N° 2202

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2025

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI

visant à garantir l’accès à l’argent liquide dans tous les territoires (n° 2029),

PAR M. Pierrick COURBON,

Député

——

 

 

 

 

 Voir le numéro : 2029.

 


 

SOMMAIRE

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 Pages

Avant-propoS

I. la prÉfÉrence des mÉnages pour les espÈces est contrariÉe par la rarÉfaction des distributeurs automatiques de billets sur certains territoires

A. mÊme si l’usage d’espÈces A tendance À se rÉduire au profit des paiements dÉmatÉrialisÉs, les mÉnages y demeurent trÈs attachÉs pour certaines de leurs opÉrations de paiement et dans un but de thÉsaurisation

B. l’accÈs aux numÉraires n’est toutefois plus garanti de façon homogÈne dans la totalitÉ de l’espace national, À cause de la suppression de nombreux distributeurs automatiques de billets sur certains territoires

II. Faute d’Être gÉnÉralisables, les solutions alternatives d’accÈs aux espÈces proposÉes aux consommateurs par les opÉrateurs privÉs doivent se voir complÉter par des mesures d’intÉrÊt public

A. faute de pouvoir prÉtendre à l’universalisation, les quatre dispositifs alternatifs aux distributeurs automatiques de billets que le systÈme fiduciaire français privilÉgie s’avÈrent insatisfaisants

1. « Cash-in-shop »

2. « Cash services »

3. « Ouicash »

4. Les distributeurs automatiques de billets des sociétés de transport de fonds

B. Dans ce contexte, il devient impÉrieux d’imaginer des mesures incitatives pour soutenir le dÉveloppement de la pratique du retrait d’espÈces À l’achat et de crÉer un service universel de la monnaie fiduciaire

1. Développer le service du retrait d’espèces à l’achat

2. Mandater La Poste comme prestataire d’un service universel de la monnaie fiduciaire

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Discussion générale

Examen des articles

Article 1er (articles L. 112-14 et L. 141-4 du code monétaire et financier) Incitation à la pratique du retrait d’espèce à l’achat et amélioration de l’information du public sur la localisation des points de retrait d’espèces

Article 2 (article 219 quinquies [nouveau] du code général des impôts) Admission en déduction de l’impôt sur les sociétés de dépenses inhérentes au service de fourniture d’espèces à l’achat

Article 3 (article L. 527-1 [nouveau] du code monétaire et financier) Création d’un service universel de la monnaie fiduciaire

Article 4 (chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services) Gage financier

Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 


   Avant-propoS

I.   la prÉfÉrence des mÉnages pour les espÈces est contrariÉe par la rarÉfaction des distributeurs automatiques de billets sur certains territoires

A.   mÊme si l’usage d’espÈces A tendance À se rÉduire au profit des paiements dÉmatÉrialisÉs, les mÉnages y demeurent trÈs attachÉs pour certaines de leurs opÉrations de paiement et dans un but de thÉsaurisation

D’après l’enquête européenne SPACE (voir encadré ci-après), près de sept Français sur dix utilisent les espèces pour leurs activités du quotidien ([1]). Ils privilégient ce moyen de paiement pour les achats chez les petits commerçants en boutique ou au marché ainsi que dans les distributeurs automatiques de boissons ou d’aliments, les dons à leurs proches, les pourboires, les participations à des cagnottes ou les versements à des œuvres caritatives. Près de la moitié d’entre eux y ont même recours systématiquement ou occasionnellement pour le paiement de leurs courses au supermarché. Ils sont fermement attachés au maintien des espèces, par souci de discrétion, pour nourrir le lien social, à visée d’outil pédagogique pour leurs enfants ou par crainte de la cyber-fraude.

Avantages de l’usage des espèces perçus par les consommateurs
(Évolution entre 2022 et 2024)

(en pourcentage)

Source : Banque de France.

Bien que l’offre de moyens de paiement dématérialisés – paiement par carte, en ligne ou par le biais d’un virement instantané ou d’une application de téléphonie mobile, sans oublier le projet d’euro numérique sur lequel travaille la Banque centrale européenne (BCE) ([2]) – soit de plus en plus accessible et diversifiée, une nette majorité de consommateurs, que la Banque de France évalue à 60 %, continuent de penser qu’il est important ou très important d’avoir la possibilité de payer en espèces ([3]). Ce constat statistique corrobore les témoignages recueillis par le rapporteur dans sa circonscription, mais aussi les analyses qu’il a entendues lors des auditions auxquelles il a procédé pour préparer ce rapport.

L’enquête européenne SPACE

Depuis 2016, la BCE a publié quatre études sur les comportements de paiement des ménages en zone euro (SPACE, Study on the payment attitudes of consumers in the euro area).

Dans le cadre de la dernière enquête, parue en 2024, 41 155 personnes ont été interrogées dans dix-sept des dix-neuf pays de l’eurosystème, dont 4 489 en France, et 68 023 transactions monétaires ont été recensées, dont 61 139 aux points de vente.

Dans certains pays méridionaux ou centre-européens (Autriche, Italie, Malte, Slovénie), les numéraires conservent une part importante parmi les moyens de paiement utilisés lors de petits achats.

Dans des pays de culture flamade ou nordique (Finlande, Pays-Bas), l’usage des cartes et paiements électroniques est très dominant.

En Irlande, du fait de très faibles taux d’équipement en distributeurs automatiques de billets, le retrait d’espèces auprès des commerçants est courant.

Quoique des nuances s’expriment selon les générations – les consommateurs âgés de moins de 40 ans étant davantage perméables aux usages innovants offerts par les technologies numériques –, le besoin d’argent liquide ne s’efface pas : pour le café du matin, une petite transaction à l’occasion d’une manifestation populaire, au marché ou à la braderie, pour un cadeau ou un remboursement d’une somme modeste dans un cadre intrafamilial ou amical, on privilégie quelques pièces ou un billet de banque, par souci de praticité ou de convivialité.

De plus, sur le plan psychologique, l’argent liquide présente deux avantages aux yeux de certains consommateurs : son caractère physique permet de mieux suivre ses dépenses ; il est anonyme et non traçable, ce qui représente une garantie de confidentialité et de respect de la privée.

Certains commerçants, notamment dans les zones touristiques, continuent de ne pas accepter la carte bancaire, ou imposent un plancher arbitraire pour le paiement par ce moyen, en raison des frais dont ils doivent s’acquitter. Les chèques sont également de moins en moins acceptés, pour éviter le risque de non‑paiement. Ces constats plaident pour un maintien de l’accès à l’argent liquide. Rappelons que les billets et pièces ont cours légal en France : ils ne peuvent pas être refusés lors d’un achat, sauf exception, notamment quand le montant à régler excède le plafond légal, dans le but de lutter contre le blanchiment de sommes provenant de la fraude fiscale ou d’activités criminelles, ou encore la circulation de flux en numéraires alimentant le financement du terrorisme ou de trafics illégaux. La législation européenne, à cet égard, n’imposera de plafond aux transactions commerciales qu’en 2027, et celui-ci sera de 10 000 euros, une somme à comparer avec les 1 000 euros autorisés en France par décret depuis plus d’une décennie ([4]). C’est ainsi que 94 % des commerçants français acceptent les espèces comme moyen de paiement – un taux en augmentation d’1 point entre 2022 et 2024 – que seuls 6 % des consommateurs déclarent s’être vu refuser un paiement en espèces au moins une fois au cours du mois précédent.

RÉpartition des moyens de paiement aux points de vente
Comparaison France-Europe

(en pourcentage du nombre de transactions)

Source : Banque de France.

Par ailleurs, plus d’un Français sur quatre déclare conserver des espèces à son domicile au titre de réserve de précaution ou d’épargne alternative. La France est le pays de la zone euro présentant la plus faible part de ménages dans cette situation – ce qui s’explique par la confiance dans le système bancaire, la faible part du revenu perçu en espèces et sans doute un biais déclaratif lié à la sensibilité du sujet. Cependant, entre 2016 et 2024, la part des Français déclarant thésauriser a augmenté de 11 points. La somme médiane d’espèces ainsi conservées dans un « bas de laine » est de 250 euros.

De plus, cette conservation de précaution s’avère utile en cas de crise sécuritaire ou naturelle ou encore de panne électrique ou bancaire généralisée : certains pays recommandent officiellement de conserver en permanence une certaine somme à son domicile, suivant la préconisation de la BCE, selon laquelle il convient de garder à disposition un minimum de 70 à 100 euros par personne.

L’appétence pour les espèces a toujours été inférieure en France que dans le reste de la zone euro, mais la différence tend à se réduire, puisqu’elle passée de 11 à 9 points entre 2016 et 2024. Toutefois, encore aujourd’hui dans notre pays, malgré l’émergence des nouveaux types de modes de paiement, 43 % des opérations de paiement s’effectuent en espèces, et ce taux national cache des disparités importantes entre catégories socioprofessionnelles ainsi que selon les types de territoires et les montants en jeu.

Au niveau continental, pour schématiser, sur 100 euros en circulation :

– 20 euros seulement sont utilisés pour les transactions du quotidien des ménages de la zone euro ;

– 40 euros sont thésaurisés ;

– 40 euros circulent hors de la zone euro au titre de monnaie de confiance.

B.   l’accÈs aux numÉraires n’est toutefois plus garanti de façon homogÈne dans la totalitÉ de l’espace national, À cause de la suppression de nombreux distributeurs automatiques de billets sur certains territoires

Plus de 90 % des Français considèrent qu’il est plutôt facile ou très facile de retirer des espèces – un taux légèrement supérieur à la moyenne européenne –, la source privilégiée de retrait est les distributeurs automatiques de billets, à hauteur de 79 %. Plus de 110 milliards d’euros sont retirés chaque année par ce truchement, pour un montant moyen de 125 euros par opération.

Évolution du nombre de retraits
aux distributeurs automatiques de billets

(en millions de retraits)

Source : Banque de France.

Ce montant s’appuie évidemment sur l’amplitude du réseau de distributeurs automatiques de billets et d’agences bancaires, les premiers étant souvent adossés aux secondes. D’après les données de la Banque centrale européenne, seulement un peu plus d’une agence bancaire de la zone euro sur quatre est située en France, et non pas une sur trois, contrairement à l’information choc communément fournie par le secteur bancaire français. Compte tenu du poids démographique de la population française – un habitant sur cinq de la zone euro –, de la superficie largement supérieure de notre pays par rapport à celle des dix-neuf autres membres de la zone euro et de ses spécificités géographiques, ce ratio ne semble pas excessif.

De plus, ce réseau se restreint d’année en année, ce qui contribue aux logiques de dévitalisation du tissu économique et social des communes rurales, des périphéries urbaines et des quartiers défavorisés des grandes villes. Ainsi, entre 2018 et 2024, pas moins d’une agence bancaire sur dix et d’un distributeur automatique de billets sur cinq ont disparu !

Les maires sont mis devant le fait accompli, généralement par voie de presse, voire une fois l’agence bancaire fermée ou le distributeur automatique de billets démonté, ce qui les empêche de mettre en place une solution de remplacement en concertation avec l’écosystème commercial local, voire d’empêcher l’opération par le biais de la négociation politique. Pour ce faire, il conviendrait qu’ils soient prévenus au moins six mois en amont.

Le nombre de suppressions de distributeurs automatiques de billets programmées à court terme n’est pas communiqué officiellement par les établissements bancaires, parce qu’il relève des stratégies concurrentielles et économiques de chacun d’entre eux, mais aussi parce qu’il constitue un reflet de la leur santé financière. Il ne fait toutefois pas de doute que la tendance baissière va s’accélérer, notamment au détriment des communes de 3 000 à 5 000 habitants : d’après l’Institut national de la consommation (INC), il serait question de 6 700 agences menacées d’ici à 2027 – soit 20 % des sites actuellement en activité –, c’est-à-dire d’environ autant de distributeurs automatiques de billets. Le Crédit agricole, particulièrement présent dans les départements ruraux, pourrait même fermer la moitié de ses agences dans les vingt prochaines années.

Le nombre de communes dépourvues d’appareil, qui atteignait déjà 28 285 fin 2024 (soit plus de quatre communes sur cinq), risque alors mécaniquement de s’accroître de façon inquiétante et de provoquer un recul du niveau d’équipement nuisible à l’aménagement du territoire, en dépit de la communication rassurante des banques, selon lesquelles devraient surtout être concernées des agences de quartiers urbains faisant doublon, dans une logique de rationalisation des coûts.

Pour mesurer la désertification bancaire en milieu rural, il est éclairant de comparer les taux d’équipement en distributeurs automatiques de billets selon les strates de population communale, communiqués par la Banque de France. Ainsi, fin 2024 :

– sur les 18 582 communes de moins de 500 habitants, seules 175 disposaient d’au moins un appareil, soit 0,1 % ;

– sur les 6 872 communes de 500 à 999 habitants, 548 étaient équipées, soit 8 % ;

– sur les 7 839 communes de 1 000 à 4 999 habitants, 3 709 étaient équipées, soit 47 % ;

– sur les 1 186 communes de 5 000 à 9 999 habitants, 1 137 étaient équipées, soit 96 % ;

– sur les 1 018 communes de plus de 10 000 habitants, 962 étaient équipées, soit 95 %.

Évolution du nombre D’AGeNCES BANCAIRES
entre 2018 et 2024

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Nombre d’agences
en fin d’année

36 519

35 837

35 469

35 691

34 298

33 526

33 024

Taux d’évolution
annuelle

/

– 1,9 %

– 1,0 %

– 0,6 %

– 3,9 %

– 2,3 %

– 1,5 %

Source : Banque de France.

Évolution du nombre de distributeurs automatiques billets (DAB)
entre 2018 et 2024

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Nombre de DAB
en fin d’année

52 697

50 433

48 952

47 853

46 249

44 123

42 578

Taux d’évolution
annuelle

/

– 4,3 %

– 2,9 %

– 2,2 %

– 3,4 %

– 4,6 %

– 3,5 %

Source : Banque de France.

Quand un établissement bancaire envisage de démanteler un distributeur automatique de billets, il met le nombre d’opérations réalisées et le volume d’espèces retirées en regard des coûts de fonctionnement et de maintenance de l’appareil ainsi que de la rémunération des sociétés de transport de fonds. Or ce que coûte réellement un distributeur automatique de billets s’avère difficile à chiffrer. La Fédération bancaire française (FBF) déclare qu’elle « ne dispose pas des éléments économiques du coût des distributeurs automatiques de billets propres à chaque réseau bancaire », qui dépend de quatre facteurs : type d’appareil, modèle économique – achat ou location –, infrastructure support et emplacement. Les banques avancent des montants compris dans une fourchette large de 40 000 à 70 000 euros par an alors que, selon l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), le coût unitaire minimum ne s’élèverait qu’à 12 000 euros. Enfin, la durée de vie moyenne d’un appareil est d’une dizaine d’années.

II.   Faute d’Être gÉnÉralisables, les solutions alternatives d’accÈs aux espÈces proposÉes aux consommateurs par les opÉrateurs privÉs doivent se voir complÉter par des mesures d’intÉrÊt public

A.   faute de pouvoir prÉtendre à l’universalisation, les quatre dispositifs alternatifs aux distributeurs automatiques de billets que le systÈme fiduciaire français privilÉgie s’avÈrent insatisfaisants

1.   « Cash-in-shop »

Le premier dispositif imaginé et mis en avant par le système bancaire français – Banque de France et établissements bancaires concurrentiels –, censé offrir une alternative aux distributeurs automatiques de billets est baptisé « Cash-in-shop ». Quatre établissements bancaires proposent à leur clientèle professionnelle de mettre en place un service de retrait d’espèces pour les seuls consommateurs disposant d’une carte bancaire de leur réseau :

– la BNP Paribas dans les commerces labellisés « Points Nickel » ;

– le Crédit agricole dans les commerces labellisés « Relais CA », anciens « Points verts » ;

– le Crédit mutuel dans les commerces labellisés « Point relais » ;

– La Banque postale dans tous les points de contact de La Banque postale, à savoir les bureaux de poste dépourvus de distributeur de billets, les agences postales communales et intercommunales ainsi que les relais poste commerçants.

Les retraits sont généralement de 50 à 100 euros – sur lesquels le commerçant perçoit un petit quantum de rémunération, équivalente à la commission interbancaire –, à comparer avec le montant moyen de 125 euros pour chaque opération à partir d’un distributeur automatique de billets.

Les commerçants des Points Nickel relèvent du régime d’agent en service de paiement, prévu aux articles L. 523-1 et suivants du code monétaire et financier, tandis que les opérateurs des trois autres réseaux bancaires relèvent du statut de mandataire habilité par un établissement bancaire à délivrer de la monnaie exclusivement à ses clients, prévu à l’article L. 523-6 du même code.

Le système « Cash-in-shop » ne répond pas au critère d’interbancarité, ce qui constitue un frein intrinsèque à son développement : il requiert en effet que le commerçant et le consommateur soient clients de la même banque, d’où l’adjectif « privatif » employé, dans le jargon bancaire, pour qualifier ces points de retrait d’espèces. Les touristes, en particulier, ne peuvent bénéficier du service. Il en résulte que moins de 30 000 commerces proposent ce service, qu’il ne génère qu’1 % du volume total de retraits comptabilisés par la Banque de France et que la croissance du nombre de commerçants comme du flux d’espèces généré est faible : en 2024, seulement un millier de commerces supplémentaires ont été enregistrés.

Évolution du nombre de points privatifs (PP)
entre 2018 et 2024

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Nombre de PP
en fin d’année

23 202

25 536

25 145

25 949

26 956

27 418

28 479

Taux d’évolution
annuelle

/

+ 10,1 %

– 1,5 %

+ 3,2 %

+ 3,9 %

+ 1,7 %

+ 3,9 %

Source : Banque de France.

La Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ont donné leur accord pour que soient levés les obstacles juridiques aux croisements entre établissements bancaires. Une expérimentation sera mise en place en 2026, mais l’universalisation reste un objectif lointain et incertain.

