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N° 973

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mai 2018

RAPPORT D’INFORMATION

 

FAIT

 

en application de l’article 29 du Règlement

 

au nom des délégués de l’Assemblée nationale

à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (1)

sur l’activité de cette Assemblée

au cours de la deuxième partie de sa session ordinaire de 2018

 

par Mme Nicole TRISSE

 

ET PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

____________________________________________________________________ 

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.


 

 

 

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en avril 2018, de : MM. Damien Abad, Olivier Becht, Mmes Marie-Christine Dalloz, Jennifer De Temmerman, Albane Gaillot, MM. Fabien Gouttefarde, Jérôme Lambert, Mme Alexandra Louis, MM. Jacques Maire, Bertrand Sorre, Mme Nicole Trisse et M. Sylvain Waserman, en tant que membres titulaires, et M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Sophie Auconie, M. Bertrand Bouyx, Mme Yolaine de Courson, MM. Yves Daniel, Bruno Fuchs, Mmes Marietta Karamanli, Bérengère Poletti, Isabelle Rauch, MM. Frédéric Reiss, Adrien Taquet et Mme MarieChristine Verdier-Jouclas, en tant que membres suppléants.

 

 


Travaux de la délégation française (2ème partie de session 2018)

 

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. l’activitÉ de la dÉlÉgation française À l’APCE entre les sessions d’hiver et de printemps

A. La participation des membres de la dÉlÉgation française À plusieurs grands rendez-vous

1. Les réunions du Bureau, de la Commission permanente et de la commission ad hoc du Bureau à Paris, les 15 et 16 mars 2018

2. Deux missions d’observation électorale en Azerbaïdjan et au Monténégro

a. L’élection présidentielle en Azerbaïdjan du 11 avril 2018

b. L’élection présidentielle du Monténégro du 15 avril 2018

B. Les travaux des membres de la dÉlÉgation française

1. L’audition, à Paris, de M. Alexis Lamek, directeur des Nations Unies et des organisations internationales, le 12 avril 2018

2. Une participation active aux réunions de commissions en dehors de Strasbourg

a. La réunion de la commission sur l’égalité et la non-discrimination à Copenhague, des 1er et 2 mars 2018

b. La réunion de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées à Amman, des 21 et 22 mars 2018

c. Les réunions de commissions à Paris, dans les locaux du Conseil de l’Europe

3. La mission en Moldavie, du 3 au 5 avril 2018, d’une sénatrice de la délégation française, au titre de son mandat de corapporteure de la commission du suivi

II. le bilan global de l’actualitÉ du Conseil de l’Europe et de l’APCE sous l’angle de la 2Ème partie de session 2018

A. Informations gÉnÉrales sur le dÉroulement de la deuxiÈme partie de session 2018

1. L’ordre du jour, les interventions et les nominations des parlementaires français

2. Les textes adoptés

B. L’actualitÉ du Conseil de l’Europe et de son assemblÉe parlementaire

1. L’examen, par le Bureau, du rapport du groupe d'enquête externe indépendant sur les allégations de corruption à l’encontre de membres de l’APCE

2. Le rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente

3. L’élection du juge du Monténégro à la Cour européenne des droits de l’Homme

4. La remise du prix du Musée de l’Europe et du Prix de l’Europe

a. Le Prix du Musée de l’Europe

b. Le Prix de l’Europe

C. Les auditions et Échanges de l’AssemblÉe parlementaire avec plusieurs personnalitÉs

1. L’allocution de M. Nikola Dimitrov, Ministre des Affaires étrangères de l’ex-République yougoslave de Macédoine, le 24 avril 2018

2. La séance de questions à M. Thorbjøn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe, le 24 avril 2018

3. La communication du Président du Comité des Ministres, M. Anders Samuelsen, Ministre des Affaires étrangères du Danemark, le 25 avril 2018

D. Les entretiens menÉs par la dÉlÉgation française À Strasbourg

1. L’entretien avec des représentantes de l’Alliance européenne des organisations de femmes catholiques (ANDANTE)

2. L’entrevue sollicitée par M. Saleh Mohamed Maslem, ancien coprésident du parti de l’Union démocratique du nord de la Syrie

3. L’échange de vues avec la délégation ukrainienne sur le dossier Nord Stream 2

4. La rencontre avec une délégation de l’organisation non gouvernementale Open Dialog

5. La réunion de travail avec le Directeur général des droits de l’Homme et de l’État de droit du Conseil de l’Europe, M. Christos Giakoumopoulos

III. Des dÉbats importants sur des enjeux toujours aussi majeurs lors de cette session de printemps

A. La conciliation des enjeux de sÉcuritÉ avec le respect des droits fondamentaux

1. L’examen de l’état d’urgence décrété par plusieurs États membres, dont la France jusqu’à peu, au regard des dispositions de la convention européenne des droits de l’Homme

2. Les problèmes juridiques et les défis aux droits de l’Homme posés par la guerre hybride

3. La lutte contre le crime organisé par la facilitation de la confiscation des avoirs illicites

B. Les consÉquences, toujours d’actualitÉ, des crises les plus rÉcentes

1. Les enseignements tirés du financement du groupe terroriste Daech

2. La réponse aux besoins humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays

3. La situation en Libye et le rôle que peut jouer le Conseil de l’Europe

4. Le rôle du Conseil de l’Europe dans les initiatives de processus de paix en Syrie

C. Le changement climatique et la mise en œuvre de l’accord de Paris

D. La dÉfense de la dÉmocratie par la protection de la presse

1. La protection de l’intégrité rédactionnelle

2. Le statut des journalistes en Europe, à l’ère numérique

E. Deux dÉbats inscrits en urgence sur la dÉclaration de Copenhague et le suivi de l’enquÊte indÉpendante sur les allÉgations de corruption À l’APCE

1. Le suivi du rapport du groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire

2. La déclaration de Copenhague, évaluation et suivi

F. L’examen de questions diverses liÉes À la prÉservation des droits de tous

1. Le débat libre

2. La tuberculose pharmacorésistante en Europe

3. L’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire


Travaux de la délégation française (2ème partie de session 2018)

 

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   Introduction

 

 

En application de l’article 29 du Règlement de l’Assemblée nationale et de l’article 108 de celui du Sénat, les travaux de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) font l’objet d’un rapport d’information à l’issue de chacune des quatre parties de session de cet organe statutaire du Conseil de l’Europe.

La deuxième partie de session (session dite de « printemps ») qui s’est tenue à Strasbourg du 23 au 27 avril 2018 a, une fois de plus, donné lieu à des échanges nourris et à des travaux importants sur un grand nombre de questions touchant à l’État de droit et à la démocratie mais aussi à l’Assemblée parlementaire elle-même.

L’APCE a en effet été au centre de débats intenses au sein de son Bureau, de sa commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles et lors d’une séance plénière de ses membres, à la suite de la publication du rapport du groupe d’enquête indépendant sur certaines allégations de corruption en son sein.

De même, selon un usage désormais bien installé, plusieurs personnalités se sont exprimées devant les parlementaires lors de séances plénières spécialement prévues à cet effet. Il en a été ainsi du Ministre des Affaires étrangères de l’ancienne République de Macédoine. Son homologue du Danemark a, quant à lui, rendu compte à l’APCE des travaux du Comité des Ministres, l’organe exécutif du Conseil de l’Europe qu’il achevait de présider, et répondu aux questions des parlementaires. Enfin, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe a lui aussi répondu aux questions des membres de l’Assemblée parlementaire en séance plénière.

Les débats thématiques à proprement parler ont, pour certains, porté sur des sujets intéressant directement la France, qu’il s’agisse de l’évaluation de la proportionnalité des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence au regard de l’article 15 de la convention européenne des droits de l’Homme ou de la mise en œuvre de l’accord de Paris de 2015 sur le changement climatique.

L’Assemblée parlementaire a également examiné plusieurs dossiers induits par les crises récentes, à savoir les enseignements tirés du financement de Daech, la réponse aux besoins humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, les problèmes juridiques et défis posés par la guerre hybride ou la situation en Libye et en Syrie.

Les questions entourant la défense de la démocratie par la protection de la presse ont, elles aussi, occupé une large partie de l’agenda de l’APCE dans le cadre d’un débat conjoint sur le statut des journalistes en Europe à l’ère numérique et sur la protection de l’intégrité rédactionnelle. Ont également fait l’objet d’une attention particulière au cours de cette session certaines questions plus spécifiques, comme la tuberculose pharmacorésistante en Europe et l’intégration, l’autonomisation ainsi que la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire.

Le présent rapport retrace la teneur de tous ces débats, ainsi que la part qu’y ont prise les membres de la délégation française, députés comme sénateurs.

 


Travaux de la délégation française (2ème partie de session 2018)

 

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I.   l’activitÉ de la dÉlÉgation française À l’APCE entre les sessions d’hiver et de printemps

L’activité des membres de la délégation française à l’APCE ne se résume pas à leur présence aux quatre parties de session ordinaire se déroulant à Strasbourg. Dans le cadre de leur mandat, ils participent aussi dans l’intervalle à de nombreux travaux délocalisés à Paris ou dans des pays membres du Conseil de l’Europe. La délégation se réunit également régulièrement à l’Assemblée nationale ou au Sénat pour procéder à des auditions de personnalités, sur des sujets intéressant directement son action.

A.   La participation des membres de la dÉlÉgation française À plusieurs grands rendez-vous

Entre fin janvier et avril 2018, les membres de la délégation française ont, à des titres divers, assisté à des réunions d’instances de l’APCE, se sont déplacés à l’étranger dans le cadre de réunions de commissions délocalisées ou de missions d’observation électorale, et ont procédé à des auditions de responsables politiques ou administratifs importants à Paris.

1.   Les réunions du Bureau, de la Commission permanente et de la commission ad hoc du Bureau à Paris, les 15 et 16 mars 2018

Les 15 et 16 mars 2018, le Bureau et la Commission permanente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe puis la commission ad hoc sur la mission et l’avenir de l’APCE se sont réunis dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, à Paris.

Le jeudi 15 mars, Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche), présidente de la délégation française, a participé à la réunion du Bureau, en sa qualité de Vice-Présidente de l’APCE. À cette occasion, ont été abordées plusieurs questions relatives à l’organisation des travaux de l’Assemblée parlementaire au cours de l’année 2018 (ordre du jour de la session d’avril, missions d’observation électorale, renvois pour examen de propositions de résolutions et de recommandations aux commissions permanentes de l’Assemblée parlementaire, notamment). Le Bureau a aussi statué sur les nouvelles obligations déclaratives des intérêts financiers des membres de l’APCE, ainsi que sur les règles d’accès et de circulation au sein du Conseil de l’Europe pendant les sessions parlementaires.

Le vendredi 16 mars, Mme Nicole Trisse a assisté, en sa qualité de Présidente de la délégation française, à la réunion de la Commission permanente de l’APCE, au cours de laquelle a notamment été auditionné M. Guido Raimondi, Président de la Cour européenne des droits de l’Homme. Il s’agissait de la première audition du Président en exercice de la Cour par la Commission permanente de l’APCE.

Se référant à la situation actuelle de la Cour, M. Guido Raimondi a notamment souligné qu’au cours des dernières années, elle n’a cessé de rationaliser ses méthodes de travail pour augmenter efficacité et productivité. En l’occurrence, si 160 000 requêtes étaient pendantes devant la juridiction en 2011, ce volume a diminué de moitié à la fin de l’année 2016. La Roumanie, la Russie, l’Ukraine, la Turquie, l’Italie et la Hongrie sont concernées par environ 70 % du volume total des requêtes actuellement. Le Président de la Cour européenne des droits de l’Homme a fait valoir que l’une des pistes pour l’avenir du système est certainement le Protocole n° 16, destiné à mettre en place un dialogue nouveau entre les plus hautes juridictions nationales et la Cour de Strasbourg.

Au cours de sa réunion, la Commission permanente a aussi examiné deux rapports relatifs :

 à l’égalité entre les femmes et les hommes s’agissant des pensions alimentaires des enfants, d’une part, présenté par Mme Guisela Wurm (Autriche – SOC) ;

 à l’impact de la crise budgétaire actuelle du Conseil de l’Europe sur la liste des langues de travail de l’APCE, d’autre part, présenté par Mme Petra De Sutter (Belgique – SOC).

Deux résolutions et une recommandation ont été adoptées par les membres de la Commission permanente à l’occasion de ces débats.

À l’issue de la réunion de la Commission permanente, le même jour, la commission ad hoc sur la mission et l’avenir de l’APCE a débattu, en présence d’un représentant du Parlement de la Fédération de Russie, des réponses apportées par les délégations nationales aux sujets de réflexion proposés en février 2018 par le Président de l’APCE. Les travaux de cette commission ad hoc ont vocation à se poursuivre au cours des mois à venir, en vue de propositions et de réformes d’ici la fin de l’année.

2.   Deux missions d’observation électorale en Azerbaïdjan et au Monténégro

Depuis 1989, l’APCE a observé plus de 140 élections parlementaires et présidentielles dans les pays européens par l’intermédiaire de commissions ad hoc auxquelles plus de 1 800 parlementaires ont participé. La décision d’envoyer ou non ces missions d’observation des élections incombe au Bureau de l’Assemblée parlementaire.

En de telles occasions, les membres de l’APCE effectuent leur mission de concert avec des partenaires issus de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme (BIDDH), du Parlement européen et le cas échéant de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.

Deux élections importantes, prévues peu avant la session de printemps de l’APCE, ont donné lieu en avril à des missions d’observation décidées par le Bureau. Dans les deux cas, des membres de la délégation française en ont fait partie.

a.   L’élection présidentielle en Azerbaïdjan du 11 avril 2018

Le Président azerbaïdjanais au pouvoir depuis 2003, M. Ilham Aliev, candidat pour un quatrième mandat, a annoncé début février 2018 convoquer une élection présidentielle anticipée pour le 11 avril.

Depuis 2009, la Constitution du pays ne fixe plus de limite au nombre de mandats présidentiels. En 2016, leur durée a été allongée à sept ans.

L’image du pays s’est notablement dégradée en 2017 du fait de plusieurs affaires au retentissement international :

– en premier lieu, les refus répétés de la justice nationale d’exécuter un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme demandant la libération du chef du parti d’opposition Real, M. Ilgar Mammadov, arrêté et condamné à sept ans de prison pour « organisation de troubles de masse » en 2013. Ces refus ont poussé le Conseil de l’Europe à enclencher à l’encontre de l’Azerbaïdjan une procédure en manquement ;

– en deuxième lieu, l’enlèvement à Tbilissi, où il vivait exilé, du journaliste azerbaïdjanais Afghan Mukhtarli, suivi de son incarcération à Bakou, le 29 mai 2017 ;

– en troisième lieu, la fermeture de la dernière agence de presse azerbaïdjanaise indépendante Turan, et l’arrestation le 24 août 2017 de son directeur, M. Mehman Aliev, remis en liberté conditionnelle le 15 septembre suivant.

Soucieux d’éviter qu’une mission d’observation électorale de l’Assemblée parlementaire ne soit instrumentalisée par les autorités du pays, le Bureau de l’APCE, lors de sa réunion du 15 mars 2018, n’a consenti à l’envoi d’une commission ad hoc en Azerbaïdjan qu’à la condition que l’OSCE et le BIDDH participent également à l’observation du déroulement du scrutin.

Mme Nicole Duranton (Eure – Les Républicains) et M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) étaient membres de cette commission, respectivement au titre des groupes PPE/DC et ADLE. Ils ont participé aux travaux sur place les jours précédents et lors du déroulement du vote.

À l’issue des opérations électorales, la commission ad hoc a fait savoir dans ses conclusions liminaires que, de son point de vue, l’élection présidentielle anticipée en Azerbaïdjan s’est déroulée dans un environnement politique restrictif, avec des lois restreignant les droits et libertés fondamentales, qui sont des conditions préalables à de véritables élections démocratiques. Dans ce contexte et en l’absence de pluralisme, y compris dans les médias, elle a jugé que la réélection de M. Ilham Aliev par plus de 86 % des suffrages exprimés a manqué de véritable concurrence.

Le rapport du président de la commission ad hoc sur cette mission d’observation de l’élection présidentielle azérie n’a pas été inscrit à l’ordre du jour du Bureau et de la Commission permanente à Zagreb, les 31 mai et 1er juin 2018 ; il sera donc examiné ultérieurement.

b.   L’élection présidentielle du Monténégro du 15 avril 2018

Une élection présidentielle s’est déroulée le 15 avril 2018 au Monténégro. Aux termes de la Constitution du pays, le scrutin se déroule, le cas échéant, à deux tours si aucun candidat ne recueille la majorité absolue.

Le Président de la République du Monténégro est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois. Le deuxième mandat du président en exercice, M. Filip Vujanović, arrivant à son terme, celui-ci n’était pas candidat à sa réélection.

Lors de sa réunion du 15 mars 2018, le Bureau de l’APCE avait arrêté la composition de la commission ad hoc destinée à procéder à l’observation de ce scrutin.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains) était membre de cette commission au titre du groupe PPE/DC. Elle a donc participé aux travaux sur place les jours précédents et lors du déroulement du vote.

Le lendemain du premier tour de vote, au cours duquel M. Milo Djukanovic a été élu avec 53,5 % des suffrages exprimés, la commission ad hoc a fait savoir dans ses conclusions liminaires que, selon son appréciation, les libertés fondamentales ont été respectées bien que le candidat du parti au pouvoir ait eu un avantage institutionnel du fait d’une utilisation parfois abusive des ressources de l’État pendant la campagne électorale.

Le rapport du président de la commission ad hoc sur cette mission d’observation de l’élection présidentielle monténégrine doit être soumis au Bureau ainsi qu’à la Commission permanente de l’Assemblée parlementaire lors de leurs réunions à Zagreb les 31 mai et 1er juin 2018.

B.   Les travaux des membres de la dÉlÉgation française

Entre deux sessions plénières de l’APCE, les membres de la délégation française ne restent pas inactifs. Outre leur participation à des réunions de commissions délocalisées à Paris ou à l’étranger, ils procèdent à des auditions dans le cadre de la délégation.

1.   L’audition, à Paris, de M. Alexis Lamek, directeur des Nations Unies et des organisations internationales, le 12 avril 2018

Les membres de la délégation française à l’APCE effectuent régulièrement, dans l’intervalle des sessions plénières de l’Assemblée parlementaire, des auditions de personnalités, de responsables administratifs, de juristes ou de spécialistes des questions européennes.

C’est dans ce cadre que, le jeudi 12 avril 2018, la délégation a auditionné au Sénat M. Alexis Lamek, directeur des Nations Unies, des organisations internationales, des droits de l’Homme et de la Francophonie au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères [1].

Ce dernier était accompagné pour l’occasion de M. Mikaël Griffon, délégué aux fonctionnaires internationaux, ainsi que de Mme Florence Cormon-Veyssière, sous-directrice des droits de l’Homme et des affaires humanitaires, en charge du suivi du Conseil de l’Europe, M. Aurel Treizenem, correspondant sur les questions touchant au Conseil de l’Europe à cette sous-direction, et Mme Philippine Brygo, rédactrice en charge du suivi des organisations internationales basées en France au sein de la délégation aux fonctionnaires internationaux.

Rattachée à la direction générale des affaires politiques et de sécurité, la direction des Nations Unies et des organisations internationales contribue à la mise en œuvre de l’action de la France à l’égard des organisations internationales et des organisations intergouvernementales à vocation mondiale. Elle participe aussi à la définition de la politique générale et des contributions du pays à l’égard de ces mêmes organisations.

Cette audition a donné l’occasion aux intervenants d’échanger avec les membres de la délégation française sur les risques de fragmentation du Conseil de l’Europe, sur la crise budgétaire qui le frappe actuellement, ainsi que sur la place et l’action de la France vis-à-vis de l’Organisation pour consolider la promotion des droits de l’Homme et la promotion de l’État de droit.

Ont également été abordées, lors des débats, les échéances importantes qui se profilent, à savoir notamment la présidence française du Comité des Ministres lors du 70ème anniversaire du Conseil de l’Europe, ainsi que l’élection du Secrétaire général en 2019 et le renouvellement d’un certain nombre de responsables importants pour le fonctionnement de l’Organisation.

Une autre audition de ce type avait été prévue quelques jours auparavant, le 28 mars 2018 en fin de matinée. Elle visait à entendre Mme Nathalie Griesbeck, députée européenne et présidente de la Commission spéciale du Parlement européen sur le terrorisme. Elle a cependant dû être annulée en raison de l’hommage national rendu le même jour au Lieutenant-Colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, à l’Hôtel des Invalides, suite aux dramatiques attentats commis le 23 mars précédent à Carcassonne et Trèbes.

2.   Une participation active aux réunions de commissions en dehors de Strasbourg

Plusieurs réunions de commissions permanentes de l’APCE se sont déroulées entre fin janvier et fin avril 2018. Deux d’entre elles ont eu lieu à l’étranger, au Danemark (pays présidant alors le Comité des Ministres) et en Jordanie (pays partenaire pour la démocratie), donnant lieu à des programmes de travail particulièrement intéressants ; les autres se sont tenues dans les locaux du Conseil de l’Europe à Paris. Toutes ces réunions ont conduit à la présence active de membres de la délégation française.

a.   La réunion de la commission sur l’égalité et la non-discrimination à Copenhague, des 1er et 2 mars 2018

Dans le cadre de ses auditions délocalisées à l’étranger, la commission sur l’égalité et la non-discrimination de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’est réunie à Copenhague les 1er et 2 mars 2018, sous la présidence de Mme Elvira Kovács (Serbie – PPE/DC). Mme Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain) a participé à ces travaux au titre de la délégation française à l’APCE.

