N° 2196

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère en outre-mer dans le secteur des services (n° 2028)

PAR M. Philippe NAILLET

Député

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Voir le numéro : 2028.


SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaires des articles

Article 1er (article L. 1 du code des postes et des communications électroniques) Alignement de la péréquation tarifaire applicable aux envois postaux dans le cadre du service universel postal en France hexagonale et dans les outre-mer

Article 2 (article L. 1803-4 du code des transports) Création de tarifs plafonds pour les résidents ultramarins sur les liaisons aériennes régulières avec la France hexagonale

Article 3 (article L. 711-22 du code monétaire et financier) Plafonnement des tarifs bancaires de base pratiqués dans les outre-mer à la moyenne des tarifs pratiqués en France hexagonale

Article 3 bis Rapport sur l’opportunité d’étendre les tarifs « résident » aux liaisons maritimes et fluviales dans les outre-mer

Article 4 Gage financier

EXAMEN EN commission

Liste des personnes auditionnées

Liste des contributions écrites

 


   Avant-propos

La vie chère dans les outre‑mer reste, encore aujourd’hui, une problématique et un défi majeur auxquels sont quotidiennement confrontés nos concitoyens ultramarins.

Les résidents ultramarins, qui vivent sur des marchés captifs où les concentrations économiques sont accrues et l’offre restreinte, subissent plus durement la vie chère que les habitants de l’Hexagone, qu’il s’agisse du coût des biens ou de celui des services.

Une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) de 2023 sur les prix dans les départements d’outre-mer (DOM) ([1]) révèle des écarts significatifs des prix à la consommation entre ces départements et ceux de l’Hexagone. Ainsi, en 2022, ces prix sont plus élevés d’environ 15,8 % en Guadeloupe, 13,8 % en Martinique, 13,7 % en Guyane, 8,9 % à la Réunion et 10,3 % à Mayotte. L’étude souligne également que les écarts de prix avec la France métropolitaine ont augmenté depuis 2015.

Certains postes de dépenses sont particulièrement révélateurs du phénomène de vie chère : c’est le cas des produits alimentaires, dont les prix sont généralement de 30 % à 42 % plus élevés et présentent même près de 80 % de surcoût en Nouvelle‑Calédonie, comme l’illustre le graphique ci-après ([2]).

Si la conjoncture économique contribue à accentuer le phénomène de vie chère, les causes de celle-ci sont aussi structurelles. Comme le souligne le rapport d’une récente commission d’enquête de notre assemblée sur le coût de la vie dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, ces causes structurelles tiennent notamment :

– à l’éloignement des territoires concernés, ce qui engendre des coûts d’approche et de stockage importants ;

– à une exiguïté impliquant des marchés plus restreints, mais aussi la rareté du foncier ;

– à l’insularité et à l’isolement de ces territoires, de même qu’à leur vulnérabilité face aux phénomènes climatiques extrêmes, de plus en plus fréquents.

Les ultramarins disposent, par ailleurs, de revenus plus faibles en moyenne que les habitants de France hexagonale. Le taux de pauvreté est plus important dans les territoires outre-mer. L’observatoire des inégalités ([3]) rappelle ainsi que, en 2021, le taux de pauvreté était de 36,1 % à La Réunion et de 26,8 % en Martinique et, en 2017, de 77,3 % à Mayotte, de près de 53 % en Guyane et de 34,5 % en Guadeloupe. Par comparaison, en 2021, le taux de pauvreté était de 14,5 % dans l’Hexagone.

En outre, alors que le taux de chômage dans l’Hexagone avoisine les 7,7 %, les taux de chômage dans les départements et régions d’outre-mer restent supérieurs à 14 % en 2025.

Cette surexposition au chômage concerne particulièrement les jeunes de 16 à 25 ans et les non-diplômés, que leur pouvoir d’achat limité rend particulièrement vulnérables aux phénomènes de vie chère.

En définitive, c’est bien l’égalité réelle entre la France hexagonale et les outre-mer qui est remise en question. Il en va notamment ainsi de l’égalité des chances : une note d’analyse de France Stratégie de 2024 rappelle que, à origine sociale comparable, les natifs de Guadeloupe, de Martinique et de la Réunion ont « 20 à 25 % de chances en moins d'obtenir un diplôme du supérieur, environ 12 % de chances en moins d'accéder à l'emploi, et 35 % à 45 % de chances en moins d'occuper un poste de cadre » ([4]).

Les inégalités avec la France hexagonale sont aussi criantes s’agissant de l’accès aux services publics. Plusieurs rapports du Défenseur des droits ont abondé en ce sens. En 2019, celui-ci constatait qu’« en raison du manque de moyens et de personnel, les services publics ne sont pas en mesure d’accueillir et d’informer convenablement les usagers dans les départements d’outre-mer » ([5]). En 2023, un rapport de la même autorité spécifiquement consacré à l’accès aux droits aux Antilles soulignait que les défaillances dans le fonctionnement des services publics, constatées depuis plusieurs décennies, sont « à l’origine d’un climat de défiance caractérisé envers les institutions dans ces territoires et d’un sentiment prononcé d’abandon au sein de la population antillaise » ([6]).

La problématique de la vie chère outre-mer doit trouver aujourd’hui des réponses concrètes, alors que le Parlement n’a cessé d’alerter sur ce sujet et de multiplier les initiatives législatives.

Plusieurs travaux de contrôle du Parlement ont alerté sur ces difficultés, certains ayant directement inspiré les dispositions de la présente proposition de loi.

À l’Assemblée nationale, la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, créée à l’initiative du groupe Socialistes et apparentés et dont le rapporteur était notre collègue Johnny Hajjar, a publié, en juillet 2023, un rapport qui présente soixante‑huit propositions pour lutter contre le phénomène de vie chère dans les outre‑mer ([7]).

La délégation aux outre-mer du Sénat a publié, en avril 2025, un rapport relatif à la lutte contre la vie chère outre-mer ([8]).

La délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale a présenté, en juin dernier, les conclusions transpartisanes d’une « mission flash » sur l’augmentation des prix des colis postaux ([9]), sujet abordé par l’article premier de la présente proposition de loi.

Il y a quelques semaines, un rapport a été publié par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre assemblée sur l’application du principe de continuité territoriale ([10]). La délégation aux outre-mer du Sénat avait déjà publié un rapport sur la continuité territoriale outre‑mer en 2023 ([11]) – l’article 2 de la présente proposition de loi reprend d’ailleurs l’une des recommandations de ce rapport.

Les initiatives législatives se sont également multipliées.

La loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite loi « Lurel », a mis en place différents dispositifs pour lutter contre la vie chère, dont le « bouclier qualité‑prix » (BQP). Cet outil permet de plafonner, sur un territoire ultramarin, le prix global d’un panier composé d’un certain nombre de produits de grande consommation, fixé par arrêté pour un an, après avis de l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) et négociations entre l’État et les différentes parties prenantes.

La loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre‑mer, dite loi « Erom », comprend des dispositions en matière de régulation économique et de convergence territoriale en rapport avec les problématiques de vie chère.

Plus récemment, une proposition de loi transpartisane visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer a été adoptée à la suite d’un vote conforme de notre assemblée et du Sénat. Cette loi a été promulguée en décembre 2023 ([12]).

Lors de la session parlementaire 2024-2025, le groupe Socialistes et apparentés avait déjà mis à l’ordre du jour de sa journée réservée une proposition de loi concernant la vie chère dans les outremer pour laquelle notre collègue Béatrice Bellay avait été désignée rapporteure. Cette proposition visait à prendre des mesures d'urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ([13]).

Cette proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, à la quasi‑unanimité, et reste à ce jour en attente d’inscription à l’ordre du jour du Sénat.

De son côté, notre collègue sénateur Victorin Lurel a déposé une proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer ([14]) : adoptée par le Sénat le 5 mars 2025, elle reste en attente d’examen devant l’Assemblée nationale.

Ambitionnant de rassembler dans un texte unique diverses mesures proposées dans le cadre de ces différentes initiatives, le Gouvernement a déposé un projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer, qui a déjà été examiné en première lecture au Sénat ([15]), et qui devrait être examiné par notre assemblée dans les prochains mois.

En outre, les comités interministériels des outre-mer (Ciom) successifs ont permis de dialoguer autour des enjeux de la vie chère. Le deuxième axe du dernier Ciom, qui s’est tenu en juillet 2025 ([16]), était ainsi « la lutte contre la vie chère », quand celui de juillet 2023 proposait de « transformer les économies ultramarines pour créer de l’emploi et lutter contre la vie chère ».

De façon inédite, un protocole d’objectifs et de moyens pour lutter contre la vie chère en Martinique a été signé le 16 octobre 2024 par l’État, la collectivité territoriale de Martinique (CTM), les élus locaux, les distributeurs, les grossistes, les représentants des socio-professionnels, le Grand port maritime et le principal transporteur (CMA‑CGM). Il prévoyait la mise en œuvre, à partir de janvier 2025, d’un ensemble d’actions pendant une période d’observation d’une durée de trente-six mois, afin de faire baisser les prix de plus de six mille produits de consommation courante, essentiellement alimentaires, en Martinique. En avril 2025, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié un premier bilan de ce protocole « Vie chère » ([17]), constatant notamment que « les prix des produits concernés ont connu une baisse de 8,4 % en moyenne pour les trois distributeurs intégrés dans l’analyse ».

Si ces différents dispositifs ont permis des avancées notables, notamment sur la régulation de certains prix ou sur le soutien aux économies locales, ces avancées demeurent toutefois insuffisantes au regard des écarts de prix persistants entre la France hexagonale et les territoires ultramarins.

Votre rapporteur a donc déposé la présente proposition de loi, prenant en compte les travaux de contrôle déjà menés et les textes législatifs faisant déjà l’objet d’une navette parlementaire, afin de suggérer de nouvelles mesures concrètes visant à enrayer le phénomène de vie chère dans le secteur des services et à soutenir les ultramarins dans leur quotidien.

En effet, la vie chère dans les outre‑mer se manifeste particulièrement dans des secteurs stratégiques qui concernent le quotidien des habitants, tels que les tarifs postaux, les billets d’avion et les services bancaires :

– les coûts d’envoi d’un colis ou d’une lettre vers (ou depuis) les territoires ultramarins restent très élevés, notamment en raison de l’insularité, de l’éloignement et des coûts logistiques importants. La péréquation tarifaire avec les tarifs pratiqués en France hexagonale n’est que très partielle ;

– les prix des billets d’avion entre les territoires ultramarins et l'Hexagone, renchéris notamment par la pratique du « yield management » (cf. commentaire de l’article 2), apparaissent souvent exorbitants, alors que l’avion est souvent le seul moyen de transport possible pour effectuer des déplacements indispensables, accéder à certains services publics, se former, trouver un emploi ou simplement maintenir les liens familiaux.

– les tarifs bancaires sont généralement plus élevés dans les outre-mer qu'en Hexagone, par exemple pour les frais de tenue de compte ou la fourniture d’une carte de paiement, alors même que le droit en vigueur prévoit un alignement de ces tarifs bancaires sur ceux pratiqués en France hexagonale.

Ces trois secteurs illustrent donc de manière concrète comment la vie dans les outre‑mer se trouve renchérie par des facteurs structurels et conjoncturels, malgré certaines mesures législatives déjà existantes. Cette situation plaide donc pour la mise en œuvre de politiques publiques spécifiques et visant à réduire les surcoûts supportés par nos concitoyens ultramarins.

L’article premier de la proposition de loi vise à étendre aux outre-mer la péréquation tarifaire actuellement applicable aux envois postaux au sein de la France hexagonale, dans le cadre du service universel postal.

Aujourd’hui, cette péréquation tarifaire ne concerne que les envois de correspondance à l’unité d’un poids inférieur à 100 grammes en provenance et à destination des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, de Saint‑Pierre‑et-Miquelon, de Saint‑Barthélemy, de Saint-Martin, des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises, et la première tranche de poids pour les envois de correspondance à l’unité en provenance du territoire métropolitain ou de ces collectivités et à destination de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie.

L’article 2 propose de plafonner le prix des billets d’avion acquitté par les résidents ultramarins pour leurs déplacements depuis et vers la France hexagonale, mais aussi, lorsque cela est prévu par arrêté, pour leurs déplacements entre territoires d’outre-mer au sein d’une même zone géographique ou à l’intérieur d’une même collectivité.

Deux plafonds seraient créés : l’un, général, applicable aux résidents ultramarins, et l’autre pour les bénéficiaires actuels du bon délivré au titre de l’aide à la continuité territoriale. Pour ce second plafond, le prix acquitté par le bénéficiaire ne pourra excéder 50 % du prix du billet. La différence entre le prix total du billet et le prix plafonné serait prise en charge par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom).

L’article 3 prévoit de renforcer le dispositif de plafonnement des tarifs bancaires concernant les départements et régions d’outre-mer (Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, Guyane), ainsi que les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans ces territoires ultramarins, les établissements de crédit ne doivent pas pratiquer, sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, des tarifs bancaires dépassant la moyenne des tarifs pratiqués en France hexagonale.

Enfin, l’article 4 garantit la recevabilité financière de la proposition de loi.


   Commentaires des articles

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article prévoit d’aligner la péréquation tarifaire applicable en France hexagonale et dans les outre-mer dans le cadre du service universel postal. En l’état actuel du droit, les envois en provenance et à destination des outre-mer ne bénéficient de tarifs identiques à l’Hexagone que pour certaines catégories d’envois et de poids.

  1.   L’état du droit
    1.   La définition du service universel postal

L’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) définit le service universel postal (SUP). Celui-ci doit garantir à « tous les usagers, de manière permanente et sur l’ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. Ces services sont offerts à des prix abordables pour tous les utilisateurs. Les prix sont orientés sur les coûts et incitent à une prestation efficace, tout en tenant compte des caractéristiques des marchés sur lesquels ils s’appliquent ».

Le service universel postal comprend des offres de services nationaux et transfrontières pour les quatre types d’envois postaux suivants :

– envois postaux d’un poids inférieur ou égal à 2 kilogrammes ;

– envois de colis postaux jusqu’à 20 kilogrammes ;

– envois recommandés ;

– envois à valeur déclarée.

Délégalisé par le Conseil constitutionnel en juin 2025, l’article L. 2 du même code prévoit désormais que le prestataire du service universel postal est déterminé par décret ([18]). C’est La Poste qui assure aujourd’hui cette fonction ; elle est renouvelée dans ses fonctions pour une durée de dix ans à compter du 1er janvier 2026 ([19]).

L’article L. 2-2 dudit code prévoit que le prestataire du SUP perçoit une compensation de l’État au titre de cette mission. Cette compensation a représenté, ces dernières années, un montant compris entre 500 et 520 millions d’euros (M€), ce qui ne suffit pas à compenser l’activité déficitaire du service universel postal.

Source : Avis n° 2025-12 du 24 octobre 2025 de la Commission supérieure du numérique et des postes.

  1.   une application différenciée de la péréquation tarifaire aux envois postaux entre la France hexagonale et les outre-mer

Le sixième alinéa de l’article L. 1 du CPCE précise les tarifs applicables à certaines catégories d’envois postaux inclus dans le service universel postal, en France hexagonale, d’une part, et pour les envois en provenance et à destination des outre-mer, d’autre part.

En France hexagonale, « les services d’envois postaux à l’unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l’ensemble du territoire ». Cela signifie que, quelle que soit la distance parcourue par le courrier, le prix acquitté par l’émetteur est identique en tout point de l’Hexagone. Il s’agit donc d’une péréquation tarifaire, qui concerne uniquement les envois postaux à l’unité et exclut donc les envois en nombre.

Dans les outre-mer, la péréquation tarifaire dans le cadre du SUP est très partielle et varie selon la collectivité concernée. Ainsi :

– pour les envois en provenance et à destination des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, ainsi que pour Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint‑Barthélemy, Saint‑Martin, les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), seuls les envois de correspondance ([20]) à l’unité d’un poids inférieur à 100 grammes sont couverts par la péréquation tarifaire et sont donc proposés au même tarif que dans l’Hexagone. Les colis en sont donc notamment exclus ;

– pour les envois en provenance de l’Hexagone ou des collectivités susmentionnées et à destination de la Polynésie française et de la Nouvelle‑Calédonie, seuls sont couverts par la péréquation tarifaire les envois de correspondance à l’unité relevant de la première tranche de poids, c’est-à-dire les envois d’un poids inférieur à 20 grammes ([21]).