2.   « Cash services »

Par ailleurs, trois groupes bancaires, dont ressortissent quatre enseignes majeures – BNP Paribas, le CIC, le Crédit mutuel et la Société générale –, sont en train de lancer, à travers leur succursale commune Société des services fiduciaires (2SF), un système d’interopérabilité appelé « Cash services ». Destiné à rationaliser et à moderniser le parc de distributeurs automatiques de billets, il permettra d’effectuer des retraits dans tous les distributeurs automatiques de billets portant cette marque, tout en bénéficiant des conditions de plafonnement et d’exonération de frais habituellement limitées aux opérations effectuées auprès de son seul réseau bancaire personnel.

« Cash services » gérera l’implantation, l’installation, l’approvisionnement, la maintenance et la surveillance des automates bancaires, ainsi que les outils technologiques permettant de traiter l’ensemble des opérations proposées aux clients des banques partenaires, avant, à terme, que le système ne soit éventuellement étendu à tous les porteurs de carte français et étrangers. L’objectif affiché par 2SF est de parvenir à 6 000 points de retrait à travers la France dès fin 2026, dont plus de 5 000 en agences bancaires, tandis que, dans le même temps, 3 000 appareils traditionnels seront démantelés, essentiellement en zone urbaine ou périurbaine. En plus du retrait d’espèces, les nouvelles machines permettront aux clients des banques partenaires d’effectuer des dépôts de billets et de consulter le solde de leurs comptes, au moyen de l’interface de leur propre établissement, le logiciel utilisé reconnaissant la carte utilisée.

Le modèle économique est fondé sur la participation de la commune, qui devra financer l’installation puis la maintenance du distributeur automatique de billets, une charge variable en fonction du nombre de retraits mensuels : plusieurs dizaines de milliers d’euros à l’ouverture puis quelque 1 000 euro pour le fonctionnement mensuel. En somme, le service sera payant pour le contribuable, de façon mutualisée entre tous les administrés de la commune.

3.   « Ouicash »

Troisième système : la Confédération des buralistes et le transporteur de fonds Loomis ont souscrit, en 2021, un partenariat visant à installer des distributeurs automatiques de billets à l’intérieur des bureaux de tabac. Loomis, qui intervient comme opérateur, fournit à ce titre l’ensemble des services permettant d’assurer le fonctionnement de l’appareil : programmation, approvisionnement, maintenance. Comme pour « Cash services », chaque partenariat local est subordonné à un engagement de la commune, qui doit acquitter 695 euros par mois. La vidéosurveillance n’est pas obligatoire mais le buraliste doit être équipé d’un coffre-fort et d’une alarme sous télésurveillance, reliée à un opérateur professionnel. Le service doit être assuré pour tous les dommages et les fonds sont garantis par Loomis.

L’initiative « Ouicash » s’inscrit dans le cadre du mouvement plus global de pénétration des entreprises des transporteurs de fonds sur le marché des automates de billets, en lieu et place des banques qui démantèlent les leurs.

En dépit du maillage fin des 24 000 points de vente bien répartis sur le territoire français et offrant une très grande amplitude d’horaires d’ouverture – en moyenne douze heures par jour et six jours sur sept –, ce service, près de quatre ans après l’implantation du premier distributeur automatique dans un bureau de tabac de la Somme, reste embryonnaire : seuls vingt et un ont été livrés à ce jour. Il n’en demeure pas moins que les buralistes concernés en sont satisfaits car cet équipement draine une clientèle supplémentaire qui, après retrait, consomme sur place dans une proportion significative. Au total, environ 1 million d’euros d’espèces est ainsi retiré chaque mois, soit plus de 1 500 euros par distributeur et par jour.

4.   Les distributeurs automatiques de billets des sociétés de transport de fonds

« Ouicash » s’inscrit dans un mouvement plus vaste de concentration économique verticale des plus grosses entreprises de sécurité privée spécialisées dans la logistique de flux fiduciaires – notamment dans le transport de fonds –, consistant à implanter des DAB en remplacement de ceux supprimés par les établissements bancaires défaillants, dans les zones où cette activité est susceptible de dégager de la rentabilité. La capacité opérationnelle en la matière de ces opérateurs fiduciaires indépendants des banques s’est consolidée en 2023, avec 960 distributeurs automatiques de billets déployés en France – soit un nombre inférieur de plus de moitié à celui des appareils supprimés par les banques cette année-là –, principalement dans des galeries marchandes ou des halls d’aéroport ou de gare.

B.   Dans ce contexte, il devient impÉrieux d’imaginer des mesures incitatives pour soutenir le dÉveloppement de la pratique du retrait d’espÈces À l’achat et de crÉer un service universel de la monnaie fiduciaire

Ces dispositifs alternatifs d’accès aux espèces ont certes une utilité. Néanmoins, procédant de démarches privées et indépendants les uns des autres, leur portée est par nature limitée car ils s’empilent sans s’agréger et ne sont pas motivés par la recherche de l’intérêt général, qui nécessite de prendre en considération non seulement la situation des territoires et des personnes les plus vulnérables face à la désertification bancaire, mais aussi l’empreinte carbone des déplacements routiers nécessaires pour atteindre un lieu où l’on peut se procurer des espèces.

Il convient au premier chef de s’assurer que tout le monde puisse avoir accès rapidement et facilement à un point de retrait d’espèces. À cet égard, dans son dernier rapport ([5]), le Comité national des moyens de paiement (CNMP), organisme paritaire rassemblant des représentants de l’offre et de la demande, placé sous la présidence de la Banque de France, évalue que le temps de parcours moyen atteint 9,2 minutes, en distinguant les strates suivantes :

– inférieur à 5 minutes pour 79,1 % de la population ;

– inférieur à 10 minutes pour 92,7 % de la population ;

– inférieur à 15 minutes pour 98,8 % de la population.

Ce calcul est néanmoins biaisé car il part du principe que tous les ménages demeurant en zone non urbanisée disposent d’un moyen de transport motorisé personnel, ce qui n’est pas le cas. De surcroît, les catégories socioprofessionnelles et les tranches d’âge les moins mobiles et demeurant dans les zones les moins bien desservies en moyens de transport en commun sont également celles qui ont le moins accès aux technologies de communication modernes et qui sont donc les plus dépendantes des espèces.

Il en résulte un fossé abyssal entre, d’une part, le ressenti de nos concitoyens, des élus locaux et des acteurs économiques et sociaux locaux, et, d’autre part, les affirmations rassurantes voire empreintes d’autosatisfaction de la puissance publique. Selon les services ministériels ou la Banque de France, aucune carence n’est à déplorer, il n’y a ni phénomène de désertification bancaire, ni difficulté d’accès aux espèces, ni attente populaire à combler en ce domaine. Les perspectives de recul du maillage en agences bancaires et en distributeurs automatiques de billet d’ici à la fin de la décennie 2020 doivent au contraire conduire les parlementaires à légiférer sans attendre, avant que la situation ne soit devenue catastrophique pour nombre de nos territoires, dans deux directions :

– prendre des mesures incitatives pour que se développe la pratique du retrait d’espèces à l’achat ;

– créer un service universel de la monnaie fiduciaire.

1.   Développer le service du retrait d’espèces à l’achat

Une solution d’accès aux espèces potentiellement universelle est le retrait d’espèces à l’achat, plus communément appelé « cashback ». Ce service, fourni de façon volontaire par certains commerçants, permet aux clients de retirer auprès d’eux de l’argent en espèces simultanément à un achat de biens ou de services par carte bancaire, la dépense et le retrait étant facturées en une seule opération monétique. Il doit être distingué de la constitution de cagnottes récompensant les achats en ligne, parfois dénommée de la même façon.

Étant adossé, contrairement au service « Cash-in-shop », sur une opération d’achat auprès d’un commerçant, le cashback présente un double intérêt pour la revitalisation des territoires : non seulement il permet à un particulier de se fournir en espèces, mais encore il l’incite à pousser la porte d’un commerce de proximité, parfois le dernier de la localité ou du bourg, pour y consommer ; les deux parties prenantes sont donc intéressées à l’opération. Compte tenu de cet intérêt public évident, des mesures politiques volontaristes s’imposent pour développer cette pratique.

Quoique déjà autorisé par la législation depuis 2018 – comme il est expliqué en détail dans les développements ci-après – et mis à disposition de tout commerçant équipé d’un système de règlement par carte bancaire, ce service est resté confidentiel. Aucun recensement n’est effectué, ni de la part des pouvoirs publics ni de la part des établissements bancaires, car proposer ce service ne requiert ni déclaration préalable auprès des premiers, ni disposition contractuelle ou traitement monétique à mettre en place avec les seconds. À défaut de collecte d’informations, il ressort des expériences de terrain et de tous les témoignages que le nombre de commerçants proposant le retrait d’espèces à l’achat en France est marginal et que, par voie de conséquence, les retraits en nombre comme en montant le sont tout autant.

À l’inverse de la situation en France, le retrait d’espèces à l’achat est très courant dans d’autres pays européens, à commencer par l’Irlande et le Royaume-Uni, où il est notamment dispensé par les officines de recueil de paris. C’est également le cas sur les autres continents, dans nombre de pays de l’Organisation de la coopération et du développement économiques (OCDE), où, d’après une étude récente ([6]), les usages – forte pénétration des cartes bancaires multiservices, politique commerciale des détaillants, degré avancé de démantèlement des implantations bancaires – suscitent à la fois une offre et une demande de nouveaux services d’accès aux numéraires. La chaîne d’alimentation du marché commercial en billets s’adapte afin d’accompagner l’essor de ce système de règlement novateur.

Les autorités gouvernementales et le système bancaire français montrent une méfiance discrète vis-à-vis du retrait d’espèces à l’achat, motivée par deux préventions : la sécurisation des espèces et la protection contre le blanchiment de fonds. On peut opposer à ces critiques, d’une part, que cela tend au contraire à faire sortir du liquide des caisses des commerçants et donc à ne pas les inciter à alimenter l’économie grise, et, d’autre part, que les sommes retirées ont une contrepartie enregistrée par carte bancaire et sont donc traçables.

S’agissant de la sécurité, pour lever tout doute, la commission des finances a adopté un amendement du rapporteur précisant que le commerçant qui propose ce service n’est tenu de délivrer des espèces à un client que si, à cet instant, il dispose de suffisamment de fonds disponibles en caisse.

Se défaire d’espèces permet en outre au commerçant de ne pas en accumuler trop et de limiter ses dépôts de numéraires à la banque. Il économise ainsi sur les frais appliqués à ces opérations, qui peuvent atteindre 5 euros par pochette de billets.

De plus, en cas de panne électrique majeure et de coupure du réseau internet, les terminaux monétiques des commerçants disposent d’une autonomie de fonctionnement qui leur permet, pendant une durée limitée, de continuer de procéder à de petites transactions ; s’ils proposent un service de fourniture d’espèces à l’achat, ils peuvent alors dépanner des usagers dérangés par la mise hors service des distributeurs automatiques de billets.

Quoi qu’il en soit, cette méfiance se traduit par un encadrement juridique malthusien – obligation d’information par voie d’affichage et de communication en ligne faite au commerçant sur les modalités du service et surtout plafond de retrait inférieur à la moitié du montant moyen d’un retrait dans un distributeur automatique de billets – sans l’assortir d’une incitation ou d’une promotion. La présente proposition de loi entend y remédier à travers les mesures modérées et équilibrées suivantes :

– rehaussement du plafond du montant maximal des numéraires susceptibles d’être fournis par le commerçant à son client ;

– gratuité du service pour le consommateur car, par principe, il est choquant de devoir payer pour accéder à son propre argent ;

– plafonnement de la commission de traitement de l’opération facturée au commerçant par sa banque ;

– admission en déduction de l’impôt sur les sociétés de tous les frais inhérents à ce service ;

– mise à disposition du public par la Banque de France d’une carte actualisée de l’ensemble des points de retrait d’espèces, incluant les commerces fournissant des espèces à l’achat ;

– obligation faite aux établissements bancaires d’informer la Banque de France, sous un mois, de toute suppression ou création de distributeur automatique de billets.

La commission des finances a supprimé l’article 2 de la proposition de loi dans sa rédaction initiale, qui prévoyait l’admission en déduction de l’impôt sur les bénéfices des sociétés de certains frais et d’une fraction des numéraires remis dans le cadre d’une opération de cashback. De plus, la commission des finances a rejeté un amendement du rapporteur tendant à accorder aux communes ou à leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) la capacité de soumettre à un tarif nul de taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) le support dont l’un des objets est la promotion du cashback. Pour revenir sur ces deux décisions compromettant l’économie générale du texte en l’expurgeant de toute incitation fiscale, deux amendements seront déposés en séance publique :

– le premier prévoit qu’ouvre droit à une réduction d’impôt une fraction, plafonnée à 1 000 euros par an et suivant des taux dégressifs, du montant total en numéraires qu’une entreprise assujettie à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés remet à ses clients dans le cadre d’une opération de retrait d’espèces à l’achat ;

– le second reprend la mesure concernant la TLPE.

Pour résumer, les principaux freins au développement du retrait d’espèces à l’achat sont, premièrement, la méconnaissance de ce service par les commerçants et par les usagers, et, deuxièmement, le coût et l’absence d’incitation fiscale pour les commerçants. La proposition de loi entend lever ces différents freins. À terme, un développement de ce service pourrait drainer des flux économiques importants chez les commerçants, créant une dynamique de nature à lever les derniers blocages.

2.   Mandater La Poste comme prestataire d’un service universel de la monnaie fiduciaire

Les systèmes de retrait d’espèces alternatifs à la distribution au guichet ou à l’automate de la banque locale, retrait d’espèces à l’achat inclus, restent des pis-aller, des services ponctuels de dépannage, complémentaires au maintien d’un réseau bancaire dense. Parallèlement à ces innovations pragmatiques, seul le maintien d’une large couverture territoriale en distributeurs automatiques de billets répondra aux attentes de nos concitoyens et permettra de réduire les inégalités d’accès à l’argent liquide qui touchent au premier chef les ménages plus démunis.

Or, comme expliqué ci-avant, ce maillage territorial se délite. Au demeurant, comme sur beaucoup de sujets de préoccupation étreignant les élus locaux, on constate un fossé entre, d’une part, les déclarations émollientes des pouvoirs publics et, d’autre part, les expériences vécues au quotidien par les citoyens et leurs représentants ainsi que par les commerçants. Selon les services ministériels, la Banque de France et le lobby bancaire, les besoins de la population sont parfaitement couverts grâce à une décroissance limitée et rationnelle de la présence bancaire. Sous le regard des habitants des communes rurales, des petites villes et des territoires périurbains, en métropole comme dans les outre-mer, la désertification bancaire est l’une des causes majeures de la dévitalisation sociale et économique, associée à la raréfaction des services publics – écoles, bureaux de poste, hôpitaux, tribunaux d’instance, agences du trésor public, etc. – aux destructions d’emplois industriels et aux fermetures de magasins dans les centres-villes et les centres-bourgs. L’accès à l’argent liquide devient une nouvelle source d’inégalités, au détriment des territoires et des populations déjà affectés par les autres formes de désertification.

Or, dans le système concurrentiel qui régit le marché bancaire européen, quand bien même la Banque de France désirerait freiner ce mouvement, elle ne dispose d’aucun pouvoir contraignant, mais uniquement d’une prérogative informelle de « persuasion morale » inefficace quand un opérateur privé juge qu’une activité bancaire n’est plus suffisamment rentable pour être maintenue.

C’est pourquoi il s’avère indispensable de créer un service universel de la monnaie fiduciaire. Cette mission serait confiée à La Poste, en sus de ses missions historiques décrites ci-après, notamment du service universel postal, qui concourt au même objectif : la satisfaction de besoins de première nécessité que le secteur concurrentiel n’a pas vocation à assurer. Sur la base d’un contrat pluriannuel souscrit entre l’État et le prestataire La Poste, celui-ci aura pour charges :

– l’installation, l’approvisionnement et l’entretien de distributeurs automatiques de billets là où les autres opérateurs bancaires s’avèrent défaillants ;

– la prise en compte des réclamations des usagers concernant le nombre et la répartition des points d’accès aux espèces ainsi que l’état de maintenance des distributeurs automatiques de billets.

Les maires pourront être associés à la mise en œuvre du nouveau service universel, notamment dans les communes déjà victimes de la carence bancaire, par exemple par les mesures suivantes :

– accueil d’un conseiller bancaire de La Banque postale dans la Maison France services locale ;

–  ouverture d’une permanence de retrait d’espèces, les jours de marché, dans un local municipal ;

– concertation en vue d’organiser des services bancaires itinérants.

L’attribution à La Poste d’une compensation financière est évidemment cruciale pour la viabilité du dispositif, dans un contexte où ses moyens sont contraints – tout comme ceux de l’État, qui n’est pas dans une situation propice pour s’engager à financer une telle mission à long terme, à ressources fiscales inchangées. La santé des groupes bancaires oligopolistiques français étant au contraire florissante, il paraîtrait logique de les mettre à contribution pour financer le service universel de la monnaie fiduciaire, en particulier lorsqu’ils détiennent peu de distributeurs automatique de billets au regard de leur part de marché et/ou lorsqu’ils continuent d’en fermer. Le véhicule d’une proposition de loi n’étant pas habilité par le IV de l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([7]) à affecter le « produit d’une imposition de toute nature à un tiers », il n’a pas été possible, dans le présent texte, de gager les coûts qu’induira le service universel de la monnaie fiduciaire par la création d’une taxe due par les banques.

Une solution de financement pérenne devra donc être déterminée dans le cadre du débat parlementaire, soit lors de l’examen de la proposition de loi, en concertation avec le Gouvernement, soit à l’occasion d’un projet de loi de finances ultérieur, en créant une taxe ad hoc affectée à La Poste.


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

   Discussion générale

Lors de sa réunion du mercredi 3 décembre 2025, la commission a examiné la proposition de loi.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. L’accès à l’argent liquide préoccupe beaucoup de nos concitoyens. Bien que le nombre de transactions effectuées en espèces diminue, toutes les personnes auditionnées ont reconnu leur attachement à l’argent liquide. On continue à en avoir besoin pour les transactions du quotidien : les manifestations populaires, le café du matin, les achats au marché et les échanges dans la famille ou entre amis.

