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N° 2200

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2025.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à protéger la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs,

 

 

 

 

Par M. Arnaud SIMION,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 2023.

 


SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

I. Un constat : L’urgente nÉcessitÉ d’une politique de prÉvention, de repÉrage et d’accompagnement des cas de souffrance dans le monde agricole

A. Le suicide paysan, ou l’expression la plus tragique d’un malÊtre devenu structurel au sein de la profession

1. Un phénomène ancien, massif et longtemps occulté

2. Une surmortalité par suicide qui prend sa source dans les conditions particulières d’exercice du métier agricole, marqué par un fort isolement et une précarité croissante

B. La réponse insuffisante de l’État face À la dÉtresse paysanne

1. Une connaissance lacunaire du phénomène par les institutions

2. Une absence de politique nationale cohérente et structurée

II. Un objectif : mettre en place une politique nationale de protection de la santÉ mentale des agriculteurs et des agricultrices

A. Premier axe : crÉer, au niveau national, une structure pÉrenne chargÉe du pilotage stratÉgique de la politique

B. Second axe : assurer un maillage territorial, pour une politique lisible et accessible

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er Consolidation et généralisation du dispositif de sentinelles agricoles

Article 2 Création d’un guichet unique départemental de la santé mentale agricole

Article 3 Création d’une mission nationale pour la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs

Article 3 bis (nouveau) Élargissement du bénéfice du crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour congé aux agriculteurs en souffrance psychique

Article 3 ter (nouveau) Demande de rapport sur l’efficacité des mesures et sur l’opportunité de faire évoluer la mission nationale

Article 4 Gage financier

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du mercredi 3 décembre 2025 à 9 heures

Réunion du mercredi 3 décembre 2025 à 14 heures

ANNEXE  1  LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

ANNEXE N° 2 : CONTRIBUTION REÇUE par le rapporteur

ANNEXE  3 :  TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI

 


   INTRODUCTION

Le monde agricole est confronté à une crise profonde, mortelle mais silencieuse. Le niveau de suicide y atteint des niveaux alarmants. Dès 2007‑2009, une première étude de Santé publique France mettait en évidence un « excès de risque » de mortalité par suicide pour les agriculteurs exploitants par rapport à la population générale. Les dernières données de la Mutualité sociale agricole (MSA) ont confirmé son ampleur. Ainsi, en 2022, les assurés agricoles âgés de 15 à 64 ans présentaient un risque de suicide supérieur de 46 % à celui des assurés tous régimes confondus ([1]).

Pourtant, le suicide paysan n’est pas une réalité nouvelle. Il s’enracine depuis plusieurs décennies dans les transformations du travail agricole, la précarité économique grandissante, l’isolement social et les difficultés individuelles trop souvent tues. Depuis une dizaine d’années, les témoignages de proches endeuillés – dont le film Au nom de la terre d’Édouard Bergeon – se sont multipliés pour lever le voile sur la violence du mal-être qui ronge le monde agricole.

Depuis, plusieurs travaux institutionnels ont contribué à l’éclairer. Les rapports remis par le député Olivier Damaisin en tant que parlementaire en mission ([2]), par les sénateurs Henri Cabanel et Françoise Férat ([3]), puis par l’inspecteur général honoraire des affaires sociales Daniel Lenoir ([4]), ont analysé les causes de cette détresse et recensé les dispositifs d’aide et d’accompagnement existants. Ces travaux ont conduit, en 2021, à l’adoption d’une feuille de route nationale pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté, qui a constitué une première étape dans la reconnaissance institutionnelle de ce phénomène.

Cependant, malgré ces avancées, la situation demeure préoccupante. Les données relatives au suicide paysan ne révèlent aucun signe d’amélioration. À l’inverse, les acteurs de terrain font état d’un accroissement des signalements de situations de détresse. Dans ce contexte, la structuration d’une véritable politique publique sur la santé mentale agricole apparaît nécessaire.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi qui repose sur un triptyque clair : détecter, orienter, coordonner.

I.   Un constat : L’urgente nÉcessitÉ d’une politique de prÉvention, de repÉrage et d’accompagnement des cas de souffrance dans le monde agricole

A.   Le suicide paysan, ou l’expression la plus tragique d’un mal‑Être devenu structurel au sein de la profession

1.   Un phénomène ancien, massif et longtemps occulté

Conduites dans les années 1970, les premières études statistiques sur le suicide paysan mettaient déjà en évidence l’ampleur du phénomène. Les travaux du chercheur Nicolas Deffontaines révèlent ainsi que « les agriculteurs et les agricultrices se situent depuis les années 1970 au moins, à défaut de données plus anciennes, en haut de la hiérarchie des taux de suicide par catégorie professionnelle » ([5]). Selon l’analyse conduite à partir des données du programme de l’Institut de veille sanitaire Cosmop sur la période 1968‑1999 ([6]), les exploitants agricoles présentaient un risque de décès par suicide « trois fois plus élevé chez les hommes et deux fois plus élevé chez les femmes que les cadres » ([7]).

ÉVOLUTION DU TAUX DE SUICIDE MASCULIN ET FÉMININ
DES AGRICULTEURS ET NON-AGRICULTEURS DE 1970 À 2008

Source : thèse de Nicolas Deffontaines ([8]), à partir de données CépiDc ([9])et recensements Insee, cité par le rapport du Sénat (op. cit.).

Depuis, bien que le recul général de la mortalité par suicide ait été observé parmi les agriculteurs comme dans l’ensemble des catégories socio-professionnelles ([10]), sa prévalence dans le monde agricole demeure significativement supérieure à la moyenne.

Plusieurs facteurs expliquent cette vulnérabilité. Les travaux de la sociologue Michèle Salmona ont les premiers mis en évidence les « dégâts du progrès » sur les équilibres traditionnels du monde rural ([11]). Le développement de l’idéologie productiviste, la mécanisation du travail « à marche forcée » et l’utilisation de plus en plus répandue de pesticides de synthèse ont durablement affaibli le bien-être des agricultrices et des agriculteurs ainsi que la représentation qu’ils se font de leur propre profession.

Les crises agricoles successives, comme celle de la vache folle à partir de 1986, celle de la volaille en 1999 ou encore la crise du lait en 2009, ont également eu des répercussions significatives sur le bien-être des agriculteurs. En 2008, en pleine crise alimentaire et tandis que le revenu agricole baisse de 15 % ([12]), une surmortalité par suicide de 28 % est observée chez les hommes exploitants par rapport à la population générale ([13]).

Au-delà du risque suicidaire, d’autres signes d’un mal-être plus diffus doivent être mentionnés. Selon une étude menée en 2018 ([14]), ce sont 15,3 % des exploitants et 18,4 % des exploitantes qui présentent des symptômes dépressifs. Chez les salariés agricoles, 14,7 % des hommes et 21,2 % des femmes sont concernés.

Par ailleurs, les comportements addictifs et les violences intrafamiliales, régulièrement évoquées au cours des auditions, comptent parmi les facteurs de risque auxquels le monde agricole semble particulièrement exposé. Selon les données de la Mutualité sociale agricole([15]), les salariés agricoles présentent un sur-risque de trouble addictif de 18,6 % par rapport à l’ensemble des assurés. Ce taux atteint 23,2 % pour la consommation d’alcool et 40,2 % pour celle d’autres substances comme le cannabis ou le tabac.

2.   Une surmortalité par suicide qui prend sa source dans les conditions particulières d’exercice du métier agricole, marqué par un fort isolement et une précarité croissante

Le mal-être paysan prend racine dans une diversité de facteurs, à la fois sociétaux, économiques et individuels.

La pénibilité du travail agricole participe de l’épuisement, physique et émotionnel, des agriculteurs. En 2017, leur durée de travail hebdomadaire moyenne atteignait 53,6 heures contre 37,2 heures pour l’ensemble de la population active ([16]). Les horaires décalés – très tôt le matin, tous les jours de la semaine ainsi que les jours fériés – accentuent l’éloignement avec la famille et les proches. Une étude menée auprès des professionnels du Douaisis révèle que 77 % des répondants estiment que leur travail dégrade leur santé, 64 % qu’il exige « toujours » une forte charge mentale et un sur quatre déclare ne jamais ou rarement parvenir à concilier son travail avec ses obligations familiales ([17]).

Aussi, le sentiment d’isolement constitue une importante source de souffrance. Déjà, en 1962, Pierre Bourdieu, dans son célèbre article « Célibat et condition paysanne » ([18]), en faisait le constat. Depuis, la diminution continue du nombre d’exploitations renforce l’isolement des agriculteurs, affaiblit les réseaux de pairs et accroît le sentiment de solitude. Faute de repérage ou de dialogue, les situations de mal-être tendent en général à s’enliser, jusqu’à conduire au suicide.

Enfin, la dévotion des agriculteurs à leur travail, souvent au détriment de leur vie personnelle, est d’autant plus difficile à supporter qu’elle s’accompagne d’un sentiment de faible reconnaissance. En 2020, 17,7 % des exploitants vivaient sous le seuil de pauvreté monétaire, contre 14,4 % dans le reste de la population ([19]). Ce taux atteignait 21,9 % pour les exploitants travaillant en couple sur l’exploitation. Les aléas climatiques, la volatilité des prix agricoles et l’endettement des exploitants pour financer les équipements lourds, accentuent encore cette fragilité. En 2022, le taux d’endettement moyen des exploitations s’élevait à 40,2 % ([20]) ; c’était moins de 20 % au début des années 1980. Pour les exploitants âgés de moins de 40 ans, le capital emprunté représente 296 560 euros en moyenne et atteint près de 600 000 euros dans certaines filières.

À cela s’ajoute le faible recours aux soins psychiques d’une large partie des professionnels du monde agricole vivant en zones rurales, pour la plupart situées dans des déserts médicaux. Or, la Mutualité sociale agricole identifie le non-recours aux soins comme l’une des caractéristiques principales du parcours précédant le suicide, présent dans 79 % des cas ([21]).

TAUX D’ENDETTEMENT MOYEN PAR SECTEUR D’EXPLOITATION EN 2022

Source : Agreste, op. cit.

B.   La réponse insuffisante de l’État face À la dÉtresse paysanne

1.   Une connaissance lacunaire du phénomène par les institutions

La connaissance du suicide dans le milieu agricole demeure lacunaire. Seules quelques études ont tenté de le quantifier sans qu’aucun indicateur fiable ne permette de déterminer avec certitude l’ampleur du phénomène, ni d’en suivre l’évolution.

Une étude de Santé publique France conduite en 2017 ([22]), à partir des données recueillies entre 2007 et 2011, fonde l’affirmation selon laquelle un agriculteur se suicide tous les deux jours en France ([23]). Elle met en évidence plusieurs facteurs augmentant le risque suicidaire et liés :

– aux conditions d’exercice, notamment le fait de posséder une exploitation de taille moyenne ou d’être exploitant à titre individuel et non sociétaire ;

– au lieu de vie, certaines régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Hauts-de-France) présentant des niveaux de surmortalité ;

– à l’âge, les agriculteurs de 45‑54 ans et de 55‑64 ans connaissant un plus fort taux de mortalité par suicide comparativement aux autres tranches d’âge ([24]) ;

– au type de production, les exploitants du secteur bovins-viande présentant un excès de mortalité de 127 % en 2008 et de 57 % en 2009, résultats cohérents avec les fortes variations de revenu qu’ils avaient subies au cours de cette période.

Toutefois les travaux de Santé publique France excluaient du périmètre de l’étude les femmes et les salariés agricoles, ce qui limite fortement la connaissance du phénomène suicidaire dans le monde paysan.

Une étude plus récente, publiée par la Mutualité sociale agricole en 2019 et portant sur les données de l’année 2015, fait état de deux suicides d’agricultrices et d’agriculteurs par jour ([25]), un ordre de grandeur nettement plus élevé que celui établi par Santé publique France.

Ces divergences entre les deux études illustrent les limites méthodologiques auxquelles se heurte l’appréhension du suicide agricole. Les différences de périmètre – exploitants, salariés ou assurés agricoles au sens large ([26]) –, les modes d’appariements des bases médico-administratives et la qualité de l’analyse des certificats de décès multiplient autant qu’ils biaisent les sources de données. De plus, il est notoire que les statistiques nationales de la mortalité par suicide sous-estiment leur nombre réel, de l’ordre de 9 % selon Santé publique France.

Malgré leurs lacunes, ces deux études attestent de la forte surmortalité par suicide des agriculteurs et des agricultrices par rapport à la population générale. Elles soulignent l’urgence à établir une politique publique ambitieuse et efficace en leur faveur afin de prévenir les situations de détresse, d’améliorer le repérage des risques et de garantir une prise en charge adaptée des personnes en souffrance.

2.   Une absence de politique nationale cohérente et structurée

Parce qu’il constitue un enjeu majeur de santé publique, le suicide paysan appelle une mobilisation politique forte.

Pourtant, force est de constater que cette responsabilité n’est aujourd’hui pas endossée. Depuis près de quinze ans, les initiatives se succèdent, sans pour autant constituer une stratégie nationale cohérente, pérenne et dotée de moyens suffisants.

En 2009, année particulièrement difficile pour les agriculteurs, a été instaurée pour le redressement des exploitations en difficulté financière l’aide à la relance de l’exploitation agricole (Area) ([27]).

En 2011, le ministère de l’agriculture a confié à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole la mise en œuvre d’un plan pluriannuel de prévention du suicide dans le monde rural, reconduit pour la période 2016‑2020. Il a permis la création d’un dispositif national d’écoute – Agri’écoute – ainsi que de cellules pluridisciplinaires dans chaque caisse, chargées de prévenir et de détecter la survenue de risques psycho-sociaux chez ses adhérents.

Le dispositif Agri’écoute

Mis en place en 2014 par la Mutualité sociale agricole, Agri’écoute est une ligne d’écoute dédiée aux agricultrices et aux agriculteurs en situation de détresse, accessible à tout moment de la semaine, de jour comme de nuit.

