N° 1357

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 octobre 2018

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1),

sur le projet de loi de finances pour 2019,

PAR

Mme Isabelle Rauch,

Députée

——

 

 

 

 

 

(1) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Pierre Rixain, présidente ; Mme Marie‑Noëlle Battistel, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cabaré, Mme Fiona Lazaar, vice-présidents ; Mme Isabelle Florennes, Mme Sophie Panonacle, secrétaires ; Mme Emmanuelle Anthoine ; Mme Sophie Auconie ; M. Erwan Balanant ; Mme Valérie Beauvais ; Mme Huguette Bello ; Mme Céline Calvez ; M. Luc Carvounas ; Mme Annie Chapelier ; M. Guillaume Chiche ; Mme Bérangère Couillard ; Mme Virginie Duby-Muller ; Mme Pascale Fontenel-Personne ; Mme Laurence Gayte ; Mme Annie Genevard ; M. Guillaume Gouffier-Cha ; Mme Nadia Hai ; M. Yves Jégo ; Mme Sonia Krimi ; M. Mustapha Laabid ; Mme Nicole Le Peih ; Mme Jacqueline Maquet ; Mme Cécile Muschotti ; M. Mickaël Nogal ; Mme Josy Poueyto ; Mme Isabelle Rauch ; Mme Laëtitia Romeiro Dias ; Mme Bénédicte Taurine ; Mme Laurence Trastour‑Isnart ; M. Stéphane Viry.

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Synthèse des recommandations

introduction

Un programme 137 encore sous tension malgré Une stabilité globale des crédits

Des difficultés récurrentes d’exécution

Vers une amélioration de la consommation effective des crédits en 2018

Fluidifier les versements pour limiter les frais financiers des partenaires

Des crédits préservés dans un contexte budgétaire contraint

La stabilité des crédits du programme 137

Un programme encore sous contrainte

Une architecture budgétaire rénovée

Un programme structuré autour de trois actions

Renforcer les outils de suivi et d’identification des partenaires

Le suivi et le pilotage de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes

Des outils de pilotage perfectibles

Des indicateurs de performance peu pertinents

Les enjeux de répartition territoriale des crédits

Un besoin d’appréhension globale des enjeux d’égalité

L’expérimentation d’un budget sensible au genre

Qu’est-ce qu’un budget sensible au genre ?

Les budgets sensibles au genre en France

Les actions du programme 137

Les actions de prévention et d’accueil des victimes

La préservation des crédits

Les campagnes de communication

La lutte contre la prostitution

La promotion de la mixité et de l’égalité

La logique d’appel à projets

La promotion de la mixité et de l’égalité professionnelle

TRAVAUX DE LA délégation

Annexe : liste des personnes auditionnées par la Délégation et la Rapporteure

PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION

PERSONNES ENTENDUES PAR La RAPPORTEURe


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Synthèse des recommandations

Recommandation n° 1 : garantir le versement du premier acompte des subventions étatiques au cours du premier trimestre de l’année et le second au plus tard en septembre.

Recommandation n° 2 : établir une liste exhaustive de toutes les structures bénéficiant crédits d’intervention du programme 137 et l’actualiser dans chaque projet annuel de performances.

Recommandation n° 3 : élaborer des indicateurs de performance plus qualitatifs pour le programme 137, en lien avec l’appréhension globale des enjeux d’égalité.

Recommandation n° 4 : améliorer l’information du Parlement en matière budgétaire, en instaurant un délai de publication des documents de politique transversale au plus tard vingt jours après l’adoption du projet de loi de finances en Conseil des ministres.

Recommandation n° 5 : instituer auprès du Parlement un observatoire de l’égalité chargé de suivre les politiques de l’égalité dans leur ensemble de façon quantitative et qualitative.

Recommandation n° 6 : associer l’observatoire de l’égalité à l’expérimentation de la budgétisation sensible au genre.

Recommandation  7 : renforcer les moyens alloués aux intervenants de second niveau pour mieux accompagner les victimes de violence.

Recommandation n° 8 : diffuser plus largement les campagnes sur les réseaux sociaux et les utiliser pour passer de la sensibilisation à l’action ; décliner sur l’ensemble du territoire les campagnes nationales.

Recommandation n° 9 : évaluer les campagnes de communication sous l’angle de l’intérêt auprès des citoyens et du passage à l’action ainsi que sous l’angle de la réception des images médiatiques.

Recommandation n° 10 : sanctuariser les crédits consacrés à la lutte contre la prostitution et, en cas de sous-exécution, les réaffecter à des dépenses d’accompagnement, de formation et de structuration des réseaux locaux.

 


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introduction

 

Érigée en grande cause du quinquennat par le Président de la République lors de son discours du 25 novembre 2017, l’égalité entre les femmes et les hommes est clairement identifiée comme une priorité gouvernementale. En 2018, l’accent a été mis sur la lutte contre les violences que ce soit au travers de campagnes nationales ou d’évolutions législatives renforçant les droits des victimes et les sanctions pour les auteurs ([1]). Des progrès importants ont également été engagés en matière d’égalité professionnelle, notamment avec le vote de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([2]). Ces avancées législatives témoignent d’une dynamique globale vertueuse.

Il appartient au projet de loi de finances de décliner ces objectifs et d’en assurer la mise en œuvre opérationnelle. Votre Rapporteure a concentré son analyse sur le programme 137 de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances qui retrace les crédits relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette unité budgétaire porte les actions spécifiques en matière d’égalité ; il convient d’y ajouter les autres actions qui participent, directement ou non, à ce développement de l’égalité.

Votre Rapporteure considère indispensable d’associer une démarche généraliste à des actions ciblées ; il faut agir en aval, en accompagnant les victimes et en punissant les auteurs de violences, mais aussi en amont en agissant sur la structure sociale et ses valeurs. Une société plus juste, où chacun se sent concerné par les enjeux d’égalité, est en effet une société pacifiée, avec un niveau de tolérance des violences légitimement abaissé.

Au‑delà de l’approche strictement budgétaire, votre Rapporteure a souhaité interroger les outils de suivi et d’évaluation mis à disposition des parlementaires mais aussi des acteurs de terrain. Elle estime qu’il faut en effet améliorer le pilotage et la gouvernance de cette politique prioritaire.

S’appuyant sur cette analyse budgétaire, votre Rapporteure formule dix recommandations qui visent à garantir la mise en œuvre effective des crédits votés par le Parlement, à en améliorer le suivi grâce à des indicateurs adaptés et surtout à développer une culture de l’égalité dans l’ensemble des secteurs.

 

 


—  1  —

Un programme 137 encore sous tension malgré Une stabilité globale des crédits

Le programme 137 de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances regroupe les crédits dédiés à des actions spécifiques en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Si les crédits restent parfaitement stables par rapport à l’année dernière, ils apparaissent encore particulièrement contraints, notamment en termes d’exécution. Pour améliorer la lisibilité et la cohérence du programme, le projet de loi de finances pour 2019 procède par ailleurs à une modernisation de l’architecture budgétaire.

Des difficultés récurrentes d’exécution

Vers une amélioration de la consommation effective des crédits en 2018

Le rapport annuel de performances pour l’année 2017 a montré une forte sous-exécution des crédits du programme 137 à hauteur de 7,5 millions d’euros de moins que les crédits ouverts. Comme le relevait la rapporteure spéciale de la commission des finances, « si cette consommation de crédits est bien en deçà des prévisions de la loi de finances initiale, on note une relative stabilité des dépenses de ce programme sur les cinq dernières années » ([3]).

L’écart était particulièrement significatif pour l’action 15 « Prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains » mais la loi de finances avait anticipé la mise en œuvre de la loi relative à la lutte contre la prostitution qui a subi des retards conséquents de déploiement (cf. infra). Votre Rapporteure relève par ailleurs que l’action 11 « Égalité professionnelle » et l’action 12 « Prévention et lutte contre les violences » ont été sous-consommées respectivement à hauteur de 1,89 million d’euros et de 1,17 million d’euros, soit un taux d’exécution de 66,2 % et de 92 %.

Les personnes auditionnées ont toutes souligné les conséquences importantes de cette sous-exécution en 2017 qui pèsent encore aujourd’hui sur la gestion des structures. Il convient de distinguer deux situations :

       l’impact général d’une baisse relative des crédits sur des missions existant antérieurement ;

       la non-consommation de crédits affectés à des missions nouvelles et notamment à la lutte contre la prostitution. Or, plusieurs associations avaient anticipé la mise en œuvre des nouvelles dispositions et avaient déjà procédé à des recrutements au moment où les mesures d’annulation ont été prononcées.

Dans les deux cas, l’imprévisibilité des changements a obligé les structures à financer ces décalages ou ces annulations sur leurs fonds propres ou à trouver des moyens alternatifs de financement. La survenance d’un événement de ce type est difficilement absorbable pour des entités qui ne disposent souvent que d’une trésorerie très réduite.

Devant la Délégation, le directeur général de la cohésion sociale ([4]) a indiqué que des progrès importants avaient été faits en 2018 pour assurer une meilleure exécution de l’autorisation budgétaire. Au 25 octobre 2018, l’exécution atteignait 22 millions d’euros en autorisations d’engagement et 20 millions d’euros en crédits de paiement, soit des taux respectifs de 77 % et 70 %. Ces ratios tiennent compte de deux décrets de transfert de crédits :

       un transfert de 349 951 euros à destination du programme 101 « Accès au droit et à la justice » pour l’apurement de la dette 2017 du téléphone grave danger (TGD) dorénavant entièrement pris en charge par le ministère de la Justice ;

       un transfert de 5 000 euros à destination du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » pour abonder le budget opérationnel de programme de la Martinique dont la création fait objet d’une expérimentation.