Auparavant, les envois en provenance et à destination des collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, Saint‑Pierre-et-Miquelon, Saint‑Barthélemy, Saint‑Martin, les îles Wallis et Futuna et les TAAF étaient également soumis à ce régime : l’article 45 de la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique avait permis d’y étendre la péréquation tarifaire aux envois de correspondance à l’unité jusqu’à 100 grammes.

Pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, en matière postale, seuls les envois en provenance de l’Hexagone ou des autres territoires d’outre-mer et à destination de ces collectivités sont couverts par la péréquation tarifaire, en raison des compétences dont elles disposent en application des lois organiques régissant leur statut ([22]).

  1.   Le dispositif proposé
    1.   L’absence de péréquation tarifaire intégrale des tarifs postaux contribue au phénomène de vie chère outre-mer

En ne permettant pas aux envois en provenance et à destination des outre‑mer de bénéficier des mêmes tarifs postaux que ceux appliqués dans l’Hexagone, les modalités d’application du service universel postal sont insatisfaisantes. Pourtant, la définition générale du SUP précise bien que celui-ci doit concourir « à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire » et qu’il est « assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité ».

La délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale a publié, en juin 2025, les conclusions d’une « mission flash » relative à la hausse des tarifs des colis postaux en outre-mer ([23]). Cette mission rappelle que les prix pratiqués pour l’envoi de ces colis contribuent à alimenter le phénomène de vie chère outre-mer.

Au 1er janvier 2025, alors que le tarif est de 10,70  pour un colis pesant entre 1 et 2 kg qui ne quitte pas l’Hexagone, la gamme « Colissimo outre‑mer » ([24]) propose, pour ce même colis, un tarif :

– de 22,70  pour un envoi de l’outre-mer vers l’Hexagone ;

– de 27,25  pour un envoi de l’Hexagone vers l’outre-mer ;

– de 35,25  pour un envoi de l’Hexagone vers les collectivités du Pacifique.

Les tarifs des envois de colis postaux ont connu une forte augmentation en raison de la crise sanitaire et ils n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant-crise. Plus structurellement, La Poste explique la différence de tarification applicable notamment par les distances parcourues, le coût du fret et les procédures fiscales et douanières.

La mission de la délégation aux outre-mer rappelle qu’en 2021, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) avait validé « une hausse inédite de 20 % des tarifs des colis expédiés depuis l’hexagone vers les outre-mer », contre 3,9 % seulement de hausse moyenne pour les tarifs des colis du SUP. La Poste rappelle que les coûts du fret étaient alors en forte augmentation, compte tenu des conséquences de la crise sanitaire de la covid-19. Au 1er janvier 2024, « une nouvelle hausse est intervenue, de 6,2 % pour les Colissimo outre-mer et 5,4 % pour les Colissimo France ». La Poste indique cependant qu’une baisse de 5 % des tarifs d’envoi entre la France hexagonale et les outre‑mer aura lieu au 1er janvier 2026 ([25]).

  1.   Garantir une péréquation tarifaire uniforme sur l’ensemble du territoire national pour les envois postaux

Afin de faire cesser une inégalité de fait entre les outre-mer et l’Hexagone pour l’accès au service public postal, l’article premier de la proposition de loi applique la péréquation tarifaire aux tarifs postaux de manière uniforme sur l’ensemble du territoire national. Il supprime donc la restriction du champ du service universel postal qui s’applique aujourd’hui dans les outre-mer.

Cet article modifie donc le sixième alinéa de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques :

– à la première phrase de cet alinéa, il précise que les services d’envois postaux à l’unité dans le cadre du SUP sont proposés au même tarif sur l’ensemble du territoire français, alors que seul le territoire métropolitain est mentionné dans la rédaction actuelle (1° de l’article 1er) ;

– il précise que tous les territoires d’outre-mer bénéficient des mêmes tarifs que l’Hexagone pour les envois de correspondance à l’unité entre Hexagone et outre-mer, en supprimant les restrictions de poids actuellement prévues pour l’application de cette péréquation tarifaire (2° et 3° de l’article 1er).

Ces modifications permettent donc de garantir l’application d’un même tarif, dans le cadre du service universel postal, pour les envois postaux à l’unité au sein de l’Hexagone et pour ceux en provenance et à destination des outre-mer.

Cela inclut donc, en particulier, une péréquation tarifaire entre Hexagone et outre-mer pour l’envoi de colis jusqu’à 20 kg.

Le droit de l’Union européenne ne s’oppose pas à la mise en place d’un service universel postal : l’article 12 de la directive 97/67/CE, modifié par la directive 2008/6/CE, dispose que, dans le cadre du service universel postal, « lorsque des raisons liées à l’intérêt public l’imposent, les États membres peuvent décider qu’un tarif uniforme est appliqué sur l’ensemble de leur territoire national et/ou au courrier transfrontière pour des services prestés au tarif unitaire et pour d’autres envois postaux ».

Il peut être rappelé qu’un mécanisme de péréquation tarifaire entre l’Hexagone et les outre-mer existe déjà pour la fourniture d’électricité dans les zones non interconnectées ([26]). Le coût de cette péréquation est calculé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dans le cadre de son évaluation des charges de service public de l’énergie (CSPE). Jusqu’en 2024, les opérateurs concernés étaient compensés de leurs surcoûts via une ligne budgétaire particulière du programme 345 « Service public de l’énergie ». La loi de finances pour 2025 prévoit désormais un financement de la péréquation tarifaire grâce à l’affectation d’une fraction d’accise sur les énergies de chauffage, hormis pour les soutiens à Saint-Barthélemy et Saint‑Martin, qui demeurent financés par le programme 345.

Il serait possible de financer cette mesure grâce à une hausse de quelques centimes d’euros du prix des envois postaux à l’unité en France hexagonale. L’extension de la péréquation tarifaire proposée à l’article premier pourrait également être financée grâce à l’affectation d’une fraction des recettes de la nouvelle taxe, prévue à l’article 22 du projet de loi de finances pour 2026, relative aux frais de gestion des petits colis en provenance de pays tiers.

Lors de la journée réservée au groupe LFI-NFP, le 27 novembre 2025, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, la proposition de loi relative à l’établissement de l’égalité d’accès au service public postal en outre-mer ([27]). Cette proposition comprend des dispositions presque identiques à celles du présent article premier.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’amendement rédactionnel CE1 de M. Max Mathiasin (Liot), qui substitue, à l’alinéa 2 de l’article premier, la notion de « territoire national » à celle de « territoire français ». Cet amendement a reçu un avis favorable du rapporteur.

Elle a également adopté l’amendement CE32 de son rapporteur. Outre les améliorations rédactionnelles qu’il apporte, cet amendement :

– remplace la notion d’« envois de correspondance à l’unité » par celle d’« envois postaux à l’unité » aux deux dernières phrases de l’alinéa 6 de l’article L. 1 du CPCE, par cohérence avec la rédaction de la première phrase de ce même alinéa, qui prévoit désormais que la péréquation tarifaire s’applique sur l’ensemble du territoire national pour les services d’envois postaux à l’unité ;

– conserve un traitement différencié pour l’application de la péréquation tarifaire en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. En raison de la compétence des autorités locales de ces territoires en matière postale, la péréquation ne peut couvrir que les envois en provenance de l’Hexagone ou des autres territoires d’outre-mer et à destination de ces deux collectivités.

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Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article crée un mécanisme de plafonnement des prix des billets d’avion acquittés par les résidents ultramarins sur les liaisons aériennes régulières entre la France hexagonale et les outre-mer. Deux plafonds seraient créés, l’un général et l’autre applicable aux bénéficiaires actuels du bon de continuité territoriale et garantissant au bénéficiaire de ne pas payer plus de 50 % du prix total du billet.

L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité prendrait en charge la part du prix du billet excédant le plafond.

  1.   L’état du droit
    1.   Le Principe de continuité territoriale

L’article L. 1803-1 du code des transports prévoit la mise en œuvre, par les pouvoirs publics, d’une « politique nationale de continuité territoriale au départ ou à destination de l’outre-mer » au bénéfice des personnes physiques régulièrement établies en France et des personnes morales de droit privé domiciliées dans les outre-mer. La politique de continuité territoriale doit notamment tendre à « atténuer les contraintes de l’insularité et de l’éloignement » et à rapprocher les conditions d’accès à un certain nombre de services publics dans les outre-mer de celles de l’Hexagone.

Cette politique de continuité territoriale prend la forme de diverses aides à la mobilité, financées par un fonds de continuité territoriale (voir tableau infra). Ces aides s’appliquent aux personnes ayant leur résidence habituelle en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint‑Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna ([28]). L’article L. 1803-3 du même code dispose que les résidents concernés peuvent bénéficier de telles aides sous conditions de ressources.

Ces aides peuvent aussi bénéficier, dans des conditions fixées par la loi, à des personnes résidant en France hexagonale.

Le fonds de continuité territoriale peut également financer des aides facilitant le retour de résidents ultramarins dans leur collectivité d’origine à l’issue d’une formation en mobilité.

Les différentes catégories d’aide à la continuité territoriale

 

Article du code des transports

Nature de l’aide

L. 1803-4

Aide à la continuité territoriale dite « grand public » : financement d’une partie des titres de transport entre la collectivité de résidence et le territoire métropolitain

L. 1803-4-1

Aide pour assister aux obsèques d’un parent au premier degré, d’un frère ou d’une sœur, du conjoint ou d’une personne liée par un PACS ou pour une dernière visite à un parent (financement d’une partie du titre de transport)

L. 1803-4-2

Aide au transport de corps (remboursement forfaitaire du prix du billet)

L. 1803-5

« Passeport pour la mobilité des études » : aide pour les étudiants de l’enseignement supérieur et ceux du second cycle de l’enseignement secondaire

L. 1803-5-1

« Passeport pour la mobilité de la formation en sites partagés » : aide pour les formations effectuées dans la collectivité de résidence mais dont une partie doit être effectuée en mobilité

L. 1803-6

« Passeport pour la mobilité de la formation professionnelle » : aide pour les personnes bénéficiant d’une mesure de formation professionnelle en mobilité

L. 1803-6-1

« Passeport pour le retour » : aide au retour pour un projet d’installation professionnelle

L. 1803-7

« Passeport pour la mobilité des actifs salariés » : aide aux personnes morales de droit privé au titre de la formation professionnelle de leurs salariés

L. 1803-7-1

« Passeport pour la mobilité des entreprises innovantes » : aide au financement de titres de transport nécessaires au développement de l’activité d’une entreprise innovante.

L’article D. 1803-12 du code des transports dispose que, sauf exceptions mentionnées à ce même article, ces aides ne sont pas cumulables entre elles. L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité précise qu’« à l’exception de l’aide à la continuité territoriale, tous les dispositifs de continuité territoriale [qu’elle gère] font l’objet d’une prise en charge à 100 % du transport aérien ».

Les aides à la continuité territoriale sont gérées par l’Agence de l’outremer pour la mobilité (Ladom), établissement public de l’État à caractère administratif, pour ce qui concerne les départements et régions d’outre-mer, ainsi que Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Ses ressources incluent notamment celles du fonds de continuité territoriale ([29]). Pour les collectivités françaises du Pacifique et Saint-Pierre-et-Miquelon, la gestion de ces aides est assurée par les services locaux de l’État.

Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit 63,82 M€ en autorisations d’engagement et 63,42 M€ en crédits de paiement au titre du fonds de continuité territoriale.

  1.   L’aide à la continuité territoriale dite « grand public » : une aide qui ne bénéficie en réalité qu’à une minorité d’ultramarins

L’aide à la continuité territoriale (ACT), définie à l’article L. 1803-4 du code des transports, a vocation à financer une partie des titres de transport des résidents ultramarins pour leurs déplacements entre leur collectivité de résidence et l’Hexagone.

Elle peut aussi financer, lorsque cela est prévu par arrêté, une partie des titres de transport pour se déplacer au sein entre collectivités d’une même zone géographique ou à l’intérieur d’une même collectivité « en raison des difficultés particulières d'accès à une partie de son territoire ».

Deux arrêtés ministériels fixent les montants des aides octroyées ainsi que les modalités d’accès à celles-ci. Le montant des aides en vigueur a été revalorisé à la suite du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de novembre 2023. En théorie, ces aides sont censées couvrir 50 % du coût du titre de transport ([30]).

 

Montant de l’aide à la continuité territoriale « grand public »

Source : article premier de l’arrêté du 18 novembre 2010 pris en application de l'article 13 du décret n° 2010-1424 du 18 novembre 2010 fixant les conditions d'application des II, III, IV et V de l'article 50 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et les limites apportées au cumul des aides au cours d'une même année

Pour les déplacements entre outre-mer, le montant de l’aide est fixé à 40 % du coût du titre de transport aérien. Toutefois, aucun déplacement entre outre-mer n’a, à ce jour, été rendu éligible au bénéfice de l’aide à la continuité territoriale dite « Grand public ».

L’aide est accordée pour toute personne rattachée à un foyer fiscal dont le rapport entre le revenu annuel et le nombre de parts ne dépasse pas 18 000  ([31]). Ce plafond a, lui aussi, été relevé à la suite du Ciom de 2023, puisqu’il n’était auparavant que de 11 991 € ([32]). Cette revalorisation doit permettre que, « selon les territoires ultramarins, entre 75 % et 91 % des foyers fiscaux deviennent ainsi éligibles à compter du 26 janvier 2024 » ([33]).

La décision d’aide doit précéder la réservation du titre de transport. L’aide à la continuité territoriale « Grand public » ne peut être versée au cours des trois années suivant la délivrance de la dernière aide ([34]).

En pratique, cette aide n’a de « Grand public » que le nom : la part de résidents ultramarins qui y ont effectivement recours est très faible, comme le montrent les chiffres ci-dessous.

Part de la population bénéficiant des bons d’aide à la continuité territoriale en 2024

Source : Ladom.

  1.   Le régime spécifique applicable à la corse

Au sein de l’Union européenne, le règlement n° 1008/2008 ([35]) permet d’imposer des obligations de service public en matière aérienne pour garantir des services aériens réguliers sur certaines liaisons « si cette liaison est considérée comme vitale pour le développement économique et social de la région desservie par l’aéroport ».

Ces dispositions s’appliquent à la liaison entre la Corse et la France hexagonale. Celle-ci est qualifiée, à l’article L. 1121-1 du code des transports, de « service public de continuité territoriale ».

Un « tarif résident » est fixé pour une telle liaison, dans le cadre d’une délégation de service public (DSP) faisant l’objet d’un appel d’offres. Cette DSP permet donc d’imposer des tarifs spécifiques, mais aussi des capacités et des fréquences de vol.

Le rapport de nos collègues sénateurs Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne sur la continuité territoriale outre-mer ([36]), publié en 2023, souligne que le financement de cette délégation de service public par l’État s’élève à 90 M€ pour la seule continuité aérienne.

La ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation a annoncé, fin novembre 2025, une augmentation de 50 M€ de la dotation totale allouée au dispositif de continuité territoriale avec la Corse, qui s’élèverait ainsi à 237 M€ pour 2026 ([37]).

  1.   Le dispositif proposé
    1.   un prix des billets d’avion trop élevé qui porte atteinte au principe de continuité territoriale

La mobilité des résidents ultramarins est entravée par un dispositif de continuité territoriale incomplet et laissant trop souvent un reste à charge difficilement supportable pour ses bénéficiaires. Le montant des aides octroyé dans le cadre de l’ACT censée être destinée au « Grand public » demeure ainsi insuffisant compte tenu du prix élevé des billets d’avion, particulièrement en haute saison. Le délai de carence de trois ans applicable à cette aide conduit à en faire un soutien d’exception. De surcroît, la multiplication de types d’aides assorties de critères différents ne simplifie pas leur mobilisation par les bénéficiaires potentiels, d’autant qu’elles ne sont pas octroyées de manière automatique.

Selon le dernier rapport d’activité de Ladom (2024), le dispositif de l’ACT « Grand public » a accompagné 67 841 bénéficiaires au titre de la vie quotidienne dans les DROM, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, contre 59 421 en 2023, soit une hausse de 14,2 % ([38]). La part de population bénéficiant des « bons ACT » demeure toutefois très faible, comme en attestent les chiffres mentionnés supra.