Elle fonctionne depuis 2021 en collaboration avec le prestataire Empreinte Humaine, qui mobilise des interlocuteurs psychologues formés aux spécificités du monde agricole. Agri’écoute propose jusqu’à cinq rendez-vous téléphoniques avec un psychologue dédié ainsi qu’une plateforme de discussion en ligne.

Les psychologues peuvent orienter les personnes concernées vers des dispositifs d’accompagnement, effectuer un signalement auprès de la Mutualité sociale agricole avec l’accord de l’intéressé, l’orienter vers un professionnel de santé ou, en cas de risque de passage à l’acte imminent, informer la police ou les services de secours.

Entre 2021 et 2024, Agri’écoute a répondu à 12 308 personnes. Il reçoit 367 appels environ chaque mois ([28]).

Depuis 2021, le dispositif connaît une progression significative de son utilisation avec un taux de croissance annuel moyen des appels de 16 %.

En 2017, des cellules départementales d’accompagnement ont été instituées par les préfets. Elles réunissent les services de l’État et des représentants des chambres d’agriculture, de la Mutualité sociale agricole, des coopératives agricoles ou encore des banques. Elles sont chargées, après signalement, d’analyser la situation d’un agriculteur en difficulté et d’identifier les pistes d’accompagnement.

La publication des rapports précités du député Olivier Damaisin et des sénateurs Henri Cabanel et Françoise Férat, a conduit, en 2021, à l’adoption de la feuille de route pour prévenir le mal-être des agriculteurs. Celle-ci visait à harmoniser les dispositifs existants par la nomination d’un coordinateur à l’échelle nationale, la réaffirmation du rôle des préfets dans l’articulation des acteurs locaux, et la formalisation d’un cadre d’intervention pour le repérage et l’accompagnement des agricultrices et des agriculteurs en difficulté. Les auditions conduites par le rapporteur ont révélé la nette insuffisance de ce plan, de surcroît inégalement appliqué d’un département à l’autre et engendrant de ce fait des différences de traitement profondément inéquitables dans l’accompagnement des agriculteurs.

Aussi, il apparaît désormais indispensable de franchir une nouvelle étape en inscrivant dans la loi un dispositif pérenne, structuré, capable de piloter, de manière stratégique et opérationnelle, une véritable politique publique de protection de la santé mentale des agriculteurs et des agricultrices.

Alors que la santé mentale a été érigée en grande cause nationale pour 2025 et pour 2026, il est impossible de rester sourd à la souffrance paysanne. La mise en place de dispositifs réellement adaptés est nécessaire face aux enjeux spécifiques du mal-être agricole, pour une prise en charge à la hauteur des besoins.

II.   Un objectif : mettre en place une politique nationale de protection de la santÉ mentale des agriculteurs et des agricultrices

La présente proposition de loi pose les jalons d’une politique publique de protection de la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs. Celle-ci doit permettre :

– d’améliorer la connaissance du phénomène en garantissant la collecte et l’exploitation, au niveau national et départemental, de données fiables ;

– de mener une politique de prévention afin de réduire durablement le risque suicidaire dans le monde agricole ;

– d’assurer le repérage, l’orientation et l’accompagnement des agricultrices et des agriculteurs en difficulté, en leur proposant une prise en charge lisible et cohérente partout sur le territoire ;

– de garantir une neutralité et une égalité de traitement grâce à une instruction des signalements confiée à l’État, alors qu’elle est aujourd’hui fréquemment le fait des organisations professionnelles, notamment créancières des exploitations agricoles, susceptibles de se trouver en situation de conflit d’intérêts.

A.   Premier axe : crÉer, au niveau national, une structure pÉrenne chargÉe du pilotage stratÉgique de la politique

Le premier axe de la présente proposition de loi crée, à l’article 3, une mission nationale chargée de définir, de coordonner et d’évaluer la politique de protection de la santé mentale des agriculteurs et des agricultrices.

À ce jour, cette fonction est occupée par un coordinateur national chargé du pilotage de la feuille de route de 2021. Cette gouvernance n’est toutefois pas pérenne et elle est dotée de moyens limités.

La structuration d’une mission nationale s’inscrit dans le sillage de la recommandation formulée par Daniel Lenoir dans son rapport sur la mise en œuvre de la feuille de route ([29]). Il préconisait la création d’une structure interministérielle durable réunissant à l’échelle nationale l’ensemble des acteurs, institutionnels et associatifs, et des départements ministériels concernés –santé, agriculture, mais aussi travail et solidarités ou encore justice.

La mission permettrait l’implication durable des administrations concernées et l’articulation de la question du suicide paysan avec d’autres politiques ministérielles, comme la politique nationale de développement agricole et la stratégie nationale de prévention du suicide.

Il s’agit également de renforcer la visibilité de ce sujet, longtemps resté tabou.

B.   Second axe : assurer un maillage territorial, pour une politique lisible et accessible

Le second axe de la présente proposition de loi vise à structurer une politique de proximité, au plus proche des agricultrices et des agriculteurs.

Il repose sur deux piliers.

Le premier, prévu à l’article 1er, donne une base légale au dispositif national des sentinelles agricoles afin d’en consolider le financement et l’animation.

Le second pilier, prévu à l’article 2, institue un guichet unique départemental, conçu comme la porte d’entrée pour l’orientation et la prise en charge des agricultrices et des agriculteurs en souffrance. Ce guichet a vocation à déployer, dans chaque département, la stratégie nationale de prévention de la souffrance psychique et du risque suicidaire. Il aura pour mission de coordonner les acteurs territoriaux : services de l’État, collectivités, caisses de la Mutualité sociale agricole, chambres d’agriculture, ainsi que l’ensemble des acteurs associatifs et des organisations professionnelles mobilisées.

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*     *


   COMMENTAIRE DES ARTICLES

La présente proposition de loi, composée de quatre articles dans sa rédaction initiale, a été augmentée de deux articles à l’issue de son examen par la commission des affaires sociales.

En conséquence des modifications qu’elle a apportées, la commission a également adopté un amendement du rapporteur portant nouvelle rédaction de l’intitulé de la proposition de loi, visant désormais « à prévenir le mal-être et le risque suicidaire dans le monde agricole ».

Cette réécriture s’appuie sur les remarques et constats soulevés au cours des auditions du rapporteur. D’une part, la notion de « mal-être », moins stigmatisante pour l’individu que celle de « santé mentale », rend compte de la pluralité des facteurs à l’origine de la détresse des agriculteurs – économique, social, familial, environnemental, administratif – et correspond davantage à la réalité décrite par les personnes concernées. D’autre part, la référence explicite au « risque suicidaire » souligne l’objectif poursuivi : prévenir le suicide dans le monde agricole.

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Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er crée un dispositif national de sentinelles agricoles, chargées de repérer les premiers signes de souffrance des agricultrices et des agriculteurs afin de les orienter vers des dispositifs adaptés de prise en charge.

I.   Le droit existant : Un dispositif pilotÉ par la mutualitÉ sociale agricole et freinÉ dans son dÉploiement

A.   Un instrument De repÉrage et d’orientation des agricultrices et des agriculteurs en dÉtresse, renforcÉ en 2021

1.   Un mécanisme piloté par la Mutualité sociale agricole

Mis en place par la Mutualité sociale agricole (MSA) dès 2011, le dispositif des sentinelles agricoles repose sur un réseau de bénévoles volontaires formés pour repérer les situations de mal-être et orienter les agriculteurs vers des dispositifs d’aide adaptés. Ces bénévoles, en contact direct avec le monde agricole – qu’il s’agisse d’élus locaux, d’élus ou de salariés de la Mutualité sociale agricole, de vétérinaires ou même d’agriculteurs – suivent une formation d’une journée dispensée par les agences territoriales de la Mutualité sociale agricole, avec l’appui des agences régionales de santé.

Le rôle des sentinelles agricoles consiste d’abord à amener les personnes concernées à faire part de leur mal-être et, le cas échéant, à les orienter vers les dispositifs d’accompagnement mis en place localement par les associations ou par la Mutualité sociale agricole. Avec l’accord de l’intéressé, les sentinelles agricoles peuvent alerter la cellule pluridisciplinaire de prévention de la caisse locale ([30]), qui procédera à l’analyse de la situation de l’adhérent puis à la mise en œuvre d’un accompagnement adapté.

L’intérêt de ce dispositif est multiple. En repérant les « signaux faibles » de détresse, les sentinelles agricoles participent à la prévention du risque suicidaire. Elles permettent de rompre l’isolement et, en humanisant la procédure de repérage, de dépasser la méfiance envers l’administration, fréquente dans le monde agricole. Enfin, le dispositif remédie à la faible propension des agriculteurs et des agricultrices à faire état de leurs difficultés et à solliciter une aide.

2.   Un dispositif renforcé par la « feuille de route » pour prévenir le mal‑être des agriculteurs de 2021

En 2021, la feuille de route pour la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté entendait soutenir le déploiement de ce dispositif et fixait l’objectif de former 5 000 sentinelles agricoles d’ici 2023.

Une charte nationale des sentinelles en agriculture a été élaborée en lien avec les parties prenantes de la feuille de route ([31]). Celle-ci insiste sur le respect des choix formulés par la personne accompagnée, sur la confidentialité des informations recueillies par les sentinelles agricoles et sur leur impartialité dans les conseils qu’elles délivrent.

La charte précise également que les sentinelles agissent en dehors de toute activité professionnelle et que les informations recueillies ne peuvent être transmises à leur employeur. Cette précision est nécessaire alors que 23 % des sentinelles sont des salariés de la Mutualité sociale agricole ([32]) et que persiste, au sein du monde agricole, la peur d’un « fichage » des exploitations en difficulté.

Enfin, la charte précise le contenu de la formation dispensée par la Mutualité sociale agricole et les agences régionales de santé, ainsi que le pilotage conjoint du dispositif par ces institutions, afin d’assurer son déploiement homogène sur l’ensemble du territoire.

B.   des difficultÉs persistantes qui freinent le déploiement

Depuis la mise en place du dispositif, près de 9 000 bénévoles ont été formés et intégrés au réseau, bien au-delà de l’objectif de 5 000 sentinelles fixé par la feuille de route.

Toutefois, des difficultés persistent, qui freinent le déploiement du dispositif.

D’une part, le maillage du territoire demeure incomplet, notamment dans les territoires ruraux les plus étendus, où les distances et la dispersion des exploitations rendent la couverture plus difficile. Ainsi, seules 15 sentinelles agricoles étaient recensées en 2024 dans les Hautes-Pyrénées, contre 436 dans les Deux-Sèvres.

RÉPARTITION DES SENTINELLES agricoles SELON LES DÉPARTEMENTS

Source : contribution écrite de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole transmise au rapporteur.

D’autre part, le fait que la responsabilité de l’animation du réseau repose quasi-exclusivement sur la Mutualité sociale agricole, sans soutien pérenne de la part de l’État, limite sa montée en gamme. Auditionnés par le rapporteur, ses représentants ont exprimé leur inquiétude, alors que le prochain contrat d’objectif et de gestion en négociation avec les ministères de tutelle ne prévoit aucun moyen nouveau pour l’extension du dispositif ou la pérennisation de son financement.

Pourtant, les besoins d’accompagnement semblent s’accroître sensiblement. Les signalements enregistrés par la Mutualité sociale agricole ont ainsi augmenté de 30 % en un an.

L’entrée en vigueur prochaine de la deuxième génération des projets territoriaux de santé mentale (PTSM) des agences régionales de santé doit être l’occasion de systématiser et d’accroître le soutien de l’État aux réseaux territoriaux des sentinelles agricoles.

II.   Le droit proposÉ : consolider et gÉnÉraliser le dispositif des sentinelles agricoles

L’article 1er de la présente proposition de loi crée un nouveau chapitre sur la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs au sein du code de la santé publique. Il introduit, au sein de ce chapitre, un nouvel article L. 1174‑1 créant un dispositif national des sentinelles agricoles.

L’alinéa 11 de l’article prévoit l’animation des réseaux territoriaux par les chambres départementales d’agriculture et les caisses départementales de la Mutualité sociale agricole.

L’alinéa 6 précise la liste des personnalités susceptibles d’être intégrées au réseau des sentinelles : agriculteurs ; conseillers agricoles ; experts-comptables agricoles ; membres des sociétés coopératives agricoles ; vétérinaires ; membres des conseils municipaux, départementaux et régionaux territorialement compétents ; membres des associations en lien avec le monde agricole, etc.

L’article définit et consacre, au niveau législatif, les missions des sentinelles. Elles sont chargées de :

– détecter et traiter les situations de souffrance psychique et de risque suicidaire rencontrées par les agricultrices et les agriculteurs (alinéa 5) ;

– réorienter les personnes concernées, le cas échéant, vers le guichet unique départemental de santé mentale agricole, institué à l’article 2 de la présente proposition de loi, afin de garantir une prise en charge rapide (alinéa 12).

Enfin, l’article 1er prévoit la prise en charge par l’État de la formation des sentinelles agricoles, qui sera conforme à un référentiel national validé par la mission nationale pour la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs, prévue à l’article 3. La formation comprend au moins deux modules relatifs à la détection de signaux de détresse mentale, à la conduite d’un dialogue adapté et à l’orientation vers le guichet unique départemental. Les personnalités ainsi formées peuvent se prévaloir du label « sentinelle agricole » (alinéas 8 à 10).