Par ailleurs, la Secrétaire d’État a annoncé le 25 octobre 2018 la levée intégrale de toute réserve sur le programme 137 : pour la première fois depuis de nombreuses années, 100 % des crédits votés pourront être effectivement dépensés. Ces crédits dégelés doivent permettre de répondre aux besoins identifiés en région, notamment sur les dispositifs d’accompagnement des femmes victimes de violence. Lors de leur audition, les représentantes du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE) ont en effet indiqué examiner avec bienveillance des demandes complémentaires pour l’année en cours, notamment lorsque le dispositif considéré était en phase de transformation.

Fluidifier les versements pour limiter les frais financiers des partenaires

Outre le niveau des crédits réellement disponibles, les personnes auditionnées par votre Rapporteure ont fait état des contraintes de gestion liées au rythme des versements et surtout à leur retard presque systématique.


En principe, les associations qui ont signé une convention pluriannuelle avec les services du secrétariat d’État bénéficient de deux versements pour l’année considérée : le premier dans le courant du premier semestre et le second après la transmission du quitus des comptes de l’année précédente par l’assemblée générale.

La fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) indique par exemple avoir demandé le versement du premier acompte le 23 janvier 2018 et ne l’avoir perçu que le 19 juillet. Elle a demandé le versement du second acompte le 24 septembre 2018 et n’a encore rien reçu au 25 octobre. Ces décalages sont d’autant plus préjudiciables au fonctionnement de la structure que la subvention du programme 137 représente environ 80 % des ressources de la fédération.

La fédération nationale Solidarité femmes (FNSF) fait état de difficultés similaires. Pour l’année 2018, faute de disposer d’une trésorerie suffisante, l’association est contrainte de recourir à des emprunts de court terme ([5]) dont les frais grèvent ensuite son fonctionnement. Les frais financiers associés à ce recours à l’emprunt ont par exemple représenté, pour la FNSF, 4 700 euros en 2017.

La situation des établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF) apparaît encore plus préoccupante. Le planning familial a conduit une enquête auprès des 75 associations départementales de son réseau. Quarante-et-une associations départementales ont répondu : dans cet ensemble, seuls deux EICCF avaient reçu la totalité de leur financement 2018. 20 EICFF ont reçu la notification de leur subvention à l’automne 2018 mais sans qu’aucun versement ne soit encore intervenu. Sur un échantillon de 24 EICCF, la situation au 25 octobre 2018 montait que le total des engagements atteignait 771 290 euros alors que le montant versé en 2017 était de 805 041 euros et que les établissements avaient demandé 990 757 euros pour 2018.

Lors de son audition devant la Délégation, le directeur général de la cohésion sociale a précisé que la réforme des EICCF (cf. infra) avait demandé une adaptation des réseaux déconcentrés qui avait généré des retards dans les versements mais que la situation était en cours d’apurement.

Dans le cadre de cette réforme, une instruction du 23 août 2018 prévoit la possibilité de conclure des conventions transitoires de financement afin de procéder en 2018 à un passage adapté d’un financement ex post (à l’activité) à un financement ex ante (globalisé). Si l’administration déconcentrée n’est pas tenue de conclure une telle convention transitoire avec tous les EICCF déclarés à la date de publication du décret, il est recommandé, sauf exception, de suivre cette ligne de conduite en 2018 dès lors que l’EICCF concerné en fait la demande, afin de ne pas le mettre en difficultés financières graves s’il a déjà exposé des frais significatifs ou se serait engagé à en exposer.

Selon les informations transmises à votre Rapporteure, les conventions de financement 2018 sont en cours de signature et les montants, négociés entre les services déconcentrés de l’État et les associations, seront versés d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, les premiers agréments ont été délivrés dès septembre et les premiers versements subordonnés à la conclusion préalable d’une convention pluriannuelle auront lieu en 2019.

Le service des droits des femmes précise par ailleurs qu’une enveloppe supplémentaire de 100 000 euros sur le programme 137 a été octroyée à titre exceptionnel en 2018 afin de mieux accompagner le déploiement de la réforme dont :

         48 168 euros pour aider à l’accompagnement global de la réforme. Ces crédits sont répartis au prorata du financement actuel des EICFF ;

         51 832 euros pour financer le montage de projets susceptibles de couvrir l’intégralité du nouveau périmètre des missions obligatoires des EICCF et d’assurer un financement résiduel en 2018 à des EICCF qui, à terme, pourraient voir leur subvention diminuer.

Plusieurs des associations auditionnées par votre Rapporteure ont précisé avoir réussi à se maintenir grâce à des dons exceptionnels. Lorsqu’il s’agit d’un réseau structuré, la tête de réseau a aussi pu solliciter de ses antennes une avance de trésorerie lorsque cela était possible. S’il est primordial de diversifier les sources de financement, votre Rapporteure considère que les subventions étatiques doivent être versées dans les délais prévus et, dans la mesure du possible, dans le courant du premier trimestre pour le premier versement. Cette mesure de gestion est neutre pour les finances publiques mais contribuera à la bonne santé des partenaires associatifs et évitera de payer d’inutiles frais financiers.

Recommandation n° 1 : garantir le versement du premier acompte des subventions étatiques au cours du premier trimestre de l’année et le second au plus tard en septembre.

Des crédits préservés dans un contexte budgétaire contraint

Les crédits spécifiques du programme 137 pour 2019 sont parfaitement stables par rapport à l’année 2018 ; les ressources indirectes contribuant à ces actions semblent néanmoins assez contraintes.

La stabilité des crédits du programme 137

Le tableau ci‑après détaille l’évolution générale des crédits du programme 137 selon la nature des dépenses considérées.

Évolution des autorisations d’engagement et des crédits de paiement du programme 137

(en millions d’euros)

 

LFI 2018

PLF 2019

titre 3 - dépenses de fonctionnement

1,56

1,56

titre 6 - dépenses d’intervention

28,31

28,31

dont

transferts aux ménages

-

1,98

transferts aux entreprises

0,21

-

transferts aux collectivités territoriales

0,14

-

transferts aux autres collectivités

27,96

26,33

Total 

29,87

29,87

 Source : projet annuel de performances 2019.

Si la répartition des transferts évolue en partie, le niveau d’ensemble des crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes reste strictement le même par rapport à la loi de finances pour 2018. Dans un contexte budgétaire contraint, votre Rapporteure se réjouit de ce maintien ; il aurait été néanmoins nécessaire de procéder à une révision minimale de ces montants, ne serait-ce que pour tenir compte de l’inflation.

Par ailleurs la modification de la répartition des dépenses d’intervention doit bien permettre d’atteindre directement les publics visés ; la baisse des transferts aux autres collectivités ne saurait en effet mettre les intervenants de terrain dans des situations financières difficiles ni les contraindre à revoir leurs modalités d’intervention.

Un programme encore sous contrainte

Si le niveau global des crédits est maintenu, le programme 137 reste sous tension.

Il doit tout d’abord prendre en charge des engagements antérieurs à hauteur de 113 587 euros. Votre Rapporteure relève que les restes à payer ont nettement diminué puisqu’ils atteignaient 423 020 euros en 2018. Ces décalages comptables ne sont pas critiquables en tant que tels lorsqu’ils traduisent des engagements pluriannuels ; toutefois votre Rapporteure observe que les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) sont structurellement de niveaux identiques, montrant bien que ces reports relèvent d’abord de difficultés d’exécution. Il est primordial d’assurer une meilleure coordination des AE et des CP et surtout d’éviter que des engagements non prévus pèsent en cours d’année sur l’exécution de l’année suivante.

En application des nouvelles règles relatives à la comptabilité publique ([6]), les projets annuels de performances ne comportent plus de comptabilité d’analyse des coûts qui permettait notamment d’identifier les crédits participant indirectement à la mise en œuvre de la politique visée. Le PLF 2018 faisait par exemple état d’un abondement de plus de 27 millions d’euros au profit du programme 137 en provenance d’autres programmes de la mission Solidarité. Ces financements indirects couvraient en particulier les dépenses de personnel tant au niveau national que déconcentré, étant précisé que les agents de la direction générale de la cohésion sociale et de ses services déconcentrés participent à la mise en œuvre de l’ensemble des actions relevant de la mission Solidarité. Il convient de s’assurer que ces moyens seront bien maintenus dans l’exécution du budget 2019, le programme 137 ne disposant en effet en propre d’aucun crédit de titre 2.

Votre Rapporteure s’inquiétait tout particulièrement de la nouvelle baisse des effectifs relevant de la mission Solidarité. En 2018, la mission avait en effet perdu 258 équivalents temps plein (ETP) ; en 2019, la mission supporte un effort supplémentaire de 454 ETP. Selon les informations transmises à votre Rapporteure, cette baisse sera sans conséquence sur le SDFE dont les effectifs sont maintenus au même niveau que 2018.

Si le programme 137 retrace les actions participant le plus directement à l’égalité entre les femmes et les hommes, d’autres programmes participent indirectement à cette politique.

Le document de politique transversale sur la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes permet de disposer d’une vision d’ensemble et de s’assurer de la pérennité des dispositifs existant les années antérieures. Votre Rapporteure note cependant qu’il n’est pas encore publié au moment de l’examen de ces crédits par la Délégation alors même qu’il permettrait d’éclairer utilement les débats.

Enfin, au‑delà des crédits étatiques affectés à l’égalité entre les femmes et les hommes, toutes les personnes entendues par votre Rapporteure ont fait état d’une contraction de toutes les ressources disponibles – qu’elles soient publiques ou privées –, décuplant l’effet de toute réduction, même minime des subventions étatiques.

Une architecture budgétaire rénovée

Soucieux d’améliorer la lisibilité et la cohérence des actions du programme, le PLF 2019 procède à une modernisation de son architecture. Cette évolution apparaît utile mais gagnerait à être complétée d’un meilleur suivi des crédits d’intervention.

Un programme structuré autour de trois actions

Le PLF 2019 modifie substantiellement l’architecture budgétaire en regroupant des actions comme le détaille le tableau ci‑après.

