N° 1241

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 septembre 2018.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 24 octobre 2017 (1)

sur la diplomatie économique

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Pierre CORDIER et Denis MASSÉGLIA

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

Synthèse du rapport

introduction

I. éléments de bilan : face à un enjeu crucial, le dispositif public reste à parfaire

A. la persistance du déficit extérieur

1. Derrière les fluctuations conjoncturelles, une situation préoccupante du commerce extérieur de biens

2. La dégradation du solde des services

B. Les déterminants structurels du commerce extérieur

1. L’histoire et la géographie

2. Les enjeux de compétitivité

a. Les coûts

b. Les enjeux plus qualitatifs

3. La question de la désindustrialisation : avons-nous encore une offre industrielle suffisante ?

4. Une prise de conscience quant aux enjeux « culturels » et éducatifs

5. La politique commerciale internationale : à court terme, un impact mesuré sur l’équilibre extérieur

6. L’accompagnement de nos entreprises à l’international : des progrès restent à faire

a. Le concept de « diplomatie économique » est généralement salué

b. Les opérateurs publics ont amélioré leur efficacité

c. Mais il reste d’évidentes marges d’amélioration

i. Un dispositif qui reste insuffisamment lisible

ii. Des coopérations plus ou moins effectives

iii. Une pénétration limitée sur le « marché » des exportateurs

iv. La question du coût des prestations dans un contexte de désengagement budgétaire

v. Un dispositif qui n’appréhende pas globalement l’internationalisation des entreprises

II. Mieux préparer et accompagner nos entreprises

A. Un ensemble complet de réformes engagées par le Gouvernement

1. La compétitivité au cœur de l’action du Gouvernement

2. Une innovation : la prise en compte de la dimension internationale dans les politiques d’éducation et de formation

3. L’accompagnement des entreprises : vers un dispositif unifié, complet, lisible pour les entreprises

a. Des outils numériques nouveaux

b. Un guichet unique régional : l’« aspirateur » à entreprises vers l’export

c. Un guichet unique dans chaque pays étranger

4. La poursuite de l’élargissement et de l’assouplissement des outils financiers

a. Une assurance prospection plus attractive

b. L’assouplissement des exigences en matière de courant d’export généré par les opérations couvertes par une garantie publique

i. La création d’un « Pass’Export » : un contrôle plus souple de la « part française »

ii. La possibilité de couvrir certains projets même sans contrat export

c. Les autres dispositions

5. Le rapprochement entre Expertise France et l’Agence française de développement

6. Une meilleure protection de nos entreprises stratégiques

B. Les propositions de la mission : placer la dimension internationale au cœur des politiques publiques

1. Mieux prendre en compte la dimension internationale dans les mesures générales de compétitivité

2. Mieux intégrer la dimension internationale aux politiques d’éducation et de formation

a. Renforcer l’enseignement de l’anglais et plus généralement des langues étrangères

b. Renforcer la culture de l’international

c. Développer les réseaux des anciens étudiants étrangers en France

3. Donner toute sa force au « guichet unique » de l’export

a. S’appuyer sur la diplomatie parlementaire

b. Disposer d’outils numériques efficaces

i. Des outils financés

ii. Des outils attractifs et pertinents

c. Dans les territoires : tout faire pour mobiliser de nouveaux exportateurs

d. Les implantations à l’étranger : favoriser une présence plus complète et plus dynamique de la « Team France »

i. Assurer une représentation plus unifiée, plus complète, plus efficace de la « Team France » dans chaque pays

ii. Mettre en œuvre le rapprochement Expertise France-Agence française de développement et garantir une part de financement public national à Expertise France

iii. Élargir l’offre d’accompagnement pour nos entreprises

e. Poursuivre la dynamisation des instruments financiers publics et de leur gestion

i. Le contexte : un accès insuffisant des PME aux assurances export publiques et la suppression du crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale

ii. Prendre en compte l’économie digitale dans les dépenses de prospection

iii. Revoir la gouvernance des assurances export publiques

iv. Dans le même esprit, rationaliser la gestion des différents dispositifs qui coexistent

v. Orienter l’épargne des Français vers les entreprises à potentiel international

ConClusion : synthèse des propositions

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Contributions

I. Contribution présentée par le groupe La république en marche

II. Contribution présentée par le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM)

III. Contribution présentée par le groupe la France insoumise

annexe : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs


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   Synthèse du rapport

Le présent rapport part de deux constats :

– celui du déficit commercial récurrent de notre pays depuis une quinzaine d’années, qui atteint un niveau préoccupant à plus de 60 milliards d’euros pour les marchandises, d’autant que les échanges de services, dont l’excédent traditionnel se rétracte, compensent de moins en moins ce déficit ;

– celui des tensions commerciales croissantes entre grands pays ou blocs. Jamais l’expression de « guerre économique » n’a paru si justifiée, légitimant dès lors une « diplomatie économique ».

L’analyse des déterminants du solde extérieur renvoie à un ensemble de facteurs conjoncturels et surtout structurels : facteurs quantitatifs (coûts) et qualitatifs de la compétitivité, pour lesquels la situation de notre pays apparaît très (trop…) « moyenne », impact de la désindustrialisation, importance de la « culture de l’international » et plus prosaïquement de la maîtrise des langues étrangères. À court terme, si la guerre commerciale pourrait être désastreuse, les accords commerciaux, en revanche, ont un impact assez limité.

Enfin, les dispositifs spécifiques d’incitation – par le conseil, les aides ciblées, le financement ou l’assurance – des entreprises à l’export, s’ils ont gagné en efficacité depuis quelques années avec l’émergence d’opérateurs publics plus puissants et efficaces, restent largement perfectibles : les acteurs restent nombreux et le système pas toujours lisible pour les entreprises ; les prestations proposées, en partie facturées dans un contexte budgétaire contraint, sont souvent jugées coûteuses par les entreprises ; en fin de compte, la pénétration (rapport du nombre d’entreprises aidées par les dispositifs publics au nombre total d’entreprises exportatrices ou potentiellement exportatrices) reste faible, avec par exemple seulement 10 000 entreprises aidées annuellement par Business France et moins de 3 000 entreprises souscrivant une assurance-export publique.

Outre les mesures générales de compétitivité prises depuis un an, le Gouvernement a engagé, comme les gouvernements précédents, un ensemble de réformes ambitieuses au service de l’internationalisation de nos entreprises, centrées notamment sur la maîtrise de la langue anglaise au terme des cursus de formation, la mise en place d’un véritable « guichet unique » public pour l’accompagnement à l’export des entreprises et la poursuite de l’élargissement et de l’assouplissement des outils financiers publics.

La mission présente dix-neuf recommandations (voir au terme du rapport leur récapitulation) qui visent à assurer le succès des réformes engagées et à les amplifier. La dimension internationale doit être placée au cœur de toutes les politiques publiques, y compris de la diplomatie parlementaire, et plus systématiquement prise en compte dans toutes les décisions concernant ces politiques, que ce soit en matière économique, sociale ou éducative. Il faut également donner toute sa force au nouveau guichet unique de l’export, notamment pour mobiliser de nouveaux exportateurs dans les territoires et faire travailler ensemble tous les opérateurs publics présents à l’international. Enfin, s’agissant des dispositifs publics de crédit et d’assurance-export, les modes de gouvernance pourraient être revus et l’épargne des Français réorientée.

 


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   introduction

 

Mesdames, Messieurs,

 

Cela fait plus de quinze ans que les échanges extérieurs de biens (marchandises) de la France sont déficitaires, tandis que ceux de services, qui compensent en partie ce déficit, voient leur excédent fondre. D’après les derniers chiffres publiés par l’administration des douanes, le solde négatif sur les biens (solde dit FAB/FAB) a atteint 63,1 milliards sur l’année glissante juillet 2017-juin 2018.

Cette situation difficile de notre commerce extérieur, qui contraste avec les excédents enregistrés par la majorité de nos voisins européens, est aggravée à court terme par des éléments conjoncturels – en particulier les fluctuations du cours du pétrole et des taux de change –, mais sa récurrence implique une analyse des facteurs plus structurels qui l’expliquent, ainsi que des politiques mises en œuvre pour améliorer la situation – mesures générales de compétitivité et dispositifs spécifiques de soutien à nos exportateurs. L’expression « diplomatie économique », qui est l’objet du présent rapport, renvoie d’abord à ces dispositifs, car elle a été popularisée durant la précédente législature pour désigner la mobilisation accrue qui a été, avec succès, demandée à notre appareil diplomatique pour aider nos entreprises sur les marchés internationaux.

À l’enjeu de l’équilibre extérieur, s’ajoutent cette année d’autres enjeux, plus directement politiques, concernant le commerce international. Il s’agit d’une part, selon les cas, de l’entrée en vigueur, de la signature, ou de la négociation d’un certain nombre d’accords commerciaux de l’Union européenne (avec le Canada, le Japon, le Mercosur, l’Australie, la Nouvelle-Zélande…). D’autre part de la remise en cause par l’administration du président Trump d’arrangements multilatéraux durement acquis, comme celui avec l’Iran, et du développement d’une politique commerciale unilatérale agressive qui fait craindre une « guerre commerciale » généralisée. On constate en effet que les États-Unis sont amenés à prendre des positions extrêmement dures non seulement contre la Chine, mais aussi contre leurs plus fidèles alliés, Union européenne ou Canada. Des prises de position justifiées, selon le président des États-Unis, par l’ampleur des déséquilibres commerciaux bilatéraux en viennent ainsi à affecter les alliances les plus anciennes, donc les fondements des relations internationales. C’est l’autre versant de la « diplomatie économique » : les questions économiques et commerciales peuvent être au cœur des rapports de force entre puissances et c’est ce qui se passe actuellement. La mission de l’État est de mettre en mesure et préparer les entreprises à affronter les marchés internationaux, puis de les y accompagner avec des dispositifs spécifiques, mais aussi de les protéger contre les pratiques déloyales et les mesures unilatérales et parfois extraterritoriales de leurs concurrentes et des puissances étrangères.

Sans ignorer cette dimension de la diplomatie économique, vos rapporteurs ont centré leurs travaux sur les missions de préparation et d’accompagnement à l’international, en relevant que la mission de protection, également essentielle, devrait prochainement être l’objet d’un rapport que le Premier ministre a confié en juillet dernier à deux de leurs collègues, le député Raphaël Gauvain et le sénateur Christophe-André Frassa, lequel portera (selon le décret relatif à leur mission) sur « les mesures de protection des entreprises françaises confrontées à des procédures judiciaires ou administratives donnant effet à des législations de portée extraterritoriale ». De plus, cette question a également été l’objet à la fin de la précédente législature d’un rapport d’information conjoint des commissions des affaires étrangères et des finances, confié à nos anciens collègues Karine Berger et Pierre Lellouche ([1]).

Les politiques visant à préparer et accompagner nos entreprises ont fait l’objet d’annonces précises de réforme de la part du Gouvernement, notamment le 23 février dernier, lorsque le Premier ministre a présenté à Roubaix la « Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur ». Elles ont également été débattues dans le cadre de la consultation sur le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) et l’examen du projet de loi du même nom permettra sera également l’occasion d’en délibérer. Les propositions de vos rapporteurs, récapitulées en conclusion de leur rapport, s’inscrivent dans la lignée des réformes engagées, qu’elles visent à amplifier. La situation de notre commerce extérieur le justifie.

 


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I.   éléments de bilan : face à un enjeu crucial, le dispositif public reste à parfaire

A.   la persistance du déficit extérieur

Le commerce extérieur des biens a été constamment déficitaire depuis 2004. Celui des services, qui a longtemps apporté un excédent régulier, connaît également une évolution décevante.

1.   Derrière les fluctuations conjoncturelles, une situation préoccupante du commerce extérieur de biens

Après avoir augmenté progressivement jusqu’en 2008, le déficit de nos échanges de biens s’est momentanément réduit en 2009, dans un contexte général de réduction des échanges internationaux après la crise financière, puis a de nouveau progressé jusqu’en 2011, où l’on a atteint un niveau record à 74 milliards d’euros. On constate ensuite une amélioration régulière jusqu’en 2015, où le déficit a été ramené à 45 milliards d’euros, puis une nouvelle dégradation conduisant à plus de 62 milliards d’euros de déficit en 2017.

Ces fluctuations à l’échelle d’une, deux ou trois années s’expliquent largement par des facteurs conjoncturels contingents, notamment les taux de change ou les cours du pétrole. Ainsi, on a constaté tout à la fois, en 2013-2014, une forte appréciation du dollar par rapport à l’euro qui a dopé la compétitivité des produits européens, puis à partir de mi-2014 un effondrement des cours du pétrole qui a réduit la facture énergétique de notre pays. Mais ces facteurs positifs peuvent se retourner : l’année 2017 a été marquée par un net redressement de l’euro face au dollar (environ + 14 % sur l’année civile) et un rebond des prix du pétrole (+ 28 % pour le prix moyen du baril de « brent » en euros entre juin et décembre 2017) qui a entraîné une dégradation de 7,5 milliards d’euros du solde énergétique de la France.

D’autres facteurs de court terme ont parfois un impact significatif, mais peu durable, sur le solde commercial : par exemple, celui-ci a été dégradé en 2016-2017 par l’effet des accidents climatiques de l’été 2016, qui ont entraîné une forte baisse de la récolte de céréales (– 32 % en tonnage récolté pour le blé tendre en 2016 par rapport à 2015) et donc des exportations de celles-ci ; l’arrêt prolongé des raffineries de pétrole lors du mouvement social du printemps 2016 et celui d’un grand nombre de réacteurs nucléaires pour des vérifications de sûreté à l’automne ont de même eu un impact significatif (recul de 3 milliards d’euros des recettes d’exportations du secteur de l’énergie en 2016)…

Comme on peut le constater sur le graphique ci-après, le solde commercial de notre pays hors énergie (et armes) a connu ces dernières années une évolution assez différente du solde global et plus inquiétante, puisque ce solde n’a quant à lui cessé de se dégrader depuis 2013 et a atteint en 2017 un niveau négatif record inégalé à 41 milliards d’euros.

Échanges de biens : exportations, importations et solde

Source : Gouvernement (« Commerce extérieur – Résultats 2017 – 7 février 2018 »).

De plus, un autre facteur conjoncturel, plus général, ne peut être ignoré : lorsque la demande intérieure repart dans un pays, cela entraîne en général une hausse de ses importations, laquelle, si elle n’est pas accompagnée d’une hausse égale des exportations, signifie une dégradation du solde extérieur. Il y a donc un lien conjoncturel entre niveau de croissance et solde extérieur.

Un pays dont la croissance est inférieure à celle de la plupart de ses partenaires tend généralement à améliorer ce solde, mais au prix, bien sûr, des conséquences négatives d’une croissance faible sur l’emploi et le pouvoir d’achat. C’est de cette manière que les pays d’Europe du Sud ont amélioré leurs soldes commerciaux après la crise de l’euro au début des années 2010.

S’agissant de la France, on observe que sa croissance a depuis 2010 été généralement inférieure à celle de la moyenne de ses partenaires, même si cet écart diminue actuellement : le graphique ci-après le montre en comparant la croissance française à celle de l’Union européenne prise dans son ensemble ou du « G7 ».

Taux de croissance du PIB : comparaison entre la France, l’Union européenne et le G7

(en %)

Source : extraction à partir de la base de données du FMI (World Economic Outlook Database, avril 2018).

Notre pays a du mal à équilibrer sa balance commerciale même lorsque sa croissance est faible. A fortiori, il existe un risque que le retour à une croissance plus forte, que l’on constate aujourd’hui, n’entraîne une dégradation accrue de cette balance à défaut d’une action vigoureuse pour redresser celle-ci. Cette situation se traduit dans les comptes nationaux par le constat d’une contribution généralement négative du commerce extérieur à la croissance : cela signifie que la dégradation du solde commercial « mange », en termes de croissance du PIB, les gains liés à des facteurs tels que la consommation et l’investissement, car les surplus de biens consommés et d’équipements nouveaux sont fournis pour une part excessive par les importations plutôt que par la production nationale. Entre 2014 et 2017, cette contribution négative a fait « perdre » annuellement entre 0,4 % et 0,8 % (selon les années) de croissance.

2.   La dégradation du solde des services

Traditionnellement, les échanges de services de la France, portés notamment par l’accueil des visiteurs étrangers, dégagent un excédent, qui a longtemps oscillé entre 15 et 25 milliards d’euros par an, compensant en partie le déficit sur les biens. Mais là-aussi, on relève une tendance récente à la dégradation, très visible sur le graphique ci-après, même s’il faut relever deux points : l’encoche (solde nul) de 2016 s’explique largement par l’effet très sévère, mais peu durable, des terribles attentats de 2015-2016 sur l’accueil des touristes étrangers ; par ailleurs, depuis la présentation des statistiques qui sont à la base de ce graphique, la Banque de France a réévalué à la hausse de plus de 10 milliards d’euros les dépenses en France des visiteurs étrangers, ce qui devrait se traduire dans les prochaines statistiques de la balance des services par une nette amélioration du solde présenté.

Échanges de services : exportations, importations et solde

Source : Gouvernement (« Commerce extérieur – Résultats 2017 – 7 février 2018 »).

B.   Les déterminants structurels du commerce extérieur

Quels sont les facteurs qui déterminent structurellement la situation de notre commerce extérieur ? Il est généralement admis que prédominent des facteurs très généraux de compétitivité, d’organisation du système productif, voire culturels. Vient ensuite ce qui relève plus strictement de la diplomatie économique, à savoir la politique commerciale et les mesures spécifiques d’accompagnement à l’international de nos entreprises.

1.   L’histoire et la géographie

Il n’est pas inutile de rappeler que les flux de commerce international entre les pays sont d’abord déterminés par deux facteurs :

– la taille des économies ;

– la distance entre les pays.

Le poids de ces facteurs est attesté par la possibilité d’élaborer une « équation de gravité du commerce international » qui prétend prédire le commerce entre deux pays à partir du produit de leur PIB divisé par la distance entre eux ([2]). Plus la taille des partenaires économiques est importante, plus ils échangent entre eux ; mais plus ils sont éloignés l’un de l’autre, moins leurs échanges sont importants. Or les études économétriques constatent que cette équation est ex-post largement vérifiée dans la réalité.

L’histoire et la géographie, qui font ce que sont nos pays – leurs frontières et leurs voisins, leur population et leur taille économique –, ont donc un impact déterminant sur les échanges commerciaux. D’autant que d’autres facteurs historiques comptent aussi à cet égard, même s’ils sont moins déterminants : par exemple, le fait d’avoir la même langue en partage ou bien une histoire commune liée à une colonisation passée.

