N° 1024

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 juin 2018

RAPPORT DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur l’évaluation de la prise en charge de lautisme

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Daniel FASQUELLE et Mme Nathalie SARLES

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

INTRODUCTION

I. OPTIMISER LE TRIPTYQUE REPÉRAGE – DIAGNOSTIC – INTERVENTION PRÉCOCE

A. ASSURER LES CONDITIONS DUN DÉPISTAGE ET DUN REPÉRAGE PRÉCOCES SUR TOUT LE TERRITOIRE

1. Favoriser le dépistage par les médecins « de première ligne »

2. Former lensemble des professionnels de la petite enfance au repérage

3. Renforcer linformation et lorientation des familles

B. GARANTIR UN ACCÈS GRADUÉ AU DIAGNOSTIC DANS CHAQUE RÉGION

1. Organiser dans chaque territoire de santé une trajectoire de diagnostic et dintervention précoce

a. Renforcer lefficacité des acteurs du diagnostic en précisant leur organisation et leur intégration dans des réseaux territorialisés

b. Mettre sous contrainte le réseau de diagnostic avec des délais à chaque étape

2. Laccessibilité et le rôle moteur des centres ressources autisme (CRA)

a. Assurer une bonne accessibilité des CRA tant sur le plan géographique quen matière de délais

b. Renforcer le rôle des CRA pour linformation des familles et la formation des aidants

C. METTRE EN PLACE DES PLATEFORMES DINTERVENTION PRÉCOCE

1. La Cour des comptes préconise des SESSAD spécialisés dans les interventions précoces

2. Instituer des plateformes dintervention précoce impliquant les professionnels libéraux

II. AMÉLIORER LES MÉTHODES DINTERVENTION ET DE PRISE EN CHARGE

A. FORMER LES PROFESSIONNELS AUX SAVOIRS ET COMPÉTENCES ACTUALISÉS SUR LAUTISME ET LE NEURO-DÉVELOPPEMENT

1. Former des professionnels à la prise en charge de lautisme, en intégrant les recommandations de bonne pratique

2. Rénover la formation continue pour assurer la diffusion et lactualisation des bonnes pratiques

B. ASSURER UNE APPLICATION EFFECTIVE DES RECOMMANDATIONS DE BONNE PRATIQUE

1. Remédier à labsence de suivi et de contrôle de la mise en œuvre des recommandations de la Haute autorité de santé

2. Diriger les financements vers les prises en charge conformes aux recommandations de bonne pratique

C. RENDRE PLUS VISIBLES LES PROFESSIONNELS METTANT EN ŒUVRE LES RECOMMANDATIONS DE BONNE PRATIQUE

1. Recenser dans chaque région les établissements et les services

2. Mieux informer les familles

3. Sappuyer sur les expériences de terrain et les diffuser au plan national

D. ASSOCIER LES FAMILLES, VALORISER LEXPRESSION DES USAGERS ET FACILITER LACCÈS AUX RÉCLAMATIONS

E. DÉCLOISONNER LOFFRE MÉDICO-SOCIALE

1. Coordonner les professionnels dans des projets de territoire très structurés

2. Mieux suivre dans la durée les personnes souffrant de troubles du spectre autistique

3. Améliorer la prise en charge des interventions afin de réduire le reste à charge et la lourdeur des procédures

a. Expérimenter des prises en charge dinterventions en libéral

b. Des procédures lourdes et répétitives auprès des maisons départementales des personnes handicapées, contestées par les usagers

F. ENCOURAGER ET PÉRENNISER LES INITIATIVES ASSOCIATIVES

III. TRANSFORMER LA PRISE EN CHARGE AU PROFIT DE LINCLUSION DES PERSONNES AUTISTES DANS LA SOCIÉTÉ

A. LE RÔLE ESSENTIEL DE LA SCOLARISATION

1. La Stratégie nationale contribuera à améliorer la scolarisation des enfants souffrant de troubles du spectre autistique

2. Améliorer la qualité de laccueil des enfants au sein de lécole

a. Renforcer les liens entre école et secteur médico-social

b. Mieux former et accompagner les personnels de léducation nationale

3. Assurer la continuité des parcours scolaires

B. LE PARCOURS DES AUTISTES ADULTES : aller vers UNE PRISE EN CHARGE ÉVOLUTIVE ADAPTÉE AUX BESOINS DE LA PERSONNE

1. Développer les prises en charge adaptées aux besoins des adultes autistes

2. Développer une offre dhébergement variée pour une meilleure inclusion sociale

3. Faciliter laccès à la formation professionnelle et à lemploi

a. Améliorer lemployabilité des adultes autistes suppose de faciliter et dencourager leur accès à la formation professionnelle

b. Renforcer loffre demploi : faire connaître lemploi accompagné

4. Réviser le mode de calcul de la prestation de compensation du handicap et le guide dévaluation des besoins de compensation des personnes handicapées

IV. CRÉER UN PILOTAGE NATIONAL ET RÉGIONAL AMBITIEUX, AINSI QUUN SYSTÈME DE SUIVI ET DÉVALUATION

A. RÉNOVER LE PILOTAGE OPÉRATIONNEL À LA FAVEUR DE LA STRATÉGIE NATIONALE

1. La gouvernance du troisième plan était insuffisante

2. Le pilotage prévu par la Stratégie nationale : un levier pour une conduite du changement dans le champ de lautisme

a. Un pilote national en position dautorité auprès du Premier ministre et une gouvernance partenariale

b. Des responsabilités importantes à assumer au niveau régional

B. ÉVALUER LES RÉSULTATS DE LA POLITIQUE DE PRISE EN CHARGE DE LAUTISME

1. Le suivi et lévaluation insatisfaisants des actions du troisième plan

2. Assurer une évaluation indépendante et régulière de la mise en œuvre de la Stratégie nationale

3. Une méthodologie dévaluation à élaborer

V. RENFORCER ET COORDONNER LA RECHERCHE SUR LAUTISMe

A. LES FAIBLESSES DE LA RECHERCHE SUR LAUTISME

1. La recherche ne couvre pas tous les champs disciplinaires impliqués dans la prise en charge des troubles du spectre autistique

2. Le manque de priorisation de la recherche et de coordination des acteurs

B. CRÉER UNE INSTANCE DE COORDINATION DE LA RECHERCHE QUI NE SOIT PAS UN FORUM

1. Les différentes options proposées pour assurer la coordination et la diversification de la recherche

2. Le projet de groupement dintérêt scientifique « autisme et troubles du neuro-développement » est encore mal défini

3. Étudier la création dun Institut national de lautisme

C. LEFFORT FINANCIER CONSACRÉ À LA RECHERCHE SUR LAUTISME RESTE INSUFFISANT

1. Des financements insuffisamment coordonnés pour garantir une utilisation optimale

2. La nécessité de consentir un investissement important public et privé pour la recherche dans le domaine de lautisme

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES À L’ÉVALUATION DE LA PRISE EN CHARGE DE L’AUTISME


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   PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Proposition n° 1 : Permettre aux médecins de première ligne de mieux dépister :

– modifier le carnet de santé concernant l’examen du 24ème mois pour intégrer le M‑chat ;

– corrélativement, encourager la formation des médecins de première ligne (généralistes, pédiatres, médecins de protection maternelle et infantile) à cet outil.

Proposition n° 2 : Mieux former les professionnels de la petite enfance :

– confier au groupement national des centres ressources autisme la mise en place d’un cadrage national des actions de sensibilisation au dépistage des troubles du spectre autistique ;

– programmer dans chaque région, sous l’égide du centre ressources autisme et de la protection maternelle et infantile, une formation susceptible d’atteindre en quelques années tous les acteurs de la petite enfance.

Proposition n° 3 : Garantir laccès au diagnostic :

– créer des indicateurs portant sur l’efficacité du parcours de diagnostic ;

– fixer des objectifs de délai pour les différents niveaux du réseau de diagnostic ;

– conduire sous l’égide des ARS une intégration de l’offre de services sanitaires, sociaux et médico‑sociaux intervenant dans le diagnostic et la prise en charge de l’autisme ;

– améliorer l’accessibilité géographique des centres de ressources autisme (CRA) à travers la création de relais de proximité infra-départementaux ;

– développer l’organisation, par les CRA, de formations ou de séances d’information à destination des familles et des aidants en privilégiant les formules collectives.

Proposition n° 4 : Instituer, dans le cadre de loffre de services intégrée, des plateformes dintervention précoce impliquant également les professionnels du secteur libéral.

Proposition n° 5 : Accroître le nombre de professionnels formés aux TSA en développant les formations spécialisées :

– ouvrir de nouvelles formations universitaires (masters et DU) de travail social spécialisé dans le domaine de l’autisme ;

– relever le numerus clausus de l’accès au certificat de capacité d’orthophoniste ;

– former davantage de thérapeutes et de psychologues du développement aux stratégies de remédiation cognitive ou de rééducation des habiletés sociales.

Proposition n° 6 : Dans le cadre de la rénovation des maquettes et référentiels prévue par la Stratégie nationale pour lautisme, accorder une attention particulière à :

– la réforme des formations initiales des professions de santé intervenant auprès des personnes autistes, en y incluant notamment des modules relatifs aux thérapies cognitivo‑comportementales (TCC) ;

– la refonte des formations du travail social et leur évaluation ;

– la formation des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH).

Proposition n° 7 : Veiller au déploiement de la formation continue sur lensemble du territoire :

– généraliser les conventions entre les CRA et les organismes de formation au niveau local ;

– développer les équipes mobiles effectuant des formations continues pluri‑professionnelles ;

– évaluer les formations continues au regard des changements de pratiques.

Proposition n° 8 : Élaborer un annuaire des formations initiales et continues prenant en compte les connaissances actualisées des neurosciences et intégrant les recommandations de bonne pratique publiées par la Haute autorité de santé.

Proposition n° 9 : Renforcer le contrôle des pratiques ayant cours dans les établissements et services médico-sociaux :

– insérer un dispositif spécifique, dans le cadre du renouvellement de la certification, pour les structures de santé mentale et de pédopsychiatrie ;

– mettre en place l’approche référentielle par typologie de structures pour définir les attendus qui leur sont applicables, incluant les recommandations de la Haute autorité de santé.

Proposition n° 10 : Renforcer lévaluation des services médico-sociaux :

– permettre aux ARS d’évaluer les structures et leurs méthodes de prise en charge en révisant le cadre réglementaire en vigueur ;

– établir des référentiels de bonne pratique opposables aux professionnels notamment médico‑sociaux.

Proposition n° 11 : Orienter les financements et les prises en charge publics :

– poursuivre la conditionnalité des crédits destinés au renforcement de l’offre à l’amélioration de la qualité et à l’évolution des pratiques ;

– introduire systématiquement les référentiels de bonne pratique dans les appels à projets.

Proposition n° 12 : Faire des bonnes pratiques un préalable à la contractualisation :

– renforcer les volets démarche qualité, formation et application des recommandations de bonne pratique lors de la négociation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) ;

– prévoir la mise en œuvre des recommandations de bonne pratique dans le cadre de la contractualisation.

Proposition n° 13 : Recenser les professionnels qui appliquent les recommandations de bonne pratique :

– conduire un recensement des établissements et services mettant en œuvre les recommandations de bonne pratique ;

– créer des répertoires régionaux recensant les professionnels de diagnostic, de prise en charge et d’accompagnement des personnes avec TSA ;

– proposer aux professionnels du secteur libéral de s’inscrire dans une démarche de certification mettant en valeur leur formation à l’autisme.

Proposition n° 14 : Renforcer linformation des familles :

– créer un service d’accueil et d’orientation des familles afin de leur donner les premières informations et les diriger vers les professionnels de diagnostic ou de prise en charge ;

– mettre à la disposition des personnes avec TSA et de leur famille un annuaire des structures disposant de personnel formé à l’autisme et des professionnels libéraux ayant reçu une telle formation.

Proposition n° 15 : Établir et diffuser un guide des expériences de référence.

Proposition n° 16 : Généraliser lavis des usagers dans les processus dévaluation des services :

– mettre en place des indicateurs de satisfaction pour les services de prise en charge et d’accompagnement ;

– valoriser l’expression des usagers et faciliter l’accès à une instance de réclamation et de conciliation de proximité.

Proposition n° 17 : En sinspirant de lorganisation mise en place par lARS de Normandie, faire émerger des projets de territoire structurés reposant sur :

– un pilotage fondé sur un partenariat étroit entre l’ARS et le CRA et impliquant l’ensemble des acteurs dans une co‑responsabilisation ;

– une offre de services intégrée ;

– la désignation d’un pilote régional, référent des familles ;

– des intervenants pivots apportant une aide à la coordination du parcours et à la continuité du projet personnel, pouvant intervenir dans toutes les situations qu’elles soient complexes ou simples ;

– des plateformes de services à intégrer dans les schémas régionaux de santé à construire par les ARS.

Proposition n° 18 : Mieux accompagner les personnes autistes dans leur parcours de vie :

– achever la mise en place du système d’information des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) afin de pouvoir suivre le parcours d’une personne autiste tout au long de sa vie ;

– favoriser le déploiement de l’action des pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE) vers l’accompagnement des personnes autistes ;

– intégrer le suivi de la personne autiste adulte dans la nouvelle structuration de la prise en charge, par exemple en l’inscrivant dans les missions des plateformes d’orientation et de coordination « autisme-TND » que la stratégie nationale prévoit de déployer.

Proposition n° 19 : Réduire le reste à charge pour les patients et les familles :

– expérimenter la prise en charge, par l’assurance maladie, des interventions en psychothérapie et en orthophonie en secteur libéral ;

– définir les interventions de professionnels de santé inscriptibles à la nomenclature générale des actes professionnels éligibles à un remboursement.

Proposition n° 20 : mobiliser, au niveau régional, un soutien financier pour les associations effectuant la formation des bénévoles et des aidants, lorsque leur action de formation est agréée par lARS.

Proposition n° 21 : Construire ou renforcer les interactions entre léducation nationale et les secteurs sanitaire et médico-social :

– signer des conventions rénovées entre les ARS et les rectorats comportant un plan d’action et des formations croisées ;

– faire entrer les compétences médico-sociales dans les établissements scolaires ;

– adosser un service médico-social à l’école pour faciliter l’accès des enfants et des familles aux conseils et à l’accompagnement.

Proposition n° 22 : Renforcer les ressources sur lesquelles peuvent sappuyer les personnels de léducation nationale pour laccompagnement denfants autistes, en favorisant et en simplifiant les échanges entre les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et les associations au sein des établissements scolaires, par la mise à disposition des établissements scolaires, via le rectorat, d’une liste d’associations agréées de proximité susceptibles d’apporter un soutien ponctuel ou régulier.

Proposition n° 23 : Éviter les ruptures de parcours :

– préparer la sortie du SESSAD en réduisant le niveau de prise en charge et en accompagnant la transition ;

– proposer une solution aux enfants sortant d’UEMa et ne pouvant entrer en CP ou en ULIS, jusqu’à l’admission en institut médico-éducatif.

Proposition n° 24 : Mettre en place des équipes mobiles spécialisées dans la prise en charge des adultes, en formant un groupe de professionnels constitué en équipe mobile d’accompagnement qui assureront les soins ambulatoires et la prise en charge des adultes sur leur lieu de vie et qui pourront participer au repérage dans les établissements.

Proposition n° 25 : renforcer et diversifier loffre dhébergement pour les adultes :

 poursuivre l’effort de création de places dans le secteur médico-social pour les autistes adultes qui ne peuvent pas accéder à l’habitat inclusif, afin de résorber les listes d’attente ;

 développer l’habitat en microstructures d’accueil pour les autistes adultes semi‑autonomes.

Proposition n° 26 : Faciliter laccès à la formation professionnelle et à lemploi, en insérant un volet « troubles du spectre autistique » dans les contrats passés avec les conseils régionaux sur la formation et l’insertion professionnelle.

Proposition n° 27 : Réformer les orientations et prestations des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) :

– élaborer un guide national d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (GEVA) spécifique aux TSA ;

– simplifier les démarches auprès des MDPH dans le cadre de l’élaboration des orientations et du renouvellement des certificats médicaux.

Proposition n° 28 : Mettre en place un système de suivi et dévaluation de la politique de prise en charge de lautisme en trois volets :

– l’évaluation des financements de la recherche sur l’autisme ;

– la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’autisme ;

– une évaluation qualitative des prises en charge de l’autisme et des méthodes éducatives, basée sur une série limitée d’indicateurs relatifs :

- aux progrès des enfants pris en charge ;

- aux méthodes de prise en charge ;

- à la qualité de vie des personnes ;

- à la satisfaction des familles usagers d’un établissement ou d’un service.

Proposition n° 29 : Préciser les missions du groupement dintérêt scientifique et lui conférer lautorité nécessaire à la priorisation et à la coordination de la recherche :

– inclure dans le domaine d’action du groupement les sciences humaines et sociales, le champ médico‑social et les traitements de l’autisme ;

– intégrer des représentants des associations de patients au sein de l’instance de pilotage du groupement ;

– intégrer les acteurs de la recherche reconnus dans un comité de pilotage resserré.

Proposition n° 30 : Étudier la création dun Institut national de lautisme.

Proposition n° 31 : Renforcer leffort financier en faveur de la recherche sur lautisme et les troubles du neuro-développement :

– quintupler les financements prévus en consacrant chaque année 14 millions d’euros aux appels à projets publics et publics-privés dans le domaine de l’autisme et des troubles du neuro-développement, pour réaliser un véritable investissement national dans ce domaine, générateur de retombées à moyen terme ;

– se fonder autant que possible sur les ressources existantes pour développer les structures nouvelles envisagées par la Stratégie nationale, et à ce titre assurer la transition des financements des centres experts.

 


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   INTRODUCTION

Le 24 novembre 2016, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a décidé d’inscrire à son programme de travail une évaluation de la prise en charge de l’autisme.

Sur le fondement de l’article L. 132‑6 du code des juridictions financières, le Président de l’Assemblée nationale a, sur proposition du CEC, demandé l’assistance de la Cour des comptes. Par lettre du 14 décembre 2016, le Premier président de la Cour des comptes a confirmé son accord pour procéder à une évaluation des politiques publiques en direction des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme. Cette évaluation – dont les conclusions sont annexées au présent rapport – a été confiée à une formation interchambres associant les troisième, cinquième et sixième chambres.

Pour conduire cette évaluation, le CEC a désigné deux rapporteurs : M. Daniel Fasquelle, membre du groupe Les Républicains, et Mme Nathalie Sarles, membre du groupe La République en marche. Le groupe de travail constitué pour assister les rapporteurs était composé de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), de Mme Caroline Janvier (groupe La République en marche) et de MM. Patrice Perrot (groupe La République en marche), Aurélien Pradié (groupe Les Républicains), Alain Ramadier (groupe Les Républicains) et Adrien Taquet (groupe La République en marche).

La Cour des comptes a présenté son évaluation devant le Comité le 24 janvier 2018. Par la suite, les rapporteurs ont mené cinq tables rondes consacrées aux différents aspects de ce sujet complexe, ainsi que plusieurs auditions. Le présent rapport est la conclusion de ces travaux, à l’issue desquels les rapporteurs présentent un ensemble de 31 propositions.

Définir une prévalence de l’autisme et des troubles envahissants du développement/troubles du spectre autistique (TSA) pour la France est difficile, car les données épidémiologiques sont peu nombreuses, et celles qui existent sont ponctuelles et anciennes. La Haute autorité de santé retient une fourchette de prévalence de 0,9 à 1,2 % pour les enfants, en se basant sur une analyse faite à partir de la littérature internationale (données 2012). Des études menées en Corée du Sud aboutissent à une prévalence de 2,6 %, et les études américaines les plus récentes menées sur des cohortes d’enfants de 7 à 12 ans à 2 %. La statistique établie en 2015 par les centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies aux États‑Unis évoque un enfant sur 45. La question de savoir si l’augmentation constatée des diagnostics est liée à une réelle augmentation des troubles ou bien à l’évolution des critères de diagnostic (qui retiennent la notion plus large de troubles du spectre autistique, avec en parallèle la diminution des catégories de troubles de l’apprentissage et de déficience intellectuelle) est tranchée de manière différente selon les études et les pays.

La prévalence de 1 % sur laquelle se basent les institutions françaises depuis les années 2010 traduit déjà une hausse importante du nombre de personnes qui devront faire l’objet d’une prise en charge plus ou moins importante, faisant de l’autisme et des TSA un enjeu majeur de santé publique, de même qu’un enjeu pour les finances sociales et pour l’équilibre financier des familles concernées.

Le nombre de personnes présentant des TSA est estimé à ce jour à 700 000, dont 100 000 jeunes de moins de 20 ans. La Cour des comptes, dans son évaluation, a estimé à plus de 4 milliards d’euros par an la prise en charge des enfants et des adultes autistes par le secteur médico-social, le secteur psychiatrique et les soins de ville. À ce montant s’ajoute une dépense de 2,7 milliards d’euros, représentant la part estimée des personnes autistes ou présentant des TSA dans le coût des prestations de compensation, des dépenses fiscales et le coût des accompagnants d’élèves en situation de handicap.

Le coût de prise en charge élevé, évoqué plus haut, pourrait être dans une large mesure dépensé à mauvais escient : en effet, la Cour souligne que les deux tiers des enfants et près de 80 % des adultes sont accueillis dans des établissements qui n’ont pas reçu un agrément spécifique « autisme et autres troubles envahissants du développement ».

Le postulat sur lequel se sont fondés les travaux de la Cour était le suivant : après trois plans « autisme » successifs (2005-2017), des progrès notables en termes de diagnostic des enfants ou de sensibilisation et de formation des professionnels aux enjeux et spécificités de l’autisme ont été réalisés. Pour autant, comme le note le Premier président dans sa lettre du 14 décembre 2016, « la situation française reste à bien des égards insatisfaisante, comme en témoignent limportance des querelles de doctrine, la fréquence des retards au repérage et au diagnostic, les difficultés auxquelles se heurtent souvent les familles pour assurer la continuité dun parcours de prise en charge et daccompagnement aux différentes périodes de la vie de leurs enfants ou les besoins spécifiques encore trop peu reconnus des autistes adultes ».

L’évaluation de la Cour se conclut par onze recommandations réunies en trois axes : mieux connaître les TSA, mieux articuler les interventions des différents partenaires au service d’un objectif renforcé d’inclusion et mieux assurer des prises en charge de qualité dans l’ensemble des territoires. Les rapporteurs souscrivent aux constatations de la Cour et prendront position sur ses recommandations au long du présent rapport.

Par ailleurs, le Gouvernement a présenté le 6 avril dernier la Stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement 2018‑2022, élaborée après neuf mois de concertation dans les territoires et au plan national, stratégie qui prend la suite des trois plans autisme précédents. Les rapporteurs ont donc analysé la manière dont la Stratégie faisait usage des préconisations de la Cour. Ils prendront également position sur certains éléments essentiels de la Stratégie, qui apparaît complète dans les champs d’action qu’elle couvre et ambitieuse dans ses objectifs, mais qui peut encore être précisée sur certains points.

Dans le prolongement des travaux menés par le groupe d’études sur l’autisme de l’Assemblée nationale, créé en 2011, les rapporteurs souhaitent mettre en exergue quelques priorités qui leur paraissent fondamentales, et pour lesquelles ils voudraient que les cinq prochaines années soient décisives :

– structurer de manière efficace le parcours de repérage et de diagnostic dans chaque région, avec des délais indicatifs, en prenant pour modèles les organisations efficaces qui ont été mises en place, afin d’assurer sur l’ensemble du territoire un accès égal au diagnostic et à la prise en charge précoce des enfants ;

– s’assurer que les professionnels aient reçu une formation actualisée à la prise en charge de l’autisme et que les familles bénéficient d’un accès facile à l’information sur l’offre de prise en charge et d’accompagnement ;

– améliorer les méthodes d’intervention et de prise en charge en assurant l’application effective des recommandations de bonne pratique édictées en 2012 et 2018 par la Haute autorité de santé ;

– transformer la prise en charge au profit de l’inclusion des enfants et adultes avec TSA dans la société ;

– construire un système de suivi et d’évaluation de la politique de prise en charge de l’autisme et des troubles du spectre autistique (qui fait défaut actuellement), portant en particulier sur l’efficacité des méthodes éducatives et de la prise en charge par les établissements et les services, ainsi que sur la qualité de vie et le bien-être des adultes autistes pris en charge par les établissements sanitaires et les services médico-sociaux ;

– augmenter l’effort financier consacré à la recherche sur l’autisme et les TSA et assurer une meilleure coordination des moyens et des équipes.

Les rapporteurs placent de grands espoirs dans l’ambition portée par la Stratégie nationale, ainsi que dans la nomination, en qualité de déléguée interministérielle chargée de sa mise en œuvre, de Mme Claire Compagnon, qui a été co‑auteure de l’évaluation du 3ème plan autisme par l’inspection générale des affaires sociales.

Ils veulent croire que l’action à conduire, avec un grand volontarisme, pendant les cinq prochaines années, mettra fin aux retards de diagnostic des enfants si préjudiciables à leur autonomie future, aux mauvaises méthodes de prise en charge et aux placements contestables en établissement sanitaire, à l’insuffisante formation et sensibilisation des professions de santé et des autres professions intervenant auprès des enfants, à une information défaillante des familles, au rejet de tant d’enfants hors de la scolarité, à la situation scandaleuse d’adultes vivant dans des institutions inadaptées à leurs souhaits et à leurs possibilités d’autonomie.

C’est pour cela que les rapporteurs souhaitent s’engager à suivre les progrès de la mise en œuvre de la Stratégie, en particulier au sein du groupe d’études sur l’autisme, afin de soutenir la délégation interministérielle dans la mission et la responsabilité importantes qui lui incombent.


I.   OPTIMISER LE TRIPTYQUE REPÉRAGE – DIAGNOSTIC – INTERVENTION PRÉCOCE

Les trois plans autisme successifs ont insisté sur la nécessité d’assurer le repérage, le diagnostic et la mise en place d’interventions précoces chez les enfants. Ces objectifs ont été déclinés par région sous l’autorité des agences régionales de santé (ARS).