Le jeudi 1er mars, la commission sur l’égalité et la non-discrimination a notamment :

 examiné l’avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable sur le rapport de Mme Gisela Wurm (Autriche  SOC), relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes en ce qui concerne la pension alimentaire des enfants ;

 examiné deux avant-projets de rapports portant respectivement sur les détenus gravement handicapés en Europe (présenté par M. Manuel Tornare, Suisse – SOC) et sur la diversité et l’égalité dans la vie politique (présenté par M. Killion Munyama, Pologne – PPE/DC) ;

 tenu un échange de vues avec M. Gösta Toft, vice-président de l’Union fédéraliste des communautés ethniques européennes (FUEN), sur l’Initiative Minority SafePack et sur la protection des minorités nationales au Danemark ;

 et enfin auditionné Mme Lisbeth Knudsen, rédactrice en chef du Mandag Morgen à Copenhague, sur les suites à donner aux recommandations de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) s’agissant de la montée du discours de haine et le rôle des dirigeants politiques dans la lutte contre les crimes de haine.

Le lendemain, vendredi 2 mars, la commission a tenu une Conférence sur la vie privée et la vie de famille pour les personnes LGBTI, organisée conjointement avec la Présidence danoise du Comité des Ministres et le Parlement danois. À cette occasion, elle a entendu les allocutions de Mme Karen Ellemann, Ministre de l’Égalité des chances du Royaume de Danemark, de Mme Gabriella Battaini-Dragoni, Secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe, et de Mme Katherine Zappone, Ministre de l’Enfance et de la jeunesse de la République d’Irlande. Elle a ensuite conduit une table ronde sur les familles arc-en-ciel.

b.   La réunion de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées à Amman, des 21 et 22 mars 2018

La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l’APCE, pour sa part, s’est réunie à Amman, en Jordanie, sous la présidence de Mme Doris Fiala (Suisse – ADLE) et de M. Killion Munyama (Pologne – PPE/DC), les 21 et 22 mars 2018. Mmes Nicole Duranton
(Eure – Les Républicains), Yolaine de Courson (Côte d’Or – La République en marche), Sylvie Goy-Chavent (Ain – Union Centriste) et Marie-Christine Verdier-Jouclas (Tarn – La République en marche), ont participé à ces travaux au titre de la délégation française.

Le mercredi 21 mars, la commission a notamment :

 entendu une allocution de M. Atef Tarawneh, Président de la Chambre des représentants de Jordanie ;

 procédé à un échange de vues avec les autorités jordaniennes, et notamment M. Imad Fakhoury, Ministre de la Planification et de la coopération internationale, Mme Leena Al-Hadid, Directrice du service des relations internationales et des organisations du Ministère des Affaires étrangères et des expatriés, M. Ali Sheyyab, membre de la Direction des questions relatives aux réfugiés du ministère de l’Intérieur, et M. Saleh Al-Kilani, Coordinateur des questions relatives aux réfugiés du ministère de l’Intérieur ;

 entendu une communication de M. Manlio Di Stefano (Italie – NI), rapporteur sur la situation humanitaire des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie et une autre de M. Killion Munyama, (Pologne – PPE/DC) sur les enseignements à tirer et les futurs enjeux en Europe des besoins humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ;

 examiné un projet de rapport sur l’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire (Mme Petra De Sutter, Belgique – SOC) ;

 entendu une communication de Mme Stella Kyriakides
(Chypre – PPE/DC) sur la situation d’urgence dans les hot spots sur les îles grecques ;

 auditionné M. Daniel Gasteiger, Fondateur et Président-Directeur général de la société Procivis à Zurich, membre de la taskforce Blockchain, sur les opportunités offertes par cette technologie dans le contexte des migrations ;

 entendu une communication de M. Alexander Dundee (RoyaumeUni – CE), rapporteur sur la circulation des étudiants étrangers en Europe, et tenu un échange de vues sur le cas jordanien en compagnie de M. Feda Y. Al-Tamimi, Directeur des affaires étudiantes au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, et de M. Ahmad Abu El Haija, Directeur du Bureau national « Erasmus + » en Jordanie.

Le jeudi 22 mars, la commission a également entendu une communication de Mme Serap Yaşar (Turquie – CE) sur la situation humanitaire des réfugiés Rohingyas. Elle a ensuite auditionné M. Stefano Severe, représentant du Haut comité pour les réfugiés des Nations Unies (HCR) en Jordanie, Mme Francesca Lionetti, représentante de la Direction générale de la Démocratie du Conseil de l’Europe, et M. Mohammed Zawahreh, Chef du projet pilote Asset–Based Community Development à Zarqa (Jordanie) sur l’accueil et l’intégration des réfugiés en Jordanie. Elle a enfin entendu M. Douglas DiSalvo, représentant du HCR, sur la situation des enfants réfugiés en Jordanie. Ses différentes sous-commissions se sont réunies dans la foulée.

En fin de matinée, les membres de la commission ont pu rencontrer SAR le Roi Abdallah II de Jordanie et avoir avec lui un échange de vues. L’après-midi, ils se sont rendus dans le camp de réfugiés de Zaatari, où ils ont rencontré des personnes déplacées et des personnels humanitaires.

c.   Les réunions de commissions à Paris, dans les locaux du Conseil de l’Europe

Du 9 au 22 mars 2018, les autres commissions de l’APCE se sont réunies à tour de rôle dans les locaux du Conseil de l’Europe à Paris. Plusieurs membres de la délégation française appartenant à ces commissions ont assisté à leurs débats.

Ainsi, le vendredi 9 mars, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a siégé sous la présidence de Mme Petra De Sutter (Belgique – SOC). En présence de Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche), présidente de la délégation française, elle a, à cette occasion, adopté un projet de résolution ainsi qu’un projet de recommandation visant à modifier le Règlement pour retirer le turc de la liste des langues de travail, puis tenu un échange de vues avec M. YvesMarie Doublet, expert auprès du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) et de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), sur la portée des immunités parlementaires dont bénéficient les membres de l’APCE.

Le lundi 12 mars, la commission des questions politiques et de la démocratie s’est réunie sous la présidence de Mme Ria Oomen-Ruijten (PaysBas – PPE/DC). Mme Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain), Mme Marietta Karamanli (Sarthe – Nouvelle Gauche) et M. Jacques Maire (Hauts de Seine – La République en marche) ont participé à ses travaux, qui ont plus particulièrement consisté en une communication de la présidente Mme Ria Oomen-Ruijten sur le récent regain de tensions entre la Turquie, la République de Chypre et la Grèce, à la suite d'incidents impliquant la marine turque dans la zone économique exclusive de Chypre en Méditerranée orientale et dans les eaux territoriales grecques de la mer Égée, ainsi qu’en plusieurs autres communications de rapporteurs sur la protection et le soutien aux victimes du terrorisme (Mme Marietta Karamanli, Sarthe – Nouvelle Gauche), la situation en Syrie et ses effets sur les pays voisins (Mme Theodora Bakoyannis, Grèce PPE/DC), l’évaluation des conséquences politiques du financement étranger de l’islam en Europe (Mme Doris Fiala, Suisse – ADLE) ou encore l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc (M. Bogdan Klich, Pologne – PPE/DC). La commission a également, au cours de cette réunion, adopté le rapport de M. Attila Korodi (Roumanie – PPE/DC) sur la situation en Libye.

Le mardi 13 mars, la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), a siégé sous la présidence de Sir Roger Gale (Royaume-Uni – CE) et de Mme Marianne Mikko (Estonie – SOC). Mmes Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain) et Nicole Duranton (Eure – Les Républicains) ont assisté à cette réunion. S’est tenue, à cette occasion, une table ronde sur la mise en œuvre de la Résolution n° 2156 (2017) de l’APCE sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie, avec la participation de M. Hacı Ali Açıkgül, Directeur du département des droits de l’Homme du Ministère de la justice, M. Mücahit Aydın, rapporteur de la Cour constitutionnelle turque, M. Christos Giakoumopoulos, Directeur général des droits de l’Homme et de l’État de droit du Conseil de l’Europe, M. Őztürk Türkdoğan, Président de l’Association des droits de l’Homme (IHD) de la Turquie, et Mme Berceste Elif Duranay, cheffe de l’Unité des relations extérieures de l’Association du droit et du changement. Les membres de la commission ont également eu des échanges sur la situation des Tatars en Crimée avec M. Akhtem Chyigoz, Vice-président du Mejlis des Tatars de Crimée, et Mme Alexandra Romantsova, du Centre pour les libertés civiles de Crimée. Enfin, le même jour, a été examinée une note d’information de M. Giuseppe Galati (Italie – PPE/DC) et Mme Yuliya Lovochkina (Ukraine – SOC), corapporteurs sur l’Arménie, au sujet de leur visite d’information à Erevan les 6 et 7 novembre 2017.

Le mercredi 14 mars, la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme s’est réunie sous la présidence de Mme Olena Sotnyk (Ukraine – ADLE), vice-présidente, en présence de MM. André Vallini (Isère – Socialiste et républicain) et Sylvain Waserman (Bas-Rhin – MODEM). Au cours de cette séance, elle a notamment adopté le rapport de M. Boriss Cilevičs (Lettonie – SOC) sur les problèmes juridiques et les obligations en matière de droits de l’Homme posés par la guerre hybride, ainsi que le rapport de M. Liam Byrne (Royaume-Uni – SOC) sur les contre-discours face au terrorisme. Les membres de la commission ont aussi tenu un échange de vues sur la protection des défenseurs des droits de l’Homme dans les États membres du Conseil de l’Europe avec M. Hugo Gabbero, Directeur adjoint de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme à la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et avec Mme Natalia Prilutskaya, chercheuse au Bureau régional de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale d’Amnesty International. Ils ont enfin auditionné M. Philip Leach, Directeur du « European Human Rights Advocacy Centre » à l’Université du Middlesex au Royaume-Uni, sur le projet de Déclaration de Copenhague préparé par la Présidence danoise du Comité des Ministres et adopté une déclaration à ce sujet.

Le mardi 20 mars, c’est la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable qui a siégé sous la présidence de M. Stefan Schennach (Autriche – SOC), en présence de M. Bertrand Bouyx (Calvados – La République en marche), Mme Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains), et Mme Jennifer De Temmerman (Nord – La République en marche). Au cours de sa réunion, la commission a notamment adopté les rapports de Lord John Prescott (Royaume-Uni – SOC), sur le changement climatique et la mise en œuvre de l’Accord de Paris, et de M. Serhii Kiral, (Ukraine – CE) sur la tuberculose pharmacorésistante en Europe. Elle a ensuite examiné un avant-projet de rapport de Mme Liliane Maury Pasquier (Suisse – SOC) sur le traitement des mineurs palestiniens dans le système judiciaire israélien.

Le jeudi 22 mars, la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias s’est réunie sous la présidence de Mme María Concepción de Santa Ana (Espagne – PPE/DC). M. Frédéric Reiss (BasRhin – Les Républicains) a assisté à cette réunion, au cours de laquelle la commission a adopté le rapport de M. Volodymyr Ariev (Ukraine – PPE/DC) sur la protection de l’intégrité rédactionnelle. Les membres de la commission ont ensuite eu un débat commun sur trois rapports, dont celui de M. Frédéric Reiss relatif à la création d’un Ombudsman compétent pour qualifier le contenu sur internet de licite ou illicite, en procédant pour l’occasion à l’audition de MM. Marco Pancini, Directeur des politiques publiques de Google, Dan Shefet, avocat à la Cour d’Appel de Paris, et Oliver Gray, représentant de l’Alliance européenne pour l’éthique en publicité (AEEP). Cette réunion a aussi donné lieu à un échange de vues sur la liberté des médias en tant que condition pour des élections démocratiques, auquel ont participé Mme Giovanna Maiola, chercheure principale sur les médias et coordonnatrice de la formation à l’EODS (Observation des élections et soutien à la démocratie), ainsi que M. Marco Pancini.

3.   La mission en Moldavie, du 3 au 5 avril 2018, d’une sénatrice de la délégation française, au titre de son mandat de corapporteure de la commission du suivi

Du 3 au 5 avril 2018, Mme Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain), corapporteure de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe avec M. Egidijus Vareikis (Lituanie – PPE/DC) sur la Moldavie, s’est rendue dans ce pays pour préparer la prochaine évaluation du respect de ses obligations et engagements envers le Conseil de l’Europe.

À cette occasion, Mme Maryvonne Blondin et M. Egidijus Vareikis se sont notamment informés des derniers développements politiques, ainsi que de la préparation des élections législatives de 2018 et des développements législatifs récents en matière de démocratie, de primauté du droit et des droits de l’Homme.

À Chişinău, ils ont rencontré le Président de la République, le Premier Ministre et le Président du Parlement, ainsi que les Ministres de la justice et des Affaires intérieures, le Président de la Cour constitutionnelle, le Procureur général, la Présidente de la Commission centrale électorale et le chef du Centre national pour combattre la corruption. Ils ont également vu les dirigeants des différents groupes politiques au Parlement, ainsi que des représentants d’organisations non-gouvernementales et des médias.

À Comrat, les deux corapporteurs ont eu des entretiens avec la Gouverneure de l’Unité territoriale autonome de Gagaouzie, le chef de l’Assemblée populaire de Gagaouzie et des représentants de la société civile locale.

II.   le bilan global de l’actualitÉ du Conseil de l’Europe et de l’APCE sous l’angle de la 2Ème partie de session 2018

Chaque partie de session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg donne l’occasion de dresser un bilan de l’activité des instances de l’institution (Bureau et Commission permanente), de recenser les priorités poursuivies par les membres de l’APCE à travers les textes qu’ils ont adoptés en séance plénière, mais aussi de tirer certaines conclusions des prises de parole du Secrétaire général du Conseil de l’Europe, du Président en exercice du Comité des Ministres, et de certains représentants des Exécutifs des États membres, invités à s’exprimer devant l’ensemble des parlementaires. La deuxième partie de la session ordinaire qui s’est déroulée du 23 au 27 avril 2018 s’inscrit, à cet égard, dans la lignée des parties de sessions antérieures.

A.   Informations gÉnÉrales sur le dÉroulement de la deuxiÈme partie de session 2018

Tout au long de cette session de printemps, députés et sénateurs membres de la délégation française ont activement participé aux travaux des commissions de l’APCE et aux débats inscrits en séance plénière.

1.   L’ordre du jour, les interventions et les nominations des parlementaires français

 

Lundi 23 avril

 Rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente ;

 Débat libre : M. Olivier Becht (Haut-Rhin – UDI, Agir et Indépendants) et M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – Les Républicains).

Mardi 24 avril

 État d’urgence, questions de proportionnalité relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la convention européenne des droits de l’Homme : MM. Bernard Fournier (Loire – Les Républicains), François Grosdidier (Moselle – Les Républicains), Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) et Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche) ;

 Discours de M. Nikola Dimitrov, Ministre des Affaires étrangères de l’ex-République yougoslave de Macédoine ;

 Questions à M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe : M. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en marche) ;

 Changement climatique et mise en œuvre de l’Accord de Paris : Mme Jennifer De Temmerman (Nord – La République en marche), MM. François Grosdidier (Moselle – Les Républicains), Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste), Mme Isabelle Rauch (Moselle – La République en marche) et M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – Les Républicains) ;

 Le financement du groupe terroriste Daech, enseignements retenus : MM. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en marche), François Grosdidier (Moselle – Les Républicains) et Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche).

Mercredi 25 avril

 Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Anders Samuelsen, Ministre des Affaires étrangères du Danemark, Président du Comité des Ministres : Mme Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain) ;

 Débat conjoint : la protection de l’intégrité rédactionnelle ; le statut des journalistes en Europe : Mmes Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain), Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains), M. André Gattolin (Hauts-de-Seine – La République en marche) et Mme Isabelle Rauch (Moselle – La République en marche) ;

 Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe : Mmes Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain) et Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains) ;

 La situation en Libye, perspectives et rôle du Conseil de l’Europe :M. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en marche).

Jeudi 26 avril

 Débat d’urgence sur le suivi du rapport du Groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire : Mmes Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) et Nicole Trisse (Moselle - La République en marche) ;

 Le rôle de l’Europe dans les initiatives de processus de paix en Syrie : M. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en marche) ;

 Débat d’urgence sur la déclaration de Copenhague, évaluation et suivi ;

 Problèmes juridiques posés par la guerre hybride et obligations en matière de droits de l’Homme ;

 Lutter contre le crime organisé en facilitant la confiscation des avoirs illicites : M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste).

Vendredi 27 avril

 La tuberculose pharmacorésistante en Europe ;

 L’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire : M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste).

 

Au cours de cette session de printemps de l’APCE, la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme a également désigné M. Sylvain Waserman (Bas-Rhin – MODEM) rapporteur sur la proposition de résolution visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte partout en Europe, déposée à son initiative le 23 janvier 2018.

De même, lors de la réunion du Bureau du 27 avril, la commission ad hoc chargée d’observer les élections présidentielles et législatives anticipées en Turquie le 24 juin prochain a été constituée : Mme Nicole Duranton (Eure – Les Républicains) en a été désignée membre titulaire au titre du groupe du Parti Populaire Européen (PPE/DC), Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) et M. André Vallini (Isère - Socialiste et républicain) en ont été désignés membres titulaires au titre du groupe des Socialistes, démocrates et verts (SOC).

2.   Les textes adoptés

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions.

Aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des Ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée, mais relève des gouvernements.

Définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité.

Les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des Ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

 

Texte et rapporteur(e)

Document(s)

Commission des questions politiques et de la démocratie

Le financement du groupe terroriste Daech : enseignements retenus

Rapporteur : M. Phil Wilson (Royaume-Uni - SOC)

 Résolution n° 2211

La situation en Libye : perspectives et rôle du Conseil de l’Europe

Rapporteur : M. Attila Korodi (Roumanie - PPE/DC)

              Recommandation n° 2127

              Résolution n° 2215

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Changement climatique et mise en œuvre de l’Accord de Paris

Rapporteur : M. John Prescott (Royaume-Uni - SOC)

 Résolution n° 2210

La tuberculose pharmacorésistante en Europe

Rapporteur : M. Serhii Kiral (Ukraine - CE)

 Résolution n° 2219

Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme

État d’urgence : questions de proportionnalité relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’Homme

Rapporteur : M. Raphaël Comte (Suisse - ADLE)

 Recommandation n° 2125

 Résolution n° 2209

Déclaration de Copenhague : évaluation et suivi

Rapporteure : Mme Thorhildur Sunna Æversdóttir (Islande - SOC)

 Recommandation n° 2129

Problèmes juridiques posés par la guerre hybride et obligations en matière de droits de l’Homme

Rapporteur : M. Boriss CileviČs (Lettonie - SOC)

 Recommandation n° 2130

 Résolution n° 2217

Lutter contre le crime organisé en facilitant la confiscation des avoirs illicites

Rapporteur : M. Mart van de Ven (Pays-Bas - ADLE)

 Résolution n° 2218

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe

Rapporteur : M. Killion Munyama (Pologne - PPE/DC)

              Recommandation n° 2126

              Résolution n° 2214

L’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire

Rapporteur : Mme Petra De Sutter (Belgique - SOC)

              Résolution n° 2220

Commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias

La protection de l’intégrité rédactionnelle

Rapporteur : M. Volodymyr Ariev (Ukraine - PPE/DC)

              Résolution n° 2212

Le statut des journalistes en Europe

Rapporteure : Mme Elvira Drobinski-Weiss (Allemagne - SOC)

              Résolution n° 2213

Commission du règlement, des immunités et des affaires institutionnelles

Suivi du rapport du Groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire

Rapporteure : Mme Petra De Sutter (Belgique - SOC)

              Recommandation n° 2128

              Résolution n° 2216

 

B.   L’actualitÉ du Conseil de l’Europe et de son assemblÉe parlementaire

Les sessions plénières de l’APCE donnent systématiquement l’occasion de faire le point sur l’actualité du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire. Elles s’enrichissent, régulièrement, de votes désignant des responsables du Conseil de l’Europe ou des membres de la Cour européenne des droits de l’Homme.

La session de printemps n’a pas échappé à ces figures imposées. Elle s’est néanmoins singularisée par l’examen par le Bureau de l’APCE, lors d’une réunion exceptionnelle le 22 avril, du rapport du groupe d’enquête externe indépendant, chargé depuis mai 2017 de mener une enquête approfondie sur les allégations de corruption et de promotion d’intérêts portées à l’encontre de certains membres ou anciens membres de l’Assemblée parlementaire.

1.   L’examen, par le Bureau, du rapport du groupe d'enquête externe indépendant sur les allégations de corruption à l’encontre de membres de l’APCE

Dans le contexte de mises en cause de l’APCE né des poursuites judiciaires pour corruption engagées en Italie contre l’ancien Président de groupe Luca Volonte, un groupe d’enquête externe indépendant a été chargé de mener une enquête approfondie sur les allégations de corruption et de promotion d’intérêts portées à l’encontre de certains membres ou anciens membres de l’Assemblée parlementaire. Les trois membres de ce groupe d’enquête ont été nommés par le Bureau à Prague le 29 mai 2017 puis confirmés en séance plénière à Strasbourg le 26 juin 2017.

