Logo2003modif

N° 1702

 

——

 

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 février 2019

 

RAPPORT  D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

En conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])  

 

sur la justice des mineurs

et présenté par

M. Jean TERLIER et Mme Cécile UNTERMAIER,

Députés

____

 

 

La mission d’information sur la justice des mineurs est composée de M. Jean Terlier, président-rapporteur ; Mme Cécile Untermaier, co-rapporteure ; Mme Caroline Abadie, MM. Ugo Bernalicis, Xavier Breton, Mme Marie-George Buffet, MM. Éric Ciotti, Philippe Dunoyer, Mme Isabelle Florennes, M. Dimitri Houbron, Mmes Catherine Kamowski, Alexandra Louis, M. Stéphane Mazars, Mme Naïma Moutchou, MM. Didier Paris, Éric Poulliat, Rémy Rebeyrotte, Antoine Savignat.

 


— 1 —

 

SOMMAIRE

___

Pages

I. Une dÉlinquance spÉcifique

A. Les statistiques de la justice des mineurs : revenir sur les idÉes reçues

1. Une délinquance stable mais une réponse pénale et un taux de détention provisoire élevés

2. Une situation qui sexplique par une transformation de la nature de la délinquance juvénile

3. Des délais de prise en charge après jugement variables et un faible taux de récidive

B. Les principaux facteurs de la dÉlinquance juvÉnile

1. Le lien entre enfance en danger et enfance délinquante

2. La déscolarisation

3. Les addictions

4. La radicalisation et les dérives sectaires

C. Les exigences particuliÈres de la justice des mineurs

1. Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république

a. Latténuation de responsabilité des mineurs en fonction de lâge

b. La nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité

c. Une juridiction spécialisée ou des procédures appropriées

2. Le droit international

a. Linfluence de la Cour européenne des droits de lHomme

b. La question de la conformité avec la Convention internationale des droits de lenfant

II. La nécessaire CODIFICATION de l’ordonnance de 1945

A. des procédures complexes

1. Une complexification de la procédure pour les acteurs de la justice des mineurs

2. Les difficultés dans la mise en œuvre

a. Une ordonnance peu compréhensible

b. Les difficultés posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel

c. Des moyens insuffisants

B. les mesures de la loi de programmation 2018-2022 et de rÉforme pour la justice

1. Renforcer les droits des mineurs et doter la justice des mineurs de nouveaux outils

2. Créer vingt nouveaux centres éducatifs fermés

C. vers un code de la justice pénale des mineurs

1. Conserver les principes fondateurs de l’ordonnance de 1945

2. Des pistes de réflexion

a. Une nécessaire simplification et la mise en place d’un code pénal des mineurs

b. La question de l’âge de la responsabilité pénale

c. Le jugement à peine différée

d. Développer les procédures rapides pour les mineurs multirécidivistes

e. Développer les mesures pouvant être prononcées par le juge des enfants en cabinet

III. UNE RÉFORME PLUS GLOBALE DE LA PRÉVENTION DE LA DÉlinquance et de la rÉCIDIVE DES MINEURS

A. De nombreux intervenants spécialisÉs

1. Les effets de la spécialisation des compétences de la protection judiciaire de la jeunesse et des départements

2. Le rôle du maire

a. Les contrats locaux de sécurité

b. Le rappel à l’ordre

c. L’assistance et la prise en charge des familles en difficulté

3. Le rôle de l’école

a. La détection de l’absentéisme et de la déscolarisation

b. La détection de l’enfance en danger et la prévention des addictions et des dérives sectaires

c. La discipline en milieu scolaire

4. Les forces de l’ordre

B. Renforcer la coopÉration des acteurs

a. Beaucoup d’instances de dialogue trop peu utilisées

b. Améliorer le partage de l’information

C. Intervenir dans les autres moments clÉs du parcours du mineur

a. La préparation du passage à la majorité.

b. L’insertion professionnelle

c. La sortie de la délinquance, un processus progressif

Conclusion

Synthèse des propositions

Travaux de la COMmission

Liste des personnes entendues

Déplacements effectués par la mission

 


— 1 —

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

« Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de lenfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de lenfance traduite en justice. La France nest pas assez riche denfants pour quelle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. La guerre et les bouleversements dordre matériel et moral quelle a provoqués ont accru dans des proportions inquiétantes la délinquance juvénile. La question de lenfance coupable est une des plus urgentes de lépoque présente. »

L’exposé des motifs de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ([2]) indique le contexte de crise dans lequel s’est confectionnée la justice des mineurs en France. Le traitement de la délinquance juvénile engage la société toute entière car il préfigure l’avenir d’un pays. Le mineur coupable n’est pas un délinquant comme les autres et son jeune âge est considéré comme un atout en vue d’atteindre son redressement moral et éducatif.

La question a pris un tour particulier après la seconde guerre mondiale, mais elle n’était pas nouvelle pour autant. Au XIXème siècle, le statut de l’enfant est comparable à celui d’un adulte – « un adulte miniature » ([3]) – et ils peuvent donc être emprisonnés ensemble et se voir appliquer les mêmes lois. À partir de 1840, des établissements spécifiques pour mineurs délinquants voient le jour : les colonies pénitentiaires et les maisons de redressement. Mais dès 1880, d’autres modes de prise en charge se développent, orientés vers le relèvement par l’éducation, tels que les colonies agricoles et industrielles et les institutions religieuses et publiques d’éducation surveillée. À partir du début du XXème siècle, la déviance juvénile est perçue comme le fait d’un individu en danger qu’il faut protéger de sa famille et de son milieu d’origine. La loi du 22 juillet 1912, sous l’influence des législations étrangères sur l’enfance, pose et reconnaît les grands principes qui organisent désormais le système français et préfigurent la protection judiciaire de l’enfance délinquante et en danger en créant les tribunaux pour enfants et pour adolescents. Symptôme de cette évolution des mentalités, à partir de 1935, la fugue n’est plus une infraction.

Si l’ordonnance de 1945 s’attache spécifiquement au traitement de l’enfance délinquante, cette question a été dès cette période présentée comme indissociable de la protection de l’enfance en danger. La mission a d’ailleurs pu constater au cours de ses travaux que le public concerné pouvait être le même.

Les grands principes de la justice des mineurs, consacrés en droit international dans la Convention internationale des droits de l’enfant et par le Conseil constitutionnel, sont « reconnus comme un modèle par les autres systèmes juridiques européens, qui ne sont pas toujours avertis de ses évolutions récentes » ([4]). Les nombreuses personnes auditionnées par la mission, y compris lors des différents déplacements effectués ([5]), ont souligné que la justice des mineurs fonctionne globalement bien, notamment au regard du taux de récidive. 65 % des mineurs qui passent devant le juge n’y reviennent jamais. Néanmoins, à la marge, la délinquance juvénile s’est endurcie avec des phénomènes de bandes et la participation de mineurs étrangers dans des réseaux de grand banditisme et de traite humaine. De nombreuses critiques se sont élevées contre l’ordonnance de 1945 : défaut de lisibilité, délais excessifs, manque de moyens, sévérité insuffisante, inadaptation à la jeunesse d’aujourd’hui...

En réponse à ces critiques, la justice des mineurs, ainsi que la protection de l’enfance, ont connu de nombreuses évolutions depuis les années 1990, après que la direction de l’Éducation surveillée soit devenue la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ([6]).

La sévérité du droit pénal applicable aux mineurs a été renforcée par différentes lois :

– la loi du 9 septembre 2002 ([7]), dite « Perben I », marque un tournant répressif dans la prise en charge des mineurs délinquants. Elle crée des centres éducatifs fermés (CEF), des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) et développe les procédures de jugement rapide. La loi instaure en contrepartie l’obligation pour les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse d’intervenir au quotidien auprès des mineurs incarcérés ;

– la loi du 10 août 2007 ([8]) introduit la possibilité de ne pas appliquer l’excuse de minorité ainsi que des peines minimales en cas de récidive, dites « peines plancher » ;

– la loi du 10 août 2011 ([9]) crée le tribunal correctionnel pour mineur qui réduit le rôle du juge des enfants en vue d’instaurer une « progressivité procédurale » au moyen d’une juridiction apte à traiter conjointement les affaires mêlant mineurs et jeunes majeurs ;

– la loi du 18 novembre 2016 ([10]) revient sur cette dynamique en apportant plusieurs modifications à la justice pénale des mineurs : suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, assistance obligatoire du mineur en garde à vue par un avocat, encadrement de la césure du procès, fin de la réclusion à perpétuité pour les mineurs.

Concomitamment, la protection de l’enfance en danger et des enfants victimes a été renforcée :

– la loi du 10 juillet 1989 ([11]) a créé notamment le Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée (numéro 119) ;

– la loi du 8 janvier 1993 ([12]) a institué le juge aux affaires familiales ;

– la loi du 17 juin 1998 ([13]) a prévu pour les mineurs victimes d’infractions sexuelles l’enregistrement audiovisuel de leur audition ;

– la loi du 6 mars 2000 ([14]) a créé un Défenseur des enfants (intégré au Défenseur des droits en 2011) ;

– la loi du 2 janvier 2004 ([15]) a créé un Observatoire statistique national de l’enfance en danger (ONED), a étendu les possibilités offertes aux associations de protection de l’enfance de se porter partie civile, a renforcé les sanctions contre l’exploitation des enfants au travail, a supprimé le dispositif administratif de suspension ou de suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire (remplacé par une amende en cas de refus de dialogue). Elle a également introduit de nouvelles dispositions relatives au signalement des actes de maltraitance par les professionnels soumis au secret ;

– la loi du 5 mars 2007 ([16]) a donné de nouveaux moyens aux conseils départementaux pour exercer cette responsabilité. Trois objectifs ont été poursuivis : renforcer la prévention, réorganiser les procédures de signalement et diversifier les modes de prise en charge des enfants. Ainsi, la loi a créé les observatoires départementaux de protection de l’enfance (ODPE) et, dans chaque département, une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP) relatives aux mineurs en danger qui centralise les signalements ;

– la loi du 14 mars 2016 ([17]) a visé à mieux prendre en compte les besoins de l’enfant dans un parcours de protection et à améliorer la gouvernance nationale et locale de protection de l’enfance notamment avec la création au niveau national d’un Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE).

À l’exception de la loi du 18 novembre 2016, la dynamique des récentes réformes du droit pénal des mineurs indique une tendance au durcissement de la politique pénale à l’égard des mineurs et tend vers une remise en question de ses principes fondateurs : sa spécialisation, incarnée par le juge des enfants, la primauté de l’éducatif sur le répressif et l’atténuation de responsabilité selon l’âge et la personnalité du mineur. On notera à cette occasion le basculement sémantique qui s’est opéré de « l’enfance délinquante » vers l’expression de « mineurs délinquants » mais qui n’a pas touché l’enfance en danger qui a gardé son nom. Dans les faits, cela s’est traduit par une réponse pénale accrue (93,3 %) et une augmentation du nombre de mineurs enfermés alors que les infractions commises par des mineurs restent stables, voire diminuent (– 7,4 % entre 2016 et 2017) ([18]).

En vue de mieux concilier l’affirmation des principes fondateurs de l’ordonnance de 1945 avec les enjeux contemporains de la justice des mineurs, le Gouvernement a fait le choix d’engager une réforme de l’ordonnance du 2 février 1945. L’article 93 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ([19]), introduit par amendement, l’autorise à « prendre par voie dordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier et compléter les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs, dans le respect des principes constitutionnels qui lui sont applicables et des conventions internationales, afin de : a) Simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants ; b) Accélérer leur jugement pour quil soit statué rapidement sur leur culpabilité ; c) Renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine, notamment pour les mineurs récidivistes ou en état de réitération ; d) Améliorer la prise en compte de leurs victimes ». Le même article autorise le Gouvernement à « regrouper et organiser ces dispositions dans un code de la justice pénale des mineurs ».

Cette réforme porterait tant sur l’organisation formelle, via la codification, que sur le fond des dispositions applicables aux mineurs et aux juridictions spécialisées qui les traitent.

Vos rapporteurs ont conscience de la sensibilité de ce sujet. C’est pourquoi ils souhaitent que ce rapport puisse ouvrir une discussion à partir d’un constat précis de la situation de la délinquance des mineurs et du cadre juridique qui s’y applique et de l’étude de diverses pistes de réformes avec leurs avantages et leurs inconvénients.

Selon vos rapporteurs, cette réforme pourrait également comporter un volet sur la prévention de la délinquance juvénile qui a occupé une large partie des travaux de la mission. Le dialogue et la coopération entre les acteurs, tous très impliqués dans leur domaine respectif, semblent à même de démultiplier l’efficacité de leur action.


— 1 —

 

I.   Une dÉlinquance spÉcifique

La délinquance des mineurs occupe une place particulière dans l’imaginaire collectif car elle touche à nos enfants et engage l’avenir de notre société. Elle présente trois spécificités :

– d’abord une spécificité liée au décalage entre la perception et la réalité de la délinquance des jeunes et de la réponse pénale qui y est apportée ;

– ensuite une spécificité quant à ses facteurs qui reposent le plus souvent sur des difficultés éducatives et une vulnérabilité propre à l’adolescence ;

– enfin, une spécificité juridique quant aux principes qui la régissent. Trois principes (spécialisation de la juridiction, primauté de l’éducatif et atténuation de responsabilité selon l’âge et la personnalité du mineur) sont garantis au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes par le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l’Homme et le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies.

A.   Les statistiques de la justice des mineurs : revenir sur les idÉes reçues

1.   Une délinquance stable mais une réponse pénale et un taux de détention provisoire élevés

Le nombre daffaires impliquant des mineurs est relativement stable à l’échelle nationale. Il était même en baisse en 2017 (– 7,4 % entre 2016 et 2017). 3,6 % des mineurs de 10 à 17 ans ont été impliqués dans une affaire pénale. Cela représente 9,5 % de l’ensemble des affaires. Les filles font l’objet de six fois moins de poursuites que les garçons.

Malgré cette stabilité, la place de la justice des mineurs dans l’activité des tribunaux de grande instance est croissante en raison de la forte hausse du taux de réponse pénale. En effet, 93,3 % des affaires poursuivables impliquant au moins un mineur font lobjet de poursuites ou de procédures alternatives aux poursuites, contre 77,6 % en 2000 ([20]). Seules 6,7 % des affaires sont classées sans suite alors même que ce taux s’élève à 12,4 % si l’on considère l’ensemble des affaires poursuivables (majeurs et mineurs confondus).

Selon M. Laurent Gebler, président de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, la hausse du taux de réponse pénale est le produit d’une « judiciarisation croissante de la réponse apportée aux comportements des mineurs ». Par exemple, l’éducation nationale informe de plus en plus fréquemment le parquet des délits de nature pénale intervenus dans l’enceinte scolaire. Ces saisines provoquent « un embouteillage et des délais de traitement longs pour des situations qui pourraient être prises en charge par la société civile ». En outre, elles ne permettent pas toujours de mieux prévenir la commission d’infraction car il existe également une « banalisation de la rencontre judiciaire qui diminue leffet du passage devant le tribunal ». Or pour les mineurs, la dimension symbolique du système judiciaire peut agir comme une réponse en soi susceptible de prévenir la récidive.

La hausse du taux de réponse pénale s’est accompagnée d’une plus grande sévérité des décisions, notamment en amont du jugement. Les mesures dites pré-sententielles occupent une place centrale dans la réponse apportée par la justice compte tenu de l’écart entre l’urgence de certaines situations sociales ou éducatives et le délai nécessaire au juge pour évaluer la personnalité du mineur et prononcer la sanction définitive. Ainsi, selon les statistiques du ministère de la justice, le nombre de mineurs placés en détention provisoire a augmenté de 10,3 % entre 2016 et 2017. Ces mineurs sont incarcérés dans des établissements pénitentiaires pour mineurs – pour 32 % d’entre eux en 2017 ([21]) – ou dans les quartiers mineurs d’établissements pénitentiaires accueillant des majeurs.

Les mesures éducatives pré-sententielles et les mesures alternatives aux poursuites

 Les mesures éducatives pré-sententielles, ordonnées par le juge des enfants, sont des mesures provisoires prises à l’égard du mineur mis en examen durant la phase d’information préalable à son éventuel jugement.

– La mesure de liberté surveillée combine à la fois surveillance et action éducative.

– La mesure de placement consiste à confier provisoirement le mineur à une personne (parents, tuteur, personne digne de confiance…) ou à une institution (centre d’accueil, établissement hospitalier ou établissement d’éducation, de formation professionnelle ou de soins…).

– La mesure de réparation consiste en une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité, à visée éducative.

– La mesure dactivité de jour consiste dans la participation du mineur à des activités d’insertion professionnelle ou scolaire.

 Les mesures alternatives aux poursuites, ordonnées par le Parquet, ont pour but d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble issu de l’infraction et de contribuer au reclassement de l’auteur des faits. En fonction de la gravité des infractions commises, le procureur de la République dispose d’un éventail de possibilités. Il peut :

– faire un rappel à la loi à l’auteur des faits. Le procureur lui rappelle quelles sont ses obligations légales et les risques encourus en cas d’infraction ;

– demander au mineur de régulariser sa situation au regard de la loi et des règlements ;

– faire procéder, avec l’accord des parties, à une médiation pénale avec la victime ;

– orienter le mineur vers un suivi par une structure sanitaire, sociale ou professionnelle ;

– lui faire accomplir un stage de citoyenneté ou de sensibilisation à la sécurité routière.

En France, l’incarcération des mineurs demeure exceptionnelle. Cependant, si le nombre de mineurs en détention reste relativement limité, celui-ci a connu une augmentation importante ces dernières années.