Ainsi que le souligne la Cour des comptes, les résultats atteints sont très inégaux, et mal mesurables du fait de l’absence de suivi et d’outils d’évaluation.

A.   ASSURER LES CONDITIONS DUN DÉPISTAGE ET DUN REPÉRAGE PRÉCOCES SUR TOUT LE TERRITOIRE

Malgré les objectifs affichés du troisième plan, le repérage précoce des enfants atteints de troubles du spectre autistique demeure insuffisant. La capacité de l’ensemble des professionnels « de première ligne » à détecter les signaux d’un trouble du développement chez le jeune enfant et à l’orienter vers un diagnostic doit donc être renforcée afin de garantir par la suite une prise en charge précoce et efficace. De même, la formation ou la sensibilisation des professionnels de la petite enfance doit être déployée sur tout le territoire.

1.   Favoriser le dépistage par les médecins « de première ligne »

Le maillage territorial des médecins exerçant régulièrement auprès d’enfants, tels que les médecins généralistes, les pédiatres ou les médecins de la protection maternelle et infantile (PMI), constitue un réseau d’alerte et de dépistage au potentiel considérable.

Un sondage réalisé à la demande de la Cour auprès de ces professionnels fait cependant apparaître un profond déficit de formation des médecins en la matière puisque 49 % des médecins généralistes et 20 % des pédiatres déclarent n’avoir reçu aucune formation spécifique sur les TSA au cours de leur carrière. De plus, la faible intégration du sujet dans le cadre de la formation continue ne permet pas d’assurer l’actualisation des connaissances sur l’autisme puisque seuls 27 % des médecins généralistes ont, d’après le même sondage, bénéficié d’une formation aux TSA dans le cadre de la formation continue.

Si un effort pour la formation des médecins de première ligne au repérage  des TSA dans le cadre de la formation continue était effectivement prévu par le 3ème plan autisme, la Cour des comptes souligne que les dispositifs mis en œuvre, notamment dans le cadre du développement professionnel continu (DPC), n’ont pas eu l’impact escompté.

La Stratégie nationale pour l’autisme entend accentuer cet effort :

– en matière de formation initiale, il est prévu d’intégrer ou de renforcer progressivement les enseignements sur les troubles du neuro-développement au sein des maquettes de formation des professionnels de santé. Des modules numériques seront également mis à disposition des enseignants et des étudiants ;

– sera également mise en œuvre une « action volontariste de sensibilisation » des professionnels de santé afin qu’ils aient davantage recours aux formations proposées dans le cadre du DPC.

L’ensemble de ces actions de formation et d’information ne vise pas à ce que ces médecins dits « de première ligne » puissent poser un diagnostic mais à leur permettre d’orienter, en cas d’alerte, les enfants vers les structures et professionnels compétents.

Les auditions et tables rondes menées par les rapporteurs ont permis de constater que des progrès importants ont été réalisés au cours des dernières années mais que les situations locales restent très hétérogènes.

Afin de systématiser ce dépistage, le 3ème plan autisme prévoyait d’améliorer le repérage des troubles du développement de l’enfant à travers la refonte du carnet de santé. Le nouveau modèle du carnet de santé est entré en vigueur au 1er avril 2018. Les visites obligatoires du 9ème et du 24ème mois sont appelées à devenir des moments privilégiés pour le repérage des signaux indiquant un éventuel trouble du spectre autistique.

Pour assurer la mise en œuvre effective et efficace de ce nouveau dispositif à la disposition des professionnels de santé, la Stratégie nationale pour l’autisme prévoit de sensibiliser les professionnels de santé à son usage. Des actions d’information des professionnels de santé seront ainsi mises en œuvre par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), ainsi que par la Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant (CNNSE) ([1]). Une action de sensibilisation plus spécifique pour les médecins de PMI devra également être menée.

Les rapporteurs se félicitent de la mise en place d’un dispositif généralisé permettant la systématisation du travail de repérage par les professionnels de santé. Toutefois, les items concernant le développement psychomoteur de l’enfant prévus par le nouveau carnet de santé semblent insuffisants. Le repérage gagnerait à s’appuyer sur un outil dédié plus complet.

Les rapporteurs proposent ainsi l’intégration au carnet de santé d’un outil reconnu de dépistage de l’autisme ainsi que d’autres troubles et retards de développement : le Modified Checklist for Autism in Toddlers (M‑chat). Cet outil comprend en effet un nombre de questions plus important (23 contre 8 pour l’examen du 24ème mois) qui garantirait la plus grande efficacité de ce moment d’observation de l’enfant et d’échange avec les parents, sans que la durée de la visite n’en soit très allongée. Plusieurs pays l’utilisent comme outil de repérage, et en Italie (Toscane), ce test est incorporé depuis 2009 au bilan de santé systématique effectué à 18 mois.

La formation de l’ensemble des médecins « de première ligne » à l’utilisation de cet outil sera également l’occasion d’une sensibilisation et d’une actualisation des connaissances sur les TSA pour l’ensemble de ces professionnels.

La mise à disposition de l’outil M‑CHAT justifierait de modifier le carnet de santé.

Proposition n° 1 : Permettre aux médecins de première ligne de mieux dépister :

– modifier le carnet de santé concernant l’examen du 24ème mois pour intégrer le M‑chat ;

– corrélativement, encourager la formation des médecins de première ligne (généralistes, pédiatres, médecins de protection maternelle et infantile) à cet outil.

2.   Former l’ensemble des professionnels de la petite enfance au repérage

En contact quotidien avec les enfants, les professionnels de la petite enfance participent au repérage des signaux d’alerte des troubles du développement. Présents sur l’ensemble du territoire, leurs observations sont d’autant plus pertinentes qu’elles s’effectuent directement dans le milieu où évolue l’enfant.

Il ressort de l’évaluation de la Cour des comptes, ainsi que des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs, que le potentiel des professionnels de la petite enfance en matière de repérage de l’autisme est insuffisamment exploité.

La capacité de ces acteurs à repérer les signes de troubles du spectre autistique et à orienter ces enfants vers des professionnels compétents à même de poser un diagnostic doit être renforcée.

La Stratégie nationale pour l’autisme ambitionne de conforter les capacités de repérage et d’alerte des professionnels de la petite enfance à travers le renforcement de leur formation à l’autisme. Une formation aux TSA sera intégrée dans l’ensemble des formations initiales ou continues des professionnels de la petite enfance concernés, notamment les assistants maternels. De plus, une sensibilisation de ces mêmes professionnels sera organisée afin de renforcer leur capacité à conseiller aux parents une orientation vers un médecin.

Pour s’assurer que les professionnels de la petite enfance soient formés et sensibilisés au repérage sur l’ensemble du territoire, un cadrage national des actions de sensibilisation au dépistage apparaît nécessaire.

Comme le souligne la Cour des comptes, le groupement national des centres de ressources autisme (GNCRA) a une mission de contribution à la formation de tous les acteurs. Il lui appartient dès lors de construire un schéma d’actions au plan national. Ce cadrage national devra être décliné au niveau régional par les CRA.

Ces derniers pourront s’appuyer sur les services de PMI pour être en mesure d’atteindre l’ensemble des acteurs de la petite enfance. Le service de PMI de la Métropole de Lyon, en partenariat avec le CRA Rhône-Alpes, a mis en place des actions de sensibilisation et de formation à destination de l’ensemble des professionnels de la petite enfance : structures d’accueil du jeune enfant (garderies et crèches), puéricultrices, assistants maternelles, assistants familiaux, etc.

Proposition n° 2 : Mieux former les professionnels de la petite enfance :

– confier au groupement national des centres ressources autisme la mise en place d’un cadrage national des actions de sensibilisation au dépistage des troubles du spectre autistique ;

– programmer dans chaque région, sous l’égide du centre ressources autisme et de la protection maternelle et infantile, une formation susceptible d’atteindre en quelques années tous les acteurs de la petite enfance.

3.   Renforcer l’information et l’orientation des familles

La capacité des parents à détecter les premiers signes d’éventuels écarts de développement de leur enfant, et à les signaler, est primordiale dans la mise en œuvre d’une stratégie de repérage et de diagnostic précoces. Néanmoins, ces parents se retrouvent bien souvent démunis face à la complexité du réseau de diagnostic et au manque d’information quant aux professionnels compétents auxquels s’adresser.

Le premier réflexe est alors de s’adresser à son médecin généraliste. Plusieurs témoignages font état d’un manque de considération de la part de certains médecins pour ces signaux d’alerte et du refus de déclencher une procédure diagnostique qu’ils opposent aux familles. Face aux carences de certains généralistes, les familles doivent obtenir facilement et rapidement une information sur les professionnels et les structures qui vont les orienter.

L’accessibilité et la clarté de l’information sur l’organisation territoriale du réseau chargé du diagnostic constituent donc un enjeu majeur pour une meilleure prise en charge des alertes provenant des familles.

La Stratégie nationale pour l’autisme prévoit de développer des services numériques et téléphoniques, notamment dans le cadre de la mise en place de « plateformes d’orientation et de régulation autisme – TND », qui renseigneront les familles et les orienteront vers les structures ou professionnels adéquats.

Une plateforme Autisme Info Service devrait voir le jour à la rentrée 2018 à l’initiative de plusieurs associations. Comprenant un site internet et un centre d’appels téléphoniques, ce service d’information devrait permettre d’améliorer largement l’orientation des familles pour cette phase de repérage et de diagnostic.

Les rapporteurs apportent leur soutien à cette initiative et tiennent à souligner le rôle majeur des associations, notamment en faveur d’une meilleure compréhension générale de l’autisme. La sensibilisation de l’ensemble de la population, grâce au travail associatif de diffusion de connaissances minimales sur l’autisme, permet de mettre à mal certains préjugés et de favoriser le vivre ensemble.

B.   GARANTIR UN ACCÈS GRADUÉ AU DIAGNOSTIC DANS CHAQUE RÉGION

Dans son évaluation, la Cour des comptes fait le constat de la persistance de fortes disparités entre les territoires quant à l’organisation des parcours de diagnostic.

Malgré l’attention portée par les plans autisme successifs et les progrès notables que ceux‑ci ont permis de réaliser, l’organisation des réseaux au niveau local demeure insatisfaisante et débouche sur leur engorgement ainsi que sur des délais excessifs d’accès au diagnostic. L’effort de structuration des parcours doit donc être poursuivi et les moyens déjà déployés, notamment dans les CRA, optimisés.

1.   Organiser dans chaque territoire de santé une trajectoire de diagnostic et d’intervention précoce

Le 3ème plan autisme a mis en place une structuration en trois niveaux du réseau de repérage et de diagnostic :

– le premier niveau est celui du repérage par les acteurs de la petite enfance, de la communauté éducative et de la médecine de ville (généralistes, pédiatres, psychiatres) ;

– le deuxième niveau concerne les diagnostics « simples », effectués par les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP), les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), des équipes hospitalières pluridisciplinaires, les services de pédiatrie et pédopsychiatrie de PMI, ainsi que par les médecins généralistes et pédiatres exerçant en libéral. Le troisième plan prévoyait qu’au moins une équipe de diagnostic de proximité soit identifiée dans chaque département ;

– le troisième niveau est celui du diagnostic « complexe ». Celui‑ci est organisé à l’échelle régionale par les CRA en association avec au moins une équipe hospitalière experte en CHU.

Le déploiement de cette organisation sur l’ensemble du territoire a eu des effets positifs et a permis à la France de rattraper une partie de son retard en matière de diagnostics. Cependant, l’articulation de ces réseaux au niveau local n’est pas optimale et débouche sur l’engorgement des CRA. Il faut donc améliorer l’organisation de ces réseaux en s’inspirant d’initiatives efficaces mises en œuvre dans certaines régions et en fixant des objectifs de délai aux structures chargées du diagnostic.

a.   Renforcer l’efficacité des acteurs du diagnostic en précisant leur organisation et leur intégration dans des réseaux territorialisés

Il ressort de l’analyse menée par la Cour des comptes que la déclinaison territoriale de l’organisation graduée est très variable selon les régions et son efficacité difficilement mesurable. Il existe notamment une grande hétérogénéité entre les structures qui hébergent les équipes pluridisciplinaires de deuxième ligne puisqu’il peut s’agir selon les cas de CAMSP, de CMPP ou de services hospitaliers.

En outre, l’IGAS soulignait en 2016 ([2]) que certaines régions connaissaient des retards dans leur organisation du réseau de diagnostic gradué et que celui‑ci était peu lisible pour les familles et les professionnels de première ligne.

De plus, les acteurs du diagnostic ne sont pas assez nombreux, ce qui entraîne des délais importants d’obtention d’un rendez‑vous, puis de restitution du bilan. Ces délais, conjugués au fait que les deux premiers niveaux de diagnostic renvoient les patients vers les CRA (notamment lorsqu’ils ne disposent pas des ressources nécessaires à la réalisation d’un bilan fonctionnel de l’enfant), tendent à provoquer l’embolie et la mauvaise efficacité du circuit diagnostique.

La coordination des acteurs du diagnostic avec les structures et professionnels de prise en charge est également insuffisante et doit être renforcée. L’objectif doit donc être d’assurer l’accessibilité rapide et efficace à des professionnels pour le diagnostic et les interventions précoces, ainsi que de coordonner l’intervention des acteurs, qu’ils soient institutionnels ou libéraux.

Plusieurs territoires, comme le Poitou-Charentes et la Haute-Normandie, ont mis en place des initiatives allant dans le sens de la réorganisation des parcours de diagnostic et d’intervention précoces.

Dans le cadre de la méthode de l’intégration de l’offre de services mise en place en Normandie, que les rapporteurs présenteront de manière détaillée plus loin, le CRA et l’ARS Haute-Normandie ont institué un accès gradué au diagnostic organisé autour de trois lignes :

– la 1ère ligne est composée d’équipes de proximité sanitaires et médico‑sociales (CAMSP, CMPP, CMP, réseau libéral coordonné) identifiées et en charge des situations simples ;

– la 2ème ligne assiste les équipes de première ligne pour les « situations de moyenne complexité », à travers des équipes territoriales d’appui au diagnostic de l’autisme (ETADA) ;

– enfin, la 3ème ligne correspond aux équipes du CRA en charge des diagnostics plus complexes.

Cette organisation, plus précise que celle promue par le 3ème plan autisme, est soutenue par la coordination et la concertation de tous les acteurs ; elle a permis de clarifier le parcours diagnostique, à la fois pour les familles et pour les professionnels qui savent désormais à qui s’adresser.

L’organisation du réseau gradué en Poitou-Charentes (RE.COL.TE)

Le CRA Poitou-Charentes a mis en place un réseau gradué pour le repérage, le dépistage et le diagnostic des enfants avec TSA. Celui‑ci se divise en 3 niveaux :

Le premier niveau représente « un réseau d’alerte » et concerne les acteurs de première ligne (professionnels de la petite enfance, médecine de ville, personnels de l’éducation nationale, CAMSP et PMI). Il s’agit là de repérer les enfants présentant des risques de TSA.

Le second niveau vient à la suite de ce repérage pour établir un diagnostic. Il est divisé en deux. Le niveau 2A est un « réseau de diagnostic spécialisé » reposant sur les structures médicosociales (CMP, CMPP, PMI et CAMSP).

Le niveau 2B est constitué des réseaux RE.COL.TE (Réseau Collaboratif Territorial). Ces réseaux réunissent les différentes structures et professionnels des deux précédents niveaux à l’échelle locale. Il existe 5 réseaux RE.COL.TE sur le territoire de l’ex-Poitou‑Charentes, soit un par territoire de santé, qui remplissent trois missions :

– Proposer un diagnostic spécialisé reposant sur une équipe dédiée

– Définir un projet de vie construit en commun et régulièrement évalué

– Mettre en place un accompagnement en s’appuyant sur une équipe mobile.

Enfin, le troisième niveau est celui du CRA et est en charge des diagnostics complexes qui lui sont adressés par les acteurs du niveau 2. Il propose également des formations à destination des acteurs des deux premiers niveaux.

b.   Mettre sous contrainte le réseau de diagnostic avec des délais à chaque étape

L’accès rapide à un diagnostic est d’autant plus important que celui‑ci est nécessaire au déclenchement des procédures de prise en charge de l’enfant et à l’ouverture de certaines prestations par les MDPH.

Pour la Cour des comptes, les délais d’attente pour les diagnostics simples, ainsi que l’âge moyen des enfants au moment de ce diagnostic sont aujourd’hui impossibles à établir. Seuls les délais d’attente pour un diagnostic en CRA sont connus grâce aux données de la CNSA : en moyenne 446 jours s’écoulent entre la réception de la demande de diagnostic et la restitution du bilan. Ces délais sont en forte augmentation et témoignent de l’engorgement des CRA.

Lors de l’audition de la Haute autorité de santé (HAS), son représentant a indiqué que l’âge moyen au diagnostic était de 4 ans.

Les délais d’attente pour l’accès au diagnostic, auxquels s’ajoutent les listes d’attente pour la prise en charge par une structure, constituent fréquemment un frein au déploiement d’interventions très précoces, à même d’influer très positivement sur le développement du jeune enfant, même si, selon les recommandations de la HAS, la fiabilité d’un diagnostic avant l’âge de deux ans n’est pas garantie.

L’ensemble de ces éléments amène à interroger l’articulation actuelle entre le diagnostic et la prise en charge. Une prise en charge précoce ne doit plus être subordonnée à l’établissement d’un diagnostic nosologique. Un diagnostic fonctionnel, à même de constater des troubles du développement et pouvant être fait par des psychologues cliniciens, doit suffire au déclenchement d’interventions précoces.

Les rapporteurs se félicitent des orientations de la Stratégie nationale pour l’autisme en la matière puisque celle‑ci prévoit la mise en place, à partir de 2019, d’un « forfait intervention précoce » permettant de financer le recours à des professionnels libéraux non conventionnés par l’assurance maladie (psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes).

Par ailleurs, elle prévoit de mettre en place dans les territoires des « plateformes d’intervention et de coordination “Autisme-Troubles du neuro‑développement” de 2ème ligne » qui auront notamment en charge l’organisation des interventions de professionnels libéraux sans attendre qu’un diagnostic soit établi.

La Cour des comptes recommande de mettre les CRA sous contrainte d’objectifs en matière de délais de diagnostic, au travers d’une contractualisation avec les ARS.

Les rapporteurs approuvent cette recommandation, mais estiment qu’une telle mise sous contrainte ne saurait s’appliquer seulement au troisième niveau de diagnostic. Il conviendrait de décliner de tels objectifs pour l’ensemble des acteurs du réseau diagnostique afin de disposer d’indicateurs permettant l’évaluation de ces acteurs.

Ils proposent donc de créer des indicateurs portant sur l’efficacité de la trajectoire de diagnostic, avec la fixation d’objectifs de délai pour les différents niveaux du réseau de diagnostic.

2.   L’accessibilité et le rôle moteur des centres ressources autisme (CRA)

Créés en 1999, et généralisés à partir de 2005 à l’ensemble du territoire dans le cadre du premier plan autisme, les centres ressources autisme (CRA) sont des structures régionales amenées à jouer un rôle moteur dans la politique en direction des personnes avec TSA. Parmi les missions confiées aux CRA par le code de l’action sociale et des familles ([3]) figurent notamment : l’information et l’orientation des publics, la sensibilisation et la formation des aidants et des professionnels ainsi que la réalisation de diagnostics complexes et l’animation du réseau régional d’acteurs.

Les auditions et tables rondes menées par les rapporteurs ont confirmé les constats de la mauvaise performance globale du système des CRA, établis tant par la Cour des comptes que par l’IGAS ([4]). L’accessibilité de ces services ainsi que leur rôle d’information et de formation des familles doivent être améliorés.

a.   Assurer une bonne accessibilité des CRA tant sur le plan géographique qu’en matière de délais

Dans son rapport, la Cour des comptes constate l’engorgement des CRA, lié à une augmentation continue de l’activité diagnostique des centres. Selon les chiffres de la CNSA le nombre de demandes de bilan reçues en une année par les CRA est ainsi passé de 2 868 en 2009 à 6 959 en 2016 (+ 143 %). Cette croissance des demandes a fait que les centres ne sont plus en mesure de répondre rapidement aux besoins et que les délais entre la réception de la demande et la restitution du bilan s’allongent, atteignant en moyenne 446 jours en 2015, soit près de 15 mois. Ce nombre masque cependant de fortes disparités locales : les délais d’attente dans les CRA vont de près de 9 mois (265 jours) à plus de 2 ans et 8 mois (975 jours).

Outre un manque de moyens dans certaines régions, l’engorgement des CRA tient au fait que les demandes qui leur sont adressées ne sont pas toujours justifiées : alors que les recours aux équipes des CRA doivent normalement être réservés aux seules situations complexes, les CRA traitent souvent de cas relevant de diagnostics plus simples. Ainsi, 28 % des demandes reçues émanent directement des familles, ce qui signifie que ces dernières n’ont pas fait appel au préalable aux structures et personnes compétentes pour les diagnostics simples.

Ceci est en lien avec le fait que certaines MDPH exigent qu’on leur présente un bilan effectué par un CRA : l’instruction du 17 juillet 2014 relative au cadre national de repérage, de diagnostic et d’interventions précoces a pourtant clairement établi qu’une telle requête n’était pas justifiée. Un travail plus global devrait être effectué concernant les rapports entre CRA et MDPH afin de déboucher sur une meilleure connaissance réciproque et une véritable coordination de leurs actions. Ceci implique également un effort de formation des professionnels des MDPH.

L’accessibilité géographique des CRA est en outre un enjeu pour beaucoup de familles dont l’éloignement avec leur centre régional implique des temps de trajets excessivement longs. Si les rapporteurs partagent la proposition de la Cour des comptes de poursuivre la restructuration des centres ressources autisme, la proposition de ne conserver qu’un seul CRA par nouvelle région ne semble en revanche pas opportune : la collaboration et la coordination avec les acteurs de proximité, ainsi que les rapports aux familles, risquent d’en être encore dégradés.

L’objectif doit au contraire être de renforcer la proximité des CRA avec l’ensemble des acteurs de l’autisme dans les territoires. Pour assurer ce lien de proximité, certaines régions, telles que Languedoc-Roussillon, Aquitaine ou Pays de la Loire, ont mis en place des antennes départementales ou interdépartementales des CRA.

Cette échelle ne semble toutefois pas suffisamment fine pour permettre aux CRA d’exercer pleinement et efficacement leurs missions, notamment en matière d’information et de formation des familles.

Les rapporteurs seraient favorables à la mise en place d’antennes de CRA infra-départementales, sur le modèle des relais de proximité mis en place par les MDPH de certains départements. Sur le modèle de l’adossement des CRA à un CHU, ces antennes pourraient être adossées aux centres hospitaliers locaux.

La carte des CRA figurant ci‑dessous montre que ces structures sont rares et peuvent être vues comme très éloignées pour les familles.

Carte des CRA

Source : Cour des comptes d’après données IGAS.

b.   Renforcer le rôle des CRA pour l’information des familles et la formation des aidants

Le développement et l’amélioration des formations à destination des familles étaient prévus par le 3ème plan autisme. Ces formations sont particulièrement utiles dans la mesure où elles permettent de diffuser un socle de compétences et de bons réflexes auprès des parents et ainsi de limiter le risque de survenance de handicaps additionnels. De plus, la guidance parentale est une demande forte de la part des familles pour faire face aux bouleversements qu’entraîne le diagnostic de l’autisme chez un enfant.

La Cour des comptes constate que les dispositifs mis en place dans le cadre du 3ème plan ont permis la formation de 7 250 personnes sur les quatre premières années pour un montant de 2,75 millions d’euros. Malgré cet effort, les chiffres demeurent très insuffisants au regard du nombre de familles concernées.

La Stratégie nationale pour l’autisme prévoit de poursuivre et d’amplifier cet effort, en veillant à ce que l’offre de formation couvre l’ensemble du territoire grâce à l’action des CRA. Il est également prévu de développer la guidance parentale au sein des établissements et services sanitaires et médico-sociaux en veillant à ce que celle‑ci soit bien intégrée dans les projets de service.

L’investissement consacré au déploiement des formations pour les aidants est estimé à plus de 3 millions d’euros pour les cinq années de la Stratégie. Au regard du montant précédemment consacré et des résultats qu’il a permis d’atteindre, le budget prévu par la Stratégie paraît limité pour atteindre les objectifs fixés.

Les rapporteurs proposent de généraliser et de systématiser l’organisation par les CRA de réunions d’information et de formation pour les familles. Ces formations devraient, à terme, concerner plus de 5 000 familles chaque année afin de prendre en compte les nouvelles personnes diagnostiquées TSA.

Des réunions d’information collectives s’adresseraient aux parents d’enfants diagnostiqués. D’une part, cela permettrait de faciliter leur déploiement ainsi que d’en limiter le coût et, d’autre part, cela répondrait à une réelle demande des familles qui aspirent à pouvoir se retrouver pour échanger. Ainsi que l’a observé M. Jean‑Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale, les séances de préparation à l’accouchement mises en place par les hôpitaux, qui concernent 800 000 personnes chaque année, constituent un modèle d’organisation dont pourraient s’inspirer les CRA. Cet exemple tend à démontrer que l’organisation de telles réunions pour l’ensemble des familles d’enfants avec TSA est possible, si les CRA disposent de relais de proximité sur les territoires.

Enfin, les actions d’information auprès d’autres membres de l’entourage des personnes autistes devraient être développées, en particulier à destination de la fratrie, comme cela se fait en Suède.

Proposition n° 3 : Garantir l’accès au diagnostic :

– créer des indicateurs portant sur l’efficacité du parcours de diagnostic ;

– fixer des objectifs de délai pour les différents niveaux du réseau de diagnostic ;

– conduire sous l’égide des ARS une intégration de l’offre de services sanitaires, sociaux et médico‑sociaux intervenant dans le diagnostic et la prise en charge de l’autisme ;

– améliorer l’accessibilité géographique des centres de ressources autisme (CRA) à travers la création de relais de proximité infra-départementaux ;

– développer l’organisation, par les CRA, de formations ou de séances d’information à destination des familles et des aidants en privilégiant les formules collectives.

