—  1  —

N° 638

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 février 2018.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

en application de l’article 145-7 du Règlement

sur la mise en application de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016
relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs

et présenté par

Mme Aude LUQUET et M. Michel VIALAY

Députés

——

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

TITRE 1er Dispositions relatives à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique et le terrorisme dans les transports publics de voyageurs

I. des DispositionS utiles qui étaient attendues

A. un renforcement des contrôles

1. Palpations et fouilles de bagages

2. Supprimer l’autorisation préalable ?

3. L’utilisation de caméras individuelles

4. Déontologie et formation

B. La possibilité d’agir en civil

1. Le retour d’une pratique ancienne qui avait été interdite

2. Des conditions d’utilisation strictes

3. Un assouplissement des procédures envisageable ?

C. Le criblage des personnels « sensibles »

1. Une mesure qui commence à produire des effets

2. Un dispositif complété par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique

3. Des lacunes qui devront être comblées

D. les chauffeurs de bus sans permis

1. Une mesure de bon sens qui n’est pas entrée en application

2. Un phénomène en augmentation

II. Deux mesures qui pourraient compléter la loi Savary

A. L’usage des armes à feu par les services de sécurité

1. Des règles d’emploi différentes pour la Suge et GPSR

2. Utiliser la Suge et le GPSR en soutien à la police en cas d’attentat

B. La problématique de l’éviction en fin de service

1. Des risques vitaux pour les personnes séjournant toute la nuit

2. Des risques évidents sur la sûreté des installations

TITRE II Dispositions relatives à la police du transport public de voyageurs

I. La lutte contre la fraude progresse

A. L’obligation de rester à disposition des contrôleurs

1. Le durcissement des sanctions

2. Une portée réduite en raison du faible taux de réponse des OPJ

3. Sensibiliser les officiers de police judiciaire sur ce sujet

B. Le délit d’habitude est rarement sanctionné

1. Une sévérité saluée par les entreprises de transport

2. Les parquets n’ont pas les moyens de traiter les dossiers

3. La RATP ne poursuit plus les fraudeurs d’habitude

C. Les autres infractions

1. La lutte contre les ventes à la sauvette

2. La répression du signalement des contrôles

3. La possibilité d’interdire l’accès aux trains dans certains cas

4. La problématique de la sous-traitance

5. L’interdiction de paraître en gare pour les délinquants

II. Le recouvrement des amendes reste perfectible

A. Le port d’un titre d’identité

1. Une mesure difficile à mettre en application

2. Une liste de titres d’identité particulièrement large

3. Revoir les conditions générales d’utilisation des transporteurs ?

4. Les déclarations intentionnelles de fausses identités

B. la fiabilisation des identités et des adresses

1. Le dernier décret à ne pas avoir été publié

2. L’émergence « naturelle » d’un concentrateur

3. Le contrôle de la CNIL

4. L’utilisation de fichiers privés par les transporteurs

C. le recouvrement des amendes par le Trésor

1. Le délai de dessaisissement de deux mois est-il trop court ?

2. La constitution d’équipes conjointes entre la SNCF et le Trésor public

3. L’absence de solidarité entre les parents et leurs enfants mineurs

4. Vers un fichier global des fraudeurs ?

TITRE III Dispositions relatives à la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports

I. les dispositions de l’article 22 de la loi du 22 mars 2016

II. L’application de ces dispositions

1. L’intégration de cette lutte dans les programmes de formation

2. Les recensements annuels, restés « lettre morte »

III. Quels moyens de prévention et de lutte ?

prÉsentation des textes rÉglementaires pris en application de la loi Savary

les prÉconisations de la mission d’information

1. En matière de lutte contre les atteintes graves à la sécurité

2. En matière de lutte contre la fraude

3. En matière de lutte contre les violences faites aux femmes

Examen en commission

Liste des personnes auditionnÉes


—  1  —

 

   Introduction

Présentée par M. Gilles Savary et déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2015, la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs a connu une histoire marquée par l’actualité. Conçue à l’origine pour lutter contre la fraude et la petite délinquance dans les transports en commun, cette proposition de loi a finalement inclus un volet de lutte contre le terrorisme en réaction à la tentative d’attentat perpétrée le 21 août de la même année dans un train à grande vitesse dans le Nord de la France, attentat déjoué de justesse grâce à la vigilance de certains passagers.

Sans négliger la répression de la fraude, il est rapidement apparu que la lutte contre le terrorisme dans les transports était devenue l’enjeu prioritaire de l’examen de cette proposition de loi.

Cette proposition de loi a également été enrichie de plusieurs dispositions supplémentaires et, notamment, d’un titre relatif à la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports.

Promulguée le 22 mars 2016, la loi n° 2016-339 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs est entrée en vigueur au rythme de la publication des décrets et arrêtés d’application. À l’heure où ce rapport est présenté, soit près de deux ans après la promulgation de la loi, tous les textes d’application ont été publiés à l’exception d’un seul, pourtant jugé primordial en matière de lutte contre la fraude, qui prévoit, à l’article 18, le croisement de fichiers informatiques de manière à fiabiliser les coordonnées des fraudeurs (cf. infra).

Le présent rapport vise à établir, en application de l’article 145 du Règlement, un bilan de la publication des textes réglementaires prévus et à dresser une première évaluation des mesures adoptées, lorsque celle-ci est possible à ce stade. Il apparaît, en effet, que certaines dispositions ne sont entrées en vigueur qu’à des dates relativement récentes et que les retours d’expérience fiables ne sont pas encore disponibles.

Il apparaît également que certaines dispositions, ne nécessitant pourtant pas de décret d’application comme celle concernant la communication des informations relatives au permis de conduire des chauffeurs de transport en commun, n’ont pas toutes été mises en œuvre.

D’une manière générale, vos rapporteurs se sont attachés à vérifier que les textes publiés par le gouvernement reflétaient fidèlement l’intention du législateur.

Le constat commun qui se dégage des travaux qu’ils ont conduits est, d’une part, que la quasi-totalité des textes réglementaires prévus ont été publiés, et, d’autre part, que ceux-ci traduisent de manière satisfaisante les intentions ayant présidé à la rédaction de cette loi. En cela, vos rapporteurs ne peuvent que saluer le travail du gouvernement pour assurer dans des délais globalement satisfaisants l’application d’un texte dense et complexe.

Ils n’en demeurent pas moins vigilants quant à l’entrée en vigueur des dernières dispositions qui n’ont pas encore été mises en œuvre.

 

 


—  1  —

TITRE 1er
Dispositions relatives à la prévention et
à la lutte contre les atteintes graves à
la sécurité publique et le terrorisme dans
les transports publics de voyageurs

Préparée dans le contexte des attentats et tentatives d’attentats terroristes de 2015, la loi dite « Savary » met en œuvre tout un catalogue de mesures fortes pour lutter contre les attaques dans les transports en commun. Beaucoup de ces mesures concernent les services de sécurité internes de la SNCF (Surveillance générale - Suge) et de la RATP (Groupe de protection et de sécurisation des réseaux - GPSR) dont les prérogatives en matière de contrôle ont été fortement accrues.

Par ailleurs, la loi donne désormais la possibilité aux entreprises de transport de demander aux services de police des enquêtes sur l’éventuelle radicalisation de leurs personnels les plus sensibles.

Pour autant, la SNCF et la RATP regrettent que la loi Savary n’ait pas apporté d’avancée en matière d’usage, par leurs services de sécurité, des armes de service en cas d’attaque terroriste ; la régie des transports parisiens continue par ailleurs à attirer l’attention sur le risque que font courir à la sûreté et à la sécurité de l’entreprise les centaines de personnes qui se font enfermer dans le réseau souterrain chaque nuit.

I.   des DispositionS utiles qui étaient attendues

Même si la loi Savary ouvre la possibilité à l’ensemble des réseaux de transport de mettre en place des services internes de sécurité, seules la RATP et la SNCF en sont, pour l’instant, dotées.

A.   un renforcement des contrôles

1.   Palpations et fouilles de bagages

L’article premier de la loi autorise les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à procéder à des palpations de sécurité sous certaines conditions : « en cas de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou lorsqu’un périmètre de protection a été institué ».

Toutefois, les palpations de sécurité ne peuvent être effectuées qu’avec « le consentement exprès des personnes ».

Dans les deux cas (circonstances particulières ou institution d’un périmètre de sécurité), un arrêté préalable doit être pris par le préfet. Cette procédure est jugée trop lourde par les services de sécurité concernés qui, en l’absence d’arrêté, n’ont pas le droit de procéder à des palpations de sécurité sur des personnes qui se sont parfois avérées être porteuses d’armes, comme cela a été rapporté à la mission d’information.

Lorsque les arrêtés instaurant un périmètre de protection sont pris, ils ne concernent généralement qu’un laps de temps très bref et un périmètre restreint. Et si certains arrêtés concernent des parties de lignes cohérentes, d’autres ne concernent qu’une ou deux gares sur un trajet mais, de façon incompréhensible, pas les arrêts intermédiaires.

Auditionnées par vos rapporteurs, la RATP et la SNCF ont fait observer que, s’agissant de l’Île-de-France dont les départements sont de petite superficie et où il n’est pas rare qu’une ligne en traverse plusieurs, chaque préfecture doit être saisie en matière de palpation et de fouille de bagage, chacune ayant sa propre politique concernant les aires géographiques et les horaires. L’idée a été émise de confier à la préfecture de région ou à la préfecture de police de Paris une compétence globale pour l’ensemble de la RATP et du réseau SNCF d’Île-de-France.

En effet, en dehors de son aspect chronophage, cette procédure aboutit à des incohérences incompréhensibles par les agents des services internes : un préfet peut autoriser les palpations sur l’ensemble des emprises RATP de son département tandis qu’un autre les limite à quelques gares et stations.

LA SEULE DIVERGENCE DE LA MISSION D’INFORMATION

La question des palpations de sécurité est la seule sur laquelle les deux députés qui composent la mission d’information n’ont pas adopté une position commune.

M. Michel Vialay est favorable à ce que les services de sécurité internes des transporteurs puissent procéder à des palpations de sécurité, même sans le consentement exprès des intéressés, en cas de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou pour l’ordre public.

De son côté, Mme Aude Luquet considère que le consentement exprès des intéressés est un préalable indispensable à toute palpation.

L’article premier ouvre également aux agents de la Suge et du GPSR la possibilité de procéder à l’inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. En cas de refus, l’accès au train peut être refusé aux intéressés.

En 2017, la SNCF a procédé à l’inspection visuelle de 31 392 bagages et à la fouille, avec le consentement du propriétaire, de 8 022 bagages. De son côté, la RATP a procédé à l’inspection visuelle d’environ 6 000 bagages et à la fouille d’environ 700 d’entre eux.

2.   Supprimer l’autorisation préalable ?

Compte tenu des difficultés à obtenir les arrêtés permettant les palpations de sécurité et de l’absence d’incidents depuis l’entrée en vigueur de la loi, les transporteurs proposent que leurs services de sécurité soient autorisés à procéder de manière permanente à des palpations de sécurité dans les enceintes des transports publics qui relèvent de leur compétence.

Ils rappellent que les agents susceptibles de procéder à ces palpations reçoivent une formation spécifique et font l’objet d’un agrément. Ils rappellent également que personne ne trouve choquant que de telles palpations soient réalisées de manière quasi systématique à l’entrée de grands magasins, de stades, de tribunaux, de salles de concert ou d’aéroports.

3.   L’utilisation de caméras individuelles

L’article 2 de la loi Savary permet aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens de « procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes concernées ».

La SNCF et la RATP se sont montrées extrêmement favorables à l’utilisation de caméras portatives dans la mesure où les expérimentations ont montré que leur usage fait immédiatement tomber l’agressivité – aussi bien des usagers que des forces de sécurité – dans les situations délicates.

La régie des transports parisiens a toutefois indiqué que ses agents n’en sont pas encore équipés, en raison des délais nécessaires à la passation des marchés publics pour la fourniture de ces appareils dont le coût global finit par être élevé.

En tout état de cause, la SNCF et la RATP doivent encore attendre l’autorisation et les recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) sur les modalités d’utilisation et de conservation des images. En effet, les spécifications techniques complexes prévues dans le décret du 26 octobre 2016 (six mois de conservation sur des serveurs sécurisés) nécessitent une instruction longue.

Ces caméras individuelles viendront s’ajouter aux 40 000 autres caméras qu’utilise déjà la RATP : 10 000 sur les quais du métro, du tramway et du RER et 30 000 dans les matériels roulants (bus, tramways, rames de métro, RER). Si 100 % des bus et des tramways sont équipés de caméras, seuls 50 % des rames de métro ou de RER le sont. Leur équipement se fait au rythme du renouvellement des matériels. Il est à noter que si les images sont transmises en temps réel depuis les caméras fixes, ce n’est pas encore le cas pour celles qui sont embarquées.

Certains transporteurs auditionnés, notamment Transdev, ont regretté que les contrôleurs ne soient pas autorisés à utiliser de telles caméras dans la mesure où leur mise en œuvre contribue à apaiser les relations avec les contrevenants. En l’état actuel de la législation, leur utilisation par un agent autre qu’un membre d’un service de sécurité interne serait juridiquement risquée, estime le ministère de l’intérieur.

Vos rapporteurs ne verraient que des avantages à ce que les contrôleurs soient autorisés à utiliser les mêmes caméras que les agents des services de sécurité, sous réserve des mêmes règles d’utilisation et de conservation des données (utilisation non continue, serveurs sécurisés, etc.).

4.   Déontologie et formation

L’article 3 de la loi rend également obligatoire l’adoption par la SNCF et la RATP d’un code de déontologie. Cette mesure n’a posé aucune difficulté à la SNCF qui disposait d’un tel code depuis plusieurs années et qui indique travailler en collaboration avec le Défenseur des droits ainsi qu’avec des associations telles que SOS Racisme.

La RATP, en revanche, ne disposait pas de code de déontologie, mais un projet était en cours d’élaboration. Le Défenseur des droits a été longuement reçu par l’entreprise le 13 juillet 2016, notamment sur le thème de la lutte contre les discriminations.

Le nouveau code de déontologie qui a été adopté à la suite de la promulgation de la loi Savary est désormais commun à l’ensemble des services de sécurité interne des entreprises de transport public françaises.

Particulièrement actif, le Défenseur des droits est régulièrement saisi lors de dépôts de plaintes. Les échanges avec la SNCF et la RATP sont réguliers. La « nécessité d’être exemplaire » revient comme un leitmotiv dans le discours des dirigeants des deux entreprises, bien conscients de leurs droits et devoirs.

L’application de la nouvelle loi a nécessité la mise en œuvre de nombreux plans de formation ainsi que le déploiement d’actions pédagogiques et la rédaction de fiches pratiques. Le coût global de ces actions ne semble pas avoir été évalué avec précision.

B.   La possibilité d’agir en civil

1.   Le retour d’une pratique ancienne qui avait été interdite

L’article 4 de la loi permet de dispenser, « par dérogation », les agents de la Suge et du GPSR du port de la tenue dans l’exercice de leurs fonctions et donc, d’agir en civil. Alors que les services de sécurité comme la Suge ou le GPSR avaient longtemps été autorisés à travailler en civil dans le passé, cette possibilité leur avait été enlevée en 2000 de manière à donner plus de visibilité à leur action.

L’évolution de la règlementation avait timidement et de manière exceptionnelle permis à ces services d’agir en civil. La loi Savary élargit les possibilités d’agir sans uniforme tout en conservant à cette pratique soumise à autorisation un caractère dérogatoire.

Cette mesure satisfait pleinement la SNCF qui y voit un gage d’efficacité : en 2017, 1 979 missions en civil armées ont été menées par les agents de la Suge.

En revanche, la RATP n’a jamais considéré les missions en civil comme une priorité dans la mesure où la régie opère sur un territoire homogène et relativement réduit qui dispose d’une police des transports d’environ 100 agents habilités à agir en civil et qui semble efficace. Pour autant, 60 agents ont été formés par la régie qui vient de recevoir les agréments de la Préfecture de police de Paris.

Depuis quelques mois, la SNCF permet également à ses contrôleurs d’agir en civil, bien que la loi Savary soit muette sur ce point. En effet, il est apparu qu’aucun texte n’interdisait cette pratique utilisée de longue date par les contrôleurs de la RATP. Les résultats des contrôles effectués par du personnel en civil sont meilleurs que ceux des contrôleurs en tenue, probablement en raison de l’effet de surprise et aussi parce que les contrevenants peuvent s’acquitter de l’amende de manière plus discrète.

2.   Des conditions d’utilisation strictes

La possibilité d’agir en civil a fait l’objet du décret d’application n° 2016‑1281 du 28 septembre 2016. Ce texte soumet la dispense du port de tenue à un certain nombre de règles strictes :

– les agents agissant en civil doivent avoir suivi une formation spécifique ;

– ils ne peuvent porter une arme que s’ils justifient d’une expérience d’au moins cinq années d’ancienneté ;

– ils doivent faire l’objet d’un agrément administratif ;

– la demande de dispense de port de la tenue doit être motivée et la mission ne peut excéder 144 heures (6 jours). Elle doit préciser les date, horaires, lieu et objet de la mission ;

– l’ordre de mission et les identités des agents doivent être transmis au moins sept jours à l’avance au service de police compétent qui délivre ou non les habilitations demandées ;

– en cas d’intervention, les agents doivent porter un signe distinctif (un brassard par exemple) et montrer leur carte professionnelle à toute personne qui en fait la demande.

Enfin, l’autorité administrative peut s’opposer à l’exercice de cette mission ou y mettre fin à tout moment.

3.   Un assouplissement des procédures envisageable ?

La possibilité d’agir en civil a été mise en œuvre par la SNCF au printemps 2017, le temps de dispenser la formation spécifique prévue par le décret. Selon les chiffres fournis à l’automne 2017, les missions en civil concerneraient à peine plus de 1 % de l’ensemble des missions de la Suge et serviraient, pour l’instant, essentiellement à réprimer les infractions liées à l’usage du tabac et des stupéfiants dans les rames.

Des récriminations ont pu être entendues de la part de certains agents de sécurité ferroviaire sur le caractère « contraignant » des autorisations demandées. Les procédures sont chronophages, fait-on remarquer, aussi bien pour les transporteurs que pour les services de police qui doivent répondre aux demandes d’autorisation.

Le ministère de l’intérieur, de son côté, fait valoir que les demandes d’autorisation sont destinées à éviter les méprises entre des policiers en civil qui pourraient se trouver, sans le savoir, face à des agents de sécurité eux aussi en civil et armés. D’ailleurs, les très rares refus d’autorisation enregistrés ont été motivés par la volonté d’éviter des rencontres inopinées de ce type dans un même train.

Conscients de cet argument, d’aucuns admettent la nécessité d’informer la police des actions en civil mais font remarquer que cette dernière n’est généralement pas informée des agissements en civil armé de la gendarmerie et des douanes et que des confusions peuvent aussi survenir entre différents services de police qui peuvent agir en civil armé sans forcément se prévenir les uns les autres.

Pour toutes ces raisons, la direction de la Suge, qui souligne l’absence de tout incident près d’un an après l’entrée en vigueur de cette mesure, plaide en faveur d’un assouplissement des démarches administratives qui l’encadrent et prône le remplacement de la demande d’autorisation par une simple déclaration, le ministère de l’intérieur conservant toujours la possibilité de refuser une action civile de manière expresse. Vos rapporteurs souscrivent à cette demande de simplification des démarches administratives.

 

C.   Le criblage des personnels « sensibles »

L’article 5 de la loi permet aux entreprises de transport public de personnes ou de marchandises dangereuses de faire précéder l’embauche ou les décisions d’affectation de leurs salariés « d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées ». Cette procédure qui permet concrètement de vérifier si un salarié affecté à une tâche sensible n’est pas en cours de radicalisation religieuse est connue sous le nom de criblage.

1.   Une mesure qui commence à produire des effets

À la RATP, les demandes de criblage ont débuté fin octobre 2017, d’abord pour les recrutements puis, à compter du 7 novembre, pour les agents en poste susceptibles de changer d’affectation. Pour la seule catégorie des machinistes (bus, métro, RER), l’entreprise procède à 2 000 recrutements par an. Au 31 décembre 2017, la RATP avait envoyé 659 demandes d’enquêtes. 309 dossiers avaient été traités et 20 avis d’incompatibilité (uniquement pour des recrutements) avaient été rendus, ce qui représente 6,5 % des 309 demandes.

Les avis d’incompatibilité émis ont automatiquement mis fin aux procédures de recrutement des intéressés. Aucun avis négatif n’a encore été rendu pour des personnels déjà en place.

Le délai de réponse du Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) est jugé trop long : un délai maximum de deux mois serait bienvenu. Il est, effet, moins douloureux d’interrompre une procédure de recrutement en cours que de licencier un collaborateur nouvellement embauché.

