N° 1447

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2018.

RAPPORT DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux dune mission dinformation constituée le 24 octobre 2017

sur la diplomatie climatique

Co-rapporteurs

M. Bernard DEFLESSELLES et Mme Nicole Le PEIH

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. RÉchauffement climatique : Une situation toujours critique

A. un état des lieux préoccupant

1. L’absolue nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre

a. Après la stagnation un rebond inquiétant des émissions mondiales

i. Répartition par pays des émissions de gaz à effet de serre

ii. Répartition des émissions par secteurs énergétiques

iii. Répartition des émissions par habitant dans le monde

b. Le captage, le stockage et la valorisation du carbone : un pari difficile

2. Un phénomène déstabilisateur source de risques géopolitiques considérables

a. L’impact du réchauffement climatique sur l’Arctique : crise géophysique et tensions géopolitiques

b. Une menace de plus en plus palpable à travers le monde : le cas du souscontinent indien

B. Un contexte international difficile

1. L’annonce du retrait des ÉtatsUnis de l’accord de Paris et le risque d’effet domino

2. Des difficultés dans la gouvernance mondiale de la lutte contre le réchauffement climatique

a. La timide montée en puissance des mécanismes de tarification du carbone

b. Une gouvernance par consensus du Fonds vert pour le climat particulièrement chaotique

II. Réchauffement climatique : après l’alerte, le temps de l’action

A. La Cop24 : un moment diplomatique et politique décisif

1. La ville de Katowice, un choix ambivalent ?

2. Les objectifs ambitieux de la COP24 : rendre l’accord de Paris pleinement opérationnel et rehausser nos ambitions climatiques pour l’avenir

a. Des discussions préparatoires constructives

b. La COP24 : une étape cruciale dans le combat contre le réchauffement climatique

B. L’après cop24 : la nécessité d’une action résolue et ambitieuse

1. La politique des petits pas ne suffit plus

2. La question des financements climat : le nerf de la guerre

a. La question du financement est au cœur des négociations climatiques

b. Premier état des lieux concernant les actions du Fonds vert pour le climat

c. Le One Planet Summit : un cadre informel et multi-acteurs pour répondre aux objectifs de l’accord de Paris

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par LEs RAPPORTEURs


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   introduction

La vingt-quatrième conférence des parties (COP24) à la Convention‑cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) apparaît comme notre dernière chance de concrétiser les engagements pris à l’occasion de la signature de l’accord de Paris, en 2015. C’est un rendez-vous crucial pour le climat, en particulier et pour l’avenir de l’humanité, en général.

Comme l’indiquait récemment, dans un entretien ([1]), Jean Jouzel, climatologue et ancien vice‑président du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : « J’ai longtemps gardé un certain optimisme, je l’ai perdu […] je pense que le réchauffement climatique va rendre impossible un développement harmonieux de nos civilisations. Dans de nombreuses parties du monde, avec des températures estivales audelà de 50 degrés, il ne sera plus possible d’avoir une vie normale ». Le scientifique souligne, par ailleurs, « le risque d’accroissement des conflits » qu’engendre inéluctablement le réchauffement climatique. À ses yeux « ne pas lutter est un facteur de chaos » et il indique trouver « sidérant […] que les dirigeants du monde agissent si peu ».  

Les engagements pris à l’occasion de la signature de l’accord de Paris ne sont pas suffisants. Ils ne représentent que la moitié de ce qu’il faudrait faire pour tenir l’objectif d’un réchauffement limité à 2°C. Cependant la dimension universelle de cet accord, à l’inverse du protocole du Kyoto, constitue d’ores et déjà un succès, chaque Parties devant présenter des contributions chiffrées permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique. L’autre succès de l’accord réside dans sa mécanique même puisqu’il impose aux Parties de revoir à la hausse, à échéances régulières, leurs contributions nationales. Il faut à présent permettre à ce dispositif, imaginé en 2015, de devenir pleinement opérationnel afin que collectivement nous parvenions à réduire nos émissions de gaz à effet de serre et donc à limiter le réchauffement climatique.

L’accord de Paris est entré en vigueur le 4 novembre 2016. Soit trente jours après que le double seuil des 55 pays représentant au moins 55 % des émissions globales de gaz à effet de serre a été dépassé grâce au dépôt des instruments de ratification de l’Union européenne et de sept de ses États membres.

À ce jour, 184 pays représentant 89,38 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ont déposé leurs instruments de ratification. Les pays n’ayant pas encore ratifié l’accord, à cette date, sont : l’Angola, l’Érythrée, l’Iran, l’Irak, le Kirghizstan, le Liban, la Libye, Oman, la Russie, le Soudan du Sud, le Suriname ([2]), la Turquie et le Yémen.

La COP24 à la Convention‑cadre des Nations unies sur les changements climatiques se déroulera, cette année, à Katowice, en Pologne, du 2 au 14 décembre 2018. Cette COP24 représente le rendez-vous international sur les questions climatiques le plus important, depuis la COP21, puisque c’est à cette occasion que les États signataires devraient s’accorder sur les modalités de mise en œuvre de l’accord de Paris. Face à la gravité de la situation climatique, récemment rappelée par le dernier rapport spécial ([3]) du GIEC, il apparaît urgent de rendre l’accord de Paris pleinement opérationnel ainsi que de rehausser nos ambitions climatiques.

Selon le rapport du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions([4]), la mise en œuvre actuelle des contributions nationales déterminées nous conduirait dans le cadre du scénario le plus optimiste à une augmentation des températures de l’ordre de 2,7°C d’ici 2100, et pour le plus pessimiste à une augmentation des températures de l’ordre de 4,53°C ([5]). La somme des actuelles contributions nationales déterminées ne représente que la moitié nécessaire pour éviter de dépasser 2°C  de réchauffement mondial et le tiers des réductions nécessaires qui nous permettrait d’éviter de dépasser 1,5°C.

Une étude internationale ([6]) de la revue Nature Climate Change, parue le 19 novembre 2018, précise les conséquences concrètes et dramatiques que le réchauffement climatique fait peser sur l’humanité, en répertoriant notamment 467 formes d’impacts, ayant une incidence directe sur nos vies quotidiennes (accès à l’eau, alimentation, santé, sécurité…). Dans un monde globalisé et interconnecté, c’est de notre capacité à œuvrer collectivement pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre que dépendra l’avenir de l’humanité tout entière.

Les rapporteurs se félicitent qu’en France, à la différence de l’Australie, du Brésil ou des États-Unis, la question climatique ne soit pas un marqueur idéologique. Le réchauffement climatique est un fait scientifique et non une opinion politique. Cependant, les rapporteurs appellent à la vigilance, à l’heure, où nos émissions nationales marquent pour la première fois, après plusieurs années de stagnation, une progression inquiétante.

Le temps de l’alarme est désormais passé. Il nous faut, à présent, entrer résolument dans le temps de l’action. La COP24 de Katowice doit impérativement nous permettre de rendre l’accord de Paris opérationnel. À l’heure où les événements extrêmes s’intensifient – canicules, incendies, inondations, sécheresse, tempêtes… – il nous apparaît désormais urgent d’agir.

I.   RÉchauffement climatique : Une situation toujours critique

A.   un état des lieux préoccupant

Comme l’indique le dernier rapport spécial du GIEC, l’impact historique des activités humaines sur le réchauffement climatique est estimé à environ 1°C par rapport à l’ère préindustrielle. Ce réchauffement planétaire pourrait atteindre 1,5°C entre 2030 et 2052, si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel. Afin d’œuvrer efficacement contre le dérèglement climatique, il nous faut donc accélérer collectivement la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs économiques.

1.   L’absolue nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre

a.   Après la stagnation un rebond inquiétant des émissions mondiales

i.   Répartition par pays des émissions de gaz à effet de serre

Selon les données publiées par le service statistique du ministère de la transition écologique et solidaire s’agissant de tous les gaz à effet de serre, les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines atteignaient 54 Gt CO2 eq, en 2013.

Concernant les seules émissions mondiales de CO2 – responsables d’environ 75 % du réchauffement global – leur niveau atteignait 35,8 Gt CO2 eq en 2016, ce qui confirmait une stabilisation des émissions pour la troisième année consécutive. Cette stabilisation des émissions mondiales de CO2, observable depuis 2015, constituait un retournement positif par rapport à la tendance des années 2000 où l’on pouvait constater une hausse annuelle de 2,5 % en moyenne. Cependant, comme nous le verrons plus tard, les émissions semblent présentement marquer un rebond inquiétant correspondant notamment à la reprise de la croissance mondiale.  

Selon les données enregistrées en 2016, la Chine reste le premier pays émetteur mondial de CO2 (29,2 %), devant les États-Unis (14 %), l'Union européenne (9,6 %) et l'Inde (7,1 %). Entre 1990 et 2016, les émissions ont progressé de 59,3 %. Sur cette période, les plus gros contributeurs sont la Chine (+350 %, soit environ 10 Gt CO2), l'Inde (+280 %, soit 1,8 Gt CO2) et la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord (+180 %, soit 1,7 Gt CO2). Sur la même période, les émissions des États-Unis ont été quasi stables (+1,1 %), celles de l'Union Européenne ont beaucoup baissé (-27,6 %), de même que celles de la France (-12 %).

Le graphique ci‑après présente les évolutions des émissions mondiales de CO2 entre 1970 et  2015 :

évolutions des émissions mondiales de CO2 entre 1970 et 2015

Source : EDGAR 2017.

Sur la période 2015-2016, les États-Unis apparaissaient comme le pays contribuant le plus fortement à la réduction des émissions, notamment grâce à une substitution importante du charbon par le gaz pour la production électrique. En Chine, pour la première fois depuis 2000, les émissions étaient alors en baisse, de 0,7 %. En revanche, en 2015, et pour la deuxième année d'affilée, l’Inde affichait la plus forte progression des émissions.

