sont pas des fraudeurs mais des enfants en danger. Les seuls qui défient la loi et qui devraient être condamnés, ce sont les départements qui, en 2023, ont décidé d’arrêter la prise en charge, pourtant obligatoire, des MNA : l’Ain, la Vienne, le Vaucluse et le Jura.
M. Thibault Bazin (DR). Je pense qu’il faut être très pragmatique : s’agit‑il d’enfants ou non ? L’association Départements de France, que nous avions auditionnée il y a quelques années, nous avait alertés sur ce sujet, expliquant que plus de la moitié des demandeurs n’étaient pas des mineurs – du reste, le plus souvent, on parle de « mijeurs ».
Certaines personnes, qui se prétendent enfants mais ne le sont pas, vont jusqu’à changer de département pour tenter leur chance ailleurs quand on leur refuse la reconnaissance de minorité. Pour contrer cela, un fichier national a été instauré. Il ne s’agit pas d’une passion pour les fichiers mais d’un outil permettant d’éviter les fraudes et les abus. Seuls deux départements ne l’utilisent pas : Paris et la Seine-Saint-Denis. Cela a créé un appel d’air dans ces deux départements parce que cela se sait. Nous devons aider les enfants qui sont vraiment des enfants, mais quand ce n’est pas le cas, cela pose un véritable problème. Je trouve que l’amendement est pertinent.
M. le rapporteur. Paris et la Seine-Saint-Denis n’ont pas décidé de ne pas utiliser ce fichier : auparavant, c’était optionnel et désormais, c’est une obligation légale. Simplement, ce fichier national repose sur la bonne volonté et l’accord des jeunes en question. Vous voulez modifier un point qui n’a rien à voir avec la proposition de loi en revenant sur une disposition votée sous votre majorité – je ne sais plus si vous en étiez, monsieur Di Filippo, car il est vrai que vous n’avez pas appartenu à la majorité très longtemps. Paris et la Seine-Saint-Denis n’ont pas souhaité anticiper l’application non obligatoire de ce fichier centralisé.
Je propose d’en rester au système actuel car c’est le législateur qui l’a voulu ainsi. On ne change pas ce critère à l’occasion d’une proposition de loi qui ne traite pas explicitement de ce sujet.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS26 de M. Emmanuel Grégoire.
Amendement AS3 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Le caractère rédactionnel de certains amendements ne saute pas toujours aux yeux...
Vous ne pouvez pas ignorer qu’en France, le coût de l’hébergement des migrants, y compris des enfants, explose ; on ne sait plus comment y faire face. On ne peut pas accepter votre mesure, qui permettrait à des personnes majeures de bénéficier d’un dispositif d’accueil et de protection réservé aux mineurs. Vous n’avez d’ailleurs toujours pas répondu à ma question sur un adulte de 40 ans – je sais que vous aimez bien cet exemple – qui prétendrait en avoir 12.
Je ne suis pas juge des enfants mais je sais lire les statistiques : à Paris, 75 % des personnes qui déposent des recours sont potentiellement des majeurs qui essaient de se faire passer pour des mineurs. Vous ne pouvez pas dire que cela n’existe pas.
L’objet de cet amendement est de proposer qu’une personne dont la minorité n’a pas été reconnue ne puisse bénéficier de ce statut que si elle accepte de se soumettre à un réel test de minorité.
M. le rapporteur. Votre amendement manque de précision. Vous sous-entendez sans doute que le test de minorité serait un test osseux ; encore aurait-il fallu le préciser. Je redis en tout cas mon opposition à un recours obligatoire à ces tests que personne, dans la communauté scientifique, ne considère comme un élément opposable suffisant. C’est sur un faisceau d’indices que se basent les évaluations initiales et les examens réalisés par les juridictions, en première instance comme en appel.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Je vous rappelle, monsieur Di Filippo, que pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme, « refuser de consacrer le droit à la présomption de minorité garanti par les conventions internationales relève d’un choix éminemment politique : celui de laisser un mineur sans protection, plutôt que de risquer de protéger certains jeunes majeurs ». Votre amendement va donc à l’encontre des traités internationaux et européens. Je vous croyais gaulliste et européen. Je pensais que vous aviez à cœur les valeurs de la République que sont la liberté, l’égalité et la fraternité, et non la préférence nationale. Mais vous reprenez le pire de l’extrême droite sur le dos d’enfants vulnérables. En outre, vous n’expliquez pas en quoi consisteraient les tests de minorité : seraient-ce des tests osseux, pourtant rejetés pour des raisons à la fois éthiques, scientifiques et humaines ? La seule statistique qui tienne est celle-ci : 60 % des recours en minorité se révèlent favorables aux jeunes.