2.   Un dispositif complété par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique

Lorsque des agents titulaires font l’objet d’un avis incompatibilité, l’employeur doit, aux termes de la loi, chercher un poste de substitution aux intéressés. En effet, l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, modifié par la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, impose de proposer à l’agent qui ferait l’objet d’un avis d’incompatibilité un autre emploi que ceux visés dans le dispositif. Mais, en cas d’impossibilité de procéder à ce reclassement ou si l’agent refuse le poste proposé, alors le licenciement est rendu obligatoire, l’avis d’incompatibilité constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement ([1]).

La RATP fait remarquer que l’obligation de reclassement est en pratique très difficilement applicable dans la mesure où l’avis d’incompatibilité pointe la dangerosité du salarié, aussi bien à l’égard des usagers que de ses collègues de travail. L’obligation de sécurité dont l’entreprise a la charge rend donc particulièrement difficile l’affectation d’un tel salarié sur un autre poste.

Globalement satisfaites par ce dispositif novateur, la SNCF et la RATP regrettent toutefois que la liste des postes soumis à enquête administrative soit trop restreinte ([2]). Les responsables souhaiteraient étendre la mesure aux personnels d’entretien, actuellement non concernés par le décret. Ces agents, parfois incités à commettre des actes de sabotage par une certaine propagande malveillante pourraient utilement être « criblés ». La mission d’information reprend à son compte cette demande qui lui semble de bon sens, même si elle est consciente de la surcharge de travail qu’elle induirait.

3.   Des lacunes qui devront être comblées

D’autres lacunes sont apparues : la loi concerne expressément les personnels des entreprises de transports et ne concerne donc pas les personnels intérimaires qui pourraient être amenés à occuper temporairement un poste sensible. Une extension de la législation à ces personnels semble indispensable.

La RATP fait remarquer qu’elle possède une soixantaine de filiales travaillant dans le secteur des transports, qui embauchent et emploient elles aussi des agents occupant des postes sensibles. En l’état actuel de la législation, la RATP n’a pas la possibilité de demander des enquêtes administratives pour les agents de ses filiales : chaque entité doit saisir séparément l’autorité administrative, ce qui multiplie les points d’entrée et ne facilite pas les procédures. Une centralisation des demandes par la société mère serait de nature à simplifier le processus : une modification de la législation en ce sens est demandée et paraît légitime.

Enfin, la RATP relève que le Service national des enquêtes administratives de sécurité n’informe pas systématiquement les personnes sur lesquelles elle rend un avis négatif, la charge en incombant le plus souvent à l’employeur bien que le décret n° 2017-757 du 3 mai 2017 relatif aux enquêtes administratives prévoie expressément que l’avis est notifié au salarié par le ministère de l’intérieur, dans le cas des salariés déjà recrutés. Les entreprises se trouvent donc aujourd’hui dans la situation d’informer les intéressés de l’émission d’un avis d’incompatibilité – et souvent de les licencier – sans disposer de la moindre information quant au fond du dossier. Elles demandent par conséquent au SNEAS de respecter le décret et d’informer systématiquement les personnes faisant l’objet d’un avis d’incompatibilité.

Enfin, la loi n’évoquant pas le cas des salariés protégés, certaines entreprises se considèrent tenues de respecter la procédure de licenciement avec demande d’autorisation à l’inspecteur du travail. Mais que se passerait-il, dans le cas où l’inspection du travail rendrait une décision de rejet alors que la loi oblige l’employeur à licencier un salarié faisant l’objet d’un avis négatif, lorsqu’aucune solution de reclassement n’est possible ?

Une solution pourrait consister à donner la possibilité, dans ce seul cas, aux entreprises de licencier directement les salariés protégés ayant fait l’objet d’un avis d’incompatibilité sans avoir à demander l’autorisation à l’inspection du travail.

D.   les chauffeurs de bus sans permis

De nombreux conducteurs de transports en commun continuent à rouler après avoir perdu leur permis de conduire, sans que leur employeur en soit informé. La disposition de la loi Savary permettant de mettre un terme à cette aberration n’est pas entrée en application.

1.   Une mesure de bon sens qui n’est pas entrée en application

L’une des dispositions de l’article 7 de la loi a pour objectif d’améliorer l’information des entreprises de transport en permettant aux employeurs d’avoir accès aux éléments relatifs au permis de conduire de ceux de leurs personnels qui sont amenés à conduire des véhicules.

En effet, jusqu’à l’adoption de la loi Savary, le code de la route autorisait une municipalité à connaître l’état du permis de conduire d’une personne à qui elle s’apprêtait à confier le volant d’un car de ramassage scolaire, mais des entreprises comme la SNCF ou la RATP ne le pouvaient pas. Or ces dernières emploient des milliers de conducteurs de bus ou de cars qui ont la charge de nombreux voyageurs.

Les rapporteurs ont appris que cette mesure n’était pas entrée en application. Le fichier informatique nécessaire à sa mise en œuvre n’a pas été créé en raison, semble-t-il, de la vive opposition des syndicats. L’ensemble des organisations de transporteurs déplore cette situation qui met la vie de milliers d’usagers entre les mains de personnes qui ne sont plus aptes à la conduite.

2.   Un phénomène en augmentation

Les rapporteurs regrettent que la volonté du législateur soit ainsi ignorée alors que cette mesure, adoptée par un amendement de l’Assemblée nationale, avait fait l’objet d’un consensus avec le Sénat. Ils demandent instamment au gouvernement qu’elle soit mise en œuvre dans les meilleurs délais car il en va de la sécurité des usagers.

Sur les 17 000 conducteurs d’autobus ou d’autocars employés en France, 15 à 20 sont repérés chaque année, généralement à l’occasion d’un accident de la circulation, comme ayant perdu leur permis de conduire sans en avoir informé leur employeur. La multiplication des contrôles de vitesse et les retraits de points qui en découlent contribuent à accroître le phénomène.

Le jour ou un accident grave se produira avec un chauffeur de transport en commun circulant sans permis, la responsabilité de l’État, qui n’a pas mis en œuvre cette disposition de bon sens votée par le Parlement, pourrait être engagée.

II.   Deux mesures qui pourraient compléter la loi Savary

Deux sujets avaient été évoqués sans être traités, lors de l’examen de la loi Savary : d’une part l’extension à la Suge et au GPSR des règles d’utilisation des armes à feu en cas d’attentat ainsi que, d’autre part, les centaines de personnes livrées à elles-mêmes chaque nuit dans le métro parisien. Les menaces terroristes qui pèsent sur notre pays conduisent les rapporteurs à revenir sur ces deux sujets.

A.   L’usage des armes à feu par les services de sécurité

La loi Savary n’a pas modifié les règles relatives à l’emploi des armes par les agents de sécurité des transporteurs. Toutefois, la multiplication des attentats ou des tentatives d’attentats, ainsi que l’évolution des règles concernant l’usage des armes par les agents de police nationale ou municipale ont conduit divers responsables entendus par la mission d’information à formuler des propositions de modification de la législation en vigueur.

1.   Des règles d’emploi différentes pour la Suge et GPSR

S’ils sont généralement armés, les agents de la Suge et du GPSR sont régis par des règles bien plus restrictives quant à l’usage de leurs armes létales que les policiers nationaux ou municipaux : leur usage n’est autorisé qu’en cas de légitime défense alors que les policiers peuvent utiliser leurs armes à feu dans deux autres situations introduites en droit français après les attentats de 2015 : la « légitime défense élargie » et le « périple meurtrier ». Dans les deux cas, la SNCF et la RATP souhaiteraient que leurs agents armés (Suge et GPSR) disposent des mêmes prérogatives que les policiers. L’idée consiste à pouvoir utiliser, dans l’urgence, ces agents pour protéger la population et mettre en échec une attaque terroriste, dans l’attente de l’intervention des forces de police.

Le principe de légitime défense élargie autorise les agents de police « à faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée » dans le cas visé au 1° de l’article L.435-1 du code de la sécurité intérieure, c’est-à-dire « lorsque des atteintes à la vie ou à l’intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d'autrui ». Cette disposition permet aux acteurs de sécurité de sortir du strict droit commun de la légitime défense tout en conservant un cadre d’intervention très proche de ce dernier. D’appréciation moins restrictive, cette nouvelle forme de légitime défense a été étendue aux agents de police municipale.

Dans le cas du périple meurtrier, visé au 5° de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, les policiers sont autorisés « à faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée (…) dans le but exclusif d’empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis, lorsqu’ils ont des raisons réelles et objectives d’estimer que cette réitération est probable au regard des informations dont ils disposent au moment où ils font usage de leurs armes ».

2.   Utiliser la Suge et le GPSR en soutien à la police en cas d’attentat

La RATP et la SNCF soulignent que, alors que la coopération entre tous les acteurs de la sécurité en place sur le territoire national apparaît aujourd’hui comme un atout évident de la prévention et de la lutte contre toutes formes de délinquance, il apparaît regrettable de se priver de l’appui d’une force de 2 800 agents répartis sur l’ensemble du territoire national pour faire obstacle à la réitération d’une tuerie.

Ces agents sont formés aux techniques d’intervention professionnelle en milieu confiné, en tenue ou qualité apparente, agréés pour la mise en œuvre de certains pouvoirs (palpations, inspections visuelles, fouilles, relevé d’identité, missions en civil armé), contrôlés à tous les niveaux de leurs habilitations (parquet, préfet, services de police…), armés et ont une excellente connaissance de l’environnement des gares et des trains qui demeurent des cibles d’actions privilégiées des terroristes.

L’action des agents des services internes de sécurité, dans les conditions strictes évoquées précédemment, constituerait un dispositif supplémentaire pour prévenir et neutraliser toute attaque terroriste. En effet, en raison de leur présence permanente sur le réseau, dans les espaces ou dans les véhicules de transport public de personnes, les agents de sécurité de la RATP et de la SNCF sont les premiers acteurs armés à pouvoir intervenir et empêcher immédiatement la réitération d’un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre. Leur interdire, dans ces conditions très limitatives, l’usage de leur arme est donc regrettable.

C’est probablement l’absence de moyens de communication directs (radio, portable) susceptibles de coordonner l’action des forces de police et celles des services de sécurité des transporteurs – et d’éviter toute méprise – qui constitue l’un des principaux freins à l’alignement des règles d’usage des armes à feu de la Suge et du GPSR sur celles des forces de police.

B.   La problématique de l’éviction en fin de service

La RATP est un « opérateur d’importance vitale » (OIV), tel que défini par l’article R. 1332-1 du code de la défense, ce qui signifie que l’entreprise est identifiée par l’État comme ayant des activités indispensables pour la population. Or, sa sécurité présente d’évidentes lacunes, notamment la nuit.

1.   Des risques vitaux pour les personnes séjournant toute la nuit

Les responsables de l’entreprise pointent une vulnérabilité de plus en plus manifeste, susceptible de la mettre en péril : la présence d’environ 350 personnes sans domicile fixe (SDF) qui y ont élu domicile et qui s’y trouvent en permanence, y compris la nuit lorsque le trafic s’arrête et que les installations sont laissées sous tension et sans surveillance.

Ces personnes ont accès à tous les locaux de sécurité et d’équipement – dont les portes ne résistent pas longtemps – et se déplacent librement. L’alimentation des rails n’étant pas coupée la nuit, les accidents sont fréquents. En outre, livrées à elles-mêmes, elles sont parfois victimes de vols, de rixes, de malaises et les drames sont fréquents : il n’est pas rare de constater des décès à l’ouverture des stations.

Bien que les stations soient fermées, un dispositif d’urgence permet aux personnes retenues dans le métro d’ouvrir les grilles pour en sortir. Mais cette possibilité d’ouverture permet aussi de faire entrer, en plein cœur de la nuit et sans aucun contrôle, tout type d’individus. Souvent, le nombre de personnes présentes dans les stations à l’heure de l’ouverture (à 5 heures) est supérieur à celui constaté au moment de la fermeture (à 1 heure).

2.   Des risques évidents sur la sûreté des installations

Chacun comprend les risques que fait peser sur la sûreté du trafic la possibilité d’intrusion nocturne pouvant donner lieu à des actions malveillantes, voire de sabotage.

Lors de l’élaboration de la proposition de loi, la RATP avait souhaité obtenir la possibilité d’évincer les personnes à la fin de chaque service. Mais, compte tenu de leur grande vulnérabilité et devant les risques encourus, notamment en période hivernale, l’idée n’avait pas été retenue par le Parlement lors de la discussion.

L’entreprise formule aujourd’hui une nouvelle proposition : obtenir la possibilité de reconduire à la sortie du réseau les seules personnes qui refuseraient d’être prises en charge et conduites vers des centres d’accueil. De la sorte, seuls les réfractaires et les individus mal intentionnés pourraient être expulsés des stations pendant les quatre heures de fermeture nocturne.

Cette mesure ne serait pas applicable lorsque les autorités mettent en application le plan « Grand froid ».

 


—  1  —

TITRE II
Dispositions relatives à la police
du transport public de voyageurs

Le coût de la fraude dans les transports en commun est estimé, à l’échelle nationale, à 500 millions d’euros par an. La loi Savary a apporté des mesures variées et potentiellement très importantes pour les autorités organisatrices et les opérateurs, même si leur application, encore récente, a pu soulever des interrogations sur le plan pratique et même si certaines d’entre elles ne concernent pas les réseaux de province.

L’un des objectifs de cette loi était de modifier la perception qu’une partie de la population peut avoir à l’égard de la fraude, parfois jugée bénigne voire excusable, en alourdissant les sanctions et en transformant en délit les contraventions les plus graves. Il s’agissait aussi de remotiver des agents de contrôle qui, avant la promulgation de cette loi, étaient trop souvent démunis face à des fraudeurs de mauvaise foi. De ce point de vue, la loi semble avoir atteint en grande partie ses objectifs.

Les mesures qui semblent les plus efficaces sont les plus concrètes : obligation de présentation d’un document d’identité, délit de déclaration de fausse identité, abaissement du seuil de fraude d’habitude, plateforme de fiabilisation des adresses des contrevenants.

Cependant, les autorités organisatrices de transports regrettent que la plus emblématique des mesures – et certainement la plus prometteuse – celle permettant de fiabiliser les identités, ne soit pas encore entrée en application. Elles insistent aussi sur la nécessaire coopération avec les forces de la police nationale pour les points relatifs à l’identité des contrevenants.

I.   La lutte contre la fraude progresse

Les 1 300 agents de contrôle de la RATP ont relevé en 2016 un total de 1,4 million d’infractions. Ce chiffre est en baisse de 1,4 % par rapport à 2015, mais la RATP attribue cette diminution à une moindre disponibilité de ses agents pour des missions de contrôle. Sur les dix premiers mois de 2017, le nombre de procès-verbaux était en hausse de 15 % par rapport à la même période de 2016.

Le taux global de recouvrement s’est élevé à 44,7 % en 2016 puis à 47,7 % en 2017, en hausse de 11,6 % en un an. Dans cette entreprise, l’action contre la fraude permet chaque année le recouvrement de 30 millions d’euros ; en contrepartie, cette lutte coûte 150 millions d’euros.

Même s’ils soulignent avoir noté une légère diminution de la fraude depuis l’entrée en vigueur de la loi Savary, les responsables de la RATP regrettent que « l’impact de la loi ne soit pas aussi important que souhaité », d’autant que la mesure la plus emblématique, celle relative à la fiabilisation des adresses des fraudeurs, n’est toujours pas entrée en application, près de deux ans après la promulgation de la loi.

A.   L’obligation de rester à disposition des contrôleurs

1.   Le durcissement des sanctions

L’un des apports les plus novateurs de la loi Savary a été la création, à l’article 16, d’un délit puni de deux mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende pour les contrevenants qui ne respectent pas l’obligation de rester à la disposition des agents des exploitants de transports, ainsi que le prévoit l’article L. 2241-2 du code des transports. En 2017, seulement 20 délits de soustraction à cette obligation ont été constatés par les agents de la SNCF, ce qui tend à prouver que cette obligation, assortie d’une sanction sévère, est plutôt bien respectée.

En effet, cet article qui permet de retenir un contrevenant le temps de prévenir un officier de police judiciaire (OPJ) était peu respecté auparavant dans la mesure où l’obligation n’était pas assortie de sanction. Le contrevenant pouvait partir à tout moment sans être sanctionné. Désormais, le fraudeur qui tenterait de s’y soustraire commettrait un délit passible d’une peine de prison ferme. Cette menace semble d’autant plus réelle que l’omniprésence des caméras de télésurveillance permet d’obtenir des images des intéressés.

Selon la RATP, assez peu d’infractions de ce type ont été relevées dans la mesure où elles se transforment très rapidement en outrage ou rébellion. Cette nouvelle disposition apparaît néanmoins très utile dans la mesure où elle comble un vide juridique en fournissant une base légale permettant de retenir les contrevenants pendant le temps de l’appel à l’OPJ.

En revanche, le texte ne prévoit aucune sanction en cas de fuite du contrevenant postérieurement à l’ordre donné par l’OPJ de le conduire devant lui ou de le retenir. Une modification législative est donc envisageable pour améliorer encore ce point. La SNCF et la RATP soulignent toutefois qu’une des vertus de la loi est d’enrichir l’argumentaire dont disposent les agents verbalisateurs dans le cadre de leur plan de transaction et de dissuader les contrevenants.

2.   Une portée réduite en raison du faible taux de réponse des OPJ

Pourtant, si cette mesure a été saluée par l’ensemble des transporteurs, les agents des services de sécurité regrettent que sa portée ait été réduite par l’absence de disponibilité des officiers de police judiciaire, trop peu nombreux et souvent occupés par d’autres tâches jugées prioritaires. Ces OPJ, la plupart du temps, ne donnent pas leur accord à la rétention des contrevenants le temps que leur identité soit vérifiée.

Selon la SNCF, à l’échelle nationale, 30 000 demandes de relevés d’identité sont formulées chaque année par les contrôleurs ou les agents de la Suge. Or, la réponse des OPJ n’est positive que dans 47 % des cas, ce qui est très insuffisant.

Ainsi, l’obligation de rester à disposition des contrôleurs et agents de sécurité ne dure-t-elle, dans la majorité des cas, que quelques minutes dans les faits. Les contrevenants, renseignés sur internet de ces subtilités, sont donc rarement sanctionnés, ce qui peut engendrer de la frustration et de la démotivation parmi les personnels de contrôle et de sécurité des transporteurs publics.

3.   Sensibiliser les officiers de police judiciaire sur ce sujet

L’un des points les plus incompréhensibles – pour les juristes comme pour les contrôleurs – réside dans le fait que les officiers de police judiciaire (OPJ), même lorsqu’ils donnent un avis négatif pour retenir le contrevenant, font le maximum pour envoyer un équipage sur place. Or, lorsque l’avis est négatif, rien n’empêche la personne retenue de s’en aller sans attendre l’arrivée des policiers envoyés pour réaliser le contrôle d’identité.

Sur ce sujet, la SNCF a communiqué à la mission d’information des chiffres particulièrement édifiants : en juin 2017, dans le département des Yvelines, 165 demandes de relevés d’identités ont été formulées auprès des OPJ. Sur ce total, seules 7 ont été acceptées. Mais dans le même temps, des équipages auraient été dépêchés sur place dans 94 % des cas. Dans ce cas, pourquoi donner un avis défavorable et laisser aux contrevenants le temps de se soustraire aux agents de sécurité avant l’arrivée des policiers ?

Les praticiens qui vivent ces situations au quotidien suggèrent qu’une directive soit adressée aux OPJ pour les sensibiliser sur le sujet et leur demander d’émettre un avis favorable au relevé d’identité chaque fois qu’un équipage de police ou de gendarmerie est envoyé sur place.

B.   Le délit d’habitude est rarement sanctionné

1.   Une sévérité saluée par les entreprises de transport

Le délit de fraude d’habitude a été créé par l’article 50 la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Codifié dans l’article L. 2242-6 du code des transports, ce délit puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende est caractérisé « dès lors que la personne concernée a fait l’objet, sur une période inférieure ou égale à douze mois, de plus de cinq contraventions pour avoir voyagé sans titre de transport (…), qui n’ont pas donné lieu à une transaction ».

Jusqu’en 2016, la fraude d’habitude était constituée lorsqu’un individu avait fait l’objet de dix contraventions non transactionnelles dans un délai de douze mois. C’est l’article 15 de la loi Savary qui a réduit ce chiffre à cinq. Cette modification induit une conséquence importante : le nombre de fraudes d’habitude enregistrées à la SNCF, évalué à 2 000 par an avant la loi Savary, a bondi à 14 225 pour l’ensemble de l’année 2017 qui est la première année d’application entière. Les responsables de la SNCF ont par ailleurs déclaré à la mission d’information vouloir, dans la mesure du possible, déposer plainte de manière systématique.

Juridiquement, ces cinq contraventions peuvent se cumuler sur plusieurs réseaux de transport en commun différents. Or, dans la pratique, chaque réseau disposant de son propre fichier de contrevenants, il n’est pas possible, en l’absence de fichier commun, de qualifier de « fraudeur d’habitude » les usagers qui fraudent auprès d’entreprises différentes.