III.   Les modifications apportÉes par la commission

● La commission a adopté trois amendements :

– le premier est un amendement de Mme Manon Meunier et des membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, adopté avec l’avis favorable du rapporteur. Il précise que les sentinelles agricoles peuvent être membres d’associations « d’accompagnement d’agriculteurs et d’agricultrices en difficulté », afin de mieux définir le périmètre des associations concernées par le présent article ;

– le deuxième est un amendement de Mme Nicole Dubré-Chirat et plusieurs de ses collègues du groupe Ensemble pour la République, sur lequel le rapporteur a émis un avis de sagesse. Il ordonne que la formation des sentinelles agricoles intègre « la connaissance des premiers secours en santé mentale ». Mis en œuvre depuis 2018 avec le soutien du ministère de la santé, le programme de secourisme en santé mentale vise à améliorer le repérage des signes de détresse, l’orientation des personnes concernées et la connaissance des conduites à adopter face au risque d’un passage à l’acte suicidaire ;

– le troisième est un amendement du rapporteur. Il prévoit la possibilité pour les sentinelles agricoles de transmettre au guichet départemental unique les données personnelles des agriculteurs qu’elles accompagnent, à des fins de signalement et sous conditions. Il est mentionné que les « sentinelles s’engagent à respecter la confidentialité des informations recueillies auprès des agricultrices et des agriculteurs ».

● En outre, la commission a adopté plusieurs amendements de nature rédactionnelle et de coordination à l’initiative du rapporteur.

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Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 crée dans chaque département et collectivité d’outre-mer un guichet unique départemental de la santé mentale agricole, chargé de coordonner les dispositifs d’accompagnement des agricultrices et des agriculteurs, afin d’en accroître la lisibilité et l’accessibilité. Ce guichet aura également pour mission de mettre en place des actions d’ « aller vers », pour détecter les situations de souffrance.

  1.   Le droit existant : La multiplication des dispositifs de soutien nuit À leur lisibilité d’ensemble

A.   de nombreux acteurs impliquÉs au niveau territorial pour l’accompagnement des agricultrices et des agriculteurs

Qu’ils soient mis en place par la Mutualité sociale agricole, les organisations professionnelles, les associations ou les services de l’État, de nombreux dispositifs coexistent à l’échelle locale pour venir en aide aux agricultrices et aux agriculteurs en situation de détresse. Si chacun de ces outils répond à un besoin réel, leur accumulation nuit tant à leur lisibilité qu’à leur appropriation par les bénéficiaires.

En 2012, les cellules de prévention pluridisciplinaires ont été créées au sein de chaque caisse. Elles mobilisent l’ensemble des ressources internes – service d’action sociale, médecins-conseil, prévention en santé, aides financières – pour un accompagnement global de l’adhérent dont la situation a été signalée ou repérée.

D’autres cellules sont susceptibles d’intervenir dans l’accompagnement des agricultrices et des agriculteurs, comme les conseils départementaux d’accès au droit (CDAD) ([33]), les commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CPHSCT) ([34]) ou encore les cellules opérationnelles de prévention et de lutte contre la maltraitance animale (CDO « maltraitance ») ([35]). Enfin, il faut mentionner les nombreuses initiatives des organisations professionnelles et des chambres d’agriculture au sein de leurs territoires.

Ceci vient s’ajouter aux dispositifs de droit commun : le numéro national de prévention du suicide 3114, le système de contact et d’alerte pour prévenir la récidive d’actes suicidaires VigilanS, ou encore le réseau des secouristes en santé mentale ([36]).

DISPOSITIFS spÉcifiques de prÉvention et de prise en charge du mal-Être
au sein du monde agricole

Nature de l’offre

Dispositif

Acteur

Descriptif

Prévention

Actions collectives de prévention

Mutualité sociale agricole

Ces actions ont pour objectif d’accompagner les périodes de transitions professionnelles ou personnelles. Elles prennent diverses formes : dispositifs « Avenir en soi », « Parlons métier », etc.

Repérage et orientation

Sentinelles agricoles

Op. cit.

Cellules de prévention pluridisciplinaires

Op. cit.

Agri’écoute

Op. cit.

Allo Agri

Coordination rurale

Mise en place en 2020, cette ligne d’appel vise à repérer, soutenir et orienter les agriculteurs en difficulté et à porter assistance aux exploitants face aux difficultés techniques qu’ils rencontrent.

Accompagnement

Cellules d’accompagnement des agriculteurs en difficulté (Agridiff)

Direction départementale des territoires et de la mer (DDT‑M)

Instaurées au niveau départemental, elles sont composées de représentants techniques et administratifs issus des différentes structures partenaires du monde agricole (DDT‑M, directions départementales des finances publiques, chambres d’agriculture, Mutualité sociale agricole, banques) afin d’identifier et d’accompagner les agriculteurs en difficulté.

Aide à la relance de l’exploitation (Area)

Ce dispositif vise à aider la restructuration des dettes des exploitations en difficulté financière. Il se compose de deux modalités indissociables : un plan de restructuration ; un suivi technico-économique.

Aide à la réinsertion professionnelle (ARP)

L’ARP s’adresse aux agriculteurs dont l’exploitation est jugée inapte au redressement. Elle propose une aide au départ de 3 100 euros et une aide au déménagement de 1 550 euros.

Aides pour les agriculteurs en cas de difficultés de paiement des cotisations

Mutualité sociale agricole

Elles s’adressent aux chefs d’exploitations et d’entreprises agricoles en difficulté pour régler leurs cotisations sous forme d’un échéancier de paiement, d’une prise en charge partielle des cotisations, d’une remise des majorations et pénalités.

Aides au répit

Les aides au répit visent à prévenir l’épuisement professionnel. Les solutions proposées sont diverses : aide au départ en vacances, aide au remplacement de l’exploitant agricole, prise en charge de séances avec un psychologue, participation à un groupe de parole, etc.

Cellules Réagir

Chambres d’agriculture

En collaboration avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, les Jeunes agriculteurs et la Mutualité sociale agricole, ces cellules proposent un suivi et un accompagnement des exploitants en difficulté par un conseiller.

Source : commission des affaires sociales.

Si la multiplication des dispositifs d’aide au niveau local présente un avantage certain en garantissant la liberté des agricultrices et des agriculteurs de choisir leur structure d’accompagnement, elle peut également nuire à leur capacité à se repérer dans cet écosystème. Sans se substituer à l’ensemble de ces actions, salutaires dans leur principe comme dans leur application, un travail de coordination et de simplification s’avère nécessaire pour accroître leur lisibilité et leur effectivité.

B.   Une tentative de rationalisation De cet ÉcosystÈme, demeurÉe inaboutie

La feuille de route 2021 relative à la prévention du mal-être et à l’accompagnement des agriculteurs en difficulté avait prévu « une nouvelle gouvernance fondée sur appréhension territoriale et humaine des enjeux liés au mal-être agricole ».

Des comités dédiés à la question du mal-être agricole ont été mis en place dans chaque département, sous l’autorité des préfets, avec pour objectif d’organiser la politique locale de repérage et d’accompagnement. À ce titre, ils ont pour missions d’élaborer un diagnostic partagé, d’assurer la déclinaison de la feuille de route au niveau local, de garantir une offre de service suffisante et de dégager des solutions adaptées à chaque situation, de valoriser les actions partenariales locales, de décliner les chartes d’engagement ou conventions signées nationalement, d’établir chaque année un bilan de ladite politique.

Ces comités se réunissent selon deux modalités :

– les comités pléniers, présidés par le préfet et dont le pilotage effectif est généralement délégué à la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), dans certains cas avec l’appui de la Mutualité sociale agricole ou, plus rarement, de la chambre d’agriculture. Les comités pléniers réunissent les acteurs impliqués pour la prise en charge de la souffrance agricole sur le territoire, qu’il s’agisse des représentants des collectivités territoriales, de la Mutualité sociale agricole, des associations locales, des organisations syndicales, des organismes bancaires et d’assurances, ou encore des organismes de formation ;

– les comités techniques, composés de référents désignés par la caisse de la Mutualité sociale agricole sur le sujet de la prévention du mal-être et l’accompagnement social, par l’agence régionale de santé pour la santé mentale, par la direction départementale des territoires et de la mer pour l’accompagnement économique et par la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités pour la prévention des risques professionnels. Le préfet nomme, parmi ces représentants, un coordinateur départemental chargé d’assurer l’avancée des travaux.

Le rapport de Daniel Lenoir, ancien coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture, faisait le bilan de la première année de mise en œuvre de la feuille de route ([37]). Il mettait en évidence un déploiement particulièrement laborieux, avec une instauration tardive des comités départementaux et des comités techniques.

Le diagnostic local partagé de la préfecture des Deux-Sèvres ([38]), publié en 2024, confirme ces difficultés. Trois ans après la publication de la feuille de route, le comité plénier s’est réuni deux fois et le comité technique trois fois, retardant d’autant la mise en œuvre de mesures pourtant simples comme la distribution de dépliants de prévention : ils n’avaient, en juin 2024, toujours pas été diffusés.

Les auditions menées par le rapporteur ont permis d’actualiser et de préciser ce constat. Il apparaît, à la date de publication du présent rapport, que le rôle et les spécificités des comités départementaux demeurent insuffisamment compris par rapport à d’autres dispositifs existants. Dans de nombreux territoires, le coordinateur départemental reste mal identifié. Enfin, l’implication des services de l’État dans le fonctionnement de ces comités apparaît variable selon les départements.

Si une gouvernance territoriale souple, capable de s’adapter aux réalités locales, constitue un atout, elle ne saurait dispenser l’État d’un pilotage effectif. Il doit pleinement assumer son rôle de coordination entre les acteurs, faute de quoi la feuille de route peinera à produire les effets attendus.

II.   Le droit proposÉ : un guichet unique dÉpartemental, garant de la structuration d’une offre D’ACCOMPAGNEMENT LISIBLE

Le présent article 2 crée un guichet unique au sein de chaque département et de chaque collectivité d’outre-mer, placé sous l’autorité du préfet (alinéa 2).

Ce guichet sera chargé de la mise en œuvre territoriale de la stratégie nationale de prévention de la souffrance psychique et du risque suicidaire dans le monde agricole. Un référent, désigné par le préfet, aura pour mission d’en assurer la coordination opérationnelle dans le département (alinéa 3).

Le guichet unique départemental remplira les missions suivantes (alinéas 5 à 9) :

– assurer l’orientation et la prise en charge rapide des agricultrices et des agriculteurs vers les dispositifs appropriés ;

– coordonner les acteurs concernés – Mutualité sociale agricole, chambre d’agriculture, agence régionale de santé, collectivités territoriales – afin de garantir une réponse efficace aux situations de souffrance psychique et de risque suicidaire ;

– veiller à la bonne articulation entre les dispositifs nationaux, régionaux et locaux, en conformité avec la stratégie définie par la mission nationale pour la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs, visée à l’article 3 de la présente proposition de loi ;

– transmettre en continu les données territoriales, les actions menées et les difficultés identifiées à la mission nationale.

Le guichet unique comprendra une « composante mobile » ayant vocation à aller au contact des intéressés dans les exploitations et les lieux de la vie professionnelle et sociale des agricultrices et des agriculteurs (alinéa 4).

III.   Les modifications apportÉes par la commission

● La commission a adopté deux amendements de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste et Social, qui ont bénéficié d’un avis favorable du rapporteur :

– le premier précise que la stratégie nationale de prévention du mal-être et du risque suicidaire au sein du monde agricole, mise en œuvre par les guichets départementaux uniques, intègre les spécificités d’agriculteurs particulièrement vulnérables, à savoir les agricultrices, les personnes récemment installées, les personnes étrangères exerçant un travail saisonnier, les familles des personnes salariées ou cheffes d’exploitation ainsi que les personnes récemment exposées à des aléas climatiques ou à des crises sanitaires ;

– le second ajoute aux missions du guichet départemental unique celle de « coordonner la conclusion de conventions prévoyant des aides spécifiques au financement d’emplois de gestion administrative et comptable des petites et moyennes exploitations agricoles ».

● La commission a également adopté un amendement de Mme Martine Froger et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, avec avis favorable du rapporteur. Il élargit les missions du guichet départemental unique, désormais chargé de « faciliter la déclaration des besoins d’aide et d’accompagnement par les agricultrices et les agriculteurs ».

● Enfin, la commission a adopté plusieurs amendements de coordination et rédactionnels du rapporteur, dont l’un renomme le guichet unique départemental en « guichet départemental unique ».

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Adopté par la commission avec modifications

L’article 3 crée une mission nationale pour la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs. Placée sous la tutelle du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l’agriculture, elle définit et coordonne la stratégie nationale, puis améliore la connaissance du mal-être au sein du monde agricole.

  1.   Le droit existant : un coordinateur national chargÉ de suivre la mise en œuvre de la feuille de route de 2021

Conformément à la feuille de route de 2021, un coordinateur national a été nommé le 3 février 2022 pour en piloter la mise en œuvre. Placé sous l’autorité des ministres chargés de l’agriculture et de la santé, il a pour mission d’« assurer la coordination nationale avec l’ensemble des parties prenantes » et de « coordonner la mise en œuvre [de la feuille de route] sur les territoires » ([39]).

Pour ce faire, il s’appuie sur deux instances nationales de coordination :

– le comité de pilotage national (CPN), qui réunit des représentants des élus locaux, des organisations professionnelles et syndicales, des institutions sanitaires, des administrations et services publics ainsi que des réseaux associatifs en contact avec le monde agricole ;

– le comité de coordination et de suivi interministériel (CCSI), qui coordonne les différents chantiers définis par le comité de pilotage. Il rassemble les administrations publiques, les agences régionales de santé et la Mutualité sociale agricole.

Si le champ d’action du coordinateur national est vaste, les moyens qui lui sont alloués apparaissent en revanche très limités. Ainsi, il ne dispose d’aucun budget propre pour accompagner le déploiement de la feuille de route ou soutenir des initiatives innovantes en faveur de la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs. Les ressources humaines qui lui sont affectées sont également restreintes puisqu’il n’est assisté que d’une adjointe, d’un agent des ministères sociaux mis à disposition et d’un agent de secrétariat.

Il est clairement apparu, au cours des auditions conduites par le rapporteur, que l’ampleur du travail de coordination, à la fois national et territorial, nécessiterait une capacité d’animation et de suivi nettement renforcée. Elle ne semble pas pouvoir être assurée compte tenu des moyens actuellement affectés.

