N° 1090

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 juin 2018.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

au nom de la délégation aux outre-MER (1)

sur la lutte contre les discriminations anti LGBT

dans les Outre-mer

PAR

MM. Raphaël GÉRARD et Gabriel SERVILLE

et Mme Laurence VANCEUNEBROCK-MIALON

 

 

Députés

——

 

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

 


 

 

La Délégation aux Outre-mer est composée de : M. Olivier Serva, président ; MM. Philippe Dunoyer, Hubert Julien-Laferriere, Mme Marie Lebec, MM. Jean-Philippe Nilor, Didier Quentin, Thierry Robert, viceprésidents ; Rodrigue Kokouendo, Mmes Josette Manin, Danièle Obono, Maud Petit, secrétaires ; M. Lénaïk Adam, Mmes Ericka Bareigts, Nathalie Bassire, Huguette Bello, Justine Benin, MM. Sylvain Brial, Moetai Brotherson, André Chassaigne, Stéphane Claireaux, Mmes Françoise Dumas, Sophie Errante, MM. Jean-Michel Fauvergue, Laurent Furst, Raphaël Gérard, Philippe Gomès, Philippe Gosselin, Mmes Claire Guion-Firmin, Sandrine Josso, M. Mansour Kamardine, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, MM. Jean-Christophe Lagarde, François‑Michel Lambert, Mohamed Laqhila, Mme Charlotte Lecocq, MM. Serge Letchimy, David Lorion, Max Mathiasin, Mmes Monica Michel, George Pau-Langevin, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, MM. Pierre-Alain Raphan, Jean-Hugues Ratenon, Hugues Renson, Mmes Cécile Rilhac, Maina Sage, Nicole Sanquer, M. Gabriel Serville, Mmes Laurence Trastour-Isnart, Hélène Vainqueur-Christophe, Laurence Vanceunebrock-Mialon et M. Philippe Vigier.

 


—  1  —

SOMMAIRE

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Pages

synthÉse

introduction

I. DES CONTEXTES CULTURELS ULTRAMARINS MARQUÉs PAR UNE HAINe ANTI-LGBT LATENTE

A. Stigmatisation et tabou de l’homosexualité et de la transidentité en Outre-mer.

1. Une perception négative dominante de l’homosexualité

2. Une sexualité soumise à la loi du silence

3. Une absence d’amélioration nette au fil des générations

4. Une évaluation difficile de la situation des populations transgenres dans les territoires

B. Les facteurs d’aggravation de la haine anti-LGBT en Outre-mer

1. Le poids des stéréotypes de genre

2. Le poids de la famille

3. Le poids de l’insularité et l’interconnaissance

4. Le poids de l’imprégnation religieuse des sociétés ultramarines

II. UN CONSTAT MARQUÉ PAR L’EXISTENCE DE FORTES VIOLENCES ET DISCRIMINATIONS À L’ENCONTRE DES LGBT EN OUTRE-MER

A. Une grave atteinte aux droits sexuels des populations LGBT en Outre-mer

1. Stratégies de déni de soi et clandestinité de l’homosexualité

2. Conséquences du tabou sur la santé des populations LGBT ultramarines

B. De graves violences interpersonnelles À l’égard des populations LGBT en Outre-mer

1. Des violences intrafamiliales répandues

2. Une violence sociale décomplexée

C. De nombreuses discriminations et obstacles à l’accès aux droits des personnes LGBT

1. L’existence de discriminations variées

2. Des situations récurrentes de précarité liées aux discriminations

3. De graves atteintes dans l’accès aux droits

III. Un manque de soutien institutionnel à la lutte contre la haine ANTI-LGBT en Outre-mer

A. Une grande faiblesse du tissu associatif LGBT en Outre-mer

1. Un tissu associatif faible et en grande difficulté

2. Des initiatives associatives plurielles et vitales

B. Un défaut de soutien de la part des élus et des collectivités locales

1. Des associations LGBT en mal de soutien

2. Un défaut de mobilisation des élus

examen par la délégation

annexes

Recommandations proposÉes par les Rapporteurs

1. Mieux documenter les LGBTphobies en Outre-mer

2. Renforcer les actions de sensibilisation contre les LGBTphobies

3. Renforcer le tissu associatif local

4. Libérer la parole

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   synthÉse

 

En dépit du manque de statistiques officielles dû à l’existence d’un fort tabou relatif aux questions de sexualité et d’identité de genre en Outre-mer, les rapporteurs relèvent des formes d’homophobie et de transphobie plus marquées que dans l’hexagone en raison de la prégnance des environnements culturels.

 Ils mettent, notamment, en avant le poids de l’histoire de la colonisation et de l’influence du contexte culturel régional répressif pour expliquer les degrés différenciés de stigmatisation d’un territoire et d’une communauté à l’autre.

Parmi les facteurs aggravants d’homophobie et de transphobie, les rapporteurs identifient, en premier chef, l’importance culturelle des stéréotypes de genre qui valorisent la virilité et la sexualité dite « reproductive ». Le poids de la famille et son corollaire, la préservation de l’honneur familial, sont d’autant plus prégnants qu’en raison de l’insularité des territoires ultramarins, l’intimité des liens sociaux et le réseau d’interconnaissance ne permettent pas l’anonymat sauf dans les centres urbains. Enfin, le poids des convictions religieuses peut participer à légitimer certains discours homophobes et transphobes.

En deuxième lieu, les rapporteurs dressent un état des lieux alarmant des violences et discriminations subies par les populations LGBT ultramarines. Le taux de suicide et les comportements à risque sont supérieurs à la moyenne, la prise en charge du virus du sida est inadaptée. Ces populations subissent de nombreuses violences, en particulier au sein de la cellule familiale et dans le milieu scolaire. S’agissant des discriminations, les rapporteurs relèvent de graves atteintes à l’accès aux droits, droit à la justice avec une difficulté à déposer plainte, droit au mariage ou droit à la santé.

Enfin, les Rapporteurs s’inquiètent du manque de soutien institutionnel dans la lutte contre les discriminations envers les populations LGBT. Le tissu associatif est faible, peu militant, souffre de difficultés financières et peine à recruter des bénévoles, ce qui entraîne la disparition rapide de ces structures. Quant aux élus, la mobilisation est insuffisante, malgré la mise en place de plusieurs initiatives.

En conclusion, les Rapporteurs proposent plusieurs recommandations visant à mieux documenter les discriminations dont sont victimes les populations LGBT, à renforcer les actions de sensibilisation en milieu scolaire, à mieux former les fonctionnaires, à sensibiliser le grand public, à renforcer le tissu associatif local et enfin libérer la parole.


—  1  —

   introduction

 

L’histoire des Outre-mer est une longue succession de luttes éperdues en faveur de l’égalité et de l’émancipation, deux principes au fondement de notre modèle républicain. C’est au nom de la liberté et du droit inaliénable à la dignité humaine que les Marrons se sont soulevés et que les esclaves ont mis à bas un système d’oppression qui niait leur appartenance au genre humain. C’est au nom d’une égalité, sans cesse à reconquérir, que les citoyens d’Outre-mer font régulièrement entendre leur voix pour corriger les écarts persistants avec l’Hexagone et garantir l’effectivité de leurs droits.

Terres de rencontres et de brassages culturels, les sociétés ultramarines ont vu, au fil des siècles, au gré de migrations libres ou forcées, des populations venues du monde entier s’affronter, coexister pour finir par se mélanger, forgeant l’image de cultures fondées sur le respect de l’altérité, la tolérance et le vivre ensemble.

Pour autant, ces aspirations profondes à la liberté, à l’égalité et à la fraternité qui ont longtemps été le fil rouge du récit viscéral des Outre-mer se heurtent aujourd’hui à la réalité des discriminations et des violences auxquelles sont confrontées les populations lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) dans un quotidien qui montre que cette lutte lancinante pour les droits humains demeure inaboutie.

La remise en question des droits sexuels, définis dans la Déclaration des droits sexuels établie en 2008 par la Fédération internationale pour la planification sexuelle sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies (ONU) comme la capacité à « pouvoir exercer ses choix dans sa vie sexuelle et se sentir en confiance et sécurisé dans l’expression de son identité sexuelle»[1] n’est pas l’apanage des territoires ultramarins en France. Le rapport de l’association SOS Homophobie répertorie, chaque année, à partir des témoignages reçus sur sa ligne d’écoute toutes les manifestations de mépris, de rejet et de haine dont peuvent faire l’expérience les personnes LGBT, mettant en exergue l’existence de formes persistantes d’homophobie et de transphobie sur l’ensemble du territoire national. Toutefois, comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) dans ses différents avis sur la situation des droits fondamentaux dans les Outre-mer[2], les populations LGBT demeurent surexposées dans ces territoires à des risques de discriminations et à des atteintes à leur intégrité physique en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Les concepts d’orientation sexuelle et d’identité de genre définis dans le préambule des Principes de Jogjakarta[3] en 2006 renvoient respectivement  à  « la capacité de chacun de ressentir une profonde attirance émotionnelle, affective et sexuelle envers des individus du sexe opposé, de même sexe ou de plus d’un sexe, et d’entretenir des relations intimes et sexuelles avec ces individus », d’une part et à « l’expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l’apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire », d’autre part.

Devant un tel constat, M. Olivier Serva député de Guadeloupe et Président de la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale, a tenu à organiser, le 18 octobre 2017, une audition de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) qui, en la personne de M. Frédéric Potier, est chargée de coordonner et d’animer les politiques de l’État visant à mettre fin à tout type de discriminations.

La teneur des échanges avec le délégué interministériel a révélé le manque patent de données dont dispose l’État concernant les discriminations LGBT dans les territoires ultramarins. Selon les chiffres publiés par le Ministère de l’Intérieur, 1084 plaintes pour agressions LGBTphobes ont été recensées en France en 2016. Ce recensement n’est toujours pas applicable dans les territoires ultramarins à ce jour[4]. En outre, alors que dans l’Hexagone, le rapport annuel de SOS Homophobie fait figure de référence en matière de quantification des discriminations LGBT, la plateforme d’écoute de l’association ne recense qu’une poignée de témoignages en provenance des territoires ultramarins. En 2012, elle comptabilisait trois appels en provenance de Mayotte et deux en provenance de la Martinique[5]. En 2013, sur 3 500 appels, quatre venaient de La Réunion[6]. L’édition 2018 du rapport annuel de SOS homophobie[7], publié en mai dernier, impose un même constat : un nombre infime d’ultramarins (entre 0 et 5) font part de leurs témoignages sur la ligne dédiée de l’association.

Pour autant, ces chiffres sont peu représentatifs au regard de la réalité quotidienne vécue par les populations LGBT en Outre-mer. En témoigne une série de faits divers qui ont reçu un écho ténu dans la presse locale, que ce soit la mort suspecte de Willy Medhi Melinard, coordinateur de l’association Tjenbé Rèd en Martinique en août 2012 ou la séquestration d’un jeune homme guadeloupéen torturé pendant plusieurs jours par cinq personnes en raison de son homosexualité en janvier 2016[8]. Aussi, les quelques données existantes sont révélatrices d’une loi du silence concernant les pratiques et les discours qui conduisent les victimes d’homophobie et de transphobie à s’isoler, à garder le silence et à s’autocensurer.  L’absence de statistiques officielles rend alors difficile l’évaluation précise par les pouvoirs publics de l’ampleur de ces discriminations et la perspective du déploiement d’une politique publique adaptée pour lutter efficacement contre les haines LGBT dans les territoires.

Il est à noter que la problématique des droits LGBT a beaucoup gagné en visibilité au cours de ces dernières années en Outre-mer, notamment à l’occasion des débats soulevés par la loi relative à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe qui a remis au centre de l’attention la question du rapport des cultures ultramarines à l’homosexualité. Plusieurs tentatives de rassemblements contre l’homophobie ont eu lieu dans les territoires, que ce soit la marche pour l’égalité à Saint-Pierre de La Réunion en octobre 2012[9] ou la première Caribbean Gay Pride[10] en Martinique en juin 2017[11]. Des États Généraux Outre-mer des LGBTphobies se sont également tenus au ministère des Outre-mer le 14 février 2017, sous l’égide d’Ericka Bareigts, alors Ministre des Outre-mer, en partenariat avec l’association Total Respect, donnant lieu à la publication d’une déclaration de principes rappelant l’importance du rôle des pouvoirs publics et des élus dans la lutte contre les discriminations à l’égard des populations LGBT ultramarines[12].

Dans ce contexte, il est apparu nécessaire de s’appuyer sur l’expérience de terrain des associations, des universitaires, des acteurs locaux pour établir un état des lieux plus fin des discriminations LGBT en Outre-mer. C’est pourquoi, le Président de la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale a proposé d’élaborer un rapport relatif aux discriminations, dont un premier volet serait consacré spécifiquement aux violences physiques, sociales et institutionnelles que subissent les populations LGBT dans les territoires ultramarins.

Les recherches exploratoires menées dans le cadre du présent rapport confirment le manque de données disponibles en vue d’évaluer la situation des populations LGBT en Outre-mer. En effet, contrairement à la problématique des violences faites aux femmes qui fait l’objet d’études dédiées, à l’instar de l’enquête « Dépister les Violences faites aux femmes » (DeViFFe) 2014 qui a permis de dresser un tableau représentatif de la situation des femmes dans l’océan indien, il n’existe aucune étude de victimation portant sur les discriminations LGBT en Outre-mer. L’avis de la CNCDH consacré aux violences de genre et les droits sexuels et reproductifs dans les Outre-mer publié en novembre 2017 offre des premières pistes de réflexion intéressantes en balayant la question des droits des populations LGBT à travers la problématique du genre et des minorités sexuelles.

Toutefois, un constat général s’impose : les statistiques officielles dont on dispose grâce aux enquêtes scientifiques relatives à la santé sexuelle dans les territoires d’Outre-mer sont rares et hétérogènes.

Dans le cadre de la rédaction du présent rapport, les rapporteurs se sont appuyés sur les Enquêtes KABP menées par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), les Observatoires régionaux de santé (ORS), l’Agence nationale de santé publique (INPES), l’Institut de recherche en santé publique (IReSP) et la Direction générale de la santé relatives à La Réunion[13] et aux Antilles-Guyane[14], les enquêtes de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) portant sur la santé sexuelle des jeunes en Nouvelle-Calédonie[15][16], l’enquête de l’Agence sanitaire et sociale de Nouvelle Calédonie (ASS-NC) portant sur la Santé sexuelle de 4 populations du Grand Nouméa[17], ainsi que l’étude socio-anthropologique sur la prostitution de rue à Papeete pour la Polynésie française[18].

Ces données, parfois anciennes, sont très inégales d’un territoire à un autre : les rapporteurs regrettent l’absence d’études propres aux territoires de Wallis-et-Futuna, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, ou encore, de Mayotte qui permettraient de dresser un panorama exhaustif de la situation des populations LGBT dans chaque territoire ultramarin.

En outre, les rapporteurs ont sollicité les services de l’État et des collectivités territoriales de chaque territoire afin d’obtenir des données officielles s’agissant, d’une part, du nombre de dépôts de plaintes, en lien avec les critères d’orientation sexuelle ou d’identité de genre et, d’autre part, du nombre d’unions de même sexe (mariages et pacte civil de solidarité) contractées auprès des communes, afin d’évaluer la capacité des populations LGBT à accéder à ce droit et à pouvoir afficher librement leur sexualité ou leur identité de genre.

Si les acteurs se sont montrés plus ou moins coopératifs selon les territoires, les rapporteurs ont globalement pu observer des difficultés à recueillir de telles données en raison de leur dispersion ou de leur rareté. Les échanges avec les services compétents ont mis en exergue un nombre très faible voire inexistant de plaintes liées à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans les territoires ultramarins. En effet, le nombre de fait criminels en lien avec les critères LGBT recensé par la gendarmerie ou encore celui de dépôts de plaintes liées à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des victimes réceptionnées par les services de police est, dans les territoires ultramarins, infime voir nul.

Pour ce qui est de la contraction d’unions de même sexe en Outre-mer, leur nombre demeure marginal. Par exemple, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, on peut recenser 1 mariage célébré à Wallis-et-Futuna (2016), 1 à Mayotte (2015), 2 à Saint-Pierre-et-Miquelon (2014), 4 à Saint-Martin, 8 à Saint-Barthélemy, 18 en Nouvelle-Calédonie depuis 2015, 5 en Polynésie française et de l’ordre de 5 à 6 mariages par an à la Martinique. Toutefois, les rapporteurs n’ont pas pu disposer de statistiques précises sur l’ensemble des territoires ultramarins.

Le caractère très parcellaire des statistiques recueillies concernant le dépôt de plaintes, les réclamations faites au Défenseur des droits, et les unions de même sexe, corrobore l’idée d’une inadéquation entre les données objectives mobilisables et la réalité vécue par les populations LGBT en Outre-mer. Ainsi, les rapporteurs ont dû mobiliser des témoignages et les observations des acteurs de terrain afin d’établir un état des lieux à même de circonscrire les principaux enjeux. Ils ont aussi procédé, en janvier dernier, à une mission exploratoire en Guadeloupe, sous l’égide du Président de la Délégation aux Outre-mer, qui a donné lieu à une série de rencontres avec les principaux acteurs institutionnels et associatifs concernés, mais également à des rencontres avec des particuliers désirant garder l’anonymat.

Enfin, les rapporteurs se sont inspirés de l’abondante littérature scientifique traitant des questions de genre et de sexualité en Outre-mer, à l’instar des enquêtes sociologiques et anthropologiques de Madeleine Begue, de Patrick Garaud à La Réunion, de Philippe Lacombe en Polynésie française, de Maroua Marmouch, Hélène Nicolas en Nouvelle-Calédonie, d’Anne Cremieux, Stéphanie Mulot ou Loïc Marie-Magdeleine et Nadia Chonville aux Antilles‑Guyane.

En tout état de cause, la multiplicité de sources consultées converge vers une même observation : le contexte culturel propre à chaque société ultramarine se caractérise par l’existence d’une haine anti-LGBT et d’un rejet latent dont les rapporteurs ont tenté d’analyser les ressorts dans une première partie.

Ensuite, le présent rapport rend compte de plusieurs observations corroborant l’expérience de graves atteintes aux droits sexuels et de formes insidieuses de discriminations vécues par les personnes LGBT ultramarines dans une deuxième partie.

Enfin, il pointe le manque de soutien institutionnel en faveur de la lutte contre l’homophobie et la transphobie en Outre-mer dans une troisième partie, avant de formuler des préconisations visant à adapter le cadre national des politiques publiques en faveur de la lutte contre les haines LGBT aux spécificités ultramarines.

 


    

   I. DES CONTEXTES CULTURELS ULTRAMARINS MARQUÉs PAR UNE HAINe ANTI-LGBT LATENTE

Dans l’ensemble des territoires ultramarins, les rapporteurs relèvent l’existence d’une haine anti-LGBT et d’un rejet latent, renforcés par le poids de la structure sociale et du contexte culturel propre à chaque espace géographique.  L’homosexualité et la transidentité sont ainsi stigmatisées socialement, bien qu’on observe des seuils de tolérance différenciés en fonction des territoires, du degré d’insularité, des appartenances communautaires, ethniques ou générationnelles.

A.   Stigmatisation et tabou de l’homosexualité et de la transidentité en Outre-mer.

1.   Une perception négative dominante de l’homosexualité

Dans la grande majorité des régions ultramarines, l’homosexualité est perçue très négativement par une majorité d’habitants. L’enquête KABP de 2014 concernant les attitudes, les croyances et les comportements sexuels des habitants des départements français d’Amérique (DFA)[19] révèle que l’homosexualité y est moins tolérée que dans l’Hexagone. En effet, seulement 17,4% des hommes et 23,2% des femmes répondent qu’il s’agit d’une sexualité comme les autres, tandis que 77% des Français au niveau national estiment que l’homosexualité doit être tolérée[20]. 69,4% des hommes et 59% des femmes vivant aux Antilles et en Guyane ont une opinion négative de l’homosexualité, l’associant soit à une forme de sexualité « contre-nature », soit à une forme de « trouble psychologique ».

Tableau 1 : Opinions sur l’homosexualité selon le sexe et le departement

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

DFA

H

F

H

F

H

F

H

F

N=

550

924

531

938

658

928

1739

2790

À propos des rapports homosexuels, diriez-vous plutôt que…

C’est une sexualité comme une autre

18,3

22,4

15,9

22,6

18,7

27,1

17,4

23,2

C’est le signe d’une sexualité libérée

9,0

13,5

10,1

15,5

8,9

12,4

9,4

14,1

C’est le signe d’un problème psychologique

16,0

12,5

17,4

13,8

22,2

14,6

17,6

13,3

C’est une sexualité contre nature

52,6

49,0

53,5

44,0

45,6

40,6

51,8

45,7

NSP/NR

4,1

2,7

3,0

4,2

4,6

5,4

3,8

3,7

 

 

En ce qui concerne Mayotte, aucune statistique officielle ne permet de déterminer précisément le seuil de tolérance des habitants par rapport à l’homosexualité. Toutefois, l’enquête « La vie en rose » publiée dans le journal Mayotte Hebdo en 2015[21], suggère que l’homosexualité est sujette à des phénomènes d’ostracisme social. Elle est décrite comme une sexualité interdite « mahaba haramu ». D’après le témoignage d’une jeune fille originaire de M’tsapéré, « les homosexuels sont vraiment très mal vus. Ils sont complètement mis de côté ». Même son de cloche chez un vieil homme, qui affirme « avoir du mal à comprendre ces hommes qui aiment d’autres hommes. La nature humaine veut qu’un homme soit avec une femme ».

Néanmoins, l’homophobie est moins virulente dans certains territoires. D’après l’enquête KABP 2012 relative aux attitudes, aux croyances et aux comportements sexuels des Réunionnais, les représentations négatives de l’homosexualité ne sont pas nettement plus répandues que dans l’Hexagone. La majorité des personnes considère que l’homosexualité est « une sexualité comme une autre », soit 51% des hommes et 66% des femmes. Néanmoins, l’homosexualité est tout de même perçue par 43% des personnes interrogées comme « contre-nature » et pour 27% de ces personnes, c’est le signe d’un « problème psychologique ».

Tableau 2 : Opinions sur l’homosexualité

« A propos des homosexuels, diriez-vous plutôt que… »

 

En %

Hommes

Femmes

Ensemble

 

C’est une sexualité comme une autre

Oui

50,6

65,7

58,4

 

Non

41,8

27,5

34,4

 

Ne sait pas

7,6

6,8

7,2

 

C’est le signe d’un problème psychologique

Oui

30,7

22,7

26,6

 

Non

60,8

68,5

64,8

 

Ne sait pas

8,5

8,8

8,7

 

C’est une sexualité contre nature

Oui

46,2

40,2

43,1

ns

Non

44,7

51,0

48,0

ns

Ne sait pas

9,0

8,7

8,9

ns

Cela va à l’encontre de votre religion

Oui

43,1

48,8

46,1

ns

Non

50,5

45,8

48,1

ns

Ne sait pas

6,4

5,3

5,8

ns

 

 

En Nouvelle-Calédonie, l’homosexualité est aussi mieux acceptée, en particulier chez les jeunes. L’enquête menée par l’unité 687 de l’INSERM intitulée : « Situation sociale et comportements de santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie Premiers résultats - Mars 2008 »[22] indique que 65% des garçons et 77% des filles se disent d’accord avec l’affirmation suivante : « les homosexuels sont des gens comme les autre  ».

En Polynésie française, en l’absence de statistiques officielles, il semble que le refus d’admettre l’existence de l’homosexualité au sein de la société - en lien avec l’institutionnalisation a contrario d’un troisième genre – soit à l’origine de discours et d’attitudes ambivalentes s’agissant des personnes homosexuelles[23]. En effet, les rapporteurs ont pu constater un discours de tolérance en surface. Mme Chantal Tahiata, ancienne ministre de la famille du gouvernement Temaru affirmait, à l’occasion des débats sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe qu’il y a « toujours eu des efféminés dans la société polynésienne. [Elle] ne voit pas pourquoi ça devrait choquer »[24]. Cette perception est corroborée par le témoignage de Mme Heimata Tang, chef de service de la Délégation à la famille et à la condition féminine du Gouvernement de la Polynésie française :

« La population des LGBT en Polynésie française est relativement bien tolérée par la population. Historiquement, l'organisation familiale donnait une place aux hommes efféminés »[25].