Toutes les entreprises entendues sont favorables à la mise en place d’un fichier central recensant l’ensemble des passagers voyageant sans titre de transport, de manière à mieux cerner les fraudeurs d’habitude.

2.   Les parquets n’ont pas les moyens de traiter les dossiers

Selon les responsables du GART que la mission d’information a entendus, les parquets n’auraient pas les moyens de poursuivre les usagers convaincus du délit de fraude d’habitude. Selon ce groupement, « certains parquets (Marseille, par exemple) indiquent aux opérateurs qu’il est inutile de transmettre les nouveaux dossiers (très nombreux) car ils n’ont pas les moyens matériels de les traiter… ».

« À Lyon, sur la même question, et après échange avec le Procureur adjoint, le Parquet semble ne pas avoir d’orientation spécifique sur le sujet (pas de note, pas de sensibilisation particulière). Le Procureur aurait indiqué dans sa déclaration générale qu’il ne « ferait rien » sur le sujet car il n’avait pas les moyens de traitement et que la politique générale du Parquet est de se décharger des affaires les plus simples pour se concentrer sur les sujets prioritaires de sécurité... ».

Ce problème d’articulation entre autorités organisatrices de transport et parquet est capital : l’augmentation du nombre de procès-verbaux résultant de l’évolution quantitative du régime juridique du délit de fraude d’habitude, passé de 10 infractions à 5, ne semble pas absorbable par les parquets, rendant de facto les dispositions de la loi inopérantes.

3.   La RATP ne poursuit plus les fraudeurs d’habitude

Depuis que le délit de fraude d’habitude a été créé, en 2001, la RATP a déposé des milliers de dossiers devant la justice. Aux dires des responsables de l’entreprise, une seule personne aurait été condamnée en quinze ans.

Lassée de déployer en vain son énergie, la RATP a, contrairement à la SNCF, cessé de poursuivre les fraudeurs d’habitude. Elle n’a recommencé à les poursuivre – timidement – que depuis l’entrée en vigueur de la loi Savary, puisqu’une sévérité nouvelle était affichée.

En un an, cinq dossiers ont été déposés devant le parquet. Deux ont déjà fait l’objet d’un classement sans suite par la justice. Dans l’attente du sort réservé aux trois autres, la RATP a fait comprendre à la mission d’information que la poursuite des fraudeurs d’habitude ne constituerait plus une priorité.

C.   Les autres infractions

1.   La lutte contre les ventes à la sauvette

L’article 14 de la loi Savary a enrichi l’article L. 2241-1 du code des transports en permettant aux agents des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP de constater par procès-verbal « le délit prévu à l’article 446-1 du code pénal », à savoir la vente à la sauvette. Jusqu’en 2016, ce délit ne pouvait être constaté que par les forces de police ou de gendarmerie, pour lesquelles il ne constituait pas, de toute évidence, une priorité.

La nouvelle disposition a significativement renforcé l’efficacité de la lutte contre la vente à la sauvette : en 2017, les agents de la SNCF ont ainsi constaté 460 délits de vente à la sauvette pour lesquels un procès-verbal a été réalisé.

Toutefois, la portée de cette mesure est réduite par l’obligation faite aux transporteurs de conserver, jusqu’à la fin de la procédure, les objets saisis, à l’exception des denrées périssables dont la destruction ou la remise à des organisations caritatives soit autorisées.

Or, une fois l’opération réalisée, la responsabilité des biens saisis n’incombe plus aux services internes de sécurité de la RATP ou de la SNCF, mais à l’autorité judiciaire, chargée de leur conservation, restitution ou destruction en application des articles 41-1 et suivants du code de procédure pénale.

Devant l’accumulation des stocks de produits à conserver, la SNCF et la RATP ont réduit leurs actions contre les vendeurs à la sauvette et proposent que la législation les autorise à remettre les saisies aux forces de police ou de gendarmerie dans le but de les placer sous main de justice. Pour cela, une modification de l’article L. 2241-5 du code des transports serait nécessaire.

2.   La répression du signalement des contrôles

L’article 21 de la loi a considérablement renforcé les sanctions auxquelles s’exposent les personnes qui signalent la présence de contrôleurs ou d’agents de sécurité « par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support ». Cette disposition vise, en particulier, les alertes lancées par les réseaux sociaux.

La SNCF a mis en place, à Paris, une cellule exclusivement consacrée à traquer cette infraction avec, semble-t-il, quelques résultats. Plusieurs affaires ont été portées devant la justice et il semblerait que la publicité qui a été faite autour de ces cas sur les réseaux sociaux ait contribué à rendre les internautes prudents. Une baisse du phénomène serait constatée selon l’entreprise. Le groupement des autorités responsables de transports (GART) constate également la disparition de sites spécialisés dans le signalement des contrôleurs.

La RATP fait un constat similaire quant à la réduction constatée du nombre de signalements, ce qui constitue un véritable succès à porter au crédit de la loi Savary. La régie regrette toutefois que le seul dossier qu’elle ait transmis à la justice se soit soldé par un rappel à la loi.

Enfin, si des résultats encourageants semblent avoir été constatés à Paris, la mission d’information n’a pas obtenu d’élément sur l’ampleur du phénomène dans les réseaux de province avec des exploitants qui n’ont pas les moyens de surveiller les signalements de contrôles.

3.   La possibilité d’interdire l’accès aux trains dans certains cas

Le même article 21 comble une lacune étonnante : avant la promulgation de la loi Savary, les agents des services de sécurité interne de la SNCF et de la RATP avaient la possibilité de contraindre à descendre du train tout usager, même porteur d’un titre de transport valide, dont le comportement était susceptible soit de compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, soit de troubler l’ordre public. Mais aucune disposition ne leur permettait d’interdire à cette personne l’accès à bord des rames.

La nouvelle rédaction de l’article L. 2241-1-1 du code des transports, issue de l’article 21 de la loi Savary, met un terme à cette lacune en prévoyant explicitement les deux cas de figure : l’éviction et l’interdiction d’accès.

Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, la SNCF indique avoir procédé à 16 343 interdictions d’accéder à un train, soit 45 par jour, ce qui prouve l’utilité de cette mesure. Cette disposition concerne essentiellement des usagers en état d’ébriété ou ayant consommé des stupéfiants.

4.   La problématique de la sous-traitance

Certaines sociétés de transports, en particulier la RATP, confient des lignes de leur réseau à des sociétés sous-traitantes. Il s’agit le plus souvent de petites entreprises qui ne disposent pas d’équipe de contrôle. Certaines lignes de bus sont ainsi dépourvues de tout contrôle, ce qui finit par être connu d’un certain nombre de fraudeurs.

Les sociétés qui recourent à cette sous-traitance aimeraient, en accord avec les entreprises concernées, mener des actions de contrôles ponctuelles de manière à faire disparaître le sentiment d’impunité que peuvent éprouver certains contrevenants. Or, les articles L. 2251-1 et suivants du code des transports ne permettent pas ce genre de pratique.

La mission d’information ne verrait aucun inconvénient à ce que la loi soit modifiée de manière à ce que les entreprises liées par un accord de sous-traitance puissent organiser, à leur convenance, des missions de contrôle sur les emprises ou dans les véhicules de leur partenaire.

5.   L’interdiction de paraître en gare pour les délinquants

D’une manière générale, les transporteurs regrettent que la justice n’utilise pas tous les moyens mis à sa disposition pour lutter contre la petite délinquance, source d’insécurité et de sentiment d’insécurité.

Ainsi, lors de l’élaboration de la loi Savary, la chancellerie avait émis un avis défavorable à l’adoption d’une disposition permettant expressément aux magistrats d’interdire aux délinquants multirécidivistes de paraître dans les gares ou sur les lignes où ils commettent habituellement leurs méfaits au motif que l’article 131-6 du code pénal prévoit déjà une interdiction générale de paraître « dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l'infraction a été commise ». Il ne semblait donc pas nécessaire de prévoir une disposition spécifique pour les emprises ferroviaires.

Cette interdiction de paraître n’est toutefois que très rarement prononcée en matière de délinquance ferroviaire. Les transporteurs proposent donc à la garde des Sceaux de diffuser à l’ensemble des magistrats une directive pénale les incitant à utiliser cette possibilité qui pourrait être dissuasive si elle était davantage mise en œuvre.

II.   Le recouvrement des amendes reste perfectible

Une fois les contraventions délivrées, commence le travail de recouvrement rendu difficile par la difficulté à identifier les contrevenants et leurs adresses. Si la loi Savary a rendu obligatoire le port d’une pièce d’identité par les fraudeurs, la plateforme prévue pour fiabiliser les adresses des intéressés n’a pas encore commencé à fonctionner. Et lorsque les transporteurs ne parviennent pas à recouvrer les amendes dans le délai de deux mois, c’est alors le Trésor public qui prend le relais avec d’autres moyens.

A.   Le port d’un titre d’identité

La loi Savary a prévu une obligation juridique innovante dans la mesure où elle n’est applicable qu’aux personnes se reconnaissant comme fraudeurs ce qui, en droit, est assez peu fréquent.

1.   Une mesure difficile à mettre en application

L’article 11 de la loi fait obligation aux passagers de transports terrestres d’être « en mesure de justifier de leur identité lorsqu’ils ne disposent pas d’un titre de transport valable ».

Cette mesure novatrice a été saluée par l’ensemble des acteurs du transport, tant la nécessité de fiabiliser les identités et les adresses des fraudeurs est forte. Deux éléments viennent toutefois tempérer l’apport de cette disposition :

– sur le plan juridique, la loi n’a pas prévu de sanction pour les contrevenants qui ne respecteraient pas cette obligation, rendant toute poursuite hasardeuse ;

– sur le plan pratique, une personne déclarant n’avoir ni titre de transport ni document d’identité et qui déclarerait oralement une fausse adresse pourrait difficilement être sanctionnée. Il s’agit pourtant d’une pratique courante.

2.   Une liste de titres d’identité particulièrement large

En outre, l’arrêté du 4 septembre 2017 portant application de l’article L. 2241-10 du code des transports qui détaille la liste des neuf documents permettant de justifier de son identité est jugé trop large par les professionnels, d’autant qu’il prévoit que « lorsque la personne concernée ne peut présenter aucune des pièces mentionnées aux 1° à 9° du présent article, son identité peut être justifiée par la présentation de tout document comportant ses nom, prénom(s), date et lieu de naissance ainsi qu'une photographie. L’obtention de ces informations peut résulter de la combinaison de plusieurs documents comportant au moins les nom et prénom(s). Ce ou ces documents doivent avoir été délivrés par une administration publique française, par un établissement scolaire ou d'enseignement supérieur français ou un exploitant d'un service français de transport routier, ferroviaire ou guidé. »

Les contrôleurs regrettent une acception jugée trop large de la notion de titre d’identité qui peut permettre à certaines personnes de présenter des documents plus faciles à contrefaire qu’une carte d’identité ou un passeport.

Selon la RATP, le grand nombre de faux documents (fausses cartes de bibliothèque ou de piscine) ne permet pas de fiabiliser les adresses et la disposition n’a pas amélioré le taux de recouvrement.

Par ailleurs, tous les acteurs regrettent que l’obligation d’être porteur d’une pièce d’identité ne concerne que les passagers dépourvus de titre de transport et que cette obligation ne soit pas étendue à l’ensemble des infractions.

3.   Revoir les conditions générales d’utilisation des transporteurs ?

Certaines entreprises de transport regrettent que la loi n’oblige que les contrevenants à voyager munis d’un document d’identité et souhaiteraient que tous les usagers soient soumis à cette obligation.

Par analogie à ce qui se pratique dans le transport aérien où aucune loi n’oblige les voyageurs à être munis d’une pièce d’identité mais où cette obligation résulte des conditions générales d’utilisation (CGU) propres à chaque compagnie, vos rapporteurs encouragent les sociétés de transports en commun terrestres de prévoir dans leur règlement interne l’obligation pour les usagers d’être porteur d’un titre d’identité.

4.   Les déclarations intentionnelles de fausses identités

La loi Savary a également, dans son article 21, alourdi les peines encourues par les délinquants qui déclarent de manière intentionnelle une fausse adresse ou une fausse identité.

Ce délit, qui était jusqu’alors puni d’une simple amende, est désormais passible de deux mois d’emprisonnement. La SNCF, qui est confrontée à une recrudescence du phénomène, mène une action répressive rigoureuse sur ce point et déclare avoir déclenché 635 procédures pour ce délit au cours de l’année 2017.

Cet alourdissement des sanctions, qui est avant tout destiné à dissuader les contrevenants de dissimuler leur véritable identité, participe également de la lutte contre l’usurpation d’identité, sujet autrement plus grave et véritable fléau pour les personnes qui en sont victimes.

B.   la fiabilisation des identités et des adresses

L’une des principales difficultés à laquelle se heurtent les transporteurs pour recouvrer les amendes est la difficulté à fiabiliser les adresses des contrevenants. Dans environ 50 % des cas, les adresses sont erronées, périmées, voire carrément fantaisistes.

1.   Le dernier décret à ne pas avoir été publié

Dans le but de « fiabiliser les données relatives à l’identité et à l’adresse des contrevenants », l’article 18 de la loi prévoit la création d’une plateforme d’échange qui doit permettre de confronter l’adresse déclarée par le contrevenant lors de la verbalisation avec celle qu’il a déclarée pour créer un compte bancaire ou percevoir les allocations familiales et qui est, très probablement, plus à jour.

Toutefois, près de deux ans après la promulgation de la loi, le décret d’application de l’article 18, qui doit être signé par le ministre de l’économie et des finances, n’a toujours pas été publié.

Le ministère explique l’importance du retard par les difficultés à la fois techniques et juridiques qu’il y a à mettre en œuvre une telle structure. Sur le plan technique, il s’agit de mettre en place un système lourd et ambitieux qui pourra être interrogé de manière rapide et fiable, dans le respect de la vie privée et en garantissant l’absence de fuite ou de piratage. Sur le plan juridique, il convient de déterminer les fichiers susceptibles d’être interrogés ainsi que la nature juridique de l’entité servant d’interface entre les transporteurs et les autres administrations : le « concentrateur », comme l’appelle Bercy.

2.   L’émergence « naturelle » d’un concentrateur

Le ministère de l’économie et des finances a expliqué à la mission d’information que l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), l’organisation professionnelle regroupant les entreprises de transport public et les entreprises ferroviaires (fret et voyageurs) en France, s’était « autosaisie » sur la possibilité de jouer ce rôle de concentrateur et avait créé d’elle-même la plateforme VACS, solution jugée « pragmatique ».

Reconnaissant l’absence d’appel d’offres, Bercy indique que « l’écosystème des transporteurs a fait émerger cette solution », soulignant que la détermination d’un concentrateur était une « question très difficile », les candidats n’étant pas nombreux.

La question du monopole de fait dont jouira la VACS mérite d’être posée, ainsi que celle de la durée de son contrat et de son éventuel renouvellement. De même la mission d’information n’a pas obtenu le détail du montant et des modalités de la rémunération de la plateforme VACS, basée sur les contributions des transporteurs, et dont le ministère de l’économie et des finances assure qu’elle n’aura d’autre but que de financer son activité.

Il reste que le choix d’un opérateur privé pour assumer une mission de service public relativement sensible n’allait pas forcément de soi et que les services juridiques des trois ministères concernés (économie et finances, transports et intérieur) ont été longuement sollicités pour valider cette option. Il semblerait d’ailleurs que le service juridique du ministère de l’intérieur, qui n’aurait pas encore rendu son avis, n’ait pas contribué à accélérer la procédure.

Le projet de plateforme de fiabilisation des adresses VACS

« La personne morale unique, commune aux exploitants », prévue par l’article 18 de la loi du 22 mars 2016 et destinée à fiabiliser les adresses des contrevenants, a pris la forme juridique d’une société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), nommée VACS dont l’UTP est l’actionnaire unique. Cette société, qui sera le point d’accès unique et commun à tous les opérateurs de transport, a été créée en novembre 2016.

La recherche d’une efficacité maximale

Deux modalités de connexion seront proposées aux transporteurs :

- une communication directe sécurisée entre les serveurs des opérateurs de transport et la plateforme pour ceux qui ont des volumes importants à traiter ;

- un portail accessible via un navigateur sécurisé pour les opérateurs ayant de plus faibles volumes.

Parmi les bases de données consultées pour assurer la fiabilisation des adresses des contrevenants, sont prévues en priorité le Fichier des comptes bancaires et assimilés (FICOBA) sous la responsabilité de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) et le Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), sous la responsabilité de la Direction de la sécurité sociale.

Pour garantir un taux de retour maximum de la plateforme aux opérateurs de transport, d’autres bases de données administratives seront susceptibles d’être ajoutées à terme sous réserve des autorisations légales et des accords à définir avec les administrations concernées.

Des conventions signées entre les opérateurs et la plateforme

La SASU VACS a vocation à fournir le service d’intermédiation entre opérateurs de transports et administrations publiques, tout en assurant la confidentialité et la sécurité des données transmises afin de permettre à tous les opérateurs de transport d’accéder au service dans les conditions prévues par la loi et les textes réglementaires.

Six opérateurs « fondateurs », à savoir Keolis, la RATP, la RTM (transports en commun de Marseille), la SNCF, Tisseo (transports en commun de Toulouse) et Transdev se sont engagés, par convention, à recourir aux services de la société VACS sur la base d’un volume minimum souscrit avec des coûts prédéfinis et fixés jusqu’au 31 décembre 2020. Ces opérateurs fondateurs sécurisent ainsi les investissements initiaux nécessaires à la création et au fonctionnement de la plateforme. Ces conventions fixent les modalités de dépôt des demandes de renseignements et de réponses des administrations, les volumes de demandes souscrits jusqu’en 2020 et les conditions tarifaires appliquées.

Des conventions seront proposées à tous les autres opérateurs « non fondateurs » qui souhaiteront accéder au service. De la même manière, elles définiront les modalités d’échanges sécurisés d’information, les volumes de données à traiter et les conditions tarifaires appliquées.

La mise en œuvre technique de la plateforme

Un appel d’offres a permis de sélectionner la société Docapost, société de la branche numérique du groupe La Poste, comme prestataire en charge du développement et de l’hébergement de la future plateforme informatique. Les travaux de réalisation ont commencé en décembre 2016. Techniquement, la plateforme VACS semble prête à fonctionner. Selon les informations les plus récentes, elle serait en capacité d’échanger les données avec les transporteurs et de traiter les fichiers au format FICOBA. La mise en production de la plateforme, prévue à l’origine par l’UTP pour l’été 2017, reste tributaire de la publication du décret d’application par le ministre de l’économie et pourrait ne pas débuter avant la fin du premier semestre 2018.

Au cours du premier semestre 2017, l’UTP annonçait que le coût moyen d’utilisation de la plateforme devrait être, par vérification d’adresse, du même ordre que le prix d’un timbre-poste, soit 0,85 euro. Il reste à savoir si, sur le long terme et compte tenu des retards accumulés, ce prix attractif pourra être maintenu.

3.   Le contrôle de la CNIL

Les représentants de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) que la mission d’information a entendus ont souligné le fait que leur organisme, qui rend un avis consultatif non contraignant, n’avait aucune opposition de principe à la mise en place du croisement des fichiers tel que prévu par l’article 18 de la loi Savary. Le rôle de la commission se limite à apprécier le caractère suffisamment précis du décret ainsi que les garanties qu’il apporte sur la protection des données personnelles.

Saisie par le gouvernement à l’automne 2016, la CNIL n’a pu, compte tenu du grand nombre de demandes d’avis dont elle est saisie, délibérer que le 23 février 2017. La mission d’information qui regrette que, onze mois après l’avis de la CNIL et vingt-deux mois après la promulgation de la loi Savary, le décret ne soit toujours pas publié, constate que le travail de la CNIL ne peut être tenu pour seul responsable de ce retard.

Le projet de décret soumis à la CNIL comportait quatre articles. Outre les articles 3 et 4 relatifs à son entrée en vigueur, il comprenait un article premier établissant la plateforme VACS et un article 2 très bref qui se bornait à répéter les dispositions l’article 18 de la loi selon lesquelles les échanges d’informations seront strictement limités aux « nom, prénoms, date et lieu de naissance des contrevenants, ainsi qu’à l’adresse de leur domicile ».

Dès lors, il n’est pas étonnant que la CNIL, dans son avis du 23 février 2017, rende un avis assez critique et regrette le manque de précision du projet de décret qui ne mentionnait, par exemple, ni les administrations concernées, ni les fichiers susceptibles d’être consultés. Il n’apportait aucune précision sur les modalités de l’échange et ne garantissait pas que la transmission des données soit limitée au strict nécessaire.

Informés par la mission d’information que les responsables de la DGFiP avaient pris l’engagement de lister les fichiers concernés dans la version définitive du décret (Fichier des comptes bancaires et assimilés et Répertoire national commun de la protection sociale), les représentants de la CNIL ont considéré que cette précision, si elle apparaissait dans le décret final, contribuerait à lever les doutes émis dans l’avis du 23 février 2017.