Selon les données du ministère de la justice ([22]), 783 mineurs sont sous écrou au 1er janvier 2018. Parmi eux, 601 mineurs, soit 77 %, sont en détention provisoire et 182 mineurs, soit 23 %, sont condamnés. Le ministère de la justice précise : « La forte proportion de jeunes en détention provisoire parmi les mineurs incarcérés – par comparaison aux 25 % sur l’ensemble de la population détenue – s’explique en grande partie par le fait que de nombreux condamnés pour un acte commis pendant leur minorité sont comptabilisés, en prison, parmi les majeurs. En effet, la moitié des jeunes poursuivis pour des faits commis durant leur minorité sont devenus majeurs au moment du jugement, auxquels s’ajoutent ceux qui atteignent 18 ans entre leur condamnation et l’exécution de leur peine » ([23]). Pour autant, vos rapporteurs constatent que la part de la détention provisoire de mineurs a fortement progressé puisqu’elle est passée de 62 % au 1er janvier 2014 à 77 % au 1er janvier 2018.

96 % des mineurs incarcérés sont des garçons. Ils ont 16 ou 17 ans dans 89 % des cas et moins de 16 ans pour 11 % d’entre eux. Parmi les 182 mineurs condamnés incarcérés au 1er janvier 2018, 64 % exécutent une peine inférieure à 6 mois, 23 % une peine ferme comprise entre 6 mois et 1 an et 13 % une peine ferme supérieure ou égale à 1 an.

Dans le rapport précité sur la réinsertion des mineurs enfermés ([24]), le sénateur Michel Amiel rappelle que : « ce chiffre ne donne cependant qu’une vision partielle du nombre de mineurs enfermés au cours d’une année : dans la mesure où la durée moyenne d’incarcération d’un mineur ne dépasse pas quelques mois (trois mois et huit jours en 2016), de même que la durée de placement en CEF (3,9 mois en 2016), un nombre élevé de mineurs se succèdent, au cours d’une même année, dans ces lieux de privation de liberté. Ainsi, en 2016, ce sont 1 546 mineurs qui ont été placés en CEF et 3 281 qui ont été placés sous écrou, c’est-à-dire qui sont entrés dans un établissement pénitentiaire. Au total, un peu plus de 4 800 mesures de privation de liberté ont donc été mises en œuvre au cours de cette année. »

La situation des mineurs non accompagnés entraîne également de nombreux placements en détention car il s’agit, pour certains juges, d’une manière de s’assurer de la présence du mineur lors du jugement. Il arrive donc que des mineurs soient incarcérés faute de solution en milieu ouvert et afin de garantir leur sécurité car ils sont souvent impliqués dans des réseaux de trafic ou de traite humaine. Lors de son audition, l’Assemblée des départements de France a fait part de sa grande difficulté à prendre en charge l’afflux de mineurs non accompagnés, principalement en raison du manque de moyens et de places d’accueil. Lors de son audition, le Défenseur des droits a alerté vos rapporteurs sur le sujet, rappelant qu’il « ne faudrait pas que les nécessités de maîtrise des flux migratoires et de protection de lordre public fassent oublier que ce sont des mineurs et donc quils doivent être traités en tant que tels » ([25]).


La détention résulte également des nombreuses ruptures de sursis avec mise à lépreuve. Les placements en centre éducatif fermé sont des alternatives à l’emprisonnement mais peuvent aboutir à une incarcération si le mineur fugue à plusieurs reprises car il rompt son sursis. Mais la fermeture des CEF est uniquement juridique, il n’existe donc pas de dispositifs de sécurité et d’enfermement spécifiques. Lors de leur déplacement au CEF d’Épinay-sur-Seine, vos rapporteurs ont rencontré des éducateurs qui expliquent ne pas être en droit de s’opposer physiquement à un mineur qui souhaite fuguer, notamment pour éviter les dangers en cas d’évasion par les grilles ou les murs d’enceinte. Les éducateurs rencontrés ont témoigné de leur difficulté à faire comprendre aux jeunes la notion de fermeture juridique.

Ainsi dans le rapport précité ([26]), M. Michel Amiel constate une augmentation particulièrement marquée de la détention provisoire liée à une augmentation du nombre de mesures de placement sous contrôle judiciaire décidées par le juge des enfants, qui a progressé de 74 % entre 2007 et 2016 : « Dans le cadre du contrôle judiciaire, le juge impose au mineur des obligations, par exemple se soumettre à des mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation confiées à la PJJ, suivre une formation ou une scolarité, ne pas paraître dans certains lieux ou rencontrer certaines personnes, ou encore intégrer un centre éducatif fermé. Le non-respect par le mineur des obligations qui lui incombent dans le cadre de son contrôle judiciaire peut conduire à son placement en détention provisoire. Or l’expérience montre que les mineurs placés sous contrôle judiciaire, qui sont par définition des jeunes en manque de repères, ont du mal à respecter leurs obligations ».

L’ensemble des personnes auditionnées par la mission d’information a souligné cette forte augmentation du nombre de mineurs enfermés observée ces dernières années. De même, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dans un avis sur la privation de liberté des mineurs, dénonce une « banalisation de l’enfermement » ([27]) et énumère les raisons de cette évolution : une tendance à la « surpénalisation » du comportement des mineurs, la modification de la temporalité de la justice des mineurs avec le développement des procédures rapides et la banalisation de l’enfermement. La commission évoque également des raisons plus conjoncturelles : la fermeture de CEF, le développement des poursuites de mineurs dans des affaires en lien avec le terrorisme et l’augmentation du nombre de mineurs non accompagnés dont la prise en charge est défaillante.

2.   Une situation qui s’explique par une transformation de la nature de la délinquance juvénile

Le recours à l’incarcération et, plus largement, le durcissement de la réponse pénale à la délinquance juvénile s’explique notamment par la mutation du profil des mineurs.

D’abord, selon le ministère de l’intérieur, il existe une tendance à laggravation des infractions commises et au rajeunissement de leurs auteurs. Certaines bandes organisées n’hésitent pas à utiliser des mineurs de moins de treize ans – qui ne peuvent pas être mis en garde à vue – pour des infractions d’atteinte aux biens (cambriolage, vol à l’étalage…) et de trafic de stupéfiants (guetteur, livreur…).

Ensuite, la délinquance juvénile tend à une double concentration : concentration spatiale dans les quartiers défavorisés et concentration de la commission des actes par un nombre restreint de mineurs. Ces deux phénomènes ont mené à l’apparition récente d’une délinquance juvénile davantage organisée et à la multiplication des phénomènes de bandes.

Enfin, la délinquance juvénile pâtit d’un écho particulier résultant d’une part de « la surmédiatisation des faits graves commis par les mineurs » et d’autre part de son « impact en termes de troubles à lordre public » ([28]). En effet, cette délinquance se matérialise souvent par une « occupation du domaine public saccompagnant de faits de délinquance mais également dincivilités engendrant une forte exaspération des citoyens et le sentiment dune inaction des pouvoirs publics » ([29]).

Statistiques des infractions commises par les mineurs ([30])

● Sur les cinq dernières années, la délinquance des mineurs concerne :

– les atteintes aux biens (40 % des faits mettant en cause des mineurs) ;

– les atteintes volontaires à l’intégrité physique (29 %) ;

– les infractions à la législation des stupéfiants (16 %).

● Les mineurs sont surreprésentés dans la commission de certaines infractions :

– les vols avec arme blanche ou arme par destination (30,5 % des affaires impliquent des mineurs en 2017) ;

– les viols sur mineurs (49,4 % en 2017) ;

– les vols d’automobiles (32,5 % en 2017) ;

– les vols à l’étalage (20,2 % en 2017).

● La répartition par catégorie d’âge est la suivante :

– moins de 1 % des mineurs ont moins de 10 ans ;

– 6,5 % ont entre 10 et 13 ans ;

– 40 % ont entre 13 et 16 ans ;

– 52 % ont entre 16 et 18 ans.

Il résulte de cette évolution de la délinquance juvénile un accroissement des audiences devant le tribunal pour enfants ([31]), puisque le jugement en chambre du conseil ne peut concerner les affaires dépassant un certain degré de gravité. Cela a pour effet d’allonger considérablement les délais de jugement, malgré la baisse globale du nombre d’affaires.

3.   Des délais de prise en charge après jugement variables et un faible taux de récidive

Dans le cadre de la justice pénale des mineurs, la mise en œuvre des mesures post-sententielles par la protection judiciaire de la jeunesse est en moyenne rapide. Le délai de prise en charge du mineur sétablit à 16 jours dont 8 sont imputables à la transmission du dossier de la juridiction vers les services ([32]). Ce délai s’allonge considérablement pour certaines mesures de placement ou de stages et encore davantage s’agissant de l’enfance en danger. Cela s’explique par le manque de places disponibles et la nécessité pour certaines mesures d’atteindre un quota de participants (stage de citoyenneté, stage de sensibilisation…). Malgré cette réactivité, les magistrats rencontrent des difficultés à choisir la structure adaptée pour exécuter la mesure en raison d’une mauvaise visibilité sur les places disponibles et sur les projets éducatifs de chaque établissement.

Le taux de récidive est faible mais il ne doit pas occulter un taux élevé de réitération ([33]), notamment entre le moment de l’infraction ayant provoqué les poursuites et le moment du jugement. Parmi les mineurs condamnés pour délit en 2017, 1,8 % sont en situation de récidive légale et 17,5 % en situation de réitération. La part des réitérants et des récidivistes augmente avec l’âge. Ainsi à 17 ans, ce sont 3,3 % des mineurs condamnés pour délit qui sont en situation de récidive légale et 27,4 % en situation de réitération. Ces chiffres sont en augmentation par rapport à 2016 ([34]).

B.   Les principaux facteurs de la dÉlinquance juvÉnile

Selon M. Denis Salas ([35]), il existe trois catégories de délinquance chez les mineurs :

– la délinquance initiatique, « la bêtise de jeunesse », qui concerne environ deux-tiers des jeunes qui passent devant la justice. Elle résulte du passage à l’adolescence et d’une volonté de confrontation avec l’autorité. La réponse pénale est efficace pour ces individus, ce qui explique le très faible taux de récidive ;

– la délinquance pathologique commise par des mineurs dont la situation familiale et sociale les rend particulièrement vulnérables. Les mineurs concernés sont souvent également suivis au titre de l’enfance en danger ;

– la délinquance dexclusion qui désigne des infractions graves, répétées, commises en bande organisée et proche de la délinquance « professionnelle ». Le parcours vers la sortie de cette forme de délinquance est plus difficile.

Chacune de ces délinquances présente des sources spécifiques.

1.   Le lien entre enfance en danger et enfance délinquante

Selon la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, Mme Madeleine Mathieu, « il existe un nombre très élevé de mineurs délinquants qui ont eu un antécédent en protection de lenfance, ou un contexte familial qui aurait mérité une prise en charge en protection de lenfance » ([36]). Le manque de moyens et les délais particulièrement longs de placement en protection de l’enfance – contrairement au délai de prise en charge pénale – aboutissent souvent à un affaiblissement de la prévention et à un risque accru de commission d’infraction.

Environ 50 % des mineurs pris en charge pénalement ont également fait lobjet dun suivi au titre de lenfance en danger. Selon l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), un tiers des mineurs suivis en protection de lenfance font lobjet de poursuites pénales à un moment de leur parcours. Ces statistiques n’intègrent pas les enfants qui auraient dû faire l’objet de mesures civiles, auquel cas les chiffres seraient plus élevés.

Les mauvaises conditions d’éducation, avec des négligences lourdes (absence de supervision, violence sexuelle, atteinte au développement, absence de suivi médical…) ou une absence de père, ont été présentées par de nombreux intervenants à vos rapporteurs comme des facteurs aggravants.

2.   La déscolarisation

Les difficultés scolaires interviennent à la fois comme un facteur et comme un symptôme de risque de basculement dans une délinquance d’exclusion. Vos rapporteurs estiment indispensable de s’appuyer davantage sur le relais d’information que constitue l’éducation nationale pour alerter les services compétents.

Lors de leur audition, les services du ministère de l’éducation nationale ont fait part des bons résultats obtenus par les classes relais qui encadrent des élèves en rupture avec leur scolarité ([37]). Lors de leur déplacement au centre éducatif fermé d’Épinay-sur-Seine, vos rapporteurs ont également pu apprécier le dévouement des enseignants spécialisés qui aident les mineurs enfermés à obtenir un diplôme et un emploi. Néanmoins, ces dispositifs ne prennent en charge qu’une infime minorité d’élèves qui ont déjà fait l’objet de plusieurs mesures civiles ou pénales. Vos rapporteurs sont donc favorables à la création de davantage de ces classes. Cela ne doit pas empêcher, en amont dans les établissements traditionnels, la prise en charge des élèves les plus en difficulté.

Proposition : créer davantage de classes relais pour prendre en charge les mineurs en situation de décrochage scolaire.

Plus généralement, selon le ministère de l’intérieur, les professionnels « interviennent trop souvent en fin de cycle, une fois un parcours de délinquant intégré » alors même qu’il existerait des moyens de détecter plus tôt les mineurs susceptibles de basculer dans la délinquance.

3.   Les addictions

Les addictions sont un double facteur de délinquance puisque la consommation de stupéfiants constitue une infraction en soi et que cette consommation peut conduire, par dépendance ou à raison de ses effets (désocialisation, déscolarisation, troubles psychiques…), à commettre d’autres infractions.

La MILDECA observe une « banalisation de la consommation de stupéfiants » même si le nombre de jeunes concernés par une consommation problématique s’élève à 7 %. Lors de son audition, la MILDECA a souligné que l’alcool est aussi un facteur, parfois indirect, de la délinquance juvénile puisqu’il est à la source de 30 % des faits de violences, notamment au sein de la cellule familiale.

Les prescriptions de soins ou d’un suivi psychologique rencontrent un bilan mitigé. Par exemple les consultations « jeunes consommateurs » ne sont effectivement suivies que par 30 % des jeunes pour lesquels le demande la justice. En revanche, lorsque cette démarche est volontaire sur proposition du magistrat, 80 % des jeunes s’y montrent assidus ([38]).

4.   La radicalisation et les dérives sectaires

Les mineurs impliqués dans des affaires de terrorisme sont rares mais leur nombre est en hausse. Ils ont notamment doublé entre 2016 et 2017. 25 mineurs étaient mis en examen dans des affaires de terrorisme au 23 mars 2016, contre 52 au 16 août 2017 ([39]). La lutte contre la radicalisation est donc devenue un des axes de prévention de la délinquance juvénile.

Trois acteurs organisent la prévention de la radicalisation. Traditionnellement, la MIVILUDES traite l’ensemble des dérives sectaires. Elle observe notamment de « nouvelles radicalités, ultra-véganisme, respirianisme dans le domaine alimentaire ou encore le néo-chamanisme » ([40]). La mission interministérielle porte une attention toute particulière aux nouvelles méthodes des recruteurs qui utilisent le vecteur d’internet (sites complotistes, réseaux sociaux, rencontres en visioconférence). Les enfants qui vivent dans des milieux sectaires sont souvent moins protégés et suivis alors même qu’ils présentent des risques sanitaires, psycho-affectifs et socio-éducatifs en particulier.

Deux structures suivent plus particulièrement les risques de radicalisation politique et religieuse, notamment dans le cadre de la prévention contre le terrorisme : le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), rattaché au ministère de l’intérieur, et la mission nationale de veille et d’information sur les phénomènes de radicalisation, rattachée à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a expliqué à vos rapporteurs avoir « fait le choix de ne pas spécialiser ses éducateurs afin de préserver une approche pluridisciplinaire et de garantir ladaptabilité des différentes mesures de placement » ([41]). Le principal enjeu pour les structures de prévention de la radicalisation est la prise en charge des mineurs de retour d’Irak et de Syrie.

Plus généralement, selon Pascal Lalle, directeur central de la sécurité publique, « la délinquance des mineurs témoigne de léchec partiel de la société à éduquer sa jeunesse et questionne sur le rapport de ces jeunes à lautorité et leur capacité à accepter les interdits » ([42]).

Pour la plupart des jeunes faisant l’objet de poursuite, le passage devant la justice n’est qu’un épisode unique. Pour d’autres, il s’inscrit dans un véritable parcours de délinquance aux origines multiples, justifiant la diversité des outils mis à disposition des magistrats et les spécificités de la justice des mineurs. À ce stade, vos rapporteurs soulignent l’importance de garder la trace de ce parcours, dans un dossier de personnalité rénové, afin de permettre au juge d’ordonner les mesures les plus pertinentes.

C.   Les exigences particuliÈres de la justice des mineurs

En réponse à la diversité de facteurs pouvant conduire des enfants ou des adolescents à commettre des infractions, le droit met à disposition du juge un large panel d’instruments encadrés par les principes constitutionnels et le droit international.

1.   Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république

Dans sa décision du 29 août 2002 ([43]), le Conseil constitutionnel a dégagé trois principes fondamentaux reconnus par les lois de la République relatifs à la justice des mineurs.

On rappellera que, pour être ainsi reconnu, un principe fondamental doit remplir quatre conditions : avoir été inscrit dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946 ([44]), avoir fait l’objet d’une application continue ([45]) et être consacré comme principe juridique général et non contingent ([46]). Mentionnés dans le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie celui de la Constitution de 1958, ils sont intégrés au bloc de constitutionnalité au regard duquel le Conseil constitutionnel exerce son contrôle.

Les trois principes reconnus sont ceux qui guident l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Ils sont exposés ci-après.

a.   L’atténuation de responsabilité des mineurs en fonction de l’âge

Parfois qualifiée « dexcuse de minorité », l’atténuation de responsabilité consiste à réduire la peine encourue lorsque l’auteur de l’infraction est mineur. Lorsque le mineur encourt une peine privative de liberté, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs ne peuvent prononcer à l’encontre des mineurs âgés de plus de treize ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue ([47]). Depuis 2016, les peines de réclusion à perpétuité ne peuvent plus être prononcées à l’encontre d’un mineur ([48]). Si la peine de droit commun encourue est la détention criminelle à perpétuité, la peine maximale pouvant être prononcée pour un mineur est de vingt ans de réclusion ([49]).