M. Fabien Di Filippo (DR). J’aurais pu préciser le type de test mais aucun n’aurait trouvé grâce à vos yeux. Si un mineur est de bonne foi et qu’il a réellement besoin d’une protection, la première chose qu’il doit faire en arrivant dans un pays prêt à le prendre en charge, c’est simplement d’accepter ce test. Il me semble nécessaire de remettre des repères et même – j’ose le mot – de l’autorité dans notre système : si un mineur refuse le test, c’est qu’il risque de poser un sérieux problème. Vous pourrez sans doute trouver des exemples inacceptables mais la France met en place un accueil qui n’existe dans quasiment aucun autre pays au monde et qui devient démesuré. Cet amendement vise simplement à demander au mineur souhaitant être accueilli – pour un coût annuel de 50 000 euros, rappelons-le – de se soumettre à un test.
M. Hendrik Davi (EcoS). Les tests osseux ne sont pas d’une grande fiabilité. Selon l’Académie de médecine, leur marge d’erreur atteint un à deux ans, voire davantage, chez les jeunes de 16 ou 17 ans. Mais le problème n’est pas là : voulez-vous, monsieur Di Filippo, que ces jeunes de 14, 16 ou 19 ans dorment dans la rue ou bien préférez-vous qu’ils soient à l’école ? Pour la société française, et ne serait-ce que pour répondre à votre obsession sécuritaire, il vaut mieux qu’ils soient hébergés et scolarisés plutôt que d’être soumis au narcotrafic ou à la prostitution.
Mme Océane Godard (SOC). On voit bien ce qui dérange M. Di Filippo et ses amis du Rassemblement national. Je vous invite à aller voir le film documentaire Tout va bien, qui doit sortir en janvier. Cela vous ennuie, quand on vous dit que tout va bien, collègues, car ce qui fonde votre business politique c’est la haine, la division, la peur et toutes ces émotions très négatives ! Or le film montre les parcours de jeunes mineurs isolés qui traversent des mers et des déserts avant d’arriver à Marseille et d’être accueillis en France. Leur espoir et leur énergie sont bouleversants. La République n’est jamais aussi puissante et aussi belle que lorsque le patriotisme est placé au bon endroit, c’est-à-dire dans la fraternité, la solidarité et l’humanisme.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS21 de M. Théo Bernhardt
M. Théo Bernhardt (RN). Si ce texte devait malheureusement être adopté, autant qu’il soit encadré le plus strictement possible. Le fait que l’effet suspensif ne soit pas limité dans le temps peut porter l’attente à dix-huit mois voire deux ans – période pendant laquelle les départements continuent de payer 50 000 ans par an et par personne. Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, c’est irresponsable. C’est également préjudiciable aux mineurs véritablement isolés qui se retrouvent sans place d’accueil, et c’est enfin une aubaine pour les réseaux organisés qui conseillent les recours dilatoires. Le présent amendement propose donc de limiter l’effet suspensif à une durée maximale de six mois, qui devrait être suffisante pour qu’un tribunal statue. Si nos juridictions ne peuvent pas respecter ce délai, qu’on leur en donne enfin les moyens – mais c’est un autre débat !
M. le rapporteur. Cet amendement de repli me surprend car il entérine notre proposition. Il est vrai que six mois de générosité sont préférables à aucune générosité ; au point où vous en êtes, j’imagine que d’ici la séance publique, vous embrasserez notre projet ! J’émettrai quoi qu’il en soit un avis défavorable, car nous avons des ambitions plus élevées. Ce ne peut pas être l’enfant qui subisse le délai d’audiencement.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Si le caractère suspensif de la contestation est limité à six mois, des jeunes ayant le droit d’être reconnus comme mineurs – 60 % le sont, après un recours – vont se retrouver à la rue et vous tournerez ensuite des vidéos pour vos campagnes électorales, collègues du RN, pour montrer que l’immigration est incontrôlable ! Vous votez des lois pour ne pas organiser l’accueil et venez ensuite vous plaindre de situations dont vous ne seriez pas responsables.