  1.   le DRoit proposÉ : dÉfinir et coordonner au niveau national les actions de prÉvention du suicide paysan

L’article 3 introduit un nouvel article L. 1174‑3 au sein du code de la santé publique, qui crée une mission nationale pour la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs.

Placée sous la tutelle des ministres chargés de la santé et de l’agriculture, la mission nationale remplirait les missions suivantes (alinéas 4 à 7, et alinéa 9) :

– définir la stratégie nationale de prévention des risques psychosociaux et du suicide dans le monde agricole, ainsi que les objectifs et les référentiels associés ;

– assurer le suivi, l’évaluation et la remontée d’indicateurs nationaux ;

– garantir la cohérence des actions territoriales menées sous l’autorité des représentants de l’État ;

– produire un rapport annuel transmis au Parlement, présentant les travaux, les résultats et les recommandations pour améliorer les politiques publiques de santé mentale des agricultrices et des agriculteurs.

La mission nationale comprendrait des représentants de l’État, de la Mutualité sociale agricole, des chambres d’agriculture, des collectivités territoriales et des associations en lien avec le monde agricole (alinéa 8).

  1.   Les modifications apportées par la commission

● Outre des amendements de nature rédactionnelle, la commission a adopté trois amendements sur proposition du rapporteur :

– plaçant la mission nationale sous la tutelle des ministres chargés du travail et de l’environnement, aux côtés des ministres chargés de la santé et de l’agriculture ;

– supprimant la référence au conseil d’administration ;

– associant les organisations syndicales agricoles à la mission nationale.

● La commission a également adopté un amendement de Mme Manon Meunier et des membres du groupe La France insoumise - Nouveau Front Populaire, avec l’avis favorable du rapporteur, précisant que les associations participant à la mission nationale accompagnent les agriculteurs et agricultrices en difficulté.

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Introduit par la commission

L’article 3 bis permet aux agricultrices et aux agriculteurs en situation de souffrance psychique de bénéficier du crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour congé, au taux maximal de 80 %.

Le présent article résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste et Social, sur lequel le rapporteur a émis un avis favorable. Il permet aux agriculteurs en situation de souffrance psychique de bénéficier du crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement, au taux de 80 %.

Prévu à l’article 200 undecies du code général des impôts, ce crédit d’impôt est accordé aux agriculteurs dont la présence quotidienne est nécessaire à leur exploitation, afin d’assurer leur remplacement par un tiers durant une période de congé. Son taux est fixé à 60 % ; il est porté à 80 % au titre des dépenses engagées pour un remplacement pour congé en raison d’une maladie, d’un accident du travail ou d’une formation professionnelle.

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Introduit par la commission

L’article 3 ter demande au Gouvernement la remise d’un rapport sur l’efficacité de la stratégie nationale de prévention du mal-être et du risque suicidaire ainsi que des instances chargées de sa mise en œuvre. Ce rapport évalue l’opportunité de transformer la mission nationale en un groupement d’intérêt public.

L’article 3 ter résulte de l’adoption par la commission d’un amendement du rapporteur. Il demande, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, la remise d’un rapport au Parlement sur :

– l’efficacité de la stratégie nationale de prévention du mal-être et du risque suicidaire dans le monde agricole ;

– le fonctionnement et l’efficacité de la mission nationale et des guichets départementaux uniques chargés de la mettre en œuvre ;

– l’opportunité de transformer la mission nationale en un groupement d’intérêt public. Cette proposition avait été formulée par Daniel Lenoir dans son rapport sur la mise en œuvre de la feuille de route ([40]) : « cette solution permettrait d’associer non seulement les services publics professionnels mais aussi les collectivités locales, notamment les régions qui sont impliquées dans la mise en œuvre du pacte et de la loi d’orientation pour l’agriculture, les organisations professionnelles et syndicales, comme également économiques. Elle permettrait d’élargir les ressources publiques au-delà du strict budget de fonctionnement de l’État [...] en faisant appel à des contributions volontaires. Enfin, la convention constitutive permettrait de mettre en place des structures de gouvernance associant l’ensemble des parties prenantes. »

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Adopté par la commission sans modification

L’article 4 prévoit un mécanisme de compensation des charges financières pour l’État, les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales qui résulteraient de l’adoption de la présente proposition de loi.

Le présent article garantit la recevabilité de la proposition de loi, condition nécessaire à son dépôt.

Il a vocation à compenser les éventuelles conséquences financières qui résulteraient de l’adoption de la proposition de loi pour l’État, les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales, par :

– la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et les services (État) ;

– la majoration de cette même accise (organismes de sécurité sociale) ;

– la majoration de la dotation globale de fonctionnement (collectivités territoriales).


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du mercredi 3 décembre 2025 à 9 heures

Lors de sa première réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires sociales examine la proposition de loi visant à protéger la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs (n° 2023) (M. Arnaud Simion, rapporteur) ([41]).

M. Arnaud Simion, rapporteur. C’est avec gravité et avec un sentiment d’urgence que je vous présente cette proposition de loi. Je le fais aussi avec une profonde détermination, après avoir travaillé de façon continue sur le sujet du mal-être dans le monde agricole et mené une quinzaine d’auditions dans le cadre de la préparation de ce texte. Celui-ci n’est ni technique, ni de circonstance : c’est un texte qui parle de vies humaines, de celles et ceux qui nous nourrissent et qui tombent pourtant trop souvent dans un silence que la République ne devrait jamais tolérer.

Depuis des décennies, une révolution agricole se déroule sous nos yeux – discrète, parfois invisible, mais brutale. Ce n’est pas la révolution du progrès ou de l’innovation mais celle d’un monde en perte de repères, fragilisé par l’isolement, l’épuisement et la précarité croissante. Dès les années 1970, la recherche a documenté un phénomène devenu malheureusement constant : les agriculteurs et les agricultrices se suicident davantage que le reste de la population. Selon la Mutualité sociale agricole, les assurés agricoles présentent un risque de suicide supérieur de 46 % à celui de la population générale. Elle a recensé 450 signalements de détresse par mois entre 2023 et 2025. La dernière étude nationale, déjà ancienne, évoquait un suicide par jour parmi les agricultrices et agriculteurs. Ce ne sont pas seulement des statistiques : ce sont des vies trop courtes, des familles brisées et des exploitations laissées à l’abandon. Rappelons qu’un suicide fait en moyenne huit blessés psychiques dans l’environnement immédiat.

Dans la circonscription dont je suis élu, et dans toute la Haute-Garonne, j’ai rencontré ces regards fatigués par l’enchaînement des sécheresses, des intempéries, des baisses de revenu, des complexités administratives, des injonctions paradoxales et, surtout, par la solitude. Les ravages du changement climatique y ont laissé des cicatrices visibles sur les cultures et invisibles sur les consciences. Je remercie à cet égard les associations dont l’accompagnement est décisif, comme Solidarité Paysans.

C’est un phénomène massif, ancien et longtemps ignoré. Les facteurs du mal-être agricole sont désormais clairement identifiés : un isolement social et géographique profond, une précarité structurelle – un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté –, un endettement moyen de 40 %, une charge mentale permanente sept jours sur sept et enfin une lourdeur administrative qui, pour beaucoup, se traduit par une seconde journée de travail. L’accumulation de ces fardeaux conduit à l’épuisement psychique puis, parfois, au geste irréparable.

Ce qui frappe, lorsqu’on creuse un petit peu, c’est de constater à quel point la connaissance du phénomène demeure lacunaire. Nous n’avons par exemple plus aucun chiffre consolidé sur les suicides dans le monde agricole depuis 2019. Nous ne disposons quasiment d’aucune donnée au sujet des agricultrices, alors qu’elles représentent désormais 30 % des exploitants. Nous n’avons rien non plus sur les salariés agricoles.

Des dispositifs existent, dont certains sont efficaces, mais ils ne sont pas coordonnés. Le programme de prévention du mal-être agricole piloté par la MSA a montré des résultats indiscutables. Près de 9 000 sentinelles sont formées, certes, mais leur présence sur le territoire est inégale et erratique : très structurée sur la façade ouest, elle l’est beaucoup moins dans le reste du territoire. Un numéro Agri’écoute qui décroche à 96 % ; 6 000 agriculteurs accompagnés en 2024, et une progression annuelle moyenne de ce chiffre de 32 % ; une aide au répit utilisée par 47 % des bénéficiaires, et une aide au répit administratif testée en 2024 déjà utilisée par 400 agriculteurs : nous savons ce qui fonctionne. Ce qui manque, ce ne sont pas des initiatives mais un pilotage, une lisibilité, une continuité.

Nous avons aujourd’hui une gouvernance morcelée. Une feuille de route a été lancée en 2021 ; elle est appliquée de façon inégale. Une délégation interministérielle a été créée ; elle est engagée, mais ne dispose que de moyens résiduels. Comment peut-on entendre fonctionner avec trois équivalents temps plein, des comités pléniers et techniques parfois inactifs, des structures locales nombreuses mais parfois incapables de travailler ensemble, et surtout sans véritable coordination nationale pérenne ?

Chaque acteur fait sa part, mais aucun n’est chargé d’orchestrer l’ensemble. En conséquence, l’agriculteur en souffrance se retrouve face à un labyrinthe administratif, alors qu’il n’a plus la force de pousser une seule porte pour engager une autodéclaration qui ne peut survenir que dans certaines conditions que nous devons créer.

L’objectif de cette proposition de loi est de construire enfin une politique publique claire et efficace. Notre texte repose sur trois piliers cohérents et interdépendants.

L’article 1er vise à inscrire dans la loi l’action des sentinelles agricoles. Il est temps de reconnaître officiellement ce réseau, qui a déjà sauvé des vies. Les sentinelles ne sont ni des psychologues ni des travailleurs sociaux, mais des personnes de confiance formées, capables d’identifier un mal-être et de donner l’alerte. Ce sont des relais humains, enracinés dans nos territoires.

L’article 2 a pour objet de créer un guichet départemental unique afin d’en finir avec les parcours fragmentés. Ce guichet, géré par une équipe identifiée, sera une porte d’entrée, un lieu capable de coordonner l’ensemble du réseau local et de favoriser l’aller vers indispensable dans un secteur où l’on parle peu et où demander de l’aide reste très difficile. Il permettra aussi d’adapter les dispositifs aux réalités locales, car un territoire de montagne n’est pas confronté aux mêmes défis qu’un territoire de plaine céréalière.

Enfin, l’article 3 prévoit la mise en place d’une mission nationale de santé mentale agricole. Il s’agira d’une structure pérenne, dotée d’une capacité d’évaluation, de suivi et de pilotage. Ce sera la boussole dont nous avons besoin. Tous les acteurs auditionnés, de la délégation interministérielle au réseau Solidarité Paysans, de Santé publique France aux chambres d’agriculture, de la Mutualité sociale agricole aux organisations syndicales, ont réclamé une coordination nationale réelle. Cette mission pourra évoluer, à terme, vers un groupement d’intérêt public afin d’associer pleinement les collectivités, les associations et peut‑être même les acteurs privés.

Si cette proposition de loi constitue un point de départ indispensable, nous devons rester lucides et admettre qu’elle ne résoudra pas, à elle seule, le mal-être agricole. Le chantier est immense. Il faut lutter contre les déserts médicaux, garantir aux agriculteurs un accès rapide à des professionnels spécialisés, leur assurer des revenus dignes et les protéger contre les aléas climatiques, sanitaires et économiques. Mais ce texte crée l’architecture qui nous manque : il assure enfin une cohérence nationale et met en place un cadre pour agir, suivre, évaluer et rectifier. En votant cette proposition de loi, nous ferons un choix clair : celui de ne plus détourner le regard et de dire à nos agricultrices, à nos agriculteurs ainsi qu’aux salariés du monde agricole que la République les voit, les entend et se tient à leurs côtés.

Parce que ce combat est un combat pour la vie, je vous invite à adopter cette proposition de loi.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Serge Muller (RN). Il est temps de regarder la réalité en face. En France, les agriculteurs se suicident, parce qu’ils n’en peuvent plus. Ils travaillent sans relâche, souvent sept jours sur sept. Ils croulent sous les dettes, les normes et la pression des prix. Ils ont le sentiment d’être oubliés, invisibles, abandonnés. Derrière chaque geste agricole, derrière chaque kilo de produits, il y a un homme ou une femme qui doute, qui s’épuise et, trop souvent, qui s’effondre. Ce drame humain ne doit plus être un angle mort de notre société. L’agriculture n’est pas un métier comme les autres : c’est une vocation, un engagement de vie, mais c’est aussi l’un des seuls métiers où l’on peut travailler sans compter et finir par ne plus être payé. Les faillites, l’isolement, les revenus trop faibles, la peur de perdre son exploitation, la culpabilité d’échouer : tout cela tue.

Le suicide agricole n’est pas une fatalité individuelle, mais un échec collectif. Chaque fois qu’un agriculteur met fin à ses jours, c’est une partie de notre souveraineté alimentaire, de notre culture et de notre territoire qui disparaît.

Il est temps de tirer la sonnette d’alarme, et surtout d’agir. Il convient d’abord de garantir une reconnaissance sociale et économique du travail agricole. Un pays qui veut manger doit protéger ceux qui le nourrissent. Il faut ensuite accorder aux agriculteurs un accompagnement psychologique systématique, gratuit et accessible, assuré par des cellules locales spécialisées et des intervenants formés au contexte agricole. Il faut aussi simplifier radicalement les démarches administratives, réduire les contrôles humiliants et garantir des prix d’achat justes, qui couvrent au moins les coûts de production. Enfin, il est essentiel de briser le silence, de parler, d’informer et de former autour de la détresse agricole, y compris dans les écoles et au sein des syndicats, des chambres d’agriculture et des collectivités.