De la même manière, la CNIL ne verrait aucun inconvénient de principe à ce que la liste des fichiers consultables soit élargie si nécessaire, à condition que soient apportées les garanties classiques en matière de confidentialité et de droit à la correction de l’information.

4.   L’utilisation de fichiers privés par les transporteurs

Les fichiers publics ne sont pas les seuls à pouvoir être utilisés par les transporteurs pour fiabiliser les adresses des contrevenants. Des fichiers constitués par des entreprises privées peuvent aussi l’être. Et si, dans le premier cas, une disposition législative et un décret sont nécessaires, seule une autorisation de la CNIL est requise pour qu’un transporteur puisse utiliser le fichier d’une société « partenaire ».

La SNCF l’a bien compris. Dans un premier temps, elle a envisagé d’utiliser le fichier de ses clients pour le confronter avec celui de ses fraudeurs. Mais la CNIL, consultée officieusement, a fait part de ses réserves, considérant que les personnes inscrites dans le fichier clients de la SNCF souhaitaient obtenir des avantages tarifaires (cartes de fidélité, abonnements, etc.) mais n’avaient pas donné leur autorisation pour un usage autre du fichier. En conséquence, la SNCF ne semble pas avoir demandé à la CNIL l’autorisation de confronter les deux fichiers.

En revanche, la CNIL, saisie par la même société, a autorisé, par sa délibération n° 2016-177 du 9 juin 2016, la SNCF à utiliser les fichiers de sociétés qui font commerce de données personnelles dans le cadre d’actions « ayant pour finalité la gestion des infractions à la police des chemins de fer ».

En effet, la commission a considéré que les clients, en cochant la case qui permet au vendeur de faire bénéficier ses « partenaires commerciaux » des données de ses fichiers, donnent leur consentement à une telle opération. Dès lors, rien ne s’oppose à ce que le transporteur ferroviaire national fiabilise les coordonnées de ses fraudeurs grâce aux fichiers de géants de la distribution par internet ou de sociétés spécialisées.

Même si elle reste discrète sur ses partenariats, la SNCF a reconnu travailler, comme d’autres, en coopération avec la société Cartégie spécialisée dans la fourniture de données personnelles à grande échelle.

Cartégie, un leader européen de la commercialisation des données personnelles

Avec des bureaux à Bruges, Paris et Strasbourg, le groupe Cartégie, créé en 1988, emploie 50 personnes. L’objet de la société, c’est de collecter les données personnelles dans le but de les rétrocéder à des sociétés partenaires.

Les fichiers de Cartégie s’enrichissent continuellement grâce à des accords passés avec l’INSEE, La Poste, Orange (pour des fichiers de professionnels et de particuliers), le Journal officiel (pour les annonces de création de nouvelles entreprises), diverses administrations (pour les permis de construire), l’IGN (pour ses cartes), Cdiscount et Concoursmania (pour les fichiers clients)… et beaucoup d’autres. Il s’agit de données personnelles communiquées avec l’accord que leurs propriétaires ont donné lors d’un achat en magasin, d’une inscription, d’un déménagement ou d’une commande en ligne.

Dans les fichiers de Cartégie se trouvent ainsi 30 millions de profils de particuliers, une dizaine de millions d’entreprises, 20 millions d’adresses mail… « Une offre sans équivalent sur le marché », soulignent les responsables.

Ces données sont mises, moyennant finances, à la disposition de sociétés publiques ou privées qui veulent réaliser des opérations commerciales. Elles peuvent, à l’occasion, servir à fiabiliser les adresses des usagers indélicats des transports publics.

Les partenariats noués par les transporteurs avec le secteur privé ne permettent toutefois de compenser que très partiellement le retard de la mise en œuvre de la plateforme d’échanges publique. Se pose également la question de la différence de coût entre ces partenariats privés et ceux de la future plateforme publique. Sur ce point, la mission d’information n’a pas obtenu d’informations.

C.   le recouvrement des amendes par le Trésor

Les articles L. 529-3 et suivants du code de procédure pénale prévoient que le contrevenant dispose de deux mois pour s’acquitter de l’amende au profit du transporteur. À défaut de paiement dans ce délai, le procès-verbal d’infraction est adressé par l’exploitant au ministère public et « le contrevenant devient redevable de plein droit d’une amende forfaitaire majorée recouvrée par le Trésor public ». La question de la pertinence de ce délai de deux mois et de la collaboration entre les transporteurs et le ministère de l’économie et des finances est posée.

1.   Le délai de dessaisissement de deux mois est-il trop court ?

Lors de la discussion de la proposition de loi Savary, il avait été un moment envisagé de porter à trois ou quatre mois l’actuel délai de deux mois dont disposent les transporteurs pour recouvrer les amendes. Ces derniers regrettent que cette modification n’ait pas été retenue, pour au moins trois raisons :

– le croisement des données destiné à fiabiliser les adresses des contrevenants va multiplier les échanges et allongera inévitablement les délais ;

– de nombreux contrevenants, en difficulté financière, demandent des échéanciers de paiement des contraventions qui dépassent généralement les deux mois. Un flou juridique existe sur les échéances payées au-delà de ce délai et sur la légalité, pour la SNCF ou la RATP d’encaisser le produit des amendes « hors délai », au détriment du Trésor public ;

– lorsque l’amende transactionnelle de 35 euros ou 50 euros pour défaut de titre de transport est transmise au Trésor public, elle se transforme en « amende forfaitaire majorée » d’un montant de 375 euros (180 euros dans certains cas), bien plus difficile à recouvrer.

À cela, on pourrait ajouter le fait que le préjudice ayant été causé au transporteur, il est assez peu logique que le produit des amendes soit versé au profit du Trésor public.

De son côté, le ministère de l’économie et des finances considère ce délai comme largement suffisant dans la mesure où les transporteurs le dépassent déjà – et parfois largement  avant de transférer les dossiers au Trésor public. Le ministère considère, en outre, que plus le temps écoulé depuis l’infraction est important, plus l’action de recouvrement perd en efficacité.

Par ailleurs, le temps qui sera nécessaire à l’interrogation de la plateforme d’échange de données, quand elle sera opérationnelle, ne devrait pas excéder deux jours ouvrés, ce qui ne modifiera pas fondamentalement le délai de deux mois. Pour toutes ces raisons, le ministère des finances n’est pas favorable à une modification du délai de deux mois.

2.   La constitution d’équipes conjointes entre la SNCF et le Trésor public

Plutôt que de considérer les transporteurs et le ministère de l’économie et des finances comme des concurrents en matière de recouvrement, certains ont préféré privilégier la coopération.

Ainsi, depuis plusieurs mois, une équipe mixte composée de fonctionnaires de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et d’agents de la SNCF (d’abord 4, puis 9) a été constituée dans le but de mieux recouvrer les amendes forfaitaires majorées. Les agents de la SNCF apportent leur connaissance des fraudeurs tandis que les agents du ministère apportent les leviers d’action auxquels n’a pas accès le transporteur.

Ainsi, le but est avant tout dissuasif, un double objectif étant recherché :

– d’une part, cibler les contrevenants qui débutent dans la fraude pour les dissuader en faisant œuvre de pédagogie, de poursuivre l’exercice ;

– d’autre part, cibler les 15 % de personnes qui récidivent pour leur montrer la détermination de la part des pouvoirs publics et les convaincre de payer, de préférence, la transaction proposée dans le délai de deux mois.

Paradoxalement, les cas les plus lourds des multirécidivistes, souvent insolvables et dans des situations administratives parfois inextricables ne sont pas les premières cibles du recouvrement.

Les leviers de recouvrement peuvent porter sur les revenus, par le biais de saisies auprès de l’employeur, mais aussi sur le patrimoine, pour les personnes qui en ont un.

Depuis que cette collaboration existe entre les deux entités, le taux de recouvrement des amendes forfaitaires majorées est passé de 5 % à 35 %. Pour autant, les huit agents mis à disposition du ministère de l’économie et des finances par la SNCF ne font l’objet d’aucune compensation malgré les demandes du transporteur. Ils permettent le recouvrement d’amendes qui, en outre, vont alimenter les caisses de l’État et non celles de leur entreprise.

La Direction du Budget, considère pour sa part que cette prise en charge est, de manière générale, incluse dans les subventions publiques versées à la SNCF. Par ailleurs, Bercy souligne que cette collaboration est déjà très bénéfique au transporteur puisqu’elle a fait chuter le taux de récidive en matière de fraude à seulement 15 %.

Des discussions vont être entreprises pour intégrer la RATP qui, pour l’instant, ne participe pas à ce processus.

3.   L’absence de solidarité entre les parents et leurs enfants mineurs

La loi n° 51-687 du 24 mai 1951 portant modification de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante a désolidarisé les parents de leurs enfants mineurs. Ainsi, depuis cette date, ni les opérateurs de transport ni le Trésor public ne peuvent se retourner vers les parents pour obtenir le paiement de la contravention infligée à leur enfant mineur. Et comme les enfants sont, la plupart du temps, insolvables il n’existe aucun moyen de recouvrer une amende qui leur a été infligée.

Cette disposition est peu connue du grand public, ce qui explique que nombre de parents se substituent à leurs enfants pour payer. Mais pour ceux qui connaissent cette information qu’internet contribue à diffuser, un sentiment d’impunité commence à naître.

Transporteurs et Trésor public demandent l’abrogation de cette disposition pour revenir au principe de solidarité familiale qui existait avant 1951. La mission d’information se joint à eux pour dénoncer le caractère inopportun de cette disposition qui envoie un mauvais signal à des adolescents en quête de repères.

Par ailleurs, plusieurs acteurs entendus par la mission d’information ont regretté que les allocations familiales ne puissent faire, contrairement à ce qui se pratique en Allemagne, l’objet d’une saisie destinée à payer les amendes que les mineurs se voient infliger en matière de fraude dans les transports publics.

4.   Vers un fichier global des fraudeurs ?

Comme la plupart des interlocuteurs que la mission d’information a rencontrés, le ministère de l’économie et des finances s’est déclaré favorable à la mise en place d’un fichier global de l’ensemble des fraudes dans les transports, toutes entreprises confondues.

L’objectif du ministère est d’avoir une vision globale de la fraude. Le recouvrement de toutes les amendes d’une personne par un même comptable permettra bientôt de connaître non seulement les contraventions relatives à la police des transports mais aussi celles infligées, par exemple, pour un stationnement interdit. La DGFiP espère ainsi gagner en efficacité en matière de recouvrement.

Les représentants de la CNIL entendus par la mission d’information ont déclaré n’être aucunement opposés à la création d’un tel fichier sous réserve que le système soit parfaitement sécurisé, à l’abri de toute utilisation abusive ou détournée et que les personnes y figurant bénéficient des droits habituels en la matière : accès à l’information, possibilité de rectifier les erreurs matérielles et de présenter des observations, possibilité d’effacement des données en cas de régularisation de la situation, etc.

Au-delà, la plupart des transporteurs et autorités auditionnées se sont déclarés favorables à ce que la délivrance de certaines autorisations administratives (visas, futur Etias ([3]) européen…) soit soumise à l’apurement par les demandeurs des dettes liées à la fraude dans les transports. Les transporteurs suggèrent même de conditionner, comme cela se fait dans d’autres pays, le versement des aides et prestations sociales à l’apurement des dettes liées à la fraude dans les transports.

 


—  1  —

TITRE III
Dispositions relatives à la lutte contre
les violences faites aux femmes dans les transports

Les violences faites aux femmes dans les transports en commun, qu’il s’agisse d’agressions sexuelles ou de harcèlement à caractère sexiste (regards insistants, présence envahissante, questions intrusives, sifflements, commentaires à voix haute, menaces, insultes…), sont une réalité pour des millions d’usagères, à bord des trains, des métros et des bus comme à l’intérieur et aux abords des arrêts et gares. Même si, comme l’a rappelé l’un des représentants de la RATP auditionnés par vos rapporteurs, ce phénomène a toujours existé dans les transports, son ampleur a longtemps été insuffisamment appréhendée, par manque de données statistiques précises. Le manque de connaissance des caractéristiques de ces actes, le manque de données quantitatives, ainsi que le faible nombre de plaintes et de signalements par les victimes, expliquent qu’une tolérance sociale s’est appliquée, et s’applique encore largement, à ces comportements problématiques, en particulier pour les faits n’entrant pas clairement dans une définition juridique de nature pénale.

Dans son avis du 16 avril 2015 sur « le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun », le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes établissait le diagnostic suivant : dans les transports, ces comportements constituent un phénomène « massif, violent et [ayant des] impacts négatifs importants, en particulier pour les victimes et les témoins. »

La prise de conscience individuelle et collective de ces comportements s’est nettement développée depuis quelques années, ce qui a motivé l’introduction, dans la loi du 22 mars 2016, d’obligations nouvelles pour les opérateurs de transports. Toutefois, les auditions réalisées par vos rapporteurs font apparaître ces dispositions comme peu opérantes.

Les nouvelles dispositions législatives, annoncées pour le printemps 2018, donneront la possibilité d’améliorer le régime juridique existant – notamment parce que le harcèlement de rue, qu’il est prévu de définir et de sanctionner, précède ou suit souvent le harcèlement dans les transports -, et les démarches et initiatives qui se développent, qui ne nécessitent pas forcément une modification du droit en vigueur, doivent être encouragées.

I.   les dispositions de l’article 22 de la loi du 22 mars 2016

L’article 22 de la loi a été introduit au cours de la discussion parlementaire, par l’adoption d’amendements de Mme Marie Le Vern, députée, qui avaient pour objet de compléter deux articles existants du code des transports afin d’y inscrire un objectif de lutte contre le harcèlement et les violences à caractère sexiste. Cet article, qui avait été supprimé par le Sénat, a été réintroduit par la commission mixte paritaire.

L’article L. 1632-1 du code des transports dispose que les autorités organisatrices de transport (AOT) ont l’obligation de concourir aux actions de prévention de la délinquance et aux actions de sécurisation des personnels et des usagers dans les transports collectifs de personnes ; l’article 22 de la loi a complété cet article par l’obligation d’établir un « bilan annuel » sur les « atteintes à caractère sexiste », ce bilan devant énoncer les actions entreprises pour prévenir et recenser ces atteintes. Il est prévu que ce bilan annuel soit transmis au Défenseur des droits, à l’Observatoire national des violences faites aux femmes ([4]) et au Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ([5]).

L’article L. 2251-1 du code des transports (également modifié par l’article 3 de la loi du 22 mars 2016) définit les missions des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, ainsi que les principes de leur formation initiale et continue. L’article 22 de la loi l’a complété en imposant que la prévention des violences et des atteintes à caractère sexiste dans les transports publics soit « un axe prioritaire de leur action ».

II.   L’application de ces dispositions

1.   L’intégration de cette lutte dans les programmes de formation

Les dispositions réglementaires d’application de l’article L. 2251-1 en ce qui concerne la formation initiale et continue des agents (arrêté du 28 septembre 2016) prévoient effectivement que l’un des modules de la formation initiale, consacré à la « doctrine d’emploi », ainsi que l’un des modules de la formation continue, intègrent dans leurs objectifs pédagogiques la connaissance et l’application des dispositions de cet article, ainsi que la compréhension et l’application des dispositions pour lutter contre les violences et les atteintes à caractère sexiste.

On peut noter que l’amélioration de la formation et de la sensibilisation des personnels des sociétés de transport figurait dans les engagements pris dans le volet « Sécurité des femmes dans les transports en commun » du Plan national de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles lancé en juillet 2015.

Cependant, les représentants de la FNAUT auditionnés par vos rapporteurs, ont fait part de l’insatisfaction des usagers sur la formation des personnels des opérateurs de transport sur ce sujet ; ils considèrent que cette formation doit impérativement être renforcée, notamment pour assurer un meilleur accueil des victimes par les personnels.

Il convient de noter que l’article L. 2251-1 vise exclusivement les agents des services internes de sécurité (et donc pas les autres personnels), et n’est applicable qu’à la SNCF et la RATP. Une étude publiée en juillet 2017 par la FNAUT demandait notamment que la formation des agents dans la lutte contre le harcèlement sexiste ne soit pas limitée aux seuls agents de sûreté, mais étendue aux autres personnels ([6]).

Vos Rapporteurs jugent indispensable :

– d’une part, que ce type de formation soit étendue à tous les personnels de la SNCF et de la RATP (en particulier à ceux de leurs agents qui sont en contact direct avec la clientèle, et qui sont donc susceptibles d’être directement sollicités par les victimes dans les gares comme dans les rames et bus),

– d’autre part, qu’elle soit rendue également obligatoire pour les personnels des autres opérateurs de transport, en Ile-de-France comme dans l’ensemble des autres régions.

– enfin, s’agissant du contenu de ces modules de formation, que ces modules portent, au-delà des connaissances juridiques, une attention particulière à la dimension humaine et psychologique, pour que l’accueil fait aux victimes soit bienveillant et efficace.

Ces trois actions doivent être mises en œuvre dans un délai raisonnable, qui ne devra pas excéder un an.

2.   Les recensements annuels, restés « lettre morte »

La modification de l’article L.1632-1 n’appelait pas de dispositions réglementaires d’application. Pour autant, cette obligation d’établissement et de transmission de bilans annuels par les AOT semble être restée « lettre morte ». Le fait qu’elle nécessite un travail annuel de recensement de faits et d’actions par plusieurs centaines d’AOT, et que la loi ne donne à aucune instance l’obligation d’en tirer ensuite une synthèse ou une compilation, a été souligné par plusieurs personnes auditionnées. Les représentants de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) ont, en outre, relevé que la loi ne prévoit pas la transmission de ces bilans aux ministères de l’Intérieur ou des Transports, ce qui exclut donc la possibilité pour le Gouvernement d’établir sur cette base des statistiques nationales.

Vos Rapporteurs considèrent que cette transmission doit devenir obligatoire, et que la responsabilité d’établir une synthèse annuelle à partir des bilans des AOT et de publier cette synthèse doit être clairement conférée à l’État.

Le sujet des atteintes sexistes et des actions menées ou à mener contre celles-ci est absent des publications du Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART), l’organisation qui représente les AOT. Les données relatives aux agressions sur les personnels et sur les voyageurs publiées dans le dernier rapport annuel de l’UTP sur les questions de sûreté ([7]) comportent une répartition statistique par sexe s’agissant des salariés, mais pas pour les agressions de voyageurs, et ne distinguent pas, au sein de la catégorie des « incidents », les faits pouvant relever du harcèlement sexiste. Les représentants de la RATP auditionnés ont indiqué que les statistiques de la RATP distinguent depuis 2015 les violences selon le sexe des victimes.

Vos Rapporteurs souhaitent que soit intégrée dans les bilans annuels de formation une présentation des actions menées en la matière, et qu’une évaluation en soit périodiquement faite.

III.   Quels moyens de prévention et de lutte ?

En décembre 2017, une étude de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) sur les atteintes sexuelles dans les transports en commun a fourni une « estimation basse » du nombre de victimes d’atteintes sexuelles dans les transports en commun : au moins 267 000 personnes âgées de plus de 18 ans sur une période de deux ans, dont 85 % de femmes ; 80 % des victimes déclarent avoir subi plusieurs actes. Plus d’une femme victime sur deux est francilienne.

L’application seulement partielle de l’article 22 de la loi du 22 mars 2016 ne signifie en aucune façon que la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports publics est inexistante ou dépourvue de moyens : les pouvoirs publics et les acteurs du secteur travaillent activement pour faire progresser cette démarche, en particulier depuis le Plan national précité de 2015, auquel a succédé un plan national de lutte contre les violences sexistes présenté en juillet 2016, qui comporte également un ensemble de mesures ciblées sur les violences exercées dans l’espace public, y compris dans les transports en commun.

Lors des auditions, plusieurs démarches ou solutions ont été présentées à vos rapporteurs, qu’il s’agisse de la poursuite du déploiement de caméras à l’intérieur des trains, métros et autres matériels roulants, de l’importance du maintien d’une présence visible d’agents dans les gares, des expérimentations d’arrêt « à la demande » (ou « entre deux arrêts ») sur certaines lignes de bus en soirée, du numéro téléphonique d’alerte et du numéro d’alerte par SMS désormais communs à la SNCF et à la RATP, ou des « marches exploratoires ».

Inventées au Canada dans les années 1990, ces marches exploratoires sont des diagnostics de l’environnement urbain réalisés par ses habitantes. Elles sont organisées par, ou en lien étroit avec, les instances locales : municipalités, préfectures, représentants des forces de l’ordre, associations, bailleurs sociaux… Qu’elles se déroulent dans le périmètre d’un quartier ou dans celui, plus limité, d’une gare, leur objectif est de signaler les situations non sécurisantes que les femmes y rencontrent : comme le rappelle l’étude précitée de la FNAUT, les infrastructures du réseau de transports en commun (halls de gare, quais, couloirs d’accès souterrains…) et les zones aux alentours de ces infrastructures arrivent en tête de la liste des espaces où les femmes connaissent des situations de harcèlement. Les marches exploratoires peuvent également comporter un objectif plus global d’amélioration du cadre de vie (espaces verts, propreté…).