Répartition des actions du programme 137

LFI 2018

PLF 2019

Action 11 : Actions et expérimentations pour la culture de l’égalité et en faveur de l’égalité professionnelle, politique et sociale

Action 21 : politiques publiques – accès au droit

Action 12 : promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes

Action 22 : partenariats et innovations

Action 13 : soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes

Action 23 : soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes

Action 14 : actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes

 

Action 15 : prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains

 

Il convient de rappeler que la répartition par actions est strictement indicative, les crédits étant fongibles en exécution au sein du programme. Cette nouvelle répartition devrait donc être neutre en termes d’exécution ; elle doit en revanche permettre une meilleure lisibilité des actions engagées et surtout faciliter des mutualisations ou des regroupements.

Le projet annuel de performances indique que le regroupement en trois actions traduit une volonté de « pilotage renouvelé ». Il est positif que la notion d’accès au droit soit mise en valeur à condition de maintenir un double prisme dans l’analyse et la conduite des actions :

       un objectif d’information et d’accès à l’ensemble des droits, cela passant notamment par l’existence de lieu d’accueil et d’information à destination de tous les publics, des femmes mais aussi des hommes ;

       un objectif de lutte contre les violences dans toutes leurs formes, y compris la prostitution qui ne doit pas être combattue sous le seul angle du démantèlement des réseaux mais aussi en protégeant les femmes qui en sont les premières victimes.

Votre Rapporteure rappelle ici son attachement indéfectible à la lutte contre toutes les formes de violence mais souligne que ce combat ne portera pleinement ses fruits que si nous parvenons collectivement à lutter contre les inégalités et à promouvoir une société plus égalitaire et, partant, plus pacifiée. Ces deux logiques doivent en permanence se soutenir et permettre une réponse immédiate à des phénomènes conjoncturels et porter des initiatives plus structurelles.

Renforcer les outils de suivi et d’identification des partenaires

Le projet annuel de performances du programme 137 identifie plusieurs associations bénéficiant de crédits d’intervention. Le changement de présentation rend cependant le suivi de ces crédits difficile entre 2018 et 2019. Le tableau suivant récapitule les données présentes dans les documents budgétaires.

Répartition des crédits d’intervention du programme 137

(en millions d’euros)

 

PLF 2018

PLF 2019

Action 21

Établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF)

2,8

2,8

Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF)

4,4

4,4

Fédération nationale des CIDFF et la Confédération nationale du planning familial

 

1,6

Associations nationales de promotion des droits, de la prévention et de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes

2,3

 

Actions dans le champ du sport et de la culture

 

2

Égalité dans la vie politique sociale culturelle et sportive

0,6

 

Accueil de jour

3,6

3,6

Lieux d’écoute d’accueil et d’orientation des femmes victimes de violence

1

1

Référents départementaux pour les femmes victimes de violences au sein du couple

2,1

1,3

Associations locales chargées d’accompagner les personnes en situation de prostitution

2,1

2,1

Expérimentations et évaluations

1

 

Expérimentations locales

0,5

 

39 19 et associations nationales prévention et lutte contre les violences sexistes et sexuelles

 

1,5

39 19

1,5

 

têtes de réseau - prostitution

0,5

 

AFIS

2,4

2

Action 22

Mixité professionnelle entre les femmes et les hommes et à l’entrepreneuriat des femmes.

2,1

2,2

Autres subventions pour la promotion de l’égalité professionnelle

0,2

 

Bureaux d’accompagnement individualisé vers l’emploi (BAIE) ou des services Emploi portés par les CIDFF

0,8

0,8

Projets innovants

 

2,1

Partenariats territoriaux en faveur d’une culture de l’égalité et de prévention des stéréotypes sexistes et sexuels

 

0,8

Source : projets annuels de performance 2018 et 2019.

Le changement de périmètre des enveloppes de chaque sous-action empêche un suivi fin. Votre Rapporteure appelle de ses vœux une stabilisation des périmètres et surtout souhaiterait que le PAP comporte un recensement exhaustif de toutes les associations recevant des crédits émanant du programme 137. Cet effort de transparence vis-à-vis du Parlement serait également un instrument précieux pour les structures recevant ces fonds qui disposeraient d’une meilleure lisibilité de l’action publique. Cela ne préjugerait en rien des répartitions locales qui pourraient ensuite être faites mais éclairerait au moins les têtes de réseau.

Recommandation n° 2 : établir une liste exhaustive de toutes les structures bénéficiant crédits d’intervention du programme 137 et l’actualiser dans chaque projet annuel de performances.


Le suivi et le pilotage de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes

La politique d’égalité entre les femmes et les hommes s’articule autour de deux logiques complémentaires et retracées budgétairement de façon très différente : d’une part, une logique généraliste qui vise à ce que l’ensemble des acteurs et des politiques publiques s’approprient quotidiennement ces enjeux et les déclinent dans toutes leurs actions et, d’autre part, des actions spécifiques, notamment en matière de lutte contre les violences et qui relèvent particulièrement du programme 137. Votre Rapporteure a souhaité s’interroger sur les outils de pilotage et d’évaluation de cette politique d’égalité. Il apparaît que les indicateurs et les leviers diffèrent selon l’axe d’action considéré. Il n’en reste pas moins qu’un effort de coordination et de mise en cohérence apparaît indispensable, le développement de budgets sensibles au genre devant faciliter une telle évolution.

Des outils de pilotage perfectibles

Les indicateurs proposés pour le programme 137 apparaissent peu pertinents à votre Rapporteure qui regrette par ailleurs de ne disposer d’aucun outil d’appréhension globale des enjeux d’égalité.

Des indicateurs de performance peu pertinents

Le programme 137 comporte quatre indicateurs de performance :

       le taux d’appel traité par la permanence téléphonique de référence, c’est-à-dire le 3919. L’indicateur mesure le nombre d’appels traités par rapport au nombre d’appels passés ;

       l’accompagnement offert par les CIDFF. L’indicateur est calculé à partir du nombre de personnes reçues individuellement par les juristes des centres ;

       le montant des crédits du fonds social européen (FSE) mobilisés pour un euro investi sur le programme 137 ;

       le développement de la culture de l’égalité. L’indicateur recensant le nombre de personnes formées ou sensibilisées à la culture de l’égalité au sein du réseau déconcentré du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes de la direction générale de la cohésion sociale.

Les deux premiers indicateurs, s’ils présentent une certaine fiabilité quantitative, apparaissent très insuffisants car ils ne donnent qu’une vision figée de la situation et ne prennent nullement en compte ni l’évolution du contexte ni la nature des besoins exprimés. Par ailleurs, il semble difficile de dépasser un certain seuil en la matière, sauf à ce que le premier contact ne devienne plus qu’une solution d’orientation.

Pour ce qui concerne le FSE, votre Rapporteure relève que très peu d’associations ou structures y ont recours pour deux raisons principales : la complexité et la technicité des dossiers de demande et surtout le décalage dans le temps. Les fonds étant versés avec un délai d’au moins deux ans par rapport au lancement de l’initiative, il faut que les structures disposent d’une trésorerie particulièrement solide pour financer l’opération dans cet intervalle. Or la plupart – voire l’intégralité - des structures intervenant dans le domaine de l’égalité ne disposent pas de telles ressources.

Enfin concernant le développement de la culture de l’égalité, votre Rapporteure rejoint l’objectif affiché en matière de formation interne des agents du réseau. Il est en effet primordial d’accentuer l’effort en matière de formation initiale et continue et cette logique ne devrait pas seulement s’appliquer au réseau du service des droits des femmes mais à l’ensemble des agents publics. Pour autant et pour utile que pourrait être cette donnée, elle n’est que peu indicative du développement d’une culture de l’égalité.

Votre Rapporteure souhaite donc qu’une réflexion structurelle soit engagée en matière d’élaboration des indicateurs de performance, en lien avec la nécessité de construire des outils globaux de pilotage de la politique d’égalité. Il faut certes disposer d’outils de suivi des actions spécifiques du programme 137 mais ils doivent être articulés avec des objectifs d’ensemble et surtout permettre une approche plus qualitative des actions menées.

Recommandation n° 3 : élaborer des indicateurs de performance plus qualitatifs pour le programme 137, en lien avec l’appréhension globale des enjeux d’égalité.

Les enjeux de répartition territoriale des crédits

Lors de ses auditions, plusieurs personnes se sont interrogées sur les modalités de répartition territoriale des crédits du programme 137.

● Le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration ([7]) et sa circulaire d’application du 18 novembre 2015 ont rappelé que la programmation et la répartition des crédits s’effectuent dans le cadre des dialogues de gestion. Il appartient aux secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR), accompagnés des directions régionales et des délégations départementales aux droits des femmes et à l’égalité de présenter aux partenaires la stratégie nationale et d’arrêter un nombre limité d’objectifs à atteindre « à l’aune d’un diagnostic des forces et faiblesses des territoires élaboré par le réseau » ([8]).


La programmation des crédits régionaux s’inscrit dans le cadre des orientations stratégiques du programme et celles de la stratégie régionale qui tient compte de la mise en œuvre locale des plans et conventions interministérielles qui les déclinent. Dans le travail préparatoire au dialogue de gestion, l’équipe régionale évalue les besoins en matière de crédits pour s’inscrire dans la stratégie retenue, sur la base des crédits pré-notifiés l’année précédente. Les crédits sont répartis entre chaque dispositif, ou actions, selon des critères qui privilégient :

       la professionnalisation des associations dont l’action est structurante via la conclusion de conventions pluriannuelles d’objectifs, d’une durée de trois ans, éventuellement renouvelables ;

       le principe d’effet levier avec une recherche systématique de cofinancements ;

       le principe de l’amorce, favorisant les actions nouvelles, soit une subvention d’un an, éventuellement reconductible une fois ;

       les actions financées doivent faire l’objet d’une évaluation au terme de leur réalisation.