Vous dites, monsieur le rapporteur, que mes propos précédents seraient insultants pour France terre d’asile. Or les agents de l’association ont publié un communiqué reprochant à la mairie de Paris de ne pas leur donner suffisamment de moyens : c’est plutôt nous qui sommes de leur côté.
M. Théo Bernhardt (RN). C’est un amendement de repli, monsieur le rapporteur ! Nous ne voterons évidemment pas le texte et encore moins le présent article. Et je vous invite, monsieur Boyard, à demander à vos propres électeurs ce qu’ils pensent de l’immigration : plus de 50 % souhaitent la limiter.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS27 de M. Emmanuel Grégoire.
Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS22 de M. Théo Bernhardt.
Enfin, elle rejette l’article 1er.
Après l’article 1er
Amendement AS7 de M. Louis Boyard
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cet amendement vise à interdire les examens osseux, dentaires ou pubertaires utilisés pour décider qu’un enfant n’en serait finalement pas un. Voilà des années que la France applique, à l’égard des MNA, une logique répressive. Notre pays a été condamné par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies en janvier 2023 puis en mai 2024. L’ONU, la Cour européenne des droits de l’homme, le Défenseur des droits, le Conseil constitutionnel : toutes les institutions nous exhortent à mettre fin aux tests osseux, institutionnalisés par les socialistes sous François Hollande.
Alors qu’ils reposent sur des normes du siècle dernier, qu’ils présentent une marge d’erreur considérable et qu’ils sont profondément intrusifs, ces tests arbitraires continuent de sceller chaque année le sort de milliers d’enfants que la rue exposera à la violence, à la peur, à l’exploitation, à la malnutrition, à la maladie, au froid et parfois à la mort. Comment une procédure à ce point contestée scientifiquement, aussi dangereuse, et contraire aux principes fondamentaux de justice et de protection de l’enfance, peut-elle encore être maintenue ? Il est temps d’introduire un peu de rationalité, de rigueur, d’éthique et surtout d’humanisme dans notre droit.
M. le rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec vous : ces tests ne peuvent pas constituer une base scientifique opposable. Mais si cet amendement était adopté, il n’empêcherait pas un seul enfant de dormir à la rue. Il obérerait de surcroît les chances d’adoption de cette proposition de loi en séance.
Je vous propose donc de retirer l’amendement et de renvoyer la question que vous posez à un vecteur plus approprié.
M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement laisse penser que l’on évaluerait les caractères sexuels primaires, alors que ceux-ci apparaissent au stade embryonnaire ! Je ne pense pas que de tels examens ubuesques soient réalisés. Je voterai contre l’amendement.
La commission rejette l’amendement.
Article 2 : Créer un observatoire national du sans-abrisme
Amendement AS4 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Notre pays souffre d’une maladie profonde qui consiste à créer des « comités Théodule » sans jamais traiter le fond des problèmes. Les moyens qui seraient alloués à celui que vous souhaitez créer n’iraient pas à l’aide aux personnes. Les chiffres relatifs aux dépenses bureaucratiques sont pourtant connus. Je propose de supprimer l’article 2, afin que l’on ne disperse pas davantage le peu de moyens dont nous disposons encore.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). M. Di Filippo nous abreuve de chiffres, de contre-vérités et d’arguments fallacieux mais il veut supprimer l’article qui nous permettrait d’avoir les chiffres nécessaires pour mener des politiques publiques efficaces. Ceux dont nous disposons actuellement émanent majoritairement des associations, l’État étant incapable de les fournir. Le baromètre Enfants à la rue est réalisé par la Fédération des acteurs de la solidarité et l’Unicef, et le nombre de morts de la rue – 855 en 2024, dont 19 enfants de moins de 4 ans – est publié par le collectif du même nom.