Toutefois, la confusion manifeste entre la question de l’homosexualité et celle de l’expression de genre, renvoyant au stéréotype de l’inversion sexuelle, démontre une méconnaissance généralisée vis-à-vis de l’homosexualité qui est aussi sujette à des processus de marginalisation. Lors d’un entretien dans la Dépêche de Tahiti en 2013, M. Edouard Fritch, alors député du Tapura, déclarait qu’il y a une « certaine tolérance » mais « la vie à deux, voir un couple de deux hommes ou de deux femmes flirter choque encore »[26]. Les rapporteurs en concluent qu’il existe bien des dynamiques d’homophobie à l’œuvre dans la société polynésienne.

Aucune enquête publique n’existe permettant d’objectiver la situation de l’homosexualité à Saint-Pierre-et-Miquelon. Toutefois, M. Stéphane Claireaux, député du territoire, a pu recueillir des échos décrivant que les couples lesbiens s’affichant publiquement sur l’archipel sont bien intégrés[27].

 

Les différents témoignages recueillis par les rapporteurs semblent indiquer qu’il existe des seuils de tolérance différenciés en fonction de la situation géographique ou de l’appartenance communautaire des populations ultramarines au sein même de chaque territoire.

M. Kevin Breteche, trésorier de l’association ORIZON, observe que la tolérance vis-à-vis de l’homosexualité est inégale sur le territoire réunionnais : à l’est de La Réunion où le tourisme est moins développé, ce type de sexualité semble moins bien accepté que dans des villes telles que Saint-Gilles ou Saint‑Pierre[28]. En Guyane, M. Moise Manoel, bénévole au sein de l’association Paris Black Pride, déclare constater une culture plus homophobe au sein des populations du fleuve à l’instar des Bushinengés[29]. M. Steven Kuzan, délégué territorial de l’association Le Refuge, témoigne des grandes difficultés à accepter l’existence de l’homosexualité au sein de la communauté Ka’linas[30], bien qu’il nuance son propos avançant l’exemple d’un couple d’hommes homosexuels qui vit depuis 17 ans en ménage au village d’Awala-Yalimapo sans provoquer de heurts. Il évoque également la prégnance de l’homophobie au sein de la communauté haïtienne[31]. Ces constats sont mis en évidence par les résultats de l’enquête KAPB révélant que les déclarations diffèrent nettement en fonction du lieu de naissance des individus : seulement une minorité d’hommes et de femmes vivant dans les DFA mais nés dans l’Hexagone ont des opinions qui stigmatisent l’homosexualité (respectivement de l’ordre de 40,7% et 30,3%). En revanche, les populations nées dans les pays étrangers en Amérique du Sud ou dans la Caraïbe dont le poids démographique est significatif aux Antilles et en Guyane expriment majoritairement une hostilité vis-à-vis de l’homosexualité (91,4% des hommes et 80,3% des femmes)[32].


 

Pourcentage de personnes ayant déclaré

que les rapports homosexuels sont « le signe d’un problème psychologique »

ou « une sexualité contre nature » selon différentes caractéristiques

 

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

DFA

H

F

H

F

H

F

H

F

N=

524

896

516

903

631

888

1671

2687

Lieu de naissance

Département d’enquête

74,3

65,8

76,1

64,3

72,9

52,7

75,0

64,0

Hexagone

40,1

32,1

46,3

32,3

32,2

21,4

40,7

30,3

Caraïbe ou Amérique du Sud

93,3

87,4

86,0

76,8

90,6

77,3

91,4

80,3

 

Mme Nadia Chonville, docteure de l’Université des Antilles, analyse ces disparités à travers le prisme de l’environnement géographique et culturel de l’Arc Antillais[33] où plusieurs États indépendants répriment l’homosexualité, voire la pénalisent, à l’instar de Sainte-Lucie et de la Dominique[34]. M. Steven Kuzan rappelle que des lois très répressives de l’homosexualité ont récemment été adoptées en Haïti.

En Nouvelle-Calédonie, l’enquête menée par l’association NC Diversités en 2017, met en évidence un seuil de tolérance vis-à-vis de l’homosexualité plus fort dans la province Sud dont le chef-lieu est Nouméa, qu’au Nord ou dans la province des Îles Loyauté où la situation est plus alarmante, en raison, notamment, de la surreprésentation de la population mélanésienne, dont les Kanaks[35]. Cette observation est corroborée par l’enquête de l’INSERM qui montre pour ce qui est de la communauté Kanak, majoritaire dans ces territoires, que les jeunes ont une moindre acceptation de l’homosexualité[36]. Les travaux de Mme Hélène Nicolas, anthropologue à l’Université Paris 8, arrivent aux mêmes conclusions. Elle rappelle qu’en 2006, la grande chefferie du sud de Lifou a présenté un projet de « Code de la famille » visant à interdire explicitement les relations homosexuelles, sous peine d’être expulsé de l’île, après s’être acquitté d’une amende et avoir été lynché en public. Si ce code n’est pas entré en vigueur, il est révélateur de la perception par les autorités claniques des relations affectives entre personnes de même sexe[37].

2.   Une sexualité soumise à la loi du silence

Au-delà du degré différencié d’acceptation sociale d’un territoire à l’autre, les rapporteurs observent que la tolérance vis-à-vis de l’homosexualité est toujours conditionnée à son invisibilisation au sein des sociétés ultramarines. Aussi, l’ensemble des personnes auditionnées ont mis en avant la loi du silence qui pèse sur l’homosexualité en Outre-Mer.

La question de la sexualité est globalement un sujet peu évoqué publiquement au sein de ces territoires. Les différentes études relatives à la santé sexuelle menées aux Antilles-Guyane, à La Réunion et en Nouvelle-Calédonie ont mis en évidence une très grande méconnaissance des modes de transmission des maladies et infections sexuellement transmissibles et une sous-utilisation des moyens de contraception corrélée au tabou qui porte sur la question des rapports sexuels. L’enquête KABP portant sur les DFA rappelle que « la sexualité est un sujet tabou, que les femmes par exemple consultantes des CPEF n’aiment pas aborder »[38].  De même, à Mayotte, l’association Nariké M’Sada décrit une jeunesse de plus en plus « insouciante et livrée à elle-même sur la question de la sexualité, le sujet étant totalement tabou dans les familles »[39]. Ce tabou sur la sexualité est plus marqué dans certaines communautés que dans d’autres. Si l’on se reporte à l’étude « Santé, conditions de vie et de sécurité des femmes calédoniennes » (2003-2004), les 18-24 ans qui déclarent ne pas avoir été suffisamment informées sur la sexualité durant leur adolescence sont 36% chez les Polynésiennes (Wallisiennes, Futuniennes et Tahitiennes), 19% chez les Kanakes, et 16% chez les Européennes[40].

Pour autant, le tabou portant sur l’homosexualité en particulier en Outre‑mer ne saurait être anodin. L’ignorance qu’il génère peut nourrir des associations scandaleuses entre homosexualité et pédophilie, comme le relatent M. Pétélo Tuilalo, secrétaire de l’association NC Diversités[41] ou l’association Total Respect. Mais il entretient surtout une négation de l’altérité et de la diversité des identités sexuelles et nourrit, en ce sens, des formes insidieuses d’homophobie.


 

Les auditions de M. Moise Manoel et de Mme Nadia Chonville, inspirées des travaux universitaires de Mme Anne Crémieux[42], maîtresse de conférences à l’Université de Nanterre, ont permis d’établir que ce refus de parler d’homosexualité résulte, notamment, de la difficulté à reconnaître son existence dans des sociétés postcoloniales, où les populations caribéennes ou afro‑descendantes l’imputent au phénomène de colonisation et la perçoivent à la fois comme une donnée extérieure à l’authenticité des cultures ultramarines et, comme l’apanage de la « civilisation blanche ».

Le débat public qui a accompagné la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe a ravivé des discours portant sur la dimension « impérialiste » ou « coloniale » de l’imposition de normes relatives à la sexualité aux populations ultramarines. La teneur de ce discours pathogène sur l’homosexualité perçue comme une « contagion occidentale »[43] se retrouve, par exemple, dans les déclarations de M. Bruno Nestor Azerot, alors député de Martinique, qui, à l’occasion de la discussion générale à l’Assemblée nationale du projet de loi, s’appuie sur les « spécificités territoriales et traditionnelles » pour s’opposer à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe[44]. Même constat à Mayotte où M. Hadadi Andjilani, chargé de mission et coordinateur de l’Union pour un Mouvement Majoritaire, jugeait le « Mariage pour tous » contraire aux coutumes des Mahorais[45]. Et pour cause, les deux cultures dominantes au sein de l’archipel des Comores, c’est-à-dire la culture bantoue et arabo-musulmane dont la plupart des habitants de Mayotte se réclament, condamnent toute forme d’homosexualité qui est assimilée à une caractéristique propre au « Mzungu »[46].

 Or, Mme Nadia Chonville rappelle que l’homosexualité a toujours existé au sein des populations afro-descendantes et chez les Amérindiens durant la période précoloniale[47]. En Guyane, M. Moise Manoel raconte que lors de la fête communautaire du cachiri[48], commune à l’ensemble des ethnies amérindiennes, des attitudes de proximité entre hommes, d’ordinaire non tolérées, sont traditionnellement admises[49]. Sur l’île aux parfums, Mayotte Hebdo souligne que l’homosexualité existe depuis toujours dans les pays musulmans en Afrique[50]. Mme Gaëlle Bourguignon, directrice opérationnelle de l’association NC Diversités, affirme, pour ce qui est de la Nouvelle-Calédonie, qu’une exposition de bambous gravés au Centre culturel Tjibaou démontre l’existence de pratiques homosexuelles antérieures à l’arrivée des colons[51]. En réalité, les témoignages entendus par les rapporteurs concourent à l’idée que le processus de colonisation, notamment en lien avec les mouvements d’évangélisation, a contribué à systématiser des formes d’homophobie dans les sociétés ultramarines. M. Papa Gé, président de l’association guyanaise Mama Bobi qui regroupe des personnes issues du marronnage dans la vallée du Maroni, partage ce constat et décrit les « stigmatisations et discriminations sociales et sanitaires d’ordre sexuel » comme des « aliénations postcoloniales, créoles tardives et assimilées »[52].

Les rapporteurs en concluent que le tabou de l’homosexualité en Outre‑mer est révélateur d’une forme d’homophobie culturelle qui nourrit une forme injonctive de censure ou d’autocensure. Dans son mémoire relatif à la situation des minorités sexuelles à La Réunion, Mme Madeleine Bègue, doctorante à l’Université de Montréal, énonce que « le refus de l’homosexualité se manifeste dans l’injonction de ne pas montrer son identité » [53]. M. David Auerbach Chiffrin, représentant de la Fédération Total Respect, en donne une illustration dans les Antilles avec la culture du « an ba fey », à savoir que les pratiques sexuelles y sont relativement libres et tolérées à partir du moment où les habitants font le choix de ne pas s’afficher publiquement[54]. Le tableau de l’homophobie latente dressé par M. Lannig Stervinou, rédacteur au Pélican, véhicule la même idée :

« La clef d’une homosexualité bien vécue à Saint-Martin : ce qui se passe entre les quatre murs d’une chambre ne regarde personne, deux hommes qui se tiennent la main en public, cela ne passe toujours pas »[55].

 Dans sa thèse, M. Patrick Garaud dresse un même portrait de la situation réunionnaise. Pour l’auteur, l’absence de visibilité des gays s’explique par « la hantise du la di la fé [la rumeur qui] participe à l’imposition normative » et serait une « force implicite de régulation des modes de vie »[56]. Même constat à Mayotte, où les habitants semblent se moquer de la sexualité du voisin à condition tout au moins qu’elle ne devienne pas publique[57]. En Guyane, M. Steven Kuzan a pu observer, lors des interventions en milieu scolaire qu’il mène au lycée de Melkior-Garré à Cayenne, qu’en raison du tabou entourant l’homosexualité, les élèves répondent différemment qu’à Montpellier : « les jeunes Guyanais sont plus froids car ils n’en parlent jamais. Le premier réflexe est l’hostilité qui peut s’estomper avec le dialogue »[58]. De même, M. Camille Galap, recteur de l’académie de Guadeloupe, a précisé que le thème de l’homosexualité était difficile à aborder de manière frontale en raison du malaise qu’il suscite. Les enseignants ne savent pas comment aborder ce sujet et le seul fait de l’aborder génère de la suspicion[59]. À Wallis-et-Futuna, le tabou entourant la question homosexuelle est tel que les personnes sollicitées pour leurs témoignages anonymes ont finalement refusé de parler de leur cas personnel, de peur d’être identifiées sur cette thématique, notamment en raison du poids des coutumes[60].

Les rapporteurs observent que la loi du silence concernant l’homosexualité en Outre-mer se traduit par un discours sympathique de façade consistant à nier l’existence de phénomènes homophobes. Pour rappel, selon Mme Heimata Tang, il n’existe aucun problème s’agissant des populations LGBT en Polynésie[61]. De même, un jeune homosexuel mahorais interrogé par Mayotte Hebdo, énonce que l’homosexualité est de plus en plus acceptée et qu’à Mamoudzou, tout le monde le connait et l’accepte[62].

3.   Une absence d’amélioration nette au fil des générations

Il est apparu très difficile aux rapporteurs d’établir une évolution dans un sens ou dans un autre de la perception de l’homosexualité au fil des générations.

Les enquêtes scientifiques disponibles semblent mettre en évidence une amélioration de la perception des homosexuels au sein des principales sociétés ultramarines. L’enquête KABP relative aux Antilles et à la Guyane pointe un recul probable de la stigmatisation de l’homosexualité depuis 1992. Aux Antilles, 10% des hommes et 10,8% des femmes jugeaient l’homosexualité « tout à fait » ou « plutôt acceptable » en 1992, quand ils sont respectivement 17,5 et 22,5% aujourd’hui à affirmer qu’il s’agit d’une sexualité « comme une autre »[63]. En revanche, ce constat n’est pas observé en Guyane où la proportion d’hommes tolérant l’homosexualité est passée de 35% à 18,7%. L’enquête KABP relative à La Réunion fait ressortir que l’acceptation chez les jeunes de 15-17 ans (1,13) est plus haute comparativement aux 45-59 ans (0,41)[64]. De même, l’enquête de l’INSERM sur la situation sociale et les comportements de santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie suggère que les jeunes se montrent majoritairement tolérants vis-à-vis de l’homosexualité[65].

Plusieurs acteurs auditionnés ont fait part de leur optimisme pour l’avenir de la lutte contre l’homophobie car ils constatent un changement de mentalités au sein des jeunes générations. En Polynésie française, Mme Dolores Dogba, représentante de l’association Cousins Cousines de Tahiti, déclare que les mentalités évoluent avec la jeune génération qui n’hésite pas à revendiquer et à défendre la dignité humaine des personnes homosexuelles[66]. En Nouvelle Calédonie, Mme Gaëlle Bourguignon dresse un constat de timides progrès de la situation des personnes homosexuelles. Elle affirme observer de plus en plus de couples homosexuels s’afficher dans l’espace public, en particulier dans la ville de Nouméa. Selon elle, la jeune génération est plus revendicatrice[67].

Toutefois, les différents échos entendus au cours des auditions ne permettent pas d’établir un constat univoque pour l’ensemble des Outre-mer. Selon la DILCRAH, il n’y a pas de règle. Certains jeunes sont plus réceptifs, mais d’autres éprouvent toujours des difficultés[68]. À partir de ses observations sur le terrain, M. Steven Kuzan note que la situation n’évolue pas perceptiblement. Selon lui, ce n’est pas une question générationnelle[69]. De même, Mme Nadia Chonville n’observe pas de changement significatif au sein de la jeune génération[70]. M. David Chiffrin Auerbach de l’association Total Respect, affiche un même scepticisme concernant une potentielle distinction entre les anciennes et les jeunes générations : le déferlement de violence observé dans les cours de récréation aux Antilles à l’occasion du « Mariage pour Tous » semble indiquer que les jeunes ne sont pas nécessairement plus ouverts d’esprit[71].

En revanche, les rapporteurs prennent acte de la multiplication d’initiatives dans les territoires portant sur la communauté LGBT au cours des dernières années, témoignant d’un intérêt des jeunesses ultramarines pour la question. En Guadeloupe, ils ont rencontré un groupe d’élèves de 1ère du lycée Gerville-Réache à Basse-Terre qui ont mené, dans le cadre de leurs travaux personnels encadrés, une enquête sur le public hétérosexuel et LGBT de Guadeloupe pour comprendre le rapport à l’homosexualité dans la société antillaise.

 

De même, ils ont eu écho de la volonté de quatre jeunes du lycée Gaston Monnerville à Kourou de mener à bien une étude sur l’homophobie en milieu scolaire[72] ainsi que du projet de thèse sur le même sujet de Mme Tamara Billon-Goedertier, étudiante en médecine en Guyane[73].

Plusieurs personnes auditionnées soulignent le rôle des débats liés au projet de loi relatif à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe dans la libération de la parole et l’émergence de la question de l’homosexualité dans l’espace public au sein des sociétés ultramarines, qu’elle soit perçue positivement ou négativement.

En Guadeloupe, Mme Danièle Drouy-Ayral, procureure générale près la Cour d’appel de Basse-Terre déclare que « le mariage pour tous a donné plus de visibilité à la population LGBT ».[74]

En Martinique, Mme Nadia Chonville pointe la concomitance entre les débats relatifs au projet de loi et la structuration d’actions de mobilisation collective de lutte contre l’homophobie[75] : dans le cadre de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie (IDAHO), les associations AIDES Territoire Martinique, An Nou Allé, l’Union des Femmes Martinique et Temps d’M, ont organisé le 14 juillet 2012 une marche et un die-in dans le centre-ville de Fort-de-France pour s’opposer à la stigmatisation des personnes LGBT en Martinique[76].

Mme Dolores Dogba souligne pour sa part que la célébration des premiers mariages de couples de même sexe a été massivement relayée au sein de la presse polynésienne[77].

4.   Une évaluation difficile de la situation des populations transgenres dans les territoires

S’agissant des populations transgenres en Outre-mer, les rapporteurs observent un manque criant de données qui rend très difficile l’objectivation de leur situation et ce, en dépit de la démarche exploratoire menée dans le cadre du présent rapport. À l’image de la CNCDH, ils regrettent que les enquêtes KABP n’aient pas pris en compte la transidentité alors qu’en raison de leur vulnérabilité sociale, les personnes transgenres présentent une très forte prévalence au VIH dans l’Hexagone[78]

Pour autant, il semble que, dans la majorité des territoires ultramarins, la transidentité fasse l’objet d’un fort rejet de la part des populations locales. C’est le cas notamment, aux Antilles-Guyane, même si Mme Nadia Chonville note que certaines communautés amérindiennes avaient pour tradition de reconnaître historiquement l’existence des genres alternatifs au masculin et au féminin[79], comme en témoigne la littérature scientifique sur le sujet[80].

En Guyane, M. Steven Kuzan pointe la situation de grande précarité dans laquelle vivent les personnes transidentitaires originaires du Brésil qui pratiquent la prostitution pour survivre et se montrent très discrètes[81]. M. Moise Manoel évoque l’existence de personnes transgenres en provenance du Suriname vivant en marge de la société guyanaise[82].

En Martinique, l’association KAP Caraïbe a été saisie par deux jeunes transidentitaires rejetés par leurs familles qui considéraient leur volonté de procéder à une opération de réassignement sexuel comme une « lubie passagère»[83]. En Guadeloupe, les échanges avec Mme Prisca Melyon-Reinette, éducatrice de rue depuis 10 ans, confirment un fort rejet de la population vis-à-vis des personnes transidentitaires : « Le plus dûr c’est d’être transsexuel […] un homme qui devient une femme ça ne passe pas ». Elle observe que plusieurs personnes transgenres migrent vers Saint-Barthélemy où elles semblent mieux vivre leur identité de genre[84].

À La Réunion, les populations transgenres semblent mieux acceptées, bien qu’elles continuent à souffrir de phénomène d’ostracisme. Ainsi, Louïz qui fait partie de la cinquantaine de personnes transgenres suivie par l’association Le Refuge depuis sa création, déclare : « Oncette notion de vivre ensemble. Je pense que les Réunionnais ont une ouverture d’esprit », tout en tempérant : « les gens ont peur du regard des gens […] Il y a encore un manque de visibilité et de communication sur la transidentité. Aujourd’hui, il y a peut-être encore beaucoup de personnes transgenres qui ne peuvent pas encore s’assumer »[85] [sic]. À Mayotte, les personnes transgenres sont complètement invisibilisées[86]. Le témoignage donné par un jeune homme homosexuel voulant changer de sexe à Mayotte Hebdo semble indiquer une certaine forme d’hostilité à son encontre, sans prendre la forme d’agression physique. Il dit avoir souffert du regard des autres en raison de fréquentes questions de son entourage visant à déterminer son identité de genre. Cette relative tolérance peut s’expliquer par l’existence d’une catégorie identifiée, les « sarambavis ».

 

Les « Sarambavis » à Mayotte

Littéralement « homosexuels » en shimaoré dans sa version courante, il peut plus rarement être utilisé comme une insulte.

En effet, ce terme désigne une catégorie d’hommes trangenres relativement bien intégrés au sein de la population mahoraise. Ils représentent une spécificité de la culture mahoraise et comorienne, à l’instar des RaeRae de Polynésie française.

Ils assument leur part de féminité et choisissent d’obéir à la ‘loi des femmes’, participant notamment aux danses traditionnelles, telles le Mbiwi, en principe exécutées par les femmes. Certains d’entre eux optent même pour un changement de sexe.

Ils trouvent régulièrement des emplois réservés originellement aux femmes, tels que des postes de garde d’enfants[87] par exemple.

Dans les territoires ultramarins du Pacifique, le contexte culturel est atypique car il existe dans chaque société archipélagique du triangle polynésien une catégorie institutionnalisée de troisième genre qu’on nomme fa’afafine aux Samoa[88], fakaleiti ou fakafefine aux Tonga[89], lae-lae aux Îles Cook[90], pinapinaaine aux Tuvalu et aux îles Gilbert[91] ou mahu à Hawaii[92]. La Polynésie française n’y fait pas exception puisqu’on y retrouve les mahu et les rae-rae qui renvoient à deux identités transidentitaires distinctes, bien qu’elles soient amalgamées dans le langage courant. Mme Heimata Tang affirme ainsi sans les dissocier que les rae-rae et les mahu sont valorisés dans plusieurs domaines d’activité tels que la mode où ils sont très recherchés lors des élections de miss Tahiti pour leur créativité et leur savoir-faire, ou encore, le tourisme où leur sociabilité et leur facilité supposée à échanger en font des personnes très appréciées du secteur hôtelier[93]. M. Philippe Lacombe pointe, quant à lui, la difficulté à bien différencier ces deux catégories :

 « S’intéresser aux mahu (ou aux rae-rae), ce n’est pas seulement s’ouvrir à des réalités qui se présentent comme des cas ou des marges, c’est tenter de penser la complexité d’identités instables, voire inaccessibles. C’est s’attendre à voir les évidences remises en cause ».[94]

 

 

Pour autant, dans une volonté de rendre leur propos intelligible, les rapporteurs ont décidé de retenir la dichotomie établie dans les travaux du chercheur afin d’analyser plus finement les différents niveaux d’acceptation par la société polynésienne de formes de transidentité.

 

 

Les mahu et les rae-rae de Polynésie française

 

Le terme mahu renvoie à une dimension traditionnelle de la culture polynésienne, à savoir l’existence d’un troisième genre social[95].

Les travaux de M. Emmanuel Stip rappellent que les premiers écrits sur les mahu sont hérités des comptes rendus de missionnaires maristes tels que James Morrison qui les décrit en 1793 comme appartenant à une classe d’hommes, semblables aux eunuques d’Inde qui, sans avoir subi de castration, ressemblent par leur apparence à des femmes et occupent des postes de domestique auprès des nobles. Ils bénéficiaient ainsi d’un statut à part dans le village au même titre que les sorciers ou le chef et jouaient également un rôle dans l’organisation des festivités[96]. D’autres sources indiquent que selon la légende, les Polynésiens éduquaient le troisième enfant de la famille en fille, qu’il soit né physiquement fille ou garçon, à l’instar de la confrérie des Arioï[97].