Non révocables, ces trois personnalités étaient :

 Sir Nicolas Bratza (Royaume-Uni), ancien juge et ancien Président de la Cour européenne des droits de l’Homme ;

 M. Jean-Louis Bruguière (France), ancien magistrat en charge d’enquêtes en particulier dans des affaires liées au terrorisme, expert auprès d’organisations internationales et d’États pour la lutte contre le terrorisme ;

 Mme Elisabet Fura (Suède), ancienne juge à la Cour européenne des droits de l’Homme et ancienne Ombudsman parlementaire en chef de Suède, conseillère juridique.

N’ayant pas de compétence juridictionnelle, ce groupe d’enquête a mené ses investigations dans la plus grande confidentialité à compter du 26 juin 2017 jusqu’au 15 avril 2018. Conformément à l’article 9 de son mandat, il a recueilli et exploité toutes les informations pertinentes et tous les éléments de preuves documentaires, testimoniales et matérielles nécessaires à l’accomplissement de sa mission. À cet effet, il a notamment pu auditionner toute personne, qu’elle soit membre ou ancien membre de l’Assemblée parlementaire mais aussi fonctionnaire du Conseil de l’Europe.

L’objet de ces investigations était double : d’une part, identifier les éventuelles pratiques contraires aux normes déontologiques de l’APCE et en déterminer l’ampleur ; d’autre part, vérifier l’existence de possibles comportements individuels contraires au code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire et autres textes déontologiques pertinents.

À l’aune de ses constats, le groupe d’enquête a été invité à formuler des recommandations sur les mesures à mettre en œuvre pour remédier aux déficiences et combler les lacunes du cadre déontologique de l’APCE.

Dimanche 22 avril 2018, le Bureau de l’APCE a consacré une réunion exceptionnelle à l’examen du rapport du groupe d’enquête externe indépendant. Les membres du Bureau, et notamment Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche), présidente de la délégation française, ont pu consulter le rapport une heure seulement avant la réunion. Ils en ont ensuite débattu avec les trois membres du groupe d’enquête, avant que leurs conclusions ne soient rendues publiques dans la foulée [2].

Sur la base des éléments contenus dans le rapport du groupe d’enquête indépendant, les membres du Bureau ont décidé d’inviter les membres et anciens membres dont le comportement a été jugé contraire à l’éthique ou au code de conduite de l’APCE, ainsi que ceux qui ont refusé de coopérer avec le groupe d’enquête, à suspendre avec effet immédiat toutes leurs activités au sein de l’Assemblée parlementaire. De même, la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a été saisie des suites éventuelles à donner, une réunion étant consacrée au sujet le 26 avril au matin.

2.   Le rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente

À l’occasion de la première séance de la deuxième partie de session, le lundi 23 avril 2018, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a examiné le rapport de Mme Liliane Maury-Pasquier (Suisse – SOC) faisant office de rapport d’activité du Bureau et de la Commission permanente.

Après avoir évoqué les échanges de vue du Bureau, réuni exceptionnellement le dimanche 22 avril, avec le groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’APCE, la rapporteure a commenté le fond du rapport final rendu public dans la foulée et communiqué aux Parlement nationaux.

Elle a ainsi noté que le groupe d’enquête indépendant conclut que les allégations de corruption sont très vraisemblablement fondées au moins pour quatre membres ou anciens membres de l’APCE. Elle a observé que le rapport constate, par ailleurs, un certain nombre de violations du code de conduite.

La rapporteure a souligné que le Bureau s’est aussi penché sur le suivi de la Résolution° 2182 (2017) concernant la promotion et le renforcement de la transparence, de la responsabilité et de l’intégrité des membres de l’Assemblée parlementaire. À cette occasion, il a pris note du formulaire de déclaration des intérêts, approuvé par la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, et a fixé au 30 septembre 2018 le délai pour le renvoi des déclarations signées pour l’année en cours : passé ce délai, le refus de faire une déclaration, de la compléter et de la soumettre, la non-divulgation d’un intérêt pertinent ou encore la soumission d’une déclaration mensongère entraîneront des sanctions allant de la privation du droit d’être désigné(e) rapporteur(e) à celle de la participation à des missions d’observation d’élections.

Outre qu’il s’est prononcé sur un mémorandum modifiant les règles d’accès et de circulation dans l’enceinte du Conseil de l’Europe pendant les sessions, le Bureau a également examiné de nouvelles lignes directrices pour l’observation des élections, déjà en partie adoptées.

Pour ce qui concerne la situation financière du Conseil de l’Europe, Mme Liliane Maury-Pasquier a indiqué que le Bureau avait pris des mesures d’économie concernant notamment l’organisation du travail en commissions, sans que ne soit exclu un réexamen plus général des priorités et des méthodes de travail. Sur ce point, elle a tenu à en appeler à la responsabilité conjointe de tous les États membres et à leurs engagements, notamment financiers, visàvis du Conseil de l’Europe.

En conclusion, la rapporteure a évoqué la déclaration sur le système européen des droits de l’Homme dans l’Europe de demain, à l’issue de la Conférence à haut niveau organisée à Copenhague les 12 et 13 avril. Elle s’est félicitée que, grâce à la vigilance des membres de l’APCE, le texte final ne remet en question ni l’universalité des droits protégés par la convention européenne des droits de l’Homme, ni l’indépendance de la Cour de Strasbourg, ni l’obligation inconditionnelle des États parties de mettre en œuvre ses arrêts.

3.   L’élection du juge du Monténégro à la Cour européenne des droits de l’Homme

Au cours de cette session de printemps, l’APCE a été appelée à élire un juge à la Cour européenne des droits de l’Homme au titre du Monténégro.

La commission sur l’élection des juges avait entendu les trois candidats présentés par les autorités de ce pays le 12 avril 2018. À l’issue de leur audition, elle s’était prononcée en faveur de Mme Ivana Jelić « comme la candidate la plus qualifiée ».

Le mardi 24 avril 2018, les membres de l’Assemblée parlementaire ont voté à scrutin secret. Au terme du vote (167 votants et 160 suffrages exprimés), Mme Ivana Jelić a été élue juge par 101 voix, ses concurrents recueillant respectivement 48 voix pour Mme Mirjana Popović et 11 voix pour M. Boris Savić.

Il convient de souligner que, bien qu’initialement envisagée, l’élection d’un juge turc à la Cour européenne des droits de l’Homme n’a pas eu lieu, la commission sur l’élection des juges ayant décidé de surseoir sur cette question. Pour mémoire, les listes de candidats précédemment présentées par la Turquie avaient par deux fois été rejetées par la commission sur l’élection des juges et l’Assemblée parlementaire, en décembre 2016 puis en octobre 2017.

4.   La remise du prix du Musée de l’Europe et du Prix de l’Europe

Deux récompenses symboliques ont été décernées lors de la session de printemps de l’APCE.

a.   Le Prix du Musée de l’Europe

Le Prix du Musée du Conseil de l’Europe est attribué chaque année depuis 1977 par l’Assemblée parlementaire. Il a pour but d’encourager la contribution des musées à une meilleure compréhension de la riche diversité de la culture européenne. Le prix est attribué par la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias sur la base de recommandations formulées par le Forum européen du musée.

Cette année, le Prix a été attribué au Musée sur l’enfance en temps de guerre, de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine). Le musée, qui se veut délibérément apolitique, a pour objectif de combler une lacune dans la documentation des expériences de guerre du point de vue des enfants et d’élargir ainsi ses recherches et sa collection à travers la Bosnie-Herzégovine, au sein de la diaspora vivant à l’étranger et dans le monde, en coopération avec des associations au Liban, en Syrie et en Turquie.

b.   Le Prix de l’Europe

Lors de cette partie de session, l’Assemblée parlementaire a aussi attribué le Prix de l’Europe 2018. Créé par l’APCE en 1955, le Prix de l’Europe est la plus haute distinction qui puisse être décernée à une ville européenne pour ses actions dans le domaine européen (jumelages, manifestations, échanges, etc.). Il est constitué d’un trophée itinérant, d’une médaille, d’un diplôme et d’une bourse pour un voyage d’études de jeunes de la commune lauréate aux institutions européennes.

La sous-commission du Prix de l’Europe examine les candidatures pour les quatre distinctions et soumet son choix à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable pour approbation. Tous les ans sont ainsi décernées quatre distinctions : le Prix de l’Europe, la Plaquette d’honneur, le Drapeau d’honneur et le Diplôme européen.

La plus haute distinction de ce Prix, octroyé chaque année par l’Assemblée parlementaire pour récompenser la ville qui assure de manière particulièrement active la promotion de l’idéal européen, a été décernée à la ville d’Ivano-Frankivsk, en Ukraine.

Cinq autres villes, à savoir Bamberg et Münster en Allemagne, Cervia en Italie, Issy-les-Moulineaux en France et Sopot en Pologne, avaient aussi été présélectionnées, et la commission les a félicitées pour leurs réalisations.

Plusieurs villes françaises ont également été distinguées par l’Assemblée parlementaire : un drapeau d’honneur a été décerné à Beaumont-de-Pertuis, un diplôme européen a été attribué à Angers, la plaquette d’honneur, qui est la deuxième distinction la plus haute après le Prix de l’Europe, a été décernée à sept municipalités, dont Aixe-sur-Vienne.

C.   Les auditions et Échanges de l’AssemblÉe parlementaire avec plusieurs personnalitÉs

Toutes les parties de session offrent l’opportunité aux membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe d’entendre et, le cas échéant, de questionner un représentant du pouvoir exécutif de deux ou trois États membres sur les questions touchant aux droits de l’Homme et à la démocratie dans leur pays. Celle du mois d’avril a donné lieu à un seul discours ministériel, aucun chef d’État n’ayant fait le déplacement, contrairement aux parties de sessions précédentes.

Néanmoins, à l’instar des semaines de session antérieures, une part de l’ordre du jour des séances plénières a aussi été consacrée au contrôle, par l’ensemble des membres de l’Assemblée parlementaire, de l’activité de l’organe exécutif du Conseil de l’Europe (à savoir le Comité des Ministres) et des services de l’Organisation (à travers son Secrétaire général).

1.   L’allocution de M. Nikola Dimitrov, Ministre des Affaires étrangères de l’ex-République yougoslave de Macédoine, le 24 avril 2018

Mardi 24 avril 2018, l’Assemblée parlementaire a entendu M. Nikola Dimitrov, Ministre des Affaires étrangères de l’exRépublique yougoslave de Macédoine.

Après avoir rappelé qu’il avait beaucoup travaillé avec le Conseil de l’Europe dans les années 1990 et rédigé une thèse sur la protection des minorités nationales, le Ministre s’est montré attaché à présenter son pays de manière positive.

Rappelant que le 27 avril marquerait le premier anniversaire de la journée la plus noire depuis l’indépendance du pays, avec l’agression du Parlement par une foule de mécontents, il a insisté sur les efforts entrepris depuis par le Gouvernement en vue de s’acheminer rapidement vers l’intégration européenne.

M. Nikola Dimitrov a considéré que la seule façon de préserver la stabilité et la prospérité dans les Balkans était justement d’accélérer l’intégration européenne. Il a insisté sur le fait que la grande promesse du Gouvernement actuel était de renforcer les institutions et de veiller à ce qu’il n’y ait plus d’abus.

Il a ajouté qu’un nouvel esprit préside aux relations avec les pays voisins de l’ex-République de Macédoine, Strasbourg constituant à cet égard un bon exemple de réconciliation. Il a notamment mentionné la conclusion d’un accord de coopération et d’amitié avec la Bulgarie et des initiatives avec l’Albanie, la Serbie et le Kosovo afin de faire progresser les échanges économiques. Déclarant souhaiter aboutir de manière similaire avec la Grèce, il a indiqué qu’il avait effectué sa première visite officielle à Athènes et précisé qu’il s’efforçait, avec son homologue grec, de répondre aux exigences réciproques des deux pays.

Présentant les réformes en cours en exRépublique yougoslave de Macédoine, le Ministre a insisté sur la réforme du système judiciaire, évoquant notamment la suppression du conseil pour l’établissement des faits, utilisé auparavant pour influencer les juges. Il a aussi indiqué que le ministère de l’Intérieur ne pouvait plus recourir librement aux interceptions des communications, le Parlement et le Parquet opérant un contrôle afin d’éviter tout abus. Il a précisé en outre que son pays venait de ratifier la convention d’Istanbul, accord international le plus complet pour lutter contre la violence domestique. Il a enfin mentionné des progrès en matière de liberté d’expression et de lutte contre la corruption, l’ex-République de Macédoine se soumettant dès cette année à la méthodologie développée par Cecilia Malmström, alors Commissaire européenne chargée des Affaires intérieures, pour mesurer la corruption réelle et non seulement la corruption perçue.

Réaffirmant l’attachement de son pays à l’accord d’Ohrid, le Ministre a assuré que le Gouvernement veillait à ce que les différentes communautés travaillent ensemble. Il a également souligné l’importance du programme horizontal de trois ans pour les Balkans de l’Occident et la Turquie, qui permet d’aider ces pays à mettre en œuvre les recommandations des groupes de suivi du Conseil de l'Europe.

Affirmant la résolution du Gouvernement à poursuivre ces efforts, le Ministre a annoncé envisager le lancement des négociations d’adhésion à l’Union européenne au moins de juin 2018. Il a conclu sur la publication du rapport du groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire, appelant à faire toute la lumière sur ces allégations ou suspicions pour défendre la moralité de cette Organisation, gardienne de la démocratie, de la liberté et de la justice.

2.   La séance de questions à M. Thorbjøn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe, le 24 avril 2018

À l’instar de chaque partie de session de l’APCE, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, M. Thorbjørn Jagland, a répondu aux questions orales de plusieurs membres de l’Assemblée parlementaire lors d’une séance spécifique sur le sujet, mardi 24 avril 2018.

M. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en marche) a interrogé le Secrétaire général sur l’antisémitisme. Après avoir observé qu’en Allemagne, des drapeaux israéliens ont été brulés pour protester contre la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu, en Suède des lieux de culte juifs ont été pris pour cible, en Pologne une loi interdit de mentionner le caractère polonais de certains camps de la mort, en France une épicerie casher a été incendiée en banlieue parisienne, ces exemples de manifestations de xénophobie en Europe pouvant être multipliés à l’envi, il a demandé à M. Thorbjørn Jagland s’il y avait à ses yeux un regain de l’antisémitisme ou une tentation négationniste sur le sol européen et il a souhaité connaître de quels moyens dispose le Conseil de l’Europe pour y répondre.

Le Secrétaire général du Conseil de l’Europe s’est montré préoccupé par les actes antisémites qui ont lieu partout en Europe. Tout en les condamnant tous, il a attiré l’attention sur l’action du Conseil de l’Europe dans les écoles pour lutter contre ce fléau. Il a souligné que l’objectif était que les jeunes, partout sur le continent, sachent ce que sont la primauté du droit et le droit européen, le droit à la paix et à la coexistence pacifique, indépendamment des religions ou des origines.

M. Thorbjørn Jagland a également rappelé la récente décision de la Cour européenne des droits de l’Homme sur les médias sociaux, qui doivent désormais interdire les discours de haine et les discours antisémites, avec obligation d’effacer tous ces discours. Il s’est montré très attaché à la répression contre tous les discours de haine, et notamment contre toute forme d’antisémitisme. Observant que certains pays ont adopté, au niveau national, des lois sur l’interdiction du déni de l’Holocauste, il n’en a jugé que plus essentiels les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme à l’égard des États membres.

3.   La communication du Président du Comité des Ministres, M. Anders Samuelsen, Ministre des Affaires étrangères du Danemark, le 25 avril 2018

Chaque partie de session de l’APCE donne lieu à une communication du Président en exercice du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Pour la deuxième fois au cours du semestre de la Présidence danoise, M. Anders Samuelsen, Ministre des Affaires étrangères du Danemark, est donc intervenu à ce titre devant l’ensemble des membres de l’Assemblée parlementaire et a répondu à leurs questions.

À cette occasion, le Ministre des Affaires étrangères du Danemark a tout d’abord souhaité dresser le bilan de la Présidence par son pays du Comité des Ministres.

Abordant la principale priorité de la Présidence danoise, à savoir la poursuite de la réforme du système européen des droits de l’Homme, il a indiqué que s’était tenue à Copenhague, le 13 avril, une conférence de haut niveau au cours de laquelle les 47 États membres du Conseil de l’Europe avaient adopté une déclaration politique renforçant l’engagement en faveur du respect des droits humains fondamentaux, appelant à améliorer la capacité de la Cour européenne des droits de l’Homme à s’acquitter de sa mission et soulignant la nécessité d’un dialogue accru entre toutes les parties prenantes sur le développement des droits de l’Homme.

Il a ensuite décliné les résultats dans le cadre des quatre autres priorités de la Présidence danoise :

 s’agissant des personnes handicapées, l’accent sur la sensibilisation aux droits, aux conditions de vie et aux potentiels de celles-ci ;

 pour ce qui est des enfants et des jeunes dans la démocratie, la reconnaissance de l’existence des défis énormes de la désinformation et de la montée de forces antidémocratiques, une conférence ayant été réunie sur cette question à Copenhague les 23 et 24 avril ;

 l’organisation d’un séminaire sur la lutte contre la torture, afin de recenser des exemples de bonnes pratiques de toute l’Europe sur la prévention de la torture et des mauvais traitements ;

 enfin, l’organisation avec l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 2 mars dernier, d’une conférence sur la vie privée et familiale des personnes LGBTI, une conférence portant sur la participation des hommes à la lutte contre le sexisme dans la sphère publique devant intervenir à Strasbourg.

Évoquant la situation financière du Conseil de l’Europe, le Ministre des Affaires étrangères du Danemark a partagé la vive préoccupation de l’APCE exprimée dans sa recommandation de mars 2017. Considérant cette question comme prioritaire, il a indiqué que le Comité des Ministres et le Secrétaire général étaient déterminés à employer tous les moyens disponibles pour que le Conseil de l’Europe puisse continuer à remplir sa mission avec efficacité.

Il a précisé que le non-paiement par la Fédération de Russie du solde de ses contributions obligatoires pour 2017 et de la première tranche de ses contributions pour 2018 avait été examiné par le Comité des Ministres à plusieurs occasions, le versement de ces contributions étant une obligation statutaire dont aucun État membre ne peut être dispensé. Concernant la décision de la Turquie de mettre fin à son statut de grand contributeur au budget de l’Organisation, il a précisé que le Comité des Ministres avait adopté plusieurs ajustements au Programme et au Budget 2018-2019.

Commentant le récent rapport du groupe d’enquête externe indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’APCE, M. Anders Samuelsen a fait valoir que, vu l’impact de ces allégations sur l’image du Conseil de l’Europe tout entier, le Comité des Ministres accorderait une attention toute particulière aux suites données à ce document.

Il a ensuite synthétisé les travaux du Comité des Ministres au cours de la Présidence danoise, mentionnant qu’une recommandation sur les terroristes agissant seuls avait récemment été adoptée, de même que des décisions visant à promouvoir le projet de résolution concernant un moratoire sur l’application de la peine de mort, soumis à l’approbation de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il a également évoqué certaines décisions relatives à la situation dans plusieurs États membres, citant à cet égard l’approbation en mars d’un ambitieux plan d’action pour continuer à apporter une assistance à l’Ukraine durant la période 2018-2021 ainsi que celle de nouveaux partenariats de voisinage avec le Maroc et la Tunisie pour la même période.

En conclusion, le Ministre des Affaires étrangères du Danemark a annoncé que, les 17 et 18 mai 2018, la Présidence danoise accueillera la 128ème session ministérielle à Elseneur, dans la forteresse de Kronborg. Il a indiqué qu’au cours de cette session, se tiendrait un débat sur l’avenir du Conseil de l’Europe afin de marquer le début des préparatifs du 70 ème anniversaire du Conseil de l’Europe, en 2019.

Au cours des échanges qui ont suivi, Mme Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain) a interrogé le Président du Comité des Ministres sur la situation à Gaza, qu’elle a jugée préoccupante. Rappelant que près de 40 Palestiniens ont été tués et des centaines d’autres blessés par balle alors qu’ils se tenaient sur les hauteurs de la bande de Gaza, et anticipant une forte mobilisation le 15 mai prochain pour le 70 ème anniversaire de la Nakba, elle a souhaité savoir quelles actions le Comité des Ministres entendait prendre face à cette situation.

En réponse, le Ministre des Affaires étrangères du Danemark a observé que la question de la situation à Gaza ne relève pas des compétences du Conseil de l’Europe. Il a espéré que la situation s’améliore rapidement, les événements récents ayant malheureusement fait de nombreuses victimes. Il a rappelé que le recours à la force ne peut se faire que conformément au droit international et doit toujours être proportionné.

D.   Les entretiens menÉs par la dÉlÉgation française À Strasbourg

La délégation française à l’APCE a fait l’objet de nombreuses sollicitations d’entretiens et de réunions de sensibilisation sur des sujets divers. En raison de l’importance des points inscrits à l’ordre du jour, elle n’a pu répondre favorablement à toutes les demandes, mais elle s’est efforcée de donner suite à un maximum de sollicitations.

1.   L’entretien avec des représentantes de l’Alliance européenne des organisations de femmes catholiques (ANDANTE)

Lundi 23 avril 2018, plusieurs membres de la délégation française à l’APCE ont tenu des échanges avec des représentantes de l’Alliance européenne des organisations de femmes catholiques (ANDANTE), organisation non-gouvernementale rassemblant 22 organisations de femmes catholiques présentes dans treize pays européens. Dirigée par un comité de coordination composé de 9 femmes de pays différents, cette organisation créée en 2006 permet à des réseaux associatifs de différents pays européens d’échanger et de coopérer sur des problématiques communes touchant au respect des droits humains.