Il ne vous a pas échappé que notre pays traverse une crise sociale profonde et qu’un nombre croissant de personnes sont à la rue ou mal logées. Charge à nous de mettre en place des politiques publiques qui répondent enfin à l’exigence de dignité humaine.
M. Michel Lauzzana (EPR). La situation est très hétérogène entre les départements. À partir du moment où l’on aura des chiffres corrects, grâce à un observatoire, nous pourrons avoir un débat plus apaisé, affranchi des postures idéologiques des uns et des autres.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS23 de M. Théo Bernhardt
M. Théo Bernhardt (RN). L’article 2 crée un observatoire national du sans‑abrisme : encore une nouvelle structure, des fonctionnaires, des locaux, des moyens et un budget de fonctionnement ! Le texte, bien évidemment, ne précise pas combien coûtera cet observatoire, dont on peut se demander s’il sera réellement utile. Il existe déjà en effet l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, le service des statistiques qui travaille pour le ministère de la ville et du logement, et l’Institut national de la statistique et des études économiques. En outre, de nombreuses associations publient régulièrement des études en lien avec ces thématiques, notamment l’excellent Observatoire de l’immigration et de la démographie. Cet amendement de repli propose que soient établis un état des lieux objectif et chiffré de la situation, une évaluation des dispositifs existants ainsi qu’une analyse des besoins réels, et que soit chiffré le coût d’un éventuel observatoire.
M. le rapporteur. Avis défavorable : nous préférons disposer d’une structure dédiée au recueil et à l’analyse des données sur le sans-abrisme.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Pourquoi nos collègues du RN se sont-ils abstenus lors du vote de l’amendement de suppression, s’ils s’opposent à l’article 2 ? N’assument-ils pas leurs votes ?
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS5 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Cet amendement propose que l’observatoire nous éclaire sur le nombre de personnes en situation de clandestinité qui occupent des places d’hébergement d’urgence. Les capacités étant saturées, il faudrait en effet que ces places puissent bénéficier à de vrais enfants et à des personnes ayant vocation à se maintenir légalement dans notre pays.
M. le rapporteur. J’ai cru que vous alliez dire « à de vrais Français » ! Cela aurait été plus court et plus simple. Je veux démasquer les manipulations rhétoriques dont vous usez pour que notre pays n’ait pas à héberger d’enfants.
L’exposé sommaire, que vous venez de lire, ne correspond pas au contenu de votre amendement. Nous avons néanmoins compris l’esprit de celui-ci : avis défavorable.
M. Fabien Di Filippo (DR). Vous n’avez pas le droit de me faire dire des choses que je n’ai pas dites. Tout ce que je demande, c’est que la loi soit respectée et que certains n’essayent pas de détourner notre système de protection au détriment de ceux qui en ont légitimement besoin. Je repose donc ma question, qui est factuelle : si le texte était adopté, une personne de 40 ans prétendant en avoir 12 pourrait-elle bénéficier de la protection de l’ASE jusqu’à la fin de la procédure ? Vous pouvez donner toutes les leçons de morale que vous voudrez, la réalité est que ce texte est dangereux pour les personnes ayant besoin d’une protection.
M. le rapporteur. Ce que vous dites est juste, mais les associations nous disent que ce type de cas n’existe pas. Vous préférez condamner des enfants à la rue plutôt que de prendre le risque d’un éventuel détournement du dispositif. Nul ici ne souhaite que la loi ne soit pas observée ; notre débat vise à la faire évoluer pour régler la situation des centaines d’enfants qui dorment à la rue.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Vous voudriez faire croire, collègues de droite, que la crise du logement et l’explosion du nombre de personnes sans-abri seraient de la faute des étrangers ; des migrants sans-papiers prendraient la place de Français dans les centres d’hébergement d’urgence. Or ceux-ci sont saturés depuis des décennies, indépendamment des politiques migratoires en place. Le 115 l’était déjà avant que la France ait à protéger des MNA et avant la hausse récente des flux migratoires.
Il manque aussi des logements sociaux et d’insertion pour désengorger les centres d’hébergement d’urgence. Or ce sont les budgets que vous soutenez, avec des coupes massives, qui réduisent l’offre et étranglent les dispositifs. La réalité est têtue : la misère ne vient pas des migrants, elle vient de l’abandon politique. J’ajoute, monsieur Di Filippo, que les MNA relèvent de l’ASE et non de l’hébergement d’urgence : ils n’occupent donc pas de places destinées aux adultes sans-abri.