Au-delà de 16 ans, l’atténuation de responsabilité peut être écartée à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation. Cette décision ne peut être prise que par une décision spécialement motivée du tribunal pour enfants ([50]). Dans ce cas, les sanctions applicables sont les mêmes que pour les majeurs, à l’exception de la réclusion à perpétuité. Il s’agit a priori d’un dispositif rarement utilisé mais il n’existe à ce jour pas d’éléments statistiques permettant de quantifier le nombre de dossiers dans lesquels l’excuse de minorité est écartée.

L’atténuation de responsabilité se matérialise également dans une adaptation de la procédure pénale applicable au mineur. Ainsi l’article 4 de l’ordonnance de 1945 prévoit que, sauf exception, « le mineur de treize ans ne peut être placé en garde à vue ». La garde à vue des mineurs « ne peut excéder vingt-quatre heures » ou, exceptionnellement, soixante-douze heures pour le mineur d’au moins seize ans. Enfin, « dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat » alors que cela est facultatif pour les majeurs.

b.   La nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité

La primauté de l’éducatif sur le répressif et la prise en compte de la personnalité du mineur sont les traits les plus distinctifs de la justice des mineurs. La réponse pénale doit nécessairement comporter une dimension éducative qui peut se traduire de diverses manières : accompagnement par un éducateur, poursuite ou reprise d’une formation scolaire ou professionnelle, suivi médical ou psychologique, accompagnement de la famille, etc.

Le Défenseur des droits rappelle toutefois que si « la primauté de léducation sur la répression des enfants continue de prévaloir […], les différentes modifications intervenues ces dernières années ont pu poursuivre une volonté daccélération et de durcissement de la réponse pénale des enfants. » Il regrette que « le principe de primauté de léducatif connaisse de plus en plus de dérogation » ([51]).

La dimension éducative des sanctions repose sur l’idée selon laquelle le mineur est un être en construction dont le relèvement repose davantage sur la compensation de lacunes éducatives, souvent à la source de leur acte, que sur la punition de la sanction pénale. Pour autant, l’idée de sanction reste présente, non seulement par les mesures prononcées (qui sont des sanctions ou des peines pour 47,9 % des décisions en 2017), mais aussi par la procédure impliquant un passage devant le juge des enfants.

Il existe trois catégories de sanctions : les mesures éducatives, les sanctions éducatives et les peines. Les sanctions éducatives sont très rarement utilisées puisqu’elles ne représentent que 4,2 % de l’ensemble des décisions prononcées en 2017.

Mesures et sanctions définitives prises en 2017 ([52])

Admonestation, remise à parent, dispense de mesure ou de peine

21 536

36,3 %

Liberté surveillée, protection judiciaire, placement, réparation

9 339

15,7 %

Sanction éducative

2 495

4,2 %

TIG, sursis TIG, stage de citoyenneté

4 589

7,7 %

Amende ferme ou avec sursis

3 141

5,3 %

Emprisonnement avec sursis

9 484

16,0 %

Emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve

3 526

5,9 %

Emprisonnement ferme

5 249

8,8 %

Total

59 359

100 %


Les mesures, les sanctions éducatives et les peines

Les mesures éducatives

– l’admonestation (avertissement fait au mineur par le juge des enfants) ;

– la remise à parent, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne digne de confiance ;

– l’avertissement solennel ;

– la liberté surveillée ;

– le placement ;

– la mise sous protection judiciaire ;

– la mesure d’aide ou de réparation ;

– la mesure d’activité de jour ;

– la dispense de mesure ;

– l’ajournement de la mesure éducative.

Les sanctions éducatives

– la confiscation ;

– l’interdiction de paraître ;

– l’interdiction de rencontrer la victime ;

– l’interdiction de rencontrer les co-auteurs ou complices ;

– la mesure d’aide ou de réparation ;

– le stage de formation civique ;

– le placement ;

– l’exécution de travaux scolaires ;

– l’avertissement solennel.

Les peines

– l’ajournement de la peine, simple ou avec mise à l’épreuve ;

– la réparation-sanction ;

– l’amende dans la limite de la moitié du montant maximum encouru par les majeurs (avec des exceptions pour les plus de 16 ans) sans excéder 7 500 euros ;

– le travail d’intérêt général pour les mineurs de 16 à 18 ans ;

– le suivi socio-judiciaire ;

– le stage de citoyenneté ;

– l’emprisonnement avec sursis simple, avec sursis et l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général ou avec sursis et mise à l’épreuve ;

– la peine de prison.

La décision doit également prendre en compte la personnalité et la situation sociale du mineur. L’article 5-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 prévoit que : « Avant toute décision prononçant des mesures de surveillance et déducation ou, le cas échéant, une sanction éducative ou une peine à lencontre dun mineur pénalement responsable dun crime ou dun délit, doivent être réalisées les investigations nécessaires pour avoir une connaissance suffisante de sa personnalité et de sa situation sociale et familiale et assurer la cohérence des décisions pénales dont il fait lobjet. »

Ainsi, lors de leur déplacement au tribunal de grande instance de Bordeaux, vos rapporteurs ont pu assister à l’audience de deux mineurs devant le tribunal pour enfants. Après le rappel des faits et un échange sur ceux-ci, la discussion autour de la personnalité du mineur a occupé une place prédominante dans l’audience. Les parents et les éducateurs sont consultés afin de cerner le profil du mineur et d’ordonner la réponse la plus adaptée.

La prise en compte de la personnalité du mineur peut également permettre au juge d’écarter l’atténuation de responsabilité. Les informations collectées sur le mineur sont placées dans son dossier unique de personnalité et peuvent être réutilisées et actualisées ultérieurement, au cours de la mesure ou en cas de nouvelles poursuites.

c.   Une juridiction spécialisée ou des procédures appropriées

Si le procureur décide de ne pas engager une procédure alternative aux poursuites, le mineur relève exclusivement de juridictions spécialisées. Dès lors, cest le juge des enfants qui intervient à toutes les étapes du parcours judiciaire du mineur, tant dans les procédures civiles relevant de la protection de lenfance que dans la procédure pénale relevant de lenfance délinquante. Il procède à l’instruction, à l’audience puis au suivi des mesures qu’il a ordonnées. À ce titre, il exerce les fonctions de juge d’application des peines pour les mineurs. Les audiences des mineurs ont lieu :

– soit en chambre du conseil (40,3 % des mineurs jugés en 2017), pour prononcer une mesure éducative (admonestation, remise à parent, mise sous protection judiciaire, placement, mesure d’activité de jour) ([53]). Cependant, lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans et que le mineur est âgé de seize ans révolus, le juge des enfants ne peut pas rendre de jugement en chambre du conseil ;

– soit devant le tribunal pour enfants (59,7 % des mineurs jugés en 2017) si le mineur est âgé d’au moins treize ans et encourt au moins cinq ans d’emprisonnement ou s’il a au moins seize ans et qu’il encourt au moins trois ans d’emprisonnement ([54]). Le tribunal pour enfants est composé du juge des enfants – qui en est le président – et de deux assesseurs. Il peut prononcer des mesures éducatives, des sanctions éducatives ou des peines ;

– soit devant la cour dassises des mineurs ([55]) pour les crimes commis par les mineurs de 16 à 18 ans et leurs complices ou coauteurs majeurs. Elle est composée de trois magistrats professionnels (dont deux juges des enfants) et de neuf jurés populaires tirés au sort.

Les juges des enfants suivent une formation spécialisée à lÉcole nationale de la magistrature (ENM). Environ 10 % des élèves magistrats de chaque promotion font le choix de devenir juge des enfants ([56]). La scolarité dure deux ans et demi pour les auditeurs de justice dont un an et demi de formation générale et un an de spécialisation.

Au cours de la formation générale, l’ensemble des magistrats bénéficie, sur sept mois, de 21 heures d’enseignement portant sur l’assistance éducative et de 24 heures de formation sur le rôle pénal du juge des enfants. Les élèves peuvent également suivre des cycles de conférence portés par des pôles transversaux, par exemple sur la vulnérabilité, les addictions ou les spécificités des auditions d’enfants.

Lors de leur année de stage, les élèves magistrats doivent effectuer cinq semaines en juridiction pour mineurs et une semaine en immersion dans un établissement de la protection judiciaire de la jeunesse.

Lors de leur année de spécialisation, les élèves faisant le choix de devenir juge des enfants reçoivent une formation approfondie d’un mois puis effectuent trois mois de stage de plein exercice en juridiction.

La formation continue garantit l’actualisation des savoirs des juges des enfants. Les magistrats en exercice doivent obligatoirement suivre cinq jours de formation par an. Tout magistrat souhaitant accéder au cours de sa carrière aux fonctions de juge des enfants reçoit une formation d’un mois composée de deux semaines d’apport théorique et de deux semaines de stage.

Par conséquent, les autres acteurs du droit ont également organisé leur spécialisation et il existe aujourdhui un véritable réseau spécialisé de la justice des mineurs. La plupart des barreaux ont mis en place une « antenne mineurs » afin d’assurer la permanence d’avocats, souvent commis d’office, auprès des mineurs. La Conférence des bâtonniers, lors de son audition, a rappelé que « le 25 avril 2008, elle a adopté la  Charte nationale de la défense des mineurs  énonçant quun mineur a droit à lassistance dun avocat ». Elle encourage également « la création, auprès de chaque barreau, dun groupe de défense des mineurs dont les avocats membres devaient justifier dune formation initiale et continue en la matière, selon des modalités définies par le barreau dappartenance. » Il existe aujourd’hui une centaine de groupements d’avocats d’enfants spécialisés. La formation des avocats spécialisés a été progressivement renforcée. En juillet 2017, le Conseil national des barreaux a mis à disposition de tous les barreaux une « charte pour une meilleure visibilité des avocats d’enfants » accompagnée d’un logo d’identification nationale.

Il existe également un parquet spécifique chargé des questions de justice pénale des mineurs. 54,8 % des affaires poursuivables impliquant des mineurs aboutissent à une procédure d’alternative aux poursuites ([57]) décidée par le procureur. La spécialisation du parquet pour mineurs apparaît donc amplement justifiée et pose la question de la formation initiale et continue des magistrats qui y exercent. En effet, si les juges des enfants bénéficient d’une formation spécifique, ce n’est pas le cas des magistrats en charge de ces questions au sein des parquets. Lors de son audition par la mission, Mme Anaïs Vrain, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, a regretté quil ny ait pas de formation obligatoire pour le parquet des mineurs, le dernier affecté étant souvent chargé de ces questions. Les juges des libertés et de la détention et les juges dinstruction qui doivent connaître des dossiers impliquant des mineurs devraient également bénéficier dune formation spécifique.

Proposition : accroître la formation spécifique des magistrats des parquets pour mineurs et envisager une spécialisation de ces magistrats sur le modèle des juges des enfants.

2.   Le droit international

Le droit international, à savoir principalement la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et la Convention des Nations unies relatives aux droits de l’enfant (CIDE), a renforcé les garanties apportées à la justice des mineurs par le droit interne.

a.   L’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme

La Cour européenne des droits de l’Homme veille à la spécificité de l’application aux mineurs des règles de privation de liberté et des principes du procès équitable garantis par la Convention.

L’article 5§1 de la Convention prévoit que l’emprisonnement est une mesure de dernier recours à l’encontre des mineurs. En conséquence, la Cour a condamné la Belgique pour une affaire dans laquelle un mineur étranger avait été placé en détention à plusieurs reprises en raison de l’absence de place dans des institutions ou dans une famille d’accueil ([58]). Elle a également provoqué une profonde transformation du cadre juridique de la garde à vue en soulignant, en 2008, « limportance fondamentale de la possibilité pour tout mineur placé en garde à vue davoir accès à un avocat pendant cette détention » ([59]).

La Cour européenne des droits de l’Homme a également estimé que les principes du procès équitable, définis à l’article 6 de la Convention, s’adaptent aux mineurs. Le Royaume-Uni a été condamné en 1999 au motif « quil est essentiel de traiter un enfant accusé dune infraction dune manière qui tienne pleinement compte de son âge, de sa maturité et de ses capacités sur le plan intellectuel et émotionnel, et de prendre des mesures de nature à favoriser sa compréhension de la procédure et sa participation à celle-ci » ([60]). Elle a estimé que le Royaume-Uni n’avait pas respecté les exigences du procès équitable car les mineurs, âgés en l’occurrence de dix ans et accusés du meurtre d’un enfant de deux ans, n’avaient pas pu participer réellement au procès en raison de leur immaturité, de leur fragilisation psychologique et de l’ambiance de tension extrême qui régnait dans la salle.

Dans cette même décision, la Cour a estimé que la publicité des procès de mineurs doit être restreinte afin de protéger leur vie privée, garantie par l’article 8 de la Convention. La Cour européenne des droits de l’Homme admet donc des dérogations au procès équitable dans l’intérêt du mineur délinquant.

b.   La question de la conformité avec la Convention internationale des droits de l’enfant

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) a été adoptée le 20 novembre 1989. Elle contient trois dispositions principales concernant la justice des mineurs :

– son article 3 dispose que « lintérêt supérieur de lenfant doit être une considération primordiale » dans toutes les décisions qui les concernent. Ces décisions doivent « assurer à lenfant la protection et les soins nécessaires » ;

– son article 37 garantit la protection des droits fondamentaux des mineurs détenus en interdisant la détention arbitraire, les peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants et la peine de mort. L’enfant détenu doit être séparé des adultes et pouvoir maintenir ses liens familiaux ;

– son article 40 prévoit la garantie du procès équitable au mineur (présomption d’innocence, droit de la défense, indépendance et impartialité de la juridiction). Le 3 de l’article 40 prévoit en particulier que « les États parties sefforcent de promouvoir ladoption de lois, de procédures, la mise en place dautorités et dinstitutions spécialement conçues pour les enfants suspectés, accusés ou convaincus dinfraction à la loi pénale, et en particulier détablir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés navoir pas la capacité denfreindre la loi pénale ».

Actuellement, l’article 122-8 du code pénal prévoit que : « Les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables ». Le droit français ne prévoit donc pas l’âge minimum auquel le 3 de l’article 40 précité fait référence.

*

*     *

Il revient donc au législateur de concilier les principes fondateurs de l’ordonnance de 1945, auxquels les rapporteurs réitèrent leur attachement, avec les nouveaux défis qui s’imposent à la justice des mineurs : évolution des publics, mutations des types d’infractions commises, exigences de la société.

Dans un contexte où les moyens mis à la disposition de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, des magistrats et des départements sont insuffisants, il apparaît nécessaire de réfléchir à un aménagement de l’ordonnance du 2 février 1945. Les critiques formulées à l’égard de sa complexité et de la convergence du droit des mineurs avec celui des majeurs doivent nous amener à repenser la forme et le fond des dispositions mises à disposition des juges des enfants.

Hormis l’ordonnance de 1945, l’efficacité de la justice des mineurs pourrait également bénéficier d’une meilleure prévention s’appuyant sur la complémentarité et la coopération des nombreux acteurs intervenants.

 


— 1 —

 

II.   La nécessaire CODIFICATION de l’ordonnance de 1945

Il est souvent avancé que les règles juridiques applicables aux mineurs délinquants ne sont plus adaptées car elles relèvent d’une ordonnance prise en 1945, date à laquelle les mineurs étaient très différents de ceux d’aujourd’hui. Certes, certains termes, tels que l’admonestation, sont assez datés et n’ont plus beaucoup de signification pour les mineurs aujourd’hui ; cependant il convient de rappeler que l’ordonnance a été modifiée à trente-neuf reprises depuis 1945 et a connu de substantielles adaptations notamment depuis les vingt dernières années. Huit réformes législatives sont ainsi intervenues entre 2002 et 2011.

Il en résulte une grande complexité de la procédure et du droit applicable aux mineurs et un travail de codification et de simplification de l’ordonnance de 1945 est aujourd’hui nécessaire.

A.   des procédures complexes

1.   Une complexification de la procédure pour les acteurs de la justice des mineurs

À l’occasion des 70 ans de l’ordonnance de 1945, Mme Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, a demandé la réalisation d’un état des connaissances sur la délinquance juvénile. La synthèse réalisée par le ministère de la justice ([61]) a montré que les multiples réformes intervenues ces dernières années ont fait évoluer la mise en œuvre des principes structurants de l’ordonnance de 1945, notamment le principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs et celui de la spécialisation de la justice des mineurs.

S’agissant du principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs, plusieurs lois ont rapproché les peines effectivement applicables aux mineurs de celles des majeurs. Ainsi, la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice ([62]) a institué les centres éducatifs fermés pour assurer un suivi éducatif renforcé pour les mineurs multirécidivistes âgés de 13 à 18 ans. Cette loi a également prévu le recours, dans certaines circonstances, à la détention provisoire dès l’âge de treize ans, la possibilité d’incarcérer un mineur s’il contrevient aux obligations du contrôle judiciaire et de nouvelles mesures contraignantes applicables dès l’âge de dix ans, les « sanctions éducatives ». De même, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ([63]) a facilité l’exclusion de l’atténuation de responsabilité pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans.

Enfin, la mise en place des peines plancher par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ([64]) tant pour les majeurs récidivistes que les mineurs récidivistes a conduit également à un rapprochement des peines applicables aux mineurs sur celles prévues pour les majeurs. Ces mesures ont cependant été abrogées par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ([65]).

