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N° 1172
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2018
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
sur l’application des mesures fiscales
ET PRÉSENTÉ
Par M. Joël GIRAUD
Rapporteur général
Député
ET par Mme Cendra MOTIN
Députée
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SOMMAIRE
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Pages
II. LES DISPOSITIONS FISCALES ADOPTÉES DANS DES TEXTES AUTRES QUE DES LOIS DE FINANCES en 2017
III. Les verrous à lever en vue d’une amélioration du travail d’évaluation du parlement
A. les efforts de l’administration fiscale pour mieux répondre aux demandes des parlementaires
B. la culture de l’Évaluation doit aussi être dÉveloppÉe du côtÉ de l’exÉcutif
Partie II : Les dépenses fiscales en faveur de la culture et de l’audiovisuel
I. les crédits d’impôt cinéma et audiovisuel national et international
A. Les précédentes évaluations
2. Un jugement plus mesuré de la Cour des comptes en 2014
C. Un impact significatif de l’ensemble de ces dispositifs sur la compétitivité du secteur
1. Les indicateurs relatifs aux œuvres cinématographiques
2. Les indicateurs relatifs à la production audiovisuelle
3. Les indicateurs relatifs à l’emploi
D. L’évaluation de l’impact sectoriel des crédits d’impôt
2. La part du soutien public est dégressive en fonction du budget de production
1. Une concurrence fiscale internationale entre dispositifs similaires
2. Les crédits d’impôts ont permis une forte relocalisation de la production
II. La réduction d’impôt sur le revenu « SOFICA »
A. Rappel des évolutions juridiques
B. Les évaluations précédentes
C. L’évaluation de l’impact de la dépense fiscale
1. Un avantage fiscal réservé à un nombre restreint de bénéficiaires
2. Les montants collectés par le biais des SOFICA et leur rentabilité
III. le crédit d’impôt « phonographique »
A. Un crédit d’impôt jugé sévèrement par le comité d’évaluation des dépenses fiscales en 2011
B. Une utilité rappelée par les professionnels du secteur en 2017
C. Des perspectives économiques en amélioration
1. Une crise profonde entre le début des années 2000 et l’année 2015
2. Une amélioration des perspectives économiques pressentie dès 2014
3. Un décollage récent des recettes provenant de la consommation numérique
D. L’impact sectoriel du crédit d’impôt
1. Une augmentation tendancielle du nombre d’entreprises bénéficiaires
2. Une part importante de la dépense fiscale bénéficie aux TPE et aux PME
3. Des évolutions divergentes des catégories de dépenses imputables
IV. Le crédit d’impôt « jeux vidéo »
A. L’évaluation du crédit d’impôt en 2011
B. Une évaluation par le CNC en 2014
C. Le contexte économique actuel
D. L’impact sectoriel du crédit d’impôt
V. le crédit d’impôt en faveur du spectacle vivant
A. L’origine du dispositif et son impact budgétaire
1. La seule évaluation disponible à ce jour provient des cabinets privés
2. Un suivi très lacunaire de cette dépense par l’administration
Partie III : Évaluations thématiques
I. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE)
A. Un avantage fiscal pour faciliter la transition écologique
1. Un dispositif fiscal aux contours mouvants
a. Un dispositif au service de « l’excellence environnementale »
b. Un maintien du principe et de l’économie générale du dispositif
c. Un champ des dépenses éligibles et des taux applicables qui ont souvent varié
2. Les modifications intervenues en loi de finances pour 2018
a. La prorogation du dispositif
b. La modification du champ des dépenses éligibles
c. L’impact budgétaire des modifications intervenues en loi de finances pour 2018
d. Les dispositions nécessitant des mesures d’application
B. Un dispositif qui a vocation à disparaître
1. Une évaluation contrastée du dispositif
a. Une évolution globalement dynamique quoiqu’irrégulière de la dépense fiscale
b. Une efficacité contrastée de la dépense fiscale
c. Des difficultés à apprécier les effets induits par le crédit d’impôt
II. La réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire « PINEL »
A. Un dispositif héritier de trente ans de soutien à l’investissement locatif privé
1. Un avantage fiscal bien assis dans le paysage fiscal français
a. Un objectif affiché de soutien au secteur immobilier
b. Des avantages fiscaux dont les conditions ont évolué
2. Des modifications en loi de finances pour 2018
a. Une prorogation de l’avantage fiscal pour quatre années supplémentaires
b. Un recentrage du dispositif sur les zones les plus tendues
c. Des dispositions nécessitant des mesures d’application
B. Un dispositif coûteux dont l’efficacité n’est pas certaine
1. Une dépense fiscale dynamique et pluriannuelle
b. Un dispositif dont les bénéfices sont concentrés sur les ménages les plus aisés
2. Un dispositif in fine peu maîtrisé
a. Une efficacité difficile à apprécier
i. Des effets incertains sur la construction de logements neufs
ii. Des effets contradictoires avec les objectifs poursuivis
1. Le nombre de bénéficiaires de PTZ devrait diminuer en 2018 par rapport à 2017
4. Le PTZ est un dispositif qui vise toujours les ménages aux revenus intermédiaires
IV. Le Dégrèvement de la taxe d’habitation sur la résidence principale
A. un dégrèvement qui vient s’ajouter aux dispositifs et mécanismes existants
1. La taxe d’habitation, un impôt assorti de plusieurs exonérations et mécanismes de dégrèvement
a. Les exonérations de certains locaux et les abattements sur la valeur locative des habitations
b. Les exonérations de droit commun des contribuables et le mécanisme de plafonnement de la TH
i. Les contribuables exonérés de TH
ii. La réduction du montant dû au titre de la TH
c. La situation des ménages vis-à-vis de la TH
ii. Les montants moyens acquittés
2. Un nouveau dégrèvement au champ d’application large
a. 80 % de ménages bénéficiaires de la mesure
b. Une mise en œuvre progressive en plusieurs étapes successives
B. une mesure à mettre en regard des rÉformes concernant les mÉnages
3. La perspective des mesures complémentaires pour 100 000 ménages
1. Collectivités pouvant instituer une taxe de séjour
2. Période de perception de la taxe de séjour
3. Modalités d’assujettissement à la taxe de séjour
4. Assiette, tarifs et exonérations de la taxe de séjour
1. Les modifications issues de la mission d’évaluation et de contrôle de 2015
2. La seconde loi de finances rectificative pour 2017
1. La mise en place de la tarification proportionnelle pour les hébergements non classés
2. La modification des règles de collecte de la taxe de séjour au réel pour les plateformes en ligne
a. La détermination des tarifs et des exonérations appliqués par les plateformes
b. La disponibilité et la fiabilité des données communales utilisées par les plateformes
c. Les modalités de publicité et de recouvrements imposables aux plateformes
VI. La transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière
A. les données concernant l’ISF 2017
2. Les données relatives aux dons déductibles de l’ISF
3. Le plafonnement de l’ISF 2017
1. Les mesures d’application réglementaires
2. Le commentaire de la réforme dans le BOFiP
a. Les règles de déductibilité des dettes afférentes à l’habitation principale
b. L’exclusion de l’assiette de l’IFI des parts d’entreprises solidaires d’utilité sociale
3. La mise en œuvre de l’augmentation transitoire du taux de la réduction d’impôt « Madelin »
a. Une adaptation du dispositif « Madelin » en loi de finances pour 2018
c. Ces délais créent un attentisme des investisseurs contraire à la volonté du législateur
VII. La réforme du prélèvement forfaitaire unique
VIII. Le droit de partage et de licitation applicable en cas de divorce ou de séparation
1. Le partage ou la licitation, modalités de sortie d’une indivision
3. Un alourdissement de la fiscalité difficilement soutenable
a. Une augmentation du taux à compter du 1er janvier 2012
b. Les effets de cet accroissement de la fiscalité
B. Les solutions envisagées dans le cadre de la loi de finances pour 2018
1. Un retour au taux applicable avant 2011
2. Les chiffrages reçus dans le cadre du présent rapport d’application
IX. La Fiscalité des entreprises
A. Des mesures pour renforcer la compétitivité des entreprises françaises
b. La nouvelle trajectoire : une baisse du taux normal de l’IS à 25 % à compter de 2022
c. Les entreprises et l’IS : panorama
2. La transformation du CICE en allégements de cotisations sociales à compter de 2019
b. Les allégements de charges sociales prévus à la place du CICE et du CITS
c. Les avantages de la mesure pour les entreprises et organismes sans but lucratif
e. Des mesures d’application limitée compte tenu de l’entrée en vigueur différée de la mesure
3. Les allégements portant sur la taxe sur les salaires
a. La suppression du troisième taux majoré de taxe sur les salaires
i. L’allégement du barème par la suppression du taux de 20 %
ii. Une mesure renforçant l’attractivité financière de la France
iii. Un impact budgétaire relativement modeste au regard du produit de la taxe sur les salaires
b. Les avantages prévus pour certains regroupements
i. L’exonération des établissements publics de coopération culturelle
c. Des mesures d’applications limitées mais parfois trop tardives
B. Les mesures de simplification touchant les petites entreprises
a. Les plafonds antérieurement applicables
i. Un relèvement de plus du double des plafonds d’éligibilité
ii. Une simplification accrue pour plus de 5 800 travailleurs indépendants
iii. Une entrée en vigueur adaptée et souple
c. Les précisions réglementaires et doctrinales apportées à la suite du relèvement des plafonds
C. les dispositifs de soutien À certains territoires
1. La création des bassins urbains à dynamiser (BUD)
a. Le droit antérieur : un dispositif censé s’éteindre après 2017
b. La prorogation pour trois ans du dispositif d’exonérations dans les BER
3. Les aménagements apportés aux zones de revitalisation rurale (ZRR)
c. Les mesures d’application prises
b. La prorogation et l’amélioration du dispositif par la loi de finances pour 2018
c. Les mesures d’application prises
D. Les assouplissements apportés aux exploitations agricoles
1. L’assouplissement de l’option pour la moyenne triennale
a. Le droit antérieur : une option d’une durée de cinq ans
b. Le raccourcissement à trois ans des délais pour l’option de la moyenne triennale
2. L’assouplissement de l’imposition agricole d’activités accessoires
1. L’état des réclamations au titre de la contribution de 3 % sur les montants distribués
2. Les contributions exceptionnelles mises en place
a. Deux contributions exceptionnelles pesant sur les plus grandes entreprises
b. Un surcroît de près de 5 milliards d’euros de recettes fiscales en 2017
a. Le chiffre d’affaires pris en compte est celui réalisé en France
b. Un cantonnement contestable au regard des précédentes contributions à l’IS
c. Un cantonnement à rebours des travaux parlementaires
d. Des justifications peu convaincantes de l’administration
F. focus sur une dépense fiscale stratégique mais coûteuse : le crédit d’impôt recherche
1. Présentation générale du CIR
a. Les dépenses éligibles au CIR et leur prise en compte
i. Les dépenses éligibles au CIR
ii. Les dépenses éligibles au CII
iii. Les majorations de certaines dépenses : rémunérations des jeunes docteurs et sous-traitance
iv. L’exclusion de certaines sommes de l’assiette du CIR
2. Le coût du CIR : une dépense fiscale très dynamique
3. Renforcer l’efficience du CIR : les axes d’amélioration envisageables
a. Le classement mitigé du CIR par la Commission européenne
X. La contribution Économique territoriale (CET)
A. La cotisation sur la valeur ajoutÉe (CVAE)
2. La modification des règles de répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée
c. La modification des règles de répartition des dispositifs de péréquation horizontale de la CVAE
B. La cotisation foncière des entreprises (CFE)
2. L’adoption de nouvelles exonérations compensées par l’État aux collectivités territoriales
b. L’extension aux activités accessoires de l’exonération de CFE des exploitants agricoles
3. Les mesures spécifiques aux valeurs locatives servant de base imposable à la CFE
a. Le report de la mise à jour permanente des tarifs
b. La sécurisation des nouveaux paramètres d’évaluation
c. La révision des valeurs locatives cadastrales des établissements industriels
XI. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
A. L’extension du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée pour les parcs zoologiques
B. L’UTILISATION OBLIGATOIRE D’UN LOGICIEL DE CAISSE NON FRAUDULEUX
3. Une évaluation actuellement malaisée
XII. La fiscalité particulière à certains véhicules
A. LES taxeS additionnelleS à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules
B. Le droit annuel de francisation et de navigation
a. Un rendement à ce jour décevant
b. Le décret répartissant le produit de la taxe est en cours de préparation
XIII. La fiscalité Énergétique et écologique
b. Le malus automobile demeure un dispositif budgétaire populaire
B. La fiscalité relative à l’exploitation des hydrocarbures
2. Un rendement qui n’a pas atteint sa prévision
C. La fiscalité relative à l’exploitation des sites gÉothermiques
2. Un rendement décevant et marginal
Partie IV : Le Prélèvement à la source (PAS)
Fiche n° 1 : le prélèvement à la source en dates
3. Des aménagements apportés au dispositif depuis l’automne 2017
a. Des phases d’expérimentation permettant de tester le dispositif du PAS
4. Une modalité de perception de l’impôt codifiée
a. Les dispositions législatives introduites dans le CGI
b. Les dispositions codifiées dans le livre des procédures fiscales
c. Les dispositions codifiées dans le code de la sécurité sociale
5. Des textes réglementaires d’application
1. Un point d’entrée unique : le site internet prélèvement à la source
2. Une communication affinée pour accompagner au mieux les collecteurs
3. Un plan de communication diversifié et organisé autour de plusieurs temps forts
4. La communication des acteurs de la sphère sociale
1. Le CIMR, un mécanisme exceptionnel pour éviter la double imposition des contribuables
a. Des précisions attendues de l’administration fiscale sur la notion de « revenus exceptionnels »
b. Une procédure spécifique permettant d’interroger l’administration fiscale
Fiche n° 4 : Le prélèvement à la source et les crédits d’impôt : Focus services à la personne
1. Le traitement des réductions et crédits d’impôt dans le cadre du prélèvement à la source
a. Pas d’intégration dans le taux de retenue à la source mais un acompte versé en début d’année
b. Un dispositif bienvenu mais perfectible
2. La mise en œuvre du prélèvement à la source par les particuliers employeurs
b. Compléter le dispositif pour assurer une mise en œuvre satisfaisante du prélèvement à la source
fiche n° 5 : Le prélèvement à la source et la confidentialité. Une préservation assurée
2. La loi prévoit plusieurs garanties pour assurer le respect de la vie privée des salariés
a. L’option pour le taux individualisé au sein des couples
b. L’option pour le taux non personnalisé
c. La sanction de la violation du secret professionnel
Fiche n° 6 : Le prélèvement à la source et les entreprises : Relativiser les charges supportées
I. Une charge financière à nuancer
1. De nombreuses études ont avancé des coûts manifestement excessifs
2. L’évaluation la plus récente conclut à un coût très inférieur qui devrait encore diminuer
II. Des charges administratives raisonnables
2. Une complexité à relativiser
3. Des sanctions proportionnées qui ont été fortement allégées
4. Des solutions alternatives sous-optimales
fiche n° 7 : la déclaration des travailleurs indépendants
a. L’assiette de l’acompte n’est pas constituée des revenus de l’année en cours
b. La modulation du prélèvement permettra de prendre en compte la réalité des revenus perçus
a. L’option pour le paiement trimestriel
b. L’échelonnement infra-annuel des paiements
3. Un dispositif spécial est prévu en cas de démarrage ou de cessation d’activité
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Le début de cette XVe législature se caractérise par une attention accrue des députés – mais également des citoyens et des médias – aux fonctions d’évaluation du Parlement.
Certes, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 24 de notre Constitution prévoit que le Parlement vote la loi, contrôle l’action du Gouvernement et « évalue les politiques publiques ».
Pourtant, dans le cadre de l’examen de la réforme institutionnelle en cours, nombreux sont ceux qui soulignent le fait que ce volet de la révision de 2008 mérite d’être mieux traduit dans les faits.
Ainsi, lors de son audition à l’Assemblée nationale par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République le 6 juin dernier sur cette réforme, la garde des sceaux, affirmait : « Par ce projet de révision, nous proposons de développer des moyens de tenir les promesses de 2008, en particulier en trouvant de meilleurs équilibres entre la fonction de légiférer et celle d’évaluer. Cela consisterait, selon nous, à faire prospérer une articulation efficace, à instituer en quelque sorte un cercle vertueux entre ces deux fonctions de légiférer et de contrôler. Il s’agit de mieux légiférer en répondant plus directement aux attentes de réforme. Il s’agit ensuite de mesurer l’effet de ces réformes sur le réel. »
Ce besoin de mieux évaluer les réformes votées se fait particulièrement sentir au sein de la commission des finances, de l’économie et du contrôle budgétaire.
En effet, les mesures fiscales votées à l’automne ont nécessairement un impact sur certaines catégories de population ou certains secteurs économiques qui méritent d’être évaluées ex post. Les crédits budgétaires mobilisés en début d’année poursuivent par ailleurs une finalité politique dont la mise en œuvre doit être suivie dans le temps.
Dans cette perspective, l’année 2018 sera probablement charnière au moins à un double titre :
– les mois de mai et juin de cette année ont été assez largement consacrés à la mise en œuvre d’un « printemps de l’évaluation » succédant à « l’automne de l’autorisation », visant, dans le cadre de l’examen de la loi de règlement, à mieux évaluer l’utilisation des crédits de l’année 2017 ;
– la session budgétaire de l’automne prochain verra peut-être la commission des finances s’appuyer sur de nouveaux moyens d’évaluation permettant à l’Assemblée nationale de peser d’avantage dans les choix fiscaux et budgétaires préparés par le Gouvernement.
C’est dans ce cadre que le Rapporteur général a souhaité poursuivre, pour la rénover, la pratique du rapport d’application de la loi fiscale (« RALF »).
Selon une tradition constante depuis 1990, le rapporteur général de la commission des finances s’attache à examiner l’application des dispositions fiscales contenues dans les lois de finances, preuve s’il en était de l’attachement ancien de notre commission à ce que la loi fiscale soit bien appliquée et évaluée ([1]).
Délaissant le rythme annuel, en 2006, le rapporteur général, notre collègue Gilles Carrez, publiait un rapport volumineux sur l’application de la loi fiscale depuis 2002, dont l’objectif était de mettre en lumière la cohérence d’ensemble de la politique fiscale menée sous la XIIe législature ([2]). Puis, à partir de 2008, le rythme annuel s’imposa de nouveau. En 2016, pour la première fois, étaient prises en compte les dispositions de nature fiscale contenues dans les lois autres que les lois de finances et dans les ordonnances.
La résolution n° 292 du 27 mai 2009 modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale a systématisé la démarche inaugurée par notre commission des finances pour l’ensemble des lois. Ainsi, depuis lors, l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit qu’à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, deux députés, dont l’un appartient à un groupe d’opposition et parmi lesquels figure de droit le député qui en a été le rapporteur, présentent à la commission compétente un rapport sur la mise en application de cette loi.
Cette disposition s’applique sans préjudice de la mission permanente confiée, par l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([3]) au rapporteur général de suivre et contrôler l’exécution des lois de finances et de procéder à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques.
Sauf réforme d’ampleur, les mesures fiscales nécessitent assez peu de mesures réglementaires d’application directe comme les décrets ou les arrêtés. Un rapport d’application en juin se bornant à lister ces mesures d’application de la loi de finances de l’année serait, pour cette raison, probablement à la fois aride et peu intéressant – tant pour les parlementaires que pour le public – d’autant plus que le Gouvernement réalise désormais lui-même un tel bilan.
Notons toutefois que, dans le domaine fiscal, une particularité réside dans la publication d’un commentaire des mesures adoptées dans des instructions fiscales qui ont été, à compter de 2012, rassemblées au sein du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), qui fait l’objet d’une actualisation régulière et continue. Il en a été ainsi, par exemple, le 8 juin dernier, avec la mise en ligne d’un document de plus de 300 pages portant sur la réforme de l’impôt sur la fortune.
Ce commentaire des mesures fiscales dans le BOFiP explicite les dispositions, souvent plus difficiles d’accès, intégrées dans le code général des impôts (CGI) et le livre des procédures fiscales (LPF).
Mais il contient souvent également des mesures de précision complémentaires par rapport aux dispositions de la loi, qui méritent toute l’attention des parlementaires.
Si le temps où les instructions fiscales ont pu contenir des mesures expressément contraires à la volonté du législateur semble heureusement s’éloigner, il appartient toutefois toujours à ce dernier de veiller à ce que les interstices de la loi soient comblés par l’administration fiscale en cohérence avec la logique d’ensemble qui a prévalu lors de l’adoption du dispositif.
Enfin, comme l’année passée, le Rapporteur général aura à cœur de ne pas voir son travail limité aux seules lois de finances ; de trop nombreuses mesures fiscales peuvent encore figurer dans des lois ordinaires, voire dans des ordonnances, nuit nécessairement à la vision d’ensemble exclusivement portée, du côté du Parlement, par la commission des finances.
Par ailleurs, à l’heure où le rapprochement de l’examen des premières parties des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale est préconisé par certains, il n’est pas inutile de rappeler que le contrôle de l’application des mesures fiscales nécessite, à l’évidence, de prendre en compte les prélèvements sociaux dont le vote intervient dans le cadre des projets de lois de financement de la sécurité sociale.
Outre ce strict contrôle de l’application des lois fiscales, le Rapporteur général estime fondamental que le présent rapport devienne également un rapport d’évaluation des réformes d’ampleur initiées par le Gouvernement.
Cette évaluation, parfaitement cohérente avec les débats actuels sur le nécessaire renforcement de ce volet de la mission du Parlement, implique cependant une approche fort différente de celle qui prévaut pour un simple contrôle d’application réglementaire :
– elle nécessite un certain recul temporel par rapport au moment où la réforme a été votée. Cet aspect est particulièrement important lorsque la réforme n’entre véritablement en vigueur qu’à compter de l’imposition des revenus en année N + 1. À titre d’exemple, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) dans le cadre de la loi de finances pour 2018 ne peut pas faire l’objet d’une évaluation fine dans le cadre du présent rapport. En effet, applicable pour l’essentiel aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2018, cette réforme ne produira ses effets qu’en 2019 ;
– elle nécessite une approche sélective permettant d’apporter des « coups de projecteur » sur certaines réformes emblématiques ou problématiques qui pourraient nécessiter des adaptations dans la loi de finances suivante. Sans préconiser explicitement la transformation du rapport d’application en rapport d’évaluation, les précédents rapporteurs généraux avaient de fait mis en œuvre cette approche sélective, notamment en 2015 et 2016 ;
– elle implique, à ce stade, que l’administration fiscale collabore à ce travail d’évaluation dans la mesure où elle est la seule, la plupart du temps, à disposer des données fiscales et économiques permettant réellement de mesurer l’impact d’une réforme.
Dans cette perspective, le Rapporteur général a transmis un ensemble de 169 questions à l’administration le 27 avril 2018 ainsi qu’un courrier aux ministres de l’économie et des finances, d’une part, et au ministre de l’action et des comptes publics, d’autre part, précisant que ce rapport serait présenté la première semaine de juillet.
À la date du 4 juillet 2018, le Rapporteur général n’avait reçu qu’environ 40 % des réponses, dont seulement 25 % à des questions que l’on pourrait juger comme « prioritaires » compte tenu de l’actualité politique. Cette circonstance lui interdisait de présenter son rapport à la commission lors de la première semaine de juillet.
Afin de pallier cette difficulté et encourager l’administration à une meilleure coopération, le Rapporteur général a donc entrepris le 5 juillet 2018 un contrôle sur place en application de l’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances.
Cet article prévoit que « les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances et procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d’attributions, à leurs rapporteurs spéciaux et chaque année, pour un objet et une durée déterminée, à un ou plusieurs membres d’une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet. À cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièce et sur place, et à toutes auditions qu’ils jugent utiles ».
Le Rapporteur général ne peut que regretter le fait qu’en dépit de la clarté de ces dispositions, il ait été bloqué pendant une trentaine de minutes avant de pouvoir pénétrer physiquement dans l’enceinte du ministère.
Cette entrave aux missions du Rapporteur général est d’autant plus inacceptable que l’ensemble des personnes concernées par ce contrôle en étaient prévenues avec toute précision utile pour éviter une telle situation.
Il a été nécessaire de rappeler aux services de sécurité de Bercy que ce blocage pouvait être considéré comme relevant d’une infraction pénale pour que le contrôle reprenne son cours normal ([4]).
Ce contrôle sur place a été l’occasion de passer en revue l’ensemble des questions en instance.
Il ressort de cet entretien plusieurs éléments structurants pour le travail d’évaluation que le Parlement souhaite renforcer, sur lesquels le Rapporteur général reviendra en détail dans le présent rapport.
À la suite de ce contrôle sur place, le Rapporteur général a reçu, dans la journée, un envoi complémentaire, faisant passer les statistiques à :
– 85,8 % de réponses reçues ;
– 92,4 % de réponses satisfaisantes parmi les réponses reçues ;
– 78,9 % de réponses aux questions identifiées par le Rapporteur général comme « prioritaires ».
Si certains avaient des doutes, ce contrôle met clairement en évidence l’utilité et l’efficacité de cette procédure, qui donne au Parlement de la visibilité, notamment dans les couloirs de Bercy où il n’est parfois qu’un objet politique lointain aux arcanes complexes, appréhendé uniquement à l’automne par le biais des avalanches d’amendements à traiter en urgence. Elle permet également un échange plus direct avec l’administration.
De ce contrôle sur place, il est également ressorti que de nombreuses réponses centralisées par la direction de la législation fiscale n’avaient pas été envoyées par d’autres directions pourtant sollicitées par elle.
En particulier, les questions relatives à l’évaluation du crédit d’impôt « transition énergétique », au prêt à taux zéro (PTZ) et au dispositif « Pinel » ont été envoyées à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère de la transition écologique et solidaire, sans retour de leur part dans les temps requis.
Le Rapporteur général avait donc prévu un second contrôle sur place le lundi 9 juillet destiné à récupérer les onze questions relatives à ces mesures.
Ce déplacement a toutefois été reporté compte tenu des réponses reçues à l’annonce de ce contrôle.
Le contrôle sur place est donc un moyen d’action efficace ; il convient à cet égard de rappeler que l’article 57 de la LOLF ne le réserve pas aux président et rapporteur général de la commission des finances, mais désigne également explicitement également les rapporteurs spéciaux « dans leurs domaines d’attributions » et à l’un de ses membres pour un objet donné et un temps limité.
L’usage de cet outil mérite donc certainement d’être diffusé parmi les membres de notre commission.
Selon les informations rassemblées par le Rapporteur général, les contrôles sur places se sont limités, depuis le début de cette législature, à :
– un contrôle sur place de notre collègue Philippe Vigier, rapporteur spécial des crédits consacrés aux pouvoirs publics, réalisé le 17 janvier dernier dans les services de l’Assemblée nationale, au sujet de certaines de ses dépenses ;
– un contrôle sur place du président de la commission, à la direction générale de l’aviation civile, afin de faire le point sur les conséquences budgétaires de l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, le 23 janvier dernier ;
– un contrôle sur place de notre collègue Cendra Motin, rapporteure spéciale des crédits de la fonction publique, opéré le 5 juillet 2018 à l’École nationale d’administration.
On objectera que le contrôle sur place n’intervient en principe qu’après une procédure classique d’audition, au cours de laquelle la plupart des membres de la commission des finances obtiennent les informations escomptées.
Cette objection, compréhensible dans son principe, risque toutefois de cantonner le contrôle sur place à un ultime rapport de force, un bras de fer entre le pouvoir législatif et l’exécutif, dont il conviendrait de sortir.
En réalité, il devrait également permettre un échange direct, la rencontre avec des interlocuteurs qui ne sont pas habituellement présents lors des auditions à l’Assemblée nationale, il pourrait donner de la visibilité au travail du Parlement et permettre d’établir un lien de confiance entre l’administration et le Parlement.
Cette vision du contrôle sur place méritera d’ailleurs certainement d’être développée dans la perspective de la création d’un outil d’évaluation parlementaire.
Le contrôle de l’application – ou plutôt de l’évaluation – de la loi fiscale est donc un travail qui mérite de dépasser le cadre du « RALF » et d’impliquer tous les membres de la commission.
À cet égard, le présent rapport est déjà porteur d’une innovation inédite, dans la mesure où l’un de ses volets, relatif à la mise en œuvre du prélèvement à la source, a fait l’objet d’un travail d’évaluation plus particulièrement porté par notre collègue Cendra Motin.
Comme l’a rappelé le ministre de l’action et des comptes publics dernièrement, cette réforme fiscale est probablement la plus importante depuis la création de l’impôt sur le revenu. Il était donc cohérent que sa mise en œuvre fasse l’objet d’une attention particulière, supposant de nombreuses rencontres avec les acteurs concernés par la réforme.
Le Rapporteur général tient à saluer le travail réalisé par notre collègue Cendra Motin, retracé dans la seconde partie du présent rapport et ayant fait l’objet d’une communication distincte devant les membres de notre commission le 27 juin dernier ([5]).
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Partie I :
Du bilan de l’application des mesures fiscales à l’évaluation des prélèvements obligatoires
Les quatre précédents RALF (2013 à 2016) avaient pour point commun de commencer par un recensement des mesures d’application des mesures fiscales figurant dans les lois de finances, les lois dites « ordinaires » ([6]) ou les ordonnances.
Le Rapporteur général se prêtera cette année à cette figure imposée, non sans mettre en lumière ensuite certains axes structurants permettant à l’avenir de développer le travail d’évaluation des prélèvements obligatoires, dégagés au cours du contrôle sur place opéré le 5 juillet dernier.
I. L’APPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES FIGURANT DANS LES LOIS DE FINANCES INITIALES ET RECTIFICATIVES DEPUIS LA LOI DE FINANCES POUR 2015
Le tableau ci-après synthétise l’état de l’application des dispositions fiscales à la date du 30 juin 2018.
Il prend en compte toutes les dispositions fiscales adoptées dans le cadre des lois de finances initiales et rectificatives depuis la loi de finances pour 2015 ([7]) et dont le dispositif renvoie à un texte réglementaire ou qui doivent faire l’objet d’un commentaire de la part de l’administration.
D’un point de vue méthodologique, il convient de rappeler que chaque disposition fiscale correspond à une unité cohérente et ne recouvre pas nécessairement la notion d’article de loi de finances ni celle d’article codifié. Une même disposition peut inclure plusieurs articles de loi de finances, de même que, plus souvent, un même article de loi de finances comprend plusieurs dispositions fiscales exigeant chacune un texte d’application spécifique. Le décompte des dispositions est réalisé sur la base de la classification retenue par l’administration fiscale dans les tableaux retraçant l’état d’application de chacune des lois de finances adoptées depuis la loi de finances pour 2015. Ces tableaux sont présentés à l’annexe 1.
Les dispositions listées comme « en attente d’un texte d’application » sont celles pour lesquelles le texte réglementaire n’a pas été publié, ainsi que celles pour lesquelles l’administration a indiqué que leur application nécessitait une instruction, lorsque celle-ci n’a pas été publiée. Les dispositions listées comme « ayant fait l’objet d’un texte d’application » correspondent à celles qui sont pleinement applicables.
Sur les 463 dispositions prises en compte par le présent rapport, correspondant à l’ensemble des lois de finances initiales ou rectificatives adoptées depuis la loi de finances pour 2015, 146 d’entre elles, soit une proportion de 31 %, demeuraient en attente d’un texte d’application au 30 juin 2018.
Ce chiffre traduit une certaine dégradation par rapport au ratio retenu dans le dernier RALF. Cette dégradation résulte de deux éléments d’inégale importance :
– le Rapporteur général a décidé, à compter de cette année, d’exclure de ce ratio les textes adoptés entre 2012 et la fin de l’année 2014, dont la mise en application avait atteint 100 % ;
– la loi de finances pour 2018, particulièrement importante et volumineuse, riche en réformes de grande ampleur, pèse sur le ratio de mise en œuvre. Il convient toutefois de souligner que les informations transmises par l’administration fiscale ne permettent pas d’identifier, pour cette seule loi de finances 2018, les dispositions nécessitant véritablement une mesure d’application, ce qui peut, en partie, expliquer ce faible ratio.
État de l’application des dispositions fiscales devant faire l’objet d’un texte d’application et/ou d’un commentaire au 30 juin 2018
|
Textes |
Nombre d’articles ou de dispositions pris en compte |
Ayant fait l’objet d’un texte d’application (A) |
En attente d’un texte d’application (B) |
Part des dispositions pleinement applicables au 30 juin 2018 |
|
LFI 2015 |
45 dispositions |
44 |
1 |
98 % |
|
LFR 2014-2 |
53 dispositions |
52 |
1 |
98 % |
|
LFI 2016 |
61 dispositions |
57 |
4 |
93 % |
|
LFR 2015 |
54 dispositions |
47 |
7 |
87 % |
|
LFI 2017 |
68 dispositions |
62 |
6 |
91 % |
|
LFR 2016 |
68 dispositions |
46 |
22 |
68 % |
|
LFI 2018 |
97 dispositions |
6 |
91 |
6 % |
|
LFR 2017 |
17 dispositions |
3 |
14 |
18 % |
|
TOTAL |
463 dispositions |
317 |
146 |
68 % |
Source : commission des finances.