Par cette proposition de loi, nous nous attaquons à la désertification bancaire, nouvelle illustration du recul des services dans nos territoires. Le phénomène n’en est qu’à ses débuts et le processus s’accélère. En votant ce texte, nous pourrions nous enorgueillir de n’être, pour une fois, pas intervenus dix ans trop tard.

Un fossé abyssal sépare le ressenti de la population et des acteurs locaux – commerçants et maires ruraux notamment – des déclarations officielles de la puissance publique, représentée par les services ministériels et la Banque de France. Celle-ci nie toute carence, tout besoin, toute désertification, toute difficulté d’obtenir des espèces ; pour elle, de toute façon, le privé se débrouille et fait bien les choses, en conséquence de quoi son intervention n’est pas nécessaire, non plus a fortiori que celle du législateur. Cela me conforte dans l’idée qu’il faut agir, maintenant.

Le texte vise deux objectifs complémentaires : développer le retrait d’espèces à l’achat chez les commerçants, ou cashback, et maintenir un réseau dense de distributeurs automatiques de billets (DAB).

Le cashback, qui repose sur le volontariat des commerçants, est consécutif à un achat physique. La loi l’autorise déjà mais la pratique reste confidentielle, alors qu’elle est répandue dans d’autres pays, anglo-saxons notamment. Cela restera un service de dépannage, ponctuel, complémentaire du maintien d’un réseau dense de DAB. Si nous voulons le développer, nous devons proposer des mesures incitatives pour les commerçants, tout en préservant sa gratuité pour l’usager, afin que l’intérêt soit mutuel. C’est l’objet des articles 1er et 2, ainsi que de l’amendement CF24, qui vise à autoriser les collectivités qui le souhaitent à exonérer de taxe locale sur les enseignes et publicités extérieures (TLPE) les commerçants proposant le cashback.

Certes, depuis quelques années, de nouveaux systèmes se développent, comme les points de retrait privatifs, ou « Cash-in-shop ». L’initiative est bonne mais, à ce stade, seuls les clients de quelques banques peuvent y recourir, à condition que le commerçant soit client de la même banque. C’est une limite forte. L’interbancarité, voire l’universalisation, ne sont encore que des promesses. Surtout, avec « Cash-in-shop », le commerçant n’est qu’un banquier de substitution, alors que le cashback impose l’existence d’une transaction réelle, donc d’un achat à son profit.

Ainsi, en développant le cashback, nous soutiendrons le commerce de proximité, objectif qui nous rassemble. Cette mesure contribuerait à défendre les derniers commerces physiques en milieu rural et les commerces de proximité des quartiers populaires des villes, qui souffrent également.

Nous n’avons pas oublié la question de la sécurité. J’ai déposé un amendement visant à préciser que le cashback sera limité aux fonds disponibles en caisse : on ne demandera pas aux commerçants de stocker des espèces dans l’arrière-boutique. Le cashback fera même baisser le volume d’argent liquide disponible en caisse, donc le niveau de risque pour les commerçants. Par ailleurs, les personnes auditionnées nous ont alertés sur le coût faramineux du dépôt d’espèces en banque : en développant la circulation des espèces, on limite leurs frais.

Le dispositif que je vous propose est donc équilibré. Les incitations fiscales représentent un effort pour l’État, mais modéré et plafonné. Elles sont suffisantes pour que les commerçants y trouvent leur compte. Pour l’usager, nous garantissons la gratuité, car il n’y a rien de plus choquant que de devoir payer pour accéder à son propre argent.

Le second volet du texte concerne les DAB. Entre 2018 et 2024, plus de 10 000 DAB ont disparu. Selon la Fédération bancaire française (FBF) et la Banque de France, cette baisse ne s’intensifie pas, touche en priorité les zones densément fournies, et ne crée pas de carences. Pourtant, nous constatons tous le contraire dans nos territoires.

De toute évidence, le phénomène va s’accélérer. L’Institut national de la consommation (INC) estime que le nombre de distributeurs pourrait chuter de près de 20 % dans les deux ou trois prochaines années. Nous n’avons cependant pu obtenir de chiffres officiels : parce que la volonté de fermer ou de conserver des DAB est révélatrice de la santé économique des établissements bancaires, ils sont stratégiques. Aucune mesure ne contraint les banques à maintenir les DAB ; seules des initiatives privées, reposant sur le volontariat, ont pu voir le jour. Je pense notamment à « Cash services » : la proposition va dans le bon sens mais elle consiste à mutualiser les distributeurs de quatre banques seulement ; elle est donc limitée et rien ne garantit sa pérennité. Pour ces raisons, l’article 3 confie à La Poste la mission d’assurer le service universel de la monnaie fiduciaire. Il s’agit de maintenir le service de distribution d’espèces quand les opérateurs privés estiment qu’il n’est plus suffisamment rentable pour eux.

Je sais que certains d’entre vous sont réticents à alourdir encore la barque de La Poste, comme à faire porter à l’État la charge de compenser cette nouvelle mission, étant donné sa mauvaise santé budgétaire et la bonne santé financière des banques. Ils ont raison. Aussi ai-je bien l’intention de mettre à contribution les établissements qui participent à la désertification bancaire. Cependant, la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances, interdit de créer une taxe affectée dans une proposition de loi. Je suggère donc, dans un premier temps, de créer cette nouvelle mission et d’en gager la compensation de façon classique, ainsi que d’instaurer, avec l’amendement CF26, une taxe sur les établissements bancaires qui ferment des DAB – et uniquement ceux-là. Nous pourrons ensuite, lors de l’examen d’un futur projet de loi de finances (PLF), affecter le produit de cette taxe à La Poste.

Ainsi, pour maintenir l’économie générale du texte, il est crucial d’adopter à la fois l’article 3 et l’amendement CF26. Si l’un des deux était rejeté, le texte serait dénaturé, soit au détriment de l’État, soit au profit des banques – dans tous les cas, en défaveur de nos concitoyens, qui ne veulent pas que leurs DAB disparaissent.

La taxe que je propose n’est pas dogmatique, elle est pragmatique. Elle n’est ni assise sur les bénéfices des établissements bancaires ni uniformément appliquée. Elle prend en compte la participation effective de chaque banque au maintien d’un réseau dense de distributeurs. Celles qui ne ferment pas de DAB ne paieront rien ; celles qui en ferment paieront à proportion du nombre de suppressions, moyennant l’application d’un coefficient de couverture. Le dispositif incite donc fortement à maintenir les distributeurs.

M. le président Éric Coquerel. Les DAB sont indispensables. Dans les départements ruraux notamment, la présence d’un appareil peut faire la différence entre les communes. La nécessité de les préserver ou d’en faire installer, pour éviter que les commerces qui dépendent de l’argent liquide ne partent dans une autre commune, place les maires dans une situation très difficile – j’en ai été témoin à plusieurs reprises.

Vous avez raison, cela soulève la question du rôle des banques. Les frais qu’elles facturent sont censés financer notamment ce service. En France, ils sont très élevés. Pourtant, 5 000 agences ont fermé entre 2014 et 2024, 20 % du parc devrait disparaître d’ici à 2027 et 57 % des communes n’ont aucun point de retrait : le problème est crucial.

Vous pointez les limites de votre proposition de loi. Le premier problème vient de la Lolf. Selon moi, il faut la réviser afin que l’Assemblée dispose d’une large autonomie, y compris pour voter des textes financiers. En attendant, il faut la respecter. Or il est gênant de faire payer à l’État le désengagement des banques. J’apporte donc à votre texte un soutien critique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre proposition de loi a d’abord le mérite de s’attaquer à l’idée selon laquelle l’argent liquide devrait disparaître. Les pays du Nord, qui en étaient de fervents partisans, en reviennent. En effet, certaines populations ont plus que d’autres besoin d’espèces. De plus, en cas de crise, l’argent liquide peut être un moyen de résilience : la Suède a proposé aux citoyens de mettre une semaine d’argent liquide de côté pour qu’ils ne soient pas dépourvus en cas de crise majeure. Enfin, on pourrait disserter sur la question de la liberté : faire disparaître l’argent liquide revient à ôter à la puissance publique le maniement des valeurs pour le confier à des sociétés privées.

Votre projet aurait sur La Poste une incidence sensible. Qu’en pense-t-elle ? Qu’en pense la FBF ? Est-il possible d’avancer avec elle ?

Vous dites que le cashback permettrait de fournir ponctuellement des espèces, mais rien dans le texte ne garantit que ce service restera ponctuel. Comment nous assurer que le dispositif ne deviendra pas un système ?

L’article 2 repose sur une idée séduisante : pour inciter les commerçants à fournir des espèces, il faut leur octroyer des avantages fiscaux. Mais je suis très réservé sur ceux prévus à l’amendement CF23, qui tend à réécrire l’article. Les commerçants pourraient déduire de l’impôt, y compris de l’impôt sur le revenu, une fraction des espèces concernées. J’y vois un fort risque de fraude : si j’étais commerçant, je remettrais très régulièrement des espèces à tous les membres de ma famille pour bénéficier de déductions massives !

Je ne suis pas non plus favorable à l’amendement CF26. Non seulement vous voulez instaurer une nouvelle taxe, mais celle-ci serait doublée si le DAB supprimé était le dernier de la commune. Je crains que les banquiers ne se dépêchent de retirer tous les DAB isolés avant la promulgation de la loi. L’économie, c’est aussi de la confiance.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Vous avez raison, monsieur le président : 57 % des communes ne disposent d’aucun point de retrait, ce qui pose un vrai problème, en particulier en milieu rural. Il serait illusoire de penser que l’adoption du texte suffirait à doter toutes les communes d’un distributeur, mais le développement du cashback offre une réponse : beaucoup, si elles n’ont plus de banque ni de DAB, ont encore des commerces.

Comme vous, j’estime que l’État n’a pas à compenser les carences des banques et qu’il faudrait modifier la Lolf. Toutefois, puisque nous devons respecter les contraintes en vigueur, je vous propose de confier une nouvelle mission à La Poste et de faire contribuer à son financement les banques responsables de la carence, pour ne pas grever les finances de l’État.

Vous soulignez, monsieur le rapporteur général, que les espèces sont nécessaires à la résilience. D’ailleurs, les auditions l’ont montré, en cas de blackout, les DAB cessent automatiquement de fonctionner, tandis que les TPE (terminaux de paiement électroniques) des commerçants ont une certaine autonomie, qui permet de dépanner et de distribuer de l’argent.

Je n’avais pas évoqué la dimension philosophique du débat mais il est vrai que la circulation de l’argent liquide est associée à une certaine liberté : il échappe aux frais bancaires et aux mécanismes de traçabilité. Les associations de consommateurs ajoutent qu’on gère mieux son budget quand on utilise les espèces : on se rend mieux compte de ce qui entre et de ce qui sort.

En ce qui concerne La Poste, je serais malhonnête de prétendre qu’elle est pleinement favorable au dispositif. En effet, la sous-compensation des missions que l’État lui confère l’inquiète fortement, en particulier dans la perspective de l’application du projet de loi de finances en cours de discussion. Mais j’insiste : il ne s’agit pas de faire reposer la compensation sur l’État, mais d’affecter à son financement le produit d’une taxe nouvelle, en adoptant une disposition en ce sens dans un prochain PLF.

Quant à la FBF, elle estime qu’il n’y a pas de problème, puisque la France fait partie des territoires disposant du maillage le plus étroit – 99 % de la population est à moins de quinze minutes d’un distributeur. Cependant, il faut tenir compte du ressenti. Quelqu’un qui a un DAB à quinze minutes de son domicile vivra l’installation d’un point de retrait chez un commerçant à cinq minutes de chez lui comme une amélioration, tandis qu’un citadin qui voit la banque de son quartier fermer et doit marcher 500 mètres pour trouver un distributeur considérera que le service se dégrade fortement, bien que ce ne soit pas comparable.

Le cashback ne doit pas se substituer aux DAB mais les compléter, dans une logique de dépannage. Nous n’imposons rien aux commerçants, qui resteront libres de le proposer. De plus, le service sera limité par les fonds disponibles en caisse : si vous allez à la boulangerie à l’heure de l’ouverture, vous ne pourrez pas récupérer 90 euros ; en revanche vous pourrez y aller à 14 heures pour vous dépanner de 20 euros avant de faire votre marché.

Pourquoi une incitation fiscale ? La loi autorise déjà le cashback, mais cela ne fonctionne pas. Selon les commerçants, la complexité administrative est telle que le système leur coûte cher mais ne leur rapporte pas même de la clientèle, parce que les Français ignorent son existence. Je vous propose donc d’amorcer la pompe pour en massifier l’utilisation, quitte à plafonner drastiquement les avantages fiscaux ou à prévoir leur extinction dans deux, trois ou cinq ans.

Les commerçants nous ont dit qu’ils devraient même être rémunérés, parce qu’ils proposent un service. Je vous propose une solution équilibrée : les avantages fiscaux permettront d’inciter les commerçants à installer le cashback, afin de préserver la gratuité pour les usagers, sans conséquences majeures pour les finances publiques.

Contrairement à vous, je ne crains pas la fraude. Le mécanisme existe déjà et on n’a pas constaté de fraudes massives. Vous dites que si vous étiez commerçant, vous distribueriez des espèces à toute la famille, mais il ne s’agit pas de simplement sortir de l’argent de la caisse : il faut un achat physique et une transaction par carte bancaire. On peut donc tracer les flux. Certes, il peut toujours y avoir des commerçants véreux, mais le développement du cashback n’aggravera pas nécessairement le risque. D’ailleurs, l’exemple des autres pays montre qu’il ne sert ni la fraude fiscale, ni le blanchiment de capitaux, ni le financement du terrorisme.

Enfin, vous dites qu’il faut créer les conditions de la confiance mais, en objectant le risque que les banques suppriment tous les DAB isolés, vous exprimez de la défiance. De fait, elles fermeront les DAB dans les prochaines années. Il faut donc adopter ce texte le plus vite possible : si votre groupe politique acceptait de l’inscrire à l’ordre du jour de sa prochaine niche au Sénat, j’en serais reconnaissant.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alexandre Dufosset (RN). Le groupe Rassemblement national s’oppose à la suppression de l’argent liquide : pour des millions de Français, c’est le moyen de paiement quotidien le plus simple et le plus maîtrisable, qu’ils peuvent utiliser librement. La fermeture massive d’agences et de distributeurs a créé des déserts bancaires, notamment dans les zones rurales et périurbaines et dans certains quartiers populaires. Or l’accès au numéraire pose des questions majeures : l’égalité entre les territoires, la liberté de choix du moyen de paiement et la protection des Français contre la tentation du tout-numérique, qui exclut les plus fragiles.

La proposition de loi a le mérite de prendre le problème à bras-le-corps ; nous y sommes sensibles. L’article 1er, qui tend à développer le cashback, ne va dans le bon sens que s’il a été élaboré avec les commerçants du terrain. L’article 2, qui prévoit une incitation fiscale, s’inscrit dans une logique de soutien aux commerçants qui acceptent cette nouvelle charge de service. Nous regrettons que les auteurs du texte n’en aient pas évalué le coût. L’article 3 confie à La Poste la mission d’assurer un service universel de la monnaie fiduciaire. L’idée est intéressante – Philippe Lottiaux défendait dès 2023 l’instauration d’un mécanisme proche. Il est toutefois dommage que le coût de la mesure, que La Poste assumerait seule, n’ait pas non plus été évalué. Nous aimerions en modifier la rédaction afin d’obliger les banques à déployer un réseau de DAB couvrant tout le territoire, sur le modèle du réseau d’antennes relais des opérateurs téléphoniques. La Poste n’interviendrait qu’en cas de carence, pour assurer un service minimal de retrait. Le recours serait alors financé par les amendes infligées aux banques défaillantes.

Malgré ces réserves, nous estimons que la solution proposée est préférable à l’inaction. Nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi.

Mme Françoise Buffet (EPR). Les Français restent profondément attachés à l’argent liquide, les pièces et les billets étant les seuls supports tangibles de la monnaie. On imagine mal des grands-parents verser des étrennes par chèque, voire par virement ! Les espèces sont également le seul moyen de paiement qui garantisse l’anonymat, à l’heure où chacun de nos gestes est suivi, analysé et exploité par des algorithmes. Elles assurent, enfin, la résilience de notre système de paiement en cas de coupure d’électricité ou de panne informatique.

Toutefois, si ces raisons légitiment la volonté de garantir à chaque citoyen un accès simple et rapide à l’argent liquide, force est de constater que celui-ci est déjà satisfaisant puisque 99 % de la population française vit à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB et que plus de neuf Français sur dix considèrent l’accès aux espèces comme facile ou très facile. Par ailleurs, le Comité national des moyens de paiement, qui réunit, entre autres, la Banque de France et la FBF, veille activement à maintenir cet accès, en publiant notamment une carte des DAB et des points de « Cash-in-shop ». J’ai la conviction que ce dernier, plus avantageux pour les commerçants, sans obligation d’achat pour les usagers et plus facilement traçable, supplantera rapidement le cashback. La filière s’organise, donc, et une interopérabilité nationale devrait voir le jour dans le courant de l’année 2026, à l’initiative du groupement des cartes bancaires (GIE CB).

Si nous soutenons le développement du cashback, il nous semble difficile de justifier de nouvelles niches fiscales ou des dépenses publiques supplémentaires, qui seront difficiles à chiffrer et à appliquer.

C’est pourquoi, même si nous partageons pleinement l’objectif qu’aucun citoyen ne soit empêché d’accéder à son propre argent, nous divergeons sur les moyens pour y parvenir. C’est donc dans un esprit constructif que je proposerai des ajustements indispensables.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Depuis plusieurs années, les banques ont engagé un mouvement massif de fermeture d’agences et de distributeurs. Les chiffres sont sans appel : à la fin de l’année 2024, la France ne comptait plus que 33 000 agences contre 38 000 dix ans plus tôt et 42 000 DAB contre 50 000 en 2019.