Cette réalité du poids de la géographie et de l’histoire explique sans doute pour une large part la situation de l’Allemagne d’après la chute du bloc soviétique : ce pays s’est retrouvé avoir pour voisins immédiats un ensemble de pays d’Europe centrale qui disposaient d’une main d’œuvre bien formée et qualifiée, de cadres juridiques nouvellement libéralisés très favorables aux entreprises et cependant de coûts très compétitifs. L’industrie allemande a su tirer parti de cette situation en intensifiant les échanges avec ces pays dans le cadre d’une division du travail optimale. Il faut observer que l’Allemagne n’obtient pas ses excédents commerciaux actuels en limitant ses importations, loin de là : ce pays, avec un PIB environ 1,4 fois plus élevé que celui de la France, importe 1,9 fois plus de biens que nous, mais parvient aussi à en exporter 2,7 fois plus ([3]). L’une des clefs du succès de l’économie allemande tient donc à son intégration dans son environnement.

2.   Les enjeux de compétitivité

La notion de compétitivité renvoie à celle de rapport « qualité-prix » : sommes-nous capables de proposer des produits meilleurs ou au moins « aussi bons » que ceux de nos concurrents à un prix attractif ?

On entend parfois dire que « la France produirait aux coûts allemands des produits dont la qualité serait plutôt celle de pays d’Europe du Sud ». Parmi les interlocuteurs de la mission, ce type de réflexions a toutefois été rare.

a.   Les coûts

S’agissant des coûts, les comparaisons, même entre pays européens ayant en principe des méthodes statistiques normalisées, restent délicates. D’après les dernières données d’Eurostat, présentées ci-après, la France reste, pour les coûts de main d’œuvre, parmi les pays européens « chers », du fait notamment des coûts indirects (charges sociales et impôts liés aux salaires). Les mesures prises depuis quelques années et accentuées sous la présente législature en matière de charges et de fiscalité ont toutefois permis à notre pays de revenir à un niveau globalement très proche de ses voisins tels que l’Allemagne ou les pays du Benelux.

Coûts horaires de la main d’œuvre dans l’ensemble de l’économie en 2017

(hors agriculture et administration publique, entreprises de 10 salariés et plus)

(en euros)

Source : Eurostat (communiqué de presse 60/2018 du 9 avril 2018).

S’agissant du coût du travail, toutefois, il faut aussi prendre en compte les différences entre pays selon les secteurs et les niveaux de qualification. De manière générale, comme on y reviendra, l’industrie exporte (et importe) beaucoup plus que les services ; par ailleurs, les entreprises les plus internationalisées et exportatrices se caractérisent souvent par des niveaux de qualification et donc de salaires plus élevés que la moyenne.

Dans ces conditions, les entreprises exportatrices bénéficient moins que la moyenne des allégements de charges sociales centrés sur les bas salaires qui sont privilégiés en France (en raison de leur impact sur l’emploi). Cet effet a été particulièrement documenté concernant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en vigueur sous la précédente législature, qui consistait en un crédit d’impôt calculé sur la seule base des rémunérations inférieures à 2,5 fois le SMIC.

Les évaluations de l’impact du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sur les exportations

Dès le premier rapport (octobre 2013) du Comité de suivi du CICE, il a été relevé (à partir d’une exploitation théorique de données de 2011) que la part de la masse salariale éligible au CICE serait en moyenne de 79 % pour les entreprises non exportatrices, mais de seulement 58 % pour l’ensemble des entreprises exportatrices et 46 % pour celles exportant plus de 35 % de leur chiffre d’affaires ! Cette situation était directement corrélée aux niveaux moyens de salaires, supérieurs de 35 % au niveau national dans les entreprises fortement exportatrices, mais inférieurs de 17 % à ce niveau national dans les entreprises non exportatrices.

Selon des données ex post pour l’année 2014 ([4]), il y aurait eu cette année 55 000 entreprises dont moins du tiers de la masse salariale était éligible au CICE. Or, ces entreprises auraient assuré 26 % de la valeur ajoutée marchande totale et surtout 48 % (!) du total de nos exportations avec seulement 10 % des emplois et en bénéficiant de 6 % seulement du produit du CICE.

Ces différents éléments ont amené France Stratégie à mettre en lumière concernant le CICE « l’absence d’effet visible sur les exportations » ([5]).

La concentration des allégements de charges sur les salaires les plus modestes, justifiée par la politique de l’emploi, est dans ce contexte fortement critiquée par certains observateurs. Le think tank libéral « Fondation Concorde » a ainsi pu arriver à cette conclusion sans doute excessive, mais qui met en lumière une vraie question : « au total, les allégements de charges sur les basses qualifications ont créé une économie duale inadaptée à la compétition mondiale avec une faible taxation des emplois peu qualifiés mais qui seront toujours plus chers que les salariés roumains et vietnamiens et une surtaxation des salariés hautement qualifiés qui sont ainsi plus chers que les salariés allemands (+ 26 % à 40 000 euros de salaire annuel, + 41 % à 90 000 euros). Nous ne sommes donc ni compétitifs dans le low cost, ni compétitifs dans la haute qualité (…) » ([6]).

Enfin, on ne doit pas oublier que la question des coûts renvoie à d’autres enjeux que ceux du coût du travail : il y a aussi l’impact des impôts sur la production, des prix de l’énergie, de ceux du foncier…

b.   Les enjeux plus qualitatifs

S’agissant maintenant du « rapport qualité-prix » des produits français, il a été jugé assez bon par la plupart des personnes rencontrées par la mission, même si les résultats de certaines enquêtes, nécessairement subjectives, sont plus inquiétants, comme on le voit sur le graphique ci-après rendant compte d’une étude de « ressenti » parmi des directeurs d’achats. On voit qu’en termes de rapport qualité-prix comme d’innovation, l’offre française est systématiquement perçue comme moins bonne que l’offre allemande, mais aussi, très souvent, que l’offre italienne, voire espagnole.

Écart ressenti de rang (*) avec les concurrents de la France en zone euro, pour deux critères

(*) Rang des pays dans le classement établi par 500 directeurs d’achats interrogés dans les principaux pays européens.

Le graphique se lit ainsi : pour le rapport qualité prix des biens intermédiaires, la France se situe au septième rang alors que l’Allemagne est au deuxième rang (-5), l’Espagne au quatrième rang (-3) et l’Italie au cinquième (-2).

Source : COE REXECODE « La compétitivité en 2017 » – Classement déclaré par les directeurs d’achat des clients européens – dossier de présentation de la Banque de France : « La balance des paiements de la France – Résultats 2017 ».

Au-delà du rapport qualité-prix, il y a la question de la capacité à avoir une offre suffisante et/ou à s’organiser pour vendre à l’étranger.

3.   La question de la désindustrialisation : avons-nous encore une offre industrielle suffisante ?

L’un des interlocuteurs de la mission, lui-même industriel et exportateur, estime que ses produits valent bien ceux de ses concurrents européens. Mais il constate qu’il est devenu à peu près le seul producteur français sur son créneau, alors qu’il trouve face à lui cinq ou dix concurrents allemands.

Lorsque l’on compare le poids de l’industrie dans les différentes économies, on observe que la France est, en Europe, l’une de celles où ce poids est le plus faible, l’un des pays les plus « désindustrialisés » (au bénéfice du secteur des services).

Et il est significatif de relever la corrélation relative qui existe entre degré de désindustrialisation et solde extérieur. Le graphique ci-après rapproche le poids de l’industrie manufacturière dans la richesse nationale et la balance des transactions courantes des principaux pays d’Europe occidentale. La corrélation n’est bien sûr que partielle, mais force est de noter que des pays où l’industrie reste très puissante, comme l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, l’Italie, des pays scandinaves, dégagent aussi de confortables excédents extérieurs, tandis que la France et le Royaume-Uni, fortement désindustrialisés, sont en situation de déficit. Et s’il est vrai que certains pays où le poids de l’industrie manufacturière est relativement faible parviennent toutefois à dégager des excédents commerciaux significatifs, cela peut s’expliquer : s’agissant de la Norvège, par exemple, par l’impact des exportations massives d’hydrocarbures ; s’agissant des Pays-Bas, par l’importance des activités commerciales et portuaires (générant des réexportations) ainsi que d’un secteur agricole très compétitif et tourné vers l’export.

Poids de l’industrie dans le PIB et solde courant de la France et de ses principaux partenaires européens

(2017, en %)

Source : extraction des bases  de données Eurostat et FMI.

La corrélation entre poids de l’industrie dans l’économie et équilibre extérieur peut être expliquée : structurellement, le commerce international des services reste moins développé, de sorte que pour un pays très « tertiarisé », il est difficile de compenser par ce commerce, dont les flux restent moindres, les déficits industriels. Pour prendre l’exemple de la France, malgré le degré très élevé de tertiarisation de son économie, les échanges de services ne représentent que 30 % de la totalité des échanges (biens + services) : en 2017, la somme des importations et exportations de biens a dépassé 1 000 milliards d’euros quand celle des importations et exportations de services représentait un peu moins de 440 milliards.

Un autre constat conforte l’interrogation sur la désindustrialisation : le nombre relativement faible d’entreprises françaises qui exportent. Ces entreprises sont beaucoup moins nombreuses que chez tous nos grands voisins de taille économique comparable (Allemagne, Italie, Royaume-Uni et Espagne), comme le montre le graphique ci-après.

Nombre d’entreprises exportatrices

(en milliers)

Source : dossier de présentation de la Banque de France : « La balance des paiements de la France – Résultats 2017 ».

Le graphique ci-après montre que si les flux d’export de notre pays ont régulièrement augmenté, le nombre d’exportateurs a faiblement fluctué depuis deux décennies. Nous sommes aujourd’hui à 124 000, en-deçà d’un maximum historique à près de 132 000 au tournant du millénaire. Les exportations françaises sont, en volume, concentrées sur un nombre assez limité de grandes entreprises, qui représentant 0,4 % des exportateurs, mais 52 % des volumes. 70 % des exportations sont le fait de 1 000 entreprises.

Évolutions comparées du nombre d’exportateurs et des flux d’exportations

Source : Gouvernement (« Commerce extérieur – Résultats 2017 – 7 février 2018 »).

Ces observations légitiment pleinement l’objectif central du Gouvernement, qui est d’augmenter massivement le nombre d’entreprises exportatrices pour atteindre 200 000. Mais elles montrent aussi que c’est un objectif très ambitieux, dont la réalisation demandera une très forte implication de tous.

4.   Une prise de conscience quant aux enjeux « culturels » et éducatifs

Les personnes rencontrées par la mission ont fréquemment mis en avant, au-delà des seuls enjeux de compétitivité, des facteurs plus profonds, que l’on pourrait qualifier de « culturels », dans les déterminants de l’internationalisation des entreprises.

Selon certains, les entreprises françaises concevraient encore souvent leurs produits avant tout pour le marché intérieur : l’export permettrait d’écouler des surplus et de réaliser de temps en temps une bonne affaire. Cela alors que chez nos concurrents européens, on aurait pris plus précocement l’habitude de concevoir et de produire en vue du marché mondial (ou du moins européen) ; ce genre d’analyse est bien sûr difficile à vérifier et vos rapporteurs ont aussi rencontré des chefs d’entreprise français qui inscrivent d’entrée de jeu le développement de leur activité dans une perspective internationale. L’existence, ou non, d’un grand nombre de « pépites », d’entreprises françaises qui ignoreraient leur potentiel à l’international malgré l’excellence de leurs produits, est sujette à discussion : certains le pensent, d’autres non. Mais ce point ne peut de toute façon pas être ignoré.

À ce type d’appréciations sur la « psychologie » des entreprises, on peut rattacher des éléments plus matériels tels que le développement plus ou moins grand des services commerciaux internationaux des entreprises, leur présence multilingue (ou du moins en anglais) ou non sur internet, plus généralement la maîtrise ou non des langues étrangères, l’anglais en particulier.

L’insuffisante maîtrise des langues étrangères par les chefs d’entreprises petites et moyennes et les salariés français a constitué une observation récurrente durant les auditions. Pour certains intervenants, ce serait l’un des principaux déterminants de nos performances moyennes à l’international.

La question concerne au premier chef la maîtrise de la langue anglaise. Selon une étude récente ([7]), la France serait juste devant l’Italie l’avant-dernier pays de l’Union européenne pour la maîtrise moyenne de l’anglais par les adultes. Certes ce genre de classement, réalisé par une entreprise privée à partir de tests d’anglais, peut être discuté. Par ailleurs, le niveau en anglais des jeunes élèves s’accroît régulièrement selon les études de la direction générale de l’enseignement scolaire.

La maîtrise d’une seconde langue étrangère est également un enjeu déterminant. Le déclin de l’enseignement de l’allemand, en particulier, est regrettable au regard de l’ampleur de nos échanges économiques avec l’Allemagne (et d’autres pays au moins en partie germanophones tels que la Suisse et le Luxembourg). Il y a dans l’industrie une forte demande de salariés germanophones.

5.   La politique commerciale internationale : à court terme, un impact mesuré sur l’équilibre extérieur

Le cadre formé au fil des ans par l’ensemble des accords internationaux ayant un volet commercial auxquels la France est partie a globalement un impact considérable sur l’orientation et le volume de nos échanges internationaux. Il faut en particulier rappeler que l’Union européenne a été conçue originellement comme un « marché commun » commercial et que la libre circulation des hommes, des biens, des services et des capitaux reste l’un de ses acquis principaux, avec un impact considérable sur l’orientation des flux commerciaux de ses membres : l’Union européenne représente 59 % de nos échanges extérieurs.

Cela dit, à relativement court terme et en prenant chaque négociation ou mesure commerciale séparément, on constate que leur impact sur les flux et soldes commerciaux est mesuré : il est essentiel de négocier de bons accords et/ou de prendre éventuellement de bonnes mesures de défense commerciale, mais il ne faut pas imaginer qu’à elles seules ce genre de dispositions pourraient redresser le solde extérieur d’un grand pays (ou a contrario le dégrader massivement) – sauf à envisager des mesures massives, comme vient d’en prendre l’administration américaine en décidant de surtaxer pour 200 milliards de dollars d’importations chinoises, avec le risque de provoquer des « guerres commerciales » incontrôlables et perdantes pour tous, comme l’a récemment évalué le Conseil d’analyse économique. Selon cette évaluation ([8]), le « scénario catastrophe » d’une guerre commerciale totale dans lequel les tarifs douaniers sur les produits industriels augmenteraient de 60 points dans le monde entier (sauf à l’intérieur de l’Union européenne) conduirait à des pertes de PIB (récession) de l’ordre de 3 % à 4 % dans l’Union européenne, en France en particulier, de même d’ailleurs qu’en Chine ou aux États-Unis ; le revenu annuel moyen des Français diminuerait (toutes choses égales par ailleurs) de plus de 1 100 euros et le commerce de la France hors Union européenne baisserait d’environ 42 %.

Dans ce contexte, les experts du Conseil d’analyse économique recommandent de poursuivre la signature d’accords commerciaux, non pas dans une optique de gains directs substantiels (« les gains éco­nomiques que nous prédisons sont modestes »), mais parce qu’« ils peuvent jouer un double rôle de "police d’assurance" en cas de guerre commerciale généralisée et ils peuvent être utilisés comme un levier sur des sujets non commerciaux [la promotion de l’Accord de Paris et l’action contre l’évasion et l’optimisation fiscales menée notamment dans le cadre de l’OCDE] ».

On peut illustrer l’impact relativement limité, en termes macro-économiques et en dehors du genre de scénario susmentionné, des accords et mesures commerciales pris individuellement par quelques exemples.

● L’accord économique et commercial global (AECG ou CETA) de l’Union européenne avec le Canada est l’un des textes qui suscitent aujourd’hui le plus de débats. Sans entrer dans ceux-ci, il faut observer que son impact potentiel sur les flux et partant le solde commercial de notre pays devrait toutefois être assez modeste. En effet, en s’en tenant à l’une des études préalables les plus « optimistes » quant aux effets du CETA sur les flux commerciaux, celle commanditée en 2008 par la Commission européenne et le gouvernement canadien ([9]), les échanges entre l’Union et le Canada augmenteraient de 20 % à 25 % suite à l’accord, ce, on le rappelle, dans la meilleure des hypothèses. Or, si l’on considère que l’on peut transposer cet impact au commerce bilatéral franco-canadien, cela signifierait tout au plus environ 2 milliards d’euros de progression des échanges, puisque les échanges bilatéraux de biens et services sont de l’ordre de 10 milliards : ce n’est pas déterminant au regard d’un total de flux de biens et services de la France à l’international (import et export) qui dépasse 1 400 milliards par an.

● Les relations commerciales avec l’Iran constituent un autre exemple. La plus grande part des sanctions européennes qui avaient été mises en place contre ce pays, dont un embargo pétrolier, ont été levées suite à l’accord du 14 juillet 2015 sur la limitation et le contrôle du programme nucléaire iranien ([10]). Mais aujourd’hui, le retrait des États-Unis de cet accord entraîne un retrait massif des entreprises européennes des échanges avec l’Iran par crainte des sanctions extraterritoriales des États-Unis. Il y a là des enjeux fondamentaux sur le plan politique ; c’est également le cas sur le plan micro-économique : des entreprises sont confrontées à des choix risqués et coûteux. Mais sur le plan macro-économique, l’enjeu doit être relativisé : l’application de l’embargo pétrolier en 2012 et la restriction de certaines exportations et des opérations financières avec l’Iran avaient eu pour conséquence une baisse de nos exportations vers ce pays de 1,7 milliard d’euros (en 2011, avant l’embargo) à 0,45 milliard (en 2014) ; en 2017, elles étaient remontées à 1,5 milliard suite à l’accord nucléaire ([11]). Ces variations sont certes impressionnantes, mais un milliard d’euros d’exportations en plus ou en moins ne sont pas déterminants pour l’équilibre général d’un pays qui exporte pour près de 500 milliards d’euros de biens par an et souffre d’un déficit commercial de plus de 60 milliards…

● Les taxes décidées par les États-Unis sur l’acier et l’aluminium devraient toucher environ 670 millions d’exportations françaises. Selon une analyse du CEPII, ces taxes entraîneraient une baisse d’environ 300 millions d’euros de nos exportations d’acier vers les États-Unis, soit 45 % du total de ces exportations, mais seulement 0,8 % de notre production ([12]). Là-aussi les enjeux macro-économiques directs sont donc assez modestes ; les enjeux plus massifs sont indirects et/ou politiques (quelle réaction européenne face à cette attitude agressive ? Comment éviter une dérive conduisant à une « guerre commerciale » généralisée ? Quel impact sur la confiance des agents économiques et donc la croissance ?).