Votre rapporteur déplore également le manque de transparence sur le prix des billets d’avion, en particulier en raison de pratiques de tarification des compagnies aériennes suivant les principes du yield management. Cette pratique est définie par l’Institut national de la consommation comme consistant « à faire varier les prix en fonction du comportement de la demande des consommateurs ». Elle doit permettre à la compagnie aérienne d’optimiser le remplissage de ses vols et ses revenus. Des tarifs différenciés sont donc appliqués selon le moment où le billet d’avion est acheté, en fonction de la demande constatée. Les prix vont généralement augmenter avec la demande.

Cette politique tarifaire ne prend aucunement en compte les besoins et les moyens des résidents ultramarins. En outre, aucune concertation n’existe autour de la politique tarifaire pratiquée sur les lignes aériennes incluses dans le dispositif de continuité territoriale, comme cela peut exister, par exemple, pour la définition des prix pratiqués pour fixer le prix de certains biens de grande consommation dans le cadre du bouclier qualité-prix. Dans ce cas, l’observatoire des prix, des marges et des revenus est en effet consulté et des négociations avec les fournisseurs et les organisations professionnelles concernées peuvent ensuite prendre place.

De surcroît, les prix des billets d’avion ont flambé au moment de la crise de la covid‑19. Depuis cette date, la direction générale de l’aviation civile (DGAC) souligne une tendance baissière sur les vols de l’Hexagone vers les DOM (– 3,1 % entre 2023 et 2025), « soit une évolution plus favorable que celle observée pour l’ensemble des liaisons longcourriers (– 0,5 %) ». Le prix des billets depuis les DOM vers l’Hexagone a connu une hausse modérée au cours des deux dernières années (+ 1,2 %).

Toutefois, la tendance à long terme est bien à la hausse des prix et ceux-ci n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant-crise, comme le montre le graphique ci-dessous.

Évolution de l’indice des prix du transport aérien de l’Hexagone vers les DOM (2012-2024)
(indice 100 en 2017)

Source : Direction générale de l’aviation civile, La desserte aérienne Paris – DOM, 2025.

Votre rapporteur rappelle que l’avion n’est pas une option ou un confort pour les ultramarins : il est essentiel pour garantir la mobilité, l’accès à un certain nombre de services publics, le maintien des liens familiaux ou encore les déplacements professionnels.

  1.   le plafonnement des prix des billets d’avion acquittés par les résidents ultramarins dans le cadre de la politique de continuité territoriale

L’article 2 propose de plafonner les prix des billets payés par les résidents ultramarins pour les liaisons aériennes régulières concernées par le dispositif de continuité territoriale, c’est-à-dire celles entre l’Hexagone et les outre-mer et, le cas échéant, celles entre certaines collectivités d’outre-mer (voir IA supra). Ce plafonnement permettra de diminuer le reste à charge des bénéficiaires concernés et de favoriser leur mobilité. La mise en œuvre de la continuité territoriale s’en trouvera améliorée.

Deux tarifs plafonds seraient créés à l’article L. 1803-4 du code des transports :

– un premier plafond général « résident » (1° de l’article), fixé par décret, s’appliquerait à tout résident ultramarin justifiant de sa résidence fiscale principale dans l’un des territoires d’outre-mer auxquels s’applique la continuité territoriale. Le tarif varierait selon la collectivité, afin de tenir compte de la distance parcourue, des caractéristiques de desserte et des coûts moyens observés sur la ligne aérienne concernée ;

– un second plafond spécifique « résident » (2° de l’article) s’appliquerait aux personnes aujourd’hui éligibles à un bon délivré au titre de l’aide à la continuité territoriale. Ce nouveau plafond aurait vocation à se substituer à la délivrance d’un bon. Les bénéficiaires ne paieraient pas plus de 50 % du prix moyen du billet sur la liaison aérienne concernée.

L’indice du prix du transport aérien de passagers (Iptap) publié mensuellement par la direction générale de l’aviation civile pourrait servir de référence pour déterminer le prix moyen du billet, dans le cadre d’une concertation entre les différentes parties prenantes autour du préfet. La direction générale des outre-mer (DGOM) a souligné, au cours de son audition, l’importance des instances de concertation qui existent sur certains enjeux liés à la cherté de la vie outre-mer, à l’instar de celles formalisées pour le bouclier qualité-prix ou les tarifs bancaires.

La part du prix du billet d’avion excédant le plafond sera prise en charge par Ladom, qui s’en acquittera auprès des transporteurs selon des modalités définies par voie réglementaire.

Alors qu’un délai de carence de quatre ans est aujourd’hui applicable à l’aide à la continuité territoriale dite « Grand public », votre rapporteur souhaite que le nouveau mécanisme de plafonnement du prix des billets d’avion s’applique à un trajet aller‑retour tous les deux ans au moins.

Plus généralement, l’ensemble des modalités d’application de l’article devront être précisées par arrêté.

La DGAC souligne qu’en droit de l’Union européenne, « le marché intérieur de l’aviation (…) ne permet pas un blocage ni un plafonnement des prix aériens », sauf pour le cas des DSP. La présente disposition peut, en revanche, être considérée comme une aide sociale au transport en faveur des habitants des régions périphériques ([39]) : une telle aide est considérée comme compatible avec le marché intérieur et exemptée de l’obligation de notification sous certaines conditions.

En particulier, ces aides « doivent bénéficier dans leur intégralité aux consommateurs finals dont la résidence normale se trouve dans une région périphérique ».

  1.   Un dispositif inspiré de plusieurs travaux parlementaires et d’exemples étrangers
    1.   Une demande d’évolution déjà formulée par plusieurs rapports parlementaires

Le dispositif proposé à l’article 2 est directement inspiré de la proposition n° 10 du rapport précité de nos collègues sénateurs Guillaume Chevrollier et Catherine Conconne sur la continuité territoriale outre-mer, à savoir « réduire l’impact de la saisonnalité des prix des billets d’avion grâce à un tarif plafond pour les résidents ».

Ce rapport souligne que les prix des billets « atteignent désormais des prix stratosphériques à certaines périodes, en particulier si la réservation est tardive », que l’ACT au forfait ne suffit plus à assurer la continuité territoriale et que l’effort budgétaire par habitant fourni au titre de cette aide est comparativement moins élevé que pour le service public de continuité territoriale avec la Corse (ou que les montants mobilisés pour des dispositifs de continuité territoriale en Espagne et au Portugal).

Source : Sénat, Rapport d’information sur l’aide à la continuité territoriale outre-mer, 2023.

S’agissant du risque que les transporteurs relèvent leurs prix, les sénateurs relèvent que les résidents ultramarins ne représentent « qu’une part minoritaire des passagers sur la plupart des lignes », que des prix excessifs seraient pénalisants pour l’ensemble des voyageurs, notamment les touristes, et que si « de telles pratiques se répandaient, l’image des compagnies serait très dégradée et l’État régulateur interviendrait. Les lignes vers les outre-mer font partie des plus surveillées par la DGAC ». Nos collègues admettent que la mise en place d’un tel mécanisme de plafonnement nécessiterait un effort budgétaire important. Votre rapporteur juge néanmoins cet effort essentiel pour rendre effectif le principe de continuité territoriale, tout en formalisant un dialogue annuel sur le sujet, comme évoqué précédemment, afin de calibrer au mieux cette politique de soutien.

Plus récemment, un rapport de nos collègues Olivier Serva et Annie Vidal sur l’évaluation de l’application du principe de continuité territoriale propose aussi, dans sa recommandation n° 11, d’« expérimenter la mise en place d’un tarifplafond sur le prix des billets d’avion au bénéfice des résidents ultramarins, afin de lutter contre les surcoûts liés à la saisonnalité et accroître l’accessibilité financière de la desserte aérienne » ([40]).

  1.   Des dispositifs de plafonnement existent déjà dans d’autres pays de l’Union européenne

Le dispositif de plafonnement proposé par l’article 2 se rapproche d’un mécanisme mis en place par le Portugal pour les liaisons avec les archipels des Açores et de Madère ([41]). Il existe en effet une « subvention sociale de mobilité » en faveur des personnes qui résident et travaillent dans les régions autonomes de Madère et des Açores et des étudiants effectuant des voyages entre le continent et les archipels. Cette subvention prend la forme d’un plafond, qui varie selon le prix du billet. Le coût de la subvention est de 70 M€ en 2019. La DGAC indique que la compagnie aérienne concernée avance la somme correspondante et se fait rembourser par l’État ; auparavant, le passager avançait le prix du billet, puis se faisait rembourser.

Il existe aussi un mécanisme proche de ce qui est proposé par l’article 2 en Espagne, pour les liaisons avec l’archipel des Canaries, les Baléares et les enclaves de Ceuta et de Melilla. Dans ce cas, une réduction tarifaire à hauteur de 75 % du prix du billet d’avion s’applique. Les liaisons par bateau bénéficient également d’une réduction tarifaire. La réduction est calculée directement au moment de l’achat du billet par le bénéficiaire, charge au transporteur de se faire rembourser ensuite par l’État. Le coût de ce dispositif était de 823 M€ au total en 2023 (bateau et avion).

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté plusieurs amendements du rapporteur.

L’amendement CE34 propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 2 de l’article 2. Outre des clarifications rédactionnelles, il permet de viser plus précisément les titres de transport aériens éligibles au dispositif de plafonnement mis en place, c’est-à-dire ceux déjà inclus dans la rédaction actuelle de l’article L. 1803‑4 du code des transports. Sont ainsi inclus les titres de transport pour effectuer des déplacements entre l’Hexagone et les outre-mer, mais aussi, lorsque cela est prévu par arrêté, les déplacements entre outre-mer d’une même zone géographique ou à l’intérieur d’une même collectivité, lorsqu’il existe des difficultés particulières d’accès à une partie du territoire de celle-ci.

L’amendement CE39 précise que le tarif plafond général « résident » sera appliqué sous conditions de ressources, afin d’exclure de ce dispositif de soutien les foyers les plus aisés.

L’amendement CE33 renvoie à un unique décret l’ensemble des modalités d’application de l’article 2.

L’amendement CE37 crée un dispositif de concertation sur les prix des billets d’avion dans le cadre du mécanisme de plafonnement, sur le modèle de la concertation existant pour le bouclier qualité-prix ou pour le plafonnement des tarifs des services bancaires de base (voir, infra, le commentaire de l’article 3 de la proposition de loi). Chaque année, le préfet réunira les compagnies aériennes et les membres de l’observatoire des prix, des marges et des revenus. Cette réunion devra permettre de déterminer les modalités de calcul du prix moyen du billet, ce prix moyen fondant l’application des tarifs plafonds « résident ».

Le calcul du prix moyen du billet est déterminant. Votre rapporteur souhaite notamment limiter les conséquences des hausses liées à la saisonnalité et au yield management sur le reste à charge des résidents ultramarins : il faudra donc tenir compte de ces paramètres lors de l’établissement de ce prix moyen. Plus généralement, la concertation proposée devra permettre d’apporter davantage de transparence sur les pratiques tarifaires des compagnies aériennes.

L’amendement CE35 précise que le tarif plafond « résident » devra s’appliquer automatiquement au moment de la réservation du titre de transport, afin de garantir un accès facilité à cette aide et limiter le taux de non-recours à celle-ci. Les compagnies aériennes pourront ensuite demander à Ladom le remboursement auquel elles ont droit. Ce système d’application automatique d’un tarif spécifique existe déjà :

– en Espagne, pour les tarifs applicables aux résidents des Canaries ou des Baléares, un « certificat de résidence pour les voyages » est délivré aux bénéficiaires, qui renseignent ensuite les informations liées à ce certificat au moment de la réservation du billet d’avion ;

– en France, pour les tarifs spécifiques applicables aux résidents corses pour les liaisons avec l’Hexagone, il existe un système de numéro d’accréditation à demander par le bénéficiaire, valable une année. Ce numéro est ensuite saisi lors de la réservation pour appliquer directement le tarif réduit.

La commission des affaires économiques a également adopté l’amendement CE16 de M. Jiovanny William (SOC), qui impose aux compagnies aériennes un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi pour mettre en conformité leurs systèmes d’exploitation avec les obligations prévues à l’article 2, en particulier pour permettre l’identification des bénéficiaires éligibles directement lors de la réservation du titre de transport.

La commission a également adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur (CE19 et CE20).

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Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article prévoit, sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, que les tarifs bancaires des services de base pratiqués par les établissements de crédit dans les départements et régions d’outre-mer et dans les collectivités d’outre‑mer de Saint-Barthélémy, de Saint-Martin et de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon ne puissent dépasser la moyenne des tarifs pratiqués par ces mêmes établissements en France hexagonale.

  1.   L’état du droit
    1.   des écarts importants de tarification bancaire entre la France hexagonale et les outre-mer justifiant un encadrement spécifique

L’article 81 de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière a confié à l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) et à l’Institut d’émission d’outre-mer (Ieom) la mission de mettre en place et de gérer un « observatoire des tarifs bancaires » dans leurs zones d’intervention respectives :

– les départements et collectivités d’outre-mer (DCOM) de la zone euro pour l’Iedom, c'est-à-dire les départements et régions d’outre-mer (Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, Guyane) et les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon ;

– les collectivités françaises du Pacifique pour l’Ieom, c’est-à-dire la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie. 

Les observatoires des tarifs bancaires de l’Iedom et l’Ieom ont pour mission de suivre l’évolution des tarifs bancaires dans ces territoires ultramarins : à cette fin, ces institutions relèvent chaque semestre, au 1er avril et au 1er octobre, dix‑sept services bancaires pour l’ensemble des établissements financiers exerçant leur activité dans les territoires susmentionnés.

Ces relevés visent notamment à vérifier la convergence des tarifs bancaires appliqués dans les outre-mer avec ceux de l’Hexagone.

Afin de permettre les comparaisons avec l’Hexagone, les publications des observatoires des tarifs bancaires incluent les moyennes des tarifs hexagonaux issues de l’observatoire des tarifs bancaires du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). 

Dans les territoires du Pacifique, des dispositions spécifiques ont été introduites : le Gouvernement a la possibilité de fixer, par décret, les valeurs maximales que les établissements financiers peuvent facturer pour un certain nombre de services bancaires (article L. 752-3 du code monétaire et financier pour la Nouvelle-Calédonie, article L. 753-3 du même code pour la Polynésie française). Les dispositions légales privilégient néanmoins, au préalable, des négociations entre les établissements financiers et le Haut-Commissaire, afin d’obtenir un accord de modération des prix des services bancaires (articles L. 752-4 et L. 753-4 du même code).

En 2025, les tarifs pratiqués par les établissements bancaires présents dans les DCOM de la zone euro sont encore, pour certains, supérieurs aux tarifs hexagonaux : huit tarifs sur les quatorze de l’extrait standard demeurent supérieurs à ceux de l’Hexagone.

Comparaison des niveaux moyens des tarifs bancaires entre les DCOM de la zone euro et la France hexagonale (avril 2025)

Source : observatoire des tarifs bancaires dans les DCOM de la zone euro (Rapport annuel 2024-2025 de l’Iedom, page 12).

S’agissant des tarifs pratiqués par les établissements présents dans les COM du Pacifique, cinq tarifs de l’extrait standard suivis par l’observatoire sont inférieurs aux tarifs hexagonaux et cinq sont supérieurs (les autres étant non significatifs ou gratuits dans les deux zones).

Comparaison des niveaux moyens des tarifs bancaires entre les collectivités françaises du Pacifique et la France hexagonale (avril 2025)

Source : observatoire des tarifs bancaires dans les COM (rapport annuel 2024-2025 de l’Ieom, p. 7).

  1.   Un encadrement des tarifs bancaires insatisfaisant
    1.   De premières avancées prometteuses

Publié en 2014, le rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) sur la tarification des services bancaires dans les départements et collectivités d’outre-mer ([42]), dit rapport « Constans », estimait que, sur la période 2009-2014, avait été constatée une convergence des tarifs bancaires des DCOM de la zone euro avec l’Hexagone, notamment depuis la mise en place des observatoires des tarifs bancaires.