Les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne, hors émissions liées à l’utilisation des terres, aux changements d'affectation des terres et foresterie (dit UTCATF), s’étaient établies, en 2016, à 4 293 Mt eq CO2, en légère diminution de 0,6 % par rapport à 2015 ([7]). Les principales raisons de cette baisse des émissions européennes entre 2015 et 2016 étaient principalement le fait, au Royaume‑Uni et en Espagne, de la baisse de la consommation de charbon dans le secteur de l’énergie ([8]). Plus globalement, il faut noter que l’Union européenne a enregistré, par rapport à 1990, une forte baisse de ses émissions, de l’ordre de 23,9 %. Cependant, selon les données provisoires disponibles, les émissions seraient, hélas, en hausse en 2017 de 0,6 %.

Le graphique ci-après permet de mettre en perspective la répartition mondiale des émissions en montrant notamment que la diminution de la part de l’Europe s’est accentuée depuis 1960, tout en restant élevée :

Répartition des émissions de CO2 au niveau mondial depuis 1870

Source : CDIAC ; Le Quéré et al 2016 ; Global Cabon Budget 2016

 

 


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Le tableau ci-après montre la répartition des émissions par grands pays et grandes régions :

répartition des émissions par grands pays et grandes régions

Source : EDGAR 2017

Les émissions françaises, en 2016, s’étaient établies à 458 Mt CO2 eq, hors UTCATF, en baisse de 16,1 % par rapport à 1990 et stables par rapport à 2015 ([9]). En revanche, les émissions nationales estimées ([10]), au 31 juillet 2017, marquent une progression et s’élèveraient à 466 Mt CO2  eq.

Le tableau, ci‑après, présente les émissions par secteurs et par sous‑secteurs pour les années 1990, 2015, 2016 et 2017, ainsi que les évolutions constatées entre 2016 et 2017 :

répartition des émissions françaises par secteurs et par sous-secteurs

Source : CITEPA – format SECTEN (avril 2018)

Comme dans l’ensemble de l’Union européenne, l’utilisation d’énergie est, en France, la principale source d’émissions de gaz à effet de serre, représentant environ 70 % du total des émissions. En revanche, à la différence de la moyenne européenne, le secteur le plus émetteur en France est celui des transports (30 %) tandis que celui de l’énergie est relativement peu émetteur (12 %), en raison de l’importance de la production électrique nucléaire.

Après plusieurs années de stagnation, les premières estimations pour 2017, portant uniquement sur les émissions de CO2 issues de la combustion d’énergies fossiles, indiquent, hélas, un rebond significatif des émissions – de l’ordre de 2 % environ notamment en Chine et en Europe. Le cabinet Enerdata évalue, dans son bilan énergétique mondial de 2018 ([11]), que ce « pas en arrière dans la transition énergétique » impliquera un effort supérieur de réduction des émissions à l’avenir si l’on souhaite atteindre l’objectif de 2°C, la réduction annuelle moyenne jusqu’en 2050 passant ainsi de - 2,9 % à - 3,5 %.

S’agissant plus spécifiquement de l’Union européenne, selon les données provisoires pour 2017 transmises par chaque pays à la Commission européenne, les émissions françaises seraient en augmentation de 8,1 Mt CO2 eq, soit un écart de 1,8 % par rapport à 2016.

ii.   Répartition des émissions par secteurs énergétiques

Dans le monde, en 2016, le mix énergétique est composé à 32 % de produits pétroliers, à 27 % de charbon, à 22 % de gaz, à 14 % d'énergies renouvelables et déchets et à 5 % du nucléaire.

En France, le nucléaire concentre 42 % de la consommation primaire d’énergie, devant les produits pétroliers (29 %), le gaz naturel (16 %), les énergies renouvelables et les déchets (11 %) et le charbon (4 %).

Le graphique ci‑après présente la décomposition de la consommation mondiale d’énergie et de la production d’électricité par secteurs ([12]) :

Répartition de la consommation mondiale d’énergie et de la production d’électricité

 

Au niveau mondial, en 2016, l’électricité d’origine thermique classique (provenant du charbon, de produits pétroliers, de gaz naturel ou d’énergies renouvelables thermiques et de déchets) reste majoritaire avec 68 % du total (dont 38 % de charbon et 23 % de gaz). Viennent ensuite l’électricité d’origine hydraulique (16 %) puis celle d’origine nucléaire (10 %).

En France, le nucléaire représente 73 % de la production d’électricité, contre seulement 10 % pour la filière thermique classique (dont 1 % de charbon).

La Chine et l’Inde, au contraire, se caractérisent par une prédominance du charbon (respectivement 68 % et 75 %) dans leur production d’électricité et une faible part de nucléaire (3 %).

Le Japon a également une faible part de nucléaire (2 %), compensée par une part plus importante de gaz naturel (39 %) et de photovoltaïque (5 %).

L’Union européenne a une production d’électricité marquée par une part élevée de nucléaire (50 %) et par des parts de photovoltaïque (3 %) et de l’éolien (9 %) supérieures à leurs moyennes mondiales.

Les États-Unis ont la plus faible part d’électricité d’origine hydraulique parmi les grands pays mais ont une part de nucléaire supérieure à la moyenne mondiale.

Le graphique ci‑après présente la répartition de la consommation primaire d’énergie en 2016 :

iii.   Répartition des émissions par habitant dans le monde

En 2012, les émissions moyennes par habitant en Amérique du Nord sont plus de huit fois plus élevées qu’en Inde. Par ailleurs, ces valeurs ne reflètent pas les disparités qui peuvent exister dans une zone géographique. En effet, à titre d’illustration, au Moyen‑Orient, les émissions par tête sont de plus de 50 t CO2 eq par habitant au Qatar et de moins de 2 t CO2 eq par habitant au Yémen. Ces disparités peuvent, par ailleurs, être très importantes au sein d’un même pays.

En 2016, les émissions de CO2 s'établissent à 4,8 t CO2 par habitant dans le monde, en baisse par rapport à 2015 (-0,8 %).

Les émissions par habitant sont les plus importantes en Amérique du Nord (15,5 t CO2 par habitant aux États-Unis, 18,6 au Canada), en Arabie saoudite (16, t CO2 par habitant) et en Océanie (11,9 t CO2 par habitant).

En Chine, les émissions sont de 7,6 t CO2 par habitant en 2016, dépassant le niveau de la France (5,0 t CO2 par habitant) ou la moyenne de l'Union Européenne (6,7 t CO2), mais elles restent inférieures à celles de l'Allemagne (9,4 t CO2) ou de la Pologne (7,8 t CO2).

Depuis 1990, les émissions par habitant ont augmenté de 13,1 % dans le monde. La situation diffère très fortement entre les pays de l'annexe I qui ont un niveau d'émissions élevé (9,7 t CO2 par habitant) mais en baisse ces 26 dernières années (-21,6 %), et les pays hors de l’annexe I, au niveau d'émissions presque trois fois moins élevé (3,5 t CO2 par habitant) mais qui a plus que doublé en 26 ans (+108 %).

Le tableau ci‑après montre l’évolution de la répartition des émissions de CO2 par habitant dans le monde entre 1990 et 2016 :

évolution des émissions de CO2 par habitant dans le monde entre 1990 et 2016

Dans le détail, les émissions par habitant en Asie ont été multipliées par environ 2,4 entre 1990 et 2016 (3,7 en Chine, 2,5 en Inde et 1,9 en Corée du Sud).

Sur la même période, les émissions par habitant ont diminué de plus de 30 % en Europe (dont -23 % en France et -44 % au Royaume-Uni), et de plus de 20 % en Amérique du Nord (dont -22 % aux États-Unis).

Dans une situation intermédiaire, les émissions par habitant n'ont que peu évolué au Japon et en Afrique sub-saharienne, restant à un niveau élevé pour le premier (environ 10 t CO2 par habitant), et à un niveau faible pour le deuxième (environ 1 t CO2 par habitant).

Le tableau ci‑après présente l’évolution de la répartition des émissions de CO2 par habitant dans le monde :

évolutions de la répartition des émissions de CO2 par habitant dans le monde

b.   Le captage, le stockage et la valorisation du carbone : un pari difficile

Les « émissions négatives », c’est-à-dire les dispositifs spécifiques permettant de retirer directement le CO2 de l’atmosphère, sont expressément évoquées dans le rapport spécial du GIEC ([13]). Ainsi, les technologies à émissions négatives pourraient éventuellement permettre de contribuer à l’atténuation des effets du réchauffement climatique.

Les différents scénarios permettant de limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C supposent une extraction de CO2 atmosphérique dans des proportions très importantes de l’ordre de 100 à 1 000 milliards de tonnes de dioxyde de carbone d’ici la fin du siècle.

Le processus de captage, de stockage géologique et de valorisation du CO2 – ou Carbon capture and storage (CCS) en anglais – est l’une de ces technologies à émissions négatives, qui consiste à récupérer le CO2 émis en grande quantité lors de processus industriels afin de l’isoler de l’atmosphère et de le réutiliser.

À ce stade, trois grands groupes de valorisation ont été identifiés :

a) La valorisation sans transformation, le CO2 est utilisé pour ses propriétés physiques. C’est le cas dans la récupération assistée des hydrocarbures, où le gaz est réinjecté dans les puits de pétrole et « chasse » celui-ci, permettant d’épuiser le gisement. Environ 50 Mt CO2 par an sont utilisées dans ces opérations notamment au Canada, aux États-Unis et en Norvège ;

b) La valorisation chimique, par réaction avec un autre composant, le CO2 est, par exemple, présent, à hauteur de quelque 100 Mt CO2 par an, dans la production d’urée, une substance très utilisée en agriculture comme engrais azoté ;

c) La valorisation biologique, par photosynthèse au sein d'organismes biologiques, comme les micro-algues dont la croissance nécessite d'importantes quantités de CO2.

S’agissant du stockage géologique du CO2, de tous les types de réservoirs envisageables, les aquifères profonds salins sont ceux, situés à de grandes profondeurs, qui représenteraient le plus gros potentiel en matière de capacité de stockage (400 à 10 000 Gt CO2). Bien qu'étant largement répartis à la surface du globe, leur structure et leur capacité à piéger durablement le CO2 restent très difficiles à évaluer. Un effort important de recherche doit donc être engagé pour apprécier leur potentiel en matière de stockage géologique et leur capacité à confiner le CO2 sur le long terme.