Nous déplorons, comme vous, la désertification bancaire, qui prive des millions de personnes d’un accès indispensable à l’argent liquide. Votre texte propose de développer le cashback, en rendant ce service gratuit pour les usagers et indemnisé par l’État. Il prévoit aussi de confier à La Poste une nouvelle mission de service public afin de garantir une couverture nationale des DAB sur tout le territoire.

Si nous n’avons rien contre le cashback, lequel a spontanément progressé de 4 % en 2024, nous nous interrogeons sur la pertinence d’une incitation fiscale, alors que la cartographie de la Banque de France témoigne d’un déploiement satisfaisant. Il s’agit de savoir quel modèle nous voulons privilégier ; un modèle ne doit pas en subventionner un autre, au risque de disparaître.

La proposition de loi apporte des solutions urgentes à une situation rendue intenable en raison de la stratégie de cost killing du système bancaire. Celui-ci préfère démanteler le service de proximité pour augmenter des profits déjà colossaux, alors même qu’il a les moyens de maintenir ses agences et ses DAB. Néanmoins, il faut aller plus loin, agir sur les causes profondes et mettre fin à un modèle qui consiste à privatiser les profits et à socialiser les pertes. Nous serons force de proposition pour y parvenir.

M. Sébastien Saint-Pasteur (SOC). La proposition de loi est bien un texte d’anticipation. Les modes de paiement ont évolué – il est désormais courant de régler avec son téléphone ou sa montre connectée –, mais notre rapport à l’argent ne se réduit pas pour autant au tout numérique : je pense au parent qui accompagne son enfant à un tournoi de football et lui laisse quelques euros pour s’acheter un sandwich ou à la personne qui, dans une antenne sociale, apprend à gérer son budget avec un système d’enveloppes. Assurer l’accessibilité à l’argent liquide, c’est répondre aux situations du quotidien et préserver une part de nos libertés individuelles.

La Banque centrale européenne (BCE) a étudié le rôle de l’argent liquide en période de crise. La grande panne d’électricité survenue dans la péninsule ibérique a illustré la double fonction des espèces lorsque les infrastructures font défaut : il s’agit d’un moyen de paiement résilient et d’une réserve de valeurs. Ainsi, plusieurs pays européens – l’Autriche, la Finlande, les Pays-Bas ou encore la Suède, citée par le rapporteur général – recommandent à chaque foyer de conserver entre 70 euros et 100 euros en espèces. La France elle-même, dans son guide gouvernemental « Tous responsables », rappelle la nécessité de disposer d’argent liquide en cas d’indisponibilité des DAB – lors d’un délestage, par exemple, ils s’arrêtent de fonctionner alors que les terminaux de paiement conservent une légère autonomie.

La proposition de loi, bienvenue et attendue, imagine un autre modèle de distribution soucieux de résilience. Son objectif est de compléter les moyens de paiement numériques, de soutenir les commerces de proximité face au e-commerce et de contribuer au maintien d’un réseau de distributeurs automatiques relativement dense dans les territoires. À titre d’exemple, lors des émeutes de 2023, une agence bancaire située dans le quartier de Saige, à Pessac, dans ma circonscription – qui n’est pas en milieu rural –, a été incendiée. Depuis, ni la banque ni le DAB n’ont rouvert.

M. Nicolas Ray (DR). Il est primordial de garantir l’accès à l’argent liquide, en particulier dans les zones rurales où il est utilisé dans la vie quotidienne, pour des manifestations associatives ou sportives ou pour les achats dans les petits commerces.

Pour atteindre cet objectif, vous proposez de développer le cashback et de maintenir le maillage territorial des DAB. Toutefois, le cashback existe déjà ; avant de vouloir le développer, il faudrait le faire connaître. Par ailleurs, porter le plafond des retraits d’espèces à 150 euros par transaction – au lieu de 60 euros actuellement – présente des risques de fraude ou de blanchiment d’argent. Je crois même avoir lu que vous vouliez autoriser la perception d’argent liquide sans achat préalable, ce qui serait excessif.

L’article 2 prévoit d’instaurer une nouvelle niche fiscale alors que votre groupe est d’habitude plutôt enclin à les supprimer. Au-delà du risque de suroptimisation, puisqu’il rend les frais associés à ce service déductibles de l’impôt sur les sociétés (IS), se pose la question de son application pour les entreprises, en particulier les petits commerces, qui ne sont pas assujetties à l’IS mais à l’impôt sur le revenu (IR), et pour celles qui bénéficient de la franchise en base de TVA ou qui ne réalisent pas suffisamment de bénéfices pour être soumises à l’IS.

Enfin, nous partageons la philosophie de l’article 3, qui vise à garantir le maintien d’un maillage dense en DAB. Toutefois, selon les chiffres de la Banque de France, le rythme de baisse de leur nombre tend à se stabiliser ; leur nombre est même en légère augmentation, puisque vingt-quatre communes supplémentaires ont été équipées en 2024.

Pour toutes ces raisons, nous attendrons de connaître le sort réservé aux amendements avant de nous positionner.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je m’interroge sur la pertinence de votre proposition de loi. Ayant été pendant seize ans le maire d’une commune rurale et m’étant battu pour maintenir les services publics – notamment l’agence postale –, je n’ai pas ressenti une forte demande sur le terrain. D’ailleurs, un rapport de la Banque de France, publié en juillet 2025, souligne que plus de 98 % des Français sont situés à moins de quinze minutes en voiture d’un DAB, ce qui traduit un très bon accès de la population à l’argent liquide.

Votre texte repose sur trois axes principaux : encourager le recours au cashback, grâce à une hausse du plafond des retraits autorisés par opération, au risque de dérives liées au traitement fiscal associé au dispositif ; instaurer un avantage fiscal nouveau pour les commerçants, qui sera difficile à appliquer pour les structures soumises à l’IR ou en franchise de TVA, notamment ; surtout, créer un service universel de la monnaie fiduciaire, confié à La Poste, ce qui entraînera un coût non négligeable pour les finances publiques – en effet, avec l’entretien, un DAB coûte environ 100 000 euros par an.

D’autres leviers existent, comme la mutualisation déjà engagée entre plusieurs réseaux bancaires, la modernisation et l’encadrement maîtrisé du cashback ou encore la diffusion de la cartographie des points de retrait, simple à réaliser sans bouleverser l’architecture du système.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrates votera contre la proposition de loi, même si elle a le mérite de soulever la question de l’attractivité des territoires ruraux.

M. Christophe Plassard (HOR). Nous partageons pleinement l’objectif de garantir à chaque Français un accès simple et équitable à l’argent liquide. Le rôle des commerçants qui proposent déjà le cashback est, à ce titre, essentiel car il renforce le maillage territorial et offre un service de proximité. Leur engagement doit donc être reconnu et accompagné, sans toutefois transformer ce dispositif d’appoint en quasi-service public gratuit et universel. Ce serait surestimer sa fonction réelle et fragiliser son équilibre économique.

Par ailleurs, le texte repose sur un diagnostic discutable, voire sur un ressenti : en effet, la France ne connaît pas un recul massif de l’accès aux espèces, puisque le nombre des points de retrait reste stable – de l’ordre de 71 000 – et que le nombre de communes équipées d’un DAB a même légèrement progressé en 2024. S’il faut rester vigilant quant à l’accès aux espèces, les chiffres sont clairs : les outils existent et fonctionnent globalement.

En outre, plusieurs mesures du texte ne répondent pas aux objectifs recherchés. Le plafonnement des frais bancaires applicables aux commerçants par les établissements bancaires, prévu à l’article 1er, constitue une intervention directe de l’État dans une relation contractuelle privée. Un tel encadrement tarifaire risque de décourager les banques à développer cette offre, avec pour conséquence de réduire davantage l’accessibilité aux espèces au lieu de l’améliorer. En revanche, si cet article est réécrit et recentré, nous le soutiendrons.

Les articles 2 et 3 créent des difficultés supplémentaires, puisqu’ils génèrent une dépense fiscale coûteuse et non ciblée, ainsi qu’une nouvelle mission de service public confiée à La Poste, sans qu’aucune évaluation financière n’ait été réalisée, au risque d’alourdir des comptes déjà fragiles.

Pour toutes ces raisons et malgré son attachement constant à l’accès aux espèces, le groupe Horizons & indépendants décidera de son vote en fonction des amendements qui seront adoptés.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Nous vous rejoignons sur la nécessité de maintenir l’accès à l’argent liquide, notamment pour les achats de proximité, face au désengagement excessif du système bancaire, qui appelle même les communes à contribuer financièrement à l’installation d’un DAB ou à lui verser une indemnité lorsque le montant mensuel des retraits est insuffisant – c’est totalement lunaire !

Néanmoins, nous appelons votre attention sur plusieurs points : est-il pertinent de porter le plafond de retrait à 150 euros, sans relever le montant minimal d’achat ? Il y a un risque de blanchiment et de dérive, car il sera facile d’obtenir 150 euros d’argent liquide pour tout achat de 1 euro. Par ailleurs, publier la cartographie des points de retrait ne risque-t-il pas d’exposer les commerçants comme autant de lieux de braquage potentiels ? Enfin, pourquoi désigner La Poste comme un opérateur implicite, au lieu de prévoir une mise en concurrence ?

Même si nous partageons l’intention, nous attendrons le terme de nos débats pour nous positionner.

M. le président Éric Coquerel. Il reste une dernière prise de parole d’un autre député.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Il faut conserver un bon maillage territorial des DAB ; il y va de l’attractivité des territoires, en particulier ruraux, et du maintien des commerces de proximité. Si les collectivités peuvent contribuer financièrement à l’installation des distributeurs, il revient aux banques, à qui nous payons des frais bancaires, de prendre en charge leur fonctionnement. C’est pourquoi je pense qu’en associant La Poste, vous vous trompez de cible.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. M. Dufosset a regretté l’absence d’évaluation du coût de la mesure. Si les banques ne suppriment pas de DAB, il n’y en aura pas ! En revanche, si elles ne jouent pas le jeu et aggravent la carence bancaire, elles seront taxées afin de financer la nouvelle mission confiée à La Poste.

Vous considérez, madame Buffet, qu’il n’y a pas lieu d’intervenir, puisque les opérateurs privés sont bien organisés. Pourtant, lorsque la rentabilité fait défaut, on vient souvent frapper à la porte de la puissance publique pour compenser ici la désertification médicale, là le manque de stations-services ou encore la diminution du nombre de commerces ! Puisque nous ne faisons pas confiance aux banques pour garantir durablement le maintien de l’accès à l’argent liquide partout dans le territoire, nous préférons anticiper.

Vous dites aussi que « Cash-in-shop » est plus intéressant pour les commerçants ; ce n’est pourtant pas ce qu’ils nous disent : le cashback soutient le commerce de proximité, puisqu’il subordonne le retrait d’espèces à l’existence d’un achat ; le commerçant y trouve son compte, car il vend un produit ou un service et ne se contente pas de distribuer des espèces pour le compte d’un établissement bancaire.

J’entends vos réticences, monsieur Bex, quant aux incitations fiscales, et je les partage en partie. Toutefois, si le cashback fonctionnait, nous n’aurions pas besoin d’examiner ce texte. L’objectif est de massifier le recours au cashback et de renforcer l’attractivité des commerces, le temps d’amorcer la pompe, si je puis dire ; ensuite, l’incitation ne sera plus nécessaire. À l’heure actuelle, beaucoup de commerces ne proposent pas ce service qu’ils estiment complexe et coûteux ; certains souhaiteraient que les usagers contribuent à le financer. Il nous faut donc trouver un équilibre préservant l’intérêt pour les commerçants, la gratuité pour les usagers et les finances publiques. À l’article 2, les déductions fiscales auxquelles pourront prétendre les commerçants sont plafonnées – ce n’est donc pas open bar. Je suis d’ailleurs prêt, d’ici à l’examen du texte en séance, à envisager avec vous un pourcentage lié au volume d’espèces, ainsi qu’une extinction progressive des avantages fiscaux.

Je remercie M. Saint-Pasteur d’avoir évoqué la résilience. Les conseillers ministériels que nous avons auditionnés ont expliqué que, lorsque le cyclone Chido a frappé lourdement Mayotte, l’accès au cash a constitué un véritable problème, même si l’électricité a pu être rétablie et les distributeurs remis en fonction. Imaginer une solution de secours par le biais des commerçants est donc une piste intéressante. Et l’exemple de la banque incendiée pendant les émeutes urbaines montre que cette question touche tout autant les zones urbaines parfois excentrées que le milieu rural.

Vous expliquez, monsieur Ray, qu’il suffirait de faire mieux connaître le cashback, qui existe déjà. C’est précisément l’objet du texte : les commerçants deviendront les véritables ambassadeurs de ce service auprès de leurs clients. Je suis ouvert à une discussion sur le montant du plafond de retrait : je l’ai fixé à 150 euros, parce que cela correspond au montant moyen des retraits dans les distributeurs automatiques de billets – 144 euros pour être précis.

En revanche, je ne comprends pas vos craintes relatives au blanchiment d’argent, puisque le cashback est obligatoirement consécutif à une opération bancaire : l’usager règle l’achat d’un produit, auquel il ajoute le montant du retrait d’espèces souhaité. Cette transaction par carte bancaire est donc parfaitement traçable. Ensuite, il revient aux organismes bancaires – et non aux commerçants – de vérifier l’origine des fonds du compte bancaire du débiteur.

S’agissant des déductions fiscales, vous avez raison, tous les commerçants ne sont pas assujettis à l’impôt sur les sociétés : c’est pourquoi j’ai déposé l’amendement CF23, qui permet à tous les commerces de bénéficier d’une incitation, quel que soit le régime fiscal auquel ils sont soumis.

Vous avez également alerté sur le coût du dispositif pour les finances publiques. Mais il n’y en a pas ! La mécanique de la Lolf nous oblige à passer par cette construction, quelque peu artificielle, mais l’esprit du législateur est de faire en sorte que la mission confiée à La Poste soit financée par les banques qui ferment des DAB ; si elles n’en ferment pas, La Poste n’aura rien à faire.

Monsieur Plassard, vous êtes plutôt d’accord avec le texte, mais vous voulez réécrire complètement l’article 1er et vous exprimez des réticences sur les articles 2 et 3 ! Convenez que ce n’est pas le meilleur moyen d’aboutir à un compromis ! Vous dites aussi qu’il n’y a pas de carence bancaire et qu’il s’agit d’un ressenti. Pourtant, l’Association des maires ruraux de France (AMRF), que nous avons auditionnée, soutient fortement ce texte. Je préfère écouter les maires, les commerçants et les usagers que les conseillers ministériels ou la Banque de France, qui m’expliquent qu’il sera toujours possible de payer ses courses au marché par chèque – de toute évidence, nous n’allons pas sur les mêmes marchés.

Je ne suis pas opposé, monsieur Bataille, à une modification du montant minimal d’achat dans le cadre du cashback. Néanmoins, aucun amendement n’a été déposé en ce sens. Ce qui importe, c’est que le dispositif reste subordonné à l’existence d’une transaction physique, pour en assurer la traçabilité, et que celle-ci se fasse au profit du commerçant, pour lui permettre d’accroître son chiffre d’affaires.

Enfin, monsieur Vigier, ce n’est pas aux collectivités locales de contribuer à l’installation des DAB. La carence bancaire doit être compensée par les organismes bancaires qui l’accentuent. S’ils acceptent de jouer le jeu, ils ne paieront rien ; à l’inverse, s’ils continuent de fermer des agences, ils paieront beaucoup.

 


   Examen des articles

Résumé du dispositif

Le 1° de l’article 1er tend à modifier l’article L. 112 14 du code monétaire et financier, afin :

– de plafonner le montant maximal des numéraires susceptibles d’être fournis par un commerçant à un client dans le cadre d’une opération de retrait d’espèces à l’achat ;

– d’assurer la gratuité de ce service pour les consommateurs ;

– de plafonner les commissions de traitement de ces opérations facturées aux commerçants par les établissements bancaires.

Le 2° de l’article 1er tend à compléter l’article L. 141-4 du même code, afin :

– de mettre à disposition du public une carte actualisée de l’ensemble des points de retrait d’espèces ;

– à cet effet, de contraindre les établissements bancaires à informer la Banque de France sous un mois de toute suppression ou création de distributeur automatique de billets.

Amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le commerçant n’est tenu de satisfaire une demande d’espèces de la part d’un client que dans la limite des fonds disponibles dans sa caisse, afin de répondre à quatre exigences :

– ne pas compliquer sa gestion de trésorerie, notamment en le contraignant à se munir d’un fonds de caisse important en début de journée ;

– ne pas le rendre trop vulnérable sur le plan de la sécurité en l’obligeant à disposer d’une somme en espèces trop élevée ;

– ne pas le forcer à faire l’acquisition d’un coffre-fort pour stocker des numéraires ;

– prendre en compte le fait que les montants en caisse couverts par les polices d’assurance sont plafonnés.

La commission a adopté un autre amendement du rapporteur, prévoyant qu’un établissement bancaire supprimant un distributeur automatique de billets doit en informer le maire de la commune concernée au moins six moins auparavant, afin que puisse être envisagé un dispositif alternatif d’accès aux espèces, en concertation avec l’écosystème commercial local.

La commission a en outre adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur.

L’article ainsi modifié a été adopté par la commission des finances.


  1.   le retrait d’espÈces À l’achat est encadrÉ de façon exagÉrÉment restrictive par le droit français, ce qui contribue À limiter l’usage de cette pratique
    1.   Le droit en vigueur est trop timide pour que les commerçants soient intÉressÉs par ce service et pour que les consommateurs soient incitÉs À y recourir
      1.   Une pratique exclue du champ de la législation européenne…

Le retrait d’espèces dans le cadre d’une opération de paiement par carte bancaire pour l’achat de biens ou de services n’est pas encadré par le droit européen. En effet, parmi les exclusions qui y sont énumérées, l’article 3 de la deuxième directive européenne relative aux services de paiement, dite « DSP2 » ([8]), dispose :

« La présente directive ne s’applique pas […] aux services pour lesquels des espèces sont fournies par le bénéficiaire au bénéfice du payeur dans le cadre d’une opération de paiement, à la demande expresse de l’utilisateur de services de paiement formulée juste avant l’exécution de l’opération de paiement via un paiement pour l’achat de biens ou de services ».