M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je suis effaré de la pauvreté de l’argumentaire du groupe socialiste. Vos jugements moraux ne disent qu’une chose : que vous avez perdu la bataille de l’opinion et des idées. On sait que votre seul objectif est de continuer de soumettre les Français à la submersion migratoire, mais votre idéologie se fracasse sur le mur de la réalité. Je me réjouis que plus des deux tiers des Français partagent l’analyse et les propositions du Rassemblement national en matière d’immigration. Vivement 2027 !
M. le rapporteur. Je comprends que nos arguments ne vous aient pas convaincu, puisque vous n’étiez pas présent ! J’attire votre attention sur le fait que notre débat ne porte pas sur la politique migratoire mais sur la présence dans nos territoires de jeunes en situation de précarité. Oui, certains sont sans doute majeurs mais d’autres sont reconnus mineurs : il y a donc bien des enfants laissés à la rue et rien de ce que vous proposez ne permet de résoudre leur situation.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS16 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Quitte à avoir un observatoire du sans-abrisme, faisons en sorte que son objet corresponde à la réalité : le présent amendement vise à ce qu’il nous éclaire sur le nombre de personnes en situation de clandestinité qui occupent des places d’hébergement d’urgence. Vous avez reconnu vous-même, monsieur le rapporteur, que votre texte pourrait permettre à une personne de 40 ans qui se déclarerait mineure de bénéficier d’une protection. Il faut en tirer toutes les conséquences et faire en sorte que les personnes en situation régulière, ainsi que les enfants ayant réellement besoin d’une protection, ne soient pas toujours les laissés pour compte de votre naïveté.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi (LFI-NFP). M. Di Filippo souhaite qu’on laisse les associations travailler sur les chiffres. Or celles-ci font déjà beaucoup à la place de l’État, sans avoir de délégation de service public !
S’agissant de l’hébergement d’urgence, je rappelle que la loi Kasbarian-Bergé a augmenté de 20 % le nombre d’expulsions locatives, mettant 34 000 ménages supplémentaires à la rue sans les reloger. L’absence de volonté face à la crise du logement a pour conséquence l’augmentation du nombre d’enfants à la rue et du nombre de personnes qui, sachant qu’il n’y a plus de places, n’appellent même plus le 115. J’ajoute que l’État ne finance pas à hauteur de ses engagements les organismes et associations qui gèrent les centres d’hébergement d’urgence, ce qui place ces opérateurs en grande difficulté.
Mme Sandrine Runel (SOC). Vous voulez transformer l’observatoire du sans‑abrisme en observatoire de la clandestinité, monsieur Di Filippo, mais c’est inutile : avec Retailleau à la traque aux sans-papiers – et désormais avec Nuñez, c’est vrai, qui a brillé dans la chasse aux sans-abri –, nous avons les chiffres ! Votre amendement est satisfait par tout ce qu’a fait la Macronie depuis huit ans !
M. Fabien Di Filippo (DR). Justement : le ministre de l’intérieur ayant changé – cela ne vous aura pas échappé –, il serait sans doute souhaitable de modifier les missions de l’observatoire, si tant est qu’il ait une raison d’exister.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS10 de Mme Marie Mesmeur
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cet amendement vise à renforcer les missions de l’Observatoire national du sans-abrisme pour en faire non pas un outil qui constate mais un outil qui impulse, oriente et propose. Un tel observatoire a été créé en 2023 mais, faute de volonté politique et faute d’une mission claire, il est resté inopérant : il n’a pas publié d’étude et n’a pas alerté, alors que les acteurs de terrain voyaient le nombre de personnes sans domicile augmenter jour après jour. Comme le rappelle le directeur des études de la Fondation pour le logement des défavorisés, « l’observation appelle l’action ».
Les chiffres et analyses produits par l’observatoire doivent constituer un levier pour la mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses : ils doivent éclairer le sujet de la réquisition des logements vacants, guider l’ouverture des places adaptées et la création de solutions dignes et pérennes pour qu’il n’y ait plus jamais aucun enfant à la rue en France.