À ce stade, il existe très peu de démonstrateurs de taille industrielle dans le secteur du captage, du stockage et de la valorisation du CO2. Le seul véritable projet grandeur nature est porté par la compagnie norvégienne Equinor (ex Statoil). Le CO2 est capté dans les fumées d’une cimenterie, d’une industrie d’ammoniaque et d’un incinérateur d’ordures ménagères situés près d’Oslo. Le CO2 capturé est ensuite transporté sous forme de gaz compressé par bateau jusqu’à un premier site de stockage avant d’être injecté, via des pipe-lines dans des aquifères salins.

Cependant la mise en œuvre de cette technologie se heurte à plusieurs difficultés. Le coût de l’ensemble de la chaîne (captage, conditionnement, transport et enfouissement) reste, à cette date, bien trop important pour permettre la viabilité économique du dispositif. Sans une tarification élevée des émissions de carbone, les industriels ne seront pas incités à investir dans une telle technologie.

L’infographie ci‑après illustre le transfert du CO2 entre son point d’émission et son lieu de stockage nécessitant toute une série d’opérations qui comprend le captage, la compression, le transport et l’injection :

Transfert du CO2 de sa source à son site de stockage

http://www.captage-stockage-valorisation-co2.fr/sites/default/files/fichiers_partages/illu25_FR_2.gif

Source : BRGM

Par l’ailleurs la question de l’acceptabilité sociale représente un autre obstacle majeur à la mise en place d’une telle filière.

À l’horizon 2040-2050, le scénario le plus optimiste prévoit que seulement 5 % des émissions globales de CO2 seront valorisées.

De plus, comme le précise le rapport du GIEC dans son rapport « l’efficacité de telles techniques n’est pas prouvée à grande échelle ». Comme l’indique Valérie Massin‑Delmotte, co‑présidente du groupe de travail sur les sciences du climat du GIEC : « Il faut être lucide. Le recours à des émissions négatives ne repose pour l’instant que sur des scénarios théoriques, avec des interrogations majeures en termes de faisabilité et de risques. Notre message n’est pas qu’il est possible d’attendre sans rien faire, au motif que nous saurions extraire du CO2 de l’atmosphère, mais au contraire qu’il faut agir plus vite pour faire baisser les émissions ([14]) ».

2.   Un phénomène déstabilisateur source de risques géopolitiques considérables

Les conséquences du dérèglement climatique – réchauffement, montée des eaux, recrudescence des évènements météorologiques extrêmes… – ont une incidence directe sur plusieurs aspects importants de la vie humaine (alimentation, santé, sécurité, accès aux ressources, économie...).

Ainsi, loin d’être limité à des risques environnementaux, le dérèglement climatique entraîne, en parallèle, une série de bouleversements des équilibres géopolitiques à travers le monde. Certains sont d’ores et déjà visibles, d’autres sont encore en gestation. Les cas spécifiques de l’Arctique et de l’Asie du Sud-Est constituent sur ce point deux exemples édifiants.

a.   L’impact du réchauffement climatique sur l’Arctique : crise géophysique et tensions géopolitiques

Comme le montre Jean‑Michel Valantin dans son ouvrage Géopolitique d'une planète déréglée Le choc de l'Anthropocène ([15]), l’Arctique est actuellement en proie à une transformation géophysique inédite, en raison du dérèglement climatique. La fonte de la banquise estivale s’accélère et son renouvellement devient, chaque année, de plus en plus faible, tant en épaisseur qu’en étendue.

Le graphique ci‑après montre l’évolution de la glace arctique, en millions de kilomètres carrés, depuis 1980 :

étendue de la glace arctique depuis 1980

 

Source : climate.nasa.gov

L’amenuisement des glaces arctiques attire les convoitises de nombreuses puissances ([16]) – notamment le Canada, les États-Unis et la Russie mais aussi, de manière plus surprenante, la Chine – qui voient dans ce phénomène une opportunité stratégique et commerciale majeure. L’ouverture d’une nouvelle route maritime et l’exploitation de nouveaux gisements d’hydrocarbures jusqu’alors inaccessibles sont à l’origine de cet intérêt renouvelé.

La fonte des glaces arctiques a, par exemple, permis l’aménagement d’une nouvelle route de navigation de 4 800 kilomètres, qui s’étend de la Norvège jusqu’au détroit de Béring, le long du littoral nord-sibérien. Cette route, également connue sous le nom de « passage du NordEst », permet aux navires commerciaux, venus de l’Est et cherchant à atteindre l’Europe, d’éviter un long périple au Sud, via le détroit de Malacca, l’océan Indien, la mer d’Arabie, la mer Rouge et enfin la mer Méditerranée. Le recours à un tel couloir maritime permet ainsi de gagner plus de trois semaines de voyage.

La carte, ci‑après, présente les deux routes maritimes permettant désormais de relier l’Asie et l’Europe :

Les routes maritimes du sud et du nord

Source : Géopolitique d'une planète déréglée de Jean-Michel Valantin éditions du Seuil (2017)

La Russie et la Chine se sont pleinement impliquées dans ce nouvel enjeu stratégique et commercial en investissant massivement dans le développement du passage du Nord‑Est. Ainsi, des brise-glaces nucléaires russes assurent, durant toute l’année, l’ouverture de la route maritime du nord, principalement utilisé par des cargos russes et chinois. Mais de nouveaux acteurs économiques s’engagent à leur tour dans cette zone, à l’instar du groupe danois Maersk, leader mondial de transport maritime, qui y a fait transiter son premier porte-conteneurs, en septembre 2018.

De la même façon, la fonte des glaces de l’Arctique et le réchauffement atmosphérique de la région – deux fois à quatre fois plus rapide que dans le reste du monde – permettent aux puissances régionales, et notamment à la Russie, d’accéder à de vastes gisements d’hydrocarbures, auparavant inaccessibles du fait des conditions climatiques extrêmes. Les ressources naturelles de la région étant estimées à 84 milliards de barils de pétrole – soit deux ans de consommation mondiale – et 50 000 milliards de mètres cubes de gaz naturel – soit dix-sept ans de consommation mondiale – elles attirent de nombreux investisseurs étrangers, notamment chinois, indiens, japonais, sud-coréens, et vietnamiens mais aussi français (Total) ou américains (Exxon Mobil).

Le site gazier russe en Sibérie, dit « Projet Yamal », symbolise cette nouvelle ruée vers l’Arctique. Ce site a nécessité un investissement colossal de 27 milliards de dollars par un consortium russe, français et chinois – financé à hauteur de 20 % par Total. La totalité de la production du site a d’ores et déjà été pré-vendue à des investisseurs asiatiques et européens, via des contrats s’étalant sur quinze à vingt ans.

Le développement énergétique et commercial de l’Arctique, conséquence directe du réchauffement climatique, se traduit également par une militarisation renforcée de la région et une montée des tensions géopolitiques. Ainsi, le 2 août 2007, un sous-marin russe a déposé un drapeau de la fédération de Russie à l’extrémité de la dorsale sous-marine de Lomonossov, sujette à diverses revendications territoriales de la part du Canada, du Danemark, des États‑Unis et de la Norvège, affirmant de cette façon les prérogatives de la Russie sur les éventuelles ressources de la zone. Dix ans plus tard, la zone arctique s’est largement militarisée : la Russie a construit de nouvelles bases militaires sur toute la façade nord de la Sibérie, abritant notamment des systèmes de missiles antiaériens, et a créé un commandement arctique interarmes, à la fin de l’année 2014. Les exercices militaires, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) d’une part et de la Russie et de la Chine d’autre part, se succèdent régulièrement dans la région. Fin octobre 2018, l’exercice Trident Juncture a de la sorte rassemblé 50 000 soldats de l’OTAN à des latitudes quasi-arctiques, à quelques centaines de kilomètres seulement de la frontière russo-norvégienne. De leurs côtés, la Russie et la Chine ont organisé, en septembre 2018, des manœuvres militaires dans le cadre des exercices Vostok, rassemblant 300 000 soldats en Sibérie orientale et dans la région arctique.

Ces démonstrations de force confirment ainsi que la zone arctique, autrefois difficilement accessible est désormais devenue, en raison des effets du réchauffement climatique, le théâtre de nouvelles tensions géopolitiques.

b.   Une menace de plus en plus palpable à travers le monde : le cas du sous‑continent indien

Avec le continent africain, l’Asie est l’un des continents les plus soumis aux aléas du dérèglement climatique. Entre autres évènements, une élévation du niveau des océans de 30 centimètres est attendue en Asie du Sud-Est dès 2040, ce qui aura notamment des effets directs sur les récoltes. Dans des pays déjà soumis à de fortes tensions géopolitiques, ces phénomènes risquent d’aggraver la situation.

À ce titre, la situation du Bangladesh est emblématique. Ce pays, situé au niveau de la mer, est soumis à de nombreux phénomènes climatiques chroniques et destructeurs, qui influent négativement sur ses relations avec les pays voisins. Ainsi, le nombre et l’intensité des cyclones qui s’abattent sur le pays ne cessent d’augmenter – la période allant de 1947 à 2016 a enregistré autant de cyclones que les quatre siècles précédents – ce qui s’ajoute à la hausse du niveau de l’océan et à la mise sous tension de la production agricole, qui fait vivre 70 % de la population. L’insécurité alimentaire, sanitaire et financière grandissante fait craindre de larges mouvements de migrations dans un sous-continent indien déjà sujet à une pression démographique extrêmement forte. Ces craintes créent de fortes tensions entre le Bangladesh et son voisin direct, l’Inde. En 2013, le gouvernement indien a achevé la construction d’un mur de 3 200 kilomètres le long de sa frontière avec le Bangladesh. Hautement surveillé et militarisé, ce « mur–frontière » vise à prévenir de possibles vagues de populations bangladaises, qui pourraient fuir leurs lieux de vie par millions, dans les années à venir, et engendrer une crise humanitaire majeure.