Créé par la loi n° 2012‑1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite loi « Lurel », l’article L. 711-22 du code monétaire et financier (CMF) interdit aux banques de facturer les services bancaires de base, dans les territoires ultramarins mentionnés, à des tarifs supérieurs à la moyenne pratiquée en France hexagonale par le groupe auxquelles elles appartiennent. Cet article dispose également que les établissements de crédit exerçant dans les DCOM de la zone euro participent, chaque année, en présence de l’Iedom, à une réunion présidée par le représentant de l'État pour déterminer ces tarifs.

Le communiqué qui accompagnait la publication, le 30 juillet 2014, du rapport Constans soulignait ainsi que « le Gouvernement (…) partage les conclusions de ce rapport, qui recommande la convergence avec les tarifs métropolitains (…) selon des modalités et un rythme qui tiennent compte des réalités économiques dans ces territoires (…). Dès le mois de septembre [2014], les établissements de crédit et les associations de consommateurs seront associés, dans le cadre du CCSF, à la mise en œuvre de ce dispositif ».

Des réunions rassemblant les établissements de crédit concernés se sont donc tenues, sous l’égide des préfets, en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Elles ont conduit à la signature d’accords avec trois protocoles, qui comportaient notamment un engagement de convergence pour les frais de tenue compte à l’horizon 2017. En Guyane, une réunion s’est tenue début 2016 afin de mettre en œuvre des mesures permettant d’atteindre l’objectif de convergence des frais de tenue de compte à l’horizon 2017.

Le rapport sur la tarification des services bancaires dans les départements et collectivités d’outre-mer (2018) ([43]), dit rapport « Dromer »,  salue le succès global de cette approche : il note des avancées notables vers une convergence des frais de tenue de compte, bien que l’objectif ne soit pas encore atteint dans tous les territoires, et une baisse des tarifs bancaires, assurant que « les accords de concertation ont conduit à la réduction des frais de tenue de compte » ([44]).

  1.   Un essoufflement des efforts de convergence se traduisant par un creusement des écarts entre l’Hexagone et les outre-mer
    1.   L’interruption des accords de concertation dans les DCOM de la zone euro, malgré des résultats probants et un cadre légal toujours en vigueur

En dépit du succès global de la démarche de convergence des tarifs bancaires entre les territoires ultramarins et la France hexagonale, notamment mis en évidence par le rapport Dromer, ces accords n’ont pas été reconduits.

Ainsi, les réunions annuelles entre les établissements de crédit présents dans les collectivités ultramarines concernées, l’Iedom et le représentant de l’État, pourtant prévues annuellement par l’alinéa 2 de l’article L. 721‑17 du code monétaire et financier ([45]), ne se tiennent plus depuis 2018.

Si cette situation n’exclut pas que le préfet, le président de la Fédération bancaire et le directeur de l’Iedom se rencontrent régulièrement dans certains territoires, les accords triennaux, qui avaient permis une convergence tarifaire dans le secteur bancaire, ont disparu depuis dans les territoires ultramarins.

Votre rapporteur appelle donc à revitaliser ces instances de concertations pour avancer, de nouveau, vers une convergence tarifaire. En ce sens, il est notamment proposé d’y associer les parlementaires élus sur ces territoires et les associations de consommateurs.

  1.   Un creusement des inégalités tarifaires entre les outre‑mer et l’Hexagone dans le secteur bancaire

Au cours de la période récente, les écarts de tarifs bancaires se sont de nouveau accrus entre les DCOM et la France hexagonale, comme en témoigne le tableau ci-après.

 

Évolution des tarifs bancaires entre les DCOM de la zone euro et l’Hexagone (2014-2025)

Source : observatoire des tarifs bancaires dans les départements et collectivités d’outre-mer de la zone euro (Rapport annuel 2024-2025 de l’Iedom, page 13).

Le rapport annuel 2024-2025 de l’observatoire des tarifs bancaires dans les DCOM de la zone euro explique notamment que, en avril 2025, « parmi les quatorze services bancaires de l’extrait standard, huit affichent une tarification moyenne pondérée en augmentation (soit deux de plus qu’en 2024), dont quatre sont supérieures à 1,30 € (aucune hausse ne dépassait 90 centimes en 2024) ».

Dans le détail, les huit territoires ultramarins présentent au moins la moitié de leurs tarifs moyens pondérés supérieurs à ceux de l’Hexagone. Alors que ce non‑respect du plafonnement concerne au moins sept tarifs sur quatorze en Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon, cette proportion est plus élevée aux Antilles, où elle concerne neuf tarifs sur quatorze en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et en Martinique.

Par ailleurs, le rapport annuel 2025 de l’observatoire des tarifs bancaires ([46]) montre que la moyenne des tarifs de tenue de compte est supérieure dans les DCOM de 4,14 euros par rapport à celle observée dans l’Hexagone (21,78 euros par an). Autre exemple : pour la fourniture d’une carte de paiement à autorisation systématique, un tarif moyen de 36,14 euros s’applique dans les DCOM, contre 28,68 euros dans l’Hexagone. Le rapport indique en outre que ce tarif de carte est en augmentation depuis 2022, avec une hausse plus forte en valeur en 2025.

Entre avril 2024 et avril 2025, plusieurs hausses de tarifs bancaires sont observées par l’Iedom dans son dernier rapport ([47]). Les frais de tenue de compte affichent la plus forte hausse des tarifs bancaires (+ 2,95 €, soit + 12,84 %) après la stabilité observée en 2023 (+ 0,67 %) et la baisse en 2024 (– 1,33 %). Si la majorité des tarifs bancaires hexagonaux sont également en hausse sur un an (11 tarifs sur 14), ces évolutions sont globalement plus faibles que dans les outre-mer.

Il convient toutefois de noter que :

– les tarifs des services bancaires sont calculés sous forme d’une moyenne pondérée par la taille de marché de chaque banque, pour chaque type de produit : cela ne rend pas compte de la différente répartition des parts de marché des banques présentes en Hexagone et dans les outre-mer, qui pourrait influer sur des différences de tarifs ;

– au cours de la dernière année, les variations de l’écart entre les tarifs ultramarins et les tarifs hexagonaux peuvent s’expliquer par l’évolution du périmètre bancaire hexagonal : dans le rapport du CCSF 2025, la moyenne hexagonale intègre trois établissements de paiement (N26, Nickel et Revolut) qui ne sont pas compris dans le périmètre établi pour les outre‑mer. Or, ces nouveaux établissements ont entraîné une diminution de certains tarifs moyens hexagonaux calculés par le CCSF, contribuant à creuser les écarts de tarification.
Votre rapporteur appelle donc à ce que ces établissements de paiement soient également intégrés au périmètre bancaire des outremer, afin d’améliorer la pertinence des comparaisons tarifaires avec l’Hexagone ;

– le creusement des écarts peut également être lié à l’effet de rattrapage des tarifs par les banques, dans un contexte marqué par la fin de la faible inflation.

Les tarifs bancaires dans les collectivités françaises du Pacifique

Dans les collectivités d’outre-mer (COM) du Pacifique, le rapport Constans de 2014 avait démontré que la majorité des tarifs étaient stables ou en légère hausse depuis 2009. Le rapport ajoutait que les trois territoires du Pacifique présentaient une majorité de leurs tarifs moyens supérieurs aux tarifs métropolitains et, en particulier, que la quasi-totalité des tarifs de l’extrait standard étaient supérieurs à ceux de l’Hexagone.

Pris dans leur ensemble, ces COM ne connaissaient donc pas la baisse déjà engagée dans les départements d’outre-mer : il n’existait pas de dynamique de convergence comparable à celle relevée pour la zone des DCOM de la zone euro

Les premiers accords ont été signés en décembre 2013, pour la Nouvelle‑Calédonie, et en décembre 2014, pour la Polynésie française, avec un objectif de convergence avec l’Hexagone (avis du CCSF, septembre 2014).

Le rapport Dromer de 2018 a établi un premier bilan positif de ce processus pour les COM, invitant au renouvellement de ces accords triennaux. 

En Nouvelle-Calédonie, l’accord triennal, signé en décembre 2021 par les quatre banques locales et l’Office des Postes et télécommunications (OPT NC) couvrait la période courant de 2022 à 2024. Il portait notamment sur un plafonnement de la hausse de certains tarifs locaux, limité à l’amplitude de la hausse en France hexagonale, ainsi que sur le maintien de la gratuité et du niveau de certains autres tarifs. Les engagements pris dans l’accord ont été respectés. 

Fin 2024, un nouvel accord a été signé pour une durée de trois ans. Il est entré en vigueur au 1er janvier 2025. Il formalise la volonté des parties de maintenir la démarche de convergence tarifaire avec l’Hexagone et d’accentuer la promotion des mesures à destination de la clientèle fragile. 

En Polynésie française, l’accord triennal signé en novembre 2022 couvre la période de 2023 à 2025. Il porte notamment sur la diminution de quatre tarifs, ainsi que sur le gel des tarifs des services les plus couramment utilisés. En octobre 2024, les trois établissements de crédit polynésiens (BDP, BDT et Socredo) respectent cet accord.

  1.   Des coûts structurels supérieurs dans les outre-mer, qui ne justifient néanmoins pas de tels écarts de tarifs

D’après l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Iedom, les établissements bancaires ultramarins supportent, d’une manière générale, des coûts supérieurs, notamment compte tenu de la taille de leur marché et de coûts de structure plus élevés (informatique, coût du personnel, etc.). Par ailleurs, ils sont confrontés à un coût du risque supérieur dans les outre‑mer par rapport aux établissements hexagonaux. La sinistralité bancaire y est aussi plus élevée : le taux de créances douteuses des établissements locaux atteint 4,6 % à la fin de l’année 2024 dans les DCOM de la zone euro, et 5,7 % dans les COM du Pacifique, contre 2,9 % pour la France entière.

L’ACPR et l’Iedom reconnaissent toutefois que, malgré des coûts structurels plus élevés dans les outre-mer, les tarifs bancaires pratiqués ne sont pas strictement représentatifs des coûts réels : « ils relèvent de pratiques commerciales et peuvent être le reflet d’un manque de concurrence locale » ([48]).

Votre rapporteur estime donc qu’il est nécessaire d’agir pour modérer les prix des tarifs bancaires dans les territoires ultramarins.

Il convient de noter que le renouvellement depuis 2014 d’accords locaux en Nouvelle‑Calédonie et en Polynésie Française a permis une convergence vers les tarifs hexagonaux, au moins sur les tarifs suivis. Ces accords sont signés entre les établissements locaux et les gouvernements locaux. Toutefois, dans les DCOM de la zone euro, les accords ont peu à peu cessé de s’appliquer dès 2018, ce qui peut expliquer en partie le recul de la convergence tarifaire avec l’Hexagone.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Renforcer l’encadrement des tarifs bancaires dans les outre-mer

Visant à assurer une égalité d’accès aux services bancaires, renforcer la solidarité nationale et corriger les profondes disparités qui tendent aujourd’hui à éloigner les outre-mer de la France hexagonale, l’article 3 de la présente proposition de loi prévoit de renforcer l’interdiction, pour les établissements bancaires et les caisses régionales, de pratiquer, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte et La Réunion) et dans les collectivités d’outremer de Saint-Barthélémy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, des tarifs bancaires supérieurs à la moyenne des tarifs pratiqués par ces mêmes établissements en France hexagonale, pour des services de base mentionnés au III de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier (CMF) et dont la liste est dressée à l’article D. 312-5-1 du même code.

Cet article reprend également la disposition prévoyant que les établissements de crédit participent annuellement à une réunion, présidée par le représentant de l’État, avec l’Iedom, pour définir les mesures nécessaires à la détermination des tarifs bancaires au sein des territoires ultramarins concernés.

L’article 3 de la proposition de loi fait référence à l’article L. 711-22 du code monétaire et financier, qui avait été créé par l’article 16 de la loi n° 2012‑1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite loi « Lurel » pour encadrer les tarifs bancaires pratiqués dans les départements et collectivités d’outre-mer (DCOM) de la zone euro.

L’ordonnance n° 2021‑1200 du 15 septembre 2021 ([49]), entrée en vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2022-231 du 24 février 2022, a abrogé cet article et l’a recodifié à l’article L. 721-17 du code monétaire et financier.

En l’état, ce dispositif prévoit d’interdire aux banques de facturer les services bancaires de base à des tarifs supérieurs à la moyenne pratiquée en France hexagonale par le groupe auxquelles elles appartiennent. Les services bancaires de base sont définis à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier et correspondent au droit au compte et prestations de base définies à l’article D. 312‑5‑1 du même code (ouverture, tenue de compte, un changement d’adresse par an, prélèvement et virement Sepa et carte de paiement à autorisation systématique, etc.).

Les services bancaires de base concernés par le plafonnement de tarif dans les outre‑mer

Les services bancaires de base, listés par l’article D. 312‑5‑1 du code monétaire et financier, comprennent :

– l'ouverture, la tenue et la clôture du compte ;

– un changement d'adresse par an ;

– la délivrance à la demande de relevés d'identité bancaire ;

– la domiciliation de virements bancaires ;

– la fourniture mensuelle d'un relevé des opérations effectuées sur le compte ;

– l'encaissement de chèques et de virements bancaires ;

– les paiements par prélèvements SEPA, titre interbancaire de paiement SEPA ou par virement bancaire SEPA, ce dernier pouvant être réalisé aux guichets ou à distance ;

– des moyens de consultation à distance du solde du compte ;

– les dépôts et les retraits d'espèces au guichet de l'organisme teneur de compte ;

– une carte de paiement dont chaque utilisation est autorisée par l'établissement de crédit qui l'a émise permettant notamment le paiement d'opération sur internet et le retrait d'espèces dans l'Union européenne ;

– deux formules de chèques de banque par mois ou moyens de paiement équivalents offrant les mêmes services ;

– la réalisation des opérations de caisse.

Le plafonnement des tarifs bancaires pratiqués dans les outre-mer à la moyenne de ceux pratiqués en France hexagonale existe donc d’ores et déjà dans le droit actuellement en vigueur.

Toutefois, ces dispositions restent à ce jour peu, voire pas, appliquées.

En effet, malgré un encadrement prévu par la loi, les écarts entre les tarifs bancaires ultramarins et ceux de l’Hexagone continuent globalement de se creuser.

Or, bien que la loi confie à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution la mission de faire respecter ces obligations et lui octroie les moyens de sanctionner leur non-respect, aucune sanction n’a été prononcée sur le fondement des dispositions de l’article L. 721-17 du code monétaire et financier.

De même, alors que l’article précité prévoit une concertation annuelle des établissements bancaires, de l’Iedom et du préfet territorialement compétent, ces réunions n’ont plus eu lieu depuis 2018 dans les DCOM de la zone euro. Les accords de concertation, qui permettent d’avancer vers une convergence tarifaire, n’ont par ailleurs pas été reconduits.

Dans ce contexte, il est apparu nécessaire à votre rapporteur de renforcer le dispositif en vigueur.

  1.   Faire garantir le respect du plafonnement par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution

L’article 3 enrichit le dispositif prévu pour l’encadrement des tarifs bancaires dans les territoires ultramarins concernés, en prévoyant formellement un contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) – et ce, bien que ce rôle lui soit déjà assigné par l’article L. 612-1 du code monétaire et financier.

Afin que cette institution sui generis puisse remplir pleinement cette mission, l’article attribue à l’ACPR des pouvoirs propres de mise en demeure et de sanction pécuniaire dédiés à ce contrôle.

Les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

L’ACPR dispose déjà du droit de mettre en demeure un établissement relevant de son contrôle de se conformer au respect des dispositions auxquelles elle a pour mission de veiller (L. 612-31 du code monétaire et financier) et de prononcer des sanctions à son encontre (articles L. 612-38 et suivants du CMF).

Ces prérogatives s’exercent de la même manière sur le territoire de la France hexagonale  que dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution ou dans les collectivités d’outre‑mer, relevant de l’article 74 de la Constitution, de Saint-Barthélémy, de Saint‑Martin et de Saint-Pierre-et Miquelon.

Dans le cadre de ses missions de contrôle, la commission des sanctions de l’ACPR a par exemple prononcé une sanction pour des manquements liés aux frais bancaires à l’encontre de « BNP Paribas Réunion » le 5 novembre 2021 (procédure  202007) ([50]) : en l’espèce, un blâme et une sanction pécuniaire de trois millions d’euros ont résulté de ce jugement, notamment pour non-respect de certains plafonds prévus par la règlementation.