Tenant une session de journées d’études sur les migrations en Europe du 20 au 24 avril, les membres d’ANDANTE ont souhaité mettre à profit leur présence à Strasbourg pour parfaire leur connaissance du fonctionnement des organes du Conseil de l’Europe, et notamment de l’APCE.

C’est dans ce cadre que Mmes Régine Deybach, Marie-Hélène Halligon, Françoise Lucot, Rose-Marie Maillier, Chantal N’Guyen, Sybille Bader-Biland, Mercédès Meugnier-Cuenca et Veronika Peterhans-Suter, représentantes françaises, suisses et slovaque d’associations membres de l’organisation, ont eu un entretien avec Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche), présidente de la délégation française, Mme Bérengère Poletti (Ardennes – Les Républicains) et Mme MarieChristine Verdier-Jouclas (Tarn – La République en marche).

Les propos ont essentiellement porté sur l’action des parlementaires français membres de l’APCE au sein du Conseil de l’Europe pour la défense des droits des personnes, spécialement des migrants, mais aussi sur le rôle essentiel de terrain des associations qui œuvrent quotidiennement pour accompagner les réfugiés et les migrants.

2.   L’entrevue sollicitée par M. Saleh Mohamed Maslem, ancien coprésident du parti de l’Union démocratique du nord de la Syrie

Le même jour, lundi 23 avril 2018, Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche), présidente de la délégation, a accepté de rencontrer M. Saleh Mohamed Maslem, ancien coprésident du parti de l’Union démocratique du Nord de la Syrie (PYD).

L’entretien a été l’occasion d’aborder la situation géopolitique, diplomatique et humanitaire en Syrie. Ont également été évoqués les enjeux de la sortie de crise, en lien avec la communauté internationale et les puissances régionales, et ceux de la lutte contre le terrorisme.

L’implication du Conseil de l’Europe et de son Assemblée parlementaire dans le suivi de la situation sur place a été sollicitée, au même titre qu’une plus grande attention de l’Organisation des Nations Unies dans la gestion humanitaire des conséquences des opérations militaires de ces dernières semaines dans la région.

3.   L’échange de vues avec la délégation ukrainienne sur le dossier Nord Stream 2

Plusieurs membres de la délégation française ont aussi rencontré, à leur demande, des membres de la délégation ukrainienne à l’APCE, afin de discuter de certaines questions liées à la construction possible du gazoduc Nord Stream 2, mardi 24 avril 2018. Ont pris part à cette rencontre :

 pour le compte de la délégation française, M. Olivier Becht (Haut-Rhin – Agir – UDI et indépendants), Mme Jennifer De Temmerman (Nord – La République en marche), M. François Grosdidier (Moselle – Les Républicains) et M. André Vallini (Isère – Socialiste et républicain) ;

 pour le compte de la délégation ukrainienne, M. Serhii Kiral (Ukraine – CE), M. Oleksii Goncharenko, président du groupe d’amitié Ukraine-France (Ukraine – CE) et M. Andrii Lopouchanskyi (Ukraine – ADLE), ancien Vice-président de Naftogaz ainsi que Yuriy Vitrenko, Directeur commercial du groupe Naftogaz.

Les discussions ont principalement porté sur l’appréciation, par les autorités et milieux économiques ukrainiens, du projet de réalisation du gazoduc sous-marin Nord Stream 2 par un consortium associant le groupe russe Gazprom à plusieurs partenaires du secteur énergétique.

Pour mémoire, le projet de gazoduc Nord Stream a été lancé en 1997. Il a consisté à construire une canalisation sous-marine de gaz reliant la Russie au Nord de l’Allemagne, via la mer Baltique. Les infrastructures en ont été achevées en mai 2011 et mises en service en 2012.

Le projet Nord Stream 2, quant à lui, vise à doubler le gazoduc existant. Cette nouvelle conduite sous-marine disposerait d’une capacité de 55 milliards de mètres cubes de gaz pour un coût estimé à 8 milliards d’euros. Le chantier était censé démarrer en avril 2018 mais le projet se heurte à l’opposition de plusieurs pays d’Europe centrale et orientale.

4.   La rencontre avec une délégation de l’organisation non gouvernementale Open Dialog

Mardi 24 avril 2018, Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche), présidente de la délégation française, a également reçu plusieurs membres de la fondation Open Dialog, ONG suivant plus particulièrement les violations des droits de l’Homme dans les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale. Ont participé à cet entretien :

 Mme Lyudmyla Kozlovska, Présidente de la fondation Open Dialog ;

 M. Andrei Chernousov, expert à l’Institut de recherche sociale de Kharkiv et promoteur de plusieurs groupes de suivi sur les libertés civiles en Ukraine ;

 M. Asem Tokayeva, ancienne journaliste kazakh ;

 Mme Paola Gaffurini, responsable des relations extérieures de la Fondation Open Dialog.

Les échanges ont notamment porté sur la prise de distance sensible du Kazakhstan, pays aspirant à intégrer le Conseil de l’Europe, à l’égard des droits de l’Homme. Les membres d’Open Dialog ont illustré leur présentation d’exemples d’atteintes aux libertés d’expression, de réunion et de la presse au Kazakhstan, les médias indépendants et les mouvements pacifiques de la société civile se trouvant réprimés et les plateformes de médias sociaux bloquées par les autorités.

Le cas de l’Ukraine a également été abordé, les participants évoquant l’existence de pressions et de mesures à l’encontre des ONG non inféodées au pouvoir.

De manière plus incidente, les évolutions inquiétantes de la situation des droits de l’Homme en Pologne et en Moldavie ont été soulignées, l’attention de l’APCE sur ces questions devant devenir plus aiguë.

5.   La réunion de travail avec le Directeur général des droits de l’Homme et de l’État de droit du Conseil de l’Europe, M. Christos Giakoumopoulos

Mercredi 25 avril 2018, une partie de la délégation française à l’APCE a rencontré, au siège des administrations du Conseil de l’Europe (l’Agora), le Directeur général des droits de l’Homme et de l’État de droit, M. Christos Giakoumopoulos, en compagnie de la cheffe de la division de coordination et de coopération internationale, Mme Tatiana Termacic.

Les membres de la délégation participant à cet entretien étaient, outre Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche), présidente de la délégation, Mme Yolaine de Courson (Côte d’Or – La République en marche), M. René Danesi (Bas-Rhin – Les Républicains), Mme Jennifer De Temmerman (Nord – La République en marche), M. André Gattolin (Hauts-de-Seine – La République en marche), M. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en marche), Mme Isabelle Rauch (Moselle – La République en marche), M. André Vallini (Isère – Socialiste et républicain) et Mme MarieChristine Verdier-Jouclas (Tarn – La République en marche).

Cette discussion a été l’occasion pour le Directeur général des droits de l’Homme et de l’État de droit du Conseil de l’Europe de présenter aux parlementaires l’activité de sa Direction générale, et notamment son rôle de secrétariat des principaux organes de l’Organisation, notamment le Comité des Ministres, et des comités directeurs qui préparent les instruments juridiques soumis aux États membres (comité directeur des droits de l’Homme, comité directeur sur la coopération juridique, comité directeur sur la pénologie, etc.). Les personnels de la Direction générale apportent également leur concours au travail des différents organes de suivi du Conseil de l’Europe, tel le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) ou le comité européen des droits sociaux.

Les échanges avec le Directeur général ont ensuite porté sur la situation budgétaire actuelle du Conseil de l’Europe et ses conséquences sur le travail de ses services, les convergences actuelles et potentielles entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe en matière de promotion des droits de l’Homme et de la démocratie, l’actualité et les menaces pesant sur l’État de droit aujourd’hui, ainsi que la Présidence française du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe au second semestre 2019 à l’occasion des 70 ans de sa création.

Un point spécifique, en conclusion, a été tenu sur le triptyque « standards - instances de suivi - coopération avec les États », la coopération constituant un pan non négligeable de l’activité de la Direction générale des droits de l’Homme et de l’Etat de droit, surtout depuis l’élargissement du Conseil de l’Europe aux États d’Europe centrale et orientale dans les années 1990. Ces missions sont remplies grâce aux contributions d’organisations et d’États donateurs (au premier rang desquels l’Union européenne), qui fixent en contrepartie les priorités à suivre.

III.   Des dÉbats importants sur des enjeux toujours aussi majeurs lors de cette session de printemps

La deuxième partie de session ordinaire de 2018 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a donné lieu à l’examen de plusieurs propositions de résolutions et de recommandations, portant sur des sujets de préoccupation importants. Outre la tenue de plusieurs débats concernant la conciliation, par les États membres, des enjeux de sécurité avec le respect des droits fondamentaux définis notamment par les conventions du Conseil de l’Europe, l’APCE a également discuté des conséquences toujours prégnantes des crises qui frappent l’Europe et le bassin méditerranéen, de la mise en œuvre de l’Accord de Paris, de la défense de la presse et du statut des journalistes ou encore de certains enjeux sociaux et de santé impactant les droits fondamentaux de populations vulnérables.

A.   La conciliation des enjeux de sÉcuritÉ avec le respect des droits fondamentaux

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se définit souvent comme « le chien de garde » des droits de l’Homme sur le Vieux Continent. À ce titre, elle veille scrupuleusement au respect des droits fondamentaux par les États membres et à la conciliation de cette obligation avec le légitime objectif de sécurité publique qui leur incombe. Au cours de la session de printemps, trois séances ont plus particulièrement abordé cette thématique essentielle, qui nourrit le débat public dans de nombreux pays aujourd’hui.

1.   L’examen de l’état d’urgence décrété par plusieurs États membres, dont la France jusqu’à peu, au regard des dispositions de la convention européenne des droits de l’Homme

Le mardi 24 avril 2018, lors de sa première séance, l’Assemblée parlementaire a adopté sur la base du rapport de M. Raphaël Comte (Suisse  ADLE) au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme, une résolution et une recommandation sur l’état d’urgence et les questions de proportionnalité relatives à la dérogation prévue à l’article 15 de la convention européenne des droits de l’Homme.

En propos liminaire au débat, le rapporteur a rappelé que la convention prévoit des situations dans lesquelles les États ne sont pas tenus de respecter tous les droits qu’elle contient : en cas de guerre ou d’autre danger public menaçant la vie de la Nation, un État partie peut y déroger en ayant recours à l’article 15.

Dans les limites de la proportionnalité, un État peut donc être autorisé à prendre des mesures qui, en temps normal, constitueraient des violations manifestes. Récemment, trois États membres du Conseil de l’Europe ont eu recours à ces dérogations : l’Ukraine, la France et la Turquie.

Concernant l’Ukraine, le rapporteur a plus particulièrement évoqué une disposition permettant une détention administrative pouvant aller jusqu’à 30 jours pour inviter la Cour constitutionnelle ukrainienne à examiner la constitutionnalité des lois dérogeant à la convention européenne des droits de l’Homme.

Au sujet de la France, M. Raphaël Comte s’est réjoui que l’état d’urgence y ait pris fin, alors même que la menace terroriste persiste. Il a jugé essentiel que la récente loi adoptée par le Parlement français soit appliquée en pleine conformité avec les normes de la convention européenne des droits de l’Homme.

Pour ce qui est de la Turquie, le rapporteur a observé que la portée des mesures d’urgence et leur impact sur nombre d’individus et d’organismes privés semblaient largement excessifs, les mesures prises pour protéger l’ordre constitutionnel ne devant pas elles-mêmes saper cet ordre. Il a appelé le Gouvernement turc à mettre fin à l’état d’urgence et à utiliser les instruments législatifs ordinaires pour faire face aux défis sécuritaires du pays.

Évoquant en conclusion ses propositions pour minimiser le recours futur aux dérogations et éviter les abus les plus dommageables, le rapporteur a invité le Secrétaire général du Conseil de l’Europe à utiliser systématiquement les pouvoirs que lui confère l’article 52 de la convention européenne des droits de l’Homme pour enquêter sur l’effet des mesures prises dans le cadre d’une dérogation. Il a également incité le Comité des Ministres à examiner la pratique des États à la lumière des exigences de l’article 15 de la convention et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.

M. Bernard Fournier (Loire – Les Républicains) a observé que les circonstances qui ont amené l’Ukraine, la France et la Turquie à recourir à l’article 15 de la convention européenne des droits de l’Homme sont parfaitement justifiées. Rappelant que les mesures prises dans ce cadre devaient rester proportionnées, il a fait valoir qu’elles devaient aussi rester limitées dans le temps et ne pas servir d’autre intérêt que le rétablissement de la sécurité et de l’État de droit, regrettant à cet aune qu’en France certaines manifestations sociales aient été interdites durant la période où l’état d’urgence était en vigueur et qu’en Turquie le Gouvernement ait fermé de nombreux médias d’opposition et restreigne encore davantage les libertés fondamentales.

M. Bernard Fournier a estimé nécessaire que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence puissent faire l’objet d’un recours, s’interrogeant à cet égard sur l’impartialité et les moyens de la commission d’enquête spéciale chargée notamment d’examiner les mesures individuelles prises dans le cadre de l’état d’urgence en Turquie ou encore sur les ressources des tribunaux transférés en dehors des zones non contrôlées par le Gouvernement en Ukraine.

Se félicitant que l’état d’urgence ait été levé en France, il a souhaité qu’il en aille de même en Ukraine et en Turquie, à la faveur de la mise en œuvre des Accords de Minsk pour la première et dans le but de mettre un terme à une situation d’absence de contrôle parlementaire des décrets-lois et de contradiction avec la Constitution pour la seconde.

M. François Grosdidier (Moselle – Les Républicains) a souligné que si le respect de la convention européenne des droits de l’Homme engage l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe, certaines circonstances peuvent nécessiter des dérogations proportionnées et la mise en place d’un régime temporaire d’exception. Rappelant qu’en France, l’état d’urgence avait été décrété à la suite des attaques terroristes de novembre 2015, au cours desquelles 130 personnes ont été tuées et 413 blessées, il a considéré que le Gouvernement se devait de réagir dans le respect des règles prévues par l’article 15 de la convention européenne des droits de l’Homme.

Tout en concédant que deux ans d’état d’urgence pouvaient paraître une durée excessive, il a fait valoir qu’il était politiquement difficile d’y mettre fin alors que la menace terroriste est toujours présente. Or sans sécurité, il ne peut pas y avoir d’État de droit.

M. François Grosdidier a mis en exergue le rôle joué par le Sénat pour rendre plus respectueuse des libertés fondamentales la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, qui a permis la levée de l’état d’urgence. Il en a retiré l’illustration du rôle que les parlementaires peuvent jouer dans la défense de l’État de droit.

Dressant le bilan de ce régime juridique exceptionnel en France, il a rappelé que l’état d’urgence a été appliqué trois fois durant la guerre d’Algérie, trois fois en outre-mer durant les années 1980 puis en 2005 en métropole, en raison d’émeutes dans les banlieues. Il a considéré que si son recours demeurait restreint, des réformes pourraient être envisagées pour mieux circonscrire la mise en œuvre de mesures individuelles, raison pour laquelle le Sénat avait institué une mission pluraliste de suivi de l’application des mesures votées.

Sans remettre en cause le bien-fondé de l’état d’urgence en Turquie et en Ukraine, s’agissant respectivement d’un coup d’État manqué et d’une situation de guerre, il a jugé nécessaire d’y mettre un terme car ces mesures ne sont pas efficaces sur le long terme, elles demeurent très coûteuses et ne doivent pas se substituer à l’État de droit.

M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) a observé que, tant pour la France que pour la Turquie et l’Ukraine, les Gouvernements ont légitimement pu prendre les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence, chaque État ayant été confronté à des menaces graves justifiant le recours à ces dérogations. Il a néanmoins observé que ces dérogations ne devaient pas avoir d’autre finalité que de permettre un retour rapide à l’État de droit et ne pouvaient dès lors qu’être appliquées de manière proportionnée et limitée dans le temps.

Il a constaté qu’en France, l’état d’urgence a duré presque deux ans, jusqu’à ce qu’en juillet 2017 une loi renforçant la lutte contre le terrorisme et élargissant les pouvoirs de police, dont il faudra veiller à ce que sa mise en œuvre ne remette pas en cause les libertés fondamentales, ait été adoptée.

Il s’est ensuite inquiété de la situation en Turquie, inquiétante au point que les relations avec l’Union européenne sont fortement dégradées. Tout en concédant que le déclenchement de l’état d’urgence était justifié par les circonstances, il s’est interrogé sur le bilan de deux ans de mise en œuvre dans ce pays : plus de 150 000 fonctionnaires ont été révoqués, 177 entreprises de médias et 1 800 associations ont été fermées. Il a estimé que, loin de favoriser le retour à l’État de droit, ces mesures désorganisent l’administration et l’ensemble de la société turque, de sorte qu’il est devenu temps d’y mettre fin surtout dans la perspective des élections présidentielle et législatives anticipées du 24 juin.

S’agissant de l’Ukraine, M. Claude Kern a jugé la situation toujours aussi conflictuelle, seul un accord de paix permettant de mettre fin au contexte chaotique qui règne aujourd’hui dans l’Est du pays. Il a estimé que la mesure permettant la détention préventive durant trente jours sans décision d’un juge n’était pas de nature à permettre de résoudre les difficultés actuelles, son utilité devant dès lors être reconsidérée.

Après avoir rappelé les dispositions de l’article 15 de la convention européenne des droits de l’Homme et les circonstances dans lesquelles l’état d’urgence avait été décrété dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015, Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche) a indiqué que ce régime juridique spécifique, prévu et régi par la loi du 3 avril 1955, a été prorogé à cinq reprises. Elle a insisté sur le fait que cela n’avait été le cas ni par commodité, ni par manque de courage politique, comme cela a parfois été abusivement dit, mais bien par impérieuse nécessité de sécurité publique. Elle s’est référée à l’appui de son propos à l’attentat meurtrier commis sur la promenade des Anglais à Nice, le 14 juillet 2016, quelques heures à peine après que le Président Hollande ait évoqué une sortie imminente de l’état d’urgence.

Mme Nicole Trisse a fait valoir qu’à chaque prorogation, le Parlement français s’était saisi de la question avec gravité, sérieux et objectivité. Elle a indiqué qu’une mission d’information spécifique avait été diligentée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, qu’elle avait suivi attentivement la mise en œuvre des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence et rendu un rapport détaillé sur cette question fin 2016.

Elle a ajouté que, dans le même ordre d’idées, les plus hautes juridictions françaises, qu’il s’agisse du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État, avaient également exercé un contrôle vigilant pendant toute cette période, jusqu’à l’expiration de ce régime juridique exceptionnel, le 1er novembre 2017.

Mme Nicole Trisse s’est félicitée que le Président Macron et son Gouvernement aient pris leurs responsabilités, en engageant un profond travail d’adaptation du droit français. Elle a estimé que les événements survenus à Carcassonne et Trèbes, le 23 mars dernier, n’avaient pas remis en cause ce constat mais plutôt qu’ils montraient que les choix faits avaient été courageux, face à une menace durable et difficile à anticiper.

En conclusion, elle a considéré que la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, contrairement à ce qui a été parfois hâtivement affirmé, n’était pas un copier-coller du régime de l’état d’urgence dans le droit commun. Elle a souligné que ce texte avait prévu des moyens d’action nouveaux et adaptés pour les pouvoirs publics français, sous le contrôle des juridictions, tout en permettant le retour plein et entier de la France dans le régime de la convention européenne des droits de l’Homme.

2.   Les problèmes juridiques et les défis aux droits de l’Homme posés par la guerre hybride

Au cours de sa deuxième séance du jeudi 26 avril 2018, l’APCE a adopté, sur la base d’un rapport de M. Boris Cilevičs (Lettonie – SOC) au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme, une résolution et une recommandation sur les problèmes juridiques et les défis aux droits de l’Homme posés par la guerre hybride.

À l’occasion de ce débat, le rapporteur a souligné que les États sont de plus en plus souvent confrontés à ce phénomène de guerre hybride qui repose sur une combinaison de moyens militaires et non militaires, comme des cyberattaques, des campagnes massives de désinformation, en particulier par le biais des réseaux sociaux, la perturbation des communications d’autres réseaux et de nombreux autres types de menaces.

Indiquant que son travail avait consisté à examiner tout à la fois dans quelle mesure les États peuvent restreindre les droits pour protéger la sécurité nationale et les problèmes juridiques posés par la guerre hybride, il a relevé que l’un des obstacles auxquels il s’était heurté était la multiplicité des concepts, « guerre hybride », « conflit hybride » et « menace hybride » ne signifiant pas exactement la même chose. Il a ainsi réservé l’expression de guerre hybride aux conflits militaires ou ayant une dimension militaire, les autres cas relevant plutôt de menaces hybrides.

Après avoir constaté qu’il n’y avait ni définition, ni cadre juridique de la guerre hybride, le rapporteur a noté qu’un consensus existait néanmoins sur sa caractéristique d’asymétrie juridique.

Il a illustré son propos par le fait que les adversaires nient leur responsabilité dans les opérations hybrides et essaient d’échapper aux conséquences juridiques de leurs actions. Il a mis en exergue, néanmoins, qu’ils n’opèrent pas dans un vide juridique car les dispositions du droit international s’appliquent : ainsi, un État militairement agressé peut invoquer le droit à la légitime défense sur la base de l’article 51 de la Charte des Nations Unies et certaines dispositions du droit humanitaire international ; de même, si un adversaire hybride renonce à la violence militaire, ses actions doivent être examinées à la lumière du droit pénal national et, éventuellement d’instruments juridiques internationaux couvrant des domaines particuliers comme le droit de la mer ou les normes de lutte contre la cybercriminalité, le terrorisme, les discours de haine ou le blanchiment d’argent.