II. LES DISPOSITIONS FISCALES ADOPTÉES DANS DES TEXTES AUTRES QUE DES LOIS DE FINANCES en 2017
Pour la première fois, dans le cadre du RALF de l’année 2016, il a été réalisé un bilan de l’ensemble des mesures fiscales adoptées non seulement dans les lois de finances mais également dans le cadre de lois « ordinaires » ou par voie d’ordonnance, sur la dernière année complète connue (soit l’année 2015).
D’après ce rapport, 23 dispositions de nature fiscale avaient été adoptées au cours de l’année 2015 dans différents projets de loi n’étant pas des lois de finances.
L’année 2015 était certainement exceptionnelle du fait de l’adoption de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ([8]), qui comportait à elle seule 10 mesures fiscales soit près de 43 % des mesures fiscales prises hors loi de finances.
Plusieurs de ces mesures (relatives, par exemple, à la fiscalité des actions gratuites ou des bons de souscriptions de parts de créateurs d’entreprises, aux ajustements des dispositifs « Madelin » ou « ISF-PME ») avaient d’ailleurs fait l’objet d’un travail particulier de notre commission qui avait suivi de près l’élaboration de ce projet de loi.
Outre ces mesures législatives, 10 ordonnances promulguées en 2015 incluaient des dispositions fiscales.
Par comparaison avec la seule année 2016, l’année 2017 se caractérise, par une inflation préoccupante des mesures fiscales prises en dehors des lois de finances :
– 45 mesures fiscales ont été adoptées dans des lois dites « ordinaires » ;
– 6 mesures fiscales ont été adoptées par voie d’ordonnances.
Au total, c’est donc l’équivalent d’une loi de finances rectificative – du moins en nombre de mesures – qui a été adopté en dehors de la supervision de la commission des finances, ce dont le Rapporteur général ne saurait se réjouir pour une année dont le nombre de mois de session parlementaire était réduit par rapport à une année sans scrutins nationaux. La liste de ces mesures figure à l’annexe 2.
S’agissant des mesures prises en loi « ordinaire », on notera plus particulièrement :
– les lois organiques et ordinaires pour la confiance dans la vie politique ([9]) contenant 11 mesures fiscales relatives, pour l’essentiel, au renforcement de la transparence concernant la situation fiscale des élus. L’examen de ces dispositions en cohérence avec les autres dispositions du texte peut paraître logique ;
– la loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété ([10]) prévoyant des exonérations de droits de transmission en Corse (3 mesures) par ailleurs déjà partiellement censurées par le Conseil constitutionnel. L’examen de ces dispositions en loi ordinaire est d’autant moins justifié que les dispositifs prorogés par cette loi sont, pour l’essentiel, issus d’amendements de la commission des finances ;
– la loi du 1er mars 2017 ([11]) contenant une mesure relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal et du potentiel fiscal agrégé des communautés d’agglomération. Issue d’une proposition de loi de notre collègue Dominique Lefebvre, cette loi visait à corriger les effets d’une mesure de la loi de finances rectificative pour 2016 sur les finances des communautés d’agglomération issues d’un syndicat d’agglomération nouvelle. Il y avait donc une certaine urgence à corriger ces effets avant le changement de législature ;
– la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain ([12]) (4 mesures), qui auraient toutes pu être examinées dans le cadre d’une loi de finances ;
– la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique ([13]) (23 mesures) concentrant certainement l’essentiel de l’impact budgétaire des mesures fiscales prises hors loi de finances en 2017, puisque la loi comporte des mesures comme la minoration de 60 % de la valeur locative des biens situés à Mayotte ou le relèvement du seuil de chiffre d’affaires des micro-entreprises ;
– la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ([14]), dont les deux mesures fiscales auraient également pu être examinées à l’automne précédent compte tenu de l’imbrication des calendriers d’examen de ce projet de loi et du projet de loi de finances pour 2017.
III. Les verrous à lever en vue d’une amélioration du travail d’évaluation du parlement
La préparation du présent RALF ainsi que le contrôle sur place opéré le 5 juillet dernier ont été l’occasion d’identifier certains verrous à lever en vue d’approfondir le travail d’évaluation des prélèvements obligatoires de notre commission des finances.
A. les efforts de l’administration fiscale pour mieux répondre aux demandes des parlementaires
Lors de ce contrôle sur place, l’administration fiscale a mis en avant le nombre très important et croissant des questions parlementaires à traiter, auquel les 169 questions préparées en vue du présent RALF se sont évidemment ajoutées.
Une recherche simple dans la base des questions posées par les députés depuis le début de la présente législature, à partir du mot « impôts » donne un résultat de 1 055 questions dont :
– 18 questions posées oralement. Certaines de ces questions se rattachent clairement au travail d’évaluation porté par le présent rapport : à titre d’exemple, notre collègue Denis Masséglia a posé le 16 janvier 2018 une question concernant l’optimisation des grands groupes étrangers en Europe ([15]), tandis que notre collègue Jean Terlier posait le 5 juin dernier une question sur les conditions d’attribution de la demi-part fiscale aux veuves d’anciens combattants ;
– 957 questions écrites couvrant de nombreux aspects de notre fiscalité.
Par comparaison, une requête similaire dans le moteur de recherche du Sénat fait état de 272 questions, dont 173 ayant reçu une réponse.
Ces recherches dans les bases de l’Assemblée nationale et du Sénat ne retracent pas les questions qui peuvent être posées directement par les parlementaires.
Il semblerait donc opportun de rationaliser le circuit des questions envoyées à l’administration fiscale, en particulier lorsqu’elles sont liées à des sujets qui entrent dans le champ du RALF.
Cette rationalisation est d’autant plus importante que, au cours du contrôle sur place, une possible réforme du circuit de traitement des questions parlementaire au sein de Bercy a été évoquée par le cabinet du ministre de l’économie et des finances.
Alors que ces questions sont traitées, pour l’instant, par le service qui en a été saisi, le projet serait de les centraliser à un service spécifique. Cette centralisation, à condition de ne pas se traduire par un allongement excessif des délais de réponse, permettrait de mieux gérer les priorités qui doivent être établies entre les différents questionnaires.
Cette centralisation permettra d’alléger la charge de travail pesant sur le cabinet du ministre de l’économie et des finances.
À cet égard, le Rapporteur général tient à souligner les difficultés qui résultent, pour les ministères rattachés à Bercy, d’un plafonnement uniforme du nombre de conseillers de cabinet ministériel.
En effet, le décret n° 2017-1063 du 18 mai 2017 relatif aux cabinets ministériels prévoit un plafonnement uniforme à :
– 10 membres pour le cabinet d’un ministre ;
– 8 membres pour un ministre délégué ;
– 5 membres pour un secrétaire d’État
Si l’on ne peut que souscrire à l’objectif de rationalisation de la dépense publique visé par ce plafonnement, il semble évident que l’ampleur des réformes menées (et à mener) dans les domaines budgétaires et des prélèvements obligatoires nécessite certainement une application plus souple de ce principe.
En l’état, ce plafonnement ne s’applique pas au Premier ministre (62 membres) ni au ministre d’État en charge de la transition écologique et solidaire (20 membres) ([16]).
Compte tenu de l’ampleur des réformes à mener dans les domaines budgétaires et fiscaux et du travail d’évaluation que supposent ces réformes, il ne serait pas totalement incompréhensible que le cabinet du ministre de l’économie et des finances soit aussi étoffé que celui du ministre d’État en charge de la transition écologique et solidaire.
À défaut, il existe un risque réel de voir les services administratifs de Bercy se substituer au pouvoir politique et prendre le contrôle des décisions politiques prises dans les domaines budgétaires et fiscaux.
B. la culture de l’Évaluation doit aussi être dÉveloppÉe du côtÉ de l’exÉcutif
Lors du contrôle sur place, il est apparu que de nombreuses questions n’ont pas pu obtenir les réponses escomptées, faute de données disponibles sur l’impact réel des réformes votées.
Si cette lacune provient, dans de nombreux cas, du fait que les réformes ont été adoptées depuis trop peu de temps pour pouvoir être matériellement évaluées, il apparaît également qu’elle résulte dans de nombreux cas de l’absence totale de données disponibles.
Il serait possible d’en déduire que l’administration fiscale ne s’est pas donné les moyens d’évaluer les retombées réelles de certaines réformes récentes : si le Parlement et sa commission des finances s’engagent résolument dans une amélioration de l’évaluation ex post des réformes, il est également important que l’administration fiscale opère un tel basculement.
À titre d’exemple, l’absence de données disponibles a constitué la réponse aux questions suivantes :
– mesure de l’impact des allégements de charges sur la réserve de participation ;
– évaluation du nombre d’entreprises créées au sein des bassins urbains à dynamiser (BUD) ;
– évaluation de l’emploi créé au sein des bassins d’emploi à redynamiser (BER) ;
– nombre d’établissements publics de coopération culturelle concernés par l’article 88 de la loi de finances pour 2018, c’est-à-dire par une exonération de taxe sur les salaires ;
– nombre de groupements de coopération sanitaire et de coopération sociale et médico-sociale concernés par la même mesure ;
– impact du taux réduit de TVA pour les parcs zoologiques ;
– ventilation de la dépense fiscale par catégorie de dépense imputable pour certains crédits d’impôt en faveur du cinéma et de l’audiovisuel ;
– assiette et produit du droit de partage et de licitation, et part de cette assiette et de ce produit provenant des biens immobiliers.
Le Rapporteur général appelle, par conséquent, l’administration fiscale à développer ses outils d’évaluation ex post des mesures votées.
— 1 —
Partie II :
Les dépenses fiscales en faveur de la culture
et de l’audiovisuel
L’article 19 de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([17]) a prévu la prorogation pour une année (du 31 décembre 2018 au 31 décembre 2019) du crédit d’impôt sur les sociétés, encadré par l’article 220 octies du CGI, destiné à soutenir en France la production d’œuvres phonographiques de jeunes talents musicaux.
Issu de l’adoption de deux amendements identiques ([18]) à l’Assemblée nationale en première lecture – prévoyant initialement une prorogation jusqu’au 31 décembre 2021 –, le dispositif initial a été rectifié afin de limiter cette prorogation à une année.
En effet, plusieurs membres de la commission des finances, sans remettre en cause l’opportunité de proroger ce dispositif en particulier, ont regretté que celui-ci, de même que l’ensemble des dépenses fiscales en faveur de la culture et de l’audiovisuel, ne fasse pas l’objet d’une évaluation d’ensemble préalablement à toute prorogation ou à tout élargissement.
Ce besoin d’évaluation, qui constitue l’axe de travail principal du présent rapport, n’a pas nécessairement été bien compris à l’automne dernier par les professionnels du secteur intéressés, pour qui cette prorogation était considérée comme acquise.
La présente partie du RALF a donc pour objet de procéder à cette évaluation, en vue de laquelle le Rapporteur général a procédé à une vingtaine d’auditions.
Cette évaluation ne saurait être entamée sans un constat préalable lucide, un discours de la méthode, sur l’une des raisons principales ayant conduit à ce manque d’évaluation par le Parlement : dans la très grande majorité des cas, les sept dépenses fiscales entrant dans le champ de la présente étude ont été créées ou élargies par amendements n’ayant pas fait l’objet d’une véritable étude d’impact ni évaluation préalable :
– depuis 2004, date de la création du premier crédit d’impôt dit « cinéma », ces dépenses fiscales ont fait l’objet de 35 articles différents, soit en moyenne 2,5 articles par an ; ces mesures ont toutes été prises en loi de finances, à l’exception notable des articles créant les crédits d’impôt dits « phonographique » et « jeux vidéo » ;
– sur ces 35 articles, 31 résultent de l’adoption d’amendements : à près de 90 %, ces mesures ont donc été adoptées sans évaluation préalable. Ce ratio pourrait faire honneur à l’initiative parlementaire mais il convient de souligner que cinq de ces amendements sont d’origine gouvernementale (près de 15 % de l’ensemble), sachant que certains amendements parlementaires ont parfois été actés en amont par le Gouvernement avec les professionnels concernés ou préparés par ce premier ;
– il convient, enfin ; de souligner que ces dispositifs ont été adoptés, dans cinq cas, avec un avis défavorable de la commission des finances ;
– l’un de ces dispositifs, relatif à la dernière augmentation du taux de la réduction d’impôt pour la souscription au capital des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA), a été adopté en première partie de la loi de finances pour 2017 ([19]) ; ce placement le rendant automatiquement applicable à l’impôt sur le revenu de cette année 2017 – ce qui constitue en pratique une « petite rétroactivité » que le législateur tend généralement à éviter –, le dispositif a mécaniquement créé un pur effet d’aubaine pour les souscripteurs qui avaient, à la date de promulgation de cette loi, déjà opéré leurs investissements.
Cette absence d’évaluation d’ensemble de ces dépenses fiscales est corrélée avec une augmentation importante de leur montant total, retracé dans le graphique ci-dessous.
LES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DU CINÉMA, DE L’AUDIOVISUEL,
DE LA MUSIQUE, DES JEUX VIDÉO ET DU SPECTACLE VIVANT
(en millions d’euros)
Source : tomes 2 des fascicules Évaluations des voies et moyens associés aux projets de loi de finances de 2009 à 2018. Les chiffres de l’année 2018 constituent donc une prévision, ce qui explique la différence avec les montants parfois évoqués dans la suite du rapport résultant d’évaluations plus récentes.
L’augmentation est particulièrement importante entre 2016 et 2018 (+ 107 %) ; il convient de souligner qu’elle résulte de mesures votées à la fin de la précédente législature, aucun élargissement n’ayant encore été voté sous la présente législature.
L’essentiel de cette augmentation provient des crédits d’impôts cinéma national et international (+ 111 % entre 2016 et 2018, soit 91 % de l’augmentation de l’ensemble des crédits d’impôts sur cette période).
les dépenses fiscales visées par la présente évaluation
(en millions d’euros)
|
N° dépense |
Dénomination |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
|
320121 |
Crédit d’impôt (IS) national « cinéma » |
58 |
54 |
51 |
66 |
58 |
121 |
121 |
|
|
Nb d’entreprises |
114 |
nd |
nd |
nd |
nd |
– |
– |
|
320140 |
Crédit d’impôt (IS) cinéma international |
9 |
2 |
20 |
12 |
19 |
40 |
46 |
|
|
Nb d’entreprises |
12 |
6 |
33 |
19 |
21 |
– |
– |
|
320129 |
Crédit d’impôt (IS) national « audiovisuel » |
51 |
56 |
57 |
61 |
54 |
126 |
126 |
|
|
Nb d’entreprises |
174 |
nd |
nd |
nd |
nd |
– |
– |
|
110244 |
Réduction d’impôt (IR) pour les souscriptions au capital des SOFICA |
25 |
21 |
20 |
21 |
21 |
21 |
28 |
|
|
Nb de ménages |
6 780 |
6 720 |
6 408 |
6 790 |
6 827 |
– |
– |
|
320128 |
Crédit d’impôt (IS) pour la production phonographique |
6 |
6 |
10 |
8 |
9 |
8 |
8 |
|
|
Nb d’entreprises |
40 |
115 |
100 |
94 |
128 |
– |
– |
|
320142 |
Crédit d’impôt (IS) spectacle vivant |
– |
– |
– |
– |
– |
2 |
6 |
|
|
Nb d’entreprises |
– |
– |
– |
– |
0 |
– |
– |
|
320135 |
Crédit d’impôt (IS) pour les entreprises de création de jeux vidéo |
7 |
5 |
5 |
6 |
11 |
14 |
21 |
|
|
Nb d’entreprises |
18 |
19 |
21 |
20 |
22 |
– |
– |
|
TOTAL |
156 |
144 |
163 |
174 |
172 |
332 |
356 |
|
Source : tomes 2 des fascicules Évaluations des voies et moyens associés aux projets de loi de finances de 2009 à 2018. Il a volontairement été mis en évidence le fait que le nombre d’entreprises bénéficiaires n’est pas renseigné pour les deux plus grosses dépenses fiscales.
Dans un souci de cohérence, il a été décidé de n’inclure dans la présente évaluation que des dépenses fiscales (soit six crédits d’impôt sur les sociétés et une réduction d’impôt sur le revenu), se présentant comme des mesures sectorielles rattachables au secteur de l’audiovisuel au sens large (cinéma, production audiovisuelle) et de la culture (production musicale, jeux vidéo, spectacle vivant).
Les dépenses fiscales rattachables au secteur de la culture mais non sectorielles ont volontairement été laissées de côté (mécénat) de même, faute de pouvoir obtenir les informations nécessaires, que les dispositifs généraux qui pourraient éventuellement être cumulés avec les présentes dépenses fiscales (crédit d’impôt recherche, réduction d’impôt « Madelin » ou ISF-PME avant sa suppression).
Les évolutions juridiques des dépenses fiscales « cinéma » et « audiovisuel »
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Crédit d’impôt cinéma « national » et audiovisuel |
Crédit d’impôt cinéma « international » |
Réduction d’IR SOFICA (1) |
|
Art. 88 LFI 2004 (amendement du Gouvernement) – Création du dispositif : le taux est fixé à 20 % et le plafond est de 500 000 euros pour une œuvre de fiction et de 750 000 euros pour une œuvre d’animation – Application aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2004 |
Art. 131 LFI 2009 (amendement de M. Dominati) – Création du dispositif, avec un taux à 20 % et un plafond de 4 millions d’euros – Entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2010 avec application aux dépenses depuis le 1er janvier 2009 (jusqu’au 31 décembre 2012) |
Art. 102 LFR 2006 (article du projet de loi initial) – Création du dispositif : réduction d’impôt sur le revenu de 40 % dans la limite de 25 % du revenu global et de 18 000 euros, et un taux majoré de 48 % en cas de souscription rapide – Entrée en vigueur pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2006 (petite rétroactivité) |
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Art. 48 LFR 2004 (amendement du Gouvernement) – Création d’un volet spécifique pour les œuvres audiovisuelles (plafond par minute produite) – Plafond d’un million d’euros pour le cinéma |
||
|
Art. 24 LFI 2006 (amendement de M. Martin-Lalande) – Prise en compte des dépenses exposées à la date de réception de la demande d’agrément par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)
Art. 109 LFR 2005 (amendement de M. Philippe Marini) – Refonte du dispositif – Entrée en vigueur au 1er janvier 2006 |
Art. 34 LFR 2012-3 (amendement de MM. Muet et Bloche) – Prise en compte des dépenses d’hébergement – Le plafond du crédit est porté de 4 à 10 millions d’euros – Entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2014
Art. 72 LFI 2013 (amendement du Gouvernement) – Prorogation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2016 |
Art. 87 LFR 2008 (amendement de MM. Herbillon et Martin-Lalande) – Prorogation de la réduction d’impôt de 2008 à 2011 |
|
Art. 33 LFR 2012-3 (amendement de MM. Muet et Bloche) – Abaissement de 2 333 à 2 000 euros par minute produite du seuil d’éligibilité pour les documentaires – Prise en compte des dépenses de transport, de restauration et d’hébergement – Le plafond est porté d’un à 4 millions d’euros – Dans le domaine audiovisuel, le plafond par minute produite est porté à 1 250 euros pour la fiction, 1 150 euros pour un documentaire et 1 300 euros pour l’animation. Un plafond de 5 000 euros par minute est prévu dans le cadre d’une coproduction internationale |
Art. 23 LFI 2014 (amendement de MM. Bloche et Lefebvre avec un avis défavorable de la commission des finances) – Le plafond est porté de 10 à 20 millions d’euros – Entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2015 |
Art. 9 LFI 2012 (amendement de M. Kert) – Prorogation de la réduction d’impôt de 2011 à 2014 |
|
Art. 38 LFR 2013-1 (amendement du Gouvernement avec un avis défavorable de la commission des finances) – Le taux est porté à 30 % pour les œuvres de moins de 4 millions d’euros – Application aux crédits d’impôts ouverts à compter du 1er janvier 2014 |
Art. 77 LFR 2014-2 (amendement de M. Beffara) – Le taux est porté de 20 % à 30 % – Le plafond est porté de 20 à 30 millions d’euros – Application aux crédits d’impôts ouverts à compter du 1er janvier 2016
Art. 91 LFR 2014-2 (amendement du Gouvernement) – Pour les œuvres dont les dépenses éligibles sont inférieures à 2 millions d’euros, l’aide ne doit pas dépasser 50 % du budget de production (mise en conformité européenne) |
Art. 72 LFI 2015 (amendement de MM. André et Rogemont) – Prorogation de la réduction d’impôt de 2014 à 2017 |
|
Art. 77 LFR 2014-2 (amendement de M. Beffara) – Le taux est porté à 25 % pour les œuvres d’animation et à 30 % pour les œuvres de moins de 7 millions d’euros – Le plafond par minute produite (pour les seules œuvres audiovisuelles) est porté de 1 300 à 3 000 euros pour les œuvres d’animation – Application aux crédits d’impôts ouverts à compter du 1er janvier 2016 |
||
|
Art. 111 LFI 2016 (projet de loi initial) – Les œuvres d’animation et certains films de fiction à fort effet visuel (assimilables à des œuvres d’animation) sont rendus éligibles au crédit d’impôt cinéma alors même qu’elles ne sont pas réalisées en langue française – Les œuvres cinématographiques « pour lesquelles l’emploi d’une langue étrangère est justifié pour des raisons artistiques tenant au scénario » sont rendues éligibles au crédit d’impôt – Le taux du crédit d’impôt est porté à 30 % pour les œuvres d’animation et pour les autres œuvres réalisées principalement en français – La somme des crédits d’impôts qui peuvent être versés à une même œuvre cinématographique est portée de 4 à 30 millions d’euros – Application aux crédits d’impôts ouverts à compter du 1er janvier 2016 |
Art. 20 LFI 2017 (amendement de MM. Bloche et Le Roux) – Prorogation du dispositif jusqu’au 31 décembre 2019 |
Art. 8 LFI 2017 (amendement de Mmes Rabault et Berger) – Création d’un taux renforcé de 48 % en cas d’investissement de 10 % du capital de la SOFICA, dans un délai d’un an à compter de la création de la société, dans la production de séries ou dans un contrat portant sur les droits d’une œuvre à l’étranger – Le dispositif étant placé en première partie de la loi de finances, il s’est appliqué dès le 1er janvier 2017 aux investissements déjà réalisés en 2016 |
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Art. 76 LFI 2018 (amendement de Mme Dumas) – Prorogation de la réduction d’impôt du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2020 – Aménagement des amendes en cas de non-respect des conditions d’investissement par la SOFICA |
LFI : loi de finances initiale.
LFR : loi de finances rectificative.
(1) Le présent tableau ne présente pas l’évolution des taux de la réduction d’impôt « SOFICA » résultant des réductions homothétiques des niches fiscales adoptée en 2011 et 2012, dont le détail est présenté infra dans la partie spécifiquement consacrée à ce dispositif.
Source : Légifrance.
Les évolutions juridiques des crédits d’impôts « phonographique », « spectacle vivant » et « jeux vidéo »
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Crédit d’impôt |
Crédit d’impôt |
Crédit d’impôt |
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Art. 36 de la loi 1er août 2006 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (amendement de M. Martin-Lalande) – Création du dispositif jusqu’en 2009 avec un taux de 20 % des dépenses éligibles – Le montant total des dépenses éligibles est fixé à 2,3 millions d’euros par entreprise et par exercice – La somme des crédits d’impôts ne peut dépasser 500 000 euros par entreprise et par exercice – Applicable aux œuvres agréées à compter du 1er janvier 2006 (petite rétroactivité) |
Art. 37 de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (amendement de M. Ollier) – Création du dispositif pour les jeux dont le coût de développement est supérieur à 150 000 euros et dont 50 % du budget est affecté aux dépenses artistiques – Crédit d’impôt de 20 % des dépenses éligibles – Plafonnement à 3 millions d’euros par entreprise et par exercice |
|
|
Art. 51 LFR 2007 (amendement de M. Chartier) – Clarification du champ géographique du crédit d’impôt s’agissant des dépenses sous-traitées – Assouplissement de la condition d’utilisation du français (élargissement à l’Europe), prise en compte des dépenses de personnel permanent – Plafond porté à 700 000 euros ou 1,1 million d’euros pour les entreprises dont l’effectif est stable et dont les ventes augmentent de 3 % sur un exercice – Renforcement d’une décote de 20 à 70 % sur les dépenses (pour les entreprises autres que les PME) prises en compte dans le crédit d’impôt |
Art. 91 de la LFR 2007 (amendement de MM. Valade, de Broissia et Dallier, adopté en séance publique au Sénat) – Clarification des critères culturels à respecter pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt – Clarification des dépenses de fonctionnement prises en compte – Prise en compte des dépenses de sous-traitance dans la limite d’un million d’euros |
|
|
Art. 56 LFI 2009 (amendement de M. Marini) – Prise en compte annuelle des dépenses imputables et non album par album – Assouplissement de la condition d’utilisation du français |
|
|
|
Art. 51 LFR 2009 (amendement de M. Thiollière) – Prorogation jusqu’au 31 décembre 2012 |
|
|
|
Art. 28 LFI 2013 (amendement du Gouvernement) – Prorogation jusqu’en 2015 – Taux renforcé de 30 % pour les PME – Plafond global fixé à 800 000 euros par entreprise et par exercice |
Art. 25 de la LFR 2013 (article du projet de loi initial) – Allongement du délai d’imputation des dépenses (entre l’agrément provisoire et définitif) pour les jeux les plus importants (dits « AAA »)
Art. 27 et 28 de la LFR 2013 (amendements de MM. Feltesse et Thévenoud ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances) – Abaissement du seuil d’éligibilité au crédit d’impôt de 150 000 euros est à 100 000 euros – Prise en compte des dépenses salariales des personnels techniques et administratifs – Les jeux pour adultes ouvrent droit au crédit d’impôt dès lors que leur contribution au développement et à la diversité de la création française est significative |
|
|
Art. 50 LFR 2014 (article du projet de loi initial) – Prorogation jusqu’en 2018 – Taux abaissé de 20 à 15 % sauf pour les PME (taux de 30 % maintenu) ; en contrepartie le mécanisme de décote est supprimé – La rémunération des dirigeants est prise en compte dans les dépenses éligibles – le plafond global est remonté de 800 000 à 1,1 million d’euros |
|
Création du dispositif par l’art. 113 de la LFI 2016 (amendement de M. Muet) – Taux de 15 % des dépenses éligibles – Montant des dépenses éligibles plafonné à 500 000 euros par spectacle – Plafond de 750 000 euros par entreprise et par exercice |
|
Art. 19 LFR 2017 (amendement du groupe LREM) – Prorogation du dispositif jusqu’à la fin de l’année 2019 |
Art.79 LFI 2017 (amendement de M. Beffara ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement) – Taux relevé de 20 à 30 % – Plafond relevé de 3 à 6 millions d’euros – Application aux crédits calculés à compter du 1er janvier 2017 Art. 80 LFI 2017 (amendement de M. Beffara ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement) – Plafond des dépenses de production confiées à des sous-traitants passe de 1 à 2 millions d’euros – Application aux crédits calculés à compter du 1er janvier 2017 |
|
I. les crédits d’impôt cinéma et audiovisuel national et international
Ces deux crédits d’impôts, codifiés respectivement aux articles 220 sexies et 220 quaterdecies du CGI, représentent la part la plus importante de l’ensemble des dépenses fiscales visées par la présente étude.
LES CRÉDITS D’IMPÔTS sur les sociétés en faveur du cinéma
et de l’audiovisuel
(en millions d’euros)
|
N° dépense |
Dénomination |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
|
320121 |
Crédit d’impôt (IS) national « cinéma » |
58 |
54 |
51 |
66 |
58 |
121 |
121 |
|
320140 |
Crédit d’impôt (IS) cinéma international |
9 |
2 |
20 |
12 |
19 |
40 |
46 |
|
320129 |
Crédit d’impôt (IS) national « audiovisuel » |
51 |
56 |
57 |
61 |
54 |
126 |
126 |
|
Total |
118 |
112 |
128 |
139 |
131 |
287 |
293 |
|
|
Pourcentage du total des dépenses fiscales de la présente évaluation |
76 % |
78 % |
79 % |
80 % |
76 % |
86 % |
82 % |
|
Source : tomes 2 des fascicules Évaluations des voies et moyens associés aux projets de loi de finances de 2013 à 2018.
S’ils font l’objet de deux articles codifiés, ces dispositifs sont généralement évalués en décomposant les trois volets exposés dans le tableau ci-dessus, le crédit d’impôt « national » s’appliquant selon des modalités différentes d’une part aux œuvres cinématographiques (films) et d’autre part aux œuvres audiovisuelles (séries, documentaires, etc.).
Le crédit d’impôt international s’applique pour sa part à ces deux catégories d’œuvres selon les mêmes modalités.
A. Les précédentes évaluations
1. Une évaluation encourageante du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de 2011
Ces trois dispositifs ont fait l’objet d’une analyse dans le cadre du rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 ([20]).
Le crédit d’impôt national cinéma a reçu une note de 2 sur 3, sur la base d’une dépense qui était à l’époque de 45 millions d’euros (au lieu de 121 millions d’euros aujourd’hui).
Le comité a souligné la lisibilité du dispositif, la qualité de son application sous le contrôle du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et le fait qu’il atteint son objectif principal, à savoir la localisation en France de la production cinématographique : la part des jours de tournage en France pour les films de fiction aurait augmenté de 61 % en 2003 à 75 % en 2009. Les dépenses effectuées en France auraient doublé sur la même période. Enfin, le maintien de l’emploi du secteur serait un signe d’efficacité du dispositif.
Le crédit d’impôt national audiovisuel a reçu une note de 2 sur 3, sur la base d’une dépense de 50 millions d’euros (126 millions d’euros aujourd’hui).
Il serait également lisible et d’application homogène par le CNC. Selon cette évaluation, la part des dépenses de tournage en France a progressé de 9,8 % entre 2005 et 2009. L’emploi du secteur aurait augmenté de 16 % entre 2004 et 2008, et de 19,7 % pour l’emploi permanent même s’il est noté que « le lien direct entre ce crédit d’impôt et la création d’emplois ne peut toutefois pas être démontré ».
Le crédit d’impôt cinéma international n’a pas fait l’objet d’une notation ; pleinement applicable à compter du 1er janvier 2010, il était probablement trop tôt pour l’évaluer.
2. Un jugement plus mesuré de la Cour des comptes en 2014
Ces trois dispositifs ont fait l’objet d’une analyse nettement plus poussée dans le cadre d’un rapport public thématique de la Cour des comptes ([21]) en 2014, dont le champ s’étend à l’ensemble des soutiens publics à la production cinématographique et audiovisuelle.
Les conclusions de cette analyse sont plus contrastées que celles du comité d’évaluation des dépenses fiscales :
– la Cour des comptes souligne en premier lieu que les dispositifs de soutien au cinéma et à l’audiovisuel, dont les crédits d’impôts ne constituent qu’une petite partie, enregistrent une expansion continue depuis plusieurs années (+ 88 % entre 2002 et 2012) ;
– analysant plus particulièrement les soutiens à la production cinématographique, la Cour met en lumière un modèle « original » mais « sous tension ». Les montants investis sont en effet passés d’environ 700 millions d’euros en 2002 à 1,1 milliard d’euros en 2012.
Cette augmentation s’est traduite par une augmentation du nombre de films produits, la France faisant figure à cet égard de singularité mondiale juste après les États-Unis. Les perspectives d’exposition d’une part importante des films français sont toutefois relativement restreintes, la Cour évoquant une part stable de 50 à 60 % de films français réalisant moins de 50 000 entrées en salle.
La Cour souligne, par ailleurs, le fait que ces dispositifs ont certainement entraîné une inflation des coûts de production, notamment les rémunérations des artistes et les coûts de distribution, tandis que la rentabilité des SOFICA aurait tendance à se dégrader ;
– dans le domaine de la production audiovisuelle, le constat de la Cour des comptes est beaucoup plus mitigé, les performances étant « sans rapport avec les montants investis ».
Si les soutiens publics à cette production sont également très importants en France, la Cour déplore une baisse de la performance de la fiction française par rapport aux fictions étrangères, une progression de la production de documentaires sans rapport avec l’audience prévisible et une rigueur insuffisante des commandes de l’audiovisuel public.
Il convient toutefois de souligner d’emblée que ces analyses de la Cour des comptes de 2014 s’appliquaient à un secteur qui a connu, depuis cette date, un bouleversement profond ; avec l’apparition de médias comme Netflix dont l’audience est en grande partie fondée sur la diffusion de séries.
B. Les crédits d’impôts en faveur du cinéma et de l’audiovisuel ne représentent qu’une part limitée des soutiens publics à ces secteurs
Les soutiens publics en faveur du cinéma et de l’audiovisuel sont actuellement de quatre ordres :
– les dépenses fiscales dont bénéficient les entreprises de production, auxquelles il faut ajouter dépense fiscale dite « SOFICA » qui bénéficie non pas à l’entreprise de production mais aux personnes investissant au capital des sociétés de financement du cinéma ;
– les aides directes qui regroupent par ailleurs les aides versées par le CNC mais aussi par les collectivités territoriales ;
– les dotations du CNC permettent de financer un fonds de garantie géré par l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) ;
– une part importante des investissements dans le cinéma et l’audiovisuel résulte des obligations pesant à la fois sur les chaînes privées et les chaînes publiques.
Au total, une part importante des investissements dans le cinéma provient directement de la puissance publique ou bénéficie indirectement de son soutien.