Interrogé par Mme Aude Luquet lors de son audition par la commission du développement durable le 6 décembre 2017, le commissaire général à l’égalité des territoires, M. Jean-Benoît Albertini, a souligné l’intérêt et l’utilité très opérationnelle de ces « marches ». Les acteurs auditionnés par vos rapporteurs, qu’il s’agisse de la SNCF, de l’UTP ou de la FNAUT, ont tous salué ces initiatives et insisté sur leurs résultats concrets (éclairage, revêtements de sols, signalétique…).

Selon le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), entre juillet 2015 et janvier 2017, 120 municipalités ont organisé ou prévu de mener, avec la SNCF, de telles marches. Lors de son audition, le secrétaire général du groupe SNCF a précisé que les recommandations issues de ces marches font ensuite l’objet d’un suivi.

L’autre démarche concrète évoquée par plusieurs acteurs devant vos rapporteurs est le dispositif d’arrêt à la demande sur les lignes de bus en soirée, qui permet à des passagères de descendre du bus entre deux arrêts pour réduire la distance qu’elles doivent ensuite parcourir à pied jusqu’à leur domicile. Ce dispositif, également créé au Canada, a été expérimenté dans plusieurs villes et agglomérations françaises (notamment à Nantes depuis novembre 2015, ainsi qu’à Rennes, à Lyon, depuis novembre 2017 à Bordeaux, et depuis le 1er décembre 2017 à Brest). Il convient de noter que la FNAUT s’est interrogée, devant vos rapporteurs, sur la nécessité d’opérer une modification législative dans le code des transports pour sécuriser juridiquement les opérateurs de transport qui voudraient avoir recours à ce dispositif.


—  1  —

   prÉsentation des textes rÉglementaires pris en application de la loi Savary

 

1.   Décret n° 2016-903 du 1er juillet 2016 relatif à l’accès aux véhicules de transport ferroviaire des agents des douanes dans l’exercice de leurs missions de recherche de la fraude prévues par le code des douanes

Ce décret, pris pour l’application de l’article 21 de la loi du 22 mars 2016, définit les modalités d’accès des agents des douanes aux trains en circulation sur le territoire français pour l’exercice de leur mission de recherche de la fraude douanière : une liberté d’accès à ces trains est offerte à ces agents, qu’ils soient en tenue d’uniforme ou en tenue civile.

Dans les deux cas, les agents des douanes sont tenus de justifier de leurs fonctions aux agents assermentés compétents en matière de police des transports, lorsque ceux-ci le leur demandent ; les agents des douanes intervenant en tenue civile doivent, en outre, être en mesure de justifier de leurs fonctions en présentant une « attestation de fonctions », établie pour une durée maximale d’un an. Les conditions de délivrance de cette attestation ont été définies par un arrêté du 1er juillet 2016.

2.   Décret n° 2016-1281 du 28 septembre 2016 modifiant le décret n° 2007‑1322 du 7 septembre 2007 relatif à l’exercice des missions des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP et pris pour l’application des articles 11-1 et 11-3 de la loi n° 82-629 du 12 juillet 1983

Ce décret, pris pour l’application des articles L. 2251-3 et L. 2251-9 du code des transports, (tels que modifiés par les articles 1er et 4 de la loi du 22 mars 2016), concerne principalement quatre prérogatives des agents de la Suge et du GPSR : il étend la dispense du port de la tenue ; il encadre la possibilité de port d’arme en dispense de tenue, ainsi que la possibilité de réaliser des palpations de sécurité ; enfin, il comporte des dispositions sur la constatation des infractions.

I. La définition des missions sur la voie publique et la procédure à suivre (décret du 7 septembre 2007)

Avant le 1er octobre 2016, le décret en vigueur disposait déjà que les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP « peuvent assurer sur la voie publique les missions définies aux articles L. 2251-1 à L. 2251-1-2 du code des transports lorsque leur présence sur la voie publique est indispensable à la bonne exécution de la mission et dans les conditions prévues » par les autres dispositions du décret.

Les missions ainsi visées constituent une « mission de prévention » : veiller à la sécurité des personnes et des biens, protéger les agents de l'entreprise et son patrimoine et veiller au bon fonctionnement du service. Les agents de la Suge ont l’obligation de remplir cette mission au profit de SNCF Réseau, de SNCF Mobilités et de toutes les autres entreprises ferroviaires utilisatrices du réseau ferré national, ainsi que de leurs personnels, sans discrimination. Pour la SNCF comme pour la RATP, les emprises foncières dans lesquelles les agents ont cette compétence sont définies par la loi.

Les agents des services concernés ne peuvent assurer ces missions que s’ils reçoivent d’un responsable de leur service un ordre de mission indiquant la date, la durée, le lieu et l’objet de chaque mission ; ces informations sont transmises par écrit avant le début de la mission aux services de police et de gendarmerie territorialement compétents ; chaque mission fait l’objet d’un compte rendu (SNCF ou RATP). Les ordres de mission et les comptes rendus de mission (avec ou sans dispense du port de la tenue) sont conservés par l’entreprise pendant deux ans.

Le décret du 28 septembre 2016 n’a pas modifié ces dispositions.

II. Les dispositions du décret de 2016 modifiant le décret de 2007

1/ La constatation d’infractions par les agents des services internes de sécurité :

Avant le décret du 28 septembre 2016, il était interdit à ces agents de constater des infractions à la police des transports « depuis la voie publique ». Le décret de 2016 a introduit à cette interdiction une exception : ces agents peuvent constater des infractions depuis les « emplacements correspondant aux arrêts et stations desservies par les véhicules de transport de voyageurs ».

2/ Les missions avec dispense du port de la tenue :

a) Les conditions

Dans sa version antérieure, le décret de 2007 dressait une liste des cas de figure dans lesquels les agents pouvaient être dispensés du port de la tenue (par exemple pour des missions de surveillance de rassemblements de personnes à l’occasion de manifestations dans les emprises immobilières de la SNCF). Le décret du 28 septembre 2016 supprime la liste limitative, et la remplace par un dispositif général permettant la dispense de tenue aux conditions suivantes : les agents peuvent exercer leurs missions sans port de la tenue si plusieurs conditions sont remplies :

1° Les agents doivent avoir suivi une formation correspondante, conforme à un cahier des charges défini par arrêté. Cet arrêté a été pris le 28 septembre 2016 (et modifié par un second arrêté le 16 décembre 2016). Il prévoit une « formation en dispense de tenue » d’une durée minimale de 25h30, dont 9 heures d’exercices de simulation en milieu confiné et/ou à forte densité de voyageurs.

2° Pour que ces agents en mission dispensés de tenue puissent porter une arme (ce qui était totalement interdit par le décret de 2007), ils doivent avoir au moins cinq ans d’expérience au sein du service interne de sécurité (ou bien un an d’expérience dans ce service mais aussi cinq ans d’expérience, antérieurement, comme officier ou agent de police judiciaire) ;

3° Il doit s’agir de missions avec port d’arme ou sans arme, les agents ne peuvent intervenir en étant dispensés de tenue que s’ils ont été préalablement agréés, sur demande de l’entreprise, par l’autorité administrative. La demande d’agrément transmise par l’entreprise comprend l’identité de l’agent, sa nationalité, son domicile, le justificatif de suivi de la formation, et, lorsqu’il est souhaité que l’agent puisse porter une arme, un justificatif de la condition d’ancienneté.

L’autorité administrative compétente pour délivrer cet agrément est soit le préfet de police de Paris (pour les agents de la RATP, pour les agents des directions de zones de sûreté de la SNCF lorsque le siège de la direction est à Paris, et pour les agents de la SNCF qui ne sont pas rattachés à une direction de zone de sûreté), le préfet de police des Bouches-du-Rhône pour les agents SNCF de la direction de zone de sûreté dont le siège est dans ce département, et le préfet de département pour les agents des autres directions de zones de sûreté de la SNCF.

4° Une fois la formation suivie et l’agrément obtenu, un agent doit, avant d’exercer une mission en dispense de tenue, y être habilité par un responsable du service au moyen d’un ordre de mission.

Avant le décret du 28 septembre 2016, cet ordre de mission devait indiquer « la date, la durée, le lieu et l’objet de la mission ». Désormais, cet ordre de mission est d’une durée limitée à 144 heures consécutives, et doit indiquer « les dates, les horaires, les lieux et l’objet de la mission », celle-ci étant renouvelable dans les mêmes conditions. Chaque ordre de mission et les identités des agents doivent être transmis par l’entreprise, au moins sept jours avant le début de la mission (sauf en cas d’urgence), au Service national de la police ferroviaire (ou, en Ile-de-France, à la préfecture de police).

Il s’agit là d’une simple information des services régaliens, alors que dans le régime antérieur était requis un accord préalable du préfet. En revanche, comme auparavant, le préfet de police ou le préfet concerné peut s’opposer à tout moment à l’exercice de la mission.

b) L’intervention et la constatation d’infractions par des agents ne portant pas la tenue

Les dispositions antérieures au décret du 28 septembre 2016 interdisaient complètement aux agents exerçant leurs fonctions sans porter la tenue de constater des infractions aux règles de police des transports. Désormais ces agents peuvent procéder à des interventions, à condition de « revêtir un signe distinctif de leur appartenance au service interne de sécurité ». De manière générale, dès qu’ils procèdent à une intervention, ils doivent revêtir ce signe distinctif, et présenter, si une personne le leur demande, leur carte professionnelle.

III. Les nouvelles dispositions introduites par le décret de 2016 : les palpations de sécurité

L’article L. 2251-9 du code des transports, créé par l’article premier de la loi du 22 mars 2016, a autorisé les agents de la Suge et du GPSR à appliquer l’article L. 613-2 du code de la sécurité intérieure, c’est-à-dire à pratiquer, d’une part, l’inspection visuelle des bagages et, si le propriétaire y consent, leur fouille, et d’autre part, dans des circonstances particulières (constatées par arrêté), des palpations de sécurité (également avec le consentement de la personne).

L’arrêté qui constate l’existence de circonstances particulières justifiant le recours à ces palpations, pris par le préfet de police ou par le préfet du département, délimite les lieux dans lesquels elles peuvent être réalisées, et est à durée limitée.

Le décret du 28 septembre 2016 complète, en conséquence, le décret de 2007 par quatre articles relatifs aux conditions dans lesquelles ces palpations peuvent être effectuées :

– pour pouvoir y procéder, un agent doit avoir été habilité par la SNCF ou par la RATP, puis agréé (par le préfet de police pour la RATP, par le préfet de département pour la SNCF) ; l’agrément devient caduc lorsque l’agent quitte la Suge ou le GPSR ;

– pour obtenir cet agrément, la demande adressée par le responsable du service interne de sûreté comporte au minimum : l’identité de l’agent, sa nationalité, son domicile, la description du poste qu’il occupe, et la formation qu’il a reçue pour exercer des palpations de sécurité.


—  1  —

3.   Décret n° 2016-1495 du 4 novembre 2016 portant code de déontologie des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP

Pris en application de l’article 3 de la loi (art. L. 2251-7 du code des transports), ce décret est entré en vigueur le 7 novembre 2016 (lendemain de sa publication). Il a pour objet la création du code de déontologie, qui porte sur les droits et obligations des agents des services internes de sécurité, les relations de ces agents avec les clients et usagers, et leurs relations avec les services de police et de gendarmerie, et le contrôle sur les services internes de sécurité.

S’agissant de l’ensemble des dispositions du décret, qui constituent le code de déontologie :

– la SNCF et la RATP doivent les porter à la connaissance de chaque agent et les afficher dans tous les locaux des services internes de sécurité (article 2). En revanche, le décret ne prévoit pas d’obligation d’en informer les clients/usagers ;

– les manquements à ce code « peuvent donner lieu à une sanction disciplinaire » (art. 3)

Les devoirs généraux des agents des services concernés sont : l’impartialité, la non-discrimination, la dignité afférente à leur fonction, le respect de la confidentialité des « informations, procédures et usages » dont ils ont connaissance, la probité, la sobriété, l’exécution des consignes données par leur hiérarchie, l’obligation de rendre compte à leur encadrement de l’exécution de leurs missions, le respect des règles d’entreprise sur le port de la tenue d’uniforme, l’obligation de donner « une bonne image du service », la courtoisie envers les clients/usagers. Dans l’exercice de leurs fonctions, les agents doivent être en mesure de présenter leur carte professionnelle, leur autorisation individuelle de port d’arme, leur carte d’agent assermenté, et leur permis de conduire.

Ils ont interdiction, notamment :

– d’utiliser leur qualité pour en tirer un avantage personnel (art. 8),

– d’adopter un comportement ou un mode de communication pouvant entraîner une confusion avec ceux des autres agents des services publics, notamment des services de police ou de gendarmerie (art. 18),

– de porter d’autres armements et munitions que ceux qu’ils ont reçus en dotation (art. 13),

– de faire usage de leur arme de poing en dehors de la légitime défense (art. 16),

– d’infliger de mauvais traitements aux animaux (art. 11).

Quant aux supérieurs hiérarchiques de ces agents, ils doivent veiller à la préservation de l’intégrité physique de ceux-ci (art. 21), et à donner des consignes précises et claires. La SNCF et la RATP doivent concevoir et mettre en œuvre au profit des personnels de ces services « une formation adaptée » et régulièrement mise à jour.

L’article 14 du décret porte sur le cas où un agent de ces services appréhende une personne : le recours à la force et l’utilisation éventuelle d’entraves sont prévus mais encadrés ; la personne appréhendée se trouve sous la responsabilité et la protection de l’agent ; celui-ci doit notamment être « attentif à son état physique et psychologique » et prendre toutes les mesures utiles pour éviter que la personne soit photographiée ou filmée. L’article 15 du décret reconnaît la compétence des agents de ces services pour appréhender l’auteur d’un crime ou d’un délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement.

Enfin, les articles 22 et 23 précisent que les agents de ces services sont placés sous la surveillance du Défenseur des droits, et sous le contrôle des commissaires de police, des officiers de police et des officiers et sous-officiers de la gendarmerie nationale des services désignés par arrêté du ministre de l’intérieur. Cet arrêté a été publié (arrêté du 23 février 2017) ; il désigne, pour contrôler les agents de la Suge et du GPSR :

– le service national de police ferroviaire de la Direction centrale de la police aux frontières

– les brigades de chemin de fer zonales des directions zonales de la police aux frontières

– et, pour la région Île-de-France, la sous-direction régionale de police des transports de la Direction de sécurité de proximité de l'agglomération parisienne de la Préfecture de police.


—  1  —

4.   Décret n° 2016-1616 du 28 novembre 2016 relatif aux conventions locales de sûreté des transports collectifs et aux conditions d’armement des agents de police municipale, des gardes champêtres et des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP

Ce décret a été pris pour l’application de l’article 20 de la loi du 22 mars 2016.

a.   Les conventions locales de sûreté

L’article 1er du décret introduit des dispositions nouvelles dans le code de la sécurité intérieure, pour préciser les modalités d’application de l’article L. 511-1 modifié par l’article 20 de la loi.

L’article R. 512-7 ainsi créé définit le contenu des conventions locales (nombre d’agents de police municipale autorisés à constater les infractions dans les transports publics, modalités et périmètre de leur intervention, conditions du port d’arme, durée de la convention, conséquences du retrait d’une commune).

L’article R. 512-8 définit la procédure d’élaboration de ces conventions (conclues entre des communes contiguës desservies par un ou plusieurs réseaux) : approbation du projet de convention par le préfet du département (ou les préfets lorsque des communes de plusieurs départements sont parties), et signature par les maires après délibération de leurs conseils municipaux. Une convention peut être dénoncée après un préavis de trois mois.

Les dispositions relatives aux conventions locales et aux conditions d’armement des agents SNCF/RATP sont entrées en vigueur le 30 novembre 2016.

b.   L’armement des agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP

L’article 10 du décret modifie le décret du 24 novembre 2000 adaptant à la SNCF et à la RATP les modalités d’application de la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance : les caractéristiques techniques des armes de quatrième catégorie autorisées sont complétées, et les agents nommément désignés autorisés à porter une arme peuvent désormais être autorisés à en porter « une ou plusieurs ».


—  1  —

5.   Décret n° 2016-1862 du 23 décembre 2016 relatif aux conditions de l’expérimentation de l’usage de caméras individuelles par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP

Ce décret a été pris pour l’application de l’article L. 2251-4-1 du code des transports créé par l’article 2 de la loi, qui prévoit une expérimentation, à compter du 1er janvier 2017 et pour trois ans, de l’emploi de caméras individuelles par les agents de la Suge et du GPSR pour procéder à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions. Le décret prévoit aussi les modalités des traitements des données à caractère personnel ainsi recueillies ; l’article 9 du décret précise que ces traitements de données devront être autorisés par la CNIL.

L’article L. 2251-4-1 dispose que l’enregistrement expérimenté concerne les interventions « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident », et que les enregistrements sont effacés, en principe, au bout de six mois.

Les trois finalités du traitement de ces données sont :

– la prévention des incidents au cours des interventions des agents,

– le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par collecte de preuves,

– la formation et la pédagogie des agents de la Suge et du GPSR.

a.   Les données enregistrées

Quatre catégories de données sont enregistrées : les images et sons captés par les caméras, la date et les plages horaires d’enregistrement, l’identification de l’agent porteur de la caméra, et le lieu où ont été collectées les données.

Les données ainsi enregistrées étant susceptibles de faire apparaître des informations relatives aux origines raciales ou ethniques, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale d’une personne, ou relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celle-ci, le décret dispose, par référence à la loi du 6 janvier 1978 (dite « loi informatique et libertés »), qu’il est interdit de sélectionner ensuite, dans les traitements de données, « une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules données ».

L’article 38 de la loi « informatique et libertés », qui donne à toute personne le droit de s’opposer à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement, n’est pas applicable (article 8 du décret). En revanche, une personne qui a été filmée ou qui pense l’avoir été peut exercer ses droits d’accès et de rectification prévus par les articles 39 et 40 de la loi de 1978.

b.   La procédure : transfert, consultation et conservation des données

Une fois une intervention enregistrée, les données des caméras individuelles sont transférées sur un support informatique sécurisé dès le retour des agents au service. Les enregistrements ne peuvent pas être consultés avant ce transfert, et « aucun système de transmission permettant de visionner les images à distance en temps réel ne peut être mis en œuvre ».

Le décret distingue les personnes ayant accès directement aux données, et les personnes pouvant en être destinataires. L’accès à toutes les données est ouvert aux responsables de la Suge et du GPSR ainsi qu’aux agents de ces services individuellement désignés et habilités par ces responsables. Ces mêmes responsables et agents sont seuls autorisés à procéder à l’extraction de données et d’informations pour les besoins d’une procédure (judiciaire, administrative ou disciplinaire) ou pour une action de formation. Par ailleurs, peuvent demander que leur soient transmises des données : les services de police et de gendarmerie, les agents de la RATP et de la SNCF participant à l’exercice du pouvoir disciplinaire sur les personnels de la Suge et du GPSR, et les agents chargés de la formation de ces personnels.

Toute consultation et toute extraction de données font l’objet d’un enregistrement, ou d’une inscription dans un registre dédié, qui mentionne l’identité de la personne qui consulte ou extrait les informations, la date et l’heure de l’opération, le motif (judiciaire, administratif, disciplinaire ou pédagogique), le service ou l’unité destinataire des données, l’identification des enregistrements extraits et de la caméra dont ils sont issus. Cette « traçabilité » des consultations et extractions est conservée pour trois ans.

c.   Un bilan de l’expérimentation

L’article L. 2251-4-1 dispose que l’expérimentation fera l’objet d’un bilan dans les deux ans suivant son entrée en vigueur. L’article 10 du décret précise que ce bilan devra être réalisé par la SNCF et la RATP (qui le transmettront au Gouvernement), devra comporter une évaluation de l’impact de l’emploi des caméras individuelles sur le déroulement des interventions, et devra indiquer le nombre de procédures judiciaires, administratives et disciplinaires ayant occasionné une consultation et une extraction de données provenant de ces caméras.


—  1  —

6.   Décret n° 2017-757 du 3 mai 2017 relatif aux enquêtes administratives prévues par l'article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure concernant les affectations et les recrutements dans certaines entreprises de transport

Ce décret est pris pour l’application de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, créé par l’article 5 de la loi du 22 mars 2016 et qui a ensuite été modifié par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.

L’article L. 114-2 crée une procédure permettant aux entreprises de transport susmentionnées de solliciter une enquête administrative pour les décisions relatives au recrutement et à l'affectation portant sur les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens. Cette procédure n’est pas seulement applicable aux opérateurs de transport public de voyageurs mais également au transport de marchandises dangereuses (notamment maritime). L’enquête est destinée à vérifier que le comportement d’une personne pressentie pour occuper un tel emploi « n’est pas incompatible avec l’exercice des missions envisagées au regard du critère prévu » par l’article L. 114-2, ce critère étant constitué de « raisons sérieuses de penser qu’elle est susceptible, à l’occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l’ordre public ».