Le rapporteur a fait valoir que, dans leur lutte contre les guerres hybrides, les États cibles doivent respecter le droit humanitaire international. Cela n’a pas empêché certains États membres du Conseil de l’Europe de prendre des sanctions pénales pour des déclarations en ligne, ainsi que des mesures de surveillance, de blocage de sites Web ou d’expulsion d’agents étrangers. Il a rappelé à cet égard que les États peuvent déroger à certains droits garantis par la convention européenne des droits de l’Homme, conformément à son article 15, sous réserve que soient respectés les critères fixés conformément à l’interprétation qu’en fait la Cour européenne des droits de l’Homme.

M. Boris Cilevičs a conclu par les propositions contenues dans la résolution et la recommandation soumises à l’APCE, soulignant qu’il s’agissait de mesures que les États membres peuvent prendre contre les menaces hybrides tout en respectant pleinement les droits de l’Homme.

3.   La lutte contre le crime organisé par la facilitation de la confiscation des avoirs illicites

Au cours de la même séance du 26 avril, l’APCE a adopté, sur la base d’un rapport de M. Mart van de Ven (Pays-Bas - ADLE) au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme, une résolution sur la lutte contre le crime organisé par la facilitation de la confiscation des avoirs illicites.

En introduction de la discussion, le rapporteur a précisé que, selon les statistiques de la Banque mondiale, les profits générés par le crime sont considérables : plusieurs milliers de milliards de dollars qui donnent aux criminels le pouvoir de corrompre, de faire pression sur des responsables politiques, sur la police, sur la justice, sur les témoins, mais aussi celui de détruire des marchés entiers, d’éliminer des concurrents honnêtes en pratiquant volontairement des prix cassés compensés avec de l’argent sale.

Il a observé qu’en s’attaquant à la puissance financière du crime organisé, la confiscation des gains mal acquis s’attaque à ses racines et permet de récupérer des ressources essentielles au dédommagement des victimes et des communautés locales. Il a toutefois jugé que le cadre juridique actuel reste insuffisant puisque, selon des estimations d’Europol, les 2,4 milliards d’euros ainsi saisis en 2016 par les autorités n’ont représenté que 2,2 % des profits engrangés par le crime en Europe, seule la moitié de ces actifs ayant été effectivement confisquée au bout du compte.

S’attachant à identifier les moyens d’améliorer ces résultats, le rapporteur a considéré qu’une façon d’y parvenir serait d’alléger la charge de la preuve pesant sur les autorités quand il s’agit de démontrer l’origine criminelle des actifs suspects, en prenant exemple sur le « modèle irlandais » du Bureau de recouvrement des avoirs d’origine criminelle. Il en a résumé les principes en ces termes : s’il est clair que le train de vie d’une personne excède largement ses moyens tels qu’ils résultent de toutes ses sources légales et déclarées de revenus, soit la personne peut justifier que ses revenus ont bien une origine légale, soit ceux-ci sont tout simplement confisqués sans qu’il soit besoin d’attendre une condamnation pénale ni que les autorités aient à prouver qu’ils ont une origine illégale.

M. Mart van de Ven a insisté sur les consultations juridiques et d’experts en coopération internationale ayant entouré la rédaction de la résolution soumise à l’APCE. Il a indiqué que le texte tenait également compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, offrant ainsi des garanties aux citoyens honnêtes contre tout risque de confiscation abusive. À cet égard, il a rappelé que la Cour de Strasbourg avait reconnu que la présomption d’innocence et la protection de la propriété privée n’étaient pas des obstacles à la saisie des actifs illicites.

En conclusion, le rapporteur a expliqué que de nombreux problèmes doivent encore être résolus pour réagir avec efficacité aux tactiques des criminels, qui ne cessent d’évoluer. Il en a appelé à un renforcement de la coopération internationale.

Lors des échanges qui s’en sont suivis, M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste), intervenant au nom du groupe ADLE, a fait valoir que la confiscation des avoirs illicites était l’un des outils les plus efficaces mais trop longtemps négligés de la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Il a constaté qu’en la matière, de nombreux pays ont évolué ces dernières années, citant plus particulièrement l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Il s’est félicité que la France, en transposant les directives européennes, ait elle-même progressé dans ce domaine, la réforme la plus récente datant de 2016 avec la loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement.

Observant que les trafiquants mettent en œuvre des méthodes de plus en plus sophistiquées pour soustraire leurs avoirs criminels de l’action de la justice, il a souhaité que les moyens de lutte contre le crime organisé deviennent eux aussi de plus en plus sophistiqués. Après avoir souligné que l’Irlande avait mis en place une équipe pluridisciplinaire avec son Bureau des avoirs d’origine criminelle réunissant des experts de la police, des douanes, des services fiscaux et des services sociaux, il a noté qu’une proposition de règlement européen concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et de confiscation avait été élaborée à la suite du débat d’orientation des Ministres de la Justice de l’Union européenne, en octobre 2017 : visant à faciliter le gel et la confiscation des avoirs financiers que des terroristes ou d’autres criminels sont susceptibles de déplacer d’un pays à l’autre, ce texte fournira un instrument juridique unique permettant d’améliorer la rapidité et l’efficacité des décisions de gel et de confiscation grâce à la standardisation des documents et des procédures.

M. Claude Kern a néanmoins jugé que le problème demeurait aigu car 98,9 % des avoirs illicites ne sont pas confisqués par manque de coopération transfrontalière et restent donc à la disposition des criminels. Déplorant que les diverses conventions européennes d’entraide judiciaire en matière pénale n’aient pas toutes été ratifiées par l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe, il en a déduit qu’en résulte un vide juridique qui permet à la criminalité organisée de continuer à échapper à la confiscation de ses avoirs illicites. Il a donc invité les parlementaires membres de l’APCE à sensibiliser leurs Parlements et Gouvernements respectifs sur ce point, la démarche engagée par l’Assemblée parlementaire permettant de fragiliser le pouvoir des organisations criminelles tout en générant des ressources pour indemniser les victimes.

B.   Les consÉquences, toujours d’actualitÉ, des crises les plus rÉcentes

Au cours de sa session de printemps, l’Assemblée parlementaire a marqué sa vigilance à l’égard des effets persistants de crises ou phénomènes encore à l’œuvre, qu’il s’agisse du financement de l’organisation terroriste Daech, des réponses humanitaires aux déplacements de populations dans les pays traversés par des conflits armés ou encore de la situation toujours instable et inquiétante de la Libye et de la Syrie.

1.   Les enseignements tirés du financement du groupe terroriste Daech

À l’occasion de sa dernière séance du mardi 24 avril 2018, l’APCE a adopté, sur le rapport de M. Phil Wilson (Royaume-Uni – SOC) au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution sur les enseignements tirés du financement du groupe terroriste Daech.

Au cours du débat, le rapporteur a tout d’abord remarqué qu’au début de ses travaux, Daech était au faîte de sa puissance et qu’heureusement il en allait différemment aujourd’hui, sans que cela ne signifie que Daech ait disparu. Il a rappelé que cette organisation terroriste installée en Irak et en Syrie, qui entendait imposer une interprétation particulière de l’islam traduisant une vision nihiliste et meurtrière, a perdu la majeure partie du terrain qu’elle occupait il y a deux ans.

Il a précisé qu’au summum de son expansion, Daech disposait de 3 milliards de dollars, ce qui faisait d’elle l’organisation terroriste la plus riche du monde et de toute l’histoire. Pour autant, à la fin de l’année 2017, les revenus annuels de Daech sont tombés à 200 millions de dollars, un montant toujours important mais absolument pas comparable à ceux de 2015.

M. Phil Wilson a indiqué que, depuis la fin de l’année 2017, Daech n’occupe plus que 2 % des territoires occupés lors de ses premières attaques en Syrie et en Irak. L’État islamique (EI) contrôlait alors 60 % des réserves pétrolières de l’Irak. Il touchait ainsi deux à trois centaines de millions de dollars grâce à la vente de pétrole sur le marché noir. Ensuite, le prix du baril s’est effondré, passant de 110 à 30 dollars en 2016. Daech a retiré de cette ressource 4 millions de dollars au cours du mois de juin 2016, ce qui représente une baisse de 97 % par rapport à 2014.

Le rapporteur a noté qu’une autre source de revenus pour l’EI, qui représentait des centaines de millions de dollars par an, était constituée par les paiements versés contre protection. Cette source s’est également tarie, et Daech n’a reçu que 8 millions de dollars au cours du mois de juin 2017.

M. Phil Wilson a conclu que les revenus de l’organisation se sont donc véritablement effondrés à la suite des actions de la coalition internationale. Cependant, il a estimé qu’il ne fallait pas pour autant en conclure que la menace de ce groupe a diminué. En effet, Daech peut trouver des financements en dehors de la zone irako-syrienne et l’organisation concentre ses attaques à l’extérieur afin de s’attirer le plus de publicité possible à moindre coût.

Le rapporteur a insisté sur le fait que Daech et d’autres groupes islamiques opèrent dans au moins trente pays dans le monde, y compris en Europe : ils mènent ainsi ou ont mené des opérations en Albanie, en Autriche, en Azerbaïdjan, en Belgique, en Bosnie-Herzégovine, en Bulgarie, au Danemark, en France, au Kosovo, aux Pays-Bas, en Norvège, en Russie, en Suède, en Turquie, au Royaume-Uni. Daech a d’ailleurs revendiqué des attentats en France, en Belgique, au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Bangladesh, en Espagne et dans de nombreux autres pays.

Il a également relevé qu’un certain nombre de combattants étrangers luttent dans les territoires contrôlés par Daech, dont environ 5 000 pourraient retourner ensuite dans différents pays de l’Union européenne. La menace principale vient malgré tout des personnes radicalisées qui commettent des atrocités dans leur propre pays, comme à Manchester.

S’agissant des financements issus du pétrole extrait des territoires occupés par Daech mais aussi de l’agriculture, des mines de sel, des enlèvements, du pillage d’objets d’art et de dons, à raison d’un total de plusieurs centaines de millions de dollars chaque année, l’action de la communauté internationale est contrariée par le régime syrien d’Assad, qui permet aux banques de Daech d’opérer et fait également des affaires avec l’organisation.

Le rapporteur a souligné que les transactions de Daech sont souvent impossibles à repérer parce qu’il n’y a pas de trace papier. En outre, l’organisation utilise des méthodes nouvelles, en particulier des cartes de prépaiement, comme lors des attaques de novembre 2015 à Paris.

En conclusion, M. Phil Wilson a estimé que Daech demeure une organisation terroriste liée à un réseau présent dans tous les pays du monde. Il a appelé la communauté internationale à maintenir ses efforts pour en tarir le financement, notamment à travers la mise en œuvre des 40 recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), créé par le G7 afin de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il a aussi demandé au Conseil de l’Europe, qui a adopté en 2005 la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme, de poursuivre son travail pour construire un cadre international afin que le financement des organisations terroristes soit entravé.

M. François Grosdidier (Moselle – Les Républicains) a indiqué que la lutte contre le terrorisme, en France et en Europe, doit tarir les sources de financement du phénomène. Il a indiqué que, sans argent, Daech n’aurait jamais pu monter ses campagnes de recrutement sur internet qui lui ont permis d’enrôler tant d’Européens.

Il a estimé qu’assécher les ressources financières des organisations terroristes nécessite une solidarité internationale renforcée. Certains États européens ont été accusés d’acheter le pétrole de Daech et, si cela s’avérait être effectivement le cas, des sanctions internationales devraient être envisagées.

M. François Grosdidier a considéré que la solidarité dans la lutte contre le terrorisme s’applique également aux grandes entreprises, notant qu’en France, des cadres de l’entreprise Lafarge ont été mis en examen pour financement d’une entreprise terroriste : l’enquête est en cours et la justice devra faire preuve d’une grande sévérité si les faits sont prouvés.

Il a enfin noté que les banques impliquées dans le blanchiment d’argent destiné à financer le terrorisme doivent être sanctionnées, toute relation commerciale internationale avec les banques syriennes, irakiennes ou libyennes devant être scrupuleusement contrôlée voire, au besoin, interdite.

Soulignant le rôle des organisations internationales, il a mentionné l’action du Groupe d’action financière, qui a fait des recommandations visant à accroître l’échange d’informations entre les États, et celle d’Interpol ou d’Europol. Regrettant que peu d’États utilisent ces outils, 85 % des informations transmises au sein d’Europol provenant de seulement cinq États membres, il a estimé essentiel de partager les renseignements et s’est félicité de l’action de la France dans ce domaine.

Se réjouissant également de l’action du Conseil de l’Europe, il a rappelé que Moneyval est un outil complémentaire permettant de développer la lutte contre le blanchiment d’argent en Europe et que le protocole additionnel à la convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme traite de la question du financement du terrorisme. Il a notamment encouragé les États membres à signer et à ratifier cette convention.

Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche) a observé que l’organisation de l’État islamique, plus communément appelée « Daech », a transformé le terrorisme en fléau mondial. Elle a estimé que par ses modes opératoires, ses objectifs assumés de meurtres de masse mais aussi son mode de financement, Daech a montré que les desseins les plus sombres sont non pas l’apanage d’États tyranniques ou anti-démocratiques, mais bel et bien le modus vivendi de groupes de fanatiques prêts à tout pour imposer leur vision de la société et de la religion.

Elle a considéré que ce débat pointait un aspect essentiel du sujet, à savoir l’argent, Daech ayant bâti son expansion sur l’exploitation de ressources naturelles – pétrolières notamment – et agricoles, ainsi que sur le racket des populations locales, le commerce des otages ou encore le pillage des œuvres archéologiques des territoires placés sous sa férule.

Mme Nicole Trisse a regretté que la prise de conscience de cette réalité par les pays attachés au respect des droits de l’Homme ait tardé : entre 2014 et 2015, bien peu de choses ont été entreprises pour endiguer ce phénomène qui ensanglantait pourtant un Moyen-Orient déjà passablement éprouvé par les violences ; c’est seulement à partir de 2015, et à la suite de la multiplication des attentats en dehors de la zone irako-syrienne, qu’il y a eu un sursaut des démocraties civilisées, dont la réaction policière et militaire a été complétée par des dispositions pour endiguer et tenter d’assécher ce que l’on appelle le « nerf de la guerre », à savoir les ressources de l’État islamique.

Elle a observé, à l’instar du rapporteur qu’elle a remercié pour son travail très documenté et esquissant des pistes d’action intéressantes, qu’en dépit des succès enregistrés, la coopération internationale peut et doit encore progresser. Elle a plus particulièrement souscrit à l’appel pour une mise en œuvre rapide et efficace des normes du Groupe d’action financière, et plus spécifiquement de ses 40 recommandations sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Elle a également plaidé pour que tous les États membres signent et ratifient la convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme, dite « convention de Varsovie », et la convention sur les infractions visant les biens culturels. Elle a enfin suggéré que les États, à l’échelle de l’Union européenne, suivent le plan d’action présenté en février 2016 par la Commission, lequel s’attaque notamment aux défis de demain et au problème des crypto-monnaies.

Elle a conclu en indiquant que le combat contre le financement du terrorisme n’est pas achevé, qu’il faut le poursuivre et le gagner car il est urgent d’éradiquer Daech.

M. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en marche) a observé qu’au cours des trente dernières années, les autorités nationales et la communauté internationale ont dû s’adapter à l’augmentation de l’activité des groupes terroristes : non seulement leur nombre s’est multiplié, mais leur présence au Moyen-Orient s’est également pérennisée. Il a fait état de ce que Daech et les autres groupes terroristes islamistes d’inspiration salafiste seraient opérationnels dans au moins 39 pays.

Rappelant qu’en France, entre janvier 2015 et octobre 2017, les attaques terroristes revendiquées par l’organisation État islamique ont fait 241 morts, il a estimé que le développement pérenne de Daech est indéniablement lié à sa capacité financière.

Se référant aux initiatives internationales, européennes et nationales visant à tarir toute source de financement de masse du terrorisme, M. Fabien Gouttefarde a notamment évoqué les 40 recommandations du Groupe d’action financière, les travaux des deux comités d’experts du Conseil de l’Europe Moneyval et Codexter, le plan d’action contre le terrorisme du G20, ou encore le programme des États-Unis et de l’Union européenne de surveillance du financement du terrorisme. Il a signalé que, le 25 avril 2018, à Paris, près de 500 experts et 80 ministres de 72 pays allaient travailler sur le financement du terrorisme dans le cadre d’une conférence intitulée : « No money for terror ».

Se félicitant de toutes ces initiatives, il a remarqué qu’elles n’avaient pas éradiqué pour autant les organisations terroristes, qui ont adapté leurs modes de financement aux nouvelles technologies comme l’utilisation des cartes prépayées ou des monnaies virtuelles. Il s’est référé à l’étude publiée en janvier 2015 par une chercheuse norvégienne, Emilie Oftedal, sur 40 cellules terroristes ayant organisé des attentats en Europe entre 1994 et 2013 : ce document révélait que dans les trois quarts des cas, les sommes en jeu pour l’organisation de ces attaques n’ont jamais dépassé 10 000 dollars. Facteur aggravant à ses yeux, les terroristes collectent, transfèrent et dépensent l’argent de façon remarquablement ordinaire.

2.   La réponse aux besoins humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays

Au cours de sa deuxième séance du mercredi 25 avril 2018, l’Assemblée parlementaire a adopté, sur le rapport de M. Killion Munyama
(Pologne – PPE/DC) au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, une résolution et une recommandation sur la réponse aux besoins humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays.

À l’occasion du débat, le rapporteur a observé que la situation humanitaire des 4 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) en Europe mérite beaucoup plus d’attention. Tout en convenant que le Conseil de l’Europe n’est pas une organisation humanitaire, il a estimé qu’il était néanmoins nécessaire de se prévaloir de la convention européenne des droits de l’Homme et d’autres traités afin de s’assurer que les droits fondamentaux des PDI sont respectés.

Indiquant que le projet de résolution soumis au vote de l’APCE renvoyait expressément aux Principes directeurs des Nations Unies, il a considéré que si les besoins humanitaires individuels changent au fil du temps, les droits de l’Homme doivent être respectés à tout moment.

Le rapporteur a souligné que les pays où la concentration des PDI est la plus importante sont l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et Chypre. Il a indiqué que son rapport ne visait pas à régler ces conflits, ni à représenter une reconnaissance de facto d’autorités non reconnues par le Conseil de l’Europe, mais à renvoyer simplement aux droits et aux normes juridiques applicables.

Après le rapporteur, Mme Jimenez-Damary, rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits de l’Homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, a été invitée à s’adresser aux membres de l’Assemblée parlementaire. Se félicitant du 20ème anniversaire de l’adoption par les Nations Unies des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, cadre le plus approprié et reconnu à l’échelle internationale pour se pencher sur les questions de déplacement interne, elle a insisté sur le fait que ces Principes couvrent toutes les phases des déplacements, de la prévention du déplacement arbitraire jusqu’à la protection, tout en visant à trouver des solutions durables pour les PDI.

Insistant sur la responsabilité des États pour la protection des PDI, elle s’est référée aux normes en matière de droits de l’Homme qui s’appliquent aux PDI comme à tous les citoyens du pays : le principe de la non-discrimination et la participation égalitaire des PDI dans l’exercice de tous les droits prévus par la législation nationale, le droit européen et le droit international.

Après s’être réjouie que l’attention sur cette question trop méconnue par la communauté internationale soit attirée par l’APCE, elle a souhaité insister sur la solidité des cadres juridiques en vigueur en Europe, et plus particulièrement la convention européenne des droits de l’Homme et la Charte sociale européenne révisée. Elle a par ailleurs rappelé que la Cour européenne des droits de l’Homme avait déjà rendu plusieurs arrêts en faveur des PDI.

Elle a indiqué ensuite que le Plan d’action triennal 2018-2020 pour la promotion de la prévention, de la protection et de solutions durables pour les personnes déplacées internes, venait juste d’être lancé le 17 avril, date anniversaire des Principes directeurs. Elle a estimé que des progrès demeuraient possibles dans quatre domaines prioritaires :

 tout d’abord, dans des pays où vivent des PDI, le droit humanitaire, à l’échelle nationale et locale, et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, doivent être appliqués ;

 ensuite, les pays concernés doivent mettre en place des législations protectrices pour ces personnes ;

 de même, il apparaît nécessaire d’élaborer des stratégies gouvernementales pour résoudre les situations de déplacements internes, surtout lorsqu’elles se prolongent ;

 enfin, les PDI doivent participer aux décisions qui les concernent.

Pour conclure, Mme Jimenez-Damary a insisté sur le rôle de l’Europe dans la gestion du problème, considérant qu’elle devait s’intéresser à ces populations, qui existent partout dans le monde ainsi que sur son continent.

Au cours du débat qui s’en est suivi, Mme Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains), intervenant au nom du groupe PPE/DC, a rappelé que les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays avaient vingt ans. Elle a expliqué la multiplicité des motifs de ces déplacements : conflits, violations des droits de l’Homme, catastrophes naturelles. Déplorant qu’une génération perdue tente de survivre aux conséquences des conflits du passé, 15 % du nombre total des PDI, soit 390 000 personnes environ, vivant dans des centres collectifs, des abris de fortune ou des campements informels, elle a relevé que les victimes de conflits passés ou en cours continuent d’avoir besoin de l’aide de la communauté européenne et internationale.