Les soutiens publics au financement du cinéma et de l’audiovisuel
(en millions d’euros)
|
Aides |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Soutiens du CNC |
466,2 |
596,5 |
614,5 |
617,8 |
627,5 |
621,6 |
650,5 |
666,8 |
|
Aides régionales |
42,3 |
44,9 |
46,9 |
46,9 |
48,1 |
49,8 |
47,3 |
57,1 |
|
Dépenses fiscales |
140 |
139 |
143 |
133 |
148 |
160 |
152 |
308 |
|
Investissements des chaînes de télévision |
1 229 |
1 304 |
1 292 |
1 267 |
1 247 |
1 249 |
1 244 |
nd |
|
Montants garantis par l’IFCIC |
301,7 |
322 |
283,5 |
295,4 |
273,9 |
339,9 |
407,8 |
368,4 |
|
Total |
2 179,2 |
2 406,4 |
2 379,9 |
2 360,1 |
2 344,5 |
2 420,3 |
2 501,6 |
– |
Source : bilans annuels du CNC, fascicules Évaluations des voies et moyens, réponses au questionnaire du Rapporteur général.
C. Un impact significatif de l’ensemble de ces dispositifs sur la compétitivité du secteur
Le CNC publie chaque année un bilan chiffré des principales tendances de l’année écoulée, qui démontre, quel que soit l’indicateur retenu, la bonne santé du cinéma français malgré un repli conjoncturel en 2014.
1. Les indicateurs relatifs aux œuvres cinématographiques
Parts de marché selon la nationalité des films de long-métrage
(en % des entrées)
|
Films |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Films français |
36,6 |
44,7 |
36,5 |
45,5 |
36,9 |
35,9 |
41,0 |
40,5 |
33,8 |
44,5 |
35,7 |
36,0 |
37,4 |
|
Films américains |
45,9 |
44,3 |
49,3 |
43,4 |
50,0 |
47,9 |
46,2 |
43,0 |
54,0 |
44,9 |
51,2 |
52,9 |
49,2 |
|
Films européens |
15,7 |
8,9 |
12,4 |
9,4 |
9,8 |
14,8 |
10,6 |
13,0 |
7,5 |
5,9 |
9,7 |
9,2 |
10,6 |
|
Allemands |
1,0 |
0,5 |
1,3 |
0,7 |
0,8 |
0,3 |
0,9 |
0,4 |
0,8 |
1,0 |
1,4 |
1,3 |
0,3 |
|
Britanniques |
13,6 |
6,0 |
9,6 |
5,6 |
6,6 |
11,5 |
7,7 |
10,3 |
4,5 |
3,2 |
7,2 |
6,3 |
8,4 |
|
Espagnols |
0,2 |
1,6 |
0,2 |
1,6 |
1,1 |
1,3 |
1,3 |
0,6 |
0,8 |
0,1 |
0,3 |
0,7 |
0,4 |
|
Italiens |
0,4 |
0,3 |
0,1 |
0,6 |
0,2 |
0,3 |
0,2 |
0,4 |
0,1 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
0,2 |
|
Films d’autres nationalités |
1,8 |
2,2 |
1,8 |
1,7 |
3,3 |
1,4 |
2,2 |
3,6 |
4,7 |
4,8 |
3,5 |
1,8 |
2,8 |
|
Total |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
100,0 |
Source : CNC.
Entrées selon la nationalité des films de long métrage
(en millions)
|
Films |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Films français |
63,8 |
83,7 |
64,6 |
85,7 |
73,7 |
73,6 |
88 |
81,4 |
64,6 |
91,2 |
91,4 |
72,1 |
75,1 |
|
Films américains |
80,1 |
83 |
87,1 |
81,7 |
99,7 |
98,2 |
99,1 |
86,3 |
103,1 |
93,3 |
92,3 |
103,5 |
111,0 |
|
Films européens |
27,3 |
16,6 |
21,8 |
17,8 |
19,6 |
30,4 |
22,8 |
26,1 |
14,3 |
11,1 |
12,1 |
19,6 |
19,3 |
|
Allemands |
1,7 |
1,1 |
2,3 |
1,2 |
1,6 |
0,6 |
1,9 |
0,8 |
1,4 |
1,8 |
1,8 |
2,9 |
2,7 |
|
Britanniques |
23,6 |
11,3 |
17,1 |
10,5 |
13,2 |
23,7 |
16,5 |
20,8 |
8,6 |
5,6 |
6,7 |
14,5 |
13,1 |
|
Espagnols |
0,4 |
3,1 |
0,4 |
3,1 |
2,1 |
2,7 |
2,8 |
1,1 |
1,5 |
0,3 |
0,3 |
0,6 |
1,4 |
|
Italiens |
0,7 |
0,5 |
0,2 |
1,1 |
0,4 |
0,6 |
0,5 |
0,8 |
0,3 |
0,3 |
0,3 |
0,4 |
0,2 |
|
Films d’autres nationalités |
3,1 |
4,1 |
3,2 |
3,2 |
6,6 |
2,9 |
4,7 |
7,2 |
8,9 |
9,8 |
9,9 |
7,0 |
4,2 |
|
Total |
174,4 |
187,5 |
176,8 |
188,5 |
199,7 |
205,1 |
214,7 |
201,1 |
191,1 |
205,6 |
205,7 |
202,2 |
209,6 |
Source : CNC.
REcettes selon la nationalité des films pour les longs-métrages
(en millions d’euros)
Source : CNC.
Répartition des recettes selon la nationalité des films de long-métrage
(en pourcentage des recettes totales)
Source : CNC.
Les données relatives au nombre de films français produits doivent être prises avec précaution. S’ils témoignent certainement d’une vitalité globale du secteur, ils peuvent aussi – comme le souligne la Cour des comptes dans son analyse précitée des soutiens en faveur du cinéma et de l’audiovisuel – traduire un foisonnement de films sans réelles perspectives d’exposition.
évolution de la production de films d’initiative française
|
Films |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
|
Films d’initiative française |
185 |
196 |
182 |
203 |
206 |
209 |
208 |
203 |
234 |
221 |
|
– dont films de coproduction |
52 |
51 |
45 |
60 |
55 |
59 |
55 |
51 |
76 |
62 |
|
Films à majorité étrangère |
43 |
44 |
48 |
58 |
65 |
70 |
61 |
55 |
66 |
62 |
|
Total des films agréés |
228 |
240 |
230 |
261 |
271 |
279 |
269 |
258 |
300 |
283 |
Source : CNC.
2. Les indicateurs relatifs à la production audiovisuelle
Dans son rapport précité sur les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle, le CNC estimait de manière relativement tranchée que les soutiens à la production audiovisuelle se traduisent par des « performances sans rapport avec les montants investis » : « les performances globalement peu satisfaisantes de ce secteur d’activité, la détention par le France du plus fort taux d’exposition et d’audience des séries américaines en première partie de soirée et les évolutions de consommation des produits audiovisuels invitent à un réexamen des soutiens publics ».
Force est de constater que le secteur de la production audiovisuelle française a connu un essor significatif, du fait principalement de l’essor des séries dont certaines ont connu un fort succès (Le Bureau des légendes, Versailles, Plus belle la vie, …).
L’évolution des volumes de production audiovisuelle aidés par le CNC met en évidence une certaine stagnation depuis 2012, même si cette évolution globale masque des évolutions contrastées par type de production (fiction, documentaire, animation, spectacle et magazine).
Les secteurs de la fiction et de l’animation enregistrent en effet un dynamisme important depuis plusieurs années, sachant que ces secteurs sont particulièrement structurants pour l’économie du secteur.
Dans une publication consacrée à la production audiovisuelle en 2017, le CNC souligne par ailleurs que le montant des devis dans le domaine de la production d’animation augmente alors que les relocalisations de production en France augmentent de près de 10 % entre 2016 et 2017.
Volume horaire de production de programmes audiovisuels
aidés par le CNC
(en nombre d’heures)
Source : CNC.
Devis de production des programmes audiovisuels aidés par le CNC
(en millions d’euros)
Source : CNC.
3. Les indicateurs relatifs à l’emploi
Les données relatives à l’évolution de l’emploi dans les secteurs de la production audiovisuelle et cinématographique proviennent de l’Observatoire de la production audiovisuelle et cinématographique en Île-de-France, créé par la commission du film de la région d’Île-de-France et le groupe Audiens.
L’évolution de l’emploi dans les secteurs audiovisuel et cinématographique
|
Secteur |
Type de contrat |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
|
Production de films et de programmes pour la télévision |
CDI (1) |
3 801 |
3 934 |
4 187 |
4 240 |
4 625 |
5 222 |
|
CDD (2) |
3 113 |
3 526 |
3 746 |
3 905 |
3 651 |
4 278 |
|
|
CDDU (3) |
64 279 |
73 874 |
68 323 |
70 614 |
71 823 |
70 589 |
|
|
Total |
71 193 |
81 334 |
76 256 |
78 759 |
80 099 |
80 089 |
|
|
Production de films pour le cinéma |
CDI |
2 371 |
2 429 |
2 451 |
2 508 |
2 558 |
2 828 |
|
CDD |
1 626 |
1 733 |
1 564 |
1 777 |
1 769 |
2 281 |
|
|
CDDU |
58 093 |
60 192 |
59 414 |
61 291 |
58 087 |
54 669 |
|
|
Total |
62 090 |
64 354 |
63 429 |
65 576 |
62 414 |
59 778 |
|
|
Post-production de films cinéma, de vidéo et de programmes TV |
CDI |
4 924 |
5 121 |
4 764 |
4 686 |
4 800 |
4 852 |
|
CDD |
1 901 |
1 678 |
1 849 |
1 666 |
1 490 |
1 456 |
|
|
CDDU |
19 256 |
19 928 |
20 368 |
19 679 |
20 310 |
19 861 |
|
|
Total |
26 081 |
26 727 |
26 981 |
26 031 |
26 600 |
26 169 |
|
|
Production de films institutionnels et publicitaires |
CDI |
2 600 |
2 768 |
2 697 |
2 819 |
2 976 |
3 377 |
|
CDD |
2 007 |
1 818 |
1 897 |
2 249 |
2 256 |
3 041 |
|
|
CDDU |
26 463 |
25 979 |
26 825 |
27 386 |
27 853 |
26 888 |
|
|
Total |
31 070 |
30 565 |
31 419 |
32 454 |
33 085 |
33 306 |
|
|
Total production |
CDI |
13 639 |
14 187 |
14 027 |
14 180 |
14 870 |
16 191 |
|
CDD |
8 583 |
8 686 |
9 188 |
9 510 |
9 066 |
10 803 |
|
|
CDDU |
125 572 |
135 548 |
131 429 |
134 152 |
133 797 |
128 508 |
|
|
Total |
147 794 |
158 421 |
154 644 |
157 842 |
157 733 |
155 502 |
(1) CDI : contrat à durée indéterminée.
(2) CDD : contrat à durée déterminée.
(3) CDDU : contrat à durée déterminée d’usage.
Source : CNC.
Les chiffres ci-dessus démontrent une certaine stabilité de l’emploi dans le secteur, avec toutefois un dynamisme certain dans le domaine de production de films et de programmes pour la télévision.
D. L’évaluation de l’impact sectoriel des crédits d’impôt
1. L’intervention publique reste déterminante pour assurer le préfinancement des œuvres cinématographiques et audiovisuelles
Dans son rapport précité de 2014, le Cour des comptes indique que l’intervention publique est déterminante pour sécuriser le préfinancement de l’œuvre et souligne plus particulièrement le rôle du CNC dans cette sécurisation : « Si des dispositifs complémentaires s’y sont par la suite ajoutés, l’intervention du CNC reste centrale, car elle conditionne souvent les autres financements en venant confirmer la faisabilité d’un film vis-à-vis des partenaires potentiels du tour de table. »
Ces aides permettent d’obtenir des « résultats incontestables » : « En orientant un investissement annuel de plusieurs centaines de millions d’euros dans la production cinématographique, le mécanisme des aides publiques et des financements encadrés permet de maintenir un important volume de production nationale. En sécurisant les investissements dans la production, il garantit également la relative autonomie des producteurs indépendants vis-à-vis des diffuseurs et des groupes cinématographiques intégrés. »
Comme a pu le confirmer le cabinet de la ministre de la culture lors d’un entretien consacré à cette évaluation, ce constat reste entièrement pertinent aujourd’hui. L’économie cinématographique et audiovisuelle reste complexe à appréhender pour des investisseurs privés qui peinent à évaluer les risques liés à la production d’un film ou d’une série.
À cet égard, le Rapporteur général souligne également le rôle fondamental joué par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) qui, avec des moyens relativement limités, permet d’associer des investisseurs privés, essentiellement des banques, à la production d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles.
Avec des moyens budgétaires relativement limités, l’IFCIC agit par le biais d’une garantie à l’égard de ces investisseurs privés, en cas de perte.
Le taux de sinistralité étant particulièrement limité, le coût pour les finances publiques est très limité.
Les montants garantis par l’IFCIC
|
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Dotations du CNC aux fonds de garantie de l’IFCIC (en millions d’euros) |
6,9 |
7,4 |
6,0 |
– |
– |
– |
– |
– |
|
Montant total des encours garantis |
359,4 |
380,9 |
343,4 |
354,3 |
333,6 |
405,1 |
479,5 |
452,7 |
|
– dont cinéma et audiovisuel |
301,7 |
322,0 |
283,5 |
295,4 |
273,9 |
339,9 |
407,8 |
368,4 |
|
Taux de sinistralité des fonds de garantie |
0,2% |
– 0,2% |
– 0,2% |
0,4% |
– 0,2% |
– 0,4% |
3,2% |
– 0,2% |
Source : CNC.
2. La part du soutien public est dégressive en fonction du budget de production
Selon une étude du CNC consacrée à la production cinématographique en 2014 ([22]), les soutiens publics (hors SOFICA) représentent 8,9 % du financement des films d’initiative française alors que le financement par les chaînes de télévision représentent 34,6 %.
Selon cette même étude, les soutiens publics (hors SOFICA) représentent :
– 18,1 % du financement des films dont le budget est inférieur à un million d’euros ;
– 16,3 % du financement des films dont le budget est compris entre un et 4 millions d’euros ;
– 6,2 % du financement des films dont le budget est compris entre 4 et 7 millions d’euros ;
– 5,2 % du financement des films dont le budget est supérieur à 7 millions d’euros.
Pour la présente étude, le Rapporteur général a souhaité se concentrer sur les dix œuvres cinématographiques ou audiovisuelles ayant, chaque année, bénéficié du crédit d’impôt « cinéma » le plus important, en évaluant la part spécifique de ces crédits d’impôts dans le budget total.
Il en ressort que la part de soutien public provenant du crédit d’impôt cinéma dans leur budget total a tendance à augmenter alors que la part provenant des aides automatiques du CNC sont en baisse.
Le budget moyen de ces dix films enregistre par ailleurs une augmentation relativement importante entre 2010 et 2017.
Part des soutiens publics dans le budget des dix films ayant bénéficié du plus important crédit d’impôt cinéma
(en millions d’euros)
|
Année |
Budget moyen |
Crédit d’impôt cinéma moyen |
Part du crédit d’impôt dans le budget total |
Soutien automatique moyen |
Part du soutien automatique dans le budget total |
|
2010 |
16,9 |
0,9 |
5,85 % |
2,86 |
16,9 % |
|
2011 |
17,2 |
1 |
5,79 % |
1,2 |
6,4 % |
|
2012 |
20,5 |
1,57 |
7,69 % |
2,1 |
8,1 % |
|
2013 |
14,7 |
1,56 |
10,64 % |
0,93 |
6,32 % |
|
2014 |
11 |
1,2 |
10,92 % |
0,9 |
7,38 % |
|
2015 |
12,3 |
1,4 |
11,47 % |
0,77 |
4,4 % |
|
2016 |
30,8 |
2,99 |
9,73 % |
0,94 |
2,16 % |
|
2017 |
21,4 |
3,58 |
16,73 % |
1,26 |
2,35 % |
Source : CNC.
Le tableau ci-dessus met en évidence le fait que, pour les dix films ayant capté la part la plus important du crédit d’impôt cinéma, celui-ci représente une part de plus en plus importante du budget.
À l’inverse, la part du budget provenant du soutien automatique du CNC est devenue marginale (passant de 16,9 % du budget en 2010 à 2,35 % du budget en 2017).
Sur la période 2010-2017, il y a donc eu un effet de substitution entre la dépense budgétaire et la dépense fiscale.
Sur cette même période, les œuvres audiovisuelles ayant capté la part la plus importante du crédit d’impôt audiovisuel ont enregistré à la fois une augmentation substantielle de leur devis moyen, du montant attribué au titre du crédit d’impôt et au titre du soutien automatique.
De même que pour les œuvres cinématographiques, on constate un effet de substitution entre le soutien automatique du CNC et le crédit d’impôt.
Part des soutiens publics dans le budget des dix productions ayant bénéficié du plus important crédit d’impôt audiovisuel
(en millions d’euros)
|
Année |
Budget moyen |
Crédit d’impôt audiovisuel moyen |
Part du crédit d’impôt dans le budget total |
Soutien automatique moyen |
Part du soutien automatique dans le budget total |
|
2010 |
9,37 |
0,82 |
8,75 % |
1,52 |
16,23 % |
|
2011 |
8,70 |
0,85 |
9,80 % |
1,46 |
16,78 % |
|
2012 |
10,36 |
1,14 |
11,07 % |
2,07 |
20,02 % |
|
2013 |
11,83 |
1,35 |
11,44 % |
2,09 |
17,71 % |
|
2014 |
12,49 |
1,34 |
10,76 % |
1,75 |
14,07 % |
|
2015 |
10,91 |
1,14 |
10,44 % |
1,83 |
16,83 % |
|
2016 |
16,56 |
2,08 |
12,57 % |
2,07 |
12,54 % |
|
2017 |
17,69 |
2,29 |
12,97 % |
2,59 |
14,64 % |
Source : CNC.
E. Les comparaisons avec les crédits d’impôts étrangers prennent rarement en compte l’ensemble des soutiens français aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles
1. Une concurrence fiscale internationale entre dispositifs similaires
L’industrie du cinéma évolue dans un contexte de compétitivité accrue, qui met en concurrence l’attractivité des différents systèmes fiscaux.
Selon une étude du CNC consacrée à l’avenir de cette industrie ([23]), il existerait un lien important entre les distorsions de concurrence fiscale et les délocalisations :
– le taux de délocalisation des tournages atteindrait, selon cette étude, 35 % au premier semestre 2012 mais 69 % pour les films dont le budget dépasse les 10 millions d’euros (contre 45 % au premier semestre 2011) ([24]) ;
– selon cette étude, « les principales entreprises françaises l’ont bien compris. Elles ont commencé à émigrer vers ces territoires où elles s’implantent, créent des emplois, participent à la formation et à la montée en compétence au détriment du territoire national et en particulier de l’Île-de-France » ;
– dans ce contexte, le CNC estime que les dispositifs d’incitation fiscale deviendraient primordiaux pour attirer les productions internationales. Dans ce domaine, une certaine concurrence s’installe également entre les principaux pays, comme tendrait à le démontrer une étude commandée par le CNC à des cabinets de conseil privés en septembre 2011 puis à nouveau en octobre 2014 ([25]).
Selon cette étude, « comparé aux sept dispositifs étudiés, et malgré les réformes dont il a pu faire l’objet depuis 2011, le dispositif fiscal de crédit d’impôt français est, à ce jour, le moins attractif sur des critères strictement financiers, avec un taux parmi les plus faibles » ; elle précise ensuite qu’il « demeure également le plus contraignant puisqu’il est quasiment incompatible avec les autres dispositifs et impose que le tournage, sauf raisons justifiées par le scénario, et la post-production (principalement) soient effectués sur le territoire français ».
Au total, selon cette étude, « le crédit d’impôt français ne représente que 7,9 % en 2013 (8,8 % en 2012) du coût de production des films d’initiative française agréés. En Belgique, depuis la mise en œuvre du dispositif en 2013, le financement sous la forme " tax shelter " représente 18,9 % du budget des longs-métrages concernés. Au Canada, sur la période 2012-2013, la production cinématographique a été financée à 27 % par les crédits d’impôts fédéraux et provinciaux, tandis que la production télévisuelle l’a été à hauteur de 28 %. En 2012, le dispositif allemand représente 12,2 % du coût des films concernés et le dispositif irlandais 11,4 % en 2010 ».
Enfin, il est indiqué que le dispositif belge de « tax shelter » a été le plus utilisé au cours des dix dernières années par les producteurs français, quel que soit le budget des films. Une réforme de ce dispositif est intervenue le 12 mai 2014 pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2015 ; conformément à cette réforme, les œuvres éligibles au titre des films de fiction ou d’animation et les documentaires ont vu leur définition élargie. En outre, l’exonération fiscale est passée de 150 à 310 % des sommes versées en exécution d’une convention cadre.
Selon les informations disponibles sur le site public en ligne du service général de l’audiovisuel et des médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles, « l’exonération provisoire s’élève à 310 % des sommes versées. Pour un versement de 100, le transfert en réserves immunisées sera de 310. Compte tenu du taux de l’impôt des sociétés de 33,99 %, l’exonération provisoire sera de 310 × 33.99 % = 105,37, soit un rendement de 5,37 %. Il est à noter que les bénéfices exonérés provisoirement sont limités à 150 % de l’estimation finale de la valeur fiscale de l’attestation " tax shelter " ».
Aujourd’hui, il existe par moins de 13 dispositifs étrangers dont on peut considérer qu’ils sont plus attractifs que les crédits d’impôts français.
Les dispositifs fiscaux plus avantageux que les crédits d’impôts français
|
État |
Type de dispositif |
Taux |
Plafond |
|
Chine |
Remboursement |
40 % |
15,3 millions d’euros par production |
|
Australie |
Remboursement |
40 % |
Pas de plafond |
|
Navarre |
Crédit d’impôt |
35 % |
Pas de plafond |
|
Colombie Britannique |
Crédit d’impôt |
33 % |
Pas de plafond |
|
Québec |
Crédit d’impôt |
32 % |
Pas de plafond (et cumul partiel avec le CI fédéral à 25 %) |
|
Belgique |
Tax Shelter (proche d’un dispositif Sofica) |
Variable entre 45 à 54 % |
Le plafond non fixe est calculé selon les dépenses effectuées en Belgique et dépenses réalisées en Europe |
|
Irlande |
Crédit d’impôt |
32 % |
16 millions d’euros par projet |
|
Italie |
Crédit d’impôt |
30 à 35 % |
Pas de plafond |
|
New York |
Crédit d’impôt |
30 % |
Pas de plafond |
|
Georgia |
Crédit d’impôt |
30 % |
Pas de plafond |
|
Kentucky |
Crédit d’impôt |
30 % |
Pas de plafond |
|
Malaisie |
Remboursement |
30 % |
Pas de plafond |
|
Royaume-Uni |
Crédit d’impôt |
25 % et assiette plus large qu’en France |
Pas de plafond |
|
France |
Crédit d’impôt |
25-30 % (1) |
30 millions d’euros par projet |
(1) 20 et 25 % pour le crédit d’impôt audiovisuel.
Source : CNC.
Si le Rapporteur général peut, dans une certaine mesure, comprendre la logique de comparaison entre les crédits d’impôts existant dans ce domaine, il appelle à prendre également en compte les autres dispositifs d’aide publics existants en France dans cette comparaison. En effet, comme il a été indiqué précédemment, les crédits d’impôts ne constituent en France qu’une petite partie des aides en faveur du cinéma et de l’audiovisuel. De ce fait, la course à l’alignement des trois crédits d’impôts français avec le mieux-disant ne saurait constituer, à l’avenir, la matrice de notre politique dans ce domaine, comme cela a trop souvent été le cas dans les cinq dernières années.
2. Les crédits d’impôts ont permis une forte relocalisation de la production
Il n’en reste pas moins que l’existence de ces trois crédits d’impôts demeure un outil de relocalisation des productions en France.
Une étude du CNC de février 2018 ([26]), portant sur l’année 2016, évalue à 471 millions d’euros supplémentaires les dépenses supplémentaires relocalisées en 2016 par rapport à 2015, c’est-à-dire directement du fait du dernier renforcement de ces crédits d’impôts dans le cadre de la loi de finances pour 2016.
Ces dépenses supplémentaires relocalisées en France auraient permis de créer près de 15 000 emplois directs et indirects.
Les chiffres de l’année 2017 ne seront exploitables que dans le courant de l’été 2018 et pourront donc être examinés dans le cadre du prochain projet de loi de finances.
Le CNC estime toutefois que le montant des dépenses supplémentaires effectuées en France par rapport à 2015 pourrait s’élever à 589 millions d’euros.
Les relocalisations liées aux crédits d’impôts cinéma et audiovisuel
|
Crédit d’impôt |
Activité |
2015 |
2016 |
2017 |
Écart 2017/2015 |
|
Crédit d’impôt cinéma |
Nombre de films réalisés en France |
123 |
128 |
142 |
+ 19 |
|
Dépenses liées à ces films (en millions d’euros) |
571 |
782 |
804 |
+ 233 |
|
|
Nombre de jours de tournage |
4 097 |
4 500 |
4 587 |
+ 490 |
|
|
Crédit d’impôt audiovisuel |
Nombre d’heures de programme |
770 |
942 |
1 004 |
+ 234 |
|
Dépenses en France (en millions d’euros) |
646 |
826 |
837 |
+ 192 |
|
|
Crédit d’impôt international |
Nombre d’œuvres réalisées en France |
22 |
36 |
52 |
+ 30 |
|
Dépenses liées à ces œuvres (en millions d’euros) |
57 |
137 |
222 |
+ 165 |
|
|
Total des dépenses en France |
1 274 |
1 745 |
1 863 |
+ 589 |
|
Source : CNC.
II. La réduction d’impôt sur le revenu « SOFICA »
A. Rappel des évolutions juridiques
Après un effort de rationalisation des taux de la réduction d’impôt en 2011 et 2012, ceux-ci sont désormais proches de ceux applicables lors de la création du dispositif en 2006.
Les évolutions juridiques du dispositif « SOFICA »
|
Art. 102 LFR 2006 (article du projet de loi initial) – Création du dispositif – Réduction d’impôt de 40 % des montants investis dans la limite de 25 % du revenu et de 18 000 euros – La réduction est portée à 48 % lorsque la société s’engage à réaliser 10 % des investissements dans l’année suivant la souscription – Entrée en vigueur pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2006 (petite rétroactivité) |
|
Art. 87 LFR 2008 (amendement de MM. Herbillon et Martin-Lalande) – Prorogation de la RI de 2008 à 2011
Art. 91 de la LFI 2009 – La réduction d’impôt SOFICA n’est pas intégrée dans le plafonnement global des niches fiscales à 25 000 euros et 10 % du revenu imposable |
|
Art. 81 LFI 2010 – La réduction d’impôt SOFICA n’est pas intégrée dans le plafonnement global des niches fiscales à 20 000 euros et 8 % du revenu imposable |
|
Art. 105 LFI 2011 – Réduction homothétique des niches fiscales de 10 % – Les taux de la réduction d’impôt sont donc réduits respectivement à 36 % et 43 % – La réduction d’impôt SOFICA n’est pas intégrée dans le plafonnement global des niches fiscales à 18 000 euros et 6 % du revenu imposable – Application aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2011 |
|
Art. 9 LFI 2012 (amendement de M. Christian Kert) – Prorogation de la RI de 2011 à 2014
Art. 83 LFI 2012 : – Réduction homothétique des niches fiscales de 15 % – Les taux sont respectivement abaissés à 30 % et 36 % – Application à compter de l’imposition des revenus de l’année 2012 |
|
Art. 73 LFI 2013 – Lors de la création d’un double plafonnement global des niches fiscales à 10 000 et 18 000 euros, la réduction d’impôt SOFICA est placée sous le plafonnement global à 18 000 euros |
|
Art. 72 LFI 2015 (amendement de MM. André et Rogemont) – Prorogation de la RI de 2014 à 2017 |
|
Art. 8 LFI 2017 (amendement de Mmes Rabault et Berger) – Création d’un taux renforcé de 48 % en cas d’investissement de 10 % du capital de la SOFICA, dans un délai d’un an à compter de la création de la société, dans la production de séries ou dans un contrat portant sur les droits d’une œuvre à l’étranger. – Le dispositif étant placé en première partie de la loi de finances, il s’est appliqué dès le 1er janvier 2017 aux investissements déjà réalisés en 2016 |
|
Art. 76 LFI 2018 (amendement de Mme Dumas) – Prorogation de la réduction d’impôt du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2020 – Aménagement des amendes en cas de non-respect des conditions d’investissement par la SOFICA |
B. Les évaluations précédentes
Le rapport du comité d’évaluation des niches fiscales de 2011 précité attribue à la réduction d’impôt SOFICA la note maximale de 3 sur 3.
Selon ce rapport, le dispositif permettrait un financement pour les films concernés de l’ordre de 5 à 7 % du budget total et de l’ordre de 15 à 20 % de la trésorerie disponible au stade de la conception de ces films.
Le caractère privé de l’investissement permettrait de cibler les projets à fort retour sur investissement, tout en soutenant pour une part importante le cinéma indépendant et le renouvellement des talents.
Le rapport précité de la Cour des comptes sur les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle de 2014 fait par ailleurs état d’une « dégradation de la rentabilité des SOFICA » du fait, notamment, de la saturation des fenêtres d’exploitation : en 2011, sur les 93 films financés par les SOFICA et sortis en salle, 74 d’entre eux (soit 79 %) ont enregistré moins de 500 000 entrées en salle et, pour 30 % d’entre eux, moins de 50 000 entrées.
C. L’évaluation de l’impact de la dépense fiscale
1. Un avantage fiscal réservé à un nombre restreint de bénéficiaires
Le coût de la réduction d’impôt est relativement stable depuis une dizaine d’années.
Si le plafonnement global des niches fiscales a permis d’en réduire le poids budgétaire entre 2012 et 2017, l’augmentation du taux de la défiscalisation dans le cadre de la loi de finances pour 2017 ([27]) semble provoquer un retour aux niveaux de 2007-2010.
Le nombre total de bénéficiaires augmente toutefois tendanciellement.
La dépense fiscale « SOFICA »
|
Année |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
|
Montant |
30 |
30 |
28 |
30 |
28 |
25 |
21 |
20 |
21 |
21 |
21 |
28 |
|
Nombre de foyers |
6 070 |
6 760 |
6 640 |
6 870 |
6 730 |
6 780 |
6 720 |
6 408 |
6 790 |
6 827 |
– |
– |
Source : fascicules Évaluations des voies et moyen, tome 2.
Le montant maximal de la réduction d’impôt, c’est-à-dire le montant résultant du taux le plus élevé et du plafond total fixé par l’article 199 unvicies du CGI, a dans le même temps été abaissé – principalement du fait de la baisse des taux de la réduction d’impôt votée en deux temps dans le cadre de la réduction homothétique des niches fiscales – avant d’être relevée à nouveau à compter de 2017.
Le montant moyen de la réduction d’impôt par foyer a donc plutôt tendance à décroître depuis une dizaine d’années ; l’augmentation du taux dans le cadre de la loi de finances pour 2017 précitée devrait toutefois provoquer une remontée de cette réduction moyenne.
évolution des montants moyen et maximal
de la réduction d’impôt « SOFICA »
(en euros)
|
Année |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
|
Montant moyen |
4 942 |
4 438 |
4 217 |
4 352 |
3 871 |
3 207 |
3 194 |
3 126 |
3 159 |
3 178 |
– |
– |
|
Montant maximal |
8640 |
8640 |
8640 |
8640 |
8640 |
7740 |
6480 |
6480 |
6480 |
6480 |
8640 |
8640 |
Source : fascicules Évaluations des voies et moyens tome 2, direction de la législation fiscale.
En réponse au questionnaire du Rapporteur général, l’administration fiscale a fourni une ventilation des bénéficiaires en fonction du revenu fiscal de référence (RFR) depuis 2010.
Le tableau ci-dessous ne retrace que la ventilation de la dernière année connue ; il convient toutefois de souligner que cette ventilation est relativement stable depuis 2010.
Ventilation des bénéficiaires de la réduction d’impôt SOFICA par décile de RFR au titre de l’impôt sur le revenu de 2016
|
Déciles de RFR |
Nombre de bénéficiaires |
|
Inférieur à 40 143 |
679 |
|
40 143 à 51 205 |
679 |
|
51 206 à 61 177 |
679 |
|
61 178 à 71 456 |
679 |
|
71 457 à 83 502 |
679 |
|
83 503 à 97 177 |
679 |
|
97 178 à 116 455 |
679 |
|
116 456 à 148 433 |
679 |
|
148 433 à 215 881 |
679 |
|
Supérieur à 215 881 |
679 |
|
Total |
6 786 |
Source : direction de la législation fiscale, juillet 2018.
La caractéristique de la dépense fiscale « SOFICA » est donc de bénéficier à des foyers fiscaux dont les revenus sont élevés à très élevés, ce qui peut paraître, dans une certaine limite, logique s’agissant d’investisseurs privés.
Enfin, la très grande majorité des foyers bénéficient du dispositif en application du taux renforcé (applicable en cas de souscription rapide de la SOFICA), le taux de base ayant tendance à devenir marginal depuis 2010. Ainsi, en 2016, 6 601 foyers ont bénéficié du taux de réduction de 36 % contre 195 foyers seulement pour le taux de 30 %.
Ces taux étaient de :
– 40 % ou 48 % entre 2007 et 2011 ;
– 36 % ou 43 % en 2012 ;
– 30 % ou 36 % entre 2013 et 2016 ;
– 30% et 36 ou 48 % depuis 2017. Le taux de 48 % s’applique en cas de souscription rapide et de versement de 10 % des montants récoltés par la SOFICA soit à des dépenses de développement d’œuvres audiovisuelles, soit à des contrats d’association à la production en contrepartie de l’acquisition de droits portant exclusivement sur les recettes d’exploitation perçues à l’étranger.