● Le même type de relativisation vaut enfin lorsque l’on examine le coût pour l’économie française des sanctions économiques en place depuis 2014 contre la Russie et des contre-mesures russes (embargo sur une grande partie de nos produits agricoles et agro-alimentaires) : ce seraient environ 300 millions d’euros d’exportations agro-alimentaires qui ont été « perdues » vers la Russie et, plus globalement, l’impact direct et indirect des sanctions et contre-sanctions avec la Russie pourrait être de l’ordre de 600 millions à un milliard d’euros pour nos exportateurs ([13]).

6.   L’accompagnement de nos entreprises à l’international : des progrès restent à faire

Les pouvoirs publics français (comme ceux des autres grands pays) ont progressivement mis en place à la fois des moyens humains et des instruments financiers destinés spécifiquement à accompagner à l’international nos entreprises.

Ce type de mesures semble avoir une réelle efficacité, même si c’est à une échelle mesurée : les diverses études économétriques qui se sont efforcées d’évaluer l’impact des dispositifs existants concluent, selon les cas, que 5 à 70 euros de chiffre d’affaires à l’export supplémentaire seraient générés par une mise d’un euro. Il faut cependant être conscient des limites intrinsèques des dispositifs spécifiques d’accompagnement : ils représentent des coûts budgétaires de quelques dizaines ou au plus centaines de millions d’euros et donc, même avec les excellents taux de retour susmentionnés, peuvent générer au plus quelques centaines de millions, peut-être un milliard d’euros d’affaires. Ce n’est pas de quoi rééquilibrer notre solde extérieur. Par ailleurs, l’efficacité marginale de ce genre de dispositifs est fortement décroissante : on ne peut pas augmenter massivement leur volume sans perdre rapidement en efficacité.

Sous réserve de ces limites inhérentes, il faut évidemment tout faire pour que notre accompagnement des entreprises à l’international soit pleinement efficace.

Le bilan des évolutions des dernières années est plutôt positif, mais fait apparaître encore de graves lacunes.

a.   Le concept de « diplomatie économique » est généralement salué

Le concept de « diplomatie économique » a été mis en avant par M. Laurent Fabius lorsqu’il est devenu ministre des affaires étrangères au début de la législature précédente, puis a vu ses compétences étendues au commerce extérieur (et au tourisme) en 2014.

La promotion de la diplomatie économique a d’abord visé à mobiliser nos ambassadeurs sur les sujets économiques et le soutien à nos entreprises sur les marchés internationaux. Il leur a été demandé, dans tous les pays représentant des flux commerciaux non négligeables, soit une centaine, d’élaborer des plans d’action économique et de constituer des conseils économiques pour réunir régulièrement les opérateurs et entreprises français présents ; ils ont dû rendre compte et être évalués sur la mise en œuvre de ces mesures. Selon une enquête interne du ministère des affaires étrangères, les ambassadeurs consacreraient désormais près de 40 % de leurs temps de travail, en moyenne, à la diplomatie économique.

Cette évolution est très généralement appréciée. La mobilisation des ambassadeurs, outre qu’elle démultiplie les moyens de soutien à nos entreprises, a deux avantages : celui de désigner clairement un chef de file, dans chaque pays étranger, de la promotion économique de notre pays ; et celui de mettre à la disposition de nos entreprises des personnalités qui ont un « carnet d’adresses » de haut niveau et peuvent leur ouvrir des portes qui resteraient fermées pour les chefs de service locaux des services économiques du Trésor ou de Business France.

Nos ambassadeurs peuvent par ailleurs s’appuyer sur le réseau des services économiques régionaux dépendant de la direction générale du Trésor, qui disposent (chiffres de fin 2017) d’environ 600 agents et de 131 implantations dans 108 pays.

b.   Les opérateurs publics ont amélioré leur efficacité

Le dispositif administratif et les soutiens financiers spécifiquement dédiés à l’internationalisation de nos entreprises ont été l’objet de nombreuses réformes au cours des dernières décennies, lesquelles visaient généralement à regrouper des structures pour les rendre plus puissantes et plus professionnelles. Ces évolutions institutionnelles fréquentes ne sont d’ailleurs pas propres à la France, comme l’a relevé notre collègue Buon Tan dans son avis budgétaire pour 2018 sur les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique ([14]) : il existe dans ce domaine de multiples types d’organisation et les réformes institutionnelles sont également fréquentes chez nos partenaires européens.

De l’avis dominant, les réformes menées ont permis l’émergence de plusieurs opérateurs performants.

● L’établissement public Business France est né du regroupement progressif de divers organismes préexistants, tels que l’Agence pour la coopération technique, industrielle et économique (ACTIM), le Comité français des manifestations économiques à l’étranger (CFME) et le Centre français du commerce extérieur (CFCE), qui ont fusionné en deux phases pour former en 2004 l’établissement public Ubifrance, lequel a également bénéficié du transfert de personnels qui servaient dans les services économiques extérieurs dépendant du ministère de l’économie et des finances (entre 2008 et 2010). En 2015, Ubifrance a fusionné à son tour avec l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), pour former Business France. Enfin, ce dernier a absorbé début 2017 les activités d’accompagnement international de la Sopexa, structure publique spécifique de promotion des produits agro-alimentaires.

Suite à tous ces regroupements, Business France représente une force de frappe significative : 1 500 agents, localisés en majorité dans ses bureaux à l’étranger (plus de 900 personnes). Son réseau international permettait fin 2016 à l’opérateur d’être présent directement sur 93 sites dans 68 pays et indirectement (en comptant les pays couverts depuis un pays voisin ou par des partenaires conventionnés) dans plus de 120 pays. Business France dispose d’un budget total d’un peu plus de 200 millions d’euros, provenant pour moitié de fonds publics (104 millions d’euros dans son budget 2017), le reste provenant de services facturés aux entreprises.

● De même, une série de regroupements d’institutions publiques préexistantes (la Banque des PME, l’ANVAR, CDC Entreprises, le Fonds stratégique d’investissement) a conduit en 2012 à la constitution d’un établissement financier public dédié aux PME, Bpifrance. Cette institution est devenue un acteur financier majeur dont le total de bilan atteignait 72,4 milliards d’euros fin 2017.

Son activité a continué à se développer en 2017, notamment sur le champ international. Bpifrance a développé sur ses ressources propres des instruments financiers (crédits et garanties) adaptés aux PME exportatrices. En particulier, l’institution accorde des crédits export pour financer des opérations d’exportation sur des contrats de montant faible ou moyen (jusqu’à 25 millions d’euros, voire 75 millions en cofinancement avec d’autres banques) pour lesquels le secteur bancaire classique est souvent défaillant. Le volume de crédits export a atteint 186 millions d’euros en 2017, contre 28 millions en 2016 ; 119 millions d’euros d’avances à l’export ont également été octroyés.

Par ailleurs, Bpifrance gère pour le compte de l’État, depuis début 2017, les « garanties publiques » qui étaient antérieurement gérées par la Coface. Il s’agit de dispositifs développés de longue date (ils ont été créés après la Seconde guerre mondiale) par lesquels l’État assure certaines opérations à l’international pour lesquelles l’offre de marché des assureurs privés est considérée comme défaillante. Ces garanties publiques, que l’on peut regrouper sous le vocable d’assurance export publique, ont été l’objet à partir de 2012 de plusieurs trains de réformes visant pour la plupart à les élargir et les diversifier afin de répondre aux besoins des entreprises. On distingue notamment : l’assurance-crédit, qui consiste à couvrir, à moyen ou à long terme, les exportateurs contre le risque d’interruption de leur contrat et/ou les banques contre le risque de non remboursement des crédits à l’exportation octroyés à un acheteur étranger ; l’assurance prospection, qui permet de prendre en charge des dépenses de prospection sur un marché étranger, les remboursements de l’entreprise étant liés au chiffre d’affaires qui en résulte ; la garantie de change ; la garantie du risque exportateur, qui couvre les cautions et les préfinancements bancaires des contrats d’export.

Près de 2 700 entreprises ont recouru en 2017 à l’un ou l’autre de ces dispositifs. Le montant annuel de garanties émises, qui est fluctuant, est en augmentation tendancielle forte : 20,4 milliards d’euros de garanties octroyées en 2017 contre 18 milliards en 2016 et 14,4 milliards en moyenne sur 2010-2016. Au total, via l’assurance export publique et les autres dispositifs de Bpifrance, 22,7 milliards d’euros ont été mobilisés pour accompagner l’internationalisation des entreprises françaises en 2017.

● L’établissement public Expertise France a été créé en même temps que Business France (au 1er janvier 2015) par la fusion d’un précédent opérateur et de cinq petites agences d’expertise créées antérieurement par différents ministères financiers et sociaux ([15]).

Cette opération a permis de constituer une agence dynamique, avec une activité en forte croissance puisque le chiffre d’affaires global devrait être de l’ordre de 200 millions d’euros en 2018, alors qu’il n’était encore en 2016 que de 124 millions.

Expertise France constitue une expérience intéressante car l’agence se place tout à la fois au service de la politique d’aide au développement et de la diplomatie économique, réconciliant deux objectifs parfois présentés comme incompatibles. Selon son texte statutaire, en effet, l’agence « participe à des missions d’intérêt public au service de la politique de coopération au développement et de rayonnement économique de la France » ([16]).

Se comportant en matière d’expertise technique comme un « ensemblier » capable de proposer des offres aussi globales que possible, Expertise France retraite une partie (20 % à 30 %) de son activité avec des entreprises françaises de conseil, ingénierie, formation, voire des entreprises industrielles ou du BTP. Par exemple, l’agence a obtenu un important contrat avec les Nations-Unies pour assister la MINUSMA (force de maintien de la paix au Mali) dans ses projets logistiques et d’infrastructures (bases), dont une part a bénéficié à des entreprises françaises du BTP ou de la sécurisation des sites. Expertise France peut aussi favoriser les offres françaises par un second biais, indirect, en favorisant la diffusion des normes et des pratiques françaises, dans des domaines tels que l’urbanisme et les transports (il existe notamment un programme de coopération en matière d’urbanisme avec Bahreïn), l’agriculture (normes phytosanitaires) ou encore la mise en œuvre de partenariats public-privé (diffusion du « modèle » français de délégation de service public, qui peut ensuite faciliter l’accès d’entreprises françaises à des appels d’offres).

L’autre spécificité d’Expertise France est d’avoir un fonctionnement proche de celui d’une entreprise et des liens avec les entreprises, tout en pouvant valoriser son statut d’agence officielle de la France et le maintien de liens avec les administrations régaliennes. C’est un modèle favorable pour obtenir des marchés tels que ceux mentionnés supra, qui ont un fort contenu régalien (le marché d’urbanisme avec Bahreïn provient ainsi, à l’origine, d’une demande exprimée lors d’une rencontre des chefs d’État des deux pays ; quant à celui avec la MINUSMA, il n’est bien sûr pas sans lien avec le rôle particulier de la France au Mali).

● Par ailleurs, nos entreprises peuvent aussi s’appuyer sur des réseaux plus anciens, mais qui ont développé et modernisé leur action. Dans les territoires, environ 400 conseillers travaillant pour les chambres de commerce et d’industrie seraient spécialisés sur les enjeux internationaux. Dans les pays étrangers, le réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCI-FI) est constitué de structures de droit local qui s’autofinancent (cotisations des membres, vente de prestations), ne bénéficiant pas de financements publics (ou très marginalement). Il comprend 120 chambres employant en 2016 1 165 collaborateurs et qui ont réalisé globalement celle année-là un chiffre d’affaires de 68,5 millions d’euros ; 87 incubateurs sont en place dans 62 pays ([17]).

● Les conseillers du commerce extérieurs de la France sont une autre institution vénérable : ils ont été créés en 1898. Il s’agit de professionnels, en majorité implantés à l’étranger, qui acceptent d’apporter une assistance bénévole aux entreprises françaises. À ce titre, ils sont nommés et donc reconnus par l’État. Ils sont plus de 4 000 en France et dans 149 pays. Durant ces dernières années, le réseau a été rajeuni (la moyenne d’âge est passée de 60 à 52 ans depuis 2004), féminisé (le taux de femmes étant passé depuis 2010 de 10 % à 20 %) et doté d’une charte de déontologie.

● Enfin, les régions ont été dotées par une série de lois successives de décentralisation de compétences en matière d’aides aux entreprises, comprenant notamment le soutien à l’export et l’attraction des investissements étrangers. La loi NOTRe ([18]) a parachevé ce processus et affirmé la compétence exclusive de la région pour la définition des orientations en matière de développement économique. Cette définition est l’objet du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), lequel doit notamment traiter des orientations en matière de « soutien à l’internationalisation » des entreprises et d’« attractivité du territoire régional ».

Les régions ont saisi pleinement leurs missions en adoptant des modes d’organisation variés pour mettre en œuvre celles-ci : certaines les gèrent dans le cadre d’agences aux compétences plus larges couvrant le développement économique et/ou l’innovation. D’autres ont créé des agences ad hoc, dotées parfois de bureaux à l’étranger. Toutefois la déconfiture en 2015 d’Entreprise Rhône-Alpes International (ERAI), l’agence mise en place par la région du même nom, qui était manifestement surdimensionnée (de nombreuses antennes à l’étranger, plus de 200 emplois, 11 millions d’euros de budget), conduit aujourd’hui la plupart des régions à s’appuyer plutôt sur les réseaux existants à l’étranger (réseau consulaire et Business France).

Les régions ont en commun de financer (le plus souvent à 50 % mais d’autres formules existent) le programme du volontariat international en entreprise (VIE), qui constitue à la fois un moyen d’accéder à l’emploi pour les jeunes et une facilité donnée aux entreprises pour bénéficier d’une représentation physique sur un nouveau marché à frais réduits. Le nombre des VIE a régulièrement augmenté : ils étaient presque 10 000 fin 2017, contre 6 300 fin 2009 et 8 000 fin 2013.

c.   Mais il reste d’évidentes marges d’amélioration

Les progrès réalisés ne peuvent dissimuler la persistance d’indéniables lacunes.

i.   Un dispositif qui reste insuffisamment lisible

Tout d’abord, le dispositif public ou parapublic d’accompagnement à l’international reste complexe. De très nombreux intervenants potentiels y figurent, certains mis en place ces dernières années. En effet, à ceux mentionnés supra, il faut ajouter, entre autres :

– les bureaux spécialisés propres à certains secteurs, comme le Bureau Export pour la filière musicale, le Bureau international de l’édition française pour le secteur du livre, UniFrance pour la promotion internationale du cinéma français, Adepta pour celle de notre machinisme agricole et agro-alimentaire…

– les personnalités désignées, sous la précédente législature, comme « fédérateurs » de « familles » professionnelles à l’export ou encore les « représentants spéciaux » nommés dans une douzaine de pays (ou regroupements de pays) pour y promouvoir l’offre française…

La mise en place de la « diplomatie économique » telle que promue par M. Laurent Fabius s’est par ailleurs accompagnée d’une complexification de la gestion du dispositif au sommet, dans la mesure où la compétence « commerce extérieur », revendiquée alors par le ministre, n’a en réalité été que partiellement transférée du pôle « économie et finances » (« Bercy ») au pôle « affaires étrangères » (le « Quai d’Orsay »). Cela apparaît bien dans les décrets d’attribution des différents ministres, ceux pris en 2017 pour le nouveau Gouvernement reprenant le compromis trouvé en 2014. Selon le décret d’attribution de l’actuel ministre de l’Europe et des affaires étrangères ([19]), il est chargé de conduire les négociations commerciales, mais ce « en liaison » avec son collègue chargé de l’économie ; il est seulement « associé » à la politique de financement des exportations, qui est gérée par la direction générale du Trésor ; il « a autorité », mais « conjointement avec le ministre de l’économie », sur les services économiques régionaux dépendant de la direction générale du Trésor ; il « dispose », sans les diriger, des directions générales du Trésor et des entreprises (toutes deux rattachées à « Bercy ») pour l’exercice de ses compétences en matière de commerce extérieur et de tourisme, de sorte que le Quai d’Orsay s’est lui-aussi doté d’une direction économique concurrente (la direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme) ; il exerce seulement une co-tutelle sur Business France, etc.

Cette complexité se retrouve dans l’imputation des différents crédits budgétaires que l’on peut rattacher à la mission générale d’aide à l’internationalisation des entreprises : il n’y a pas de « budget du commerce extérieur » (ou de la diplomatie économique) identifié, mais des lignes de crédits dispersées (voir pour leur détail l’avis budgétaire précité de M. Buon Tan).

ii.   Des coopérations plus ou moins effectives

Officiellement, les différents opérateurs ou réseaux mis en place coopèrent harmonieusement pour rendre aux entreprises le meilleur service.

Cette coopération a été formalisée par un certain nombre de « chartes », « convention » ou « partenariats.

Par exemple, en juillet 2011, la « Charte nationale de l’exportation » a prévu la mise en place de « guichets uniques régionaux » ayant vocation à être animés par le réseau consulaire ; elle avait été signée par l’ensemble des acteurs d’alors (Ubifrance, Coface, Oséo, Association des régions de France, Assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, etc.). Dans le même esprit, a été créé en 2013 le label « Bpifrance export » dans une optique de guichet unique entre Ubifrance, Coface et Bpifrance. Par ailleurs, dans sept pays (République démocratique du Congo, Jordanie, Madagascar, Maroc, Nigeria, Pérou et Venezuela) où elle n’avait pas de bureau, l’agence Ubifrance a délégué la mise en œuvre de ses missions de services publics aux CCI-FI locales.

La création de Business France en 2015 a de même été suivie en 2015-2016 de la signature de partenariats avec CCI International et CCI France, (têtes de réseau consulaires), le Comité national des conseillers du commerce extérieur, Régions de France, les Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), c’est-à-dire le syndicat des acteurs privés de l’accompagnement international, les douanes, etc.

Mais les réalisations concrètes consécutives à tous ces accords restent limitées. Ils se sont inscrits dans une tension entre la volonté des pouvoirs publics d’offrir aux entreprises un service plus lisible, voire un « guichet unique », et le conservatisme des structures existantes qui cherchaient à perdurer.