C.   METTRE EN PLACE DES PLATEFORMES DINTERVENTION PRÉCOCE

La précocité des interventions auprès des enfants avec TSA est un enjeu essentiel de la politique en direction des personnes autistes car il est établi que la prise en charge précoce influe positivement sur le développement futur de l’enfant.

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs qu’intervenir dès le repérage, et non pas une fois le diagnostic posé, fait l’objet d’un consensus mais dont la mise en œuvre est encore limitée et hétérogène.

Les recommandations de bonne pratique (RBP) de la HAS préconisent la mise en œuvre d’un projet personnalisé d’interventions dans les trois mois qui suivent le dépistage de troubles du développement. Or les prises en charge individuelles intensives sont encore très insuffisantes. La réorganisation sur l’ensemble du territoire des services et structures de prise en charge précoce apparaît aujourd’hui nécessaire.

1.   La Cour des comptes préconise des SESSAD spécialisés dans les interventions précoces

Pour développer l’offre d’interventions précoces, le 3ème plan autisme prévoyait de créer des Services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) spécialisés dans les prises en charge précoces.

La Cour constate que l’objectif de création de 300 places dans ces SESSAD précoces n’a pas été atteint. De plus, elle souligne l’absence de dispositif de remontée d’information sur leur déploiement, ainsi que l’absence d’évaluation des SESSAD effectivement créés.

Elle recommande, afin de renforcer l’offre en matière d’interventions précoces sur l’ensemble du territoire, de déployer dans chaque territoire de santé un SESSAD spécialisé dans les interventions précoces.

Les auditions et tables rondes menées par les rapporteurs ont fait apparaître que la création de structures spécialisées, bien que nécessaires, induit le risque d’augmenter les ruptures de parcours de l’enfant à la sortie de la structure. Une action de coordination et d’organisation de l’offre sur le territoire apparaît donc nécessaire pour que les effets positifs de la prise en charge précoce ne soient pas compromis par la suite.

2.   Instituer des plateformes d’intervention précoce impliquant les professionnels libéraux

Dans le cadre de la méthode de l’intégration de l’offre de services, l’ARS de Haute‑Normandie a créé quatre plateformes d’interventions précoces. Ces plateformes, adossées à des structures médico-sociales sont constituées de personnels formés aux méthodes psycho-éducatives et comportementales, notamment à la méthode de Denver, et accueillent des enfants âgés de 18 à 36 mois.

À la fin de leur prise en charge par la plateforme, les enfants sont réorientés vers des structures de droit commun (CMPP, CAMSP, etc.). Un effort de formation et de sensibilisation a été fait auprès de ces structures afin d’assurer la continuité des prises en charge grâce à l’utilisation de méthodes analogues.

Cette mise en cohérence des acteurs, couplée à la mise en place d’espaces d’échanges entre eux, permet d’assurer la cohérence du parcours de l’enfant. Les rapporteurs proposent d’établir un modèle de déploiement de l’offre d’intervention comparable sur l’ensemble du territoire.

Cependant les établissements sanitaires et médico-sociaux ne peuvent répondre seuls à l’ensemble des besoins. Aussi il est nécessaire de pouvoir s’appuyer en complément sur des intervenants libéraux, tels que des psychologues, des psychomotriciens, des orthophonistes ou des ergothérapeutes. Pour cela un référentiel des prestations effectuées par les établissements et pouvant être complétées par un intervenant libéral choisi par la famille doit être établi.

La Stratégie nationale pour l’autisme prévoit de confier aux « plateformes d’intervention et de coordination “Autisme-Troubles du neuro-développement” de 2ème ligne » une mission d’organisation et de coordination des interventions des professionnels libéraux. Ces plateformes seraient alors en mesure d’assurer la cohérence de l’offre dans les territoires et ainsi de permettre une meilleure prise en charge précoce des enfants présentant des TSA.

Proposition n° 4 : Instituer, dans le cadre de l’offre de services intégrée, des plateformes d’intervention précoce impliquant également les professionnels du secteur libéral.


II.   AMÉLIORER LES MÉTHODES D’INTERVENTION ET DE PRISE EN CHARGE

L’évaluation de la Cour des comptes consacre un long chapitre aux progrès insuffisants de la prise en charge des enfants souffrant d’autisme, malgré les objectifs nombreux promus par le troisième plan. Le retard constaté intervient dans plusieurs domaines.

La création de places nouvelles en hébergement et en services a été significative, avec 937 places créées par an entre 2008 et 2016, soit 7 500 places au total sur la période. Cet effort significatif ne représentait cependant que la moitié des créations prévues à l’issue du troisième plan, dont l’ambition était de réduire les listes d’attente importantes dans les établissements accueillant les enfants. L’effort se poursuit en 2017 et 2018, mais la Cour constate que les contentieux, les flux de départ et les témoignages des familles et des aidants ne font pas ressortir d’amélioration décisive de la situation.

L’amélioration qualitative de l’offre était aussi un objectif essentiel du troisième plan : en finir avec les offres inspirées des approches psychanalytiques, assurer partout sur le territoire une offre structurée et coordonnée, procéder à une mise à niveau de l’offre médico-sociale pour qu’elle intègre les recommandations de bonne pratique de la HAS et de l’ANESM.

La Cour regrette qu’il soit impossible de savoir dans quelle mesure l’offre de places créée a permis de répondre aux besoins ; qu’en outre les données prospectives soient absentes des prévisions des départements, dont très peu ont construit une analyse à partir des taux de prévalence de l’autisme.

Quant à l’amélioration qualitative, les rapporteurs constatent aussi qu’il s’agit d’un enjeu « encore très partiellement atteint dans les secteurs psychiatriques », avec une mise à niveau des établissements sociaux et médico‑sociaux « confuse et peu documentée ».

Le chantier est donc encore très important, et l’action publique doit prendre place avec un volontarisme renouvelé sur le plan de la formation initiale et continue, sur le plan de l’application effective des bonnes pratiques (et de son contrôle), sur l’orientation conditionnée des financements, et enfin, sur le plan de la visibilité des professionnels formés aux bonnes pratiques.

A.   FORMER LES PROFESSIONNELS AUX SAVOIRS ET COMPÉTENCES ACTUALISÉS SUR LAUTISME ET LE NEURO-DÉVELOPPEMENT

La Cour des comptes constate les lacunes importantes de l’information et de la formation des professionnels sur l’autisme tant en ce qui concerne les médecins, les personnels des MDPH, les personnels du secteur social et médico‑social que des professionnels d’autres institutions intervenant à un titre ou à un autre comme l’école, la justice (lorsqu’elle est saisie en cas de placement de l’enfant autiste par les services sociaux). Cette méconnaissance et cette absence de formation sont aussi largement dénoncées par les associations.

Après avoir rapidement décrit les principales méthodes d’intervention (ABA, TEACCH, programme de Denver, PECS) bénéficiant d’un consensus international, la Cour rappelle que la HAS et l’ANESM ont publié des RBP en mars 2012 intitulées « Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent ».

Elle considère que les pouvoirs publics n’ont pas pris suffisamment de dispositions pour s’assurer de l’effectivité du respect des RBP par les structures d’accueil, constat partagé par les associations. Cette affirmation est notamment étayée par les résultats d’un programme de visites dans les hôpitaux de jour mené par les ARS qui semblent varier d’une région à l’autre (un tiers seulement de respect des RBP en Aquitaine, par exemple).

L’enjeu de la formation est extrêmement important et concerne tant la formation initiale que la formation continue.

1.   Former des professionnels à la prise en charge de l’autisme, en intégrant les recommandations de bonne pratique

La Cour fait le constat du déficit de connaissance en matière de prise en charge des TSA chez les médecins généralistes, et dans une moindre mesure, chez les pédiatres et les psychiatres. Ainsi, dans le sondage réalisé auprès de ces professionnels, les médecins reconnaissaient pour plus de 50 % d’entre eux avoir une mauvaise connaissance des pratiques de diagnostic des troubles autistiques et pour 62 % une connaissance insuffisante de la prise en charge de ces troubles ; 35 % des généralistes ne connaissaient aucune méthode de prise en charge éducative. Près de la moitié des généralistes reconnaissait n’avoir reçu aucune formation initiale ou continue.

Les pédiatres et les psychiatres sont proportionnellement plus nombreux à connaître les troubles autistiques ; cependant les méthodes de prise en charge les plus connues des psychiatres sont les psychodynamiques (rejetées par les bonnes pratiques) et les intégratives (non mentionnées dans les méthodes les plus efficaces). Les méthodes recommandées comme les plus efficaces et fondées sur les avancées récentes des neurosciences ne sont donc pas connues de la majorité des praticiens « de première ligne ».

L’intégration des recommandations de bonne pratique dans les cursus de formation initiale n’a pas jusqu’à présent été réalisée de manière exhaustive, ce qui laisse perdurer dans certaines formations des références à l’autisme comme psychose ou à l’utilité de l’intervention psychanalytique sur un mode thérapeutique.

Les établissements et services dédiés à l’autisme rencontrent d’importants problèmes de recrutement de personnels qualifiés ; ainsi que l’a souligné Mme Danièle Langloys, présidente de Autisme France, « même les services qui souhaitent mettre en œuvre correctement les RBP ne le peuvent pas à cause du manque de professionnels compétents ». Particulièrement, les psychologues du développement sont trop rares, alors qu’ils sont nécessaires pour faire les évaluations fonctionnelles dans les établissements ; le problème est accru par le fait que ces professionnels une fois formés, par exemple dans un SESSAD, vont travailler dans le secteur libéral, offrant plus de marges de manœuvre et une meilleure rémunération.

Les facultés de médecine et de psychiatrie tiennent compte, en principe, des nouvelles données de la science, de l’ouverture aux neurosciences et des recommandations des autorités. Les épreuves classantes nationales (ECN) des études de médecine intègrent dans leur matériau pédagogique l’intégralité des recommandations de la HAS. Les premiers lecteurs de ces recommandations sont donc les étudiants qui passent ces examens, ce qui va permettre de mieux former les nouvelles générations de médecins.

Pourtant, nombre des personnes auditionnées ont souligné que l’autisme était probablement la seule pathologie pour laquelle les RBP ne sont pas enseignées par les universitaires. Les professeurs de médecine resteraient très critiques vis‑à‑vis des recommandations, ce qui ne facilite pas leur diffusion ni la crédibilité des formations mises en place par les ARS.

La France a également beaucoup de retard sur la place des psychologues dans le système de santé. Les psychologues sont souvent critiqués par les associations comme ne connaissant pour la plupart d’entre eux que les thérapies psychanalytiques. Ils sont insuffisamment formés aux thérapies cognitivo-comportementales (TCC) alors que de très nombreuses études ont démontré leur efficacité pour améliorer le langage et les capacités cognitives, et que l’assurance maladie les privilégie. Réformer les formations initiales des psychologues se heurte toujours à l’argument selon lequel « les universités sont autonomes », alors qu’elles délivrent un diplôme d’État.

Enfin, la formation initiale n’a jamais été refondue pour les métiers nécessaires à la prise en charge dans les établissements et services médico‑sociaux, c’est‑à‑dire les psychologues du développement et les travailleurs sociaux.

Le constat dressé tant par la Cour que par les rapporteurs est donc assez négatif et appelle un travail considérable de la part du Gouvernement.

La Stratégie nationale pour l’autisme prévoit de :

Les rapporteurs prennent acte de ces actualisations indispensables.

Ils souhaitent également attirer l’attention sur le déficit de professionnels autres que médicaux pour la prise en charge et l’accompagnement des personnes avec TSA : travailleurs sociaux formés dans le domaine de l’autisme, thérapeutes pratiquant la remédiation cognitive ou la rééducation des habiletés sociales, ou encore les psychologues du développement. Enfin l’accès des familles aux orthophonistes est particulièrement difficile avec des listes d’attente beaucoup trop longues et le numerus clausus d’accès à la profession est trop restreint pour espérer une amélioration significative dans un proche avenir : les études préparatoires au certificat de capacité d’orthophoniste n’ont admis que 841 étudiants pour la présente année scolaire, chiffre sans augmentation par rapport à l’année précédente.

Proposition n° 5 : Accroître le nombre de professionnels formés aux TSA en développant les formations spécialisées :

– ouvrir de nouvelles formations universitaires (masters et DU) de travail social spécialisées dans le domaine de l’autisme ;

– relever le numerus clausus de l’accès au certificat de capacité d’orthophoniste ;

– former davantage de thérapeutes et de psychologues du développement aux stratégies de remédiation cognitive ou de rééducation des habiletés sociales.

 

Proposition n° 6 : Dans le cadre de la rénovation des maquettes et référentiels prévue par la Stratégie nationale pour l’autisme, accorder une attention particulière à :

– la réforme des formations initiales des professions de santé intervenant auprès des personnes autistes, en y incluant notamment des modules relatifs aux thérapies cognitivo‑comportementales (TCC) ;

– la refonte des formations du travail social et leur évaluation ;

– la formation des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH).

2.   Rénover la formation continue pour assurer la diffusion et l’actualisation des bonnes pratiques

Dans le champ de la formation des travailleurs sociaux et des professions de santé (psychomotriciens, ergothérapeutes, etc.), la prise en compte des recommandations est très diverse et semble être largement dépendante de la volonté des enseignants.

Le 3ème plan autisme comme le plan d’action en faveur du travail social et du développement social annonçaient comme objectif la mise en place ou le développement de formations pluri-professionnelles. Cependant, très peu ont finalement été portées par les acteurs habituels du financement de la formation continue, que ce soit les organismes paritaires collecteurs agréés pour les établissements et services médico‑sociaux ou l’ANFH CNFPT pour la fonction publique hospitalière et territoriale. Les exemples ont été très peu nombreux, car il est apparu qu’il est plus facile, pour les établissements, d’organiser des formations en dehors de la formation professionnelle continue ou du droit individuel à la formation, que de passer par les vecteurs classiques du financement de la formation continue.

Quelques personnes auditionnées ont témoigné de l’extrême difficulté de monter des formations continues réunissant des professionnels d’horizons divers : chacun des organismes collecteurs ou mutualisateurs doit valider les financements, le nombre d’heures, vérifier que la formation est bien considérée comme certifiante… En revanche, organiser la formation dans le cadre de dispositifs plus souples, favorisés par une équipe qui mutualise des éléments de formation, est beaucoup plus facile. Les pôles de compétences et de prestations externalisés (PCPE), créés par les ARS à partir de 2016 pour contribuer à la transformation de l’offre et aider les familles à mettre en place un accompagnement, semblent bien remplir ce rôle de formation d’un groupe de professionnels appartenant à différentes institutions.

La Stratégie nationale pour l’autisme prévoit de déployer des programmes de formation continue diffusant les derniers acquis scientifiques.

Prenant en considération les initiatives et expériences très pertinentes mises en place dans les territoires, les rapporteurs appellent à actualiser et renforcer la formation continue.

Ces efforts concerneraient tout d’abord la mission de formation qui appartient aux CRA. Ceux‑ci doivent établir des conventions avec les organismes de formation des professions intervenant dans la prise en charge de l’autisme, afin d’orienter les professionnels actuels et futurs vers des formations vérifiées et actualisées.

L’intervention d’équipes mobiles dans les structures de prise en charge semble particulièrement indiquée afin de rattraper le retard de notre pays : cette solution a été mise en œuvre par certaines ARS en lien avec le CRA, et a permis de toucher de nombreux professionnels.

Enfin, l’évaluation des formations est un chantier qui n’a pas encore été ouvert, pas davantage que l’évaluation des autres composantes de la politique de prise en charge de l’autisme.

Proposition n° 7 : Veiller au déploiement de la formation continue sur l’ensemble du territoire :

– généraliser les conventions entre les CRA et les organismes de formation au niveau local ;

– développer les équipes mobiles effectuant des formations continues pluri‑professionnelles ;

– évaluer les formations continues au regard des changements de pratiques.

Les rapporteurs se félicitent du volontarisme affiché par la Stratégie. Ils émettent cependant deux réflexions. Tout d’abord, les étudiants et les professionnels, intéressés par une formation sur l’autisme et les TSA ou sur la prise en charge des personnes qui en sont atteintes, n’ont actuellement aucun moyen de savoir vers quelles formations actualisées et pertinentes se diriger. Par ailleurs, la rénovation des maquettes et des référentiels des formations pourra demander un certain temps, tant pour leur définition que pour leur mise en œuvre concrète par les établissements d’enseignement.

Pour ces deux raisons, ils souhaitent vivement qu’un annuaire des formations initiales et continues dispensant un enseignement prenant en compte les connaissances actualisées des neurosciences et les recommandations de bonne pratique de la Haute autorité de santé, soit élaboré, à l’initiative de la délégation interministérielle à la Stratégie nationale pour l’autisme.

Cette clarification pourrait entraîner un « cercle vertueux », les établissements d’enseignement supérieur et de formation continue ayant tout intérêt à se voir ainsi « labellisés » positivement.

Proposition n° 8 : Élaborer un annuaire des formations initiales et continues prenant en compte les connaissances actualisées des neurosciences et intégrant les recommandations de bonne pratique publiées par la Haute autorité de santé.

B.   ASSURER UNE APPLICATION EFFECTIVE DES RECOMMANDATIONS DE BONNE PRATIQUE

Un consensus existe aujourd’hui sur les pratiques à proscrire dans le domaine de la prise en charge des troubles autistiques, comme les approches psychanalytiques ou le recours excessif aux traitements médicamenteux. Les recommandations de bonne pratique publiées en 2012, puis en 2018, par la Haute autorité de santé devraient être mises en œuvre dans les meilleurs délais par les professionnels auxquels elles sont destinées. Ce n’est pourtant pas encore le cas.

Les missions de la HAS telles que définies par l’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale, consistent dans ce domaine à : « (…) élaborer les guides de bon usage des soins ou les recommandations de bonne pratique, procéder à leur diffusion et contribuer à linformation des professionnels de santé et du public dans ces domaines (…) ». Leur portée juridique relève, selon le Conseil d’État, du champ du droit souple. La jurisprudence du Conseil d’État considère qu’elles relèvent bien des décisions administratives faisant grief, ce qui ouvre un droit à contestation pour excès de pouvoir devant le juge administratif à toute personne ou structure, patient ou professionnel. Pourtant, elles ne revêtent pas pour autant au fond un caractère normatif : ce sont des documents scientifiques émis par des institutions publiques, mais elles n’ont pas de portée obligatoire.

La Haute autorité de santé ne dispose par conséquent que de moyens très limités pour faire respecter les recommandations qu’elle a édictées.

1.   Remédier à l’absence de suivi et de contrôle de la mise en œuvre des recommandations de la Haute autorité de santé

L’opposabilité des recommandations de bonne pratique de la HAS est, comme l’ont souligné ses représentants lors de leur audition par les rapporteurs, une réelle préoccupation qui se présente différemment dans le champ sanitaire et dans le champ médico‑social. Concernant leur application et leur évaluation, la HAS n’a aucune mission spécifique.

Si la certification (ou évaluation de la qualité des soins) des établissements donne l’occasion de caractériser les pratiques des établissements sanitaires – et à compter du 1er avril 2018, des établissements et services sociaux et médico‑sociaux (ESSMS) également – l’approche générale et transversale de cette certification ne permet pas un contrôle thématique par filière de soins. Seule la méthode du patient traceur, introduite par la version 2014 de la certification, peut, occasionnellement et dans les seuls établissements concernés, contribuer ponctuellement à un contrôle des pratiques ([5]).

En ce qui concerne les établissements de santé, la HAS prépare une rénovation de la procédure de certification qui s’appliquera à partir de 2020. Dans ce cadre un dispositif spécifique pour les structures de santé mentale et de pédopsychiatrie pourrait être envisagé.

Concernant les ESSMS de santé mentale et de pédopsychiatrie, et conformément aux recommandations de l’IGAS, la HAS va s’attacher à produire un cadre de référence adapté à chaque catégorie d’ESSMS. Le secteur des ESSMS répond en effet à des appels à projets fondés sur des référentiels : le référentiel d’évaluation pourrait inclure expressément les recommandations de bonne pratique sur la prise en charge de l’autisme.

À cette absence de contrôle de la mise en œuvre des recommandations de bonne pratique, s’ajoute la méconnaissance par les ARS des pratiques des structures et des services, pour lesquels on manque de référentiels.

Interrogées par la Cour des comptes sur les conséquences d’un non‑respect persistant des recommandations, près de 80 % des ARS citent la signature d’un plan d’actions, les deux tiers des actions de formation à destination des personnels et, dans une moindre mesure (57 %), le déclenchement d’une inspection. D’éventuelles mesures plus volontaristes sont également citées par quelques ARS : quatre d’entre elles envisagent la modification de l’agrément (Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine et Normandie), deux, des sanctions financières (Normandie et Nouvelle-Aquitaine) et deux également, un possible retrait d’autorisation (Normandie et Guadeloupe).

La loi de 2002 avait posé le principe de référentiels par typologie de structures mais ceux‑ci n’ont pas été mis en place jusqu’ici par l’ANESM, dont c’était la mission. M. Dominique Maigne, alors directeur de la Haute autorité de santé (laquelle s’apprête à reprendre les compétences, à législation constante, en matière d’évaluation, de l’ANESM), a indiqué aux rapporteurs que l’objectif prévu en ce domaine sera « dobjectiver et doutiller les évaluations internes et externes à produire » dans le cadre de cette approche référentielle par typologie de structures. L’objet des référentiels est de mieux définir les attendus de soins et d’accompagnement en fonction des établissements et de leurs particularités.

Les rapporteurs approuvent la mise en place d’un ensemble de référentiels adaptés à chaque type de structure, qui intégreront la mise en œuvre des bonnes pratiques. Ils souhaitent que l’adoption de la prochaine certification des établissements par la Haute autorité de santé intègre des éléments clairs et directifs applicables aux structures de santé mentale et de pédopsychiatrie.

Ils considèrent par ailleurs que les ARS doivent intervenir pour favoriser la formation de la chaîne de professionnels participant à la prise en charge de l’autisme. Elles devraient se voir confier la mission d’évaluer les structures accueillant les personnes autistes et les méthodes de prise en charge qui sont mises en œuvre. Elles devront pouvoir contrôler le respect des référentiels qui seront établis et tirer les conséquences de lacunes ou de manquements.

Proposition 9 : Renforcer le contrôle des pratiques ayant cours dans les établissements et services médico-sociaux :

– insérer un dispositif spécifique, dans le cadre du renouvellement de la certification, pour les structures de santé mentale et de pédopsychiatrie ;

– mettre en place l’approche référentielle par typologie de structures pour définir les attendus qui leur sont applicables, incluant les recommandations de la Haute autorité de santé.

 

Proposition n° 10 : Renforcer l’évaluation des services médico-sociaux :

– permettre aux ARS d’évaluer les structures et leurs méthodes de prise en charge en révisant le cadre réglementaire en vigueur ;

– établir des référentiels de bonne pratique opposables aux professionnels notamment médico‑sociaux.

2.   Diriger les financements vers les prises en charge conformes aux recommandations de bonne pratique

Malgré l’ancienneté de la publication des recommandations de bonne pratique – 2012 –, les rapporteurs ont recueilli des témoignages selon lesquels des associations gestionnaires d’établissements dans lesquels les équipes n’ont pas de formation spécifique à l’autisme, ou encore développent une approche psychanalytique, remportent des appels à projets.

Ces dérives mettent réellement en doute le système de l’appel à projet, dont les administrations de santé reconnaissent qu’il n’est pas parfait, mais considèrent qu’il peut être un levier pour faire passer un certain nombre de messages relatifs aux bonnes pratiques et à la définition d’un cadre de prise en charge.

Le début d’une conditionnalité de l’allocation des crédits est apparu avec le 3ème plan « autisme » : celui-ci permettait de conditionner une partie des crédits prévus pour le renforcement de l’offre à une démarche d’amélioration de la qualité et d’évolution des pratiques, pour 20 % des crédits nationaux (un peu moins de 40 millions). Cela a été fait en liant l’allocation de ces crédits à un état des lieux des pratiques dans les territoires, en identifiant les axes prioritaires d’amélioration de la qualité et d’application des RBP.

Un référentiel de diagnostic a été établi par la CNSA afin de faciliter le dialogue entre les ARS et les établissements sur ces axes prioritaires. Les crédits ont été utilisés pour renforcer des établissements ou pour porter des dispositifs innovants. Le représentant de la CNSA, entendu par les rapporteurs, a souligné que le 3ème plan a permis d’améliorer la qualité des prises en charge par l’allocation des ressources.

Les rapporteurs prennent acte de cet infléchissement des orientations grâce à la possibilité de conditionner 20 % des crédits à une évolution positive vers la mise en œuvre des RBP. Ils considèrent cependant qu’il faut aller beaucoup plus loin et plus rapidement.

En effet, ils sont inquiets de la capacité, ou de l’incapacité, des agences régionales de santé à assurer une animation territoriale exigeante pour faire émerger des projets prenant en compte les avancées des sciences et les recommandations de bonne pratique. Ils ne peuvent admettre que le respect des RBP ait un caractère déclaratif et que le contrôle des prises en charge effectuées ne soit pas systématiquement effectué.

Proposition n° 11 : Orienter les financements et les prises en charge publics :

– poursuivre la conditionnalité des crédits destinés au renforcement de l’offre à l’amélioration de la qualité et à l’évolution des pratiques ;

– introduire systématiquement les référentiels de bonne pratique dans les appels à projets.

Des leviers d’amélioration existent cependant.

Un premier levier pourra être employé avec le système d’information des MDPH en cours de déploiement sur tout le territoire : il est prévu que les établissements et services médico‑sociaux remplissent une fiche décrivant leurs prestations, en suivant les modalités décrites dans le nouveau modèle tarifaire SERAFIN (lequel réforme la tarification des établissements et des services médico-sociaux pour personnes handicapées). Le déploiement de ce système pourrait permettre de vérifier qu’un certain nombre d’indicateurs de qualité des interventions sont renseignés par les établissements.