S’agissant du principe de spécialisation de la justice des mineurs, la création, par la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs ([66]), des tribunaux correctionnels pour mineurs compétents pour les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans, a marqué la volonté de « déspécialiser » la justice des mineurs, ce tribunal étant composé de trois magistrats dont seul le président était un juge des enfants spécialisé. La création du juge des libertés et de la détention, par la loi du 15 juin 2000 ([67]), s’inscrit dans cette même logique puisque ce magistrat n’a pas de formation spécifique en la matière et que cette fonction est souvent prise en charge par de multiples magistrats au sein du tribunal afin d’assurer une permanence ([68]).

Il convient de souligner que certaines lois ont, au contraire, tendu à renforcer la spécialisation de la justice des mineurs. C’est le cas de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ([69]) qui a transféré les compétences du juge d’application des peines pour les mineurs au juge des enfants. De même, les tribunaux correctionnels pour mineurs ont été supprimés par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle ([70]).

La justice des mineurs a été également marquée, ces dernières années, par une accélération des procédures. Ainsi, la procédure de jugement à délai rapproché, créée par la loi du 9 septembre 2002 ([71]) dénommée ensuite procédure de présentation immédiate de mineur (PIM) par la loi du 5 mars 2007 ([72]), permet au ministère public de saisir directement le tribunal pour enfants, sans phase d’information judiciaire préalable. De même une procédure de convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement, qui permet également d’écarter la phase préliminaire pour accélérer la réponse pénale, a été instaurée par la loi du 10 août 2011 précitée. Enfin, les parquets ont développé le traitement des procédures en temps réel. Ainsi, la part des procédures rapides est passée pour les mineurs de 58 % en 2003 à 70 % en 2013 ([73]).

Cette accélération des procédures s’est accompagnée d’un développement des mesures pré-sententielles (liberté surveillée, placement, réparation, détention provisoire …), ordonnées par le juge dès la première convocation avant le jugement, qui ont augmenté de 50 % en 10 ans. En 2015, 20 500 mesures pré-sententielles ont été ordonnées et concernent près d’un mineur poursuivi sur trois. L’étude précitée sur la délinquance juvénile note que : « le temps de l’instruction devant le juge des enfants, en moyenne de 14 mois, est devenu un temps actif, avec des mesures dynamiques dont l’effet est évalué au moment du jugement » ([74]).

La justice des mineurs a également connu une affirmation des parquets comme acteurs de la réponse pénale.

En effet, le développement de politiques de « tolérance zéro » a impliqué que toute infraction commise par un mineur identifié reçoive une réponse judiciaire. La systématisation du traitement des infractions s’est donc accompagnée de la mise en place de formations spécialisées du parquet chargé de la justice pénale des mineurs. L’étude précitée sur la délinquance juvénile note à ce sujet que : « substituts et juges des enfants font appel aux mêmes services pour l’exécution de leurs décisions, soit pour des demandes de renseignements sur la situation personnelle des mineurs, soit pour la mise en œuvre des mesures de réparation. Les substituts ont d’ailleurs acquis une position d’intermédiaire : ils répercutent auprès des juges des enfants les questions posées par les élus locaux, les policiers et les gendarmes ou les acteurs sociaux, et eux-mêmes rendent compte auprès de ces acteurs locaux de la jurisprudence des juges des enfants. Les substituts se trouvent ainsi dans un rôle crucial, à l’intersection de deux univers » ([75]).

Ce renforcement du rôle du parquet s’est accompagné d’un développement des mesures alternatives aux poursuites qui sont devenues depuis 2004 la réponse majoritaire à l’égard des mineurs : en 2015, les mesures alternatives ont concerné 94 800 mineurs, soit 55,8 % des mineurs poursuivables ([76]) ; il s’agit principalement de rappels à la loi (60 %), de mesures d’aide ou de réparation (13 %) et de sanctions non pénales (11 %).

Si le développement des mesures alternatives aux poursuites apparaît efficace en première analyse, il prive aussi le mineur d’un accès au juge, et donc de mesures adaptées à sa personnalité. Dès lors qu’aucune statistique ne nous permet de mesurer l’efficacité de ces mesures alternatives sur la récidive, ce dispositif mérite d’être interrogé. La dématérialisation pourra peut-être nous aider à avoir des chiffres précis sur cette question.

2.   Les difficultés dans la mise en œuvre

a.   Une ordonnance peu compréhensible

Les nombreuses modifications de l’ordonnance de 1945 et les multiples renvois aux codes pénal et de procédure pénale rendent le droit applicable aux mineurs particulièrement complexe et parfois moins favorable aux mineurs que le droit pénal général.

M. Florent Boitard, secrétaire général adjoint de l’Union syndicale des magistrats, a indiqué à la mission que le droit applicable aux mineurs était difficile à appréhender tant pour les magistrats que pour les éducateurs, comme en témoignait le fascicule de l’École nationale de la magistrature relatif à la justice des mineurs qui compte plus de trois cents pages. Mme Nathalie Leclerc-Garret, vice-présidente du même syndicat, a considéré que l’ordonnance de 1945 était devenue au fil des modifications un « millefeuille illisible » difficile à appréhender pour les juges pour enfants avec une application parfois inadaptée aux mineurs des règles applicables aux majeurs mais également l’existence de règles moins favorables aux mineurs qu’aux majeurs.

De même, dans les éléments transmis à la mission, le syndicat Unité magistrat constate que l’évolution de la justice des mineurs est le « reflet des alternances politiques, voire de faits d’actualité médiatisés, conduisant à des réformes successives sans véritable direction d’ensemble, oscillant au gré des majorités et mettant à mal la cohérence et la lisibilité de la réponse pénale ». Ces circonstances ont eu pour effet « un empilement de textes sans cohérence globale ».

Lors du débat sur la réforme de l’ordonnance de 1945 dans le cadre de la discussion en séance publique du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la garde des Sceaux, Mme Nicole Belloubet, a souligné « la nécessité d’ouvrir ce chantier qui a trop attendu », alors que les dispositions applicables à la justice pénale des mineurs se sont complexifiées, ont perdu de leur cohérence et sont devenues « peu compréhensible[s] pour les mineurs et leurs familles », « difficilement utilisable[s] par les professionnels du droit » et « en décalage avec l’évolution de la délinquance des mineurs » ([77]).

Dans un article consacré aux incohérences du droit pénal des mineurs ([78]), Mme Eudoxie Gallardo, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille, constate que le droit pénal des mineurs, « soumis à une logique qui lui est propre, (…) s’est progressivement mis à l’écart du droit pénal. En effet tiraillé entre les objectifs d’éducation et de répression, le droit pénal des mineurs a connu, depuis une quinzaine d’années, une évolution, certes fulgurante, mais qui a créé des incohérences en son sein. Si la volonté du législateur à partir des années 2000 a été de concilier le droit pénal des mineurs avec les objectifs de la loi pénale, cette volonté devait seulement aboutir à punir plus sévèrement les mineurs que ce qu’ils étaient auparavant. Cependant, en raison notamment du manque d’harmonisation du droit pénal des mineurs avec le droit pénal des majeurs, ces modifications ont eu pour effet de punir les mineurs plus sévèrement que les personnes majeures qui auraient été placées dans une situation identique. (…) En second lieu, les améliorations du droit pénal commun, en particulier en termes d’aménagement de la peine et de renforcement des droits de la défense, qui ont profondément impacté le droit applicable aux majeurs, ont eu pour conséquence paradoxale d’affaiblir la protection qui était initialement conférée au mineur délinquant, voire de l’annihiler à certains égards ».

Parmi les incohérences, l’auteur cite l’article 716-4 du code de procédure pénale qui prévoit l’imputation de la durée passée en détention provisoire sur la durée de la peine prononcée, alors que l’ordonnance du 2 février 1945 ne prévoit aucune règle spécifique concernant les situations où la détention provisoire est exécutée dans un centre éducatif fermé. Elle cite également les règles applicables en matière de garde à vue qui ont été moins favorables pour les mineurs que pour les majeurs entre 2011 et 2016.

L’assistance du mineur pendant la garde à vue

L’article 4-1 de l’ordonnance de 1945 dispose que « le mineur poursuivi doit être assisté d’un avocat ». Il précise qu’ « à défaut de choix d’un avocat par le mineur ou ses représentants légaux, le procureur de la République, le juge des enfants ou le juge d’instruction fait désigner par le bâtonnier un avocat d’office. »

Avant la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue ([79]), qui a renforcé l’assistance par un avocat de la personne placée en garde à vue dès la première heure, le droit applicable aux mineurs était donc plus protecteur que le droit commun. Cependant la loi précitée du 14 avril 2011 a complété l’ordonnance de 1945 en précisant dans l’article 4 que « dès le début de la garde à vue, le mineur peut demander à être assisté par un avocat ». La lecture conjuguée des articles 4 et 4-1 conduisait à exclure l’assistance obligatoire par un avocat du mineur placé en garde à vue mais non encore poursuivi. La loi du 14 avril 2011 a donc amoindri les droits du mineur, puisque l’assistance d’un avocat pour le mineur était devenue une faculté et non une obligation à laquelle il pouvait renoncer. Cette incohérence a été résolue par la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle du 18 novembre 2016 qui, en transposant la directive (UE) 2016/800 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016, a modifié l’article 4 de l’ordonnance de 1945 en prévoyant que le mineur « doit » être assisté d’un avocat et que le mineur, ou à défaut ses représentants légaux, devront en faire la demande. En l’absence de demande, le mineur se voit désigner un avocat commis d’office.

Source : Mme Eudoxie Gallardo, « Les incohérences du droit pénal des mineurs contemporain », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, Dalloz, 2017.

La complexité de la procédure pénale pour les mineurs résulte également de l’existence d’une procédure officieuse.

En effet, l’article 8 de l’ordonnance de 1945 autorise le juge des enfants à instruire par le recours à une enquête « soit par voie officieuse, soit dans les formes prévues par le chapitre 1er du livre Ier du code de procédure pénale consacré aux règles de l’instruction » sans pour autant définir ce qu’est la voie officieuse. Elle est possible aussi bien pour les investigations relatives aux faits que pour celles relatives à la personnalité du mineur.

Dans une décision du 22 novembre 1994, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que l’emploi de cette procédure n’était ni illégale ni contraire aux conventions internationales ([80]). La Cour a cependant précisé ultérieurement que seules les règles de forme particulières du code de procédure pénale pouvaient être écartées, les principes fondamentaux de la procédure pénale s’imposant en toutes circonstances.

L’article 8 de l’ordonnance de 1945 ne précise pas si le juge des enfants doit opter clairement dès l’ouverture de la procédure pour la voie officieuse ou pour le code de procédure pénale. A priori, rien ne l’empêche d’utiliser alternativement les deux systèmes, selon la nature des actes et des investigations ce qui n’est pas sans conséquence sur la pratique judiciaire. En effet, il apparaît que les pratiques sont très divergentes d’un juge à l’autre ce qui nuit à la sécurité juridique du mineur ([81]).

b.   Les difficultés posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel

La question s’est posée de savoir si une organisation de la justice des mineurs, au sein de laquelle le juge des enfants instruit les affaires et les juge comme président du tribunal pour enfants, est compatible avec le principe d’impartialité du juge posé par l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Ce principe interdit, en effet, qu’un juge qui a eu l’occasion par ses fonctions de se faire un préjugé sur une affaire puisse, ultérieurement, participer au jugement au fond de cette même affaire et implique notamment qu’un juge d’instruction ne puisse siéger au sein du tribunal correctionnel ou de la cour d’assises auquel il a renvoyé l’affaire. Cela posait une vraie difficulté pour la justice des mineurs puisque le juge des enfants pouvait largement cumuler les fonctions d’instruction et de jugement.

Un arrêt de la cour d’appel de Reims du 30 juillet 1992 a fait pour la première fois application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme en déclarant irrégulière la composition du tribunal pour enfants présidé par le juge des enfants au motif que « la réunion en une même personne des fonctions d’instruire et de juger est considérée comme incompatible avec la garantie du droit à un juge impartial au sens de la Convention » ([82]). La Cour de cassation a censuré cet arrêt au motif que « si le mineur auquel est imputée une infraction pénale doit bénéficier d’un procès juste et équitable, ce principe ne fait pas obstacle à ce qu’un même magistrat spécialisé, prenant en compte l’âge et l’intérêt de sa rééducation, puisse intervenir à différents stades de la procédure » ([83]). Elle a confirmé cette position jurisprudentielle dans une décision du 8 novembre 2000 ([84]).

Si la Cour européenne des droits de l’Homme a pu constater, dans une affaire concernant les Pays-Bas dont le système est analogue au système français, l’absence de violation de l’article 6 ([85]), elle a, par la suite, adopté une interprétation plus stricte du principe d’impartialité. Ainsi, dans une décision du 2 mars 2010 ([86]), la Cour a considéré que « le principe d’impartialité posé par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’Homme interdit qu’un juge aux affaires familiales ayant initié les poursuites contre un mineur âgé de quinze ans suspecté de meurtre sur un autre mineur, puis ayant rassemblé les preuves de sa culpabilité durant l’instruction, renvoie ce mineur devant un tribunal pour enfants qu’il préside, aux côtés de deux assesseurs non professionnels ».

Dans une décision du 8 juillet 2011 ([87]) relative aux articles L. 251-3 et L. 251-4 du code de l’organisation judiciaire, le Conseil constitutionnel a jugé qu’« en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ». Le Conseil a donc jugé incompatible avec la participation au jugement de l’affaire, la direction d’enquête sur les faits reprochés au mineur et le pré-jugement qu’implique nécessairement la décision de renvoi du mineur devant le tribunal pour enfants. Il a, en conséquence, déclaré contraire à la Constitution l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire, tout en reportant l’effet de cette déclaration d’inconstitutionnalité au 1er janvier 2013.

En revanche, le Conseil constitutionnel a jugé que n’était pas contraire au principe d’impartialité le pouvoir du juge des enfants, à l’issue de l’instruction, de prononcer des mesures d’assistance, de surveillance et d’éducation. Le juge des enfants peut alors cumuler les fonctions d’instruction et de jugement dès lors qu’aucune peine ne pourra être prononcée. N’est pas non plus contraire au principe d’impartialité le fait, pour le juge des enfants, d’effectuer, en cours d’instruction, « toutes diligences et investigations utiles pour parvenir (…) à la connaissance de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation ».

Dans sa décision du 4 août 2011 relative à la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs ([88]), le Conseil a fait application du même principe à la présidence par le juge des enfants du tribunal correctionnel pour mineurs, créé par cette loi, en fixant à 2013 la date de prise d’effet de sa décision d’inconstitutionnalité. Dans un article consacré à cette décision ([89]), M. Laurent Gebler, alors vice-président au tribunal pour enfants de Bordeaux, a qualifié cette décision de « mini-séisme dans le milieu judiciaire et éducatif, déjà particulièrement secoué par les coups de boutoir successifs infligés à l’ordonnance de 1945 ».

Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, la loi du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants ([90]) a modifié l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire et les articles 8-2, 13 et 24-1 de l’ordonnance du 2 février 1945 et interdit au juge des enfants ayant renvoyé un mineur devant une juridiction pour mineurs de présider cette juridiction. C’est donc un autre juge des enfants relevant du même tribunal de grande instance, ou le cas échéant d’un autre tribunal relevant de la même cour d’appel, qui préside cette juridiction. Le troisième alinéa de l’article L. 251-3 du code de l’organisation judiciaire précise que : « lorsque l’incompatibilité prévue au deuxième alinéa et le nombre de juges des enfants dans le tribunal de grande instance le justifient, la présidence du tribunal pour enfants peut être assurée par un juge des enfants d’un tribunal pour enfants sis dans le ressort de la cour d’appel et désigné par ordonnance du premier président ».

Avant 2011, même lorsqu’ils étaient plusieurs à exercer sur un même ressort, les juges des enfants étaient souvent organisés selon une logique de sectorisation territoriale, permettant une continuité du suivi des mineurs par un même juge.

Depuis 2011, plusieurs juges des enfants connaissent de la situation d’un même mineur, selon des modalités d’application pratique qui divergent d’un tribunal pour enfants à un autre : certains tribunaux pour enfants ont formé des binômes (l’un instruit, l’autre juge), d’autres instruisent et jugent, mais font signer l’ordonnance de renvoi par un autre juge des enfants, d’autres font siéger un juge du tribunal de grande instance au tribunal pour enfants.

Il en résulte une grande hétérogénéité de l’organisation des tribunaux pour enfants en France et une remise en cause du principe de continuité de l’action de juge des enfants pour un même mineur qui, s’il n’a pas été consacré par le Conseil constitutionnel comme principe fondamental reconnu par les lois de la République, n’en reste pas moins un fondement essentiel de l’organisation de la justice des mineurs.

Dans les éléments transmis à la mission, M. Xavier Charlet, juge des enfants, s’interroge : « par le principe de spécialisation de la justice des mineurs, par la double compétence civile et pénale du juge des enfants, par le principe de la primauté de l’éducatif qui suppose de la continuité dans l’action et de la cohérence, toute la justice des mineurs civile comme pénale s’appuie sur ce principe de la continuité qui postule que la connaissance et la compréhension des enjeux du dossier par un seul et même juge est facteur de cohérence et de continuité. Certaines des pratiques mises en œuvre mettent à bas ce principe de continuité et cela me paraît très dommageable. Comment donner et préserver du sens à un suivi, si le mineur est confronté à une succession de juges différents, qui ne le connaissent pas et qu’il ne connaît pas ? Non seulement les décisions risquent de manquer de cohérence mais surtout elles risquent d’avoir peu de sens pour le mineur qui a besoin d’être suivi, accompagné, par des adultes référents, dont le juge des enfants fait partie. »

c.   Des moyens insuffisants

Les personnes auditionnées par la mission ont unanimement souligné le manque de moyens tant dans les tribunaux pour enfants qu’au sein de la protection judiciaire de la jeunesse.