Ainsi, les délégations de service public opérées dans quelques pays au bénéfice des CCI-FI ont-elles souvent donné des résultats limités (hormis au Maroc) compte tenu du choix de pays « difficiles » (potentiel économique limité et/ou problèmes politiques et sécuritaires). De même, la volonté de mettre fin aux rivalités entre bureaux de Business France et CCI-FI dans la soixantaine de pays où les uns et les autres coexistaient a donné des résultats inégaux : si une cinquantaine de conventions locales ont été signées à cette fin, deux ont rapidement été dénoncées et les négociations ont achoppé dans près d’une dizaine de sites. Une enquête interne menée auprès des responsables locaux de Business France et des CCI-FI a montré une amélioration des modes de coopération, mais des concrétisations assez limitées en termes de transfert de chiffres d’affaires (ce qui était l’objectif : confier la réalisation de telle ou telle prestation pour telle ou telle entreprise à l’autre partenaire en fonction des compétences de chacun).

Plusieurs personnes auditionnées par la mission ont fait état des relations parfois difficiles qui subsistent localement, dans tel ou tel pays étranger par exemple, entre réseaux et opérateurs, de la nécessité de ne pas « piétiner les plates-bandes » de tel ou tel si l’on voulait avancer…

iii.   Une pénétration limitée sur le « marché » des exportateurs

Ce dispositif public et parapublic encore complexe et fragmenté reste globalement relativement peu connu et utilisé par les entreprises. Par exemple, Business France touche avec ses prestations diverses (opérations collectives, prestations individualisées, mise à disposition de VIE…) environ 10 000 PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) distinctes par an, 18 000 environ en cumul sur trois ans ; autre exemple, moins de 3 000 entreprises souscrivent annuellement l’une des assurances export publiques gérées par Bpifrance ; seul le réseau consulaire revendique un nombre plus significatif d’entreprises touchées par ses actions internationales, avec 68 000 « structures » ayant bénéficié en 2016 d’une prestation de CCI-International, mais encore faudrait-il savoir précisément ce que cela recouvre.

En tout état de cause, ces effectifs d’entreprises concernées par les différentes prestations apparaissent modestes au regard des 124 000 entreprises exportatrices que compte la France, dont environ les deux tiers sont des exportateurs réguliers (exportant tous les ans). La majorité des exportateurs ne recourent donc pas aux dispositifs publics de soutien et d’accompagnement. Pour certains, peut-être parce qu’ils n’en ont pas l’usage. Mais aussi parce qu’ils ignorent l’offre qui leur est faite, du fait de son manque de visibilité et de lisibilité, ou encore la trouvent trop coûteuse.

iv.   La question du coût des prestations dans un contexte de désengagement budgétaire

Sur ce dernier point, il y a en effet des critiques récurrentes quant aux tarifs demandés par Business France pour les prestations de conseil (études de marchés) et de mise en relation (« B to B ») qu’il propose aux entreprises. Certaines de ces prestations sont réalisées aux prix du marché en direction de grandes entreprises. D’autres, destinées aux PME, sont subventionnées, mais avec un reste à charge qui est souvent jugé excessif. De fait, d’après un document de benchmark produit par Business France (reproduit ci-après), il semble que cet opérateur soit en Europe et peut-être dans le monde l’un des opérateurs publics comparables dont le budget repose le plus sur la facturation aux entreprises : quand les facturations représentent près de la moitié du budget de Business France, la situation ne serait comparable que pour son homologue suédois (42 % de facturations dans son budget), tandis que la part des facturations ne serait que de 20 % pour l’organisme espagnol, 13 % pour les organismes allemands, 11 % pour l’agence italienne, 4 % au Royaume-Uni, 12 % en Corée du Sud, 11 % en Australie, 0 % au Japon et au Canada…

Source : Business France.

Pour être plus précis s’agissant de la comparaison avec l’Allemagne, on voit que dans ce pays, l’agence publique GTAI (German Trade and Invest), sorte d’homologue de Business France, ne facture quasiment pas de prestations aux entreprises, tandis que le réseau consulaire international allemand, largement subventionné, ne tire que 25 % de ses ressources de telles facturations. On rappelle qu’en revanche, le réseau français homologue des CCI-FI ne bénéficie quasiment pas de fonds publics (il doit donc être financé par les cotisations des entreprises affiliées à ces chambres et par les prestations facturées).

La comparaison avec l’Allemagne est également édifiante en matière d’expertise technique.

Ainsi, en 2016 (dernières années pour laquelle les rapports financiers ont été publiés) :

– Expertise France a bénéficié de ressources d’exploitation à hauteur de 124 millions d’euros, générées essentiellement par la vente de ses prestations ; les subventions n’ont en effet apporté sur ce total que 12,5 millions ;

– son homologue allemand GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit) a affiché la même année un carnet de commandes de 3,2 milliards d’euros (en progression de 38 % par rapport à l’année précédente !) et un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros, dont 2,25 milliards, soit 94 % du total, provenant du secteur non marchand (ministère de la coopération et du développement, commande publique et subventions), ce qui lui permet de déployer des moyens et une activité considérables (plus de 130 pays couverts, 18 000 collaborateurs…). L’Allemagne a de longue date fait de l’expertise technique un outil public d’influence ; elle finance massivement des programmes dans de nombreux pays en développement, lesquels lui permettent de diffuser mondialement ses normes techniques et plus généralement sa culture technique et administrative, au grand bénéfice ensuite de ses entreprises.

Il est à noter que les agences d’expertise technique sont également principalement financées sur fonds publics dans d’autres pays européens (selon un récent rapport d’information du Sénat ([20]), à plus de 96 % pour celle de la Belgique, à 100 % pour l’agence suédoise, 85 % pour l’agence italienne..).

v.   Un dispositif qui n’appréhende pas globalement l’internationalisation des entreprises

Il convient enfin d’observer que ce dispositif public d’accompagnement n’appréhende pas encore globalement l’internationalisation des entreprises.

Business France d’une part cherche à favoriser les investissements étrangers en France, d’autre part aide les entreprises françaises à exporter en leur proposant des prestations telles que des études de marché, la participation à des salons ou la recherche de premiers clients. Mais l’agence ne s’occupe pas de la phase ultérieure qui peut prendre la forme d’une implantation locale. Cette limitation est justifiée en principe par la présence d’une offre commerciale pour les prestations (conseil, domiciliation, fourniture de locaux, aide aux démarches…) visant cet objectif – offre assurée par des opérateurs privés et/ou par les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international.

De même, le bénéfice des assurances export publiques gérées par Bpifrance est lié à des exigences de « part française », c’est-à-dire de part minimale des contrats commerciaux assurés qui donne lieu à une valeur générée en France.

Tout cela se comprend : les outils publics doivent servir l’emploi en France et il existe toujours une interrogation par rapport à la tentation de la délocalisation que peuvent connaître certaines entreprises, cas de figure où le développement d’implantations à l’étranger se fait au détriment de l’emploi en France aussi bien que de la balance commerciale (si les biens fabriqués à l’étranger par des entreprises françaises sont destinés au marché français).

Cependant, certaines études économiques démentent l’idée selon laquelle les investissements à l’étranger d’entreprises françaises se feraient généralement au détriment de l’emploi national et de l’export depuis la France. Natixis a ainsi publié une analyse ([21]) comparant des entreprises s’implantant à l’étranger avec un échantillon d’entreprises qui le pourraient mais ne le font pas (cette comparaison étant censée supprimer le biais lié au fait que les entreprises qui s’implantent à l’étranger sont ex ante plus performantes que la moyenne, de sorte que l’on ne sait pas à quel facteur précisément attribuer leurs résultats ultérieurs). Selon ce document, les entreprises qui réalisent pour la première fois un investissement à l’étranger connaissent « après leur implantation, une croissance ([22]) de leur chiffre d’affaires, de leur valeur ajoutée, de leurs exportations et de leur emploi plus rapide que celle des entreprises domestiques [comparables mais sans investissement à l’étranger]. Ainsi, nous constatons non seulement une complémentarité entre IDE et emploi national, mais aussi une complémentarité entre IDE et exportations. La thèse selon laquelle l’implantation à l’étranger détruit l’activité domestique ne semble donc pas vérifiée ; empiriquement, c’est même l’inverse que nous observons pour les primo-investisseurs ».

On peut bien sûr discuter ce type de résultats, qui auraient à être confirmés par des analyses complémentaires. Il n’empêche que cela doit sans doute nous amener à un jugement plus nuancé quant à l’impact des investissements et implantations des entreprises françaises à l’étranger, qui sont souvent la suite logique d’un courant d’export et permettent de conforter ce courant. Il n’est pas opportun de distinguer strictement commerce et investissement, flux d’import-export et flux d’investissement (depuis ou vers les entreprises françaises) : le développement des uns et des autres est bien le signe d’un mouvement plus global, celui d’internationalisation des entreprises, et c’est ce mouvement global que les politiques publiques doivent appréhender.

 


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II.   Mieux préparer et accompagner nos entreprises

Sans ignorer les réformes menées durant les dernières années pour mieux préparer et accompagner nos entreprises à l’international, le constat est là : les résultats ne sont pas encore là en termes de commerce extérieur et nos dispositifs souffrent encore de lacunes et de faiblesses.

Depuis un an, nombre de mesures ont été mises en œuvre, ou au moins lancées, pour répondre à cette situation. Elles sont nécessaires car le retour à la confiance, donc de la croissance, qui est au centre des objectifs de la politique menée, ne doit pas conduire à un niveau de déséquilibre extérieur qui serait incompatible avec la poursuite de cette croissance.

Vos rapporteurs proposent de compléter et d’enrichir ces mesures, car l’internationalisation de nos entreprises est une priorité essentielle.

A.   Un ensemble complet de réformes engagées par le Gouvernement

Le Gouvernement a progressivement dégagé, depuis un an, les grandes lignes d’une réforme de l’accompagnement à l’international de nos entreprises. Nous en arrivons maintenant au stade des décisions concrètes dans ce domaine.

Un rapport ([23]) a été demandé au directeur général de Business France, M. Christophe Lecourtier, et remis en novembre dernier en vue de décrire de manière opérationnelle comment un véritable « guichet unique » pourrait être proposé aux entreprises en matière d’internationalisation. Le 23 février, le Premier ministre a présenté à Roubaix la « Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur », comprenant une série de décisions précises. Le 8 février, la réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) avait également été l’occasion de décisions intéressant la diplomatie économique. La consultation sur le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) a aussi traité de ces questions et le projet de loi PACTE en comprend les traductions législatives.

Enfin, d’autres dispositions, de portée plus générale, ont trouvé place dans des véhicules législatifs tels que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2018.

1.   La compétitivité au cœur de l’action du Gouvernement

De nombreuses mesures dédiées à la compétitivité générale des entreprises (sans viser spécifiquement l’export) ont été prises ou présentées depuis un an. Sans en faire la liste exhaustive, on peut rappeler :

– les mesures fiscales et sociales prises à l’automne 2017 – élargissement des allégements de charges sociales sur les salaires modestes (3,9 points supplémentaires d’allégements), réduction progressive du taux normal de l’impôt sur les sociétés à 25 % d’ici 2022, réforme de la fiscalité du capital…

– le lancement du Grand plan d’investissement public de 57 milliards d’euros, centré sur la transition écologique, la société des compétences, l’innovation et l’État numérique ;

– les mesures inscrites dans le projet de loi PACTE telles que l’aménagement des coûts liés aux seuils d’effectifs, la facilitation des accords d’intéressement dans les PME avec la suppression du « forfait social » dans les entreprises de moins de 250 salariés, la création d’une plate-forme en ligne unique pour les formalités des entreprises, etc.

2.   Une innovation : la prise en compte de la dimension internationale dans les politiques d’éducation et de formation

Les annonces faites à Roubaix le 23 février par le Premier ministre intègrent tout un volet de mesures de formation aux langues et au commerce international, ce qui constitue une innovation dans le cadre d’un plan concernant le commerce extérieur.

Ces annonces sont particulièrement précises concernant l’amélioration du niveau en anglais dans l’enseignement. Il est prévu que l’État finance pour chaque étudiant, avant d’entrer en premier cycle universitaire ou à défaut avant la fin de ce premier cycle, une certification internationale en anglais. L’objectif est que tous les étudiants puissent attester d’un niveau B2 (au moins). Cela concernera d’abord, en terminale, les élèves qui suivent un cursus à dimension internationale (près de 60 000 en sections européennes et près de 10 000 en sections internationales) avant une généralisation progressive prévue en trois ans. Dans l’enseignement supérieur, l’exigence de certification de niveau au moins B2 s’appliquera aux diplômes délivrés par les écoles d’ingénieurs, celles de management et les masters. Le dispositif sera déployé aussi dans les BTS commerce et vente (environ 50 000 étudiants), accueil, hôtellerie et tourisme (environ 15 000 étudiants), technico-commerciaux agricoles (environ 3 200 étudiants), ainsi que les licences professionnelles orientées vers le commerce international.

Le Gouvernement entend également développer la reconnaissance des compétences linguistiques des salariés dans le cadre de la formation continue, cela valant aussi d’ailleurs pour les compétences en français des salariés étrangers des entreprises françaises.

Enfin, il est envisagé de mettre en place un programme de formation à l’internationalisation qui serait spécifiquement élaboré pour répondre aux besoins propres des PME et bénéficierait notamment à leurs dirigeants. Une réflexion a été engagée avec les différentes administrations et institutions qui y seraient parties prenantes (agences régionales de développement, réseau consulaire, Business France, conseillers du commerce extérieur de la France, etc.).

On peut relever par ailleurs que plusieurs des dispositions du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui porte la réforme de la formation et est en cours de navette parlementaire, vont dans le sens d’une meilleure prise en compte de la dimension internationale dans les formations ainsi que, plus généralement, des besoins des entreprises. Par exemple, les articles 8 et 13 organisent la possibilité de mobilités internationales dans le cadre des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, tandis que l’article 14 renforce le rôle des entreprises dans la définition des formations en exigeant désormais un avis conforme des commissions professionnelles consultatives sur la création des diplômes ou titres à finalité professionnelle et leurs référentiels.

3.   L’accompagnement des entreprises : vers un dispositif unifié, complet, lisible pour les entreprises

La mise en place, enfin, d’un « guichet unique » pour l’accompagnement à l’export est sans doute le point central du plan annoncé le 23 février dernier. C’est aussi un élément important de la démarche PACTE. La mise en œuvre pratique de ce guichet unique sera inspirée des propositions présentées dans le rapport susmentionné de M. Lecourtier.

L’objectif est de regrouper l’offre des réseaux et opérateurs existants – dans une « Team France Export » – afin que les entreprises se voient proposer pour l’export un accompagnement global cohérent, dans lequel le rôle de chacun sera clair.

a.   Des outils numériques nouveaux

Ce dispositif devrait reposer sur deux outils numériques :

– une « plateforme des solutions », qui permettra de répondre aux questions simples des entreprises, notamment celles qui ne se sont pas encore lancées à l’export, et d’orienter vers tous les outils d’accompagnement et de soutien financier disponibles ;

Source du graphique : Gouvernement (dossier de presse des annonces du 23 février).

– un dispositif de gestion de la relation client (CRM pour Customer Relationship Management) qui sera commun aux différents réseaux et opérateurs. L’enjeu est d’avoir en quelque sorte un « fichier client » unique (constitué des entreprises entrant dans le système d’accompagnement), afin d’éviter les déperditions d’informations au cours du processus d’accompagnement (et les demandes répétées d’informations identiques aux entreprises). Le bon fonctionnement de ce CRM impliquera que les différents opérateurs cessent de se sentir comme en concurrence entre eux et « propriétaires » de leur fichier d’entreprises : les informations devront être partagées (dans le respect bien sûr des dispositions de droit commun sur la protection des données personnelles, la confidentialité de certaines, le secret bancaire et fiscal, etc.).

b.   Un guichet unique régional : l’« aspirateur » à entreprises vers l’export

Le Gouvernement a décidé de conforter la légitimité des régions pour définir leur stratégie d’internationalisation des entreprises. Leur place dans la gouvernance de Business France (conseil d’administration) devrait être renforcée.

Dans chacune d’entre elles, un « guichet unique » d’entrée dans le système d’accompagnement à l’international doit être identifié. Les régions Normandie et Provence-Alpes-Côte-d’Azur ont été choisies comme régions pilotes pour la mise en place du guichet unique.

Le fonctionnement de ces guichets uniques devrait reposer sur les chambres de commerce et d’industrie, qui revendiquent environ 400 spécialistes export sur leur territoire. Ces moyens seront renforcés grâce au redéploiement dans les territoires de personnels de Business France, redéploiement permis par l’abandon de certains bureaux de l’agence à l’étranger, qui seraient transférés au réseau consulaire international (voir infra). Ce redéploiement s’inspirera de l’expérience lancée en 2013 de détachement de « chargés d’affaires internationaux » issus de Business France dans les directions régionales de Bpifrance, qui est considérée comme un succès. Selon la formulation d’un des interlocuteurs de la mission, il s’agit d’associer la force du réseau consulaire, qui connaît le tissu entrepreneurial, avec l’expertise des personnels de Business France, qui devraient être des spécialistes (sectoriels ou géographiques).

Le dispositif est conçu comme à trois étages, comme il ressort du graphique ci-dessous, avec des prestations différentes proposées à trois catégories différentes d’entreprises : les non-exportatrices ou exportatrices occasionnelles, qu’il s’agit d’engager dans une démarche d’export régulier (ou du moins d’évaluation de leur aptitude à l’export) ; les faiblement exportatrices, qu’il s’agit d’aider à développer leurs marchés internationaux ; enfin, le groupe plus restreint des ETI et PME de croissance. Les premières seront traitées essentiellement par le biais de la « plateforme numérique des solutions » ; les secondes devront en principe recevoir un référent individualisé dans le réseau des conseillers export des CCI renforcé par des personnels de Business France ; les troisièmes bénéficieront surtout des services de la mission French Tech et/ou de Bpifrance.

La pyramide de l’export

Source du graphique : Gouvernement (dossier de presse des annonces du 23 février).