Avec les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) qu’elles doivent signer avec chaque établissement, les ARS disposent d’un levier concret pour une diffusion rapide des RBP, des nouveaux outils ou des nouvelles techniques d’intervention.

Les volets « démarche qualité » et « application des RBP » doivent être renforcés dans ce cadre. Certaines ARS ont utilisé la contractualisation pour passer en revue la conformité aux RBP : ce travail les a conduites à déclencher une inspection dans des établissements, voire à insérer un établissement dans une démarche de suivi.

La contractualisation peut comporter une exigence en matière de mise à jour des formations des professionnels employés par la structure : il est possible d’imposer les formations indispensables à une bonne prise en charge dans le contrat.

Les rapporteurs considèrent que les ARS devraient mettre en œuvre systématiquement dès à présent le levier que constitue la signature du CPOM avec les établissements, en renforçant la démarche qualité et la référence aux formations dans les cahiers des charges et dans les contrats.

La Cour des comptes recommande par ailleurs d’élaborer des cahiers des charges pour les dispositifs d’accompagnement inclusifs de type SESSAD.

Proposition n° 12 : Faire des bonnes pratiques un préalable à la contractualisation :

– renforcer les volets démarche qualité, formation et application des recommandations de bonne pratique lors de la négociation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) ;

– prévoir la mise en œuvre des recommandations de bonne pratique dans le cadre de la contractualisation.

C.   RENDRE PLUS VISIBLES LES PROFESSIONNELS METTANT EN ŒUVRE LES RECOMMANDATIONS DE BONNE PRATIQUE

Ainsi qu’en ont témoigné les associations entendues, l’information correcte des familles est une difficulté majeure. La manière de procéder est actuellement de se rendre dans un CRA et demander des noms de professionnels : or si certains CRA orientent bien, mais en pratiquant uniquement le « bouche à oreille », beaucoup de familles ne savent pas que cette démarche est possible. Certains CRA ont mis en ligne une liste de professionnels, ce qui représente une prise de risques puisqu’un professionnel de santé n’est pas habilité à donner les coordonnées d’un autre professionnel de santé.

La Cour constate que l’objectif de l’intervention précoce pour tous les enfants concernés est central, mais qu’il suppose d’identifier les opérateurs capables de proposer des actions conformes aux recommandations de la HAS et de l’ANESM.

Les observations de la Cour sur le terrain ont montré que nombre de structures chargées du diagnostic considèrent qu’il est de leur mission de prolonger le diagnostic par une prise en charge pluridisciplinaire : celle‑ci sera mise en place de manière très variable car dépendant des ressources professionnelles disponibles localement d’où des méthodes et des références disparates, des fréquences d’intervention variables et en général insuffisantes et éloignées des schémas d’interventions personnalisées prévues par les RBP de 2012, selon lesquelles ces interventions doivent être « fondées sur une approche éducative comportementale et développementale, avec un taux dencadrement dun adulte par enfant, à un rythme dau moins 25 heures par semaine, par des intervenants formés pour lessentiel de ce temps… ».

Si l’accès d’un enfant à une unité d’enseignement en maternelle (UEM) ou à une place de SESSAD lui permet d’intégrer un schéma d’interventions conforme aux bonnes pratiques, ce n’est pas la situation la plus fréquente.

Les associations ont exprimé le désarroi des parents face à la dispersion des propositions, voire à leur absence, dans les cas les plus douloureux. Comme l’a exprimé Mme Lydia Millot, « la situation est désespérée sur le terrain, parce que malgré tout ce quon dit on continue denvoyer des enfants de sept ans en Belgique », ajoutant que « les systèmes sont tellement lourds et tellement stratifiés et dispersés, que finalement on na pas les moyens didentifier ce que lon pourrait faire pour certains enfants ou certaines personnes ».

1.   Recenser dans chaque région les établissements et les services

La déléguée interministérielle nommée pour la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’autisme a indiqué aux rapporteurs son objectif de conduire un recensement des établissements et services mettant en œuvre les recommandations de bonne pratique. La Stratégie nationale prévoit, dans le cadre de la mise en place des « plateformes d’orientation et de régulation autisme – troubles du neuro-développement », de créer un annuaire de ressources de proximité pour que ces plateformes puissent orienter, notamment par téléphone, les personnes, leurs familles ainsi que les professionnels de l’autisme.

Une première expérience de recensement, dans un répertoire, des établissements et des services médico-sociaux a été réalisée par le CRA Rhône‑Alpes, qui a lancé en 2009 le Livret autisme Rhône-Alpes (LARA), en partenariat avec le centre régional d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité.

Chaque structure médico-sociale devait remplir un livret en indiquant différents renseignements sur l’identité de la structure, son fonctionnement, les personnes accueillies, les moyens en personnel, les références théoriques, les formations engagées, le type d’accompagnement, l’aspect médical et les relations avec les familles. Ces livrets sont rendus publics sur le site internet du CRA et une cartographie des différents organismes accueillant les personnes avec TSA est établie. Ce dispositif répertorie près de 160 structures, donnant une image relativement précise de ce que chaque établissement ou service peut proposer comme type de programme, pour quel public, avec quel niveau d’intervention et quel volume horaire. Une nouvelle génération du livret, devenu LARA, a été lancée en 2017. Toutefois les informations recueillies n’ont pas encore été rendues publiques, et la plateforme en ligne dédiée n’est pas consultable à ce jour. Cette action devrait s’élargir en intégrant un livret dédié au secteur sanitaire.

Néanmoins, il faut souligner que ces données restent purement déclaratives et aucun contrôle, outre d’éventuels signalements des familles, n’est effectué pour vérifier la véracité des informations fournies. Ces livrets n’ont qu’une valeur informative et ne constituent pas un outil de labélisation ou de certification.

Certaines associations demandent la labélisation d’un certain nombre de professionnels, de santé ou non, dont les personnes autistes et leur famille ont besoin. Les recommandations de 2012 prévoyaient la création d’un répertoire national, qui n’a pas reçu de mise en œuvre concrète. Si cette réalisation est probablement trop ambitieuse à un niveau national, elle doit être conduite au niveau local, afin d’identifier les professionnels qui peuvent poser un diagnostic et ceux qui peuvent apporter un soutien et mettre en place des interventions.

Mme Danièle Langloys de Autisme France a souligné que la mise en avant des bons professionnels doit intégrer aussi l’offre libérale : « loffre médicosociale nest plus le seul réflexe à avoir puisquon ny trouve – sauf exceptions – ni orthophonistes ni psychologues du développement compétents. Beaucoup de SESSAD, qui au départ étaient excellents, chutent parce que leurs bons psychologues vont voir ailleurs, dans le libéral ». Elle a souligné que les prix dans le secteur libéral varient entre 30 et 150 euros, sans garantie de la qualité, avec des psychologues qui se disent compétents en matière d’autisme sans l’être, puisqu’il n’y a aucune régulation de cette profession non répertoriée comme profession de santé. Les familles sont donc victimes de cette situation sur laquelle elles n’ont aucune prise.

Les rapporteurs souhaiteraient que les professionnels du secteur libéral soient également incités à actualiser leur formation à l’autisme s’ils n’en ont pas reçu auparavant, en entrant dans une démarche de valorisation de leur compétence en matière de diagnostic et de prise en charge.

Proposition n° 13 : Recenser les professionnels qui appliquent les recommandations de bonne pratique :

– conduire un recensement des établissements et services mettant en œuvre les recommandations de bonne pratique ;

– créer des répertoires régionaux recensant les professionnels de diagnostic, de prise en charge et d’accompagnement des personnes avec TSA ;

– proposer aux professionnels du secteur libéral de s’inscrire dans une démarche de certification mettant en valeur leur formation à l’autisme.

2.   Mieux informer les familles

Mme Claire Compagnon, qui a présidé le comité de pilotage d’élaboration de la Stratégie, a reconnu lors de son audition qu’il fallait rendre visibles les bons professionnels « pour que les familles sachent à quel moment elles ont le bon professionnel et ne soient pas victimes de cette roulette russe ». Il convient selon elle de donner aux familles « les bons vecteurs dinformations », afin qu’elles aient les moyens de choisir et d’être acteur de la prise en charge.

Apporter aux familles une lisibilité sur le rôle et le positionnement des différents acteurs au niveau de chaque territoire est selon les rapporteurs un objectif essentiel à mettre en œuvre à court terme.

Deux schémas ont été présentés aux rapporteurs pour améliorer l’information des familles.

Le premier serait une information accessible sur les sites internet des CRA, avec l’appui du GNCRA dès que son site sera opérationnel, soit au deuxième semestre 2018.

Le second est le projet de service d’information de l’association Autisme Info Service, créée début 2018 pour mettre en place un service d’information à destination des personnes autistes, de leurs familles et des professionnels intervenant auprès d’eux. Ce projet mobilise plusieurs associations dont notamment la Fondation Autisme, Agir et Vivre l’Autisme ou encore Autistes sans Frontières.

Ce service s’inspire de plateformes déjà existantes telles qu’Allo France Alzheimer ou Maladies Rares Infos Services, et devrait voir le jour à la rentrée 2018. Il comprendra un site internet et un centre d’appels téléphoniques. L’objectif de ce service sera notamment d’apporter un soutien dans le domaine médical et de l’accompagnement, administratif et juridique. Le budget annoncé par le promoteur du projet, M. Florent Chapel, entendu par les rapporteurs, serait de l’ordre de 500 000 euros annuels et devrait être financé à la fois par des fonds privés et des fonds publics. Le dispositif devrait mobiliser 13 personnes dont 6 experts. La plateforme devrait mutualiser les ressources et les connaissances sur l’autisme, provenant de l’ensemble du territoire. Pour l’Île‑de‑France, elle s’appuiera notamment sur les deux outils déjà existants mis en œuvre par le CRA : le système BASIL et l’annuaire Tamis ([6]).

Les rapporteurs s’interrogent sur le lien à faire entre les deux dispositifs : l’information précise et accessible des familles relève bien de la mission des CRA, mais encore faut‑il qu’ils puissent recommander des professionnels clairement. Le dispositif d’Autisme Info Service peut disposer d’une latitude plus grande pour élaborer la liste des professionnels à recommander, en étant à l’écoute des familles par le biais des différentes associations qui participeront à la remontée des informations.

La Stratégie nationale annonce un service d’information « autisme–TND » au sein d’un service d’information plus global pour l’ensemble du handicap sur le modèle du site internet consacré aux personnes âgées. Une « cartographie des services et de leurs caractéristiques par région » sera disponible, en utilisant les ressources des CRA et les répertoires régionaux des ressources de santé à destination des professionnels.

Les rapporteurs souscrivent à cette annonce qui permettrait de combler les lacunes des dispositifs actuels d’information qui sont très variables selon les régions et les outils mis en place. Ils considèrent indispensable d’améliorer l’information des familles grâce à deux outils essentiels. Le premier est un service d’accueil et d’orientation pour délivrer une première information sur les démarches à entreprendre et les professionnels ou services à contacter : le projet d’Autisme Info Service paraît bien répondre à ce besoin. Le second est la mise à disposition d’un annuaire des structures disposant de personnel formé à l’autisme et des professionnels libéraux ayant reçu une telle formation.

Proposition n° 14 : Renforcer l’information des familles :

– créer un service d’accueil et d’orientation des familles afin de leur donner les premières informations et les diriger vers les professionnels de diagnostic ou de prise en charge ;

– mettre à la disposition des personnes avec TSA et de leur famille un annuaire des structures disposant de personnel formé à l’autisme et des professionnels libéraux ayant reçu une telle formation.

3.   S’appuyer sur les expériences de terrain et les diffuser au plan national

Les expérimentations mettant en œuvre des pratiques innovantes sont peu connues et mal répercutées auprès des professionnels et du public.

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs ont pu avoir connaissance de plusieurs expériences locales innovantes et à même d’améliorer significativement le parcours de vie des personnes avec TSA et de leur famille : qu’il s’agisse du diagnostic et de la prise en charge précoce avec la méthode d’intégration de services de l’ARS de Haute-Normandie, de la scolarisation avec le collège Georges-Rayet de Floirac, exemple d’intégration scolaire des enfants avec TSA, ou bien encore de l’accès à l’emploi avec l’entreprise Andros.

Ces retours d’expérience ont nourri et irrigué la réflexion des rapporteurs. Ils regrettent que ces réalisations et ces pratiques ne soient pas assez diffusées au plan national, afin d’inspirer des approches semblables. C’est pourquoi ils proposent de recenser, sous l’impulsion de la délégation interministérielle, les expériences particulièrement novatrices et efficaces réalisées dans les différents domaines de la prise en charge des personnes autistes, qu’il s’agisse d’organisation de prise en charge précoce, d’accompagnement des établissements scolaires, d’habitat inclusif ou de travail accompagné, pour ne citer que quelques exemples de sujets qui mériteraient d’être mieux connus au plan national.

Proposition n° 15 : Établir et diffuser un guide des expériences de référence.

D.   ASSOCIER LES FAMILLES, VALORISER LEXPRESSION DES USAGERS ET FACILITER LACCÈS AUX RÉCLAMATIONS

Les rapporteurs sont convaincus que l’association des familles et des usagers est indispensable dans tous les domaines de la politique de prise en charge de l’autisme.

Les associations entendues par les rapporteurs ont souligné que, si les patients et les familles n’ont pas de revendication sur la manière dont la prise en charge doit être structurée, elles sont compétentes en revanche pour exprimer les besoins des patients autistes et les réponses qu’il faut leur apporter. Le comité de pilotage préparatoire de la Stratégie a fait un pas en avant en réunissant à la fois des représentants des collectivités locales, les professionnels de santé, des associations de familles et des personnes autistes, ces dernières ayant participé systématiquement à chacun des groupes de travail comme au comité de pilotage.

Cette association étroite doit se poursuivre en donnant un rôle plus important aux patients et aux familles.

Par exemple, assurer une offre graduée nécessite d’identifier les équipes de proximité pour le repérage performant, puis la prise en charge d’une qualité conforme aux RBP. Pour parvenir à ce résultat, les plateformes régionales ou infrarégionales devront mener un travail collaboratif régulier avec les familles et les professionnels, y compris libéraux.

Les rapporteurs soulignent que, par exemple, c’est avec l’aide des familles que l’ARS de Normandie a pu élaborer son plan d’action régional autisme : les familles ont apporté leur aide pour construire le schéma d’intégration de l’offre de services, afin de permettre l’accès au bon service, au bon endroit, au bon moment, en optimisant les ressources, en s’appuyant sur les bonnes équipes et en veillant à faire évoluer régulièrement l’ensemble de l’offre. Les représentants de cette ARS ont insisté sur le partenariat au quotidien poursuivi avec les familles, qui co‑construisent la politique et sa mise en œuvre, qui en font le suivi et qui sont associées à un certain nombre de projets mis en place.

Selon plusieurs témoignages relayés par les associations entendues par les rapporteurs, si les familles osent contester la prise en charge proposée, elles sont parfois victimes d’acharnement de certains services hospitaliers. Les associations témoignent de cas de dénonciation des familles à l’aide sociale à l’enfance. De plus, ce sont les familles qui n’ont pas les moyens de financer des alternatives dans le secteur libéral qui doivent confier leur enfant à l’hôpital de jour car elles n’ont pas d’autre choix.

Ainsi que l’a confirmé M. Jérôme Dupont, pilote régional autisme à l’ARS de Normandie, l’accès à la réclamation, ou « à la plainte » – selon un terme québécois – pour les usagers est très difficile en France, contrairement aux pays anglo‑saxons. M. Dupont a cité l’exemple du Québec, où les services recevant les réclamations relèvent du conseil d’administration des établissements et non pas du directeur général, ce qui permet d’assurer la neutralité dans leur traitement.

M. Dupont a souligné l’importance de donner aux usagers la possibilité de mieux déclarer les difficultés qu’ils rencontrent, condition indispensable de l’amélioration du fonctionnement et de la qualité de service. Cette possibilité « change fondamentalement la lecture des services rendus à la population et force les équipes à se remettre en question sur leurs pratiques. Aujourdhui, et bien quon ait fait des progrès, les usagers ont très peu accès à une plainte, ne savent pas à qui sadresser et sils font remonter leur insatisfaction visàvis des services donnés au nom de leur établissement, il y a la menace de rompre le lien de confiance qui les unit à ce dernier. De ce fait beaucoup de parents restent sur la réserve par rapport à la qualité des services parce quils ont tout simplement peur que la qualité des services soit rompue ».

Les établissements mettent habituellement en œuvre chaque année un questionnaire de satisfaction, dont la restitution est effectuée devant le conseil d’administration de l’établissement, dans lequel siègent des représentants des usagers.

D’autre part, le conseil de vie sociale des établissements est l’organe auprès duquel les réclamations des usagers pourraient être portées, mais celui‑ci est, de fait, souvent un peu éloigné du terrain : sa position au‑dessus de plusieurs branches d’activité gérées par l’établissement fait que ses membres ne sont pas toujours informés de tous les incidents et toutes les difficultés rencontrées par les usagers ou le personnel.

Les rapporteurs estiment que les réclamations et les difficultés doivent être prises en compte de manière systématique, ce qui peut être mis en œuvre de deux manières. La première est la mise en place d’indicateurs de satisfaction pour les services et les structures de prise en charge et d’accompagnement des personnes autistes, ce qui permettra de contribuer à l’évaluation de la prise en charge. La seconde est de veiller à valoriser l’expression des usagers, et à s’assurer dans les contrats signés avec les établissements qu’une instance de réclamation et de conciliation sera accessible aux personnes et à leur famille, de préférence distincte de la direction de l’établissement.

Proposition n° 16 : Généraliser l’avis des usagers dans les processus d’évaluation des services :

– mettre en place des indicateurs de satisfaction pour les services de prise en charge et d’accompagnement ;

– valoriser l’expression des usagers et faciliter l’accès à une instance de réclamation et de conciliation de proximité.

E.   DÉCLOISONNER LOFFRE MÉDICO-SOCIALE

La Cour des comptes dénonce la mauvaise organisation de la réponse aux besoins des personnes autistes, qui fonctionne « en silos » c’est‑à‑dire avec des secteurs d’intervention – secteurs sanitaire, médico-social et social – cloisonnés, mal organisés pour communiquer et se coordonner pour prendre en charge une personne de la manière la plus adaptée à sa situation particulière. Il en résulte que beaucoup de personnes se trouvent dans des environnements inadaptés à leurs possibilités d’autonomie et leurs capacités de s’insérer dans une scolarité ou même dans l’emploi. Ainsi, des enfants ne sont pas scolarisés faute d’un appui structuré en cas de situation critique, des personnes qui pourraient vivre en habitat inclusif se trouvent en habitat médico-social, et de manière dramatique, des personnes sont en long séjour à l’hôpital psychiatrique faute d’avoir été orientées dans des structures d’aval plus adaptées.

De plus, le système français connaît des difficultés à coordonner dans une logique de parcours les réponses apportées par les établissements sanitaires ou médico‑sociaux d’un côté, et les professionnels libéraux de l’autre. Ce manque de coordination empêche de connaître les coûts consolidés de la prise en charge des personnes ; la Cour des comptes en a effectué le chiffrage le plus précis possible dans son évaluation.

1.   Coordonner les professionnels dans des projets de territoire très structurés

Des états des lieux critiques émanent également du niveau régional. Ainsi l’ARS de Normandie avait effectué un état des lieux en 2012, conformément aux instructions du 3ème plan autisme. Outre l’absence d’organisation graduée du diagnostic, qui a déjà été décrite, l’ARS a constaté la fragmentation et le cloisonnement de l’offre sanitaire, sociale et médico-sociale, le peu d’accompagnement adapté pour les enfants TSA en milieu scolaire, entrainant des risques de rupture de parcours et même de sur‑handicaps, et également la mauvaise lisibilité de l’offre, de plus mal articulée entre ses différentes composantes.

Les tables rondes organisées par la Cour des comptes en région ont témoigné du besoin de décloisonner les secteurs et d’établir la coordination entre eux, et avec l’éducation nationale, constatant que faute de coopération, nombre de projets n’aboutissent pas. On soulignera que la mise en œuvre du programme « réponse accompagnée pour tous » a permis dans certaines régions de mieux dialoguer. Les familles ont émis la demande de s’adresser à un interlocuteur unique, capable de coordonner les interventions de soin entre ESMS et libéral.

La Cour des comptes à l’issue de son évaluation recommande de procéder à l’avenir à un bilan national de la mise en œuvre du nouveau plan par les ARS afin d’identifier les meilleures pratiques organisationnelles, et de les diffuser.

Les rapporteurs ont été convaincus par l’organisation mise en place en région Normandie dans le cadre du 3ème plan, organisation qui s’est attaquée à la fois au retard très important en matière de diagnostics, à la fragmentation de l’offre de services, à l’errance et au manque d’information des familles et enfin au retard de certains établissements dans la mise en œuvre des recommandations de bonne pratique. L’intégration repose sur le partenariat entre trois acteurs – le pilote, les intervenants pivots et l’ARS – ainsi que sur le partenariat au quotidien avec les familles, qui co‑construisent la politique et sa mise en œuvre avec les acteurs cités.

La méthode de l’intégration de l’offre de services mise en œuvre dans la
région Normandie (ex‑Haute-Normandie)

Le pilotage de la politique

Repose sur le partenariat étroit entre l’ARS et le CRA :

– le CRA est le garant de la diffusion des bonnes pratiques et l’animateur du réseau ;

– l’ARS est en charge des politiques, avec un rôle de régulation de l’offre, d’autorisations et d’allocation des ressources.

Pilotage opérationnel : un pilote et 8 intervenants pivots.

Le pilote facilite l’échange entre les acteurs du sanitaire, du social et du médico-social en incluant systématiquement des représentants d’usagers : développer des liens de confiance et réaliser des projets co‑construits dans une démarche de co‑responsabilisation ;

Les intervenants pivots travaillent à la continuité du projet pour que les usagers trouvent un sens dans l’accompagnement donné à leur enfant ou à leur adulte. Ils remplissent une fonction de « case manager », avec des interventions dintensité variable, et peuvent intervenir à des moments clés du parcours sur des situations complexes comme pour des situations simples, sur des périodes longues ou courtes ;

Des équipes d’appui situées dans un établissement mais chargées de venir en appui à plusieurs établissements du territoire.

La structuration :

– Le diagnostic gradué repose sur une équipe de professionnels nombreux (pédiatres, des médecins de PMI, voire médecins généralistes) ;

– La prise en charge très précoce intervient sur quatre plateformes d’intervention avec la méthode de DENVER, avec des professionnels extrêmement bien formés à cette méthode ;

– Puis les enfants sont orientés vers des structures de droit commun (CMPP, CAMSP, etc.) qui vont assurer la continuité des prises en charge ;

– Un maximum d’acteurs sanitaires et d’associations d’usagers impliqués dans la réflexion pour contribuer à telle ou telle action (guidance parentale…).

Mettre en place cette organisation structurée a exigé deux à trois années de travail afin de rencontrer très régulièrement toutes les équipes et parvenir à l’harmonisation des pratiques ; il a également fallu former ou sensibiliser l’ensemble des acteurs de proximité pour atteindre une cohérence dans les parcours personnels des personnes avec TSA.

Les objectifs et les ambitions du point de vue de l’ARS étaient d’améliorer l’expérience des soins et de services (accès des services et satisfaction de l’usager) ; d’optimiser l’utilisation des ressources (efficience des services) et d’améliorer la santé de la population (efficacité des services et équité des services).

La notion dintégration suppose de maintenir à long terme une gouvernance commune entre les acteurs pour coordonner leurs actions dans le but de réaliser un projet collectif – accompagner les personnes avec autisme à travers leur parcours de vie. Les partenaires du réseau (sanitaire, médico-social et social) doivent offrir le bon service, au bon endroit, au bon moment, par les bonnes personnes/équipes, de façon efficace et efficiente. Enfin, un niveau optimal d’accessibilité, de continuité et de qualité des services doit être assuré à la population d’un territoire donné.

Les rapporteurs sont favorables à la généralisation d’une telle organisation dans les régions où la structuration des acteurs de la prise en charge de l’autisme accuse du retard.

Proposition n° 17 : En s’inspirant de l’organisation mise en place par l’ARS de Normandie, faire émerger des projets de territoire structurés reposant sur :

– un pilotage fondé sur un partenariat étroit entre l’ARS et le CRA et impliquant l’ensemble des acteurs dans une co‑responsabilisation ;

– une offre de services intégrée ;

– la désignation d’un pilote régional, référent des familles ;

– des intervenants pivots apportant une aide à la coordination du parcours et à la continuité du projet personnel, pouvant intervenir dans toutes les situations qu’elles soient complexes ou simples ;

– des plateformes de services à intégrer dans les schémas régionaux de santé à construire par les ARS.

2.   Mieux suivre dans la durée les personnes souffrant de troubles du spectre autistique

La Cour des comptes constate, dans son évaluation, que la cohérence du parcours et des interventions destinées à la personne, qui était l’un des objectifs du troisième plan, n’a que très peu progressé. L’enquête qu’elle a réalisée auprès de personnes autistes et de leur famille a fait état de ruptures de parcours, et même d’absences de parcours, dans près de la moitié des cas. La Cour souligne que le 3ème plan n’a pas défini de schéma d’organisation de la continuité qui doit être apportée à la personne, ni d’échelle territoriale pour l’établir.

Des dispositifs intégrés ont récemment été promus dans la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 (article 91) : les établissements et services médico-sociaux et les SESSAD pourront évoluer vers des dispositifs intégrés pour accompagner des enfants, des adolescents et des jeunes adultes présentant des difficultés et troubles du comportement « perturbant gravement la socialisation et laccès aux apprentissages ». Ce fonctionnement intégré devra se traduire par une organisation favorisant « un parcours fluide et des modalités daccompagnement diversifiées, modulables et évolutives ». Le décret d’application, paru en avril 2017, précise que la mise en place de cette intégration s’effectue sur la base d’une convention associant les partenaires que sont la MDPH, l’ARS, les organismes de protection sociale et le rectorat.