En cours de gestion, des remontées d’information sur la consommation des crédits sont effectuées via un outil développé par le SDFE agrégeant des données plus détaillées que ne le permettrait le référentiel CHORUS. Il prend notamment en compte les co‑financements, le nombre de bénéficiaires, le lieu de mise en œuvre…

● Au‑delà de cette procédure ordinaire, des actions de rééquilibrage ont été engagées, au premier rang desquelles la réforme du maillage territorial des EICCF. Jusqu’en 2017 l’allocation des subventions aux EICCF était fondée sur le seul critère historique de la présence sur le territoire concerné alors même que les études sur le sujet faisaient apparaître des disparités très marquées dans ladite répartition et donc de la couverture des besoins. Afin de rompre avec une reproduction à l’identique des crédits alloués, il a été acté en lien avec les têtes de réseau qui ont été associées à la réforme, de modifier la répartition régionale des crédits des EICCF dès 2017.

Cette répartition continuera d’évoluer jusqu’en 2027 en vue de combler chaque année de 1/10e l’écart par rapport à un scénario-cible fondé sur des indicateurs des besoins auxquels les EICCF répondent. Sont intégrés parmi les critères la part des jeunes de 12 à 24 ans dans la population locale ainsi que le nombre de nouvelles affaires soumises aux juges aux affaires familiales des juridictions locales.

Il reviendra à l’échelon régional de déterminer la meilleure imputation des crédits, il leur est néanmoins conseillé de ne pas émietter les financements, de rechercher une répartition géographique équilibrée des services rendus par les EICCF et de privilégier les structures fonctionnant bien afin d’obtenir un maillage territorial efficient. Les régions jusqu’alors sous dotées en EICCF se verront attribuer des enveloppes budgétaires plus importantes ; il appartiendra aux délégués régionaux d’approcher les structures susceptibles de porter de nouveaux EICCF, en vue de couvrir de façon optimale le territoire.

● Le programme 137 prévoit par ailleurs des crédits pour soutenir des expérimentations locales. En 2018, 22 départements dans 8 régions (Bretagne, Grand Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, PACA, Guadeloupe, Martinique) ont bénéficié de crédits supplémentaires pour le lancement d’expérimentations « bons taxis », correspondant aux demandes formulées au profit des projets présentés lors des dialogues de gestion par les équipes territoriales aux droits des femmes. Les expérimentations « missions locales » ont été en revanche suspendues, compte tenu notamment de l’évolution à court terme de ces structures dans le cadre de la réforme de l’insertion professionnelle. Les crédits non utilisés ont été redéployés sur des actions liées aux violences sexistes et sexuelles.

Un besoin d’appréhension globale des enjeux d’égalité

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2018, la Rapporteure de la Délégation, Mme Fiona Lazaar, déplorait que le comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes créé en mars 1982 ne se réunisse pas suffisamment. Votre Rapporteure se réjouit que le Gouvernement ait relancé une dynamique interministérielle et salue l’engagement de la Secrétaire d’État en la matière. Comme l’a rappelé le directeur général de la cohésion sociale lors de son audition par la Délégation ([9]), le comité interministériel s’est réuni le 8 mars dernier et le Premier ministre a notamment insisté sur la nécessité de « transmettre et diffuser la culture de l’égalité ».

Le signal envoyé est déterminant et permet d’enclencher une dynamique en faveur d’une approche intégrée de l’égalité. Pour prendre la mesure des efforts accomplis par l’ensemble des ministères, il est toutefois nécessaire de disposer d’un document récapitulatif qui recense les initiatives prises en ce sens et les crédits qui y sont consacrés. Le document de politique transversale relatif à la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes ([10]) devrait assurer cette information du Parlement. Toutefois, comme en 2017, ce document n’était pas disponible au moment de l’examen du présent rapport par la Délégation. Le directeur général de la cohésion sociale a rappelé les contraintes de constitution d’un tel document lors de son audition par votre Délégation.


Sans méconnaître ces difficultés, votre Rapporteure ne peut que regretter vivement ce retard et ce d’autant plus que ce problème avait été déjà formellement identifié l’année dernière. Elle reprend donc pleinement à son compte la recommandation formulée en 2017 par Mme Lazaar.

Recommandation n° 4 : améliorer l’information du Parlement en matière budgétaire, en instaurant un délai de publication des documents de politique transversale au plus tard vingt jours après l’adoption du projet de loi de finances en Conseil des ministres.

Le SDFE a cependant pu adresser à votre Rapporteure, en avance de la publication officielle du DPT, les éléments principaux qui y figureront.

Le document de politique transversale de 2018 listait 32 programmes participant à cette politique d’égalité pour un montant total de 423,6 millions d’euros. Les actions s’organisent autour de six axes : construire la culture de l’égalité des sexes dès le plus jeune âge, agir contre la pauvreté et l’exclusion sociale, lever les obstacles à l’égalité professionnelle effective, réduire les inégalités entre les femmes et les hommes en matière de santé, combattre les violences faites aux femmes, protéger les victimes et prévenir la récidive, affirmer la diplomatie des droits des femmes au niveau international. À chaque programme sont associés des indicateurs de performance mais qui restent centrés sur la mesure spécifique et qui ne permettent pas de mesurer l’effet d’ensemble.

Pour 2019, le DPT fait état de 33 programmes impliqués pour un engagement total de 544 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 458 millions d’euros en crédits de paiement.

Votre Rapporteure considère que ce recensement, s’il constitue une base de travail indispensable, ne suffit pas à un pilotage pertinent de la politique d’égalité. Il faut pour cela agir sur la gouvernance et sur les outils de suivi.

● Il convient tout d’abord d’améliorer la gouvernance d’ensemble. La mobilisation du comité interministériel est en cela extrêmement positive. Il convient désormais de décliner cette logique nationale à tous les échelons et systématiser une approche transversale. Durant ses auditions, elle a en effet été frappée par l’insuffisante coordination des initiatives et par le manque de visibilité des dispositifs. Si les délégués régionaux et départementaux aux droits des femmes sont les principaux relais, ils ne peuvent seuls assurer une bonne information de tous les partenaires. Il serait contre-productif de demander au service des droits des femmes de développer de nouveaux outils pour y répondre ; c’est à chaque administration, à l’échelon national comme déconcentré, de s’approprier cet enjeu. Comme cela se fait pour les études d’impact, il pourrait être envisagé que chaque responsable de programme rende compte des mesures prises pendant l’année pour contribuer à la politique d’égalité entre les femmes et les hommes. Votre Rapporteure relève par ailleurs qu’il conviendrait de mieux diffuser le guide méthodologique sur la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les études d’impact ([11]). Il ne s’agit pas de nouvelles dépenses mais plus d’une invitation soutenue à s’engager dans cette démarche et à la décliner au quotidien ;

● Il est ensuite nécessaire de développer des indicateurs de long terme permettant de nourrir une analyse qualitative sur la politique d’égalité. Les travaux conduits par le programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE) développé conjointement par l’OFCE et Sciences Po, pourraient utilement servir de référentiel en la matière. Ils éclairent de façon particulièrement pertinente la décision publique.

Il appartient aux services de l’État et notamment à l’INSEE de constituer des bases de données quantitatives. Pour ce faire la collecte de données genrées devrait être systématisée par l’INSEE. Interrogé par votre Rapporteure, l’institut indique par exemple « le sexe est une caractéristique des individus qui est facilement observable et systématiquement renseignée » mais pour autant dans son analyse des politiques fiscales et sociales, « il n’y a pas de dimension sexuée dans [les] analyses, qui privilégient plutôt le niveau de vie et le type de ménage ». « En 2014, l’Insee a certes mis à disposition du ministère des Droits des femmes de façon exceptionnelle son infrastructure de collecte d’enquête de conjoncture auprès des ménages pour réaliser un module sur les rôles et les stéréotypes de genre qui peut s’apparenter à une enquête sur les valeurs. Néanmoins, l’Insee n’a agi qu’en tant que maître d’œuvre, et les résultats ont été exploités exclusivement par le biais de travaux de recherche et non en tant qu’enquête de la statistique publique. Il n’est pas envisagé que l’Insee reconduise ce type de travaux, il n’a de toute façon plus les moyens de réaliser en tant que maître d’œuvre des enquêtes ne relevant pas de la statistique publique ».

Au‑delà des enjeux quantitatifs, il convient de procéder à une analyse qualitative de ces données, exercice qui relève principalement de la compétence de laboratoires de recherche étatique ou universitaire. Les appels à projets lancés par certains services statistiques ministériels participent de cette logique mais restent encore trop peu nombreux.

Votre Rapporteure rappelle ici que, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, elle avait préconisé la création d’un observatoire de la parité chargé du suivi de la mise en œuvre de la parité dans le monde politique, professionnel ou social ([12]). Elle estime que cet observatoire est plus que jamais nécessaire et son champ pourrait être étendu à l’ensemble des enjeux d’égalité. Il pourrait utilement être placé auprès du Parlement et s’appuyer sur les laboratoires de recherche précités. Il viendrait en cela compléter les travaux et le suivi déjà effectué, notamment par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes.

Recommandation n° 5 : instituer auprès du Parlement un observatoire de l’égalité chargé de suivre les politiques de l’égalité dans leur ensemble de façon quantitative et qualitative.

Votre Rapporteure rejoint enfin la proposition formulée par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) qui vise à généraliser le principe de l’éga-conditionnalité c’est-à-dire « le conditionnement des financements publics à l’égalite femmes-hommes ». Le rapport de 2014 sur la lutte contre les stéréotypes du HCEfh ([13]) recommandait de conditionner l’accès aux marchés publics au respect de l’égalité femmes-hommes et à la mise en place d’actions la favorisant. Dans sa note pratique de juillet 2016, le HCEfh propose de compléter ce dispositif et « d’introduire des indicateurs d’égalité femmes-hommes dans les COP [conventions d’objectifs et de performances] liant les opérateurs et l’État » ([14]).