On le voit, l’ambition est grande : il s’agit d’atteindre potentiellement plusieurs centaines de milliers d’entreprises quand, rappelons-le, Business France en accompagne d’une manière ou d’une autre environ 10 000 par an actuellement… Une personnalité auditionnée a ainsi défini l’objectif du nouveau dispositif : constituer un « aspirateur » d’entreprises vers l’export.

c.   Un guichet unique dans chaque pays étranger

De la même façon, il ne devrait plus y avoir sur chaque site étranger qu’un opérateur du service public d’accompagnement. Là où les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCI-FI), ou bien d’autres opérateurs privés, le souhaitent et sont en mesure de le faire, ils pourraient se voir confier les missions assurées actuellement par Business France, ce qui permettra à l’agence de redéployer des moyens vers les régions françaises (comme on la dit supra).

Il est prévu de lancer une expérimentation qui pourrait concerner dans un premier temps 8 pays (ont été envisagés en première instance : Singapour, le Japon, les Philippines, Hong-Kong, la              Russie, la Norvège, la Belgique, l’Espagne – mais la liste finalement retenue pourrait être différente), voire plus.

4.   La poursuite de l’élargissement et de l’assouplissement des outils financiers

Enfin, le Gouvernement envisage plusieurs mesures d’élargissement et d’assouplissement des dispositifs de financement et d’assurance mis à disposition par la sphère publique au titre de l’internationalisation des entreprises.

a.   Une assurance prospection plus attractive

Parmi les assurances export publiques, l’assurance prospection est celle qui concerne le plus grand nombre d’entreprises, car elle a été conçue pour les PME ou ETI et leur est d’ailleurs réservée (il faut faire moins de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires pour en bénéficier). Elle permet de prendre en charge, dans la limite de 65 % de leur montant, les dépenses de prospection sur un marché étranger ([24]) ; l’entreprise reçoit à ce titre des indemnités qu’elle remboursera à l’issue d’une période de franchise en fonction du chiffre d’affaires généré ensuite sur le marché visé ([25]).

Afin de rendre ce dispositif plus attractif, une expérimentation a été engagée dans la région Hauts-de-France depuis fin 2017. Elle repose sur des mesures de simplification des règles de calcul des indemnités et des procédures (mise à disposition d’un dossier de demande en ligne, réduction des transmissions de données demandées aux entreprises) et le rétablissement d’un système qui avait existé dans le passé, à savoir le versement en début de contrat d’une avance de trésorerie à hauteur de 50 % du budget prévisionnel garanti. Ces avancées doivent être généralisées.

b.   L’assouplissement des exigences en matière de courant d’export généré par les opérations couvertes par une garantie publique

L’octroi des assurances export publiques est traditionnellement subordonné à l’exigence d’une valeur ajoutée réalisée en France : c’est pourquoi les entreprises les demandant doivent justifier d’un contrat prévoyant un courant d’export et d’une « part française » minimale dans cet export, c’est-à-dire une part de valeur ajoutée réalisée en France. Ces règles se comprennent aisément au regard de l’objet des dispositifs publics : améliorer le solde commercial et, par-là, la croissance et l’emploi. Toutefois, ces règles ne sont pas toujours adaptées à la complexification des chaînes de valeur, qui fait que la « valeur ajoutée en France » précisément imputable à une entreprise dans un projet international devient plus difficile à identifier.

Des aménagements sont donc envisagés par le Gouvernement.

i.   La création d’un « Pass’Export » : un contrôle plus souple de la « part française »

Tout d’abord, les entreprises exportatrices pourraient, sous conditions, se voir attribuer un « Pass’Export » qui leur permettrait de gérer plus souplement dans la durée l’accès aux assurances export publiques avec certains avantages : droit garanti au taux maximal de couverture, appréciation de la « part française » en moyenne (sur la durée) et non pour chaque contrat, procédures allégées.

ii.   La possibilité de couvrir certains projets même sans contrat export

Plusieurs agences de crédit-export de pays concurrents peuvent couvrir des opérations à l’étranger même en l’absence de contrat export, ce qui n’est pas le cas, sauf exceptions, en France. Ce type d’intervention est en forte croissance et représenterait plusieurs dizaines de milliards de dollars par an dans le monde. Le Gouvernement réfléchit à la création d’un instrument de couverture de projets stratégiques à l’international dont le bénéfice pourrait être déconnecté d’un contrat export.

Dans le même esprit, il envisage un outil de « soutien financier » au bénéfice des sous-traitants des entreprises exportatrices (qui peuvent être affectés par les aléas d’un contrat à l’export, mais ne sont pas eux-mêmes exportateurs).

Enfin, il s’agirait d’instituer une garantie des filiales à l’étranger.

c.   Les autres dispositions

Enfin, plusieurs autres annonces ont été effectuées le 23 février :

– l’élargissement à de nouvelles devises du dispositif public de garantie de change ;

– des mesures d’assouplissement spécifiques des régimes de garanties publiques concernant l’Afrique subsaharienne, avec notamment une suppression des plafonds d’en-cours de garanties par pays (qui avaient pour effet de rendre plus difficile l’accès à l’assurance-crédit dès lors qu’un « grand contrat » avait saturé le plafond d’un pays donné) ;

– la création de financements export à moins de 24 mois (durée jusqu’à présent non couverte par les dispositifs publics car considérée comme relevant de l’offre commerciale des banques) ;

– le doublement de l’enveloppe annuelle des « prêts du Trésor » (qui passerait de 300 millions à 600 millions d’euros). Les prêts du Trésor, gérés par la direction du même nom, sont des prêts souverains accordés dans les pays émergents, dans le cadre de l’aide publique au développement, pour la réalisation de projets présentant une valeur ajoutée française importante (une exigence minimale de « part française » est posée).

5.   Le rapprochement entre Expertise France et l’Agence française de développement

L’agence Expertise France, qui assume clairement que l’une de ses missions est de contribuer au rayonnement économique de la France, est susceptible de constituer un instrument puissant de promotion de l’offre des entreprises françaises, si l’on se réfère à l’expérience de pays tels que l’Allemagne.

Cela implique d’abord que le regroupement des différentes petites agences publiques d’expertise dans le cadre d’Expertise France se poursuive : certaines administrations, notamment les ministères de la justice, de l’intérieur et de l’agriculture, ont conservé pour le moment leur propre structure (Justice Coopération Internationale-JCI, CIVIPOL, France Vétérinaire  International-FVI et l’Agence pour le développement de la coopération internationale dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux-ADECIA).

Par ailleurs, l’intégration d’Expertise France dans le groupe de l’Agence française de développement (AFD) présenterait plusieurs avantages, sous réserve de veiller à ce qu’elle ne remette pas en cause les spécificités positives d’Expertise France (agilité, maîtrise du continuum gouvernance-sécurité-développement, aptitude à mobiliser les fonds des financeurs internationaux tels que l’ONU et l’Union européenne) :

– accès d’Expertise France au réseau international de l’AFD ;

– valorisation par l’AFD des liens d’Expertise France avec l’administration centrale d’État et son « vivier » d’experts ;

– possibilité d’offres conjointes d’expertise et de financement ;

– plus généralement, diffusion de la culture de « diplomatie économique » d’Expertise France dans l’AFD.

Les conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018 prévoient des évolutions dans ce sens :

– des conventions doivent être conclues entre les ministères disposant d’opérateurs non intégrés à Expertise France « en vue de permettre à Expertise France une mobilisation directe de l’expertise publique via les ministères techniques concernés » ;

– il est indiqué que « le Gouvernement décide de procéder à l’intégration d’Expertise France au sein d’un groupe AFD élargi à horizon mi-2019 (…) ». En conséquence, il est demandé aux directeurs généraux des deux institutions « de bâtir un projet commun, en lien avec leurs tutelles, d’ici la fin 2018, pour une mise en œuvre courant 2019 au plus tard » ;

– il est précisé que « dans cette perspective, les deux opérateurs sous tutelle de l’État devront réaliser 25 M€ de volume d’affaires en commun dans le domaine de la gouvernance en 2018, tel que prévu lors du transfert de cette mission à l’AFD en 2016 » (alors que dans les faits, ce montant a été inférieur à 5 millions d’euros en 2017).

6.   Une meilleure protection de nos entreprises stratégiques

La France dispose depuis 2001 d’un dispositif de contrôle administratif des investissements étrangers dans les secteurs sensibles dont la portée a été fortement élargie en 2014 par le « décret Montebourg » ([26]).

Le Gouvernement souhaite renforcer cette protection.

Au niveau européen, la France, l’Allemagne et l’Italie ont porté une initiative, qui a été traduite dans une proposition de règlement publiée par la Commission européenne le 13 septembre 2017 en vue d’établir un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union européenne. Celle-ci contient deux objectifs principaux : premièrement, l’établissement d’un cadre d’analyse harmonisé pour les États membres disposant d’un mécanisme de contrôle des investissements directs étrangers ; en second lieu, la mise en place d’un mécanisme de contrôle européen pour les investissements directs étrangers dans des projets ou programmes présentant un intérêt pour l’Union. Ce dispositif est en cours de discussion dans les institutions européennes.

Au niveau national, le Premier ministre a annoncé le 16 février 2018 que le champ d’application du décret Montebourg serait étendu à de nouveaux secteurs : intelligence artificielle, datas, nanotechnologies, spatial, infrastructures financières…

L’article 55 du projet de loi PACTE complète ce dispositif. Il ne procède pas directement à l’extension sectorielle susmentionnée, car elle relèvera d’un décret. Pour améliorer la sécurité juridique et le climat des investissements, il sera également prévu par décret que, désormais, non seulement les investisseurs mais aussi les entreprises françaises cibles pourront solliciter l’administration pour savoir en avance si l’opération d’investissement envisagée est soumise ou pas à cette réglementation.

L’objet du projet de loi PACTE est pour sa part de préciser les pouvoirs d’injonction et de prise de mesures conservatoires dont disposera le ministre de l’économie en cas d’investissement étranger non autorisé ou de non-respect par l’investisseur des conditions posées par l’administration dans son autorisation. Différents types de mesures sont envisagées, pouvant aller jusqu’à l’obligation de rétablir la situation antérieure à l’investissement, la suspension des droits de vote ou des dividendes de l’investisseur étranger, la désignation d’un mandataire, etc. Il est également prévu qu’une amende administrative puisse être infligée dans la limite du double du montant de l’investissement irrégulier, de 10 % du chiffre d’affaires annuel de la société cible ou de 5 millions d’euros (pour une personne morale).

B.   Les propositions de la mission : placer la dimension internationale au cœur des politiques publiques

La gravité de la situation de notre commerce extérieur impose une priorité politique. C’est pourquoi vos rapporteurs émettent des propositions qui s’inscrivent dans la continuité des actions décrites supra, en cherchant à les renforcer et les compléter.

1.   Mieux prendre en compte la dimension internationale dans les mesures générales de compétitivité

Les mesures de compétitivité ont par nature des enjeux à la fois intérieurs et extérieurs. Elles visent à relancer l’activité, l’investissement domestique, l’emploi dans notre pays, mais aussi à le rendre plus attractif pour les investisseurs et plus efficace dans la compétition internationale.

Jusqu’à présent, cependant, comme le montrent les débats récurrents quant à l’impact incertain des allégements de charges sociales sur les bas salaires vis-à-vis des exportations, cette dimension internationale n’a pas toujours été pleinement prise en considération.

La mission souhaite que cette dimension soit beaucoup plus systématiquement appréhendée et valorisée dans toutes les évaluations, ex-ante comme ex-post, des mesures de portée générale.

Proposition n° 1 : s’obliger à expertiser l’impact sur le solde extérieur de toutes les mesures de compétitivité de portée générale, notamment fiscales et sociales, et les ajuster en conséquence si besoin est.

2.   Mieux intégrer la dimension internationale aux politiques d’éducation et de formation

a.   Renforcer l’enseignement de l’anglais et plus généralement des langues étrangères

Vos rapporteurs saluent la décision annoncée de systématiser progressivement et de financer sur fonds publics l’exigence de certification en anglais en fin d’enseignement secondaire ou, à défaut, dans l’enseignement supérieur.

Ils saluent également les efforts déployés dans l’Éducation nationale pour développer les formules permettant un renforcement de l’enseignement en langue étrangère : les classes « bi-langues » permettant d’associer dès la 6ème l’anglais à une autre langue (112 000 élèves à la rentrée 2017) ; la diffusion systématique de l’enseignement d’une langue étrangère dans l’enseignement primaire ; dans le secondaire, les « sections européennes » avec des horaires de langue renforcés (près de 2 000 sections) ; les « sections internationales » dispensant un enseignement bilingue (15 000 élèves dans 116 sections) ; le développement des enseignements « disciplinaires » en anglais (pour des matières autres que l’anglais).

Cependant, cette politique volontariste pourrait encore être développée. Il faut encore plus d’heures d’enseignement en anglais et dans les autres langues ; il ne s’agit pas seulement d’enseigner les langues, mais aussi de développer la connaissance des cultures, notamment économiques, de nos partenaires ; on pourrait aussi accroître les coefficients des épreuves en langue étrangère dans les examens et diplômes.

Proposition n° 2 : accentuer le renforcement de l’enseignement de l’anglais et des autres langues étrangères, ainsi que des enseignements disciplinaires permettant de mieux connaître les cultures étrangères ; valoriser ces enseignements en augmentant les coefficients des épreuves en langue étrangère dans les examens et diplômes nationaux.

b.   Renforcer la culture de l’international

La volonté affichée par le Gouvernement de développer des programmes spécifiques de formation à l’international des dirigeants de PME apparaît particulièrement louable, car le manque dans ce domaine est souligné par beaucoup d’observateurs. Cette lacune génère soit, le plus souvent, des comportements d’abstention (on renonce à l’international), soit parfois des démarches coûteuses et inefficaces de prospection internationale sans connaissance suffisante des enjeux et des risques.

Plus généralement, le manque de cadres « export » dans nos entreprises a été souligné par certaines personnes auditionnées.

Il y a aussi derrière cela un enjeu culturel global : il s’agit de passer d’une culture où l’export est vu comme un moyen d’écouler le surplus à une culture de conception des produits directement pour un marché mondial (ou au moins européen).

Proposition n° 3 : développer les formations spécifiques à l’export et à l’international.

c.   Développer les réseaux des anciens étudiants étrangers en France

La France est le 4ème pays au monde (et le premier non-anglophone) pour l’accueil des étudiants étrangers. Ceux-ci étaient 325 000 à la rentrée 2016.

Cependant des observateurs regrettent que nos établissements d’enseignement – en particulier d’enseignement supérieur –, à la différence de la plupart de leurs homologues étrangers, fassent souvent peu d’efforts pour entretenir et développer des réseaux d’alumni, d’anciens élèves, alors que ceux retournés dans leur pays d’origine peuvent y être des relais précieux d’influence (par exemple, un médecin formé en France aura sans doute en général un a priori favorable à une offre française de technologie ou de services dans le domaine de la santé) : il serait utile de se donner les moyens de les identifier et de garder avec eux un lien, qui serait par exemple partagé avec les ambassades pour que les intéressés puissent être invités à des événements « français » (et le cas échéant plus précisément sollicités).

Proposition n° 4 : inviter les établissements français d’enseignement à développer des réseaux d’alumni parmi leurs anciens élèves étrangers et à les partager avec nos ambassades et opérateurs à l’étranger.

3.   Donner toute sa force au « guichet unique » de l’export

a.   S’appuyer sur la diplomatie parlementaire

En premier lieu, la mission souligne le rôle que pourrait jouer la  diplomatie parlementaire à l’appui de notre diplomatie économique.

Il est devenu coutumier que des entreprises soient invitées à prendre part aux déplacements internationaux du Président de la République et des membres du Gouvernement. Comme on l’a dit par ailleurs, le principal intérêt de la « diplomatie économique » telle que voulue par M. Laurent Fabius a été d’amener les ambassadeurs à mettre leurs contacts au service de nos entreprises, à leur « ouvrir des portes ». Sans bénéficier en général de contacts à aussi haut niveau que les ministres en déplacement, les missions de parlementaires sont également l’occasion d’échanges intéressants avec des officiels des pays visités ainsi que parfois avec des entreprises françaises (ou conjointes) présentes sur place.

La mission suggère que des entreprises puissent être associées à certains déplacements de missions parlementaires (ou réciproquement à la réception de missions parlementaires étrangères), notamment dans le cadre des groupes d’amitié. Bien sûr une telle évolution devrait être encadrée de garde-fous déontologiques (par exemple le recours à des tiers, opérateurs publics, consulaires ou syndicaux, pour la sélection des entreprises).

Proposition n° 5 : mobiliser la diplomatie parlementaire, en particulier les groupes d’amitié, au bénéfice de la diplomatie économique et de nos entreprises.

b.   Disposer d’outils numériques efficaces

i.   Des outils financés

Comme on l’a dit, deux outils numériques devraient être mis en place :

– d’une part une « plateforme des solutions » pour l’international, point d’entrée et de première information des entreprises envisageant d’exporter (ou de développer leur export pour celles qui sont déjà exportatrices) ;

– d’autre part, un CRM, un outil de gestion de la relation client, commun aux différents opérateurs.

La mise en œuvre rapide de ces instruments déterminera le succès de la réforme.

À ce titre, il convient déjà de s’assurer qu’ils seront financés, la création de ce type d’instruments représentant plusieurs millions d’euros de dépenses. Les conditions de ce financement devront être clairement définies et être l’objet d’engagements, qui pourraient par exemple figurer dans le prochain contrat d’objectifs et de performance de l’opérateur Business France avec l’État. Ceci paraît d’autant plus nécessaire que les deux futurs opérateurs  de ces outils numériques, l’agence Business France et le réseau consulaire, ont connu ces dernières années de fortes réductions de leurs moyens (par exemple, de l’exécution 2015 à l’exécution 2017, la subvention pour charges de service public de l’État à Business France a diminué de 12,6 % !), de sorte qu’il paraît difficile de compter sur les habituelles économies de gestion pour couvrir le financement nécessaire.

Proposition n° 6 : prévoir et clarifier rapidement les conditions de financement de  la nouvelle plateforme numérique et du nouveau CRM ; à cette fin, inscrire des engagements précis, par exemple dans le futur contrat d’objectifs et de performance de Business France pour les exercices 2018-2020.

ii.   Des outils attractifs et pertinents

La nouvelle plateforme numérique devra être attractive pour les entreprises si l’on veut réaliser l’objectif ambitieux d’aspirer plusieurs dizaines de milliers d’entreprises supplémentaires vers l’export.