Dans les éléments transmis à vos rapporteurs, l’Union syndicale de la magistrature rappelle qu’elle « dénonce régulièrement la faiblesse des moyens accordés à la PJJ, qui a perdu de nombreux emplois et dont le budget est particulièrement faible » alors que « l’effectivité du suivi des mineurs est pourtant une priorité indispensable à leur réinsertion. ». De même, le syndicat Unité magistrats rappelle qu’en « dépit des modifications de l’ordonnance de 1945 pour réduire les délais de jugement et d’exécution des peines, les éducateurs ont chacun en charge un nombre trop élevé de mesures, ce qui ne leur permet pas d’effectuer la prise en charge des mineurs dans les délais prévus par les textes. »

Le Syndicat de la magistrature regrette, quant à lui, l’insuffisance des moyens « qui sont alloués à la protection judiciaire de la jeunesse, particulièrement aux services de milieu ouvert et aux établissements de placement éducatif ou d’hébergement diversifié » qui aboutit à des difficultés dans de nombreux départements : « mesures éducatives attribuées avec plusieurs mois de retard, sans aucun suivi dans l’intervalle », « fréquence d’intervention insuffisante au cours de la mesure », « manque de places dans des services proposant de l’activité de jour pour les mineurs déscolarisés » et « très grandes difficultés voire impossibilité à trouver une place dans un établissement de placement éducatif ou une famille d’accueil ».

Lors d’un déplacement de la mission au tribunal de grande instance de Bordeaux, son président, M. Philippe Delarbre, a rappelé que lors de son arrivée en 2015, le tribunal pour enfants qui devait compter six magistrats n’en comprenait que trois pour 1 600 dossiers, ce qui l’a contraint à transformer un poste de juge d’instruction en poste de juge des enfants. Si certains postes ont été pourvus, le nombre de dossiers a également augmenté, et seuls six postes de magistrats sur huit sont pourvus à l’heure actuelle. M. Laurent Gebler, président du tribunal pour enfants de Bordeaux et président de l’Association française des magistrats de la justice et de la famille, a cité l’exemple des postes vacants de juge des enfants à Bergerac et à Périgueux et du non-remplacement d’un des postes de juge des enfants à Libourne.

De même, M. Florent Boitard, secrétaire général adjoint de l’Union syndicale des magistrats, a témoigné d’une « grande lassitude » des juges des enfants qui ont le sentiment qu’ils pourraient faire un travail de qualité en suivant 200 à 300 familles alors que beaucoup d’entre eux doivent s’occuper de 400 à 500 familles.

Témoigne du manque de moyens de la justice des mineurs, la tribune des juges pour enfants du tribunal de grande instance de Bobigny sous forme d’un « appel au secours » publiée dans le journal Le Monde du 6 novembre dernier. Les magistrats de ce tribunal soulignent : « Au tribunal pour enfants de Bobigny, même si un quinzième cabinet de juge des enfants a été créé, nos greffiers, en nombre insuffisant, sont aussi en grande difficulté pour remplir leurs missions : leur absence aux audiences en assistance éducative, pourtant illégale, est à présent la norme. Les jugements pénaux sont, quant à eux, notifiés dans des délais (environ un an) qui leur ôtent véritablement tout sens, dans un département où les actes de délinquance sont nombreux. » Ils concluent : « Que faut-il répondre aux parties civiles qui attendent leur indemnisation pour un vol avec violence ou un cambriolage pourtant déjà jugé ? Nous sommes devenus les juges de mesures fictives, alors que les enjeux sont cruciaux pour la société de demain : des enfants mal protégés, ce seront davantage d’adultes vulnérables, de drames humains, de personnes sans abri et dans l’incapacité de travailler. Ce seront davantage de coûts sociaux, de prises en charge en psychiatrie, de majeurs à protéger et, ce n’est plus à prouver, davantage de passages à l’acte criminel. » ([91])

La tribune des magistrats de Bobigny a été relayée par une seconde tribune publiée le 25 novembre 2018 dans le journal La Croix par l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille et signée par 183 juges pour enfants ([92]). Cette tribune fait le même constat : « Non, la responsabilité de cette situation n’incombe pas qu’aux départements en charge de la protection de l’enfance. L’État, en laissant les conseils départementaux quasiment seuls face au défi que constitue l’accueil des mineurs non accompagnés, en résumant la réponse à la délinquance juvénile à la seule création de nouveaux centres éducatifs fermés et en ne pourvoyant pas les postes de magistrats et de greffiers dans les tribunaux, n’est pas à la hauteur de l’immense défi de la protection de l’enfance. » Ils concluent : « Nous alertons les autorités de l’État sur l’insuffisance criante des moyens destinés à mettre en œuvre les mesures éducatives judiciaires au pénal, en milieu ouvert comme en hébergement, et la nécessité impérieuse de redéfinir, en lien avec les acteurs de terrain, les véritables priorités ».

L’insuffisance des moyens de la justice des mineurs a également été soulignée dans de nombreux rapports.

Ainsi, la Cour des comptes avait consacré à l’administration de la protection judiciaire de la jeunesse un rapport public ([93]) en juillet 2003. Elle avait constaté de graves défaillances dans l’organisation, le pilotage et la gestion de la PJJ ainsi que dans ses modes de prise en charge des mineurs.

L’administration de la protection judiciaire de la jeunesse s’est depuis 2008 profondément réformée et réorganisée. La prise en charge des mineurs en danger a été exclusivement confiée aux conseils départementaux, tandis que la protection judiciaire de la jeunesse s’est recentrée sur celle des mineurs délinquants.

Parallèlement, la protection judiciaire de la jeunesse a connu une profonde réorganisation, rappelée dans l’encadré suivant.

La réorganisation de la protection judiciaire de la jeunesse

L’administration de la protection judiciaire de la jeunesse s’est profondément réformée et réorganisée depuis 2008 :

– 9 directions interrégionales ont été substituées aux 15 directions régionales précédentes, depuis le 1er janvier 2009, en cohérence avec la carte de l’administration pénitentiaire. Elles sont chargées de la mise en œuvre des politiques définies par l’administration centrale et assurent la coordination des différents acteurs de la protection judiciaire de la jeunesse ainsi que la gestion des moyens budgétaires et humains ;

– 54 directions territoriales ont été substituées aux directions départementales depuis 2012. Ces directions territoriales, placées directement sous la responsabilité du directeur interrégional, sont chargées de mettre en œuvre la politique de prise en charge de la jeunesse délinquante ou en danger et du contrôle de l’activité des services de leur ressort géographique.

Le recentrage de la protection judiciaire de la jeunesse sur la prise en charge des mineurs délinquants et sa réorganisation territoriale ont entraîné une réduction importante des crédits et des emplois qui lui étaient affectés. Entre 2008 et 2012, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse ont diminué de 6 %.

À partir de 2012, ces moyens sont repartis à la hausse. Les effectifs de la PJJ ont notamment augmenté à la suite des décisions prises dans le cadre des différents plans de prévention de la radicalisation et de lutte contre le terrorisme.

Ainsi, une centaine d’emplois ont été créés en 2014 pour le renforcement des CEF et l’amélioration de la santé des mineurs ; 223 postes ont été créés en 2015, dont 163 au titre du premier plan de lutte contre le terrorisme (PLAT 1) ; en 2016, 138 emplois ont été créés, dont 75 au titre du deuxième plan de lutte antiterroriste, PLAT 2 (principalement des éducateurs) ; enfin, en 2017, 165 emplois ont été créés, dont 145 au titre du plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART), pour renforcer les équipes d’éducateurs (115 postes) et de psychologues (trente postes).

Au total, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse ont augmenté de 9 % entre 2011 et 2017, malgré un environnement budgétaire très contraint, ce qui a permis de les ramener à leur niveau d’il y a dix ans.

Source : avis budgétaire sur la protection judiciaire de la jeunesse, de Mme Josiane Costes, fait au nom de la commission des lois du Sénat (n° 114, 23 novembre 2017).

Dans un rapport consacré à la réinsertion des mineurs enfermés ([94]), le sénateur Michel Amiel constate néanmoins : « En dépit de cette remise à niveau, les besoins restent importants, y compris en milieu ouvert où l’objectif fixé par la direction de la PJJ est que chaque éducateur suive 25 mineurs. Par comparaison, un délégué à la jeunesse à Montréal suit quatorze jeunes, ce qui permet un suivi plus intensif (2). Plusieurs interlocuteurs de la mission ont souligné les délais importants constatés dans certains départements pour qu’un éducateur intervienne auprès du jeune. »

L’augmentation des délais d’attente pour la mise en œuvre de certaines décisions du juge des enfants, liée au manque de moyens, et, parallèlement, le développement des procédures accélérées mettent à mal la cohérence du parcours du mineur qui est faite de décisions parfois rapides suivies de temps d’attente qui sont peu compris par les mineurs. Dans l’étude précitée sur la délinquance juvénile ([95]), le ministère de la justice constate : « juges des enfants et éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ont longtemps partagé la conviction de la nécessité d’un temps conséquent, voire long pour permettre l’évolution du mineur, son éducation et permettre à la mesure de déployer son efficacité. (…) Aujourd’hui les déferrements des mineurs qui répètent des infractions de courtes durées remettent en cause cette temporalité. Les décisions concernant les mêmes mineurs ne sont pas toujours coordonnées malgré la constitution des dossiers uniques de personnalité et il n’est pas rare que le même mineur soit confronté à des successions de décisions dont il est parfois difficile de saisir la cohérence. (…) Ainsi cette gestion du temps n’est pas sans paradoxe, des temps accélérés peuvent être suivis de temps immobile ou l’inverse : présentation immédiate puis attente de placement ou délais problématique de renvois devant les tribunaux pour enfants dont les calendriers d’audience sont surchargés ».


Peines et mesures principales prononcÉes à l'encontre des mineurs

 

 

1985

2005

2015 (p)

Évolution 1985-2015

Évolution

2005-2015

Nombre

En %

Nombre

En %

Nombre

En %

Ensemble des condamnations

61 484

100,0

57 863

100,0

46 527

100,0

-24,3 %

-19,6 %

Peines

25 483

41,4

25 097

43,4

20 598

44,3

-19,2 %

-1 7,9 %

Emprisonnement avec tout ou partie ferme

6 388

10,4

5 210

9,0

4 545

9,8

-28,9 %

-12,8 %

Un an ou plus ferme

279

0,5

464

0,8

563

1,2

+ 101,8 %

+21,3 %

De 6 mois à moins d'un an ferme

455

0,7

546

0,9

661

1,4

+45,3 %

+21,1 %

De 3 à moins de 6 mois ferme

1 130

1,8

1 206

2,1

1 217

2,6

+ 7,7 "A,

+ 0,9 %

De 1 à moins de 3 mois ferme

2 224

3,6

2 362

4,1

1 807

3,9

-18,8 %

-23,5 %

Moins d'un mois ferme

2 300

3,7

632

1,1

297

0,7

-87,1 %

-53,0 %

Emprisonnement avec sursis simple

11 679

19,0

8 459

14,6

6 968

15,0

-40,3 %

-17,6 %

Emprisonnement avec SME

1 113

1,8

4 978

8,6

3 374

7,3

+203,1 %

-32,2 %

Amende

5 766

9,4

2 687

4,7

1 412

3,0

-75,5 %

-47,5 %

TIG, sursis-TIG

511

0,8

3 642

6,3

3 501

7,5

n.c.

-3,9 %

Autre peine

26

0,0

121

0,2

798

1,7

n.c.

n.c.

dont Stage de citoyenneté

-

-

94

0,2

675

1,5

n.c.

n.c.

Autres stages

-

-

1

0,0

102

0,2

-

-

Sanction éducative

-

-

281

0,5

1 605

3,4

n.c.

n.c.

Avertissement solennel

-

-

-

-

764

1,6

-

-

Mesure d'aide ou de réparation

-

-

180

0,3

511

1,1

n.c.

n.c.

Stage de formation civique

-

-

90

0,2

307

0,7

n.c.

n.c.

Autre sanction éducative

-

-

11

0,0

23

0,0

n.c.

n.c.

Mesure éducative

35 443

57,7

30 810

53,2

22 503

48,4

-36,5 %

-27,0 %

Admonestation, avertissement solennel

24 496

39,8

19 412

33,5

14 008

30,1

-42,8 %

-27,8 %

Remise à parent ou gardien

10 266

16,7

6 020

10,4

2315

5,0

-77,4 %

-61,5 %

Mesure d'aide ou de réparation

-

-

3 184

5,5

1 877

4,1

-

-41,0 %

Mise sous protection judiciaire

38

0,1

1 306

2,3

4 038

8,7

n.c.

+209,2 %

Placement

463

0,8

126

0,2

47

0,1

-89,8 %

-62, 7 %

Liberté surveillée

180

0,3

762

1,3

60

0,1

-66, 7 %

-92,1 %

Mesure d'activité de jour

-

-

-

-

158

0,3

-

-

Dispense de mesure ou de peine

558

0,9

1 675

2,9

1 821

3,9

+226,3 %

+8,7 %

n.c = non communiqué (faible effectif ou mesure nouvelle)

(p) données provisoires

Champ : France hors Mayotte - Mineurs condamnés âgés de 6 à 17 ans au moment des faits

Source : Ministère de la justice - SG - SDSE - Exploitation statistique du Casier judiciaire national

B.   les mesures de la loi de programmation 2018-2022 et de rÉforme pour la justice

1.   Renforcer les droits des mineurs et doter la justice des mineurs de nouveaux outils

Si l’article 93 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, actuellement en cours de discussion, autorise le Gouvernement à réformer par ordonnance l’ordonnance de 1945, ce projet de loi présente également plusieurs dispositions qui renforcent les droits et garanties des mineurs dans le cadre de leur parcours pénal :

– en premier lieu, le projet de loi propose de transposer la directive 2016/800/UE du 11 mai 2016 « relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales », en prévoyant la présence d’un avocat en cas d’audition libre d’un mineur ;

La transposition de la directive 2016/800/UE du 11 mai 2016 relative à la mise en place de garanties procédurales en faveur des enfants qui sont des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales

● un nouvel article 3-1 est inséré afin de prévoir le droit à l’information des parents, du tuteur, de la personne ou du service auquel le mineur est confié en cas d’audition libre, lors d’une opération de reconstitution de l’infraction ou au cours d’une séance d’identification des suspects dont il fait partie ainsi que, lorsque l’enquête concerne un crime ou un délit puni de l’emprisonnement, l’assistance obligatoire d’un avocat, même en l’absence de demande formée par le mineur ou ses parents et sauf dérogations exceptionnelles décidées par un magistrat ;

● l’article 4, relatif à la garde à vue du mineur, est modifié pour prévoir le droit du mineur d’être examiné par un médecin à la demande de son avocat et préciser les règles relatives aux enregistrements des auditions des mineurs ;

● un nouvel article 6-2 est ajouté pour consacrer le droit du mineur suspecté ou poursuivi d’être accompagné tout au long de la procédure par les titulaires de l’autorité parentale ou tout « adulte approprié » et le droit de ceux-ci de recevoir les mêmes informations que celles qui doivent lui être communiquées ainsi que les circonstances permettant de déroger à ces obligations ;

● enfin, un nouvel article 11-3 est inséré afin d’étendre les droits du mineur dans les cas d’exécution d’un mandat de comparution, d’amener, d’arrêt ou d’exécution d’un mandat d’arrêt européen.

– en deuxième lieu, l’Assemblée nationale a revu les conditions de placement en détention provisoire des mineurs de 13 à 16 ans qui font l’objet d’un contrôle judiciaire avec pour obligation de respecter un placement en centre éducatif fermé (CEF), afin de prévoir que la détention provisoire ne sera possible « qu’en cas de violations répétées ou de violation d’une particulière gravité des obligations imposées au mineur et lorsque le rappel ou l’aggravation de ces obligations ne peut suffire ». Cette évolution permettra d’éviter les détentions provisoires injustifiées, notamment dans le cas de fugues de CEF de la part de mineurs ne saisissant pas toujours les enjeux d’un contrôle judiciaire et les risques encourus en termes de placement en détention provisoire ;

– en troisième lieu, l’Assemblée nationale a limité la durée de la détention provisoire susceptible d’être exécutée par certains mineurs en attente d’un jugement à l’issue de la phase d’instruction ;

– en quatrième lieu, l’Assemblée nationale a complété les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 2 février 1945 en vue de mieux concilier l’exercice de l’autorité parentale par ses titulaires et les impératifs liés au placement du mineur au sein d’une structure, notamment afin de pallier la carence ou l’opposition des parents d’un mineur qui doit pouvoir bénéficier des mêmes activités et soins que les autres ;

– enfin, l’Assemblée nationale a complété les dispositions de l’article 54 du projet de loi afin d’interdire l’usage de la visio-conférence pour le placement en détention ou la prolongation de la détention d’un mineur.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit que certaines peines applicables aux majeurs puissent être prononcées pour des mineurs ou assouplit les conditions d’application de certaines peines :

– l’article 71 permet de prononcer une peine de travail d’intérêt général pour un mineur âgé de 16 ans à 18 ans au moment du jugement, dès lors qu’il avait au moins 13 ans au moment des faits ;

– ce même article propose d’étendre la peine autonome de « détention à domicile sous surveillance électronique » (communément appelé « bracelet électronique ») aux mineurs délinquants, sous réserve de certains aménagements ([96]).

Le projet de loi comprend enfin plusieurs mesures permettant de diversifier les modes de prise en charge des mineurs délinquants :

– afin de préparer la sortie du mineur du CEF ou de gérer certaines situations de crise, l’article 94 prévoit un droit de visite et d’hébergement pour les parents à l’égard d’un mineur placé ;

– il propose également d’expérimenter une nouvelle mesure d’accueil de jour, intermédiaire entre les actuelles activités de jour – qui n’offrent pas une prise en charge assez intensive – et le placement.