Ce modèle d’organisation, dont on ne peut encore dresser le bilan, s’inspire d’expériences conduites dans certains départements. Il ouvre une perspective de réforme des organisations positive, mais a le défaut de ne concerner que des catégories d’ESMS prenant en charge les enfants. Or la notion de parcours structuré et évolutif dans la durée doit absolument s’appliquer également aux jeunes adultes puis aux adultes souffrant de TSA.

Pour les personnes adultes, la Cour souligne le besoin d’un suivi particulier pour opérer des réorientations des personnes autistes entre secteur sanitaire et secteur médico-social, en fonction de l’évolution de leur état et de leurs besoins. La Cour considère que l’examen de la situation de la personne doit être traité par les MDPH, qui bénéficieront d’un nouveau système d’information.

La Stratégie nationale mentionne le déploiement de programmes personnalisés d’accompagnement suite à l’annonce du diagnostic. Un parcours de soins doit être mis en place très rapidement, comportant les interventions précoces nécessaires, puis l’inscription de la personne dans un parcours structuré. L’élaboration d’un parcours structuré doit se faire dans les plateformes de diagnostic lorsqu’elles existent, ou dans les plateformes « d’orientation et de coordination autisme TND » à déployer dans les territoires de santé.

La Stratégie fait preuve ici d’une ambition remarquable, appelant à l’installation, qui incombe aux ARS, d’une structure « plateforme » de régulation et de coordination dans chaque région ou territoire. Il s’agira semble‑t‑il de structures existantes, voire d’antennes de CRA si aucune structure répondant au cahier des charges de l’appel à projets ne peut être considérée comme un recours possible localement. L’intervention de praticiens libéraux conventionnés est bien prévue dans ce schéma.

Cette perspective tracée par la Stratégie ne peut qu’être approuvée, cependant elle semble aussi se limiter à la prise en charge des enfants et des jeunes.

Or l’intégration de l’offre de services doit selon les rapporteurs avoir pour objectif d’accompagner les personnes avec autisme à travers leur parcours de vie. C’est pourquoi ils se réfèrent à nouveau à l’expérience conduite par l’ARS de Normandie, décrite ci‑dessus, qui n’exclut pas la personne adulte du parcours intégré.

Les structures actuellement susceptibles de soutenir un parcours sans rupture pour la personne au long de sa vie sont difficiles à identifier.

Les CRA ont développé leurs équipes spécialisées pour les diagnostics adultes : cette activité reste encore limitée, et les CRA devront, selon la Stratégie nationale, identifier des acteurs susceptibles d’effectuer des diagnostics adultes et de prendre en charge les personnes. Par ailleurs la Stratégie mentionne les projets territoriaux de santé mentale (PTSM), qui doivent organiser le parcours de santé et de qualité de vie de la personne, avec un suivi par des acteurs de proximité. Ce suivi coordonné n’a été institué qu’en 2016, aussi il est impossible de savoir s’il répond aux besoins des personnes autistes adultes.

Les rapporteurs constatent que, si la Stratégie reconnait le besoin d’un dispositif intégré pour les adultes, elle ne précise pas à ce stade ce qu’il peut être. Les conclusions d’une mission d’évaluation des inspections de l’administration sur le dispositif intégré ITEP/SESSAD ([7]) sont attendues pour en tirer des enseignements sur la manière dont un dispositif intégré pourrait être construit pour les adultes.

Peu de modèles d’expérimentation de parcours incluant la vie adulte ont été rapportés aux rapporteurs.

Un exemple peut être souligné, relatif au rôle positif des pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE) lorsqu’ils assurent la formation d’un groupe de professionnels de différentes institutions. Ainsi, a été cité le travail de l’équipe mobile « adulte autiste » de Bourg‑en‑Bresse, adossée à un institut médico-éducatif (IME), qui relie les secteurs sanitaire, médico‑social, la MPDH et les autres acteurs. On peut souligner que les membres de cette équipe ont reçu leur formation en Suisse pour former un groupe d’acteurs sur le territoire afin de coordonner et mutualiser les interventions auprès des personnes.

Les PCPE, qui résultent du 3ème plan autisme, sont un dispositif léger et nouveau entrant dans la logique des « réponses accompagnées pour tous » du plan de prévention des départs en Belgique. Ils sont adossés à un établissement médico‑social, et leurs équipes jouent un rôle de liaison entre les personnes ou les familles et les institutions. Néanmoins, ils n’ont pas vocation à suivre la personne au long cours.

Proposition n° 18 : Mieux accompagner les personnes autistes dans leur parcours de vie :

– achever la mise en place du système d’information des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) afin de pouvoir suivre le parcours d’une personne autiste tout au long de sa vie ;

– favoriser le déploiement de l’action des pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE) vers l’accompagnement des personnes autistes ;

– intégrer le suivi de la personne autiste adulte dans la nouvelle structuration de la prise en charge, par exemple en l’inscrivant dans les missions des plateformes d’orientation et de coordination « autisme-TND » que la stratégie nationale prévoit de déployer.

3.   Améliorer la prise en charge des interventions afin de réduire le reste à charge et la lourdeur des procédures

Du fait notamment des parcours de soins qui peuvent être chaotiques et de la diversité des intervenants en matière de TSA, les familles subissent souvent un reste à charge important, de l’ordre de 3 000 euros par an en moyenne pour les 2 200 répondants à l’enquête réalisée par la Cour des comptes.

Parmi les postes de dépenses à l’origine d’un reste à charge pour les familles figurent les transports, les dépassements d’honoraires des consultations en libéral, les loisirs et séjours adaptés, la formation aux TSA, l’accompagnement à la guidance parentale ainsi que les ateliers d’habiletés sociales et l’acquisition du matériel pédagogique.

a.   Expérimenter des prises en charge d’interventions en libéral

La Cour relève que le remboursement par l’assurance maladie des prestations des orthophonistes, psychiatres, psychologues, psychomotriciens ou des ergothérapeutes, est de plus en plus demandé par les parents ou les personnes autistes, ce qui est lié au rôle important des intervenants libéraux dans l’accompagnement de ces personnes. Des expérimentations d’élargissement des prises en charge sont en cours : l’article 68 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a ainsi ouvert la possibilité d’expérimentation dans trois régions, pour la prise en charge par l’assurance maladie de douze consultations maximum, en cas de souffrance psychique diagnostiquée ([8]).

Les pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE) ont aussi vocation à assurer une solvabilisation, au moins partielle, des prestations libérales auxquelles ont recours les familles de personnes handicapées. Le montant limité des crédits disponibles à cette fin conduit pour le moment les ARS à utiliser ces crédits pour les cas les plus complexes, et non pour une solvabilisation plus générale des prises en charge psycho-éducatives en milieu libéral.

La Cour évoque également des dispositifs innovants comme les contrats territoriaux de santé qui pourraient contribuer à mettre en œuvre une politique de maintien à domicile ou d’inclusion par prestations de services individualisés enclenchant par là même le mouvement de désinstitutionalisation que la Cour appelle de ses vœux.

La proposition de la Stratégie nationale pour l’autisme est limitée à l’instauration d’un forfait d’intervention précoce, ce qui ne répond pas aux besoins des enfants TSA qui nécessitent des interventions éducatives spécialisées pendant plusieurs années.

Mme Garménick Leblanc, représentant la Caisse nationale d’assurance maladie, a admis que le levier d’action conventionnel permet de faire évoluer les pratiques à travers la création de nouveaux actes ou de nouvelles prises en charge : les impacts financiers sont cependant tels que les évolutions ne peuvent qu’être menées avec prudence. La CNAM rencontre en outre des difficultés pour savoir quelles interventions de professionnels peuvent être prises en charge, car elle doit disposer d’une description du contenu des prestations recommandées en regard d’une pathologie ou d’un handicap, afin de pouvoir contrôler qu’elles ont été effectivement réalisées.

La CNAM a donc besoin de directives claires de la HAS ou de l’ANESM afin de savoir ce qui doit être vérifié sur le terrain. En particulier la teneur de l’intervention du psychologue reste actuellement mal définie et par conséquent ce qui peut faire l’objet d’une inscription à la nomenclature générale des actes professionnels pour un remboursement.

Les rapporteurs considèrent que cette demande des patients et des familles constitue un important « chantier » à ouvrir pour la HAS et pour la CNAM.

Il est certain que la HAS doit définir de manière la plus précise et actualisée possible la teneur des interventions utiles pour les enfants porteurs de TSA, en lien avec les développements de la recherche portant sur les sciences humaines et sociales, sur les interventions psychoéducatives et éducatives. Ce travail est le préalable à une inscription à la nomenclature générale.

b.   Des procédures lourdes et répétitives auprès des maisons départementales des personnes handicapées, contestées par les usagers

Sur le plan des procédures administratives, la Cour des comptes critique les lourdeurs de gestion des dossiers par les MDPH : délais de traitement des demandes excessifs (quinze mois en moyenne pour la restitution d’un bilan diagnostique), attente imposée de la délivrance d’un diagnostic complet avant la prise en charge des premières interventions, nécessité de prouver régulièrement l’autisme de l’enfant pris en charge…

Les représentants associatifs ont fait état de la difficulté que rencontrent les familles à remplir la condition posée par les MDPH de renouveler le certificat médical d’autisme de l’enfant tous les six mois, pour maintenir la prise en charge. Cette demande réitérée est très mal comprise des familles, sachant que le handicap ne disparaît pas et que la résorption de certains troubles ne se fait pas en quelques mois. De plus, le recours à un médecin formé au diagnostic de l’autisme est difficile pour nombre de familles.

Mme Danièle Langloys, représentant l’association Autisme France, a déploré des demandes « ritualisées » de la part de certaines MDPH, exigeant par exemple un test de QI pour admettre un enfant en ULIS puis à nouveau pour le réadmettre en milieu ordinaire, ce qui représente à chaque fois un coût important pour les familles.

La délivrance d’un bilan diagnostique par les MDPH repose sur une évaluation faite « à distance », sur la base d’un dossier complété par la famille. Elle exige une bonne connaissance des TSA de la part de l’équipe d’évaluation pluridisciplinaire, ce qui n’est pas toujours le cas comme le soulignent les associations. Certaines MDPH sous–traitent les dossiers « autisme » trop complexes à une association disposant des compétences spécialisées, mais d’autres n’ont pas les moyens ni le temps de conduire des évaluations complexes, ce qui conduit à des avis qui ne sont pas toujours adaptés à la situation et aux capacités de l’enfant ou de l’adulte avec TSA.

La Cour observe que la redéfinition des modèles tarifaires en cours aurait dû faciliter le parcours des personnes en situation de handicap ([9]). Il semble que la traduction dans la pratique de ce projet n’ait pas encore simplifié les procédures appliquées aux personnes souffrant de TSA.

Mme Anne Veber, chargée de mission autisme à la CNSA, entendue par les rapporteurs, a reconnu que la question de la reconnaissance du diagnostic reste encore une difficulté auprès de certaines MDPH : la CNSA a élaboré un guide d’appui aux équipes de MDPH et à leurs partenaires spécifiques aux TSA, et a mené un travail d’animation auprès de ces équipes afin de faire évoluer leurs pratiques que ce soit en matière d’autisme ou de handicap psychique ; ce travail n’a pas encore produit les résultats escomptés partout.

Les MDPH font face à des demandes dont le nombre croît de 6 à 7 % par an. Un effort de simplification des procédures y est conduit, auquel contribuera le déploiement en cours du système d’information, qui permettra à terme d’effectuer une demande en ligne, et de dématérialiser les échanges.

Les rapporteurs, comme la Cour des comptes, prennent en considération la nécessité de maîtriser les coûts globaux des prises en charge. Ils soulignent cependant qu’il est nécessaire de pallier le manque de professionnels dans les établissements, qui génère une inégalité entre les enfants qui pourront bénéficier de la prise en charge en établissement et ceux qui ne l’obtiendront pas faute de place. Ils observent aussi que la prise en charge la plus complète possible de l’enfant et du jeune est le meilleur facteur de son autonomie et de son inclusion futures dans la société, avec l’évitement de sa prise en charge en établissement, à terme.

Ils considèrent par ailleurs urgent de simplifier les démarches administratives des familles auprès des MDPH, notamment en allégeant la fréquence des renouvellements des certificats exigés pour la prise en charge des personnes souffrant de TSA.

Proposition n° 19 : Réduire le reste à charge pour les patients et les familles :

– expérimenter la prise en charge, par l’assurance maladie, des interventions en psychothérapie et en orthophonie en secteur libéral ;

– définir les interventions de professionnels de santé inscriptibles à la nomenclature générale des actes professionnels éligibles à un remboursement.

F.   ENCOURAGER ET PÉRENNISER LES INITIATIVES ASSOCIATIVES

Les rapporteurs ont constaté, à travers leur expérience du terrain, le rôle essentiel joué par les associations : les bénévoles qui aident les parents à mettre en œuvre les actions éducatives auprès de leur enfant, et aussi les personnes qui assurent la formation des bénévoles.

De nombreuses prises en charge éducatives reposent ainsi sur les acteurs associatifs, qui ne se substituent pas aux familles mais viennent en complément de leur action, et suppléent au manque de professionnels formés pour prendre en charge les enfants souffrant de TSA, sachant que les interventions éducatives doivent comprendre une vingtaine d’heures hebdomadaires en tête à tête avec l’enfant.

Pour souligner le rôle indispensable et difficile tenu par les associations, souvent créées par des parents denfants autistes, les rapporteurs souhaitent s’appuyer sur l’exemple d’une petite association créée en 2010 à Roanne pour mettre en place l’accompagnement individualisé, dans la proximité, d’enfants autistes.

L’association 3.14-la Contre-allée

Public : 11 familles depuis la création et 5 enfants suivis par an.

Temps passé avec chaque enfant dans la structure : 12 à 24 heures par semaine.

Prise en charge : séances individuelles le matin sur des activités pédagogiques, apprentissages scolaires selon des programmes définis par les professionnels spécialisés ; en groupe l’après-midi pour des activités ludo-éducatives.

Approches retenues : approche cognitivo-comportementale, Teacch, Pecs, Montessori, Makaton.

Encadrants présents quotidiennement : une directrice, deux aides médico-psychologiques, un service civique.

Équipe de bénévoles : 10 bénévoles formés se relaient pour suivre un enfant deux heures par semaine dans des activités ludo-éducatives.

Intervenants professionnels : psychologue cognitivo-comportementale, intervenante en éducation spécialisée.

Budget : 45 000 euros financés par des partenaires privés et des appels à projet, l’organisation d’évènements… Soutien de la municipalité avec la mise à disposition de locaux.

Les rapporteurs souhaitent attirer l’attention sur le rôle complémentaire mais indispensable que remplissent ces structures de proximité, et du dévouement manifesté par leurs animateurs, qui peuvent ressentir un certain épuisement, s’agissant de petites structures, très sollicitées par les familles et reposant sur l’action de quelques personnes rémunérées et beaucoup totalement bénévoles.

Si quelques structures sont aidées par une subvention de la commune, ou de plusieurs communes voisines qui reconnaissent le travail irremplaçable effectué, beaucoup ne reçoivent aucun soutien financier.

Les rapporteurs souhaiteraient que soient étudiés les moyens de soutenir et pérenniser ces initiatives associatives, afin de reconnaître leur apport à la prise en charge de l’autisme. Ils soulignent aussi que cette solution de proximité est très peu coûteuse pour la collectivité et contribue à augmenter les chances d’autonomie des enfants qui bénéficient de ce soutien, réduisant considérablement le coût de prise en charge des adultes qu’ils deviendront.

Reconnaître leur rôle dans la formation des aidants et des bénévoles associatifs pourrait être un moyen de soutenir leur action de manière générale.

Proposition n° 20 : mobiliser, au niveau régional, un soutien financier pour les associations effectuant la formation des bénévoles et des aidants, lorsque leur action de formation est agréée par l’ARS.


III.   TRANSFORMER LA PRISE EN CHARGE AU PROFIT DE L’INCLUSION DES PERSONNES AUTISTES DANS LA SOCIÉTÉ

Les rapporteurs se félicitent de la nouvelle stratégie que voudrait impulser l’évaluation de la Cour des comptes, fondée sur un changement de paradigme : la « désinstitutionalisation » des personnes autistes, adultes comme enfants. Il s’agirait de se donner comme objectif de maintenir le plus de personnes possible en milieu ordinaire avec un accompagnement. La Cour cite les profondes transformations effectuées en Suède par exemple (avec la fermeture des places pour les autistes en hôpital psychiatrique), mais aussi des organisations en projets thérapeutiques intégrés personnalisés pour les enfants (en Italie, au Danemark) ou des prises en charge en ambulatoire pour les adultes.

La Cour engage les administrations à définir comme objectif général l’inclusion ordinaire : inclure les enfants dans une scolarité ordinaire pour tous ceux qui peuvent s’y inscrire, avec un accompagnement individuel ou collectif, faciliter l’accès des jeunes aux formations professionnelles, ouvrir le champ de l’emploi aux adultes autistes (très fermé actuellement), et enfin, élargir les choix personnels en ce qui concerne l’habitat.

Les rapporteurs sont très favorables à une telle approche ambitieuse, mais aussi conscients que les obstacles sont nombreux. Toutefois, la transformation de l’offre d’accompagnement des personnes handicapées ([10]) dans le cadre de la démarche « une réponse accompagnée pour tous » a déjà commencé à ouvrir les chantiers nationaux conduisant à ce changement de paradigme.

A.   LE RÔLE ESSENTIEL DE LA SCOLARISATION

Dans son évaluation, la Cour des comptes rappelle que plusieurs études ont démontré que l’inclusion en milieu scolaire ordinaire avec les autres élèves est bénéfique aux enfants avec TSA puisque l’imitation joue un rôle clé dans leurs apprentissages.

En favorisant les interactions sociales, la mixité mise en place par l’inclusion scolaire permet aux enfants avec TSA de développer leurs habiletés sociales et donc, à terme, leur autonomie. L’inclusion, si elle bénéficie d’un accompagnement adéquat, est également bénéfique pour les élèves dits « neurotypiques » qui peuvent être sensibilisés à l’autisme et dont le regard sur l’autre évolue.

Plusieurs modes de scolarisation existent pour les enfants avec TSA :

– la scolarisation en milieu ordinaire, avec le plus souvent une aide humaine individuelle ou collective ;

– également en milieu ordinaire, la scolarisation au sein d’unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS), qui sont des dispositifs – généralistes ou spécialisés – d’inclusion collective ;

– la scolarisation en unité d’enseignement (UE) au sein d’un établissement ou service médico-social (ESMS).

La scolarisation de ces enfants a connu des progrès significatifs au cours des dernières années, notamment en ce qui concerne l’inclusion en milieu ordinaire. Les efforts mis en œuvre doivent être poursuivis afin d’améliorer l’inclusion scolaire des enfants autistes, tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

1.   La Stratégie nationale contribuera à améliorer la scolarisation des enfants souffrant de troubles du spectre autistique

Selon les données de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), 45 644 élèves avec TSA étaient scolarisés pour l’année 2016‑2017. Près de 72 % d’entre eux étaient scolarisés en milieu ordinaire (32 808) tandis que plus de 28 % étaient scolarisés en unité d’enseignement (12 836). Parmi les élèves scolarisés en milieu ordinaire, un quart (8 377) étaient scolarisés en ULIS, les trois quarts restants (24 431) étaient scolarisés en classe ordinaire et bénéficiaient, pour 84 % d’entre eux, d’une aide individuelle (69 %) ou mutualisée (15 %).

Les chiffres de la scolarisation des enfants avec TSA en milieu ordinaire sont en constant progrès. Entre la rentrée 2015 et la rentrée 2016, ils ont ainsi connu une hausse de 11,2 %, hausse supérieure à l’augmentation du nombre total d’élèves en situation de handicap (+ 7,8 %). En huit ans, le nombre d’élèves présentant des troubles du spectre autistique scolarisés dans les établissements scolaires a été multiplié par plus de 2,5, passant de 12 000 en 2008 à 32 000 en 2016.

Ces bons chiffres sont en partie le fruit de dispositifs mis en œuvre dans le cadre du 3ème plan autisme. Ainsi l’offre de scolarisation en ULIS n’a cessé de progresser avec, chaque année, environ 250 élèves avec TSA supplémentaires qui y sont accueillis.

Néanmoins la scolarisation des enfants avec TSA doit encore être améliorée. 12 894 élèves avec TSA sont scolarisés en école élémentaire en 2016 ; pourtant, selon la stratégie nationale, 35 000 enfants de cette classe d’âge seraient susceptibles d’avoir un TSA.

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs que le rapport entre le nombre d’élèves scolarisés en milieu ordinaire et le nombre d’élèves en ESMS, bien qu’en progrès constant, peut encore être amélioré au regard du nombre d’enfants capables de suivre une scolarité en milieu ordinaire.

La Cour des comptes relève, par ailleurs, que le taux de non‑scolarisation des enfants avec TSA se trouvant en ESMS demeure particulièrement élevé. Pour l’année 2015‑2016, 34,3 % des enfants et adolescents avec TSA présents dans ces établissements n’étaient pas du tout scolarisés. Ce pourcentage est plus de deux fois supérieur à celui de la non‑scolarisation de l’ensemble des enfants présents dans ces mêmes structures (13,8 %). Les enfants autistes sont donc particulièrement défavorisés dans l’accès à l’enseignement.

Enfin, l’évaluation de la Cour des comptes souligne que les durées hebdomadaires de scolarisation des élèves avec TSA sont disparates et souvent brèves. Les durées incomplètes de scolarisation sont particulièrement fréquentes en maternelle où 29 % des élèves sont scolarisés moins de deux jours par semaine tandis qu’un tiers seulement l’est à temps complet.

Les efforts doivent donc être poursuivis afin de garantir pleinement le droit des enfants avec TSA à l’éducation, tel que prévu par la loi : le code de l’éducation dispose, en effet, que le service public de l’éducation « reconnaît que tous les enfants partagent la capacité dapprendre et de progresser. Il veille à linclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction » ([11]).

La Stratégie nationale pour l’autisme entend poursuivre cet objectif au travers notamment de l’augmentation des capacités des dispositifs d’accueil collectif. Il est ainsi prévu, d’ici 2022, la création de 600 places supplémentaires en ULIS élémentaires, de 700 places supplémentaires en ULIS collège, ainsi que la création de 30 ULIS TSA en lycée professionnel, pour une capacité d’accueil de 500 élèves.

Les rapporteurs saluent l’effort ainsi programmé pour assurer une meilleure scolarisation des enfants avec TSA en augmentant l’offre d’accueil tout au long de la scolarité.

2.   Améliorer la qualité de l’accueil des enfants au sein de l’école

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs que les établissements et les personnels de l’éducation nationale sont souvent mal préparés à l’accueil d’élèves avec TSA. Selon les données de Mme Elaine Hardiman Taveau, présidente d’Asperger Aide France, seuls 20 % des enseignants estiment que l’école est le lieu à privilégier pour les enfants autistes.

L’objectif doit donc être de renforcer la capacité des établissements d’enseignement à accueillir des élèves avec TSA en favorisant, d’une part, le recours à l’expertise de professionnels extérieurs, notamment en provenance du secteur médico-social, et d’autre part, en développant les compétences internes à l’éducation nationale.

a.   Renforcer les liens entre école et secteur médico-social

Une des mesures phares du 3ème plan autisme dans le champ de l’éducation fut la mise en place d’unités d’enseignement en école maternelle (UEMa). Alors que le plan prévoyait la création de 100 UEMa, soit une par département, ce sont finalement 112 unités qui ont été créées, ce qui permet d’accueillir 784 élèves.

L’originalité de ce dispositif tient en ce qu’il s’agit d’unités portées par des établissements médico-sociaux mais implantées au sein même de l’école. Les UEMa mettent en œuvre une collaboration croisée, dans une même unité de temps et d’espace, entre le secteur médico-social et l’éducation nationale.

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs que le succès du dispositif, ainsi que les bienfaits de cette multidisciplinarité, font consensus. Pour favoriser l’ouverture du champ de l’éducation sur celui du médico-social, à l’œuvre dans les UEMa, les interactions entre ces deux secteurs doivent être développées et renforcées.

La Stratégie nationale prévoit de quasiment tripler le nombre d’UEMa en créant 180 nouvelles unités en cinq ans. En 2022, 2 044 enfants devraient être accueillis en UEMa, ce qui correspond à environ 10 % de l’estimation du nombre d’enfants avec TSA de cette classe d’âge. Elle prévoit également de faciliter la scolarisation à l’école maternelle ordinaire, en faisant intervenir en classe des équipes médico-sociales ou libérales, en soutien aux équipes pédagogiques.

Par ailleurs, il est prévu de créer 45 unités d’enseignement en élémentaire. Ce nouveau modèle de classes associera du personnel de l’éducation nationale et des professionnels du secteur médico-social.

La Stratégie entend encourager et étendre la signature de conventions de coopération et de dispositifs de partenariats entre les établissements scolaires et le secteur médico-social.

Enfin, elle prévoit d’adosser les SESSAD aux établissements scolaires et d’externaliser les unités d’enseignement, l’objectif étant, d’ici à 2022, que 80 % des enfants en UE bénéficient d’une modalité de scolarisation en milieu ordinaire.

Les rapporteurs se félicitent de l’ensemble de ces objectifs chiffrés, dont la réalisation est prévue avec un calendrier précis. Les orientations de la Stratégie vont dans le sens d’une meilleure coopération et coordination entre les différents partenaires éducatifs et médico-sociaux, susceptible d’entraîner à terme une évolution profonde des pratiques professionnelles.

Les rapporteurs considèrent que les expériences d’inclusion positives devraient être mieux connues et partagées. L’encadré ci‑dessous présente, à titre d’exemple, le projet ARAMIS conduit depuis 2016 en région Nouvelle‑Aquitaine.