L’un des interlocuteurs de la mission a proposé de nommer cette plateforme « Se lancer à l’international », afin de « capter » automatiquement les recherches internet sur ces termes, et a insisté sur la nécessité d’y faire figurer des témoignages positifs de chefs d’entreprise. Dans un document transmis à vos rapporteurs, il fait les constats suivants : « il est frappant de constater qu’en tapant "se lancer à l'international" sur les moteurs de recherche, les résultats affichés sur les premières pages concernent des articles de presse ou de sociétés de marketing, qui n’offrent pas réellement d’approche structurée pour aider les entreprises dans leurs démarches. Pire encore, la plupart des sites internet sont anxiogènes et ne parlent que des problèmes à régler [avec des titres tels que] : "Vaincre la peur de l’international", "Vaincre les solitudes du dirigeant" ou encore "Partir à l’international, c’est un peu comme se lancer à l’assaut de l’Everest". Des publications peu engageantes… ».

Proposition n° 7 : nommer la plateforme numérique destinée aux entreprises « Se lancer à l’international » et veiller à lui donner un contenu attractif et positif.

L’information fournie aux entreprises par la plateforme numérique (ou les sites auxquels elle renverra) devra par ailleurs être pertinente et complète, notamment sur des questions pratiques qui se posent aux PME qui se lancent à l’export sur un nouveau marché : tarifs douaniers et formalités de dédouanement, rédaction et risques juridiques des contrats, pratiques et règles légales de facturation et de paiement, services de livraison disponibles…

Même si les PME sont généralement moins directement concernées, l’application des conventions fiscales devrait également apparaître clairement, surtout dans le contexte plus complexe créé par les nouvelles règles dites « BEPS », dont la commission a débattu le 20 juin dernier à l’occasion de l’examen de la convention internationale du même nom ([27]).

Proposition n° 8 : délivrer via la plateforme numérique une information aussi complète que possible sur les problèmes pratiques rencontrés par les PME à l’export : règles douanières, règles et pratiques en matière de contrats, de paiement, de facturation, de livraison, fiscalité, etc.

c.   Dans les territoires : tout faire pour mobiliser de nouveaux exportateurs

L’objectif de 200 000 exportateurs sera très difficile à atteindre à travers la seule amélioration organisationnelle du « dépistage » et de la mobilisation des PME à potentiel international.

Des offres attractives d’accompagnement devront être faites : pour des PME qui n’ont pas l’export en ligne de mire, cela signifie des offres à coût très réduit de diagnostic-export et de premier accompagnement. Cela n’est peut-être pas compatible avec le modèle économique de Business France, fondé comme on l’a dit sur une part très importante de ressources de facturation, ni avec la situation financière du réseau consulaire, mais il semble difficile d’élargir massivement le public des entreprises accédant aux dispositifs publics d’accompagnement sans cette quasi-gratuité pour les premières prestations aux PME primo-exportatrices. Il appartiendra aussi aux régions de se positionner sur cette question.

Proposition n° 9 : afin d’accroître rapidement le « public » des entreprises accédant aux prestations d’accompagnement, s’efforcer, avec l’appui des régions, de développer des offres à coût très réduit de diagnostic-export et de premier accompagnement à l’export pour les PME.

Il convient également de développer les possibilités d’accompagnement qui sont par construction gratuites ou moins coûteuses car fondées pour tout ou partie sur le bénévolat. L’accompagnement de « pair à pair » est depuis longtemps pratiqué par les conseillers du commerce extérieur. Les formules de parrainage des primo-exportateurs par des chefs d’entreprise plus expérimentés dans l’export ou de « clubs » d’exportateurs sont dans le même esprit.

Dans une optique un peu différente, l’initiative Stratexio, lancée par plusieurs acteurs patronaux privés (MEDEF, OSCI, fédérations patronales…) et consulaires s’adresse à des dirigeants d’entreprise motivés – prêts à prendre sur leur temps et à verser une cotisation annuelle de 10 000 euros –, déjà exportateurs, qui acceptent de s’engager sur trois ans dans un ensemble de rencontres et de formations : elle mêle donc des démarches collectives (« club » d’entreprises, formations collectives) et individuelles (formations et prestations individuelles).

Proposition n° 10 : encourager les formules de parrainage de « pair à pair » et de clubs d’entreprises pour l’export.

d.   Les implantations à l’étranger : favoriser une présence plus complète et plus dynamique de la « Team France »

i.   Assurer une représentation plus unifiée, plus complète, plus efficace de la « Team France » dans chaque pays

La réforme engagée par le Gouvernement pose le principe selon lequel, dans les différentes implantations internationales, la concurrence (qui existe de fait) doit cesser entre Business France et les chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCI-FI), ce qui devrait conduire Business France à confier, sur certains sites, la gestion du service public aux CCI-FI ou à d’autres partenaires privés.

Vos rapporteurs suggèrent d’expertiser d’autres pistes conduisant à une présence à la fois plus complète et plus unifiée de la « Team France » économique sur les sites à l’étranger.

Il y a d’abord l’interrogation sur l’opportunité de rattacher directement au réseau du ministère de l’Europe et des affaires étrangères le réseau des services économiques régionaux. Déjà, en 2014, un référé ([28]) de la Cour des comptes s’interrogeait sur l’utilité du « maintien d’un nombre important de services économiques de taille réduite dans des pays à faibles enjeux (…). La réduction continue des effectifs et des implantations ne s’est, en effet, pas accompagnée d’une rationalisation de la géographie des services économiques, ni d’une réflexion sur la taille en dessous de laquelle la viabilité d’un service économique à part entière n’est plus assurée. Il serait ainsi souhaitable de s’interroger sur l’utilité de maintenir, dans certains pays qui ne représentent pas un enjeu économique majeur pour la France, un service à part entière, distinct de la chancellerie diplomatique, compte tenu des coûts induits de fonctionnement et de coordination ». La Cour appelait donc à un recentrage du réseau et à la mise en place de « nouvelles formes de représentation allégée concertée entre le ministère des affaires étrangères et du développement international et les ministères économiques et financiers ». La question se pose encore plus depuis le transfert au ministère des affaires étrangères de la responsabilité ministérielle du commerce extérieur, tandis que les services économiques sont restés rattachés budgétairement et administrativement à la direction générale du Trésor. Le projet de loi de finances pour 2019 comprend d’ailleurs une première évolution : 383 emplois « support » dépendant d’autres ministères mais liés à la gestion de personnels déployés de fait dans le réseau diplomatique seront transférés sur les crédits du ministère des affaires étrangères, dont 79 provenant de la direction générale du Trésor.

Cela dit, il faut être conscient que le changement de rattachement ministériel des services économiques dans leur ensemble aurait des conséquences en matière de statut et de recrutement de leurs personnels, qu’il faut expertiser.

Proposition n° 11 : expertiser précisément les enjeux organisationnels, statutaires et budgétaires d’un éventuel rattachement des services économiques régionaux au réseau diplomatique.

Il existe un autre réseau largement déployé dans une grande partie des pays étrangers (85 agences, plus de 100 pays couverts), c’est celui de l’Agence française de développement (AFD). L’AFD et Business France ont signé en 2015 une convention de coopération en vue de mieux informer et sensibiliser les entreprises françaises des opportunités de marchés internationaux dans le cadre des projets financés par l’AFD. La réforme en cours devrait permettre de mieux intégrer l’AFD à la « Team France » : présentation des produits de l’AFD sur la « plateforme des solutions », travail entre opérateurs pour identifier des offres françaises dans les domaines couverts par l’AFD, meilleure prise en compte dans les opérations programmées par Business France des entreprises françaises susceptibles d’intervenir dans les secteurs financés par l’AFD, etc.

Dans le même esprit, Bpifrance, à la différence des assureurs-crédit d’autres grands pays développés, n’a pas pour le moment de représentation à l’étranger. On pourrait envisager le déploiement d’un petit nombre de ses spécialistes du financement et de l’assurance-crédit dans quelques bureaux « stratégiques » à l’étranger de Business France (ou d’un autre opérateur).

Proposition n° 12 : encourager les coopérations et synergies de tous les opérateurs, notamment l’AFD et Bpifrance, avec les réseaux de Business France et des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international ; envisager le déploiement à l’international de quelques représentants de Bpifrance.

Enfin, dans l’optique d’une meilleure synergie entre Business France et le réseau diplomatique, l’opérateur devrait renforcer son action en tant que « centre de ressources » pour la diplomatie économique (ambassades et services économiques) : fourniture de cibles d’entreprises et d’argumentaires à nos ambassadeurs, développement d’outils de partage des bonnes pratiques (par exemple sur la gestion des grands contrats, qui implique aussi bien le réseau diplomatique généraliste que les services et opérateurs spécialisés, ou encore concernant les actions permettant de favoriser la diffusion des « normes » françaises ou européennes).

Proposition n° 13 : positionner Business France comme « centre de ressources » pour la diplomatie économique ; développer des outils de partage des bonnes pratiques en matière de diplomatie économique.

ii.   Mettre en œuvre le rapprochement Expertise France-Agence française de développement et garantir une part de financement public national à Expertise France

Le rapprochement entre Expertise France et l’AFD tel que prévu dans les conclusions du CICID du 8 février 2018 doit être mené à bien.

Vos rapporteurs considèrent qu’il doit aussi permettre, dans le cadre global de l’augmentation de notre effort d’aide publique au développement (qui doit passer d’ici 2022 de 0,38 % à 0,55 % du revenu national brut selon les engagements du Président de la République), de réserver aux actions d’assistance technique une certaine part du financement public national de développement.

De fait, on constate actuellement que les ressources d’Expertise France reposent de plus en plus sur des financements publics internationaux : l’Union européenne, pour plus de la moitié du total en 2018, ou les Nations-Unies. Dans le même temps, la part des financements publics nationaux (ministères et AFD) est tombée à 20 % à peine. On doit certes se féliciter de la capacité de notre opérateur national à mobiliser ces fonds internationaux, mais cette situation présente forcément un risque en application de l’adage selon lequel « qui paie décide » : le risque d’une dilution de son statut et de son image d’agence publique française. C’est pourquoi il est nécessaire de garantir à Expertise France, qui est aussi un instrument majeur de notre diplomatie économique, une base de financements nationaux, comme le recommande d’ailleurs le rapport d’information précité de nos collègues sénateurs Jean-Pierre Vial et Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Proposition n° 14 : conforter l’agence Expertise France dans sa mission de diplomatie économique au service des objectifs diplomatiques de la France et de nos entreprises en mettant en œuvre son rapprochement avec l’Agence française de développement et en garantissant l’affectation à l’assistance technique d’une fraction de l’augmentation prévue de l’effort d’aide publique au développement.

iii.   Élargir l’offre d’accompagnement pour nos entreprises

Dans l’optique d’une augmentation du nombre d’exportateurs, les services proposés à l’étranger aux entreprises (par la diplomatie économique, les bureaux de Business France ou des autres opérateurs) doivent également être rendus plus attractifs. En aucun cas, la délégation du service public aux CCI-FI ou à d’autres opérateurs privés ne devrait s’accompagner d’une augmentation du coût des prestations pour les entreprises.

Une personne auditionnée par la mission a suggéré une piste intéressante d’élargissement de l’offre de services subventionnés aux entreprises : pourquoi ne pas envisager une sorte de « VIE-senior » qui permettrait aux entreprises de recruter via une plateforme (comme pour les VIE classiques) des consultants expérimentés (cadres en reconversion, anciens cadres exports en retraite) pour leur phase de lancement sur un nouveau marché ?

Ce dispositif permettrait de lever le frein à l’embauche de cadres expérimentés dans un contexte d’incertitude (l’entreprise ne supportant pas le risque d’embauche) et de bénéficier d’une expertise « senior » plus ciblée (sur le pays et/ou le secteur d’activité) que celle des VIE classiques. Les « VIE seniors » réaliseraient leur mission sur une durée limitée, éventuellement pour plusieurs entreprises en même temps, avec un intéressement financier à la réussite du projet. Le coût de leur rémunération serait pris en charge en partie par la puissance publique (les régions éventuellement sans doute).

Proposition n° 15 : expérimenter un « VIE senior » permettant aux entreprises de se lancer sur un nouveau marché avec l’aide d’un consultant expérimenté, capable d’apporter une expertise ciblée, dont la rémunération serait prise en charge en partie sur fonds publics.

e.   Poursuivre la dynamisation des instruments financiers publics et de leur gestion

S’inscrivant dans la volonté d’assouplissement et d’adaptation des instruments financiers publics de soutien aux exportateurs qui sous-tend les mesures annoncées le 23 février par le Gouvernement, vos rapporteurs proposent enfin d’accélérer la dynamisation de ces instruments.

i.   Le contexte : un accès insuffisant des PME aux assurances export publiques et la suppression du crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale

Moins de 3 000 entreprises souscrivent chaque année à l’un des régimes publics d’assurance export.

Traditionnellement, certains de ces régimes sont essentiellement orientés vers les grandes entreprises : il en est ainsi de l’assurance-crédit, qui est très fortement concentrée sur quelques secteurs économiques de « grands contrats » (armement, aéronautique, secteur spatial et construction navale représentent entre 70 % et 90 % des contrats assurés chaque année) et dont le « ticket » moyen est très élevé (18,9 milliards d’euros de contrats garantis en 2017 pour 141 entreprises, soit donc en moyenne plus de 130 millions d’euros par entreprise).

Le dispositif ciblant plutôt les PME est l’assurance prospection. Mais son nombre de bénéficiaires est également assez limité : 2 069 entreprises ont souscrit en 2017, contre 2 328 en 2016. C’est un niveau insuffisant, d’autant que ce nombre était plus élevé il y a quelques années, avant des mesures de restriction budgétaire (le maximum avait été atteint en 2013 : 3 747 souscriptions).

La diffusion de l’assurance prospection doit d’autant plus être élargie que la loi de finances pour 2018 a supprimé un autre dispositif d’aide qui avait à peu près le même objet – couvrir des dépenses de prospection à l’export – mais était de nature fiscale, le crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale (CIPC). Ce dispositif permettait aux PME une réduction d’impôt égale à 50 % de ces dépenses (dans la limite de 40 000 euros par période de vingt-quatre mois). En 2016, 1 633 entreprises en avaient bénéficié, pour un coût budgétaire (dépense fiscale) global de 23 millions d’euros.

Alors même que l’objectif principal est d’accroître le nombre des exportateurs, la suppression du CIPC ne peut se justifier que si l’accès des PME aux assurances export publiques et en particulier à l’assurance prospection est dans le même temps très fortement « boostée ». C’est l’objet des propositions qui suivent.

ii.   Prendre en compte l’économie digitale dans les dépenses de prospection

La visibilité internationale des entreprises et de leurs produits dépend désormais largement de leur présence sur internet et les réseaux sociaux, bien plus que des méthodes « traditionnelles » de promotion telles que la participation à des salons ou la diffusion de publicités classiques sous forme de spots dans les médias, de plaquettes ou d’objets promotionnels.

Cette visibilité digitale repose sur un certain nombre de facteurs qui peuvent être améliorés par le recours à des prestations : qualité du site internet de l’entreprise, traduction de ce site dans plusieurs langues, utilisation de blogueurs-influenceurs, recours à des spécialistes du référencement dans les moteurs de recherche, etc.

Or, actuellement, si l’on en croit la documentation mise en ligne par Bpifrance ([29]), alors que l’assurance prospection permet de financer les formes traditionnelles de publicité, de participation à des événements, d’exposition de collections, etc., elle ne couvre s’agissant des sites internet que leur traduction dans les langues locales (du marché cible de la prospection).

La prise en compte au titre de la prospection d’un plus large spectre de dépenses liées à l’internet devrait être envisagée, sous réserve d’une réflexion sur leur délimitation précise afin d’éviter des dérives.

Proposition n° 16 : élargir les dépenses susceptibles d’être couvertes par l’assurance prospection à certaines dépenses  – clairement délimitées – favorisant la visibilité sur internet et les réseaux sociaux dans les marchés ciblés.

iii.   Revoir la gouvernance des assurances export publiques

Comme on l’a vu, la gestion des assurances export publiques, longtemps assurée par la Coface, est transférée depuis début 2017 à Bpifrance. Mais il faut être conscient qu’il ne s’agit que d’une gestion pour le compte de l’État : Bpifrance assure l’interface avec les entreprises (perception des primes, versement des indemnités, recueil de documents, etc.) et prépare les dossiers, mais les décisions d’octroi d’une garantie publique relèvent du ministre chargé de l’économie et des finances après avis d’une commission de hauts fonctionnaires, la Commission des garanties et du crédit au commerce extérieur. Ce pouvoir de décision peut certes être délégué aux services de Bpifrance pour certains dossiers – la tendance étant à l’élargissement de ces cas de délégation – mais la responsabilité reste donc gouvernementale. Par ailleurs, cette procédure est parfois longue : des personnes auditionnées ont parlé de quatre à six mois pour obtenir certaines décisions, délai qui peut être incompatible avec les besoins des entreprises.

Dans d’autres pays développés qui disposent de régimes publics d’assurance export comparables, le système est différent : toute la responsabilité de leur gestion peut être confiée à une agence qui prend donc toutes les décisions et rend compte aux pouvoirs publics seulement au regard d’engagements généraux de gestion et de règles prudentielles.

Le fait que la gestion de l’assurance export publique soit effectuée pour le compte de l’État a par ailleurs une traduction budgétaire : cette gestion n’apparaît pas dans les comptes propres de Bpifrance, qui reçoit seulement de l’État une rémunération à ce titre (44,8 millions d’euros en 2017) ; les primes et récupérations sont versées directement sur le compte de l’État et les indemnités payées à partir de ce même compte. Ces flux sont retracés depuis 2017 dans une comptabilité annexe de l’État, un « compte de commerce » ([30]) intitulé « Soutien financier au commerce extérieur ».

Ce mode de fonctionnement permet au ministère de l’action et des comptes publics d’exercer un contrôle étroit sur ces flux financiers.

Il faut en effet savoir que, depuis deux décennies, la principale des assurances export publiques, l’assurance-crédit, dégage des excédents structurels de plusieurs centaines de millions d’euros par an ([31]) qui :

– permettent des reversements conséquents au budget général de l’État en « recettes non fiscales » : 2,4 milliards d’euros en 2016 ; 325 millions en 2017 ; 598 millions prévus en 2018 (projet de loi de finances pour 2018) ;

– malgré ces reversements réguliers, ont conduit à l’accumulation d’un fonds de roulement de 4,1 milliards d’euros affecté en 2017 au compte de commerce nouvellement créé.