Toutefois, à ce jour, l’ACPR reconnaît qu’aucune sanction n’a été rendue par la commission des sanctions sur le fondement du non-respect des dispositions des articles L. 711-22 ou L. 721-17 du code monétaire et financier relatifs à l’interdiction de pratiquer, dans les DCOM de la zone euro, des tarifs bancaires pour des services de base supérieurs à la moyenne de ceux pratiqués dans l’Hexagone.

L’article 3 formalise, de surcroît, une prérogative nouvelle de l’ACPR : celle d’enjoindre aux établissements de crédit de rembourser aux clients lésés les sommes indûment perçues par suite du dépassement des plafonds fixés.

À ce jour, le pouvoir d’injonction de la commission des sanctions se limite à l’exécution des décisions qu’elle prononce. La possibilité envisagée relève davantage du collège de supervision de l’Autorité, au titre de ses pouvoirs de police administrative, qui peut déjà enjoindre un établissement de crédit de se conformer aux dispositions de l’article L. 721-17 du code monétaire et financier. L’ACPR indique avoir déjà demandé, dans d’autres domaines, le remboursement de clients ayant été lésés.

Cet article prévoit également que l’ACPR établisse, chaque année, un rapport présentant les mesures prises en application des dispositions précitées, le cas échéant, les manquements constatés et les sanctions prononcées.

 

  1.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Outre plusieurs amendements rédactionnels ou de coordination juridique du rapporteur (CE21, CE23, CE24, CE29), la commission a adopté :

– L’amendement CE22 du rapporteur, qui précise la rédaction du dispositif prévoyant que les établissements de crédit ne peuvent pratiquer des tarifs supérieurs à la moyenne des tarifs pratiqués en France hexagonale pour les mêmes services bancaires de base ;

– Les amendements CE25 et CE26 du rapporteur, qui permettent respectivement d’associer les parlementaires élus dans la collectivité ultramarine concernée et les associations de consommateurs à la réunion de concertation qui doit se tenir annuellement entre les établissements de crédit, le représentant de l’État et l’Iedom ;

– L’amendement CE27 du rapporteur, qui simplifie la rédaction de l’alinéa 4 et prévoit que l’ACPR enjoigne systématiquement aux établissements de crédit qui ne respecteraient pas l’encadrement des tarifs bancaires de rembourser à leurs clients les sommes indûment perçues ;

– L’amendement CE28 du rapporteur qui, au lieu d’inviter l’ACPR de produire un rapport supplémentaire consacré au plafonnement des tarifs bancaires, vise à ce que soit complété le rapport déjà publié semestriellement par l’observatoire des tarifs bancaires de l’Iedom. L’amendement précise que les comparaisons entre la France hexagonale et les outre‑mer devront se faire à périmètre constant. Il prévoit également que le rapport présentera les mesures prises en application du dispositif de plafonnement des tarifs bancaires et qu’il mentionnera, le cas échéant, les manquements constatés par l’ACPR ainsi que les sanctions prononcées ;

– L’amendement CE31 du rapporteur prévoit que le rapport de l’observatoire des tarifs bancaires soit transmis au Parlement, afin d’assurer un suivi continu de l’évolution de l’écart des tarifs bancaires pratiqués entre la France hexagonale et les territoires ultramarins ;

– L’amendement CE30 du rapporteur, qui clarifie la compétence de l’ACPR et les modalités des sanctions pécuniaires prononcées à l’encontre des établissements de crédit qui ne respecteraient pas la réglementation encadrant les tarifs bancaires dans les territoires ultramarins.

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Article 3 bis
Rapport sur l’opportunité d’étendre les tarifs « résident » aux liaisons maritimes et fluviales dans les outre-mer

Article introduit par la commission

 

Cet article prévoit la remise d’un rapport sur l’extension des tarifs « résident » à certaines liaisons.

Cet article additionnel, créé par l’amendement CE8, prévoit la remise au Parlement par le Gouvernement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport évaluant l’opportunité d’étendre les tarifs « résident », mentionnés à l’article 2 de la proposition de loi aux liaisons maritimes et fluviales dans les outre-mer.

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Adopté par la commission sans modification

 

Cet article prévoit la compensation financière des dispositions inscrites dans la proposition de loi.

Afin d’assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution, l’article 4 gage la charge pour l’État, la perte de recettes pour l’État ainsi que celle pour les collectivités territoriales que créeraient les dispositions susmentionnées :

– en créant une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services, pour ce qui concerne les conséquences financières pour l’État ;

– en prévoyant une majoration, à due concurrence, de la dotation globale de fonctionnement, pour ce qui concerne les conséquences financières pour les collectivités territoriales.

La commission a adopté l’article 4 sans modification.


EXAMEN EN commission

Lors de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025 matin, la commission des affaires économiques a examiné, sur le rapport de M. Philippe Naillet, la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère en outre-mer dans le secteur des services (n° 2028).

M. le président Stéphane Travert. L’ordre du jour de notre commission appelle l’examen de deux propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de la séance réservée au groupe Socialistes, le 11 décembre prochain : celle visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère en outre-mer dans le secteur des services (no 2028), pour laquelle notre commission a désigné comme rapporteur M. Philippe Naillet, est actuellement inscrite en sixième position de cette journée de « niche », tandis que celle visant à retrouver la confiance et l’équilibre dans les rapports locatifs (no 2039), dont le rapporteur est M. Inaki Echaniz, devrait être examinée en dixième position lors de cette journée.

M. le président Stéphane Travert. La proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère outre-mer dans le secteur des services comporte quatre articles et fait l’objet de trente-deux amendements. Cinq amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, car ils constituaient des charges. Aucun, en revanche, n’a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Texte après texte, débat après débat, nous le répétons : la République ne peut tolérer que près de trois millions d’ultramarins continuent à subir la vie chère. Nous refusons l’argument selon lequel la vie chère est liée aux contraintes propres aux économies insulaires.

Dans l’ensemble des territoires ultramarins, la vie chère n’est pas une abstraction économique, mais une réalité qui étouffe les familles, limite les projets et mine le lien social.

Les chiffres sont implacables. En 2022, l’Insee révélait que les prix à la consommation étaient supérieurs de près de 9 % à La Réunion, de près de 16 % en Guadeloupe, de près de 14 % en Martinique, de 10 % à Mayotte à ceux pratiqués dans l’Hexagone et que les produits alimentaires coûtaient jusqu’à plus de 80 % plus cher en Nouvelle-Calédonie.

Dans le même temps, le taux de pauvreté explose : 77 % à Mayotte, 53 % en Guyane, 36 % à La Réunion, contre 14 % de Français de l’Hexagone vivant sous le seuil de pauvreté. Ces chiffres ne sont pas des statistiques froides : il y a derrière des hommes et des femmes, des vies, notre jeunesse, mais surtout des choix sacrifiés, des renoncements quotidiens, des parents qui hésitent à acheter des fruits pour leurs enfants, des étudiants qui renoncent à poursuivre leurs études en métropole, des entrepreneurs qui étouffent sous le poids des coûts logistiques.

Et que dire du chômage ? Alors que la moyenne nationale s’établit autour de 7,7 %, il dépasse 14 % dans la plupart des départements ultramarins, avec des pics à plus de 20 % chez les jeunes.

Nos territoires ultramarins souffrent, mais cette souffrance n’est pas une fatalité : elle est le résultat de déséquilibres structurels (insularité, concentration économique), mais aussi d’un manque de volonté politique à s’attaquer aux causes de la vie chère.

Il faut le dire sans détour : la vie chère est un phénomène aux causes connues, mais aux réponses et aux solutions trop souvent reportées. La correction de ces inégalités injustifiables doit passer par des politiques publiques suffisamment ambitieuses.

Depuis des années, le Parlement alerte, propose, légifère. La loi de 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite loi « Lurel », la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique en 2017, dite loi « Erom », les rapports de la délégation aux outre-mer, les missions d’information, les propositions de loi transpartisanes… tous ces travaux ont pointé les mêmes problèmes et parfois formulé les mêmes recommandations.

Mais force est de constater que les avancées restent insuffisantes. Des dispositifs existent, mais ils sont trop souvent contournés, mal appliqués ou sous-financés.

Après nous être attaqués, lors de notre niche parlementaire de l’année dernière, au secteur alimentaire, avec la proposition de loi défendue par notre collègue Béatrice Bellay et adoptée par notre Assemblée, nous avons choisi, cette année, de nous attaquer au secteur des services.

Nous proposons, avec mes collègues députés socialistes et apparentés, trois mesures concrètes et ciblées pour agir là où la vie chère frappe à répétition : les tarifs postaux, les billets d’avion et les services bancaires.

Sur ce premier sujet, je veux saluer le travail de notre collègue Perceval Gaillard, qui a fait adopter, il y a quelques jours, une proposition de loi relative aux colis postaux. Comment expliquer, en effet, à un ultramarin qu’envoyer un colis de 2 kilogrammes coûte deux à trois fois plus cher qu’un envoi à l’intérieur de l’Hexagone ?

Aujourd’hui, la péréquation tarifaire postale – ce principe qui garantit un prix unique, quel que soit le lieu de résidence – ne s’applique que partiellement en outre-mer. Seuls les envois de correspondance de moins de 100 grammes bénéficient de tarifs alignés sur l’Hexagone. Pour le reste, les ultramarins paient le prix fort.

Notre proposition est simple : étendre la péréquation tarifaire à tous les envois postaux, sans restriction de poids, sur l’ensemble des territoires ultramarins. Ce n’est pas une révolution, c’est tout simplement une question de justice. Le service universel postal doit être universel… sinon, il n’est pas universel.

Nous proposons de financer cette extension de la péréquation par une affectation d’une fraction des recettes de la taxe sur les petits colis en provenance de pays tiers, ou par une contribution minimale des usagers hexagonaux. La solidarité nationale doit pouvoir primer. Cette logique de solidarité existe déjà dans d’autres secteurs essentiels, à l’image de la péréquation tarifaire pour l’électricité dans les zones non interconnectées. Si nous pouvons le faire pour l’énergie, pourquoi pas pour le courrier ?

Deuxième sujet abordé par cette proposition de loi : le prix des billets d’avion pour les ultramarins. L’avion, pour les ultramarins, n’est pas un moyen de transport comme un autre. C’est souvent le seul lien avec l’Hexagone et avec ailleurs, que ce soit pour des soins spécialisés, des opportunités professionnelles, ou bien tout simplement pour renouer le lien avec la famille.

Pourtant, le prix des billets explose, surtout en haute saison. Un aller-retour de Paris à Papeete peut coûter jusqu’à 2 000 euros en classe économique, un billet de Paris à Pointe-à-Pitre atteindre 1 500 euros. Ce sont des sommes importantes pour des ménages dont les revenus sont bien inférieurs à la moyenne nationale.

Aujourd’hui, l’aide à la continuité territoriale (ACT) permet à certaines catégories de la population de bénéficier d’un bon de 340 euros à 980 euros selon les territoires, mais cette aide est insuffisante, complexe à obtenir et renouvelable tous les trois ans. La conséquence est la suivante : en 2024, cette aide a été sollicitée par 6 % des Guadeloupéens, 8 % des Martiniquais et 12 % des Réunionnais. Chacun le voit, c’est une goutte d’eau dans l’océan des besoins.

Nous proposons donc de plafonner les prix des billets d’avion pour les résidents ultramarins : un premier plafond général, applicable à tous les résidents, fixé par décret en fonction des coûts réels des liaisons ; un second plafond, pour les populations aujourd’hui éligibles à l’aide à la continuité territoriale, qui garantirait qu’elles ne paieraient pas plus de 50 % du prix du billet. La différence entre le plafond et le prix des billets serait prise en charge par l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom).

Ce dispositif s’inspire de ce qui existe déjà au Portugal pour les Açores et Madère, ou en Espagne pour les Canaries, où des mécanismes de subvention permettent de limiter les prix pour les résidents. Il ne s’agit pas une subvention aux compagnies aériennes, mais d’une aide sociale aux passagers parfaitement compatible avec le droit européen.

La mobilité n’est pas pour nous un luxe, c’est un droit élémentaire. Et ce droit, nous devons le garantir à tous nos concitoyens, où qu’ils vivent afin que la continuité territoriale s’applique avec force pour l’ensemble du pays.

Troisième sujet traité par cette proposition de loi : un plafonnement strict des tarifs bancaires. En effet, l’argent ne doit pas coûter plus cher outre-mer. Comment accepter que les services bancaires de base, un compte, une carte, un virement coûtent systématiquement plus cher dans les outre-mer que dans l’Hexagone ? Aujourd’hui, huit tarifs sur quatorze y restent supérieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone. Une carte de paiement coûte en moyenne 36 euros par an dans nos territoires, contre 28 euros dans l’Hexagone. Les frais de tenue de compte y sont 4 euros plus chers. Il est incompréhensible que dans des territoires où les revenus sont plus faibles, les banques pratiquent des tarifs plus élevés.

La loi Lurel de 2012 avait pourtant interdit aux établissements bancaires de facturer des services de base à des tarifs supérieurs à la moyenne hexagonale, mais cette interdiction n’est pas respectée. Les réunions de concertation entre les banques, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) et les préfets n’ont plus lieu depuis 2018, alors qu’elles avaient justement permis d’amorcer un début de convergence. Aucune sanction n’a jamais été prononcée.

Notre proposition de loi renforce les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour faire respecter cette règle. Nous lui donnons les moyens de mettre en demeure les banques récalcitrantes, de prononcer des sanctions et d’ordonner le remboursement des sommes indûment perçues.

Les banques ne peuvent plus se comporter comme si les ultramarins étaient des clients captifs. La convergence tarifaire n’est pas une option, c’est une nécessité.

Mes chers collègues, cette proposition de loi n’est pas un catalogue de mesures techniques : elle incarne une vision en faveur l’égalité républicaine. Le choix de société à faire est finalement assez simple : accepter les inégalités territoriales comme une fatalité et se contenter de gestes symboliques, ou bien agir – c’est ce que nous voulons tous, j’en suis persuadé – pour garantir l’égalité réelle, pas seulement sur le papier, mais dans le quotidien de nos concitoyens.

Nous ne partons pas de zéro. Des dispositifs existent, mais ils sont trop souvent contournés, mal financés ou inefficaces. Notre texte vise à les renforcer et à les étendre là où les besoins sont les plus criants.

Le coût de l’inaction sera bien plus lourd que celui des mesures que nous proposons aujourd’hui. Ce coût, c’est celui de la défiance qui alimente la fracture sociale : nos populations le paient déjà depuis trop longtemps.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Lionel Tivoli (RN). La vie chère en outre-mer est structurelle et condamne nombre de nos compatriotes à la pauvreté de génération en génération, même après 79 ans de départementalisation. De 2012 à 2017, les socialistes étaient majoritaires dans tous les organismes constitutionnels : l’Élysée, l’Assemblée nationale, le Sénat, les collectivités, soit quasiment les pleins pouvoirs. Rien n’a été fait pour nos compatriotes ultramarins.

Les gouvernements macronistes successifs ont poursuivi la politique du vide en ne menant aucune réforme structurelle pour redresser la France et encore moins relever nos territoires d’outre-mer et leurs habitants. Face à ces abandons, nos compatriotes doivent survivre dans l’extrême pauvreté, pendant que sont proposés des textes construits dans l’urgence.

Cette proposition de loi qui nous est soumise par le groupe socialiste est mal encadrée, mal écrite et ne répond à aucune problématique sérieuse. L’article 2 de la proposition de loi aborde la question de la mobilité des ultramarins sous le seul angle de la résidence, oubliant tous les ultramarins dont la résidence se trouve dans l’Hexagone, mais qui ont gardé des attaches très fortes dans les départements et régions d’outre-mer (Drom) et collectivités d’outre-mer (Com). La mobilité n’est envisagée que dans une direction, depuis les outre-mer vers l’Hexagone, sans possibilité de retour.

L’article 3 pose une vraie question sur les abus pratiqués par les banques dans ces territoires, mais n’apporte aucune solution concrète, hormis la suradministration. Les entreprises et ménages des Drom-Com n’ont pas besoin de réunions de fonctionnaires de l’Iedom, ils ont besoin d’une politique d’investissement qui tarde à venir. Face aux difficultés structurelles que vivent nos 2,8 millions de compatriotes français, le Rassemblement national est le seul parti qui propose de lutter contre la vie chère en outre-mer en s’attaquant aux causes structurelles : réforme de l’octroi de mer jugé inflationniste, baisse de la fiscalité sur les produits de première nécessité et sur l’énergie et renforcement de la continuité territoriale dans les deux sens.