Le projet ARAMIS (Nouvelle-Aquitaine)

L’académie de Limoges, en partenariat avec l’ADEPEI et l’ARS, a mis en place un dispositif d’autorégulation de l’autisme en milieu d’inclusion scolaire (ARAMIS) qui s’inspire de méthodes comportementales d’apprentissage développées au Canada.

Le projet s’adresse à des enfants avec TSA dont le potentiel cognitif est suffisant pour suivre une scolarité ordinaire mais qui présentent des troubles du comportement importants. L’autorégulation doit permettre aux enfants de développer des compétences, de réguler leurs troubles du comportement afin d’entrer dans les apprentissages scolaires et sociaux.

Dans le cadre d’ARAMIS le secteur médico-social est invité à entrer au sein de l’école afin de faire bénéficier de ses compétences et d’accompagner l’ensemble de la communauté scolaire pour améliorer l’accueil et l’environnement des enfants. L’enseignant bénéficie d’une supervision et d’un support technique afin d’adapter ses pratiques.

Depuis la rentrée 2017, trois écoles de Nouvelle-Aquitaine participent à ce dispositif.

Pour la Cour des comptes, l’objectif devrait être de décliner partout des partenariats départementaux entre l’éducation nationale et les établissements et services médico‑sociaux.

Les rapporteurs considèrent que des conventions rénovées devraient être signées entre les ARS et les rectorats afin d’organiser à une plus grande échelle la coopération et la coordination des services de l’éducation nationale et du secteur médico‑social. Ces conventions devront comporter un plan d’actions à mener en partenariat et prévoir la mise en place de formations croisées.

Ils se félicitent de voir que l’avantage de rapprocher les intervenants du service médico-social du lieu de vie de l’enfant, c’est‑à‑dire l’école, est de plus en plus reconnu. Ils soulignent que cette nouvelle pratique nécessitera un local au sein de l’école ou à proximité, besoin qui devra être anticipé lors de la construction de nouvelles écoles.

Proposition 21 : Construire ou renforcer les interactions entre léducation nationale et les secteurs sanitaire et médico-social :

– signer des conventions rénovées entre les ARS et les rectorats comportant un plan d’action et des formations croisées ;

– faire entrer les compétences médico-sociales dans les établissements scolaires ;

– adosser un service médico-social à l’école pour faciliter l’accès des enfants et des familles aux conseils et à l’accompagnement.

b.   Mieux former et accompagner les personnels de l’éducation nationale

La Stratégie nationale prévoit de développer les actions de sensibilisation à destination de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale (accompagnants, enseignants et enseignants spécialisés, médecins et psychologues scolaires…). Le ministère de l’éducation nationale a, d’ores et déjà, commencé à mettre en ligne des modules de formation à distance s’adressant aux enseignants.

À défaut de pouvoir disposer d’enseignants formés à l’accueil d’enfants avec TSA, les équipes pédagogiques qui accueillent ces élèves en classe ordinaire doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement et d’un support vers lesquels se tourner rapidement en cas de crise ou autres difficultés.

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs que des solutions ont pu être développées localement. Ainsi, à Paris, des professeurs ressources spécialisés sur les TSA ont été identifiés et peuvent être appelés en support par les enseignants.

La Stratégie nationale pour l’autisme prévoit de renforcer les équipes ressources départementales par une centaine d’enseignants spécialisés sur l’autisme (un par département) qui interviendront auprès des équipes pédagogiques accueillant dans leurs classes des enfants avec TSA.

Elle prévoit aussi d’accélérer le plan de conversion des auxiliaires de vie scolaires (AVS) en accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) : 11 200 contrats d’AVS, souvent à temps partiel, seront transformés en 6 400 emplois temps plein d’AESH en quatre ans.

Les rapporteurs se félicitent de cette réforme qui va permettre d’améliorer la compétence et la pérennité des auxiliaires, dont le contrat sera subordonné à l’obtention d’un diplôme d’État. Ils regrettent toutefois que la Stratégie n’ait pas prévu de mener un effort soutenu quant à la formation de ces professionnels aux spécificités de l’autisme.

La Stratégie annonce aussi des formations par des associations agréées à destination des équipes pédagogiques. Ces formations pourront avoir lieu pendant ou en dehors du temps scolaire et seront organisées dans le cadre d’un plan annuel concerté au niveau académique ou départemental.

Des exemples intéressants d’appui apporté aux équipes éducatives ont été mis en avant lors des auditions : a été citée la création, à Limoges, d’une « brigade d’enseignants spécialisés itinérante », qui intervient pour appuyer les enseignants quand ils accueillent un enfant autiste, et qu’ils font face à des moments de crise : il s’agit d’élaborer des outils appropriés à l’enfant. Cette équipe mobile pourrait apporter son appui pour le suivi d’un enfant scolarisé, notamment dans les moments de risque de rupture de parcours : passage de la maternelle au CP puis du primaire au collège.

Les rapporteurs soutiennent la mise en place des dispositifs prévus par la Stratégie, en partenariat avec les milieux associatifs, donnant aux établissements la possibilité de faire appel à un référent départemental lorsque une crise se produit et que ni la direction de l’établissement ni l’AESH ne peut la résoudre, afin d’éviter que ne se reproduisent les situations dramatiques d’éviction scolaire en cours d’année sans qu’aucune autre solution ne soit proposée à la famille.

Ils soulignent en outre la pertinence des échanges entre les personnels de l’éducation nationale et les associations. Lors de son audition, Mme Elaine Hardiman Taveau, présidente d’Asperger Aide France, a souligné les difficultés rencontrées par les associations pour pouvoir former et accompagner les auxiliaires dans les établissements : certains établissements ou enseignants s’y opposent et les démarches auprès des rectorats sont longues et incertaines.

Les rapporteurs proposent de simplifier et favoriser les rencontres entre les AESH et les associations afin que ces dernières puissent apporter leur expertise en marge ou à l’intérieur de l’établissement.

Proposition 22 : Renforcer les ressources sur lesquelles peuvent sappuyer les personnels de léducation nationale pour laccompagnement denfants autistes, en favorisant et en simplifiant les échanges entre les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et les associations au sein des établissements scolaires, par la mise à disposition des établissements scolaires, via le rectorat, d’une liste d’associations agréées de proximité susceptibles d’apporter un soutien ponctuel ou régulier.

3.   Assurer la continuité des parcours scolaires

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs que le risque de déscolarisation des élèves autistes est particulièrement présent à certains moments clés de la scolarité.

C’est le cas à l’entrée au collège où les ruptures de parcours sont fréquentes, notamment pour les autistes Asperger. Les ruptures de parcours à cette période sont d’autant plus préoccupantes qu’il est difficile pour ces adolescents de trouver une place dans un circuit médico‑social saturé. L’enjeu, pour éviter ces échecs, est de parvenir à adapter la scolarité de l’adolescent à sa personnalité et ses capacités, et de mettre en place progressivement un environnement où il aura ses habitudes. La mise en place des équipes de scolarisation et des projets personnalisés de scolarisation permettent de répondre en partie à cet enjeu mais il semble qu’ils ne sont pas mis en œuvre dans l’ensemble des établissements.

Les transitions d’une structure à l’autre sont également des moments de rupture de parcours : ces transitions interviennent lorsque l’enfant atteint l’âge limite pour un dispositif, et ce sont des contraintes de places, davantage que ses besoins réels, qui guident son orientation.

L’augmentation de l’offre des dispositifs d’inclusion scolaire prévue par la Stratégie nationale, ainsi que la création d’unités d’enseignement en élémentaire, devraient favoriser une meilleure fluidité des parcours et permettre de mieux privilégier les besoins de chaque enfant. Le renforcement de la collaboration entre les secteurs de l’éducation nationale et du médico-social devrait également favoriser la continuité des parcours.

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs que les situations les plus problématiques résident, d’une part, dans la sortie, sans accompagnement, de structures de prises en charge précoces et intensives comme les SESSAD et, d’autre part, dans la sortie des UEMa pour les enfants qui ne peuvent pas intégrer le CP en classe ordinaire ou en ULIS et qui se retrouvent sans solution jusqu’à l’admission en institut médico-éducatif (IME) à 8 ans.

Les pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE) ont vocation à accompagner ces situations. Ces services, adossés à un établissement médico-social, assurent la liaison entre les institutions et les familles et accompagnent, sur de courtes durée, les enfants dans l’attente d’une admission. Ils assurent notamment la prolongation de la prise en charge après la sortie du SESSAD.

Cependant cet outil est également difficile d’accès dans un grand nombre de cas, ainsi que l’ont regretté les associations entendues. Leur financement n’est pas à la hauteur des besoins et l’accès, via le dépôt d’un dossier à la MDPH, se heurte aux mêmes délais et difficultés décrits par ailleurs.

Proposition 23 : Éviter les ruptures de parcours :

– préparer la sortie du SESSAD en réduisant le niveau de prise en charge et en accompagnant la transition ;

– proposer une solution aux enfants sortant d’UEMa et ne pouvant entrer en CP ou en ULIS, jusqu’à l’admission en institut médico-éducatif.

B.   LE PARCOURS DES AUTISTES ADULTES : aller vers UNE PRISE EN CHARGE ÉVOLUTIVE ADAPTÉE AUX BESOINS DE LA PERSONNE

Dans son évaluation, la Cour des comptes souligne la faiblesse des actions et des moyens consacrés aux adultes par les trois premiers plans autisme et, de fait, ceux‑ci ont donné la priorité à la prise en charge précoce des enfants. La prise en charge des adultes comporte pourtant de nombreux enjeux au premier rang desquels figure l’inclusion sociale de ces personnes.

La récente publication par la HAS de recommandations de bonne pratique pour les interventions et le parcours de vie des adultes autistes établit un référentiel sur lequel les politiques mises en œuvre devront s’appuyer.

1.   Développer les prises en charge adaptées aux besoins des adultes autistes

La Cour des comptes estime à 600 000 le nombre des adultes porteurs à des degrés divers de TSA. La Cour constate que les informations disponibles sont très parcellaires et ne permettent d’appréhender les besoins que d’une petite partie de ces personnes : le système actuel de recueil de données ne permet de repérer qu’environ 75 000 adultes autistes, soit un peu moins de 12,5 % de la population estimée.

Ce manque de données résulte, en partie, des lacunes passées du système de repérage et de diagnostic. Ce retard n’a jamais été rattrapé et, comme le relève la Cour, de nombreuses personnes sont encore prises en charge pour un diagnostic de « psychose infantile », pourtant obsolète.

La Stratégie nationale prévoit d’engager un plan national de repérage et de diagnostic des adultes en ESMS et en établissement de santé, en accordant une attention particulière à la population féminine, grâce au développement d’outils de diagnostic adaptés.

La Cour des comptes souligne que la part des personnes autistes dans les hospitalisations en psychiatrie est beaucoup plus faible chez les adultes (3,5 %) que chez les enfants (36,2 %). Néanmoins, elle constate que les adultes avec TSA ou TED sont surreprésentés dans les hospitalisations au long cours, dites inadéquates (plus de 292 jours). Les TED représentent en effet près de 10 % de ces séjours. De même, les hospitalisations au long cours représentent 42 % des journées d’hospitalisation pour les TED contre 17 % du total pour l’ensemble des pathologies.

Pourtant, comme l’ont souligné les associations entendues par les rapporteurs, l’hôpital psychiatrique n’a pas vocation à être un lieu de vie pour les personnes autistes. Ces dernières s’y retrouvent le plus souvent par défaut, dans l’attente d’une place en ESMS ou en raison d’un mauvais diagnostic.

Les associations dénoncent également les conditions de vie des personnes autistes dans ces établissements et le coût pour la collectivité de cet hébergement inapproprié. Le coût annuel d’un hébergement au sein d’une structure psychiatrique (123 000 euros) est près de deux fois supérieur à celui d’une structure médico-sociale et quatre fois supérieur à celui d’un accueil en foyer de vie. La Cour des comptes estime que la fin des hospitalisations inadéquates et la réorientation de personnes vers des ESMS permettraient d’économiser environ 150 millions d’euros par an.

La Cour recommande donc de réexaminer régulièrement la situation des adultes autistes accueillis durablement dans les établissements psychiatriques afin de les orienter vers une prise en charge dans le secteur médico-social. Cette ambition de « sortir » les personnes autistes des structures de santé psychiatrique ne pourra cependant se concrétiser qu’à travers le développement d’alternatives aux hospitalisations.

Il ressort de l’évaluation de la Cour que l’offre de soins ambulatoires pour les adultes autistes est, en comparaison des autres formes d’accompagnement, relativement bien développée par les établissements psychiatriques puisque 10 000 personnes sont ainsi suivies.

Les représentants de la HAS, entendus par les rapporteurs, ont souligné, qu’à l’inverse des enfants, la majorité des adultes en ambulatoire est suivie par le secteur sanitaire. L’offre d’accompagnement ambulatoire est trop faible dans le secteur médico-social et doit être renforcée.

La Stratégie nationale prévoit d’augmenter les soins ambulatoires en soutenant les interventions des équipes de secteur et des équipes mobiles de psychiatrie qui interviennent dans les ESMS et au domicile des personnes. En outre, elle entend développer le recours à la télémédecine et l’hospitalisation à domicile afin de favoriser les prises en charge directement sur les lieux de vie.

Les rapporteurs prennent acte de ces projets d’évolution très positifs. Ils regrettent cependant que des objectifs chiffrés de développement de la prise en charge ambulatoire n’aient pas été posés.

Les rapporteurs proposent en outre d’expérimenter des équipes mobiles pluri‑professionnelles qui pourraient assurer les soins ambulatoires et la prise en charge des adultes autistes directement dans leur lieu de vie, que ce soit en ESMS ou dans une structure d’habitat inclusif. Au sein de ces équipes, des professionnels pourraient participer au repérage des personnes autistes dans les établissements.

Proposition 24 : Mettre en place des équipes mobiles spécialisées dans la prise en charge des adultes, en formant un groupe de professionnels constitué en équipe mobile d’accompagnement qui assureront les soins ambulatoires et la prise en charge des adultes sur leur lieu de vie et qui pourront participer au repérage dans les établissements.

2.   Développer une offre d’hébergement variée pour une meilleure inclusion sociale

La Stratégie nationale entend faire de l’inclusion des adultes autistes un axe fort de la politique de l’autisme pour les prochaines années. Elle prévoit ainsi développer les solutions de logement inclusif par :

– la création d’un forfait d’habitat inclusif d’un montant de 60 000 euros ;

– la possibilité pour les personnes autistes, ainsi que pour l’ensemble des personnes handicapées, de recourir à des colocations dans un logement social. Cette disposition est reprise par l’article 45 du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN), en cours d’examen par le Parlement ;

– l’ouverture du programme « 10 000 logements HLM accompagnés » aux personnes autistes (ce programme destiné aux personnes en situation de précarité a été mis en place par l’État et l’Union sociale de l’habitat en 2013).

Les rapporteurs soutiennent largement la volonté affichée par la Stratégie de renforcer l’offre en habitat inclusif.

Ils tiennent cependant à alerter sur le fait que les efforts engagés en la matière ne doivent pas conduire à négliger la création de places en ESMS : toutes les personnes autistes ne sont, en effet, pas suffisamment autonomes pour bénéficier des dispositifs d’inclusion.

Le 3ème plan avait prévu la création de 1 500 nouvelles places dans les établissements médico-sociaux : 500 en MAS, 850 en FAM et 150 en SAMSAH. Le rapport d’évaluation du 3ème plan, effectué par l’IGAS, souligne que ces créations de places ont pris du retard : seules 267 nouvelles places avaient été installées en février 2017. Mme Compagnon, entendue en qualité de présidente du comité de pilotage de la concertation du 4ème plan autisme, a indiqué aux rapporteurs que, compte tenu des délais nécessaires à la construction des établissements – environ 5 ou 6 ans –, plusieurs centaines de ces places devraient ouvrir entre 2018 et 2020.

La Stratégie nationale prévoit de poursuivre le programme de création de places engagé par le 3ème plan autisme, en maintenant les crédits qui y sont alloués et qui n’ont pas encore été consommés. La Stratégie ne prévoit pas, en revanche, d’amplifier la création de places.

Bien que les besoins soient complexes à évaluer, il ressort de l’évaluation de la Cour des comptes, ainsi que des travaux des rapporteurs, que l’offre en établissement est très inférieure à la demande. Ainsi que le souligne la Cour, un nombre important d’adultes vivent dans leurs familles dans des conditions parfois difficiles. Très peu de données sont disponibles sur les raisons de ce choix : celui‑ci est‑il volontaire ou contraint par les délais et le manque de places des structures médico-sociales ? La Cour des comptes constate par ailleurs la persistance du nombre de départs en Belgique.

Les rapporteurs considèrent qu’il serait important de poursuivre et d’amplifier l’effort de création de places, afin que les personnes adultes ne pouvant accéder à l’habitat inclusif ne se retrouvent pas sans solution.

Enfin, une troisième catégorie d’hébergement devrait être fortement développée, celle de petites structures, foyers d’hébergement de 4 à 6 personnes, avec la présence d’un éducateur. Cette offre sera de plus en plus utile pour les jeunes adultes autistes ayant bénéficié des approches éducatives efficaces et ayant acquis un bon degré d’autonomie.

Proposition 25 : renforcer et diversifier loffre dhébergement pour les adultes :

 poursuivre l’effort de création de places dans le secteur médico‑social pour les autistes adultes qui ne peuvent pas accéder à l’habitat inclusif, afin de résorber les listes d’attente ;

 développer lhabitat en microstructures daccueil pour les autistes adultes semiautonomes.

3.   Faciliter l’accès à la formation professionnelle et à l’emploi

Dans son évaluation, la Cour des comptes note que les données concernant l’insertion professionnelle des adultes avec TSA sont lacunaires. Mme Anne Baltazar, présidente de l’AGEFIPH, a expliqué aux rapporteurs que l’absence de données découlait de l’impossibilité de détecter spécifiquement les personnes avec TSA : la loi du 11 février 2005 ([12]) établit uniquement une distinction entre handicap psychique et handicap cognitif. Les personnes avec TSA sont vraisemblablement « ventilées » dans ces deux catégories sans que l’on puisse les isoler dans les statistiques.

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs, ainsi que de l’évaluation de la Cour, que l’insertion professionnelle des personnes autistes est insatisfaisante à la fois quant au nombre des personnes autistes en emploi et quant à la qualité de ces emplois. Selon les données de la DREES, sur 49 000 adultes avec TSA ou « psychose infantile » présents en ESMS en 2014, seuls 0,2 % ont un travail en entreprise adaptée et 0,5 % ont un travail en milieu ordinaire.

Le rapport d’évaluation du 3ème plan, effectué par l’IGAS, rappelle que la question de l’insertion professionnelle des personnes autistes fut très peu abordée par le 3ème plan et que peu d’actions y furent consacrées. La Cour des comptes souligne d’ailleurs l’insuffisance des efforts déployés en ce sens.

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs que les actions en faveur de l’accès à l’emploi des personnes autistes doivent s’orienter selon deux axes :

– renforcer l’employabilité des personnes autistes à travers une formation professionnelle plus accessible et diversifiée ;

– agir sur l’offre d’emploi en renforçant le soutien aux employeurs qui acceptent d’embaucher des adultes autistes.

a.   Améliorer l’employabilité des adultes autistes suppose de faciliter et d’encourager leur accès à la formation professionnelle

La Cour des comptes souligne la rareté des enseignements préprofessionnels à destination des personnes autistes au sein des IME. En outre, lors de son audition par les rapporteurs, M. Dominique Maigne, directeur de la HAS, a regretté que les formations professionnelles proposées aux personnes avec TSA ne tiennent pas nécessairement compte de leurs compétences spécifiques et proposent des tâches potentiellement très en‑deçà de leurs compétences.

Selon M. Maigne, le développement des formations pour les personnes autistes nécessite de renforcer la coordination entre les structures sanitaires ou médicosociales qui accueillent l’adolescent et l’éducation nationale ou les organismes de formations post bac.

Pour remédier à ces lacunes, la Cour des comptes propose d’insérer un volet TSA dans les contrats passés avec les conseils régionaux sur la formation et l’insertion professionnelle.

La Stratégie nationale considère que la réforme Parcoursup ([13]) facilitera l’accès à l’enseignement supérieur en permettant la construction de parcours scolaires adaptés et en améliorant les accompagnements au sein de l’université. Cette possibilité ne peut encore être envisagée, l’outil n’ayant pas prévu de processus destiné aux élèves handicapés.

b.   Renforcer l’offre d’emploi : faire connaître l’emploi accompagné

Les adultes autistes connaissent des difficultés à trouver un employeur volontaire pour les embaucher : actuellement peu d’entreprises sont prêtes à le faire, c’est pourquoi l’objectif doit être de les convaincre et de les aider.

Pour M. Jean‑François Dufresne, président de l’association Vivre et travailler autrement, deux leviers doivent pour cela être activés. D’une part les pouvoirs publics doivent financer l’accompagnement de ces personnes afin que le coût de cet accompagnement ne soit pas une charge supplémentaire pour les entreprises. D’autre part, il faut communiquer auprès des entreprises afin de les sensibiliser au potentiel des travailleurs autistes : non seulement ils ont des compétences à faire valoir mais ils sont également marginalement plus productifs que les travailleurs neuro-typiques pour certains postes et leur embauche peut donc être profitable. Une action associative d’accompagnement des entreprises peut les rassurer et permettre l’embauche des adultes autistes.

La Stratégie prévoit de consacrer 10 millions d’euros au développement des dispositifs d’emploi accompagné à destination des adultes autistes. En outre, les personnels du service public de l’emploi seront sensibilisés aux spécificités des personnes autistes.

Il ressort des auditions et tables rondes menées par les rapporteurs que l’organisation en silos du système de prise en charge des adultes autistes peut constituer un frein à leur insertion sur le marché du travail en ne prenant pas en considération les spécificités de chacun. Le lieu de vie de la personne (foyer d’accueil médicalisé par exemple) ne doit pas l’empêcher d’accéder à un travail salarié. Ce constat est confirmé par les données de la Cour des comptes.

La Stratégie prévoit aussi de renforcer le déploiement des dispositifs d’ESAT « hors les murs » afin de favoriser l’accès à l’emploi des personnes autistes, notamment en milieu ordinaire.

Les rapporteurs se félicitent de ces différentes annonces et du financement prévu. Ils appellent à faire connaître plus largement les expériences d’emploi réussies, comme celles de l’entreprise Andros par exemple, pour que d’autres acteurs professionnels s’en inspirent.

Proposition  26 : Faciliter laccès à la formation professionnelle et à lemploi, en insérant un volet « troubles du spectre autistique » dans les contrats passés avec les conseils régionaux sur la formation et l’insertion professionnelle.

4.   Réviser le mode de calcul de la prestation de compensation du handicap et le guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées

Comme il a été souligné, de nombreuses personnes autistes peuvent exercer une activité et quitter les structures hospitalières et les foyers médico‑sociaux pour habiter dans des habitats inclusifs, si un accompagnement adapté peut être apporté. L’obtention de la prestation de compensation du handicap (PCH), aide personnalisée, modulable en fonction des besoins du bénéficiaire et versée par le conseil départemental, constitue alors un élément important du contexte à mettre en place pour la personne.

Or la manière dont l’évaluation des besoins de compensation est conduite de même que les modalités de calcul de la PCH font aujourd’hui souvent obstacle à la désinstitutionnalisation des personnes avec autisme, comme l’ont notamment regretté Mme Christine Meignien, présidente de Sésame autisme, et Mme Sophie Biette, référente pour l’autisme à l’UNAPEI, entendues par les rapporteurs.

Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) se fondent en effet sur des critères mal adaptés à la problématique de l’autisme pour le calcul de la prestation de compensation du handicap (PCH) ; critères qui en outre ne sont pas harmonisés entre les MDPH.

Le système d’évaluation utilisé par les MDPH pour la phase d’orientation des personnes se fonde sur le guide d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (GEVA). Or celui‑ci comporte encore des indicateurs qui font ressortir que les personnes autistes ont besoin d’un accompagnement important dans certains domaines de la vie, ce qui peut conduire à une orientation vers le secteur médico‑social.

C’est ainsi que des personnes avec TSA qui pourraient travailler sont orientées vers un foyer d’accueil médicalisé, structure d’hébergement qui accueille en principe des adultes gravement handicapés. La raison de cette orientation peut être que les dispositifs d’accompagnement à la vie sociale dont ils auraient besoin ne peuvent pas être mobilisés. Pourtant, la solution du FAM est en définitive plus coûteuse pour la société que l’inclusion de la personne dans l’emploi et l’hébergement autonome avec un accompagnement. Une personne autiste peut occuper un poste de travail, mais a besoin d’une aide pour de nombreuses démarches de la vie quotidienne.

Inversement, il est difficile pour des personnes qui sont en FAM d’avoir accès à un travail salarié : on leur demande très régulièrement la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) alors même qu’il ne s’agit pas d’une obligation légale.

D’autres exemples ont été cités, dans lesquels un projet d’habitat partagé réunissant trois ou quatre personnes dans un appartement, avec une mutualisation des PCH des personnes concernées, n’a pu être mené à bien : le taux de la prestation accordée a été trop faible pour pérenniser le dispositif, alors que le handicap des personnes était assez sévère. Il faut noter aussi que la PCH ne permet pas de financer certains besoins spécifiques : si on peut financer une personne pour apprendre à faire le ménage, on ne peut financer directement d’aide ménagère, alors que cet appui pourrait être approprié pour le projet cité plus haut. Les aides ménagères ne relèvent pas de la PCH. Ces différentes restrictions conduisent à l’échec et ramènent la personne à la vie en institution.

L’accès à l’élément « aide humaine » nécessite de remplir des critères d’accès spécifiques supplémentaires.

Les montages de projet de vie sont réellement compliqués dans ce genre de réglementation « en silos » où une possibilité d’accompagnement s’avère contredite par une autre règle.