Nos agriculteurs ne demandent pas de la compassion, mais de la considération. Ils réclament le droit de vivre dignement de leur travail. Il est de notre devoir de tirer la sonnette d’alarme, car un pays qui laisse mourir ses agriculteurs se condamne lui-même.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je remercie notre collègue Arnaud Simion d’avoir mis l’accent sur ce sujet particulièrement grave. Alors que nos agriculteurs travaillent avec passion, mais dans des conditions difficiles, pour assurer notre souveraineté alimentaire avec des produits de qualité, beaucoup souffrent en silence. Charge de travail importante, dettes, événements climatiques, contraintes administratives, isolement dans leur exploitation : les raisons de leur mal-être sont nombreuses. Mais les conséquences peuvent être catastrophiques, car les études montrent que les agriculteurs se suicident plus que le reste de la population – un par jour environ.

Depuis quelques années, plusieurs dispositifs permettent d’améliorer leur accompagnement et leur suivi. Le programme de lutte contre le mal-être agricole, lancé en 2022 par la Mutualité sociale agricole, regroupe des actions nationales et locales visant à prévenir et à détecter la souffrance chez les agriculteurs, ainsi qu’à accompagner ces derniers quand ils en ont besoin. Je pense aussi à la plateforme Agri’écoute, qui a enregistré 4 500 appels en 2024. Les chambres d’agriculture proposent un accompagnement personnalisé dans le cadre des cellules Réagir. Le réseau associatif Solidarité Paysans, présent dans soixante‑quatre départements, accompagne les agriculteurs en difficulté dans l’ensemble de leurs démarches. Quant au réseau des sentinelles, il s’avère particulièrement utile pour repérer et orienter les exploitants en difficulté, ainsi que pour donner l’alerte. Il souffre toutefois d’une répartition inégale sur le territoire ; c’est pourquoi l’article 1er de la présente proposition de loi vise à le consolider et à le généraliser. Nous devons soutenir cette démarche. Enfin, un coordinateur national interministériel a été désigné sur ce sujet, et sa mission a été prolongée jusqu’en 2027.

Les articles 2 et 3 visent à créer un guichet départemental unique et une mission nationale sur la santé mentale agricole. Si l’intention est louable, je souhaite néanmoins appeler votre attention sur le risque d’une multiplication des structures qui rendrait peu lisibles les dispositifs existants et leurs missions. La profession peut être confrontée à des difficultés très variées, qui nécessitent l’intervention d’autres spécialistes. Alors que les indicateurs de santé du reste de la population se dégradent, l’enjeu est surtout de renforcer l’orientation des agriculteurs. Nous veillerons donc à ce que la rédaction de ce texte évite les redondances et la mise en place d’une gouvernance trop complexe.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). « J’ai repris la ferme de mes parents, qui eux‑mêmes l’avaient reprise de mes grands-parents, et, aujourd’hui, je fais tout pour dissuader mes enfants de devenir paysans. » J’aimerais vous dire que cette citation est anecdotique, mais je l’entends une fois sur deux quand je visite des fermes en Limousin. Le mal-être est profond dans le monde agricole. Si cette proposition de loi, qui vise à renforcer les sentinelles de la santé mentale des agriculteurs et agricultrices, est bienvenue, elle s’avère cependant largement insuffisante, parce qu’elle ne s’attaque pas aux racines du problème.

On dénombre au moins un suicide d’agriculteur par jour. Le risque de suicide de cette profession est supérieur de 46 % à celui du reste de la population active, et ce taux monte même à 77 % pour les chefs d’exploitation. Cette surmortalité par suicide dans le monde agricole est statistiquement visible depuis les années 1970, d’autant qu’au siècle dernier, les agriculteurs figuraient parmi les populations les moins concernées par ces drames.

De fait, les politiques agricoles qui ont émergé depuis les années 1970 ne sont pas innocentes. Les pressions induites par la compétitivité internationale, les injonctions contradictoires – « produisez propre, mais soyez compétitifs par rapport à la Chine et au Mercosur ! » –, la course à l’agrandissement permanente qui en découle, l’endettement et les difficultés financières qui s’ensuivent sont autant d’éléments qui caractérisent ces politiques écrasantes et sont clairement identifiés parmi les causes de mal-être et de suicide en agriculture. Malheureusement, nous pourrons mettre dans les campagnes autant de sentinelles que nous voudrons, si nous ne changeons pas ces logiques, je crains que les statistiques n’évoluent pas.

Pour le bien-être des agriculteurs comme pour notre souveraineté alimentaire, l’urgence est au protectionnisme. Il nous faut sortir de la logique libérale, protéger l’agriculture française mieux-disante de la concurrence et, bien sûr, revoir la protection sociale des paysans. Ces derniers doivent bénéficier de dispositifs de remplacement efficients, avoir droit à des arrêts maladie et pouvoir s’arrêter temporairement quand ils sentent que cela ne va pas.

Je salue toutes les personnes qui accompagnent les agriculteurs et agricultrices en difficulté. Ce sont des citoyens bénévoles ou parfois salariés, et même souvent des agriculteurs eux-mêmes engagés dans l’association Solidarité Paysans, à la Mutualité sociale agricole ou dans les syndicats agricoles, qui pallient chaque jour les défaillances de nos politiques publiques. Il est urgent de remettre le système en question.

Mme Martine Froger (SOC). Le dépôt de cette proposition de loi par notre collègue socialiste Arnaud Simion intervient à une période où la nécessité d’agir s’impose clairement face à une crise agricole aussi grave que silencieuse.

Les chiffres de la Mutualité sociale agricole parlent d’eux-mêmes : en 2022, le risque de suicide chez les agriculteurs était supérieur de 46 % à celui du reste de la population. Plus de 300 agricultrices et agriculteurs se suicident chaque année, soit près d’un par jour. Ce n’est plus un signal d’alerte, mais une alarme continue. Cette réalité s’enracine dans des décennies de transformation du travail agricole, de précarité, d’endettement, d’isolement et de manque de reconnaissance qui usent les femmes et les hommes qui nous nourrissent. Les symptômes dépressifs touchent jusqu’à un exploitant sur cinq, et les acteurs de terrain constatent chaque jour une augmentation des situations de détresse. Comportements addictifs en hausse, violences intrafamiliales plus fréquentes, surcharge de travail – parfois plus de 53 heures par semaine –, précarité persistante : tous les voyants du mal-être sont au rouge.

Les dispositifs mis en place depuis quinze ans ont le mérite d’exister, mais ils restent épars, inégalement appliqués et insuffisamment dotés. De fait, l’action publique demeure trop fragmentée pour répondre à l’urgence. La feuille de route de 2021 a constitué un premier pas, mais elle ne suffit plus.

C’est précisément parce qu’il faut franchir une nouvelle étape que cette proposition de loi est essentielle. Elle structure enfin une politique nationale de protection de la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs. Elle organise la collecte de données fiables, renforce la prévention et clarifie le repérage et l’accompagnement. Elle garantit également la neutralité de l’instruction des situations de détresse en la confiant à l’État, condition indispensable pour éviter les conflits d’intérêts.

Alors que la santé mentale a été érigée en grande cause nationale pour 2025 et 2026, nous ne pouvons plus ignorer la souffrance paysanne. Il est temps d’agir, et cette proposition de loi nous en donne enfin les moyens. Je vous invite donc à la soutenir pleinement.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Chaque année, plus de 300 suicides sont recensés chez les agriculteurs en France. Nous ne pouvons rester inactifs face à ces drames quasi quotidiens, qui détruisent des familles.

En janvier 2025, un vaste plan en faveur de la santé mentale avait été lancé par le ministre de la santé, Yannick Neuder, sous l’impulsion de Michel Barnier, qui en avait fait une grande cause nationale. Ce plan a notamment renforcé l’accès aux ressources et aux parcours d’aide pour les personnes vulnérables ; il a permis de repérer de manière anticipée les personnes à risque et de mobiliser les professionnels, les collectivités et les associations sur ce sujet. Le 27 novembre dernier, Sébastien Lecornu a annoncé la prolongation de cette grande cause nationale en 2026.

La Droite Républicaine a toujours défendu les agriculteurs et tout fait pour les aider à surmonter les difficultés qu’ils rencontrent. Nous avons soutenu chaque initiative visant à améliorer leurs conditions de vie et de travail, notamment avec notre ancien collègue André Chassaigne, ou avec Julien Dive.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’apporte malheureusement que des réponses limitées à un problème plus profond. Si la santé mentale constitue un véritable enjeu national, le traitement de cette question ne suffit pas à répondre aux attentes du monde agricole. Les agriculteurs demandent très légitimement une rémunération plus juste, un allègement des contraintes normatives et une juste reconnaissance de leur travail. Le seul moyen d’agir efficacement sur leur santé mentale est de satisfaire leurs revendications.

Conscients du signal que l’adoption de ce texte pourrait envoyer aux agriculteurs, nous voterons pour cette proposition de loi. Nous rappellerons toutefois, tout au long des débats, que cette mesure restera insuffisante si elle ne s’accompagne de réformes majeures.

M. Benoît Biteau (EcoS). Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour cette initiative.

Ces dernières années, la détresse psychologique des agriculteurs et des agricultrices n’a fait que s’aggraver. Il s’agit d’un drame beaucoup trop silencieux. Ce sont chaque année 600 agriculteurs, et non pas 300, qui décident de se donner la mort, accablés qu’ils sont par des pressions multiples. Cela représente environ deux suicides par jour. Face à la multiplication des crises climatiques et sanitaires, qui peuvent raser tout un héritage familial, ces chiffres vont malheureusement empirer dans les prochaines années.

Les agriculteurs sont les premières victimes d’une politique qui pousse non seulement à la rentabilité au détriment de l’humain, mais également à la dégradation de la santé mentale, pourtant érigée en grande cause nationale. Ainsi, le numéro de prévention du suicide, le 3114, n’est pas en mesure de répondre à tous les agriculteurs, puisqu’il ne prend en charge que 40 % des appels à l’aide. Autrement dit, s’ils appelaient le 3114, six agriculteurs sur dix au bord du passage à l’acte pourraient n’avoir pour seule réponse que le silence.

Dans ce contexte dramatique, alors que les dispositifs existants souffrent d’un manque de coordination et de moyens, nous saluons bien sûr cette proposition de loi. Avec mon collègue Sébastien Peytavie, qui a rédigé le texte que je suis en train de vous lire, nous proposerons d’enrichir le dispositif envisagé en améliorant l’accès au droit au répit et en cherchant à limiter les dégâts subis par les éleveurs dont les troupeaux ont été particulièrement exposés à des crises sanitaires. Nous proposerons également que la stratégie évoquée dans la proposition de loi tienne compte des spécificités des agriculteurs et agricultrices dont les conditions de vie accroissent la vulnérabilité – je pense notamment aux travailleurs saisonniers étrangers, aux exploitants récemment installés et aux femmes, davantage touchées par le manque de reconnaissance, l’isolement et la précarité.

Notre action restera superficielle si nous ne nous engageons pas durablement à couper le mal à la racine, c’est-à-dire à nous attaquer aux causes structurelles du mal-être agricole. Le modèle actuel fabrique des inégalités, ne permet pas de rémunérer les agriculteurs au juste prix et favorise l’ultravulnérabilité des exploitants aux crises climatiques et sanitaires. Nous devons arrêter de voir les choses par un prisme purement individuel et répondre aux besoins essentiels de celles et ceux qui nous nourrissent au quotidien et qui souhaitent avant tout pouvoir vivre dignement de leur travail.

M. François Gernigon (HOR). Le groupe Horizons & Indépendants souscrit à l’objectif de protéger la santé mentale des agriculteurs.

Nous assistons à une crise silencieuse dans le monde agricole – silencieuse, mais réelle et inquiétante, parce qu’elle semble devenue systémique : plus de 300 agriculteurs mettent fin à leurs jours chaque année, ce qui représente presque un suicide par jour.

Ce texte compte améliorer l’offre de soutien, car elle est fragmentée. Nous soutenons l’idée de créer un réseau national de sentinelles agricoles, qui est l’objet de l’article 1er. On dénombre aujourd’hui 8 000 de ces sentinelles, qui sont des agriculteurs, des vétérinaires, des représentants de coopératives ou des élus formés pour repérer des signes de souffrance psychique. Ce sera une avancée que de sanctuariser leur rôle dans les départements, de même que de créer un guichet départemental unique, comme le prévoit l’article 2. Nous apprécions cette logique de clarification, préférable à la multiplication d’outils parallèles. Le guichet coordonnera l’action de la Mutualité sociale agricole, des chambres d’agriculture, des agences régionales de santé (ARS), des services sociaux et des associations.

Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons & Indépendants votera en faveur de cette proposition de loi, qui traite d’une réalité documentée sans tomber dans la surenchère législative ni bouleverser l’architecture de notre protection sociale. Pour autant, nous devons aussi apporter une réponse globale au mal-être agricole en menant un travail de fond sur les causes structurelles de ce phénomène – les conditions d’exercice du métier, la rentabilité des exploitations, l’instabilité des revenus, les charges administratives, la complexité normative. Les dispositifs de santé mentale sont indispensables pour accompagner celles et ceux qui sont en détresse, mais ils doivent aller de pair avec des politiques économiques, sociales et réglementaires qui réduisent en amont les facteurs de stress et d’isolement. C’est dans cette double exigence que s’inscrit la position de mon groupe.

Mme Karine Lebon (GDR). Nous savons tous ce que disent les chiffres, mais aussi et surtout ce qu’ils taisent. Dans le monde agricole, la détresse psychique se traduit trop souvent par l’irréparable. Derrière chaque suicide, il y a un exploitant écrasé par les dettes, des journées sans fin, des contrôles, des normes, des prix qui ne couvrent pas les coûts et le sentiment de ne plus avoir de prise sur sa propre vie.