Appelant à des solutions en matière de logement, d’accès à la santé et à l’éducation, elle a estimé que les États doivent prendre toutes leurs responsabilités, sans jouer sur un effet de « conflit gelé », en se servant parfois des PDI comme d’une preuve pour faire valoir des droits territoriaux, un jeu cruel qui dure depuis trop longtemps.

Mme Marie-Christine Dalloz a dénoncé le cas des enfants, particulièrement préoccupant car ils vivent dans des conditions inacceptables et n’ont pas accès aux droits élémentaires prévus par la convention internationale des droits de l’enfant. Elle a donc souhaité que les résolutions des Nations Unies et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme sur ces questions soient appliqués pour trouver des solutions durables.

Après avoir rappelé la création de la Banque de développement du Conseil de l’Europe pour aider les réfugiés et les personnes déplacées après la guerre, qu’elle a jugé insuffisamment sollicitée, elle a conclu sur un espoir ténu mais réel s’agissant de Chypre, où le dialogue est rétabli, en souhaitant que les PDI ne soient pas les oubliés des négociations.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain) a estimé que le rapport de M. Munyama avait pour premier mérite d’appeler l’attention de l’APCE sur les déplacés internes, les réfugiés domestiques, ces exilés de l’intérieur. Observant que les causes de leurs épreuves sont souvent les mêmes que pour les migrants, elle a déploré que certains États, mais aussi des acteurs non étatiques, des groupes armés, par le moyen de déplacements forcés de personnes à l’intérieur de leur propre pays, se rendent coupables de violations graves du droit humanitaire.

Considérant que l’obligation de protéger incombant aux États est un critère exigeant, qui doit être présent à l’esprit des Gouvernements mais aussi de leurs partenaires au sein du Conseil de l’Europe, elle a fait valoir que les déplacements internes de populations ne sont pas uniquement des problèmes humanitaires mais aussi une question cruciale de droits de l’Homme, pour la construction de la paix et la stabilité nationale. Regrettant que les protections prévues par les législations nationales pour ce type de situations soient rarement suffisantes, elle a estimé que c’est toute la communauté du Conseil de l’Europe et les parlementaires de l’APCE qui devaient résoudre ce problème et se saisir de ces thèmes.

3.   La situation en Libye et le rôle que peut jouer le Conseil de l’Europe

Lors de la même séance du 25 avril, l’APCE a également adopté, sur le rapport de M. Attila Korodi (Roumanie – PPE/DC) au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie, une résolution et une recommandation sur la situation en Libye et le rôle que peut y jouer le Conseil de l’Europe.

Au cours du débat, le rapporteur a indiqué avoir suivi l’évolution de la Libye pendant 24 mois et avoir rencontré à Tunis, début novembre 2017, des ministres tunisiens, libyens, ainsi que des représentants de l’ONU, de l’Union européenne, des membres de la société civile, des journalistes et des experts. Il a précisé avoir également entendu des représentants de la Commission de Venise, de l’Union européenne, de la mission de l’ONU en Libye et différents experts.

Il a estimé, au regard de l’environnement et du contexte, que le Conseil de l’Europe pouvait apporter une contribution à la reconstruction du pays, notamment par le biais de la Commission de Venise.

Déplorant que de graves violations des droits de l’Homme s’y produisent tous les jours et que l’instabilité en Libye menace toute la région, il a énuméré les problèmes sécuritaires liés au terrorisme et à l’afflux des migrants, mais aussi les problèmes humanitaires et moraux qui se posent actuellement. Après s’être prononcé pour des compromis, parfois un peu déplaisants mais nécessaires, il a estimé que le préalable était de trouver des interlocuteurs vraiment désireux de rétablir la paix et les droits de l’Homme.

Évoquant la question des migrants, il a précisé que l’Organisation internationale pour les migrations estime entre 700 000 et 1 million leur nombre en Libye : sur les 350 000 migrants dûment enregistrés en 2017, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a considéré qu’à peu près 45 000 pouvaient être considérés comme de vrais réfugiés ou demandeurs d’asile, la moitié étant des Syriens.

Après avoir rappelé qu’entre 2014 et 2016, l’Italie avait accueilli chaque année entre 140 000 et 170 000 migrants depuis la Libye, il s’est prononcé en faveur d’un appui du Conseil de l’Europe à la mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL). Pour ce faire, il a plaidé pour une participation de la Commission de Venise à la préparation d’une nouvelle constitution, d’un référendum constitutionnel, puis de nouvelles élections. Il a également jugé que l’APCE pourrait envoyer des observateurs et apporter un soutien à l’organisation et au contrôle des élections.

Le rapporteur a observé que l’Accord politique libyen de Skhirat du 17 décembre 2015 avait jeté les bases d’une solution par un dialogue entre les factions libyennes, sans ingérence étrangère. Il a estimé nécessaire de réintégrer dans la mise en œuvre de ce plan tous ceux qui ont été ostracisés ou qui se sont d’eux-mêmes mis hors-jeu.

Tout en se prononçant pour des élections à brève échéance, il a jugé indispensable que les conditions d’équité du scrutin soient garanties, militant de ce fait pour que le Conseil de l’Europe apporte son aide aux autorités libyennes au moment où le scrutin sera décidé, lorsqu’elles le jugeront opportun. Il a conclu en indiquant que tout le monde, aujourd’hui, se rend bien compte qu’il n’existe pas d’issue militaire à la situation en Libye.

Lors de l’examen de la proposition de résolution, M. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en marche) a présenté un amendement cosigné par plusieurs de ses collègues de la délégation française, visant à demander aux États membres et à la communauté internationale de proposer au HCR des contingents de personnes protégées.

Cet amendement a été adopté avec avis favorable du rapporteur.

4.   Le rôle du Conseil de l’Europe dans les initiatives de processus de paix en Syrie

Lors de sa séance du 26 avril 2018, l’Assemblée parlementaire a tenu, à la demande de la Présidente de la délégation islandaise, un débat d’actualité sur le rôle du Conseil de l’Europe dans les initiatives de processus de paix en Syrie.

Mme Rósa Björk Brynjólfsdóttir (Islande – GUE), oratrice désignée par le Bureau pour introduire ce débat d’actualité, a estimé que la Syrie est devenue le champ de bataille de puissances internationales et régionales plus que le théâtre d’une guerre civile entre soutiens et opposants du régime d’Assad. Observant que la situation sur le terrain est extrêmement complexe, la solution politique et pacifique du conflit lui a paru assez peu probable.

Déplorant la situation humanitaire liée aux crimes atroces et aux déplacements forcés, elle a constaté que le recours aux armes chimiques et les attentats visant les civils sont devenus monnaie courante. De ce fait, le conflit a poussé près de 6 millions de personnes à fuir la Syrie, dont la plupart sont des femmes et des enfants selon les chiffres des Nations Unies. En outre, 6,3 millions de Syriens sont déplacés au sein de leur propre pays et 2,9 millions de personnes ne peuvent être secourues par les organisations humanitaires.

Se félicitant de l’accueil, par les pays voisins de la Syrie, des populations cherchant refuge, parfois à la limite de leurs capacités, Mme Rósa Björk Brynjólfsdóttir a regretté que l’Europe, elle, n’en ait accueilli que 10 %. Elle a alors posé la question du rôle que peut jouer l’Europe dans une initiative de paix, les solutions proposées pour le moment ne s’intéressant qu’aux symptômes et non aux causes profondes du problème.

Après avoir condamné le recours aux armes chimiques, qu’elle a qualifié de crime dont les responsables devront répondre au regard du droit international, elle a estimé que l’intervention militaire comme forme de réponse à l’utilisation d’armes chimiques entraîne le risque d’une escalade et d’une confrontation militaire directe entre les États-Unis, la Russie et l’Iran, avec une possible intervention de la Turquie et d’Israël. Elle a regretté que les cycles de pourparlers lancés par les Nations Unies, par la Russie et par les États-Unis, à Genève, à Astana ou Sotchi, n’aient obtenu que des résultats très limités, appelant l’Europe à combler le vide laissé par la communauté internationale en s’appuyant sur les leçons de son histoire et des deux guerres mondiales.

Mme Rósa Björk Brynjólfsdóttir a rappelé que l’APCE a analysé le conflit syrien de très près au cours des sept dernières années, en mentionnant plus particulièrement ses résolutions 2107 (2016) et 2190 (2017) et le rapport en préparation de Mme Bakoyannis. Elle a néanmoins souhaité que l’accent soit davantage porté sur les négociations et un plan de paix d’urgence pour la Syrie en vue de créer un environnement sûr et stable pour sa population civile. Insistant sur le rôle des membres de l’Assemblée parlementaire comme combattants pacifiques de l’humanité, l’humanité étant la source de toute empathie, elle a jugé que le débat devait être relayé dans les Parlements nationaux.

Lors de la discussion, M. Fabien Gouttefarde (Eure – La République en marche) a souhaité expliquer les raisons pour lesquelles la France est intervenue militairement, les 13 et 14 avril 2017, sur le territoire syrien.

Rappelant que, le 7 avril, plusieurs attaques chimiques avaient été menées sur la ville de Douma, y compris contre les infrastructures médicales, et que plus de 45 personnes y avaient perdu la vie, il a indiqué que les éléments réunis par la France et d’autres pays disposant de sources de renseignement fiables avaient constitué un faisceau de preuves suffisant pour mettre en cause la responsabilité du régime syrien dans ces attaques marquées par l’utilisation de munitions à composants chimiques.

Il en a déduit que le régime syrien avait, une fois de plus, agi au mépris du droit international humanitaire, violant de façon flagrante et répétée les décisions prises par le Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, en particulier ses résolutions 2118, 2209 et 2235, qui toutes qualifiaient l’usage d’armes chimiques en Syrie de menaces contre la paix et la sécurité internationales : depuis 2002, des centaines de cas de recours à des substances interdites ont été répertoriés par les ONG et constatés par les enquêtes internationales indépendantes.

Il a souligné que, par ses résolutions, le Conseil de sécurité s’était engagé à adopter des mesures coercitives au titre du chapitre VII et que, si les douze vetos russes sur la Syrie avaient malheureusement empêché la communauté internationale d’agir d’une seule voix, il n’était ni moralement ni juridiquement possible de laisser faire le régime syrien sans réagir.

Observant que les armes chimiques sont d’une autre nature que les armes conventionnelles en ce qu’elles visent non pas les soldats, mais les populations, il a fait valoir que les conséquences de leur usage sur la sécurité de la région, et au-delà sur la sécurité collective, étaient considérables.

Après avoir insisté sur la nécessaire crédibilité des engagements contre la prolifération des armes de destruction massive, M. Fabien Gouttefarde a jugé que ne pas réagir était aussi envoyer le signal à d’autres pays qui pourraient détenir ou chercher à détenir ces armes. Tout en appelant à la mobilisation pour mettre un terme à la tragédie de la crise syrienne et trouver une solution politique, il s’est déclaré attaché à un multilatéralisme efficace, fondement constant de la politique étrangère de la France, sans pour autant que le camp du droit ne devienne le camp des faibles.

En conclusion, il a considéré qu’un régime persuadé de pouvoir gagner militairement en utilisant en toute impunité des armes de destruction massive n’a aucune raison de venir négocier une sortie politique, et justifié l’action de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis à l’encontre du régime syrien, aux fins de sanctionner et de dissuader.

C.   Le changement climatique et la mise en œuvre de l’accord de Paris

Lors de sa deuxième séance du 24 avril 2018, l’APCE a examiné et adopté, sur le rapport de M. John Prescott (Royaume-Uni – SOC) au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, une résolution relative au changement climatique et à la mise en œuvre de l’Accord de Paris.

Se référant, en ouverture des discussions, à un grand nombre de débats intervenus antérieurement dans l’hémicycle de l’APCE sur le changement climatique, le rapporteur a constaté que les choses ont changé depuis l’époque, il y a vingt ans, où il négociait le protocole de Kyoto au nom des Nations Unies. Il a souligné que le débat porte non plus sur les faits scientifiques mais sur le cadre dans lequel il faut réduire les émissions de carbone et même s’acheminer vers une économie entièrement décarbonée.

Le rapporteur a rappelé que tout a commencé avec les négociations du protocole de Kyoto, conclu par quarante-six pays ; vingt ans plus tard, à Paris, des objectifs ont été fixés et inscrits dans les législations nationales. Se plaçant dans la perspective de la prochaine conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP) de 2019, il a souligné que l’Assemblée parlementaire devait s’orienter dès à présent vers d’autres propositions.

Après s’être félicité de l’impact des rapports de l’APCE sur ce qui devait être fait à Paris, à Copenhague et ailleurs, le rapporteur a jugé que l’ironie, en matière de lutte contre le changement climatique, est que les Nations Unies reconnaissent le rôle des ONG mais pas celui des parlementaires alors que le Conseil de l’Europe a fait la démonstration qu’ils réfléchissent aux problèmes avant que les Gouvernements ne le fassent.

M. John Prescott a indiqué que la prochaine étape est la définition de cadres nationaux, jugeant qu’en accepter le principe est une chose mais que passer à l’acte, par exemple en réduisant ses émissions de carbone de 20 %, est bien moins simple.

Abordant les nouvelles propositions que les parlementaires veulent faire, le rapporteur a indiqué travailler à la constitution de partenariats civiques, au niveau des universités, des autorités locales, secteur privé et secteur public ensemble, avec le Maroc et le Ghana. Il a estimé possible d’utiliser la science, de tirer profit de nos différents atouts pour travailler avec les pays en développement à un niveau local. Il a ajouté que le cheminement vers des économies entièrement décarbonées appelle un renouvellement des infrastructures, citant le cas de son propre pays et de la Chine.

Le rapporteur a aussi insisté sur le rôle des estuaires, au nombre d’environ 400 en Europe. Constatant qu’ils attirent beaucoup d’industries, il a observé que les énergies renouvelables s’y développent de plus en plus.

Il a conclu sa présentation par des préconisations législatives, rappelant que quelque 90 Nations devront se doter d’un cadre solide dont le non-respect peut donner lieu à des contentieux. Selon lui, les parlementaires doivent toujours être chefs de file, faire office de pionniers et veiller au respect des objectifs nationaux par leurs Gouvernements respectifs.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – Les Républicains) a noté que le changement climatique s’inscrit au cœur même des valeurs du Conseil de l’Europe, car ses effets dévastateurs toucheront en premier lieu les populations les plus pauvres des pays en voie de développement. Il a jugé que, créant des conflits pour le contrôle des terres, mais aussi des mouvements de migrations climatiques vers notre continent bien plus importants que les afflux de réfugiés aujourd’hui, ce bouleversement du climat représente un véritable défi pour nos démocraties.

Il a ensuite estimé que l’espoir né de la COP21 et de l’Accord de Paris a fait place à une certaine désillusion, avec le désengagement américain et la solidarité modérée des pays riches face aux défis du continent africain en matière de lutte contre les conséquences du changement climatique. Il a en outre considéré que la croissance verte ne va pas de soi, même si de nombreux efforts ont été faits pour développer des énergies renouvelables. Tout en constatant que la biomasse-énergie représente 55 % de la production d’énergie renouvelable en France et que d’autres techniques, comme la géothermie profonde, sont appelées à se développer, il a relevé que certaines énergies renouvelables sont hors de prix pour les pays en voie de développement.

M. Frédéric Reiss a jugé que la gestion de l’eau figure parmi les défis pouvant conduire à des conflits ouverts, chaque degré supplémentaire au-delà de 2 degrés de réchauffement par rapport à 1990 pouvant entraîner une réduction des ressources renouvelables en eau de 20 % pour au moins 7 % de la population mondiale. Se référant aux risques de recours des populations aux eaux de surface souvent insalubres et d’inondations, il a estimé que, sans sécurité de l’eau, les droits humains sociaux et économiques autour de l’alimentation et de la santé n’existent plus.

En dernier lieu, il a souligné que les engagements en matière d’économies décarbonées ne sont pas si simples à réaliser, ainsi que le révèle l’échec de la mise en place de la taxe carbone en France. Il a donc appelé à une action concertée et coordonnée des pays européens.

M. François Grosdidier (Moselle – Les Républicains) a jugé important de faire le point sur la réalité de la mise en œuvre de l’Accord de Paris, tant sa conclusion a suscité d’espoirs face aux risques multiples que le dérèglement climatique fait courir à la planète et à l’humanité. Rappelant l’objectif de rester en dessous de 2 degrés de réchauffement par rapport aux niveaux préindustriels, et si possible en dessous de 1,5 degré, il a relevé que les pays ont présenté des plans d’action nationaux, tandis que les Gouvernements ont convenu de communiquer tous les cinq ans leurs contributions pour des objectifs plus ambitieux et accepté de s’informer réciproquement de leurs progrès pour garantir la transparence et le contrôle de leur action.

Soulignant l’urgence de la situation, du fait qu’il ne reste qu’un crédit de 1 000 milliards de tonnes de carbone à émettre pour limiter le réchauffement à 2°C, un seuil atteint dans 20 ou 25 ans au rythme actuel, il a considéré que les choses avancent trop lentement. Il a notamment cité l’accord d’avril 2018, dans le cadre de l’Organisation maritime internationale, sur la fixation d'un objectif de réduction d’au moins 50 %, d’ici à 2050 par rapport à 2008, des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports maritimes internationaux.

Déplorant les répercussions surtout financières du retrait américain, il a estimé que l’Europe ne pourra pas compenser cette perte et qu’il fallait donc relancer la réflexion sur des taxes internationales et des marchés carbone. Il a observé également que la société civile, le secteur privé, les gouvernements locaux et régionaux ont aussi un rôle à jouer, ainsi que l’illustre le réseau des grandes villes et des États fédérés des États-Unis d’Amérique.

M. François Grosdidier a conclu son propos par la nécessité de rester mobilisés car le changement climatique a des répercussions directes et indirectes sur la sécurité et la stabilité internationales, touchant principalement les plus vulnérables, provoquant des déplacements de populations et des troubles sociaux et politiques, ainsi que de nouvelles migrations.

Mme Isabelle Rauch (Moselle – La République en marche) a fait part de son émotion de prendre la parole pour la première fois dans l’enceinte de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont le rôle est de promouvoir et de protéger les droits humains sur l’ensemble du territoire des 47 États membres. Elle s’est déclarée fière de s’exprimer sur le changement climatique et la mise en œuvre de l’Accord de Paris, exprimant son adhésion au contenu du rapport de M. Prescott et à la résolution soumise au vote de l’APCE.

Rappelant que l’Accord de Paris est le premier accord universel sur le climat, elle a considéré qu’il représentait un record en matière de droit environnemental et entraînait une véritable dynamique que même le retrait, très médiatique, des États-Unis, n’a pas réussi à enrayer, car il n’existe pas de « planète B ». Pour autant, elle a jugé impossible d’ignorer que les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux, ainsi que l’a déploré le Président de la République française le 12 décembre 2017 en ouvrant le One Planet Summit.

Elle a souligné que le 17 avril 2018, lors de son discours devant le Parlement européen, M. Emmanuel Macron avait de nouveau insisté sur les conséquences du réchauffement climatique à l’échelle mondiale et sur l’obligation de répondre à ce désordre à l’échelle européenne, par exemple en revoyant à la hausse la contribution européenne dans le cadre de l’Accord de Paris. Elle en a déduit que la mobilisation se devait d’être générale et conclu sur une note d’espérance, en évoquant le projet français d’inscrire la lutte contre le changement climatique dans l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, ce qui ferait de la France le premier pays du G20 à instaurer cette norme constitutionnelle pour sacraliser les objectifs fixés en matière de lutte contre le changement climatique.

M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) a jugé que l’heure est grave. Rappelant les propos tenus en 2002 par le Président Chirac, qui déclarait « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », il s’est réjoui que la communauté internationale ait décidé de se préoccuper de l’avenir de la planète avec l’Accord de Paris.

Observant que les conséquences du réchauffement climatique pourraient être dramatiques, telle la disparition de milliers d’îles et de villes portuaires comme Amsterdam, Miami ou Tokyo ou encore celle d’un sixième des espèces animales, il a fait valoir que l’Europe ne sera pas épargnée. Craignant des déplacements massifs de population, comme en 2015 déjà un millier d’habitants de l’atoll de Bikini demandant à être relogés aux États-Unis, il a anticipé une situation difficile en Europe mais plus encore en Afrique.

Après avoir rappelé que la France a donné valeur constitutionnelle en 2004 à la Charte de l’environnement, laquelle dispose que chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé mais aussi que chacun a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement, il a estimé que ces deux principes doivent guider la réflexion dans la lutte contre le changement climatique.

M. Claude Kern a déploré le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, alors que ce pays produit près de 20 % des gaz à effet de serre. Considérant que la lutte contre le changement climatique nécessite une coordination mondiale, il a jugé que les organisations internationales comme le Conseil de l’Europe ont un rôle important à jouer. Il a également encouragé la Russie, Saint-Marin et la Turquie à ratifier au plus vite l’Accord de Paris. Il a conclu en estimant que ce dernier ne peut être une fin en soi mais doit ouvrir la voie à une coopération renforcée à l’échelle mondiale, les parlementaires ayant un rôle à jouer pour faire évoluer les législations nationales et favoriser les énergies renouvelables, la citation d’Antoine de Saint-Exupéry étant plus que jamais d’actualité : « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ».

Mme Jennifer De Temmerman (Nord – La République en marche) a salué la qualité du travail de Lord Prescott, ainsi que son investissement personnel pour cette cause capitale qu’est la lutte contre le changement climatique. Qualifiant cet enjeu de défi majeur de notre siècle, elle a rappelé la création, en 1988, par l’ONU du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, et constaté qu’en dépit d’indéniables progrès, le chemin à parcourir restait encore long.