Dans le même temps, les autres régimes d’assurance export publique sont le plus souvent en déficit, en particulier l’assurance prospection, dont les modalités de mise en œuvre impliquent cette situation. La présentation des différentes assurances export dans un compte annexe de l’État permet de les distinguer et d’éviter que les excédents de l’une ne comblent automatiquement les pertes des autres. Cette présentation implique que ces pertes soient compensées par une subvention du budget général de l’État – par exemple, 32 millions d’euros ont été inscrits à ce titre pour l’assurance prospection dans le projet de loi de finances pour 2018. Cela permet de plafonner ces pertes, de contrôler budgétairement la gestion des dispositifs.

Cependant, attirer un plus grand nombre de PME vers l’assurance prospection exigera plus de prise de risque et un dispositif plus attractif, bref l’acceptation d’un plus grand déficit de ce régime. Au début de la décennie, le déficit annuel de l’assurance prospection oscillait autour de 100 millions d’euros, avec un record à 111 millions en 2014 ; en 2017, il a été ramené à 18 millions d’euros. Mais cela s’est accompagné d’une forte diminution du nombre d’entreprises souscrivant une assurance, alors même que l’objectif affiché est de pousser les PME à se lancer à l’international.

C’est dans ce contexte que vos rapporteurs proposent d’amplifier le mouvement engagé conduisant à déléguer l’essentiel de la gestion de l’assurance export publique, y compris la compétence décisionnelle sur les dossiers, aux professionnels de Bpifrance – même s’il est nécessaire que le pouvoir régalien garde un contrôle sur certains types de dossiers (armement, secteurs « de souveraineté »…). Bpifrance deviendrait alors l’opérateur responsable de cette politique, avec des engagements de gestion (équilibre à long terme) qui seraient inscrits dans un contrat d’objectifs avec l’État. Parallèlement, le traitement comptable des flux financiers afférents pourrait être réexaminé, d’autant que leur inscription dans un compte de commerce n’est pas nécessairement conforme avec la loi organique relative aux lois de finances ([32]).

Proposition n° 17 : poursuivre le mouvement de délégation de la gestion des assurances export publiques à Bpifrance, y compris en matière décisionnelle, et réexaminer la régularité et la pertinence de l’inscription des flux financiers afférents dans un compte de commerce (ou un autre compte annexe de l’État).

iv.   Dans le même esprit, rationaliser la gestion des différents dispositifs qui coexistent

La logique à l’œuvre dans les réformes en cours tend à faire de Bpifrance le « guichet unique » pour les financements exports publics, ce qui est d’ailleurs clairement affirmé dans les annonces faites à Roubaix le 23 février dernier ([33]). C’est à ce titre qu’a été en particulier réalisé le transfert à Bpifrance de la gestion de l’assurance export publique.

Cependant, il subsiste des instruments financiers publics orientés vers l’international qui restent gérés dans d’autres cadres.

C’est le cas par exemple du dispositif dit de stabilisation de taux d’intérêt, qui est géré par Natixis pour le compte de l’État. Ce système de garantie permet aux banques d’offrir un taux d’emprunt fixe aux clients des exportateurs français, taux de surcroît déterminé dès le début de la négociation commerciale, ce qui donne donc une plus grande visibilité aux clients des entreprises françaises sur le financement des projets et constitue un facteur d’attractivité.

On peut également les « prêts du Trésor », gérés par la direction générale éponyme, qui financent des projets de développement conduits par des entreprises françaises.

Une réflexion devrait être engagée sur les modalités de gestion de ces dispositifs, en particulier l’opportunité de transférer cette gestion à Bpifrance.

Proposition n° 18 : expertiser les modalités de gestion des autres dispositifs de prêts ou de garanties à visée « export » et en particulier l’opportunité d’en confier la gestion à Bpifrance.

v.   Orienter l’épargne des Français vers les entreprises à potentiel international

L’un des objectifs du Gouvernement est de mieux mobiliser l’épargne des Français au bénéfice des entreprises. C’est notamment l’objet de l’article 21 du projet de loi PACTE qui, selon l’exposé des motifs de ce texte, « contient plusieurs mesures visant à renforcer la contribution de l’assurancevie au financement de l’économie tout en offrant à l’épargnant, en fonction de ses besoins, des possibilités élargies d’investissement (…). Dans ce contexte, l’assurance-vie doit évoluer pour développer des produits moins liquides, offrant une garantie à long terme, afin d’apporter plus de rendement pour les assurés et d’investissement en actions mais aussi plus de stabilité financière ». Sont notamment prévues à ce titre des mesures permettant une plus grande contribution de l’assurance-vie au financement du capital-investissement.

Or il existe des fonds d’investissement qui ciblent des entreprises non cotées à fort potentiel international (ces fonds y prennent des participations qu’ils valorisent en accélérant ensuite le développement international de ces entreprises). Ces fonds répondent à un besoin : s’engager dans un développement international représente des coûts importants, sans retour garanti.

Ce type de dispositif n’est pas destiné au « grand public » des épargnants (prise de risque élevée… et « ticket d’entrée » également élevé…). Mais on pourrait sans doute concevoir des instruments intermédiés et bénéficiant d’une forme de garantie, éventuellement publique, pour limiter les risques.

Proposition n° 19 : expertiser les dispositifs qui permettraient d’orienter l’épargne vers le développement international des ETI et PME, par exemple en instituant une forme de garantie publique des investissements (directs ou plus vraisemblablement indirects) des particuliers.

 


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   ConClusion : synthèse des propositions

Pour se frotter aux marchés internationaux il fait en avoir envie avant de s’en donner les moyens et d’y être accompagné par des dispositifs publics pertinents. L’internationalisation des entreprises constitue donc d’abord un enjeu éducatif et culturel. Ce n’est qu’ensuite que doit venir la réflexion plus technique sur les dispositifs d’accompagnement et de financement que la puissance publique peut mettre à la disposition des entreprises. À cet égard, la réforme qui a été engagée doit être pleinement mise en œuvre et prolongée par des mesures complémentaires. C’est dans cette optique que la mission, en conclusion de ses travaux, met en avant les dix-neuf propositions rappelées ci-dessous.

            Proposition n° 1 : s’obliger à expertiser l’impact sur le solde extérieur de toutes les mesures de compétitivité de portée générale, notamment fiscales et sociales, et les ajuster en conséquence si besoin est.

            Proposition n° 2 : accentuer le renforcement de l’enseignement de l’anglais et des autres langues étrangères, ainsi que des enseignements disciplinaires permettant de mieux connaître les cultures étrangères ; valoriser ces enseignements en augmentant les coefficients des épreuves en langue étrangère dans les examens et diplômes nationaux.

            Proposition n° 3 : développer les formations spécifiques à l’export et à l’international.

            Proposition n° 4 : inviter les établissements français d’enseignement à développer des réseaux d’alumni parmi leurs anciens élèves étrangers et à les partager avec nos ambassades et opérateurs à l’étranger.

            Proposition n° 5 : mobiliser la diplomatie parlementaire, en particulier les groupes d’amitié, au bénéfice de la diplomatie économique et de nos entreprises.

            Proposition n° 6 : prévoir et clarifier rapidement les conditions de financement de  la nouvelle plateforme numérique et du nouveau CRM ; à cette fin, inscrire des engagements précis, par exemple dans le futur contrat d’objectifs et de performance de Business France pour les exercices 2018-2020.

            Proposition n° 7 : nommer la plateforme numérique destinée aux entreprises « Se lancer à l’international » et veiller à lui donner un contenu attractif et positif.

            Proposition n° 8 : délivrer via la plateforme numérique une information aussi complète que possible sur les problèmes pratiques rencontrés par les PME à l’export : règles douanières, règles et pratiques en matière de contrats, de paiement, de facturation, de livraison, fiscalité, etc.

            Proposition n° 9 : afin d’accroître rapidement le « public » des entreprises accédant aux prestations d’accompagnement, s’efforcer, avec l’appui des régions, de développer des offres à coût très réduit de diagnostic-export et de premier accompagnement à l’export pour les PME.

            Proposition n° 10 : encourager les formules de parrainage de « pair à pair » et de clubs d’entreprises pour l’export.

            Proposition n° 11 : expertiser précisément les enjeux organisationnels, statutaires et budgétaires d’un éventuel rattachement des services économiques régionaux au réseau diplomatique.

            Proposition n° 12 : encourager les coopérations et synergies de tous les opérateurs, notamment l’AFD et Bpifrance, avec les réseaux de Business France et des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international ; envisager le déploiement à l’international de quelques représentants de Bpifrance.

            Proposition n° 13 : positionner Business France comme « centre de ressources » pour la diplomatie économique ; développer des outils de partage des bonnes pratiques en matière de diplomatie économique.

            Proposition n° 14 : conforter l’agence Expertise France dans sa mission de diplomatie économique au service des objectifs diplomatiques de la France et de nos entreprises en mettant en œuvre son rapprochement avec l’Agence française de développement et en garantissant l’affectation à l’assistance technique d’une fraction de l’augmentation prévue de l’effort d’aide publique au développement.

            Proposition n° 15 : expérimenter un « VIE senior » permettant aux entreprises de se lancer sur un nouveau marché avec l’aide d’un consultant expérimenté, capable d’apporter une expertise ciblée, dont la rémunération serait prise en charge en partie sur fonds publics.

            Proposition n° 16 : élargir les dépenses susceptibles d’être couvertes par l’assurance prospection à certaines dépenses  – clairement délimitées – favorisant la visibilité sur internet et les réseaux sociaux dans les marchés ciblés.

            Proposition n° 17 : poursuivre le mouvement de délégation de la gestion des assurances export publiques à Bpifrance, y compris en matière décisionnelle, et réexaminer la régularité et la pertinence de l’inscription des flux financiers afférents dans un compte de commerce (ou un autre compte annexe de l’État).

            Proposition n° 18 : expertiser les modalités de gestion des autres dispositifs de prêts ou de garanties à visée « export » et en particulier l’opportunité d’en confier la gestion à Bpifrance.

            Proposition n° 19 : expertiser les dispositifs qui permettraient d’orienter l’épargne vers le développement international des ETI et PME, par exemple en instituant une forme de garantie publique des investissements (directs ou plus vraisemblablement indirects) des particuliers.

 

 

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa première séance du mercredi 19 septembre 2018, la commission des affaires étrangères examine le présent rapport.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.tv/video.6609776_5ba1f91c37fd3.commission-des-affaires-etrangeres--la-diplomatie-economique-19-septembre-2018

Au terme du débat, la commission autorise la publication du rapport.

 


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   Contributions

I.   Contribution présentée par le groupe La république en marche

Le groupe « La République en marche » soutient le rapport de Denis Masséglia et Pierre Cordier sur la diplomatie économique. Celui-ci est une contribution très utile au débat, au moment où le commerce extérieur traverse une crise prolongée. En effet, selon le rapport, le commerce extérieur des biens a été́ constamment déficitaire depuis 2004 et le solde négatif sur les biens a atteint 63,1 milliards entre juillet 2017 et juin 2018.

Ce rapport analyse positivement l’intérêt de la réforme de 2012 mettant sur pied une stratégie d’appui du commerce extérieur s’appuyant notamment sur le réseau des ambassades. Cette professionnalisation d’une dimension traditionnelle de notre diplomatie a revêtu plusieurs éléments importants qu’il convient de renforcer : des plans d’action par pays, le renforcement des relations entre le réseau et nos entreprises à travers la création de la direction des entreprises et de l’économie internationale.

Elle a, également, été l’occasion d’un repositionnement des opérateurs avec la fusion entre Ubifrance et l’Agence française des investissements internationaux, donnant lieu à la création de Business France.

Cette réforme a été complétée en février 2018 par plusieurs mesures importantes dans le cadre de la « Stratégie du Gouvernement en matière de commerce extérieur » présentée par le Premier ministre : mise en place de « guichet unique » de l’export dans chaque région, renforcement des dispositifs de financements et de garanties, avec notamment la création d’un Pass Export, le renforcement du partenariat stratégique entre Bpifrance et Business France et la création d’une garantie aux filiales étrangères d’une société française lorsque c’est imposé par les lois du pays d’exportation.

Mais la réforme s’est arrêtée en chemin et il est nécessaire de la mener complétement à bien. Le groupe LREM considère que ce rapport est l’occasion d’adresser un message dans trois directions :

-              Le caractère gravissime du déficit commercial implique que les mesures à prendre le soient sans délai ;

-              La réforme de 2012 non finalisée conduit à un grave problème de gouvernance au sein de l’État : le ministre en charge du commerce extérieur ne dispose pas de la tutelle directe et entière des services qui concourent à cette politique, éclatés entre le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) et Bercy. Il en résulte une dilution de fait des responsabilités et donc une moindre efficacité ;

-              Les administrations centrales sont encore en charge de la micro-gestion d’activités de financement et de garanties aux entreprises, faisant prévaloir une approche budgétaire et non économique, alors même que les opérateurs sont les mieux à même d’aider les entreprises au plus près des réalités de terrain.

Dans cet esprit, nous souhaitons appuyer et préciser les propositions du rapport notamment dans les domaines clés suivants :

  1. Il y a urgence à simplifier l’organisation administrative et la gouvernance : les administrations centrales en charge du commerce extérieur au sein du Trésor et du MEAE doivent être fusionnées au sein d’une seule équipe et être sous la responsabilité principale du ministre en charge du commerce extérieur (complément à la proposition 11).
  2. Les activités de garanties exercées directement par une administration centrale, la direction générale du Trésor, doivent être confiées à Bpifrance. Comme le rapport le souligne, l’activité de garantie est considérée comme une source de financement, du fait d’une prise de risque très limitée. Il est grand temps de mettre le dispositif de garantie publique français au niveau de celui de nos concurrents (complément à la proposition 17).
  3. Concernant les prêts concessionnels et non concessionnels du Trésor, deux hypothèses de transfert doivent être examinées. Outre celle de la BPI, comme le suggère le rapport, celle de l’AFD. Ces prêts constituent un instrument d’aide liée, ayant vocation à la fois à contribuer à des objectifs de politiques de développement, et à bénéficier à l’emploi en France. Le transfert de ces prêts à l’AFD permettrait la création d’un guichet d’aide liée à l’AFD, afin d’offrir l’ensemble des outils de financement disponibles, comme pour des institutions équivalentes telle la KfW allemande. Il autorise un effet de levier maximum de l’offre française, en ciblant la partie liée du financement sur des segments stratégiques (complément à la proposition 18).
  4. Il importe de renforcer le soutien à l’investissement des ETI et PME Françaises dans les pays en développement, et en particulier en Afrique. Aujourd’hui Proparco, filiale de l’AFD, ne finance que les entreprises de ses pays clients. L’investissement des PME et ETI françaises dans des pays risqués n’est pas soutenu par les banques françaises par manque d’appétit et de connaissance des risques. Les banques locales sont également peu positionnées. Proparco pourrait ouvrir son capital à la BPI ou pourrait distribuer les produits de financement de celle-ci. Il importe enfin d’éviter, dans les pays d’intervention de l’AFD, le risque d’une concurrence sur fonds publics entre BPI et AFD (complément à la proposition 12).
  5. Il importe enfin de maintenir le soutien public à la politique d’innovation en direction des entreprises et notamment des start-up. Le MEAE avait créé récemment, au sein du dispositif des Experts techniques internationaux (ETI), un réseau d’une vingtaine d’attachés « innovations » dans les principaux écosystèmes intéressant nos entreprises. Le transfert des ETI à Expertise France, au sein de l’AFD, a conduit à mettre fin à ce réseau, qui a fortement contribué à accompagner la transformation de l’image de la France en terre d’innovation. Le relais pris par la French Tech ne cible qu’une dizaine de pays et essentiellement les start-up. Il est essentiel d’assurer la continuité de la mission des attachés « innovations » en tirant les leçons de son activité, pour conforter notre succès en la matière.

Enfin, la diplomatie économique concerne, au-delà du commerce extérieur, l’accueil des investissements étrangers, qu’ils soient industriels ou financiers. Il importe également de tirer le bilan de l’action de l’État et de Business France en la matière afin d’examiner les voies d’amélioration.

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II.   Contribution présentée par le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM)

À la suite de la lecture et de la discussion en séance du rapport de nos collègues MM. Masséglia et Cordier, le groupe Modem souhaite insister sur les points suivants.

1. Un pilotage unique au ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Une dizaine de programmes budgétaires, trois missions, plusieurs ministères, des conventions croisées entre opérateurs… Le débat en commission a parlé de « citadelles administratives » ou de « consolidation des égoïsmes »

La réforme s’est arrêtée au milieu du gué. Il est absolument nécessaire de confier la responsabilité complète et la totalité des moyens afférents (répartis aujourd’hui dans plusieurs programmes gérés par trois ministères) à la direction des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, créée à cet effet au moment de la dernière réforme.

2. Une définition claire du service public national, du service public régional et des services facturés à la charge des entreprises

Un opérateur de l’État qui facture des services commerciaux à un nombre assez limité d’entreprises remplit-il toujours une mission de service public ? Peut-on encore appeler cela « effet de levier » ou « cofinancement » ?

Le premier acteur de l’internationalisation des entreprises, ce sont les entreprises elles-mêmes, leurs dirigeants et leurs organisations (ce que le rapport appelle les « pairs »). Elles savent former leurs cadres, travailler en réseau au sein des chambres de commerce à l’étranger (qui ne sont pas des organismes publics), prendre des risques et financer leur activité dès qu’elles en saisissent les opportunités.

Comme l’a souligné le rapport, les causes de notre retard sont plus culturelles, et surtout liées à l’absence d’un environnement et d’un climat des affaires qui favorisent cette internationalisation. Il y a donc besoin d’une politique publique, mais qui doit créer un cadre, favoriser et accompagner les transformations, et ne pas se mêler « de tout, un peu ».

Le deuxième acteur, ce sont donc les conseils régionaux, qui ont depuis les dernières réformes territoriales le leadership en matière de développement économique et d’accompagnement des PME et TPE. Les conseils régionaux sont proches, élus démocratiquement, dotées de ressources... Il semble que l’on s’oriente vers un « guichet unique » en région, c’est de bon augure. C’est en effet vers les conseils régionaux qu’à notre avis doit s’effectuer la plus grande part de la redistribution des moyens de l’État aujourd’hui disséminés dans des missions et des ministères différents.