Le Rassemblement national propose également des investissements ciblés dans les infrastructures, en soutien au localisme, pour développer la production locale, favoriser les circuits courts, limiter les importations coûteuses. Tout cela ne pourra se faire que par la création d’un grand ministère d’État d’outre-mer, chargé de coordonner l’ensemble de ces politiques pour améliorer concrètement le pouvoir d’achat de nos compatriotes ultramarins.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Je regrette que sur un débat aussi sérieux, qui concerne la vie chère, vous restiez dans la caricature. À moins que vos propos ne relèvent d’une forme de méconnaissance.

Je rappelle que notre collègue sénateur Victorin Lurel a été l’un des premiers à s’attaquer aux causes structurelles de la vie chère avec la loi de régulation économique, qui a créé les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), le bouclier qualité-prix et qui a mis fin au principe de l’importateur exclusif. Il y a eu ensuite la loi relative à l’égalité réelle portée par notre ancienne collègue Ericka Bareigts. Sous la législature précédente, les premiers députés ayant proposé une commission d’enquête sur la vie chère étaient socialistes, associés à d’autres puisque nous n’avons le monopole de rien.

Ensuite, je note une contradiction dans vos propos. Vous nous invitez à nous attaquer aux causes structurelles de la vie chère, mais concrètement, au-delà des mots, quelles sont ces causes structurelles ? Dans nos territoires, plusieurs acteurs économiques sont en position de force et exercent un monopole. Certains d’entre eux étendent même leur mainmise sur plusieurs secteurs d’activité. Vous ne résoudrez rien en vous attaquant à l’octroi de mer. Que celui-ci doive faire l’objet d’un toilettage, j’en conviens ; mais ce n’est pas en ciblant les taxes ou la TVA que vous attaquerez aux causes structurelles.

Mme Marie Lebec (EPR). Renforcer le soutien aux territoires ultramarins face à la vie chère est parfaitement légitime et nous sommes tous sensibilisés aux écarts de prix entre l’Hexagone et les outre-mer. Cependant, le foisonnement des textes sur le sujet nous interpelle. C’est en effet la troisième année consécutive que votre groupe présente dans sa niche une proposition de loi sur la vie chère en outre-mer. Monsieur le rapporteur, vous soulignez vous-même dans l’exposé des motifs de votre texte que ce combat s’est déjà traduit par l’adoption de la proposition de loi de notre collègue Béatrice Bellay à l’Assemblée nationale et par celle du sénateur Victorin Lurel au Sénat. On peut s’étonner que les groupes socialistes des deux Chambres présentent dans leur niche respective des textes concurrents portant exactement sur le même sujet. On s’étonne encore davantage de voir surgir une troisième initiative, alors que le temps du débat aurait pu permettre de poursuivre la navette de la proposition de loi sénatoriale.

Cette multiplication de textes adoptés à l’unanimité dans une Chambre avant de rester lettre morte dans l’autre interroge, d’abord sur l’utilité et l’efficacité du travail parlementaire, ensuite sur le risque que l’affichage politique prenne in fine le pas sur l’intention réelle de faire aboutir des mesures urgentes. Sur le fond, le dispositif présenté nous semble globalement équilibré et répondre à des préoccupations réelles de cherté de la vie au quotidien. Nous émettons toutefois des réserves, notamment sur l’instauration d’un tarif plafond de continuité territoriale sans condition de revenus, dont le coût pour les finances publiques serait très élevé ainsi que sur l’articulation de l’article premier avec la proposition de loi du député Perceval Gaillard, adopté à l’occasion de la niche LFI.

Rappelons que le Gouvernement a lancé une stratégie cohérente contre la vie chère en outre-mer à travers un projet de loi global : transparence des marges, bouclier qualité-prix, e-commerce, régulation des marchés. Ces mesures structurantes sont appelées à être consolidées dans un projet de loi, qui sera, me semble-t-il, travaillé en début d’année. Ce travail est déjà bien engagé et appelé à se poursuivre prochainement. Il devrait nous inciter à éviter les initiatives dispersées. Le sujet de la vie chère mérite une approche cohérente, lisible et structurée, pas un empilement de textes parfois redondants. C’est pourquoi le groupe Ensemble pour la République, conscient de l’importance du sujet mais aussi soucieux de la cohérence juridique et de l’efficacité pour nos concitoyens, s’abstiendra sur cette proposition de loi.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Soyez rassurée, le sujet est trop sérieux pour que nous soyons dans l’affichage. La proposition de loi de notre collègue Bellay n’a pas été un « coup d’épée dans l’eau » puisque le projet de loi « Vie chère » de l’ancien ministre Manuel Valls, adopté au Sénat fin octobre, a repris un certain nombre de ces mesures s’agissant notamment des fameuses « marges arrière », ces ristournes accordées par des fournisseurs à la grande distribution sans aucune transparence.

Le travail que nous menons est cohérent et s’inscrit dans une continuité. À travers cette proposition de loi, nous ne traitons pas du prix des produits alimentaires, qui est le cœur, le sang, du texte « Vie chère » qui, si j’en crois la ministre Naïma Moutchou, sera prochainement examiné à l’Assemblée. Nous avons ici voulu cibler les services, au travers des colis postaux, des billets d’avion et des tarifs bancaires.

Sachez enfin, madame Lebec, qu’un amendement prévoit d’encadrer le tarif plafond général. Et que, s’agissant de l’articulation avec la proposition de loi de notre collègue Gaillard du groupe LFI, nous apportons quelques précisions concernant notamment l’application des dispositions en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Je salue au nom de mon groupe cette initiative de notre collègue Philippe Naillet. Comme vous le savez toutes et tous, le coût de la vie dans les territoires ultramarins est en moyenne de 19 % à 38 % plus élevé que dans l’Hexagone. Entre octobre 2024 et octobre 2025, les prix à la consommation ont augmenté de 1,3 % à La Réunion, contre 0,9 % au niveau national. Quant à ceux des services, ils ont progressé de 2,9 % (contre 2,4 % au niveau national). Or, les services pèsent pour près de moitié dans la consommation des ménages réunionnais.

Concernant les tarifs bancaires en outre-mer, du compte courant au crédit immobilier, la très large majorité des produits et services commercialisés revient plus cher qu’en France hexagonale, sans aucune justification. Cette différence est de l’ordre de 10 % en moyenne. En décembre 2024, j’ai soumis une question écrite au Gouvernement et en juin dernier, j’ai interpellé dans une tribune le ministre des outre-mer de l’époque au sujet de ces frais, faisant observer que, dans un contexte d’inflation, de vie chère et de crise économique, ces tarifs en augmentation devenaient insupportables pour la population et les entreprises, et demandant au Gouvernement d’agir pour contraindre les banques ultramarines à aligner leurs tarifs sur ceux de l’Hexagone.

Concernant les tarifs des billets d’avion, le prix moyen d’un vol depuis l’Hexagone vers la Guadeloupe a bondi de 24 % et de plus de 15 % vers la Martinique. Or, dans la grande majorité des cas – et comme l’a rappelé monsieur Naillet – voyager entre nos territoires ultramarins et l’Hexagone relève de la nécessité, par exemple pour étudier, se soigner, garder le lien avec la famille ou avec ses racines.

Concernant les tarifs postaux différenciés entre les outre-mer et l’Hexagone, notre proposition de loi, relative à l’établissement de l’égalité de l’accès au service public postal, a été adoptée à l’unanimité la semaine dernière lors de notre niche parlementaire.

Par respect pour nos peuples dits « d’outre-mer », la République se doit de lutter avec force contre ce phénomène systémique de la vie chère en outre-mer. A contrario, abandonner nos territoires à leurs propres difficultés, c’est nourrir un sentiment d’injustice et d’inégalité. Le groupe de La France insoumise votera en faveur de cette proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère en outre-mer dans le secteur des services.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Je remercie le groupe La France insoumise. Je n’ai rien à ajouter ni à retirer aux propos de monsieur Gaillard.

M. Guillaume Lepers (DR). La proposition de loi soulève des enjeux importants, auxquels il est nécessaire d’apporter une réponse adéquate. En effet, les causes principales de la cherté de la vie dans les territoires d’outre-mer sont identifiées depuis de nombreuses années. À notre sens, le développement économique est, et demeurera, la principale voie de maîtrise du coût de la vie.

S’agissant de l’article 1er, si nous saluons la volonté de réduire les disparités tarifaires en outre-mer, il est cependant évident que la proposition de loi ne prend pas en considération les surcoûts réels et nécessaires liés à l’acheminement des courriers vers ces territoires éloignés. Une telle réforme, en l’absence d’un financement pérenne ou de dispositifs compensatoires pour couvrir les surcoûts d’acheminement, compromettra la viabilité à moyen et long termes du service postal dans ces régions. Pire, elle pourrait fragiliser encore davantage un groupe postal déjà éprouvé, contraint de supporter un coût supplémentaire découlant d’une réalité économique caractérisée par l’éloignement des territoires ultramarins de la métropole et le coût élevé du fret. Il est donc impératif de mettre en place des solutions structurelles adaptées visant à soutenir les infrastructures postales dans ces territoires, tout en identifiant des modèles économiques permettant d’assurer un équilibre financier.

S’agissant de l’article 2, imposer des tarifs plafonds sur les vols nous interroge. En effet, le dispositif prévoit que ces tarifs plafonds soient pris en charge par Ladom, donc par l’État. Cette compensation automatique entre le prix réel du billet et le tarif plafond fera peser une charge financière potentiellement illimitée sur les finances publiques.

Quant à l’article 3 relatif aux tarifs bancaires, la mesure est déjà satisfaite dans la loi par l’article L. 721-17 du code monétaire et financier.

Bien que conscient des problématiques liées à l’outre-mer, le groupe Droite républicaine s’abstiendra, considérant qu’aucune mesure structurelle n’est proposée pour investir en faveur de la viabilité économique de ces collectivités.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces différents points. En effet, plusieurs amendements prennent en compte vos observations. Certains permettent notamment d’affiner le dispositif juridique proposé par l’article 3.

Concernant les colis postaux, j’entends vos propos sur les difficultés de La Poste, mais vous comprendrez aisément que nos populations ne peuvent pas comprendre que le service universel soit valable pour tout le monde, sauf pour nous.

Enfin, le développement économique constitue en effet un enjeu majeur puisque la question de la vie chère comporte deux composantes, les prix élevés et la faiblesse des revenus. Or, celle-ci ne peut être compensée que par le développement économique, mais pas n’importe lequel : par un développement économique durable pour nos territoires et nos populations.

Mme Maud Petit (DEM). Les cinq départements d’outre-mer représentent 3 % de la population française, mais concentrent pourtant 24 % des personnes en grande pauvreté. Le chômage y est endémique et les inégalités fortes, accentuées par des niveaux de prix supérieurs à ceux de l’Hexagone. À La Réunion, le taux de pauvreté atteignait 36,1 % en 2021, contre 14,5 % dans l’Hexagone. Ces réalités justifient pleinement l’attention que nous portons aux mesures destinées à soutenir le pouvoir d’achat dans ces territoires.

C’est dans cet état d’esprit que nous examinons cette proposition de loi sur des enjeux légitimes de cherté de la vie. Toutefois, le groupe Les Démocrates estime que les dispositions proposées nécessitent des clarifications, sur leur financement notamment, dans un contexte budgétaire qui nous appelle collectivement à la responsabilité. C’est pourquoi nous faisons, à ce stade de l’examen, le choix d’une abstention attentive, mais constructive.

Sur l’article 2, relatif au plafonnement des tarifs des billets d’avion pour les résidents ultramarins, nous estimons que subsistent des interrogations techniques : la définition du prix moyen du billet est imprécise, alors que les prix fluctuent et atteignent des pics en haute saison, pendant les vacances scolaires. Lors de ces périodes, les prix des billets économiques peuvent atteindre 1 200 euros, par exemple. Par ailleurs, la prise en considération de la résidence fiscale ou du bon d’aide à la continuité territoriale délivré par Ladom, si elle répond bien à certaines préoccupations, pose question : comment ces critères s’appliquent-ils aux ultramarins installés en métropole pour une longue durée, notamment pour leurs études ou leur emploi ?

L’article 3, relatif aux tarifs bancaires, reprend et complète un dispositif inspiré de la loi Lurel de 2012, qui instaurait un plafonnement spécifique ; mais ses effets sont restés inégaux selon les territoires, ne permettant pas de résorber durablement les écarts entre l’Hexagone et les outre-mer. Dès lors, nous serons attentifs à vos précisions, monsieur le rapporteur, sur les modalités de mise en œuvre du dispositif, rétabli et complété, pour qu’il apporte maintenant des solutions, là où il avait montré ses limites.

Nous estimons donc que ce travail en commission sera important pour examiner les secteurs ciblés, les mesures et leurs effets dans le détail. Conscient des problématiques des compatriotes ultramarins, le groupe Les Démocrates se montrera pleinement engagé dans ce débat, en commission et en séance.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Je vous remercie pour votre intervention, qui nous assure que vous serez constructifs.

Vous le constaterez, pour l’article 2 comme pour l’article 3, nous avons prévu des amendements de précision.

Le sujet est beaucoup trop sérieux pour faire un « one shot » : le but est de clarifier la situation, de regarder ce qui ne va pas dans ce qui existe déjà et de faire en sorte que les mesures soient appliquées. Nous le verrons avec l’article 3 et l’article 1er au travers du service universel notamment. Bien sûr, nous serons heureux si la proposition de loi est votée en commission dans quelques instants, et dans l’hémicycle le jour de notre niche parlementaire, mais l’objectif final est d’aboutir, avec le Sénat, à un texte voté conforme qui constitue une avancée pour nos populations.

Mme Béatrice Bellay (SOC). Je note qu’une fois encore, le groupe Socialistes s’est saisi de l’opportunité de mettre de l’égalité dans le traitement réservé aux pays des océans. Par cette proposition de loi, en effet, nous réclamons ce qui doit être considéré comme un principe constitutionnel et républicain : l’égalité.

Nos territoires subissent les fléaux du chômage et du mal-développement, qui sont malheureusement les fruits d’un passé colonial qui n’a pas permis jusqu’ici de mettre en œuvre des économies endogènes, de créer la possibilité pour nos territoires de se développer dans le cadre de ce que nous qualifions de « géographie cordiale », c’est-à-dire la régionalité à laquelle ils appartiennent.

Nous sommes donc, dans cet espace français et européen, éloignés, mais il ne nous fait aucune faveur – pire, il nous discrimine. Nous sommes discriminés parce que les salaires chez nous sont moins élevés, parce que les précarités sont plus développées. Et pourtant, tout y est plus cher, même les services de l’État. Nous payons plus cher nos services postaux. Lorsque nous avons besoin de sortir de nos îles, de nos continents éloignés – je pense par exemple à la Guyane –, nous devons payer le prix de notre déplacement à plein tarif. Nous sommes donc contraints et assignés soit à résidence, soit à la vie chère qui peut, vous l’avez tous constaté, générer des crises, mais aussi des dévoiements dans la manière pour certains de considérer qu’ils peuvent survivre (et parfois tricher). C’est aussi ce mal-développement qui développe chez nous l’attractivité du narcotrafic et conduit à une violence sociétale et sociale.

Cette proposition de loi, défendue par le groupe Socialistes et présentée par notre collègue Philippe Naillet, n’est pas une proposition de loi d’ « arrangements » ni de « tambouilles ». Elle pointe des difficultés quotidiennes auxquelles nous devons, par tous les moyens, désormais mettre fin, car elles sont devenues insupportables pour nos compatriotes, pour vos compatriotes français des pays des océans.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Je partage totalement le diagnostic posé par madame Bellay. Chacun a bien compris que nous sommes très loin de l’égalité réelle, ce qui nous oblige à nous attaquer aux causes profondes. Le mal-développement auquel elle a fait allusion dure depuis trop longtemps. Il faut agir concrètement, au-delà des mots et des postures, sur les causes structurelles. Nous le faisons au travers de cette proposition de lutte contre la vie chère, dans le domaine des services.