Considérant que les Objectifs de développement durable (ODD), adoptés par l’ONU en septembre 2015, sont essentiels pour l’avenir de notre planète et notre avenir, elle a souscrit au souhait du rapporteur d’une association plus systématique et étroite des différentes représentations parlementaires à la promotion de ces objectifs à travers l’Europe. Elle a en effet estimé que les ODD doivent s’inscrire à chaque étape du processus législatif, dans toutes les politiques, sociales, environnementales, économiques.

Relevant qu’en France, les ODD sont en marche, elle a indiqué la volonté du Premier ministre Édouard Philippe de les inscrire dans la construction de la loi lorsque cela est pertinent. Elle a également souligné qu’afin d’assurer la cohérence des politiques en faveur du développement durable et de renforcer la synergie dans la mise en œuvre entre l’Agenda 2030 et l’Accord de Paris, le Gouvernement français avait réaffirmé son engagement à mettre en œuvre les ODD sur le plan national mais aussi international. C’est ainsi que plusieurs feuilles de route sont en cours d’élaboration sur l’économie circulaire ou sur la mise en œuvre des ODD, sous la forme de grandes consultations avec toutes les parties prenantes, parlementaires inclus.

Elle a estimé qu’une grande transformation est à l’œuvre en France, se référant à cet égard à la loi sur l’interdiction des hydrocarbures, à celle sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) et à celle sur l’agriculture et une alimentation saine et durable.

Présente à la COP 23 et au One Summit Planet en sa qualité de députée française, Mme Jennifer De Temmerman a observé que les questions de finance verte étaient au cœur des discussions. Elle a noté que, trouvant un écho dans le rapport de Lord Prescott, ces thèmes y faisaient l’objet de propositions réalistes et réalisables. Elle a conclu en espérant que d’autres pays rejoignent les pays les plus engagés dans cette démarche.

D.   La dÉfense de la dÉmocratie par la protection de la presse

Le mercredi 25 avril 2018, un débat portant sur deux rapports a eu lieu sur la protection de l’intégrité rédactionnelle et le statut des journalistes en Europe. Cette discussion est intervenue quelques mois à peine après l’assassinat à Malte, le 26 octobre 2017, de la journaliste et bloggeuse Daphne Caruana Galizia, et quelques semaines après celui, en République slovaque le 25 février dernier, du journaliste d’investigation Ján Kuciak et de sa compagne.

1.   La protection de l’intégrité rédactionnelle

Lors de sa première séance du mercredi 25 avril 2018, l’Assemblée parlementaire a adopté sur la base d’un rapport présenté par Mme Adèle Gambaro (Italie – GDL), suppléant au nom de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias M. Volodymyr Ariev (Ukraine  PPE/DC), une résolution relative à la protection de l’intégrité rédactionnelle des journalistes.

Au cours de la discussion, la rapporteure a rappelé que, si en Europe l’accès à l’information était facile pour le public, la désinformation et la manipulation des faits étaient devenues courantes. Elle a souligné que l’intégrité rédactionnelle, entendue comme « l’honnêteté et l’exactitude dans l’information du public », impliquait donc une approche morale de la profession de journaliste dans tous les médias, quel que soit leur support.

Elle a insisté sur la responsabilité des journalistes à l’égard du public, contrepartie de leur droit à la liberté d’informer, et sur la nécessité de respecter des normes éditoriales et des principes éthiques essentiels, tels que la vérité, l’exactitude ou l’indépendance. Elle a noté l’inquiétude des citoyens confrontés à l’influence exercée par des médias ouvertement partisans : ainsi, selon l’enquête Eurobaromètre 2017 sur l’opinion publique dans les États membres de l’Union européenne, 60 % des personnes pensent que les médias de service public sont soumis à des pressions politiques.

Elle a souligné qu’un moyen sûr de gagner la confiance du public serait de développer un système d’autorégulation au sein de la profession incluant un accès à un système efficace de réclamation et de recours pour les usagers.

Elle a mis l’accent sur deux facteurs importants qui ont transformé l’environnement de travail des journalistes : l’apparition de nouveaux médias en ligne qui a entraîné une diminution du nombre de lecteurs de journaux, donc une chute importante des recettes et un effondrement des modèles économiques des médias traditionnels, d’une part ; le développement d’un environnement de travail nettement plus hostile pour les médias indépendants, soumis à des pressions visant à contrôler l’espace de l’information et orienter, si ce n’est manipuler, l’opinion publique, d’autre part.

Constatant que l'État et ses organes avaient le pouvoir d’entraver ou de compromettre l’intégrité rédactionnelle en prenant la décision de sanctionner ou de criminaliser certains actes journalistiques, elle a dénoncé les atteintes, parfois violentes, à la liberté d’enquêter, d’informer et de publier sans contraintes. Elle s’est indignée que depuis avril 2015, en Europe, 22 journalistes aient été tués et 125 se trouvent en prison à cause de leur travail.

Rappelant que la confidentialité des sources est la pierre angulaire de la liberté de la presse, elle a proposé aux États membres de revoir leurs législations nationales en ce qui concerne le renforcement des pouvoirs de surveillance et de répression au nom de la lutte contre le terrorisme et de la protection du public, ainsi que leurs législations nationales sur la diffamation et son application pratique.

S’adressant aux professionnels des médias, la rapporteure a suggéré d’établir une responsabilité pour diffusion de fausses informations dans les médias traditionnels ou sur les réseaux sociaux, et de créer des observatoires chargés de détecter la désinformation, la propagande et la diffusion de fausses nouvelles, afin de contrecarrer ces phénomènes.

Intervenant dans le débat, Mme Marie-Christine Dalloz (Jura – Les Républicains) a constaté que dans les pays où la liberté rédactionnelle n’était plus protégée, la démocratie et l’État de droit étaient souvent en danger. Mais elle a souligné que cette liberté supposait que les informations publiées soient fiables, et que l’indépendance des médias soit réelle. Elle a noté que, dans le nouveau système de l’espace public, basé sur l’instantané, les informations fausses circulaient plus vite que les vraies, les médias en ligne favorisant l’explosion du phénomène des fake news.

Face à cela, elle a salué l’initiative de Reporters sans frontières et de l’Agence France Presse, entre autres, de lancer le 3 avril un dispositif d’autorégulation des médias « Journalism Trust Initiative ». Loin de restreindre la liberté, elle a considéré que la mise en place d’indicateurs sur le sérieux journalistique des médias permettrait de favoriser l’intégrité du débat public et de garantir un pluralisme large.

Mme Marie-Christine Dalloz s’est inquiétée de la limitation des informations transmises au public, une sélection de sujets s’imposant à tous, certains médias en ligne se contentant de reprendre l’information transmise par des fournisseurs de contenus, sans aucun contrôle. Elle a souligné que ce phénomène pouvait, dans certaines périodes sensibles, par exemple préélectorales, constituer une atteinte au système démocratique.

Elle a noté que la question de l’indépendance était fondamentale, la pluralité des médias ne signifiant pas toujours pluralisme des idées. Elle a constaté que le modèle économique développé dans certains États avec des groupes financiers, parfois liés au pouvoir, contrôlant la quasi-totalité des médias, notamment audiovisuels, devait interpeller.

En conclusion, elle a, comme la rapporteure, souligné qu’on tue des journalistes au cœur même de l’Union européenne pour faire taire la vérité mais que grâce au site Forbidden Stories, les enquêtes continuent car des journalistes prennent leurs responsabilités pour que la liberté d’informer et la démocratie survivent aux assassinats.

M. André Gattolin (Hauts-de-Seine – La République en marche) a remercié M. Volodymyr Ariev d’avoir identifié les principaux moyens aujourd’hui mis en œuvre, y compris au sein de l’Union européenne, pour s’attaquer, de façon frontale ou détournée, à l’intégrité rédactionnelle, c’est-à-dire à l’exercice libre, indépendant et honnête du métier de journaliste.

Il a constaté que les instruments déployés étaient de nature multidimensionnelle, recoupant certaines pratiques anciennes comme l’intimidation, la violence ou l’invention par certains États de législations de plus en plus sophistiquées pour contrer les investigations de la presse.

Il a souligné la fragilisation des modèles de financement des médias traditionnels qui réduit leur indépendance et leurs capacités journalistiques ; l’émergence des plateformes numériques, et l’irruption dans ce paysage confus de fausses nouvelles qui, à la longue, décrédibilisent auprès de l’opinion l’ensemble des structures de presse, quel qu’en soit le support.

Il a noté que garantir la qualité de l’information, l’indépendance des journalistes et le droit de savoir était nécessaire pour assurer la vitalité démocratique de nos sociétés. Il a rappelé que le Parlement français avait adopté, il y a deux ans, une loi visant à renforcer le pluralisme des médias qui a introduit de nouvelles garanties de liberté et d’indépendance pour l’ensemble des médias, telles que l’extension à tous les journalistes du droit d’opposition, fondé sur la notion de « conviction professionnelle ». Il a aussi souligné que le champ des bénéficiaires de la protection du secret des sources avait été étendu aux directeurs de la publication, ainsi qu’à tous les collaborateurs de la rédaction, donc aux pigistes, et que la définition des atteintes indirectes au secret des sources avait également été élargie.

M. André Gattolin a cependant fait part de son désaccord avec le paragraphe 3 de la résolution, qui préconise une dépénalisation peu précise de la diffamation. Il a expliqué que, paradoxalement, pour les journalistes eux-mêmes, la pénalisation encadrée, avec des peines prévisibles, protège mieux l’organe de presse que la seule responsabilité civile, avec les lourdes réparations en dommages et intérêts qu’elle peut impliquer.

Félicitant le rapporteur pour son travail complet sur un sujet essentiel pour nos démocraties, Mme Isabelle Rauch (Moselle – La République en marche) a souligné que le projet de résolution faisait allusion au « manque d’honnêteté dans la couverture de récents incidents impliquant des agressions sexuelles massives, essentiellement à l’encontre des femmes ». Elle a précisé que prochainement en France, un projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes apportant des réponses à cette problématique, particulièrement son article 3 qui vise à une extension des délits de harcèlement moral et sexuel via les réseaux sociaux et internet – ce que l’on peut appeler « raids numériques », sera examiné.

Elle s’est réjouie du lancement du projet Daphne, à l’initiative du réseau international de journalistes Forbidden Stories, qui poursuit courageusement le travail d’investigation de Daphne Caruana Galizia et défend sa mémoire. De même, elle s’est félicitée qu’en Slovaquie, à la suite de la mort de Ján Kuciak, la mobilisation de la population ait conduit à une évolution politique.

Concernant la lutte pour la vérité de l’information, elle a fait référence à une proposition de loi française dont l’ambition est de doter l’État de dispositifs plus efficaces dans sa lutte contre les fake news, dans le respect d’un équilibre entre contrôle de l’information et liberté d’expression. Elle a souligné que ce texte, qui devrait être examiné avant l’été 2018, portait également sur l’implication des médias, des plateformes de diffusion et des réseaux sociaux, leur responsabilité et leur régulation.

Enfin, elle a insisté sur les nécessaires vigilance et mobilisation de tous les Européens sur ce sujet pour que la défense de la vérité et celle de la démocratie s’en voient renforcées.

2.   Le statut des journalistes en Europe, à l’ère numérique

Le même mercredi 25 avril, l’APCE a également adopté, sur la base du rapport présenté par Mme Adèle Gambaro (Italie – GDL), suppléant, au nom de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, Mme Elvira Drobinski-Weiss (Allemagne – SOC [3]), une résolution sur le statut des journalistes en Europe.

La rapporteure a constaté que la profession de journaliste était, dans la plupart des cas, définie juridiquement, mais que les définitions légales différaient d’un pays à l'autre. Elle a considéré que le statut du journaliste devait a minima prévoir un accès libre à la profession et des conditions de travail raisonnables lui permettant d’informer le public de manière exacte et honnête.

Elle a également constaté que les lois européennes, en général, précisent le type des entreprises de médias, la nature de l’activité effectuée et le caractère régulier du travail. A contrario, elle a souligné que la carte de presse n’était pas normalement obligatoire et ne définissait pas nécessairement le statut du journaliste, mais qu’elle permettait que les professionnels des médias soient identifiés et reconnus comme tels, notamment par des autorités policières ou judiciaires et, lors d’événements publics, par les organisateurs. À ce titre, elle a insisté pour que l’attribution de la carte de presse soit réglée par la profession elle-même.

Comme dans le précédent rapport, elle a mis l’accent sur le lien entre liberté et responsabilité des journalistes et la nécessité de créer des systèmes d’autorégulation pour lutter contre le phénomène de fake news.

La rapporteure s’est inquiétée de l’obscurité entourant la distinction entre professionnels et autres « contributeurs des médias », à un moment où les nouvelles formes de production et les nouvelles sources d’information dites alternatives se multiplient et influent sensiblement sur les activités du journaliste et sur sa manière de travailler.

Rappelant que l’avènement du tout numérique changeait radicalement la nature du travail d’information, elle a constaté que le bouleversement du modèle traditionnel de financement constituait l’un des principaux facteurs de précarisation des journalistes et d’explosion du nombre de free-lance. Pour remédier à la crise du financement traditionnel des médias, la rapporteure a recommandé aux autorités nationales d’explorer des pistes de financements alternatifs adaptés au nouvel écosystème médiatique, ce qui pourrait inclure la redistribution des recettes publicitaires générées par les moteurs de recherche ou les médias sociaux. La rapporteure a également demandé aux organisations professionnelles des journalistes de s’adapter aux mutations sociétales rapides et aux syndicats de continuer à négocier les conventions collectives, en incluant si possible les free-lance qui travaillent de façon pérenne. Elle a particulièrement insisté sur la prise en compte de l’égalité homme-femme dans ces réflexions.

Concernant la question de la sécurité des journalistes, la rapporteure a recommandé aux autorités nationales de légiférer pour faire respecter les droits des médias et lutter contre l’impunité des attaques visant les journalistes, la protection des sources et la liberté d’expression. Elle a formé l’espoir que les enquêtes sur les meurtres de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia et du journaliste slovaque Ján Kuciak chercheront à identifier, au-delà des exécutants, les véritables commanditaires de ces crimes.

Insistant sur la nécessité de protéger les sources des journalistes, elle a souligné que la Plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes montrait clairement des lacunes importantes dans les législations des États membres dans ce domaine.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain) a constaté qu’aujourd’hui, la liberté d’expression, le journalisme et, donc, la démocratie étaient menacés, certains médias étant de véritables instruments de propagande au service du pouvoir en place, comme Russia Today.

Elle a rappelé que dans les pays du Conseil de l’Europe, 22 journalistes ont été tués depuis 2015, dont 8 à Paris dans les locaux du journal Charlie Hebdo.

Elle s’est interrogée sur certaines directives européennes qui ébranlent parfois le juste équilibre entre protection et liberté de la presse. Ainsi, elle a pris pour exemple l’examen en France d’un texte visant à transposer la directive européenne de juin 2016 pour la protection des savoir-faire et des informations commerciales des entreprises et pour la défense des entreprises européennes contre leurs concurrents internationaux. Elle a rappelé que la directive avait déjà suscité des inquiétudes concernant les libertés publiques et le travail journalistique, la définition très floue des informations protégées par le secret comportant le risque de voir les entreprises multiplier les procédures abusives à l’encontre de journalistes, organes de presse, lanceurs d’alerte ou d’associations détenant des informations sur leurs activités. Elle s’est inquiétée que l’argument sécuritaire et commercial vienne porter atteinte à la liberté de la presse et ouvre une brèche très dangereuse.

Elle s’est également inquiétée du développement d’Internet, qui a considérablement modifié les conditions de travail des journalistes, la circulation des informations et les risques de diffusion de fake news. Elle a conclu en soulignant l’impact de l’utilisation du numérique sur la presse papier qui voit ses revenus diminuer et conduit de fait les journalistes à travailler de plus en plus en free lance et à domicile, ce qui contribue à une certaine précarisation de leur statut.

E.   Deux dÉbats inscrits en urgence sur la dÉclaration de Copenhague et le suivi de l’enquÊte indÉpendante sur les allÉgations de corruption À l’APCE

L’organisation de trois débats d’actualité a été proposée au Bureau et à l’Assemblée parlementaire : l’un sur le suivi et l’évaluation de la déclaration de Copenhague, à la suite de la conférence de haut niveau qui s’est tenue en avril dans la capitale danoise ; un autre sur le suivi de l’enquête indépendante concernant les allégations de corruption à l’APCE ; le dernier sur le respect par les États membres des accords et principes basés sur les règles internationales. Seuls les deux premiers ont été inscrits à l’ordre du jour du jeudi 26 avril 2018.

1.   Le suivi du rapport du groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire

À l’occasion de sa première séance du jeudi 26 avril 2018, l’APCE a tenu un débat d’urgence sur le suivi du rapport du groupe d’enquête indépendant sur les allégations de corruption au sein de l’Assemblée parlementaire, après rapport de Mme Petra De Sutter (Belgique – SOC), présidente de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles. Elle a, à cette occasion, adopté une résolution ainsi qu’une recommandation.

Lors de la discussion en séance, la rapporteure a rappelé que l’APCE avait vécu des temps difficiles il y a un an, lorsque se sont fait jour des allégations de corruption visant des membres et d’anciens membres de l’Assemblée. Soulignant la décision de la commission du Règlement de prendre rapidement des mesures pour répondre aux préoccupations exprimées non seulement par les ONG, mais aussi par les différentes délégations nationales et par les membres de l’APCE eux-mêmes, elle a indiqué qu’un groupe d’enquête externe indépendant (GIAC) avait été créé pour enquêter, son mandat étant adopté en avril 2017 et sa composition approuvée en juin suivant.

Mme Petra De Sutter a fait valoir qu’en parallèle, la commission du Règlement avait revu un certain nombre de règles définissant la conduite des membres de l’APCE, afin d’éviter à l’avenir les pratiques de corruption. Elle a alors présenté les conclusions du rapport de Sir Nicolas Bratza, M. JeanLouis Bruguière et Mme Elisabet Fura, rendu public après 10 mois d’enquête :

 premièrement, le GIAC a fait toute la lumière sur des pratiques qui ont facilité la corruption, de sorte que l’on doit parler non plus d’allégations émanant d’ONG mais de conclusions, certains faits étant incontestables ;

 deuxièmement, le rapport met en lumière des allégations et des faits concernant principalement l’Azerbaïdjan.

La rapporteure a observé que les conclusions du rapport concernant le comportement individuel de certains membres ou anciens membres de l’APCE ont attiré beaucoup d’attention. Se déclarant convaincue que les comportements en question appellent des mesures, elle a souligné que le code de conduite des membres de l’Assemblée parlementaire avait été révisé au mois d’octobre 2017 et qu’avait été mis en place un nouveau mécanisme permettant un examen impartial des allégations de violation des règles. Constatant que ce nouveau mécanisme est dorénavant opérationnel, elle a jugé que des progrès notables avaient déjà été enregistrés.

Revenant sur la classification des affaires révélées dans le rapport, elle a évoqué, tout d’abord, la corruption et l’utilisation de moyens financiers ou d’autres moyens de corruption – y compris des activités de lobbying rémunérées – en vue d’influencer le travail de l’APCE concernant l’Azerbaïdjan. Elle a cité, ensuite, des violations de certaines dispositions du code de conduite des parlementaires. Elle a mentionné, enfin, le refus de coopérer avec les enquêteurs.

Mme Petra De Sutter a indiqué que la commission du Règlement n’avait pas attendu l’adoption de la proposition de résolution soumise au vote de l’APCE pour commencer à travailler avec les personnes qui ont refusé de coopérer avec les enquêteurs, une première audition ayant eu lieu la veille du débat et une autre devant se tenir au mois de mai.

Elle a néanmoins souligné que, dans le cadre de son mandat, le GIAC avait aussi examiné le fonctionnement de l’Assemblée parlementaire, passé en revue les différentes pratiques et formulé des recommandations, tous ces éléments appelant une prise en compte par la commission du Règlement.

Elle a ensuite espéré que la publication du rapport rétablisse la confiance dans l’APCE et dans les décisions qu’elle prend, se déclarant triste des réactions suscitées par son contenu au sein de la communauté européenne dans son ensemble. Assimilant ce débat à un moment de catharsis, elle a insisté sur le besoin de transparence de l’institution et sur la nécessité de travailler avec les lanceurs d’alerte. Pour y parvenir, elle a appelé à la transcendance des intérêts particuliers et nationaux.

Lors de la discussion qui s’en est suivie, Mme Maryvonne Blondin (Finistère – Socialiste et républicain) a tout d’abord qualifié la corruption de véritable fléau en ce qu’elle limite la confiance dans les autorités publiques et remet en cause les principes de l’État de droit que défend le Conseil de l’Europe. Elle a estimé que, si l’APCE était elle-même gangrénée par la corruption, elle n’avait plus de crédibilité à continuer d’exiger le respect des obligations et engagements des États membres.

Tout en se déclarant satisfaite de la réaction de l’Assemblée parlementaire, qui a eu le courage de créer le GIAC dont elle a salué le travail, elle s’est demandée s’il n’aurait pas été possible de réagir plus tôt, le premier rapport de l’European Stability Initiative (ESI) sur la « diplomatie du caviar » datant de 2012. Elle a jugé que le rejet du rapport de M. Strässer, en janvier 2013, aurait également dû alerter les membres de l’APCE.