L’expérimentation d’un budget sensible au genre

Les outils transversaux de pilotage devraient être mis en place dans le cadre d’un développement de la budgétisation sensible au genre. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, dont la Délégation avait été saisie, le Gouvernement avait en effet annoncé la mise en place d’une mission portant sur la budgétisation sensible au genre (ou gender budgeting). Le projet annuel de performance de 2018 précisait que cette mission a pour objet de garantir des « budgets intégrant l’égalité entre les femmes et les hommes, comme y procèdent déjà plusieurs pays européens ».

La rapporteure de la Délégation en 2017 avait soutenu cette initiative et l’expérimentation prévue dans un premier temps au sein de ministère de l’agriculture. Elle avait formulé la recommandation suivante :

Recommandation formulée par Mme Fiona Lazaar sur le projet de loi de finances pour 2018 : progresser en matière de budgets intégrant l’égalité femmes-hommes :

– développer le recueil d’informations sexo-spécifiques dans l’ensemble des champs des politiques publiques, afin de permettre le développement de la budgétisation sensible au genre dans chacun des ministères ;

– établir une feuille de route précise pour accompagner le développement de cette expérimentation de budgets sensibles au genre.

Par ailleurs, dans le cadre de l’examen du projet de loi constitutionnelle, la Délégation avait réitéré sa demande de progresser en matière de budgets intégrant l’égalité entre les femmes et les hommes avec la recommandation ci‑après.

Recommandation formulée par Mme MariePierre Rixain sur le projet de loi constitutionnelle : progresser en matière de budgets intégrant l’égalité femmes-hommes :

– développer le recueil d’informations sexo-spécifiques dans l’ensemble des champs des politiques publiques, afin de permettre le développement de la budgétisation sensible au genre dans chacun des ministères ;

– établir une feuille de route précise pour accompagner le développement de cette expérimentation de budgets sensibles au genre ;

 réfléchir à une adaptation de nos procédures budgétaires pour garantir une bonne intégration des enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes dans chacune d’entre elles.

Qu’est-ce qu’un budget sensible au genre ?

Le gender budgeting est l’un des principaux instruments du gender mainstreaming (ou approche intégrée de l’égalité) qui consiste à prendre en compte les enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, à tous les niveaux et par tous les acteurs impliqués dans la mise en place des politiques publiques. Le Conseil de l’Europe définit le gender budgeting comme « une application de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire. Cela implique une évaluation des budgets existants avec une perspective de genre à tous les niveaux du processus budgétaire ainsi qu’une restructuration des revenus et des dépenses dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes » ([15])

Cette démarche implique une analyse ex ante et une évaluation ex post de chaque politique publique, de chaque dépense publique, afin de comprendre son impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour chaque euro dépensé il s’agit concrètement de s’interroger sur deux aspects :

       cet euro conduit-il à réduire ou à aggraver une inégalité entre les femmes et les hommes ou est-il neutre de ce point de vue ? Quel est l’impact de cet euro sur la situation respective des femmes et des hommes dans le domaine concerné par cette dépense ?

       cet euro profite-t-il aux femmes ? aux hommes ? de manière parfaitement égale ou sinon dans quelle proportion ?

Lors d’une table ronde sur le gender budgeting organisée par la Délégation en septembre 2016 ([16]) rassemblant plusieurs spécialistes de cette question ([17]), le point de vue était unanime : seule cette démarche permet de mesurer précisément l’impact des politiques publiques sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Lorsque l’on analyse les politiques publiques sous l’angle du genre, des inégalités, auparavant invisibles, peuvent en effet apparaître, car les politiques publiques peuvent bénéficier différemment aux hommes et aux femmes.

Plus concrètement, le centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes, dont la présidente a été entendue par votre Rapporteure, a élaboré un guide pratique de la budgétisation sensible au genre ([18]). Le guide élaboré par Paul Daulny développe plusieurs exemples concrets permettant de comprendre en quoi les politiques publiques peuvent manquer de neutralité :

− une aide à la création d’entreprise créée uniquement pour un secteur où le taux de création d’entreprise par les femmes est très faible entraînera une hausse des inégalités entre les femmes et les hommes en termes de création d’entreprise ;

− les budgets « sport » des collectivités territoriales conduisent le plus souvent à subventionner davantage de projets qui profitent aux garçons et aux hommes : par exemple, l’écart entre les subventions données à un club de volley de filles et à un club de volley de garçons peut être de 1 à 10 ; de même les prix attribués pour les compétitions masculines sont souvent plus élevés que ceux pour les compétitions féminines ;

− le principe d’une redevance incitative dans le cadre de la taxe sur les ordures ménagères pourrait être pénalisant pour les femmes à la tête de familles monoparentales et devrait sans doute être corrigé par un mécanisme de variation du poids de la taxe selon la composition de la famille.

 un autre exemple a été donné par l’institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes de Belgique : des campagnes de communication anti‑drogues ont été menées avec des affiches, très dures, représentant des hommes avec des aiguilles. Or, les études sur l’usage de stupéfiants montrent que les femmes consomment plutôt des somnifères, des médicaments avec prescription, beaucoup moins les drogues visées par ces affiches. Cette campagne de communication qui visait l’ensemble des toxicomanes n’a donc pas été efficace, car elle n’a atteint que 50 % de la cible en ne touchant que les hommes.

Il semblerait donc que chaque politique publique peut avoir des impacts différenciés sur les femmes et les hommes, ainsi que des implications en termes d’égalité entre les femmes et les hommes. Seul le développement des méthodologies de mesure de ces possibles effets en amont de l’élaboration de politiques publiques et de leur budgétisation (dans une logique de gender budgeting) permettrait de corriger ces mécanismes inégalitaires.

Une mise en œuvre avancée de la budgétisation sensible au genre en Belgique

La Belgique a adopté, dès janvier 2007, une loi visant à intégrer la dimension du genre dans l’ensemble des politiques fédérales. L’article 2 de la loi dispose que le Gouvernement veille à « l’intégration de la dimension de genre dans l’ensemble des politiques, mesures, préparations de budgets ou actions qu’il prend et cela, en vue d’éviter ou de corriger d’éventuelles inégalités entre les femmes et les hommes ».

L’intégration de la dimension du genre est ainsi généralisée, y compris dans les matières budgétaires. Par la suite, une circulaire spécifique relative au gender budgeting a été adoptée en 2010 afin d’expliquer les principaux concepts, procédures et méthodes à suivre pour appliquer le gender budgeting et l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes de Belgique garantit l’uniformité de l’application de ce processus.

A ainsi été développée une méthode de catégorisation de toutes les actions des politiques publiques pour lesquelles les crédits sont demandés dans le cadre du budget fédéral. Cela permet de rendre visible les enjeux d’égalité contenus dans les politiques publiques et d’intégrer ensuite ces analyses dans les projets de loi de finances. En outre, un important travail de pédagogie et de formation de l’ensemble des acteurs aux principes, méthodes et outils du gender budgeting a été mis en place.

Depuis 2010, le gender budgeting fait l’objet d’un suivi très précis par l’institut pour l’égalité des femmes et des hommes de Belgique (1). Ce suivi a permis de montrer l’efficacité de cette méthode qui, par une analyse de genre, permet également de mesurer l’efficacité de chacune des actions publiques. Le suivi permet aujourd’hui de repérer les services modèles qui appliquent très bien ces procédures et les services pour lesquels une formation complémentaire est nécessaire.

(1) On se reportera avec profit au site de l’institut et notamment à la page consacrée au gender budgeting : https://igvm-iefh.belgium.be/fr/activites/gender_mainstreaming/application/gender_budgeting.

Cette démarche de gender mainstreaming et de gender budgeting a été mise en valeur par la quatrième Conférence mondiale sur les femmes en 1995 à Pékin et elle est aujourd’hui appliquée dans la majeure partie des organisations internationales (ONU, Union européenne, Conseil de l’Europe). Par exemple, l’OCDE a mis en place un système de trois marqueurs « genre » qui permettent de mieux appréhender les questions d’égalité femmes-hommes (marqueur 0 : le programme ne prend pas en compte la dimension de genre ; marqueur 1 : il prend en compte cette dimension qui n’est toutefois pas un objectif principal ; marqueur 2 : l’égalité des sexes est l’objectif principal du programme).

Les budgets sensibles au genre en France

Comme le rappelle le DPT auquel votre Rapporteure a pu avoir accès, la France souscrit à l’approche dite « intégrée » telle que rappelé à l’article 1er de la loi du 4 août 2014 ([19]) qui dispose que « l’État, les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée » associant la prise en compte transversale des enjeux de l’égalité dans toutes les politiques publiques et des mesures spécifiques. Cette démarche « intégrée » se décline par :

       une approche transversale, c’est-à-dire couvrant toutes les politiques publiques, dans la phase de conception comme dans la mise en œuvre ;

       une approche spécifique, c’est-à-dire, tenant compte des inégalités réelles, pour mettre en place des mesures positives en faveur des femmes.

En France, plusieurs collectivités ont développé des initiatives pour faire progresser l’égalité femmes-hommes sur leur territoire, selon Paul Daulny elles ne sont aujourd’hui que trois à emprunter la voie de la budgétisation sensible au genre : les villes de Paris, Montreuil et Bordeaux. Le guide qu’il a rédigé rappelle les dispositions de la loi du 4 août 2014 et incite les collectivités territoriales à aller dans la direction d’une budgétisation sensible au genre, notamment avec le dispositif prévoyant dans certaines collectivités territoriales la présentation d’un rapport sur l’égalité femmes-hommes préalablement aux débats sur le projet de budget ([20]).

Lors de son audition par la Délégation, le directeur général de la cohésion sociale a rappelé l’intérêt d’une telle démarche permettant de mesurer l’impact de toute politique sur l’égalité ([21]). L’étude réalisée sur la prime d’activité a par exemple permis de vérifier si ce dispositif avait effectivement un effet sur la précarité de certaines femmes. Le rapport d’évaluation confirme que les femmes à temps partiel ou avec un niveau de rémunération plus faible ont bien profité de cette mesure.