M. Steevy Gustave (EcoS). La vie chère en outre-mer est un constat, un constat ancien et invariable qui s’immisce dans tous les aspects de la vie des ultramarins, au cœur de leurs préoccupations. Personne n’ignore les écarts de prix entre la métropole et les outre-mer. La vie chère se traduit par des prix excessifs dans les supermarchés, où un paquet de riz coûte deux fois plus que dans l’Hexagone. À cela s’ajoute une double peine : ces territoires sont parmi les plus pauvres de France.

Les causes sont multiples et structurelles : insularité, éloignement, isolement, aléas climatiques. La vie chère fissure la promesse d’égalité républicaine, pourtant ciment de notre Constitution. Le principe d’égalité s’égare aux portes des outre-mer. Le prix de l’alimentation n’est que la partie émergée de l’iceberg (et la plus médiatisée), mais la vie chère est un phénomène omniprésent.

Ainsi, envoyer un colis coûte plus cher pour les ultramarins, alors qu’il est un trait d’union pour des familles éloignées par des milliers de kilomètres. Les populations ultramarines s’acquittent de tarifs postaux deux à trois fois supérieurs à ceux appliqués dans l’Hexagone. Le principe de péréquation tarifaire n’est pas appliqué dans les outre-mer, alors que le droit européen permet un tarif uniforme.

Voyager coûte plus cher. Venir dans l’Hexagone ou dans les îles voisines représente un luxe. Alors que les outre-mer sont touchés par une grande pauvreté, cinq à quinze fois plus qu’en France métropolitaine, le poids de la saisonnalité fait exploser les tarifs des billets d’avion à plus de 25 % au-dessus du prix moyen annuel : revoir sa famille devient un privilège. Le principe de continuité territoriale, encore trop timoré, n’est pas à la hauteur des enjeux.

Ouvrir un compte en banque coûte plus cher. Ouvrir un compte courant ou contracter un crédit immobilier coûte en moyenne 10 % de plus que dans l’Hexagone. Les écarts de frais bancaires peuvent atteindre, en fonction des établissements, des sommets. Ainsi, une formule « esprit libre » de BNP Antilles Guyane coûte 137 euros par an, contre 82,20 euros dans l’Hexagone.

Je voterai pour cette proposition de loi qui vise à endiguer une situation devenue intenable pour nos concitoyens. Les outre-mer, touchés par des crises à répétition, sont les grands oubliés des politiques nationales. Il est temps de repenser notre relation aux outre-mer et d’en finir avec le déni.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Je partage totalement vos propos et votre diagnostic : vous avez rappelé la réalité de nos territoires. Je souhaite aussi saluer la volonté constructive de votre groupe sur cette proposition de loi. Nous ne la défendons pas pour nous faire plaisir, mais pour nos populations.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Malgré les efforts déployés depuis plus d’une décennie par l’État pour réduire les inégalités territoriales, le coût de la vie dans les outre-mer demeure bien plus élevé que dans l’Hexagone, en particulier dans le secteur des services.

Cette réalité de la vie chère n’est pas le fruit de notre imagination, ici en commission des affaires économiques. Elle s’explique sans doute par des contraintes spécifiques aux territoires ultramarins : éloignement, concurrence limitée, surcoûts d’approvisionnement, etc. Cette situation touche directement les familles, les travailleurs, les étudiants et les entreprises et nourrit un sentiment profond d’injustice territoriale. Nous partageons ce constat sans ambiguïté.

La présente proposition de loi entend agir sur trois secteurs : les tarifs postaux, les prix des billets d’avion et les frais bancaires.

L’article 1er répond à une préoccupation réelle. Nous l’avons vu à l’occasion d’une niche parlementaire récemment, les envois de colis depuis ou vers l’outre-mer restent deux fois et demie à trois fois et demie plus chers que dans l’Hexagone. Si le groupe Horizons et Indépendants soutient l’objectif de réduire ces tarifs, force est de constater que nous ne savons pas financer l’instauration d’un tarif postal unique à l’échelle nationale. Nous devrons donc trouver des solutions afin que cette charge ne pèse pas uniquement sur les contribuables.

L’article 2, qui prévoit des tarifs aériens plafonnés pour les résidents entre l’outre-mer et l’Hexagone, pose également un problème majeur. Ni Ladom, ni l’État n’ont les moyens de financer la compensation entre le prix réel du billet et le plafond. La proposition de loi ne chiffre pas les besoins supplémentaires ni les conséquences sur le budget de l’agence, ce qui rend, selon nous, le dispositif difficile à adopter en l’état.

Quant à l’article 3, il repose sur un constat peut-être inexact. Le dispositif Lurel n’a pas été abrogé, mais recodifié, en 2021 et l’encadrement des tarifs bancaires outre-mer reste pleinement en vigueur. Les sanctions supplémentaires envisagées risqueraient en outre de fragiliser les réseaux bancaires locaux et, par ricochet, l’offre ultramarine.

Le groupe Horizons et Indépendants partage pleinement l’ambition de lutter contre la vie chère outre-mer. Les hommes, les femmes, les enfants ultramarins n’ont plus à subir cette injustice. Pour y remédier à long terme, un accompagnement clair et efficace doit être mis en place, afin de soutenir véritablement les entreprises pour créer des emplois sur place, réduire la dépendance aux importations, développer des circuits d’approvisionnement locaux plus proches et plus fiables et garantir une concurrence réelle ainsi qu’une transparence des prix. Le projet de loi consacré à la vie chère dans les outre-mer, qui sera examiné prochainement par notre assemblée constituera, je n’en doute pas, une occasion décisive d’apporter des réponses claires et définitives.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Concernant le prix des billets d’avion, ce ne sera pas « open bar », si vous me passez l’expression. Vous verrez d’ailleurs qu’un amendement prévoit une concertation importante avec les compagnies aériennes, s’agissant notamment de la fameuse technique commerciale du yield management, qui fait augmenter les prix des billets pendant la haute saison. La concertation obligera à une transparence accrue sur le prix des billets, voire un lissage. En tout cas, l’enjeu est réel : quand 4 % seulement des populations ultramarines utilisent le dispositif existant, cela signifie que celui-ci ne fonctionne pas correctement.

M. David Taupiac (LIOT). En l’absence d’un plan ambitieux de rattrapage des retards structurels, territoire par territoire, la proposition de loi de notre collègue Philippe Naillet propose de permettre à nos concitoyens des territoires d’outre-mer de tendre vers des conditions de vie se rapprochant de celles des résidents de l’Hexagone dans trois secteurs : coûts des colis postaux, prix des billets d’avion et frais bancaires. En effet, dans ces trois secteurs, nos concitoyens subissent des tarifs prohibitifs, absolument injustifiés. Nous essayons tous de gommer ces disparités, lors de nos niches parlementaires ou de l’examen du budget.

Si une disposition relative aux envois postaux a déjà été adoptée en séance dans le cadre de la niche LFI la semaine dernière, il n’est pas inutile d’insister sur ce point. De même, si les frais bancaires sont supposés être déjà alignés sur ceux de l’Hexagone, l’article 3 garantit leur application grâce à des sanctions et des contrôles renforcés.

Je défendrai quatre amendements rédactionnels, déposés par mon collègue Max Mathiasin, qui sont assez importants. Il en avait déposé un cinquième qui a malheureusement été déclaré irrecevable, alors qu’il soulevait pourtant un problème prégnant : celui des enseignants nouvellement titularisés et affectés dans l’Hexagone, à des milliers de kilomètres de chez eux, et de tous les agents qui ne parviennent pas à obtenir leurs congés bonifiés malgré la localisation du centre de leurs intérêts moraux et matériels (CIMM) – ou auxquels la reconnaissance de leur CIMM a été refusée, bien qu’ils remplissent au moins trois critères irréversibles. Notre collègue Mathiasin proposait un tarif assimilé à celui des résidents pour permettre à tous ces agents de bénéficier de billets d’avion au tarif plafonné. Il faudra qu’une solution soit trouvée pour eux, c’est une question d’équité.

Le groupe LIOT votera avec enthousiasme en faveur de ce texte, qui propose des solutions concrètes de lutte contre la vie chère et en faveur de la continuité territoriale. C’est une question de justice républicaine.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Merci, monsieur Taupiac, pour votre propos.

Mme Karine Lebon (GDR). Quand on vit en outre-mer, rentrer chez soi ne se fait pas en une heure de train ou en covoiturage. Pour des milliers de Réunionnais, de Guadeloupéens, de Martiniquais, de Mahorais, de Guyanais, un billet d’avion vers la France continentale représente des mois d’économies, parfois un salaire entier. En décembre, pendant que beaucoup préparent les fêtes, d’autres ouvrent des comparateurs de vols et referment la page internet le cœur serré. Je l’ai fait hier : entre le 23 décembre et le 4 janvier, les prix La Réunion-Paris peuvent monter jusqu’à 2 500 euros en classe économique. Cette proposition de loi se place là, exactement à cet endroit où la distance géographique se transforme en distance sociale et familiale. Elle affirme simplement qu’on ne devrait pas passer des années sans revoir ses proches, uniquement parce que le prix du billet dépasse nos moyens. Le droit de se déplacer pour étudier, se soigner, travailler, enterrer un parent ou serrer ses enfants dans ses bras à Noël relève de la continuité territoriale, donc de l’égalité républicaine. Les plafonds de tarifs résidents vont dans ce sens. Ils fixent une limite à l’inacceptable. Lorsque l’on réside dans un territoire ultramarin, un billet ne doit plus se transformer en mur infranchissable. Et pour celles et ceux qui bénéficient déjà d’un bon de continuité territoriale, le texte garantit que le reste à charge sera soutenable.

Derrière ces mécanismes, il y a la promesse très concrète que des familles pourront se retrouver et que des parents n’auront pas comme unique souvenir de leurs enfants leur image en visioconférence.

Le texte comporte aussi une avancée importante sur les services postaux dont nous avons déjà débattu il y a peu à l’occasion de la proposition de loi Gaillard-Ratenon. Rappeler la péréquation tarifaire, l’égalité d’accès au courrier et aux colis, c’est refuser une République à plusieurs vitesses selon le code postal. La distance ne doit pas justifier des surcoûts permanents pour les ménages ultramarins.

Même logique pour les frais bancaires : les habitants des outre-mer cumulent souvent revenus plus faibles, précarité de l’emploi et surcoûts sur les dépenses du quotidien. Pourtant les frais bancaires y sont généralement plus élevés qu’en France continentale, comme si être pauvre et ultramarin exposait à une double peine. Cette situation heurte profondément l’idée de justice sociale.

Le texte remet donc un cadre. Pour les services bancaires de base, les banques ne pourront plus facturer plus cher outre-mer que dans l’Hexagone. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution aura les moyens de contrôler, de sanctionner et de faire rembourser les sommes indûment prélevées. Il ne sera plus possible de faire de la fragilité sociale un gisement de profits.

Pour conclure, ce texte ne prétend évidemment pas résoudre, en une seule fois, toute la question de la vie chère au sein de nos territoires, mais il s’attaque à des verrous très concrets, qui enferment des familles dans l’éloignement et des ménages dans la spirale des frais. Pour la dignité des ultramarins, pour que la continuité territoriale cesse d’être un slogan et devienne une réalité quotidienne, je vous invite à voter cette proposition de loi, sachant que je ne pourrai le faire puisque je ne suis pas membre de la commission.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Merci, madame Lebon, pour votre soutien. Vous avez expliqué de fort belle manière tout le sens de cette proposition de loi. Certes, vous n’aurez pas l’occasion de la voter ici, mais je ne doute pas que vous le ferez en séance prochainement.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). Cette proposition de loi est intéressante car elle conduit à réfléchir sur plusieurs points. Pour autant, je suis assez circonspect dans la mesure où les solutions qu’elle propose consistent à subventionner davantage, à augmenter la fiscalité et à multiplier les contraintes. Je ne suis pas convaincu que la solution, dans les services comme ailleurs, réside dans ce triptyque. Naturellement, nous aimerions une continuité territoriale absolue et parfaite ; dans le fin fond du Gard ou dans nos outre-mer, nous souhaiterions une égalité de fait ; mais si cela doit se traduire par plus de coûts pour le contribuable, il n’y aura, en fin de compte, pas de solution.

Surtout, le texte risque de sédimenter encore davantage les initiatives au titre de l’outre-mer, qui reviennent à juste titre très souvent. Il ne concerne en outre que trois types de services, malgré l’intérêt de la réflexion qu’il porte.

Concernant les tarifs postaux, le problème reste le coût sous-jacent. La solution proposée consiste à le répercuter sur le contribuable. Je comprends le nécessaire travail de péréquation, mais l’égalité parfaite du coût postal, indépendamment de la taille ou du poids du colis, ne me semble pas tenable financièrement pour La Poste. Un lissage me semble légitime, une égalité absolue me semble en revanche impossible. Je souhaite donc une précision sur ce point.

Concernant l’article 2, relatif au plafonnement du prix des billets d’avion, nul n’ignore l’état de nos compagnies aériennes. À titre personnel, dans une vie antérieure, je m’occupais de restructuration d’entreprises, notamment d’entreprises aériennes qui exploitent exclusivement des lignes outre-mer. Je rappelle que Corsair est déjà en redressement judiciaire. Certes, il y aurait une compensation, mais nous connaissons les délais de paiement de ces compensations et ce qu’ils peuvent entraîner en matière de trésorerie. Surtout les billets sont illimités, indépendamment de la classe du billet. Nous aurions donc potentiellement une source de subventionnement illimité, ce qui me semble intenable pour des entreprises déjà au bord de la faillite. Ajouter des contraintes ne me semble donc pas une bonne solution.

Concernant les tarifs bancaires, la proposition semble de bon sens. J’émettrai néanmoins une alerte, pour avoir travaillé dans une banque outre-mer : il faut tenir compte des coûts. Le portefeuille d’une banque d’outre-mer n’est pas le même que celui d’une banque dans le sixième arrondissement de Paris. Par conséquent, les coûts ne sont pas les mêmes, et donc les prix risquent de ne pas être les mêmes. La question porte donc plutôt sur le contrôle de ces prix, sur la transparence ou le contrôle des marges.

De plus, les dispositions prévues risquent en réalité de favoriser les grands groupes diversifiés qui pourront se permettre ces approches parce qu’ils compenseront par des revenus par ailleurs. Il faut donc avant tout régler les problèmes fondamentaux outre-mer : la santé, la sécurité, davantage de transparence sur les prix, le contrôle sur l’octroi de mer et le transport maritime, ainsi que les frais portuaires.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Concernant l’article 3, nous ne créons rien de nouveau : nous demandons simplement que les dispositions prévues à l’article L. 721-17 du code monétaire et financier soient appliquées, soit la réglementation, l’encadrement et la concertation. D’une certaine manière, vous l’avez dit dans votre intervention, certains acteurs profitent de ces marchés captifs que constituent nos territoires.

Enfin, oui, l’article 1er aura un coût, mais ne voir que celui-ci revient à balayer l’égalité. Nous réclamons simplement l’égalité pour nos populations et celle-ci a effectivement un coût. Si nous ne la voulons pas, il faut le dire clairement.

M. le président Stéphane Travert. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier (SOC). Je voudrais répondre à madame Lebec, qui semblait agacée par le nombre de textes proposés par les socialistes. Sans les travaux du sénateur Victorin Lurel et de notre ancienne collègue Ericka Bareigts entre 2012 et 2017, sans la commission d’enquête qui a posé un diagnostic clair sur les questions de la vie chère outre-mer, nous n’en serions pas là. C’est parce que la mise en œuvre des dispositions par le Gouvernement est lente que nous profitons de toute opportunité pour faire avancer de manière pragmatique ce qui devrait être un grand plan d’unité de la République en la matière.


Article 1er (article L. 1 du code des postes et des communications électroniques) : Alignement de la péréquation tarifaire applicable aux envois postaux dans le cadre du service universel postal en France hexagonale et dans les outre-mer

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement rédactionnel CE1 de M. Max Mathiasin.