Quoi qu’il en soit, la figure contemporaine du mahu se réfère à un homme à qui on attribue socialement des rôles de genre féminin. Il exerce très souvent des métiers associés à des professions de femmes dans la fonction publique, dans le domaine du tertiaire, que ce soit l’accueil ou l’hôtellerie[98]. Il peut aussi adopter des expressions de genre féminin[99], avec une manière précieuse de s’exprimer, de s’habiller, de porter des bijoux.

C’est le cas en particulier des mahu urbains, épilés, maquillés et apprêtés, mais cela est loin d’être un automatisme : certains revêtent des habits considérés comme masculins[100]. De fait, dans le contexte actuel marqué par un renouveau culturel qui passe par la réhabilitation d’identités et d’activités traditionnelles brimées au cours du processus de colonisation[101], les rapporteurs constatent un discours culturellement positif autour de la figure du mahu qui s’inscrit dans un mouvement de reconstruction historique d’exoticisation et d’esthétisation du mahu comme emblème de la singularité de la culture m’aohi[102].

 

 

Un des exemples emblématiques de cette valorisation culturelle des mahu au sein de la société polynésienne est la présence, chaque année, à l’occasion du FIFO, le Festival international du film documentaire océanien de Tahiti, de documentaires dédiés au thème du mahu, à l’instar du film mahu, l’efféminé réalisé par Corillion en 2001 et primé par ce même festival[103]. D’ailleurs, les Polynésiens affirment souvent qu’il y avait traditionnellement un mahu dans chaque famille et qu’il s’agit là d’une spécificité culturelle de la Polynésie[104]. Pour autant, les rapporteurs souhaitent rester vigilants s’agissant du niveau de tolérance observé à l’égard des mahu. En effet, la reconnaissance sociale institutionnalisée et valorisée des mahu s’accompagne, par ailleurs, d’un tabou au sujet de leur sexualité[105]. Par conséquent, il est impossible d’affirmer que les mahu qui choisissent d’entretenir des relations sexuelles, notamment hétérosexuelles, sont effectivement bien acceptés au sein de la société polynésienne.

Le terme rae-rae renvoie quant à lui à un homme biologique s’identifiant comme une femme[106]. Elle peut utiliser le pronom féminin et demander à se faire appeler « elle »[107]. Elle adopte souvent les expressions de genre et l’apparence d’une femme en adoptant les codes traditionnels associés à la féminité, que ce soit la coiffure ou le maquillage, la gestuelle, les postures ou les intonations chantantes[108]. Certaines rae-rae ont également recours à la technique du kokoro qui consiste à attacher le pénis dans un étui et à le tirer entre les cuisses de sorte à faire disparaître visuellement le sexe[109]. D’autres suivent une hormonothérapie pour acquérir une poitrine, avoir moins de pilosité et avoir une voix plus féminine. Il arrive que des rae-rae soient tentées d’entamer des processus de transition complète en procédant à des opérations chirurgicales de réassignement sexuel[110]. Les rae-rae aspirent le plus souvent à se mettre en couple avec un homme hétérosexuel viril[111]. À la différence des mahu, les rae-rae souffrent davantage de phénomènes d’ostracisme. En effet, les rae-rae sont perçues comme une donnée « inauthentique », « artificielle » de la culture polynésienne, comme une forme de corruption liée à la modernité[112].

Le mot rae-rae a fait son entrée dans la langue tahitienne, très récemment, dans les années 1950[113], au moment où se développent les essais nucléaires et où la Polynésie française entre dans la société de consommation. Ainsi, les représentations culturelles des rae-rae les associent historiquement aux mahu ayant commencé à vendre des services sexuels aux militaires français dotés d’un fort capital économique. Ce préjugé continue d’imprégner les mentalités contemporaines des Polynésiens qui associent les rae-rae à la vie nocturne et à la prostitution[114]. Une étude menée sur la prostitution de rue à Papeete met en évidence l’existence d’une prostitution formalisée de rae-rae depuis plusieurs décennies, structurée en réseaux de « copines » avec un fort sentiment d’une « communauté de destin »[115]. Cette prostitution répandue s’explique souvent par le rejet familial dont font l’expérience les rae-rae qui conduit nombre d’entre elles à recourir à la prostitution comme moyen de subsistance et comme moyen de vivre librement leur identité de genre :

 

« Les rae-rae font de la prostitution pour la survie, et pour trouver un logement. Et aussi pour changer de sexe, se faire les seins. Elles ont un objectif : elles ont une activité de nuit, et une activité de tous les jours. Une fois qu’elles ont atteint leurs objectifs, elles laissent tomber »[116].

Ce constat semble confirmer l’existence de dynamiques de marginalisation et de stigmatisation des rae-rae à l’œuvre au sein de la société polynésienne.

 

À Wallis-et-Futuna, les anthropologues ont également pu constater l’existence d’un troisième genre assimilé aux fa’afafine des îles voisines des Samoa[117]. D’après les écrits de Mme Maroua Marmouch, docteure en anthropologie sociale et en ethnologie en Nouvelle Calédonie, plusieurs personnes transgenres d’origine wallisienne installées à Nouméa relatent que leur nombre est limité et que leur « performance »[118] de genre est discrète : elles ne portent pas quotidiennement de vêtements féminins par exemple. Aussi, pour les rapporteurs, la migration de ces populations transgenres vers la Nouvelle-Calédonie et l’injonction à l’invisibilité à laquelle elles se soumettent dans leur collectivité d’origine semble indiquer un seuil d’acceptation sociale assez faible vis-à-vis des formes de transidentité à Wallis-et-Futuna.

En revanche, les témoignages recueillis à propos de la Nouvelle-Calédonie dressent le tableau d’une société globalement ouverte à l’égard de la transidentité. En effet, Mme Gaëlle Bourguignon affirme que la situation des personnes transidentitaires et transgenres est particulièrement positive : elles ont la possibilité de vivre leur identité librement. Toutefois, elle note que les populations transgenres sont majoritairement polynésiennes et très peu mélanésiennes. Cela s’explique, selon elle, par la forte population tahitienne en Nouvelle-Calédonie dans laquelle existe la tradition des rae-rae et des mahu[119]. Ces observations sont corroborées par l’étude de Mme Maroua Marmouch sur la communauté transgenre à Nouméa. Cette dernière écrit que la présence de personnes transgenres majoritairement wallisiennes, mais aussi pour quelques-unes Kanakes, est de plus en plus visible, en dépit d’une revendication répandue de la communauté Kanak qui maintient que ce phénomène n’existe pas en son sein[120].

L’anthropologue montre par ailleurs que la tolérance de la société calédonienne vis-à-vis de la transidentité s’est beaucoup développée au fil des décennies depuis les années 1970 en raison des mutations urbaines de Nouméa, impulsées par la migration conséquente de populations d’origine polynésienne et l’apparition de plus en plus visible de tahitiennes « travesties » qui ont été les premières à s’habiller en femme. Ainsi Lola, transgenre née à Nouméa de parents wallisiens ayant migré en Nouvelle-Calédonie dans les années 1950 et 1960 raconte : « C’est les Tahitiennes qui sont arrivées de Tahiti, des travestis sont venus… C’est l’influence des Polynésiens de Tahiti. […] Ce sont elles qui s’habillaient en femmes ». Par la suite, les quelques fakafafines locales, encouragées par la présence des rae-rae tahitiennes ont commencé à adopter une expression de genre féminine au moyen de vêtements, maquillages et ont cherché à incarner un idéal de féminité cosmopolite à travers le style de leurs robes voyantes.

Depuis les années 2000, un certain nombre d’entre elles a entamé des opérations de transition chirurgicale telles que la mammoplastie ou la vaginoplastie afin d’obtenir un corps de femme. Toutefois, elles sont soumises à des processus de marginalisation car une partie d’entre elles continuent de s’adonner à la prostitution afin de financer leurs opérations ainsi que leur mode de vie. Le témoignage de Mme Peyssa Felomaki, présidente de l’association Lotus Doré NC, concernant la situation des 300 personnes transgenres recensées sur le territoire calédonien, amène les rapporteurs à être prudents. Elle souligne, en effet, que la communauté reste discrète, qu’elle manque beaucoup de visibilité positive et qu’elle est soumise à beaucoup de moqueries[121]. Mme Océane Zobler, journaliste chez Calédonia, observe que cette question reste taboue et que peu de Néocalédoniens osent en parler. Certaines personnes transgenres sont rejetées par leur famille. Le témoignage d’Angélina, femme transgenre, dont Mme Zobler a recueilli le témoignage pour son documentaire, confirme cette réalité ambivalente : « on se retourne aujourd’hui quand on me croise, que ce soit pour me féliciter ou me rabaisser »[122].

B.   Les facteurs d’aggravation de la haine anti-LGBT en Outre-mer

Les rapporteurs constatent que la haine anti-LGBT en Outre-mer est plus virulente que dans l’Hexagone en raison du poids plus important de la structure sociale et du contexte culturel propre à chaque territoire ultramarin.

1.   Le poids des stéréotypes de genre

Comme le note la CNCDH dans son avis sur les violences de genre et les droits sexuels et reproductifs dans les Outre-mer[123], les phénomènes d’homophobie et de transphobie à l’égard des populations LGBT ultramarines s’expliquent, en grande partie, par le poids des stéréotypes de genre et autres préjugés sexistes qui, s’ils ne sont pas l’apanage des sociétés ultramarines, sont très prégnants culturellement : « les LGBTphobies ressortent du même phénomène de sexisme fondé sur des rôles sociaux dépeints comme immuables et où la virilité est constamment valorisée ». Mme Christine Lazerges, Présidente de la CNCDH, mentionne ainsi que, parmi les jeunes générations d’ultramarins, la sexualité féminine fait l’objet de représentations sociales propices aux violences puisque les femmes tendent à être représentées comme des actrices passives au cours du rapport sexuel[124]. Cette association répandue entre l’acte de pénétration sexuelle et l’acte de domination sociale peut nourrir des formes d’homophobie culturelle dans la mesure où l’homosexuel est considéré comme une figure antithétique à la conception dominante de la masculinité ; en effet, il est perçu comme passif au cours du rapport sexuel et donc comme efféminé.

En s’appuyant sur le concept de « racialisation du genre » développé par M. David Murray[125], M. Moise Manoel explique que l’injonction à la virilité est exacerbée parmi les populations afro-descendantes de la Caraïbe auxquelles se rapporte la Guyane, en raison de la période esclavagiste où l’homme noir était réduit au rang de mâle reproducteur tandis que l’homme blanc se voyait en même temps conférer les attributs de la masculinité et de la virilité sociale : pouvoir de coercition, richesse, nombre de maîtresses noires[126]. Mme Stéphanie Mulot explique ce processus de dévirilisation sociale de l’homme noir :

« [Il reposait] sur le contrôle des corps et de la sexualité des esclaves mais aussi sur une inversion du genre. Cela passait du coté par une effémination et une bestialisation des hommes noirs, qui, malgré leur sexualité animale auraient été incapables de contenter leurs partenaires, décrites comme insatiables et lubriques »[127] [sic].

 La masculinité noire s’est ainsi construite sur une valorisation de la virilité sexuelle. Les enquêtes déclaratives concernant les comportements sexuels montrent que la fonction masculine est marquée par des représentations de séducteur qui s’accompagnent de la prégnance culturelle du multipartenariat, en particulier aux Antilles Guyane[128]. De ce fait la reconnaissance d’une forme d’homosexualité masculine noire au sein des sociétés post-esclavagistes contemporaines reviendrait à nier à l’homme créole, en partie castré par l’esclavage, les derniers attributs de sa virilité. M. Kevin Breteche identifie également le mythe de la virilité comme facteur d’homophobie à La Réunion.


Mme Nadia Chonville observe que l’homophobie joue un rôle social dans la persistance de la structuration normative du genre aux Antilles telle qu’ont pu la mettre en évidence d’autres chercheurs du groupe Genre et Société aux Antilles du Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe (CRPLC) de l’Université des Antilles ayant travaillé sur cette thématique (Mme Nadine le Faucheur, M. Roger Cantacuzène, et Mme Joëlle Kabille)[129]. Du fait de la valorisation d’une forme de virilité sexuelle chez les populations antillaises, les hommes sont encouragés à multiplier les conquêtes sexuelles. Lorsque cela n’est pas le cas, il peut y avoir suspicion d’homosexualité. Les témoignages qu’elle a recueillis pendant plusieurs années de recherches en Martinique, révèlent que la répression de la féminité des hommes passe notamment par l’utilisation de l’insulte sexiste « makoumè » en créole qui est en fait le corollaire de la répression de l’homosexualité dans l’ensemble de la population.

La simple crainte d’être insulté peut motiver les garçons à adopter les codes dominants de la virilité. On retrouve cette homophobie diffuse dans les connotations sexistes du langage courant dans d’autres territoires ultramarins. Ainsi, à Lifou, au sein de la communauté Kanak de Nouvelle-Calédonie, Mme Hélène Nicolas relève l’utilisation, pour désigner les homosexuels, de l’expression très péjorative nyi föe, signifiant faire la femme[130]. En shimaoré, une des deux principales langues indigènes parlées dans l’archipel de Mayotte, les mots utilisés pour se référer à l’homosexualité masculine renvoient à la pratique de la sodomie et en particulier au fait d’être pénétré. C’est le cas du terme péjoratif Muromba-shidze qu’il est possible de traduire vulgairement par le mot « enculé »[131]. Le terme sarambavis aux connotations très péjoratives peut également être utilisé pour parler des homosexuels en les associant à la figure d’un homme efféminé[132].

 Le terme de mahu peut être utilisé abusivement par la population polynésienne pour désigner un homme homosexuel[133], associant la figure de l’homosexuel à un homme efféminé, alors même que très peu de mahus s’adonnent à des pratiques sexuelles avec d’autres hommes[134]. Cette utilisation contextuelle du terme mahu, dans une société très normativement genrée, caractérisée par une esthétisation et une valorisation d’idéaux féminin et masculin poussés à leur paroxysme, à l’image de la vahiné, apparaît comme péjorative à l’égard des homosexuels car efféminé et traduit réciproquement une acceptation parfois ambivalente de la figure du mahu. Les Polynésiens emploient aussi le terme petea, transposition du mot « pédé » en tahitien, qui vient fréquemment sanctionner le manque de virilité d’un homme.

S’agissant du carnaval, Mme Nadia Chonville note que contrairement aux idées reçues, il ne s’agit ni d’un moment de brouillage sexuel ni d’un espace ouvert à des expressions de genre alternatives. En effet, si le carnaval martiniquais se caractérise effectivement par la présence des fameux « makoumès », des hommes travestis adoptant de manière ostentatoire les codes d’une féminité exacerbée, en portant du maquillage et des habits vulgaires, il est à noter que ces comportements sociaux sont réprimés et interdits le reste de l’année. Le rituel carnavalesque est donc l’occasion de rappeler cet interdit social à travers la portée cathartique de la mise à mort de Vaval à la fin du Carnaval qui, sur le plan symbolique, vient purger les déviances et les excès liés aux festivités[135]. En 2013, l’œuvre d’Hervé Beuze représentant un Vaval, fraichement marié à l’homme de sa vie, finit par être incinérée lors du mercredi des cendres, rappelant la condamnation sociale et symbolique des unions de même sexe. En outre, les makoumès du carnaval qui portent les attributs d’une féminité hypersexualisée véhiculent l’image stéréotypée et sexiste qui assimile la figure de l’homosexuel à celui du travesti ou du transgenre, d’une femme prisonnière d’un corps d’homme.

L’imprégnation forte des stéréotypes de genre est aussi perceptible dans la structuration de la cellule familiale dont le poids culturel renforce les formes d’homophobie et de transphobie en Outre-mer.

2.   Le poids de la famille

Le poids de la famille peut expliquer le rejet virulent dont sont victimes les personnes homosexuelles et transgenres en Outre-mer à double titre : d’une part, du fait de la valorisation des rôles familiaux et des constructions de genre qui leur sont associées et d’autre part, en raison de la prégnance du sentiment d’appartenance communautaire au sein de la famille.

Dans la plupart des sociétés ultramarines, la famille est un point structurant de la vie sociale et participe à la définition des attentes collectives en matière de sexualité et d’expression de genre des individus. La CNCDH observe qu’en Outre-mer, dans un contexte marqué par la pauvreté et le chômage, la maternité est valorisée comme manière d’accéder à un rôle social[136]. Mme Nadia Chonville remarque que la société martiniquaise, à l’instar des sociétés des Antilles françaises en général[137], est matrifocale, ce qui signifie que l’organisation sociale est centrée sur la mère et sur la famille maternelle[138]. La mère est ainsi appelée potomitan, autrement dit, le poteau du milieu, celui qui tient la charpente. De même, en Guadeloupe, Mme Prisca Melyon-Reinette affirme que la mère/femme « soutient la maison »[139]. De ce fait, la valorisation de la fonction procréative dans les représentations sociales implique une délégitimation des pratiques sexuelles non procréatives : l’homosexualité féminine est non seulement stigmatisée, mais de manière générale, elle n’est pas considérée comme une sexualité en tant que telle. La sexualité lesbienne est ainsi perçue comme une forme de jeu ou d’inassouvissement de la sexualité[140], ce qui peut expliquer une tolérance plus grande. Mme Prisca Melyon-Reinette déclare que « les relations homosexuelles entre femmes sont beaucoup plus acceptées car synonymes de douceur »[141].

M. Steven Kuzan constate également que l’homosexualité féminine est mieux acceptée en Guyane que l’homosexualité masculine[142].

Par ailleurs, Mme Madeleine Begue décrit le poids social des rôles genrés avec l’existence d’un phénomène de pression familiale et sociale s’exerçant sur les Réunionnais et les Réunionnaises : les hommes doivent, à partir de 30 ans, être mariés, avoir des enfants et travailler pour améliorer le bien-être de la famille. Pour les femmes, le cadre se resserre plus tôt et vise à la monogamie exclusive, qui doit avoir lieu après le mariage dans le but de faire des enfants, leurs fonctions se limitant à élever les enfants et à accomplir les tâches ménagères. La trame de vie est calquée sur le cheminement imposé par les parents et la société dans lequel les fonctions et les rôles sont distribués selon l’âge et le sexe, réifiant les rôles de genre dans une complémentarité essentialisée[143]. Le témoignage d’un couple lesbien à La Réunion, suivi dans le cadre de ses recherches, met en exergue que « cet interdit d’expression de son homosexualité s’impose aussi à la partenaire de Valeria, qui dit alors se sentir frustrée, exclue et pas heureuse, car dans le quotidien, l’injonction maternelle s’impose »[144].

À Mayotte, l’association Nariké M’Sada affirme que la norme hétérosexuelle est aussi un principe structurant de la société : « l’organisation sociale fait que le groupe régit l’individu. À partir du moment où l’on est en couple avec un partenaire hétérosexuel, voire faire un enfant, le groupe est satisfait » [sic]. Son directeur, M. Moncef Mouhoudhoire note ainsi que les femmes homosexuelles sont aussi stigmatisées que les hommes, mais elles s’exposent encore moins publiquement pour préserver l’organisation sociale[145] fondée sur la matrilocalité et la matrilinéarité. Cela signifie, d’une part, que chaque mahorais naît et habite chez sa mère ou chez sa tante dans la lignée maternelle et qu’il détient son statut social de natif « munyeji », ses droits politiques, sociaux et religieux, à partir de son village d’origine, à savoir celui de sa mère ; d’autre part les droits de l’individu (droit au patrimoine, droit d’habiter, droit d’utiliser l’enclos familial ou d’utiliser sans aliéner des terrains pour construire) sont la propriété quasi exclusive des femmes et se transmettent à travers l’appartenance au lignage féminin[146].

En ce sens, l’homosexualité féminine apparaît comme une menace contre le bon équilibre de l’ordre social. En Nouvelle-Calédonie, M. Laurent Garnier-Regal affirme qu’il est aujourd’hui plus compliqué de vivre son homosexualité pour une femme mélanésienne que pour un homme mélanésien du fait du fonctionnement de la communauté et de ses traditions qui impliquent que l’homme est plus mobile et autonome quand la femme est cantonnée à l’espace domestique[147]. De même, Mme Hélène Nicolas met en évidence l’importance de l’institution maritale au sein de la communauté kanake qui prescrit des normes en matière de comportements sexuels. Ainsi, à Lifou, les relations sexuelles prémaritales ne sont traditionnellement pas admises: le terme nyipi föe, qui renvoie à la virginité signifie littéralement « vraie épouse / vraie femme ».

Si aujourd’hui, peu de femmes s’abstiennent jusqu’au mariage, les jeunes filles « restant tranquilles » et arrivant vierges au mariage, sont très valorisées, la famille du mari versant après coup une somme d’argent plus importante pour remercier la famille de la fille de l’avoir « bien gardée ». Aussi, les jeunes femmes sont également contraintes de cacher leur activité sexuelle, la sexualité étant associée au monde de l’ombre et de la brousse. La sexualité est aussi pensée entièrement à travers le prisme phallique – le verbe enö qui renvoie à l’idée d’avoir des rapports sexuels signifie également « pénétrer » ou « prendre en douce ». Dans ce contexte, l’homosexualité féminine est purement proscrite. Il n’existe, d’ailleurs, pas de terme vernaculaire pour les relations amoureuses et/ou sexuelles entre femmes[148].

Le prisme « hétéronormatif »[149] qu’évoque M. Moise Manoel au sujet de la Guyane[150], mais qu’il convient, au regard des témoignages recueillis par les rapporteurs, d’assimiler à l’ensemble des territoires ultramarins, est perceptible à travers le refus observé de reconnaître l’existence de l’homoparentalité. M. Steven Kuzan observe qu’« en Guyane, l’homosexualité n’est pas un problème tant que cela ne touche pas la famille »[151]. En Guadeloupe, Mme Prisca Melyon-Reinette constate qu’« un couple homosexuel doit cacher sa parentalité ». De ce fait, les couples lesbiens sont fréquemment présentés socialement comme des familles monoparentales, le partenaire étant associé à une « tante » [152].

De manière générale, le poids social de l’homophobie s’inscrit dans la prégnance de la famille en tant que groupe primaire au sein de la structure sociale : l’association Total Respect parle de proxémie pour caractériser l’intimité des liens forts qui nouent les familles ultramarines et qui forment un même corps[153]. Dans ce cadre, les personnes LGBT n’osent pas vivre librement et publiquement leur identité sexuelle ou de genre en raison du jugement normatif que pourraient porter leurs familles.

Dans l’enquête réalisée sur les jeunes de 16 à 25 ans en Nouvelle-Calédonie, à la question de savoir si « avoir un garçon efféminé dans sa famille fait honte », un tiers des garçons et un quart des filles des Îles Loyautés disent être en accord avec cette proposition[154]. Mme Gaëlle Bourguignon note qu’en dehors de Nouméa, il existe un fort tabou car la famille régente la vie sociale avec un rôle social déterminant de la figure de l’oncle utérin qui a autorité sur les choix éducatifs. Dans ce contexte, l’homosexualité n’a pas sa place : cela existe mais on n’en parle pas[155]. M. Stéphane Ducamp affirme que la société réunionnaise se définit par un modèle familial clanique qui condamne tout ce qui n’est pas conforme à l’hétéronormativité[156]. Il rapporte le cas d’un père de famille, portant un nom connu à La Réunion et demeurant dans le « carré d’or » de Saint-Denis, qui voulait pendre son fils dans la forêt, parce que l’honneur commandait de s’en débarrasser.