M. le rapporteur. L’esprit de cet amendement est implicite dans le texte mais, puisque cela va mieux en le disant, j’émets un avis favorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 non modifié.
Article 3 : Gage
La commission adopte l’article 3 non modifié.
M. le rapporteur. L’article 1er, essentiel à l’examen en séance publique, ayant été supprimé, je vous invite à voter contre la proposition de loi à ce stade.
La commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Serait-il possible que l’on ne s’insulte pas dans cette commission, même lorsqu’on est en désaccord, et que l’on évite les accusations nominatives ? Cela devient insupportable.
M. Frédéric Valletoux (HOR). J’essaye de faire passer des messages en ce sens.
La commission ayant rejeté l’ensemble de la proposition de loi, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.
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ANNEXE N° 1
Liste des personnes ENTENDUEs par le rapporteur
(par ordre chronologique)
Table ronde :
– Unicef France* – M. Corentin Bailleul, responsable du pôle plaidoyer France
– Fédération des acteurs de la solidarité* – M. Emmanuel Bougras, responsable du service stratégie et analyse des politiques publiques
– Les oubliés de la République – M. Madiba Ousmane Guirassy, ancien mineur non accompagné
– Collectif École pour tous – Mme Ana Stuparu, porte-parole, M. Alhassane Bangoura, porte-parole et Mme Anina Ciuciu, avocate et marraine
Table ronde :
– France terre d’asile – Accueil mineurs non accompagnés de la ville de Paris – M. Vincent Beaugrand, directeur général, et M. Serge Durand, directeur de la protection des mineurs isolés étrangers
– Ordre des avocats de Paris – Me Fadela Houari, membre du conseil de l’ordre, référente de l’antenne des mineurs du barreau de Paris, et Me Johanne Sfaoui, référente du pôle Mineurs non accompagnés de l’antenne des mineurs
– Ville de Paris – Mme Dominique Versini, adjointe à la maire de Paris chargée des droits de l’enfant et de la protection de l’enfance, Mme Jeanne Seban, directrice des solidarités, Mme Anne Devreese, sous-directrice de la prévention et de la protection de l’enfance, et Mme Juliette Corade, directrice de cabinet de Mme Versini
Table ronde :
– Ministère de la justice – Direction de la protection judiciaire de la jeunesse – Mme Marie-Laure Tenaud, cheffe de la mission des mineurs non accompagnés, M. Cyril Beaufils de Saint‑Vincent, chef de section des affaires européennes et internationales au sein du bureau de la législation et des affaires juridiques, et Mme Manon Francillout, rédactrice
– Ministère du travail et des solidarités – Direction générale de la cohésion sociale – Mme Sabine Carre, adjointe à la sous-direction de l’enfance et de la famille, et Mme Laure Neliaz, cheffe du bureau de la protection de l’enfance et de l’adolescence
– Ministère de l’intérieur – Direction générale des étrangers en France – Mme Danielle Balu, adjointe au sous-directeur du séjour et du travail
Départements de France – M. Jean-Luc Gleyze, secrétaire général, président du département de la Gironde, Mme Coralie Denoues, porte-parole, présidente du département des Deux-Sèvres, Mme Laurette Le Discot, conseillère Enfance et famille, et M. Anderson Pinho, conseiller groupe de gauche
Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement – M. Jérôme d’Harcourt, délégué interministériel, et Mme Léonore Belghiti, directrice de la mission Pilotage et transformation de l’hébergement d’urgence
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
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ANNEXE N° 2
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi
|
Proposition de loi |
Dispositions en vigueur modifiées |
|
|
Article |
Codes et lois |
Numéro d’article |
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1er |
Code de l’action sociale et des familles |
L. 221‑2‑4 |
|
2 |
Code de l’action sociale et des familles |
L. 226‑13‑1 [nouveau] |
([1]) M. Jean-Luc Gleyze, secrétaire général de Départements de France, président du conseil départemental de la Gironde, audition du 27 novembre 2025.
([2]) https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/271821-droits-de-lenfant-5-questions-sur-la-convention-internationale-cide
([3]) Article 24 de la Convention relative aux droits de l’enfant.