Ventilation des bénéficiaires de la réduction d’impôt « SOFICA »
en fonction du taux applicable
|
Année d’impôt sur le revenu |
Nombre de bénéficiaires |
Nombre de bénéficiaires |
|
2006 |
1 549 |
4 554 |
|
2007 |
787 |
6 043 |
|
2008 |
446 |
6 199 |
|
2009 |
184 |
6 724 |
|
2010 |
186 |
6 573 |
|
2011 |
161 |
6 624 |
|
2012 |
180 |
6 547 |
|
2013 |
162 |
6 224 |
|
2014 |
183 |
6 564 |
|
2015 |
170 |
6 608 |
|
2016 |
195 |
6 601 |
Source : direction de la législation fiscale, juillet 2018.
Le Rapporteur général a, en outre, interrogé l’administration sur la répartition par départements des bénéficiaires de la réduction d’impôt ; logiquement, la réponse fait ressortir une grande concentration en région urbaine :
– 9 % des bénéficiaires sont à Paris et près de 30 % en région Île-de-France ;
– 0,46 % de ces bénéficiaires résident dans les Hautes-Alpes.
2. Les montants collectés par le biais des SOFICA et leur rentabilité
évolution des montants collectés par le biais des « SOFICA »
|
Année |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Nombre de SOFICA |
10 |
12 |
11 |
10 |
12 |
11 |
11 |
11 |
|
Nombre de souscripteurs |
7159 |
7443 |
7459 |
7099 |
– |
– |
7608 |
– |
|
Montants collectés (en millions d’euros) |
63,07 |
63,07 |
61,53 |
58,97 |
60,76 |
61,88 |
62,21 |
63,07 |
Source : fascicules Évaluations des voies et moyens, tome 2.
L’agrément des SOFICA résulte d’une procédure annuelle en deux temps :
– les dossiers sont instruits par le CNC et la direction générale des finances publiques (DGFiP) ;
– les agréments provisoires puis définitifs sont délivrés par le ministre en charge du Budget.
Comme le montre le tableau ci-dessus, le nombre de SOFICA agrées est stable depuis 2010, même s’il y a un renouvellement régulier de ces sociétés.
Le Rapporteur général a également eu à cœur de récupérer des données permettant d’évaluer la rentabilité des SOFICA ; ces données étant couvertes par le secret fiscal, elles ne seront pas publiées dans le cadre du présent rapport.
Cette rentabilité ne peut être évaluée qu’au moment de la liquidation d’une SOFICA, c’est-à-dire entre cinq et dix ans après son agrément ; ces éléments sont actuellement connus uniquement sur la base d’une déclaration de ces sociétés au CNC. Ils doivent donc être analysés avec beaucoup de prudence.
Elle est déterminée à partir, d’une part, du total des recettes perçues pendant la durée de l’agrément et, d’autre part, par la valeur nette de la SOFICA au moment du débouclage.
III. le crédit d’impôt « phonographique »
Le crédit d’impôt phonographique est la seule des dépenses fiscales soumises à la présente étude à ne pas avoir été créée dans le cadre d’une loi de finances ; il l’a toutefois été, comme les autres (à l’exception du régime des SOFICA), par le biais d’un amendement.
Lors de la présentation de cet amendement, notre collègue Dominique Richard a établi un lien entre cette dépense fiscale et les « graves difficultés » affectant le secteur du disque, dans le cadre du basculement numérique des modes de consommation, menaçant « la diversité des œuvres et des répertoires et celles des acteurs économiques ».
Le rapporteur du texte a donné un avis favorable à l’adoption de ce dispositif en soulignant qu’il serait « concentré sur les plus petites structures, puisque son montant est plafonné à 500 000 euros et par an ».
Le ministre de la culture et de la communication a également souligné le fait que le crédit d’impôt permettrait d’aider « une centaine d’entreprises indépendantes ».
Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 ([28]) indique que « la mesure vise à favoriser l’émergence des jeunes talents et des maisons de productions indépendantes dans un contexte :
« – de diminution du nombre de jeunes talents engagés par les maisons de disques ;
« – de déclin du chiffre d’affaires de la musique enregistrée en raison du développement des nouveaux usages numériques, qui fragilise le secteur ».
Par comparaison avec les crédits d’impôts en faveur du cinéma et de l’audiovisuel, le risque de délocalisation de la création phonographique n’a jamais été évoqué dans les débats parlementaires à l’appui du dispositif.
Les évolutions juridiques du crédit d’impôt phonographique
|
Art. 36 de la loi 1er août 2006 relative aux droits d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (amendement de M. Martin-Lalande) – Création du dispositif jusqu’en 2009 avec un taux de 20 % des dépenses éligibles – Le montant total des dépenses éligibles est fixé à 2,3 millions d’euros par entreprise et par exercice – La somme des crédits d’impôts ne peut dépasser 500 000 euros par entreprise et par exercice – Applicable aux œuvres agréées à compter du 1er janvier 2006 (petite rétroactivité) |
|
Art. 51 LFR 2007 (amendement de M. Chartier) – Clarification du champ géographique du crédit d’impôt s’agissant des dépenses sous-traitées – Assouplissement de la condition d’utilisation du français (élargissement à l’Europe), prise en compte des dépenses de personnel permanent – Plafond porté à 700 000 euros ou 1,1 million d’euros pour les entreprises dont l’effectif est stable et dont les ventes augmentent de 3 % sur un exercice – Renforcement d’une décote de 20 à 70 % sur les dépenses (pour les entreprises autres que les PME) prises en compte dans le crédit d’impôt |
|
Art. 56 LFI 2009 (amendement de M. Marini) – Prise en compte annuelle des dépenses imputables et non album par album – Assouplissement de la condition d’utilisation du français |
|
Art. 51 LFR 2009 (amendement de M. Thiollière) – Prorogation jusqu’au 31 décembre 2012 |
|
Art. 28 LFI 2013 (amendement du Gouvernement) – Prorogation jusqu’en 2015 – Taux renforcé de 30 % pour les PME – Plafond global fixé à 800 000 euros par entreprise et par exercice |
|
Art. 50 LFR 2014 (article du projet de loi initial) – Prorogation jusqu’en 2018 – Taux abaissé de 20 à 15 % sauf pour les PME (taux de 30 % maintenu) ; en contrepartie le mécanisme de décote est supprimé – La rémunération des dirigeants est prise en compte dans les dépenses éligibles – Le plafond global est remonté de 800 000 à 1,1 million d’euros |
|
Art. 19 LFR 2017 (amendement du groupe LREM) – Prorogation du dispositif jusqu’à la fin de l’année 2019 |
Les évolutions juridiques du dispositif mettent en évidence une augmentation substantielle du plafond des dépenses imputables et une augmentation substantielle du taux applicable aux petites et moyennes entreprises ; malgré ces élargissements, l’impact budgétaire de cette dépense fiscale est resté contenu depuis sa création.
A. Un crédit d’impôt jugé sévèrement par le comité d’évaluation des dépenses fiscales en 2011
Selon le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 précité, qui évoque un coût de 3 millions d’euros au moment de l’évaluation, le présent dispositif aurait bénéficié à 18 entreprises en 2008 et 24 entreprises en 2009 (soit 21 % des demandeurs, ce qui témoigne d’une forte sélectivité).
Son efficacité est contestée par le rapport, qui lui a attribué un score nul (sur une échelle de 0 à 3). Le rapport indique que « le dispositif ne produit pas les effets escomptés. D’après l’évaluation fournie par le ministère de la culture et de la communication (MCC), le nombre de nouvelles signatures ne parvient pas à compenser le nombre de contrats d’artistes auquel il a été mis fin. Le différentiel s’est même accentué puisqu’il est passé de 15 en 2008 à 20 en 2009. Depuis 2003, le nombre de nouveaux talents " engagés " par les maisons de disques françaises a baissé de 47 % ».
Le rapport conclut que, « sur la base de l’évaluation fournie par le MCC en 2010, le dispositif n’atteint pas ses objectifs et ne paraît donc pas nécessaire. Ce dispositif est par ailleurs très dérogatoire puisqu’il fonde le crédit d’impôt sur des dépenses déjà déductibles de l’impôt sur les sociétés ».
B. Une utilité rappelée par les professionnels du secteur en 2017
Un bilan du crédit d’impôt phonographique a été réalisé en novembre 2017, à l’initiative du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) et de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), par le cabinet Xerfi.
Cette étude ne porte que sur 17 sociétés de production phonographique, alors qu’il y a, selon cette étude elle-même, 197 sociétés ayant bénéficié d’un agrément provisoire au titre de ce crédit d’impôt. Ces 17 sociétés représenteraient toutefois l’essentiel du secteur.
Selon le site internet de l’UPFI ([29]), cette étude a pour objet de « démontrer le caractère vertueux du crédit d’impôt à la production phonographique » :
– dans un contexte d’explosion de la consommation numérique de la musique au niveau mondial ([30]), la part des albums produits en France parmi les meilleures ventes d’album est passée de 58 % en 2007 à 72 % en 2016 ([31]) ;
– toutefois, la production de ces albums reste très souvent déficitaire, la part des nouveautés françaises étant proportionnellement plus importante dans les albums réalisant peu de ventes (75 % des nouveautés françaises ont réalisé moins de 10 000 ventes) ;
– paradoxalement, 18 des 20 meilleures ventes d’albums en 2016 en France ont été produites en France et le nombre de premières productions d’albums ayant immédiatement connu un très grand succès est reparti à la hausse.
Artistes français dont le premier album a dépassé
les 100 000 ventes dans l’année
|
Année |
Nombre d’artistes |
Nom des artistes |
|
2007 |
9 |
Christophe Maé, Christophe Willem, Vitaa, Rose, Renan Luce, Shy’m, Soprano, Kenza Farah, Grand Corps Malade |
|
2008 |
6 |
Thomas Dutronc, Grégoire, Julien Doré, BB Brunes, Stanislas, Sheryfa Luna |
|
2009 |
1 |
Cœur de pirate |
|
2010 |
4 |
Les prêtres, Zaz, Ben l’oncle Soul, Gaëtan Roussel |
|
2011 |
2 |
Colonel Reyel, Les Marins d’Iroise |
|
2012 |
3 |
Tal, C2C, Lou Doillon |
|
2013 |
2 |
Maître Gims, Luc Arbogast |
|
2014 |
7 |
Kendji Girac, Indila, Black M, Fauve, Jul, Christine and the Queens, Fréro Delavega |
|
2015 |
7 |
Louane, Nekfeu, Marina Kaye, The Avener, LEJ, Kids united, Gradur |
|
2016 |
8 |
Alonzo, Amir, Claudio Capéo, Jain, MHD, PNL, SCH, Slimane |
Selon les professionnels du secteur, le crédit d’impôt phonographique a rencontré un franc succès, dans la mesure où le nombre de sociétés ayant sollicité un agrément est passé de 60 en 2007 à 197 en 2016, en grande majorité des très petites entreprises (TPE) et des petites ou moyennes entreprises (PME).
Le dispositif aurait permis « de préserver la production locale et la diversité musicale, d’apporter une véritable bouffée d’oxygène pour l’ensemble des acteurs face à la crise majeure de l’industrie de la musique, et de contribuer à la rentabilité de nombreux projets ». L’étude ne fournit toutefois pas de chiffres permettant d’appuyer cette analyse.
L’étude évoque par ailleurs un « dispositif rentable pour l’État », dans la mesure où la dépense fiscale de 9,3 millions d’euros doit être rapportée à des recettes totales pour l’État de 34,2 millions d’euros, soit un solde positif de 24,8 millions d’euros faisant ressortir un ratio coûts/recettes de 2,7.
Les méthodes de calcul utilisées
Selon cette étude, l’État aurait enregistré, en moyenne annuelle sur la période 2015-2016 auprès des 17 entreprises représentant le panel étudié :
– 19,7 millions d’euros de recettes fiscales, qui correspondent à la TVA collectée sur 8,9 millions de ventes d’albums physiques et digitaux induites des projets aidés en France, sur la base d’un prix de vente moyen de 13,24 euros et d’un taux de TVA de 20 % ;
– 14,5 millions d’euros de recettes sociales, issues des cotisations patronales et salariales « prélevées sur les frais de personnel permanent et non-permanent des sociétés de production phonographique ». à partir de frais de personnel permanent de 19,5 millions d’euros et de personnel non permanent de 2,8 millions d’euros, un taux de cotisations patronales de 45 % et de cotisations salariales de 20 % permettent de déterminer ces retombées sociales de 14,5 millions d’euros.
Un entretien particulier sur ces méthodes de calcul, permettant notamment de vérifier les méthodes de collecte de la TVA dans le cadre de la consommation musicale par le biais de plateformes, permet de conclure qu’elles sont d’une certaine fiabilité.
On peut toutefois s’interroger sur le lien de causalité implicitement établi entre le crédit d’impôt et les dépenses engagées sur le territoire national : a contrario, ces dépenses ne seraient pas engagées en France sans le crédit d’impôt.
En réalité, toutes ces dépenses ne sont pas liées au crédit d’impôt, et il conviendrait certainement d’affiner l’analyse en ciblant la part marginale de ces dépenses qui résulte du crédit d’impôt.
C. Des perspectives économiques en amélioration
Le crédit d’impôt a été créé essentiellement pour pallier une phase de transition économique compliquée pour le secteur de la musique enregistrée.
1. Une crise profonde entre le début des années 2000 et l’année 2015
Cette transition s’est traduite par une phase de crise s’étendant des années 2000 à 2015 environ, qui a fait l’objet de nombreux rapports ; sans rappeler dans son ensemble les tenants et les aboutissants de cette crise, on peut rappeler qu’un rapport de septembre 2011 en fait état de manière détaillée ([32]).
D’après ce rapport de 2011, les ventes de musique enregistrée ont été divisées par deux entre 2002 et 2010, l’essor du marché numérique n’ayant, pendant cette période, que très partiellement compensé l’effondrement du marché physique. Cette crise serait tout particulièrement préjudiciable à la production française et francophone ainsi qu’à la diversité de l’offre musicale.
De manière générale, les créateurs et les éditeurs qui les accompagnent souffrent de la crise de la musique enregistrée mais profitent de la croissance du spectacle vivant et du dynamisme des ressources créées par le législateur (rémunération équitable, copie privée).
Les producteurs phonographiques sont confrontés au caractère désormais structurellement déficitaire de la production nationale, dont les revenus ont chuté alors que les coûts de promotion ont augmenté. Cette situation explique la triple diminution de la production (– 60% entre 2002 et 2010), des investissements
(– 52 % sur la même période) et de l’emploi (4 000 emplois détruits en dix ans). Les producteurs indépendants sont les plus gravement touchés car, à la différence des majors, la plupart d’entre eux ne possèdent pas de catalogue international.
La production des centaines de TPE, bien que difficile à quantifier, reste probablement très dynamique. Les micro-labels se heurtent toutefois à des difficultés, tant en termes de financement que de distribution commerciale. La production par une TPE peut représenter une étape décisive, préalable à la signature d’un contrat d’artiste avec un producteur plus structuré, mais elle permet rarement de générer directement des revenus significatifs.
2. Une amélioration des perspectives économiques pressentie dès 2014
Lors de l’examen de l’article du projet de loi de finances rectificative pour 2014 opérant le dernier renforcement du crédit d’impôt phonographique, notre collègue Valérie Rabault notait que « cette analyse économique du rapport précité de 2011 reste vraie en 2014, comme ont pu le confirmer les représentants de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI). Ceux-ci ont évoqué un effondrement de 65 % du chiffre d’affaires de la production musicale entre 2002 et 2014. Ils ont toutefois avancé des éléments encourageants, permettant de mettre en évidence le fait que le crédit d’impôt est désormais destiné à jouer le rôle de ‘soudure‘ avant un redémarrage probable d’une économie musicale plus équilibrée en 2017 ou 2018 ».
En effet, alors que l’effondrement du marché de la vente de musique a été occasionné par une généralisation rapide des plateformes d’échange de musique gratuite en pair-à-pair (peer-to-peer), l’amélioration de notre arsenal législatif a d’abord permis un certain décollage de la vente en ligne de musique. Surtout, la filière commence à sentir les effets économiques de formules d’abonnement à des sites d’écoute en ligne comme Deezer ou Spotify, avec en perspective la création d’un dispositif similaire sur YouTube.
Ces nouveaux médias d’écoute musicale recommencent à apporter aux professionnels du secteur des revenus. Alors que la vente physique représente encore 70 % de leur chiffre d’affaires en 2014, au lieu de 30 % pour la vente numérique, les professionnels anticipaient alors l’inversion de ce ratio à l’horizon 2017 ou 2018. Cette évolution, liée aux effets économiques des formules d’abonnement mentionnées ci-dessus, permettait donc d’entrevoir une certaine amélioration de la situation du secteur.
En attendant ces échéances, les professionnels ont toutefois insisté sur la nécessité de ne pas abandonner un tissu de petits producteurs qui porte l’essentiel des nouveaux albums et notamment des albums francophones. Selon l’UPFI, ces labels indépendants représentent 80 % des nouveaux albums en 2013, alors que les trois plus grandes entreprises du secteur représenteraient à elles seules 70 % des parts de marché.
Le financement de ces nouveaux albums se fait à 75 % sur les fonds propres du producteur, alors que ce ratio est de 25 %, à titre d’exemple, dans le cinéma. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les coûts de promotion de ces nouveaux albums augmentent : si la part des coûts de production reste stable, en revanche les coûts de développement ont tendance à augmenter car la promotion de la nouveauté se fait désormais au moyen d’un nombre plus important de médias.
Pour certains petits producteurs spécialisés dans le lancement de nouveaux talents francophones, le crédit d’impôt peut représenter plus de 10 % du chiffre d’affaires ; compte tenu du coût de production de ce type d’albums, qui avoisine en moyenne les 400 000 euros, un crédit d’impôt de 30 % est évidemment loin d’être anodin et influence en grande partie le choix économique fait par le producteur.
3. Un décollage récent des recettes provenant de la consommation numérique
Dans un dossier de presse du 29 mai 2017 ([33]), l’UPFI estime que « nous sommes en train de réussir notre transition numérique » : « Que de chemin parcouru en 15 ans ! Fin 2002, le déploiement tardif et fulgurant du haut débit en France plonge l’industrie musicale dans la crise. Les ventes de CD sont en chute libre et la production musicale recule au fur et à mesure que notre secteur s’enfonce dans la crise. La tentation d’une licence globale gagne certains esprits comme remède à l’effondrement des revenus des artistes interprètes et des producteurs. Mais, en 2004, une lueur d’espoir vient des USA avec le lancement d’un nouveau modèle de consommation basé sur le téléchargement payant à l’acte. La suite est connue. Lentement mais progressivement, une offre légale s’installe grâce à l’innovation technologique et à la qualité des services de musiques en ligne. Au passage, ce sont les acteurs de la nouvelle économie qui raflent la mise en damant le pion aux tenants de l’économie traditionnelle. »
De fait, le secteur a enregistré en 2016 puis en 2017, pour la première fois depuis 2002, une augmentation nette de son chiffre d’affaires.
Cette augmentation nette est toutefois le résultat d’évolutions divergentes suivant le support musical considéré :
– la vente sur support physique poursuit sa baisse, à un rythme pourtant moins important que durant la dernière décennie ;
– la vente de musique sous format numérique enregistre une augmentation substantielle depuis 2014 ;
– au sein des ventes sous format numérique, l’augmentation du chiffre d’affaires provenant du streaming par abonnement aux plateformes payant est très importante.
La décomposition du chiffre d’affaires du secteur de la musique enregistrée en France
(en millions d’euros)
|
Source du chiffre d’affaires |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Marché physique |
518 |
459 |
404 |
408 |
361 |
324 |
313 |
298 |
|
Marché numérique |
110 |
138 |
156 |
158 |
166 |
191 |
248 |
285 |
|
– dont téléchargement |
– |
|
63 |
63 |
54 |
43 |
43 |
35 |
|
– dont téléphone mobile |
– |
– |
10 |
9 |
7 |
5 |
8 |
7 |
|
– dont streaming |
– |
– |
52 |
89 |
122 |
140 |
197 |
243 |
|
Total |
628 |
597 |
560 |
566 |
527 |
515 |
561 |
583 |
|
Droits voisins et autres |
88 |
94 |
101 |
110 |
112 |
117 |
120 |
118 |
|
Total général |
716 |
691 |
661 |
676 |
639 |
632 |
681 |
701 |
Source : Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP).
Malgré ces perspectives rassurantes, les données récupérées auprès de l’administration fiscale mettent encore en évidence le fait qu’une part importante d’entreprises du secteur est dans une situation financière très fragile.
Chiffre d’affaires et résultat des producteurs phonographiques français
|
Entreprises |
Nombre d’entreprises |
Chiffre d’affaires |
Résultat fiscal |
||||||||||||||||||
|
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
|
|
Entreprises déficitaires |
598 |
608 |
616 |
638 |
664 |
647 |
655 |
1 316 |
659 |
830 |
1 342 |
1 584 |
1 640 |
1 376 |
– 37 |
– 36 |
– 94 |
– 58 |
– 83 |
– 87 |
– 86 |
|
Entreprises bénéficiaires |
464 |
454 |
446 |
424 |
398 |
415 |
407 |
3 472 |
4 247 |
4 278 |
3 936 |
3 886 |
4 028 |
4 434 |
331 |
311 |
312 |
320 |
222 |
288 |
227 |
|
Total |
1 062 |
1 062 |
1 062 |
1 062 |
1 062 |
1 062 |
1 062 |
4 789 |
4 906 |
5 108 |
5 277 |
5 471 |
5 668 |
5 810 |
294 |
275 |
218 |
261 |
139 |
201 |
141 |
Source : liasses fiscales déposées au titre des exercices clos de 2010 à 2016.
D. L’impact sectoriel du crédit d’impôt
1. Une augmentation tendancielle du nombre d’entreprises bénéficiaires
Les chiffres transmis par l’administration fiscale confirment les éléments transmis par les professionnels du secteur, à savoir le fait que le nombre d’entreprises bénéficiant du crédit d’impôt est en nette augmentation depuis 2010.
Le crédit d’impôt phonographique
|
|
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
|
Coût (en millions d’euros) |
1 |
2 |
4 |
2 |
6 |
6 |
10 |
8 |
9 |
|
– dont part du crédit d’impôt restitué |
– |
– |
– |
– |
– |
5 |
9 |
7,5 |
7 |
|
Nombre de bénéficiaires |
18 |
24 |
23 |
28 |
40 |
115 |
100 |
94 |
128 |
Source : projets de loi finances 2007 à 2017.
2. Une part importante de la dépense fiscale bénéficie aux TPE et aux PME
Si l’on se rapporte aux objectifs assignés au dispositif, il est fondamental que le législateur puisse vérifier que le crédit d’impôt bénéficie, pour une part substantielle, aux réseaux des petites structures de production fragilisées par la transition numérique du secteur.
Les chiffres transmis par l’administration fiscale confirment cet élément, dans la mesure où 60 à 80 % du dispositif bénéficie effectivement aux TPE et aux PME.
LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE EN 2013
|
Catégorie d’entreprise |
Nombre d’entreprises bénéficiaires |
Montant total du crédit d’impôt perçu |
Crédit d’impôt moyen par projet |
|
Majors |
4 |
2 |
420 |
|
PME |
26 |
3 |
117 |
|
TPE |
85 |
2 |
20 |
|
Total |
115 |
7 |
56 |
Source : direction de la législation fiscale.
LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE EN 2014
|
Catégorie d’entreprise |
Nombre d’entreprises bénéficiaires |
Montant total du crédit d’impôt perçu |
Crédit d’impôt moyen par projet |
|
Majors |
3 |
3 |
831 |
|
PME |
23 |
5 |
199 |
|
TPE |
74 |
2 |
31 |
|
Total |
100 |
10 |
96 |
Source : direction de la législation fiscale
LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE EN 2015
|
Catégorie d’entreprise |
Nombre d’entreprises bénéficiaires |
Montant total du crédit d’impôt perçu |
Crédit d’impôt moyen par projet |
|
Majors |
4 |
3 |
751 |
|
PME |
14 |
3 |
250 |
|
TPE |
76 |
1 |
20 |
|
Total |
94 |
8 |
85 |
Source : direction de la législation fiscale.
LE CRÉDIT D’IMPÔT PHONOGRAPHIQUE EN 2016
|
Catégorie d’entreprise |
Nombre d’entreprises bénéficiaires |
Montant total du crédit d’impôt perçu |
Crédit d’impôt moyen par projet |
|
Majors |
3 |
2 |
673 |
|
PME |
26 |
4 |
167 |
|
TPE |
99 |
2 |
24 |
|
Total |
128 |
8 |
68 |
Source : direction de la législation fiscale.
3. Des évolutions divergentes des catégories de dépenses imputables
Le Rapporteur général a souhaité analyser l’évolution du crédit d’impôt par catégorie de dépense imputable, afin de savoir si le dispositif impactait le secteur en créant, par exemple, une inflation de certains coûts comme par exemple cela a pu être constaté par la Cour des comptes dans le cadre du crédit d’impôt cinéma.
Le tableau ci-dessous retrace ces éléments sur la période 2014-2016 ; le Rapporteur général avait souhaité recevoir ces données sur une période plus longue (2010-2016), mais les données n’ont pas été transmises.
Il met en évidence certaines évolutions très dynamiques méritant certainement un certain plafonnement.
Évolution des montants imputés par catégorie de dépenses
|
Catégorie de dépense imputable au titre du crédit d’impôt phonographique |
Évolution 2014/2016 des montants déclarés |
|
Dépenses de production |
|
|
Frais de personnel non permanent |
+ 46 % |
|
Frais de personnel permanent |
– 12 % |
|
Rémunération du dirigeant |
+ 108 % |
|
Utilisation des studios |
– 0,3 % |
|
Conception graphique |
+ 0,7 % |
|
Post-production |
+ 109 % |
|
Numérisation et encodage |
+ 153 % |
|
Dépenses de développement |
|
|
Frais de répétition |
+ 21 % |
|
Concerts et tournées |
+ 13 % |
|
Télévision et radio |
+ 23 % |
|
Clips |
+ 29 % |
|
Site internet |
– 36 % |
Source : secrétariat du crédit d’impôt phonographique, juillet 2018.
IV. Le crédit d’impôt « jeux vidéo »
Bien que ne représentant pas un enjeu budgétaire considérable, le crédit d’impôt en faveur des jeux vidéo n’enregistre pas moins une progression très dynamique puisque son coût a été multiplié par trois depuis 2012.
Ce crédit d’impôt est, à bien des égards, emblématique des évolutions successives des crédits d’impôts du secteur culturel : année après année, les taux, les plafonds et les dépenses imputables sont relevés sans vision d’ensemble et sans évaluation d’ensemble.
Les évolutions juridiques du crédit d’impôt jeux vidéo
|
Art. 37 de la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (amendement de M. Ollier) – Création du dispositif pour les jeux dont le coût de développement est supérieur à 150 000 euros et dont 50 % du budget est affecté aux dépenses artistiques – Crédit d’impôt de 20 % des dépenses éligibles – Plafonnement à 3 millions d’euros par entreprise et par exercice – Entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2008 |
|
Art. 91 de la LFR 2007 (amendement de MM. Valade, de Broissia et Dallier, adopté en séance publique au Sénat) – Clarification des critères culturels à respecter pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt – Clarification des dépenses de fonctionnement prises en compte – Prise en compte des dépenses de sous-traitance dans la limite d’un million d’euros |
|
Art. 25 de la LFR 2013 (article du projet de loi initial) – Allongement du délai d’imputation des dépenses (entre l’agrément provisoire et définitif) pour les jeux les plus importants (dits « AAA »)
Art. 27 et 28 de la LFR 2013 (amendements de MM. Vincent Feltesse et Thévenoud ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances) – Abaissement du seuil d’éligibilité au crédit d’impôt de 150 000 euros est à 100 000 euros – Prise en compte des dépenses salariales des personnels techniques et administratifs – Les jeux pour adultes ouvrent droit au crédit d’impôt dès lors que leur contribution au développement et à la diversité de la création française est significative |
|
Art.79 LFI 2017 (amendement de M. Beffara ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement) – Taux relevé de 20 à 30 % – Plafond relevé de 3 à 6 millions d’euros – Application aux crédits calculés à compter du 1er janvier 2017 Art. 80 LFI 2017 (amendement de M. Beffara ayant reçu un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement) – Plafond des dépenses de production confiées à des sous-traitants passe de 1 à 2 millions d’euros – Application aux crédits calculés à compter du 1er janvier 2017 |
Lors de la présentation de l’amendement créant ce dispositif à l’Assemblée nationale, ont notamment été évoqué à l’appui de la création de ce dispositif :
– le maintien en France des emplois liés à l’élaboration de ces jeux vidéo, qui seraient passés de 25 000 à 12 000 entre 1994 et 2005. Le différentiel de coût salarial avec les États-Unis et le Japon a notamment été souligné ;
– un dispositif de lutte contre une crise importante du secteur (division par quatre du nombre de studios) ;
– une nécessaire intensification du développement de l’activité de ce secteur, alors que la création locale représente 85 % du marché au Japon et 65 % aux États-Unis (contre 12 % uniquement en Europe).
A. L’évaluation du crédit d’impôt en 2011
Le crédit d’impôt figure comme « non évalué » dans le rapport d’évaluation des niches fiscales de 2011 précité. Toutefois, une analyse du dispositif figure en annexe de ce rapport dont il ressort les éléments suivants :
– un fonds d’aide au jeu vidéo, géré et financé par le CNC, poursuit les mêmes objectifs que la dépense fiscale, par le biais de subventions à la pré-production et au développement. Son montant était de 4 millions d’euros au moment de la rédaction du rapport ;
– ce crédit d’impôt s’ajoute à d’autres dispositifs qui vont dans la même direction, notamment le crédit d’impôt recherche, les exonérations de charges sociales patronales accordées aux jeunes entreprises innovantes (dont les entreprises du jeu vidéo font souvent partie), les aides d’opérateurs publics de financement des entreprises.
Malgré l’absence de note globale, cette annexe du rapport contient toutefois un élément d’appréciation relativement explicite sur le crédit d’impôt : « l’utilisation de la modalité du crédit d’impôt pour atteindre l’objectif ne semble pas nécessaire, des aides directes pouvant atteindre le même objectif ».
B. Une évaluation par le CNC en 2014
Dans le cadre d’une évaluation de l’ensemble des dispositifs de crédits d’impôt, le CNC a mené une évaluation spécifique sur le crédit d’impôt jeux vidéo dont il assure la gestion ([34]).
Le CNC relève plusieurs éléments de contexte important :
– le secteur français du jeu vidéo représentait, au moment de la parution de l’étude, un chiffre d’affaires d’environ 2,6 milliards d’euros, dont la croissance se situerait entre 6 et 10 % par an depuis quarante ans. Toutefois, la France ne représentait que 4 % du marché mondial ;
– ce secteur représentait 5 000 emplois directs, dont 3 000 dans la production et 10 000 emplois indirects (selon les professionnels du secteur) ;
– le tissu industriel est composé d’un nombre important d’entreprises de petite taille. Selon le Syndicat national du jeu vidéo, 48 % des entreprises auraient moins de 10 salariés permanents et seules 16 % des entreprises françaises de jeu vidéo employaient plus de 50 salariés permanents. En outre, 67 % des entreprises affichaient un chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros ;
– en raison de coûts de production assez élevés, les acteurs français bénéficiant d’une taille suffisante ont rapidement développé des filiales de production à l’étranger, souvent implantées dans des pays à bas salaire (Europe de l’Est, Maghreb) ou bénéficiant d’aides publiques importantes comme le Canada.
À l’heure de l’évaluation du crédit d’impôt, le CNC avait reçu 236 demandes d’agrément (entre 2008 et 2013), délivrant un agrément provisoire à 111 dossiers (taux de sélectivité de 47 %). Les dossiers retenus représentaient un montant total de dépenses en France de 345 millions d’euros.
Le devis moyen des jeux agréés s’élevait à 3,7 millions d’euros ; toutefois, 49 % des jeux agréés présentaient un budget inférieur à un million d’euros. À l’inverse, 9 % des budgets étaient supérieurs à 10 millions d’euros.
Afin de mesurer l’impact du crédit d’impôt en termes d’emploi, le CNC s’est reposé sur des informations déclaratives des entreprises bénéficiaires.
Parmi elles, 64 % déclaraient que le dispositif « les avaient incitées à rapatrier des emplois en France », sachant que pour 53 % d’entre elles ces relocalisations s’élevaient entre 1 à 5 équivalent temps plein par entreprise et entre 20 et 50 pour 33,7 % des entreprises sondées.
Selon l’étude, l’entreprise Ubisoft – qui est un acteur majeur du secteur –estime que la moitié de ses effectifs travaillant en France le font sur des jeux bénéficiant du crédit d’impôt.
Le crédit d’impôt permettrait de limiter la sous-traitance en dehors de l’Union européenne au profit d’une sous-traitance française. Il permettrait aux studios de mieux absorber les coûts des phases en amont du développement des projets, notamment pour les studios de taille modeste dont la trésorerie est limitée.
Aucun élément chiffré n’est toutefois avancé à l’appui de ces constats.
Enfin, l’étude du CNC entend démontrer que le crédit d’impôt a des effets positifs sur les recettes de l’État (de l’ordre de 1,8 euro perçu pour un euro dépensé en 2013).