Ce décret, entré en vigueur le 6 mai 2017, introduit, dans la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure, un encadrement de cette procédure d’enquête administrative :

L’article R. 114-7 dresse la liste des fonctions pour lesquelles une enquête peut être demandée ; cette liste, en ce qui concerne les salariés des entreprises de transport public terrestre de personnes, comporte seulement 5 catégories :

– les agents « chargés du contrôle et de la commande des installations de sécurité du réseau ferroviaire ou guidé » : les aiguilleurs, les gestionnaires des mouvements des trains, et les agents en fonction dans un Poste central de commandement ou dans un poste de régulation ;

– les administrateurs des systèmes d’information liés à l’exploitation du réseau ferroviaire ou guidé ;

– les concepteurs des systèmes de contrôle et de commande des installations ;

– les conducteurs de véhicules de transport public collectif de personnes par voie ferrée, guidée ou routière ;

– les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.

L’article R. 114-8 régit la demande d’enquête :

1° Avant le recrutement ou l’affectation d’une personne sur un emploi correspondant à l’une des fonctions de la liste : l’employeur (le chef d’entreprise ou son délégataire) peut adresser par écrit une demande au ministre de l’intérieur.

La demande comprend l’identité de la personne dont le recrutement ou l’affectation est envisagé (ainsi que sa nationalité, ses date et lieu de naissance et son domicile) et la description de l’emploi concerné.

2° Après le recrutement ou l’affectation d’un salarié sur un emploi correspondant à l’une de ces fonctions, lorsque son comportement « laisse apparaître des doutes sur sa compatibilité avec l’exercice de cette fonction », l’employeur peut également demander de faire procéder à une enquête ; dans ce cas, outre les informations précitées obligatoirement incluses dans la demande, celle-ci doit comporter « les éléments circonstanciés justifiant ces doutes ».

Dans les deux cas de figure, l’existence d’une demande d’enquête n’est pas portée à la connaissance de la personne concernée, mais celle-ci doit être informée par l’employeur « qu’elle peut (…) faire l’objet d’une enquête administrative ».

L’article R. 114-10 décrit les étapes de la procédure postérieures à la réalisation de l’enquête :

– dans le cas d’une enquête préalable à un recrutement ou à une affectation, le ministre de l’intérieur doit transmettre à l’employeur dans un délai de deux mois le résultat de l’enquête, sous forme d’un avis indiquant si le comportement de l’intéressé est ou n’est pas compatible avec la fonction ; les avis « sont détruits sans délai par l’employeur dès leur réception », quelle que soit leur teneur ;

– dans le cas d’une enquête portant sur un salarié qui occupe un emploi concerné, lorsque l’enquête aboutit à constater l’incompatibilité du salarié avec cet emploi, c’est au salarié que l’avis d’incompatibilité est notifié par le ministre de l’intérieur, dans un délai d’un mois ; les avis de compatibilité sont détruits par l’employeur dès leur réception, les avis d’incompatibilité sont détruits à compter du reclassement ou du licenciement du salarié concerné.

Dans le second cas de figure, le salarié peut contester l’avis devant le ministre de l’intérieur (recours administratif), puis, si le ministre rejette ce recours, devant le juge administratif. L’employeur est informé de l’existence du recours administratif ou contentieux et de son résultat.

La loi du 28 février 2017 a complété l’article L. 114-2 pour prévoir que, dans le second cas de figure, l’employeur doit proposer au salarié un emploi hors du champ des fonctions couvertes par les enquêtes administratives, et qu’en cas d’impossibilité de procéder à ce reclassement, et en cas de refus du salarié, l’employeur doit engager une procédure de licenciement – l’incompatibilité constatée par le ministre de l’intérieur constituant la cause réelle et sérieuse de ce licenciement. Le décret prévoit, dans l’article R. 114-10, que la procédure de licenciement ne peut pas être engagée avant l’expiration du délai de recours.

Il est interdit à l’employeur de conserver copie des avis de compatibilité ou d’incompatibilité, et de les mentionner dans le dossier du salarié. En cas de contentieux ultérieur, c’est le ministre de l’intérieur qui communique de nouveau l’avis à l’employeur.


—  1  —

7.   Décret n° 2017-1224 du 3 août 2017 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Automatisation de la consultation centralisée de renseignements et de données » (ACCReD)

Ce décret autorise le ministère de l’intérieur à mettre en œuvre un traitement de données à caractère personnel pour, notamment, la réalisation des enquêtes administratives conduites par le Service national des enquêtes administratives de sécurité de la DGPN, prévues par l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure créé par l’article 5 de la loi du 22 mars 2016.

Il s’agit des enquêtes pouvant être diligentées préalablement à une décision de recrutement ou d’affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes. Le décret définit les finalités du traitement de données, la nature et la durée de conservation des données enregistrées, les catégories de personnes ayant accès aux données, les personnes qui en sont destinataires, le droit d’accès aux données et les modalités de traçabilité de ces accès.

Les données et informations pouvant être enregistrées dans ACCReD incluent notamment les coordonnées de la personne à l’origine de la demande, le motif de l’enquête, l’emploi, la mission ou la fonction au titre desquels l’avis est demandé, des données relatives à la personne faisant l’objet de l’enquête (identité, lieu de naissance, adresse, nationalité, immatriculation de son véhicule…), et des informations relatives aux résultats de l’enquête. Ces données et informations peuvent être conservées pendant 5 ans à compter de leur enregistrement, en principe ; une dérogation permet la conservation jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux pour certaines informations relatives aux résultats de l’enquête. Les opérations de création, consultation, modification et suppression des données et informations du traitement sont enregistrées, avec identification de l’auteur, de la date, de l’heure et de la nature de l’opération, et ces informations sont également conservées pendant 5 ans.

Seuls les agents du Service national précité, individuellement désignés et habilités par le Directeur général de la police nationale, sont autorisés à accéder à des données et informations, et « dans la limite du besoin d’en connaître ». Quant aux destinataires :

– seules les données relatives au sens d’un avis ou d’une décision peuvent être transmises à d’autres agents du ministère de l’intérieur chargés d’effectuer des enquêtes administratives ; elles peuvent aussi être communiquées au préfet de département du lieu d’exercice de l’emploi, de la mission ou de la fonction ;

– seules les données relatives au sens d’un avis ou d’une décision, et les données relatives aux résultats d’une enquête administrative, peuvent être transmises aux personnes morales ou à l’autorité administrative qui sont à l’origine de la demande.

ACCReD peut procéder à la consultation automatique et, si nécessaire, simultanée de sept autres traitements de données, pour vérifier si l’identité de la personne concernée y est enregistrée, notamment le traitement des antécédents judiciaires, le fichier des enquêtes administratives liées à la sécurité publique, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) et le fichier des personnes recherchées. Il est également prévu la possibilité d’interroger des services ayant accès à d’autres traitements automatisés de données.


—  1  —

8.   Arrêté du 4 septembre 2017 portant application de l’article L. 2241-10 du code des transports

L’article L. 2241-10 du code des transports, créé par l’article 11 de la loi du 22 mars 2016, oblige les passagers des transports routiers, ferroviaires ou guidés à être en mesure de justifier de leur identité lorsqu’ils n’ont pas de titre de transport valable, ou lorsqu’ils ne régularisent pas immédiatement leur situation. Ils doivent, pour cela, être porteurs d’un document attestant cette identité : c’est la liste des documents valables qu’a établi l’arrêté du 4 septembre 2017 du ministre de l’intérieur et de la ministre chargée des transports.

Pour les passagers français, les documents permettant de justifier de leur identité sont :

– la carte nationale d’identité,

– le passeport,

– le permis de conduire,

– la carte d’invalidité civile,

– les cartes délivrées par les autorités militaires,

– le permis de chasser,

– le récépissé valant pièce d’identité pour les personnes astreintes à contrôle judiciaire ou à une interdiction de sortie du territoire,

– le laissez-passer délivré par un chef de poste consulaire.

Tous ces documents comportent obligatoirement une photographie.

Lorsqu’une personne ne peut présenter aucune des pièces de cette liste, son identité « peut être justifiée par la présentation de tout document comportant ses nom, prénom(s), date et lieu de naissance ainsi qu’une photographie », et l’obtention de ces informations « peut résulter de la combinaison de plusieurs documents comportant au moins les nom et prénom(s) ». Ce ou ces documents doivent être en cours de validité et avoir été délivrés par :

– une administration publique française,

– un établissement scolaire ou d’enseignement supérieur français,

– ou un exploitant d’un service français de transport routier, ferroviaire ou guidé.

Pour les ressortissants d’autres pays européens (UE, EEE, Suisse), les documents permettant de justifier de leur identité sont :

– des documents délivrés par les autorités de leur État de nationalité : carte d’identité, passeport, permis de conduire ;

– des documents délivrés par les autorités françaises : visa de long séjour, carte de séjour, carte de résident, titre d’identité républicain (mineurs), permis de conduire, carte d’invalidité, carte militaire, permis de chasser.

Le ou les documents présentés doivent être en cours de validité.

De même, pour les ressortissants d’autres États, la liste comprend le passeport délivré par leur État de nationalité, et des documents délivrés par les autorités françaises (documents de séjour, document de circulation pour étranger mineur, titre d’identité et de voyage pour réfugié ou pour apatride, carte d’invalidité, permis de conduire…).


—  1  —

   les prÉconisations de la mission d’information

1.   En matière de lutte contre les atteintes graves à la sécurité

1) en matière de fouille et de contrôle, confier à la préfecture de région Île‑de‑France ou à la préfecture de police de Paris une compétence globale pour l’ensemble de la RATP et du réseau SNCF d’Île-de-France ;

2) permettre aux services de sécurité internes des transporteurs de procéder de manière permanente à des palpations de sécurité dans les enceintes publiques des transports qui relèvent de leur compétence sans autorisation préalable des services préfectoraux ;

3) permettre aux contrôleurs d’utiliser des caméras piétons lorsque la situation l’exige, à l’instar de ce que la loi autorise pour les agents des services internes de sécurité (Suge et GPSR) ;

4) remplacer la demande d’autorisation à agir en civil par une simple déclaration, le ministère de l’intérieur conservant toujours la possibilité de refuser une action civile de manière expresse ;

5) étendre le criblage au personnel d’entretien ainsi qu’au personnel intérimaire n’appartenant pas aux transporteurs ;

6) réduire le délai de réponse du Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) aux demandes d’enquêtes administratives à deux mois ;

7) permettre aux entreprises de transport de saisir le SNEAS en lieu et place de leurs filiales pour des raisons d’efficacité administrative ;

8) obliger le SNEAS à informer les salariés faisant l’objet d’un avis d’incompatibilité professionnelle ;

9) permettre à titre exceptionnel de licencier sans l’avis de l’inspection du travail les salariés protégés faisant l’objet d’un avis d’incompatibilité ;

10) mettre en œuvre la disposition qui permet aux sociétés de transports en commun de connaître l’état du permis de conduire des salariés à qui elles confient un véhicule ;

11) aligner les services internes de sécurité de la Suge et du GPSR sur les  règles de la police nationale et des polices municipales en matière de légitime défense élargie et de périple meurtrier ;

12) permettre à la RATP et à la SNCF de reconduire à la sortie des stations de métro et de RER à la fin de chaque service les personnes réfractaires à une prise en charge vers des centres d’accueil. Cette mesure ne saurait être appliquée lorsque le plan « Grand froid » est mis en œuvre par les autorités ;

2.   En matière de lutte contre la fraude

13) prévoir une sanction en cas de fuite d’un contrevenant postérieurement à l’ordre donné par l’OPJ de le retenir (actuellement, la loi ne prévoit de sanction que pour ceux qui prennent la fuite avant que l’OPJ soit prévenu) ;

14) demander au ministre de l’Intérieur d’adresser une directive aux OPJ pour les inciter à émettre un avis favorable au relevé d’identité chaque fois qu’un équipage de police ou de gendarmerie est envoyé sur place ;

15) créer un fichier de fraudeurs commun à l’ensemble des transporteurs publics de manière à mieux réprimer la fraude d’habitude qui, conformément à la loi, doit être regardée d’une manière globale et non par entreprise ;

16) autoriser les entreprises de transport à remettre les saisies réalisées dans le cadre de la lutte contre la vente à la sauvette aux forces de police ou de gendarmerie dans le but de les placer sous main de justice ;

17) permettre aux entreprises liées par un accord de sous-traitance d’organiser, à leur convenance, des missions de contrôle sur les emprises ou dans les véhicules de leur partenaire ;

18) demander au garde des Sceaux d’adresser à l’ensemble des magistrats une directive pénale les incitant à utiliser davantage l’interdiction de paraître dans des gares ou sur des lignes à l’encontre des délinquants récidivistes qui ont l’habitude d’y sévir ;

19) étendre l’obligation d’être porteur d’un titre d’identité à l’ensemble des usagers des transports en commun publics ;

20) assortir cette obligation d’une sanction ;

21) réduire la liste, jugée trop large, des documents susceptibles d’établir l’identité d’un contrevenant ;

22) dans l’attente d’une disposition législative obligeant les usagers des transports en commun publics à être porteur d’un titre d’identité, inciter les transporteurs à inclure une telle obligation dans leurs conditions générales d’utilisation ;

23) demander au gouvernement d’accélérer la mise en œuvre de la plateforme destinée à permettre le croisement des données de manière à fiabiliser les adresses des fraudeurs ;

24) porter de deux à trois mois le délai pendant lequel les transporteurs peuvent recouvrer le montant des amendes avant que le Trésor public ne devienne compétent ;

25) engager une réflexion sur l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante et sur la possibilité de rendre à nouveau les parents solidaires de leurs enfants en cas de fraude dans les transports ;

26) conditionner la remise d’un certain nombre d’actes administratifs, notamment les visas, à l’apurement des dettes en matière de fraude aux transports en commun publics ;

3.   En matière de lutte contre les violences faites aux femmes

27) établir clairement l’obligation, pour chaque AOT, de rédiger et de transmettre le bilan annuel prévu par l’article L. 1632-1 du code des transports aux services de l’État, et l’obligation pour ceux-ci d’en rédiger et d’en publier une synthèse ;

28) demander au Groupement des autorités responsables de transport (GART) de distinguer, dans ses statistiques relatives aux incidents et agressions, ceux relevant de la catégorie des atteintes sexuelles ;

29) compléter les éléments juridiques et méthodologiques inclus dans les modules de formation par une sensibilisation des agents à la nécessité de réserver aux victimes un accueil bienveillant et une écoute attentive et étendre l’obligation de formation à tous les opérateurs de transport et à tous leurs personnels ; ces mesures devraient être prises dans le délai d’un an ;

30) généraliser le dispositif d’arrêt à la demande sur les lignes de bus en soirée.

 


—  1  —

   Examen en commission

Lors de sa réunion du 7 février 2018, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le rapport d’information de Mme Aude Luquet et de M. Michel Vialay sur la mise en application de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

Mme Barbara Pompili, Présidente. L’ordre du jour de notre commission appelle maintenant la présentation du rapport d’information sur la mise en application de la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dite « Loi Savary ».

Je vous rappelle que, le 26 juillet dernier, la Commission a désigné, conformément à l’article 145-7 du Règlement, Mme Aude Luquet, du groupe Modem, et M. Michel Vialay, du groupe LR, comme rapporteurs de ce bilan d’application.

La loi Savary comprenait deux sujets distincts : la sûreté et la sécurité, c’est-à-dire principalement la lutte contre le terrorisme ; la lutte contre la fraude.

L’exercice du bilan d’application permet, en premier lieu, de présenter les décrets pris en application de la loi depuis dix-huit mois. Au-delà de ce recensement, il s’agit de faire le point sur les objectifs poursuivis par la loi et de voir de quelle façon ils ont été atteints ou restent à atteindre.

M. Michel Vialay, rapporteur. Présentée par M. Gilles Savary et déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2015, la proposition de loi était conçue à l’origine pour lutter contre la fraude et la petite délinquance ainsi que les violences dans les transports en commun. Mais elle a finalement inclus un volet de lutte contre le terrorisme, en réaction à la tentative d’attentat perpétrée le 21 août de la même année dans un Thalys circulant entre Amsterdam et Paris.

La loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, dite « loi Savary » qui abordait donc deux sujets distincts, la lutte contre le terrorisme et la lutte contre la fraude, a également été enrichie, au cours des débats, d’un titre relatif à la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports.

Le présent rapport vise à établir un bilan de la publication des textes réglementaires prévus et à dresser une première évaluation des mesures adoptées, lorsque celle-ci est possible à ce stade. Il apparaît, en effet, que certaines dispositions ne sont entrées en vigueur qu’à des dates relativement récentes et que les retours d’expérience fiables ne sont pas encore disponibles.

Il apparaît également que certaines dispositions, ne nécessitant pourtant pas de décret d’application, comme celle concernant la communication des informations relatives au permis de conduire des chauffeurs de transport en commun, n’ont pas toutes été mises en œuvre.

Le constat commun qui se dégage des travaux que les rapporteurs ont conduits est, d’une part, que la quasi-totalité des textes réglementaires prévus ont été publiés et, d’autre part, que ceux-ci traduisent de manière satisfaisante les intentions ayant présidé à la rédaction de cette loi. En cela, vos rapporteurs ne peuvent que saluer le travail du gouvernement pour assurer dans des délais globalement satisfaisants l’application d’un texte dense et complexe.

Mme Aude Luquet, rapporteure. La loi a élargi les possibilités de réaliser des palpations de sécurité par les services de sécurité internes des entreprises de transport (essentiellement la Suge à la SNCF et le GPSR à la RATP) ; elle a rendu possible les interdictions d’accéder aux trains dans certains cas. Ces mesures sont entrées en application, mais les agents des services de sécurité internes des transporteurs regrettent les circonstances très strictes qui encadrent les palpations de sécurité et qui leur interdisent, sauf circonstances très exceptionnelles, de fouiller la plupart des suspects. En effet, une autorisation préalable du préfet, qui détermine précisément les lieux et les horaires, est requise. Et il est arrivé que ces agents conduisent au commissariat des délinquants et qu’il soit constaté, au moment de la fouille par la police, que les suspects étaient armés.

La loi permet le criblage des personnels nouvellement engagés, comme de ceux déjà en place, ce qui constitue l’avancée la plus spectaculaire. Mais le nombre de postes concernés apparaît un peu restrictif. Cela concerne principalement les aiguilleurs ; peut-être faudrait-il élargir aux agents de maintenance ? Le débat est ouvert.

La loi introduit l’usage de « caméras piéton » par la Suge et le GPSR. Cette mesure a été saluée par tous, même si certains détails restent à peaufiner comme la durée de conservation des images ou la possibilité de transmission en direct. Il est aussi possible d’envisager l’extension de cet usage aux contrôleurs.

L’élargissement des possibilités pour la Suge ou le GPSR d’agir en civil armé (sur autorisation préalable du préfet) a été salué comme une avancée. Toutefois, cette autorisation préalable est vécue comme une lourdeur administrative qui pourrait avantageusement être remplacée par une simple déclaration préalable, le préfet pouvant toujours refuser ou interrompre une opération en civil.

L’une des dispositions de l’article 7 de la loi a pour objectif d’améliorer l’information des entreprises de transport en permettant aux employeurs d’avoir accès aux éléments relatifs au permis de conduire de ceux de leurs personnels qui sont amenés à conduire des véhicules. En effet, jusqu’à l’adoption de la loi Savary, le code de la route autorisait une municipalité à connaître l’état du permis de conduire d’une personne à qui elle s’apprêtait à confier le volant d’un car de ramassage scolaire, mais une entreprise comme la SNCF ou la RATP ne le pouvait pas.

Or, cette mesure n’est pas entrée en application. Le fichier informatique nécessaire à sa mise en œuvre n’a pas été créé en raison, semble-t-il, de la vive opposition des syndicats. L’ensemble des organisations de transporteurs déplore cette situation.

Nous regrettons que la volonté du législateur soit ainsi ignorée alors que cette mesure avait fait l’objet d’un consensus. Sur les 17 000 conducteurs d’autobus ou d’autocars employés en France, 15 à 20 sont repérés chaque année comme ayant perdu leur permis de conduire sans en avoir informé leur employeur.

Le jour ou un accident grave se produira avec un chauffeur de transport en commun circulant sans permis, la responsabilité de l’État, qui n’a pas mis en œuvre cette disposition votée par le Parlement, pourrait être engagée.

Enfin, les responsables de la RATP pointent une vulnérabilité de plus en plus manifeste de la sécurité de leur entreprise liée à la présence d’environ 350 personnes sans domicile fixe qui se laissent enfermer dans les stations la nuit lorsque le trafic s’arrête et que les installations sont laissées sans surveillance entre 1 heure et 5 heures du matin.