Le Pakistan fait également partie des pays les plus affectés par les événements climatiques extrêmes. Les épisodes répétés d’inondations dans le pays sont, en effet, aggravés par la fonte des glaciers de l’Himalaya et par la déforestation au profit de l’agriculture. En 2010, un épisode d’inondations a ainsi touché près de vingt millions de personnes, et un autre en 2011, a forcé le déplacement interne de 8 millions de Pakistanais. La hausse des températures régionales met également à l’épreuve l’approvisionnement en eau de l’Inde et du Pakistan qui se livrent à une rude compétition pour l’accès à cette ressource vitale. La région du Cachemire, où s’écoulent de nombreux affluents vitaux pour les deux pays, voit ainsi la question de l’eau se juxtaposer au conflit historique qui oppose l’Inde et le Pakistan pour le contrôle de la région.

Nous constatons, à travers ces quelques exemples emblématiques, que derrière la problématique de la protection de l’environnement et de la biodiversité, le phénomène du dérèglement climatique induit également des problèmes relevant directement de la sécurité internationale.

B.   Un contexte international difficile

1.   L’annonce du retrait des États‑Unis de l’accord de Paris et le risque d’effet domino

Le président des États-Unis, Donald Trump, a annoncé le 1er juin 2017 sa décision de retirer les États-Unis de l’accord de Paris. Cette décision implique notamment l’arrêt de la mise en œuvre de la contribution nationale américaine ainsi qu’une réévaluation moins ambitieuse de leur réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 26 à 28 % d’ici à 2025 par rapport à 2005. La réduction des émissions de gaz à effet de serre reste, de la sorte, un objectif pour Washington, mais les États-Unis comptent désormais s’y atteler selon leur bon vouloir en privilégiant en priorité leurs intérêts nationaux.

Le président des États-Unis a précisé vouloir débuter des négociations pour pouvoir à terme réintégrer l’accord ou conclure une nouvelle transaction. Ce qui n’est, cependant, pas acceptable pour de nombreuses Parties à l’accord – dont la France – ce dernier étant non‑négociable.

De nombreux responsables politiques ont fait part de leur regret à l’annonce de la décision américaine. Cette annonce a, d’un autre côté, eu pour effet de fédérer les autres États parties à l’accord de Paris, qui ont saisi cette occasion pour réaffirmer leurs engagements en faveur du climat. Le jour même de l’annonce américaine, l’Allemagne, la France et l’Italie ont ainsi réaffirmé leur engagement en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. C’est à cette occasion que le président de la République, Emmanuel Macron, a judicieusement rappelé que s’agissant du climat : « Il n’y a pas de plan B. Car, il n’y a pas de planète B » ([17]).

L’impact de l’annonce du retrait des États-Unis de l’accord de Paris est, pour le moment, limité. Washington a notifié, le 4 août 2017, au Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, leur intention d’exercer leur droit de retrait. Conformément à la lettre de l’accord de Paris, les États-Unis ne pourront soumettre une notification formelle de retrait, que le 4 novembre 2019 au plus tôt, c’estàdire trois ans après l’entrée en vigueur de l’accord ; cette décision ne prenant effet qu’un an plus tard. Les rapporteurs nourrissent l’espoir qu’au terme de ce délai, en fonction de l’évolution politique aux États-Unis, Washington renonce in fine à se retirer de l’accord. Il faut, d’ailleurs, noter que le président des États-Unis a récemment fait évoluer sa position à l’occasion d’une interview télévisuelle, en reconnaissant l’existence du changement climatique ([18]).

En outre, on assiste actuellement à une forte mobilisation de la société civile américaine, de certaines autorités fédérées et de grandes villes des États‑Unis en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. À titre d’exemple, l’United States Climate Alliance regroupe seize États (Californie, Caroline du Nord, Colorado, Connecticut, Delaware, Hawaii, Maryland, Massachussetts, Minnesota, New Jersey, New York, Oregon, Rhode Island, Vermont, Virginie, Washington) et un territoire non‑incorporé des États-Unis (Porto Rico) dont les gouverneurs souhaitent poursuivre une action résolue en faveur du climat. De même l’America’s Pledge agrège, sous la houlette de l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, et du gouverneur de Californie, Jerry Brown, de nombreux acteurs américains – États, villes, universités, entreprises, associations – désireux d’œuvrer ensemble pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris.

À cette heure, les États-Unis sont toujours à la table des négociations internationales sur le climat et participent actuellement à l’élaboration des règles d’application de l’accord de Paris. L’équipe des négociateurs du département d’État reste ainsi très engagée et semble se montrer au niveau de l’équipe qui officiait du temps de l’administration de Barack Obama.

En revanche, même si à ce stade les effets provoqués par l’annonce du retrait des États-Unis restent limités, les rapporteurs s’inquiètent très fortement que se forme, suite à cette décision, une « coalition des involontaires ». En effet, d’autres États n’emboîteront pas nécessairement le pas à Washington dans cette démarche mais pourraient adopter une posture attentiste ou passive qui se révélerait tout aussi dommageable pour la lutte contre le réchauffement climatique.

À l’heure où l’urgence climatique devrait nous obliger à rehausser nos ambitions en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, certaines mauvaises nouvelles s’amoncellent laissant craindre l’apparition d’un « effet domino » à la suite de l’annonce du retrait des États-Unis.

À la fin du mois d’août 2018, le gouvernement australien du premier ministre de Malcolm Turnbull est tombé à la suite de débat sur le projet de réforme de la politique énergétique et climatique de l’Australie. Le gouvernement de Malcolm Turnbull souhaitait instaurer un mécanisme de régulation permettant au pays de remédier aux coupures d’électricité régulières et aux prix élevés de l’électricité tout en respectant les accords de Paris.

Ce plan intitulé « National Energy Guarantee » (NEG) prévoyait notamment la mise en œuvre d’un objectif de réduction des émissions pour le secteur électrique fixé à 26 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2005. C’est cet objectif qui a provoqué l’apparition d’une « guerre climatique » entre, d’une part, les travaillistes et des associations de défense de l’environnement qui le jugeant trop faible ne souhaitaient pas le voir inscrit dans la loi afin de faciliter son rehaussement ultérieur, et d’autre part, les conservateurs refusant le principe même d’un tel objectif. La montée des contestations internes a fini par conduire au renversement du gouvernement de Malcolm Turnbull, le 24 août 2018, et à la nomination de Scott Morrison au poste de Premier ministre.

Le nouveau chef du gouvernement australien, réputé proche des milieux charbonniers, a finalement confirmé, le 10 septembre 2018, le maintien de l’Australie dans l’accord de Paris. Cependant, Scott Morrison a insisté sur les raisons politiques justifiant le maintien de l’Australie dans l’accord : ce maintien constituerait une condition nécessaire au maintien de l’influence de l’Australie dans le Pacifique où la question climatique domine les esprits et les agendas et le risque qu’un tel retrait pourrait faire peser sur les négociations de libre-échange actuellement en cours avec l’Union européenne. Néanmoins l’abandon de toute politique fédérale permettant d’atteindre effectivement les objectifs de réduction d’émissions déçoit fortement, le Premier ministre ayant précisé : « nous tiendrons tout simplement nos objectifs par la technologie et par le business as usual » ([19]).

Enfin, le résultat des élections présidentielles au Brésil n’est pas sans susciter d’importantes inquiétudes, le président élu Jair Bolsonaro, ayant à plusieurs reprises au cours de la campagne électorale laissé entendre que le pays pourrait sortir de l’accord de Paris ([20]).

2.   Des difficultés dans la gouvernance mondiale de la lutte contre le réchauffement climatique

a.   La timide montée en puissance des mécanismes de tarification du carbone

Les mécanismes de tarification du carbone en vigueur dans le monde relèvent d’instruments divers. Il peut s’agir en premier lieu de mécanismes qui instaurent une tarification explicite en donnant un prix uniforme à la tonne de carbone émise :

1) les systèmes d’échanges de quotas d’émissions fixent un plafond d’émissions global aux participants du marché. Des quotas échangeables sont alloués, gratuitement ou par un système d’enchères, aux participants à ce marché. Le prix qui résulte des échanges sur ce marché constitue la tarification du carbone. Il n’est ainsi pas fixé à l’avance : il s’agit d’une régulation par les quantités, et non par les prix ;

2) les taxes carbones fixent directement un prix sur les émissions de gaz à effet de serre – le plus fréquemment, un prix par tonne d’équivalent CO2. Leur principe est différent des systèmes d’échange de quotas en ce que le niveau de réduction des émissions attendu n’est pas fixé, mais le prix l’est : il s’agit d’une régulation par les prix et non par les quantités.

Plusieurs instruments constituent en second lieu des mécanismes de tarification implicite du carbone. Ainsi toute norme sur les émissions implique des coûts de mise en conformité et constitue donc, une tarification implicite du carbone. De même pour la suppression de subventions aux énergies fossiles.

Les États membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) se sont mis d’accord en octobre 2016 sur la première initiative de tarification sectorielle internationale. Le CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) s’apparente à un marché de quotas d’émissions qui plafonnera les émissions de gaz à effet de serre du secteur aux niveaux constatés en 2020.

À l’échelle internationale, 45 pays et 25 entités infra-étatiques (États fédérés, régions, villes) ont mis en place une tarification du carbone via des taxes carbone ou systèmes d’échange de quotas d’émissions. Le choix du mécanisme dépend des circonstances et priorités nationales ou locales : on recense ainsi 25 marchés de quotas d’émissions, la plupart à un niveau infra-étatiques – à l’image du marché du carbone californien et 25 taxes, principalement à un niveau national. La combinaison des deux instruments apparaît comme le choix le plus fréquent. Les secteurs concernés par les deux instruments apparaissent très variables. Le nombre de pays et régions concernés est en augmentation rapide.