 Au cours des entretiens de recherche menés par Mme Madeleine Begue, il a été rapporté de la violence sous diverses formes et dans toutes les sphères du quotidien. Elle s’exerce sous forme d’évitements, d’exclusions, de ruptures familiales, de menaces. De manière ostensible, c’est au moment d’affirmer son identité sexuelle que les réactions d’homophobie s’accentuent. Il s’agit d’une lutte de longue haleine pour se faire accepter face au refus d’entendre et de voir des parents, à la persistance des réactions homophobes du quotidien. Cette forte homophobie au sein de la famille s’explique par le fait qu’on peut observer l’extension du stigmate aux parents, jugés comme responsables de l’anormalité supposée de leur enfant et incapables de l’élever correctement. Ce jugement peut expliquer l’absence manifeste de soutien des parents, la colère contre leur enfant et son rejet brutal, étant eux-mêmes malmenés par leurs proches[157] :

« Quand ils ont appris que j’étais homosexuel […] Moi, j’étais quelqu’un de rejeté […] Ils étaient eux-mêmes, ils ont eu beaucoup de : « oui, tu n’as pas, ton enfant n’est pas normal, il aime les hommes, tu n’es pas capable d’élever tes enfants. » [sic] (Julien, 42 ans)

À Mayotte, l’importance du modèle familial qui structure la société et régit l’individu, les enjeux liés à la réputation, à l’honneur familial, au qu’en-dira-t-on restent des freins à la tolérance vis-à-vis de l’homosexualité. Le témoignage d’un jeune sambavi, atteste de la difficulté à vivre son identité au grand jour : « si l’on prend l’exemple de sa famille, tous sont au courant, mais il évite de se montrer en compagnie d’un garçon »[158].

Aux Antilles, M. David Chiffrin Auerbach pointe aussi le problème soulevé par l’honneur familial. Il énonce que « la famille antillaise, c’est quatre cents personnes dont chacune porte l’honneur de tous. Une mauvaise gestion de la réputation, et c’est une perte de clientèle, une promotion ratée… pour quatre cents personnes »[159]. Cette problématique révèle en filigrane le poids de l’insularité et de l’interconnaissance dans l’exacerbation de l’homophobie et de la transphobie en Outre-mer. 

À Wallis-et-Futuna, Mme Honorine Koenig explique que le poids de la famille est tel, que plusieurs personnes qui souhaitaient apporter leur témoignage pour dresser un état des lieux des populations LGBT dans l’archipel se sont rétractées sous la pression de leurs proches[160].

3.   Le poids de l’insularité et l’interconnaissance

Les personnes auditionnées dans le cadre du présent rapport soulignent unanimement le poids de l’insularité comme facteur explicatif de l’exacerbation des formes d’homophobie et de transphobie en Outre-mer. En effet, les sociétés ultramarines sont des « sociétés de contrôle et de surveillance »[161], où la pression normative du groupe social est élevée, a fortiori dans des territoires exigus où l’anonymat n’existe pas. M. Philippe Lacombe évoque l’extrême souffrance des homosexuels en Polynésie française, obligés de vivre dans l’invisibilité, dans une société où tout se sait du fait de l’insularité. Mme Dolores Dogba partage cette analyse et met en avant le poids « de l’organisation sociale » pour expliquer leur discrétion[162] : « Tahiti, c’est petit et tout se sait. Alors les homosexuels préfèrent souvent rester discrets »[163].

À La Réunion, M. Kevin Breteche affirme que le poids de l’interconnaissance lié à l’exiguïté géographique crée des réticences à s’assumer chez les populations LGBT[164]. Mme Madeleine Begue pointe l’influence du phénomène de ladilafé, c’est-à-dire la circulation rapide des rumeurs sur l’île qui peut atteindre les oreilles des proches et des membres de la famille et susciter un rejet[165]. Le témoignage de Cyril[166] cristallise cette inquiétude :

 « Quand j’ai vécu trois ans et demi avec ce garçon, les langues ont commencé à être déliées dans ma famille, les belles-sœurs et compagnie. Ça a fait le tour de toute la famille, oncles, tantes donc, ils s’en sont donnés à cœur joie. Pas uniquement ma mère, mon frère aussi. Ah ben, surtout pas, ils ne voulaient pas que je sois homosexuel. Ils espéraient que tous ces ladilafé là, c’était que des ladilafé, que je ne sois pas homosexuel ».

Aux Antilles, on observe le même phénomène, mieux connu sous le nom de makrélaj. M. Didier Jean, représentant de l’association Tjenbé Rèd en Guadeloupe, affirme qu’« il est très dur de rencontrer quelqu’un car les ‘locaux’ ne veulent pas se mettre en relation sérieuse car ils ne veulent pas se montrer aux yeux de la communauté »[167]. Mme Isabelle Tomatis, directrice départementale de la sécurité publique en Guadeloupe, signale l’existence d’une vidéo mettant en scène deux femmes qui se marient qui est devenue virale sur l’ensemble de l’île car « les gens sont très voyeurs »[168].

Avant de mourir dans des circonstances dramatiques, M. Willy Medhi Melinard, référent de Tjenbé Rèd en Martinique, a pris la parole lors d’une conférence à Fort-de-France le 15 juillet 2012 consacrée au mariage et à l’homoparentalité où il déplorait le poids de « toutes les paroles amplifiées, déformées, pour devenir une horrible réputation... » qui servent d’instrument de régulation sociale et sexuelle[169].

Les rapporteurs constatent que le poids de l’interconnaissance est renforcé en cas d’isolement ou d’appartenance à une communauté où l’identité collective prime sur l’individu. Ainsi, il est beaucoup plus difficile de vivre son homosexualité ou son identité de genre au grand jour en zone rurale par exemple. Un jeune Mahorais homosexuel précise que dans son village natal de Majicavo, il « faisait en sorte de ne pas être démonstratif »[170]. De même, une jeune femme transgenre de Nouvelle-Calédonie, témoigne :

« Les habitants d’une si petite commune, comme La Foa, par exemple, ne sont pas prêts à voir se tortiller dans le village un garçon qu’ils ont vu grandir habillé en fille. Les gens ont cette capacité de juger sans connaître. Par contre du côté du Farino, mon voisinage m’a beaucoup soutenu. »[171]

Mme Gaëlle Bourguignon observe les mêmes difficultés s’agissant des populations homosexuelles vivant dans la province du Nord ou la province des îles Loyauté en raison des dispositions géographiques[172]. L’enclavement y est exacerbé, en particulier dans les petites îles, la densité de population y est plus faible et le poids des traditions donne au groupe de pairs un rôle de contrôle social beaucoup plus fort, en particulier au sein de la communauté Kanak où la vie de tribu et de village continue fortement de structurer la vie sociale. M. Moise Manoel dresse un constat comparable en Guyane[173] : sur les communes du fleuve et de l’intérieur de la Guyane, la densité de population est plus faible que sur le littoral, l’appartenance communautaire y est plus structurante, en particulier chez les populations amérindiennes et bushinengés ; par conséquent la pression normative de régulation sociale des pairs y est plus marquée et implique une injonction à la discrétion. Il a ainsi pu observer la migration de populations a priori homosexuelles du Haut‑Maroni, de Maripasoula et de Papaïchton vers Saint-Laurent-du-Maroni qui est la ville la plus peuplée en Guyane après Cayenne.

De manière générale, les rapporteurs retiennent que les villes les plus peuplées en Outre-mer font figure de soupape. Ce sont des lieux où les populations LGBT peuvent, dans une certaine mesure, laisser libre cours à leur identité sexuelle ou de genre car le réseau d’interconnaissance y est moins dense et il leur est parfois possible de profiter d’une forme d’anonymat. Une enquête de l’association NC Diversités établit un lien de corrélation entre l’aménagement du territoire et la morphologie urbaine et une meilleure acceptation de l’homosexualité. La ville de Nouméa se caractérise par la présence de zones pavillonnaires et de squats, ce qui suppose une plus forte densité de population et une moindre pression du groupe de pairs. Ainsi, Mme Gaëlle Bourguignon observe qu’à Nouméa, alors que les démonstrations d’affection en public sont très rares au sein de la culture calédonienne, de plus en plus de couples homosexuels osent s’afficher[174].

4.    Le poids de l’imprégnation religieuse des sociétés ultramarines

Les rapporteurs mettent en évidence le rôle régulateur de l’appartenance au groupe dans les sociétés ultramarines qui confine les populations LGBT à la marginalité ou à la discrétion. Cette appartenance au groupe se fonde sur le partage d’une série de valeurs souvent inspirées par les traditions religieuses qui participent de la justification culturelle du rejet dont sont victimes les personnes homosexuelles ou transgenres.

D’après l’enquête KAPB 2014 concernant les attitudes, les croyances et les comportements sexuels des habitants des DFA[175], dans les trois départements, la religion occupe une place prégnante : deux tiers des habitants de Guyane et trois quarts de ceux de Martinique et de Guadeloupe y accordent une place « très importante ». Or, les rapports homosexuels sont d’autant plus stigmatisés que les individus sont religieux : près de 78,3% des hommes et 67,2% des femmes qui accordent une très grande importance à la religion jugent que l’homosexualité est soit « contre-nature », soit le « signe d’un problème psychologique », sans écart significatif entre les territoires.

Ces observations corroborent les témoignages des différents acteurs rencontrés par les rapporteurs au cours de leur mission exploratoire en Guadeloupe ainsi que ceux recueillis à l’Assemblée nationale, à l’instar de M. David Chiffrin Auerbach qui signale le rapport quasi « charnel » qu’entretiennent les ultramarins avec le texte biblique. Toutefois, il souligne que le problème n’est pas la religion ou le fait religieux en tant que tel, mais la façon dont les gens vivent leur religion et l’appliquent : « On donne au texte du Lévitique (« Tu ne coucheras pas avec un homme comme on fait avec une femme: c'est une abomination », Lv 18, 22) la même interprétation que le judaïsme orthodoxe »[176].

L’enquête KAPB concernant les attitudes, les croyances et les comportements sexuels des Réunionnais met en évidence la même corrélation[177]. La place de la religion est importante pour 54% des Réunionnais et l’acceptation de l’homosexualité est inversement proportionnelle au degré de religiosité des personnes interrogées : pour 46% des personnes, elle est considérée comme « aller à l’encontre de sa religion ». M. Kevin Breteche souligne que la religion a une influence sur la perception de l’homosexualité, peu importe qu’elle soit chrétienne, musulmane ou tamoul[178].

À Mayotte, où l’islam est pratiqué par 95% de la population, l’importance culturelle du fait religieux au sein de la société participe de la condamnation sociale de l’homosexualité, aussi appelée mahaba haramu, que l’on peut traduire par « amour interdit » ; la notion de « haram » renvoyant à un interdit d’ordre religieux. L’expression de l’interdit se retrouve dans les témoignages recueillis par Mayotte Hebdo[179] :

Un homme, 20 ans, Cavani : « Au niveau de la religion, c’est interdit, mais avec l’évolution de la société, chacun fait ce qu’il veut. Je dirais que je suis plutôt contre. Mayotte est un territoire musulman et ils dégradent l’image de notre île ». 

Un homme, 20 ans, Mamoudzou : « Ce n’est vraiment pas bien que des gens du même sexe soient ensemble. Dieu a créé l’homme et la femme pour qu’ils soient ensemble, mais pas pour qu’ils deviennent homosexuels ».

Une femme, 71 ans, « la religion musulmane interdit l’homosexualité, donc je suis contre. Je n’ai pas été élevée comme ça et ça me dégoûterait que mes enfants ou mes petits-enfants le soient. »

En Polynésie française, le poids des religions (qu’il s’agisse des protestants, des catholiques ou des évangélistes) explique les difficultés que rencontrent les personnes homosexuelles, selon Mme Dolores Dogba[180]. Les débats relatifs au mariage des couples de même sexe en 2013 ont d’ailleurs mis en lumière la forte imprégnation religieuse de la société qui a motivé l’opposition de certains vis-à-vis de l’ouverture de ce droit. Mme Chantal Tahiata rappelle que « les gens ne font pas la différence entre ce qu’ils sont dans la vie de tous les jours et leur foi. Parce que comme vous savez en Polynésie, tout le monde est chrétien »[181].

Au-delà des croyances religieuses de chacun, plusieurs interlocuteurs mettent en avant la responsabilité des institutions religieuses dans la propagation de l’homophobie en Outre-mer. En Polynésie française, le pasteur Mitema Tapati a déclaré à la presse locale en mai 2009 que « le phénomène des gays et lesbiennes est un fait de société qui se développe à une vitesse incroyable dans notre fenua et par nos enfants », décrivant ainsi l’homosexualité comme une donnée exogène aux traditions de la société Polynésienne[182]. En Guyane, la montée en puissance des églises évangéliques, notamment en lien avec l’essor démographique de la communauté haïtienne, participe de la diffusion de messages homophobes au sein de la population. M. Moise Manoel s’inquiète du même phénomène dans la haute vallée du Maroni[183]. M. David Chiffrin Auerbach observe, quant à lui, la « contamination de la jeunesse par les évangélistes » du fait de l’émergence de nouvelles églises américaines dont l’enseignement est homophobe[184].

 

 

Plusieurs acteurs soulignent le rôle moteur de l’Église catholique dans la mobilisation contre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe qui a favorisé la libération de la parole homophobe en Outre-mer. Ainsi, Mme Emma Marea, membre de l’Assemblée de la Polynésie française et des îles Sous-le-Vent, explique son opposition au « Mariage pour tous » par le fait que les Églises étaient en désaccord et qu’elle ne faisait que suivre leur avis[185]. Mme Sabrina Birk, fille fa'a'amu[186] de M. Bobby Holcomb et ancienne représentante de l’Assemblée de Polynésie française explique que l’Eglise n’a pas su évoluer avec la jeunesse en modernisant l’interprétation de la parole de Dieu[187].

Mme Nadia Chonville montre quant à elle, que l’opposition à la « loi Taubira » en Martinique a dès l’origine été motivée par des convictions religieuses et a reçu le soutien actif du clergé. Ainsi, la plupart des militants et des prêtres engagés ont systématiquement invoqué les enseignements bibliques pour légitimer leur mobilisation, citant le passage de la Genèse relatif à la procréation entre un homme et une femme, ou encore, la destruction de la ville de Sodome ou la condamnation directe de l’homosexualité par le Lévitique :

 « Ne laissez pas la brèche dessiner le sillon, majorité silencieuse, le PACS, on a laissé passer, mais là, vous êtes devant l’évidence. Vous êtes devant Sodome et Gomorrhe ! (…) Et le sacrement, sa nou ka fè épi sa ? L’enportan pou nou, sé que nou pran konsians ke nou batisé et ke nou pa aksepté sa[188]. » Tribun n° 1, 13 janvier, parvis de la cathédrale[189].

Une conférence a également eu lieu le 28 octobre 2012 dans les locaux de l’église Saint-Christophe de Fort-de-France, à l’appel des Associations Familiales Catholiques (AFC) pour parler « des coûts du non-mariage et de l’homosexualité ». Les débats animés par le Père Ransay ont porté sur l’influence du lobby homosexuel sur la décision publique, la nature pathologique de l’homosexualité, sa contagiosité, sa non-naturalité et les dérives encourues par l’extension du droit au mariage telles que la promotion de la polygamie, de l’inceste, de la pédophilie, ou encore, de la zoophilie.

La participation active du Père Ransay aux débats, ponctuée par des interventions dans les médias comme la Radio Saint-Louis fait figure d’exception : rares sont les prêtres qui ont pris la parole de manière aussi récurrente. Toutefois, le discours religieux des militants faisant appel aux valeurs et au sens de responsabilité des chrétiens a su toucher la population en s’appuyant sur une dimension culturellement prégnante de son identité et l’influence évangéliste de la pratique religieuse martiniquaise[190].

En outre, les rapporteurs prennent acte de l’existence d’associations religieuses à l’instar de Croyances et santé sexuelle prenant en charge les publics homosexuels atteints du VIH/Sida, notamment en Guyane[191]. Cependant, il est difficile de tirer une conclusion univoque sur leur rôle dans la mesure où Croyances et santé sexuelle n’a pas donné suite à leurs sollicitations. Certaines associations de lutte contre l’homophobie et la transphobie peuvent recevoir le soutien ponctuel de responsables religieux : c’est le cas du Refuge Réunion qui collabore avec le père Stéphane Nicaise, jésuite et anthropologue. Cependant, cette observation n’est nullement représentative du lien qui se tisse entre homosexualité et religion en Outre-mer.

 


 

   II. UN CONSTAT MARQUÉ PAR L’EXISTENCE DE FORTES VIOLENCES ET DISCRIMINATIONS À L’ENCONTRE DES LGBT EN OUTRE-MER

Le poids social de l’homophobie observé dans les sociétés ultramarines constitue un obstacle au respect des droits sexuels des populations LGBT, tant du fait de leur impossibilité de vivre leur identité sexuelle ou leur identité de genre au grand jour, qu’en raison des violences pluridimensionnelles qu’il nourrit.

A.   Une grave atteinte aux droits sexuels des populations LGBT en Outre-mer

La haine anti-LGBT latente qui existe en Outre-mer se manifeste d’abord par une violence insidieuse qui prend la forme injonctive d’une négation de l’identité, qu’elle soit transgenre ou homosexuelle. Ce faisant, elle participe à une remise en cause sévère du droit à la santé sexuelle des personnes LGBT ultramarines, en empêchant nombre d’entre elles de vivre leur identité et leur sexualité librement et en générant des conséquences dramatiques sur la santé de ces populations.

1.   Stratégies de déni de soi et clandestinité de l’homosexualité

L’étude de Mme Madeleine Begue à La Réunion a fait ressortir que la majorité des participants s’étant heurtée à l’homophobie de leur famille a adopté des stratégies de déni de soi lors de la prise de conscience de leurs désirs et attirances, de l’exploration et de l’affirmation de leur identité sexuelle[192]. L’enquête KAPB 2012 relative aux attitudes, aux croyances et aux comportements sexuels des Réunionnais confirme cette observation : « la stigmatisation autour de l’homosexualité (et de la bisexualité), peut probablement conduire à des sous-déclarations de ces pratiques »[193]. L’enquête KAPB 2014 concernant les attitudes, les croyances et les comportements sexuels des habitants des DFA formule une conclusion du même ordre[194]. De fait, il est probable que les rapports homosexuels soient sous-déclarés : les Guyanais et les Antillais sont deux fois moins nombreux que ceux de l’Hexagone à avoir déclaré des rapports homo-bisexuels au cours de leur vie : 1,6% vs 4,0 % chez les hommes, 1,6% vs 3,5% chez les femmes. De même, selon l’enquête INSERM de 2008 sur la situation sociale et les comportements de santé des jeunes Calédoniens, les jeunes déclarant avoir déjà été attirés dans leur vie par quelqu’un du même sexe sont plus nombreux en milieu urbain qu’en zone rurale : 8% dans le Grand Nouméa contre 3% dans les autres régions. Ce sont également les Européens originaires de l’Hexagone qui déclarent le plus une attirance homosexuelle (17%) et les Kanaks le moins (2%)[195].

Ces chiffres se superposent aux facteurs d’aggravation de l’homophobie identifiés par les rapporteurs et corroborent l’idée d’une sous-déclaration des pratiques homosexuelles en Outre-mer du fait de l’homophobie latente qui y domine.

Parallèlement au maintien du déni de soi, Mme Madeleine Begue note le recours simultané à d’autres stratégies telles que la clandestinité, qui consiste pour l’individu à se ressentir homosexuel, à s’engager en tant que tel pour soi, mais pas pour les autres. Il construit alors une image sociale d’hétérosexualité auprès de ses proches, tout en se dévoilant en parallèle auprès de personnes homosexuelles[196]. La non-visibilité sociale devient alors une forme de résistance passive comme marge de liberté pour vivre sa sexualité dans le secret[197].

Mme Claire Piedrafita, coordinatrice régionale de l’association AIDES en Guyane, affirme ainsi que parmi les populations qu’elle reçoit, une partie se trouve être des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), tout en ayant une vie familiale hétérosexuelle[198]. L’association Nariké M’Sada parle de « bisexualité forcée » pour évoquer la situation de ces hommes mariés avec une femme entretenant des rapports sexuels sporadiques avec des hommes[199].

En raison de ce souci de discrétion, les rapporteurs constatent une absence ou une faiblesse de lieux de sociabilité communautaires en Outre-mer.

En Guadeloupe, M. Didier Jean affirme que des soirées privées sont organisées dans des villas assez cossues, louées pour l’occasion car l’existence d’établissements dédiés aux personnes LGBT risquerait de les mettre en danger[200].

 

À Mayotte, l’association Nariké M’Sada affirme que les tentatives d’organisation de soirées gay ou d’identification de lieux de rencontres gay ont été un échec. Les rencontres se font ainsi dans les lieux mixtes (bars, boîtes de nuit, concentrés à Mamoudzou) et lors de soirées festives[201]. L’enquête de Mayotte Hebdo fait aussi état de rencontres incognito sur la plage rassemblant des personnes homosexuelles de toute origine : Comoriens, Malgaches, Mahorais et M’Zungus[202].

Il est à noter que cette clandestinité nocturne des personnes LGBT renforce la perception négative de l’homosexualité. Aux Antilles, les homosexuels contraints de sortir la nuit par souci de discrétion se retrouvent assimilés aux gembos, ces êtres « malfaisants » que l’on rencontre la nuit, dont il faut se méfier et qu’il faut pourchasser[203]. Lorsque ces lieux de sociabilité existent dans les territoires, comme en Nouvelle-Calédonie, ces derniers ne sont pas ostensiblement visibles : le propriétaire d’un bar gay à Nouméa a dû retirer le drapeau LGBT mis en évidence à l’entrée de l’établissement[204].

Les stratégies de clandestinité peuvent aussi passer par les migrations : M. Stéphane Ducamp explique par exemple que les jeunes homosexuels de Saint-Pierre vont sortir à Saint-Denis et vice versa pour pouvoir vivre leur sexualité sans s’exposer à un regard trop familier[205]. Mme Hélène Nicolas observe que les gens de Lifou qui souhaitent vivre leur homosexualité semblent migrer le plus souvent à Nouméa, à Tahiti ou en France hexagonale[206]. Mayotte Hebdo relate le cas d’un Mahorais qui a choisi de migrer vers La Réunion, en quête d’un territoire où l’homosexualité est mieux tolérée[207]. De manière substantielle, les associations Fédération Total Respect et Le Refuge observent un exode des populations LGBT vers l’Hexagone pour pouvoir vivre librement leur identité sexuelle ou de genre.  Ce phénomène est difficile à quantifier. M. Kevin Breteche estime, quant à lui, qu’il concerne près d’un réunionnais LGBT sur deux[208].

Cet exil forcé peut toutefois s’accompagner d’un sentiment de désillusion pour deux raisons. D’une part, en raison de la pression liée à l’interconnaissance au sein des diasporas ultramarines qui fait que les personnes LGBT ne vivent pas toujours aussi ouvertement leur sexualité ou leur identité de genre qu’ils l’auraient souhaité, de crainte que des rumeurs à leur sujet ne circulent jusque dans leur territoire d’origine. D’autre part, car le milieu LGBT est perçu comme particulièrement peu inclusif vis-à-vis des minorités raciales[209].

Faute de pouvoir vivre au grand jour leur orientation sexuelle, de nombreux homosexuels masculins se tournent vers des sites de rencontres qui révèlent une forme de précarité affective. Mayotte Hebdo relate que les rencontres via les sites de forums ou Facebook sont largement privilégiées par les homosexuels mahorais. Il convient de noter également l’émergence d’applications mobiles qui « offrent un moyen simple, rapide et efficace de rencontrer des hommes à la recherche d’une aventure ou d’une relation sérieuse »[210]. Il suffit d’envoyer un message instantané à un utilisateur pour établir un contact tout en conservant l’anonymat : « les quelques mahorais inscrits ne disposent pas de photos avec leur visage »[211].

2.   Conséquences du tabou sur la santé des populations LGBT ultramarines

Le refus de reconnaître l’existence de l’homosexualité dans la société ou dans certains cas, la transidentité ainsi que l’injonction à la clandestinité qui en découle, génère de graves conséquences sur la santé des populations LGBT.

En premier lieu, les stratégies de déni de soi déployées par les populations LGBT dans le but d’éviter la marginalisation au sein du cadre familial ou de leur réseau peuvent générer du mal-être. Les entretiens menés par Mme Madeleine Begue rapportent que les personnes LGBT peuvent être affectées dans leur santé mentale, en garder des blocages relationnels, se vivre ensuite comme objet honteux au point d’envisager le suicide comme solution. Ainsi, Julien, 42 ans, témoigne :

« J’étais la honte de la famille […] J’en avais marre, je vivais très mal, très, très mal cette situation […] j’allais droit vers le suicide »[212].

Cette analyse est partagée par l’association Total Respect qui déclare que : le « tabou de l’homosexualité et l’homophobie diffuse y font plus de ravages qu’ailleurs car ils y sont encore très vivaces. Ils incitent au refoulement, à la dissimulation, et génèrent une faible estime de soi avec les souffrances et les comportements à risque corrélatifs, quand ce n’est pas directement le suicide »[213].