Ces personnes ont accès à tous les locaux de sécurité et se déplacent librement. L’alimentation des rails n’étant pas coupée la nuit, les accidents sont fréquents. En outre, livrées à elles-mêmes, elles sont parfois victimes de vols, de rixes, de malaises et il arrive de constater des décès à l’ouverture des stations.

L’entreprise demande que lui soit accordée la possibilité de reconduire à la sortie des stations les seules personnes qui refuseraient d’être prises en charge et conduites vers des centres d’accueil. De la sorte, seuls les réfractaires pourraient être expulsés des stations pendant les quatre heures de fermeture nocturne.

Cette mesure ne serait pas applicable lorsque les autorités mettent en œuvre le plan « Grand froid ».

M. Michel Vialay, rapporteur. En matière de lutte contre les atteintes graves à la sécurité, les préconisations sont les suivantes :

– permettre aux services de sécurité internes des transporteurs de procéder à des palpations de sécurité, même sans le consentement exprès des intéressés, en cas de circonstances particulières liées à l’existence de menaces graves pour la sécurité publique ou pour l’ordre public. Sur cette proposition, une divergence existe avec Aude Luquet quant au consentement des intéressés. Toutes les autres préconisations font l’objet d’un consensus ;

– en matière de fouille et de contrôle, confier à la préfecture de la région Île‑de‑France ou à la préfecture de police de Paris une compétence globale pour l’ensemble de la RATP et du réseau SNCF d’Île-de-France ;

– permettre aux services de sécurité internes des transporteurs de procéder de manière permanente à des palpations de sécurité dans les enceintes publiques des transports qui relèvent de leur compétence sans autorisation préalable des services préfectoraux ;

– permettre aux contrôleurs d’utiliser des « caméras piétons » lorsque la situation l’exige, à l’instar de ce que la loi autorise pour les agents des services interne de sécurité (Suge et GPSR) ;

– remplacer la demande d’autorisation à agir en civil par une simple déclaration, le ministère de l’intérieur conservant toujours la possibilité de refuser une action civile de manière expresse ;

– étendre le criblage au personnel d’entretien et au personnel intérimaire n’appartenant pas aux transporteurs ;

– réduire à deux mois le délai de réponse du Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) aux demandes d’enquêtes administratives ;

– permettre aux entreprises de transport de saisir le SNEAS en lieu et place de leurs filiales pour des raisons d’efficacité administrative ;

– obliger le SNEAS à informer les salariés faisant l’objet d’un avis d’incompatibilité professionnelle ;

– permettre à titre exceptionnel de licencier sans l’avis de l’inspection du travail les salariés protégés faisant l’objet d’un avis d’incompatibilité ;

– mettre en œuvre la disposition qui permet aux sociétés de transports en commun de connaître l’état du permis de conduire des salariés à qui elles confient un véhicule ;

– aligner les services internes de sécurité de la Suge et du GPSR sur les règles de la police nationale et des polices municipales en matière de légitime défense élargie et de périple meurtrier ;

– permettre à la RATP et à la SNCF de reconduire à la sortie des stations de métro et de RER à la fin de chaque service les personnes réfractaires à une prise en charge vers des centres d’accueil.

J’en viens maintenant au sujet de la lutte contre la fraude. La fraude mesurée représente 500 millions d’euros par an en France. Ce chiffre ne prend pas en compte les fraudes non détectées. La réalité de la fraude est donc largement supérieure à ce chiffre. Le taux de recouvrement des amendes est très faible, inférieur à 10 % à la SNCF.

Les décrets d’application de la loi sont sortis assez rapidement, sauf celui présenté comme le plus important : il doit permettre de croiser les fichiers de fraudeurs avec ceux d’autres administrations de manière à sécuriser les adresses et ne pas perdre la trace des personnes verbalisées.

Pour la « fraude d’habitude », le seuil a été abaissé de 10 à 5 infractions sur l’ensemble des réseaux. Mais en l’absence d’échange d’informations entre les exploitants, les fraudeurs par habitude sont, en pratique, ceux qui ont fraudé au moins 5 fois sur le même réseau. Le seul moyen de respecter la loi à la lettre serait de constituer un fichier commun des fraudeurs.

Toutefois, l’engorgement des tribunaux ne permet pas à la justice de traiter les dépôts de plaintes des transporteurs. C’est la raison pour laquelle la RATP a renoncé à poursuivre les fraudeurs d’habitude, estimant qu’elle perdait son temps. La SNCF, de son côté, continue à les poursuivre, au rythme d’environ 14 000 par an, avec des succès mitigés selon les juridictions.

La mesure obligeant les fraudeurs à rester à disposition des services de sécurité pendant la vérification de leur identité semble efficace, d’autant qu’elle est assortie d’une sanction financière dissuasive et il s’agit, aux dires des spécialistes, d’une avancée décisive de la loi.

En revanche, l’obligation faite aux fraudeurs d’être munis d’un titre d’identité de manière à être plus facilement sanctionnés est beaucoup moins respectée, d’autant qu’elle n’est assortie d’aucune sanction. Les rapporteurs proposent que l’obligation d’être muni d’un titre d’identité soit étendue à tous les usagers des transports en commun terrestres et propose, dans l’attente qu’une telle mesure soit adoptée sur le plan législatif, que les transporteurs incluent une telle obligation dans leurs conditions générales d’utilisation, à l’instar de ce qui se fait dans le transport aérien.

Enfin, la loi a permis de mieux lutter contre « l’industrie de la fraude » en réprimant plus sévèrement les mutuelles de fraudeurs et les alertes par SMS ou sur les réseaux sociaux en cas de contrôle.

Mais l’une des principales difficultés à laquelle se heurtent les transporteurs pour recouvrer les amendes est celle de fiabiliser les adresses des contrevenants. C’est pourquoi l’article 18 de la loi prévoit la création d’une plateforme d’échange qui doit permettre de confronter l’adresse déclarée par le contrevenant lors de la verbalisation avec celle qu’il a déclarée pour créer un compte bancaire ou percevoir les allocations familiales et qui est, très probablement, plus à jour.

Toutefois, près de deux ans après la promulgation de la loi, le décret d’application de l’article 18, qui doit être signé par le ministre de l’économie et des finances, n’a toujours pas été publié.

L’administration évoque des difficultés techniques et juridiques qui expliqueraient le retard.

Mais les fichiers publics ne sont pas les seuls à pouvoir être utilisés par les transporteurs pour fiabiliser les adresses des contrevenants. Des fichiers constitués par des entreprises privées peuvent aussi l’être. Et si, dans le premier cas, une disposition législative et un décret sont nécessaires, seule une autorisation de la CNIL est requise dans le second.

La CNIL a autorisé, le 9 juin 2016, la SNCF à utiliser les fichiers de sociétés qui font commerce de données personnelles dans le cadre d’actions « ayant pour finalité la gestion des infractions à la police des chemins de fer ».

Dès lors, rien ne s’oppose à ce que le transporteur ferroviaire national fiabilise les coordonnées de ses fraudeurs grâce aux fichiers de géants de la distribution par internet ou de sociétés spécialisées.

Même si elle reste discrète sur ses partenariats, la SNCF a reconnu travailler, comme d’autres, en coopération avec certaines sociétés spécialisées dans la fourniture de données personnelles à grande échelle.

Mme Aude Luquet, rapporteure. En matière de lutte contre la fraude, les préconisations sont les suivantes :

– prévoir une sanction en cas de fuite d’un contrevenant postérieurement à l’ordre donné par l’OPJ de le retenir (actuellement, la loi ne prévoit de sanction que pour ceux qui prennent la fuite avant que l’OPJ soit prévenu) ;

– demander au ministre de l’intérieur d’adresser une directive aux OPJ pour les inciter à émettre un avis favorable au relevé d’identité chaque fois qu’un équipage de police ou de gendarmerie est envoyé sur place ;

– créer un fichier de fraudeurs commun à l’ensemble des transporteurs publics de manière à mieux réprimer la fraude d’habitude qui, conformément à la loi, doit être regardée d’une manière globale et non par entreprise ;

– autoriser les entreprises de transport à remettre les saisies réalisées dans le cadre de la lutte contre la vente à la sauvette aux forces de police ou de gendarmerie dans le but de les placer sous main de justice ;

– permettre aux entreprises liées par un accord de sous-traitance d’organiser, à leur convenance, des missions de contrôle sur les emprises ou dans les véhicules de leur partenaire ;

– demander au garde des Sceaux d’adresser à l’ensemble des magistrats une directive pénale les incitant à utiliser davantage l’interdiction de paraître dans des gares ou sur des lignes à l’encontre des délinquants récidivistes qui ont l’habitude d’y sévir ;

– étendre l’obligation d’être porteur d’un titre d’identité à l’ensemble des usagers des transports en commun publics et assortir cette obligation d’une sanction ;

– réduire la liste, jugée trop large, des documents susceptibles d’établir l’identité d’un contrevenant ;

– dans l’attente d’une disposition législative obligeant les usagers des transports en commun publics à être porteurs d’un titre d’identité, inciter les transporteurs à inclure une telle obligation dans leurs conditions générales d’utilisation ;

– demander au gouvernement d’accélérer la mise en œuvre de la plateforme destinée à permettre le croisement des données de manière à fiabiliser les adresses des fraudeurs ;

– porter de deux à trois mois le délai pendant lequel les transporteurs peuvent recouvrer le montant des amendes avant que le Trésor public ne devienne compétent ;

– réfléchir à la possibilité de modifier l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante de manière à rendre à nouveau les parents solidaires de leurs enfants en cas de fraude dans les transports.

Bien que cette préconisation figure dans notre rapport, j’émets quelques réserves quant à sa constitutionnalité au regard des grands principes de notre droit pénal.

M. Michel Vialay, rapporteur. J’y suis pour ma part favorable, afin d’éviter que ne se propage un sentiment d’impunité déjà très développé chez les plus jeunes.

Mme Aude Luquet, rapporteure. La dernière préconisation en matière de lutte contre la fraude consiste à conditionner la remise d’un certain nombre d’actes administratifs, notamment les visas, à l’apurement des dettes en matière de fraude aux transports en commun publics.

Le troisième et dernier titre de la loi Savary résulte de l’initiative parlementaire de notre collègue, alors députée de Seine-Maritime, et porte sur la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports.

Le sentiment d’insécurité dans les transports en commun est particulièrement fort pour leurs usagères. Ce ressenti ne correspond pas toujours à une insécurité avérée, et n’est pas uniquement lié à des comportements d’individus agressifs : il peut tout aussi bien être causé par un éclairage insuffisant, par un mauvais entretien des infrastructures ou par l’absence de personnels de l’opérateur de transport dans une gare.

Bien que les femmes soient, statistiquement, moins victimes d’atteintes à l’intégrité physique que les hommes, l’insécurité qu’elles ressentent dans les transports est nettement plus élevée que chez les hommes. Lorsque prendre les transports en commun devient une situation anxiogène à part entière, ce sont souvent les femmes qui sont affectées et les comportements agressifs ou intrusifs sont devenus banals : comme l’a souligné l’un des représentants de la RATP que nous avons auditionnés, les violences visant les femmes « ont toujours existé » dans les transports, et une certaine « tolérance sociale » de ces comportements s’est durablement installée, même si elle commence à se réduire.

Le dispositif de l’article 22 de la loi n’est guère ambitieux. Il se borne à prévoir un bilan annuel sur les atteintes à caractère sexiste dans les transports publics collectifs de voyageurs, transmis à trois instances consultatives : le Défenseur des droits, l’Observatoire national des violences faites aux femmes et le Haut Conseil à l’égalité hommes-femmes.

De manière plus opérationnelle, l’article 22 oblige par ailleurs la SNCF et la RATP à faire de la prévention des violences et atteintes sexistes un « axe prioritaire » de la formation de leurs agents de sécurité.

Nous avons constaté que la SNCF comme la RATP ont effectivement mis en œuvre cette seconde disposition, en intégrant des modules spécifiques dans la formation initiale et dans la formation continue des personnels de la Suge et du GPSR. Mais ce n’est pas suffisant : d’une part, il faudrait étendre cette formation à d’autres personnels – probablement à tous les agents qui sont en contact direct avec la clientèle – et d’autre part, il faudrait que tous les opérateurs de transport aient cette obligation, et pas seulement la SNCF et la RATP.

S’agissant des bilans annuels, ils sont restés « lettre morte » car la loi ne précise pas qui a la responsabilité de les établir – même si l’article concerné du code des transports vise précisément les autorités organisatrices de transport. Par ailleurs, le texte ne prévoit pas de transmission des bilans aux services de l’État, et omet de prévoir que les services destinataires devront les publier ou en publier une synthèse.

La loi est donc largement perfectible sur tous ces points.

Fort heureusement, les acteurs de terrain n’ont pas attendu une nouvelle intervention du législateur pour agir : dans plusieurs agglomérations, par exemple, les conducteurs des autobus de nuit pratiquent l’arrêt à la demande, entre deux arrêts, pour que des usagers – et surtout des usagères – aient moins de chemin à faire à pied pour atteindre leur domicile en soirée. Les « marches exploratoires », souvent organisées en partenariat entre la SNCF, les communes et les associations, permettent d’identifier des lieux et des facteurs propices aux violences ou perçus comme tels.

Nous nous réjouissons tout de même qu’un prochain projet de loi nous permette, au printemps, de traiter la question des atteintes et violences sexistes de manière globale, le harcèlement dans les transports étant souvent précédé ou suivi d’un harcèlement de rue.

M. Michel Vialay, rapporteur. En matière de lutte contre les violences faites aux femmes, les préconisations de la mission sont les suivantes :

– établir clairement l’obligation, pour chaque autorité organisatrice de transports, de rédiger et de transmettre le bilan annuel prévu par la « loi Savary » ;

– demander au Groupement des autorités responsables de transport (GART) de distinguer, dans ses statistiques relatives aux incidents et agressions, ceux relevant de la catégorie des atteintes sexuelles ;

– compléter les éléments juridiques et méthodologiques inclus dans les modules de formation par une sensibilisation des agents à la nécessité de réserver aux victimes un accueil bienveillant et une écoute attentive et étendre cette obligation de formation à tous les opérateurs de transport et à tous leurs personnels ;

– généraliser le dispositif d’arrêt à la demande sur les lignes de bus en soirée.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Au nom du groupe La République en Marche, je vous remercie pour la qualité de votre rapport. En ce qui concerne le contrôle, vous avez fait un excellent travail et des pistes très intéressantes ont été avancées pour appliquer un certain nombre de dispositifs d’ordre réglementaire qui n’ont pas été mis en œuvre à ce jour.

Je souhaite vous interroger sur le dispositif de lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports. Un certain nombre de choses ne sont pas encore faites. Les autorités organisatrices de transport respectent-elles les nouvelles obligations qui s’imposent à elles ? Font-elles effectivement le bilan des atteintes à caractère sexiste relevées dans les transports publics ? De quel ordre sont les mesures qu’elles mènent ? Vous avez souligné que les bilans n’étaient pas demandés ou fournis. Que pourriez-vous recommander pour les exiger, étant donné qu’il est très important que le Défenseur des droits, l’Observatoire national des violences faites aux femmes et le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes disposent de ces informations, et que les conclusions soient rendues publiques ?

Par ailleurs, je tiens à indiquer que votre proposition relative à l’arrêt à la demande est en cohérence avec les demandes, remontant fréquemment du terrain, qui ont été constatées dans le cadre des ateliers sur la loi sur les mobilités. Il faudrait que cette possibilité ne soit pas mise en œuvre qu’en soirée, mais aussi la nuit et le matin très tôt, voire même plus largement.

En ce qui concerne la possibilité pour les transporteurs de demander des enquêtes administratives sur les personnes recrutées ou affectées à des postes liés à la sécurité des personnes, les entreprises font-elles usage de cette possibilité ? Sait-on si ces enquêtes ont permis d’écarter certaines personnes potentiellement à risque de ces postes ?

Mme Valérie Beauvais. Au nom du groupe Les Républicains, je vous félicite pour la qualité de vos travaux. Si des améliorations ont pu être apportées avec l’adoption de la loi « Savary », l’absence de mise en œuvre de certaines mesures réglementaires rend inopérante son application. Avez-vous pu, dans le cadre de vos travaux, obtenir des précisions sur ce sujet ?

La question de la sécurité dans les transports est un enjeu important : une étude réalisée par BVA en janvier dernier intitulée « Les Français et les transports » révèle que près d’un utilisateur de transports en commun sur deux – 47 % exactement – exprime un sentiment d’insécurité, sentiment qui est particulièrement ressenti par les jeunes de 25 à 34 ans – 55 % d’entre eux se sentent en insécurité – et les femmes – 53 % d’entre elles se sentent en insécurité. Avez-vous pu constater des améliorations en la matière, cette étude révélant plus un sentiment que la réalité quotidienne à laquelle sont confrontés les usagers ?

Par ailleurs, la loi prévoit un dispositif d’échange et de coordination entre les exploitants des transports publics et l’administration pour faciliter la recherche des adresses communiquées par les contrevenants et améliorer le recouvrement des amendes infligées. Pouvez-vous nous indiquer si ce dispositif fonctionne correctement et, si ce n’est pas le cas, quels sont les obstacles qui doivent être levés ?

Enfin, parmi les dispositions du titre sur les violences faites aux femmes qui a été ajouté au texte par l’Assemblée en première lecture, figurait la rédaction d’un compte rendu par les exploitants de transports des mesures et actions mises en œuvre pour lutter contre les actes de violence et de harcèlement à caractère sexiste à l’encontre des usagers et des personnels féminins. Pouvez-vous nous indiquer si ces dispositions ont bien été mises en œuvre et nous donner des exemples de mesures adoptées pour protéger les femmes – usagères comme agentes – des violences dont elles peuvent être victimes dans les transports ?

Mme Florence Lasserre-David Au nom du groupe MODEM et apparentés, je voudrais saluer le travail de nos collègues. Malgré les nombreuses actions entreprises conjointement par les autorités organisatrices de transports et les exploitants – mise en place de portillons, définition de points prioritaires de contrôle, campagnes de communication auprès des usagers – le cadre juridique antérieur ne permettait pas de garantir pleinement la sécurité ni de lutter efficacement contre la fraude. La refonte du cadre juridique opérée par la loi « Savary » de 2016 avait pour objectif de permettre aux différents acteurs de disposer d’outils efficaces, de garantir la sécurité des voyageurs, d’assurer la qualité du service rendu aux usagers et de lutter efficacement contre le manque à gagner généré par la fraude. Les conclusions de votre rapport sur la mise en œuvre de la loi nous permettent d’affirmer que les attentes des autorités organisatrices de transports et des exploitants ont trouvé une réalisation concrète grâce à la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés et à la publication rapide des décrets nécessaires à la mise en œuvre de la loi.

Cependant, si la loi « Savary » a renforcé les moyens des acteurs du secteur des transports, des améliorations sont encore possibles. Celles qui relèvent du législatif pourraient trouver leur place dans la discussion qui s’ouvrira bientôt au Parlement sur le projet de loi sur les mobilités que Mme la ministre présentera d’ici quelques semaines en Conseil des ministres.

Il serait intéressant d’approfondir nos réflexions sur la mise en place de deux outils que présente le rapport. Le premier est la création d’un concentrateur qui aurait pour mission de confronter l’adresse déclarée par un contrevenant lors de la verbalisation avec celle déclarée à l’administration fiscale. Dans l’attente du décret d’application de l’article 18 de la loi, les transporteurs se sont d’ores et déjà saisis de ce sujet de première importance. Toutefois des questions relatives au traitement des données personnelles se posent. Des problématiques similaires ont également émergé au sujet de la création du second outil, le fichier global des fraudeurs. À la lecture du rapport, il ressort que l’État, les autorités organisatrices de transports et les transporteurs sont favorables à la mise en place de ces deux dispositifs mais que l’absence de certaines garanties entourant l’accès aux données personnelles et leur utilisation freine leur mise en œuvre concrète. À cet égard, la loi d’orientation des mobilités sera peut-être l’occasion de s’interroger sur la pertinence d’une nouvelle transformation de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). Nous pourrions imaginer que l’ARAFER devienne l’autorité de régulation des transports en la dotant de nouvelles attributions ; elle serait alors l’entité la mieux placée pour contrôler ce concentrateur et garantir une gestion et une utilisation impartiale et efficace du fichier global des fraudeurs – à condition que ces nouvelles missions s’accompagnent des moyens nécessaires à leur bonne réalisation.

M. Guy Bricout. Comme mes collègues, au nom du groupe UDI-Agir et Indépendants, je voudrais d’abord remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail. La loi « Savary » avait initialement pour but de lutter contre la fraude. Suite à l’attentat manqué sur la LGV Nord dans un Thalys, elle avait été élargie à la lutte contre les actes terroristes dans les transports. La sécurité dans les transports publics est un impératif – pas seulement dans les métropoles. Il faut non seulement lutter contre le risque terroriste mais aussi contre les incivilités, le harcèlement et les agressions qui sont malheureusement le lot quotidien sur certaines lignes. L’inspection et la fouille des bagages, le renforcement des contrôles en civil, la généralisation des caméras-piéton ou l’instauration d’enquêtes administratives en amont du recrutement ou de l’affectation des personnes au sein des sociétés de transport sont des mesures qui sont positives à nos yeux. J’espère que leur application le confirme.