Amendements CE32 de M. Philippe Naillet et CE6 de M. Perceval Gaillard (discussion commune)

M. Philippe Naillet, rapporteur. L’amendement CE32 vise à apporter plusieurs modifications à l’article 1er. Il tend à remplacer la notion d’envois de correspondance par celle d’envois postaux, permettant ainsi d’harmoniser la rédaction du sixième alinéa de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, en lien avec l’alinéa 2 de l’article 1er, qui garantit que la péréquation tarifaire s’applique sur l’ensemble du territoire national pour les services d’envois postaux à l’unité.

Il vise également à supprimer les références à des limites de poids pour l’application de la péréquation tarifaire outre-mer.

Enfin, il propose de conserver un traitement différencié pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, qui disposent de compétences en matière postale en application des lois organiques régissant leur statut. Les services d’envois postaux en provenance de ces territoires relèvent de la compétence de ceux-ci. Afin de garantir la robustesse juridique du dispositif, il convient donc de conserver la distinction actuellement opérée : seuls peuvent être inclus dans la péréquation tarifaire les envois depuis l’Hexagone vers ces deux collectivités.

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Cet amendement a le même objectif : il vise à ce que le tarif unique s’applique à l’ensemble des colis, sans distinction de poids.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Le dispositif de l’amendement CE6 est repris dans le CE32. J’y suis donc favorable.

La commission adopte l’amendement CE32.

En conséquence, les amendements CE6 et CE2 de M. Max Mathiasin tombent.

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

Article 2 (article L. 1803-4 du code des transports) Création de tarifs plafonds pour les résidents ultramarins sur les liaisons aériennes régulières avec la France hexagonale

Amendement CE34 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Cet amendement vise à améliorer et à clarifier la rédaction de l’alinéa 2. Il propose de supprimer la première partie de l’alinéa, relative à la continuité territoriale, cette notion étant déjà définie à l’article L. 1803‑1 du code des transports. Il tend à préciser que les liaisons aériennes concernées sont celles déjà mentionnées à l’article L. 1803‑4 du code des transports : celles entre les outre-mer et l’Hexagone, mais aussi, lorsque cela est prévu par un arrêté, celles entre territoires d’outre-mer appartenant à une même région ou au sein d’un même territoire, lorsqu’il existe des difficultés particulières d’accès.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE4 et CE3 de M. Max Mathiasin, ainsi que l’amendement CE7 de M. Jean-Hugues Ratenon tombent.

Amendements CE18 de Mme Marie Lebec et CE39 de M. Philippe Naillet

Mme Marie Lebec (EPR). L’amendement CE18 vise à supprimer l’instauration d’un tarif plafond général « résident » qui s’appliquerait aux résidents non bénéficiaires de bons délivrés au titre de l’aide à la continuité territoriale. Si nous comprenons la nécessité de limiter le reste à charge pour les personnes sous conditions de revenus, nous sommes opposés à l’instauration d’une aide à la continuité territoriale qui s’appliquerait à l’ensemble des résidents, sans conditions de revenus.

Je crois savoir que le rapporteur a également une proposition à faire sur ce sujet. Je souhaiterais la connaître avant le vote.

M. Philippe Naillet, rapporteur. L’amendement CE39 vise précisément à indiquer que le tarif plafond général s’applique aussi sous conditions de ressources, afin que le dispositif couvre uniquement les foyers qui en ont le plus besoin. Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement CE18 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE39.

Amendement CE33 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Cet amendement de précision vise à renvoyer à un unique décret pour l’ensemble des modalités d’application de l’article 2.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE19 de M. Philippe Naillet, rapporteur.

Amendement CE37 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une concertation annuelle sur le prix moyen du billet servant de base au calcul des tarifs plafonds, via la création d’une instance de concertation entre les compagnies aériennes, l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) et le préfet, sur le modèle de ce qui existe pour le bouclier qualité prix ou pour l’encadrement des tarifs des services bancaires de base. Le dispositif ne doit pas être sans effet pour les compagnies aériennes en les laissant continuer à augmenter leurs prix.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE20 de M. Philippe Naillet, rapporteur.

Amendement CE35 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le tarif plafond devra s’appliquer automatiquement au moment de la réservation du titre de transport, afin de limiter le phénomène de non-recours à une telle aide.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE16 de M. Jiovanny William

Mme Béatrice Bellay (SOC). Cet amendement vise à faire savoir aux compagnies aériennes qu’elles ne seront pas contraintes de mettre leur système d’exploitation en conformité avec les nouvelles obligations dans un délai déraisonnable : elles disposeront de six mois pour le faire. Il semblerait que le dispositif prévu pose un problème ; nous allons donc le retravailler pour la séance, mais nous tenions à envoyer dès à présent ce signal aux compagnies aériennes.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Avis favorable sur le fond, mais je vous invite en effet à retravailler votre amendement pour la séance.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendement CE13 de M. Jiovanny William

Mme Béatrice Bellay (SOC). Cet amendement vise à répondre aux difficultés résultant de la politique tarifaire du yield management des compagnies aériennes, qui fait augmenter les prix avec la demande. Hier soir, j’ai pu vérifier que le prix d’un vol aller-retour entre Fort-de-France et Paris était de 2 400 euros, en classe économique avec un bagage, et de 2 700 euros pour un aller-retour entre Paris et Fort-de-France. Ce matin, les mêmes billets valaient 600 euros de moins, aux mêmes dates, avec les mêmes compagnies, sur le même comparateur. Il nous faut réglementer ces pratiques, qui nuisent à la transparence de la fixation des prix.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Le yield management consiste à augmenter le prix du billet d’avion avec la demande. Comme vous, je déplore cette pratique commerciale insupportable, mise en œuvre sur des marchés captifs, auprès de populations qui n’ont pas d’autre choix que de prendre l’avion.

Je vous invite toutefois à retravailler votre amendement pour la séance, car il ne restreindrait pas uniquement la pratique tarifaire du yield management sur les liaisons aériennes entre l’Hexagone et les outre-mer. Et nous ne saurions porter une atteinte disproportionnée au principe – bien établi en droit français et européen – de libre fixation des prix dans un cadre concurrentiel.

L’amendement est retiré.

Article 3 (article L. 711-22 du code monétaire et financier) : Plafonnement des tarifs bancaires de base pratiqués dans les outre-mer sur la moyenne de ceux pratiqués en France hexagonale

La commission adopte l’amendement de coordination CE21 de M. Philippe Naillet, rapporteur.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE22 de M. Philippe Naillet, rapporteur.

En conséquence, l’amendement CE17 de M. Jiovanny William tombe.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE23 de M. Philippe Naillet, rapporteur.

Amendement CE25 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les députés et sénateurs des collectivités concernées puissent participer aux réunions annuelles de détermination des tarifs bancaires dans leur territoire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE26 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Cet amendement vise à intégrer les associations de consommateurs dans cette même instance de concertation.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE24 de M. Philippe Naillet, rapporteur.

Amendement CE27 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Cet amendement vise à améliorer la rédaction de l’article en ne mentionnant que les dispositions nouvelles, soit le pouvoir confié à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) d’enjoindre les établissements de crédit qui ne respectent pas l’encadrement des tarifs bancaires de rembourser systématiquement aux clients les sommes indûment perçues.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE9 de M. Jean-Hugues Ratenon tombe.

Amendement CE28 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Afin de conserver la pertinence des comparaisons effectuées entre les tarifs bancaires de l’Hexagone et ceux des territoires ultramarins dans le cadre du rapport de l’observatoire des tarifs bancaires de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom), il importe que ces comparaisons tarifaires se fassent à périmètre identique.

Les auditions ont en effet montré que la moyenne hexagonale dans le rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) de 2025 intègre trois établissements de paiement (N26, Nickel et Revolut) qui ne sont pas compris dans le périmètre établi pour les outre-mer. Cette différence de périmètre tend ainsi à fausser les comparaisons relatives aux écarts entre les tarifs ultramarins et les tarifs hexagonaux. Cet amendement vise donc à ce que les comparaisons entre l’Hexagone et les outre-mer portent sur le même périmètre.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE29 de M. Philippe Naillet, rapporteur.

Amendement CE30 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Cet amendement de coordination juridique vise à clarifier les compétences de l’ACPR pour qu’elle inflige des sanctions pécuniaires aux établissements de crédit en cas de non-respect de la réglementation encadrant les tarifs bancaires dans les territoires ultramarins.

La commission adopte l’amendement.


Amendement CE31 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet, rapporteur. Cet amendement prévoit que le rapport publié semestriellement par l’Iedom soit transmis au Parlement, afin d’effectuer un suivi de l’évolution de l’écart des tarifs bancaires pratiqués entre la France hexagonale et les territoires ultramarins.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

Après l’article 3

Amendement CE8 de M. Perceval Gaillard

M. Perceval Gaillard (LFI-NFP). Cet amendement vise à demander un rapport qui évalue l’opportunité d’étendre les tarifs résidents aux liaisons maritimes et fluviales en outre-mer.

M. Philippe Naillet, rapporteur. Je préférerais que la présente proposition de loi reste concentrée sur les dispositifs législatifs prévus, même si je comprends parfaitement votre préoccupation.

La commission adopte l’amendement.

 

Article 4 : Gage financier

La commission adopte l’article 4 non modifié.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

 

 


Liste des personnes auditionnées

(Par ordre chronologique)

UFC Que choisir - Océan Indien *

M. Jean-Marie Potin, président

Audition commune

– Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR)

Mme Barbara Souverain-Dez, directrice des affaires juridiques

– Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) et Institut d’émission d’outre-mer (Ieom)

Mme Marie Aouriri, responsable de l’observatoire économique et des établissements de crédit de l’Iedom) et de l’Ieom

Direction générale des outre-mer (DGOM)

M. Olivier Jacob, directeur général

Table ronde

– Réseau Action Climat *

M. Alexis Chailloux, responsable aérien et ferroviaire

– Transport & Environnement *

M. Jérôme du Boucher, responsable « Aviation France »

– Cabinet Baldon Avocats

Mme Juliette Robert, avocate

Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP)

M. Olivier Corolleur, directeur général

Mme Anne Yvrande-Billon, directrice « Économie, marchés et numérique »

Mme Virginie Mathot, conseillère de la présidente

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


Liste des contributions écrites

(Par ordre chronologique)

 

Air France KLM *

 

Direction générale de l’aviation civile (DGAC)

 

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

 

Direction générale du Trésor (DG Trésor)

 

Fédération bancaire française *

 

Groupe Dubreuil

 

L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom)

 

La Poste *

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) En 2022, les prix restent plus élevés dans les DOM qu’en France métropolitaine, en particulier pour les produits alimentaires - Insee Première – n°1958

([2]) Iedom – Ieom, Bilan 2024 et perspectives 2025 des économies d’outre-mer, 29 avril 2025.  

([3]) Observatoire des inégalités, Outre-mer  : une pauvreté et des inégalités de revenus bien plus élevées, mars 2025.

([4]) France Stratégie, Naître en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions de France, mai 2024.

([5]) Défenseur des droits, Les outre-mer face aux défis de l’accès aux droits, septembre 2019.

([6])  Défenseur des droits, Services publics aux Antilles : garantir l’accès aux droits, mars 2023.

([7]) Commission d’enquête de l’Assemblée nationale, Rapport sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, n° 1549, juillet 2023.

([8]) Délégation aux outre-mer - Sénat, Rapport d’information relatif à la lutte contre la vie chère outre-mer, avril 2025.

([9])  Délégation aux outre-mer - Assemblée nationale, Mission flash sur l’augmentation des prix des colis postaux, juin 2025.

([10]) Comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, Rapport d'information sur l’évaluation de l’application du principe de continuité territoriale, octobre 2025.

([11]) Délégation aux outre-mer - Sénat, Rapport d’information sur la continuité territoriale outre-mer, mars 2023.

([12]) Assemblée nationale, Loi n°2023-1177 du jeudi 14 décembre 2023 visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l'accès au cinéma dans les outre-mer, décembre 2023.

([13]) Assemblée nationale, Proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre-mer, octobre 2024.

([14]) Sénat, Proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer, mars 2025.

([15]) Assemblée nationale, Projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre‑mer, octobre 2025.

([16]) Dossier de presse, Comité interministériel des outremer, 10 juillet 2025.

([17]) https://www.martinique.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Consommation-et-commerce/Lutte-contre-la-vie-chere/1er-bilan-du-protocole-du-16-octobre-2024-d-objectifs-et-de-moyens-pour-lutter-contre-la-vie-chere  

([18])  Décision n° 2025-312 L du 12 juin 2025 et décret n° 2025-641 du 15 juillet 2025 relatif à la désignation du prestataire du service universel postal.

([19])  Décret n° 2025-700 du 25 juillet 2025 relatif à la durée de désignation du prestataire du service universel postal et décret n° 2025-710 du 26 juillet 2025 relatif à la désignation du prestataire du service universel postal.

([20])  Aux termes de l’article L. 1  du CPCE, « L’envoi de correspondance est un envoi postal ne dépassant pas deux kilogrammes et comportant une communication écrite sur un support matériel, à l’exclusion des livres, catalogues, journaux ou périodiques. Le publipostage fait partie des envois de correspondance ».

([21])  Voir le catalogue des offres commerciales de La Poste relevant du service universel postal au 1er janvier 2025.

([22])  Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

([23])  Communication de la délégation aux outre-mer en conclusion des travaux d’une mission flash relative à la hausse des tarifs des colis postaux en outre-mer, 24 juin 2025.

([24])  Cette gamme tarifaire comprend l’ensemble des colis envoyés entre, depuis ou vers les outre-mer.

([25])  Communiqué de presse du 28 juillet 2025.

([26])  Art. L. 121-1 et suivants du code de l’énergie.

([27])  Proposition de loi n° 1962.

([28]) Article L. 1803-2 du code des transports.

([29])  Article L. 1803-13 du code des transports.

([30])Communiqué de presse du 25 janvier 2024.  .

([31])  Art. 1er de l’arrêté du 18 novembre 2010 pris en application du II de l'article 50 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer fixant les plafonds de ressources pour l’accès aux aides financées par le fonds de continuité territoriale.

([32])  Excepté pour les résidents de Wallis et Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, pour lesquels il était de 14 108 €.

([33]) Communiqué de presse du 25 janvier 2024.  

([34]) Articles D. 1803-2 et D. 1803-12 du code des transports. 

([35]) Règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l'exploitation de services aériens dans la Communauté.

([36])  Rapport d’information au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la continuité territoriale outre‑mer, n° 488, mars 2023.

([37]) https://www.lefigaro.fr/politique/le-gouvernement-veut-rallonger-de-50-millions-d-euros-l-enveloppe-de-continuite-territoriale-de-la-corse-20251129  

([38]) 

([39]) Article 51 du  règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

([40])  Rapport d’information sur l’évaluation de l’application du principe de continuité territoriale, n° 1998, octobre 2025.

([41]) Sauf mention contraire, les informations présentées sur les systèmes portugais et espagnol proviennent du rapport d’information sénatorial n° 1998 précité.

([42]) Rapport du Président du Comité consultatif du secteur financier, « La tarification des services bancaires dans les départements et collectivités d’outre-mer », juillet 2014.

https://www.banque-france.fr/system/files/import/ccsf/medias/documents/rapport_tarification_bancaire_outre-mer_juin_2014.pdf

([43]) Rapport final de la Présidente du Comité consultatif du secteur financier sur la tarification des services bancaires dans les départements et collectivités d’outre-mer, décembre 2018.

https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/04186aa1-3dab-49bd-b96e-e2336edc4c08/files/a0c96e17-92d1-4392-9ae3-b9318d24ae4d

([44]) Ibidem.

([45]) Les dispositions de l’article L. 711-22 du code monétaire et financier ont été recodifiées à L. 721‑17 du même code.

([46]) Comité consultatif du secteur financier, Rapport annuel de l’observatoire des tarifs bancaires, 2025.

([47]) observatoire des tarifs bancaires dans les départements et collectivités d’outre-mer de la zone euro, Rapport annuel 2024-2025 de l’Iedom, octobre 2025.

([48])  Réponses de l’ACPR, de l’Iedom et de l’Ieom au questionnaire transmis par le rapporteur.

([49]) Cette ordonnance, prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, avait pour objet de réécrire les dispositions applicables en outre-mer du code monétaire et financier, conformément à l'habilitation donnée par le III de l'article 218 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises.

([50])Décision de la Commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution  – procédure n° 2020-07https://acpr.banque-france.fr/system/files/import/acpr/media/2021/11/10/20211110_decision_bnpp-r.pdf