Sans pouvoir préciser sur quelles statistiques il s’appuie, M. Stéphane Ducamp affirme que les proportions de tentatives de suicide liées à la sexualité à La Réunion sont très importantes, de l’ordre de 40%[214]. De même, l’association An Nou Allé a plusieurs fois alerté les pouvoirs publics au sujet du phénomène de sursuicidité des jeunes LGBT en Martinique[215]. L’enquête INSERM menée en 2008 auprès de jeunes Calédoniens permet d’établir ce lien de corrélation entre orientation sexuelle et suicide en Nouvelle-Calédonie. Elle montre ainsi que le fait d’avoir déjà été attiré par quelqu’un du même sexe est également lié à des idées suicidaires chez 63% des filles et 80% des garçons[216]. Les rapporteurs estiment qu’au vu des tendances marquées de sursuicidité chez les populations homosexuelles parmi les jeunes néocalédoniens, il est probable d’observer des phénomènes de même nature dans les autres territoires ultramarins et ce, en dépit de l’absence de chiffres officiels permettant de l’attester.

Les stratégies d’annulation de soi des personnes LGBT peuvent aussi se traduire par des formes d'autodestruction au moyen de consommation abusive ou excessive d’alcool ou de drogues. Il n’existe cependant pas d’études en Outre-mer permettant de montrer dans quelle proportion. Toutefois, un travail similaire à Guam retrouve le lien entre orientation sexuelle et abus d’alcool dans le Pacifique[217].

De même, il semble possible d’établir un lien entre la multiplication des comportements à risque et la transidentité dans le Pacifique, étant donné qu’une étude d’Ellington et Odo réalisée en 2008 sur un panel de 100 transgenres hawaïens (également appelés mahu) montre une prévalence des problèmes de santé liés à la toxicomanie[218].

Les stratégies de clandestinité mises en place par les populations homosexuelles en Outre-mer participent également d’une remise en cause sévère de leur santé sexuelle, c’est-à-dire leur capacité à ressentir un état de bien-être physique, émotionnel, mental, associé à la sexualité[219]. En effet, les rencontres anonymes et clandestines, qui sont privilégiées par les personnes homosexuelles et bisexuelles ultramarines, aboutissent le plus souvent à un simple échange sexuel et non à une relation de couple. Cela peut générer de la frustration et brider la satisfaction mentale et émotionnelle des personnes concernées, à l’instar de Willy Medhi Melinard, qui regrette que les hommes antillais « [préférent] privilégier les rencontres sur Internet, qui déshumanisent la relation et la rendent sèche, sans sentiment, juste basée sur la pulsion sexuelle »[220].

Il est à noter également que la clandestinité forcée dans laquelle vivent les ultramarins homosexuels les expose davantage à des vols et des violences, a fortiori dans des contextes économiques et sociaux où la pauvreté est exacerbée car ils constituent des proies privilégiées pour des escrocs ou peuvent tomber sur des partenaires entretenant des relations conflictuelles avec leur propre sexualité. Or, beaucoup d’entre eux éprouvent des réticences à porter plainte ou à en parler en raison de la loi du silence concernant l’homosexualité.

L’association Total Respect retrace ainsi l’expérience de Pierre, originaire de l’Hexagone, qui a pratiqué un rapport buccal avec un « rasta » en Guadeloupe et qui s’est ensuite fait insulter et menacer de mort par ce dernier « Sa zo ka fèt la, sa pa ka fèt, yon de vou dé, ké mow o swè la»[221].

En outre, il a été constaté dans plusieurs territoires ultramarins, à l’instar des Antilles-Guyane que la sous-déclaration des rapports homo-bisexuels chez les hommes participait de la prolifération de la contamination de VIH/Sida en raison d’une absence adéquate de prise en charge et de l’absence de communication sur les modes réels de transmission. Le rapport de 2010 d’ONUSIDA indique, s’agissant de la Caraïbe, que « les rapports sexuels non protégés entre hommes sont un mode significatif (mais largement passé sous silence) de transmission des épidémies dans cette région ou plusieurs pays criminalisent toujours les relations sexuelles entre hommes »[222].

C’est le cas aux Antilles-Guyane où l’enquête KABP 2014 concernant les attitudes, les croyances et les comportements sexuels des habitants des DFA observe qu’« il est très probable qu’une part plus importante de personnes que ce que les données expriment soit contaminée par voie homosexuelle, en raison de la forte stigmatisation de l’homosexualité (et de la bisexualité) dans ces trois territoires »[223].

Ce constat est partagé par Mme Claire Piedrafita qui observe que la dissimulation sociale de l’orientation sexuelle engendre un éloignement des messages de prévention du VIH/Sida[224]. L’enquête KABP 2012 relative aux attitudes, aux croyances et aux comportements sexuels des Réunionnais note également que la stigmatisation de l’homosexualité (et de la bisexualité), peut probablement conduire à des sous-déclarations de ces pratiques.

En 2008, le mode de transmission était inconnu pour 24% des découvertes de séropositivité au VIH à La Réunion[225]. Ce constat expose une mise en péril manifeste de la santé sexuelle des populations LGBT en Outre-mer. Les données de l’enquête Vespa2 sur les conditions de vie des personnes vivant avec le VIH prises en charge en 2010 dans les hôpitaux montre ainsi qu’en moyenne 25% à 35% des personnes, selon les territoires des Antilles-Guyane, vivent dans le secret absolu de leur séropositivité vis-à-vis de leur partenaire/conjoint, de leur famille, de leurs amis, dans leur milieu de travail, notamment en raison de la crainte d’être rejetées.

Cette proportion apparaît cinq à sept fois supérieure à la proportion observée dans l’Hexagone, ce qui s’explique par le fait que les sociétés ultramarines partagent la croyance d’une immunité ou d’une invulnérabilité au VIH garanties par des comportements « respectables », autrement dit conformes, aux normes sexuelles et aux valeurs morales en vigueur[226].

B.   De graves violences interpersonnelles À l’égard des populations LGBT en Outre-mer

L’homophobie en Outre-mer ne prend pas seulement la forme d’un tabou et d’une injonction au silence, mais elle donne également lieu à une série de violences interpersonnelles qui visent à rappeler les normes sexuelles des sociétés ultramarines, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la cellule familiale. M. Steven Kuzan déclare ainsi dans un article du Kotidien daté du 12 avril 2016 qu’« il ne vaut mieux pas parler de son homosexualité en Guyane sans quoi on peut s’exposer à des violences »[227].

1.   Des violences intrafamiliales répandues

Les rapporteurs formulent le constat de l’existence de violences intrafamiliales répandues à l’égard des populations LGBT en Outre-mer. Le traitement des données recueillies par Mme Madeleine Begue fait ressortir que la majorité des participants à son enquête s’est heurtée à l’homophobie de leurs proches qui peut prendre une tournure extrême et s’exercer sous forme de rupture des liens de filiation, d’interdits d’exprimer son homosexualité, de menaces de mort[228].

Mayotte Hebdo relate également le cas d’un jeune homme rejeté par sa famille sur l’île aux parfums après avoir été aperçu par ses proches en train d’embrasser son petit ami[229].

 

Témoignages :

Les extraits suivants témoignent des effets de ces violences familiales et de leurs impacts dans le quotidien des personnes concernées[230] :

 

Mon père m’a dit : “si t’es lesbienne je te renie”… ça, c’est un truc qui m’a à la fois fait super peur. Mais ça, ça m’a blessée. » (Pascaline, 31 ans)

 

« J’ai eu des menaces de mort de la part de sa famille [de la copine], des menaces de porter plainte à la police. » (Sophie, 21ans)

 

« Je pense que oui, parce que c’était très difficile d’entendre de la bouche d’une maman te dire que tu es un monstre. C’est pour ça que cela me bloque avec Soraya. » (Valéria, 33 ans)

 

« C’est assez frustrant, elle a des blocages, la mère a dit : « Ok, mais pas devant les enfants. » Depuis ça, ben, quand on va à la plage, sur un lieu public où il y a des enfants, on ne s’embrasse pas, pas de trucs affectifs, rien en fait » (Soraya, 21 ans)

 

Aux Antilles, le poids de l’honneur et la peur de « jeter la honte » sur la famille suscitent des insultes verbales, des violences physiques, voire des menaces d’expulsion à l’égard des populations qui oseraient afficher leur identité sexuelle ou de genre.

Selon Mme Danièle Drouy-Ayral, procureure générale près la Cour d’appel de Basse-Terre, les violences intrafamiliales sont culturellement ancrées et tolérées en Guadeloupe[231]. Elle rapporte que les juges sont mis en cause par la population locale car ils empêcheraient les parents d’élever leurs enfants « correctement » en les punissant avec la ceinture quand il le faut.

L’association Tjenbé Rèd illustre la prégnance de ce type de violences en évoquant l’exemple d’un jeune homme homosexuel, chassé de son domicile par son père sous la menace d’un coutelas, sa mère priant dans la cuisine[232].

En Guyane, Mme Cécile Dipp a avisé les rapporteurs que plusieurs parents mettent à la porte leurs enfants mineurs homosexuels[233]. Mme Nadia Chonville souligne aussi le problème des violences intrafamiliales (exclusion du foyer familial, privation de vivres) des personnes LGBT en Martinique[234].

Sans pouvoir le quantifier, Mme Nadia Chonville affirme qu’il est possible d’émettre l’hypothèse très probable que les lesbiennes soient soumises à des violences d’ordre sexuel telles que les viols correctifs ou les agressions sexuelles intrafamiliales. M. Steven Kuzan accompagne un demandeur d’asile déclarant avoir subi des viols correctifs et des séances d’exorcisme orchestrés par sa famille en Haïti afin de « guérir » son homosexualité[235].

Il est à noter que les lesbiennes ultramarines sont soumises à d’autres formes de violences spécifiques puisque des interlocuteurs ont rapporté l’existence de mariages arrangés visant à étouffer leurs aspirations sexuelles, comme ça peut être le cas au sein de la communauté z’indienne en Guadeloupe[236].

2.   Une violence sociale décomplexée

Outre les violences verbales, physiques, psychologiques qui peuvent exister au sein de la cellule familiale en Outre-mer et qui laissent de graves cicatrices sur les corps et la psyché des populations LGBT, ces dernières sont soumises à une forme de violence sociale multimodale diffuse et décomplexée dans les territoires.

M. Louis-Georges Tin évoque le contexte d’une homophobie joyeuse qui se croit « sympathique et spirituelle » et nourrit de graves violences à l’endroit des personnes LGBT[237].


 

 

L’influence de la musique dancehall jamaïcaine

Plusieurs interlocuteurs pointent l’influence du mouvement Rastafari en provenance de la Jamaïque – pays considéré comme le territoire le plus homophobe de la Caraïbe avec une oppression institutionnalisée à travers le système législatif, le système de santé et le monde des médias[238] – dont la culture rayonne sur l’ensemble de l’Arc Antillais et nourrit un contexte propice à l’irruption d’actes très violents à l’égard des populations homosexuelles.

M. Loïc Marie-Magdeleine, docteur de l’ancienne Université des Antilles-Guyane, montre comment la musique populaire à l’instar du dancehall participe à véhiculer des représentations sexistes et homophobes ainsi que des messages de haine à l’égard des populations LGBT caribéennes[239]. Il remarque que les titres référencés en tant que « slack tunes » ou « punaany tunes »[240] font l’apologie de la performance sexuelle masculine et réduit la femme à un simple objet de plaisir masculin.

 Aussi, la diffusion massive de ces titres dans l’espace culturel et géographique de la Caraïbe, participe d’une banalisation de l’homophobie.

Plusieurs interlocuteurs ont mentionné l’influence de la « murder music » jamaïquaine qui appelle sans équivoque au meurtre des personnes homosexuelles, notamment dans un brasier purificateur. Le titre Boom bye bye de Buju Banton sorti en 1992 constitue un exemple emblématique de l’homophobie dominante qui imprègne la musique jamaïcaine. En témoignent le refrain et le troisième couplet :

Refrain : Boom bye bye

Dans la tête du batty boy/ l’homo

Les vrai dur/ les “caille-ras” ne cautionnent pas

ces types dégoûtants […]

Dans la tête du batty boy/ l’homo :

Les vrais durs/ caille-ras ne cautionnent pas ces types dégoûtants

Ils méritent la mort[241]

 

 

Couplet : Il n’y a pas de marchandage possible

Pas d’arrangement

Le gars s’approche de nous

Alors sa peau doit peler

On le brûle sévèrement comme un vieux pneu.[242]

 

Depuis les années 1990, les artistes musicaux des Antilles françaises participent d’un phénomène régional visant à reconnaître le dancehall, importé au départ de Jamaïque, comme un mode d’expression de la « scène lokal » et un élément à part entière du paysage culturel de la Martinique et de la Guadeloupe[243].

Dans ce contexte, la popularisation du courant condamnant explicitement l’homosexualité et les pratiques « déviantes » dans le dancehall jamaïcain a reçu un écho favorable auprès du public antillais. Plusieurs chanteurs nationaux ont par effet de mimétisme reproduit le genre en tournant en dérision la figure de l’homosexuel, le macoumè/ makoumè, en particulier en période de carnaval. Le titre Ziggy de Taxi Color en est un exemple manifeste :

 « Ziggy, il s’appelle Ziggy, sé an macoumè, sé en macoumè, sé an macoumè, sé an macoumè»

En 2018, des artistes comme Kalash, idole des jeunes, continuent à banaliser les insultes homophobes. En témoigne son dernier titre Plastik :

Pèd virilité yo pou trapé plis comm' /Posté foto makoumè épi dé statu makoumè[244]

D’autres chanteurs antillais vont plus loin en diffusant des messages de haine explicites à l’endroit des homosexuels, à l’instar d’Admiral T dans son titre Batiboy dead (L’homo meurt) sorti en 2003 :

« Ils sortent la nuit pour la plupart, tels des gembos, ils pratiquent l’homosexualité, comme dit Shabba : « Dem bow »/ Tout de suite je les pourchasse comme Rambo »

La diffusion massive de ces titres sur les ondes locales à des heures de grande écoute participent d’un phénomène culturel de banalisation de l’homophobie auprès des jeunes générations qui favorise l’émergence de violences, qu’elles soient physiques ou morales. Ainsi, M. Loïc Marie-Magdeleine relate qu’un de ses amis lui a confié : « tel artist’ ni réson, brilé macoumè/ tel artiste a raison, il faut brûler les homos »[245].

Dans ce contexte culturel répressif, les interlocuteurs des rapporteurs relatent l’existence de multiples actes de violence en direction des personnes homosexuelles qui alimentent la section faits divers de la presse locale, comme l’agression d’un jeune guadeloupéen en janvier 2016 qui a été séquestré puis torturé par un groupe de jeunes à l’aide d’un fer à repasser[246].

Au cours des échanges avec les rapporteurs, M. Didier Jean s’est également fait l’écho de problèmes de voisinage : un homme homosexuel a acheté un terrain en Guadeloupe pour y vivre en signalant être homosexuel au vendeur. Peu de temps après, il s’est fait traiter de « pédé » et agresser par le fils[247]. La police nationale en Guadeloupe recense trois cas de violences physiques graves dont un homme tué après avoir caressé la cuisse d’un autre homme et un autre homme poignardé après s’être montré trop tactile[248].

En Martinique, M. Louis-Georges Tin évoque l’agression de M. Michel Ramathon, acteur de prévention VIH/Sida par deux jeunes qui l’ont traité de « sacrés Makoumè » avant de lui porter trois coups de cutter sous l’omoplate gauche, au bras et à l’avant-bras[249].

En Guyane, M. Steven Kuzan note qu’une seule plainte a été déposée en 2016 pour violences homophobes[250]. Des faits attestent pourtant, selon lui, de l’existence de graves formes de violence en Outre-mer.

De même, à Mayotte, un jeune Mahorais de 18 ans, déclare que les homosexuels sont fréquemment maltraités et insultés[251].  Nariké M’Sada relate le cas d’un patient gay-VIH suivi par l’association, qui s’est fait violer par plusieurs personnes en même temps avant d’être passé à tabac[252]. Le docteur Thomas relève des cas d’agressions homophobes très violentes à l'encontre d’hommes étiquetés homosexuels et identifiés comme tels dans leur communauté, dont un acte de barbarie constaté à l’hôpital et une agression physique au chambo[253].

Il semble enfin, que les populations LGBT en Outre-mer soient davantage exposées aux abus sexuels. D’après les statistiques de l’enquête KAPB de 2014 concernant les attitudes, les croyances et les comportements sexuels des habitants des départements français d’Amérique (DFA), les hommes ou les femmes ayant eu au moins un rapport homosexuel au cours de leur vie sont nettement plus nombreux à déclarer des rapports sexuels forcés parmi les hommes (29,6% contre 2,6%) et les femmes (37,6% contre 10,3%)[254].

Outre les violences physiques, les populations LGBT ultramarines souffrent également de violences morales.

M. Lilian Patry, délégué du Défenseur des Droits à Mayotte, fait ainsi état du harcèlement subi par une mère de famille transgenre employée comme agent territorial spécialisé des écoles maternelles par le maire adjoint de sa commune chargé de la vie éducative[255].

Mme Madeleine Begue souligne quant à elle l’existence récurrente de situations de harcèlement à l’école : les adolescents, notamment, font face dans le cadre scolaire à des questionnements insidieux, à de la curiosité intrusive, à des moqueries très souvent dénigrantes, appelées « moucatages » de la part aussi bien des camarades de classe que des intervenants scolaires et des professeurs. Il a été rapporté aussi que l’absence de soutien des intervenants scolaires ainsi que les humiliations répétées dans le temps instaurent un climat d’homophobie latent qui laisse peu de marges aux jeunes en prise avec leurs questionnements identitaires et l’expression de leur homosexualité[256].

Les travaux de thèse de Mme Nadia Chonville en Martinique mettent également en exergue le fait que la transgression du genre masculin exposerait particulièrement les élèves au harcèlement scolaire. Elle observe ainsi que, de manière générale, dans un contexte d’homophobie latente propre au milieu scolaire, les insultes homophobes sont considérées comme un phénomène bénin et banal, à l’instar de la banalisation de l’utilisation du mot « makoumè » dont plusieurs élèves et membres du personnel encadrant contestent les connotations homophobes[257].

Certains interlocuteurs, à l’instar de Mme Claire Piedrafita, coordinatrice de l’association AIDES en Guyane, ont signalé aux rapporteurs l’existence de pratiques de outing consistant à révéler l’homosexualité de personnes sans leur consentement : des messages WhatsApp ont circulé dernièrement dans le secteur de Saint-Laurent du Maroni, révélant l'homosexualité d'hommes et les insultant[259].

C.   De nombreuses discriminations et obstacles à l’accès aux droits des personnes LGBT

Outre les violences physiques et sociales quotidiennes auxquelles sont confrontées les populations LGBT, ces dernières subissent également des formes plus institutionnelles de violences qui nourrissent des discriminations et peuvent entraver l’accès à certains droits.

1.    L’existence de discriminations variées

Les réclamations reçues par les délégués territoriaux du Défenseur des droits ainsi que les témoignages des personnes auditionnées par les rapporteurs concourent au constat de l’existence de discriminations multiples à l’égard des populations LGBT. La liste dressée n’est pas exhaustive mais permet de dessiner un tableau représentatif des traitements injustes auxquels elles sont confrontées dans leur quotidien.

M. Didier Lefevre, délégué territorial du Défenseur des droits pour La Réunion et Mayotte, fait ainsi état d’une affaire traitée dans le cadre d’un règlement à l’amiable en 2015, suite au refus d’accorder un tarif préférentiel à un couple homosexuel dans une salle de sport sous prétexte que l’entreprise ne reconnaissait pas ce type d’union[260].

Pour sa part, Mme Madeleine Begue relate plusieurs cas d’homophobie et de discrimination en milieu professionnel à La Réunion, dont celui de Julia qui a fait l’objet d’un licenciement abusif après avoir été surprise en train d’embrasser sa partenaire sur le parking de son entreprise, en violation du Code du travail[261].

Il est à noter aussi que sans subir de discrimination per se, les personnes homosexuelles qui dévoilent leur identité sur leur lieu de travail sont aussi soumises soit à des situations d’ostracisme qui s’apparentent à une forme de mort sociale, soit à des situations de harcèlement sexuel lorsque leurs collègues s’adonnent à des jeux de séduction de manière grossière et répétée[262].

M. David Chiffrin Auerbach observe qu’aux Antilles, le fait de dévoiler son homosexualité fait peser de lourds risques de discriminations, à la fois sur soi, mais aussi, sur l’ensemble de la cellule familiale : « Une mauvaise réputation et c’est une perte de clientèle, une promotion ratée »[263].

Néanmoins, Mme Danièle Drouy-Ayral, procureure générale près la Cour d’appel de Basse-Terre, observe qu’il y a très peu de remontées de terrain au sujet des discriminations vécues par les populations homosexuelles au quotidien et beaucoup de classements sans suite, en raison de la difficulté d’objectiver les histoires de discriminations qui se fondent sur la plainte déposée par la victime[264].

Les rapporteurs estiment donc que le champ des discriminations subies par ces personnes est bien plus étendu que ne le laissent paraître les statistiques officielles.

Il apparaît également que les populations transgenres sont discriminées sur le fondement de leur identité de genre en Outre-mer. Le Défenseur des droits se fait l’écho d’une altercation entre un agent de sécurité d’une grande surface et une personne transgenre qui souhaitait utiliser les toilettes réservées aux femmes.

M. Romain Sautereau, délégué territorial du Défenseur des droits en Nouvelle-Calédonie, a été saisi par un groupe de personnes transgenres s’étant vu refuser l’entrée d’une boîte de nuit à Nouméa[265].

Les rapporteurs constatent que ces populations sont d’autant plus vulnérables qu’ils arborent des signes physiques visibles qui peuvent les rendre plus facilement identifiables.

2.   Des situations récurrentes de précarité liées aux discriminations

Les multiples discriminations dont sont l’objet les populations LGBT en Outre-mer, ainsi que les fréquents phénomènes de marginalisation conduisent une partie d’entre elles à vivre dans des situations de grande précarité économique. KAP Caraïbe affirme par exemple, travailler auprès d’« un public en très grande difficulté et particulièrement discriminé » en Martinique. À La Réunion, M. Stéphane Ducamp évoque la situation précaire des personnes investies dans la lutte en faveur des droits LGBT[266]

Cette situation de grande précarité conduit une partie de ces populations à se prostituer pour survivre. C’est le cas, par exemple, des rae-rae qui, après avoir subi le rejet de leur famille en raison du dévoilement de leur identité de genre ou de l’adoption d’expressions de genre traditionnellement associées au sexe opposé, sont marginalisées – car associées au monde de la vie nocturne – et sont fréquemment contraintes d’avoir recours à la prostitution afin d’acquérir des moyens de subsistance et de vivre leur identité au grand jour[267].

L’association KAP Caraïbe établit un lien de corrélation entre la situation de souffrance des populations LGBT en Martinique et le développement de comportements à risque, à l’instar de la prostitution.

Il semble que ce phénomène soit davantage répandu parmi les populations LGBT étrangères en Outre-mer. M. Steven Kuzan évoque la situation des transidentitaires brésiliennes en Guyane qui se prostituent pour vivre dans l’espoir, un jour, de pouvoir rejoindre l’Hexagone[268].

À Mayotte, Nariké M’Sada évoque le cas de jeunes garçons en quête d’argent facile qui vendent des services sexuels auprès d’adultes. Mayotte Hebdo consacre, d’ailleurs, une partie de son enquête à ce phénomène décrivant des jeunes originaires d’Afrique, des Comores ou de Madagascar vivant en situation de grande précarité dans les bangas[269] qui se prostituent avec des personnes plus âgées, dont des hommes mariés.

3.    De graves atteintes dans l’accès aux droits

Outre les discriminations dont elles sont victimes, les rapporteurs relèvent l’existence de graves atteintes à l’accès aux droits des populations LGBT, notamment sur le plan de la justice, de la santé ou du droit d’asile.

Dans le domaine de la justice, plusieurs interlocuteurs ont mentionné la difficulté pour les personnes LGBT victimes de violences ou de discriminations à porter plainte. En effet, comme le note la CNCDH, l’insularité et l’isolement géographique propre à chaque territoire d’Outre-mer posent des problèmes de confidentialité[270]. Celle-ci est très difficile à garantir dans des territoires où le tissu d’interconnaissance est particulièrement dense.