Parmi les contributions déterminées au niveau national 115 États mentionnent spécifiquement la tarification du carbone comme un outil en place ou envisagé pour atteindre leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Parmi les évolutions les plus significatives, 2018 a vu le lancement d’un marché du carbone national en Chine – actuellement dans sa phase pilote – et au Mexique, dont les annonces ont été faites au sommet One Planet Summit, en décembre 2017. Il s’agit là d’annonces importantes, car elles représentent les premiers mécanismes de marché lancés par des pays émergents. En 2017, des taxes carbone avaient par ailleurs été lancées dans l’État canadien de l’Alberta (couvrant des secteurs complémentaires aux mécanismes de tarification en place), au Chili (dans les secteurs de l’industrie et de l’énergie) et en Colombie (sur la combustion de pétrole et de gaz).

La carte ci–après présente les mécanismes de tarification du carbone en vigueur au niveau mondial :

mécanismes de tarification du carbone en vigueur dans le monde

Source : MTES

Si elle reste relativement faible, la couverture des émissions par ces mécanismes au niveau mondial progresse : à ce jour environ 20 % des émissions des gaz à effet de serre sont ainsi couvertes par un mécanisme de tarification du carbone.

Les prix observés s’inscrivent dans une échelle très large, de 1 à 139 dollars par t CO2 eq, mais environ 75 % des émissions tarifées le sont à moins de 10 dollars par tonne, c’estàdire à un niveau trop faible par rapport aux objectifs fixés dans le cadre de l’accord de Paris.

On notera que si la couverture des émissions a progressé grâce au lancement de marchés de quotas d’émissions, les prix les plus significatifs restent atteints grâce à des dispositifs fiscaux : les mécanismes représentants les prix les plus élevés sont les taxes carbone suédoise (139 dollars par tonne), suisse (101 dollars par tonne), finlandaise (77 dollars par tonne) ou norvégienne (64 dollars par tonne). Les revenus tirés par les États de cette tarification représentent au niveau mondial 82 milliards de dollars en 2018, soit un montant en forte hausse par rapport à 2017 (52 milliards de dollars).

La France a, quant à elle, mis en place une tarification du carbone qui repose sur deux instruments complémentaires. Au niveau européen, le marché de quotas d’émissions (système communautaire d'échange de quotas d'émission, SCEQE) a été mis en place en 2005. Il couvre essentiellement les secteurs de l’énergie et de l’industrie. Il est actuellement dans sa troisième phase (2013-2020) et sa réforme pour la quatrième phase (2021-2030) a été adoptée en février 2018.

De plus, à l’échelle nationale, la France s’est dotée avec la loi de transition énergétique pour une croissance verte d’une « taxe carbone » avec une trajectoire de prix du carbone ambitieuse avec une cible de 100 euros en 2030. La France est ainsi le premier pays à avoir inscrit dans la loi une trajectoire de prix à moyen terme, qui permet aux acteurs économiques de mieux anticiper les évolutions à venir de la tarification carbone.

b.   Une gouvernance par consensus du Fonds vert pour le climat particulièrement chaotique  

Le fond vert pour le climat (FVC), dont la création a été décidée lors de la conférence des parties à Copenhague en 2009, a été mis en place, en 2010. C’est l’un des instruments  du mécanisme financier de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Le Fonds vert pour le climat est une entité financière multilatérale dont l’objectif est de de fournir un financement équilibré en faveur de l’atténuation et de l’adaptation au réchauffement climatique. Avec 8,3 milliards ([21]) de dollars de capitalisation initiale, le Fonds vert est le plus important fonds climat au service de la mise en œuvre de l’accord de Paris.

La gouvernance, ses missions ainsi que ses méthodes de travail sont définis dans le cadre de ses statuts ([22]). Le Fonds vert est dirigé par un conseil d’administration composé de 24 membres assurant une représentation des différents groupes régionaux des Nations unies ainsi qu’une équitable représentation entre les pays développés et les pays en voie de développement, c’est-à-dire entre les pays donateurs et les pays bénéficiaires.

Le conseil d’administration du Fonds vert se réunit, environ trois fois par an, notamment pour l’approbation des projets de financement. Toutes les décisions du conseil d’administration sont prises par consensus, ce qui a conduit à d’importants blocages, empêchant toutes prises de décisions, lors de la 20e réunion du conseil d’administration, en juillet 2018.

La 21e réunion du conseil d’administration du Fonds vert s’est déroulée dans un contexte beaucoup plus constructif, à Bahreïn en octobre dernier, et a conduit à l’approbation de plus d'un milliard de dollars de nouveaux projets au profit des pays en développement dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. 

Les rapporteurs alertent néanmoins sur la nécessité de réformer la gouvernance du Fonds vert. Il apparaît impératif que soient élaborés rapidement des modes de prise de décision alternatifs au consensus afin d’éviter toute paralysie du Fonds vert.

La multiplication des blocages au sein du Fonds vert pourrait provoquer in fine une crise de confiance entre les pays développés et les pays en développement et porter atteinte au bon déroulement des négociations climatiques. Pour cette raison, il est essentiel que le Fonds vert soit pleinement opérationnel.

II.   Réchauffement climatique : après l’alerte, le temps de l’action

A.   La Cop24 : un moment diplomatique et politique décisif

1.   La ville de Katowice, un choix ambivalent ?

La COP24 est la troisième conférence des parties se déroulant en Pologne après la COP14 de Poznań, en 2008, et la COP19 de Varsovie, en 2013. Le choix de la ville de Katowice comme ville hôte de la COP24 a posé plusieurs difficultés.

Tout d’abord, les capacités d’accueil limitées de la municipalité ont constitué une problématique de taille puisque cette ville de 300 000 habitants ne disposait pas d’un nombre suffisant de chambres  d’hôtel. Selon les données transmises par le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le gouvernement polonais a prévu pour répondre aux besoins d’hébergement, la construction de structures d’accueil provisoires ainsi que l’accueil d’un certain nombre de participants dans les villes alentours dont Cracovie, distante d’environ 80 kilomètres. Le nombre de participants de la COP24 sera vraisemblablement inférieur à celui de la COP23 étant donné la période pendant laquelle celle‑ci elle prendra place et le nombre réduit d’évènements organisés en parallèle.

Le tableau ci‑après présente le nombre de personnes accréditées à l’occasion des précédentes COP :

Nombre de personnes accréditéEs lors des COP précédentes

 

COP19 (Varsovie)

COP20 (Lima)

COP21 (Paris)

COP22 (Marrakech)

COP23 (Bonn)

Parties

5083

6312

19342

15983

11254

États observateurs

12

5

52

7

6

Organisations nongouvernementales

3040

3110

6324

4162

7719

Journalistes

669

904

2838

1204

1303

Organisation des Nations unies

156

245

558

340

522

Organisations internationales

363

442

1040

618

835

Agences spécialisées

145

207

418

362

425

Total

9468

11225

30572

22676

22064

Source : CCNUCC

Par ailleurs, le cadre législatif polonais adopté spécifiquement pour l’organisation de la COP24 a suscité, dans un premier temps, de vives polémiques car il a été jugé par certains comme particulièrement restrictif vis‑à‑vis des acteurs de la société civile. En effet, à titre d’illustration, l'article 17 du texte autorise les forces de police polonaises à collecter les données personnelles de tous les participants du sommet. L’article 22, quant à lui, interdit toute manifestation à Katowice aux dates de la COP. Des mesures similaires furent appliquées lors de la COP21, en 2015 à Paris, mais elles s’inscrivaient alors dans un contexte différent à la suite des attentats. Toutefois, le président de la COP24, Michał Kurtyka, a organisé une rencontre sur l’organisation logistique de l’événement, à l’occasion de la session de négociations préalables de Bangkok, avec différents représentants de la société civile, afin de leur assurer que la Pologne souhaitait non seulement leur implication mais également leur soutien à l’occasion de cet événement.

L’autre contrainte induite par le choix de la ville de Katowice est d’ordre symbolique. En effet, le chef‑lieu de la voïvodie de Silésie est célèbre pour son activité minière, puisque l’extraction de charbon constitue la principale activité économique de la région depuis la fin du XIXe siècle. Cette industrie fait, d’ailleurs, de Katowice la 82e ville sur 100 parmi les plus polluées de l’Union européenne ([23]). Le choix de la ville de Katowice pour accueillir une COP pourrait ainsi apparaître comme particulièrement cynique. Néanmoins, cette volonté du gouvernement polonais peut aussi être comprise comme un message positif à l’égard des territoires les plus affectés par la pollution et la transition énergétique. En ce sens, Katowice constitue une vitrine édifiante de l’impact environnemental de l’activité minière. De plus, ce choix est porteur d’espoir car la ville a fait d’importants efforts pour réduire sa pollution atmosphérique afin de devenir une ville « transformatrice ». Ainsi, la COP24 se déroulera sur le site d’une ancienne mine de charbon qui a été aménagée en une zone culturelle comprenant notamment un musée consacré à l’histoire et au rôle du charbon dans le développement de la région.

2.   Les objectifs ambitieux de la COP24 : rendre l’accord de Paris pleinement opérationnel et rehausser nos ambitions climatiques pour l’avenir

a.   Des discussions préparatoires constructives

Il apparaît à la suite des auditions menées par les rapporteurs que les différentes sessions de négociations préalables organisées à Bonn (mai 2018) et à Bangkok (septembre 2018) se sont révélées positives. Contrairement à certaines craintes, peu de tentatives de blocages purement procédurales auront eu lieu à ces occasions. Les délégués des Parties ayant dans l’ensemble exprimé leur souhait d’avancer et s’y étant globalement tenus.

Le résultat final de ces réunions préparatoires est globalement satisfaisant mais d’un niveau d’avancement inégal. Certains points de l’ordre du jour ont avancé de manière substantielle et ont pu produire un projet de décision prêt à être négocié à la COP24. D’autres sont encore loin d’aboutir même si un travail notable a été produit s’agissant notamment des modalités du bilan mondial. Certaines se trouvent en situation de blocage, sans surprise : les lignes directrices sur les communications en matière d’atténuation, les mesures de transparence et la plupart des sujets finances, qui sont traditionnellement utilisés comme levier de négociation jusqu’à la fin des COP. Ces blocages confirment que les principales questions politiques à trancher seront la mise en œuvre de la différenciation et les finances, en particulier les financements prévisionnels et la question de l’objectif de financement post 2025.