Entre la date de création du dispositif et celle de l’évaluation, le coût total du crédit d’impôt a été chiffré à 38,8 millions d’euros alors que les dépenses en France des œuvres bénéficiaires de ce dispositif représentent 345,1 millions d’euros.
Ces dépenses auraient généré des recettes fiscales et sociales de 88 millions d’euros, soit un rapport moyen sur la période de 2,2 euros récupérés pour un euro dépensé.
Pour la dernière année étudiée (2013), un total de dépenses en France des œuvres ayant bénéficié du crédit d’impôt est de 23,3 millions d’euros ; cette somme aurait généré 5,3 millions d’euros de recettes fiscales et sociales (4 millions d’euros de charges patronales, 0,6 million d’euros de charges salariales, 0,5 million d’euros d’impôt sur le revenu et 0,2 million d’euros de TVA).
Le montant du crédit d’impôt retenu pour l’année 2013 étant de 2,9 millions d’euros, l’étude en déduit un ratio de 1,8 euro de recettes supplémentaires pour un euro dépensé.
C. Le contexte économique actuel
Deux syndicats produisent annuellement un bilan économique du secteur.
Le bilan du Syndicat national du jeu vidéo pour l’année 2017 ([35]) met en évidence une forte croissance de la production de jeux vidéo en France : près de 830 jeux sont en cours de production en France en 2017 soit 20 % de plus qu’en 2016. Le taux de production annuel moyen en 2017 est de 2,3 jeux par studio contre 2,1 en 2016. La part des studios qui ne se consacrent qu’à un seul développement est toutefois passée de 25,9 % en 2014 à 38,9 % en 2017.
Par-delà de ces bons chiffres, le syndicat insiste sur l’impact très puissant de la dématérialisation de la vente des jeux, cette dématérialisation permettant l’auto-commercialisation et la désintermédiation. En 2017, 63 % des studios interrogés ont déclaré commercialiser eux-mêmes leurs productions.
Enfin, ce bilan met en évidence la place prépondérante de la consommation de jeux vidéo sur terminal mobile, puisque 92 % des éditeurs ou distributeurs commercialisent des jeux dédiés aux tablettes et smartphones.
Le tissu industriel est principalement composé de petites structures : en moyenne 8,5 équivalent temps plein (ETP) au premier semestre 2017 (au lieu 8,6 à la fin de l’année 2016) pour les studios, tandis que dans l’ensemble des entreprises du secteur des jeux vidéo, la moyenne s’établit à 29,5 ETP (+ 3,2 ETP par rapport à 2016). Les entreprises de plus de dix ans comptaient en moyenne 107,5 ETP en 2017.
Selon le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), le chiffre d’affaires du jeu vidéo s’est élevé à 4,3 milliards d’euros (soit une augmentation de 18 % depuis 2016). Ce chiffre d’affaires se répartit entre :
– le secteur de la console de jeu à hauteur de 56 % (+ 23 % par rapport à 2016) ;
– le secteur du jeu sur PC à hauteur de 26 % (+ 6 % par rapport à 2016) ;
– le secteur du jeu sur mobile à hauteur de 18 % (+ 22 % par rapport à 2016).
Les informations transmises par l’administration fiscale mettent par ailleurs en évidence le fait que les entreprises du secteur sont financièrement encore fragiles. Celle-ci a souligné le fait que ces chiffres pouvaient différer de ceux émanant d’autres analyses (notamment celles des professionnels), compte tenu des périmètres retenus.
évolution de l’emploi, du chiffre d’affaires et du résultat des entreprises du secteur du jeu vidéo en France
|
Données |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
|
Nombre d’entreprises |
56 |
102 |
149 |
159 |
142 |
178 |
201 |
228 |
231 |
|
Effectif salarié déclaré |
1 938 |
1 858 |
2 676 |
2 821 |
3 037 |
3 299 |
3 220 |
3 540 |
3 621 |
|
Chiffre d’affaires (en millions d’euros) |
1 239 |
1 380 |
1 310 |
1 397 |
1 543 |
1 790 |
1 758 |
2 442 |
2 362 |
|
Résultat net (en millions d’euros) |
– 4 |
– 118 |
– 104 |
– 147 |
– 106 |
– 247 |
– 236 |
226 |
– 102 |
Source : direction de la législation fiscale, juillet 2018.
D. L’impact sectoriel du crédit d’impôt
Les données transmises par l’administration fiscale permettent d’apprécier la part de la dépense fiscale perçue en fonction de la taille de l’entreprise ; comme pour le crédit d’impôt phonographique, il apparaît que l’essentiel de cette dépense bénéficie à des TPE et des PME.
Le crédit d’impôt « jeux vidéo » en 2014
|
Catégorie d’entreprise |
Nombre d’entreprises bénéficiaires |
Part de la dépense fiscale (en millions d’euros) |
|
TPE |
9 |
0,07 |
|
PME |
9 |
3,01 |
|
ETI |
2 |
1,94 |
|
Total |
20 |
5,03 |
Le crédit d’impôt « jeux vidéo » en 2015
|
Catégorie d’entreprise |
Nombre d’entreprises bénéficiaires |
Part de la dépense fiscale (en millions d’euros) |
|
TPE |
4 |
0,18 |
|
PME |
13 |
3,85 |
|
ETI |
2 |
2,12 |
|
Total |
20 |
6,15 |
Le crédit d’impôt « jeux vidéo » en 2016
|
Catégorie d’entreprise |
Nombre d’entreprises bénéficiaires |
Part de la dépense fiscale (en millions d’euros) |
|
TPE |
8 |
0,34 |
|
PME |
9 |
5,02 |
|
ETI |
3 |
5,91 |
|
Total |
20 |
11,28 |
Le crédit d’impôt « jeux vidéo » en 2017
|
Catégorie d’entreprise |
Nombre d’entreprises bénéficiaires |
Part de la dépense fiscale (en millions d’euros) |
|
TPE |
9 |
0,35 |
|
PME |
10 |
4,97 |
|
ETI |
3 |
4,27 |
|
Total |
22 |
9,59 |
Source : direction de la législation fiscale, juillet 2018.
Le Rapporteur général avait souhaité mobiliser davantage d’informations permettant d’apprécier l’impact sectoriel de ce crédit d’impôt, notamment la ventilation du crédit d’impôt par catégorie de dépense imputable et la liste des dix jeux dont la conception a entraîné la plus grosse dépense fiscale (rapportée aux coûts totaux de création).
L’administration fiscale n’a pas été en mesure d’apporter des éléments de réponse sur ces points.
V. le crédit d’impôt en faveur du spectacle vivant
A. L’origine du dispositif et son impact budgétaire
Plus récent des dispositifs en faveur de la culture et de l’audiovisuel, le crédit d’impôt en faveur du spectacle vivant est issu d’un amendement de notre collègue Pierre-Alain adopté à l’Assemblée nationale en première lecture dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016.
Les arguments avancés par les députés à l’origine du dispositif sont les suivants :
– lors de la présentation en commission des finances, notre collègue Alain Muet a évoqué un dispositif visant « à soutenir le spectacle vivant dans le domaine musical », dans la mesure où « il en existe déjà un pour venir en aide à la production phonographique ». Notre collègue Karine Berger a soutenu l’idée que « cet amendement mérite absolument d’être soutenu. Soyons cohérents, si l’ensemble de la production culturelle française mérite de l’aide, alors nous devons soutenir aussi le spectacle vivant ». Le coût du dispositif a été évalué à 5 millions d’euros par an ;
– lors de l’examen en séance publique, l’amendement de la commission a été défendu par notre collègue Patrick Bloche, qui a évoqué le nécessaire soutien à la production des spectacles vivants, musicaux et de variétés. Il s’agirait d’un secteur extrêmement fragile, caractérisé par la présence non seulement de quelques grosses entreprises, mais aussi de nombreuses TPE et de PME présentant l’intérêt de promouvoir des artistes émergents.
Le Gouvernement a émis un avis défavorable à cet amendement, au motif que ces dépenses fiscales, à l’origine limitées dans leur impact budgétaire, font l’objet d’élargissements successifs jusqu’à atteindre un coût plus important qu’envisagé initialement.
La définition du spectacle vivant
Le dispositif adopté définit l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants par référence l’article L. 7122-2 du code du travail, selon lequel « est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d’exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d’autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités ».
L’article D. 7122-1 du même code prévoit les trois catégories d’entrepreneurs de spectacles vivants suivantes :
– les exploitants de lieux de spectacles aménagés pour les représentations publiques ;
– les producteurs de spectacles ou entrepreneurs de tournées qui ont la responsabilité d’un spectacle et notamment celle d’employeur à l’égard du plateau artistique ;
– les diffuseurs de spectacles qui ont la charge, dans le cadre d’un contrat, de l’accueil du public, de la billetterie et de la sécurité des spectacles, et les entrepreneurs de tournées qui n’ont pas la responsabilité d’employeur à l’égard du plateau artistique.
L’article R. 7122-2 de ce code prévoit qu’une licence d’entrepreneur de spectacles vivants est délivrée uniquement aux personnes physiques titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur ou justifiant d’une expérience professionnelle dans le domaine du spectacle et justifiant de la capacité juridique d’exercer une activité commerciale. Le titulaire peut être le représentant d’une entreprise active dans ce même secteur.
La licence ne peut être délivrée qu’à la condition que le demandeur soit propriétaire ou locataire d’un lieu de spectacle et qu’il suive une formation à la sécurité des spectacles adaptée à la nature du lieu.
Selon le dispositif adopté à l’Assemblée nationale, les entreprises éligibles doivent avoir la responsabilité du spectacle, notamment celle d’employeur à l’égard du « plateau artistique », et supporter le coût de création du spectacle.
Les critères d’éligibilité au crédit d’impôt ont par ailleurs été précisés par un décret du 7 septembre 2016 ([36]), en prévoyant que le crédit d’impôt s’applique :
– aux concerts et tours de chant ;
– aux spectacles d’humour entendus comme une suite de sketchs ou un récital parlé donné par un ou plusieurs artistes non interchangeables ;
– aux comédies musicales et aux spectacles lyriques.
Le champ des « spectacles vivants » retenus pour l’application du présent dispositif est donc relié aux secteurs de la musique, de la chanson, mais aussi aux spectacles d’humour.
Les spectacles de danse ou de théâtre ne sont donc pas dans le champ du dispositif, pas davantage que les spectacles à caractère historique ou les arts de la rue. Les spectacles de magie et d’illusionnisme semblent également hors du champ du dispositif.
En l’état des informations disponibles, le crédit d’impôt a été chiffré à 2 millions d’euros en 2017 et 6 millions d’euros en 2018.
1. La seule évaluation disponible à ce jour provient des cabinets privés
Selon une étude du cabinet Ernst and Young de septembre 2017 consacré à « la contribution du spectacle musical et de variété à l’économie française », ce secteur représenterait près de 4,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulé et 120 000 emplois en 2015, pour 4 000 entreprises. Cette étude ne porte pas sur les secteurs du théâtre, de la danse et de la musique « savante » (musique classique, art lyrique, opéra, …).
Il convient de souligner que cette étude a été commandée par le PRODISS, c’est-à-dire le syndicat national du spectacle et de la variété (c’est-à-dire en pratique les professionnels du secteur).
L’impact indirect est évalué à 2,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 18 900 équivalents temps plein (ETP).
Le chiffre d’affaires direct du secteur a connu une croissance moyenne de 6 % par an entre 2012 et 2015. Cette augmentation provient principalement des recettes de billetterie (+ 6,1 % par an), mais aussi de l’augmentation du nombre de représentation (+ 6,3 % par an) et des spectateurs (+ 5,7 % par an).
En termes d’emploi, le secteur représente six fois plus d’ETP que l’enregistrement sonore musical et près de trois fois plus d’ETP que la radio.
Le tissu industriel est très majoritairement composé de petites entreprises, dans la mesure où trois quarts d’entre elles réalisent un chiffre d’affaires annuel de moins d’un million d’euros.
Selon l’étude, l’équilibre financier d’une grande part de ces petites entreprises est mal assuré, dans la mesure les investissements initiaux pour l’émergence d’un artiste sont rarement couverts par les éventuels succès commerciaux. En outre, l’augmentation significative du coût d’accueil des spectacles pèse sur cette rentabilité, sachant que ces surcoûts n’auraient pas été répercutés sur le public.
2. Un suivi très lacunaire de cette dépense par l’administration
Les données transmises par l’administration fiscale permettent par ailleurs d’évaluer la ventilation du crédit d’impôt en fonction de la taille de l’entreprise.
Le crédit d’impôt « spectacle vivant » en 2017
|
Catégorie d’entreprise |
Nombre d’entreprises bénéficiaires |
Part de la dépense fiscale |
|
TPE |
80 |
3,36 |
|
PME |
65 |
5,99 |
|
Autres entreprises |
1 |
0,33 |
|
Total |
146 |
9,69 |
Outre le nombre très important des petites entreprises concernées par le dispositif, ces données mettent en évidence un écart entre le coût du dispositif en exécution (9,7 millions d’euros) et celui initialement prévu (2 millions d’euros).
Le Rapporteur général n’a cependant pas été en mesure d’obtenir d’autres éléments d’appréciation du crédit d’impôt : taux de sélectivité des demandes déposées, ventilation du crédit d’impôt par catégorie de dépense imputable, liste des dix principaux spectacles vivants ayant bénéficié du dispositif.
Cette absence de données est certainement à mettre au compte du caractère récent du dispositif ; le Rapporteur général appelle toutefois l’administration à mettre en place rapidement des outils de suivi efficients.
— 1 —
Partie III :
Évaluations thématiques
I. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE)
A. Un avantage fiscal pour faciliter la transition écologique
Ayant succédé, à compter du 1er septembre 2014, au crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) ([37]), le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), codifié à l’article 200 quater du CGI a fait l’objet de modifications dans la loi de finances pour 2018. Celles-ci concernent la durée d’application du dispositif fiscal ainsi que le champ des dépenses éligibles au crédit d’impôt.
1. Un dispositif fiscal aux contours mouvants
a. Un dispositif au service de « l’excellence environnementale »
Répondant à un triple objectif à la fois environnemental et économique, la transformation du CIDD en CITE s’analyse comme un renforcement de l’attractivité d’un dispositif d’incitation fiscale (cf. infra), dont l’utilité est régulièrement confirmée. Notamment rappelés dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2015, les objectifs du CITE visent ainsi à accélérer et amplifier les travaux de rénovation énergétique des bâtiments pour économiser de l’énergie, faire baisser la facture énergétique et créer des emplois.
b. Un maintien du principe et de l’économie générale du dispositif
Souvent modifié, le dispositif introduit dans la loi de finances pour 2000 ([38]) a conservé son principe : il offre aux contribuables résidant en France un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale et pour la rénovation énergétique de leur logement, que ceux-ci soient propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit de leur habitation principale. Le logement accueillant les équipements doit être achevé depuis plus de deux ans à la date du début des travaux.
La liste des équipements éligibles à l’avantage fiscal figure à l’article 200 quater du CGI et les caractéristiques techniques et critères de performances minimales sont fixés par l’article 18 bis de l’annexe IV du CGI.
Le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt ne peut excéder un plafond pluriannuel. Ce dernier s’établit, au titre d’une période de cinq années consécutives comprises – depuis la loi de finances pour 2018 – entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2018, à 8 000 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et 16 000 euros pour un couple marié ou pacsé soumis à une imposition commune ([39]). Cette somme est majorée de 400 euros par personne à charge.
L’avantage fiscal accordé au titre du CITE compte pour la détermination du plafond global des avantages fiscaux prévu à l’article 200-0 A du CGI.
c. Un champ des dépenses éligibles et des taux applicables qui ont souvent varié
Le champ des dépenses éligibles au crédit d’impôt et le taux associé ont, en revanche, évolué à plusieurs reprises, esquissant un mouvement de balancier visant, tantôt à restreindre, tantôt à élargir les conditions d’application du crédit d’impôt ([40]).
Pour mémoire, le taux du crédit d’impôt a été réduit et certaines dépenses exclues dans les lois de finances pour 2011 et 2012 ([41]). La loi de finances pour 2014 ([42]) a introduit une modification substantielle en conditionnant le bénéfice de l’avantage fiscal à la réalisation d’un « bouquet » de travaux ([43]), avant que la loi de finances pour 2015 ([44]) ne le supprime et procède à un élargissement des équipements éligibles au crédit d’impôt ainsi qu’à une hausse de son taux ([45]). Afin qu’elles produisent rapidement des effets, ces dernières dispositions sont entrées en vigueur de manière rétroactive, au 1er septembre 2014.
Initialement bordée au 31 décembre 2015, la période d’application du CITE a été prorogée à plusieurs reprises depuis 2015 : dans la loi de finances pour 2016 ([46]) et dans la loi de finances pour 2017 ([47]) et, plus récemment, dans la loi de finances pour 2018.
2. Les modifications intervenues en loi de finances pour 2018
a. La prorogation du dispositif
L’article 79 de la loi de finances pour 2018 a prorogé pour une année supplémentaire le bénéfice du CITE : les dépenses relatives à l’acquisition des équipements mentionnés au 1 de l’article 200 quater du CGI sont ainsi éligibles lorsqu’elles ont été payées jusqu’au 31 décembre 2018 (auparavant jusqu’au 31 décembre 2017).
b. La modification du champ des dépenses éligibles
La liste des équipements éligibles et les conditions associées à l’avantage fiscal ont également été modifiées, ce qui témoigne de la volonté de recentrer le dispositif sur les matériaux et équipements présentant « le meilleur rapport coût-bénéfice environnemental » ([48]).
De manière générale, plusieurs équipements ont été exclus de la liste déterminant l’éligibilité au crédit d’impôt. C’est le cas des chaudières à fioul ainsi que des fenêtres, volets isolants et portes. L’exclusion des premières, qui représentent 10 % des chaudières actuellement éligibles, s’inscrit dans le prolongement du Plan climat présenté par le ministre d’État de la transition écologique et solidaire, qui vise notamment à mettre fin à l’utilisation des énergies fossiles. Les considérations qui président à l’exclusion du champ des dépenses éligibles des matériaux isolants ont trait à l’efficience de la dépense fiscale afférente (cf. infra).
Pour ménager une transition progressive, la date à laquelle l’exclusion devait prendre effet a été décalée de six mois par rapport au 31 décembre 2017 et fixée au 30 juin 2018. Pour certains équipements (chaudières au fioul à très haute performance énergétique et matériaux d’isolation thermique des parois vitrées – à condition qu’ils viennent en remplacement de parois en simple vitrage), la période complémentaire d’éligibilité ainsi ouverte s’accompagne toutefois d’une réduction du montant du taux applicable aux dépenses engagées, celui-étant divisé par deux et ramené à 15 % (contre 30 % auparavant).
Le dispositif est maintenu pour les dépenses engagées entre le 1er janvier et le 30 juin 2018 pour l’achat de chaudières à très haute performance énergétique utilisant le fioul comme énergie ; le taux de la réduction d’impôt est de 15 %.
Ces dispositions transitoires sont justifiées par la volonté, notamment rappelée dans l’évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2018, de donner aux acteurs de la filière comme aux contribuables le temps d’ajuster leurs comportements pour tenir compte des évolutions du cadre législatif et réglementaire applicable concernant des équipements qui représentent une part substantielle du total des dépenses éligibles au CITE (cf. infra).
En outre, pour les dépenses payées au titre de l’acquisition de pompes à chaleur dédiées à la production d’eau chaude sanitaire, le crédit d’impôt s’applique dans la limite d’un plafond de dépenses fixé, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’énergie, du logement et du budget du 30 décembre 2017, à 3 000 euros.
Par ailleurs, si les contribuables ont accepté un devis ou versé un acompte avant la fin de la période initialement couverte par le CITE (soit le 31 décembre 2017) ou avant la fin de la période complémentaire (soit le 30 juin 2018), l’avantage fiscal est réputé acquis et ils peuvent bénéficier du crédit d’impôt, au taux de 30 % dans le premier cas et de 15 % dans le second. Le tableau ci-dessous synthétise l’ensemble de ces modifications.
D’autres dépenses ont, en revanche, été ajoutées à la liste de celles qui ouvrent droit au crédit d’impôt. Le champ des dépenses éligibles a ainsi été élargi à celles correspondant :
– à la part représentative du coût des équipements de raccordement à des réseaux de chaleur ou de froid compris dans les droits et frais de raccordement à ces mêmes réseaux – sous réserve que ce coût soit distinctement individualisé au sein des droits et frais de raccordement ;
– à la réalisation d’un audit énergétique, lorsqu’il n’intervient pas dans un cas où la réglementation le rend obligatoire.
Tableau synthétisant les modifications apportées au dispositif
en fonction de la nature des dépenses et du calendrier de leur paiement
|
Nature des dépenses |
Dépenses payées en |
|
|
Économies d’énergie |
2017 |
2018 |
|
Chaudières au fioul à haute performance énergétique |
30 % |
Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 ; 30 %) |
|
Chaudières au fioul à très haute performance énergétique |
30 % |
– Du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018 : 15 % – Dépenses exclues à compter du 1er juillet 2018 sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er juillet 2018 ; 15 %) |
|
Isolation thermique |
2017 |
2018 |
|
Matériaux d’isolation thermique des parois vitrées |
30 % |
– Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 : 30 %) – Du 1er janvier 2018 au 30 juin 2018 uniquement si ces matériaux viennent en remplacement de parois en simple vitrage : 15 % – Dépenses exclues à compter du 1er juillet 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er juillet 2018 ; 15 %) |
|
Volets isolants ou portes d’entrée donnant sur l’extérieur |
30 % |
Dépenses exclues à compter du 1er janvier 2018 (sauf si acceptation d’un devis et versement d’un acompte avant le 1er janvier 2018 : 30 %) |
|
Équipement de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable |
2017 |
2018 |
|
Droits et frais de raccordement à un réseau de production de chaleur ou de froid, pour la seule part représentative des équipements éligibles au crédit d’impôt |
na |
30 % |
|
Autres dépenses |
2017 |
2018 |
|
Audit énergétique |
na |
30 % |
Source : commission des finances.
c. L’impact budgétaire des modifications intervenues en loi de finances pour 2018
Au total, l’ensemble des modifications apportées dans la loi de finances pour 2018 représentent un coût de 879 millions d’euros. La décomposition par modification est précisée dans le tableau ci-dessous, à partir des informations de la direction de la législation fiscale (DLF).
Impact budgétaire des modifications
apportées au CITE en loi de finances pour 2018
(en millions d’euros)
|
Prorogation d’un an du CITE jusqu’au 31 décembre 2018 |
Coût (+) |
1 675 |
|
Exclusion des chaudières les moins performantes |
Gain (-) |
10 |
|
Exclusion des parois vitrées ne venant pas en remplacement de parois en simple vitrage |
Gain (-) |
521 |
|
Exclusion des portes d’entrée et volets isolants |
Gain (-) |
270 |
|
Extension du bénéfice du CITE aux équipements de raccordement à des réseaux de chaleur ou de froid |
Coût (+) |
5 |
|
Inclusion dans le champ des dépenses éligibles de la réalisation d’un audit énergétique |
Coût (+) |
Non chiffrable |
Source : direction de la législation fiscale (DLF), commission des finances.
Selon les éléments transmis au Rapporteur général par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), le coût du CITE pour les travaux réalisés en 2018 est évalué à 1,1 milliard d’euros, ce qui représente une économie de 730 millions d’euros par rapport à la dépense fiscale associée aux travaux réalisés au cours de l’année 2016.
Le gain (moindres dépenses fiscales) des mesures concernant les seules fenêtres ([49]) est estimé à 370 millions d’euros
Le gain associé à l’exclusion du champ des dépenses éligibles pour les portes et volets isolants est évalué à 317 millions d’euros en année pleine.
La suppression du bénéfice du CITE pour les chaudières à très haute performance énergétique est associée à un gain estimé à 150 millions d’euros en année pleine, en précisant que « les chaudières à fioul représentant environ 10 % des chaudières à performance énergétique, le gain de la suppression du CITE sur ces seules chaudières est estimé à 15 millions d'euros en année pleine ».
d. Les dispositions nécessitant des mesures d’application
Conséquences des modifications apportées en loi de finances pour 2018, les textes de nature réglementaire qui précisent les conditions d’application du crédit d’impôt ont été modifiés, complétés ou publiés.
– L’arrêté du 30 décembre 2017 pris pour l’application de l’article 200 quater du CGI relatif au crédit d’impôt sur le revenu pour la transition énergétique a modifié les articles 18 bis et 18 quater de l’annexe IV du CGI pour tenir compte des modifications apportées au champ des dépenses éligibles au crédit d’impôt (chaudières à très haute performance et audit de performance énergétique).
– Le décret devant préciser les conditions de qualification des auditeurs a été publié le 30 mai 2018 ([50]). Il impose aux auditeurs d’être titulaires de l’un des signes de qualité listés à l’article 1er du décret.
– Une publication au BOFiP le 6 juillet 2018 ([51]) précise les conditions d’application du CITE.
100 % des mesures d’application ont ainsi été prises.
B. Un dispositif qui a vocation à disparaître
1. Une évaluation contrastée du dispositif
a. Une évolution globalement dynamique quoiqu’irrégulière de la dépense fiscale
Reflétant en grande partie les modifications successives apportées aux contours du dispositif, la dépense fiscale relative au CITE a connu d’importantes variations dans le temps.
L’inspection générale des finances (IGF) et le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), dans leur rapport d’avril 2017 ([52]), estiment que le coût du dispositif s’élève à 1,7 milliard d’euros en 2016 et rappellent que son coût annuel a beaucoup varié depuis sa création, « entre 0,6 et 2,7 milliards d'euros » ([53]).
Élément le plus marquant dans l’évolution du dispositif, la transformation du CIDD en CITE a entraîné un doublement de la dépense fiscale au titre de 2015, la portant ainsi à son plus haut niveau historique (et similaire à celui de 2008-2009).
De manière générale, la dépense fiscale et le nombre de bénéficiaires ont tous deux connu une progression relativement régulière jusqu’en 2009 avant d’enregistrer une diminution significative au début des années 2010. Ce tournant correspond notamment à la volonté de maîtriser la dépense publique, particulièrement visible dans les modifications apportées au dispositif à partir de la loi de finances pour 2011.
À partir de 2015 en revanche, la nécessité de soutenir des investissements coûteux pour les ménages dont les bénéfices s’apprécient à long terme est rappelée et explique le retour sur les mesures adoptées dans une perspective de maîtrise de la dépense fiscale associée au CITE. La condition relative au « bouquet » de travaux pour bénéficier de l’avantage fiscal est supprimée, afin de rendre le dispositif plus attractif et de renforcer l’incitation à la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
Compte tenu des très nombreuses variations des caractéristiques et conditions du CITE, les comparaisons établies, d’une année sur l’autre, sont à considérer avec prudence car le champ des équipements éligibles est souvent différent – dans des proportions plus ou moins importantes. Il est toutefois possible de présenter, à partir des données disponibles relatives aux déclarations des revenus 2013, 2014, 2015 et 2016 ([54]), les évolutions de la dépense fiscale par catégorie d’équipements ([55]).
De manière générale, les dépenses relatives aux économies d’énergie ont augmenté, entre 2013 et 2017, de 33 %, les dépenses d’isolation thermique de 50 % et, en leur sein, les dépenses relatives aux fenêtres de 52 %. Seules les dépenses d’équipements de production d’énergie et celles incluses dans la catégorie « autres dépenses » ont enregistré une baisse.
Évolution des dépenses éligibles au CITE
(en millions d’euros)
|
Dépenses éligibles |
IR 2014 |
IR 2015 |
IR 2016 |
IR 2017 |
Évolution IR 2017/IR 2014 |
|
Économies d’énergie |
490 |
523 |
682,6 |
735 |
33 % |
|
Isolation thermique |
2 390 |
3 098 |
4 598 |
4 753 |
50 % |
|
Dont fenêtres |
1 178 |
1 592 |
2 440 |
2 463 |
52 % |
|
Équipements de production d’énergie |
1 629 |
983 |
1 113 |
1 029 |
– 58 % |
|
Autres dépenses |
17,8 |
8,48 |
15 |
17 |
– 5 % |
|
Dont diagnostic de performance énergétique |
3 |
4 |
5 |
7 |
57 % |
Source : commission des finances.
Évolution des dépenses éligibles au CITE entre 2013 et 2016
(en millions d’euros)
Source : commission des finances.
Selon les données transmises au Rapporteur général, si le nombre de bénéficiaires du CITE a presque doublé entre 2014 et 2016, le montant moyen du crédit d’impôt par foyer fiscal est resté relativement constant sur cette même période.
Évolution du Nombre de bénéficiaires du CITE
et du montant moyen de l’avantage fiscal
|
Impôt sur le revenu |
2014 |
2015 |
2016 |
|
Nombre de bénéficiaires (en millions) |
660 564 |
1 174 802 |
1 224 560 |
|
Montant moyen du crédit d’impôt (en euros) |
1 350 |
1 429 |
1 374 |
Source : direction de la législation fiscale (DLF).
b. Une efficacité contrastée de la dépense fiscale
Le CITE comporte plusieurs catégories de dépenses dont l’impact, budgétaire, d’une part, et environnemental, d’autre part, ne permet pas de dresser un bilan univoque de l’efficience de la dépense fiscale afférente. L’évaluation du dispositif commande ainsi une analyse plus fine, qu’il semble difficile d’effectuer, compte tenu du manque de données disponibles (cf. infra).
Les modifications apportées – sans grande cohérence – au dispositif au cours des huit voire des cinq dernières années contraignent l’exercice, l’impact de certaines de ces changements ne pouvant être très précisément apprécié ou les effets de chaque mesure appréhendés de manière isolée. Il est toutefois possible de rappeler certains des constats dressés notamment dans le rapport précité sur les aides à la rénovation énergétique des logements privés réalisé par l’IGF et le CGEDD en avril 2017, dont l’actualité ne semble pas remise en cause.
Le dispositif fiscal, dont un million de personnes en moyenne ont bénéficié au cours des dix précédentes années ([56]) semble avoir été concentré sur certains foyers fiscaux : sur les propriétaires, d’une part, et sur les foyers aux revenus les plus élevés, d’autre part.
Si l’absence de ciblage du dispositif permet d’assurer l’égalité des contribuables, quelle que soit leur situation par rapport au logement qui constitue leur habitation principale, plusieurs éléments nuancent l’appréciation a priori positive.
En premier lieu, le coût moyen des travaux réalisés dans le cadre de la rénovation énergétique de leurs logements par les ménages est élevé, de l’ordre de 10 000 euros ([57]) et le crédit d’impôt bénéficie en majeure partie aux contribuables appartenant aux déciles supérieurs.
Le rapport de l’IGF-CGEDD précité indique ainsi que « la part du premier quintile de revenus ([58]) dans les bénéficiaires du CIDD/CITE depuis 2005 est relativement stable autour de 50 % de la dépense fiscale ».
part des dépenses au titre du cite par quintile de revenus
Source : DGFiP.
Par ailleurs, l’analyse du statut du contribuable vis-à-vis du logement montre que ce sont surtout les propriétaires qui réalisent les travaux et bénéficient donc de l’avantage fiscal. Les propriétaires occupants sont ainsi à l’origine de plus de 90 % des dépenses de rénovation énergétique déclarées.
répartition des dépenses déclarées au titre du CITE en 2015 selon l’occupation du logement
|
Type d’occupation |
Dépenses déclarées (en millions) |
Part (en %) |
|
Par un propriétaire |
5 958 |
94 |
|
Par un locataire |
188 |
3 |
|
Autres types d’occupation |
173 |
3 |
Source : DGFiP.
La pertinence d’un dispositif fiscal ne s’apprécie pas uniquement à l’efficience de la dépense mais également en analysant le nombre et le profil de ses bénéficiaires.
Compte tenu de la très faible représentation des locataires et des occupants à titre gratuit dans la population des bénéficiaires du crédit d’impôt, la question du maintien de cette disposition pourrait être posée.
En second lieu, l’analyse de la distribution du crédit d’impôt en fonction de l’« âge » du logement indique qu’il n’y a pas de concentration des travaux sur les logements les plus anciens, lesquels sont pourtant les moins performants du point de vue de l’efficacité énergétique. Un recentrage du dispositif pourrait être envisagé au moyen de critères permettant de davantage cibler les dépenses vers les logements les moins performants. La réintroduction de taux différents en fonction des caractéristiques des logements pourrait également être étudiée, le cas échéant, dans le cadre d’une réforme de plus grande ampleur qui viserait à réduire, de manière générale, le montant du crédit d’impôt dont le niveau est particulièrement élevé.
En dernier lieu, les dépenses du CITE semblent fortement concentrées sur des travaux dont le rapport « coût-efficacité énergétique » est limité ([59]).
La liste des dépenses éligibles au CITE comprend plusieurs types d’équipements, tant relatifs aux économies d’énergie, à l’isolation thermique, qu’à la production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable. La part de chaque catégorie d’équipement dans la dépense fiscale et leur contribution à chacun des objectifs du crédit d’impôt et, notamment, à l’objectif environnemental, sont très variables.
Évolution de la part des dépenses d’isolation thermique
dans les dépenses totales
|
IR 2014 |
IR 2015 |
IR 2016 |
IR 2017 |
|
53 % |
67 % |
72 % |
73 % |
Source : commission des finances, à partir des données consolidées des déclarations de revenus (6e émission).