Cette exemption devrait être maintenue car le principe d’exclusion du champ de la législation européenne est repris textuellement au 2. d) de l’article 2 de la proposition de règlement européen relatif aux services de paiement, en cours de négociation au niveau européen ([9]).

  1.   … mais encadrée depuis 2018 au niveau national

En revanche, la pratique du retrait d’espèces à l’achat est encadrée depuis 2018, au niveau national, par une loi ([10]) dont découlent les articles L. 112-14, D. 112-6 et R. 112-7 du code monétaire et financier, ainsi que par un arrêté.

Tous les professionnels effectuant des actes de commerce et en faisant leur profession habituelle sont autorisés à fournir des espèces à l’utilisateur de services de paiement dans le cadre d’une opération de paiement pour l’achat de biens ou de services. Ce service ne peut être fourni qu’à la demande de l’utilisateur de services de paiement agissant à des fins non professionnelles, si elle est formulée juste avant l’exécution de l’opération de paiement.

Les paiements par chèque ou au moyen de titres-papiers, d’instruments spéciaux de paiement ou de titres spéciaux de paiement dématérialisés ne peuvent donner lieu à fourniture d’espèces.

Les montants minimal et maximal d’espèces susceptibles d’être fournies dans le cadre d’une opération de paiement d’achat de biens ou de services sont fixés respectivement à 1 euro et à 60 euros par décret ([11]).

La Banque de France peut, en cas de menace pour la qualité de la circulation fiduciaire ou d’événement exceptionnel ayant pour conséquence d’entraver de manière significative l’approvisionnement de billets en euros, et après avoir informé le ministre chargé de l’économie, autoriser temporairement un plafond supérieur ou inférieur à 60 euros et ajuster la liste des instruments de paiement prohibés dans le cadre de cette pratique. Le ministre chargé de l’économie peut à tout moment mettre fin à ce régime temporaire.

Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, c’est-à-dire pouvant atteindre 1 500 euros, le fait, à l’occasion de la fourniture de ce service :

– de fournir des espèces contre paiement au moyen d’un instrument de paiement prohibé dans ce cadre ;

– de fournir des espèces en méconnaissance du montant minimal de 1 euro ou pour un montant supérieur au montant maximal de 60 euros.

En cas de récidive dans le délai d’un an, le tarif de la contravention peut être doublé.

Un arrêté du ministre de l’économie et des finances ([12]), pris après consultation du Conseil national de la consommation, dispose que le vendeur de produit ou le prestataire de services informe la clientèle et le public sur les conditions de fourniture et le prix du service de retrait d’espèces à l’achat, par voie d’affichage, de façon visible et lisible dans le point de vente, à proximité des terminaux de paiement ou du lieu d’encaissement. Les informations comprennent notamment :

– la liste des instruments de paiement acceptés ou refusés ;

– le montant minimal de l’opération de paiement d’achat de biens ou de services dans le cadre de laquelle des espèces sont fournies ;

– le montant maximal en numéraire pouvant être décaissé ;

– l’indication du caractère gratuit ou payant de la fourniture du service et, dans ce second cas, les frais et commissions perçus, toutes taxes comprises.

L’arrêté ajoute que, si le commerçant mentionne sur le site internet de son établissement ou sur tout autre support qu’il produit, le fait qu’il propose le service de retrait d’espèces à l’achat, il communique sur ce même site ou support, de manière lisible et visible, les conditions de fourniture et le prix de ce service.

  1.   le droit proposÉ vise À donner aux commerçants comme aux consommateurs des motifs de recourir plus largement À de telles transactions

Le 1° de l’article 1er de la proposition de loi vise d’abord à fixer à 150 euros le montant maximal de fourniture d’espèces autorisé dans le cadre d’une opération d’achat de biens ou de services par carte bancaire, alors que sa détermination est à présent renvoyée à décret. La fixation du montant minimal, quant à elle, demeurerait une compétence réglementaire.

Cette mesure, consistant à augmenter de 150 % le montant plafond actuel – ce qui reviendrait à un montant légèrement supérieur à celui du retrait moyen à un distributeur automatique de billets –, permettrait de dynamiser la pratique du retrait d’espèces à l’achat. Le montant retenu resterait limité, afin de ne pas être susceptible de contribuer au blanchiment d’argent provenant d’activités criminelles ou délictuelles, ou encore de financer des entreprises terroristes.

On peut même considérer qu’il aurait le mérite de faire sortir davantage de flux d’espèces des caisses des commerçants, et ainsi de ne pas être suspect d’alimenter l’économie grise ou d’attirer la convoitise de braqueurs.

Le 1° de l’article 1er de la proposition de loi vise ensuite à instituer le principe de gratuité, pour le consommateur, du retrait d’espèces dans le cadre d’une opération d’achat de biens ou de services par carte bancaire, afin de rendre le procédé plus attractif par rapport à l’état actuel du droit, dans lequel les commerçants peuvent le facturer.

Ceux-ci, du reste, ont également intérêt à la gratuité, pour deux raisons :

– elle leur permettra de réduire leur volume d’espèces à déposer en banque, et ainsi d’échapper aux frais élevés appliqués en la matière, négociés de gré à gré et qui peuvent atteindre jusqu’à 5 euro par liasse remise ;

– elle incitera de nouveaux clients, captés grâce à cette offre de service, à pousser la porte de leur commerce pour leur acheter les biens ou les services qu’ils commercialisent, ce qui améliorera leur chiffre d’affaires ;

Quoi qu’il en soit, en contrepartie, pour que les commerçants perçoivent, eux aussi, un intérêt immédiat à proposer ce service, il est enfin proposé, au 1° de l’article 1er de la proposition de loi, que les commissions perçues par les établissements bancaires soient plafonnées par mois et par opération, selon des modalités précisées par décret.

Les frais actuellement appliqués sur l’ensemble de la transaction – achat de biens ou de services plus retrait d’espèces – sont en effet dissuasifs pour les commerçants. Certes, en vertu de la législation européenne, un plafonnement existe d’ores et déjà sur une partie de ces frais, à savoir la commission d’interchange due par la banque du commerçant à la banque du titulaire de la carte, mais la commission de traitement perçue par le réseau de cartes bancaires et les frais de traitement prélevés par l’établissement bancaire acquéreur pour les services fournis au commerçant sont librement fixés. Au total, selon les estimations de la Banque de France, les frais bancaires supportés pour tout achat en magasin réglé par carte bancaire s’établissent en moyenne à 0,5 % du montant total de la transaction, mais peuvent excéder 1 % dans certains cas.

Plafonner spécifiquement les opérations assorties d’un retrait d’espèces à l’achat constitue une condition indispensable pour que ce type de service puisse se développer en France.

  1.   les consommateurs sont mal informÉs sur la localisation des points d’accÈs aux espÈces, qu’il s’agisse deS distributeurs automatiques de billets, deS points d’accÈs privatifs ou deS commerceS proposant un service de retrait d’espÈces À l’achat
    1.   Le droit en vigueur est muet sur la question de l’information concernant les points d’accÈs aux espÈces, et le service offert en la matiÈre par la Banque de France est insuffisant

Sur son site internet, la Banque de France publie une carte dynamique, mise à jour en juillet de chaque année, permettant de zoomer rue par rue, sur l’ensemble du territoire métropolitain français, afin de localiser deux catégories de points d’accès aux espèces :

– les distributeurs automatiques de billets bancaires ou indépendants, au nombre de 42 578 ;

– les points d’accès privatifs, c’est-à-dire les commerces mandatés par quatre réseaux bancaires pour délivrer le service « Cash-in-shop », au nombre de 28 479.

Les enseignes bancaires, pour la première catégorie, et commerciales, pour la seconde, sont anonymisées.

Cette carte est très complète s’agissant des deux catégories de points d’accès recensés. De plus, sa fonctionnalité dynamique permettant de rechercher des informations ville par ville et bourg par bourg ou quartier par quartier, jusqu’à la granularité des pâtés de maison, fonctionne très bien. On ne peut cependant qu’être interpellé par le fait que, selon la Banque de France elle-même, seulement 1 500 internautes consultent sa carte chaque année. Si l’on soustrait les consultations des agents de la Banque de France eux-mêmes, des fonctionnaires de Bercy, des parlementaires et des administrateurs des commissions des finances des assemblées, des chercheurs, des journalistes ou encore des chargés de clientèle locaux des banques qui visitent le site par curiosité, on peut estimer à un étiage de quelques dizaines d’élus locaux et de consommateurs le nombre de personnes personnellement concernées qui consultent cette carte chaque année.

On note en outre que les commerces proposant un service de retrait d’espèces à l’achat sont exclus du traitement cartographique, ce qui dénote le faible intérêt du système bancaire français pour cette pratique qui est pourtant autorisée et réglementée depuis près de dix ans et présente un intérêt évident pour nos concitoyens.

  1.   Le droit proposÉ instituerait une cartographie exhaustive des points d’accÈs aux espÈces

Afin de disposer d’une meilleure visibilité sur l’ensemble des points du territoire où l’on peut se fournir des espèces, quel que soit le vecteur de distribution, le 2° de l’article 1er de la proposition de loi vise d’abord à inclure dans la carte les commerces proposant un service de fourniture d’espèces à l’achat, sur la base du volontariat déclaratif de ces derniers.

L’intégration des points d’accès au service de retrait d’espèces à l’achat permettra de mieux installer cette pratique dans le paysage économique national, à condition que les informations mises à disposition du public par la Banque de France soient davantage popularisées.

Pour que la Banque de France soit en mesure de modifier sa base de données en temps presque réel, le 2° de l’article 1er de la proposition de loi prévoit, quant à lui, que les établissements bancaires informeront la Banque de France de toute création ou suppression de distributeur automatique de billet dans un délai d’un mois à compter de la réalisation de l’opération d’installation ou de démantèlement, sous peine d’une amende administrative de 30 000 euros par manquement.

  1.   Les modifications apportÉes par la commission des finances

La commission a adopté les amendements CF18, CF19, CF20, CF21 et CF22 du rapporteur puis l’article 1er ainsi modifié.

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Avant l’article 1er

Amendement CF1 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Matthias Renault (RN). L’argent liquide est menacé à la fois par le développement de la digitalisation des moyens de paiement, par la fermeture des DAB et par le projet d’euro numérique qui devrait être déployé en 2029. Or les Français, en particulier les personnes âgées, sont très attachés aux espèces qui sont notamment utilisées en zones rurales, dans les petits commerces, sur les marchés ou lors des brocantes. C’est également un moyen de protéger la vie privée, puisque les transactions en espèces sont anonymes et ne laissent pas de trace numérique – face à l’envahissement du numérique dans le quotidien, il faut veiller à protéger les libertés individuelles et l’anonymat.

L’amendement prévoit de garantir un droit à l’argent liquide, à l’instar de ce qui a été fait en Slovaquie ou en Slovénie, où ce droit est désormais inscrit dans la Constitution ; une initiative similaire a été prise en Suisse, le parlement ayant voté une loi en ce sens.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Même si je suis d’accord avec vos propos, votre amendement est déjà satisfait puisque l’article R. 642-3 du code pénal dispose : « Le fait de refuser de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France selon la valeur pour laquelle ils ont cours est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 2e classe. » Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j’émets un avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Un jour, un esprit facétieux est venu payer ses impôts avec un sac rempli de pièces de deux centimes. Le malheureux percepteur a été obligé de les accepter !

La commission rejette l’amendement.

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Article 1er

Amendement CF30 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (EPR). Cet amendement de réécriture de l’article 1er vise à supprimer le plafonnement des commissions perçues par les établissements bancaires sur les transactions : il semble en effet compliqué de différencier la part des flux imputables aux achats de biens et de services de celle imputable aux versements de cashback.

Il supprime également l’obligation pour les établissements bancaires d’informer la Banque de France de toute création ou démantèlement de DAB, cette dernière ayant indiqué qu’elle ne serait pas en mesure de traiter le flux d’informations en résultant.

Il supprime ensuite la gratuité obligatoire de ce service, qui aurait un effet dissuasif. Le commerçant doit pouvoir facturer quelques frais s’il le souhaite, afin de ne pas être perdant dans l’opération.

Il maintient la possibilité de fixer par décret le montant du cashback, tout en le plafonnant à 150 euros.

Enfin, il apporte une précision rédactionnelle concernant le blanchiment des capitaux.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Mon argumentaire vaudra pour tous les amendements du groupe EPR. L’amendement revoit complètement la philosophie de l’article 1er et j’appelle tous ceux qui soutiennent ma proposition de loi à le rejeter, car il la déséquilibre totalement.

Premièrement, il permet de maintenir par décret le plafond actuel fixé à 60 euros, qui n’est pas judicieux. Nous ne développerons pas le cashback si nous maintenons ce qui ne fonctionne pas.

Deuxièmement, le plafonnement des frais bancaires pour les opérations assorties d’un retrait d’espèces à l’achat est une condition indispensable pour que ce type de service puisse se développer en France. C’est ce que nous disent les commerçants : plus ils rendent d’espèces, plus ils paient de frais bancaires, en sus des frais importants dont ils s’acquittent pour leur propre activité commerciale. Ils nous disent aussi, accessoirement, qu’il n’y a aucune difficulté à différencier, sur le plan comptable, ce qui relève de la transaction commerciale à proprement parler de ce qui relève de la distribution d’espèces.

Troisièmement, il est fallacieux de prétendre que l’obligation faite aux établissements bancaires de déclarer la fermeture d’un DAB auprès de la Banque de France générerait des flux d’information trop importants. En effet, cette obligation existe déjà, même si la carte qui en résulte est méconnue. Si j’étais taquin, je dirais que moins les banques fermeront de distributeurs, moins la carte aura besoin d’être mise à jour et moins les flux vers la Banque de France seront nombreux. Je propose pour ma part d’ajouter à cette carte les points de cashback sur déclaration volontaire des commerçants.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF2 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Matthias Renault (RN). L’amendement vise à s’assurer que le dispositif sera facultatif pour les commerçants. Actuellement, le cashback est un service de dépannage qui n’est gratuit ni pour le commerçant ni pour celui qui retire de l’argent liquide ; il est surtout utile pour faire face aux dépenses courantes quand le distributeur automatique est en panne. S’il devenait une obligation pour tous les commerçants, je ne suis pas sûr que ceux-ci y trouveraient leur compte. Un autre problème tient au fait que le texte est pensé pour les zones sous-dotées en DAB mais qu’il s’appliquera partout, y compris dans les zones bien dotées qui risquent d’en subir tous les inconvénients sans en voir les avantages.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Il s’agit bien d’un service facultatif pour les commerçants : la loi indique qu’ils peuvent fournir ce service, et non qu’ils le doivent. L’amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF18 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon, rapporteur. L’amendement précise que le cashback s’effectuera dans la limite des fonds disponibles en caisse ; on ne va pas demander aux commerçants de stocker des espèces dans un coffre-fort dédié dans l’arrière-boutique.

M. Charles de Courson (LIOT). La précision n’est pas inutile, mais je ne comprends pas pourquoi le montant plafond est inscrit dans la loi tandis que le montant minimal – qui peut être un pourcentage de la transaction – est renvoyé à un décret. De fait, il m’est possible d’acheter un caramel mou à 3 centimes et de retirer 150 euros ; comme, naturellement, je travaille un peu au black, j’utilise le commerçant pour blanchir cette somme…

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Quelle déception ! J’apprends en même temps que vous travaillez au black et que vous mangez trop de produits sucrés !

La loi prévoit un seuil minimal de transaction de 1 euro. Je ne suis pas défavorable à ce qu’il soit relevé en séance publique à 5 ou 10 euros pour favoriser les achats effectifs. Toutefois, en l’état, le texte ne propose pas de modifier ce plancher.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). J’ai du mal à appréhender la faisabilité de l’amendement. Selon que ceux qui veulent retirer de l’argent viendront à huit heures du matin ou à dix-neuf heures, les fonds disponibles en caisse ne seront pas les mêmes ; à l’ouverture du commerce, on a moins d’espèces.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Vous imaginez un monde dans lequel le cashback serait très développé et où les clients demanderaient 150 euros dès le matin. Dans ce cas de figure, effectivement, cela ne fonctionnerait pas. Le commerçant n’a pas vocation à remplacer le DAB, mais à offrir un complément de dépannage dans la limite de ses possibilités. En début de journée, le fonds de caisse est limité et la capacité de rendre le service augmente au cours de la journée. Toutefois, les commerçants sont pragmatiques et l’on peut imaginer que le cafetier sur la place prévoira un fonds de caisse plus important pour le jour du marché.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CF34 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (EPR). La gratuité forcée du cashback pourrait être contre-productive. Nous proposons donc de la supprimer. En effet, l’opération étant par nature indissociable de l’achat du bien ou du service, le chiffrage des frais imputés à la seule remise des espèces apparaît irréaliste. Le commerçant doit pouvoir facturer des frais afin de ne pas être perdant dans l’opération.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Avis défavorable. La gratuité du service pour l’usager est fondamentale : on ne devrait pas avoir à payer pour accéder à son propre argent. Votre proposition va à l’encontre de la philosophie du texte.

Mme Françoise Buffet (EPR). Vous étiez contre « Cash-in-shop », qui permet de retirer de l’argent gratuitement. Avec le cashback, un commerçant pourrait être dissuadé de donner 150 euros pour un achat de 1 euro s’il doit pour cela payer des frais bancaires sur 150 euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis assez favorable à l’amendement de Mme Buffet. Rien n’est gratuit : en réalité, le texte fait payer ces frais par le biais des crédits d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Je crains que cela ne fasse augmenter la fraude à l’impôt sur le revenu. En donnant la possibilité d’une contrepartie, comme le propose l’amendement, nous luttons contre la fraude.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Je suis favorable à l’amendement de Mme Buffet. Lorsque vous détenez un compte bancaire, des frais annuels s’appliquent car les banques se facturent entre elles les transactions réalisées sur les distributeurs par les clients des autres banques. La gratuité des retraits interbancaires est toujours en débat et elle ne peut être garantie durablement. Si, un jour, on paie une transaction pour retirer de l’argent au distributeur, que deviendra l’alinéa 6 ?