Comme l’avait dit notre collègue Stéphane Demilly à l’époque, il aurait été utile d’aller plus loin en ce qui concerne la lutte contre les violences à caractère sexiste. De la même manière, la génération de la vidéosurveillance fixe devrait être privilégiée – ne serait-ce que comme un outil de dissuasion contre les contrevenants. J’aimerais avoir votre analyse sur cette question.

Cette loi avait aussi pour but de renforcer l’exemplarité des voyageurs. Mais il faudrait également que cette exemplarité fonctionne dans le sens inverse ! Les incivilités et la fraude aux titres de transport doivent être combattues mais, pour faire le lien avec l’audition de MM. Guillaume Pepy et Patrick Jeantet, je tiens à rappeler qu’il faut que les voyageurs honnêtes qui payent leur billet ou leur ticket bénéficient en retour d’un service client et d’une information satisfaisants. Il faut également que les dédommagements en cas de retard ou d’annulation deviennent un réflexe. Ceci est d’autant plus nécessaire que, pour les ménages qui utilisent les transports ferroviaires quotidiennement, le coût des transports est un poste de dépenses non négligeable. Cela ne relève bien entendu pas de la loi mais je tenais à rappeler que sécurité et efficacité doivent aller de pair, pour que notre réseau de transport soit performant et satisfaisant pour tous les usagers.

Cela m’amène à ma dernière question : cette loi ayant élargi les prérogatives des agents de la SNCF, faudra-t-il la revoir lorsque, dans quelques mois, nous voterons les conditions de l’ouverture à la concurrence ?

M. Loïc Prudhomme. Avant de commencer je voudrais revenir sur le tumulte provoqué par mes collègues de droite au cours de mon intervention lors de l’audition précédente. Comme certains d’entre eux revendiquent le nom de « républicains », je souhaiterais leur rappeler que ma parole et mon analyse ont la même valeur que la leur. Si, dans ces murs, l’objectif est de perturber les interventions des uns et des autres, je tiens à leur indiquer que je possède un certain talent en la matière et qu’ils pourraient être surpris de ma réaction. Enfin, madame la Présidente, je vous remercie d'avoir rappelé qu’ici la parole est libre et que chacun peut s’exprimer.

Ceci étant dit, je vais revenir au sujet de la fraude dans les transports en commun. À l’échelle nationale, son coût est estimé à 500 millions d’euros par an. D’après vos chiffres, les 1 300 agents de la RATP ont relevé en 2016 un total de 1,4 million d’infractions. Ce chiffre est en baisse de 1,4 % par rapport à 2015 mais la RATP attribue cette baisse à une moindre disponibilité de ses agents pour les missions que le contrôle – d’autant que le Parquet n’a pas les moyens de traiter les dossiers d’une manière assez rapide. Dans cette entreprise, l’action contre la fraude permet chaque année le recouvrement de 30 millions d’euros. Or, en même temps, ce recouvrement coûte 150 millions d’euros. Ne verse-t-on pas dans l’absurde au vu de ces chiffres ?

Depuis le 1er septembre 2017, les bus sont gratuits à Niort pour les usagers, gratuité qui est financée par les taxes payées par les entreprises. Plus de contrôle pour les 120 000 habitants de l’agglomération ! La mairie a pris cette décision après avoir constaté que les transports collectifs n’étaient pas pleins et que les recettes de billetterie ne représentaient que 10 % du coût du réseau. Niort rejoint donc la vingtaine de villes où ce type de politique a été mis en place.

À Dunkerque, selon le maire, depuis la mise en place de la gratuité le week-end, les incivilités ont baissé de 60 % et la fréquentation a augmenté de 29 % le samedi et de 78 % le dimanche. Le surcoût pour budget est de 4,5 millions d’euros – ce qui correspond aux recettes de billetterie.

Pourquoi ne pas considérer aujourd’hui les usagers des transports comme des citoyens qui, en changeant leurs modes de transport, apportent des bénéfices à tous, notamment parce qu’en abandonnant leurs véhicules ils contribuent à l’amélioration de la qualité de l’air ? Un rapport récent du Sénat a d’ailleurs estimé ce coût en termes de santé pour la communauté nationale à un montant d’environ 1 000 milliards d’euros.

La loi « Savary » a acté que les autorités devront établir un bilan annuel des atteintes à caractère sexiste relevées dans les transports publics et présenter les actions réalisées pour lutter contre elles. Elles doivent le transmettre au Défenseur des droits, à l’Observatoire national des violences faites aux femmes et au Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Des engagements ont également été pris dans le cadre du plan national contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles de juillet 2015. Mais je ne vois aucun bilan à l’horizon et la loi ne prévoit la transmission de ce bilan ni au ministère de l’intérieur, ni au ministère des transports, ce qui empêche d’établir des statistiques au niveau national.

D’après l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, on a répertorié en deux ans au moins 267 000 personnes majeures qui ont été victimes. 85 % d’entre elles sont des femmes. 80 % des victimes déclarent avoir subi plusieurs actes. Plus d’une femme victime sur deux est francilienne. Plutôt que de mobiliser des agents pour mettre des amendes, pourquoi ne pas renforcer les effectifs de surveillance et de protection ?

Mme Bérangère Abba. Les nouveaux trains sont désormais dotés du système « équipement agent seul », c’est-à-dire circulent, en Île-de-France comme dans les autres régions, avec comme seul agent présent à bord le conducteur. Des brigades anti-fraude sont chargées du contrôle des titres de transport, mais n’interviennent que ponctuellement et sur certains tronçons. Sur la ligne 4 que nombre d’administrés de ma circonscription empruntent, on peut ainsi circuler pendant 50 minutes entre deux arrêts en étant seul à bord. Les réseaux de téléphonie mobile ne fonctionnent que de manière intermittente à bord de ces trains, certains passagers ne sont d’ailleurs pas équipés de téléphones mobiles.

Dans nos territoires, la présence d’agents à bord est indispensable, d’autant qu’ils assurent de multiples missions : ils renseignent les passagers, aident les voyageurs en difficulté et les personnes à mobilité réduite, informent en cas de perturbations et, bien souvent, assurent la vente de titres de transport. Ils sécurisent également les trains et rassurent les voyageurs en cas de retard, en anticipant la continuité des correspondances. Il arrive, de plus, que certains voyageurs n’aient pas pu acheter leur billet en gare, pour cause de guichet fermé. Le train sans contrôleur est-il amené à se généraliser dans les zones peu denses ? Comment rassurer les voyageurs qui empruntent ces lignes sans contrôleurs ? Quel est le protocole prévu en cas d’accident ou d’incident ? Quelle couverture en assurance peut-on garantir aux passagers ayant été dans l’incapacité d’obtenir un billet ?

M. Benoît Simian. Merci aux rapporteurs pour leur travail sur la « loi Savary », travail qui tombe à pic dans la perspective de la loi d’orientation sur les mobilités, sur laquelle nous travaillons. Au-delà des chiffres fournis concernant la fraude, on voit bien que la tâche reste immense. On peut constater les nombreux dysfonctionnements de portillons dans les gares.

S’agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes dans les transports, je rejoins Mme Maillart-Méhaignerie pour considérer qu’il est urgent de disposer des bilans prévus et que l’on ne peut pas transiger sur ce point. Au-delà, il faut renforcer les dispositifs d’alerte et les rendre plus visibles. Cette question devra être traitée dans le cadre de la loi d’orientation.

Mme Sandrine Josso. Parmi les nombreux projets d’attentats qui ont pu être déjoués, combien l’ont été grâce à cette loi ?

Mme Sophie Panonacle. S’agissant des violences faites aux femmes, Madame la rapporteure a parlé de « situation anxiogène » : il faut souligner que le sentiment d’insécurité est dû au harcèlement subi, car il y a un vrai harcèlement. En Île-de-France, 100 % des usagères ont été victimes de harcèlement au moins une fois. Il n’y a pas qu’un problème de ressenti, les faits sont avérés. L’une des solutions serait peut-être de mener davantage d’actions de communication sur ces violences dans les établissements scolaires et dans les entreprises. Il faudrait également développer les espaces d’information destinés aux femmes dans les infrastructures de transports en commun – pourquoi pas des « kiosques », notamment dans le métro – et des numéros d’appel d’urgence, affichés dans les bus et les métros, pour une réactivité immédiate.

Mme Sandrine Le Feur. S’agissant de l’accueil réservé à cette loi par les transporteurs et les usagers, la loi répond-elle aux attentes ? Les transporteurs font-ils usage de toutes les possibilités que la loi leur offre ? Ont-ils des revendications supplémentaires ? Comment les usagers perçoivent-ils les différents dispositifs mis en place, notamment les interventions en civil et les caméras de sécurité ?

Mme Aude Luquet, rapporteure. La thématique des violences faites aux femmes a suscité de multiples questions. L’obligation définie à l’article 22 de la loi Savary d’établir un bilan de ces violences n’est toujours pas mise en œuvre aujourd’hui, même si l’article L. 1632-1 du code des transports prévoit qu’elle relève de la responsabilité des autorités organisatrices de transports (AOT). Il est indispensable que la Représentation nationale veille à son application, éventuellement avant la prochaine loi d’orientation, car aucune statistique n’a encore été transmise. Sinon, comment répondre concrètement aux différentes situations ?

Ces violences recouvrent des cas de harcèlements, de sentiment d’insécurité… Il existe déjà un numéro d’appel et une application proposés par la SNCF, le 3117, que l’on peut activer lorsque l’on se retrouve seul dans un train – sauf, évidemment, quand le réseau est insuffisant.

Quoi qu’il en soit, il importe que l’on obtienne un premier bilan, au moins d’une AOT, pour aller au-delà des constats et proposer des actions. Notre rapport recommande notamment des actions de formation des conducteurs et de tous les personnels travaillant à la réception des clients.

La vidéosurveillance est aussi très développée, même si nous n’en avons pas la mesure précise. En visitant le Pôle Sécurité de la gare du Nord, nous avons pu en constater par nous-même l’ampleur : toutes les gares sont surveillées, avec 40 000 caméras, 10 000 sur les quais de métro. Ce n’est pas suffisant pour évacuer le sentiment d’insécurité, mais sachons que nous ne sommes pas seuls sur les quais ou dans les trains.

M. Michel Vialay, rapporteur. Une des difficultés pour mesurer les actes de violence subis par les femmes est que plusieurs acteurs disposent de données mais ignorent à qui les transmettre. Il est actuellement impossible d’obtenir une cohérence globale. D’où notre recommandation d’adresser l’ensemble de ces statistiques au ministère pour qu’il puisse les traiter et publier un rapport sur les violences faites aux femmes et les « contextes spécifiques aux atteintes sexuelles ».

Nous avons également demandé qu’un bilan des formations réalisées soit établi pour connaître les effectifs des collaborateurs qui les auront suivies, et que ces formations soient prévues dans les parcours d’intégration de tous les personnels qui pourraient être confrontés à des victimes de violences – qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes – de façon à leur assurer un accueil bienveillant. Aujourd’hui, seuls les membres des services de sécurité bénéficient de ces formations.

Mme Aude Luquet, rapporteure. Pour répondre à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, la RATP a indiqué avoir demandé 659 enquêtes de criblage ; 309 dossiers ont été traités et 20 avis d’incompatibilité ont été rendus. La SNCF n’a pas donné de chiffres. Mais une fois que l’enquête administrative a conclu à une incompatibilité, il est très compliqué de licencier un employé. Selon des règles proches de la fonction publique, un reclassement doit d’abord être étudié ; un licenciement n’intervient que si ce reclassement ne peut se faire. Nous pensons que le reclassement n’est pas la meilleure solution lorsqu’une incompatibilité est prononcée pour une raison de sécurité – c’est l’objet d’une de nos préconisations.

M. Michel Vialay, rapporteur. Nous observons aussi que ce « criblage » ne concerne pas tous les personnels. N’y sont pas soumis les prestataires de service, comme ceux qui font le ménage des équipements. Or, leurs interventions dans les transports, souvent seuls, présentent un risque fort. Aussi recommandons-nous un élargissement du « criblage » à ces divers personnels.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. On peut se référer au travail qui a été fait auprès de tous les personnels de l’Éducation nationale sur les atteintes aux droits des enfants et à leur intégrité. C’est un problème extrêmement sérieux que la Représentation nationale se doit de porter et de défendre auprès des services de l’État.

M. Michel Vialay, rapporteur. Concernant les pédagogies pouvant être dispensées, nous ne sommes pas allés au-delà du périmètre délimité par la loi Savary et de la vérification de ses effets. Il y a forcément des actions d’éducation très importantes qui doivent être menées dans d’autres domaines.

Mme Aude Luquet, rapporteure. Concernant la mise en place d’un « concentrateur », évoquée par Mme Florence Lasserre-David, et la réponse que pourrait apporter l’ARAFER, j’avais abordé cette question lorsque nous avons auditionné son président, sans obtenir de réponse. Pour répondre à cette question, ainsi qu’à celle de la fiabilisation des données et au fait qu’il faudrait un unique fichier pour l’ensemble des fraudeurs, un concentrateur a été désigné : c’est l’Union des transports publics et ferroviaires. Ce ne sera donc pas l’ARAFER. Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur l’échéance de mise en place de cette plateforme, qui permettrait de réunir l’ensemble des données. Nous ne connaissons pas les raisons réelles de son retard.

M. Loïc Prud’homme a posé une question sur le coût de la fraude, évalué à 150 millions d’euros, dont 30 millions d’euros pour la RATP. Si nous mettons en place un certain nombre des solutions prévues par la loi, notamment cette plateforme, à terme, le coût de la fraude devrait baisser. Quant à la question des transports gratuits, elle ne relève pas de la « loi Savary » mais de choix politiques.

M. Michel Vialay, rapporteur. Par rapport à la proposition qui a été faite, nous ne pouvons pas nous prévaloir de nos propres turpitudes, de notre incapacité à identifier l’ensemble des fraudes et, donc, à les contrecarrer et les réduire.

Mme Aude Luquet, rapporteure. Mme Sandrine Le Feur a souhaité savoir si la « loi Savary » a répondu à certaines des attentes des transporteurs. Le retour que nous avons eu pendant les auditions est que la loi était attendue par les transporteurs et qu’elle a en partie répondu à leurs attentes, notamment sur les caméras de sécurité. Ils nous ont fait part de leur satisfaction. Nous avons également pu être témoins des contrôles en civil à la gare du Nord au mois de septembre dernier. Il s’avère que l’agressivité est moindre et que les personnes n’ayant pas payé leur titre de transport acceptent plus facilement de payer les amendes. Le dispositif ayant été mis en place en juillet 2017, il faudrait peut-être faire un bilan à six mois pour identifier d’autres impacts sur la fraude.

M. Michel Vialay, rapporteur. Une question a été posée sur le nombre d’attentats qui auraient pu être déjoués par ces dispositifs. Nous n’avons pas eu connaissance de statistiques de cette nature, qui relèvent davantage de la responsabilité du ministère de l’intérieur et qui comportent sans doute un caractère de confidentialité.

Concernant l’incidence de l’ouverture à la concurrence, il nous semble évidemment souhaitable que ces dispositions, que nous aurons à faire évoluer, s’imposent demain à tous ceux qui interviendront sur notre territoire, voire au-delà. Au fil de notre mission, nous avons fait le choix de ne pas étudier les dispositions prises dans d’autres pays européens pour nous concentrer sur le territoire national.

Mme Barbara Pompili, Présidente. J’ai le sentiment que les réponses ont été fournies. Je tiens d’abord à vous dire que nous apprécions beaucoup la qualité du travail en commun que vous avez réalisé, tout en mettant en lumière les débats que vous avez eus entre vous.

Il nous reste, chers collègues, à autoriser la publication du rapport.

*

La commission autorise la publication du rapport.

*

 


—  1  —

   Liste des personnes auditionnÉes

Ministère de l’Intérieur

M. Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques

M. Aurélien Adam adjoint à la cheffe du bureau des polices administratives

SNCF Mobilités

M. Stéphane Volant, secrétaire général du groupe SNCF

Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire

M. Mickaël Mesure, responsable de la lutte anti-fraude (direction des trains et escales)

Mme Céline Sibert, directrice de la sûreté

M. Thierry Dupin, directeur adjoint et directeur de la Suge

M. Frédéric Belouard, directeur de la zone sûreté de Paris-Saint-Lazare

M. Philippe Lemoine, chef du Poste de commandement national de sûreté (PCNS)

M. Sébastien Jorge, conseiller sûreté (DZA de Paris-Nord)

Mme Caroline Collinet, MM. Romuald Lancrerot, Sébastien Briffaud et Arnaud Bernard, agents de la Suge, et M. Lionel Bigot, chef d’agence Suge Paris-Nord

Mmes Bénédicte Deman, Céline Perronne, Nadine Falco, Tatiana Tapage, Irina Zanazzi, Valérie Chazottes, MM. Georges Letexier, Patrice Arei, Philippe Giraud, Abdoul-Gaffour Marecar, Antonio Alves Ventura, agents du service commercial des trains (contrôleurs)

Ministère de la Transition écologique et solidaireDirection générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)

M. Franck Agogué-Escaré, directeur adjoint du service des transports

Mme Isabelle Gally, cheffe du département de la sûreté dans les transports

Union des transports publics et ferroviaires (UTP)

M. Claude Faucher, délégué général

M. John-David Nahon, du département affaires sociales

M. Ali-Cherif Boukherrouba, chargé de mission auprès du délégué général

Mme Aurélie Jabeur, chargée du pôle social transport urbain et sûreté

Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports (FNAUT)

M. Bruno Gazeau, président

Mme Christiane Dupart, vice-présidente

Groupement des autorités responsables de transport (GART)

M. Louis Nègre, président

M. Guy Le Bras, directeur général

Transdev

M. Richard Dujardin, directeur général France

M. Serge Castello, directeur de la sûreté

RATP

M. Jérôme Harnois, directeur chargé de la maîtrise des risques, des enjeux de sûreté et des affaires institutionnelles

M. Franck Avice, directeur des services, de la relation client et des espaces

M. Stéphane Gouaud, directeur du département sécurité

Mme Isabel Lecrique, responsable de l’unité relations sociales et droit Social

Syndicat Unité SGP Police – FO

M. Daniel Chomette, secrétaire général délégué

M. Dominique Le Dourner, secrétaire national chargé des conditions de travail

Ministère de l’Économie et des finances – Direction générale des finances publiques (DGFiP)

Maryvonne Le Brignonen, sous-directrice des particuliers

M. Guy Cléaz-Savoyen, chef du bureau GF-1C

Mme Sylvie Hannion, chef de secteur au sein du bureau GF-1C

Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)

M. Émile Gabrié, chef du secteur régalien et collectivités locales

Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires


([1]) L’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :

 « Lorsque le résultat d’une enquête réalisée en application du deuxième alinéa du présent article fait apparaître, le cas échéant après l’exercice des voies de recours devant le juge administratif dans les conditions fixées au neuvième alinéa, que le comportement du salarié concerné est incompatible avec l’exercice des missions pour lesquelles il a été recruté ou affecté, l’employeur lui propose un emploi autre que ceux mentionnés au premier alinéa et correspondant à ses qualifications. En cas d’impossibilité de procéder à un tel reclassement ou en cas de refus du salarié, l’employeur engage à son encontre une procédure de licenciement. Cette incompatibilité constitue la cause réelle et sérieuse du licenciement, qui est prononcé dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail relatives à la rupture du contrat de travail pour motif personnel. »

([2]) L’article R. 114-7 dresse la liste des 5 catégories de fonctions pour lesquelles une enquête peut être demandée :

 - les aiguilleurs, les gestionnaires des mouvements des trains, et les agents en fonction dans un Poste central de commandement ou dans un poste de régulation ;

 - les administrateurs des systèmes d’information liés à l’exploitation du réseau ferroviaire ou guidé ;

 - les concepteurs des systèmes de contrôle et de commande des installations ;

 - les conducteurs de véhicules de transport public collectif de personnes par voie ferrée, guidée ou routière ;

 - les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP.

([3]) European Travel Information and Authorization System. Il s’agit du futur système informatisé qui autorisera ou pas, à l’horizon 2020 les visiteurs des pays qui n’ont pas besoin de visa à entrer dans la zone Schengen. Ce mécanisme est inspiré du système américain ESTA (Electronic System for Travel Authorization) dont l’objectif est similaire.

([4]) Cet observatoire est rattaché à la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences (MIPROF) créée par décret en janvier 2013.

([5]) Créé par décret en janvier 2013, et consacré par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([6]) FNAUT – Harcèlement sexiste dans les transports collectifs routiers et les pôles d’échanges multimodaux (juillet 2017).

([7]) Rapport sûreté dans les transports publics urbains en 2016.