La proposition de loi qui nous est soumise met enfin de l’ordre et de la responsabilité dans la prévention. Elle donne un cadre national à un réseau de sentinelles formées, proches des agricultrices et des agriculteurs, capables de repérer leur souffrance et de les orienter. Elle crée des guichets uniques départementaux pour coordonner les services sociaux, sanitaires et économiques. Elle installe une mission nationale chargée de suivre ce phénomène, de l’évaluer et d’alerter le Parlement. Bref, elle bâtit une véritable politique publique de santé mentale pour le monde agricole.

À La Réunion, nous connaissons trop bien cette réalité. En 2023, le syndicat Uni pour nos agriculteurs alertait l’opinion sur la survenue de plusieurs suicides en quelques semaines. En 2022, un comité de prévention du mal-être agricole a été installé par le préfet, réunissant l’ARS, la caisse générale de sécurité sociale et la chambre d’agriculture. Les outils existent, mais ils restent fragiles, dépendants de la volonté locale et sans garantie de moyens dans la durée.

La présente proposition de loi permettra justement de consolider ces expériences et de leur donner un cadre national et des objectifs, y compris dans les outre-mer, où l’isolement, les aléas climatiques et la précarité des revenus se cumulent. Bien sûr, la prévention du suicide suppose aussi de s’attaquer à ses causes économiques – le niveau de revenu, le partage de la valeur, la transition écologique accompagnée –, mais aujourd’hui, avec ce texte, nous posons une pierre indispensable en reconnaissant que la santé mentale des agriculteurs relève d’une responsabilité nationale. Notre groupe votera donc cette proposition de loi.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Marie Pochon (EcoS). « En août dernier, j’ai failli passer à l’acte. » Voilà les mots de Rémi Dumaure, éleveur de volailles en Dordogne, lors du dernier salon de l’agriculture. « Je bosse 100 heures par semaine sur mon exploitation, et cela fait trois ans que je ne sors pas de revenus. »

Les agriculteurs et agricultrices ont 46 % plus de risques de se suicider que le reste de la population. La présente proposition de loi entend leur apporter un accompagnement adapté face au mal-être, et nous la soutiendrons. Pour autant, il faut bien avoir en tête les causes de ces chiffres dramatiques.

En mars 2021, un rapport du Sénat a souligné que le phénomène des suicides dans le monde agricole semblait inséparable du contexte historique de modernisation de ce secteur. Les premiers cas de suicide d’agriculteurs et d’éleveurs ont été relevés dès la fin des années 1960, tandis qu’une hausse des dépressions et des suicides a été observée à partir de la mise en œuvre des politiques d’incitation économique et du premier choc pétrolier. Les chercheurs parlent d’un phénomène devenu endémique entre 1974 et 2002 et d’une aggravation de la souffrance au travail ces dernières décennies. On pourrait parler de l’endettement, du sentiment de dénigrement, de l’isolement et des relations familiales complexes dans le monde agricole en raison de l’héritage ou du poids de la transmission. Le modèle agricole lui-même suscite parfois une course à l’agrandissement. À cela s’ajoutent un sentiment de perte de sens, une surcharge de travail, des ventes à perte, des baisses de rendement, du fait des conditions climatiques ou de la diminution du nombre de pollinisateurs, ainsi que des revenus en berne, faute de prix rémunérateurs.

En 1897, Émile Durkheim décrivait pourtant la faible mortalité par suicide des paysans, qu’il expliquait par le fait que l’industrie agricole semblait épargnée par la fièvre des affaires qui touchait d’autres métiers commerçants. Peut-être faudra-t-il donc un jour mettre un terme à la mise en concurrence permanente sur les marchés mondiaux et encourager un modèle agricole qui favorise l’autonomie et le pouvoir de décision, sans quoi nous ne pourrons répondre durablement au mal-être agricole.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). J’entends la sensibilité du sujet du mal‑être agricole, d’autant que ces populations sont parmi les plus exposées au risque de suicide. Mais on ne peut pas, d’un côté, développer des modèles économiques qui leur mettent sur les épaules la responsabilité de l’intégralité de leurs revenus et de leurs charges, dans le cadre d’une concurrence internationale où ils ne se battent pas à armes égales avec les producteurs étrangers, et de l’autre, se lamenter en regardant les chiffres des suicides et des fermetures de fermes. En France, trente fermes disparaissent chaque jour. Il y a une corrélation entre l’isolement de l’exploitant agricole et son incapacité à faire face à la concurrence.

Si nous voulons vraiment nous attaquer aux causes des suicides, nous devons donc absolument revoir l’essence du modèle agricole, et ne plus faire reposer le revenu des agriculteurs uniquement sur la rentabilité et les principes du libéralisme.

Je remercie notre collègue socialiste Arnaud Simion pour sa proposition de loi, qui vise à répondre non seulement à une urgence de santé publique, mais aussi à une urgence économique.

M. Jean-François Rousset (EPR). Le suicide est un drame qui touche notamment les médecins – les anesthésistes sont parmi les professionnels de santé les plus concernés. Mais le monde agricole est aussi très affecté par ce phénomène, et je suis persuadé que le chiffre de 500 à 600 suicides d’agriculteurs par an est proche de la réalité.

Les psychiatres le diront, il est très difficile de déterminer les causes d’un suicide. Le passage à l’acte peut s’expliquer par des facteurs environnementaux ou des raisons personnelles. La discussion que nous avons nous pousse à tenir compte de la réalité que vivent les agriculteurs et à trouver les moyens de prévenir le suicide de ces derniers. Cela peut se faire à plusieurs niveaux et passer, par exemple, par l’action des associations locales ou des assureurs. Il convient d’être au contact des agriculteurs et de repérer les premiers signes de mal‑être afin de pouvoir les prendre en charge.

Mme Christine Le Nabour (EPR). Je remercie le rapporteur d’avoir mis sur la table ce sujet, qui fait l’unanimité : nous sommes tous conscients de l’augmentation du nombre de suicides d’agriculteurs. Mais j’espère que vous serez à nos côtés quand nous reparlerons des associations comme L214, qui mènent des actions plus que douteuses et poussent certains agriculteurs au suicide – je pense en particulier à un agriculteur de ma circonscription.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Non, vous ne pouvez pas dire cela !

Mme Christine Le Nabour (EPR). Je suis désolée, mais c’est la vérité. La stigmatisation, la dénonciation et les actions crapuleuses conduites par ces associations ont un impact sur la santé mentale de nos agriculteurs.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Le monde agricole fait face à des difficultés multiples. Nous ne connaissons peut-être pas toutes les raisons de ce mal-être, mais certaines nous apparaissent de façon évidente. Elles ont d’ailleurs été citées : elles tiennent notamment aux conditions économiques et aux conditions de précarité dans lesquelles vivent les agriculteurs. Il faudrait aussi parler d’un phénomène de dissonance cognitive : beaucoup d’exploitants perçoivent très bien la nécessité de changer de modèle, mais ils s’avèrent incapables de le faire, faute d’aides suffisantes. Cela suscite d’importants clivages au sein de la profession, de même qu’un fort sentiment de mal-être qui peut malheureusement conduire à des suicides.

M. le rapporteur. Je vous remercie pour vos interventions riches et instructives sur ce sujet qui mérite le rassemblement.

Notre proposition de loi vise à créer des dispositifs concrets, opérationnels, immédiatement accessibles, qui ne nécessitent ni des décennies de négociations ni une refonte de la politique agricole commune pour produire leurs effets. Elle reconnaît enfin que le mal‑être et la détresse psychologique des agriculteurs ne sont pas des symptômes secondaires, mais bel et bien une réalité. Elle a pour objet de regrouper des dispositifs aujourd’hui éparpillés.

Alors que notre assemblée débat actuellement de textes budgétaires, personne n’a évoqué la grande inquiétude qui s’est emparée du monde agricole au sujet de la septième convention d’objectifs et de gestion (COG) de la Mutualité sociale agricole, qui porte sur la période 2026-2030. Nous sommes aujourd’hui au deuxième cycle des négociations entre l’État et la Mutualité sociale agricole, qui correspond à la finalisation de la convention. Il faut dire que la sixième COG, qui concernait la période 2021-2025, avait entériné la disparition de 1 000 équivalents temps plein (ETP) et une baisse des moyens financiers de la Mutualité sociale agricole de 5 % par an. Les travailleurs sociaux de la MSA, qui doivent parfois gérer une file d’attente de 120 assurés sociaux, craignent forcément une nouvelle suppression d’ETP.

Ces questions budgétaires sont déterminantes pour l’accompagnement quotidien des agricultrices, des agriculteurs et des salariés du monde agricole. Ainsi, le fait que le projet de loi de finances pour 2026 puisse prévoir une baisse de 80 % des crédits alloués au dispositif d’aide à la relance des exploitations agricoles, modifié en 2018, qui permet de mener un audit des exploitations et de restructurer leur dette, suscite également une forte inquiétude.

J’aimerais enfin dire un mot de la situation des femmes en milieu rural, qui sont particulièrement exposées à la précarité et à l’isolement.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous pourrons revenir sur tous ces points lors de la discussion des amendements, que nous entamerons cet après-midi, à 14 heures.

Réunion du mercredi 3 décembre 2025 à 14 heures

Lors de sa seconde réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission des affaires sociales poursuit l’examen de la proposition de loi visant à protéger la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs (n° 2023) (M. Arnaud Simion, rapporteurs) ([42]).

M. le président Frédéric Valletoux. Nous reprenons l’examen, commencé ce matin, de la proposition de loi d’Arnaud Simion visant à protéger la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs.

Article 1er : Consolidation et généralisation du dispositif de sentinelles agricoles

Amendement AS32 de M. Arnaud Simion

M. Arnaud Simion, rapporteur. Compte tenu des remarques et des constats que j’ai entendus lors de mes auditions, je proposerai tout à l’heure de renommer la proposition de loi pour qu’elle vise « à prévenir le mal-être et le risque suicidaire dans le monde agricole ». Le présent amendement est de coordination avec ce futur titre.

La notion de mal-être rend compte de la pluralité des facteurs – économiques, sociaux, familiaux, environnementaux, administratifs – à l’origine de la détresse agricole. Elle correspond mieux à la réalité décrite par les personnes concernées. De plus, la référence explicite au risque suicidaire rappelle quel est l’objectif de ce texte : prévenir le suicide paysan. Enfin, les mots « monde agricole » évacuent toute ambiguïté quant aux bénéficiaires des mesures proposées. Celles-ci s’adressent non seulement aux exploitants, mais aussi aux salariés agricoles, aux conjoints, aux aides familiaux et aux retraités.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS33 de M. Arnaud Simion.

En conséquence, l’amendement AS27 de M. Thibault Bazin tombe.

Amendements AS10 de Mme Manon Meunier et AS19 de M. Serge Muller (discussion commune)

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Mon amendement mentionne explicitement les salariés agricoles. Vous venez de le dire : ils sont également sujets au mal-être et ne doivent pas être oubliés, d’autant qu’ils sont le plus souvent employés dans des exploitations industrialisées, par exemple d’élevage porcin.

M. Serge Muller (RN). Je propose pour ma part de parler des acteurs du monde agricole, en général.

M. le rapporteur. Je partage vos intentions. Les salariés agricoles sont exposés au mal-être et au risque suicidaire. Leurs conditions de travail sont précaires et leurs travaux souvent pénibles. Cela étant, grâce à l’amendement AS32 que nous venons d’adopter, la formulation me semble suffisamment claire : l’article 1er embrasse désormais l’ensemble des agriculteurs, depuis l’exploitant jusqu’au saisonnier, sans distinction de statut.

Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS17 de Mme Béatrice Roullaud

Mme Béatrice Roullaud (RN). Cet amendement inclut les parlementaires dans le dispositif national des sentinelles agricoles. Les députés et sénateurs tiennent des permanences, sont en contact direct avec les personnes et jouent par définition un rôle essentiel dans les processus législatifs. Nous ne comprenons pas pourquoi ils ne feraient pas partie de cette démarche, au même titre que les élus locaux.

M. le rapporteur. Rien n’empêche un parlementaire de jouer le rôle de sentinelle. Avis défavorable.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Certes. Toutefois, il y aurait une distorsion si les conseillers municipaux et régionaux sont cités dans le texte, mais pas les parlementaires. Les choses seraient plus claires en les mentionnant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS11 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement, travaillé, comme d’autres à suivre, avec le réseau associatif Solidarité Paysans, précise la nature des acteurs pouvant jouer le rôle de sentinelles. Solidarité Paysans est spécialiste de l’accompagnement des agriculteurs en difficulté, une action qui requiert d’être formé et de connaître le monde agricole ainsi que les difficultés financières auxquelles les professionnels peuvent être confrontés. Je propose donc de spécifier que les personnes et associations participant au dispositif sont réellement impliquées dans l’accompagnement des agriculteurs et des agricultrices.

M. le rapporteur. Il s’agirait d’une précision utile pour délimiter le périmètre des associations concernées. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS21 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). Cet amendement inclut les membres de la famille des professionnels dans le dispositif.

M. le rapporteur. Je préfère la formulation de Mme Meunier que nous venons d’adopter. Elle est plus précise. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS12 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement, lui aussi élaboré avec Solidarité Paysans, exclut du dispositif toute personne ou structure qui pourrait se trouver en conflit d’intérêts. Dans leur grande majorité, les sentinelles sont animées de bonnes intentions. Mais il peut aussi y avoir des situations de concurrence pour l’accès aux terres, sources de dérives voire de stratégies de prédation. Il faut un contrôle du suivi et une mise en sécurité des agriculteurs en difficulté.

M. le rapporteur. J’ai plusieurs réserves vis-à-vis de cet amendement.

D’abord, une part importante des sentinelles agricoles appartiennent à des structures créancières ; 23 % d’entre elles sont salariées ou bénévoles de la Mutualité sociale agricole. Pour autant, rien n’indique que cette situation crée mécaniquement des conflits d’intérêts. D’ailleurs, la charte des sentinelles, dont vous avez certainement pris connaissance, tout comme leur formation et leur encadrement par le service de protection sociale de la Mutualité sociale agricole ou encore par les agences régionales de santé, constituent des garanties substantielles sur lesquelles s’appuyer.