Évolution de la part des dépenses de fenêtres
dans les dépenses d’isolation thermique et dans les dépenses totales
|
Impôt sur le revenu |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Part des dépenses de fenêtres dans celles d’isolation thermique |
49 % |
51 % |
53 % |
52 % |
|
Part des dépenses de fenêtres dans les dépenses totales |
26 % |
35 % |
38 % |
38 % |
Source : commission des finances, à partir des données consolidées des déclarations de revenus (6e émission)
Les travaux d’isolation constituent, chaque année, le premier poste de dépenses du CITE, notamment porté par la dynamique des dépenses consacrées aux fenêtres. Ces dernières représentent, entre 2013 et 2017, 50 % des dépenses totales engagées pour des travaux d’isolation thermique et, entre 26 et 38 % des dépenses totales éligibles au CITE sur la période.
Or, les différentes analyses effectuées sur l’efficacité énergétique des fenêtres sont unanimes pour considérer qu’il s’agit des équipements dont le rapport coût-efficacité énergétique est le moins favorable. Dans cette perspective, leur exclusion du champ des dépenses éligibles dans la loi de finances 2018 (sous les réserves exposées supra s’agissant de la période transitoire) semble pertinente pour améliorer l’efficacité du CITE.
Pour mémoire, le rapport de l’IGF-CGEDD précité, recommandait, s’agissant du CITE, de :
– de réduire le taux « historiquement élevé » à 20 % et de relever, en contrepartie, le plafond de travaux à 12 000 euros pour une personne seule et 24 000 euros pour un couple ;
– conditionner l’obtention de l’avantage fiscal à la réalisation d’au moins deux gestes de rénovation énergétique ;
– réduire la dépense fiscale associée au remplacement des fenêtres en ne retenant dans l’assiette du crédit d’impôt que la moitié du montant des dépenses engagées.
c. Des difficultés à apprécier les effets induits par le crédit d’impôt
L’évaluation du CITE et l’appréciation de l’efficience de la dépense publique par rapport aux objectifs qui lui sont assignés nécessitent d’identifier les effets de l’avantage fiscal sur le marché de la rénovation énergétique, sur le coût des équipements et sur la facture énergétique.
L’absence de travaux économiques suffisants sur ces questions, notamment pointé par l’IGF, ne permet pas de disposer de conclusions probantes. Plusieurs éléments peuvent toutefois être soulignés.
Interrogée sur ces questions, la DHUP a renvoyé le Rapporteur général vers le rapport conjoint de l’IGF et du CGEDD précité.
Ce rapport indique que, faute de données disponibles, la mission n’a pas été en mesure de déterminer si le crédit d’impôt exerçait un effet sur les prix des équipements éligibles et de préciser, le cas échéant, la nature inflationniste ou déflationniste des effets. Elle indique toutefois – de manière quelque peu sibylline – que de « fortes présomptions pèsent sur certains travaux ».
Annoncée lors de la dernière campagne présidentielle, la transformation du CITE en une « prime immédiatement perceptible au moment des travaux, et non l’année suivante » devrait intervenir en 2019. Dans l’intervalle, la prorogation du dispositif pour une année supplémentaire semblait, au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, être une « nécessité pour permettre de poursuivre la rénovation du parc de logements, de soutenir la montée en puissance des professionnels sur les travaux de rénovation énergétique et de réduire la facture énergétique des ménages » ([60]).
De manière générale, l’instauration d’un système de prime en lieu et place du crédit d’impôt s’analyse comme une facilité de trésorerie pour les contribuables, lesquels ne seront plus contraints d’avancer, en année N, l’intégralité des frais correspondant aux travaux, dans l’attente de la restitution du montant de l’avantage fiscal en année N + 1.
La mise en place d’un tel mécanisme nécessite d’en préciser en amont les caractéristiques et modalités de fonctionnement. À titre d’illustration, les critères et conditions d’éligibilité, les procédures pour en bénéficier, les critères des éventuels contrôles mis en place devront faire l’objet d’une définition. Des questions se posent également quant à l’articulation du système de prime avec le CITE : la transformation se fera-t-elle, par exemple, à champ de dépense constant ?
Il a, dans un premier temps, été indiqué au Rapporteur général que cette réforme était en cours d’arbitrage. Par conséquent, aucune information sur le calendrier et aucun élément de nature à confirmer que la mise en place de la réforme serait effectuée, comme annoncé, au 1er janvier 2019, n’ont été transmis.
Des précisions ont toutefois été apportées, dans un second temps, par le ministère de la transition écologique et solidaire, sur les travaux effectués par les services dans le cadre de la préparation de cette réforme. La faisabilité et les modalités techniques de la transformation du crédit d’impôt en un système de prime sont étudiées, dans la double perspective de recentrer le dispositif, d’une part, sur les gestes techniques dont l’efficacité énergétique est à la fois avérée et significative et, d’autre part, sur les ménages aux revenus les plus modestes pour lesquels le mécanisme du crédit d’impôt constitue aujourd’hui une charge importante.
Si certains paramètres de la réforme sont encore à préciser, le Gouvernement devra arbitrer, de manière générale, entre les engagements formulés, tant en matière de transition énergétique que de maîtrise de la dépense publique.
Les discussions qui se tiendront dans le cadre du prochain projet de loi de finances seront ainsi l’occasion pour le Parlement d’examiner les propositions qui seront formulées par le Gouvernement et d’envisager, le cas échéant, d’apporter quelques correctifs au dispositif.
II. La réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire « PINEL »
A. Un dispositif héritier de trente ans de soutien à l’investissement locatif privé
1. Un avantage fiscal bien assis dans le paysage fiscal français
« Au cours des trente dernières années, seize dispositifs d’incitation différents se sont succédé pour soutenir l’investissement privé pour un coût annuel d’environ 2 milliards d’euros. » ([61])
Introduit par la loi de finances pour 2013 ([62]), le dispositif « Pinel », réduction d’impôt sur le revenu, s’inscrit dans la continuité des différentes aides au secteur locatif neuf qui se sont succédé depuis plus de trente ans ([63]). Il est codifié à l’article 199 novovicies du CGI.
a. Un objectif affiché de soutien au secteur immobilier
Créé dans un but de soutien à la construction de logements neufs, le dispositif « Duflot-Pinel » s’analyse principalement comme une mesure de soutien au secteur immobilier visant à concilier le « respect de contraintes sociales, environnementales, juridiques et budgétaires » ([64]) et constitue une spécificité de la politique de logement française. Traduisant ces objectifs, le principe retenu est celui d’une réduction d’impôt accordée en contrepartie d’un engagement « social ».
Les contribuables qui en bénéficient s’engagent ainsi à louer leurs biens dans des conditions spécifiques déterminées par la loi et non par le libre jeu du marché.
Les biens doivent être donnés en location nue et constituer la résidence principale des locataires, lesquels ne peuvent être membres du foyer fiscal du propriétaire ([65]). La location à un ascendant ou à un descendant est autorisée pour les investissements réalisés depuis le 1er janvier 2015 ([66]).
Les propriétaires s’engagent à louer leur bien, pour une durée minimale fixée par la loi à six ou neuf ans ([67]), à des locataires sélectionnés en fonction de leurs revenus. Un plafond de ressources est fixé par décret ([68]). Le loyer qui est exigé ne peut excéder les plafonds également définis par décret « en fonction de la localisation du logement et de son type » ([69]).
Compte tenu de l’objectif relatif à l’accès au logement, la réduction d’impôt est applicable pour les investissements réalisés dans certaines zones géographiques où le déséquilibre entre l’offre et la demande de logements est important. Un maillage du territoire est établi par arrêté des ministres chargés du budget et du logement ([70]).
b. Des avantages fiscaux dont les conditions ont évolué
La réduction d’impôt dite « Pinel » est le produit des évolutions successives apportées au dispositif de soutien en faveur de l’investissement locatif. Reprenant, dans ses grandes lignes, l’architecture du dispositif « Scellier », la réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire a fait l’objet de modifications en 2015 ainsi que, plus récemment, dans la loi de finances pour 2018.
Pour mémoire, à compter de 2009, une nouvelle incitation fiscale en faveur de la construction neuve, dite « Scellier », a été introduite. Elle prenait la forme d’une réduction d’impôt de 25 % sur le prix de revient de l’investissement immobilier, dans la limite de 300 000 euros par contribuable (comprenant les éventuels travaux de réhabilitation). La réduction d’impôt était répartie en parts égales sur les neuf années constituant la durée minimale de l’engagement de location par le contribuable.
Dans un premier temps, la réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire créée par la loi de finances pour 2013 sous le nom de dispositif « Duflot » est venue remplacer le dispositif « Scellier » qui a pris fin (sauf exceptions) à compter du 1er janvier 2013. Dans un second temps, les modifications apportées en 2014 ([71]) visaient notamment à accroître l’attractivité du dispositif – devenu « Pinel » – auprès d’une « plus grande diversité d’investisseurs » ([72]).
Reprenant l’outil fiscal des dispositifs dont il est l’héritier, le « Pinel » consiste en une réduction d’impôt sur le revenu accordée aux contribuables domiciliés en France qui acquièrent ou font construire des logements neufs ou assimilés, qu’ils agissent directement ou, sous conditions, par le biais d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés ([73]).
TABLEAU RÉCAPITULATIF DES LOGEMENTS OUVRANT DROIT À LA RÉDUCTION D’IMPÔT
|
Type de logement |
Conditions particulières à respecter |
|
Logement neuf |
– |
|
Logement en l’état futur d’achèvement |
Achèvement du logement dans les trente mois qui suivent la date de la signature de l’acte authentique d’acquisition. |
|
Logement que le contribuable fait construire |
– Dépôt de permis de construire entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2017. – Achèvement du logement dans les trente mois qui suivent la date de l’obtention du permis de construire. |
|
Logement qui fait ou qui a fait l’objet de travaux concourant à la production ou à la livraison d’un immeuble neuf |
– Si les travaux ont été réalisés avant l’acquisition du logement par le contribuable, la réduction d’impôt s’applique aux logements qui n’ont pas été utilisés ou occupés depuis l’achèvement des travaux
– Si les travaux sont réalisés après l’acquisition du logement, leur achèvement doit intervenir au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’acquisition du bien concerné. |
|
Logement qui ne satisfait pas aux caractéristiques de décence qui fait ou qui a fait l’objet de travaux permettant à ce logement d’acquérir des performances techniques voisines de celles d’un logement neuf |
|
|
Local affecté à un usage autre que l’habitation qui fait ou qui a fait l’objet de travaux de transformation en logement |
Source : commission des finances.
Pour être éligibles à la réduction d’impôt, les logements doivent respecter certains critères environnementaux relatifs à leur performance énergétique dont les conditions sont fixées par décret, en fonction du type de logement concerné ([74]).
Compte tenu de l’objectif d’accès au logement, le législateur a encadré les conditions de location. Il a ainsi soumis le bénéfice de la réduction d’impôt à deux plafonds, respectivement applicables aux ressources des locataires et au montant du loyer qui peut être exigé. Ces deux plafonds, qui dépendent en grande partie de la zone géographique dans laquelle se situe le logement, sont précisés dans l’annexe III du CGI ([75]).
Le taux de la réduction d’impôt, variable selon la durée de l’engagement de location ([76]) et le lieu de l’investissement (en métropole ou en outre-mer ([77])), s’applique au prix de revient du logement ([78]), retenu dans la limite d’un plafond global de 300 000 euros par contribuable pour une même année d’imposition ([79]). Le montant de la réduction d’impôt est réparti sur les années de l’engagement de la location, à raison d’un sixième ou d’un neuvième du montant total sur les années suivant celle d’acquisition ou d’achèvement du logement. Le contribuable peut, à l’issue de la période couverte par l’engagement de location, proroger son engagement initial, dans la limite d’une durée maximale de douze ans ([80]). Le taux de la réduction d’impôt associée à de telles prorogations est précisé au VII bis de l’article 199 novovicies du CGI et peut ainsi s’élever à 21 % du montant du prix de revient du logement.
L’avantage fiscal accordé au titre de la réduction d’impôt compte pour la détermination du plafond global des avantages fiscaux prévu à l’article 200-0 A du CGI.
TABLEAU RÉCAPITULATIF du taux de la rÉduction d’impÔt applicable
selon le lieu de l’investissement et la durÉe de l’engagement
|
Type d’investissement |
Taux de réduction d’impôt applicable |
||
|
Taux initial |
Prorogation pour 3 années supplémentaires |
Renouvellement de la prorogation pour 3 années supplémentaires |
|
|
Investissements réalisés en métropole |
|
||
|
Engagement initial de 6 ans |
12 % |
6 % |
3 % |
|
Engagement initial |
18 % |
3 % |
NA |
|
Investissements réalisés outre-mer |
|
||
|
Engagement initial |
23 % |
6 % |
3 % |
|
Engagement initial |
29 % |
32 % |
NA |
Source : commission des finances.
2. Des modifications en loi de finances pour 2018
Tirant notamment les enseignements du constat formulé par la Cour des comptes en juin 2017 ([81]), sans remettre pour autant en question la pertinence du dispositif, le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi de finances pour 2018, deux modifications relatives à la prorogation et au champ d’application de la réduction d’impôt.
a. Une prorogation de l’avantage fiscal pour quatre années supplémentaires
Considérant que les effets du dispositif sur le secteur de la construction étaient satisfaisants, et craignant que son extinction prévue le 31 décembre 2017 entraîne « une diminution des mises en chantier de logements neufs » ([82]), le Gouvernement a proposé, dans le projet de loi de finances pour 2018, de prolonger le dispositif.
L’article 68 de la loi de finances pour 2018 a ainsi prorogé de quatre années la réduction d’impôt « Pinel », en portant son terme au 31 décembre 2021.
Sont donc éligibles à l’avantage fiscal :
– les logements acquis neufs ou en l’état futur d’achèvement avant le 31 décembre 2021 ;
– les logements que le contribuable fait construire et qui font l’objet d’un dépôt de demande de permis de construire avant le 31 décembre 2021 ;
– les logements acquis avant le 31 décembre 2021 et qui font ou qui ont fait l’objet de travaux concourant à la production ou à la livraison d’un immeuble neuf ;
– les logements vétustes acquis avant le 31 décembre 2021 et qui font ou qui ont fait l’objet de travaux de réhabilitation leur permettant d’acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ;
– les locaux affectés à un autre usage que l’habitation acquis avant le 31 décembre 2021 et qui font ou qui ont fait l’objet de travaux de transformation en logements.
b. Un recentrage du dispositif sur les zones les plus tendues
Contrepartie à la prorogation du dispositif, la limitation de son champ d’application constitue la deuxième modification apportée à l’économie générale de la réduction d’impôt « Pinel ».
Jusqu’au 31 décembre 2017, son bénéfice était réservé aux logements des communes situées dans les zones A bis, A, B1 ainsi que, par dérogation, dans les communes situées dans les zones B2 et C lorsqu’elles ont fait l’objet d’un agrément du représentant de l’État dans la région, après avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement.
Présentée comme un moyen de concentrer les effets du dispositif sur les zones les plus tendues, la restriction du champ d’application aux zones A, A bis et B1, proposée par le Gouvernement dans le projet de loi de finances, a été assouplie au cours des débats parlementaires.
À la faveur d’un amendement du Rapporteur général, le champ d’application du dispositif a été affiné afin de concentrer les efforts sur les zones géographiques présentant une tension importante sur le marché locatif. À la limitation de l’avantage fiscal aux zones A, A bis et B1 s’ajoute une dérogation pour les investissements réalisés dans des communes couvertes par un contrat de redynamisation de site de défense (CRSD), quelle que soit la zone géographique (A bis, A, B1, B2 ou C) dans laquelle elles sont situées.
Par ailleurs, afin de permettre une sortie progressive du dispositif des communes situées dans les zones B2 et C, des dispositions transitoires ont maintenu l’éligibilité à la réduction d’impôt des investissements réalisés avant le 31 mars 2018.
Évolution des zones Éligibles À la rÉduction d’impÔt « Duflot-Pinel »
|
Zone |
« Duflot-Pinel » avant la LFI 2017 |
« Pinel » après la LFI 2017 (2017) |
« Pinel » dans le PLF 2018 (2018-2021) |
« Pinel » dans la LFI 2018 (2018-2021) |
|
Zones éligibles |
A bis, A, B1 |
A bis, A, B1 |
A bis, A, B1 |
A bis, A, B1 + communes ayant conclu un CRSD quelle que soit leur zone géographique |
|
Zones éligibles par dérogation |
B2 (agrément du préfet de région après avis du comité régional de l’habitat) |
B2 et C (agrément du préfet de région après avis ([83]) du comité régional de l’habitat) |
– |
B2 et C (de façon transitoire) |
|
Zones non éligibles |
C |
– |
B2 et C |
– |
Source : commission des finances.
Introduit par le Sénat à l’initiative de sa commission des finances, l’encadrement des frais et commissions perçus par les intermédiaires dans le cadre d’opérations d’acquisition de logements ouvrant droit à la réduction d’impôt prévoit que le montant des frais, directs et indirects, imputés au titre d’une même acquisition est plafonné. Le plafond, déterminé en fonction d’un pourcentage du prix de revient, doit être fixé par décret.
c. Des dispositions nécessitant des mesures d’application
Les modifications apportées au dispositif en loi de finances pour 2018 ne commandent que peu de mesures d’application.
Au moment de la rédaction du présent rapport, le décret précisant les modalités du plafonnement des frais perçus par les intermédiaires dans le cadre d’opérations d’acquisition de logements ouvrant droit à la réduction d’impôt n’avait pas été publié. Il a été indiqué au Rapporteur général que le décret était en cours de rédaction par les services de la DHUP et de la direction générale du Trésor sans qu’il soit toutefois possible d’en préciser le calendrier de publication. Dans cette perspective, le caractère technique des dispositions à préciser et la sensibilité du sujet pour les professionnels concernés sont des éléments à prendre en considération.
Le zonage du territoire, qui conditionne l’application de certaines aides au logement, dont fait notamment partie la réduction d’impôt « Pinel », est précisé dans un arrêté des ministres chargés du logement et du budget devant, conformément à l’article R. 304-1 du code de la construction et de l’habitation, être révisé « au moins tous les trois ans ». Or, la dernière révision de l’arrêté remonte à l’année 2014 ([84]).
La révision, annoncée lors des débats parlementaires, pour l’année 2018 n’est toujours pas intervenue au moment de la rédaction du présent rapport et aucun élément de calendrier n’a été transmis au Rapporteur général sur ce point.
Soulignant que le découpage du territoire en zones, défini au niveau national, se révèle parfois mal adapté aux réalités des politiques locales de l’habitat, la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) du ministère du logement a toutefois :
– rappelé que l’article 68 de la loi de finances pour 2018 prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er septembre 2018, un « rapport d’évaluation sur des zones géographiques établies pour déterminer l’éligibilité au dispositif prévu à l’article 199 novovicies du code général des impôts, notamment afin d’apprécier la pertinence des critères retenus pour le classement des communes au regard des besoins des territoires concernés ».
– indiqué qu’une réflexion est actuellement menée sur l’opportunité et les éventuelles modalités d’une décentralisation de la définition du zonage ou d’une délégation, au profit des territoires, des aides à l’accession et à l’investissement locatif.
Le BOFiP relatif au dispositif « Pinel » ([85]) a été mis à jour le 28 juin 2018. Il ne contient pas de précisions sur l’encadrement des frais pouvant être perçus par les intermédiaires.
En revanche, des précisions sont apportées sur les dispositions applicables aux communes couvertes par un CRSD dans une publication datant également du 28 juin 2018 ([86]). Il est ainsi indiqué que :
– les contrats de redynamisation sont conclus, en principe, pour une durée de quatre années, reconductible une fois par un avenant d’un an maximum.
– la période d’éligibilité à la réduction d’impôt « Pinel » des investissements réalisés dans des communes couvertes par un CRSD s’apprécie « de date à date à compter de la date de signature du CRSD » et jusqu’à son terme ([87]).
– si la période du CRSD s’étend au-delà du 31 décembre 2021 – date à laquelle la prorogation du dispositif « Pinel » prend fin –, cela est sans effet sur l’application de la réduction d’impôt. En d’autres termes, sont éligibles au dispositif les investissements réalisés, à compter de la date de signature du CRSD et, « en toute hypothèse, au plus tôt depuis le 1er janvier 2017 » et jusqu’au 31 décembre 2021, y compris dans l’hypothèse où le CRSD ne serait pas arrivé à son terme à cette date. La durée de vie d’un CRSD au-delà du 31 décembre 2021 n’est pas de nature à proroger l’application de la réduction d’impôt.
S’agissant des CRSD, on assiste à un détournement de la volonté du législateur car la prorogation du dispositif avait pour objet de favoriser l’investissement dans des territoires ne bénéficiant plus du soutien de l’État à ce titre, et dont des quartiers entiers ont été rasés ou demandent des réhabilitations lourdes. La cible n’est donc pas atteinte par la rédaction adoptée in fine dans le BOFiP, et ce d’autant moins que ces sites cumulent ces difficultés avec celles relatives à la mise en œuvre des dispositions de l’article 156 bis du CGI très restrictif sur l’application de la défiscalisation dite « Malraux » en faveur de la réhabilitation des monuments historiques.
B. Un dispositif coûteux dont l’efficacité n’est pas certaine
1. Une dépense fiscale dynamique et pluriannuelle
a. Un coût « générationnel » du dispositif significatif et des modifications apportées en loi de finances pour 2018
Le dispositif « Pinel » présente la particularité de peser sur plusieurs exercices budgétaires, compte tenu de la répartition de la réduction d’impôt sur la durée totale de l’engagement de location. L’évaluation du coût total nécessite donc d’embrasser une approche pluriannuelle courant jusqu’à l’extinction totale du dispositif, c’est-à-dire le moment où il cesse de produire des effets.
Le tableau ci-dessous rappelle la chronique de l’évolution du coût du dispositif avant les modifications introduites en loi de finances pour 2018 et précise l’incidence budgétaire de la prorogation du dispositif pour quatre années. Le coût budgétaire de la réduction d’impôt « Pinel » intégrant la prorogation de quatre ans, à compter du 1er janvier 2018 jusqu’au 31 décembre 2021, pour les seuls logements situés dans les zones A, A bis et B1, est décomposé par année de prorogation dans le tableau suivant.
Évolution du coÛt de la rÉduction d’impÔt « Pinel »
par annÉe d’incidence budgÉtaire
(en millions d’euros)
|
Années d’incidence budgétaire |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
2031 |
2032 |
2033 |
2034 |
2035 |
2036 |
|
Coût de la RI « Pinel » avant prorogation |
597 |
708 |
704 |
682 |
632 |
564 |
474 |
357 |
237 |
137 |
55 |
31 |
13 |
– |
– |
– |
– |
– |
|
Coût de la RI Pinel au titre des investissements réalisés en 2018 |
59 |
99 |
198 |
198 |
198 |
198 |
180 |
169 |
140 |
105 |
82 |
23 |
16 |
12 |
– |
– |
– |
– |
|
Coût de la RI Pinel au titre des investissements réalisés en 2019 |
– |
61 |
101 |
202 |
202 |
202 |
202 |
184 |
172 |
143 |
107 |
83 |
24 |
17 |
12 |
– |
– |
– |
|
Coût de la RI Pinel au titre des investissements réalisés en 2020 |
– |
– |
62 |
103 |
206 |
206 |
206 |
206 |
188 |
176 |
146 |
110 |
85 |
24 |
17 |
12 |
– |
– |
|
Coût de la RI Pinel au titre des investissements réalisés en 2021 |
– |
– |
– |
63 |
105 |
211 |
211 |
211 |
211 |
192 |
180 |
149 |
112 |
87 |
25 |
17 |
12 |
– |
|
Coût total de la RI « Pinel » prorogée de quatre ans |
656 |
867 |
1 065 |
1 248 |
1 343 |
1 380 |
1 273 |
1 127 |
948 |
753 |
570 |
397 |
250 |
140 |
54 |
30 |
12 |
– |
Source : direction de la législation fiscale (DLF). Les estimations et les chroniques budgétaires fournies s’appuient sur les données déclaratives au titre de l’imposition des revenus 2014 et 2015 à la sixième émission et 2016 à la deuxième émission.
Les pertes de recettes résultant de la prorogation pour quatre années supplémentaires du dispositif et de son recentrage sur les zones A, A bis et B1 sont estimées à 59 millions d’euros en 2019, 159 millions d’euros en 2020 et 360 millions d’euros en 2021.
Le coût total de la prorogation pour la période 2019-2035 est évalué à 6,9 milliards d’euros, réparti selon la chronique budgétaire présentée dans le tableau suivant ([88]).
CoÛt budgÉtaire de la prorogation de la réduction d’impôt pour la pÉriode 2019-2035
(en millions d’euros)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
2031 |
2032 |
2033 |
2034 |
2035 |
|
59 |
159 |
360 |
566 |
711 |
816 |
799 |
770 |
711 |
616 |
515 |
365 |
237 |
140 |
54 |
30 |
12 |
Source : direction de la législation fiscale (DLF).
Pour chaque millésime d’investissements sur la période couverte par la prorogation, le coût générationnel est estimé à :
CoÛt gÉnÉrationnel sur la pÉriode couverte par la prorogation du CITE
(en milliards d’euros)
|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
1,7 |
1,7 |
1,7 |
1,8 |
Source : direction de la législation fiscale (DLF).
Il convient de souligner qu’à ces estimations totales, s’ajoutent le coût associé aux dispositions transitoires permettant de maintenir l’éligibilité à la réduction d’impôt des investissements dans les communes situées en zones B2 et C ainsi que celui des investissements réalisés dans des communes couvertes par un CRSD.
Non précisés au moment du moment du débat sur le projet de loi de finances pour 2018, les effets du recentrage du dispositif peuvent aujourd’hui être partiellement appréhendés à partir des données transmises au Rapporteur général. Si les effets de la modification du zonage sur les bénéficiaires potentiels sont difficiles à évaluer, les services de la DHUP ont communiqué leurs estimations sur le montant de la dépense fiscale pour les années 2018 à 2022 avant et après recentrage du dispositif ainsi que la dépense moyenne par logement, en l’espèce, constante.
Évolution de la dÉpense fiscale associée à la réduction d’impôt « Pinel » avant et aprÈs le recentrage du dispositif
intervenu en loi de finances pour 2018
(en millions d’euros)
|
Année |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
|
Dépense fiscale sans recentrage |
551 |
779 |
1 016 |
1 251 |
1 478 |
|
Dépense fiscale avec recentrage |
551 |
770 |
992 |
1 195 |
1 390 |
Source : direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP).
Le Rapporteur général n’a pas obtenu de réponse sur les effets associés à l’application du dispositif aux communes couvertes par un CRSD. La DHUP a toutefois indiqué qu’en 2018, 160 communes étaient couvertes par un CRSD en vigueur et estime que le coût pour les finances publiques « peut être considéré comme négligeable », la population des communes couvertes par un CRSD situées en zone B2 et C étant inférieure à 300 000 habitants.
S’il n’a pas été isolé, le coût des dispositions transitoires (maintien pour zones B2 et C) peut, sans doute, être également considéré comme marginal. Selon la Cour des comptes, les investissements réalisés dans le cadre du dispositif « Pinel » en zone A bis, A et B1 représentaient, en 2014 et en 2015, 87 % des investissements totaux réalisés dans le cadre du dispositif. Les investissements réalisés en zone B2 et C ne constituent ainsi qu’une part – et donc un coût – relativement modestes par rapport à l’ensemble.
b. Un dispositif dont les bénéfices sont concentrés sur les ménages les plus aisés
Le nombre de foyers déclarant une réduction d’impôt « Pinel » connaît une progression notable. Entre 2014 et 2016, leur nombre a augmenté de plus de 90 %, passant d’un peu moins de 5 000 à plus de 72 000.
Ensemble des foyers dÉclarant la rÉduction d’impÔt « Pinel »
|
Année de revenus |
Foyer déclarant une réduction d’impôt « Pinel » |
Foyers déclarant un investissement au titre du « Pinel » |
Foyers déclarant un report du « Pinel » |
||||
|
Métropole |
DOM |
||||||
|
Nombre |
Montant |
Nombre |
Montant (en millions d’euros) |
Nombre |
Montant (en millions d’euros) |
||
|
2014 |
4 873 |
4 597 |
815 |
278 |
41 |
0 |
0 |
|
2015 |
28 815 |
23 527 |
4 174 |
719 |
132 |
4 820 |
75 |
|
2016 |
72 084 |
44 261 |
7 915 |
1079 |
197 |
27 716 |
586 |
Source : direction de la législation fiscale (DLF). Les données indiquées ci-dessus ont été déterminées à la sixième émission de l’imposition des revenus 2014, 2015 et 2016.
Interrogés par le Rapporteur général, les services de la DGFiP ont indiqué ne pas être en mesure d’identifier, parmi les foyers déclarants une réduction d’impôt au titre du dispositif « Pinel » :
– les bailleurs individuels et les ménages ayant souscrit à des parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) et, pour chaque cas, la dépense fiscale afférente ;
– le nombre de bénéficiaires indirects du dispositif, c’est-à-dire le nombre de ménages logés.
En revanche, un chiffrage du montant moyen de la réduction d’impôt par foyer fiscal déclarant un investissement et/ou un report de réduction d’impôt a été transmis et est présenté dans le tableau ci-dessous. Le montant moyen entre 2014 et 2016 est en légère augmentation et compris, sur la période, entre 3 200 et 3 800 euros.
Montant moyen de la réduction d’impôt « Pinel » au titre des investissements et/ou report de réduction d’impôt
(en euros)
|
Année de revenus |
Montant moyen de la réduction d’impôt |
|
2014 |
3 292 |
|
2015 |
3 499 |
|
2016 |
3 770 |
Source : direction de la législation fiscale (DLF).
L’analyse de la situation des foyers fiscaux bénéficiant de la réduction d’impôt « Pinel » révèle une concentration sur les ménages appartenant aux déciles supérieurs de revenus. Le tableau ci-après, transmis au Rapporteur général par la direction de la législation fiscale (DLF), présente la ventilation par décile de revenu fiscal de référence (RFR) du montant de réduction d’impôt imputé relative aux dispositifs « Pinel » et « Duflot » pour les foyers fiscaux bénéficiaires de ces dispositifs au titre des revenus 2016 ([89]).
ventilation par décile de revenu fiscal de référence (RFR) du montant de la réduction d’impôt des dispositifs « Pinel-Duflot » imputé au titre des revenus 2016
|
Déciles de revenu fiscal de référence (RFR) des foyers fiscaux bénéficiaires de la réduction d’impôt « Pinel-Duflot » |
Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de la réduction d’impôt « Pinel-Duflot » |
Montant |
|
RFR <= 35 358 |
10 066 |
18,3 |
|
35 358 < RFR <= 44 944,5 |
10 065 |
26,7 |
|
44 944,5 < RFR <= 52 847 |
10 066 |
30,7 |
|
52 847 < RFR <= 60 054 |
10 067 |
34,0 |
|
60 054 < RFR <= 67 511 |
10 064 |
36,9 |
|
67 511 < RFR <= 76 077 |
10 066 |
39,9 |
|
76 077 < RFR <= 86 574 |
10 065 |
42,9 |
|
86 574 < RFR <= 102 188,5 |
10 065 |
46,5 |
|
102 188,5 < RFR <= 133 208 |
10 066 |
51,9 |
|
RFR > 133 208 |
10 065 |
61,5 |
|
TOTAL |
100 655 |
389,4 |
Source : direction de la législation fiscale (DLF).
Selon les informations transmises au Rapporteur général, 100 655 des 103 334 foyers fiscaux ayant déclaré des investissements éligibles à la réduction d’impôt au titre des revenus de 2016 en ont effectivement bénéficié, pour un montant total de 398,4 millions d’euros.
Parmi les foyers fiscaux bénéficiaires, plus de 70 % ont un RFR compris entre 53 000 et 60 000 euros et 80 % ont un RFR compris entre 45 000 et 52 850 euros. L’immense majorité des bénéficiaires se situe ainsi dans les déciles supérieurs.
C’est également le constat que dressait, pour l’année 2013, la Cour des comptes dans un référé portant sur les dépenses fiscales en faveur de l’investissement locatif des ménages ([90]). Selon elle, les avantages fiscaux bénéficient principalement à des ménages dont les revenus sont relativement élevés :
– 45 % des bénéficiaires se situaient en 2013 dans la tranche d’imposition comprise entre 27 000 et 71 000 euros (entre la deuxième et troisième tranche d’impôt sur le revenu) ;
– près du quart appartenait à la tranche comprise entre 71 000 et 151 000 euros (quatrième tranche de l’impôt sur le revenu ([91])).
2. Un dispositif in fine peu maîtrisé
Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques publié en juin 2017 ([92]), la Cour des comptes relevait que les dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement locatif « n’ont jamais été évalués par leurs différents concepteurs et qu’ils ne faisaient pas l’objet de contrôles permettant de s’assurer que les contreparties des allégements fiscaux ont bien été assurées sur la durée impartie ». Ce constat, qui a notamment motivé la demande de remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement avant le 1er septembre 2019 ([93]), a depuis été étoffé.
a. Une efficacité difficile à apprécier
Dans le référé de janvier 2018 précité ([94]), la Cour des comptes a présenté le résultat de l’enquête conduite sur les dépenses fiscales consenties, au titre de l’article 199 novovicies du CGI au cours des exercices 2009 à 2016. Les conclusions de l’enquête, préoccupantes, plaident pour que soit menée une réflexion d’envergure visant à améliorer et, le cas échéant, réformer les dispositifs fiscaux en faveur de l’investissement locatif, de manière générale, et le dispositif « Pinel » en particulier.