La présidence polonaise de la COP24 a organisé une  pré‑COP, qui s’est tenue du 22 au 24 octobre à Cracovie, réunissant une quarantaine de délégations représentatives des principaux groupes de négociation. Ces échanges se sont déroulés dans une ambiance constructive qui semble révéler une volonté collective d’aboutir à la finalisation des règles de mise en œuvre de l’accord de Paris.

Lors de ces premières discussions, visant à préparer les négociations à venir, la Chine a semble‑t‑il démontré sa volonté d’entrer dans le vif du sujet en n’omettant à aucun moment de lier action et finance. Les États‑Unis ont également participé activement à l’ensemble de ces discussions, en se positionnant en défenseurs de règles communes, où les flexibilités ne devaient pas être systématiques et donc examinées au cas par cas.

La première journée de la pré‑COP a essentiellement été consacrée à des ateliers de discussion entre les délégations invitées et des représentants du secteur privé, au sujet de l’avenir du secteur énergétique, de l’électromobilité et des mégalopoles du futur. Lors de la deuxième journée, la présidence polonaise a réparti les délégations en sous-groupes pour échanger sur les thèmes centraux de la négociation des règles de mise en œuvre de l’accord de Paris, à savoir la transparence, la finance, l’atténuation et l’adaptation. Ces échanges en petit comité ont permis, dans une ambiance généralement constructive, de mieux cerner les principaux points de convergence et de divergence sur chacun des sujets discutés.

Concernant la finance, les attentes des pays en développement relatives aux financements prévisionnels ont été largement réitérées. La pertinence d’un nouveau rapport sur l’atteinte des 100 milliards a également fait débat. S’agissant de l’adaptation, la distribution de l’information ex‑ante et ex‑post entre les communications d’adaptation et les rapports de transparence a été débattue sans pour autant trouver de solution convergente à ce stade. Concernant l’atténuation, la question d’un cadre commun ou spécifique à chaque type de contribution a été discutée, et l’Union européenne a pu valoriser sa proposition de résumé structuré s’agissant des règles de comptabilisation.

La discussion sur l’organisation du « dialogue Talanoa », qui a eu lieu lors la dernière journée de la pré‑COP, a permis de constater un assez large consensus sur les principaux messages attendus à l’issue de ce dialogue, notamment à l’appui du rapport 1,5°C du GIEC. L’essentiel des délégations ont affirmé l’importance de livrer un message fort et global sur le nécessaire relèvement de l’ambition de l’action.

Il reste néanmoins des divergences sur les modalités de diffusion des conclusions du « dialogue Talanoa » (déclaration, décision de COP ou hybride).

La fin de la pré‑COP a été consacrée à une discussion sur la note des présidents des organes subsidiaires et de l’APA ([24]), diffusée le 15 octobre. Toutes les délégations qui se sont exprimées ont salué le travail accompli par les présidents et accueilli favorablement le contenu de la note et de ses annexes, ne s’opposant pas à ce qu’elles constituent la base de discussion en début de COP. Au‑delà des messages convergents sur l’importance de conclure le paquet de règles à la COP24, les interventions ont très largement relevé le peu de temps restant d’ici et pendant la COP24 pour finaliser toutes les règles de mise en œuvre.

b.   La COP24 : une étape cruciale dans le combat contre le réchauffement climatique

La COP24 constituera un jalon essentiel dans la poursuite de deux objectifs majeurs : la mise en œuvre effective de l’accord de Paris d’une part, et le rehaussement de l’ambition des États signataires d’ici 2020 d’autre part.

Le succès de la COP24 reposera sur les principaux résultats suivants :

        la finalisation du programme de travail de Paris et l’adoption d’un paquet de règles robustes qui rendront l’accord pleinement et immédiatement opérationnel, conformément à la décision prise lors de la COP22 à Marrakech en 2016 ;

        les résultats du « dialogue Talanoa » ([25]), qui au travers d’un échange de bonnes pratiques réunissant les États et la société civile, doit jeter les bases d’une révision à la hausse des contributions déterminées au niveau national d’ici 2020, en vue d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris ;

        en conjonction avec le « dialogue Talanoa » la reconnaissance officielle des principaux résultats scientifiques du rapport spécial du GIEC sur 1,5°C de réchauffement planétaire qui nous impose d’agir plus fortement et plus rapidement ;

        la poursuite de la mobilisation de tous les acteurs à travers l’agenda de l’action ;

        les progrès en matière de financement de la lutte contre le réchauffement climat pour parvenir aux objectifs de l’accord de Paris.

L’ouverture de la COP aura lieu le dimanche 2 décembre 2018. Le 3 décembre 2018 sera une journée consacrée à une rencontre entre les chefs d’États et de gouvernements, afin d’impulser une dynamique positive et d’encourager les négociateurs à trouver des compromis, sur le modèle de ce que la présidence française avait organisé en 2015, à l’occasion de la COP21. La présidence polonaise souhaite porter, en ce début de COP, une déclaration sur la solidarité et la transition juste qu’elle souhaite voir endossée par les chefs d’État et de gouvernement.

L’ensemble des Parties semble déterminer à finaliser le programme de travail de Paris en faisant adopter les règles d’application de l’accord de Paris. C’est un sujet techniquement très complexe. Les documents préparatoires comportent actuellement environ 300 pages qu’il faudra, au fil des négociations, réduire à une centaine de pages environ. Il est essentiel d’aboutir à des règles de mises en œuvre de l’accord de Paris les mieux rédigées possible pour en faciliter, par la suite, l’application.

La présidence polonaise s’est organisée assez tardivement mais s’est dotée d’un président compétent en la personne de Michał Kurtyka. Elle paraît désormais pleinement mobilisée.

Les rapporteurs insistent sur le rôle capital que doivent jouer les présidences de COP pour permettre aux négociations climatiques d’avancer dans la bonne direction. C’est un rôle particulièrement difficile, notamment dans les moments où les négociations doivent affronter des turbulences.

La Pologne est soucieuse de ne pas brusquer les populations les plus vulnérables vis-à-vis de la transition énergétique, positionnement légitime impliquant accompagnement et pédagogie.

Cependant, il serait souhaitable – voire impératif compte tenu de l’urgence climatique – que la présidence polonaise fasse preuve d’une mobilisation renforcée en faveur du rehaussement des ambitions climatiques. Il nous faut créer les conditions politiques à l’issue de la COP24 qui permettront en 2019-2020 de véritablement renforcer les contributions nationales déterminées. La tenue d’événements en parallèle des COP, à l’instar du One Planet Summit, apparaît, aux yeux des rapporteurs, comme une très bonne chose. Ces moments particuliers donnent ainsi l’occasion aux États de se mobiliser, de parler de l’action, et éventuellement d’annoncer de nouvelles ambitions. 

Il est important de garder à l’esprit qu’en l’état, la prochaine conférence climat de la CCUNCC devrait se dérouler, selon toute vraisemblance, au Brésil. L’élection de Jair Bolsonaro, à la présidence du pays, n’est pas sans susciter de fortes inquiétudes compte tenu de l’aversion que le président brésilien élu a pu exprimer, au cours de la campagne électorale, à l’encontre de l’accord de Paris. Une telle situation oblige d’autant plus les Parties à avancer résolument, à l’occasion de la COP24, afin de rendre l’accord pleinement opérationnel puisque tout report à une prochaine COP pourrait rendre la tâche d’autant plus ardue.  

B.   L’après cop24 : la nécessité d’une action résolue et ambitieuse

1.   La politique des petits pas ne suffit plus

À cette heure, 180 Parties à la CCUNCC ont déjà communiqué leur contribution nationale déterminée au secrétariat général de la Convention-cadre. Le début de leur période d’application commence en 2021 pour la plupart d’entre elles mais la préparation des politiques et des mesures nécessaires à leur mise en œuvre commence dès à présent.

Un assez large groupe de pays en développement, épaulé par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), a par exemple publié des « plans de mise en œuvre » de leurs contributions nationales déterminées. Certains pays développés ont également déjà identifié, voire adopté les mesures appropriées pour atteindre leurs objectifs à l’instar du paquet énergie climat 2030 de l’Union européenne ou du plan pancanadien sur les changements climatiques. La Chine a publié en 2016 un plan quinquennal qui inclut une large section sur l’environnement et le climat, préparant ainsi la mise en œuvre de sa contribution nationale à partir de 2021. L’Inde a également publié une programmation énergétique censée mettre le pays sur une trajectoire de production d’énergie renouvelable compatible avec leur contribution nationale déterminée. En revanche, les États-Unis ont quant à eux annoncé, en même temps que leur sortie de l’accord de Paris, la cessation immédiate de la mise en œuvre de leur contribution nationale déterminée.

D’autres émetteurs relativement importants n’ont pas réellement commencé à mettre en œuvre leur contribution nationale à l’instar de l’Australie, du Japon, ou de l’Arabie saoudite. Par ailleurs, à cette heure, la Russie et la Turquie n’ont pas encore ratifié l’accord de Paris.

Or un relèvement anticipé des ambitions climatiques est impératif pour permettre la réalisation des objectifs de l’accord. Le récent rapport du GIEC souligne une nouvelle fois cette urgence. Alors que les contributions actuelles mèneront en 2030 à une augmentation de 5 à 10 % des émissions mondiales en 2030 par rapport à 2010, celles-ci devraient diminuer de 45 % par rapport à 2010 pour rester sur une trajectoire compatible avec les objectifs de températures de l’accord de Paris.

Tous les pays devraient ainsi, pour respecter les objectifs de l’accord, adopter dès 2020 des objectifs de réduction d’émission pour 2030 plus ambitieux de manière à combler l’écart de 10 à 15Gt CO2 eq avec l’objectif fixé à Paris en 2015. Une dizaine de pays ont déjà révisé leur contribution nationale déterminée, la plupart du temps pour en améliorer la transparence et la clarté. L’Argentine notamment a revu à la hausse son objectif de réduction d’émissions après un processus de consultation auprès des parties prenantes.