De façon plus globale, le comité interministériel du 8 mars 2018 a décidé de « développer une approche intégrée de l’égalité dans le fonctionnement de l’État », ce qui suppose « d’expérimenter puis [de] généraliser le principe “ budget intégrant l’égalité ˮ dans toutes les administrations, pour faire des financements publics un levier de promotion des droits des femmes et de l’égalité femmes/hommes » ([22]).

L’expérimentation a été lancée le 25 mai 2018 lors d’une réunion pilotée par le SDFE et la direction du budget. À cette expérimentation participent, sur base du volontariat :

       le ministère de l’Agriculture et de l’alimentation pour le programme 143 « Enseignement technique agricole » ;

       le ministère des Solidarités et de la santé pour le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » ;

       le ministère de la Culture pour les programmes 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » et 131 « Création » ;

       le ministère de la Cohésion des territoires pour le programme 147 « Politique de la ville » ;

       le secrétariat d’État chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations pour le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ».

En juillet, le centre Hubertine Auclert, a été invité afin de partager son expérience et à accompagner les ministères dans cette expérimentation. Un outil collaboratif a été créé par le SDFE afin de partager les documents et les informations à ce sujet. En termes de méthode, il est demandé dans un premier temps à chaque ministère de travailler autour d’une seule action et d’identifier :

       les dépenses neutres sur l’égalité ;

       les dépenses visant directement la réduction des inégalités ;

       les dépenses qui peuvent avoir un effet indirect, positif ou négatif, sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Votre Rapporteure soutient cette démarche et souhaite qu’elle fasse l’objet d’un suivi particulièrement attentif pour pouvoir être généralisée dans les meilleurs délais. Il importe également que l’exigence d’évaluation quantitative ne prenne pas une place excessive ni ne mobilise trop de personnels. Il convient par ailleurs de disposer d’une étude qualitative rigoureuse, notamment en associant des chercheurs qui disposent d’une expérience en la matière. L’observatoire de l’égalité qu’elle propose (recommandation n° 6) pourrait être un point d’appui utile sur ce projet.

Recommandation n° 6 : associer l’observatoire de l’égalité à l’expérimentation de la budgétisation sensible au genre.


Les actions du programme 137

S’ils ne représentent qu’une part faible de l’effort général en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, les crédits du programme 137 revêtent une importance forte en raison de la spécificité des actions qu’ils portent qui doivent avoir un effet de levier plus général. Votre Rapporteure a choisi de mettre l’accent sur trois enjeux du programme : le développement de la logique d’appel à projets, les actions de prévention et d’accueil des victimes et l’accès aux droits.

Les actions de prévention et d’accueil des victimes

Dans le cadre de la grande cause du quinquennat, le secrétariat d’État a mis l’accent en 2018 sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Il était déterminant d’accorder à ce combat une telle visibilité pour qu’enfin ces comportements inacceptables cessent et que leurs auteurs soient sanctionnés. Votre Rapporteure souligne l’importance de l’accueil et de l’accompagnement spécifique des victimes. Le développement de campagnes d’information et de sensibilisation va nécessairement induire une hausse des signalements ; il convient d’en assurer un suivi spécialisé adapté et donc d’anticiper les besoins de deuxième niveau.

Par ailleurs s’il est indispensable d’intervenir pour accompagner les victimes, il faut, en parallèle, agir en amont et prévenir la survenance des violences. Ce travail de long terme, structurel, est une condition indispensable à l’émergence d’une société plus égalitaire et, partant, moins violente.

La préservation des crédits

Les lieux d’information sur les droits sont souvent des points d’entrée particulièrement utiles pour libérer la parole des victimes de violences. Il faut en effet trouver un équilibre pertinent entre les structures généralistes et les spécifiques, tournées vers des besoins particuliers. L’accent a été – à raison - mis sur l’accompagnement des victimes ; il faut replacer cette démarche dans une approche plus globale d’information et d’accueil de tous les publics.

On peut distinguer à ce titre trois niveaux de prise en charge :

       un niveau généraliste d’information sur les droits. Cette mission est exercée, d’une part, par les établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF) qui contribuent, aux côtés des centres de planification familiale, à informer le public et à dispenser les méthodes contraceptives et, d’autre part, par les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ;

       un niveau spécialisé d’accueil de jour, primo‑accueil inconditionnel, en individuel et en collectif. S’y ajoutent des lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation des femmes victimes de violences. Selon les territoires, l’organisation de ces accueils varie et parfois ces mêmes missions peuvent être assurées sur un même lieu et animés en partenariat avec les CIDFF par exemple.

       un accueil téléphonique pour les victimes de violence (le 3919) ou pour disposer d’informations sur les droits sexuels et reproductifs (le 0800 08 11 11).

Les acteurs gérant ces trois niveaux travaillent en étroite collaboration et orientent les personnes vers le niveau qui permettra de répondre le plus efficacement à leurs besoins. Ils ne doivent pas être confondus avec des établissements spécialisés, notamment des établissements médico-sociaux comme les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), dont les financements relèvent d’autres programmes budgétaires. Dans la mesure où la même structure associative peut gérer un accueil de jour, un CHRS et être associée à un CIDFF ou un EICCF, il est cependant difficile d’établir des distinctions aussi catégoriques. Cette apparente mosaïque d’acteurs assure une complémentarité d’action et combine des approches différenciées. Toutefois, d’un point de vue de la gouvernance et du pilotage, cela peut apparaître comme un facteur de complication et empêcher certaines mutualisations.

Votre Rapporteure déplore que la question de l’hébergement et du logement des victimes de violences ne soit pas rattachée ou, a minima, retracée dans le programme 137 ou les documents annexés, considérant qu’il s’agit bien de dispositifs spécifiques qui devraient relever du champ dudit programme.

Votre Rapporteure veut ici relever la qualité de la coopération qui existe entre les différents acteurs qui s’efforcent de répondre au mieux et au plus vite aux besoins des personnes qui les sollicitent. Trois organisations sont particulièrement impliquées dans cette politique : la fédération nationale Solidarité femmes (FNSF) qui gère le 3919 mais aussi la moitié des places en CHRS en métropole ; la fédération nationale des CIDFF et la confédération nationale du planning familial. Participent aussi activement à l’accueil des victimes et aux accueils de jour notamment le comité féministe contre le viol (CFCV) et l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT).

Les crédits alloués à ces structures sont stables en 2019, les montants de 2018 étant reconduits exactement au même niveau. Toutefois, trois principaux points d’attention ont été signalés à votre Rapporteure :

       les crédits versés au titre du programme 137 ne couvrent pas l’intégralité des besoins. La logique de cofinancement, si elle comporte des vertus, atteint ses limites en raison de la contraction des autres ressources qu’elles soient publiques ou privées. Les structures doivent désormais consacrer un temps important à la recherche de financement, temps qui n’est pas consacré à l’accueil des personnes. Sans disposer d’un recensement exhaustif, votre Rapporteure estime qu’en moyenne la recherche de financement mobilise entre 30 et 40 % du temps d’un permanent. Les crédits étatiques restent par ailleurs souvent trop faibles pour parvenir à obtenir un réel « effet levier » sur d’autres financeurs. Par exemple, 44 CIDFF disposent de moins de 53 000 euros de financement au titre du programme 137 ;

       les moyens sont préservés mais le périmètre des missions est en augmentation. Le décret du 7 mars 2018 ([23]) a rénové le cadre d’intervention des établissements en actualisant leurs missions, leurs modes de financement et leur gouvernance nationale et locale. Tous les territoires doivent par ailleurs être couverts, ce qui suppose d’ouvrir de nouvelles structures et ce à budget constant ;

       le mouvement de libération de la parole a conduit à une hausse importante du nombre de sollicitations. En 2018, la FNSF a obtenu une subvention exceptionnelle de 120 000 euros pour faire face à la hausse prévisible du nombre d’appels au 3919 suite au lancement de la campagne nationale. Cette enveloppe a permis de créer trois équivalents temps pleins supplémentaires qui devront toutefois être pérennisés. Votre Rapporteure se réjouit de cette anticipation mais relève qu’une telle logique devrait aussi s’appliquer aux intervenants de second niveau. Le 3919 est en effet une « porte d’entrée » pour les victimes qui doivent ensuite être accompagnées par une structure spécialisée. Or les crédits de ces dernières restent les mêmes alors que les besoins augmentent. Il conviendrait donc de renforcer les moyens qui leur sont alloués. Enfin, votre Rapporteure souligne que la démultiplication du nombre d’appels n’est pas sans incidence sur les frais téléphoniques de la FNSF et qu’il conviendrait d’intégrer ce surcoût dans l’évolution de sa dotation.

Recommandation n° 7 : renforcer les moyens alloués aux intervenants de second niveau pour mieux accompagner les victimes de violence.

En 2008, une circulaire et un cahier des charges national ont cherché à développer une prise en charge globale et dans la durée des femmes victimes de violences au sein du couple via la création au niveau local, selon les attentes des territoires, de postes de « référents » interlocuteurs uniques et de proximité. Les crédits alloués à ces référents baissent dans le projet de loi finances pour 2019 de 800 000 euros.

Il ressort en effet de la dernière enquête EGACTIV menée par le SDFE en lien avec ses équipes territoriales que 60 postes de référents dans 44 départements bénéficient d’un financement non systématique du programme 137. Ils reçoivent également des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) ainsi que des crédits locaux de la part des collectivités. Par ailleurs, tous les territoires n’ont pas besoin d’un référent départemental dès lors qu’existe un réseau associatif suffisamment dense et couvrant l’ensemble du territoire.

La baisse de crédits ne fait que tirer les conséquences de la situation et ajuste l’enveloppe aux besoins sans que cela ne fragilise en aucune manière la politique d’accueil et d’accompagnement des victimes de violences conjugales.