2.   Créer vingt nouveaux centres éducatifs fermés

Créés par la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation de la justice ([97]), les centres éducatifs fermés avaient pour objectif de répondre à un triple phénomène : le « rajeunissement des auteurs » des faits, la « particulière désocialisation de certains mineurs (…) sans repères éducatifs » et « l’augmentation des mineurs multirécidivistes pour lesquels la réponse pénale apportée [apparaissait] souvent trop tardive » ([98]).

Ces établissements ont pour finalité de constituer une alternative à l’incarcération pour des mineurs âgés de treize à dix-huit ans, multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits d’une particulière gravité. Le placement en CEF est décidé par le juge dans le cadre d’une décision de contrôle judiciaire, de sursis avec mise à l’épreuve, de libération conditionnelle ou de placement extérieur. La durée normale du séjour est de six mois, renouvelable une fois.

Dans ce cadre, les mineurs font l’objet d’un suivi éducatif renforcé et de mesures de surveillance. L’article 33 de l’ordonnance de 1945 prévoit que « la violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l’emprisonnement du mineur ».

Ces centres se distinguent des centres éducatifs renforcés (CER) ([99]), créés par une note du 8 mars 1996 du ministère de la justice, dont l’action éducative consiste à rompre durant une période inférieure à cinq mois avec l’environnement social, familial et scolaire du mineur. Ils se distinguent également des centres pénitentiaires même si des dispositifs de sécurité sont prévus afin de prévenir le risque de fugue. Selon le Conseil constitutionnel, « la dénomination de " centres fermés " traduit seulement le fait que la violation des obligations auxquelles est astreint le mineur, et notamment sa sortie non autorisée du centre, est susceptible de conduire à son incarcération par révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve ([100]) ». Il n’en demeure pas moins que les CEF, à l’instar des centres pénitentiaires, sont soumis aux vérifications du contrôleur général des lieux de privation de libertés.

Le nombre de mineurs placés en CEF ne cesse d’augmenter depuis leur création, comme le montre le tableau ci-dessous. Cette augmentation est en lien avec l’augmentation du nombre de CEF. Aujourd’hui, il en existe 52, 17 relevant du secteur public et 35 du secteur associatif habilité. En 2016, les CEF ont accueilli 1 546 mineurs soit un taux d’occupation de 73 %.

Nombre de mineurs placÉs en centre Éducatifs fermÉs

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

32

64

137

156

286

327

339

393

422

429

431

464

448

465

466

Source : avis sur la privation de liberté des mineurs, CNCDH, 27 mars 2018

 

Carte des centres éducatifs fermés et renforcés en France

Les CEF se caractérisent par un niveau d’encadrement élevé. En effet, dans chaque centre, 26,5 équivalents temps plein sont chargés de l’encadrement des mineurs auxquels peuvent se joindre un enseignant mis à disposition par l’éducation nationale et des personnels de santé. Avec un coût moyen d’une journée d’hébergement en CEF qui s’est élevé à 690 euros en 2018, le placement en CEF est le dispositif le plus onéreux de la PJJ.

L’augmentation du nombre de ces établissements devrait se poursuivre dans les années à venir puisque le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit, dans son rapport annexé, la création de vingt centres éducatifs fermés « pour répondre aux situations les plus aigües et fournir une alternative crédible à l’incarcération des mineurs multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits d’une particulière gravité ».

Cinq CEF devraient être créés dans le secteur public et quinze devraient être confiés au secteur associatif habilité, portant ainsi à 73 le nombre de CEF. 133 emplois devraient être créés pour le fonctionnement des CEF du secteur public et 35 millions d’euros devraient être consacrés au cours du quinquennat à la construction des CEF publics et au financement des CEF du secteur associatif habilité.

La création de ces établissements en 2002 a suscité de vives réserves chez une part importante des professionnels de l’enfance délinquante, qui ont fait valoir qu’il était impossible de conjuguer travail éducatif et privation de liberté. Les dysfonctionnements rencontrés par certains CEF et la fermeture de plusieurs centres depuis 2002 ont alimenté les réserves sur ces structures.

En outre, le bilan de ces établissements en termes d’insertion des mineurs reste perfectible. Comme le rappelle le sénateur Michel Amiel dans son rapport précité sur la réinsertion des mineurs enfermés ([101]), la durée moyenne des séjours s’est élevée en 2016 à 3,9 mois, en deçà de la durée théorique fixée à six mois : 49 % des placements en CEF ont duré entre trois et six mois, 24 % entre un et trois mois et 17 % moins d’un mois. Un grand nombre de placements se concluent en incarcération à la suite de comportements problématiques ou violents (fugues répétées, incidents divers qui aboutissent à une rupture du sursis avec mise à l’épreuve), ou à la suite d’une condamnation prononcée dans le cadre d’une autre affaire.

Plusieurs rapports ont dressé un constat critique sur le fonctionnement de ces centres. En 2015, la ministre de la justice et la ministre des affaires sociales et de la santé ont missionné l’inspection générale des affaires sociales, l’inspection générale des services judiciaires et l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse pour recenser les difficultés rencontrées par les CEF ([102]). Comme le montre l’encadré suivant, ce rapport pointe notamment la sous-qualification des personnels, la faiblesse des actions éducatives, un volume horaire hebdomadaire d’enseignement scolaire trop faible et les difficultés rencontrées pour prévenir les crises et les phénomènes de violence.

Rapport de l’inspection générale des affaires sociales, de l'inspection générale des services judiciaires et de l’inspection de la protection judiciaire de la jeunesse
sur le dispositif des centres éducatifs fermés

Ce rapport a pointé plusieurs difficultés rencontrées par ces établissements :

– il a souligné en premier lieu la sous-qualification des personnels due essentiellement au manque d’attractivité et au caractère fermé des CEF. L’absence de complémentarité des profils de l’équipe éducative encadrant les CEF a été pointée du doigt ;

– le rapport a souligné également le sous-dimensionnement des équipes des CEF et la faiblesse des actions éducatives ;

– le rapport a suggéré d’améliorer le projet éducatif des mineurs en CEF pendant et après la sortie du mineur. En matière de santé, il a préconisé des conventions entre les directions territoriales de la PJJ et les directions territoriales des ARS pour une meilleure prise en charge y compris lors de la sortie des CEF ;

– le rapport a montré enfin les difficultés rencontrées pour prévenir les crises et les phénomènes de violence, les réponses internes des CEF face aux violences variant d’un centre à un autre.

Les CEF rencontrent de grandes difficultés à recruter du personnel, particulièrement dans l’encadrement, ce qui entraîne un turnover très important et un taux de salariés contractuels particulièrement élevé.

Dans un avis sur la privation de liberté des mineurs ([103]) la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) constate : « les CEF rencontrent de grandes difficultés avec leur personnel qui comprend 80 % de contractuels. Les auditions conduites par la CNCDH ont (…) fait ressortir un “ turnover ” du personnel très important, malgré l’obligation de rester dans le même CEF pendant deux ans. Le recrutement est difficile car les situations de violence et les rapports de force quotidiens, bien connus, n’attirent pas le personnel éducatif, dont les attributions en CEF se rapprochent finalement de celles de surveillants d’établissements pénitentiaires sans que les intéressés en aient la formation. Certains intervenants possèdent même des diplômes de coach sportif, notamment dans les sports de combat, ce qui ne les empêche pas de démissionner rapidement. Ces situations peuvent parfois générer une véritable violence institutionnelle et lorsqu’un CEF connaît une crise, les équipes ne sont pas suffisamment formées et préparées pour y faire face. »

De même, lors de son audition, Mme Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a souligné les faiblesses de ces établissements : qualité insuffisante des projets éducatifs, absence de maîtrise de la discipline, insuffisante association des familles ou des éducateurs de milieu ouvert à l’action éducative, instabilité des équipes, faiblesse de l’encadrement, jeunesse et inexpérience du personnel. Dans son rapport d’activité pour 2017, la contrôleure fait les recommandations suivantes : mettre en place « un statut permettant le recrutement d’un personnel stable » et une formation devant déboucher sur « une qualification à défaut de laquelle la fonction d’éducateur ne peut pas être exercée, [celle-ci devant] garantir la qualité professionnelle des agents en tant qu’éducateur, mais aussi leur apporter les savoir-faire nécessaires à l’exercice en milieu fermé (maîtrise de la violence, exercice de la discipline, connaissance de la situation juridique des mineurs pris en charge) » et garantir un encadrement « présent en nombre, stable et qualifié ».

Compte tenu des difficultés rencontrées par les CEF pour disposer d’un personnel stable et expérimenté, une revalorisation du statut des personnels intervenant dans ces établissements est primordiale.

Proposition : stabiliser des effectifs dans les CEF avec une revalorisation du statut, garantir un niveau adéquat de personnels d’encadrement, former les éducateurs à une intervention en milieu fermé.

En dépit de ce bilan perfectible, plusieurs interlocuteurs auditionnés par la mission ont reconnu que certains CEF avaient des projets pédagogiques intéressants et qu’ils constituaient un outil nécessaire pour des mineurs multirécidivistes. Ainsi, Mme Nathalie Leclerc-Garret, vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats, a admis que si elle avait été dubitative au moment de la création de ce type d’établissement, force était de constater qu’ils constituaient une mesure alternative à la détention pour des mineurs difficiles et que la prise en charge dans certains CEF était excellente.

De même, vos rapporteurs ont pu constater la qualité du travail réalisé au sein du CEF d’Épinay ou par l’association Nouvel Horizon qui gère deux centres éducatifs fermés à Marseille et au Vigeant.

Il reste cependant difficile de dresser un bilan fiable et global de l’efficacité des CEF, le ministère de la justice ne disposant pas de statistiques précises sur le parcours pénal des mineurs qui y ont été hébergés.

Dans les éléments transmis à vos rapporteurs, le syndicat Unité magistrats approuve « dans le principe, le programme présidentiel d’ouverture de 20 centres éducatifs fermés (CEF) supplémentaires, car le nombre de places offertes par les établissements actuels est manifestement insuffisant au regard des besoins. » Cependant l’organisation réclame « un bilan actualisé des fonctionnements des CEF actuellement en fonctionnement. En effet, les CEF (secteur public/secteur associatif) ont des modalités de fonctionnement très hétérogènes qui devraient faire l’objet d’une harmonisation afin de généraliser les bonnes pratiques. »

De même, le sénateur Michel Amiel, dans le rapport précité sur la réinsertion des mineurs enfermés ([104]), regrette l’absence de données précises sur ce sujet : « C’est non sans étonnement, compte tenu du coût et du caractère controversé du dispositif, que votre rapporteur a appris que le ministère n’était pas en mesure de produire un suivi des trajectoires des jeunes ayant réalisé un séjour en CEF, afin d’en évaluer les conséquences sur leur parcours et notamment le taux de réitération. »

Une telle évaluation est aujourd’hui nécessaire alors que le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit la création de 20 centres éducatifs fermés supplémentaires.

Proposition : mettre en place une véritable évaluation des parcours des jeunes accueillis dans les CEF.

C.   vers un code de la justice pénale des mineurs

Lors du débat en première lecture sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, l’Assemblée nationale a adopté un amendement, présenté par le Gouvernement en séance publique, habilitant ce dernier à prendre par ordonnance des mesures relatives à la réforme de la justice pénale des mineurs ([105]).

Cette habilitation a pour objet, sur le fond, de « modifier et compléter les dispositions relatives à la justice pénale des mineurs, dans le respect des principes constitutionnels qui lui sont applicables et des conventions internationales » en vue de :

– simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants ;

– accélérer leur jugement pour qu’il soit statué rapidement sur leur culpabilité ;

– renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de la peine, notamment pour les mineurs récidivistes ou en état de réitération ainsi que l’ont souhaité, par voie de sous-amendement, M. Jean-Christophe Lagarde et Mme Maina Sage ;

– mieux prendre en compte leurs victimes.

Sur la forme, l’ordonnance procèderait au regroupement et à la réorganisation de ces dispositions dans un nouveau code de la justice pénale des mineurs. Le Gouvernement envisage ainsi « l’élaboration d’une procédure pénale spécifique aux mineurs, consolidée, de l’enquête au jugement et à l’application des peines » pour redonner à la réponse pénale « du sens en étant donnée au plus près de l’acte » ([106]).

1.   Conserver les principes fondateurs de l’ordonnance de 1945

Vos rapporteurs tiennent à souligner que la réforme de l’ordonnance de 1945 doit nécessairement s’inscrire dans le cadre de ses principes fondateurs que sont la primauté de l’éducatif sur le répressif, l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge et la spécialisation de la justice des mineurs.

Le respect de ces principes répond à un impératif constitutionnel, le Conseil constitutionnel les ayant considérés comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dans la décision du 29 août 2002 précitée ([107]). Il répond également à un impératif d’opportunité, ceux-ci ayant montré leur efficacité dans la prise en charge pénale des mineurs.

De fait, les personnes entendues par la mission ont unanimement considéré qu’une réforme de la justice des mineurs devait respecter ces principes fondamentaux.

Lors de son audition par la mission, Mme Nathalie Leclerc-Garret, vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats, a rappelé l’attachement de son organisation à la spécialisation de la justice des mineurs, et son opposition passée, en vertu de ce principe, aux tribunaux correctionnels pour mineurs. Dans les éléments transmis à la mission, le syndicat rappelle que la spécialisation de la justice des mineurs « permet au juge des enfants d’acquérir des connaissances précises sur l’environnement familial du mineur et d’agir en conséquence, tant à l’égard du mineur que de sa famille » et que « toute réforme qui viserait à supprimer cette double compétence, pénale et civile, du juge des enfants serait en réalité particulièrement contreproductive, s’agissant de la lutte contre la délinquance des mineurs ».

De même, dans les éléments transmis à la mission, le Défenseur des droits rappelle « son attachement à une justice pénale des mineurs spécialisée » et insiste sur « la primauté de l’éducatif sur le répressif et sur la nécessité de traiter tous les enfants de la même façon ».

Lors du débat en séance publique sur la réforme de l’ordonnance de 1945, la garde des Sceaux, Mme Nicole Belloubet, a rappelé sa conviction qu’il ne fallait pas « remettre en cause les principes essentiels de la justice des mineurs » ([108]), en particulier le principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, la prééminence des mesures éducatives en vue de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, ainsi que la spécialisation et la double vocation du juge des enfants, à la fois juge des mineurs en danger et juge des mineurs délinquants.

2.   Des pistes de réflexion

a.   Une nécessaire simplification et la mise en place d’un code pénal des mineurs

Si un certain consensus s’est dégagé lors des auditions en faveur de la codification de l’ordonnance de 1945, certaines personnes auditionnées, comme les représentants du Syndicat de la magistrature, ont considéré qu’il était nécessaire de faire une réforme plus globale et de créer un code de la justice des mineurs réunissant non seulement les dispositions de l’ordonnance de 1945 mais également celles du code civil relatives à la protection de l’enfance.

Vos rapporteurs considèrent qu’une réflexion doit être menée sur la mise en place d’un code de la justice des mineurs mais qu’une première codification du volet pénal de la justice des mineurs constituerait déjà une réelle avancée.

Cette codification doit, en outre, permettre une clarification et une simplification de l’ordonnance de 1945. En effet, les mesures pouvant être prononcées par le juge des enfants ou le tribunal des enfants sont multiples. Certaines d’entre elles semblent peu utilisées et difficilement compréhensibles pour les mineurs. Lors de son audition par la mission, M. Xavier Charlet, juge des enfants, a cité, à titre d’exemple, les termes de « liberté surveillée » et « d’admonestation » qui n’avaient aucun sens pour les mineurs et qui devaient être explicités par le juge. De même, Mme Fabienne Klein-Donati, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny, a considéré qu’une procédure comme « la remise à parent » était obsolète et qu’elle n’était pas comprise par les mineurs et leurs parents.

Dans les éléments transmis à la mission, l’Union syndicale des magistrats a indiqué que les modes de saisine du juge des enfants et du tribunal pour enfants pourraient être simplifiés, certains n’étant jamais utilisés, et que certaines mesures obsolètes – comme l’amende au montant très faible prévue en cas de carence des représentants légaux du mineur à l’article 26 de l’ordonnance de 1945 – pourraient être supprimées.

Vos rapporteurs s’interrogent par ailleurs sur l’échelle des mesures, sanctions et peines applicables aux mineurs. Il est difficile pour un mineur de comprendre la différence entre l’admonestation, qui est une mesure éducative prononcée par le juge des enfants, et l’avertissement solennel qui est une sanction éducative prononcée par le tribunal pour enfants ou entre le stage de formation civique qui est une sanction éducative et le stage de citoyenneté qui est une peine.

Proposition : simplifier les mesures et les procédures de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante dans le cadre d’un nouveau code de la justice pénale des mineurs.

b.   La question de l’âge de la responsabilité pénale

L’article 40-3 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), adoptée en 1989 par l’Assemblée générale de l’ONU et ratifiée par la France en 1990, invite les États parties à « établir un âge minimum en deçà duquel les enfants seront présumés n’avoir pas la capacité d’enfreindre la loi pénale. » ([109])

L’âge de la responsabilité pénale en Europe

Dans les droits des États européens, la responsabilité pénale est définie par un âge qui varie selon les pays :

– 8 ans en Écosse et en Grèce ;

– 10 ans en Angleterre et en Suisse ;

– 12 ans aux Pays-Bas, au Portugal et en Belgique ;

– 14 ans en Espagne, en Allemagne et en Italie ;

– 15 ans en Suède ;

– 18 ans au Luxembourg.

Source : « Le droit pénal des mineurs en Europe », Ministère de la justice, février 2017.