([4]) Article 26 de la Convention relative aux droits de l’enfant.
([5]) Article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant.
([6]) Article 20 de la Convention relative aux droits de l’enfant.
([7]) Conseil d’État, décision n° 141083 du 10 mars 1995.
([8]) Article 4 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.
([9]) Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, M. Adama S.
([10]) Article L. 211-2-4 du code de l’action sociale et des familles.
([11]) Cour des comptes, Référé S2020-1510 sur la prise en charge des jeunes se déclarant mineurs non accompagnés, 8 octobre 2024, p. 5.
([12]) Contribution écrite de la direction générale des étrangers en France, reçue le 27 novembre 2025.
([13]) Ibid.
([14]) Cour des comptes, Référé S2020-1510 précité, p. 5.
([15]) Conseil d’État, décision n° 440686 du 4 juin 2020.
([16]) Contribution écrite de la direction générale des étrangers en France, reçue le 28 novembre 2025.
([17]) 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles.
([18]) Conseil d’État, décision n° 388317 du 13 juillet 2016.
([19]) Cour des comptes, Référé S2020-1510 précité, p. 2.
([20]) Comité des droits de l’enfant, Observations finales concernant le rapport de la France valant sixième et septième rapports périodiques, 2023, p. 14.
([21]) Ibid.
([22]) Cour européenne des droits de l’Homme, A.C. contre France, 16 janvier 2025.
([23]) Rapport (n° 1200) fait au nom de la commission d’enquête sur les manques des politiques publiques de protection de l’enfance par Mme Isabelle Santiago, rapporteure, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er avril 2025.
([24]) Cour des comptes, Référé S2020-1510 précité, p. 3.
([25]) La Cimade, « Les départements ne sont pas au-dessus des lois : les enfants étrangers doivent être protégés », 6 décembre 2023.
([26]) Contribution écrite de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, reçue le 28 novembre 2025.
([27]) Coordination nationale des jeunes exilé.es en danger, mineure.es non accompagné.es refusé.es ou en recours de minorité : recensement national du 18 juin 2025, 25 septembre 2025, p. 12.
([28]) Contribution écrite d’Unicef France, reçue le 26 novembre 2025.
([29]) Au cours de son audition du 26 novembre 2025, la direction générale de la cohésion sociale a indiqué au rapporteur avoir connaissance de jeunes en recours se faisant refouler des dispositifs d’hébergement pour majeurs lorsqu’ils présentent des papiers établissant leur minorité.
([30]) Ibid, pp. 4-5.
([31]) Me Fadela Houari, rapporteure, Délibération de l’ordre des avocats de Paris, adoptée le 29 avril 2025.
([32]) Contribution écrite de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, reçue le 28 novembre 2025.
([33]) Audition de M. Corentin Bailleul, responsable du pôle Plaidoyer et programmes d’Unicef France, le 25 novembre 2025.
([34]) Audition de Mme Marie-Laure Tenaud, cheffe de la mission des mineurs non accompagnés à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, le 26 novembre 2025.
([35]) Contribution écrite d’Unicef France, reçue le 26 novembre 2025.
([36]) Me Fadela Houari, rapporteure, Délibération de l’ordre des avocats de Paris, adoptée le 29 avril 2025.
([37]) Contribution écrite de Mme Dominique Versini, adjointe à la mairie de Paris chargée des droits de l’enfant et de la protection de l’enfance, reçue le 27 novembre 2025.
([38]) Ibid.
([39]) Contribution écrite de Mme Dominique Versini précitée.
([40]) Contribution écrite de Départements de France, reçue le 28 novembre 2025.
([41]) Audition de M. Jérôme d’Harcourt, délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, le 27 novembre 2025.
([42]) Communiqué de presse, Olivier Klein lance l’Observatoire du sans-abrisme, 16 mai 2023.
([43]) Ibid.
([44]) Ibid.
([45]) Cour des comptes, Référé S2020-1510 précité, page 8.
([46]) Contribution écrite de France terre d’asile, reçue le 28 novembre 2025.
([47]) Audition de M. Jérôme d’Harcourt, délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, le 27 novembre 2025.