Le troisième acteur, bien entendu, c’est l’État. Il doit fixer les grands caps, créer les cadres légaux qui favorisent l’export et les investissements en France, mobiliser en particulier les moyens publics de financement et d’assurance (Bpifrance), suivre et contrôler les indicateurs, animer le réseau diplomatique et le mettre à disposition des politiques publiques régionales ou des entreprises…

Il peut également mutualiser certains moyens publics pour des économies d’échelle et d’efficacité : financement et assurance, représentations permanentes dans certains pays ou contractualisation avec des acteurs locaux, représentations aux grands événements internationaux, gestions des VIE, animation sectorielle (« familles »), veilles internationales…

3. Armer les PME–PMI-ETI françaises

Le déficit de la balance commerciale française constitue un handicap lourd pour notre économie. Nous ne pouvons pas nous permettre longtemps de consommer plus que nous ne produisons. Car ceci a des incidences non seulement sur la création d’emplois en France mais également en termes de puissance de notre pays à l’exportation, là où se gagne désormais la bataille économique. La cible, ce ne sont pas seulement nos grandes entreprises mais aussi les PME-PMI-ETI. Car à y regarder de plus près en Allemagne, en Italie, il y a un lien entre l’excédent commercial et le tissu territorial des petites entreprises. Il convient donc de définir une véritable stratégie de production au service de l’emploi. Cela passe par une reconquête de nos capacités de production et de valorisation résolue de l’image de marque des produits fabriqués en France.

4. Un small business act à la française

Plusieurs collectivités territoriales ont pris des décisions afin de favoriser l’accès à leurs marchés publics des PME, mais il reste beaucoup à faire. Les PME c’est près de 36 % du chiffre d’affaires des entreprises françaises. Or elles ne représentent que 25 % des marchés publics, à 10 points de l’Allemagne. Et ce chiffre reste stable depuis une décennie malgré la mise en œuvre d’une batterie de mesures, fiscales et sociales, d’encouragement. Il faut donc passer à la vitesse et au stade supérieurs en mettant en œuvre une stratégie d’État. Ce qu’il faut construire c’est un véritable small business act à la française, inspiré du small business act américain de 1953 qui a affirmé et défendu le rôle majeur des petites entreprises dans l’économie. Avec succès.

Ce small business act à la française visera les achats publics de fournitures et de services qui ne sont pas soumis à une procédure européenne de mise en concurrence. Il veillera également à ce que les entreprises concourant pour des marchés publics conséquents soient tenues d’accompagner leur offre d’un plan de sous-traitance en direction des petites et moyennes entreprises. L’accès aux marchés publics devra prendre en compte, à côté des critères strictement économiques, les performances en matière de protection de l’environnement, de développement de l’emploi et d’insertion professionnelle des publics en difficulté. Il conviendra enfin de lever les blocages en termes de transparence, de simplification, d’information et d’accompagnement, de réduction des délais de paiement et de soutien à l’innovation.

5. Produire en France

Afin de favoriser la création d’un écosystème favorable aux relations entre les PME et les grandes entreprises, il est proposé de créer un commissariat national aux stratégies placé sous l’autorité du chef de l’État et chargé de faire évoluer le climat économique. Ce commissariat se verra confier la préparation d’un projet de loi quinquennale d’objectifs et de programmation pour le renforcement des capacités de production françaises.

En parallèle, il faut poursuivre le travail de réflexion afin de créer un label indépendant pour que les consommateurs puissent connaître la provenance ou la part française des produits qu’ils achètent. Il conviendra aussi de mobiliser les citoyens en faveur de la démarche du « produire en France » et de développer l’image de marque du « produit en France » à l’intérieur comme à l’extérieur.

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III.   Contribution présentée par le groupe la France insoumise

De mauvais points de départs : la foi dans la politique de l’offre et le libre échange

Le rapport part de concepts qui sont dominants dans le débat public depuis 30 ans et que nous contestons. Ces préjugés sont les bénéfices supposés de la politique de l’offre, de la division internationale du travail telle qu’elle se déploie actuellement et du libre-échange. Nous désignons par « politique de l’offre » celle qui pense augmenter les exportations françaises en baissant les coûts de production et notamment le prix du travail. Dans ce cadre de pensée, l’amélioration future de notre commerce extérieur justifie la mise en place des politiques de baisse des salaires. Ces politiques passent notamment par des baisses de cotisations sociales, d’impôts sur les entreprises, la facilitation des licenciements, l’allongement de la durée du travail ou la destruction des règles qui encadrent le travail. Ainsi, les rapporteurs saluent le relèvement des seuils sociaux et la suppression du forfait social sur l’intéressement des salariés proposés par le gouvernement dans le projet de loi PACTE. Pourtant, le bilan de cette politique économique est désastreux. Alors que les baisses de cotisations et d’impôts sur les sociétés se sont multipliées, le commerce extérieur de biens manufacturés de la France est en déficit de façon continue depuis 2004. Le bilan du CICE, un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros par an, est très maigre en termes de sauvegarde d’emplois. Fin 2016, un rapport de France stratégie évaluait ainsi qu’il avait participé à la « sauvegarde ou la création de 45 000 à 115 000 emplois ». Soit entre 500 000 et 1,3 million d’euros d’argent public dépensé par emploi. Pourtant, à aucun moment cette orientation n’est critiquée par les rapporteurs.

La mondialisation des échanges n’est pas plus interrogée. Le cadre dans lequel elle intervient a bien un effet sur le commerce extérieur. Ce cadre est avant tout celui de la financiarisation du capitalisme. Alors que dans les années 1970, il s’échangeait sur les marchés financiers 20 milliards de dollars par jour, la somme se montait à 5 000 milliards de dollars par jour en 2016. Soit 115 fois le montant du commerce international. Cette bifurcation économique induit des fluctuations qui déterminent une grande partie du commerce international. C’est par exemple le cas des fluctuations des cours des monnaies. Pour 10 % d’appréciation de l’euro, c’est 8 % de chiffre d’affaire des entreprises européennes qui s’évapore. Lorsque l’euro s’évalue d’un centime face au dollar, Airbus perd 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. On voit donc que la question de la définanciarisation de l’économie est capitale pour notre commerce extérieur. Elle n’est pas abordée dans le rapport.

Le libre-échange est présenté comme bon en soi. Les rapporteurs suggèrent que nos ambassadeurs devraient s’assurer du suivi de la négociation et de la mise en œuvre des accords de libre-échange que nous signons à travers l’Union européenne. La remise en cause du libre-échange, de l’ouverture totale des frontières aux marchandises et du déménagement permanent du monde est indispensable du point de vue de l’impératif écologique. L’effet du commerce mondial sur le réchauffement climatique a été démontré de nombreuses fois. L’an dernier, la commission Schubert, mise en place par le Président de la République en 2017 pour évaluer les effets du traité CETA avec le Canada, a clairement affirmé dans son rapport que cet accord n’était pas compatible avec les objectifs fixés par l’accord de Paris sur le climat de 2015. Le dogme du libre-échange devrait donc être combattu et non défendu par notre réseau diplomatique.

La mauvaise comparaison avec lAllemagne

Les rapporteurs prennent à plusieurs reprises l’Allemagne comme point de comparaison avec notre pays. Notre voisin outre-Rhin accumule d’énormes excédents commerciaux. Ils sont équivalents à 8 % de son PIB. Cet excédent est responsable de nombreux déficits commerciaux d’autres pays. Il participe directement aux déséquilibres de l’Union européenne, notamment entre les États du nord et du sud. Il n’a jamais été remis en cause par aucun des États européens ou par la commission malgré son caractère excessif du point de vue des traités européens. D’autre part, la composition de l’appareil productif allemand n’est pas comparable à son équivalent français. L’industrie allemande repose sur une surreprésentation du secteur automobile haut de gamme. 20 % des biens produits en Allemagne sont des automobiles. Et, par exemple, 90 % des automobiles de luxe vendues aux États-Unis sont allemandes. La France ne devrait pas avoir pour vocation industrielle une telle spécialisation. L’industrie française est plutôt positionnée sur des produits diversifiés, de bonne qualité et de moyenne gamme.

Les rapporteurs passent à côté d’un autre phénomène : celui de l’autonomisation de l’Allemagne vis-à-vis de l’Europe. Ces deux dernières années, pour la première fois, le premier partenaire commercial de l’Allemagne n’est pas un pays européen mais la Chine. Cette place était occupée par la France sans discontinuité entre 1974 et 2014. En fait, depuis le lancement de l’euro, la part des produits européens dans les importations allemandes a baissé de 36 %. Ce résultat a été obtenu en multipliant les relations diplomatiques d’État à État entre l’Allemagne et la Chine. Alors que les dirigeants français n’avaient d’yeux que pour le « couple franco-allemand », les gouvernements allemands tournaient le dos à l’Europe.

L’État doit défendre ses champions industriels

Un grand paradoxe de ce rapport est qu’il appelle l’intervention de l’État pour vendre mais jamais pour produire. C’est pourtant bien en amont de la production que nous avons besoin d’un État fort. Sur cette question il s’agirait également de faire le bilan de la politique de l’offre et du libre-échange. Des champions industriels français ont été démembrés et cédés à des capitaux étrangers. Ces mêmes entreprises pour lesquelles la diplomatie française avait été mise à contribution pour en vendre les produits à l’étranger. Le cas d’Alstom est emblématique. L’État français et son réseau diplomatique a largement soutenu la vente de ses trains à travers le monde. Mais il a laissé l’entreprise allemande Siemens en prendre le contrôle. Sous couvert d’« Airbus du rail », il s’agissait d’une absorption pure et simple par le capital allemand d’un fleuron industriel français, avec ses brevets et ses savoir-faire. En effet, alors que l’État français avait la possibilité d’entrer au capital de l’entreprise pour protéger ses intérêts, comme c’est le cas chez Airbus, il a choisi de ne pas le faire. Il est paradoxal de constater que les TGV que l’État a contribué à vendre en Chine ou le tramway Bombardier qui va être installé à Quito en Équateur avec le concours de la consule générale de France sont désormais de propriété allemande.

Pour une diplomatie culturelle

Dans de nombreux pays, la réputation des Français était résumée par la phrase suivante : « les Français arrivent avec des archéologues, ils continuent avec de la musique et ensuite ils font des affaires ». Cette maxime illustre l’importance des relations culturelles dans la diplomatie française. Plutôt que de consacrer 40 % de leur temps à faire les représentants en vente, nos diplomates devraient davantage tisser les liens culturels. La diffusion de la langue française et de la culture francophone est en particulier une chance pour notre pays. Il est dommage que les rapporteurs ne le voient pas et suggèrent, pour améliorer nos exportations, de parler anglais. Le français est aujourd’hui la 4ème langue la plus parlée du monde avec 274 millions de locuteurs répartis sur les cinq continents. En 2050, on estime que 700 millions de personnes à travers le monde parleront français. C’est donc une opportunité formidable pour notre pays. Il s’agit de consolider le réseau des Alliances françaises. Il a été réduit l’an dernier dans le budget. Il faut que notre diplomatie se batte pour l’usage du français dans les institutions internationales, à l’ONU. Le développement de la diplomatie culturelle est pour les Français un horizon bien plus intéressant que la vision libérale de la diplomatie économique présentée par le rapport.


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   annexe :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

     M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères  (5 décembre 2017) ;

     M. Alain Bentéjac, président du Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France, accompagné de M. Emmanuel Montanié, directeur général (28 novembre 2017) ;

     M. Christophe Viprey, directeur de l’assurance export chez Bpifrance, et M. Pedro Novo, directeur des financements export, accompagnés de M. Jean-Baptiste Marin Lamellet, responsable des relations institutionnelles (6  décembre 2017) ;

     Mme Caroline Malausséna, directrice des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme (ministère de l’Europe et des affaires étrangères), et ses collaborateurs (19 décembre 2017) ;

     M. Arnaud Vaissié, président de CCI France International, et M. Dominique Brunin, délégué général de CCI International et CCI France, accompagnés de Mme Laure Prévot, chargée de mission à la direction des relations institutionnelles de CCI France (20 décembre 2017) ;

     M. Jean-Louis Levet, représentant spécial du ministère des affaires étrangères pour l’Algérie (17 janvier 2018) ;

     M. Nicolas Grosdidier, président-directeur-général de La Fonte ardennaise (30 janvier 2018) ;

     M. Thomas Courbe, directeur général adjoint du Trésor, chargé des relations internationales, et Mme Claire Chérémétinski, cheffe du service des affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises à la même direction (31 janvier 2018) ;

     M. Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, accompagné de M. François Raffray, chef du département relations institutionnelles (7 février 2018) ;

     M. François-Xavier Priollaud, vice-président de la région Normandie, en charge des coopérations internationales et du développement international (7 mars 2018) ;

     M. Emmanuel Picot, chargé de la politique d’export à la chambre de commerce et d’industrie du Maine-et-Loire (14 mars 2018) ;

     M. Philippe Gautier, directeur général de MEDEF International (21 mars 2018) ;

     M. Paul Hermelin, représentant spécial du ministère des affaires étrangères pour l’Inde et président-directeur-général de Cap Gemini (28 mars 2018) ;

     M.  Jean-Marc Huart, directeur général de l’enseignement scolaire (11 avril  2018) ;

      M. Buon Tan, député (16 mai 2018) ;

      M. Sébastien Mosneron Dupin, directeur général d’Expertise France (27 juin 2018).


([1]) Assemblée nationale, quatorzième législature, rapport d’information sur l’extraterritorialité de la législation américaine, n° 4082, octobre 2016.

([2]) Voir par exemple : http://www.blog-illusio.com/article-l-equation-de-gravite-du-commerce-international-120177849.html.

([3]) En 2017, l’Allemagne a exporté pour 1 279 milliards d’euros de biens et en a importé pour 1 034 milliards.

([4]) Source : « L’impact du CICE sur la marge intensive des exportateurs », rapport d’évaluation pour France Stratégie, par Sarah Guillou, Raul Sampognaro, Tania Treibich et Lionel Nesta (OFCE), 26 septembre 2016.

([5]) Rapport 2017 du Comité de suivi du CICE.

([6]) Fondation Concorde, « Évaluation du programme économique d’Emmanuel Macron ».

([7]) Voir : https://www.ef.fr/epi/regions/europe/.

([8]) Conseil d’analyse économique, « Avis de tempête sur le commerce international : quelle stratégie pour l’Europe ? » in Les notes du conseil d’analyse économique, n° 46, juillet 2018.

([9])“Assessing the costs and benefits of a closer EU-Canada economic Partnership”, Joint Study.

([10]) Dit JCPOA, pour Joint Comprehensive Plan of Action.

([11]) Source : « Les échanges commerciaux entre la France et l’Iran en 2017 », service économique de Téhéran, janvier 2018.

([12]) Voir La lettre du CEPII n° 388, mai 2018, « Un chiffrage de l’impact des mesures de protection commerciale de Donald Trump ».

([13]) Une analyse américaine l’a chiffré à environ 0,15 % du total des exportations françaises : voir « Sanctions on Russia Cause Minimal Declines in EU and U.S. Exports Office of the Chief Economist, U.S. Department of State », 6 juillet 2015.

([14]) Voir Assemblée nationale, XVème législature, n° 275, « Tome VI – Économie – Commerce extérieur et diplomatie économique ».

 

([15]) France expertise internationale, GIP Esther, GIP Inter, GIP SPSI, ADECRI et Adetef.

([16]) Article 1er du décret n° 2014-1656 du 29 décembre 2014 relatif à l'Agence française d'expertise technique internationale.

([17]) Voir le rapport d’activité 2016 de CCI-International et CCI-France-International.

([18]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([19]) Décret n° 2017-1074 du 24 mai 2017.

([20]) Rapport d'information n° 240 (2017-2018) de M. Jean-Pierre Vial et Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 24 janvier 2018.

([21]) « L’implantation à l’étranger crée de la valeur en France », par Alexandre Gazaniol et Fréderic Peltrault, NATIXIS et Université Paris-Dauphine, Laboratoire d’économie de Dauphine.

([22]) Trois ans après l’implantation et par rapport à la population témoin d’entreprises n’ayant pas investi à l’étranger, le niveau d’emploi en France serait en moyenne de près de 7 % supérieur pour celles ayant investi à l’étranger, le niveau de chiffre d’affaires de 8 % supérieur, celui de valeur ajoutée de 9 % supérieur...

([23]) « Team France – Une ambition nouvelle pour l’équipe France à l’international – Propositions de transformation des politiques publiques de promotion des exportations et de l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers ».

([24]) Déplacements dans la zone visée par le contrat, formations spécifiques, nouveaux recrutements dans le service export, fonctionnement d’un bureau commercial sur zone, participation à des salons, achat de publicités, d’études de marchés, de conseils juridiques, etc.

([25]) Selon les modalités applicables en 2018, le remboursement s’échelonne entre 30 % du montant des indemnités reçues (si le chiffre d’affaires généré ne dépasse pas 3 fois le total de ces indemnités) et 100 % (si ce chiffre d’affaires excède 10 fois ce total).

([26]) Décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable.

([27]) Pour être exact, la « convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices » du 24 novembre 2016.

 

([28]) Référé 70752, 3 septembre 2014, « Les services économiques à l’étranger des ministères économiques et financiers ».

([29]) Voir : https://www.bpifrance.fr/content/download/62215/671055/version/2/file/20180419_Notice%20explicative%20des%20d%C3%A9penses%20garanties%20en%20Assurance%20Prospection%20V7.pdf.

([30]) L’un des types de comptes annexes de l’État prévu par la loi organique relative aux lois de finances.

([31]) Ces excédents font suite à des déficits importants dus aux défauts de paiement massifs des pays en développement surendettés dans les années 1980-1990. Cependant, les excédents cumulés depuis lors font plus que compenser les pertes d’alors, même en actualisant les valeurs.

([32]) Dans sa note sur l’exécution budgétaire en 2017 du compte de commerce « soutien financier au commerce extérieur », la Cour des comptes relève que « les conditions de recours à un compte de commerce ne sont pas formellement remplies ». En effet, selon les dispositions organiques pertinentes, « les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État ». Or, en l’espèce, « les opérations retracées dans le compte ne présentent pas le caractère "accessoire" [requis] puisqu’il s’agit d’une politique publique à part entière conduite par la direction générale du Trésor (…). Une activité, dont les encours de garanties représentent plus de 70 Md€ et qui comporte quatre objectifs et six indicateurs dans les documents budgétaires ne saurait présenter un caractère accessoire dans la politique menée par l’administration ».

([33]) Cf. dossier de presse du 23 février 2018 : « Mesure n° 8 : BPI France est conforté dans son rôle d’interlocuteur privilégié des entreprises pour leurs besoins en matière de financements publics, dont elle devient le "guichet unique" pour les financements exports publics ».