M. Stéphane Ducamp affirme que porter plainte dans un commissariat réunionnais revient à prendre le risque de voir son identité révélée par la presse locale et en particulier par le Journal de la Réunion (JIR)[271].

M. Didier Jean pointe la difficulté des particuliers pour le dépôt de plainte en l’absence d’accompagnement des associations[272]. En outre, dans un contexte d’homophobie dissimulée, le seuil de tolérance des victimes aux violences est si élevé que les insultes et les altercations sont complètement banalisées et que peu de personnes déposent plainte, à moins d’actes de très grande gravité. Ainsi, la gendarmerie de Guadeloupe ne recense que trois cas qui concernent des agressions physiques et des tentatives d’homicides[273].

Enfin, l’association KAP Caraïbes a relevé de graves dysfonctionnements au commissariat central de Fort-de-France concernant le dépôt de plaintes. L’association a accompagné à plusieurs reprises des victimes d’homophobie qui se sont vu refuser leur plainte, quel que soit l’agent en poste. L’association relate le cas de travailleurs du sexe transgenres s’étant fait agresser de nuit et à qui l’accès à ce commissariat a été refusé. Il leur a été demandé de partir[274].

M. Jérémy Faledam note toutefois que ces plaintes sont davantage reçues à la gendarmerie, ce qui suggère un phénomène de racialisation de l’homophobie en Outre-mer, les gendarmes issus de l’Hexagone étant plus tolérants[275]. M. Jean-Marc Descoux, commandant de la gendarmerie de Guadeloupe, observe ainsi que plusieurs gendarmes vivant en couples homosexuels en Guadeloupe sont plutôt bien intégrés au sein des brigades.

En outre, il semble que le faible nombre de mariages de même sexe constaté dans les territoires ultramarins – bien en-deçà des moyennes annuelles hexagonales[276] – trahisse une difficulté d’accès au droit. Cela peut s’expliquer par les stratégies de clandestinité mises en place par les acteurs pour éviter les phénomènes de stigmatisation et d’ostracisme liés à l’homosexualité et à la transidentité.

Néanmoins, il est à noter que plusieurs élus ont manifesté leur hostilité à l’idée de célébrer ce type d’unions. Le maire de la commune de Taputapuatea a ainsi été condamné en 2011 suite à son refus de marier un couple sous prétexte que l’épouse était transidentitaire[277].

De même, après l’entrée en vigueur de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, plusieurs maires avaient évoqué leur refus de marier des couples homosexuels. Le collectif « Maires pour l’enfance » revendiquait ainsi un grand nombre de maires et d’élus à avoir signé le texte, 9 en Guyane, 24 à La Réunion, 5 en Guadeloupe, 56 en Polynésie française et 3 en Nouvelle-Calédonie.

Les rapporteurs constatent, par ailleurs, que l’absence d’accès des populations homosexuelles au mariage de type coutumier, notamment en Nouvelle-Calédonie génère des inégalités : M. Pétélo Tuilalo précise que le statut civil particulier des Kanaks leur interdit le mariage homosexuel[278]. Ainsi, si un Kanak homosexuel souhaite se marier avec une personne du même sexe, celui-ci doit quitter le droit coutumier et alors renoncer à son statut dans la communauté et à ses droits d'accession à la terre.

Les rapporteurs constatent également de graves atteintes dans l’accès aux soins. M. Serge Ferracci, chef des urgences au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Guadeloupe soulève un problème récurrent concernant l’accueil de personnes transgenres : celles-ci n’ont pas la possibilité d’être logées dans une chambre de femme et sont donc mises en isolement quand cela est possible[279].

De même, M. Kevin Breteche souligne les grandes difficultés rencontrées par les personnes transidentitaires de La Réunion pour engager un protocole de transition[280]. En effet, la procédure suppose d’obtenir l’accord d’un psychiatre. Or, il n’y a qu’un seul psychiatre formé à cette problématique sur l’île qui, faute d’offres, prend des dépassements d’honoraires importants. L’association RIVE a mis en place un partenariat avec le CHU de La Réunion, mais aucune opération ne peut être réalisée sur l’île, condamnant les candidats à un transfert vers l’Hexagone.

Dans la plupart des territoires ultramarins, l’offre médicale actuelle ne permet pas de procéder à des opérations telles que la vaginoplastie. En Nouvelle-Calédonie, beaucoup de personnes transgenres avaient ainsi recours au tourisme hospitalier en Thaïlande avant que la possibilité ne s’ouvre à la clinique Magnin[281].

Les rapporteurs relèvent aussi de grandes difficultés d’accès aux droits s’agissant des demandeurs d’asile et des étrangers malades appartenant aux populations LGBT en Outre-mer, a fortiori dans les territoires à l’instar de la Guyane ou de Mayotte qui sont soumis à de forts flux migratoires.

Plusieurs interlocuteurs ont déploré la très grande méconnaissance des droits de la plupart des réfugiés homosexuels en Outre-mer où aucune structure dédiée n’existe afin d’accompagner les demandeurs d’asile en amont de l’entretien à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFII) et les aider à verbaliser les violences qu’ils ont pu subir du fait de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre[282]. Le motif de craintes fondées sur ces critères est ainsi peu évoqué par les demandeurs au moment de leur entretien.

Mayotte Hebdo relate également des dysfonctionnements de prise en charge de ces demandeurs en préfecture, en particulier lorsqu’ils viennent des Comores ou de Madagascar[283].

En Guyane, les multiples mesures d’exception permettant de contrôler l'identité de toute personne sans réquisition du procureur sur une très grande partie du territoire[284] ainsi que les barrages routiers installés à Régina et Iracoubo[285] instituant des contrôles d'identité systématiques et permanents, constituent un obstacle à l'accès aux soins, notamment pour les demandeurs de titre de séjour pour raison de santé, dont des personnes homosexuelles ou bisexuelles atteintes du VIH/Sida. En effet, l’Office français d’immigration et d’intégration (OFII) refuse de délivrer des récépissés de demande valant autorisation de circulation sur l’ensemble du territoire dès réception de la demande de séjour[286]. De nombreux étrangers malades suivis par un établissement de santé dans les communes autres que le chef-lieu de la collectivité rencontrent ainsi des difficultés d'accès à la préfecture de Cayenne et au centre hospitalier Andrée-Rosemon parce qu’il leur est impossible de passer les contrôles.

Par ailleurs, dans un courrier à la direction territoriale de l’OFII à Rennes daté du 27 avril 2018, le comité de coordination régionale de la lutte contre l’infection par le VIH s’inquiète de la notification de plusieurs refus de carte de séjour pour soins suite à un avis défavorable de l’OFII sur la base de la possibilité pour les demandeurs de bénéficier d’un traitement approprié dans leur pays d’origine, alors que les structures de prise en charge du VIH dans les régions voisines comme le Suriname ou l’État de l’Amapa au Brésil proposent un niveau de soin inférieur[287].



    III. Un manque de soutien institutionnel à la lutte contre la haine ANTI-LGBT en Outre-mer

En dépit de la gravité des violations des droits sexuels des populations LGBT en Outre-mer, des violences et de la multiplicité des discriminations qu’elles subissent, les rapporteurs constatent un manque de soutien institutionnel à la lutte contre la haine anti-LGBT dans les territoires qui se caractérise à la fois par un défaut d’accompagnement et par une certaine réticence de la part des autorités locales à agir.

A.   Une grande faiblesse du tissu associatif LGBT en Outre-mer

De manière globale, les rapporteurs regrettent l’absence de tissus associatifs solides et pérennes dans les territoires ultramarins, qui soient à même d’accompagner les populations LGBT qui en éprouvent le besoin et de porter une parole institutionnelle à partir des réalités concrètes et diversifiées observées sur le terrain, afin de saisir les instances décisionnaires et d’instaurer un débat sur le rapport des sociétés ultramarines à l’homosexualité et à la transidentité.  

1.   Un tissu associatif faible et en grande difficulté

La structure associative dédiée aux questions LGBT est extrêmement faible, voire inexistante, dans plusieurs territoires ultramarins.

Les rapporteurs ont recensé l’existence de quelques antennes d’associations nationales à l’instar du Refuge installé en Guyane et à La Réunion ou de SOS Homophobie également installé sur l’île Bourbon.

Ils ont rencontré les représentants de Fédération Total Respect, structure principalement francilienne et diasporique, qui compte plusieurs adhérents en Outre-mer tels que OriZon à La Réunion ou Tjenbé Rèd Prévention en Guadeloupe. Ils ont identifié d’autres acteurs locaux comme NC Diversités en Nouvelle-Calédonie, Cousins Cousines de Tahiti en Polynésie française, KAP Caraïbe en Martinique, SAFE SXM Saint Martin/Sint Maarten Alliance en faveur de l'égalité, qui a ouvert en avril 2018 une antenne sur la partie française de l’île de Saint-Martin.

Les services de l’État ont, par ailleurs, confirmé l’absence de structures associatives traitant des questions relatives à la sexualité et à la transidentité dans plusieurs collectivités telles que Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Mayotte ou encore, Wallis-et-Futuna.

 

 

Les rapporteurs ont recensé plusieurs tentatives de créer des associations dans certains territoires, à l’instar de la Guadeloupe, qui ont échoué du fait de la difficulté à recruter des bénévoles, notamment en raison de la pression sociale et du poids de l’insularité qui implique que chacun se connait.

Selon M. David Chiffrin Auerbach, la difficulté du militantisme LGBT en Outre-mer tiendrait de l’interconnaissance[288]. S’exposer en tant que bénévole d’une association militant en faveur des droits LGBT ou contre l’homophobie peut générer des suspicions dans l’opinion.

Mme Dolores Dogba précise ainsi que certains militants au sein de l’association Cousins Cousines de Tahiti se montraient très prudents. Ils décrivent l’association comme un « mouton noir », expliquant qu’il faut « marcher sur des œufs et laisser du temps au temps pour que les homosexuels soient davantage reconnus ».[289]

M. Louis-Georges Tin rappelle que militer contre l’homophobie en Outre-mer se fait au péril de sa vie : il a ainsi évoqué l’assassinat de deux membres de l’association An Nou Allé en Martinique qui décourage nombre de personnes à s’engager en faveur de cette lutte[290].

Dans le même sens, M. David Chiffrin Auerbach affirme que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe a été l’occasion de débats très virulents dans les Outre-mer qui se sont traduits par de vigoureux rappels à l’ordre, allant jusqu’aux menaces de mort, provoquant des attitudes de retrait de l’action militante[291].

Par ailleurs, M. Yohann Roszewitch, conseiller technique sur les questions LGBT à la DILCRAH, rappelle qu’il est difficile pour les associations nationales de monter des antennes locales en Outre-mer du fait de coûts de transport importants et de l’investissement en temps lié aux formations des équipes qui peuvent durer jusqu’à six mois dans des associations telles que SOS Homophobie[292].

Lorsqu’il existe, force est de constater que ce tissu associatif local est fragile. L’ensemble des interlocuteurs associatifs a fait part aux rapporteurs de grandes difficultés de fonctionnement, notamment d’ordre financier.

Du propre aveu de sa trésorière, l’association Cousins Cousines de Tahiti est confrontée à un essoufflement tant humain que financier et « fait avec les moyens du bord ».

Mme Gaëlle Bourguignon affirme que l’Agence sanitaire et sociale de Nouvelle-Calédonie est à ce jour le principal bailleur de l’association NC Diversités et s’inquiète de la baisse continue de sa dotation depuis deux ans, un soutien financier moins important qui pourrait contraindre l’association à terme à limiter ses activités faute de ressources suffisantes[293].

M. Steven Kuzan explique qu’il a été très difficile pour Le Refuge de recruter des bénévoles et de trouver un local afin de tenir des permanences de jour[294]. L’association a obtenu une subvention du Fonds de dotation transatlantique mais cela reste nettement insuffisant afin de mener les opérations et répondre aux besoins exprimés sur le territoire guyanais. En l’absence de subvention locale, l’association dépend quasi exclusivement du financement de la structure nationale du Refuge.

L’association OriZon est actuellement en quête d’un local pour tenir des permanences et assurer un accompagnement en journée des populations LGBT. Les réunions de l’association se tiennent aujourd’hui dans des lieux privés[295].

M. Kevin Breteche fait aussi part des difficultés financières de l’association OriZon qui survit grâce à l’appel aux dons et aux cotisations des bénévoles : la structure a obtenu une subvention de la DILCRAH au titre de l’année 2017 afin de financer un projet de sensibilisation du personnel médico-social comme les infirmiers ou les médecins généralistes qui sont les premières personnes vers qui les LGBT se tournent pour se confier.

L’association KAP Caraïbe a également reçu une subvention de la DILCRAH afin de mener à bien le projet « Va, vis, deviens » qui propose d’organiser des ateliers d’art-thérapie en faveur du public LGBT en situation de rupture familiale ou sociale[296].

Les acteurs sollicités saluent – lorsqu’ils en ont connaissance – la capacité nouvelle de la DILCRAH de pouvoir financer des projets associatifs avec une enveloppe annuelle de près de 500 000 euros. Néanmoins, certains regrettent le versement tardif des subventions au cours de l’année 2017 qui a brouillé la visibilité de la réalisation de projets.

La concurrence ponctuelle qui peut exister dans certains territoires ultramarins entre les différentes associations dédiées aux questions LGBT peut freiner leur développement, ce que déplore M. Yohann Roszewitch qui observe le même phénomène au niveau national[297].

En raison du caractère sensible des sujets qu’ils traitent qui peuvent susciter un rejet de la part des populations locales, certains acteurs se sont fait l’écho de pratiques discriminatoires à leur encontre, à l’instar du Refuge Guyane à qui l’hôtel Ket Tai à Cayenne a refusé de louer une chambre pour héberger un jeune homosexuel car « [ils] ne prenaient pas de gens comme ça chez [eux] »[298].

Dans ce contexte défavorable, plusieurs associations dédiées à ces questions se sont éteintes en Outre-mer, faute de moyens : c’est le cas de GAY AMAZONIA à Saint-Laurent du Maroni (2006-2008), de l’antenne Fédération Total Respect à Rémire-Montjoly (2012-2018) en Guyane ou de LGBT.RE aussi connu sous le nom de LGBT 974 qui a vu le jour en novembre 2010 avant de s’éteindre en 2014 à La Réunion.

Dans sa thèse, M. Patrick Garaud documente l’existence d’une association appelée Run Arc-en-Ciel née en 1990 sur l’île Bourbon[299]. Une association appelée Gaie Union serait née d’un schisme de Run Arc-en-Ciel en 2002 et aurait existé jusqu’en 2008[300].

Les rapporteurs constatent un sous-dimensionnement de la structure associative dédiée aux questions LGBT au regard des besoins constatés par les principaux acteurs locaux.

Mme Dolores Dogba constate que les soirées festives organisées par Cousins Cousines de Tahiti à l’attention des personnes LGBT attirent un nombre croissant de participants, « preuve d’un réel besoin sur le territoire »[301].

De même, M. Steven Kuzan observe qu’avec la notoriété croissante de l’association Le Refuge sur le sol guyanais, les demandes d’accompagnement ne font qu’augmenter, laissant entrevoir la possibilité d’épuiser son budget avant la fin de l’année[302]. Il s’agit d’un constat partagé par Mme Gaëlle Bourguignon qui prend acte de la visibilité accrue de NC Diversités dans l’espace public local et de la hausse des sollicitations auxquelles elle doit faire face en Nouvelle-Calédonie[303].

M. Kevin Breteche affirme que le nombre de demandes de suivis réguliers a explosé, en lien avec l’exposition grandissante de l’association OriZon à La Réunion : alors que l’association assurait 15 suivis réguliers en 2017, elle a accusé réception de 39 demandes de suivis avec 9 suivis réguliers entre le 1er janvier et le 10 février 2018[304].

Cette expression croissante des besoins exprimés par la population LGBT en Outre-mer acte la nécessité vitale d’accompagner le développement de ce type de structures thématiques qui mènent des actions multimodales dans les territoires.

2.   Des initiatives associatives plurielles et vitales

Quel que soit le mode d’action choisi par les associations pour améliorer le quotidien des personnes LGBT, les rapporteurs mesurent l’importance de leurs initiatives plurielles dans les territoires ultramarins.

La grande majorité des associations auditionnées, en raison du caractère tabou de l’homosexualité ou de la transidentité en Outre-mer et du manque de légitimité sociale du cadre de leur action, ne se définissent pas stricto sensu comme des acteurs engagés en faveur des droits LGBT.

Ce constat est ancien, comme en attestent les travaux de M. Patrick Garaud qui mettent en avant l’absence de mobilisation des Réunionnais autour des revendications homosexuelles exprimées en France dans les années 1970 et 1980 par l’intermédiaire d’acteurs plus ou moins virulents, à l’instar de Front homosexuel d’action révolutionnaire, Aides ou Act-Up[305].

Mme Nadia Chonville tire le même constat de la mobilisation des acteurs LGBT à l’occasion des débats suscités par le « Mariage pour tous » en 2013. Elle remarque que ceux qui se nomment aujourd’hui le Collectif citoyen de lutte contre l’homophobie aux Antilles composé de bénévoles de l’association AIDES Territoire d’Action Martinique et de sympathisants LGBT et féministes, ne se sont pas mobilisé en faveur de l’ouverture de droits pour les populations LGBT, mais ont décidé d’orienter leur discours vers le cadre plus consensuel de la lutte contre l’homophobie.

 

C’est ainsi, par ailleurs, que se définit actuellement l’association martiniquaise KAP Caraïbe. Cela se traduit par le fait que, mis à part la cellule francilienne de Fédération Total Respect[306], peu d’associations ultramarines investissent réellement la fonction de plaidoyer en participant aux discussions institutionnelles et en adoptant un discours résolument politique.

Dans ce cadre, les rapporteurs ont pu observer que les acteurs associatifs existants s’engagent dans des actions visant, avant tout, à briser le tabou et à donner plus de visibilité positive aux populations LGBT dans les espaces publics ultramarins. Mme Peyssa Felomaki pointe, par exemple, qu’elle est la seule femme transgenre dans les médias en Nouvelle-Calédonie[307].

Aussi, la plupart des associations organisent des évènements festifs, sans pour autant se cantonner à une simple activité événementielle, contrairement à certains acteurs identifiés comme Gay Attitude Guyane qui propose des soirées dansantes deux fois dans l’année à destination de la communauté LGBT[308].

M. Stéphane Ducamp affirme qu’il est essentiel pour les associations de mener à bien des actions de convivialité dans la mesure où la convivialité est un élément structurant des cultures ultramarines[309].

L’association OriZon organise des pique-niques qui permet aux populations LGBT, particulièrement isolées et vulnérables, de se retrouver et nouer des liens de solidarité[310].

De même, l’association Cousins Cousines de Tahiti organise des soirées pour lever des fonds[311]. Ce type d’initiatives récréatives ou festives permet au groupe de reconstituer un espace de respiration collectif pour de nombreuses personnes discriminées, harcelées ou violentées au quotidien.

Toutefois, M. Laurent Garnier-Regal observe qu’avec le développement d’organisation de rencontres et d’évènements festifs par le biais des réseaux sociaux, le nombre d’adhésions à l’association NC Diversités a diminué car elle n’est plus perçue comme l’unique espace de mise en relation de personnes LGBT sur le territoire[312]. C’est pourquoi, il est important que les évènements culturels organisés par les associations aient une dimension pédagogique à destination du plus grand nombre.

L’association NC Diversités mène ainsi des campagnes de sensibilisation en lien avec l’agence sanitaire et sociale et développe actuellement en partenariat avec le Comité territorial olympique et sportif (CTOS) de Nouvelle-Calédonie des actions de sensibilisation auprès des sportifs locaux.

En plus des soirées ponctuelles qu’elle met sur pied en vue de recueillir des dons financiers, l’association Lotus Doré NC fait la promotion de l’élection Miss Papillon NC, concours de beauté réservé aux personnes transgenre et participant d’une reconnaissance accrue de cette population en Nouvelle-Calédonie.

Le Refuge Guyane tient également des évènements de convivialité tels que la « Rando Roller » contre l’homophobie ! en mai 2018, ou encore, des rencontres dans des bars afin de sensibiliser le grand public à la lutte contre l’homophobie.

OriZon anime des débats dans les locaux du Centre régional d'information pour la jeunesse de Saint-Denis à La Réunion pour échanger et éclairer les jeunes sur la haine et les discriminations LGBT, à l’occasion des HAPPIJ Hours.

KAP Caraïbe est à l’initiative de diverses activités conviviales comme les « Kap’éro », ou encore, des conférences et des projections-débats en Martinique.

Les activités de sensibilisation peuvent également se traduire par des interventions en milieu scolaire afin de susciter des moments de dialogue autour des thématiques du genre et de sexualité avec les jeunes, à l’instar de ce qui peut être fait par le Refuge en Guyane et à La Réunion, par KAP Caraïbe, OriZon, ou encore, NC Diversités.

Face au malaise ambiant au sujet des questions relatives à l’homosexualité et à la transidentité ainsi qu’à la souffrance qu’il génère, les acteurs associatifs interrogés assurent, quand ils le peuvent, un accompagnement social, juridique et psychologique des personnes LGBT qui les sollicitent.

Ainsi, à ses débuts, Cousins Cousines de Tahiti comptait une petite poignée de bénévoles mobilisées afin d’organiser des rencontres et des événements festifs. Depuis, les missions de l’association se sont étendues à l’accompagnement des jeunes LGBT. C’est le cas aussi du Refuge Guyane qui compte un psychologue et un médecin bénévole dans ses rangs. KAP Caraïbe accompagne les personnes en situation de rupture familiale ou en difficulté d’adaptation identitaire et soutient les victimes d’homophobes en les aidant à porter plainte au commissariat. À La Réunion, l’antenne locale de l’association vient en aide aux victimes d’homophobie familiale, et principalement aux jeunes adultes de 18 à 25 ans en proposant un accueil de jour, un hébergement temporaire ou un suivi psychologique.

Avec l’association RIVE, le Refuge a noué un partenariat en lien avec le CHU de La Réunion pour élaborer un parcours balisé et simplifié pour les personnes transidentitaires – un parcours qui commence par un suivi social et psychologique et va jusqu'à l’hormonothérapie, les prises de rendez-vous avec des spécialistes dans l’Hexagone et l’opération chirurgicale. OriZon offre un suivi régulier (psychologique et judiciaire) aux personnes LGBT qui en font la demande.

Cet accompagnement des personnes LGBT en souffrance prend le plus souvent la forme d’une ligne d’écoute, en Guyane avec le Refuge, à La Réunion avec OriZon, en Martinique avec KAP Caraïbe, en Nouvelle-Calédonie avec NC Diversités. Toutefois, comme le souligne M. Yohann Roszewitch[313], la mise en place d’une ligne d’écoute à l’attention des populations ultramarines soulève plusieurs difficultés, notamment en termes d’adaptation linguistique et culturelle : il est nécessaire que le numéro soit local et que les interlocuteurs maîtrisent des langues vernaculaires telles que le créole, le shimaoré ou le tahitien, afin de pouvoir recueillir les témoignages.

Le retour d’expérience de Mme Dolores Dogba est également éclairant : l’association Cousins Cousines était auparavant pourvue d’une ligne d’écoute. Ce n’est plus le cas car elle recevait peu d’appels ou se voyait le réceptacle de propositions déplacées (« téléphone rose »). C’est pourquoi, l’association a par la suite développé sa présence sur les réseaux sociaux (compte Facebook, blog internet) qui lui permet de recevoir des messages anonymes (utilisation de pseudos) libérant ainsi la parole de personnes victimes[314].

C’est une stratégie également déployée par plusieurs acteurs comme Le Refuge Guyane ou OriZon qui possède une page Facebook dédiée à la population homosexuelle d’une part et à la population transgenre d’autre part en vue d’améliorer le ciblage. L’association Lotus Doré NC est également très présente sur Facebook.

Les rapporteurs prennent acte du fait que dans certaines circonstances exceptionnelles, les associations VIH/Sida sont les plus à même de prendre en charge les populations homosexuelles auxquelles elles sont confrontées au quotidien en raison de la surincidence du virus parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes[315].