Ensuite, eu égard au faible nombre de sentinelles dans certains territoires, se priver d’autant d’acteurs risquerait d’affaiblir le dispositif alors qu’il peine à se déployer et que les besoins sont immenses.

Dans le même temps, le risque de conflit d’intérêts ne doit pas être minimisé : les représentants de Solidarité Paysans que j’ai auditionnés ont insisté sur ce point. Je propose, d’ici à l’examen en séance publique, de réfléchir ensemble à une rédaction qui tiendrait compte de cet enjeu, sans être trop stricte pour autant. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement de Mme Meunier est à considérer.

Les sentinelles s’efforcent de détecter le plus tôt possible les tendances suicidaires des agriculteurs. C’est une action fondamentale que nous ne pouvons que soutenir. Il convient à cet égard de réfléchir aux structures participant au dispositif pour gagner en efficacité. Les centres de gestion, par exemple, repèrent précocement qu’un bilan comptable n’a pas été déposé, ce qui peut être révélateur de difficultés.

Puis, une fois la détection faite, il faut préciser les modalités de l’accompagnement, qui ne relève probablement pas des sentinelles elles-mêmes. Il me semble qu’il y a une distinction à opérer entre les acteurs et que le réseau Solidarité Paysans est le plus compétent pour l’accompagnement. Peut-être y a-t-il ici une piste de réflexion, monsieur le rapporteur.

M. le rapporteur. Je suis entièrement disponible pour travailler ensemble d’ici au 11 décembre, jour d’examen du texte en séance.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Dans ces conditions, j’accepte votre proposition.

L’amendement est retiré.

Amendement AS13 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Afin de garantir la confidentialité des échanges, cet amendement précise que les sentinelles ne peuvent transmettre à la structure à laquelle elles appartiennent les informations que leur confient les agriculteurs en difficulté.

M. le rapporteur. Je proposerai justement, dans un amendement ultérieur, d’ajouter cette notion de confidentialité. Dans cette attente, demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS34 de M. Arnaud Simion.

Amendement AS20 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). Nous proposons que les organisations professionnelles représentant les exploitants agricoles émettent un avis sur la liste des bénévoles potentiels fixée par arrêté.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Il ne revient pas aux organisations professionnelles de se prononcer sur les personnes autorisées ou non à devenir sentinelles agricoles. Cela excède largement leur rôle et va à rebours de l’esprit du dispositif, fondé sur le volontariat, la neutralité et l’indépendance. Les organisations professionnelles doivent être pleinement associées à la stratégie de prévention du mal-être agricole, mais pas à l’appréciation des candidatures.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1 de Mme Nicole Dubré-Chirat

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous proposons d’inclure dans les modules de formation des sentinelles agricoles la formation aux premiers secours en santé mentale, actuellement assurée par l’association Premiers secours en santé mentale. Elle a le mérite d’exister et d’être performante.

M. le rapporteur. Les acteurs que j’ai auditionnés ont salué la qualité de la formation dispensée par cette association, qui contribue à améliorer la compréhension des troubles en santé mentale, leur repérage et la connaissance des conduites à adopter face aux risques de suicide. Mais cette formation est générale ; celle des sentinelles prend en compte les spécificités du monde agricole et comporte un travail approfondi sur le risque suicidaire. Cela dit, je ne veux pas opposer l’une à l’autre.

Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS23 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). Il s’agit de rappeler l’obligation de confidentialité imposée aux sentinelles agricoles, obligation indispensable à l’instauration d’un climat de confiance avec les agriculteurs.

M. le rapporteur. Il ne me paraît pas pertinent d’imposer une telle obligation à ces personnes qui exercent à titre bénévole. Pour rappel, le secret professionnel est une obligation attachée à des professions réglementées, dont le non-respect est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Par mon amendement AS35, je vous proposerai d’inscrire dans la loi le respect par les sentinelles de la confidentialité des informations recueillies dans leur mission. Cette formulation me semble mieux adaptée à la nature du dispositif tout en garantissant la protection des personnes accompagnées.

Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS35 de M. Arnaud Simion

M. le rapporteur. Cet amendement permet aux sentinelles agricoles de transmettre au guichet départemental unique, mentionné à l’article 2, les données personnelles des agriculteurs qu’elles accompagnent à des fins de signalement, sous certaines conditions. Il s’agit de remédier à l’insécurité juridique qui pèse sur les sentinelles et d’assurer une prise en charge adaptée des professionnels en situation de détresse.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS36 de M. Arnaud Simion.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.


Article 2 : Création d’un guichet départemental unique de la santé mentale agricole

La commission adopte successivement les amendements de coordination AS37 et AS38 de M. Arnaud Simion.

Amendement AS8 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous proposons que la stratégie nationale de prévention en santé mentale prenne en compte les besoins des agriculteurs particulièrement vulnérables. Je pense aux travailleurs saisonniers, aux agricultrices – qui, bien qu’elles accomplissent un travail essentiel, manquent cruellement de reconnaissance – et, de manière générale, aux familles, dont tous les membres sont affectés par les problèmes que connaît l’exploitation.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Les agriculteurs exercent dans des conditions difficiles qui augmentent les risques de détresse : précarité, surcharge de travail, isolement ou fragilisation économique après un aléa. Les jeunes agriculteurs, par exemple, subissent une pression économique beaucoup plus forte du fait d’un endettement – qui s’élève en moyenne à 200 000 euros – largement supérieur à celui des autres exploitants. Les mentionner explicitement assure que la stratégie nationale et les guichets départementaux prennent bien en compte ces situations particulières.

La commission adopte l’amendement.

Amendement rédactionnel AS39 de M. Arnaud Simion

M. le rapporteur. Je me suis aperçu que l’acronyme du guichet unique départemental, créé à l’article 2, était malheureux... Préférons parler de guichet départemental unique !

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS40 de M. Arnaud Simion.

Amendement AS2 de Mme Martine Froger

Mme Martine Froger (SOC). Il s’agit d’ajouter aux objectifs du guichet départemental unique la facilitation de l’autodéclaration des agriculteurs. L’objectif est double : d’une part, favoriser le repérage des personnes en difficulté afin de prévenir les situations de détresse ; d’autre part, respecter le libre choix des personnes en leur permettant d’exprimer elles-mêmes leurs besoins au regard des difficultés qu’elles rencontrent.

M. le rapporteur. Nombre des acteurs auditionnés ont plaidé pour le renforcement des dispositifs d’autodéclaration, moyen le plus respectueux et le plus efficace de repérer les situations de souffrance. En effet, si le signalement par un tiers est parfois indispensable pour prévenir un risque suicidaire, il peut aussi être perçu intrusif ou stigmatisant, voire entrer en contradiction avec le choix de la personne de ne pas être accompagnée. L’autodéclaration est une manière de respecter la liberté et la dignité des personnes : elles expriment leurs propres besoins et sollicitent une aide conforme à leurs attentes.

M. Benoît Biteau (EcoS). Est-ce un dispositif complémentaire du 3114 ou vise-t-il à pallier des dysfonctionnements de ce dernier ?

M. le rapporteur. Il s’agit de favoriser l’« aller vers ». Dans le rapport départemental du plan de prévention du mal-être et du risque suicidaire en agriculture des Deux‑Sèvres – le seul dont j’ai pu prendre connaissance –, il est explicitement indiqué que la communication encourageant l’autodéclaration n’est pas suffisante. Il était donc important d’insister sur cet aspect.

Mme Martine Froger (SOC). C’est un dispositif complémentaire du 3114 : il s’agit de favoriser toutes les voies qui permettent l’expression.

M. Benoît Biteau (EcoS). C’est bien la réponse que j’espérais.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS9 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous proposons d’alléger la pression qui s’exerce sur le quotidien des agriculteurs en permettant le financement par l’État d’emplois liés à la gestion administrative et comptable des exploitations agricoles.

Une telle mesure favoriserait la reconnaissance financière d’un travail essentiel, accompli dans 80 % des cas par les agricultrices. Même lorsque ces dernières cumulent plusieurs tâches – administrative, agricole et domestique –, ce sont en majorité les hommes qui sont chefs d’exploitation. Entre 2 000 et 5 000 agricultrices n’ont ni ce statut ni celui de conjointe collaboratrice ou de salariée. Or, cette absence de statut les expose à une précarité qui s’aggrave en cas d’accident ou de veuvage, ou lorsqu’elles atteignent l’âge de la retraite.

M. le rapporteur. Avis favorable.

La complexité des démarches administratives contribue au mal-être de certains agriculteurs et agricultrices. Nombre des acteurs auditionnés l’ont rappelé : souvent, l’abandon des tâches administratives, comme la comptabilité de l’exploitation, est le premier signe de détresse.

Au moment des déclarations liées à la politique agricole commune, composées d’une vingtaine de notices qui comptent chacune une dizaine de pages, la charge administrative devient un facteur majeur de stress et d’anxiété. Pourtant, ces tâches constituent un poste déterminant pour les exploitations. Selon la chambre d’agriculture de Bretagne, 60 à 70 % des revenus dépendent directement de la gestion administrative.

Pour protéger la santé mentale, il est donc essentiel de soulager de ce fardeau en réduisant le stress lié aux erreurs et aux oublis qui aboutissent à des sanctions ou à des refus d’aide particulièrement dommageables.

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement présente un double intérêt. D’abord, on l’a dit, l’absence de dépôt d’une comptabilité est un signe évident de détresse. Éviter que cela survienne, c’est déjà prévenir et anticiper. Ensuite, lorsqu’on s’aperçoit que la gestion administrative et comptable d’une exploitation fait défaut, il faut se hâter d’accompagner l’exploitant de manière à lui éviter de s’enfermer dans un cercle vicieux. Il s’agit du principal facteur d’explication du risque suicidaire. Par conséquent, en finançant des emplois liés à ces tâches dans les structures où l’on détecte une détresse mentale, on limite ce risque.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Pour l’accomplissement des tâches administratives et comptables, il est possible de solliciter l’aide de la Mutualité sociale agricole et des chambres d’agriculture. Gardons-nous de créer des usines à gaz qui n’allégeront pas forcément la tâche des agriculteurs !

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS41 et AS42 de M. Arnaud Simion.

Amendement AS24 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). En l’absence de garantie explicite d’anonymisation et de respect du règlement général sur la protection des données, la transmission continue de données sensibles expose le dispositif à un risque juridique majeur. En encadrant strictement ces transmissions, mon amendement apporte une sécurité juridique préservant les droits fondamentaux des agriculteurs.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait : comme toute personne publique ou privée, les administrations sont soumises au règlement général sur la protection des données lorsqu’elles traitent des données à caractère personnel. L’adopter conduirait à alourdir la rédaction de l’article.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS25 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). L’amendement renforce l’effectivité du droit à la prise en charge des agriculteurs en souffrance psychique. Le texte ne prévoit aucun délai maximal entre le signalement et le premier contact avec un professionnel qualifié, alors que l’urgence peut être vitale dans certaines situations. L’instauration d’un délai maximal de soixante-douze heures garantirait la réactivité du dispositif en évitant une rupture dans la chaîne de prévention.

M. le rapporteur. L’urgence ne se décrète pas par amendement. Les cas les plus critiques sont pris en charge en urgence : le 3114, la Mutualité sociale agricole, les services de santé mentale ou le service d’aide médicale urgente interviennent immédiatement lorsque la situation l’exige.

Fixer un seuil normatif de soixante-douze heures pourrait paradoxalement créer un effet pervers, en laissant croire que toute prise en charge peut attendre aussi longtemps, quand certains cas nécessitent une intervention instantanée. L’article 2 prévoit déjà l’orientation et la prise en charge rapide.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Création d’une mission nationale pour la santé mentale des agriculteurs

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS43 et AS44 de M. Arnaud Simion.

Amendement AS45 de M. Arnaud Simion

M. le rapporteur. Avec cet amendement, la mission nationale sera placée sous la tutelle des ministres chargés du travail de l’environnement, en plus des ministres chargés de la santé et de l’agriculture.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de précision AS46 de M. Arnaud Simion.

Amendement AS18 de Mme Béatrice Roullaud

Mme Béatrice Roullaud (RN). Je propose d’ajouter un cinquième objectif à la mission nationale : garantir qu’en cas de risque connu de suicide, une prise en charge, même provisoire, soit immédiatement proposée à l’agriculteur afin qu’il ne soit pas laissé sans assistance. Cet objectif compléterait utilement les autres, qui sont très généraux. Il correspond à l’essence même de la proposition de loi.

M. le rapporteur. Votre amendement créerait une confusion entre les rôles respectifs de la mission nationale et du guichet départemental unique. La mission nationale a vocation à définir, coordonner et évaluer la politique publique, tandis que la mise en œuvre concrète des accompagnements individuels relève des guichets départementaux. Ces derniers s’assurent qu’une prise en charge a bien été proposée aux agriculteurs en détresse qui leur ont été signalés.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS47 de M. Arnaud Simion

M. le rapporteur. Il s’agit de supprimer la référence au conseil d’administration, qui est une scorie dans la rédaction proposée.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS48 de M. Arnaud Simion

M. le rapporteur. Il est ici question de réparer un oubli : il importe d’associer les organisations syndicales agricoles à la mission nationale.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS30 de M. Yannick Neuder

Mme Justine Gruet (DR). L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. J’entends l’objectif de cet amendement, qui élargit la composition de la mission nationale au délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, ainsi qu’aux représentants des professionnels de santé. La prévention du mal-être agricole nécessite effectivement une coordination avec les soignants et les responsables de la politique nationale de santé mentale.