Le droit pénal français ne prévoit pas d’âge minimum de responsabilité pénale. En effet, en vertu de l’article 122-8 du code pénal : « les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables, dans des conditions fixées par une loi particulière qui détermine les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation dont ils peuvent faire l’objet ». Ainsi tout mineur capable de discernement peut être déclaré pénalement responsable sans qu’aucun seuil d’âge ne soit fixé.

Le discernement, défini comme « l’aptitude à distinguer le bien du mal » ([110]), est une notion souple qui laisse une marge d’appréciation importante au juge pénal. Par cet article, le législateur a consacré la jurisprudence Laboube rendue en 1956 par la Cour de cassation ([111]) et confirmée en 2017 ([112]).

En France, la Commission présidée par le recteur André Varinard a préconisé en 2008 de fixer un seuil de responsabilité pénale à douze ans ([113]) afin de répondre aux exigences de la CIDE et de clarifier le droit pénal des mineurs.

Plusieurs interlocuteurs de la mission ont considéré qu’une telle évolution était aujourd’hui nécessaire. Ainsi, M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, a reconnu que si le Défenseur des droits avait pendant longtemps été favorable à la notion de discernement, la fixation d’un âge de responsabilité pénale lui paraissait désormais nécessaire notamment afin de répondre aux exigences de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Dans les éléments transmis à la mission, il constate qu’il « n’est pas rare que des enfants de 7-8 ans fassent l’objet de poursuites pénales dans la mesure où il n’y a pas de seuil d’âge » alors « qu’en dessous d’un certain âge, un enfant, s’il peut avoir compris et voulu son acte, a en revanche, difficilement une telle compréhension de la procédure pénale dans laquelle il se trouve impliqué ». Il conclut qu’il faudrait fixer un âge qui ne saurait être inférieur à 13 ans.

Dans les éléments transmis à vos rapporteurs, le Syndicat de la magistrature estime « fondamental que la définition de la minorité pénale soit renforcée par la fixation à 13 ans de l’âge de la responsabilité pénale, sans que ce choix ne soit exclusif de la nécessité, en sus, d’établir le discernement au cas par cas. Cet âge de 13 ans est compatible avec l’article 4-1 des Règles de Beijing adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies le 29 novembre 1985, aux termes duquel “ dans les systèmes qui reconnaissent la notion de seuil de responsabilité pénale, celui-ci ne doit pas être fixé trop bas eu égard aux problèmes de maturation affective, psychologique, intellectuelle ” ». Le syndicat précise, par ailleurs, qu’en cas de fixation d’un âge de responsabilité pénale, il appartiendrait au juge d’établir que l’enfant est capable de discernement et qu’il ne serait pas opportun de prévoir une présomption de discernement.

La fixation d’un âge de responsabilité pénale n’est pas sans conséquence car elle pose la question des mesures prises à l’encontre du mineur délinquant en-deçà de l’âge fixé. Ainsi, la fixation d’un âge de responsabilité pénale à 13 ans impliquerait que les mineurs délinquants âgés de moins de treize ans soient pris en charge au titre de l’assistance éducative ou de la PJJ. Dans ce sens, il faudrait alors restaurer les crédits budgétaires de la protection judiciaire de la jeunesse afin de lui permettre d’exercer ses prérogatives en matière civile.

Votre rapporteur Jean Terlier considère que la notion de discernement laisse toute marge de manœuvre au juge des enfants pour prononcer une mesure adaptée à la maturité et à la compréhension du mineur. En outre, si les mineurs de moins de 13 ans ne sont pas responsables pénalement et sont pris en charge au titre de l’assistance éducative, cela suppose non seulement un changement considérable de la politique pénale à l’égard de ces mineurs mais également un transfert de charges vers les départements. C’est pourquoi votre rapporteur considère que la fixation d’un âge de la responsabilité pénale n’est pas une priorité et que la réflexion doit se poursuivre.

À ce stade d’analyse, sans remettre en question l’excellent travail mené par les juges des enfants sur la notion de discernement, votre Rapporteure Cécile Untermaier considère qu’un âge de responsabilité pénale devrait désormais être prescrit par la loi et s’appliquer à toutes les infractions. Il s’agirait, non pas seulement de satisfaire aux dispositions du droit international, mais aussi de clarifier le droit pénal des mineurs et de donner toute sa dimension à la prévention de la délinquance et à la politique éducative partagée par tous les acteurs. Les enfants qui n’ont pas atteint l’âge de la responsabilité pénale et qui ont commis une infraction seraient soumis à la législation sur la protection de l’enfance et donc à des mesures éducatives, sous le contrôle du juge des enfants. Les dispositions budgétaires tendant à la restauration de crédits à la protection judiciaire de la jeunesse, devraient alors être prises dans ce cadre. 

Par ailleurs, la fixation de l’âge de responsabilité à treize ans semblerait pertinente, dès lors qu’elle respecte les seuils d’âge déjà existants, interdisant en particulier à un mineur de moins de treize ans d’être condamné à une peine. 

En tout état de cause, si une telle réforme devait être menée, il resterait à discuter, d’après nos interlocuteurs, de la possibilité ou non laissée au juge de déroger au seuil de l’âge de responsabilité, dans des circonstances exceptionnelles.

Proposition de Mme Cécile Untermaier : fixer à 13 ans l’âge de la responsabilité pénale des mineurs.

c.   Le jugement à peine différée

Lors du débat en séance publique sur le projet de la loi de programmation pour la justice, Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, a indiqué les deux objectifs poursuivis par la réforme de l’ordonnance de 1945 :

– en premier lieu, renforcer l’efficacité de la justice pénale des mineurs, ce qui implique d’« accélérer [leur] jugement pour qu’il soit statué rapidement sur leur culpabilité » et de « renforcer leur prise en charge par des mesures probatoires adaptées et efficaces avant le prononcé de leur peine » pour améliorer « la prise en compte des victimes en montrant que la justice apporte une réponse rapide et en permettant d’engager la procédure de réparation » ;

– en deuxième lieu, « simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs et (…) doter les magistrats, les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse, les services d’enquête et les avocats d’un code cohérent et lisible ».

L’une des pistes envisagées est la mise en place d’une nouvelle procédure qui s’inspirerait de celle de la césure en la simplifiant.

En droit procédural, la césure désigne la possibilité pour le juge de se prononcer dans un premier temps sur la culpabilité du prévenu et de manière subsidiaire sur l’action civile puis, dans un second temps, après un délai fixé, sur la nature de la sanction à infliger. Les articles 132-58 et suivants du code pénal prévoient la césure du procès pénal en matière correctionnelle et contraventionnelle.

La césure du procès pénal remplit trois objectifs :

– pour le mineur, elle permet de « concilier les objectifs de connaissance de la personnalité du mineur et de réponse rapide à un acte de délinquance » ; ([114])

– pour le juge, elle offre la possibilité de statuer sur le fond au regard du parcours de réinsertion du mineur après un délai d’appréhension de sa personnalité ;

– pour les victimes, elle rend possible l’appréciation de leurs demandes lors d’une première audience puis d’assigner au mineur l’obligation de réparer le dommage lors d’un suivi probatoire.

Dès 1945, le juge des enfants ou le tribunal des enfants a pu ordonner la mise en liberté surveillée à titre provisoire puis statuer sur le fond après une période d’épreuve ([115]). La loi du 1er juillet 1996 portant modification de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ([116]) a introduit un mécanisme de césure dans l’ordonnance du 2 février 1945 dans deux situations :

– si les investigations sur la personnalité ou les moyens consacrés à la rééducation du mineur sont insuffisants ;

– si le juge intervient en matière criminelle.

Afin d’accélérer la réponse pénale et assurer une cohérence pénale, la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs ([117]) a étendu la possibilité de recourir à la césure pénale à toutes les juridictions susceptibles de juger des délits commis par les mineurs (tribunal de police, juge des enfants, tribunal pour enfants), à l’exception de la cour d’assise des mineurs.

En pratique, le juge des enfants et le tribunal pour enfants peuvent prendre une décision immédiate sur la culpabilité du mineur et sur l’action civile, tout en renvoyant le prononcé de la peine, de la mesure éducative ou de la sanction éducative à une audience ultérieure (dans un délai maximum de 6 mois).

La loi du 10 août 2011 a précisé les conditions d’application de cette procédure :

– outre les conditions de droit commun prévues par le code pénal, l’ajournement de peine peut être prononcé dans deux hypothèses spécifiques aux mineurs : si les perspectives d’évolution de la personnalité du mineur le justifient, ou si des investigations supplémentaires sur sa personnalité sont nécessaires ;

– les deux audiences (la première sur la culpabilité et l’indemnisation de la partie civile, la seconde sur la peine, sanction ou mesure) sont séparées par un délai maximum de six mois ;

– dans sa décision de césure, le juge peut ordonner, à titre provisoire, les mesures suivantes : placement provisoire dans un établissement public ou habilité à cet effet, liberté surveillée préjudicielle, activité d’aide ou de réparation, activité de jour.

Ce dispositif a été complété par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle ([118]) qui a prévu à l’article 8-1 de l’ordonnance de 1945 un ajournement obligatoire dans le cadre de la convocation par officier de police judiciaire (COPJ) aux fins de jugement en chambre du conseil, lorsque le juge des enfants constate que les investigations sur la personnalité du mineur ne sont pas suffisantes.

Cette procédure reste cependant peu utilisée. En effet, elle rajoute une audience supplémentaire à une procédure qui en compte déjà deux (mise en examen et jugement) et les juges des enfants ne disposent pas du temps nécessaire pour y avoir recours.

Dans les éléments transmis à la mission, M. Xavier Charlet a précisé que cette procédure restait également peu utilisée dans le cadre de la COPJ aux fins de jugement en cabinet : « il s’agit pour le parquet d’accélérer le mouvement procédural en permettant de juger le dossier (culpabilité et mesure éducative) en une seule audience. Certes il est utile que la loi ait prévu de recourir à la césure lorsque le juge manque d’éléments de personnalité pour se prononcer en chambre du conseil sur la mesure éducative adaptée mais cette hypothèse reste marginale. La COPJ aux fins de jugement en cabinet est toujours précédée d’une enquête rapide effectuée par la PJJ qui permet d’avoir un éclairage déjà intéressant sur la situation du mineur ».

Il pourrait être envisagé, dans le cadre de la réforme de l’ordonnance de 1945, de mettre en place une nouvelle procédure qui comprendrait deux phases :

– une première audience, dans un laps de temps assez rapide, se prononcerait sur la culpabilité du mineur et sur l’éventuelle indemnisation de la victime ;

– une deuxième audience permettrait au juge de se prononcer sur la peine encourue en tenant compte de l’évolution du mineur et du travail éducatif accompli.

Cette nouvelle procédure, que l’on pourrait qualifier de « jugement à peine différée », serait différente de la césure actuelle car la phase de mise en examen serait supprimée.

Lors de son audition par la mission, Mme Nina Milesi, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats, a indiqué que son organisation était favorable à une telle procédure si son recours impliquait le maintien de la procédure de COPJ aux fins de jugement et la suppression de la mise en examen, le dispositif actuel avec trois audiences étant trop chronophage pour les juges des enfants. De même, Mme Sophie Legrand, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, a indiqué qu’elle n’était pas opposée à la mise en place d’une telle procédure tout en soulignant qu’elle ne résoudrait pas la question des délais de jugement.

En revanche, Mme Claire Danko, membre du bureau national d’Unité magistrats, a indiqué que le syndicat qu’elle représentait était très réservé sur la mise en place de cette nouvelle procédure, celle-ci étant susceptible d’aboutir à un surcroît de travail pour la justice des mineurs. De même, les avocats représentants le Conseil national des barreaux, le Barreau de Paris et la conférence des bâtonniers se sont montrés très réservés. Ils se sont inquiétés notamment du faible délai laissé à l’avocat pour préparer la première audience et soulever d’éventuelles questions de nullités de procédure. Mme Laurence Tartour, responsable du pôle pénal de l’antenne des mineurs du Barreau de Paris, a indiqué que cette procédure n’aurait de sens que pour les affaires simples, pour lesquelles le mineur reconnaît sa culpabilité. Or de telles affaires peuvent être traitées dans le cadre d’une COPJ aux fins de jugement. Elle s’est donc interrogée sur l’intérêt même de cette nouvelle procédure.

Enfin, dans les éléments transmis à la mission, la Conférence nationale des procureurs de la République a émis un avis très réservé sur la généralisation d’une telle procédure qui représenterait une charge de travail supplémentaire pour les parquets et qui « n’apparaît pas adaptée à des mineurs multirécidivistes ou ayant commis un acte grave ».

Vos rapporteurs tiennent cependant à souligner que la mise en place d’une procédure de jugement à peine différée présenterait plusieurs avantages :

– elle permettrait avant tout d’apporter une réponse rapide sur la culpabilité du mineur dans les affaires simples et de donner, par conséquent, une réponse lisible au mineur. Cela pourrait, de surcroît, limiter les détentions provisoires, la décision de culpabilité étant prononcée rapidement ;

– elle résoudrait le problème d’impartialité des juges et d’organisation de la justice des mineurs évoqué précédemment puisque la procédure ne comprendrait plus une phase de mise en examen (considérée comme un « pré-jugement ») puis un jugement. Une telle procédure permettrait donc une réelle continuité dans la prise en charge des mineurs par un même juge des enfants ;

– elle favoriserait une réponse rapide à la victime qui peut voir son statut reconnu dès la première audience en se constituant partie civile, et qui peut alors solliciter et obtenir une indemnisation de son préjudice. Le juge peut statuer sur les intérêts civils dès lors qu’il a prononcé la culpabilité du mineur ;

– une telle procédure permettrait également de mettre en place un travail éducatif avec le mineur en s’appuyant sur la déclaration de culpabilité. Les suivis éducatifs actuels en phase pré-sententielle, décidés au stade de la mise en examen, se heurtent parfois à la résistance des mineurs qui se disent innocents et ne comprennent pas pourquoi ils doivent se soumettre à un suivi judiciaire. La déclaration de culpabilité donnerait aux services éducatifs une base de travail pour la prise de conscience par le mineur de la loi pénale, pour sa prise en considération des victimes, pour son adhésion aux objectifs de la mesure en termes de soins, d’insertion, de mise à distance de son lieu de vie ou de son quartier.

Dans les éléments transmis à la mission, le Syndicat de la magistrature souligne les avantages d’une procédure en deux temps permettant de se prononcer rapidement sur la culpabilité du mineur tout en laissant le temps nécessaire pour mettre en place les mesures éducatives : « la césure a le mérite de permettre de statuer relativement rapidement sur la culpabilité et sur le préjudice subi par la partie civile, tout en maintenant le principe du prononcé de mesures éducatives ou de peines après un temps d’observation de l’évolution du mineur, avec un soutien éducatif. En effet, il est primordial de tenir compte du fait que les adolescents sont en pleine construction de leur personnalité et dans une période d’intégration des règles. Il est essentiel que la procédure pénale applicable aux mineurs tienne compte de cela et leur applique un temps spécifique, permettant à l’enfant de comprendre son acte, de mûrir et d’évoluer » ;

– elle permettrait de ne plus recourir à la procédure d’instruction menée par le juge des enfants qui n’est pas comprise par les mineurs ;

La distinction entre une phase d’instruction et une phase de jugement n’est en effet plus adaptée aux temps actuels. L’instruction dans l’ordonnance de 1945 avait été conçue comme une instruction sur la personnalité, bien plus que sur les faits et elle avait un sens éducatif en permettant au juge des enfants de bien comprendre la situation familiale et donc de déterminer les mesures adaptées à prendre au stade du jugement. Aujourd’hui le juge des enfants est parfois saisi de dossiers complexes, qui devraient être orientés vers le juge d’instruction. Il est parfois amené à ordonner des actes d’instruction sur les faits qui le positionnent finalement vers la recherche de la vérité et modifient le sens de son action. Se pose alors la question de la conciliation de son rôle d’enquêteur avec son rôle historique d’autorité protectrice.

Dans les éléments transmis à la mission, M. Xavier Charlet, juge des enfants, souligne également que la phase d’instruction alourdit le travail juridictionnel : « il est assez fréquent que les mineurs ne comparaissent pas à l’audience de mise en examen. Aujourd’hui le juge ne peut pas poursuivre son dossier et juger le mineur, puisqu’il est saisi aux fins de mise en examen. Il doit le reconvoquer aux fins de mise en examen ou délivrer un mandat d’amener, si les services de police ne le trouvent pas ils adressent alors au juge un PV de vaines recherches qui vaut mise en examen et permet alors de poursuivre le dossier et de juger le mineur. Cette procédure est longue, coûteuse et très lourde. »

– cette nouvelle procédure permettrait de ne plus recourir à la procédure officieuse ou de n’y recourir que pour des cas très limités ;

– elle permettrait enfin de prononcer une seule mesure éducative ou une peine pour plusieurs dossiers dans lesquels le juge aura déclaré le mineur coupable durant la période de césure. Cela permettra donc de regrouper des procédures au moment du prononcé d’une mesure ou d’une peine, ce qui évitera un empilement de mesures ou de peines et sera facteur à la fois de simplification et de cohérence.