La Cour estime en effet que « l’insuffisance des données permettant de mesurer l’efficacité de ces dépenses fiscales et de mieux connaître leurs bénéficiaires tant directs (…) qu’indirects (…) conduit à priver le Parlement d’une information quantitative et qualitative nécessaire. En fait, ces régimes accordant des avantages fiscaux sont reconduits ou modifiés sur le fondement d’hypothèses faites par l’administration, voire par des groupes d’intérêt sectoriels, et non à partir d’une évaluation fiable et objective de leur efficacité comparée à d’autres modes d’intervention ».
Rappelant que les dépenses fiscales étudiées ont été estimées à 1,7 milliard d’euros en 2016, la Cour souligne que les dispositifs en vigueur sont coûteux « au regard de leur efficacité », que les contrôles ne sont pas satisfaisants et qu’elles présentent in fine « un intérêt limité ».
i. Des effets incertains sur la construction de logements neufs
Objectif premier du dispositif ([95]), la construction de logements nouveaux associée au « Pinel » est pourtant extrêmement difficile à évaluer. Les décisions d’investissement sont, par nature, incertaines et les éléments qui président à leur engagement souvent nombreuses et peu dissociables les uns des autres. Il n’est, par conséquent, pas aisé d’isoler, d’une part, les effets du dispositif sur la construction de logements neufs et, d’autre part, dans les éléments qui président à la décision d’investissement, la part qui relève du dispositif « Pinel ».
Le Gouvernement indiquait, dans l’évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2018, à partir de données transmises par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) que, depuis la mise en place de la réduction d’impôt « Pinel » au 1er septembre 2014, la relance de la production de logements neufs a été constante ([96]). Interrogé sur ce sujet par le Rapporteur général dans le cadre des travaux préparatoires au présent rapport, les services de la DHUP ont transmis des chiffres actualisés provenant également de la FPI et concluent que « la forte reprise du marché témoigne de la réussite du dispositif " Pinel " qui répond aux attentes des investisseurs et qui constitue, de fait, un moteur pour la relance de la construction ». Le tableau ci-dessous retrace l’évolution des réservations de logements depuis 2013.
Évolution des rÉservations À investisseurs
|
Année |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Réservations à investisseurs (FPI) |
34 307 |
36 573 |
53 187 |
67 284 |
69 558 |
Source : direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), à partir des données transmises par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Par ailleurs, selon les données publiques disponibles sur le site internet de l’observatoire de l’immobilier de la FPI, l’entrée en vigueur du dispositif « Pinel » explique en partie la hausse de plus de 23 % des réservations à investisseurs enregistrée entre 2015 et 2016 ([97]). S’agissant des ventes nettes aux investisseurs, la FPI indique une évolution de 3,7 % entre 2016 et 2017 où le nombre total de ventes sur l’année est passé de 61 325 (soit 53 % du total des ventes au détail) à 63 588 (soit 54 % du total des ventes au détail) ([98]).
Pour le premier trimestre 2018, la FPI indique que les ventes au détail ont baissé de 9,4 % par rapport au premier trimestre 2017 et que la demande des investisseurs se « tasse » (– 7,4 %).
Particulièrement dynamiques ([99]), les dépenses fiscales semblent n’avoir qu’un effet limité sur le secteur de la construction et créer, en outre, des effets d’aubaine ([100]). La Cour des comptes estime toutefois, qu’en l’absence de travaux économiques suffisants, aucune conclusion ne peut être dressée « quant à la portée, voire à la réalité de l’effet déclencheur de ces aides » sur la production de logements locatifs.
Les prorogations successives du dispositif semblent lui avoir conféré un caractère pérenne conduisant certains « experts consultés par la Cour à évoquer un phénomène "d’accoutumance", voire "d’addiction" des acteurs à ces aides fiscales », qui constitue de fortes réticences à toute modification du dispositif.
ii. Des effets contradictoires avec les objectifs poursuivis
En outre, les effets modérateurs des dispositifs sur les loyers de marché ne sont pas avérés et certaines situations critiques ont été relevées par la Cour. À titre d’illustration, dans certaines zones, il a été constaté que les loyers pourtant plafonnés relevant du dispositif « Pinel » étaient de l’ordre de 10 à 20 % et de 5 à 15 % plus élevés que les loyers de marché, respectivement en zone B1 et en zone B2.
La Cour des comptes relève également que le ciblage du dispositif est perfectible : les aides fiscales ont progressivement été limitées à certaines zones géographiques mais cela a contribué à concentrer la production sur « des zones plus tendues mais pas nécessairement sur celles où la tension entre offre et demande de logements est la plus forte ».
Le suivi et la gestion par l’administration des dispositifs analysés par la Cour dans son enquête ne sont pas satisfaisants : la Cour estime, en effet, que « l’administration ne connaît pas avec exactitude le nombre et la durée réelle de mise en location des logements construits ou réhabilités grâce à ces aides, pas plus que le profil socio-économique des ménages qui y sont logés ».
Ce constat, également appuyé par les réponses transmises au Rapporteur général, est regrettable. Les services de la DGFiP ont en effet indiqué que leurs outils informatiques ne permettaient pas de :
« – dénombrer les bailleurs individuels et les ménages ayant souscrit à des parts de SCPI ainsi que la dépense fiscale afférente ni les bénéficiaires indirects du dispositif (ménages logés).
« – déterminer le montant moyen de la dépense fiscale par logement. »
En outre, les contreparties des avantages fiscaux consentis aux contribuables et les conditions pour bénéficier, tant des avantages, que des logements dans les conditions prévues par la loi, ne font pas l’objet d’un contrôle systématique. Les données informatiques détenues par l’administration ne sont pas exploitées et ne font que « rarement l’objet de contrôles fiscaux ».
Dans le cadre du contradictoire de la procédure de référé, le Gouvernement a fait part de ses observations à la Cour, dans un courrier en date du 16 avril 2018. Le Premier ministre y reprend à son compte les observations générales relatives à l’efficacité des dispositifs mais indique notamment que :
– le coût générationnel du dispositif « Pinel » a été réduit de 1,9 milliard d’euros à 1,7 milliard d’euros grâce au dispositif de recentrage introduit par l’article 68 de la loi de finances pour 2018 ;
– les modalités d’échanges et communication des données entre la DHUP et la DGFiP pourraient, « sous réserve du coût et de la faisabilité technique de l’opération » être automatisées. Des précisions sur ce processus pourront être demandées au Gouvernement lors de la discussion sur le prochain projet loi de finances.
Outre les difficultés méthodologiques inhérentes à l’identification des effets des modifications de certains paramètres d’un dispositif fiscal sur l’environnement économique, l’absence de travaux académiques approfondis et la dépendance de facto aux données des acteurs de la filière concernée appelle plusieurs remarques. En premier lieu, il est regrettable que le Gouvernement – et, par conséquent, le Parlement – ne dispose pas d’éléments techniques fiables sur les conséquences des réformes qu’il porte/accompagne. Dans ces conditions, le travail d’évaluation est fortement contraint et le souci de veiller à l’efficience de la dépense publique nécessairement contrarié.
À la lumière de ces éléments, le Rapporteur général estime :
– nécessaire de renforcer les contrôles de cohérence a priori et a posteriori que les réductions d’impôt sont bien octroyées conformément aux dispositions légales et réglementaires
– qu’il pourrait être envisagé de rétablir l’interdiction pour le contribuable de louer son bien à l’un de ses ascendants ou descendants étant donné que l’objectif d’accès au logement semble peu compatible avec le fait que ce soient des contribuables aux revenus les plus élevés qui bénéficient des réductions d’impôt.
Le Rapporteur général s’étonne que de tels dispositifs ne soient pas parfaitement évalués avant d’être modifiés.
III. Le Prêt à taux zéro
Créé par l’article 90 de la loi de finances pour 2011 ([101]), le prêt à taux zéro (PTZ) est un prêt ne portant pas intérêt consenti par les établissements de crédits et les sociétés de financement aux ménages pour contribuer au financement de leur résidence principale, dans le cadre d’une première accession à la propriété.
Les conditions du prêt sont fonction du coût de l’opération, de la composition et des ressources du ménage, de la localisation du logement dans une zone géographique, du caractère neuf du logement ou, pour un logement ancien, du respect de la condition de travaux de réhabilitation.
Initialement prévu pour être émis du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2014, le PTZ a été maintenu pour trois années supplémentaires par la loi de finances pour 2015 ([102]).
L’article 83 de la loi de finances pour 2018 ([103]) a prorogé le dispositif pour quatre années supplémentaires.
Le dispositif a recentré l’aide à l’accession des ménages sur les zones tendues pour les logements neufs. Ainsi, les logements neufs construits en zones détendues ne pourront plus bénéficier de PTZ que durant deux années supplémentaires, et à une quotité de prêt inférieure : 20 %, contre 40 % auparavant.
Les logements anciens bénéficient, eux, de la prorogation du dispositif en zones détendues. Ainsi, le PTZ est désormais utilisé comme un outil de rénovation des centres-bourgs, pour en réhabiliter les logements. Il est réservé aux opérations d’acquisition-amélioration dans les zones ne se caractérisent pas par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements, classées B2 et C.
Le PTZ a également été maintenu pour les logements neufs situés dans une commune signataire d’un contrat de redynamisation de sites de défense (CRSD), indépendamment du zonage. Les mêmes remarques que celles faites par le Rapporteur général sur le maintien des mesures réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire « Pinel » dans les CRSD s’appliquent au PTZ (cf. II de la présente partie).
Le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er septembre 2018, un rapport d’évaluation des zones géographiques établies pour son attribution et avant le 1er septembre 2019, un rapport d’évaluation du dispositif du PTZ, notamment afin d’apprécier la pertinence des critères retenus pour le classement des communes au regard des besoins des territoires concernés.
Le troisième alinéa du 1° de l’article 83 de la loi de finances pour 2018 précitée dispose : « Un arrêté des ministres chargés du budget et du logement établit le classement des communes par zone géographique, en fonction principalement des besoins en logements ainsi que du montant des prix de vente et des loyers de l'immobilier résidentiel. »
En effet, le classement des communes en zones repose actuellement sur l’arrêté du 1er août 2014 pris en application de l’article R. 304-1 du code de la construction et de l’habitation ([104]). L’évolution de l’habitat et des mouvements de population rend cette liste au moins partiellement obsolète.
Suite aux demandes du Rapporteur général, la direction de la législation fiscale et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) ont fait savoir que l’arrêté est en cours de préparation.
Le Rapporteur général souhaite néanmoins souligner qu’aucun calendrier ne lui a été transmis.
L’objectif de la mesure de reconduction du dispositif par la loi de finances pour 2018 était de maintenir, pour quatre années supplémentaires, un dispositif de soutien à l’accession des ménages aux revenus modestes et intermédiaires.
nombre de ptz selon la taille du foyer et la catégorie socio-professionnelle de l’emprunteur en 2017
|
CSP / Foyer |
1 personne |
2 personnes |
3 personnes |
4 personnes |
5 personnes et plus |
Total |
|
Agriculteur |
207 |
294 |
226 |
213 |
74 |
1 014 |
|
Artisan, commerçant, chef d’entreprise |
689 |
968 |
954 |
946 |
401 |
3 975 |
|
Cadre |
4 375 |
4 222 |
3 045 |
2 486 |
926 |
15 054 |
|
Profession intermédiaire |
7 947 |
8 279 |
6 028 |
4 269 |
1 688 |
28 211 |
|
Employé |
11 862 |
12 740 |
9 493 |
7 037 |
2 057 |
43 813 |
|
Ouvrier |
7 525 |
7 576 |
6 192 |
5 120 |
2 711 |
29 124 |
|
Retraité |
205 |
215 |
48 |
29 |
16 |
513 |
|
Inactif |
250 |
543 |
303 |
517 |
307 |
2 064 |
|
Total |
33 060 |
34 837 |
26 289 |
20 617 |
8 181 |
123 784 |
Source : commission des finances à partir des données de la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS).
En effet les PTZ concernent principalement les employés, ouvriers et professions intermédiaires, qui constituent 81,7 % des bénéficiaires en 2017.
La mesure de réduction de la quotité, avant son recentrage sur les zones les plus tendues, doit permettre de concentrer l’aide à l’accession des ménages sur les territoires où il est le plus difficile d’accéder à un logement en raison de prix de l’immobilier trop élevés. En 2017, les PTZ accordés dans les zones A et B, les plus tendues, étaient en effet minoritaires.
opÉrations de ptz financées en 2017 par zonage
|
Zone |
Effectif |
|
Zone A |
22 850 (18,45 %) |
|
Zone B |
23 556 (19,02 %) |
|
Zone B2 |
24 310 (19,63 %) |
|
Zone C |
53 032 (42,84 %) |
|
Total |
123 784 |
Source : SGFGAS.
Ces mesures doivent également permettre de soutenir l’offre de logements neufs, ce qui doit conduire à détendre le marché locatif en accroissant l’offre de logements disponibles.
opÉrations financées par type en 2017
|
Type de logement |
Nombre de logements |
|
Neuf |
96 535 (78,01 %) |
|
Ancien |
27 213 (21,99 %) |
Source : SGFGAS.
En 2017, la dispersion des PTZ est inégale sur le territoire.
RÉpartition gÉographique des prÊts À taux zÉro en 2017
Source : données direction de la législation fiscale ; logiciel Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) 2018 – IGN GéoFla ; traitement des données commission des finances.
La prorogation du dispositif possède un impact non négligeable sur les finances publiques. Cet impact a été estimé dans les documents budgétaires.
La dépense fiscale du ptz depuis 2012
(en millions d’euros)
|
Dépense fiscale |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 (estimation) |
|
Montant |
1 257 |
1 241 |
1 182 |
1 065 |
935 |
776 |
951 |
Sources : Cour des comptes et tome II du fascicule Évaluations des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2018.
La direction de la législation fiscale n’ayant pas eu les moyens de répondre sur le PTZ au Rapporteur général, ce dernier a mobilisé directement la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), placée sous la double autorité du ministère de la transition écologique et solidaire et celle du ministère de la cohésion des territoires.
1. Le nombre de bénéficiaires de PTZ devrait diminuer en 2018 par rapport à 2017
En 2018, et conformément à l’étude d’impact annexée au décret du 30 décembre 2017 relatif aux prêts ne portant pas intérêt consentis pour financer la primo-accession à la propriété ([105]), environ 108 000 PTZ sont attendus.
Pour autant, la DHUP constate un effet de report sur le quatrième trimestre de l’année 2017 suite à l’annonce de la réforme en octobre 2017. Ainsi, un certain nombre de prêts, dont le nombre n’est pas estimé par la DHUP, ont été émis en 2017, alors qu’ils auraient dû l’être en 2018. De fait, le nombre de PTZ émis en 2018 pourrait être inférieur à celui mentionné dans les documents budgétaires.
2. Les premiers éléments statistiques indiquent un recentrage des PTZ émis sur les zones les plus tendues
En 2017, 37 % des PTZ ont été émis en zones A et B.
Selon les informations apportées au Rapporteur général, 47 % des PTZ émis au premier trimestre 2018 l’ont été en zones A et B, soit une augmentation de 27 % par rapport à l’année 2017.
opÉrations de ptz financées au T1 2018 par zonage
|
Zone |
Effectif |
|
Zone A |
3 315 (27 %) |
|
Zone B |
2 472 (20 %) |
|
Zone B2 |
1 961 (16 %) |
|
Zone C |
4 406 (36 %) |
|
Total |
12 154 |
Source : direction de l’urbanisme, de l’habitat et des paysages (DHUP).
3. Les chiffres du premier trimestre 2018 indiquent une augmentation des PTZ accordés pour réfaction de l’ancien
En 2017, 21,99 % des PTZ ont été accordés pour de l’immobilier ancien, et 81,99 % pour de l’immobilier neuf.
La loi de finances pour 2018 a souhaité recentrer l’aide à l’accession des ménages et le soutien de la production de logements neufs dans les zones tendues d’une part, et le soutien à la rénovation de logements anciens dans les zones détendues d’autre part.
Selon les chiffres transmis par la DHUP, le nombre de PTZ émis au premier trimestre 2018 dans l’ancien est de 30 %, soit une augmentation de 36,36 % par rapport à l’année 2017.
opérations financées par type au premier trimestre 2018
par rapport au premier trimestre 2017
|
Type de PTZ |
Effectif T1 2018 |
Effectif T1 2017 |
|
Neuf |
8 527 (70 %) |
14 444 (75 %) |
|
Ancien |
3 627 (30 %) |
4 840 (25 %) |
|
Dont sous quotité de travaux |
3 306 (27 %) |
4 459 (23 %) |
|
Dont HLM |
301 (3 %) |
381 (2 %) |
|
Total |
12 154 |
19 284 |
Source : DHUP pour 2018, SGFGAS pour 2017.
Le nombre de PTZ accordés est en baisse sensible au premier trimestre 2018 par rapport au premier trimestre 2017, mais l’orientation souhaitée par le législateur semble tenue. En effet, le nombre de PTZ accordés dans le neuf est en diminution, mais recentré dans les zones les plus tendues. Dans le même temps, le nombre de PTZ accordés dans l’ancien augmente, y compris, de manière relative, pour les HLM.
4. Le PTZ est un dispositif qui vise toujours les ménages aux revenus intermédiaires
Les PTZ concernent principalement les employés, ouvriers et professions intermédiaires, qui constituent 81,7 % des bénéficiaires en 2017.
Au premier trimestre 2018, le revenu moyen d’un ménage bénéficiaire d’un PTZ était de 24 723 euros annuels.
nombre de bénéficiaires de ptz selon le décile de revenu fiscal
de référence du foyer
|
Décile de RFR |
Effectif |
|
D1 : inférieur à 6 891 € |
494 |
|
D2 : de 6 892 à 10 874 € |
476 |
|
D3 : de 10 875 à 13 930 € |
815 |
|
D4 : de 13 931 à 16 627 € |
1 211 |
|
D5 : de 16 628 à 19 255 € |
1 189 |
|
D6 : de 19 256 à 22 072 € |
1 223 |
|
D7 : de 22 073 à 25 437 € |
1 338 |
|
D8 : de 25 438 à 30 088 € |
1 838 |
|
D9 : de 30 089 à 38 658 € |
2 291 |
|
D10 : supérieur à 38 658 € |
1 279 |
|
Total |
12 154 |
Source : DHUP.
IV. Le Dégrèvement de la taxe d’habitation sur la résidence principale
Instauré par la loi de finances pour 2018, le dégrèvement intégral de la taxe d’habitation (TH) au titre de l’habitation principale sera effectif à compter de 2020 pour 80 % des foyers. Une mise en place en trois étapes est prévue : un dégrèvement de 30 % en 2018, de 65 % en 2019 et de 100 % en 2020.
Le dispositif introduit en loi de finances pour 2018 ne supprime pas les mécanismes d’exonération existants ([106]). Il ajoute un nouveau mécanisme de dégrèvement progressif dont la conséquence, à terme, est de supprimer le paiement de la TH pour 80 % des foyers en 2020. Par la suite, le Président de la République a annoncé la suppression définitive de la TH à l’horizon 2020-2021 pour l’ensemble des contribuables. Les modalités concrètes de cette suppression ainsi que la compensation de la perte de recettes pour les collectivités ne sont pas l’objet du présent commentaire.
A. un dégrèvement qui vient s’ajouter aux dispositifs et mécanismes existants
1. La taxe d’habitation, un impôt assorti de plusieurs exonérations et mécanismes de dégrèvement
L’architecture d’ensemble de la TH a été longuement commentée dans le rapport général relatif au projet de loi de finances réalisé à l’automne 2017 ([107]). Pour mémoire, il convient de rappeler, de manière simplifiée, que :
– la TH est due au 1er janvier de l’année d’imposition, par l’occupant d’un immeuble affecté à l’habitation, comme résidence principale ou secondaire, quelle que soit sa qualité (propriétaire ou locataire) ([108]) ;
– le foyer fiscal au sens de la TH n’est pas le même que pour l’impôt sur le revenu : un foyer fiscal au sens de la TH peut ainsi compter plusieurs foyers fiscaux au sens de l’impôt sur le revenu.
La TH est associée à plusieurs régimes d’exonérations
– générales ou particulières –, fait l’objet d’abattements – obligatoires ou facultatifs –, et de plafonnements.
a. Les exonérations de certains locaux et les abattements sur la valeur locative des habitations
De manière générale, les abattements et les exonérations ont pour effet de réduire, de manière cumulée, les valeurs locatives brutes d’environ 23 %.
|
Locaux soumis à la TH |
Locaux exonérés de TH |
|
– immeubles affectés à l’usage d’habitation, à titre principal ou secondaire – locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises – locaux meublés sans caractère industriel ou commercial occupés par les organismes de l’État, des départements et des communes, ainsi que par des établissements publics |
– établissements publics scientifiques, d’enseignement et d’assistance – Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et centres de gestion de la fonction publique territoriale – résidence officielle des ambassadeurs et agents diplomatiques de nationalité étrangère, dans la mesure où les pays qu’ils représentent concèdent des avantages analogues aux ambassadeurs et agents diplomatiques français – locaux classés meublés de tourisme et chambres d’hôtes, sur décision des communes dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) (facultatif) |
De plus, dans certaines zones urbaines de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, les communes (ou les établissements de coopération intercommunale) peuvent décider de soumettre à la TH les locaux vacants depuis plus de deux ans.
ii. Les abattements sur la valeur locative des habitations et de leurs dépendances sur laquelle est assise la TH
Définie à l’article 1409 du CGI, l’assiette de la TH repose sur la valeur locative cadastrale des habitations et de leurs dépendances et peut être amputée d’abattements obligatoires ou facultatifs. Le tableau ci-dessous indique, de manière simplifiée, les principaux abattements existants.
|
Abattements obligatoires |
Abattements facultatifs |
|
– abattement pour charge de famille fixé à 10 % de la valeur locative moyenne des habitations de la commune pour chacune des deux premières personnes à charge (à titre exclusif ou principal) et à 15 % pour chacune des suivantes |
– abattement général à la base (en % dans le respect d’un plafond de 15 %) – abattement en faveur des personnes aux revenus modestes (en % dans le respect d’un plafond de 15 %) – abattement en faveur des personnes handicapées ou invalides (entre 10 et 20 points de la valeur locative moyenne) |
b. Les exonérations de droit commun des contribuables et le mécanisme de plafonnement de la TH
i. Les contribuables exonérés de TH
De manière générale, les dispositifs d’exonération de TH sont orientés vers les ménages aux revenus modestes et vers les personnes âgées. Le tableau ci-dessous rappelle les principales exonérations de droit commun.
|
Exonérations de droit commun pour certains contribuables |
|
– titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) dont les revenus n’excèdent pas 803 euros par mois pour une personne seule et 1 247 euros par mois pour un couple |
|
– titulaires de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) dont les revenus n’excèdent pas 704,8 euros par mois pour une personne seule et 1 234,5 euros par mois pour un couple |
|
– contribuables âgés de plus de soixante ans et les veuves ou veufs, quel que soit leur âge, sous conditions de ressources et s’ils ne sont pas redevables de l’impôt sur la fortune immobilière au titre de l’année précédant celle de l’imposition à la taxe d’habitation ([109]) ; exonération applicable également s’ils occupent leur habitation avec leurs enfants majeurs et que ceux-ci sont inscrits comme demandeurs d’emploi et disposent de ressources inférieures ou égales au montant de l’abattement fixé au I de l’article 1414 A du CGI |
|
– contribuables atteints d’une infirmité ou d’une invalidité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de l’existence, sous conditions de ressources |
|
– titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), sous conditions de ressources |
En outre, certains contribuables bénéficient d’une exonération appréciée, de manière dérogatoire, sur la base de plafonds de revenu fiscal de référence (RFR) supérieurs à ceux de droit commun. Il s’agit d’une clause de maintien des droits introduite au bénéfice des contribuables dans la loi de finances pour 2016 ([110]), afin de limiter les effets défavorables de la fiscalisation des majorations pour charges de familles ainsi que de la suppression de la demi-part dite « vieux parents », mesures toutes deux effectives en 2014 ([111]). Ces dernières ayant conduit à majorer le RFR par part de contribuable sans que leurs revenus n’aient nécessairement augmenté, le bénéfice des exonérations de TH et de contribution à l’audiovisuel public (CAP) pour un grand nombre de contribuables (essentiellement des personnes retraitées) a disparu.
Ainsi, les contribuables de plus de soixante ans, ou veufs ou veuves, qui relèvent de cette clause spécifique se voient appliquer des plafonds rehaussés de RFR pour bénéficier de l’exonération de TH et de l’exonération de CAP associée. Pour mémoire, le plafond majoré pour une part correspond à celui d’une part et demie du montant défini par le I de l’article 1417 du CGI.
Enfin, l’article 75 de la loi de finances pour 2016 a introduit un mécanisme de sortie en sifflet des exonérations de TH (et de taxe foncière). Il consiste à maintenir de manière temporaire le bénéfice des exonérations aux contribuables qui ne remplissent plus les conditions requises. Ce mécanisme de lissage, qui s’applique depuis 2015, a donc permis aux contribuables concernés de bénéficier de l’exonération de TH pendant les années 2016 et 2017. Progressive, la suppression du bénéfice de l’exonération conduit le redevable à s’acquitter d’un tiers de la TH en N + 3 (2018), de deux tiers de la TH en N + 4 (2019) et de la totalité de la TH en N + 5 (2020).
Le mécanisme de maintien des droits acquis décrit supra s’applique depuis 2017, puisque les redevables concernés par la clause ont bénéficié pendant les deux premières années (2015 et 2016) du dispositif de lissage de droit commun.
Au total, en 2016, près de 4 millions de foyers ont été exonérés de TH : près de 900 000 au titre de l’un des deux dispositifs introduit dans la loi de finances pour 2016 (360 000 au titre de la clause de maintien des droits acquis et plus de 530 000 au titre du dispositif en sifflet).
ii. La réduction du montant dû au titre de la TH
Outre les exonérations précédemment rappelées, certains contribuables non exonérés peuvent bénéficier d’une réduction du montant dû au titre de la TH, grâce à l’application du mécanisme de plafonnement. Ainsi, les contribuables dont les revenus de l’année précédente n’excèdent pas les plafonds définis par la loi bénéficient d’un dégrèvement pour la fraction de leur cotisation qui excède 3,44 % de leur revenu (au sens du IV de l’article 1417 du CGI) diminué d’un abattement défini en valeur absolue ([112]).
PLAFOND DE REVENUS POUR LE PLAFONNEMENT DE TAXE D’HABITATION,
EN 2017, EN MÉTROPOLE
(en euros)
|
Nombre de part(s) |
1 |
1,5 |
2 |
2,5 |
3 |
½ part supplémentaire |
|
RFR |
25 180 |
31 063 |
35 694 |
40 325 |
44 956 |
+ 4 631 |
|
Abattement à imputer sur le RFR |
5 456 |
7 034 |
8 612 |
10 190 |
11 768 |
+ 2 790 |
|
Plafond de cotisation = (RFR-abattement) × 3,44 % |
678,5 |
826,6 |
931,6 |
1 036,6 |
1 141,7 |
+ 63,3 |
Lecture : pour un RFR de 25 180 euros pour une part, la cotisation est au maximum de 678,5 euros. À titre d’exemple, un montant de 25 180 euros de RFR pour une part correspond à 2 331,50 euros de salaire mensuel.
Ces montants évoluent comme la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. La loi de finances a prévu une revalorisation de 1 % (prévision d’inflation 2017).
Pour le bénéfice du plafonnement, seul le niveau de RFR importe, en l’absence de toute condition d’âge, contrairement aux conditions posées pour le bénéfice de l’exonération. Ce plafonnement prend la forme d’un dégrèvement dont le montant est égal à la cotisation de TH diminuée de la valeur du plafond.
Enfin, un mécanisme de plafonnement du plafonnement vise à atténuer les effets de gel des taux et de gel des abattements pour les personnes aux revenus modestes (3 du III de l’article 1414 A du CGI).
c. La situation des ménages vis-à-vis de la TH
On estime que le nombre total de foyers soumis à la TH est légèrement inférieur à 30 millions ([113]). Le nombre de foyers s’acquittant effectivement de la TH est de 23,2 millions.
L’évaluation préalable au projet de loi de finances pour 2018 contient un tableau présentant la TH acquittée par décile de RFR par part (pour les seules résidences principales et pour 97 % d’entre elles). Les simulations ont été réalisées sur les 28,2 millions de résidences principales pour lesquelles les revenus du foyer TH ont pu être reconstitués.
Il ressort de ce tableau que le dernier décile de RFR acquitte un peu plus de 20 % du produit de la TH versée au titre des résidences principales ; par conséquent, la mesure introduite en loi de finances pour 2018 concerne en effet 80 % des foyers aux revenus les moins élevés. Environ 5 millions ([114]) de foyers ont une cotisation de TH au titre de leur résidence principale égale à zéro ; ce qui représente 18 % des foyers TH totaux.
Sur les 8,7 millions de foyers qui bénéficient du mécanisme de plafonnement, 7,5 millions voient leur TH minorée.
ii. Les montants moyens acquittés
Compte tenu des modalités de calcul de la TH et des différents mécanismes présentés supra, il existe d’importantes disparités dans les montants acquittés de TH. L’évaluation préalable précitée indique toutefois que la TH moyenne acquittée est de 583 euros (calcul effectué sur la base du nombre de foyers redevables). En ne retenant que les foyers dont la cotisation n’est pas nulle, le montant moyen de cotisation s’élève à 705 euros.
2. Un nouveau dégrèvement au champ d’application large
a. 80 % de ménages bénéficiaires de la mesure
Venant s’ajouter aux mécanismes existants, le nouveau dégrèvement a vocation à s’appliquer aux ménages qui ne bénéficient pas déjà d’une exonération et dont le RFR de l’année précédente n’excède pas les plafonds définis aux 1° et 2° du II bis de l’article 1417 du CGI.
Les seuils retenus s’établissent ainsi à 27 000 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 8 000 euros pour les deux demi-parts suivantes et de 6 000 euros pour chaque demi-part suivante à compter de la troisième. Pour les contribuables dont le RFR est supérieur à ces plafonds mais inférieur à 28 000 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 8 500 euros pour les deux demi-parts suivantes et de 6 000 euros pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième.
Seuils de RFR et de revenus conditionnant l’éligibilité à la mesure
en fonction de la configuration du foyer
|
Seuils |
Personne seule (1 part) |
Couple ou famille monoparentale avec un enfant (2 parts) |
Couple avec un enfant (2,5 parts) |
Couple avec deux enfants (3 parts) |
Couple avec trois enfants (4 parts) |
|
Niveaux de RFR conditionnant le bénéfice du dégrèvement dans sa totalité |
27 000 euros |
43 000 euros |
49 000 euros |
55 000 euros |
67 000 euros |
|
Niveau de salaire mensuel correspondant |
2 500 euros |
3 980 euros |
4 540 euros |
5 090 euros |
6 200 euros |
|
Point de sortie du mécanisme de lissage, au-delà duquel le dégrèvement s’annule |
28 000 euros |
45 000 euros |
51 000 euros |
57 000 euros |
69 000 euros |
|
Niveau de salaire mensuel correspondant |
2 592 euros |
4 166 euros |
4 722 euros |
5 277 euros |
3 689 euros |
Source : commission des finances.
Compte tenu des seuils de RFR retenus, environ 80 % des ménages se trouvent dans le champ de la mesure, soit près de 22 millions de foyers de TH.
Pour mémoire, si la mise en œuvre de ce dégrèvement ne modifie pas l’architecture des dispositifs d’exonération existants, elle conduit toutefois à supprimer le mécanisme de plafonnement prévu par l’article 1414 A du CGI à compter de 2020, soit une fois que le dégrèvement sera de 100 % ou que la TH sera définitivement supprimée. Le dispositif introduit en loi de finances pour 2018, en annulant la totalité de la TH due, est plus favorable que le dispositif actuel de plafonnement.
b. Une mise en œuvre progressive en plusieurs étapes successives
Compte tenu du coût associé de la mesure, estimé à 10,1 milliards d’euros selon l’étude d’impact du Gouvernement, l’entrée en vigueur est échelonnée sur trois années, entre 2018 et 2020. Par la suite, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe d’habitation de la résidence principale pour les 20 % de foyers non dégrevés, selon des modalités qui restent à définir.
L’ensemble des foyers se trouvant dans le champ du dispositif de dégrèvement en bénéficieront dès 2018 ; en revanche, le dégrèvement sera partiel, à hauteur de 30 % en 2018 et de 65 % en 2019, pour parvenir à 100 % en 2020. Les calculs s’effectuent, pour 2018 et 2019, sur la base du taux global d’imposition et des taux ou montants applicables en 2017. En revanche, pour 2020, les modalités de calcul sont les mêmes mais le mécanisme du plafonnement de la TH prévu par l’article 1414 A du CGI sera encore en vigueur, et s’appliquera aussi bien pour le calcul de la TH due en 2018 et en 2019 avant dégrèvement, que pour le calcul du dégrèvement pour les années 2018 et 2019.
Le choix de maintenir le mécanisme du plafonnement permet notamment d’éviter que certains foyers n’acquittent en 2018 une cotisation de TH après dégrèvement plus élevée que celle qu’ils auraient dû acquitter après plafonnement, sans la réforme. En effet, pour certains foyers, le plafonnement permet de réduire la TH acquittée d’un montant supérieur à 30 % – soit le montant du dégrèvement en 2018.