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Je suis farouchement opposé à l’idée de faire payer l’usager. Pour répondre à l’objection de Mme Buffet, il est prévu un plafonnement des frais bancaires acquittés par le commerçant. Je ne comprends pas pourquoi les banques devraient gagner de l’argent sur des sommes qui entrent et sortent de la caisse d’un commerçant sans jamais passer par le système bancaire. C’est profondément injuste.

Mme Françoise Buffet (EPR). Vous proposez là une usine à gaz. Comment voulez-vous que soit dissociée la part de l’achat de celle de l’argent rendu ?

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Les commerçants nous disent que, sur le plan comptable, il est possible de dissocier l’argent issu de la vente d’un produit ou d’un service de celui distribué au titre du service de cashback, car ces deux opérations apparaissent séparément sur le ticket de caisse.

M. le président Éric Coquerel. Il me semble que les observations entendues méritent d’être retenues pour la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF6 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). L’amendement propose de remplacer le plafonnement des frais bancaires liés aux seules opérations de cashback par leur interdiction totale. La gratuité prévue pour les usagers est une avancée qui reporte la charge sur d’autres acteurs – les banques, les commerçants ou même l’État, comme le prévoit l’article 2. Le plafonnement des commissions bancaires est un minimum. Cependant, le dispositif proposé, insuffisamment défini et encadré, risque de s’avérer inopérant. Rien ne justifie que les banques privées continuent de profiter d’une rente sur le dos des petits commerçants. Elles ont créé la pénurie d’accès à l’argent liquide que nous tentons aujourd’hui de combler. Il n’est pas souhaitable de les récompenser en leur permettant de prélever des frais sur un service dont elles ne supportent plus les contraintes opérationnelles. En supprimant purement et simplement ces frais, notre amendement met fin à une rente injustifiée et supprime l’incitation financière à fermer toujours plus de distributeurs.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Avis défavorable. Le cashback suppose une transaction bancaire liée à l’achat d’un produit ou d’un service sur laquelle s’appliquent des frais qui participent de la relation commerciale entre un commerçant et sa banque. L’esprit du texte est de plafonner les frais bancaires liés au cashback, pas de les interdire.

M. le président Éric Coquerel. Je voterai pour l’amendement car il pointe l’existence d’un vrai problème. Actuellement, des frais bancaires sont prélevés sur les opérations de cashback. On pourrait imaginer un système dans lequel ceux qui assurent ce service sont payés par celles qui auraient dû le faire. Sans cela, les banques sont doublement gagnantes : non seulement d’autres font le travail à leur place, mais elles sont rémunérées par ceux qui le font.

M. Charles de Courson (LIOT). Je n’arrive pas à comprendre. Si je suis commerçant et qu’un client m’achète 2 euros de Carambar et demande 150 euros en espèces, la banque n’a rien à voir dans cette affaire ; elle ne sait même pas qu’il y a du cashback car elle n’a pas accès aux comptes de l’entreprise. Comment peut-elle alors toucher une commission bancaire ?

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Si j’achète pour 20 euros de brosses à dents et de légumes et que je paie 50 euros avec ma carte bancaire en demandant au commerçant de me rendre 30 euros en liquide pour le reste de mes courses, les frais bancaires dont il s’acquitte portent sur une transaction à 50 euros. Or la partie correspondant aux 30 euros en espèces n’est jamais entrée dans le système bancaire. C’est la raison pour laquelle il n’est pas logique de payer des frais bancaires sur la partie cashback.

M. Charles de Courson (LIOT). Vous partez du principe que tout le monde paie par carte. Mais si je paie en espèces ?

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Le cashback suppose une transaction par carte bancaire. Vous n’allez pas payer en espèces pour retirer des espèces !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF19 de M. Pierrick Courbon.

Amendement CF32 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (EPR). Il apparaît quasi impossible de différencier techniquement la part des flux imputable aux achats de biens et services et celle imputable aux versements de cashback. Cela supposerait la création d’un mécanisme déclaratoire qui alourdirait inutilement le processus. C’est peut-être possible, les commerçants le souhaitent-ils ? Par ailleurs, la déductibilité des impôts prévue à l’article 2 neutraliserait la somme pour le commerçant. Nous proposons donc de supprimer le plafonnement des commissions.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Nous touchons là au cœur du débat. Les commerçants nous disent que le fait de payer des frais bancaires sur un argent qui n’entre pas dans le système bancaire et dont ils ne tirent aucun bénéfice est le principal frein au développement du cashback. Si nous voulons y remédier, il faut plafonner les frais. En outre, il est contradictoire de dire à la fois que la distinction est impossible et qu’elle est compliquée.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Comment la banque fera-t-elle la différence entre un achat effectif de 80 euros et un cashback de 80 euros ?

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Actuellement, elle ne le fait pas, et c’est pourquoi le commerçant paie des frais bancaires sur 80 euros. En revanche, la comptabilité du commerçant permet de distinguer ce qui relève d’une vente de ce qui relève d’un service rendu.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). C’est une vraie question. La banque peut constater le paiement par carte mais elle n’a pas les moyens de dissocier les transactions. Comment le commerçant peut-il informer sa banque qu’il a fait du cashback ? Cela sent l’usine à gaz. Il y a aussi un problème de trésorerie : quel est le délai prévu entre le moment où le commerçant se défait de ses espèces et celui où il est remboursé par la banque ? Qu’en pensent les commerçants ?

Mme Françoise Buffet (EPR). C’est certainement pour cette raison que « Cash-in-shop » se développe : ce service est désormais proposé par 27 000 commerçants, chez qui l’on peut se rendre pour obtenir de l’argent sans acheter. C’est la banque qui paie les frais. Certes, il faut développer le cashback, mais on ne peut pas imaginer que les frais soient pris en charge par le commerçant.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Oui, « Cash-in-shop » est plus simple sur le plan comptable, mais ce service n’apporte au commerçant aucun chiffre d’affaires supplémentaire ; celui-ci touche une rétrocommission de la part de l’organisme bancaire, mais il ne vend rien. Or, si je veux bénéficier d’un service de la part d’un commerçant, la moindre des choses est de lui acheter quelque chose pour qu’il continue à fonctionner. C’est pourquoi je suis attaché au développement du cashback. En outre, il faut être modeste concernant le développement de « Cash-in-shop », qui n’a enregistré que 1 000 transactions supplémentaires au cours des trois dernières années. Les deux dispositifs ne sont pas antinomiques.

Monsieur Mattei, il ne s’agit pas de créer une usine à gaz, mais de simplifier ce qui ne marche pas, car le cashback existe déjà. Les commerçants que nous avons auditionnés proposent qu’une déclaration transmise à la banque à la fin du mois indique la part des transactions bancaires correspondant aux sommes reversées en cashback, afin que celles-ci soient exonérées de frais bancaires. Ce n’est pas extrêmement compliqué. Ce n’est pas à la banque de faire la différence entre l’achat physique et de la distribution d’espèces.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Comment s’effectueront les contrôles ? Si le montant des frais bancaires repose sur la déclaration spontanée du commerçant, il y aura forcément des doutes.

M. Charles de Courson (LIOT). Je ne vois pas comment on peut globaliser les frais bancaires, qui doivent être calculés opération par opération. Si j’achète pour 50 euros et que j’en demande 150, cela fait un prorata valoris de 25 %. Les 75 % restants doivent être exonérés.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Le ticket de caisse lié à la transaction fait apparaître deux mouvements financiers, comme s’il s’agissait de l’achat de deux produits : le produit acheté figure sur une première ligne et une deuxième ligne fait apparaître le service cashback. C’est ce qui se pratique à l’étranger comme en France pour les opérations de cashback.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF7 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Par cet amendement, nous proposons que la Banque de France mette à disposition l’ensemble des données relatives aux points de retrait : DAB et commerces proposant le cashback. L’article 1er prévoit bien une carte, mais il est impossible de la télécharger, de la réutiliser ou d’y appliquer un fond de carte différent. Elle est peu visible, peu partagée et très peu utilisée.

Dans une logique d’ouverture des données publiques, nous proposons que le jeu de données complet ayant servi à établir cette carte soit rendu public sur data.gouv.fr au format .xml ou .csv, ce qui permettrait à tous les acteurs – collectivités, associations, développeurs et commerçants – d’intégrer ces informations dans les outils cartographiques existants ou dans de nouveaux services. L’objectif est de permettre à chacun de trouver facilement le point de retrait le plus proche. L’accès libre, complet et pérenne à ces données est indispensable. Cet amendement, sans rien coûter, améliorerait considérablement l’accès à l’information et renforcerait l’efficacité du service.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. La carte dont vous parlez existe déjà et nécessite un gros travail de la Banque de France. Malheureusement, elle est méconnue et fait l’objet de moins de 1 500 consultations annuelles ; si l’on enlève les salariés de la Banque de France, quelques élus et quelques parlementaires, cela fait peu de citoyens lambda. Je ne suis pas certain que l’ouverture des données amène à une consultation massive ; toutefois, étant par principe favorable à la transparence de l’information, j’émets un avis favorable à l’amendement.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Je comprends que l’on demande à la Banque de France de réaliser cette carte. Cependant, l’amendement me surprend. Il demande la mise en ligne non de la carte, mais de la base de données, c’est-à-dire de la source de l’information. C’est une usine à gaz. Comment la Banque de France peut-elle transposer une base de données dans sa cartographie ? Cela pose de vraies difficultés techniques.

Mme Françoise Buffet (EPR). Même si elle n’est pas facilement accessible, la carte, publiée par le Comité national des moyens de paiement (CNMP), est déjà disponible. Il n’est pas surprenant qu’il y ait peu de curieux : on voit très bien quand un DAB est présent dans sa commune.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF20 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel. La cartographie est la science des cartes ; l’expression qu’il convient d’employer est celle de « carte évolutive ».

La commission adopte l’amendement.

Amendement CF31 de Mme Françoise Buffet

Mme Françoise Buffet (EPR). L’amendement vise à supprimer l’obligation pour les établissements bancaires d’informer la Banque de France de toute création ou démantèlement de DAB. La Banque de France a indiqué qu’elle ne serait pas en mesure de traiter le flux d’informations, qui correspond à plusieurs notifications par an, incluant de simples déplacements de distributeurs.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Avis défavorable. La carte dynamique existe déjà, ce qui démontre que la Banque de France peut traiter les flux entrants. Nous demandons simplement qu’elle soit complétée par les déclarations volontaires des commerçants qui pratiquent le cashback. J’ajoute que moins les banques fermeront de distributeurs, moins les mises à jour seront nombreuses.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CF27 de M. Jean-Pierre Bataille est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CF21 de M. Pierrick Courbon.

Amendement CF22 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Actuellement, quand une banque décide de fermer un DAB, les élus locaux sont mis devant le fait accompli car ils l’apprennent par la population ou par la presse. L’amendement vise à créer une obligation d’information à leur égard, ne serait-ce que pour leur donner le temps de travailler à l’implantation d’un point de « Cash-in-shop » ou de cashback auprès des commerçants qui subsistent.

M. Daniel Labaronne (EPR). La création du service universel de monnaie fiduciaire proposé par le texte ne risque-t-elle pas de déresponsabiliser les banques ? Si votre système facilite l’accès aux liquidités, ne seront-elles pas incitées à retirer leurs distributeurs de billets les moins rentables ?

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Vous faites référence à un autre amendement. Celui dont nous parlons prévoit une obligation d’information des élus locaux. Pour répondre à votre préoccupation, l’amendement CF26 prévoit de moduler la contribution due par les banques en fonction de la manière dont celles-ci accentuent ou, au contraire, limitent la carence bancaire. Ainsi, une banque qui a un taux de couverture significatif et qui ferme des distributeurs paiera moins qu’une banque qui a peu de distributeurs et qui en ferme beaucoup.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

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Résumé du dispositif

L’article 2 vise à admettre en déductibilité de l’impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales deux types de dépenses :

– les dépenses engagées et les frais supportés dans le cadre du service de fourniture d’espèces à l’achat ;

– une fraction du montant total de numéraires remis aux clients.

L’article a été rejeté par la commission des finances.

  1.   LE DROIT EN VIGUEUR N’autorise aucune dÉduction fiscale incitative en faveur du retrait d’espÈces À l’achat

L’impôt sur les sociétés, prévu au chapitre II du titre Ier de la Ire partie du livre Ier du code général des impôts, a pour assiette l’ensemble des bénéfices ou revenus réalisés par les sociétés et autres personnes morales. Il est dû, quel que soit leur objet social, par les sociétés anonymes (SA), les sociétés en commandite par actions (SCA), les sociétés à responsabilité limitée (SARL) n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve de dispositions particulières, les établissements publics, les organismes de l’État jouissant de l’autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif. Peuvent également choisir d’y être assujetties, parmi d’autres catégories de personnes morales, les sociétés en nom collectif (SNC), les sociétés en commandite simple (SCS) ou encore les SARL dont l’associé unique est une personne physique. La majorité des commerces de proximité relèvent donc de cet impôt.

Il n’en demeure pas moins que de nombreux petits commerçants possèdent la personnalité juridique d’entreprise individuelle (EI), celle d’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou celle de microentreprise, pour lesquelles le régime de taxation par défaut est non pas l’impôt sur les sociétés, mais l’impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques, prévu au chapitre II du titre Ier de la Ire partie du livre Ier du code général des impôts. De plus, les dirigeants d’une société à responsabilité limitée (SARL), d’une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) ou d’une société par actions simplifiée (SAS) peuvent opter pour l’impôt sur le revenu durant leurs cinq premières années d’activité.

Parmi les autres prélèvements fiscaux pesant sur les commerces, la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE), instaurée à l’initiative des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), s’applique à toutes les entreprises qui exploitent des supports publicitaires fixes, visibles et situés à l’extérieur, qu’il s’agisse de dispositifs publicitaires sur site, d’enseignes apposées sur un immeuble et relatives à une activité qui s’y exerce, ou de pré-enseignes à proximité du lieu de l’activité. Si l’autorité territoriale compétente décide de l’instituer, elle ne souffre aucune exemption concernant les affichages informant de l’existence d’un service de retrait d’espèces à l’achat.

Ainsi, le droit fiscal ne permet aucun abattement en lien avec le retrait d’espèces à l’achat. Cette absence d’incitation fiscale, particulièrement de toute admission en déductibilité de l’impôt sur les sociétés, est l’un des facteurs mis en avant par l’ensemble des associations représentant les commerçants de proximité pour expliquer le manque de popularité du service de retrait d’espèces à l’achat parmi leurs mandants.

  1.   Le droit proposÉ consiste À admettre en DÉDUCTION DE L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS deux catÉgories de montants

L’article 2 de la proposition de loi vise à remédier à ce manque, d’abord en prévoyant que les dépenses engagées et les frais supportés en conséquence de la fourniture d’un service de retrait d’espèces à l’achat soient déduits de l’impôt sur les sociétés. Outre les commissions perçues par les établissements bancaires en raison du traitement de chaque opération, éligibles de droit, les dépenses éligibles, définies par décret, pourront notamment relever des catégories suivantes :

– dépenses de monétique ;

– dépenses de sécurité ;

– dépenses de publicité.

L’article 2 de la proposition de loi vise ensuite à admettre en déductibilité de l’impôt sur les sociétés une fraction plafonnée du montant total en numéraire remis aux clients dans le cadre d’une opération de retrait d’espèces à l’achat. Les modalités de calcul et de plafonnement de la déduction seront fixées par décret. En toute état de cause, le taux retenu devra être modeste – dans une fourchette de 0,05 % à 0,5 % de la valeur des numéraires remis –, afin de trouver un point d’équilibre entre, d’une part, l’exigence de rendre le mécanisme du retrait d’espèces à l’achat suffisamment incitatif pour que le service soit attractif aux yeux du commerçant et puisse ainsi se développer dans les territoires, et, d’autre part, la volonté de ne pas minorer de façon excessive les recettes fiscales de l’État.

Ce volet fiscal de la proposition de loi est essentiel, en complément des autres mesures incitatives prévues à l’article 1er – gratuité pour le consommateur et commissions bancaires plafonnées pour le commerçant –, pour asseoir le dispositif global de l’encadrement rénové de la pratique du retrait d’espèces à l’achat sur un triptyque équilibré.

  1.   Les modifications apportÉes par la commission des finances

La commission a rejeté l’article 2.

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Article 2

Amendement CF23 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon, rapporteur. L’amendement répond à la remarque de M. Mattei en prenant en compte tous les régimes fiscaux dont relèvent les commerçants. En effet, tous ne sont pas assujettis à l’impôt sur les sociétés ; certains relèvent de l’impôt sur le revenu, y compris certaines SARL (sociétés à responsabilité limitée), SAS (sociétés par actions simplifiées) ou SASU (sociétés par actions simplifiées unipersonnelles).

M. Nicolas Ray (DR). Certains commerçants ne réalisent pas de bénéfice suffisant et acquittent un impôt sur les sociétés nul ou faible. Prévoyez-vous un crédit d’impôt ?

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Si j’ai bien compris l’amendement, vous ajoutez une déduction d’IR à la niche fiscale concernant l’IS. Or la principale incitation à pratiquer le cashback est la perspective de générer du trafic, comme pour les relais colis, à la différence que le cashback rend incontournable l’acte d’achat ; c’est pourquoi il attire un nombre significatif de commerçants. La création d’une niche fiscale, qui concernerait peut-être 2 000 commerçants, ne risque-t-elle pas d’être une source de complexité coûteuse pour Bercy ? N’y a-t-il pas un compromis à trouver avec les banques et les opérateurs de caisse ? Est-ce vraiment le coût de 50 ou 100 euros qui empêche les commerçants de proposer le cashback ?

M. Charles de Courson (LIOT). Ce que vous proposez au premier alinéa, c’est l’imputation des frais bancaires sur le montant de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu, et non sur son assiette. Cela revient à faire un crédit d’impôt de 100 %. L’alinéa 2 ajoute en outre qu’une « fraction plafonnée du montant total en numéraire remis aux clients » dont le taux doit être précisé par décret est admise en déduction de l’impôt. Autrement dit, outre une exonération totale des frais, l’État offre une commission aux commerçants. C’est énorme, d’autant que l’alinéa 2 ne prévoit pas de plafond. Ai-je bien compris ?