Les campagnes de communication

Le Président de la République ayant fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat, un plan d’actions sur cinq ans a été élaboré. Il comprend des mesures sur l’égalité entre les femmes et les hommes, des outils et services à disposition des Français, des initiatives en faveur des mobilisations citoyennes, des actions de communication et de sensibilisation. Un site internet rassemble l’ensemble des initiatives et permet de disposer d’une vision d’ensemble : www.grande-cause-quinquennat.gouv.fr. Le service d’information du Gouvernement (SIG) est pour sa part chargé de conduire les actions de communication qui entrent dans ce plan d’actions. Au terme d’une procédure d’appel d’offre, l’agence de communication BETC a été retenue pour accompagner le SIG.

En septembre 2018, a été lancée la campagne « Réagir peut tout changer ». S’adressant au grand public, la campagne cible particulièrement l’entourage des victimes ainsi que les témoins de violences pour appeler à la mobilisation de chacun. Elle incite « aux changements de regard et de comportements de l’ensemble des Français sur les violences faites aux femmes en responsabilisant toute la société » avec trois objectifs :

       faire prendre conscience de l’ampleur des violences (sexistes et sexuelles) subies par les femmes au quotidien et réaffirmer le caractère intolérable et inacceptable de ces actes ;

       mobiliser l’ensemble de la société : nous sommes tous concernés et tous responsables ;

       faire réagir face à tout acte de violence envers les femmes et inciter à l’action.

La campagne est composée de « quatre spots publicitaires hyperréalistes inspirés de nombreux témoignages, où la possibilité d’agir face aux violences sexistes et sexuelles est mise en lumière. […Ils] présentent des mini-fictions allant du sexisme verbal sous couvert d’humour jusqu’aux agressions sexuelles voire au meurtre. Les scènes prennent un autre relief avec les panneaux de fin : deux scénarios s’opposent, celui où les témoins viennent en aide à la personne agressée, celui correspondant à la réalité courante où l’on ne réagit pas encore suffisamment » ([24]).

En complément de ces spots diffusés à la télévision et sur le web du 30 septembre au 14 octobre, des vidéos d’1 minute diffusées sur le web donnent la parole à des personnes qui ont été confrontées à des violences sexistes et sexuelles (victimes, témoins, professionnels, etc.). Ces spots seront rediffusés à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes le 25 novembre prochain.

Parallèlement, une circulaire de septembre 2010 ([25]) permet à des organismes à but non lucratif ou à des collectifs d’associations qui souhaitent organiser des campagnes en lien avec la grande cause nationale de faire appel à la générosité publique et d’obtenir des diffusions gratuites pour leurs messages publicitaires diffusés via France Télévisions et Radio France.

La FNSF a obtenu ce label en 2018 sur la thématique de la lutte contre les violences faites aux femmes. La campagne de l’association est actuellement diffusée en TV du 15 au 28 octobre. Une seconde vague de campagne interviendra du 21 au 25 novembre.

Au plan budgétaire, l’ensemble des actions de communication sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles pilotées par le SIG a représenté un budget de 4 millions d’euros en 2018 :

       1 million d’euros pour la production des vidéos et autres outils de communication ;

       2,9 millions d’euros pour l’achat d’espaces publicitaires ;

       100 000 euros attribués à la FNSF pour l’achat d’espaces publicitaires auxquels s’ajoute l’accompagnement de l’agence médias sur les diffusions gracieuses.

Le projet annuel de performances pour 2019 indique la poursuite d’action de communication avec une campagne grand public sur les violences sexistes et sexuelles et qu’elle sera financée par le service d’information du Gouvernement. Le projet annuel de performances du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » indique que le SIG dispose d’une enveloppe de 8 millions d’euros pour mettre en œuvre les campagnes de communication gouvernementale, communication de crise comprise. Il n’est cependant pas précisé comment ces crédits seront répartis.

Interrogé par votre Rapporteure, le SIG fait valoir que « les thématiques des campagnes de 2019 à 2022 restent à déterminer au regard des sujets qui seront jugés comme prioritaires (égalité professionnelle, éducation, mixité et parité, etc.). Les périmètres budgétaires annuels restent eux aussi à déterminer, ils devront néanmoins permettre de mener des campagnes de publicité grand public » ([26]) .

Votre Rapporteure considère ces campagnes grand public indispensables ; elles participent indubitablement de la diffusion d’une culture de l’égalité et permettent une prise de conscience collective. Elle relève cependant que des progrès pourraient encore être accomplis pour que chaque citoyenne et chaque citoyen s’approprie ces thématiques. Il conviendrait d’associer à ces campagnes une invitation et un support à l’action. La place des réseaux sociaux, notamment auprès des jeunes générations, doit être mieux appréhendée et ils pourraient justement servir de relais efficace à ces sensibilisations. Dans la continuité de la campagne « Réagir peut tout changer », on pourrait parfaitement envisager le développement d’un hasthag comme par exemple « #jeréagis ». Par ailleurs, il est primordial d’ancrer ces actions nationales dans des initiatives de terrain ; il faut que chaque acteur puisse les décliner à son niveau et ainsi leur donner une résonance opérationnelle.

Recommandation n° 8 : diffuser plus largement les campagnes sur les réseaux sociaux et les utiliser pour passer de la sensibilisation à l’action ; décliner sur l’ensemble du territoire les campagnes nationales.

En termes de suivi, votre Rapporteure note que le SIG a prévu « un bilan quantitatif ainsi qu’un posttest qualitatif pour évaluer la performance de cette première vague de campagne ». Elle estime utile de compléter les indicateurs de notoriété habituellement utilisés par des indicateurs mesurant l’intérêt des spectateurs et les passages à l’action ainsi que par des indicateurs mesurant l’impact non verbalisé par les récepteurs. Une telle expérimentation a été menée par le centre de recherche sur les médiations de l’Université de Lorraine, au moyen d’une étude expérimentale de la réception des images médiatiques. Celle-ci permet d’investiguer directement auprès des individus sans avoir à leur demander de verbaliser leurs réactions.

Recommandation n° 9 : évaluer les campagnes de communication sous l’angle de l’intérêt auprès des citoyens et du passage à l’action ainsi que sous l’angle de la réception des images médiatiques.

La lutte contre la prostitution

Comme votre Rapporteure, les personnes auditionnées considèrent comme positive l’intégration des mesures relatives à prévention et à la lutte contre la prostitution et la traite d’êtres humains au sein de la politique plus large de lutte contre les violences et d’accès au droit. C’est l’occasion de rappeler que les personnes prostituées sont les premières victimes de ce système.

La rapporteure spéciale de la commission des finances avait mis l’accent sur cette thématique dans son rapport sur l’exécution budgétaire de 2017 et relevait un fort retard dans le déploiement de la loi de 2016 ([27]). À la fin de l’année 2017, seuls 29 parcours de sortie de la prostitution avaient été autorisés. Selon les informations transmises à votre Rapporteure, au 30 septembre 2018, 113 personnes étaient engagées dans un parcours de sortie de prostitution dont 75 bénéficiaires de l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle (AFIS) ([28]).

Le lent déploiement de ce dispositif – avec la publication tardive des textes d’application, la durée incompressible d’instruction en vue de la délivrance des agréments ou les retards pris dans la constitution des commissions départementales ([29])  – a eu des effets négatifs, les acteurs ayant anticipé une mise en œuvre plus rapide. Plusieurs associations ont ainsi recruté des personnels ou formés à cette mission spécifique leurs personnels. Or les crédits ont été annulés ou revus à la baisse dans le courant de l’année 2017, générant un déficit qui pèse encore aujourd’hui sur la gestion quotidienne des associations.

Votre Rapporteure rejoint l’analyse de Mme Stella Dupont en juin dernier ([30]) et considère qu’il faut, d’une part, rapidement mettre en place toutes les commissions départementales et, d’autre part, accompagner les associations dans la montée en puissance de leur équipe pour assurer une prise en charge effective des personnes sortant de la prostitution. Lors de son audition par votre Rapporteure, le mouvement du Nid a considéré qu’en l’état, les associations locales pourraient difficilement présenter plus de dossiers aux commissions départementales, sauf à renoncer à assurer un suivi de qualité. Il faut en revanche engager dès 2019 des actions de formation et de structuration des réseaux pour réussir à traiter mieux et plus de demandes en 2020.

Pour atteindre cet objectif, votre Rapporteure souhaite que l’ensemble des crédits consacrés à la lutte contre la prostitution soient sanctuarisés et si d’aventure ils n’étaient pas intégralement consommés, ils devraient être réaffectés à la formation et à la structuration du réseau.

Recommandation n° 10 : sanctuariser les crédits consacrés à la lutte contre la prostitution et, en cas de sous-exécution, les réaffecter à des dépenses d’accompagnement, de formation et de structuration des réseaux locaux.

Sur le plan budgétaire, les crédits de l’AFIS sont ramenés à 2,1 millions d’euros en 2019, soit 0,3 million d’euros de moins qu’en 2018. Cette baisse ne soulève pas de difficulté particulière car elle semble correspondre au besoin réel ; il conviendra en revanche de réévaluer ce montant pour l’année à venir si les progrès qu’appelle de ses vœux votre Rapporteure ont bien été réalisés. Il a par ailleurs été confirmé à votre Rapporteure le maintien des subventions versées aux associations tête de réseau, à même hauteur qu’en 2018, soit 0,5 million d’euros.

La promotion de la mixité et de l’égalité

Au‑delà des mesures en faveur de l’accès aux droits, d’accompagnement des victimes et de prévention des violences, le programme 137 porte des actions en faveur de la mixité en général ou permettant de favoriser le développement d’initiatives à tous les niveaux.

La logique d’appel à projets

La logique d’appel à projets repose sur une vision renouvelée de l’action publique : des acteurs nouveaux se manifestent, les besoins évoluent et les progrès technologiques permettent d’envisager de nouveaux services. En 2018, le sujet des violences sexuelles et sexistes au travail s’est imposé dans un contexte où la structuration des réponses est moins mature que dans le champ des autres violences.

L’appel à projet a été lancé au printemps 2018 pour un montant total de 150 000 euros. Il était demandé de présenter un projet national innovant et de décliner ledit projet dans chaque région. Au final, 79 projets ont été déposés :

       dans chaque région, 1 à 7 dossiers sont remontés ;

       au niveau national, 13 dossiers ont été déposés.