Les rapporteurs appellent à revoir le guide national d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (GEVA) en l’adaptant aux personnes avec TSA. La possibilité pour les personnes avec TSA et leur famille d’effectuer des choix de vie plus autonome, au regard des possibilités de chacun, nécessite une révision des modalités d’analyse et de calcul du besoin de compensation. Les modalités de calcul de la PCH doivent être revues car la grille d’analyse ne permet pas d’entrer dans des détails suffisamment précis pour bien comprendre le fonctionnement des personnes, et notamment tout ce qui est de l’ordre du « socio-pragmatisme » qui est une lacune située au cœur de l’autisme.

Enfin, les adultes autistes et leur famille subissent aussi la lourdeur de la procédure qui exige le renouvellement fréquent des certificats médicaux pour l’obtention de la PSH alors que le handicap n’est pas évolutif. De plus, le nouveau certificat médical institué pour présenter les demandes à la MDPH, permettant au médecin de « mieux décrire l’impact du handicap sur la vie de la personne » selon le site national des MDPH, comporte désormais huit pages, et devrait être complété par un volet relatif aux atteintes des fonctions supérieures (mentales, cognitives et psychiques). Si l’analyse des besoins de la personne peut en être affinée, l’allongement du questionnaire pourra aussi constituer une charge accrue pour les médecins.

La perte de la totalité de l’allocation pour adulte handicapé en cas de travail en milieu ordinaire est aussi une difficulté mal vécue par les personnes autistes. Le régime d’accès à l’AAH devrait selon les rapporteurs être examiné de façon plus large en étudiant la situation économique des personnes handicapées, et la proportion des situations de précarité. La demande portée par les associations de permettre le maintien de cette allocation même en cas d’emploi en milieu ordinaire est légitime aux yeux des rapporteurs, mais doit faire l’objet d’une étude plus large sur le lien entre handicap, travail et solidarité.

Proposition n° 27 : Réformer les orientations et prestations des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) :

– élaborer un guide national d’évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées (GEVA) spécifique aux TSA ;

– simplifier les démarches auprès des MDPH dans le cadre de l’élaboration des orientations et du renouvellement des certificats médicaux.


IV.   CRÉER UN PILOTAGE NATIONAL ET RÉGIONAL AMBITIEUX, AINSI QUUN SYSTÈME DE SUIVI ET DÉVALUATION

La Cour des comptes souligne que la diversité des acteurs impliqués dans la mise en œuvre des plans « autisme » pose un problème de gouvernance, au niveau national et encore davantage au niveau local. Cette gouvernance devrait impliquer davantage d’acteurs que les associations de personnes avec TSA et leurs familles, les ministères concernés et leurs administrations : devraient aussi être associés à la mise en œuvre de ces plans des décideurs comme les conseils départementaux, les représentants d’autres collectivités locales, les grandes associations gestionnaires d’établissements, notamment.

La notion d’association des acteurs paraît même insuffisante pour la Cour, car il s’agit de mettre en cohérence des interventions, dans une forme de « décision partagée ». Pour parvenir à un tel résultat, ce sont des outils d’échange et de décision qui doivent être soit créés, soit déclinés, s’ils existent déjà, pour mettre en œuvre la politique relative à l’autisme.

Ainsi que l’a souligné Mme Claire Compagnon, qui a présidé le comité de pilotage préparatoire à la Stratégie nationale, le champ de l’autisme en France est marqué par des conflictualités fortes ; or le processus de concertation mené par le comité a réussi à impliquer tous les acteurs susceptibles d’intervenir dans la prise en charge et l’accompagnement des personnes souffrant de TSA : des professionnels de santé, les associations de familles, les administrations centrales, des représentants de grosses fédérations de professionnels dans le champ de la psychologie, de l’orthophonie, de la psychiatrie, les représentants des collectivités locales, les personnes autistes elles‑mêmes... À cela s’est ajoutée la consultation des ARS, des DIRECCTE et des rectorats qui ont participé sous forme de contributions.

Cette liste de participants anticipe les acteurs qu’il faudra impliquer et coordonner pour la mise en œuvre de la Stratégie nationale. Le consensus que la concertation a permis de forger pourrait être de bon augure, comme les rapporteurs l’espèrent, pour une gouvernance nationale et régionale efficace, capable de mener les actions structurantes prévues par la Stratégie au cours des prochaines années.

La mise en place d’une structure de pilotage opérationnel placée dans une position réellement stratégique au sein du Gouvernement est indispensable, de même qu’une gouvernance régionale pour réformer de manière structurelle, quand cela est encore nécessaire, la prise en charge de l’autisme au plan régional et infra‑régional.

Par ailleurs, des outils d’évaluation de cette prise en charge devront être développés parallèlement, car ils sont encore trop absents pour mesurer l’efficacité des organisations mises en place et des actions menées.

A.   RÉNOVER LE PILOTAGE OPÉRATIONNEL À LA FAVEUR DE LA STRATÉGIE NATIONALE

La Stratégie nationale, comme auparavant le 3ème plan, couvre un champ interministériel très large : médico‑social, santé mentale, social, éducation, recherche, enseignement supérieur et formation des acteurs, emploi, logement… La mise en œuvre de la Stratégie associe en outre un grand nombre d’acteurs décentralisés. Mettre en mouvement tous ces rouages et ces partenaires suppose un pilotage national très solide, doté d’une position d’autorité suffisante, que le chef de projet chargé d’animer le 3ème plan ne possédait peut‑être pas, d’autant plus qu’il devait être secondé par un groupe technique inter-administratif placé sous l’égide de la DGCS et du secrétariat général des ministères sociaux, groupe qui n’a pas été constitué ([14]).

Le rôle du pilote de la Stratégie devrait être multiple et très ambitieux, comprenant l’élaboration des normes, la régulation des structures intervenant dans le champ de l’enseignement, la formation, les méthodes de prise en charge, l’animation interministérielle, une meilleure structuration du lien avec l’expertise, l’élaboration avec la HAS d’un cadre de référence pour chaque catégorie d’ESSMS (en ciblant les RBP), la conduite de la certification des formations et des établissements…

1.   La gouvernance du troisième plan était insuffisante

Le plan 2013‑2017 avait refondé les modalités du pilotage national et régional des actions. Au plan national, un chef de projet auprès du Secrétariat général du Comité interministériel du handicap assurait l’animation des directions ministérielles impliquées dans le plan, en lien étroit avec le cabinet du secrétaire d’État en charge des personnes handicapées. Son rôle d’animation s’inscrivait dans un partage avec les associations représentant les personnes avec autisme ou autres troubles envahissants du développement et des acteurs impliqués dans un comité de suivi du plan, à réunir tous les trimestres. Le chef de projet devait au total s’appuyer sur quatre instances aux périmètres de compétence variables : le CIH, le comité de suivi déjà mentionné, le Comité national autisme et le Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Le rapport d’évaluation du troisième plan autisme, publié par l’IGAS en 2017, a considéré que cette organisation a eu « dimportantes limites », en termes d’équilibre des parties prenantes, de capacité collaborative et d’investissement dans la mise en œuvre du plan. La plupart des professions de santé impliquées dans le travail interdisciplinaire préconisé par les RBP n’étaient pas représentées, et des questions de représentativité des nombreuses associations invitées au comité de suivi se sont posées.

Au plan régional, les leviers de mise en œuvre du plan étaient constitués d’un référent autisme dans chaque ARS, et d’un plan d’action régional déclinant les orientations nationales, travail qui a permis de refonder la politique régionale de l’autisme, en menant une bonne concertation avec les acteurs. Les ARS ont été dans certains cas un atout dans la mise en œuvre du plan, mais leur division interne en trois pôles – sanitaire, médico-social et prévention – est, selon l’IGAS, peu propice aux démarches transversales. L’action régionale a, dans nombre de cas, échoué, comme par exemple pour assurer un repérage des troubles neuro‑développementaux, dans la proximité et avec un délai acceptable.

Le pilotage interministériel et territorial a été insuffisant faute de mobilisation des différentes administrations et d’outils : ainsi, aucun suivi annuel et consolidé de l’utilisation des crédits n’a été mis en place, en dehors du suivi de la CNSA pour les aspects médico-sociaux. Les crédits sanitaires et les crédits relevant de l’éducation nationale n’ont pas fait l’objet d’un suivi consolidé annuel.

Les champs d’amélioration sont donc importants pour les prochaines années.

2.   Le pilotage prévu par la Stratégie nationale : un levier pour une conduite du changement dans le champ de l’autisme

La Stratégie annonce une rupture avec la gouvernance du plan précédent. Elle repose sur la création d’un délégué interministériel à l’autisme au sein des troubles du neuro-développement, rattaché au secrétariat d’État chargé des personnes handicapées, cette dernière administration étant actuellement rattachée au Premier ministre. Mme Claire Compagnon a été nommée à ce poste par un décret en date du 27 avril 2018.

a.   Un pilote national en position d’autorité auprès du Premier ministre et une gouvernance partenariale

La déléguée sera appuyée par une équipe resserrée et interministérielle qui aura la charge de coordonner le déploiement de la Stratégie dans les ministères, les agences et auprès des acteurs au niveau national. La Stratégie précise que la mission de cette équipe-projet ne sera pas d’agir à la place des instances spécialisées, mais de produire et d’accélérer la production de mesures en matière d’information, de normes et de structuration des parcours. Elle jouera un rôle de levier dans la politique de l’autisme et des troubles du neuro-développement.

Il incombera à la déléguée de préparer le suivi de la Stratégie en comité interministériel associant les ministères concernés ; le comité s’appuiera sur le secrétariat général du comité interministériel du handicap et sur des administrateurs référents dans chacun des ministères et opérateurs de l’État (continuation du groupe technique inter-administratif acteur de la préparation de la Stratégie nationale).

La Stratégie nationale prévoit que le délégué interministériel réunira chaque semestre un conseil national des TSA et TND à vocation consultative. Cette instance de « gouvernance partenariale » devrait réunir de nombreux partenaires de la politique de l’autisme comme les associations, les représentants des professions de santé, les administrations, les représentants du GIS recherche…

Le délégué devra faire le compte rendu de la mise en œuvre de la Stratégie et de son efficacité devant ce conseil.

Les rapporteurs approuvent le schéma de gouvernance nationale proposé par la Stratégie, qui confèrera à la déléguée interministérielle récemment nommée une autorité certainement plus grande au sein de l’appareil administratif que n’en a eu son prédécesseur. Il est important que la Stratégie souligne, par ailleurs, qu’elle devra produire des référentiels dont l’impact sur le niveau territorial sera immédiat.

b.   Des responsabilités importantes à assumer au niveau régional

La Stratégie prévoit de renvoyer le plus possible à l’échelon territorial la responsabilité de développer et restructurer par transformation l’offre de services aux personnes autistes : l’objectif est de proposer une offre de prise en charge et d’accompagnement garantissant, sur tout le territoire, un « panier de services » homogène, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent.

Les ARS disposeront de marges de manœuvre étendues pour mettre en œuvre les éléments de la Stratégie, et devront trouver les modalités financières susceptibles d’encourager les acteurs à coopérer et à permettre aux personnes autistes d’accéder à un parcours de vie sans rupture de la prise en charge ou de l’accompagnement. La Stratégie souligne à cet égard qu’il faudra lever les obstacles financiers existants lorsque la personne quitte l’hôpital pour une prise en charge dans le secteur ambulatoire, par une structure médico‑sociale ou à son domicile.

Il s’agira donc de rebâtir les prises en charge en plaçant la notion de parcours au centre des dispositifs.

B.   ÉVALUER LES RÉSULTATS DE LA POLITIQUE DE PRISE EN CHARGE DE LAUTISME

1.   Le suivi et l’évaluation insatisfaisants des actions du troisième plan

La Cour déplore le manque de suivi des actions du troisième plan, notamment en matière financière. Elle donne l’exemple des crédits « de renforcement » délégués aux ARS pour mettre à niveau l’offre médico-sociale existante et la rapprocher du niveau visé par les RBP (une enveloppe de 59 millions d’euros) : ces crédits n’ont fait l’objet d’aucun suivi par nature, ce qui était pourtant envisagé.

Elle déplore également que le déploiement du triptyque précoce, priorité du 3ème plan, n’ait pas fait l’objet d’une remontée d’informations, faute d’outils permettant d’assurer le suivi de la mise en œuvre de cette priorité. Seule la création de places dans les 111 UEMa a été suivie de manière centralisée.

Le rapport d’évaluation fait cependant peu de préconisations quant au suivi à mettre en œuvre à l’avenir. Il recommande qu’un suivi annuel s’applique au déploiement du triptyque précoce et au partenariat entre les secteurs. Ces actions relèvent essentiellement des compétences des ARS : leur suivi annuel devrait selon la Cour être effectué par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales et la CNSA, afin de mettre en commun les bonnes pratiques, identifier les blocages et, enfin, remédier aux situations de « relative inertie ».

Sous l’angle de l’évaluation de la mise en œuvre des actions et de leur efficacité, le troisième plan était assorti dun trop grand nombre dindicateurs – plus de 250 – sans que cet affichage volontariste ne se soit traduit par des résultats concrets permettant d’améliorer le travail des différents acteurs participant à la politique.

Les acteurs entendus par les rapporteurs ont évoqué à plusieurs reprises les besoins d’évaluation de la politique de prise en charge de l’autisme, dans tous ses aspects, y compris celui de l’utilisation des crédits de recherche, comme l’a souligné le professeur Yves Lévy.

2.   Assurer une évaluation indépendante et régulière de la mise en œuvre de la Stratégie nationale

Les rapporteurs considèrent aussi que l’évaluation de la politique de prise en charge est extrêmement faible jusqu’à présent. Des données fondamentales comme le nombre des personnes souffrant de TSA, le nombre de personnes non prises en charge de manière adaptée à leurs besoins, ou encore le pourcentage des enfants avec TSA scolarisés ne sont pas connus.

Le comité de pilotage de préparation du 4ème plan a travaillé sur la question de l’évaluation, avec l’appui du Haut conseil à la santé publique qui s’est joint à la réflexion sur les outils et indicateurs.

La Stratégie nationale distingue l’évaluation interne, sur la base d’un certain nombre d’indicateurs, que devra mener l’instance de pilotage, et l’évaluation externe qui sera faite à la fin de la mise en œuvre, soit dans cinq ans, par l’IGAS ou par la Cour des comptes.

Elle décline les quatre ambitions qu’elle a définies en 101 actions de toute nature : création de nouvelles places, recrutements, actions de formation, mesures normatives à adopter, actions d’information et de sensibilisation… Ces actions font l’objet d’un calendrier de mise en œuvre, et d’indicateurs de suivi au nombre d’une soixantaine.

Les rapporteurs estiment que cet appareil d’évaluation est bien complet pour mesurer les progrès quantitatifs réalisés : nombre d’élèves avec TSA scolarisés, nombre d’unités créées au sein de l’éducation nationale, nombre d’habitats inclusifs bénéficiant du forfait, nombre de travailleurs ESAT, de personnes avec TSA accompagnées… Le renseignement de ces indicateurs permettra incontestablement de constater les réalisations, et il faut l’espérer, d’observer les progrès réalisés au niveau territorial.

Ils souhaiteraient cependant que la déléguée interministérielle puisse conduire un travail de réflexion sur les indicateurs qualitatifs qui pourraient permettre de constater les progrès réalisés par les enfants dans le cadre de la prise en charge, ainsi que les progrès intervenus dans la qualité de vie pour les adultes qui bénéficient d’une prise en charge ou d’un accompagnement.

3.   Une méthodologie d’évaluation à élaborer

Les rapporteurs partagent l’observation de la Cour des comptes à propos de l’absence d’un référentiel commun en matière de suivi des progrès des enfants traités, du fait des contraintes techniques liées à la diversité des méthodes utilisées, ce qui rendrait impossible la comparaison des résultats d’une structure à l’autre.

Un système d’évaluation qualitative serait à construire sur la base d’un nombre limité d’indicateurs relatifs au progrès des enfants et de la qualité de vie des adultes pris en charge ou accompagnés.

La Stratégie nationale prévoit de développer plusieurs avancées en matière d’évaluation. Elle annonce un dispositif de surveillance et d’indicateurs aux différents échelons territoriaux pour l’évaluation des politiques et des interventions. À plus long terme, elle annonce l’ambition de créer un système d’observation des TSA, auquel l’Agence nationale de santé publique commence à travailler par le biais d’un programme de construction d’algorithmes testant des analyses d’incidence des TSA et la mise en place de groupes d’échanges de pratiques professionnelles pour inclure une dimension régionale (programme 2018‑2022).

Pour faire évoluer les pratiques et encourager l’innovation dans le champ des soins, de l’éducation et de la pédagogie, de l’accompagnement vers l’emploi, un centre expérimental sera créé. Il aura notamment pour mission l’évaluation de l’impact des innovations, des produits, des services et des prises en charge ; il devra pour cela construire les méthodologies adaptées.

Les rapporteurs prennent acte de ces annonces, soulignant que le Parlement devra suivre très régulièrement la mise en œuvre de la Stratégie ainsi que des outils d’évaluation.

Proposition n° 28 : Mettre en place un système de suivi et d’évaluation de la politique de prise en charge de l’autisme en trois volets :

– l’évaluation des financements de la recherche sur l’autisme ;

– la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’autisme ;

– une évaluation qualitative des prises en charge de l’autisme et des méthodes éducatives, basée sur une série limitée d’indicateurs relatifs :

- aux progrès des enfants pris en charge ;

- aux méthodes de prise en charge ;

- à la qualité de vie des personnes ;

- à la satisfaction des familles usagers d’un établissement ou d’un service.


V.   RENFORCER ET COORDONNER LA RECHERCHE SUR L’AUTISMe

La thématique de la recherche sur l’autisme a été évoquée dès le premier plan autisme de 2005, puis elle a été intégrée en tant qu’objectif dans le deuxième plan, qui prévoyait « d’élaborer et actualiser régulièrement le corpus de connaissances sur l’autisme ». La Cour des comptes regrette que les actions initiées dans le cadre du deuxième plan n’aient pas été évaluées.

Une volonté de structurer l’effort de recherche a été annoncée dans le troisième plan autisme de 2013, avec quatre fiches action. Il était notamment prévu de mettre en place une coordination entre les Alliances Aviesan et Athéna, au sein d’un Institut thématique multi-organisme « Neurosciences, sciences cognitives, neurologie et psychiatrie ». Il était également prévu de nommer un coordonnateur de la recherche épidémiologique, qui recentrerait celle‑ci sur de grandes études de cohortes dès la petite enfance. Le 3ème plan ne dégageait pas de financement nouveau pour la recherche sur l’autisme en dehors des enveloppes existantes ; il prévoyait seulement une enveloppe annuelle de crédits de 500 000 euros de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), mobilisable pour les projets en sciences humaines et sociales. La Cour des comptes, dans son évaluation, constate que, si les projets existants à ce jour ont bien été engagés dans le cadre du troisième plan, il est trop tôt pour en analyser les résultats.

La recherche sur l’autisme présente de nombreuses faiblesses sur le plan financier et organisationnel, ce qui laisse craindre un accroissement du retard français par rapport à certains pays moteurs dans ce domaine.

Les rapporteurs redoutent que la Stratégie nationale, telle qu’ils ont pu en prendre connaissance, n’apporte pas de remède significatif à ce constat.

A.   LES FAIBLESSES DE LA RECHERCHE SUR LAUTISME

L’évaluation de la Cour apparaît très critique sur la recherche dans le domaine de l’autisme, qui, alors qu’elle est en forte croissance au niveau mondial (niveau mesuré par le nombre de publications), progresse peu dans notre pays, où seulement 0,2 % des publications sont consacrées à ce domaine.

Selon le critère du nombre de publications, la place de la France se situerait au 9ème rang mondial, avec 750 publications pour la période 2012‑2016, soit 3,8 % de la production mondiale. La dispersion des efforts, des engagements financiers très insuffisants, la faiblesse de la recherche translationnelle ([15]), un lien insuffisant avec les entreprises innovantes faute de partenariats avec le privé, ne permettront pas de faire face à la prévalence croissante des troubles du spectre autistique, et à la prise en charge des personnes concernées.

La Stratégie nationale doit mettre fortement l’accent sur la dynamisation de la recherche française, ce qui ne semble pas être le cas.

1.   La recherche ne couvre pas tous les champs disciplinaires impliqués dans la prise en charge des troubles du spectre autistique

La recherche française sur l’autisme dispose réellement d’atouts importants, avec des équipes excellentes. La table ronde organisée par les rapporteurs a mis en exergue les avancées scientifiques réalisées par nos organismes de recherche sur le rôle des mutations génétiques impliquées dans le développement du système nerveux, sur les anomalies de la connectivité présentes dans l’autisme, sur les dysfonctionnements immunologiques, ou encore sur la description des anomalies cognitives.

Les équipes mènent des projets pour l’essentiel basés sur les aspects mécanistiques et biologiques, c’est‑à‑dire les processus « en amont » de la maladie, ainsi que l’a souligné M. Thierry Damerval, président de l’Agence nationale de la recherche (ANR).

La Cour constate que, pendant la période sur laquelle porte son évaluation, soit 2013‑2017, de nombreux acteurs publics et privés ont contribué à développer la recherche sur les troubles du spectre autistique et les troubles du neuro‑développement, mais que l’exigence de diversification des thématiques de recherche n’a pas été satisfaite, ainsi par exemple dans le champ des sciences humaines et sociales ou des sciences de l’éducation.

La Cour des comptes regrette aussi un déficit de recherche clinique et interventionnelle, cette dernière s’attachant à démontrer l’efficacité des interventions (mécanismes, conditions, reproductibilité, durabilité…), mais également un retard en matière d’études de cohortes de patients, bien que ces dernières aient été prévues dans le 3ème plan.

Le rapport d’évaluation du 3ème plan, effectué par l’IGAS, souligne aussi que, malgré le constat répété de leur absence, peu de données épidémiologiques sont disponibles : les connaissances relatives aux profils des personnes avec autisme (comorbidités, importance des déficiences, spécificité des besoins) sont « quasi inexistantes » en France selon l’IGAS, et les données utilisées par nos chercheurs sont celles recueillies au niveau international.

Les rapporteurs considèrent que la recherche sur l’autisme doit en effet être menée de front dans plusieurs domaines : la recherche fondamentale, indispensable pour l’avancée des neurosciences et la compréhension des mécanismes d’apparition de la pathologie, la recherche clinique et les expérimentations, la recherche en sciences humaines et sociales et la recherche dans le domaine du médico‑social enfin. Les travaux de recherche futurs devront également aborder les interactions entre les champs du numérique, des sciences sociales et de la biologie.

La Stratégie nationale pour l’autisme tente d’apporter une réponse à certaines de ces critiques, avec l’organisation de la production de données épidémiologiques, en structurant un dispositif de surveillance réparti sur tous les échelons territoriaux, à travers des « indicateurs fiables ». Les maillons verticaux de ce dispositif ne sont pas précisés : s’agira-t-il des ARS, ou bien des maisons départementales des personnes handicapées, qui se dotent actuellement d’un système dinformation qui, entre autres fonctions, recueillera des données anonymisées locales et nationales sur le public concerné et ses besoins ?

Est aussi annoncé le projet de développement d’une « cohorte d’une ampleur inédite », permettant aux chercheurs de disposer de données variées, multidimensionnelles et interopérables sur l’autisme.

Les rapporteurs constatent que d’autres aspects de la recherche sont actuellement insuffisamment traités comme l’étude des facteurs sociaux et environnementaux dans l’apparition ou la résorption des troubles du développement ; la recherche en sciences humaines et sociales ; les stratégies psycho-sociales, les techniques d’apprentissage ou encore le domaine du médico‑social.

Le caractère opérationnel des résultats de la recherche doit être privilégié, afin de connaître et établir la pertinence des méthodes de traitement. Des programmes de recherche-actions sont à instaurer pour améliorer les connaissances et la compétence des professionnels prenant en charge les personnes autistes.

Enfin l’élargissement des thématiques aux sciences et technologies de l’information, l’utilisation du numérique pour mettre à disposition des patients des stratégies psycho-sociales, des moyens de remédiation cognitive, de la psychoéducation sont aussi des domaines de travail pour l’avenir, sur lesquels l’Institut du cerveau et de la moelle épinière a déjà commencé à travailler.

2.   Le manque de priorisation de la recherche et de coordination des acteurs

Le constat établi par la Cour, et confirmé par les acteurs de la recherche auditionnés, est celui d’un besoin d’impulsion et de priorisation des thématiques de recherche. De nombreux domaines sont à soutenir, comme l’a souligné Mme Marion Leboyer, directeur de la fondation FondaMental : ceux déjà cités ci‑dessus, mais aussi la santé publique, la psychologie, l’imagerie cérébrale, la génétique, l’immunologie, les neurosciences, les essais thérapeutiques. Face à ces larges besoins, il est nécessaire qu’un opérateur public effectue une priorisation et une planification annuelle des thématiques destinataires d’un effort et d’investissements financiers, avec la passation d’appels d’offres dédiés et une évaluation solide des résultats.

La Cour relève la diversité des intervenants dans cette recherche (CHRU, INSERM, CNRS, universités, Institut Pasteur) ainsi que des financeurs : ANR, fondations privées comme la Fondation de France ou la fondation FondaMental, direction générale de l’offre de soins (DGOS) avec le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC).

Elle évoque différentes initiatives de coordination comme les instituts thématiques multi-organismes ou les alliances entre ces derniers instituts comme l’Aviesan. Elle juge toutefois ces efforts insuffisants et se prononce pour une nouvelle organisation permettant de coordonner et mutualiser les efforts de recherche.

La nécessité d’un opérateur coordonnant les acteurs de la recherche, comme les centres d’excellence réunis en réseau, fait aussi consensus : il s’agit de renforcer les synergies entre les équipes et surmonter ainsi le fractionnement et le cloisonnement des recherches, tout en impliquant les associations de patients. Cet opérateur devra aussi définir le cahier des charges des centres d’excellence, qui feront de la recherche et de la formation, avec des standards diagnostiques, en respectant les recommandations thérapeutiques.