Exemple : un célibataire dont le RFR est égal à 18 000 euros en 2016 est redevable d’une TH de 700 euros en 2017, qui est ramenée après plafonnement à 430 euros.
En 2018, il bénéficiera d’un dégrèvement de TH égal à 30 % de la TH de 2017 (après plafonnement), soit 129 euros. Ce dégrèvement viendra s’appliquer à la TH de 2018 après plafonnement, qui par hypothèse reste stable, à 430 euros (1). La TH due par le contribuable en 2018 sera ramenée à 301 euros.
En suivant le même raisonnement, et en posant comme hypothèse que la TH et le RFR du contribuable restent stables, la TH due en 2019 sera ramenée à 150 euros. Elle sera nulle en 2020.
(1) Si le plafonnement avait été supprimé dès 2018, le contribuable aurait dû acquitter une TH de 490 euros (après dégrèvement de 30 % de 700 euros), soit un montant supérieur à celui de la TH après plafonnement, à 430 euros.
Évolution de la répartition des foyers TH entre foyers exonérés, plafonnés et dégrevés entre 2017 et 2020
|
Nombre de foyers |
Avant réforme, en 2017 |
En 2018 et 2019 |
Après réforme, en 2020 |
|
Nombre de foyers exonérés de droit |
3,8 millions |
3,8 millions |
3,8 millions |
|
Nombre de foyers dont la cotisation est annulée par le plafonnement |
1,2 million |
1,2 million |
|
|
Nombre de foyers dont la cotisation est minorée par le plafonnement |
7,5 millions |
17,2 millions |
|
|
Nombre de foyers dont la cotisation est minorée par le nouveau dégrèvement |
|
||
|
Nombre de foyers dont la cotisation est annulée par le nouveau dégrèvement |
|
18,4 millions |
|
|
Nombre de foyers s’acquittant de la totalité de leur TH |
15,7 millions |
6 millions |
6 millions |
|
Total |
28,2 millions |
28,2 millions |
28,2 millions |
Source : évaluation préalable et commission des finances.
Ainsi, ce sont 9,7 millions de foyers (15,7 – 6) qui bénéficieront in fine du nouveau dégrèvement de TH, soit 34 % du nombre total de foyers assujettis (28,2 millions). À horizon 2020, seuls 6 millions de foyers continueront à s’acquitter de l’intégralité de leur TH ; ce qui représente 21 % des foyers TH totaux.
B. une mesure à mettre en regard des rÉformes concernant les mÉnages
Les effets du dégrèvement de la TH sur les ménages doivent être analysés dans le cadre, plus large, des réformes conduites par le Gouvernement concernant les ménages et ayant un impact sur leur pouvoir d’achat.
Dans cette perspective, il convient d’apprécier les effets combinés de la mesure relative au dégrèvement, d’une part, et de ceux liés à la hausse de 1,7 point de contribution sociale généralisée (CSG) introduite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 en contrepartie des baisses de cotisations salariales ([115]), d’autre part.
Présentée comme une mesure en faveur du pouvoir d’achat des ménages, associée à un gain de 1,45 % « de la rémunération brute pour la plus grande majorité des salariés », la suppression des cotisations salariales s’analyse comme un allégement des charges. Ses effets doivent toutefois être appréhendés finement et les personnes exclues de son champ d’application identifiées aussi précisément que possible.
1. Une hausse du taux de CSG pour financer la baisse des cotisations salariales non compensée pour certains ménages
Introduite à l’article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([116]), la hausse de CSG de 1,7 point pour toutes les catégories de revenus (déductible de l’impôt sur le revenu) est entrée en vigueur le 1er janvier 2018.
Le tableau ci-dessous indique les taux désormais applicables en fonction de la catégorie de revenus et appelle les précisions suivantes :
– les revenus du capital sont concernés par la hausse de 1,7 point du taux de CSG ;
– les revenus de remplacement qui sont soumis à un taux réduit de CSG et certains autres revenus de remplacement (allocations chômage, indemnités journalières de sécurité sociale, notamment) ne sont pas concernés par la hausse de 1,7 point ; seuls les revenus de remplacement soumis au taux plein le taux de CSG « subiront » cette hausse.
Par conséquent, les pensions de retraite et d’invalidité des personnes dont le RFR de l’année N – 2 excède les seuils définis au 2° du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale (soit 14 375 euros pour une personne seule et 22 051 euros pour un couple) se voient appliquer, depuis le 1er janvier 2018, un taux de CSG de 8,3 %.
Évolution du taux de CSG pour les différentes catégories de revenu
en application de la réforme
|
Catégories de revenus |
Droit applicable |
Droit applicable |
||||
|
CSG déductible |
CSG non déductible |
Total |
CSG déductible |
CSG non déductible |
Total |
|
|
Revenus d’activité |
5,1 |
2,4 |
7,5 |
6,8 |
2,4 |
9,2 |
|
Revenus de remplacement |
|
|
|
|
|
|
|
Pensions de retraite et d’invalidité |
4,2 |
2,4 |
6,6 |
5,9 |
2,4 |
8,3 |
|
Autres revenus de remplacement : allocations chômage, indemnités journalières de sécurité sociale… |
3,8 |
2,4 |
6,2 |
3,8 |
2,4 |
6,2 |
|
Revenus de remplacement-taux réduit |
3,8 |
0 |
3,8 |
3,8 |
0 |
3,8 |
|
Revenus de remplacement-taux nul |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
|
Revenus du capital |
5,1 |
3,1 |
8,2 |
6,8 |
3,1 |
9,9 |
Source : commission des finances.
Le tableau ci-après présente les niveaux de RFR et les niveaux de revenus correspondants à compter desquels les retraités sont dans le champ de la hausse du taux de la CSG :
|
Niveaux de revenus |
Célibataire (une part) |
Célibataire avec demi-part (invalidité, « vieux parents) (1,5 part) |
Couples (2 parts) |
Couple avec demi-part (invalidité, ancien combattant) |
|
Seuil de RFR à compter duquel les retraités sont dans le champ de la hausse de CSG |
14 375 euros |
18 213 euros |
22 051 euros |
25 889 euros |
|
Niveau de pension mensuelle correspondante pour les moins de soixante-cinq ans |
1 331 euros/mois |
1 686 euros/mois |
2 042 euros/mois |
2 397 euros/mois |
|
Niveau de pension mensuelle correspondante pour les plus de soixante-cinq ans |
1 439 euros/mois |
1 795 euros/mois |
2 200 euros/mois |
2 397 euros/mois |
Source : commission des finances.
Pour une personne célibataire, la hausse du taux de CSG est applicable à partir de 1 300 euros par mois environ (RFR de 14 275 euros) ; pour un couple, à partir de 2 000 euros par mois environ (RFR de 22 051 euros).
Le tableau ci-dessous, réalisé par les services de la direction générale du trésor, fait apparaître le nombre de ménages se trouvant dans cette situation ainsi que les hausses moyenne et médiane de CSG acquitté sur ces revenus et les recettes fiscales associées.
Nombre de ménages concernés par la hausse de 1,7 point de la CSG
sur les pensions soumises au taux plein de CSG et sur les revenus
de placement et du patrimoine,
hausses moyennes et médianes de CSG acquittée
|
Types de ménages |
Nombre de ménages concernés |
Hausse moyenne de CSG acquittée sur ces revenus |
Hausse médiane de CSG acquittée sur ces revenus |
Recette liée à la hausse de la CSG sur ces revenus |
|
Ménages avec au moins une pension soumise au taux plein de CSG |
7,0 |
50 |
45 |
4,5 |
|
Ménages avec des revenus de placement ou du patrimoine |
9,4 |
18 |
6 |
2,1 |
Note : Les résultats sont présentés sur le champ des ménages ordinaires de France métropolitaine. Seules les recettes liées à la hausse de CSG (dernière colonne) sont présentées sur l’ensemble des ménages de France entière. La hausse de CSG sur les revenus des jeux ne peut pas être simulée par le modèle. La hausse de recette serait de l’ordre de 25 millions d’euros.
Lecture : 7 millions de ménages sont perdants à la seule hausse du taux de CSG sur les pensions, et 9,4 millions à la seule hausse de la CSG sur les revenus du patrimoine (hors revenus des jeux). Certains ménages peuvent être perdants à la fois à la hausse de CSG sur les pensions et sur les revenus du patrimoine : les deux lignes du tableau ne peuvent donc pas être additionnées. Des ménages peuvent par ailleurs être partiellement ou totalement compensés par le dégrèvement progressif de taxe d’habitation ou si l’un des membres du ménage est salarié du privé.
Source : Enquête Revenus Fiscaux et Sociaux (ERFS), calculs direction générale du trésor.
Il appelle les précisions d’ordre méthodologique suivantes : par souci de comparabilité avec les autres mesures mises en place par le Gouvernement, les effets de la hausse de la CSG sont appréciés au niveau du ménage dans son ensemble. Par conséquent, deux individus « perdants » à la hausse de CSG vivant sous le même toit ne représentent, dans le tableau ci-dessous, qu’un seul ménage. En outre, l’analyse n’intégrant pas les effets de la baisse des cotisations salariales, les résultats présentés sont susceptibles de surestimer le nombre de ménages perdants. À titre d’illustration, un ménage composé d’un actif et d’un retraité peut être considéré comme perdant au terme de cette analyse alors qu’il serait in fine gagnant après prise en compte des effets, sur son pouvoir d’achat, de la baisse des cotisations salariales.
Ainsi, sous ces réserves, 7 millions de ménages sont concernés par la hausse de la CSG sur leur pension et 9,4 millions par la hausse de la CSG sur leurs revenus de placement ou du patrimoine.
L’analyse des effets combinés des mesures relatives au taux de CSG et aux cotisations salariales fait apparaître certains « perdants », pour lesquels la baisse des cotisations sociales ne compense pas la hausse du taux de CSG. Compte tenu des éléments précédemment rappelés, il s’agit des ménages qui perçoivent des pensions de retraite soumises au taux plein de CSG ainsi que des revenus du capital.
Les retraités « perdants » qui subiront la hausse du taux de CSG applicable à leur pension comptent parmi les retraités dont les revenus sont les plus élevés. Le tableau ci-dessous indique la répartition par décile de niveau de vie des ménages avec au moins une pension soumise au taux plein de CSG. Il apparaît que plus de la moitié de ces retraités (52,6 %) appartiennent aux huitième, neuvième et dixième déciles et plus de 80 % (82,6 %) aux sixième à dixième déciles. Plus de deux tiers (68 %) des ménages concernés par cette hausse gagnent plus de 25 500 euros par an (soit plus de 2 000 euros par mois).
Répartition par décile de niveau de vie des ménages
avec au moins une pension soumise au taux plein de CSG
|
Déciles de niveau de vie (calculés sur l’ensemble de la population) |
Répartition des ménages avec une pension soumise au taux plein de CSG |
Seuils des déciles de niveau de vie calculés par l’Insee sur les revenus 2015 (en euros) |
|
D1 |
n.s. |
10 860 |
|
D2 |
n.s. |
13 670 |
|
D3 |
0,9 % |
15 970 |
|
D4 |
4,4 % |
18 150 |
|
D5 |
11,7 % |
20 300 |
|
D6 |
14,6 % |
22 570 |
|
D7 |
15,4 % |
25 500 |
|
D8 |
17,0 % |
29 790 |
|
D9 |
17,2 % |
37 510 |
|
D10 |
18,4 % |
– |
Champ : ménages ordinaires de France métropolitaine.
Lecture : 17 % des ménages avec une pension soumise au taux plein de CSG appartiennent au 8e décile de niveau de vie.
Source : ERFS, calculs direction générale du trésor (INSEE pour les seuils des déciles).
Par ailleurs, à la demande du Rapporteur général, la direction de la législation fiscale a fourni les résultats d’une étude sur cas-type pour apprécier la hausse mensuelle de CSG acquittée dans le cadre de la réforme. Les résultats sont à considérer avec précaution, compte tenu de leur caractère archétypal et de l’impossibilité de prendre en considération l’ensemble des situations individuelles susceptibles de modifier les résultats. Toutefois, il donne un ordre d’idée des effets de la hausse sur le pouvoir d’achat des personnes retraitées. Il apparaît ainsi que :
– pour les retraités de moins de soixante-cinq ans, les effets de la hausse sont globalement comparables pour des pensions nettes mensuelles comprises entre 1 330 et 1 500 euros (entre 24 et 28 euros) ; que la CSG acquittée chaque mois croît ensuite plus rapidement entre 1 500 et 2 000 euros ; que son montant varie du simple au quadruple entre 2 500 et 10 000 euros.
– les variations du montant mensuel de CSG acquitté sont strictement identiques à partir de 1 450 euros, quel que soit l’âge du pensionné (plus ou moins de soixante-cinq ans).
Étude sur cas-types de la hausse mensuelle de CSG acquittée dans le cadre de la bascule cotisations/CSG pour des ménages retraités
(en euros)
|
Niveau mensuel de pension nette de retraite perçue en l’absence de réforme |
Hausse mensuelle de CSG acquittée dans le cadre de la réforme – cas d’un retraité de moins de soixante-cinq ans |
Hausse mensuelle de CSG acquittée dans le cadre de la réforme – cas d’un retraité de plus de soixante-cinq ans |
|
1 300 |
0 |
0 |
|
1 330 |
24 |
0 |
|
1 350 |
25 |
0 |
|
1 400 |
26 |
0 |
|
1 450 |
27 |
27 |
|
1 500 |
28 |
28 |
|
1 750 |
32 |
32 |
|
1 850 |
34 |
34 |
|
2 000 |
37 |
37 |
|
2 500 |
46 |
46 |
|
3 000 |
55 |
55 |
|
4 000 |
73 |
73 |
|
5 000 |
92 |
92 |
|
7 000 |
129 |
129 |
|
10 000 |
184 |
184 |
Note : Pour les retraités de plus de soixante-cinq ans, une même pension nette peut parfois correspondre à une situation avec un taux réduit de CSG ou avec un taux plein de CSG en fonction du niveau de RFR. Dans ces cas ambigus, on suppose que le retraité est dans la situation du taux plein (cas défavorable où il voit sa CSG augmenter).
Pour mémoire, l’imposition des revenus 2017, les retraités de plus de soixante-cinq ans bénéficient d’un abattement spécial sur leur revenu net global, de 2 376 euros pour un célibataire dont le revenu net global 2017 est inférieur à 14 900 euros. L’abattement est divisé par deux si le revenu net global est compris entre 14 900 euros et 24 000 euros, et nul au-delà.
Source : calculs direction général du trésor.
2. Le dégrèvement progressif de la TH, une compensation partielle des « pertes » de pouvoir d’achat résultant de la hausse non compensée du taux de CSG pour les retraités
L’évaluation de l’impact des différentes mesures gouvernementales sur les ménages et, plus particulièrement, sur les retraités nécessite de croiser l’ensemble des données sur les effets de chacune des réformes. Établi de manière très claire par le Gouvernement, le lien entre la hausse de la CSG et le dégrèvement de TH permettra, pour certains ménages, dans une proportion plus ou moins importante selon les cas, de limiter les effets négatifs sur leur pouvoir d’achat de la hausse du taux de CSG.
Interrogé sur ce sujet par le Rapporteur général, la direction de la législation fiscale a indiqué que le nombre de ménages perdants à la hausse de la CSG sur les pensions de retraite, après prise en compte de la suppression progressive de la TH pour 80 % des ménages les plus modestes, s’élève à 3,2 millions en 2020.
L’existence et/ou l’accessibilité des données constitue toutefois un obstacle important dans cette démarche d’évaluation. Si la réforme concernant la TH a vocation à s’appliquer largement et que la majorité des contribuables bénéficiera in fine de tout ou partie des réformes précitées, certains ménages risquent de subir la hausse de la CSG et de continuer à s’acquitter de leur TH. Le Rapporteur général souhaitait identifier, aussi précisément que possible :
– le nombre de personnes susceptibles de ne bénéficier ni de la baisse des cotisations salariales ni du dégrèvement progressif de la TH ainsi que les profils de contribuables majoritairement représentés dans cette population ;
– au sein de cet ensemble, le nombre de contribuables qui en bénéficieront ainsi que les éventuels « gains » associés à la comparaison de ces deux mesures dont les effets sur le pouvoir d’achat des ménages sont strictement opposés.
Les réponses transmises au Rapporteur général indiquent que :
– les ménages « doublement perdants » sont ceux dont le RFR est supérieur aux seuils définis pour bénéficier du dégrèvement de TH et qui ne comptent en leur sein pas de salariés ou de non-salariés du secteur privé (ces derniers étant les gagnants des effets combinés de la hausse de la CSG et de la baisse des cotisations salariales). Parmi eux, seuls les titulaires d’une pension de retraite et les détenteurs de revenus du capital subiront une hausse non compensée du taux de CSG.
– sur les 9,6 millions de ménages qui ne bénéficieront pas des effets combinés de la « bascule cotisations/CSG », 5 millions bénéficieront du dégrèvement progressif de la TH ;
– sur les 7 millions de ménages qui sont concernés par la hausse du taux de CSG, plus des deux tiers (4,5 millions) bénéficieront du dégrèvement progressif de la TH ;
Tableau : Ménages concernés par la hausse de la CSG
sur les pensions soumises au taux plein de CSG
(en millions)
|
Ménages |
2018-2020 |
2022 |
|
Ménages concernés par la hausse de la CSG sur les pensions |
7 |
7 |
|
dont bénéficiant du dégrèvement de la taxe d’habitation |
4,5 |
7 |
|
dont ne bénéficiant pas du dégrèvement de la taxe d’habitation |
2,5 |
0 |
Champ : ménages ordinaires de France métropolitaine, ménages comportant au moins un retraité dont la pension est soumise au taux plein de CSG.
Note : seule la hausse de CSG sur les pensions soumises au taux plein de CSG est simulée ainsi que le dégrèvement de TH. La baisse de cotisations sociales (pour les éventuels conjoints) n’est pas intégrée à l’analyse. Ainsi, certains ménages composés d’un retraité et d’un actif salarié du privé peuvent apparaître perdants dans le tableau ci-dessous mais seront gagnants après prise en compte de la baisse de cotisations sociales.
Source : ERFS, calculs direction générale du trésor.
– de manière générale, le nombre de foyers « perdants » a vocation à diminuer avec l’augmentation du dégrèvement de la TH et, inversement, le nombre de ménages pour lesquels ces deux réformes ont des effets neutres ou positifs va croître progressivement jusqu’à la suppression définitive de la TH, laquelle est annoncée pour 2022. Le tableau ci-dessous retrace l’évolution attendue pour les deux prochaines années ; il n’intègre pas les effets de la baisse des cotisations sociales.
Effets de la hausse de CSG sur les pensions de retraite et du nouveau dégrèvement de taxe d’habitation
|
|
2018 |
2019 |
2020 |
|
Nombre de ménages gagnants ou neutres (en millions) |
0,6 |
2,6 |
3,8 |
|
Nombre de ménages perdants (en millions) |
6,4 |
4,4 |
3,2 |
|
Montant moyen de perte parmi les perdants (en euros par an) |
– 380 |
– 400 |
– 500 |
Champ : ménages ordinaires de France métropolitaine, ménages comportant au moins un retraité dont la pension est soumise au taux plein de CSG.
Note : les pertes et les gains sont définis au seuil d’un euro de variation de revenu disponible par mois. Seule la hausse de CSG sur les pensions soumises au taux plein de CSG est simulée ainsi que le dégrèvement de TH pour 80 % des ménages.
NB : le tableau ci-dessus présente les effets de deux mesures : la hausse de CSG sur les pensions de retraite et le dégrèvement de taxe d’habitation pour 80 % des ménages. La baisse de cotisations sociales (pour les éventuels conjoints) n’est pas intégrée à l’analyse. Ainsi, certains ménages composés d’un retraité et d’un actif salarié du privé peuvent apparaître perdants dans le tableau ci-dessus mais seront gagnants après prise en compte de la baisse de cotisations sociales.
Source : ERFS, calculs direction générale du trésor.
À la lecture de ce tableau, il apparaît ainsi qu’en 2020, 3,2 millions de ménages comportant au moins une personne retraitée dont la pension est soumise au taux plein de CSG s’acquitteront de leur TH.
3. La perspective des mesures complémentaires pour 100 000 ménages
L’inquiétude légitime exprimée par certains retraités dont la situation les expose à la hausse de la CSG alors que leur niveau de RFR se situe au-dessus mais proche de ceux retenus pour l’application du taux plein de CSG a incité le Premier ministre à annoncer que des mesures spécifiques seraient prises pour 100 000 ménages.
Interrogé par le Rapporteur général dans le questionnaire transmis dans le cadre des travaux préparatoires au présent rapport ainsi que, de vive voix, lors du contrôle sur place effectué le 5 juillet 2018 dans les locaux de la direction de la législation fiscale, les services compétents ont indiqué que la mesure était en cours d’expertise. Curieusement, cette expertise ne semble pas avoir eu lieu avant l’annonce du Premier ministre. Les difficultés d’ordre méthodologique et technique devront être surmontées, afin de proposer un dispositif dont le ciblage soit à la fois lisible pour les contribuables et cohérent avec les objectifs poursuivis.
Aucun élément de calendrier n’a été transmis au Rapporteur général qui demeurera particulièrement attentif aux propositions du Gouvernement sur ce sujet.
De manière générale, le nombre de foyers « perdants » a vocation à diminuer avec l’augmentation du dégrèvement de la TH et, inversement, le nombre de ménages pour lesquels ces deux réformes ont des effets neutres ou positifs va croître progressivement jusqu’à la suppression définitive de la TH.
C. Une compensation intégrale du dégrèvement de la taxe d’habitation pour les collectivités territoriales
Le choix de recourir à un dégrèvement de la taxe d’habitation est sans impact pour les finances des collectivités territoriales, dans la mesure où l’État prend en charge le dégrèvement dans la limite des taux et des abattements en vigueur pour les impositions de 2017.
À l’inverse, les augmentations de taux décidées par les exécutifs locaux après 2018 ne sont pas prises en charge par l’État et doivent être supportées par les contribuables locaux. Les collectivités demeureront ainsi libres de fixer leurs taux d’imposition ainsi que leurs quotités d’abattement dans les limites déterminées par la loi. Elles percevront l’intégralité du produit qu’elles auront décidé de voter et continueront également de bénéficier pleinement de la dynamique de leurs bases, qu’il s’agisse des locaux existants ou des constructions neuves.
Le montant du dégrèvement est estimé à 3 milliards d’euros en 2018, à 6,6 milliards d’euros en 2019 et à 10,1 milliards d’euros en 2020. Il a été intégré à la trajectoire des finances publiques figurant dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([117]).
Le choix de recourir à un dégrèvement n’est pas sans précédent puisqu’en 2017, 18 % des foyers bénéficiaient déjà de dégrèvements pour un montant total de 3,7 milliards d’euros (plafonnement de la TH en fonction des revenus, dégrèvement pour les gestionnaires de foyer, etc.). Le recours à un dégrèvement est particulièrement protecteur pour les finances locales puisque le paiement de la TH est assuré par l’État (par le biais de la mission Remboursements et dégrèvements), en lieu et place du contribuable, garantissant ainsi un remboursement intégral (au contraire des compensations d’exonérations qui font chaque année l’objet de minorations).
Répartition entre collectivités territoriales de la taxe d’habitation et montant des dégrèvements et compensations d’exonérations
(en millions d’euros)
|
TH et compensations |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Produit national de TH |
19,7 |
20,4 |
20,8 |
21,9 |
22 |
22,4 |
|
dont part EPCI |
6 |
6,4 |
6,6 |
7 |
6,5 |
7 |
|
dont part communes |
13,7 |
14 |
14,1 |
15 |
15,3 |
15,5 |
|
Dégrèvements pris en charge par l’État |
2,9 |
3 |
3 |
3,2 |
3,1 |
3,1 |
|
Compensations d’exonérations versées par l’État |
1,3 |
1,3 |
1,3 |
1,5 |
1,2 |
1,7 |
Note : le produit national de TH correspond au montant des émissions, y compris taxes annexes (taxe GEMAPI et taxes spéciales d’équipements) et hors frais de gestion. Le montant des dégrèvements pris en charge par l’État est inclus dans le produit national de TH et est réparti entre les recettes des communes et les recettes des EPCI.
Source : direction de la législation fiscale (DLF).
Le Gouvernement a toutefois indiqué, dans l’étude d’impact de la loi de finances pour 2018, souhaiter limiter la hausse des taux et les réductions d’abattement décidées ultérieurement par les collectivités, afin de garantir aux contribuables entrant dans le champ du nouveau dégrèvement que leur cotisation de TH sera effectivement réduite au cours des trois prochaines années. Un tel mécanisme de maîtrise des taux devait faire l’objet d’une négociation avec les collectivités territoriales dans le cadre de la Conférence nationale des territoires (CNT).
En effet, les mécanismes d’encadrement des taux de TH n’ont pas été modifiés par la loi de finances pour 2018 : il s’agit d’un plafonnement des taux à 2,5 fois le taux moyen constaté l’année précédente dans l’ensemble des communes au niveau national et de plusieurs règles de liaison des taux avec d’autres impositions locales afin de maintenir constant les parts respectives de fiscalité entre les entreprises et les ménages.
Le Gouvernement avait mentionné la possibilité de geler les pouvoirs de taux et d’abattements des collectivités dans l’attente de la suppression définitive de la TH. Le Rapporteur général n’a pas eu connaissance de telles propositions au cours des derniers mois.
Dans les faits, moins de collectivités ont décidé d’augmenter leurs taux en 2018 à la suite de la mise en place du dégrèvement de TH. Sur la base de données partielles transmises par la direction de la législation fiscale ([118]), 24 250 communes ont conservé en 2018 le même taux qu’en 2017. À ce stade, seules 5 680 communes ont augmenté leur taux. Pour mémoire, 12 629 communes avaient augmenté leur taux 2017 par rapport à 2016. La moyenne des taux de TH en 2018 se situe à 12,6 % (amplitude de 0 % à 50,09 %). L’augmentation la plus importante est celle de la commune de Tasso en Corse-du-Sud (taux de 50,09 %), qui enregistre une augmentation de 15,5 %.
Pour les EPCI, 748 établissements ont gardé le même taux de TH en 2018 et 184 établissements ont augmenté leur taux de TH. L’augmentation la plus importante est constatée pour la communauté de communes du Gâtinais Val-de-Loing avec + 127,3 %. Pour mémoire, 224 EPCI avaient augmenté leur taux 2017 par rapport à 2016. La moyenne des taux 2018 se situe à 8,8 % (amplitude de 0 % à 24,73 %). De manière générale, les EPCI à forte densité de population pour lesquels les données 2018 sont connues, notamment les métropoles, les communautés urbaines et les communautés d’agglomération de plus de 100 000 habitants, n’ont pas fait évoluer leur taux. Les plus importantes variations (supérieures à 10 %) concernent des ensembles intercommunaux avec une densité de population plus modérée (population comprise entre 5 000 et 60 000 habitants).
Créée par la loi du 13 avril 1910, la taxe de séjour est dès l’origine une taxe locale et facultative qui a pour objet de faire contribuer les touristes aux dépenses liées à la fréquentation touristique d’une commune.
Elle est confrontée depuis plusieurs années à l’essor significatif de nouvelles formes d’offres d’hébergements touristiques, avec le développement de plateformes électroniques assurant un service de mise en relation et de réservation en vue de la location d’un meublé. L’essor de ce nouveau modèle économique crée de nombreuses distorsions de concurrence par rapport au secteur professionnel, notamment en matière fiscale.
C’est dans ce cadre que plusieurs lois de finances ont récemment procédé à des aménagements du barème en vigueur et du cadre juridique de collecte de la taxe, en particulier la loi de finances pour 2015 ([119]) et la seconde loi de finances rectificative pour 2017 ([120]).
A. La taxe de séjour vise à faire contribuer les touristes hébergés aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune
Les recettes de la taxe de séjour doivent être affectées à des dépenses liées à l’activité touristique, afin de répondre à l’objet principal de celle-ci : faire participer les touristes hébergés au financement des dépenses engagées par la commune pour les accueillir. L’article L. 2333‑27 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose ainsi que le produit de la taxe de séjour pour les communes ou leurs groupements doit être affecté aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ou du groupement, ou encore aux dépenses relatives à des actions de protection et de gestion des espaces naturels à des fins touristiques. L’article L. 3333‑1 du CGCT dispose que le produit de la taxe additionnelle départementale à la taxe de séjour doit être affecté aux dépenses destinées à promouvoir le développement touristique du département.
En 2016, le produit total de la taxe de séjour s’est élevé à 365 millions d’euros, réparti entre les communes pour 236 millions d’euros, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour 110 millions d’euros et les départements pour 19 millions d’euros. Le produit de la taxe de séjour qui bénéficie au bloc communal est fortement concentré sur quelques collectivités, puisque près de la moitié du produit national de la taxe de séjour était perçue en 2016 par 50 collectivités territoriales. Inversement, près de 700 communes perçoivent une taxe de séjour pour un montant inférieur à 1 000 euros, et 160 communes perçoivent une taxe de séjour pour un montant inférieur à 100 euros.
Principales collectivités du bloc communal
bénéficiant de la taxe de séjour en 2016
(en millions d’euros)
|
Collectivités |
2016 |
|
Paris |
68,7 |
|
CA Val d’Europe Agglomération |
8,6 |
|
Nice |
6,8 |
|
Métropole de Lyon |
6 |
|
Bordeaux Métropole |
4,8 |
|
CU de Strasbourg CUS |
4,4 |
Source : direction générale des collectivités locales (DGCL).
Le produit de la taxe de séjour progresse significativement entre 2012 et 2016 en passant de 239 millions à 346 millions d’euros pour le bloc communal (+ 45 %), et de 9 millions d’euros à 19 millions d’euros pour les départements (+ 121 %).
Évolution du produit de la taxe de séjour
(en millions d’euros)
|
Collectivités |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Produit perçu par le bloc communal |
238,84 |
251,20 |
260,49 |
306,42 |
345,82 |
330 * |
|
Produit perçu par le bloc départemental |
8,78 |
8,94 |
11,51 |
12,01 |
19,40 |
19,4 * |
* prévisions inscrites au projet de loi de finances pour 2018, Évaluations des voies et moyens, tome I.
Source : DGCL.
La fréquentation des hébergements collectifs touristiques en 2017
La fréquentation des hébergements collectifs touristiques de France métropolitaine atteint en 2017 un niveau record de 429 millions de nuitées (+ 5,6 %), tirée par l’hôtellerie (210 millions de nuitées ; + 4,9 %) et les campings (124 millions de nuitées ; + 5,5 %). Le poids de la clientèle non-résidente reste toutefois plus faible en France par rapport à ses voisins européens et s’élève à 31 %.
La hausse observée s’inscrit dans un contexte de forte concurrence avec les hébergements individuels proposés par les particuliers, notamment au travers des plateformes électroniques. Elle n’empêche pas les hôtels métropolitains d’atteindre un record de fréquentation des non-résidents en 2017 : en hausse de + 8,8 % pour atteindre 76 millions de nuitées. La clientèle britannique reste la première clientèle étrangère des hôtels métropolitains (10,8 millions de nuitées), suivie par la clientèle américaine (8,7 millions) puis allemande (6,7 millions). Le taux de fréquentation des hôtels atteint 61,2 %, en hausse de 2,8 points par rapport à 2016, sur un parc de 641 milliers de chambres. Le nombre de chambres dans les hôtels 1 étoile diminue (– 29,4 %) au profit des établissements non classés (+ 5,9 %) : certains hôtels renonceraient à faire renouveler leur classement.
Dans les campings, la part des touristes non-résidents reste proche de la moyenne nationale (31,3 %), principalement en provenance des Pays-Bas (13,2 millions de nuitées) et d’Allemagne (8,5 millions). Les capacités sont stables à 710 milliers d’emplacements.
1. Collectivités pouvant instituer une taxe de séjour
La taxe de séjour est instituée de manière facultative à l’initiative des communes par délibération du conseil municipal prise avant le 1er octobre pour être applicable à compter du 1er janvier de l’année suivante. Les communes qui sont autorisées à instituer la taxe de séjour sont énumérées par l’article L. 2333-26 du CGCT : il s’agit des communes touristiques ou des stations classées de tourisme, des communes littorales, des communes de montagne ou des communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que de celles qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels.
Certains EPCI peuvent également instituer une taxe de séjour, indépendamment de leur régime fiscal, par délibération de leur organe délibérant (article L. 5211-21 du CGCT) : il s’agit des groupements de communes touristiques et de stations classées de tourisme, des groupements dont les communes bénéficient de la dotation de solidarité rurale (DSR) ou des groupements qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme ainsi que ceux qui réalisent, dans la limite de leurs compétences, des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels. La taxe de séjour s’applique dans ce cas à l’ensemble du territoire intercommunal, tandis que la commune, sauf opposition de celle-ci par délibération contraire dans un délai de deux mois, perd le droit de percevoir la taxe sur le territoire communal, afin d’éviter une double taxation au niveau de la commune et de l’EPCI. Dans le cas où la commune s’oppose à la décision de l’EPCI d’instituer la taxe de séjour au niveau intercommunal, la délibération de l’EPCI ne s’applique pas sur le territoire de la commune qui continue de percevoir la taxe de séjour pour son propre compte. En revanche, l’EPCI perçoit la taxe de séjour sur le reste du territoire intercommunal.
TERRITOIRE COMMUNAL SOUMIS À LA TAXE DE SÉjour en 2018