Toutefois, plusieurs éléments me conduisent à émettre un avis défavorable. Tout d’abord, l’article 3 prévoit expressément que la mission nationale est placée sous la tutelle du ministre chargé de la santé, afin qu’elle s’articule avec la politique nationale de santé mentale. Ensuite, une composition aussi large risquerait d’alourdir considérablement le fonctionnement de la mission nationale, qui doit rester un outil opérationnel et agile, capable de coordonner l’action des différentes parties prenantes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS15 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il s’agit de préciser à quelles associations il sera fait appel pour participer au dispositif des sentinelles agricoles, en ciblant les associations d’accompagnement des agriculteurs et des agricultrices en difficulté – comme Solidarité Paysans.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement AS16 de Mme Manon Meunier

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il faut assurer une bonne représentation du pluralisme syndical au sein de la mission nationale. Compte tenu des difficultés à assurer une bonne représentativité dans le monde agricole, le respect du pluralisme dans cette instance est d’autant plus important. Tous les syndicats peuvent accompagner les agriculteurs en difficulté. Chacun doit avoir voix au chapitre et être représenté dans l’instance que nous sommes en train de créer.

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui laisse penser que la représentation des organisations syndicales devrait être proportionnée à leurs résultats électoraux ou à leur poids relatif. Cela ne correspond ni à l’esprit du texte ni à l’objectif poursuivi.

En matière de santé mentale et de mal-être agricole, toutes les organisations doivent pouvoir contribuer de manière égale. Autour de la table siégeront des représentants de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, des Jeunes Agriculteurs, de la Coordination rurale et de la Confédération paysanne. Parce qu’elles interviennent quotidiennement auprès des agriculteurs, ces organisations sont légitimes.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS49, AS50 et AS51 de M. Arnaud Simion.

Elle adopte ensuite l’article 3 modifié.

Article 3 bis (nouveau) : Élargissement du bénéfice du crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour congé aux agriculteurs en souffrance psychique

Amendement AS7 de M. Sébastien Peytavie

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Il s’agit d’améliorer l’accès au crédit d’impôt pour remplacement, l’un des dispositifs à disposition des agriculteurs en détresse psychique. Bien qu’imparfait et toujours non compensé par l’État, il joue un rôle important pour faciliter l’accès au répit, dont l’importance est cruciale.

Alors que 35 % des agriculteurs sont exposés à un risque avéré d’épuisement professionnel, nous savons combien il leur est difficile d’interrompre leur travail plusieurs jours d’affilée. C’est pourquoi nous proposons de reconnaître dans la souffrance psychique un motif légitime pour bénéficier d’un taux de prise en charge de 80 % des dépenses engagées pour être remplacé.

M. le rapporteur. Ce taux de prise en charge est prévu pour les arrêts maladie, les accidents du travail et les formations. Or, la souffrance psychique constitue un réel handicap, qu’il faut prendre en compte au même titre que la souffrance physique. La mesure proposée est cohérente avec le développement des aides au répit instaurées par la Mutualité sociale agricole pour permettre aux agriculteurs en situation de détresse de souffler. Ces aides sont un outil prometteur pour prévenir le mal-être.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement. L’article 3 bis est ainsi rédigé.

Article 3 ter (nouveau) : Demande de rapport sur l’efficacité des mesures et sur l’opportunité de faire évoluer la mission nationale

Amendement AS52 de M. Arnaud Simion

M. le rapporteur. Je souhaite la remise d’un rapport au parlement dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi. Il évaluera l’opportunité de transformer la mission nationale en groupement d’intérêt public, organisme hybride réunissant l’État, les collectivités, les organismes agricoles, les associations, les chercheurs, les services de santé et les acteurs privés dans une même maison administrative.

Pour un sujet aussi délicat et complexe que la souffrance au travail dans le domaine agricole, une telle coopération structurée serait précieuse.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je crains que ce rapport ne soit redondant avec la mission du comité interministériel dédié à la santé mentale, dont la création vient d’être annoncée, qui prévoit la rédaction d’un rapport sur les actions en matière de santé mentale et sur l’évolution des données relatives à ce sujet.

M. le rapporteur. Ces rapports ne portent pas sur les mêmes sujets.

La commission adopte l’amendement. L’article 3 ter est ainsi rédigé.

Après l’article 3

Amendement AS22 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). Je demande un rapport, dans un délai d’un an, sur les évolutions possibles de ce texte.

M. le rapporteur. Tout d’abord, la rédaction de la proposition de loi englobe déjà l’ensemble des personnes exerçant une activité agricole, qu’elles soient salariées ou saisonnières.

Ensuite, l’article 3 précise que la mission nationale produit un rapport transmis au Parlement, avant le 30 juin de chaque année, présentant ses travaux, ses résultats et ses recommandations pour améliorer les politiques publiques de santé mentale à destination des agricultrices et agriculteurs.

Je vous demande donc un retrait.

L’amendement est retiré.

Article 4 : Gage financier

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Titre

Amendement AS31 de M. Arnaud Simion

M. le rapporteur. Cet amendement constate que la proposition de loi vise « à prévenir le mal-être et le risque suicidaire dans le monde agricole », et à le transcrire dans son intitulé.

La notion de mal-être rend compte de la pluralité des facteurs à l’origine de la détresse agricole et correspond davantage aux remarques et aux constats formulés par les personnes auditionnées ; la référence explicite au risque suicidaire rappelle que ce texte a pour objet la prévention du suicide paysan.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/8UWpnx

Texte comparatif : https://assnat.fr/fbCSzo

 


   ANNEXE  1 
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

  Solidarité Paysans*  Mme Marie-Andrée Besson, présidente, M. JeanMarc Morel, administrateur, et Mme Christelle Hedouin, coordinatrice

  Mutualité sociale agricole (MSA)  M. Bernard Simon, vice-président de la caisse centrale, président de la MSA Armorique, Mme Magalie Rascle, directrice déléguée aux politiques sociales, et M. Christophe Simon, responsable des relations parlementaires

  M. Daniel Lenoir, inspecteur général des affaires sociales, ancien coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture

  Chambre d’agriculture de Haute-Garonne*  M. Christian Déqué, président

  M. Olivier Damaisin, coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture

  Confédération paysanne* – M. Bastien Moysan, secrétaire national, Mme Aurélie Bouton, animatrice technique

  Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)*  M. Luc Smessaert, vice-président, Mme Aude Fernandez, chargée de mission Protection sociale non-salariés agricoles, et M. Hugo Bernard, chargé de mission Affaires publiques

  Mme Clara de Bort, directrice de l’agence régionale de santé Centre-Val de Loire

  Santé publique France  M. Michel Vernay, directeur des maladies non transmissibles et traumatismes, et Mme Alima MarieMalikité, directrice de cabinet

  Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie  Pr Frank Bellivier, délégué ministériel, Mme Sylvaine Gaulard, secrétaire générale, Dr Stéphanie Lafont-Rapnouil, cheffe de projet Animation territoriale et parcours en santé mentale 

 


   ANNEXE N° 2 :
CONTRIBUTION REÇUE par le rapporteur

      Coordination rurale*

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


   ANNEXE  3 : 
TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU MODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de la santé publique

Art. L. 1174‑1 [nouveau]

2

Code de la santé publique

Art. L. 1174‑2 [nouveau]

3

Code de la santé publique

Art. L. 1174‑3 [nouveau]

 

 


([1]) Mutualité sociale agricole, Rapport charges et produits 2026, juillet 2025, p. 43.

([2]) Rapport de M. Olivier Damaisin sur l’identification et accompagnement des agriculteurs en difficulté et prévention du suicide, décembre 2020.

([3]) Rapport d’information n° 451 de M. Henri Cabanel et Mme Françoise Férat au nom de la commission des affaires économiques sur les moyens mis en œuvre par l’État en matière de prévention, d’identification et d’accompagnement des agriculteurs en situation de détresse, 17 mars 2021.

([4]) Rapport Igas n° 2022‑013R sur la prévention du mal‑être et du risque suicidaire en agriculture, juin 2023.

([5]) Nicolas Deffontaines, « Suicides d’agriculteurs : sortir du réductionnisme économique », Sésame, 2019/2 n° 6, 2019, p. 60‑62.

([6]) Cohorte pour la surveillance de la mortalité par profession.

([7]) Imane Khireddine, Gaëlle Santin, Claire Bossard, « Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants », Santé en action, n° 433, septembre 2015.

([8]) Nicolas Deffontaines, « Les suicides des agriculteurs. Pluralité des approches pour une analyse configurationnelle du suicide », thèse de doctorat soutenue le 29 mai 2017, Université de Bourgogne.

([9]) Le centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès est un service de l’Institut national de la santé et de la recherche médical chargé de la production statistique sur les causes médicales de décès.

([10]) Selon les données de l’Observatoire national du suicide, le taux brut de mortalité par suicides en France est passé de 35 % en 1930, à 20 % en 2015 (source : CépiDC, Ined, traitement Drees).

([11]) Michèle Salmona, Souffrances et résistances des paysans français. Violences des politiques publiques de modernisation économique et culturelle, L’Harmattan, Paris, 1994.

([12]) « Les revenus agricoles en baisse drastique en 2008 », Les Échos, 16 décembre 2008.

([13]) Claire Bossard, Gaëlle Santin, Irina Guseva Canu, « Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants », Institut de veille sanitaire, 2013, p. 12.

([14]) Imane Khireddine-Medouni, Gabrielle Rabet, Guilhem Deschamps, Béatrice Geoffrey-Perez, « Prévalence de la symptomatologie dépressive et exposition aux facteurs professionnels psychosociaux chez les actifs affiliés à la Mutualité sociale agricole de cinq départements en 2010 », Santé publique France, octobre 2018.

([15]) Cédric Vallée, Rémi Garandel, Véronique Danguy, Nélia Vallée, Annie Nourry, « La cartographie des pathologies au régime agricole en 2019 », Statistiques de la MSA, mai 2022.

([16]) Insee, « Durée et conditions de travail », édition 2018.

([17]) Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) des Hauts-de-France, « Santé et travail chez les agriculteurs du territoire du Douaisis », février 2023.

([18]) Pierre Bourdieu, « Célibat et condition paysanne » in Études rurales, n° 5‑6, p. 32‑135, 1962.

([19]) Insee, Emploi et revenu des indépendants, édition 2025.

([20]) Agreste, Résultats économiques des exploitations agricoles. Chiffres clés 2022, n° 14, décembre 2023.

([21]) Mutualité sociale agricole, op. cit.

([22]) Virginie Gigonzac, Éléonore Breuillard, Claire Bossard, Irina Guseva-Canu, Imane Khireddine-Medouni, « Caractéristiques associées à la mortalité par suicide parmi les hommes agriculteurs exploitants entre 2007 et 2011 », Santé publique France, Direction santé et travail, septembre 2017.

([23]) Cette donnée correspond à 781 suicides d’exploitants. Sur la même période, on dénombrait 692 suicides de salariés (source : rapport d’information des sénateurs Henri Cabanel et Françoise Férat, op. cit.). 

([24]) L’étude de Santé publique France démontre que l’excès de mortalité par suicide est davantage marqué, entre 2007 et 2011, chez les hommes agriculteurs exploitants âgés de 45 à 54 ans et ceux âgés de 55 à 64 ans, avec un excès de mortalité par suicide de 31 % en 2008, 30 % en 2010 et 33 % en 2011 pour les premiers, et de 47 % en 2008 et 64 % en 2009 pour les seconds.

([25]) Cette donnée correspond à 605 décès par suicide parmi ses assurés de plus de 14 ans, dont 372 exploitants (292 hommes, 80 femmes) et 233 salariés agricoles.

([26]) La Mutualité sociale agricole compte 5,4 millions d’adhérents, incluant les salariés agricoles et les non-salariés (chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, collaborateurs, aides familiaux), exerçant leur activité à titre exclusif ou principal, et leurs ayants-droits, ainsi que les retraités de ces deux régimes.

([27]) L’Area consiste en la prise en charge de frais de restructuration et du coût de réalisation d’un suivi technico-économique des exploitations en difficultés.

([28]) Contribution écrite de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole transmise au rapporteur.

([29]) Rapport de Daniel Lenoir, op. cit.

([30]) Les cellules pluridisciplinaires de prévention des caisses de la Mutualité sociale agricole mobilisent plusieurs ressources internes – travailleurs sociaux, médecin-conseil, aides financières – dans l’objectif de détecter et de recevoir les signalements d’agriculteurs en difficulté, d’analyser la situation de la personne concernée et de l’accompagner.

([31]) Charte du réseau national des sentinelles du 23 novembre 2022.

([32]) Audition par le rapporteur des représentants de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

([33]) Les conseils départementaux d’accès au droit sont des groupements d’intérêt public chargés de définir et de mettre en œuvre la politique d’accès aux droits au niveau départemental.

([34]) Les commissions paritaires d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont chargées de promouvoir la formation à la sécurité et de contribuer à l’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité et à l’évaluation des risques pour la sécurité et la santé des travailleurs des exploitations et entreprises agricoles.

([35]) Créées en 2017 au niveau départemental, les cellules opérationnelles de prévention et de lutte contre la maltraitance animale ont pour mission d’accompagner les éleveurs en difficulté. Elles visent à identifier les situations à risque, prévenir la dégradation des conditions d’élevage et à éviter les actes de maltraitance animale, même involontaires, passibles de sanction pénale.

([36]) Le programme de développement du secourisme en santé mentale a été mis en place en 2018. À la date de publication du présent rapport, plus de 200 000 personnes avaient été formées aux premiers secours en santé mentale pour orienter et détecter les personnes en situation de détresse et savoir agir en cas de crise.

([37]) Rapport Igas n° 2022‑013R sur la prévention du mal‑être et du risque suicidaire en agriculture remis en juin 2023.

([38]) Préfecture des Deux-Sèvres, Rapport sur le diagnostic local partagé. Prévention du mal-être en agriculture, juin 2024.

([39]) Lettre de mission du coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture du 26 janvier 2022.

([40]) Rapport de l’inspection générale des affaires sociales, op. cit., p. 108.

([41]) https://assnat.fr/Y9H3ru

([42]) https://assnat.fr/QyaIRd