Rejoignant le constat du Président Nicoletti, selon lequel l’APCE n’est pas « un champ de bataille » où certains membres useraient de tous les stratagèmes, y compris les plus malhonnêtes, pour imposer leur point de vue, elle a estimé qu’elle n’était pas non plus un lieu où les Gouvernements paient pour s’offrir une respectabilité. Elle a souhaité, pour restaurer l’image de l’institution, que les recommandations du rapport du GIAC soient prises en compte et que des sanctions soient adoptées. Il lui a ainsi paru indispensable de prévoir une réforme du Règlement pour assurer plus de transparence dans le mode de désignation des parlementaires comme rapporteurs ou observateurs d’élections.

S’interrogeant sur les déclarations d’absences de conflits d’intérêts, elle a soutenu que chaque parlementaire acceptant une mission doit s’assurer qu’aucun intérêt privé ne l’empêche de la conduire en toute impartialité. Insistant sur l’importance de la défense des convictions et des valeurs, elle a donc déclaré mal comprendre les reproches formulés à l’encontre de son collègue Stefan Schennach, Leyla Yunus étant une militante des droits de l’Homme pouvant être rencontrée par un rapporteur, même et surtout si elle était en prison.

En conclusion, Mme Maryvonne Blondin a considéré que la frontière entre, d’un côté, la prise de position politique et, de l’autre, la corruption ou le conflit d’intérêts est claire : dans le premier cas, il s’agit de la défense des valeurs et, dans le second, de la poursuite des intérêts personnels ; or, mêler les deux est une faute inexcusable.

Mme Nicole Trisse (Moselle – La République en marche) a jugé que ce débat d’urgence portait sur un sujet grave et important, justifiant qu’une séance plénière y soit consacrée. Elle a constaté qu’en janvier 2017, l’APCE avait été ébranlée par la révélation de soupçons de corruption et de lobbying concernant certains membres ou anciens membres, ce que quelques médias avaient appelé le « caviargate ».

Se félicitant du choix de confier à trois magistrats reconnus et indépendants une enquête pour faire la lumière sur ces allégations, elle s’est déclarée édifiée par leurs conclusions rendues publiques, étant elle-même particulièrement attachée aux valeurs et aux principes cardinaux du Conseil de l’Europe.

Ne souhaitant pas se prononcer sur les cas individuels révélés dans le rapport final, elle a préféré insister sur les réformes que l’APCE doit impérativement mettre en œuvre afin d’empêcher que de telles situations se reproduisent, estimant qu’à défaut, c’est sa légitimité et sa crédibilité qui s’en trouveraient fortement et durablement sapées.

Observant que le rapport de Mme Fura et de MM. Braza et Bruguière avait mis en cause plusieurs défaillances procédurales, il lui a semblé que le problème majeur était l’absence de transparence, d’impartialité et d’incontestabilité dans les nominations aux commissions les plus sensibles, comme la commission de suivi et la commission du Règlement, ainsi qu’aux fonctions essentielles de rapporteurs ou de membres des missions d’observation électorale. Elle a estimé que ce problème se trouvait accentué par des insuffisances réelles au niveau de la prévention et du contrôle des risques de conflit d’intérêts.

Après avoir affirmé que le rapport du GIAC oblige l’ensemble des membres de l’APCE, elle a considéré que ceux-ci ne peuvent plus se voiler la face ou détourner le regard pour continuer à appliquer les règles de l’entre soi. Elle a fait valoir que le rôle et les missions de l’APCE, qui font actuellement l’objet de débats approfondis, impliquent que ses membres soient exemplaires s’ils veulent continuer à se prononcer sur le respect des principes démocratiques et de l’État de droit en Europe.

Tout en estimant que le travail accompli au cours de cette session de printemps par la commission du Règlement allait sans doute dans le bon sens, elle l’a jugé non achevé, des réformes cruciales attendant encore. En conclusion, elle a déclaré soutenir toutes les initiatives à venir qui permettront de rendre le fonctionnement de l’APCE plus collectif, plus pluraliste, plus transparent et véritablement incontestable aux yeux des citoyens européens.

2.   La déclaration de Copenhague, évaluation et suivi

Jeudi 26 avril 2018, l’APCE a également tenu un débat d’urgence sur le suivi et l’évaluation de la déclaration de Copenhague, suite à la conférence de haut niveau qui s’est réunie en avril dernier, après rapport de Mme Thorhildur Sunna Æversdóttir (Islande – SOC), au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l’Homme. À l’issue des échanges, l’Assemblée parlementaire a adopté une recommandation.

La rapporteure a indiqué qu’après Interlaken en 2010, Izmir en 2011, Brighton en 2012 et Bruxelles en 2015, la déclaration de Copenhague avait été adoptée le 13 avril 2018, lors de la conférence ministérielle organisée par la Présidence danoise du Comité des Ministres.

Elle a souligné que ce texte, selon les propres termes du Président du Comité des Ministres devant l’Assemblée parlementaire, renforçait l’engagement de tous les États membres à respecter les droits humains fondamentaux, la responsabilité première de la garantie de ces droits incombant aux Gouvernements, aux Parlements et aux tribunaux nationaux.

Rappelant le contexte de préparation de cette déclaration, la rapporteure a indiqué que le Gouvernement danois avait publié un premier projet le 5 février, sans consulter l’APCE, ce qui avait conduit la Commission permanente à prendre position, le 16 mars, pour rappeler que le caractère effectif du système de la convention européenne des droits de l’Homme dépendait du fonctionnement adéquat de chacune de ses composantes, et au premier chef du comportement et de l’état d’esprit des États parties.

Elle a précisé que la Commission permanente avait alors appelé l’attention sur quatre thèmes pour lesquels le projet initial de déclaration de Copenhague remettait en cause certains principes fondamentaux, cruciaux, du système conventionnel :

 premièrement, le texte du Gouvernement danois remettait en cause le caractère universel des droits consacrés par la convention ;

 deuxièmement, il contrevenait à l’indépendance de la Cour, en raison de pressions indues, notamment politiques, qui s’exerceraient sans respecter les procédures judiciaires ;

 troisièmement, il remettait en cause l’étendue de la compétence de la Cour à toute question relative à l’interprétation et à l’application des droits de la convention ;

 enfin, il contestait le caractère absolu des obligations faites aux États parties en matière d’exécution des arrêts de la Cour.

La rapporteure a fait valoir que la Commission permanente n’avait pas été la seule à exprimer ses préoccupations, la Conférence des OING du Conseil de l’Europe, le Réseau européen des institutions nationales des droits de l’Homme ainsi qu’un groupe d’ONG internationales de premier plan au côté d’un grand nombre de commentateurs et de praticiens ayant exprimé des doutes similaires. Se félicitant que, dans ce contexte, la sagesse collective des États membres ait permis d’obtenir un résultat satisfaisant, elle a indiqué que la plupart des dispositions préoccupant les membres de l’APCE ont été supprimées ou largement amendées.

Elle a souligné que les États parties avaient exprimé de manière claire et forte leur engagement à respecter la convention, à remplir leurs obligations et à assurer le droit de requête individuel. Elle a également noté que les principaux défis auxquels le système est confronté avaient été correctement identifiés : la mise en œuvre au niveau national est parfois ineffective, les arrêts de la Cour ne sont pas toujours exécutés de manière adéquate, et la Cour présente un arriéré.

Mme Thorhildur Sunna Æversdóttir a néanmoins regretté que la déclaration de Copenhague ne contienne aucun plan d’action, aucune proposition claire, qui permettrait de relever les défis qui subsistent, alors même que des propositions ont été formulées dans les nombreux rapports préparés par les comités d’experts intergouvernementaux, ainsi que par l’APCE. Elle s’est néanmoins félicitée du recours récent du Comité des Ministres à la procédure d’infraction, prévu à l’article 46.4 de la convention, contre l’Azerbaïdjan.

En conclusion, la rapporteure a estimé que la déclaration de Copenhague ne reconnaissait pas comme elle le devrait le rôle d’autres protagonistes, tels les requérants et ceux qui représentent leurs intérêts, la société civile, les ONG qui interviennent en tant que tierce partie ou encore le Commissaire aux droits de l’Homme. Elle a déclaré que l’APCE continuerait à suivre le processus de réforme de la convention européenne des droits de l’Homme, à améliorer la procédure d’élection des juges, à aider au renforcement du rôle des Parlements nationaux et à demander aux États de rendre des comptes quant à leur capacité à honorer leurs obligations.

F.   L’examen de questions diverses liÉes À la prÉservation des droits de tous

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a une conception extensive des droits fondamentaux, qui ne sauraient se limiter à des concepts juridiques mais doivent trouver à s’appliquer dans la vie quotidienne. Elle l’a une nouvelle fois rappelé au cours de sa session de printemps, en abordant le même jour la question de la protection des populations à l’égard de la tuberculose pharmacorésistante et celle de l’intégration par la scolarisation des enfants migrants. Des sujets plus ponctuels, à la discrétion des parlementaires membres de l’APCE, ont également été abordés à l’occasion du débat libre qui s’est tenu le lundi 23 avril.

1.   Le débat libre

La réforme du Règlement de l’APCE entrée en vigueur en janvier 2012 prévoit l’organisation d’un débat libre, les parlementaires pouvant intervenir sur un sujet qui n’est pas inscrit à l’ordre du jour. Ce débat s’est tenu le lundi 23 avril 2018.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin – Les Républicains) y a évoqué les 10 ans de la convention sur la traite des êtres humains et en particulier la question de l’exploitation sexuelle. Particulièrement présente sur notre continent, il a rappelé qu’elle portait atteinte à plusieurs principes cardinaux de nos États de droit, notamment la non-patrimonialité du corps humain et l’égalité entre les hommes et les femmes.

Pour ces raisons, il s’est réjoui que certains pays européens, dont la France, aient choisi d’adopter des lois abolitionnistes pour mieux lutter contre la marchandisation des corps et les violences liées aux trafics, et pour mieux accompagner les victimes, qui comptent parmi les personnes les plus vulnérables. M. Frédéric Reiss a condamné les pays européens qui continuent de considérer la prostitution comme une activité normale et légale alors qu’il s’agit d’un esclavage sexuel contraire à toutes nos valeurs. Il a demandé aux États membres de prendre des initiatives pour garantir une protection effective de ces femmes qui vivent dans la peur et un meilleur accès à leurs droits. Il a rendu hommage aux associations qui accompagnent d’anciennes prostituées pour favoriser et normaliser leur insertion dans la société.

Il a souligné que la question de la répression des faits de proxénétisme sur Internet, lesquels représentent aujourd’hui plus de 60 % de la prostitution, était un véritable défi à relever. Enfin, il a insisté sur la lutte contre ces marchés criminels réalisant des profits considérables, utilisés en grande partie pour blanchir de l’argent sale.

M. Olivier Becht (Haut-Rhin – Agir – UDI et indépendants) a rappelé que le 70ème anniversaire du Conseil de l’Europe, en 2019, pouvait être célébré dans l’indifférence totale, voire dans un contexte de déconstruction de l’Europe, actant les divisions actuelles, la résurgence des conflits et le parfum de corruption qui flotte désormais au-dessus de l’APCE.

Il a toutefois noté qu’il pouvait aussi être l’occasion d’une relance du projet européen. L’Union européenne s’est engagée à travailler à cette relance dans le cadre des élections qui se tiendront en mai 2019. Il a rappelé que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne étaient nés d’une même idée, d’une même ambition : mettre fin à la division, qui conduit à la guerre et à la misère, au profit de l’unité qui, elle, ouvre les chemins de la paix et de la prospérité.

M. Olivier Becht a considéré qu’une relance parallèle du projet européen au niveau de la Grande Europe était indispensable. Il a demandé aux membres de l’APCE de travailler non seulement au dépassement des divisions mais également à la réflexion, afin de proposer aux chefs d’État et de Gouvernement, d’ici 2019, un projet qui ne soit pas exclusivement centré sur l’État de droit, mais qui puisse mobiliser les peuples, intéresser directement les citoyens et incarner une espérance nouvelle dans ce siècle.

Soulignant que le délai imparti, une année, était très court, M. Olivier Becht a appelé l’APCE à retrouver la foi des pères fondateurs et à imaginer un projet à la hauteur du pari qu’ils firent, en 1949, il y a bientôt 70 ans.

2.   La tuberculose pharmacorésistante en Europe

Lors de sa séance du vendredi 27 avril 2018, l’APCE a adopté, sur le rapport de M. Serhii Kiral (Ukraine – CE) au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, une résolution sur la tuberculose pharmacorésistante en Europe.

Comparant la tuberculose à la corruption en ce que, comme elle, on ne la voit pas mais elle est bien présente, le rapporteur a tout d’abord insisté sur le fait que cette maladie peut être traitée et devient dangereuse uniquement lorsqu’elle n’est pas dépistée. Il a aussi souligné la stigmatisation des victimes et de leurs familles.

Après avoir rappelé que la tuberculose a tué 1,7 million de personnes en 2016 à travers le monde, dont 250 000 enfants, et qu’elle est responsable d’un tiers des décès dus à la résistance aux antimicrobiens, il a placé ses espoirs dans la première réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le sujet en septembre de cette année, alors que le G7 et le G20 y ont accordé une attention particulière lors des rencontres sur la résistance aux antimicrobiens à Hambourg en juillet 2017 et à Milan en novembre 2017.

M. Serhii Kiral a indiqué que son travail avait pour objectif de préparer la contribution de l’Assemblée parlementaire à l’effort international en cours, des parlementaires de plus de cent pays et des représentants d’organisations de la société civile débattant déjà à New York de propositions susceptibles d’être présentées en septembre en vue de la déclaration politique des Nations Unies sur la tuberculose.

Rappelant les symptômes et les traitements possibles de la maladie, le rapporteur a observé que la tuberculose est particulièrement présente dans certains groupes de personnes, tels les détenus ou ceux vivant dans des zones de conflit. Il a considéré que, la tuberculose ne connaissant aucune frontière, les États membres du Conseil de l’Europe se devaient de développer des financements pour échanger les meilleures pratiques et favoriser l’accès aux meilleurs traitements. À cet égard, il a regretté l’inertie des systèmes de santé nationaux, raison pour laquelle la tuberculose est aujourd’hui de retour avec plus de 900 cas enregistrés chaque année.

Le rapporteur a déploré également que, à cause des guerres actuellement en cours sur le territoire de certains États membres, l’accès à des médicaments plus performants tels que la bedaquiline et la delamanide ait été limité alors même que le nombre de cas de tuberculose augmente parmi les personnes déplacées et dans les territoires occupés. Il a cité à cet égard les cas de la Géorgie et de la Moldavie.

Il a estimé possible de surmonter les difficultés en se référant aux bonnes pratiques qu’il avait pu étudier en Azerbaïdjan et en Norvège. Il s’est également félicité du programme « Drugs for bad bugs », lancé en 2012 par l’Union européenne, qui a permis d’impliquer un plus grand nombre de groupes pharmaceutiques sur de nouveaux traitements, plusieurs PME travaillant aussi sur la question dans le cadre de l’Alliance BEAM. De même, il s’est réjoui que l’attention soit aussi portée aux services aux patients, la thérapie à distance étant notamment développée pour renforcer la bonne prise des traitements.

En conclusion, M. Serhii Kiral a appelé les États membres à fournir des services de santé centrés sur les patients, à investir dans la détection précoce et la recherche, à lutter contre la stigmatisation des malades et à participer à la réunion de haut niveau des Nations Unies en septembre 2018.

3.   L’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire

À l’occasion de la même séance du 27 avril, l’APCE a également adopté, sur la base du rapport de Mme Petra De Sutter (Belgique – SOC) au nom de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, une résolution sur l’intégration, l’autonomisation et la protection des enfants migrants par la scolarité obligatoire.

Lors du débat, la rapporteure a illustré le sujet par l’exemple de la jungle de Calais, camp de réfugiés dans le Nord de la France, dont la fermeture avait provoqué la fuite de familles avec des enfants en bas âge et de mineurs non accompagnés ne pouvant plus être scolarisés. Elle a fait valoir que l’éducation est tout à la fois la clé de l’avenir des enfants réfugiés et migrants et la clé de l’avenir de l’Europe.

Après avoir indiqué que sur dix enfants réfugiés, seuls six ont accès à l’éducation primaire, elle a précisé que le ratio était pire encore dans l’éducation secondaire avec deux adolescents réfugiés scolarisés sur dix recensés, 1 % seulement ayant peut-être la chance d’aller à l’université. Elle a évalué à 6,4 millions le nombre d’enfants réfugiés en âge d’aller à l’école primaire ou secondaire dans le monde, 3,5 millions n’ayant aucune école dans laquelle se rendre.

Appelant les autorités à investir dans l’éducation pour autonomiser les enfants migrants et atteindre les normes internationales, elle a déploré le grand décalage entre ce que les États font à l’échelon national et ce qu’ils ont accepté de faire au travers de la législation internationale.

Elle a précisé avoir recensé dans son travail, sous forme de check-list, les conditions à mettre en place pour garantir l’éducation des enfants migrants : fixer des objectifs nationaux de scolarisation des enfants migrants et réfugiés ; assurer aux enfants migrants un enseignement scolaire accessible et gratuit dans les établissements primaires et secondaires, même lorsque l’éducation est dispensée par un système privé ; ne pas établir de distinctions fondées sur le statut de réfugié, comme en Suède et contrairement aux Pays-Bas ou à l’Allemagne ; permettre l’accès à la scolarisation dans des classes locales ; assurer un mode de transport et d’accompagnement adéquat aux enfants se trouvant dans des centres ou dans des camps ; dispenser une information précise et exacte aux parents et aux enfants quant à leurs obligations et à leurs possibilités de participer à l’éducation à l’école primaire ; apporter une aide psychosociale pour diagnostiquer et traiter les situations de traumatismes et que les enseignants soient spécifiquement formés pour reconnaître très précocement les signes de détresse qu’envoient souvent les enfants réfugiés ; mettre en place des firewalls efficaces entre les systèmes d’informations des écoles et des services de l’immigration afin de protéger les données sur le statut de migrants en situation irrégulière, évitant ainsi que ces informations soient utilisées pour refuser ou compliquer l’accès à l’éducation des enfants migrants.

Mme Petra De Sutter a souligné que l’apprentissage de la langue, notamment d’une deuxième langue, est un facteur d’intégration et conditionne les autres compétences d’apprentissage. De ce fait, elle a suggéré des cours de langue supplémentaires gratuits pour les enfants et parents en cas de besoin.

Elle a également appelé les États membres à mettre en place des incitations financières et structurelles pour encourager les migrants à participer à l’enseignement post-secondaire et supérieur, en s’appuyant sur des instruments comme la boîte à outils du Conseil de l’Europe pour l’accompagnement linguistique des réfugiés adultes et en soutenant des projets tels que le passeport européen de qualification pour les réfugiés du Conseil de l’Europe, que la Grèce a expérimenté en 2017.

Insistant plus particulièrement sur l’impératif d’investissements à long terme, notamment dans ces pays où les camps de réfugiés sont devenus de vraies villes, elle a déploré que trop souvent les États s’y refusent au motif que la formation des enfants réfugiés ou migrants serait un facteur de résidence pérenne sur le territoire d’arrivée. Elle a fait valoir que l’éducation est pourtant un outil puissant pour l’intégration ainsi que pour l’autonomisation de jeunes gens déstabilisés par des situations dont ils ne sont aucunement responsables, concluant que fournir une éducation de qualité aux enfants réfugiés et migrants aujourd’hui était préparer l’Europe de demain.

Lors des échanges qui s’en sont suivis, M. Claude Kern (Bas-Rhin – Union Centriste) a rappelé que la France, pays de migration, avait tenté de mettre en œuvre avec quelques succès des principes et des actions adaptés à l’enjeu de l’éducation des enfants réfugiés et migrants. Il a souligné à cet égard que l’inscription dans une école ou un collège était un droit pour tous les enfants résidant en France, quels que soient leur nationalité, l’ancienneté de leur présence, le statut administratif de leurs parents, leur lieu de vie. Il a également indiqué que l’instruction y est obligatoire pour les enfants des deux sexes, âgés de 6 à 16 ans, qu’ils soient français ou étrangers, dès l’instant où ils résident sur le territoire français.

Se référant à la convention internationale relative aux droits de l’enfant, qui garantit le droit à l’éducation en dehors de toute distinction liée à la nationalité ou à la situation personnelle, il a observé que l’inscription, dans un établissement scolaire français d’un élève de nationalité étrangère, quel que soit son âge, ne peut être subordonnée à la présentation d’un titre de séjour. Il a ensuite estimé, pour les mineurs étrangers de 16 à 18 ans, que la scolarisation devait pouvoir être assurée en prenant en compte leur degré de maîtrise de la langue française et leur niveau scolaire, ce qui lui a semblé le cas grâce à l’attention portée à cet effet par les services éducatifs.

M. Claude Kern s’est félicité que les dispositifs de soutien linguistique en vigueur en France permettent aux enfants migrants de se familiariser avec la langue et la culture scolaire françaises et d’entrer progressivement dans les apprentissages dans toutes les disciplines. Il a indiqué que l’objectif était d’arriver à une scolarisation à temps plein dans la classe du cursus ordinaire, le plus rapidement possible.


[1] Le compte rendu de cette audition est publié sur les sites internet de l’Assemblée nationale et du Sénat.

[2] http://assembly.coe.int/Communication/IBAC/IBAC-GIAC-Rapport-FR.pdf

[3] Mme Elvira Drobinski-Weiss n’est plus membre de la délégation allemande à l’APCE.