L’ensemble des projets reçus ont été instruits par le service des droits des femmes et de l’égalité et ses services déconcentrés, avec le concours de la direction générale du travail, de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle et des DIRECCTE. Les projets ont ensuite été présentés pour avis en comité de sélection national en juillet 2018.

Trois projets au niveau national ont été retenus au lieu d’un seul prévu initialement. Il s’agit des dossiers portés par OPCALIA, le MEDEF, et l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) pour un montant total de 200 000 euros. Au niveau régional, 17 projets ont été retenus par le comité national de sélection.

Les projets choisis sont portés par des structures diverses (taille, moyens, effectif, statut…) afin de proposer des réponses variées et novatrices en faveur de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail.

Si certains projets sont portés par des structures bien identifiées, notamment en raison de leur appartenance à un réseau national, d’autres ont émergé, montrant l’intérêt suscité par l’appel à projets.

Selon le SFDE, ce cadre de conduite de projet « se prête […] bien à appuyer l’amorçage de nouvelles actions et à expérimenter. Cette modalité ne prétend pas se substituer en tout domaine à des cadres plus anciens et mieux adaptés à des dispositifs pérennes ». Votre Rapporteure adhère à cette philosophie : pour certains projets circonscrits, l’appel à projet est pertinent et permet justement de créer une nouvelle dynamique ; il ne saurait en revanche devenir le modèle ordinaire de l’intervention en matière de politique d’égalité.

La promotion de la mixité et de l’égalité professionnelle

En 2018, 2,1 millions étaient consacrés à la mixité professionnelle entre les femmes et les hommes et à l’entrepreneuriat des femmes. Au niveau local, ces crédits permettaient de soutenir la création ou la reprise d’entreprises, notamment dans le cadre d’un accord-cadre avec la Caisse des Dépôts et consignations et deux réseaux bancaires. Au niveau national, ces crédits soutenaient des structures généralistes d’aide à la création. Dans le PLF 2019, ces crédits sont maintenus et permettront de poursuivre les efforts engagés en la matière.

Les crédits alloués aux actions des bureaux d’accompagnement individualisé vers l’emploi (BAIE) ou des services emploi portés par le CIDFF restent constants, à 0,8 million d’euros

Lors de leur audition par votre Rapporteure, les représentantes du SDFE ont rappelé les progrès importants portés par la loi sur la liberté de choisir son orientation professionnelle qui institue un indicateur obligatoire permettant de mesurer les écarts de salaire entre les femmes et les hommes.

Auditionnée par votre Rapporteure, Hélène Périvier, économiste à l’OFCE, a salué cette avancée. Elle a toutefois mis en garde sur une dérive possible : se concentrer sur les écarts « inexplicables » de salaire entre les femmes et les hommes ne doit pas conduire à relâcher l’effort sur les autres éléments qui expliquent que le salaire des femmes soit en moyenne inférieur de 25 % à celui des hommes. Comme le relevait le rapporteur de la Délégation sur le projet de loi, les femmes occupent en effet statistiquement plus d’emplois à temps partiel et, dans chaque profession, sont majoritairement dans les postes les moins bien rémunérés. Il convient donc de poursuivre activement le travail de déconstruction des stéréotypes professionnels pour arriver à une égalité réelle dans le monde du travail.

 


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TRAVAUX DE LA délégation

 

Lors de sa réunion du 30 octobre 2018 sous la présidence de Mme Marie‑Pierre Rixain, la Délégation a adopté le présent rapport et les recommandations présentées supra (page 5).

La vidéo de cette réunion est accessible en ligne sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://assnat.fr/zDQSJz.

 

 

 


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Annexe : liste des personnes auditionnées par la Délégation et la Rapporteure

 

PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION

 Jeudi 25 octobre 2018

– M. Jean‑Philippe Vinquant, directeur général de la cohésion sociale et délégué interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes ;

– Mme Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes,

– Mme Martine Jaubert, cheffe du bureau égalité entre les hommes et les femmes dans la vie personnelle et sociale.

 

La vidéo de cette audition est disponible en ligne sur le site de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, à l’adresse suivante : http://assnat.fr/9hZS1O.

 

PERSONNES ENTENDUES PAR La RAPPORTEURe

● Lundi 22 octobre 2018

– Mme Françoise Brié, directrice générale de la fédération nationale Solidarité femmes (FNSF) ;

– Mme Annie Guilberteau, présidente de la fédération nationale des CIDFF, accompagnée de M. Grégoire Leray, directeur financier ;

– Mme Caroline Rebhi et Mme Véronique Séhier, coprésidentes du Planning familial, accompagnées de Mme Marie-Dominique Pauti, directrice ;

– Mme Marie-Pierre Badré, présidente du centre Hubertine Auclert ;

– Mme Hélène Périvier, économiste, OFCE.

 

● Mardi 23 octobre 2018

– Mme Stella Dupont, députée de Maine-et-Loire, rapporteure spéciale de la commission des finances ;

– Mme Stéphanie Caradec, directrice du mouvement du Nid ;

– Mme Christelle Delarue, PDG de Mad&Women.

● Lundi 29 octobre 2018

– Mme Danièle Bousquet, présidente du HCEfh et Mme Claire Guiraud, secrétaire générale.


([1]) Loi n° 2018‑703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([2]) Loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([3])  S. Dupont, Annexe n° 41 du rapport n° 1055 sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017, 13 juin 2018.

([4]) Audition du 25 octobre 2018 – voir la vidéo.

([5]) Lorsqu’elles font face à un problème de trésorerie de court terme, les associations peuvent bénéficier d’un crédit de court terme de moins d’un an communément appelé Dailly. Le crédit peut consister en une avance totale ou partielle du montant de la subvention ou en un découvert autorisé le temps du versement effectif de la subvention. Il ne s’agit que d’une solution de très court terme et qu’en cas d’annulation de cette subvention, la structure doit trouver un financement plus pérenne et recourir, au besoin, à d’autres formes d’emprunt.

([6]) Décret n° 2018‑803 du 24 septembre 2018 modifiant le décret n° 2012‑1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et autorisant diverses expérimentations.

([7]) Décret n° 2015‑510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration.

([8]) Réponse écrite du SDFE adressée à votre Rapporteure.

([9]) Audition du 25 octobre 2018 – voir la vidéo.

([10]) Les documents de politique transversale sont prévus par l’article 128 modifié de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005. Le document de politique transversale relatif à la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes a été institué par l’article 183 de la loi n° 2008‑1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

([11]) Ministère des droits des femmes, Guide méthodologique : Prendre en compte l’égalité entre les femmes et les hommes dans les études d’impact, octobre 2013 - https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2013/10/2013_Guide-methodologique.pdf [URL consultée le 29 octobre 2018].

 

([12]) Rapport n° 896 du 19 avril 2018.

([13]) HCEfh, Rapport relatif à la lutte contre les stéréotypes - Pour l’égalité femmes-hommes et contre les stéréotypes de sexe, conditionner les financements publics, rapport n° 2014‑10‑20‑STER‑013 publié le 20 octobre 2014, http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_hce-2014-1020-ster-013.pdf [URL consultée le 29 octobre 2018].

([14]) HCEfh, Note pratique : activer l’éga-conditionnalité ou le conditionnement des financements publics à l’égalite femmes-hommes, juillet 2016, http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/IMG/pdf/hce_note_activer_l_ega-conditionnalite_2016_09_15.pdf [URL consultée le 29 octobre 2018].

([15])https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016805e55eb p. 38 [URL consultée le 24 octobre 2018].

([16]) Voir le compte-rendu de la table ronde du 28 septembre 2016.

([17]) Étaient présents M. Jeroen Decuyper, attaché à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes de Belgique, auteur principal du Manuel pour la mise en œuvre du gender budgeting au sein de l’administration fédérale belge, de M. Paul Daulny, chargé de l’accompagnement des collectivités locales et des syndicats au Centre Hubertine Auclert, centre francilien de ressources pour l’égalité femmes-hommes, coauteur de La budgétisation sensible au genre, guide pratique (2015), et de Mme Fanny Benedetti, directrice exécutive du Comité ONU Femmes France.

([18]) Le document est librement téléchargeable à l’adresse : https://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/fichiers/guide-bsg-web.pdf.

([19]) Loi n° 2014‑873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

([20]) Article 61 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

([21]) Audition du 25 octobre 2018 – voir la vidéo.

([22]) https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2018/03/dp_comite_interministeriel_egalite_-_08.03.2018.pdf  

([23]) Décret n° 2018‑169 du 7 mars 2018 relatif aux conditions de fonctionnement des établissements d’information, de consultation ou de conseil familial.

([24]) Contribution écrite transmise à votre Rapporteure par le SIG.

([25]) Circulaire du Premier ministre n° 5493 SG du 20 septembre 2010 relative aux concours des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle aux campagnes d’intérêt général faisant appel à la générosité publique.

([26]) Réponses écrites adressées par le SIG à votre Rapporteure.

([27]) Loi n° 2016‑444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

([28]) Les 113 bénéficiaires se répartissent dans 21 départements : Isère (7), Loire (1), Eure et Loir (1), Bas‑Rhin (3), Meurthe‑et‑Moselle (4), Marne (2), Paris (24), Seine-Saint-Denis (21), Essonne (2), Calvados (2), Charente (2), Dordogne (1), Haute Vienne (4), Vienne (5), Ariège (2), Haute-Garonne (11), Hérault (11), Pyrénées orientales (2), Tarn et Garonne (1), Alpes-Maritimes (4), Loire-Atlantique (3).

([29]) Au 30 septembre 2018, seules 55 commissions départementales étaient installées et seules 21 avaient déjà examiné des dossiers de sorties de prostitution.

([30])  S. Dupont, Annexe n° 41 du rapport n° 1055 sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017, 13 juin 2018.