M. Pierrick Courbon, rapporteur. L’objectif est de s’adresser à tous les commerçants, y compris ceux soumis à l’IR. Et il s’agit bien d’une déduction fiscale et non d’un crédit d’impôt.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 2 prévoit une déduction fiscale d’un pourcentage du volume global des liquidités distribuées – et non de leur totalité –, auquel est appliqué un plafond. Je suis disposé à réfléchir avec vous, d’ici à l’examen du texte en séance, à un plafond plus bas et à un pourcentage plus faible, ainsi qu’à l’extinction de l’incitation fiscale en année n + 2 ou n + 3, le temps d’amorcer la pompe.

Les commerçants adhèrent au système des relais colis, monsieur Cazeneuve, parce qu’ils gagnent de l’argent sur chaque colis et que cela attire de la clientèle dans leur magasin. Pour l’heure, non seulement le cashback ne leur rapporte rien, mais il leur coûte en raison des frais bancaires. De plus, le dispositif est encore trop confidentiel pour produire l’effet d’attractivité voulu. C’est pourquoi je reste attaché à un mécanisme incitatif, afin de développer massivement le cashback, quitte à le réduire, voire à le supprimer dans quelques années.

Dans un amendement que nous examinerons ultérieurement, M. Bex propose de fixer la déduction d’impôt à 0,1 % du volume d’espèces rendues. Ainsi, le boulanger qui remettrait, par exemple, 2 000 euros de cash dans l’année – car tous nos concitoyens n’iront pas, du jour au lendemain, chercher de l’argent liquide à la boulangerie – bénéficierait d’une réduction d’impôt sur les bénéfices de 2 euros seulement. Ce n’est donc pas de nature à mettre en péril les finances publiques.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CF8 et CF9 de M. Christophe Bex (discussion commune)

M. Christophe Bex (LFI-NFP). L’amendement CF8 vise à supprimer la déduction d’impôt applicable aux commerçants qui fournissent des espèces dans le cadre du cashback. En effet, cette aide de l’État a pour seul objet de compenser des services autrefois assurés par les banques, mais qu’elles ont délaissés afin de dégager des marges plus importantes. C’est la logique de la privatisation des profits et de la socialisation des pertes. De plus, l’État verrait cette niche fiscale augmenter au fur et à mesure que les banques fermeraient des agences et supprimeraient des distributeurs. Le cashback présente déjà un intérêt évident pour les commerçants puisqu’il permet d’attirer une clientèle supplémentaire. L’accroissement du nombre de commerces qui offrent ce service suffit d’ailleurs à démontrer l’inutilité d’une telle incitation fiscale, qui serait financée par les contribuables. En outre, le mécanisme proposé nous paraît inéquitable puisque la déduction d’impôt ne profitera qu’aux commerces qui réalisent des bénéfices, laissant de côté ceux qui traversent une année difficile.

L’amendement de repli CF9 prévoit de plafonner la déduction d’impôt à 0,1 % des sommes retirées. En effet, l’article 2 renvoie à un décret la fixation du montant de la déduction fiscale, laquelle ne vise qu’à pallier, aux frais du contribuable, le désengagement des banques. Ne prenons pas le risque d’autoriser un gouvernement à déterminer seul une dépense fiscale, dont nous ne connaissons pas les effets sur les finances publiques. L’article 40 de la Constitution nous interdisant de proposer un mécanisme alternatif plus juste, nous souhaitons, au minimum, plafonner l’avantage fiscal afin d’éviter qu’un décret ultérieur n’entraîne une charge disproportionnée pour le budget de l’État, au détriment du financement de nos services publics.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Je ne vais pas refaire le débat sur l’intérêt d’un mécanisme incitatif pour promouvoir le cashback quitte à en étudier les modalités d’extinction dans le temps. En ce qui concerne l’amendement CF9, je viens de démontrer qu’un petit commerçant de quartier qui remettrait quelques centaines ou quelques milliers d’euros en espèces chaque année n’obtiendrait une déduction fiscale que de l’ordre de quelques euros : ce ne serait pas du tout incitatif.

Je vous propose donc de retirer vos amendements et que nous réfléchissions ensemble à une formule qui serait plus incitative pour le petit commerce, mais moins pour l’hypermarché. À défaut, avis défavorable.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Le montant relativement faible de la déduction fiscale prouve bien que nous sommes en train d’instaurer une niche fiscale complexe, mais dont le rendement sera peu attractif pour les bénéficiaires. Quel intérêt les commerçants auront-ils à remplir un formulaire Cerfa et à déclarer le nombre de transactions effectuées dans l’année ainsi que leur montant moyen, alors qu’ils n’obtiendront que quelques euros de déduction fiscale ?

Je crois au cashback et je suis favorable à la hausse du plafond. Néanmoins, je ne pense pas que le développement du dispositif passe par une niche fiscale. Pour répondre au problème de maillage territorial, mieux vaudrait se tourner vers les maisons France services, qui pourraient octroyer un coup de pouce aux petits commerçants le temps d’amorcer la démarche, par le biais d’un flat fee (forfait payé pour un service) par exemple. Cela les convaincrait de s’engager davantage qu’un mécanisme fiscal qui s’apparente à une usine à gaz et dont le rendement sera infime.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CF10 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Par cet amendement de repli, nous proposons de réserver l’avantage fiscal aux seules zones blanches dépourvues de distributeurs, ainsi qu’aux petits commerces dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros. La déduction fiscale fait peser sur l’État une charge, afin de pallier un service délaissé par les banques privées. Dans votre version, tous les commerces bénéficieraient indistinctement de l’avantage, y compris ceux qui n’en ont pas besoin ou qui sont situés dans des territoires bien pourvus, tandis que les commerces dans le rouge en seraient exclus.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Votre amendement rate sa cible et méconnaît la réalité des territoires, puisqu’il y a aussi des zones blanches dans certains quartiers de ville : ainsi, un commerçant situé dans un quartier populaire dépourvu d’un DAB à proximité ne serait pas éligible à la réduction d’impôt si la ville en est équipée par ailleurs. Je ne pense pas que tel soit votre objectif.

En revanche, je vous rejoins sur la deuxième partie de l’amendement : cibler uniquement les petits commerces, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million, permettrait de soutenir véritablement les commerces de proximité et non les grosses structures – même si le chiffre d’affaires peut être bon mais la rentabilité un peu juste.

C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 2.

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Après l’article 2

Amendement CF24 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Je regrette le rejet de l’article 2. En repoussant tous les mécanismes incitatifs, y compris ceux consistant à limiter les frais bancaires, vous videz de sa substance une bonne partie du dispositif. J’en prends acte.

L’amendement CF24 donne la possibilité aux collectivités locales et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’apporter un soutien supplémentaire en exonérant de taxe locale sur la publicité extérieure les commerçants qui pratiquent le cashback. C’est une possibilité, j’y insiste : nous ne leur imposons rien.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF13 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Nous proposons d’instaurer un moratoire sur les fermetures d’agences bancaires. Depuis des années, les banques privées ferment leurs agences afin d’accroître leurs marges. Il en résulte une désertification bancaire, qui impose aux Français de parcourir parfois plus d’une heure de route pour rencontrer un conseiller ou retirer de l’argent. Cette tendance risque de s’amplifier, alors que les bénéfices des banques explosent : + 45 % pour la Société générale sur les neuf premiers mois de 2025. Ces fermetures, qui ne sont rien d’autre qu’une stratégie de cost killing, touchent en particulier nos aînés, les personnes sans accès à internet ou les 15 % de Français en situation d’« illectronisme » et accentuent dramatiquement les inégalités territoriales.

Le moratoire que nous proposons vise donc simplement à stopper l’hémorragie, à protéger l’accès à un service bancaire de proximité et à garantir un égal accès à l’argent liquide et à l’accompagnement bancaire.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. La proposition de loi se concentre sur les DAB et non sur les agences bancaires. Sur ce sujet, d’autres considérations entrent en ligne de compte, telles que les ressources humaines, le taux de fréquentation des agences, la concurrence, voire la stratégie économique développée par chaque banque. Le sujet que vous soulevez mériterait un véhicule législatif propre. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Françoise Buffet (EPR). La liberté d’entreprendre existe dans notre pays ! Nous ne pouvons pas intervenir sur de tels sujets !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF15 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Nous proposons d’inscrire dans la loi un principe clair : la pratique du cashback ne saurait en aucun cas se substituer à l’obligation de maintenir un maillage dense en distributeurs automatiques de billets. Quel modèle voulons-nous promouvoir ? Distributeurs ou cashback, quel est le meilleur mode de retrait d’argent ? Alors que la quasi-totalité des habitants d’Île-de-France et de Provence-Alpes-Côte d'Azur disposent d’un accès bancaire local, plus de la moitié de la population en est privée en Haute-Saône, dans la Meuse ou dans le Lot, et la situation s’y dégrade. Des millions de personnes se retrouvent en difficulté pour accéder à des espèces et doivent prendre leur voiture pour retirer quelques billets. Si nous sommes favorables au cashback pour dépanner, nous sommes opposés à ce qu’il devienne un prétexte permettant à l’État et aux banques de se désengager davantage.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Avis favorable puisque le cashback n’a pas vocation à se substituer au maintien d’un réseau de distributeurs automatiques de billets, lequel doit demeurer la principale source d’approvisionnement en argent liquide. Il ne s’agit que d’une offre complémentaire.

Mme Françoise Buffet (EPR). Cet amendement d’appel n’ayant pas de portée normative, nous ne le soutiendrons pas.

La commission rejette l’amendement.

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Résumé du dispositif

L’article 3 a pour objet de créer un service universel de la monnaie fiduciaire, dont La Poste serait le prestataire. Celui-ci aura pour objet de garantir une couverture territoriale complète et optimale de l’accès aux espèces.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le Gouvernement, préalablement à la rédaction de son rapport triennal remis au Parlement sur l’exécution du service universel de la monnaie fiduciaire, recueille, en plus des avis de la Banque de France et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), celui de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).

L’article ainsi modifié a été adopté par la commission des finances.

  1.   quatre MISSIONS de service public sont ACTUEllement confiÉes À La Poste, sous le contrÔle de l’État
    1.   le service universel postal

La Poste est le prestataire du service universel postal (SUP) en France, dans les conditions définies au chapitre Ier du code des postes et communications électroniques. Cette mission implique notamment la prise en charge des courriers et des colis dans le cadre de tournées régulières, six jours sur sept sur l’ensemble du territoire national. Elle inclut la levée, le tri, l’acheminement et la distribution des envois postaux jusqu’à deux kilogrammes, des colis postaux jusqu’à vingt kilogrammes et des recommandés, ainsi que les envois à valeur déclarée.

La France a fait le choix d’un service universel étendu qui concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. En conséquence, il est assuré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et il répond à des normes de qualité. En particulier, un tarif unique est appliqué sur l’ensemble du territoire métropolitain.

La Poste a été récemment reconduite par décret [13] dans sa mission de prestataire du SUP, pour une durée de dix ans à compter du 1er janvier 2026. Ce renouvellement témoigne de la capacité unique de La Poste à garantir, dans la durée, le meilleur accès aux services postaux pour tous les citoyens.

Cependant, comme indiqué dans un référé de la Cour des comptes [14] :« La branche Services-Courrier-Colis doit faire face à la chute de l’activité courrier : en 2023, elle ne représente plus que 15 % du chiffre d’affaires du groupe, contre près de 50 % en 2010. »

  1.   la contribution À l’amÉnagement et au dÉveloppement du territoire

Une loi de 1990 [15], modifiée à deux reprises, en 2005 [16] et en 2010 [17], confie à La Poste une mission de service public consistant, au moyen de son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire national. L’objectif est de fournir un service postal à toute la population, sur l’ensemble du territoire, grâce notamment à un fonds postal national de péréquation territoriale.

Cette mission est assortie de règles précises d’exercice :

– le dimensionnement : le réseau de La Poste comporte au moins 17 000 points de contact répartis sur le territoire français en tenant compte des spécificités de celui-ci, notamment dans les départements et collectivités d’outre-mer (voir encadré ci-après) ;

– l’accessibilité : sauf circonstances exceptionnelles, pas plus de 10 % de la population d’un département ne peut se trouver éloignée de plus de cinq kilomètres ou de plus de vingt minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste ;

– l’adaptabilité : La Poste adapte son réseau de points de contact, notamment par la conclusion de partenariats locaux publics ou privés, en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale.

L’évolution du nombre de points de contact de La Poste

Le nombre de points de contact de La Poste, depuis 2020, frôle ou excède le plancher de 17 000 expressément fixé à l’article 2 de la loi de 1990. Au 31 juillet 2025, il s’élevait à 17 205, ainsi répartis :

– 6 496 bureaux de poste ;

– 7 178 agences postales communlaes ;

– 3 531 relais poste commerants.

En 2020, 2023 et 2024, leur nombre a été légèrement inférieur, en raison de la crise sanitaire, qui a causé la fermeture de commerces partenaires. La Poste a pris des mesures pour reconstituer son réseau significativement au-dessus de 17 000, qui ont montré leurs effets dès 2025.

Notons que, depuis 2021, la stabilité globale du nombre de points de contact masque des évolutions contrastées selon les catégories :

– le nombre de bureaux de poste a chuté de 7 273 à 6 496, soit 777 sites supprimés (– 11 %) ;

– le nombre d’agences postales communales est passé de 6 737 à 7 178, soit 441 nouveaux points (+ 7 %) ;

– le nombre de relais poste commerçants est monté de 3 003 à 3 5631, soit 528 partenariats supplémentaires (+ 18 %).

Cette mission est encadrée par un contrat de présence postale, qui repose sur une gouvernance tripartite, originale et régulièrement citée en exemple dans les autres pays européens, associant l’État, l’AMF et La Poste au niveau national, au sein de l’observatoire national de la présence postale, qu’au niveau territorial, au sein de commissions départementales dotées de budgets propres.

Le sixième contrat de présence postale territoriale, qui avait été signé le 15 février 2023 pour la période 2023-2025, a été reconduit jusqu’au 31 décembre 2026, conformément à la réglementation [18], qui autorise une tacite reconduction par période d’un an.

Cette deuxième mission s’appuie sur les travaux de l’observatoire national de présence postale (ONPP) et des commissions départementales de présence postale territoriale (CDPPT).

L’ONPP est composé de six représentants de l’État, de six représentants des maires de France, de six parlementaires et de six représentants du groupe La Poste. Présidé par un parlementaire, il contrôle le respect des obligations légales en vérifiant que le réseau de points de contact respecte les règles d’accessibilité, et il suit la consommation du fonds de péréquation.

Les CDPPT, composées de huit élus territoriaux, d’un représentant de La Poste et d’un représentant de l’État :

– veillent à la bonne application sur les territoires du contrat de présence postale, en s’assurant de la présence postale effective sur le périmètre de leur département ;

– font remonter les besoins des populations et formulent des avis sur les projets de La Poste concernant notamment la modernisation du réseau et le maillage en points de contact ;

– gèrent les crédits du fonds de péréquation alloués au niveau départemental.

  1.   l’accessibilitÉ bancaire

L’article L. 518-25 du code monétaire et financier dispose : « Dans les domaines bancaire, financier et des assurances, La Poste propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le Livret A. »

Outre cette mise à disposition de toute la population d’un produit d’épargne de base, la mission d’accessibilité bancaire inclue l’objet essentiel de garantie du droit au compte bancaire.

De plus, La Banque postale, établissement opérant le 1er janvier 2006 en vertu de la loi de 2005 précitée :

– permet à toute personne d’effectuer gratuitement ses opérations de dépôt et de retrait à partir de 1,50 euros ;

– met à disposition de chacun de ses clients une carte de retrait utilisable dans les 7 741 guichets et distributeurs automatiques de billets du réseau ;

– délivre des chèques de banque ;

– assure sans restriction la domiciliation des virements et des prélèvements pour les opérations essentielles de la vie courante, que sont le versement des minima sociaux, le prélèvement des impôts, des loyers et des factures de gaz et d’électricité ;

– accompagne ses clients dans toutes les situations, y compris les plus délicates, comme le surendettement, et développe des solutions dédiées, telles que le microcrédit, pour permettre à chacun de trouver des solutions.

  1.   le transport et la distribution de la presse

Enfin, La Poste est investie d’une mission de service public de transport et de distribution de la presse, inspirée par l’exigence de libre circulation des idées et des opinions. Visant à garantir à l’ensemble des citoyens un accès égal à l’information tout en favorisant le pluralisme, notamment celui de l’information politique et générale, elle est exercée dans les conditions définies aux articles L. 4 et R. 1-1-17 du code des postes et des communications électroniques.

  1.   Le droit proposÉ instituerait une cinquiÈme mission de service public confiÉe À La Poste, relative au service universel de la monnaie fiduciaire

L’article 3 de la proposition de loi a pour objet de créer un service universel de la monnaie fiduciaire, dont le prestataire unique serait La Poste, pour une durée de quinze ans à compter du 1er janvier 2027.

Dans le même esprit que celui qui anime les quatre missions historiques de service public de La Poste, il s’agira de répondre à l’enjeu de la couverture territoriale des moyens d’accès aux espèces, rendu particulièrement difficile, comme la distribution des courriers et des colis ou l’accessibilité bancaire, par la configuration géographique de la France, qui se caractérise par ses territoires ultramarins, montagneux ou insulaires, ainsi que par des densités de populations très hétérogènes, s’échelonnant, selon le recensement de 2022, de 15 habitants par kilomètres carrés dans le département de la Lozère à 20 054 habitants par kilomètres carrés à Paris.