Une lacune devra aussi être comblée : l’absence d’information du grand public et des décideurs publics sur les résultats de la recherche. La diffusion des résultats de la recherche devra impérativement constituer une mission fondamentale de l’instance de coordination à créer.

B.   CRÉER UNE INSTANCE DE COORDINATION DE LA RECHERCHE QUI NE SOIT PAS UN FORUM

Différents modèles de structuration et de coordination de la recherche sur l’autisme ont été proposés par la Cour comme par les personnalités auditionnées par les rapporteurs. La Stratégie nationale présentée par le Gouvernement a fait le choix d’un groupement d’intérêt scientifique dont l’intitulé élargit la mission aux troubles du neuro-développement.

1.   Les différentes options proposées pour assurer la coordination et la diversification de la recherche

Un sondage réalisé auprès des équipes travaillant dans l’alliance Aviesan indique que 70 à 100 équipes travaillent ou participent à la recherche sur l’autisme, ce qui représente 500 équivalents temps plein de chercheurs consacrant tout ou partie de leur activité à cette recherche. Pour coordonner les travaux de ces équipes, les propositions d’organisation suivantes ont été évoquées avec les rapporteurs.

La Cour des comptes a proposé, en s’inspirant de modèles d’instituts étrangers compétents pour les troubles du spectre autistique, à Montréal ou à Göteborg, la création d’un institut du neuro-développement « adossé » à l’Inserm, qui coordonnerait les projets, sécuriserait les financements et donnerait de la visibilité à la recherche. Cette proposition n’a pas reçu le complet soutien des personnalités entendues par les rapporteurs : plusieurs d’entre elles ont craint que l’apparition d’un nouvel acteur n’ait pour effet de « prélever » des chercheurs dans les structures existantes sans apporter de crédits nouveaux. Les rapporteurs ne partagent pas cette crainte, l’institut en question devant plutôt coordonner des équipes qui resteraient dans leur organisme d’origine.

Le professeur Yves Lévy, président directeur général de l’Inserm et de l’alliance Aviesan, a préconisé de donner un rôle de coordination du plan autisme à l’Inserm, organisme qui joue déjà ce rôle pour d’autres plans de recherche, comme le plan cancer, en insistant sur l’importance de mobiliser de manière institutionnelle à la fois les opérateurs de la recherche et les opérateurs du soin, ce qui n’a pas été fait suffisamment jusqu’à présent.

Mme Marion Leboyer, directrice de la fondation de coopération scientifique FondaMental, a considéré que la notion de « neuro-développement » était trop large et qu’un institut portant cette dénomination créerait un nouveau clivage entre le monde de la médecine et le monde de la psychiatrie. Elle a préconisé la création d’un institut national pour l’autisme sur le modèle de l’Institut national du cancer (INCa) créé en 2005, et dont les missions seraient aussi bien la recherche, les développements en santé publique et en soin et, enfin, l’information du public. Cet institut pourrait être la préfiguration d’un institut des maladies psychiatriques, symbolisant une priorité conférée à la recherche sur cet ensemble de maladies, qui représentent le premier poste de dépense de l’assurance maladie pour les maladies chroniques.

Au-delà de ces divergences, les intervenants ont partagé le constat que bien plus que la création d’une nouvelle structure, c’était la définition d’objectifs clairs de recherche qui importait, de même que la coordination des travaux et l’implication des associations de patients dans les projets de recherche, comme dans la définition de la politique scientifique elle‑même.

2.   Le projet de groupement d’intérêt scientifique « autisme et troubles du neuro-développement » est encore mal défini

Les rapporteurs approuvent l’annonce, par la Stratégie nationale, d’un plan ambitieux en faveur de la recherche sur l’autisme. Ce plan bâtit la structuration de la recherche sur trois « piliers ».

Le premier est la création d’un groupement d’intérêt scientifique (GIS) dont la mission serait élargie aux troubles du neuro-développement. Celui‑ci devrait réunir les grandes équipes de recherche déjà labellisées – Inserm, CEA, INRA, CNRS… –, qui devront être liées aux structures acteurs du soin, comme les centres de ressources autisme. Le deuxième pilier est la création de trois centres d’excellence clinique et de recherche sur l’autisme et les troubles du neuro‑développement, qui contribueront à produire et mettre à disposition des données en réseau. Le troisième pilier consistera en appels à projets pour l’ouverture à de jeunes chercheurs de postes de chefs de clinique-assistants des hôpitaux, assistants hospitaliers universitaires, dans les unités de recherche partenaires des centres d’excellence.

Le GIS est, selon la définition du CNRS, familier de cette forme d’organisation, un contrat de collaboration dépourvu de personnalité juridique, qui répond souvent au besoin d’officialiser une collaboration entre plusieurs partenaires afin de bénéficier de financements complémentaires. Il répond à une préoccupation scientifique nécessitant une organisation plus structurée que celle applicable au contrat classique. Un GIS n’a pas vocation à se pérenniser, au‑delà d’une durée moyenne de coopération de l’ordre de quatre années.

Les rapporteurs prennent acte de la création d’une instance de structuration et de coordination de la recherche, dont on peut cependant craindre qu’elle ait besoin de temps pour acquérir l’autorité et la légitimité nécessaires à l’exercice de sa mission.

En outre, les contours de ce futur groupement sont encore mal définis, dans sa composition et dans ses règles d’action : il doit englober les acteurs des disciplines variées qui interviennent à un titre ou un autre dans la recherche, favorisant un travail en réseau, et avoir l’autorité nécessaire pour faire des choix et adopter des calendriers d’action et d’investissement.

Les modalités de création de ce groupement ne sont pas encore précisées, et on ne sait qui en assurera le pilotage. On peut craindre que cette structure apparue ex nihilo n’ait du mal à « prendre ses marques » : elle devra regrouper des acteurs reconnus afin de peser rapidement dans la conduite de cette activité de recherche.

Le groupement devrait effectuer une mise en réseau de portée nationale pour relier des spécialistes de disciplines très variées, toutefois l’inclusion des sciences humaines et sociales, et des sciences de l’éducation n’est pas précisée, de même que le champ médico-social.

La Stratégie nationale annonce qu’il sera conféré une place aux usagers dans la recherche, notamment en explorant et mettant à l’essai des innovations avec et pour les usagers, au sein d’un centre expérimental de méthodes éducatives et pédagogiques à créer. Le GIS devra favoriser les échanges entre les chercheurs, les patients et leur famille, ces derniers devant devenir des acteurs essentiels de la recherche, à l’instar de ce qui a été fait aux États‑Unis avec l’association Autism speaks. Cette politique de partenariat se fera avec l’association ARAPI, fondée en 1983.

Ces perspectives d’action apparaissent très positives. Elles pourraient être enrichies en formalisant davantage la place des CRA dans ces nouvelles orientations de l’organisation de la recherche. Les CRA ont statutairement un rôle dans la recherche ; ils pourraient être davantage impliqués dans la recherche épidémiologique, dans la recherche sur les traitements, sur les stratégies psycho‑sociales ou sur les méthodes d’apprentissage. Les CRA peuvent déjà participer aux actions de recherche lorsqu’ils sont adossés à des CHU, mais ce n’est pas le cas de toutes ces structures. Une précision et une contribution renforcée serait selon les rapporteurs un apport utile, notamment dans l’optique de la grande base de données « multidimensionnelles » annoncée par la Stratégie, à recueillir sur une longue durée.

Enfin, les rapporteurs tiennent à souligner que le groupement d’intérêt scientifique devra être le garant du bon usage des crédits et autres fonds de recherche, qui ne doivent pas soutenir des recherches ou des pratiques thérapeutiques ou éducatives non conformes aux recommandations de bonne pratique de la Haute autorité de santé. La définition des appels d’offre de l’ANR devrait être élaborée en coordination avec le groupement d’intérêt scientifique, de manière à « flécher » les financements de la recherche vers les méthodes aujourd’hui reconnues et promues dans le monde entier, alors que la France continue parfois à financer des axes d’enseignement et de recherche inappropriés.

Proposition n° 29 : Préciser les missions du groupement d’intérêt scientifique et lui conférer l’autorité nécessaire à la priorisation et à la coordination de la recherche :

– inclure dans le domaine d’action du groupement les sciences humaines et sociales, le champ médico‑social et les traitements de l’autisme ;

– intégrer des représentants des associations de patients au sein de l’instance de pilotage du groupement ;

– intégrer les acteurs de recherche reconnus dans un comité de pilotage resserré.

3.   Étudier la création d’un Institut national de l’autisme

La solution d’un groupement d’intérêt scientifique répond à un besoin de souplesse et de rapidité, et devrait permettre d’engager très vite une coordination des équipes et des projets de recherche, sans attendre la mise en place d’un nouvel acteur institutionnel. Les rapporteurs considèrent pourtant qu’à moyen terme, la mise en place d’un acteur nouveau, aux compétences juridiques renforcées et à la visibilité accrue, pourrait être un choix plus ambitieux et plus porteur. La concrétisation de l’ambition, affichée par la Stratégie nationale et largement partagée, d’une dynamisation de la recherche française sur l’autisme, afin de rattraper le retard qu’elle accuse par rapport aux autres grands pays de recherche, appelle en effet la création d’un institut dédié.

Les exemples étrangers cités par la Cour des comptes, ainsi que celui de l’Institut national du cancer (INCa), démontrent l’efficacité de ce modèle pour assurer la coordination des projets de recherche, associer un nombre important de chercheurs de divers horizons, et également pour sécuriser les financements sur plusieurs années. Le groupement d’intérêt public (GIP), forme adoptée notamment par l’INCa, est une structure plus pérenne que le GIS, et permet une meilleure intégration des acteurs notamment grâce à la personnalité juridique qui lui est attribuée. L’autorité de la structure de coordination doit être forte pour éviter de dupliquer les recherches et disperser des moyens financiers limités. L’effort de recherche lui‑même reste concentré dans les organismes et les laboratoires de recherche existants.

De plus, la création d’un Institut national de l’autisme, en devenant l’acteur central et incontournable de la recherche française, donnerait à celle‑ci davantage de visibilité à la fois au niveau national et international, ce dernier point étant aujourd’hui essentiel pour attirer des financements privés importants.

Les rapporteurs proposent donc que la création d’un Institut national de l’autisme pour la recherche soit mise à l’étude.

Proposition n° 30 : Étudier la création d’un Institut national de l’autisme.

C.   LEFFORT FINANCIER CONSACRÉ À LA RECHERCHE SUR LAUTISME RESTE INSUFFISANT

Le constat dressé par la Cour des comptes est celui de financements fractionnés et difficiles à appréhender dans leur ensemble. Ces financements sont très faibles en comparaison de certains grands pays de recherche en santé, et au regard de la prévalence des troubles autistiques, prévalence dont la hausse rapide est constatée dans le monde entier.

1.   Des financements insuffisamment coordonnés pour garantir une utilisation optimale

Les acteurs mobilisant des financements pour la recherche sur l’autisme sont multiples : organismes de recherche, ANR, programme hospitalier de recherche clinique, CNSA…

La Cour des comptes évalue le budget consacré à la recherche en psychiatrie à 27 millions d’euros en France (contre 173 millions au Royaume‑Uni), dont la part consacrée à l’autisme serait de 5 millions d’euros par an, en moyenne, seulement. L’ANR consacre pour sa part 20 millions d’euros par an aux recherches en neurosciences, dont un effort moyen de 3,5 millions pour les projets consacrés aux troubles du spectre autistique (44 projets). Cet engagement a progressé en 2017, atteignant 4,7 millions d’euros engagés sur les nouveaux projets consacrés à l’autisme.

La comparaison des financements avec ceux des autres pays est difficile, car nos données ne permettent pas d’établir un coût global, incluant les salaires des chercheurs venant des différents organismes impliqués. La dépense globale de recherche, en intégrant les salaires, s’établirait à 15 millions d’euros selon le professeur Yves Lévy.

Le fractionnement complique l’appréhension et l’évaluation des financements utilisés pour la recherche sur l’autisme. Il est, de fait, indispensable, vu les limitations budgétaires qui ne pourront se desserrer que dans une faible mesure, que l’allocation de ces crédits soit bien coordonnée, et que le levier d’entraînement des financements privés joue à plein, ce qui n’est pas le cas actuellement, sauf dans quelques institutions comme l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Ce dernier favorise ainsi, par exemple, l’implication de start ups dans l’évaluation et la proposition de nouvelles thérapeutiques. La Stratégie nationale fait très peu état de cette faiblesse du partenariat public-privé pour le financement de la recherche dans le domaine de l’autisme et n’annonce pas de dynamisation des appels d’offre à court et moyen terme.

2.   La nécessité de consentir un investissement important public et privé pour la recherche dans le domaine de l’autisme

La recherche doit progresser sur deux fronts : les causes de l’autisme et les traitements de l’autisme. Or notre recherche nationale a longtemps privilégié la recherche fondamentale et donc le premier champ. Le second appelle aujourd’hui de consacrer équipes et moyens, afin de déboucher sur des traitements et des soins, ainsi que sur des méthodes de prise en charge psycho-éducatives.

Quelques domaines de la recherche très prometteurs appellent un renforcement des financements pour obtenir un impact significatif : il serait important de renforcer la recherche appliquée et la recherche-action de manière générale, pour parvenir par des innovations à améliorer rapidement la vie des personnes souffrant de TSA, et plus précisément de renforcer la recherche pour identifier les biomarqueurs, faire des essais thérapeutiques, tester les probiotiques et les antibiotiques, pouvoir mener des études de cohorte pour les traitements et les soins, notamment.

La réponse de la Stratégie nationale pour l’autisme est insuffisante, avec l’annonce d’un financement de 14 millions d’euros sur cinq ans destiné aux actions suivantes :

– le financement d’un projet de cohorte de grande ampleur ;

– le renforcement du nombre de chercheurs et notamment la création de 10 postes de chefs de clinique ;

– la création d’un « living lab » regroupant usagers, chercheurs, cliniciens et entrepreneurs, afin de développer et d’évaluer l’innovation technologique à destination des personnes autistes ;

– la constitution d’un centre expérimental dédié aux méthodes éducatives et pédagogiques (« learning lab ») afin d’identifier et diffuser des outils facilitant l’inclusion scolaire (applications numériques par exemple).

Si ces pistes sont positives, les rapporteurs considèrent que les financements spécifiquement attribués à la recherche en psychiatrie et en particulier à l’autisme devraient être significativement renforcés, en particulier avec de nouveaux appels d’offres dédiés à la psychiatrie et en particulier à l’autisme et aux troubles envahissants du développement (appels d’offres publics et privés/publics), pour soutenir les innovations thérapeutiques et attirer les chercheurs vers les structures de recherche françaises. Il convient de souligner, même si cela relève de l’évidence, que les bons chercheurs en psychiatrie ne restent pas en France s’il n’y a pas d’appels d’offres dans le domaine.

L’on peut se demander aussi si la Stratégie utilise suffisamment les ressources déjà existantes : ainsi les centres experts (au nombre de 37, ouverts par la fondation FondaMental au sein de services hospitaliers ou de cliniques et dédiés notamment à l’autisme) pourraient constituer des structures très proches du « living lab » évoqué par la Stratégie.

Un apport significatif pour réaliser l’ambition affichée par la Stratégie nationale serait de multiplier par cinq l’enveloppe prévue, et ainsi consacrer à ces domaines de recherche 14 millions d’euros chaque année pendant les cinq ans de déroulement de la Stratégie. Permettre à l’ANR d’ouvrir chaque année des appels d’offre pour ce montant de crédits illustrerait concrètement les objectifs énoncés, ce montant étant encore modeste en comparaison avec l’effort de recherche mené par d’autres pays dont la qualité de la recherche est comparable à la nôtre.

Les rapporteurs soulignent que le programme Investissements d’avenir a permis, grâce à des appels à projets, de financer la coordination de la recherche dans les centres experts évoqués ci‑dessus : ces financements, qui atteignent 600 000 euros par an, vont prendre fin en 2019, ce qui va stopper la recherche qui y est conduite, laquelle a permis de créer des bases de données, des biobanques…

Il est donc indispensable de veiller à la continuité du soutien qui doit être apportée aux réseaux déjà opérationnels et engagés dans des démarches de recherche de moyen et long terme. Il faut évidemment aussi renforcer les financements pour de nouveaux projets de recherche sur appels d’offres, tant sur les thématiques prioritaires qui seront définies au plan national que sur des projets ciblés innovants que saura détecter l’ANR.

Proposition n° 31 : Renforcer l’effort financier en faveur de la recherche sur l’autisme et les troubles du neuro-développement :

– quintupler les financements prévus en consacrant chaque année 14 millions d’euros aux appels à projets publics et publics-privés dans le domaine de l’autisme et des troubles du neuro‑développement, pour réaliser un véritable investissement national dans ce domaine, générateur de retombées à moyen terme ;

– se fonder autant que possible sur les ressources existantes pour développer les structures nouvelles envisagées par la Stratégie nationale, et à ce titre assurer la transition des financements des centres experts.


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   EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du mercredi 6 juin 2018. Au cours de cette réunion, il a autorisé la publication du présent rapport.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.tv/video.6152083_5b17a52668be4.comite-d-evaluation-et-de-controle-des-politiques-publiques--evaluation-de-la-prise-en-charge-de-l--6-juin-2018

 


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ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions :

        M. Étienne Petitmengin, secrétaire général du Comité interministériel du handicap (CIH), accompagné de Mme Delphine Corlay, secrétaire général déléguée, en charge du plan autisme (1er février 2018).

        Mme Claire Compagnon, inspectrice générale des affaires sociales, présidente du comité de pilotage du 4ème plan autisme (7 février 2018).

        M. Dominique Maigne, directeur de la Haute autorité de santé (HAS), accompagné de Mme Joëlle André‑Vert, chef de projet, service des bonnes pratiques professionnelles (SBPP) (14 février 2018).

        M. Florent Chapel, président d’Autisme info service (18 avril 2018).

2. Tables rondes :

        Pr Yves Lévy, président-directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), président de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) ;

        M. Thierry Damerval, président-directeur général de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ;

        Pr Marion Leboyer, responsable du pôle de psychiatrie et d’addictologie des HU Henri Mondor, directeur du laboratoire de psychiatrie translationnelle (Inserm, U955), directeur de la fondation FondaMental ;

        Pr Philippe Fossati, co-directeur de l’équipe de neurosciences sociales et affectives à l’ICM / IHU-A-ICM (Institut du cerveau et de la moelle épinière - Institut hospitalo-universitaire) ;

        Mme Lydia Millot, déléguée générale de la fondation de recherche Philippe Sibieude, accompagnée de Mme Élisabeth Ouss, pédopsychiatre à l’hôpital Necker.

        Mme Florence Jason, directrice du groupement national des centres de ressources autisme (GNCRA) ;

        Dr Maryse Bonnefoy, Syndicat national des médecins de protection maternelle infantile (SNMPMI) ;

        Dr Nathalie Lagarde, médecin au centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) de Dijon ;

        Pr Richard Delorme, chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Robert‑Debré ;

        M. Vincent Dennery, président du Collectif autisme.

        M. Simon Kieffer, directeur des établissements et services médico-sociaux de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), accompagné de Mme Anne Véber, chargée de mission autisme ;

        Mme Garménick Leblanc, coordinatrice de la cellule médico-sociale, et M. Pierre Gabach, responsable du département des prestations et des maladies chroniques, direction déléguée à la gestion et à l’organisation des soins (DDGOS) de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ;

        Mme Laurence Locca, adjointe à la directrice de l’autonomie à l’Agence régionale de santé (ARS) de Normandie, M. Antoine Rosier, médecin coordonnateur du Centre de ressources pour l’autisme de Haute Normandie (CRAHN), et M. Jérôme Dupont, pilote régional autisme ;

        Mme Danièle Langloys, présidente d’Autisme France.

        M. Jean‑Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale, accompagné de Mme Stéphanie Talbot, cheffe du bureau Insertion, citoyenneté et parcours de vie des personnes handicapées ;

        Mme Katia Julienne, adjointe à la directrice générale de l’offre de soins, accompagnée de M. Thierry Kurth, chef du bureau des prises en charge post aigües, pathologies chroniques et santé mentale de la sous‑direction de la régulation de l’offre de soins ;

        Dr Philippe Leborgne, adjoint du bureau de la santé mentale à la direction générale de la santé (DGS) ;

        Mme Elaine Hardiman Taveau, présidente d’Asperger Aide France, accompagnée de Mme Krystalitsa Balis, psychologue de l’association.

        M. Jean‑Marc Huart, directeur général de l’enseignement scolaire, accompagné de M. Alain Bouhours, chef du bureau de la personnalisation des parcours scolaires et des élèves handicapés ;

        Mme Marie‑Hélène Lecenne, directrice de l’autonomie de l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône‑Alpes ;

        Mme Malika Aymoz, directrice du service d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) Autisme / unité d’enseignement en maternelle (UEM) Pays de Gex, Bellegarde, Oyonnax ;

        M. François Delattre, principal du collège Georges-Rayet de Floirac (unité localisée pour l’inclusion scolaire [ULIS] de Bordeaux) ;

        M. Bertrand Jacques, président de la Fondation autisme ;

        Mme Lina Poirié, présidente de l’association TEDDY et membre de l’alliance des 4A, accompagnée du Dr Emmanuel Damville, pédopsychiatre spécialisé sur le syndrome d’Asperger et TED.

        Mme Anne Baltazar, présidente de l’AGEFIPH, et M. Didier Eyssartier, directeur général ;

        Mme Sophie Biette, administratrice de l’Unapei ([16]) référente pour l’autisme, et Mme Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer ;

        Mme Christine Meignien, présidente de la Fédération française Sésame autisme ;

        M. Christophe Lasserre‑Ventura, président de la fondation Perce‑Neige, accompagné de Mme Armelle Saillour, chargée de mission auprès des maisons Perce‑Neige accueillant des résidents atteints d’autisme ;

        M. Jean‑François Dufresne, président de l’association Vivre et travailler autrement, et Mme Yenny Gorce, directrice.

 


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   CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES À L’ÉVALUATION DE LA PRISE EN CHARGE DE L’AUTISME

Cette contribution peut être consultée sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i1024.pdf.

 


 

 


([1]) La Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant a été créée en 2009. Elle a pour missions, d’une part, de contribuer à la réalisation des objectifs de santé publique fixés pour la périnatalité et pour la santé de l’enfant ; d’autre part, d’apporter son concours et son expertise pour la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques en matière de périnatalité et de santé de l’enfant, notamment dans les domaines de la santé publique, de l’organisation de l’offre de soins, des pratiques professionnelles et du financement.

([2]) IGAS, Évaluation des Centres de ressources autisme en appui de leur évolution, mars 2016.

([3]) Art. D. 312‑161‑14 du CASF.

([4]) IGAS, Évaluation des Centres ressources autisme en appui de leur évolution, mars 2016.

([5]) La méthode du patient traceur consiste à analyser l’ensemble du parcours du patient, en combinant, de manière rétrospective, le ressenti des équipes et celui du patient, afin d’avoir une vision globale de la prise en charge et de l’évaluer. Cette méthode est utilisée par la HAS dans le cadre de la certification des établissements ; elle permet aussi aux équipes d’un établissement de réaliser un autodiagnostic collectif afin d’améliorer leurs pratiques au quotidien.

([6]) BASIL (Bilan d’Activités Suivi et Intégration en Ligne) est un progiciel développé par la CREAI Aquitaine pour optimiser la gestion de l’activité du CRAIF.

TAMIS est un annuaire régional en ligne des établissements et services pour les personnes autistes en Île‑de‑France. Il recense une pluralité de structures puisqu’y figurent des ESMS, des établissements sanitaires, des services d’aide à la personne, des structures d’insertion professionnelle, des professionnels libéraux, des structures adaptées de loisirs ou de vacances, etc.

Le référencement sur la plateforme TAMIS se fait sur la base d’une démarche volontaire de la structure ou du professionnel, suivie d’un échange avec l’équipe du CRAIF. Chaque structure est présentée à travers une fiche détaillant ses coordonnées, son fonctionnement et ses modalités d’accompagnement.

([7]) Mission d’évaluation IGAS/IGEN/IGAENR sur le dispositif intégré ITEP/SESSAD.

([8]) Cette disposition prévoit que : « Des expérimentations peuvent être menées, à partir du 1er janvier 2017 et pour une durée n’excédant pas quatre ans, afin d’améliorer la prise en charge et le suivi de jeunes de six à vingt et un ans chez lesquels un médecin, notamment médecin généraliste, médecin scolaire, pédiatre ou psychologue scolaire, a évalué une souffrance psychique.

Dans le cadre de ces expérimentations, les médecins ou psychologues scolaires peuvent, après évaluation, orienter vers des consultations de psychologues libéraux, en fonction des besoins et de la situation du jeune et de sa famille.

Ces consultations sont réalisées par les psychologues libéraux (…) et donnent lieu à un financement forfaitaire sur les crédits du fonds d’intervention régional mentionné à l’article L. 14358 du code de la santé publique ».

([9]) Le projet SERAFIN-PH (DGCS-CNSA) vise à proposer une tarification des établissements et services médico‑sociaux intervenant auprès des personnes en situation de handicap, selon des modalités renouvelées.

([10]) Régie par la circulaire du 2 mai 2017 relative aux orientations de l’exercice 2017 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico‑sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées de la stratégie quinquennale de l’évolution de l’offre médico-sociale (2017‑2021).

([11]) Disposition prévue à l’article L. 111‑1 du code de l’éducation, issue de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013.

([12]) Loi n° 2005‑102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

([13]) Introduite par la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

([14]) Rapport d’évaluation du 3ème plan autisme dans la perspective de l’élaboration d’un 4ème plan, IGAS, mai 2017.

([15]) Recherche d’applications concrètes aux découvertes et connaissances issues de la recherche fondamentale afin que celles‑ci puissent rapidement améliorer la prise en charge des patients.

([16]) Cet organisme a procédé à son enregistrement au répertoire des représentants d’intérêts géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.