Ainsi, l'association AIDES en Guyane travaille depuis de longues années à se rapprocher de la communauté HSH dans un contexte de forte répression au sujet de l’homosexualité. Ce travail de longue haleine leur permet aujourd’hui d'organiser des rencontres « HSH » régulières qui se déroulent sous forme de temps d'échanges de quelques heures, voire d'un week-end à Saint-Laurent du Maroni, ou de manière plus sporadique, sur le fleuve.

De même, M. Moise Manoel rappelle que l’association ENTR’AIDES à Cayenne s’intéresse spécifiquement aux publics HSH, constatant de graves discriminations[316]. Plusieurs des acteurs auditionnés s’accordent sur le fait que la thématique « VIH-SIDA » permet de parler d'homosexualité tout en ne s’affichant pas comme tel.

Ainsi, l’association AIDES en Guadeloupe a une structure mobile et qui a la possibilité de parler des sujets LGBT sous couvert d’enjeux de santé[317].

À Mayotte, en l’absence d’association dédiée aux thématiques LGBT, l’association Nariké M’Sada est la seule structure traitant de la question de l'homosexualité et des agressions à caractère homophobe car beaucoup de patients suivis dans le cadre de la prise en charge du VIH/Sida sont homosexuels ou bisexuels.

B.   Un défaut de soutien de la part des élus et des collectivités locales

Le développement d’initiatives en faveur de la lutte contre la haine LGBT en Outre-mer est freiné par le manque de soutien de la part des élus et des collectivités locales.

1.   Des associations LGBT en mal de soutien

Le retour d’expérience des structures associatives auditionnées met en évidence une réticence manifeste des collectivités locales dans le soutien des actions portées par les associations dédiées aux thématiques LGBT.

Ainsi, Le Refuge Guyane a sollicité plusieurs mairies afin d’obtenir des subventions ou la mise à disposition de locaux sans obtenir de réponse[318].

KAP Caraïbe constate également l’absence de soutien des pouvoirs publics locaux en Martinique. De toutes les demandes de subvention qui ont été faites durant les cinq dernières années, que ce soit aux municipalités ou à la collectivité territoriale unique, aucune ne leur a été accordée, à l’exception notable de la somme de 500€ attribuée par la commune de Fort-de-France pour la tenue d’une conférence à destination du grand public en 2015.

Toutefois, les rapporteurs font état de l’existence de bonnes pratiques ponctuelles dans les territoires ultramarins. C’est le cas de la mairie de Saint-Denis à La Réunion qui met à disposition de l’association du Refuge un local afin de tenir des permanences et assurer un accueil de jour. De même, le Refuge Guyane bénéficie depuis avril 2018 du prêt d’une salle de la mairie de Cayenne. L’association NC Diversités, connue précédemment sous le nom d’Homosphère, a pu être sauvée suite à l’incendie qui a ravagé ses locaux à la Vallée du Tirde en 2016 grâce au soutien des collectivités locales : la commune de Nouméa a mis à disposition de nouveaux locaux dans la baie de l’orphelinat et la Province Sud a financé l’ameublement. L’association estime bénéficier de l’écoute attentive de la municipalité[319].

2.   Un défaut de mobilisation des élus

Comme le mentionne la CNCDH, la teneur des discours de certains élus ou personnalités publiques en Outre-mer participe parfois à la légitimation de violences homophobes. En témoignent, par exemple, les propos tenus par M. Julien Deroche au cours de l’élection législative de mai 2017 comparant la Guyane à Sodome et Gomorrhe.

De même, la participation active de certains maires à la mobilisation de mouvements religieux et conservateurs contre le « Mariage pour tous », associant l’homosexualité à une forme de perversion sexuelle, à une maladie mentale curable ou encore à la zoophilie, a participé à donner une légitimité sociale au rejet des populations homosexuelles.

Mme Nadia Chonville développe l’exemple de M. Raymond Occolier, maire du Vauclin, qui s’est beaucoup appuyé sur une doctrine évangélique pour justifier son opposition à la loi Taubira, persuadé de bénéficier d’un large soutien au sein de son électorat :

« Dieu est amour et Dieu aime tous ses enfants même s’ils sont homosexuels. Mais Dieu aime tous ses enfants, mais Dieu est contre le mariage homosexuel, et c’est la raison pour laquelle je voudrais rappeler ce que j’ai relu encore dans le livre de Mathieu au chapitre 10 au verset 54. Le Seigneur vous dit, ‘si vous me confessez devant les hommes, moi aussi je vous confesserai devant mon père, devant Dieu. Mais si vous me reniez devant les hommes, moi aussi je vous renierai devant mon père »[320]

Parfois, le silence des élus ultramarins à la suite d’actes homophobes très violents dans les territoires suscitent l’incompréhension : une polémique a secoué le réseau social Twitter à la suite de la séquestration et de la torture d’un jeune guadeloupéen en 2016 en raison de l’absence de paroles publiques de la part des responsables exécutifs locaux et des parlementaires issus du territoire.

A l’inverse, d’autres élus ultramarins font figure d’exemples et accompagnent activement la lutte contre l’homophobie et la transphobie dans les territoires ultramarins.

M. Kevin Breteche mentionne la subvention reçue par l’association OriZon via la réserve parlementaire d’Ericka Bareigts en 2013, qui a permis la mise en place du projet de charte « Gay Friendly and Family », un label pour les établissements respectueux des LGBT à La Réunion.

L’un des rapporteurs, M. Gabriel Serville a quant à lui aidé en 2017, l’association Entr’Aides Guyane par le biais de sa réserve parlementaire et accompagné le développement de l’antenne guyanaise du Refuge dès ses débuts, notamment lorsqu’il était maire à Matoury en 2014 en mettant à disposition une salle pour la tenue de réunion permettant aux premiers bénévoles de se structurer.

Plusieurs parlementaires ont également manifesté de manière publique leur soutien à la lutte contre les discriminations LGBT en Outre-mer, à l’instar de MM. Serge Letchimy et Victorin Lurel qui ont chacun préfacé le rapport d’activité de la Fédération Total Respect.

M. Gabriel Serville et Mme Chantal Berthelot ont parrainé les États-Généraux des LGBTphobies en Outre-mer, organisée sous l’égide d’Ericka Bareigts au Ministère des Outre-mer en février 2017.

Plus récemment, sept députés ultramarins ont signé une tribune contre l’homophobie à l’occasion de la Saint-Valentin. Cette initiative a été saluée par la ministre des Outre-mer, Mme Annick Girardin, et par plusieurs acteurs associatifs.

 


 


 

 

examen par la délégation

Lors de sa réunion du 19 juin 2018, la Délégation aux Outre-Mer procède à l’examen des conclusions du rapport d’information sur la lutte contre les discriminations anti LGBT dans les Outre-mer :

http://assnat.fr/7dZxxv

Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise sa publication.

 


 

 


   annexes

   Recommandations proposÉes par les Rapporteurs

1.   Mieux documenter les LGBTphobies en Outre-mer

S’il est en partie faux de dire qu’aucune donnée n’existe s’agissant des populations LGBT en Outre-mer, il n’en demeure pas moins que les sources actuelles ne permettent pas d’avoir une compréhension exhaustive des phénomènes pour déployer une politique publique de lutte contre les discriminations qui soit adaptée aux spécificités des territoires ultramarins.

Recommandation 1 : Recenser les plaintes et les actes de violences liés aux critères d’orientation sexuelle et d’identité de genre au sein des services du Ministère de l’Intérieur à l’instar de ce qui est fait dans l’Hexagone.

Recommandation 2 : Mettre en place une enquête de victimation sur les discriminations LGBT en Outre-mer à l’image de l’Enquête Virage conduite par l’INED sur les violences faites aux femmes.

Recommandation 3 : Élargir systématiquement les études menées sur la santé sexuelle en Outre-mer aux questions liées au bien-être des populations homosexuelles et sanctuariser leur financement.

Recommandation 4 : Lancer un appel à projets afin de soutenir financièrement les projets de recherche concernant le genre et la sexualité dans les territoires ultramarins.

2.   Renforcer les actions de sensibilisation contre les LGBTphobies

Les rapporteurs ont pu constater le caractère culturellement ancré de l’homophobie et de la transphobie dans les territoires ultramarins. C’est pourquoi ils proposent d’agir sur les représentations sociales des populations LGBT en luttant contre la reproduction des stéréotypes et en prévenant les discriminations à l’égard de ces populations.

A.   Renforcer la PRÉVENTION en milieu scolaire

Recommandation 5 : Renforcer les séances d’éducation à la sexualité en ne la limitant pas à la dimension reproductive mais en incluant les questions relatives à la vie affective, au plaisir, à l’homosexualité, aux violences de genre et à la transidentité.

 

Recommandation 6 : Rappeler l’importance de respecter l’obligation légale liée à la tenue des séances d’éducation sexuelle et de favoriser les interventions en milieu scolaire d’associations LGBT ou spécialisées dans les questions relatives à la santé sexuelle. Un certain nombre de professeurs se sentent mal à l’aise à l’idée d’aborder ces thématiques.

Recommandation 7 : Encourager les initiatives des équipes pédagogiques en matière de prévention des violences LGBTphobes.

Recommandation 8 : Remobiliser les académies d’Outre-mer au sujet des actions de prévention LGBTphobes et développer des outils pédagogiques spécifiques et adaptés pour tenir compte du profil des publics concernés.

B.   Mieux former les agents et fonctionnaires ultramarins

À différents niveaux, les rapporteurs ont pu constater le manquement de fonctionnaires à leurs obligations, générant des discriminations à l’encontre des populations LGBT.

Recommandation 9 : Former un réseau de policiers référents en matière de violences sexistes et homophobes pour garantir l’enregistrement des plaintes liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, en étendant par exemple, aux Outre-mer l’action de FLAG ! qui rassemble des gendarmes et policiers LGBT qui font un travail de formation en école de police.

Recommandation 10 : Sensibiliser le personnel médical à la prévention des violences LGBTphobes et à la problématique de la confidentialité, en particulier à l’école (infirmière scolaire) et en milieu hospitalier.

Recommandation 11 : Encourager les autorités judiciaires à donner les suites pénales adaptées aux signalements effectués révélant des cas de violences liées à l’orientation sexuelle.

Recommandation 12 : Former les agents des guichets d’accueil des demandeurs d’asile aux problématiques propres aux populations LGBT afin d’améliorer leur orientation et de mieux prendre en compte leurs potentielles vulnérabilités.

Recommandation 13 : Sensibiliser le personnel éducatif et les équipes pédagogiques à la problématique de la diversité sexuelle, aux réalités des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans (LGBT).

Recommandation 14 : Encourager des démarches de formation et d’information dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière en Outre-mer en tenant compte des particularismes culturels.

 

C.   SENSIBILISER LE GRAND PUBLIC

Recommandation 15 : Décliner systématiquement les campagnes de communication gouvernementale contre la haine et toutes les formes de discriminations anti-LGBT en Outre-mer en tenant compte et en s’appropriant les codes culturels de chaque territoire.

Recommandation 16 : S’associer aux associations locales pour mener des campagnes de sensibilisation et de prévention ; encourager l’approche communautaire et la formation de personnes issues des territoires.

Recommandation 17 : Offrir une visibilité positive des populations LGBT dans l’espace public et dans les médias ultramarins et développer des projets culturels en lien avec les thématiques du genre et la sexualité (spectacles, expositions).

Recommandation 18 : Encourager les campagnes de lutte contre la promotion de la haine et de la violence homophobe dans la musique à l’instar d’un collectif de musique qui vise à ce que les artistes s’engagent à ne pas produire de titres ou faire des déclarations publiques incitant à la haine.

3.    Renforcer le tissu associatif local

Recommandation 19 : Élargir la possibilité pour la DILCRAH de soutenir les actions portées par les associations ultramarines dédiées aux thématiques LGBT, en sortant d’un financement strictement en mode projet. Les propositions actuelles de subventions proposées par la DILCRAH ne répondent pas toujours aux besoins de financement des associations en question.

Recommandation 20 : Laisser la possibilité aux associations LGBT ultramarines de candidater aux dossiers de subvention de la DILCRAH en adressant leur requête auprès des services à Paris. Le pilotage territorial via la préfecture peut poser des difficultés lorsque les bénévoles souhaitent rester anonymes, dans un contexte de forte interconnaissance liée à l’insularité.

Recommandation 21 : Améliorer la visibilité du calendrier de subventionnement de la DILCRAH et communiquer davantage sur cette possibilité au niveau local. Une minorité d’acteurs connaissent cet appel à projet. 

Recommandation 22 : Privilégier le développement d’associations portées par des populations locales plutôt que l’implantation d’antennes d’associations nationales pour lutter contre l’idée que les droits LGBT seraient une donnée exogène aux cultures ultramarines.

Recommandation 23 : Encourager le soutien et le financement par les collectivités locales d’initiatives ou de projets de sensibilisation contre l’homophobie et la transphobie.

Recommandation 24 : Former le personnel des associations de sensibilisation VIH/Sida, des associations de lutte en faveur des droits des femmes ou des associations de défense des droits de l’Homme en Outre-mer aux problématiques spécifiques aux populations LGBT qui peuvent les saisir.

Recommandation 25 : Encourager le développement de réseaux d’ambassadeurs sur le territoire, de personnes relais, homosexuelles ou non, pour faire remonter dans toutes les communautés et toutes les situations géographiques des territoires ultramarins les difficultés rencontrées par les populations LGBT.

Recommandation 26 : Permettre aux associations de déposer plainte en lieu et place des victimes pour tout signalement lié à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

4.   Libérer la parole

Recommandation 27 : Favoriser la mise en place de lignes d’écoutes au niveau local afin de libérer la parole des victimes en tenant compte des spécificités culturelles et linguistiques des publics concernés.

Recommandation 28 : Encourager les élus – parlementaires et élus locaux – à donner de la visibilité à la mobilisation contre les haines LGBT en Outre-mer.

Recommandation 29 : Concevoir les territoires ultramarins comme des avant-postes de la lutte en faveur de la dépénalisation universelle de l’homosexualité en soutenant les initiatives régionales. 

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Personnes entendues à Paris par les co-rapporteurs :

28.11.2017 : M. Frédéric Gal de l’association Le Refuge

14.12.2017 : M. Jérémy Faledam de l’association SOS Homophobie, et MM. David Chiffrin Auerbach et Stéphane Ducamp de l’association Total Respect

06.02.2018: MM. Yohann Roszewitch, Frank Aubry et Robby Judes, de la DILCRAH

06.02.2018 : M. Louis-Georges Tin, membre de l’association An Nou Allé et ancien président du comité IDAHO

15.02.2018 : M. Steven Kuzan, de l’association Le Refuge Guyane

06.03.2018 : Mme Gaëlle Bourguignon, M. Laurent Garnier-Regal et M. Pétélo Tuilalo de l’association NC Diversités

06.03.2018 : Mme Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, Mme Laurène Chesnel, membre de la CNCDH représentant l’Inter-LGBT, et Mme Charline Thiery, chargée de mission Outre-mer de la CNCDH

07.03.2018 : Mme Nadia Chonville, docteure de l’Université des Antilles

03.04.2018 : M. Moise Manoel, de l’association Paris Black Pride Guyane

10.04.2018 : Mme Dolores Dogba, trésorière de l’association Cousins Cousines de Tahiti

11.04.2018 : M. Philippe Lacombe, sociologue et ancien directeur de l’IUFM du Pacifique

05.05.2018 : M. Jacques Toubon, Défenseur des Droits, Mme Yvette Mathieu, conseillère outre-mer, et M. Vincent Lewandowski, chef du pôle Lutte contre les discriminations et accès aux services publics.

 

Personnes entendues par les co-rapporteurs lors de leur mission en Guadeloupe du 18 au 22 janvier 2018 :

M. Didier Jean de Total Respect, M. Camille Galap, Recteur d’académie, Mme Isabelle Tomatis, Directrice départementale de la sécurité publique, M. Nestor du renseignement territorial, M. Jean-Marc Descoux, commandant de la gendarmerie de Guadeloupe, un groupe d’élèves du collège de Gourdeliane de Baie-Mahault, un groupe d’élèves du lycée Gerville-Réache de Basse-Terre, Mmes Stéphanie Rolle et Claire Facorat N’Sonde, Principales adjointes du Lycée Gerville-Réache, M. Laurent Xarrié, Professeur documentaliste du Lycée Gerville-Réache, Mme Roseline Edouard, Directrice Ddéléguée aux formations professionnelles et technologiques du Lycée Gerville-Réache, Mme Danièle Drouy-Ayral, procureure générale près la cour d’appel de Basse-Terre, M. Francis Bouyer, sous-préfet chargé de la lutte contre les discriminations LGBT, M. Éric Maire, Préfet de Guadeloupe, M. Serge Ferracci, chef des urgences du CHU de Guadeloupe, Mme Prisca Melyon-Reinette, éducatrice spécialisée libérale, M. Jean-Claude Maced de l’association AIDES.

Personnes ayant apporté des contributions écrites aux travaux des co-rapporteurs :

M. Moncef Mouhoudhoire, directeur de l’association Nariké M’Sada, Mme Claire Piedfrafita, coordinatrice régionale de l’association AIDES Guyane, Mme Céline Faure, présidente de l’association KAP Caraïbe, Mme Heimata Tang, chef de service de la Délégation à la famille et à la condition féminine du Gouvernement de la Polynésie française, M. Kevin Breteche, trésorier de l’association OriZon, M. Gérard Guillemot dit Papa Gé, président de l’association Mama Bobi, Mme Madeleine Begue, doctorante de l’Université de Montréal, Mme Honorine Koenig, conseillère municipale des Mureaux, originaire de Wallis-et-Futuna, M. Didier Lefevre, délégué territorial du Défenseur des droits à Mayotte et à La Réunion, M. Claude Maillot, délégué territorial du Défenseur des droits territorial pour le Sud de La Réunion, Mme Cécile Dipp, déléguée territoriale du Défenseur des droits en Guyane, M. Romain Sautereau, délégué territorial du Défenseur des droits en Nouvelle-Calédonie, Mme Isabelle Dumas-Larrade, déléguée territoriale du Défenseur des droits à Saint-Pierre-et-Miquelon, Mme Peyssa Felomaki, de l’association Lotus Doré NC.

 

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[1] IPPF, Déclaration des droits sexuels de l’IPPF, octobre 2008.

[2] CNCDH, Avis sur les violences de genre et les droits sexuels et reproductifs dans les Outre-mer, 21 novembre 2017.

[3] Principes sur l’application du droit international des droits de l'homme en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, adoptés suite à un séminaire international réunissant un panel d’experts des droits humains internationalement reconnus à l’Université Gadjah Mada de Jogjakarta, en Indonésie, du 6 au 9 novembre 2006. Compte tenu de ces principes, l’Assemblée générale des Nations unies a énoncé la Déclaration relative à l'orientation sexuelle et l'identité de genre le 18 décembre 2008.

[4] Audition de la DILCRAH du 6 février 2018.

[5] SOS homophobie, Rapport sur l’homophobie, 2012.

[6] SOS homophobie, Rapport sur l’homophobie, 2013.

[7] SOS homophobie, Rapport sur l’homophobie, 2018.

[8] Olivier Feyt, « Être homosexuel, ce n’est pas si facile en Guadeloupe », France-Antilles Guadeloupe, Mardi 19 janvier 2016.

[9] La Réunion : la première Marche pour l’égalité et la légalité aura lieu samedi, Yagg, 18 octobre 2012.

[10] La Gay Pride attire des adeptes et des curieux, Martinique 1ère, 12 juin 2017.

[11] Il convient de noter que ces rassemblements ont attiré des nombres très modestes de participants, moins d’une centaine.

[12] Déclaration de principes et d’objectifs adoptée lors de la conférence inaugurale du 14 février 2017, Fédération Total Respect (Tjenbé Rèd).

[13] Enquête KABP union 2012 : Connaissances, attitudes, croyances et comportements réunionnais en matière de risques liés aux comportements sexuels, Février 2015.

[14] ORS d’Île-de-France et INPES, Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/sida et à d’autres risques sexuels, Paris, 2014

[15] INSERM, Situation sociale et comportements de santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie. Premiers résultats, Mars 2008.

[16] Christine Hamelin et Christine Salomon, Santé sexuelle des jeunes en Nouvelle-Calédonie, Mars 2011.

[17] Diagnostic Terrain sur la santé sexuelle auprès de quatre populations cibles dans Nouméa et Grand Nouméa, Février 2010.

[18] Étude socio-anthropologique sur la prostitution de rue à Papeete, convention Commune de Papeete, 2009.

[19] ORS d’Île-de-France et INPES, Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/Sida et à d’autres risques sexuels, Paris, 2014.

[20] Pew Center Research, « The Global Divide on Homosexuality: Greater acceptante in more secular and affluent countries”, 2013.

[21] Mayotte Hebdo, « Homosexualité, la vie en rose ? », n°701, vendredi 24 avril 2015.

[22] INSERM, « Situation sociale et comportements de santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie. Premiers résultats », Mars 2008.

[23] Audition de Philippe Lacombe du 11 avril 2018.

[24] Interview de Chantal Tahiata aux Nouvelles de Tahiti du 22 août 2012.

[25] Contribution de Heimata Tang, chef de service de la Délégation à la famille et à la condition féminine, le 9 mars 2018.

[26] Interview d’Edouard Fritch aux Nouvelles de Tahiti 22 août 2012.

[27] Contribution de Stéphane Claireaux, député de Saint Pierre et Miquelon le 9 mars 2018.

[28] Contribution de Kevin Breteche, le 1er mars 2018.

[29] Audition de Paris Black Pride Guyane du 3 avril 2018.

[30] Les Ka’linas renvoient à la population amérindienne majoritaire en Guyane, principalement répartie le long du littoral.

[31] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[32]  Enquête KABP (2014) Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/Sida et à d’autres risques sexuels, p. 168.

[33] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[34] Article 132 du Code pénal de Sainte Lucie, No. 9, 2004 ; Loi sur les infractions sexuelles de 1998 de la Dominique, Section 14 (outrage à la pudeur) et section 16 (sodomie).

[35] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[36] INSERM, Situation sociale et comportements de santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie. Premiers résultats, Mars 2008.

[37] Hélène Nicolas, Devenir époux/épouse. Les premiers amours comme socialisation à une conjugalité violente (Lifou, Kanaky-Nouvelle-Calédonie), 2016.

[38] Enquête KABP (2014) : Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/Sida et à d’autres risques sexuels.

[39] Contribution de l’association mahoraise Nariké M’Sada, le 27 février 2018.

[40] Hamelin Ch. et al. [2004], Premiers Résultats de l’enquête « Santé, conditions de vie et de sécurité des femmes calédoniennes », Inserm, rapport U88, IFR 69.

[41] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[42] Anne et Barbara Crémieux, Les mentalités doivent évoluer, Africultures 2013/6 (n° 96), p. 210-217. DOI 10.3917/afcul.096.0210

[43] Ibid.

[44] Séance du mercredi 30 janvier 2013.

[45] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[46] Le terme mzungu renvoie à une personne de couleur blanche.

[47] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[48] Le cachiri renvoie à une bière traditionnelle peu alcoolisée produite par les Indiens Wayanas à partir de pâte de manioc que l'on malaxe avant de la faire cuire et fermenter sur un feu de bois.

[49] Audition de Paris Black Pride Guyane du 3 avril 2018.

[50] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[51] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[52] Contribution de l’association Mama Bobi de Guyane, 20 février 2018.

[53] Madeleine Begue, Minorités sexuelles l'île de la réunion: étude exploratoire sur la construction identit aire sexuelle des lesbiennes, gais et bisexuel-le-s, 2016.

[54] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[55] Le Pélican, « St-Martin gay friendly », 10 août 2014.

[56]  Patrick Garaud, Contribution à l’analyse de l’homosexualité à l’Île de La Réunion, 2004.

[57] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[58] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[59] Audition de M. Camille Galap du 17 janvier 2018.

[60] Contribution de Honorine Koenig, le 24 mai 2018.

[61] Contribution de Heimata Tang, chef de service de la délégation à la famille et à la condition féminine, le 9 mars 2018.

[62] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[63] Enquête KABP (2014) : Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/Sida et à d’autres risques sexuels.

[64] Enquête KABP Réunion (2012) : Connaissances, attitudes, croyances et comportements réunionnais en matière de risques liés aux comportements sexuels.

[65] INSERM, Situation sociale et comportements de santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie. Premiers résultats, Mars 2008.