Les caractéristiques des missions confiées à La Poste dans le cadre du service universel de la monnaie fiduciaire seront déterminées par décret, pris après avis de la Banque des France et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Elles incluront notamment :

– l’installation, l’approvisionnement et l’entretien de distributeurs automatiques de billets là où les autres établissements bancaires s’avèrent défaillants ;

– la prise en compte des réclamations des usagers concernant le nombre et la répartition des points d’accès aux espèces ainsi que l’état de maintenance des distributeurs automatiques de billets, des dédommagements étant susceptibles d’être alloués en cas de manquement aux obligations de service public prescrites au prestataire.

Un contrat pluriannuel sera conclu entre l’État et La Poste pour mettre en œuvre les missions assignées à cette dernière.

La loi de finances fixera les modalités de la compensation financière accordée à La Poste en contrepartie des coûts inhérents au service universel de la monnaie fiduciaire, à partir de la comptabilité spécifique qu’elle tiendra.

Enfin, pour assurer le contrôle parlementaire sur l’effectivité de l’exécution de ce service universel, le Gouvernement rendra un rapport triennal, élaboré après avis de la Banque des France et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

  1.   Les modifications apportÉes par la commission des finances

La commission a adopté l’amendement CF25 du rapporteur puis l’article 3 ainsi modifié.

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Article 3

Amendement CF25 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Afin de renforcer le rôle des élus, nous proposons, dans le cadre de la création du service universel de la monnaie fiduciaire, de recueillir l’avis de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) – en plus de celui de la Banque de France et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

La commission adopte l’amendement.

Amendement CF11 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Nous proposons de financer la nouvelle mission de service public confiée à La Poste par la création d’une taxe affectée, assise sur le rapport entre les profits des grandes banques privées et le nombre de distributeurs entretenus ; ainsi, plus une banque fermera d’agences tout en réalisant des bénéfices élevés, plus elle devra contribuer. Nous partageons l’objectif de garantir un service public de l’accès à l’argent liquide fiable et lisible. Toutefois, en désignant La Poste comme opérateur du service universel de la monnaie fiduciaire sans lui accorder de ressources dédiées et en en renvoyant la compensation financière à une loi de finances, le rapporteur fait peser sur le groupe une charge d’investissement et d’exploitation lourde, qui présente deux risques majeurs : d’abord, les promesses de prise en charge pourraient ne jamais être tenues ; ensuite, les particuliers pourraient être mis à contribution, alors qu’ils ne sont pas responsables de cette situation. Si un service public est nécessaire, c’est parce que les banques désertent, alors qu’elles auraient les moyens de maintenir leur réseau.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. La création d’une taxe affectée par le biais d’une proposition de loi étant prohibée par la Lolf, je m’étonne que cet amendement ait passé le cap de la recevabilité. Quand bien même il serait adopté, il ne survivrait pas aux travaux du Conseil constitutionnel. De plus, je ne suis pas favorable à une taxation des bénéfices des organismes bancaires qui ne prendrait pas en compte la manière dont ils concourent au maillage territorial. Demande de retrait au profit de l'amendement CF26 ; à défaut, avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. L'amendement est à visée déclarative et non normative. Il ne crée pas la taxe affectée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF3 de M. Alexandre Dufosset

M. Matthias Renault (RN). L’amendement prévoit que le décret d’application sera pris après avis des associations représentatives des maires de France, à savoir l’AMF et l’AMRF.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. L’amendement est en partie satisfait par celui que nous avons adopté antérieurement. L’expression « associations représentatives » me semble floue : la seule association vraiment représentative est l’AMF. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 3 modifié.

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Après l’article 3

Amendement CF26 de M. Pierrick Courbon

M. Pierrick Courbon, rapporteur. C’est un amendement important pour préserver l’économie générale du texte. Il assure le financement du service universel de la monnaie fiduciaire en créant une recette dont le produit devra être affecté, dans une prochaine loi de finances, au bénéfice de La Poste, à qui nous confions ainsi une nouvelle mission.

Le mécanisme proposé est le suivant : quand un établissement bancaire ferme un DAB, il paie une contribution de base dont le montant évolue en fonction d’un coefficient de couverture qui reflète la manière dont l’établissement bancaire aggrave la désertification bancaire ou, au contraire, tend à la limiter. Si une banque ne ferme aucun distributeur, elle ne paie rien ; si elle a beaucoup de distributeurs et qu’elle en ferme beaucoup, elle va payer beaucoup ; si elle a peu de distributeurs par rapport à son chiffre d’affaires, elle paiera moins. Ce mécanisme me semble préférable à une contribution adossée aux bénéfices des établissements bancaires. En effet, dans cette seconde configuration, un organisme ayant peu de DAB mais qui réaliserait d’importants bénéfices paierait beaucoup ; en revanche, un organisme fermant beaucoup de DAB mais qui ne réaliserait pas de bénéfices ne paierait rien. C’est une manière de prendre en compte le maillage territorial de chaque banque.

Je suis prêt à discuter des modalités de la majoration prévue pour la fermeture du dernier DAB présent sur un territoire, y compris de son montant, mais il me semble nécessaire d’adopter le principe d’une taxe sur les fermetures plutôt que sur le bénéfice des banques.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Il faut avoir bac + 9 pour comprendre le mécanisme de cette taxe ! Je comprends l’idée d’un malus sur la fermeture du dernier DAB, mais vous ne faites pas la différence entre une fermeture à Paris et une fermeture ailleurs : les deux banques paieront 50 000 euros ; il y a là une forme d’inéquité.

On voit bien que le modèle des DAB s’effrite et que les banques se retirent car un appareil coûte cher. Vous avez proposé un article 1er très intéressant qui reprend les mécanismes existant dans d’autres pays, notamment les États-Unis, comme le cashback et « Cash-in-shop », pour améliorer le maillage et l’adapter à la réalité des territoires. Mais, par l’article 3, vous en revenez à la préservation à tout prix des DAB en mobilisant La Poste. C’est kafkaïen, si je peux me permettre, et je ne suis pas sûr de comprendre le message global. L’intuition est bonne, mais vous n’allez pas au bout de la démarche.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Le mécanisme est complexe, je l’avoue, mais il n’est pas besoin d’avoir bac + 9 pour en comprendre l’esprit : plus on concourt à la carence, plus on paie. Je suis d’accord pour travailler à des exemptions en vue de la séance, par exemple dans le cas où une agence bancaire aurait trois distributeurs et n’en fermerait qu’un.

J’insiste par ailleurs sur la nécessité d’un mécanisme de financement du service universel de la monnaie fiduciaire. Il serait contradictoire de ne pas l’adopter alors que plusieurs d’entre vous se sont inquiétés de voir ce service peser sur les finances de l’État.

Vous regrettez que le texte revienne en arrière par rapport à l’article 1er, dont vos collègues ont proposé une réécriture totale, sans doute pour l’améliorer… Dans mon esprit, le cashback n’a pas vocation à se substituer aux DAB, qui doivent rester la principale source d’accès à l’argent liquide ; il faut maintenir un réseau dense, et je n’imagine pas un monde dans lequel on pourrait s’en passer. Nous devons marcher sur deux jambes.

M. Charles de Courson (LIOT). Comment le montant de 50 000 euros a-t-il été fixé ? Correspond-il au coût d’un DAB ?

Ensuite, il ne me semble pas possible de déléguer le calcul du coefficient de couverture à un organisme tiers, à savoir la Banque de France, dont ce n’est pas le rôle. Il faudrait donc supprimer cette disposition.

Enfin, si je comprends bien votre proposition – qui n’est pas si compliquée que M. Cazeneuve le prétend –, le nombre de DAB détenus par chaque banque devrait être proportionné à son produit net bancaire. Cela me paraît un peu saugrenu. Les banques d’affaires, par exemple, n’ont aucun DAB, alors que certaines, comme le Crédit agricole, en comptent beaucoup par rapport à leur poids dans le secteur bancaire. Croyez-vous vraiment que ce dispositif puisse être d’une quelconque efficacité ?

M. Nicolas Ray (DR). Le mécanisme que vous proposez risque de pénaliser les banques qui ont ouvert de nombreux distributeurs par le passé. Il me semblerait préférable d’adopter un système de financement plus large, notamment en faisant contribuer au maillage les établissements qui en ont peu, voire pas du tout, installé. Vous risquez également de décourager les futures ouvertures : les banques pourraient hésiter à mettre à disposition un nouveau DAB si elles savent qu’elles devront payer une taxe en cas de suppression au bout de quelques années.

Je serais davantage convaincu par un mécanisme de bonus-malus tel que celui que vous développez à la fin de l’exposé sommaire de votre amendement.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Sur quel principe juridique comptez-vous fonder cette indemnité pour suppression d’un DAB ? Ne présente-t-elle pas un risque d’inconstitutionnalité ? Il est ici question d’un service apporté par une entreprise privée, même si cette dernière bénéficie du monopole bancaire. Si l’on ouvre cette porte, pourrait-on en venir à infliger une pénalité à une banque qui décide de réduire la taille d’une agence, par exemple ? J’avoue avoir du mal à comprendre le mécanisme.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Monsieur de Courson, le montant de 50 000 euros semble correspondre, en moyenne – malgré toutes les difficultés que nous avons eues à obtenir des données, les chiffres qui nous ont été communiqués allant du simple au triple –, au coût annuel de fonctionnement d’un distributeur automatique de billets.

Vous évoquez le cas des banques d’affaires, auxquelles le mécanisme que je propose ne serait pas adapté. Mais, précisément, ces banques, qui ne possèdent pas de DAB, n’en supprimeront pas et ne seront donc pas mises à contribution. Seuls le seront les établissements qui participent actuellement au maillage territorial et qui ont l’intention de réduire leur présence dans les années qui viennent, donc d’aggraver la carence. Ce n’est pas le cas des banques d’affaires, chez qui nul ne songe à aller retirer de l’argent liquide.

Monsieur Ray, la crainte que vous exprimez quant au caractère contre-productif du dispositif me paraît révéler une lecture très optimiste de la situation, car, en réalité, on ferme dix fois plus de DAB qu’on en ouvre. Je préfère donc adopter une logique défensive que de renoncer à agir par peur de dissuader les banques d’ouvrir de nouveaux points de distribution, d’autant que nous espérons aussi créer des lieux alternatifs d’accès aux espèces, en particulier chez les commerçants.

Enfin, monsieur Mattei, je ne comprends pas en quoi le fait de mettre à contribution les établissements qui concourent à la carence bancaire présenterait un risque d’inconstitutionnalité, dès lors que nous considérons l’accès à l’argent liquide comme un service dû à la population et que nous le définissons comme tel dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF4 de M. Alexandre Dufosset

M. Alexandre Dufosset (RN). Nous sommes attachés au maintien de l’argent liquide, notamment pour les personnes âgées et les habitants des zones rurales. Nous souhaitons donc imposer, en cas de fermeture d’un DAB, qu’une solution physique, gratuite et immédiatement opérationnelle soit proposée afin d’assurer le maintien d’un égal accès aux espèces sur tout le territoire.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. On ne peut appliquer des réponses uniformes à des cas de figure variés : il faut tenir compte de la réalité économique de la filière et laisser une certaine liberté aux opérateurs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF14 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Nous proposons d’instaurer un moratoire sur le démantèlement des DAB. La désertification bancaire frappe d’abord les plus fragiles. Alors que 57 % des communes ne disposent d’aucun point de retrait, la proposition de loi risque, malgré la volonté de son auteur, d’ôter aux banques leurs derniers scrupules à supprimer les distributeurs restants. Ces fermetures ne sont pas une fatalité. Le bénéfice de BNP Paribas devrait atteindre en 2025 le niveau record de 12,2 milliards d’euros. Dès lors, comment accepter que les banques désertent les territoires ?

Un moratoire protégerait les habitants, garantirait un accès minimal à l’argent liquide et rappellerait aux banques que leur mission ne saurait se résumer à la maximisation des profits au détriment des besoins essentiels des usagers.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Un moratoire ne tiendrait pas compte les différences territoriales : on mettrait sur un pied d’égalité la fermeture du dernier DAB d’une commune périurbaine et la suppression d’un des trois DAB situés dans une même agence bancaire en milieu urbain. On ne prendrait pas davantage en considération la réalité de la couverture ni l’engagement de certains établissements à ne pas concourir à la carence bancaire.

Je maintiens que le mécanisme prévu à l’amendement CF26 aurait été plus opérant et je le défendrai à nouveau en séance publique. Dans cette attente, j’émets une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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Résumé du dispositif

L’article 4 porte gage financier en prévoyant la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

L’article a été adopté par la commission des finances.

L’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale dispose au sujet des propositions de loi : « Lorsqu’il apparaît que leur adoption aurait les conséquences prévues par l’article 40 de la Constitution, le dépôt en est refusé. » Sont visées les mesures dont l’« adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

Or trois dispositions de la proposition de loi entraînent de telles conséquences pour l’État :

– l’admission en déductibilité de l’impôt sur les sociétés des dépenses engagées et des frais supportés par les commerçants pour fournir des espèces dans le cadre d’une opération d’achat de biens ou de services (article 2) constitue une perte de recettes ;

– l’admission en déductibilité de l’impôt sur les sociétés d’une fraction des numéraires remis aux clients lors d’une telle opération (article 2) constitue également une perte de recettes ;

– l’exécution du service universel de la monnaie fiduciaire (article 3) est constitutif d’une charge.

C’est pourquoi l’article 4 complète la présente proposition par un gage de compensation, en recettes comme en dépenses, consistant en la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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Article 4

Amendement CF12 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Nous proposons de revoir complètement le gage prévu à l’article 4, car nous ne pouvons accepter qu’il revienne aux particuliers ou à la puissance publique de financer les dispositions du texte. L’accès à l’argent liquide doit être financé par ceux qui ont déserté le terrain : les grandes banques privées.

Les chiffres sont sans appel : selon la Banque de France, les revenus engrangés par les principales banques françaises ont été historiquement élevés en 2024, le produit net bancaire ayant augmenté de 8 % pour atteindre 159 milliards d’euros. Ces profits records sont le résultat d’une double stratégie, aussi rentable que nocive, alliant fermeture des agences et des DAB et financiarisation croissante de l’activité, au détriment de l’économie réelle. Les banques désertent mais prélèvent des frais sur des usagers captifs. Il est donc légitime, juste et cohérent que leurs profits soient mobilisés pour remédier aux conséquences de leurs choix.

Nous souhaitons par conséquent remplacer la taxation du tabac par une imposition exceptionnelle sur les bénéfices des grandes banques, afin que ce service public essentiel soit payé par celles et ceux qui ont créé le problème, et non par les citoyens.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons déjà exprimées. L’objectif est de créer à la fois un service universel de la monnaie fiduciaire et la taxe qui le financera, et de faire correspondre les deux. Au-delà de l’aspect légistique, je ne souhaite pas asseoir la contribution sur les bénéfices des organismes bancaires, car une banque qui fermerait de nombreux distributeurs sans faire de profits ne serait pas concernée. Le principe d’une taxe sur les fermetures de DAB, telle que proposée dans mon amendement CF26, me semble plus opérant.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 4 non modifié.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. Pierrick Courbon, rapporteur. Merci à tous. D’ici à l’examen du texte en séance publique, je me tiens à la disposition de toutes celles et ceux qui voudraient travailler sur les divers points d’amélioration possibles évoqués.


   Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle, énergétique et numérique

– Mme Agathe Bonnin, conseillère parlementaire

– Mme Charlotte Ast, conseillère financement de l’économie et outre-mer

– M Jean-Baptiste Moiroud, adjoint du chef de bureau souveraineté bancaire et moyens de paiement

Association des maires ruraux de France (AMRF)

– M. John Billard, secrétaire général

Banque de France

– M. Julien Lasalle, directeur-adjoint des études et de la surveillance des paiements

– M. Raymond de Pastor, chef du service d’études fiduciaires

Institut national de la consommation (INC) *

– M. Lionel Maugain, journaliste à 60 Millions de consommateurs

Confédération des buralistes *

– M. Pierre Roméro, secrétaire général

– Mme Stéphanie Cazaban-Marque, directrice du pôle opérationnel

Confédération des commerçants de France (CDF) *

– M. Pierre Bosche, président

– Mme Laure Ruinart de Brimont, directrice générale

Fédération bancaire française (FBF) *

– M. Jérôme Raguénès, directeur du département moyens de paiement

– M. Jérôme Pardigon, directeur du département relations institutionnelles

Fédération française des associations de commerçants (FFAC)

– M. Jean-Claude Delorme, vice-président

La Poste *

– A fait parvenir une réponse écrite au questionnaire qui lui avait été adressé

Union des entreprises de sécurité privée et de transport de fonds et de valeurs (USP Valeurs) *

– A fait parvenir une contribution écrite spontanée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Baromètre 2024 IFOP sur le cash pour la Monnaie de Paris.

([2]) Progress on the preparation phase of a digital euro Closing progress report (octobre 2025).

([3]) Bulletin de la Banque de France n° 256 (janvier-février 2025).

([4]) Décret n° 2015-741 du 24 juin 2015 pris pour l’application de l’article L. 112-6 du code monétaire et financier relatif à l’interdiction du paiement en espèces de certaines créances.

([5]) Accès du public aux espèces – Actualisation de l’état des lieux à fin 2024 (24 juillet 2025).

([6]) Safeguarding consumer-s access to cash in the digital economy – OECD Business and Finance Policy Papers, No. 81 (mars 2025).

([7]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([8]) Directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n°1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE.

([9]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les services de paiement dans le marché intérieur et modifiant le règlement (UE) nº 1093/2010 – COM(2023) 367 final du 28 juin 2023.

([10]) Loi n° 2018-700 du 3 août 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.

([11]) Décret n° 2018-1224 du 24 décembre 2018 relatif à la fourniture d’espèces dans le cadre d’une opération de paiement.

([12]) Arrêté du 29 janvier 2019 relatif à l’information des consommateurs sur les prix et les conditions applicables à la fourniture d’espèces dans le cadre d’une opération de paiement.

[13] Décret n° 2025-710 du 26 juillet 2025 relatif à la désignation du prestataire du service universel postal.

[14] Référé n° S2024-1520 de la Cour des comptes.

[15] Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom.

[16] Loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales.

[17] Loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

[18] Décret n° 2007-310 du 5 mars 2007 relatif au fonds postal national de péréquation territoriale.