D’un point de vue légal, les parties n’ont pas l’obligation de produire une nouvelle contribution nationale déterminée avant 2020, mais toutes sont invitées à examiner l’adéquation de leur contribution avec les objectifs de l’accord. Le Secrétaire général des Nations unies a prévu un sommet à New York en septembre 2019 pour donner l’opportunité à certains pays d’annoncer la révision de leurs objectifs avec l’espoir que s’enclenche ainsi un cercle vertueux. Une annonce conjointe de grands émetteurs (Canada, Chine, Union européenne…) à cette occasion pourrait constituer un signal très positif et susciter un effet d’entraînement salutaire.

Cependant, à cette heure, très peu de pays ont annoncé leur souhait de réviser à la hausse le niveau de leur contribution suite au « dialogue Talanoa ».  Hélas, l’Union européenne a fait le choix, malgré les efforts de la France et de seize autres États membres, de ne pas annoncer de révision de sa contribution nationale déterminée lors de la COP24. Les rapporteurs regrettent particulièrement cette situation et s’alarment que l’Union européenne ne baisse la garde. Depuis de nombreuses années l’Europe a toujours été à la pointe du combat climatique. Il serait très dommageable pour le climat que l’Union européenne cesse à l’avenir de jouer ce rôle de locomotive. Les rapporteurs tiennent, à cette occasion, à déplorer le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, Londres ayant toujours été un précieux allié dans le cadre des négociations climatiques. 

Il est désormais acté que l’Union européenne étudiera l’éventualité d’une révision à la hausse de sa contribution, en 2019, conjointement avec l’adoption de sa stratégie de long terme. Les rapporteurs espèrent que l’Europe saura, à cette occasion, se montrer à la hauteur des enjeux.

S’agissant du relèvement anticipé des ambitions climatiques, aucun grand émetteur n’a fait d’annonce en ce sens, le contexte étant particulièrement défavorable compte tenu de la  hausse récente des émissions dans la plupart des pays, et du retrait annoncé des ÉtatsUnis de l’accord de Paris.

Les rapporteurs tiennent à rappeler que les engagements actuels ne sont pas suffisamment ambitieux pour nous permettre d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris. La mise en œuvre des contributions nationales déterminées actuelles nous conduirait à 2,7 degrés d’ici 2100, pour l’étude la plus optimiste, et 4,53 degrés pour l’étude la plus pessimiste.

Hélas, à cette heure, la plupart des politiques nationales restent incompatibles avec les engagements de l’accord de Paris, qui eux-mêmes sont loin d’être suffisants pour permettre de maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale endessous de 1,5°C.

2.   La question des financements climat : le nerf de la guerre

a.   La question du financement est au cœur des négociations climatiques

La question du financement est une problématique majeure dans le cadre des négociations climatiques. La COP24 devrait être l’occasion de renforcer le lien de confiance entre les pays développés et les pays en développement grâce à l’adoption de règles robustes de mise en œuvre de l’accord de Paris portant notamment sur le rapportage des financements passés et prévisionnels en faveur du climat. Un accord entre les Parties sur ces règles de rapportage pourrait constituer un élément important de l’équilibre des négociations à Katowice.

En 2009, à Copenhague, les pays développés se sont engagés à mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour aider les pays en développement à faire face au dérèglement climatique. Ces financements doivent soutenir les pays en développement dans leur effort en faveur de l’atténuation et de l’adaptation grâce à une combinaison de sources multiples, à la fois publiques, privées, et alternatives. Cet engagement a été adopté par l’ensemble des Parties, en 2010, et réitéré aux COP de Durban, en 2011, et de Doha, en 2012.

Un rapport OCDE ([26]) – CPI ([27]), avait été commandité par la France et le Pérou sur cette thématique. Il a été présenté par l’OCDE lors de la réunion sur la finance climat organisée lors des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), le 9 octobre 2015 à Lima. Ce rapport indique que les pays développés ont mobilisé 62 milliards de dollars en 2014 en faveur du climat en direction des pays en développement. Cependant de nombreux pays émergents et tout particulièrement l’Inde ont fortement critiqué ce rapport, jugeant sa méthodologie obscure et son processus d’élaboration non transparent.

Pour sa part, le Comité permanent pour les finances de la CCNUCC a publié, en parallèle, le 14 octobre 2015, sa seconde évaluation bisannuelle : les montants mobilisés par les pays développés vers les pays en développement s’élèvent selon ce rapport à 56 milliards de dollars, en 2014.

La décision adoptant l’accord de Paris, réaffirme l’objectif des 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour le climat et ce jusqu’en 2025. La décision demande aux pays développés d’accroître leur soutien financier aux pays en développement selon une feuille de route concrète. Par ailleurs, un équilibre entre financement de l’atténuation et financement de l’adaptation doit être visé. La décision adoptant l’accord de Paris prévoit également qu’un nouvel objectif quantitatif collectif devra être défini avant 2025 par la conférence des Parties, cet objectif n’étant pas explicitement limité aux seuls pays développés.

Les pays développés, à la demande notamment de la présidence française, ont souhaité publier cette feuille de route en amont de la COP22. Elle a été mise en ligne la veille de la pré‑COP22, le 17 octobre 2016. L’OCDE a analysé les annonces faites, en amont et au moment de la COP21, pour permettre à tous de disposer d’éléments chiffrés. Cette analyse a permis d’établir qu’au moins 67 milliards de dollars de financements publics, de sources bilatérales et multilatérales, devraient être disponibles en 2020, constituant ainsi une augmentation de 26 milliards de dollars comparés aux niveaux des années 2013 et 2014. Il ressort également de cette étude que si les effets de mobilisation de la finance climat privée par la finance climat publique sont identiques à ceux de la période 2013–2014, plus de 90 milliards de dollars de finance climat, publique et privée, devraient être mobilisés au total en 2020. En outre, s’agissant du financement de l’adaptation, les financements publics qui y sont consacrés devraient doubler d’ici 2020 par rapport aux années 2013‑2014.

Cependant aucun nouveau rapport d’avancement sur l’atteinte de « l’objectif des 100 milliards de dollars » n’a été produit depuis les exercices recensés ci-avant, alimentant l’inquiétude des pays en développement sur l’atteinte de cet objectif ainsi que leurs exigences d’une communication accrue sur les financements prévisionnels des pays développés au moment de la COP24.

De plus, la diminution des financements climat américains, à la suite du retrait annoncé par le président Donald Trump, pourrait inquiéter les pays en développement quant à la capacité des pays développés à respecter leur engagement financier.

Washington, sous la présidence de Barack Obama, avait contribué à hauteur de un milliard de dollars au Fonds vert pour le climat. Cependant, le versement du solde de cette contribution, soit 2 milliards de dollars sur la période 2015-2019, n’a toutefois pas été programmé dans le budget américain. L’arrêt annoncé par l’administration Trump des contributions aux programmes climatiques des Nations unies incluant notamment la suppression des versements américains au Fonds vert pour le climat.

La principale conséquence du non‑versement du solde de la contribution américaine a eu pour effet d’accélérer le calendrier de reconstitution du Fonds vert. La règle veut que le déclenchement de la reconstitution intervienne lorsque 60 % du montant de la capitalisation est engagé. En outre, les États-Unis ont réduit leur contribution au fonds pour l’environnement mondial sur la période 2019‑2022, avec un engagement à hauteur de 273 millions de dollars, soit une diminution de 50 % par rapport à la précédente reconstitution.

Néanmoins, ces craintes doivent être relativisées compte tenu du poids relativement limité des États-Unis dans les financements climat. En effet, l’Union européenne et ses États membres sont les premiers financeurs de l’action climatique dans les pays en développement : 17,6 milliards d’euros de financements climat publics dans les pays en développement en 2015 contre seulement 2,7 milliards de dollars pour les États-Unis en 2014

De manière plus positive, la communication des banques multilatérales de développement montre une croissance des financements multilatéraux en 2017, qui est de nature à envoyer un signal positif quant à l’atteinte de l’objectif en 2020. En 2017, les six principales banques multilatérales de développement – Banque mondiale, Banque africaine, Banque asiatique, Banque interaméricaine, Banque européenne d’investissement, Banque européenne de reconstruction et de développement – ont en cumulé contribué à hauteur de 35 milliards de dollars aux financements climatiques, en hausse de 28 % par rapport à 2016.

En outre, les données communiquées annuellement par l’Union européenne, dans le cadre des conclusions du conseil ECOFIN sur la finance climat, soulignent une augmentation continue des financements climat fournis par l’Union européenne et ses États membres, soit 20,4 milliards d’euros en 2017 par rapport à 20,2 milliards d’euros en 2016.

b.   Premier état des lieux concernant les actions du Fonds vert pour le climat

Le Fonds vert pour le climat a vocation à jouer un rôle catalyseur des actions d’atténuation et d’adaptation à grande échelle dans les pays en développement. Sa mobilisation initiale était de 8,3  milliards de dollars.

Au 30 août 2018, le Fonds vert a approuvé 74 projets pour un montant total d’engagements de 3,5 milliards de dollars, hors cofinancements, incluant des instruments financiers variés (dons, prêts, capital, garanties). Les cofinancements associés à ces projets représentent environ 9 milliards de dollars.

Le Fonds vert connaît une croissance importante du volume d’engagements depuis 2017, avec un niveau maximal atteint lors du 19e conseil du Fonds en février 2018, qui a permis d’approuver 23 projets représentant environ un milliard de dollars. Ces projets sont estimés permettre une réduction de 1,3 milliard de tonnes de CO2 et représentent un bénéfice direct pour 217 millions de bénéficiaires.

Les premiers décaissements ont été effectués en automne 2016 et s’élèvent au 30 août 2018 à 370 millions de dollars au bénéfice de 25 projets. Au total, 31 projets sur les 74 approuvés sont en démarrage ou en cours de mise en œuvre.

En termes de répartition géographique, l’Afrique représente 26 % des engagements (958 millions de dollars), les pays les moins avancés représentant un total de 26 projets pour un montant d’engagement total du fonds de 780 millions de dollars. L’Asie-Pacifique représente un volume d’engagement total de 1,2 milliard de dollars, l’Amérique latine et les Caraïbes 907 millions de dollars et les projets multirégionaux 643 millions de dollars.