[66] Audition de Cousins-Cousines de Tahiti du 10 avril 2018.

[67] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[68] Audition de la DILCRAH du 6 février 2018.

[69] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[70] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[71] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017. 

[72] Contribution de Cécile Dipp, correspondante régionale du Défenseur des droits en Guyane, 16 mars 2018.

[73] Guyane 1ère , Une enquête pour faire le point sur l’homophobie des jeunes en Guyane, 27 septembe 2017.

[74] Audition de Danièle Drouy-Ayral, le vendredi 18 janvier 2018.

[75] Nadia Chonville, Leviers des mouvements sociaux parallèles au vote de la loi « Mariage pour tous » en Martinique : mobilisation des ressources et processus de cadrage, Études Caribéennes, Décembre 2014.

[76] Contribution de Céline Faure, présidente de  KAP Caraïbe, le 6 mars 2018.

[77] Audition de Cousins Cousines de Tahiti du 10 avril 2018.

[78] Audition de la CNCDH du 6 mars 2018.

[79] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[80] Sandra E. Holliman, "Third Gender." The International Encyclopedia of Human Sexuality, 20, Avril. 2015.

[81] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[82] Audition de Paris Black Pride Guyane du 3 avril 2018.

[83] Contribution de Céline Faure, présidente de  KAP Caraïbe, le 6 mars 2018.

[84] Audition de Prisca Melyon-Reinette du 19 janvier 2018.

[85] LINFO.RE, Louïz, artiste transgenre : « On naît transgenre, on assume avec l’âge », 31 mars 2018.

[86] Contribution du docteur Valérie Thomas, 13 juin 2018.

[87] Contribution du docteur Valérie Thomas, le 13 juin 2018.

[88] Jeannette Mageo, Male transvestism and cultural change in Samoa, Journal of the American Ethnological society, August 1992.

[89] Niko Besnier, Fluts and Super Women : the politics of Gnder Liminality in urban Tonga, Ethnos, Journal of Anthropolgy, 62 (I-2), 5-31, 1997.

[90] Kalissa Alexeyeff, « Dragging Drag: The Performance of Gender and Sexuality in the Cook Islands », The Australian Journal of Anthropology, 8 march 2010.

[91] Niko Besnier, « Polunesian gender liminality through time and space », in Gilbert Herdt, « Third sex, third gender : beyond sexual dimorphism in culture and history » New York, NY, Zone Books, 1994.

[92] Emmanuel Stip, « Les RaeRae et Mahu : troisième sexe polynésien », Santé mentale au Québec, volume 40, numéro 3, autonomne 2015.

[93] Contribution de Heimata Tang, chef de service de la délégation à la famille et à la condition féminine, 9 mars 2018.

[94] Philippe Lacombe, Les identités sexuées et le troisième sexe’ à Tahiti, Cahiers de Genre, 2008/2 n°45.

[95] Deborah Elliston, « Living as and Living with Māhū and Raerae: Geopolitics, Sex, and Gender in the Society Islands », in Niko Besnier et Kalissa Alexeyeff, Gender on the Edge : Transgender, Gay and Other Pacific Islanders, 2014.

[96] Emmanuel Stip, « Les RaeRae et Mahu : troisième sexe polynésien », Santé mentale au Québec, volume 40, numéro 3, autonomne 2015

[97] Bauer, F, RaeRae de Tahiti - Rencontres du 3e type. Papeete, Tahiti : Haere Po, 2002.

[98] Philippe Lacombe, Les identités sexuées et le troisième sexe’ à Tahiti, Cahiers de Genre, 2008/2 n°45.

[99] Kalissa Alexeyeff définit le mahu comme « gender as performed affectivecomportement », in « Dragging Drag: The Performance of Gender and Sexuality in the Cook Islands », The Australian Journal of Anthropology, 8 march 2010, p.299.

[100] Philippe Lacombe, Les identités sexuées et le troisième sexe’ à Tahiti, Cahiers de Genre, 2008/2 n°45.

[101] Makiko  Kuwahara, Tattoo : an anthropology, New York : Berg, 2005.

[102] Brami Celentano, A. (2002). « De la polynésianité à la maohitude : déplacement des frontières ethniques et redéfinition du cadre politique à Tahiti ». Hermès, Paris, France : Centre National de la Recherche Scientifique, avril 2002, 367-375. « Le renouveau identitaire et culturel dans la jeunesse à Tahiti » , in Ethnologie Française, Paris, France : Presses Universitaires de France, 647-661.

[103] Contribution de Khadidja Benouataf, 18 mai 2018.

[104] Deborah Elliston, « Living as and Living with Māhū and Raerae: Geopolitics, Sex, and Gender in the Society Islands », in Niko Besnier et Kalissa Alexeyeff, Gender on the Edge : Transgender, Gay and Other Pacific Islanders, 2014.

[105] Ibid.

[106] Philippe Lacombe, Les identités sexuées et le troisième sexe’ à Tahiti, Cahiers de Genre, 2008/2 n°45.

[107] Maëlle Coulange, 2010.

[108] Brami Celentano, « De la Polynésianité à la maohitude : déplacement des frontières ethniques et redéfinition du cadre politique à Tahiti ». Hermès, Paris France : Centre National de la Recherche Scientifique, avril 2002, 367-385.

[109] Philippe Lacombe, Les identités sexuées et le troisième sexe à Tahiti, Cahiers de Genre, 2008/2 n°45.

[110] Ibid.

[111] Emmanuel Stip, « Les RaeRae et Mahu : troisième sexe polynésien », Santé mentale au Québec, volume 40, numéro 3, autonomne 2015.

[112] Deborah Elliston, « Living as and Living with Māhū and Raerae: Geopolitics, Sex, and Gender in the Society Islands », in Niko Besnier et Kalissa Alexeyeff, Gender on the Edge : Transgender, Gay and Other Pacific Islanders, 2014.

[113] Ibid.

[114] Philippe Lacombe, Les identités sexuées et le troisième sexe à Tahiti, Cahiers de Genre, 2008/2 n°45.

[115] Etude socio-anthropologique de la prostitution de rue à Papeete.

[116] Ibid.

[117] Maroua Marmouch, Migration, urbanisation et émergence des transgenres wallisiennes dans la ville de Nouméa, Journal de la Société des Océanistes 2017/1 (n° 144-145).

[118] La notion de performance renvoie ici à l’idée que la conception performative du genre développée par Judith Butler dans son ouvrage Trouble dans le genre publié en 1990 dans laquelle elle développe l’idée que la réalité du genre est créée par des mises en scène sociales de soi ininterrompues.

[119] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[120] Maroua Marmouch, Migration, urbanisation et émergence des transgenres wallisiennes dans la ville de Nouméa, Journal de la Société des Océanistes 2017/1 (n° 144-145).

[121] Contribution de Peyssa Felomaki, présidente de l’association Lotus Doré NC, le 27 férvier 2018.

[122] Océane Zobler, Différente ? Non, juste une femme…Calédonia, 29 septembre 2017.

[123] CNCDH, Avis sur les violences de genre et les droits sexuels et reproductifs dans les outre-mer, 21 novembre 2017.

[124] Audition de la CNCDH du 6 mars 2018.

[125] Murray, David A. B., Law of Desire ? Race, Sexuality and Power in Male Martinican Sexual Narratives, American Ethnologist 26 (1) : 160-172, 1999.

[126] Audition de Paris Black Pride Guyane du 3 avril 2018.

[127] Stéphanie Mulot, « La matrifocalité caribéenne n'est pas un mirage créole », L'Homme 2013/3 (n° 207-208), p. 159-191.

[128] Avis et recommandations sur la prévenion et la prise en charge des IST en Guyane det dans les Antilles françaises du CNS, 18 janvier 2018.

[129] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[130] Hélène Nicolas, « Devenir époux/épouse. Les premiers amours comme socialisation à une conjugalité violente Lifou, Kanaky-Nouvelle-Calédonie », Genre sexualité et société, 15, printemps 2016.

[131] Mayotte Hebdo, Homosexualité la vie en rose ?, vendredi 24 avril 2015, n°701.

[132] Sur le plan lexicographique, ce terme est un mot-valise, concrétion de deux mots provenant du Malgache : sari qui signifie « sorte de » et bavi qui désigne « la femme ».

[133] Fare Vana ‘a (Académie tahitienne).

[134] Deborah Elliston, « Living as and Living with Māhū and Raerae: Geopolitics, Sex, and Gender in the Society Islands », in Niko Besnier et Kalissa Alexeyeff, Gender on the Edge : Transgender, Gay and Other Pacific Islanders, 2014.

[135] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[136] Audition de la CNCDH du 6 mars 2018.

[137] Raymond Thomas Smith, The matrifocal family : power, pluralism and pol tics, 1996.

[138] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[139] Audition de Prisca Melyon-Reinette du 19 janvier 2018.

[140] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[141] Audition de Prisca Melyon-Reinette du 19 janvier 2018.

[142] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[143] Contribution écrite de Mme Madeleine Begue, 20 mars 2018.

[144] Contribution de l’association mahoraise Nariké M’Sada, le 27 février 2018.

[145] Ibid.

[146] J. F. HORY, L’introduction à Mayotte du système patronymique »,  in Regards sur Mayotte, sous la direction de C. ALLIBERT, INALCO, 2003, coll. Etudes Océan Indien, publiée par le Centre d’Etude et de Recherche surl’Océan Indien Occidentale (CEROI).

[147] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[148] Hélène Nicolas, « Devenir époux/épouse. Les premiers amours comme socialisation à une conjugalité violente Lifou, Kanaky-Nouvelle-Calédonie », Genre sexualité et société, 15, printemps 2016.

[149] Le concept d’hétéronormativité suppose l’hétérosexualité comme la norme. C’est une structure sociale liée à l’idée que les êtres humains se divisent en seulement deux catégories distinctes et complémentaires : l’homme et la femme.

[150] Audition de Paris Black Pride Guyane du 3 avril 2018.

[151] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[152] Audition de Prisca Melyon-Reinette, le 19 janvier 2018

[153] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[154] INSERM, « Situation sociale et comportements de santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie Premiers résultats », Mars 2008.

[155] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[156] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[157] Contribution écrite de Madeleine Begue, le 20 mars 2018.

[158] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[159] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[160] Contribution de Honorine Koenig, élue d’origine de Wallis-et-Futuna, le 24 mai 2018.

[161] Audition de Philippe Lacombe du 11 avril 2018.

[162] Audition de Dolores Dogba de l’association Cousins Cousines de Tahiti, du 10 avril 2018.

[163] Portrait de Dolores Dogba dans les Nouvelles de Tahiti, 5 mai 2009.

[164] Contribution de Kevin Breteche de l’association OriZon, le 1er mars 2018.

[165] Contribution de Madeleine Begue, le 20 mars 2018.

[166] Le nom a été changé dans un souci d’anonymat.

[167] Audition de Tjenbé Rèd Guadeloupe du 17 janvier 2018.

[168] Audition de Isabelle Tomatis du 17 janvier 2018.

[169] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[170] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[171] Témoignage d’Angéline recueilli dans le film docimentaire « Différente ? non juste une femme réalisé par Océane Zobler et diffusé sur Calédonia.

[172] Audition de NC Diversités du du 6 mars 2018.

[173] Audition de Paris Black Pride Guyane du 3 avril 2018.

[174] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[175] Enquête KABP (2014) : Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/Sida et à d’autres risques sexuels.

[176] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[177] Enquête KABP Réunion (2012) : Connaissances, attitudes, croyances et comportements réunionnais en matière de risques liés aux comportements sexuels, Février 2015.

[178] Contribution de Kevin Breteche de l’association OriZon, le 1er mars 2018.

[179] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[180] Audition de Cousins Cousines de Tahiti du 10 avril 2018.

[181] Chantal Tahiata, ancienne ministre de la famille, Nouvelles de Tahiti, 22 août 2012.

[182] La dépêche de l’économie, n°90, lundi 6 juillet 2009. Tourisme gay : la religion crise.

[183] Audition de Paris Black Pride du 3 avril 2018.

[184] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[185] Emma Marea, Nouvelles de Tahiti du 22 août 2012.

[186] L’adjectif fa’a’amu renvoit à la pratique traditionnelle du fa’a’amura’a, d’adoption ouverte, de confiage et de don d’enfants en Polynésie française.

[187] Sabrine Birk, Nouvelles de Tahiti du 22 août 2012.

[188] « Que faisons nous de cela ? L’important pour nous, c’est de prendre conscience que nous sommes baptisés et que nous ne pouvons accepter cela ».

[189] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[190] Nadia Chonville, « Leviers des mouvements sociaux parallèles au vote de la loi « Mariage pour tous » en Martinique : mobilisation des ressources et processus de cadrage », Etudes caribéennes, 29 Décembre 2014.

[191] Contribution de M. François Lampere, ARS Guyane.

[192] Madeleine Begue, Minorités sexuelles à l’île de La Réunion : étude exploratoire de la construction identitaire sexuelle des lesbiennes, gais et bisexuel-le-s, 2014.

[193] Enquête KABP Réunion (2012) : Connaissances, attitudes, croyances et comportements réunionnais en matière de risques liés aux comportements sexuels, Février 2015.

[194] Enquête KABP (2014) : Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/Sida et à d’autres risques sexuels.

[195] Enquête Santé sexuelle de 4 populations du Grand Nouméa, Agence sanitaire et sociale de Nouvelle-Calédonie.

[196] Madeleine Begue, Minorités sexuelles à l’île de La Réunion : étude exploratoire de la construction identitaire sexuelle des lesbiennes, gais et bisexuel-le-s, 2014.

[197] J.J. Halberstam. The First Cut is the Deepest : Collage and Queer/Feminist Negation. At the Who is the Subject of Feminism ? panel, Columbia University « What is Feminist Politics Now ? » conference, September 2008 19-2.

[198] Contribution de Claire Piedrafita, le 14 mai 2018.

[199] Contribution de l’association Nariké M’Sada, le 27 février 2018.

[200] Audition de Didier Jean de l’association Tjenbé Rèd, du 17 janvier 2018.

[201] Contribution de l’association Nariké M’Sada, le 27 février 2018.

[202] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[203] Loïc Magdeleine, Entre violence, sexualité et luttes sociales : le destin paradoxal du dancehall, 2013.

[204] Audition de NC Diversités, du 6 mars 2018.

[205] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[206] Hélène Nicolas, Devenir époux/épouse. Les premiers amours comme socialisation à une conjugalité violente (Lifou, Kanaky-Nouvelle-Calédonie), Genre sexualité & Société, printemps 2016.

[207] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[208] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[209] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[210] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[211] Ibid.

[212] Contribution écrite de Madeleine Begue, le 20 mars 2018.

[213] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[214] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[215] Audition de Louis-George Tin du 6 février 2018.

[216] INSERM, Situation sociale et comportements de santé des jeunes en Nouvelle-Calédonie. Premiers résultats, Mars 2008.

 [217]Thomas K. Pinhey et Sara R. Millman, Asian/Pacific Islander Adolescent Sexual Orientation and Suicide Risk in Guam, American Public Health Association, July 2004.

[218] Lynday Ellingson et Carol Odo « HIV Risk Behaviors Among Mahuwahine (Native Hawaiian Transgender Women », December 2008.

[219] Définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

[220] Témoignage de Willy Medhi Melinard. Contribution de Total Respect à l’égalité réelle Outre-mer août 2016.

[221] « Ce que vous faites là, ça ne se fait pas, y’en a un de vous deux qui va mourir ce soir ».

[222] Contribution de Claire Piedrafita, coordinatrice Guyane de AIDES, le 14 mai 2018.

[223] Enquête KABP (2014) : Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/Sida et à d’autres risques sexuels.

[224] Contribution de Claire Piedrafita, le 14 mai 2018.

[225] France Lert et al. « Situation sociale et état de santé des personnes vivant avec le VIH aux Antilles, en Guyane et à La Réunion en 2011. Premiers résultats de l’enquête ANRS-Vespa2 ». Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire. N° 26-27.

[226] Stéphanie Mulot, « Comment les représentations des rapports de sexe influencent-elles la prévention du sida ? L’exemple des multipartenariats sexuels antillais ». Revue française de sociologie, N°50. 2009

[227] Un Refuge pour les jeunes homosexuels en Guyane – le Kotidien, le 12 avril 2016.

[228] Contribution écrite de Madeleine Begue, 20 mars 2018.

[229] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[230] Les noms ont été modifiés.

[231] Audition de Danièle Drouy-Ayral du 18 janvier 2018.

[232] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[233] Contribution de Cécile Dipp, correspondante régionale du Défenseur des droits en Guyane, 16 mars 2018.

[234] Audition de Nadia Chonville du 7 mars 2018.

[235] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[236]Audition de Prisca Melyon-Reinette éducatrice spécialisée, du 19 janvier 2018.

[237] Audition de Louis-Georges Tin du 6 février 2018.

[238] Williams, Lawson,  Homophobia and Gay Rights Activism in Jamaica, Unpublished article. J-

Flag, 2000.

[239] Loïc Marie-Magdeleine, Entre violence, sexualité et luttes sociales : le destin paradoxal du dancehall, 2013.

[240] Punaany est un terme du créole jamaïcain désignant l’appareil génital féminin.

[241] Boom bye bye inna battybwoy head,/ rude bwoy nah promote / no nasty man/  dem haffi dead.

[242] Cau’ me seh dis is not a bargain/ Me seh dis is not a deal, Guy come near we then him skin must peel, bun him up bad like a old tyre wheel

[243] Loïc Marie-Magdeleine, Entre violence, sexualité et luttes sociales : le destin paradoxal du dancehall, 2013.

[244] « Perdre leur virilité pour faire de la com' " /"poster des photo avec des PD et des statuts PD

[245] Loïc Marie-Magdeleine, Entre violence, sexualité et luttes sociales : le destin paradoxal du dancehall, 2013.

[246] Outre mer 1ère, L'aggression homophobe d'un jeune en Guadeloupe fait réagir sur le Web, 16 janvier 2016.

[247] Audition de Didier Jean de l’association Tjenbé Rèd en Guadeloupe, du 17 janvier 2018.

[248] Audition de Mme Isabelle Tomatis, directrice départementale de la sécurité publique en Guadeloupe.

[249] Audition de Louis-Georges Tin du 6 février 2018.

[250] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[251] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[252] Contribution de l’association Nariké M’Sada, le 27 février 2018.

[253] Contribution du docteur Valérie Thomas, médecin de santé publique, le 13 juin 2018.

[254] Enquête KABP (2014) : Les habitants des Antilles et de la Guyane face au VIH/Sida et à d’autres risques sexuels.

[255] Contribution de Lilian Patry, le 18 avril 2018.

[256] Contribution de Madeleine Begue, le 20 mars 2018.

[257] Nadia Chonville, Vers une déconstruction de la fiction hétéronormative dans le système scolaire martiniquais, 2018.

[258] Le outing consiste à révéler l’homosexualité d’un individu sans son consentement dans le but de lui nuire.

[259] Contribution de Claire Piedrafita, le 14 mai 2018.

[260] Contribution de M. Didier Lefevre, le 25 mai 2018.

[261] Contribution de Madeleine Begue, le 20 mars 2018.

[262] Ibid.

[263] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[264] Audition de Danièle Drouy-Ayral du 18 janvier 2018.

[265] Audition de Romain Sautereau du 28 février 2018.

[266] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[267] CSM Consulting Christophe Serra Mallol, Etude socio-anthropologique de la prostitution de rue à Papeete. Commune de Papeete (2008).

[268] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[269] Mayotte Hebdo, « Homosexualité la vie en rose ? », vendredi 24 avril 2015, n°701.

[270] Audition de la CNCDH du 6 mars 2018.

[271] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[272] Audition de Didier Jean de l’association Tjenbé Rèd en Guadeloupe, du 17 janvier 2018.

[273] Audition du général Jean-Marc Descoux, commandant de la gendarmerie de Guadeloupe.

[274] Contribution de Céline Faure, présidente de  KAP Caraïbe, le 6 mars 2018.

[275] Audition de Jérémy Falédam secrétaire de Sos Homophobie du 14 décembre 2017.

[276] Dans l’Hexagone, 40 000 mariages de même sexe ont été célébrés depuis la promulgation de la LOI n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe : cela représente 3% des unions maritales chaque année.

[277] Pas d'inéligibilité pour Thomas Moutame, le maire qui avait refusé de marier un transsexuel, Tahiti infos, 1 septembre 2011.

[278] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[279] Audition de Serge Ferracci chef des urgences au CHU de Guadeloupe, du 19 janvier 2018.

[280] Contribution de Kevin Breteche, représentant de l’association OriZon, le 1er mars 2018.

[281] « Appelez-la « Madame » Peyssa, Les Nouvelles Calédoniennes, 3 avril 2018.

[282] Audition de Steven Kuzan du Refuge Guyane du 15 février 2018 et contribution de Lilian Patry, délégué du défenseur des droits à Mayotte le 18 avril 2018.

[283] Mayotte Hebdo, « Homosexualité, la vie en rose ? », n°701, vendredi 24 avril 2015.

[284] Article 78-2 du code de procédure pénale.

[285] Arrêté préfectoral du 29 août 2016 prorogeant l'arrêté n° 2015237-0012 du 25 août 2015 portant réglementation de la circulation sur la route nationale n° 1 - Pont sur le fleuve Iracoubo.

[286] Avis et les recommandations du CNS sur la prévention et la prise en charge du VIH et des IST en Guyane et dans les Antilles françaises, 2018.

[287] Courrier du COREVIH Guyane à la direction territoriale de l’OFII de Rennes daté du 27 avril 2018.

[288] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[289] Les nouvelles polynésiennes, Mardi 5 mai 2009

[290] Audition de Louis-Georges Tin du 6 février 2018.

[291] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[292] Audition de la DILCRAH du 6 février 2018.

[293] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[294] Audition du Regue Guyane du 15 février 2018.

[295] Contribution de Kevin Breteche de l’association OriZon, le 1er mars 2018.

[296] Contribution de Céline Faure présidente de  KAP Caraïbe, le 6 mars 2018.

[297] Audition de la DILCRAH du 6 février 2018.

[298] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[299] Patrick Garaud, Contribution à l'analyse de l'homosexualité à l'île de La Réunion, 2004.

[300] Johanne Chung To Sang, La Réunion “gay-friendly”, mais sans associations, ZINFOS974, vendredi 5 février 2010.

[301] Audition de Cousins Cousines de Tahiti du 10 avril 2018.

[302] Audition du Refuge Guyane du 15 février 2018.

[303] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[304] Contribution de Kevin Breteche de l’association OriZon, le 1er mars 2018.

[305] Patrick Garaud, Contribution à l'analyse de l'homosexualité à l'île de La Réunion, 2004.

[306] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[307] Contribution de Peyssa Felomaki, présidente de l’association Lotus Doré NC, le 27 férvier 2018.

[308] Audition Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[309] Audition de la Fédération Total Respect du 14 décembre 2017.

[310] Contribution de Kevin Breteche de l’association OriZon, le 1er mars 2018.

[311] Audition de Dolores Dogba de Cousins Cousines de Tahiti du 10 mars 2018.

[312] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[313] Audition de la DILCRAH du 6 février 2018.

[314] Audition de Cousins Cousines de Tahiti du 10 mars 2018.

[315] L’analyse des caractéristiques des patients concernés en Martinique et en Guadeloupe et en Guadeloupe met en évidence des contaminations majoritairement hétérosexuelles (87% en Guyane, 75% en Guadeloupe, 57% en Martinique), mais avec une surincidence des contaminations chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) parmi les sujets dépistés qui atteint un niveau différent selon les territoires : 11% des sujets dépistés en Guyane, 25% en Guadeloupe en 2015 et 32% en 20162, et 39% en Martinique. Source : recommandations du CNS sur la prévention et la prise en charge du VIH et des IST en Guyane et dans les Antilles françaises.

[316] Audition de Moise Manoel de Paris Black Pride, du 3 avril 2018.

[317] Jean-Claude Maced de lassociation AIDES.

[318] Audition de Le Refuge Guyane du 15 février 2018.

[319] Audition de NC Diversités du 6 mars 2018.

[320] Nadia Chonville, Leviers des mouvements sociaux parallèles au vote de la loi « Mariage pour tous » en Martinique : mobilisation des ressources et processus de cadrage, Études Caribéennes, Décembre 2014.