En termes de cibles : 46 % des financements relatifs aux projets approuvés concernent des projets d’atténuation, 32 % des projets d’adaptation et 22 % des projets « mixtes » atténuation-adaptation.

En complément des engagements en faveur de projets, les activités de renforcement de capacité du fonds bénéficient à 78 pays. Le volume total d’engagements financiers pour les activités de soutien au renforcement de capacité représente un montant de 140 millions de dollars.

Le gouvernement français s’est engagé à verser une contribution de 774 millions d’euros sur la période 2015-2018, dont :

 432 millions en dons répartis sur 2015-2018, dont les versements ont été réalisés à partir du Fonds de solidarité pour le développement (FSD) à hauteur de respectivement 104 millions d’euros, 61,8 millions d’euros, 106,22 millions d’euros et 160 millions d’euros ;

 285 millions d’euros en prêt très concessionnel via l’Agence française de développement (AFD) versé en une seule fois fin 2017 ;

 57 millions d’euros sous la forme d’un coussin de garantie pour le prêt, assimilable à un don versé en 2017 à partir du FSD.

Selon le calendrier de paiements prévu, la France a versé au 24 août 2018 l’intégralité de sa contribution.

L’AFD en qualité d’entité accréditée au Fonds vert, a présenté et obtenu l’approbation de deux projets. Le premier projet, approuvé en 2017, vise à développer un système d’irrigation dans le domaine agricole au Maroc pour un montant total de 89 millions de dollars (dont 23,4 millions de dollars du Fonds vert). Le deuxième est un projet pour la gestion des inondations en milieu urbain au Sénégal, engagé en 2016 pour un montant de 83 millions de dollars (dont 17,6 millions du Fonds vert). 

Il pourrait être pertinent que la France, en tant que nation leader sur les questions climatiques, se propose d’accueillir prochainement une des prochaines réunions du conseil d’administration du Fonds vert pour le climat. Un tel événement pourrait ainsi permettre de lui donner plus de visibilité et de mettre en avant les différents projets soutenus afin de donner à voir à nos concitoyens les résultats concrets de l’action multilatérale en faveur de la lutte contre  le réchauffement climatique.

c.   Le One Planet Summit : un cadre informel et multi-acteurs pour répondre aux objectifs de l’accord de Paris

Le 12 décembre 2017, le Président de la République, Emmanuel Macron, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, et le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim ont organisé conjointement un sommet international baptisé One Planet Summit, à Boulogne-Billancourt.

Cette initiative fédérant des acteurs publics et privés visait à créer un mouvement  international permettant d’accélérer l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris, en parallèle des conférences des Parties. Une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement, des représentants de collectivités locales, d’entreprises, de fonds d’investissement, ou de banques de développement ont participé à la première édition du One Planet Summit.

Les participants se sont engagés, à l’issue de ce sommet, à mobiliser des financements alternatifs et à encourager de nouveaux modèles d’investissement en faveur d’une économie bas‑carbone permettant ainsi de soutenir efficacement la lutte contre le réchauffement climatique.

Un ensemble de douze engagements, classés en trois groupes thématiques, ont été pris à l’occasion de cette première édition du One Planet Summit, comme le montre le tableau ci‑après :

Les douze engagements pris à l’occasion de la première édition du One Planet Summit

Amplifier le financement de l’adaptation

et de la résilience au changement

climatique

Accélérer la transition vers une

économie décarbonée

Ancrer les enjeux climatiques au cœur de la finance et des décisions de ses

acteurs

1- Faire face aux événements extrêmes dans les États insulaires

 

5- Objectif zéro émission

9- Actions des banques centrales et entreprises

2- Mobiliser la recherche et la jeunesse en faveur du climat

6- Révolutions sectorielles vers une économie décarbonée

10- Mobilisation internationale des banques de développement

3- Protéger les terres et les ressources en eau face aux effets du dérèglement climatique

7- Des transports sans pollution

11- Engagement des fonds souverains

4- Marchés publics et accès des collectivités aux financements climat

8- Vers un prix du carbone compatible avec l’accord de Paris

12- Mobilisation des investisseurs institutionnels

Source : One Planet Summit

Ces différents engagements comprennent des plans d’action concrets. Ainsi, un accord a été signé entre le PNUE et le groupe BNP Paribas pour créer des instruments de financement du développement durable dans les domaines de l’agriculture et de la sylviculture au bénéfice des pays émergents. Cet accord prévoit notamment de mobiliser 10 milliards de dollars issus de fonds privés d’ici à 2025.

En septembre 2018, un « rapport de progrès » établissant les avancées des engagements, pris en décembre 2017, a été publié. Si peu d’entre eux se sont d’ores et déjà concrétisés, certaines évolutions sont notables. Ainsi 151 millions de dollars ont été débloqués dans le cadre d’un programme d'adaptation de l'agriculture aux changements climatiques, par la Commission européenne et la Fondation Bill & Melinda Gates.

La deuxième édition du One Planet Summit s’est tenue en marge de la 73e assemblée générale des Nations unies, le 26 septembre 2018. La fondation Bloomberg Philanthropies s’est, à cette occasion, jointe à l’Élysée, au Secrétariat général des Nations unies et à la Banque mondiale en tant que co-organisateur du sommet.

L’objet de ce second sommet visait à faire un point d’avancement sur l’ensemble des douze familles d’engagements pris, mais également d’affirmer un renouvellement de l’ambition collective en amont de la COP24.

Des annonces importantes y ont été faites, notamment en matière de finance verte et de coalition entre acteurs privés et publics : à titre d’illustration, le fonds d’investissement BlackRock a annoncé une coopération avec l'AFD et le ministère allemand de l’environnement pour développer un outil d’investissement encourageant les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, le stockage de l’énergie et les transports bas carbone sur les marchés émergeants d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. 

Le groupe de la Banque mondiale s'est lui engagé à investir un milliard de dollars dans le déploiement de batteries de stockage de l’énergie dans les pays en développement, pour atteindre 17,5 gigawattheures en 2025 contre 4 à 5 actuellement.

La Commission européenne a proposé de consacrer 25 % du prochain budget de l'Union européenne (2021-2027), soit 320 milliards d'euros, aux objectifs climatiques. 

On constate ainsi que ces deux sommets se sont traduits par une forte mobilisation des différents acteurs, même s’il reste à présent à concrétiser les engagements annoncés.

Les rapporteurs tiennent à souligner, à nouveau, l’importance de ces événements parallèles aux COP. En effet, ces moments particuliers – les éditions du One Planet Summit, le sommet mondial pour l’action climatique qui s’est tenu à San Francisco ou encore le sommet pour le climat qui sera organisé par le Secrétariat général des Nations unies à New York en septembre 2019 – constituent autant d’occasions permettant aux États et à la société civile de se mobiliser. En effet, il n’est plus temps, à présent, de négocier mais d’agir avec détermination afin de rendre tangibles les objectifs fixés, en 2015, à l’occasion de la signature de l’accord de Paris.

 

 

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 28 novembre 2018, la commission des affaires étrangères examine le présent rapport d’information.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7002731_5bfe4e81126b4.commission-des-affaires-etrangeres--rapport-d-information--la-diplomatie-climatique--28-novembre-2018

Au terme du débat, la commission autorise la publication du rapport d’information.

 

 

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par LEs RAPPORTEURs

 

Déplacement aux États-Unis du 18 au 22 juin 2018

À New York

 

À Washington

 


([1]) « Pour sauver notre planète, il n’est pas trop tard, mais presque », dit le climatologue Jean Jouzel Télérama (samedi 24 novembre 2018)

([2]) la procédure de ratification est actuellement en cours de finalisation

([3]) Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C

([4]) Rapport du PNUE sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions

([5]) Sans les contributions nationales déterminées ces augmentations seraient comprises entre 4,2°C  et 4,7°C 

([6]) Broad threat to humanity from cumulative climate hazards intensified by greenhouse gas emissions – Nature Climate Change (19 novembre 2018)

([7])  4 325 Mt éq CO2

([8]) Inventaire des contributions nationales (2018)

([9]) 459 Mt eq CO2

([10]) Les émissions françaises pour 2017 seront finalisées début 2019, après intégration de certaines données concernant le secteur agricole et l’Outre-mer, qui ne seront connues qu’à la fin de l’année 2018

([11]) Bilan énergétique mondial édition 2018. Un pas en arrière dans la transition énergétique ?

([12])  Estimation basée sur les émissions de l’année 2010 estimées au total à 49 Gt eq CO2, citation SDES de données du GIEC de 2014

([13]) http://ipcc.ch/report/sr15/

([14]) Climat : le pari des « émissions négatives » - Le Monde (31 octobre 2018)

([15])   Géopolitique d’une planète déréglée de Jean‑Michel Valantin, éditions du Seuil (2017)

 

([17])  Déclaration suite au retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris

([18]) Donald Trump ne nie plus le changement climatique, mais espère un retour à la normale - Le Monde (15 octobre 2018)

([19]) Scott Morrison contradicts energy advice, saying Paris targets can be met 'at a canter' – The Guardian (5 septembre 2018)

([20]) Brésil : ce que contient le programme du candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro – Le Monde (9 octobre 2018)

([21]) Au lieu de 10,3 milliards de dollars du fait du versement partiel de la contribution américaine.

([22]) Statuts du Fonds vert pour le climat

([23])  Palmarès de la qualité de l'air en Europe

([24]) Ad hoc working group on the Paris Agreement

([25]) Le « dialogue de Talanoa », officiellement appelé « dialogue de facilitation », a été conçu pour évaluer collectivement les progrès accomplis dans la mise en œuvre de l’objectif de long terme de l’accord de Paris de limiter la hausse des températures bien en dessous de 2°C, voire 1,5°C, et pour nourrir la préparation des contributions déterminées au niveau national à soumettre d’ici 2020.

([26]) Organisation de coopération et de développement économiques

([27]) Climate Policy Initiative