Vos rapporteurs tiennent cependant à attirer l’attention de la Commission sur plusieurs points qui devront nécessairement être pris en compte pour mettre en place cette nouvelle procédure de jugement à peine différée :

– en premier lieu, la phase de mise en examen devra nécessairement être supprimée. L’ensemble des interlocuteurs entendus par vos rapporteurs ont considéré qu’une césure en trois phases, comme elle existe actuellement, alourdit trop la charge de travail des juges des enfants et que la mise en place de cette nouvelle procédure devrait obligatoirement s’accompagner de la suppression de la phase de mise en examen ;

– en second lieu, il conviendra de ne pas rendre obligatoire cette nouvelle procédure et de laisser toute marge de manœuvre au juge des enfants. Lors du déplacement de la mission à Bordeaux, M. Laurent Gebler, président du tribunal pour enfants de Bordeaux et président de l’Association française des magistrats de la justice et de la famille, a souligné qu’il pourrait être délicat pour le juge des enfants de se prononcer sur la culpabilité d’un mineur lorsque l’affaire est complexe ou implique par exemple plusieurs mineurs et plusieurs victimes, particulièrement si l’audience se déroule dans le cabinet du juge. Le juge des enfants doit, par conséquent, avoir la possibilité de renvoyer l’affaire devant le tribunal pour enfants ou de prononcer une mise en examen ;

– troisièmement, la place du Parquet devrait être clarifiée : cette nouvelle procédure comprenant une première audience sur la culpabilité et une seconde sur la peine, le parquet devrait être théoriquement présent aux deux audiences. Cependant, faute de moyens et de temps, il est peu probable que le parquet soit systématiquement présent lors de la première audience. Ainsi, Mme Fabienne Klein-Donati, procureure de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny, a indiqué qu’il était exclu, compte tenu de la charge des magistrats du Parquet, qu’ils assistent à deux audiences. Pourrait alors être envisagée la transmission d’un avis écrit du parquet ou le renvoi au tribunal pour enfants avec la présence du parquet pour les affaires complexes ; 

– quatrièmement, la mise en place d’une telle procédure impliquera le renforcement des moyens des tribunaux pour enfants : M. Thierry Baranger, président du tribunal pour enfants de Bobigny, a indiqué que sans moyens supplémentaires dans les tribunaux pour enfants, il serait compliqué de mettre en œuvre une telle réforme. De même, M. Florent Boitard, secrétaire général adjoint de l’Union syndicale des magistrats, a considéré que la mise en place de cette réforme devait nécessairement s’accompagner d’une augmentation d’effectifs de magistrats notamment parce que la première audience sur la culpabilité demanderait beaucoup plus de travail qu’une première audience de mise en examen ;

– enfin, il devra être accordé une attention particulière aux délais de la procédure, notamment au délai entre la première audience se prononçant sur la culpabilité et la seconde audience se prononçant sur la peine. Il doit être assez long pour pouvoir mettre en œuvre des mesures éducatives et accompagner le mineur, tout en restant assez court pour que le mineur fasse le lien entre sa culpabilité et la peine prononcée. Plusieurs personnes auditionnées ont considéré qu’un délai de six mois était opportun. De même, la mise en place de la nouvelle procédure devra prévoir un délai suffisamment long avant la première audience pour permettre aux avocats de préparer la défense et de soulever d’éventuelles nullités. Les éléments du dossier de l’enfant devront pour les mêmes raisons être communiqués rapidement.

Compte tenu de ces remarques, dans le cadre de cette réforme, le juge des enfants pourrait opter pour trois procédures :

– lorsque la culpabilité ne présente pas de doute, le juge des enfants pourrait recourir au jugement à peine différée en se prononçant rapidement sur la culpabilité et en renvoyant à une audience ultérieure le prononcé de la peine ;

– lorsque l’affaire est simple, tant pour la culpabilité que pour la peine, la procédure de convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement devant le juge des enfants pourrait être utilisée ;

– enfin, lorsque le juge des enfants aurait besoin d’informations complémentaires, il pourrait recourir à la procédure actuelle de mise en examen lui permettant dans un second temps, au vu des éléments sur la personnalité et le parcours pénal du mineur, de se prononcer sur la culpabilité et la peine.

 

Proposition : faire du jugement à peine différée la procédure de principe devant le juge des enfants, tout en lui laissant la possibilité de recourir à la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement pour les affaires simples et de prononcer une mise en examen pour les affaires complexes.

d.   Développer les procédures rapides pour les mineurs multirécidivistes

La justice des mineurs doit concilier deux objectifs qui peuvent s’avérer contradictoires : fournir une réponse rapide dans l’intérêt de la victime et de l’auteur des faits, tout en permettant l’organisation d’une investigation sur la situation du mineur. L’objectif d’une justice rapide vaut pour tous, mais plus encore pour les mineurs, dont la sanction revêt un caractère plus pédagogique.

Si l’article 5 de l’ordonnance de 1945 pose le principe de l’instruction obligatoire d’une infraction dont l’auteur présumé est un mineur, plusieurs exceptions permettent cependant d’écarter la phase préliminaire pour accélérer la réponse pénale.

● La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle ([119]) a mis en place la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement en chambre du conseil. Applicable pour les délits et les contraventions de la 5ème classe ([120]), cette COPJ permet au procureur de la République de prescrire aux officiers ou agents de police judiciaire de délivrer au mineur contre lequel il existe des charges suffisantes une convocation devant le juge des enfants pour jugement. Le mineur est jugé dès sa première comparution devant le juge des enfants, un délai de dix jours devant être respecté entre le jour de délivrance de la COPJ et le jour de la convocation devant le juge. À l’issue de l’audience, deux situations sont envisageables :

– si le juge dispose d’éléments de personnalité suffisants contenus dans le recueil de renseignements socio-éducatifs (RSSE) établi par la protection judiciaire de la jeunesse, il juge alors immédiatement le mineur ;

– si le juge ne dispose pas d’éléments de personnalité suffisants, il procède à la césure pénale ([121]) : il se prononce dans un premier temps sur la culpabilité du mineur et l’action civile puis, dans un second temps, renvoie en chambre du conseil ou à l’audience du tribunal pour enfants pour le prononcé de la mesure éducative, la sanction éducative ou la peine.

● La convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement devant le tribunal pour enfants (COPJ TE) – qui est régie par l’article 8-3 de l’ordonnance de 1945 et qui suit les mêmes règles de formes que la COPJ aux fins de jugement en chambre du conseil – n’est possible que si le mineur a déjà fait l’objet d’une ou plusieurs procédures prévues par l’ordonnance de 1945. Elle s’applique au mineur âgé d’au moins 13 ans auquel il est reproché un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement et au mineur d’au moins 16 ans auquel il est reproché un délit puni d’au moins 3 ans d’emprisonnement. Cette procédure est cependant rarement utilisée.

● Par ailleurs, la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice ([122]) a introduit à l’article 14-2 de l’ordonnance de 1945 la procédure de jugement à délai rapproché, dénommée ensuite procédure de présentation immédiate de mineur (PIM) par la loi du 5 mars 2007 ([123]). Cette procédure permet au ministère public de saisir directement le tribunal pour enfants, sans phase d’information préalable. Sont concernés :

– les mineurs de 13 à 16 ans encourant une peine comprise entre 5 et 7 ans d’emprisonnement ;

– et les mineurs de 16 à 18 ans encourant une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 1 an en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à 3 ans dans les autres cas.

Cette procédure n’est possible que si :

– le mineur a fait ou fait l’objet d’une procédure pénale prévue par l’ordonnance de 1945 ;

– des investigations sur la personnalité ont été accomplies au cours des douze derniers mois sur le fondement de l’article 8 de l’ordonnance ;

– aucune investigation complémentaire sur les faits n’est nécessaire. À défaut d’investigations de moins de douze mois, le ministère public, sans renoncer à la PIM, doit requérir la césure pénale dans l’acte de saisine du tribunal pour enfants.

Aussitôt après avoir informé le mineur qu’il est traduit devant le tribunal pour enfants pour y être jugé, le procureur de la République fait comparaître le mineur devant le juge des enfants afin qu’il soit statué sur ses réquisitions tendant soit au placement sous contrôle judiciaire, soit au placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique, soit au placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience de jugement.

Le juge des enfants peut donc décider de placer le mineur en détention provisoire sans que le juge des libertés et de la détention ne se soit prononcé, contrairement à la procédure de comparution immédiate pour les majeurs.

En effet, aux termes de l’article 137-1 du code de procédure pénale : « la détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le juge des libertés et de la détention. Les demandes de mise en liberté lui sont également soumises ». Par exception, l’article 14-2 relatif à la procédure de présentation immédiate du mineur restitue au juge des enfants sa compétence pour décider, dans l’attente de l’audience, de la détention provisoire à l’égard d’un mineur âgé de 16 à 18 ans.

La loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs ([124]) a précisé les conditions d’application de cette procédure. Avant l’adoption de cette loi, l’article 14-2 subordonnait la mise en œuvre de la procédure de présentation immédiate à la condition qu’aient été accomplies des « investigations sur la personnalité du mineur (…), le cas échéant, à l’occasion d’une procédure antérieure de moins d’un an ». L’ambiguïté de cette disposition a conduit à des interprétations éloignées de la volonté initiale du législateur, certaines juridictions ayant admis que les investigations sur la personnalité réalisées au moyen d’un recueil de renseignement socio-éducatif pouvaient suffire.

Désormais, la procédure de présentation immédiate ne peut être engagée que « si le mineur fait l’objet ou a fait l’objet d’une ou plusieurs procédures en application de [l’ordonnance de 1945] et que si des investigations sur la personnalité ont déjà été accomplies au cours des douze mois précédents sur le fondement de l’article 8 ». Toutefois, par exception, ces procédures pourront tout de même être engagées sur la base du recueil de renseignement socio-éducatif dans les cas où l’impossibilité de disposer d’investigations réalisées sur le fondement de l’article 8 résulte de l’absence du mineur lors des mesures d’investigations.

Ces mesures doivent avoir été ordonnées par le juge des enfants. Ainsi, une expertise ordonnée par le ministère public dans le cadre de la garde à vue ne saurait être considérée comme une mesure d’investigation au sens de l’article 8.

Mme Christine Campan, vice-procureure du TGI de Bordeaux, a constaté que les présentations immédiates de mineur permettent de mettre un coup d’arrêt aux agissements des mineurs multirécidivistes et regretté qu’elles aient fortement diminué depuis la loi du 10 août 2011 précitée. En effet, dans sa juridiction, entre 25 et 30 présentations immédiates de mineurs par an étaient recensées entre 2007 et 2011 et entre 3 et 5 depuis 2011. De même, Mme Fabienne Klein-Donati, procureure de la République près le tribunal de grande instance de Bobigny, a considéré que les conditions de recours à la présentation immédiate de mineurs étaient trop strictes (notamment la nécessité d’avoir une mesure judiciaire d’investigation éducative dans les douze mois précédant la convocation) et qu’un assouplissement serait nécessaire.

Dans les éléments transmis à la mission, la Conférence nationale des procureurs de la République constate que « bien qu'il ne faille bien sûr pas la banaliser, la PIM est une procédure particulièrement intéressante et utilisée par des juridictions de toutes tailles en ce qu’elle permet de juger des mineurs déjà connus dans des délais contraints tout en préservant la spécificité des investigations sur la personnalité utiles pour apprécier la sanction. »

Le Syndicat de la magistrature estime au contraire « qu'il s'agit d'une procédure spécifique aux mineurs qui conduit à leur appliquer un régime plus sévère que celui des majeurs. En effet, dans le cadre de cette procédure, le mineur peut être placé jusqu'à un mois en détention provisoire, par le juge des enfants lui-même, sans le double regard exercé par le juge des libertés et de la détention, dans l'attente d'une audience de jugement. À défaut de suppression de cette procédure, il apparaît essentiel de maintenir des critères stricts sur la nature des éléments de personnalité versés au dossier ainsi que sur leur caractère suffisamment récent. »

Au regard de la spécialisation du juge des enfants, il ne paraît pas utile d’alourdir la procédure en ajoutant l’avis du juge des libertés et de la détention.

Cependant, votre rapporteure Cécile Untermaier rappelle que cette procédure rapproche la justice des mineurs de celle des majeurs. Son recours doit donc rester exceptionnel, d’autant plus qu’aucune statistique ne permet aujourd’hui d’en apprécier la portée, tant du point de vue des exigences de l’ordonnance de 1945, que de la réponse pénale. Les investigations sur la personnalité ne peuvent résulter du simple recueil de renseignement socio-éducatif, lequel selon les juges reste un document sommaire. Il convient donc d’en rester aux dispositions de l’article 8 de l’ordonnance de 1945. Par ailleurs, le délai de douze mois est en cohérence avec l’évolution rapide de la personnalité de l’enfant et ne lui semble pas devoir être allongé.

Votre rapporteur Jean Terlier considère qu’il serait pertinent de disposer d’éléments statistiques sur l’utilisation de cette procédure afin de nourrir une réflexion sur une éventuelle évolution de ses conditions d’application. En effet, plusieurs interlocuteurs entendus par la mission ont indiqué qu’il était parfois difficile de disposer d’investigations datant de moins de douze mois sur la personnalité du mineur accomplies sur le fondement de l’article 8 de l’ordonnance. Un assouplissement de ce délai pourrait donc être envisagé.

Proposition de M. Jean Terlier : dresser un bilan statistique de l’utilisation de la procédure de présentation immédiate de mineur afin de nourrir une réflexion sur une éventuelle évolution de ses conditions d’application.

e.   Développer les mesures pouvant être prononcées par le juge des enfants en cabinet

Par ailleurs, en complément du développement des procédures rapides, vos rapporteurs considèrent qu’il pourrait être utile de diminuer les renvois obligatoires devant le tribunal pour enfants et de développer les mesures pouvant être prononcées par le juge des enfants en cabinet, celui-ci ne pouvant prononcer aujourd’hui que des mesures éducatives en vertu des articles 8 et 12-1 de l’ordonnance de 1945.

Mesures prononcées en cabinet par le juge des enfants

En vertu des articles 8 et 12-1 de l’ordonnance de 1945, le juge des enfants peut prononcer les mesures éducatives suivantes :

– remise aux parents ;

– remise aux services d’assistance à l’enfance ;

– placement dans un établissement d’éducation ou dans un établissement médical ;

– admonestation ;

– avertissement ;

– mesure de liberté surveillée : il s’agit d’une mesure éducative prise à l’encontre d’un mineur délinquant, et qui vise à le placer sous la surveillance d’un éducateur, avec un contrôle du juge des enfants ;

– réparation ;

– mesure d’activité de jour : cette mesure est centrée sur une activité assignée au mineur et structurée sur un accueil à la journée (formation de remise à niveau scolaire, d’insertion scolaire ou professionnelle, initiation professionnelle, accompagnement à l’apprentissage...).

Interrogé par vos rapporteurs, M. Laurent Gebler, président du tribunal pour enfants de Bordeaux et de l’Association française des magistrats de la justice et de la famille, a considéré que des sanctions telles que les stages (par exemple stage obligatoire de formation civique), les amendes pour les jeunes qui travaillent ou une peine de travail d’intérêt général pourraient utilement être prononcées par le juge des enfants en cabinet. De même, Mme Nina Milesi, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats, a considéré qu’il serait opportun que le juge des enfants puisse prononcer des sanctions éducatives en cabinet.

Vos rapporteurs considèrent qu’une telle réforme serait pertinente en permettant de limiter les renvois au tribunal pour enfants qui augmentent considérablement les délais de jugement. En outre, la possibilité pour le juge des enfants de prononcer une peine d’intérêt général serait pleinement cohérente avec la volonté exprimée par le législateur dans le cadre du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice de développer ce type de peine pour les mineurs.

Proposition : développer les sanctions pouvant être prononcées par le juge des enfants en cabinet en prévoyant que des sanctions telles que les stages, les amendes et les travaux d’intérêt général ne nécessitent plus un renvoi obligatoire au tribunal pour enfants.

En outre, l’article 8 de l’ordonnance de 1945 prévoit un renvoi obligatoire devant le tribunal pour enfants pour les mineurs de plus de 16 ans qui encourent « une peine supérieure ou égale à 7 ans ». Or en matière de vol par exemple, il suffit que deux circonstances aggravantes soient réunies ([125]) pour que les sanctions encourues soient portées à sept ans de prison et 100 000 euros d’amende. Ainsi, deux mineurs de 16 ans qui volent un vélo en dégradant l’antivol commettent un vol en réunion avec dégradation, encourent une peine de sept ans de prison et doivent donc être obligatoirement renvoyés devant le tribunal pour enfants, quels que soient leur personnalité et leurs antécédents.

Dans les éléments transmis à la mission, la Conférence nationale des procureurs de la République observe que les juges pour enfants contournent parfois cette règle : « lorsque le juge des enfants ne veut pas renvoyer devant le tribunal pour enfants et que l’on se trouve dans un cas de saisine obligatoire du tribunal pour enfants (peine encourue supérieure ou égale à 7 ans et mineur de 16 ans révolus) le juge des enfants “ oublie ” une circonstance aggravante pour ramener la peine en deçà du seuil. »

C’est pourquoi vos rapporteurs considèrent qu’il faut laisser davantage de marge de manœuvre au juge des enfants et ne prévoir un renvoi obligatoire au tribunal pour enfants que pour les infractions les plus graves pour lesquelles la peine encourue est supérieure ou égale à dix ans.

Proposition : modifier l’article 8 de l’ordonnance de 1945 afin de prévoir que le juge des enfants puisse, pour les mineurs âgés de seize ans révolus, rendre un jugement en chambre du conseil tant que la peine encourue est inférieure ou égale à dix ans.


— 1 —

 

III.   UNE RÉFORME PLUS GLOBALE DE LA PRÉVENTION DE LA DÉlinquance et de la rÉCIDIVE DES MINEURS

A.   De nombreux intervenants spécialisÉs

1.   Les effets de la spécialisation des compétences de la protection judiciaire de la jeunesse et des départements

Le mouvement de décentralisation engagé au début des années 1980 a amorcé la délégation aux conseils généraux de la compétence en matière de protection de l’enfance. Les départements se voient confier non seulement la protection administrative (aide sociale à l’enfance), mais aussi la mise en œuvre des mesures de protection judiciaire. Seules les mesures confiées au secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse ([126]) (PJJ), les mesures d’investigation et les mesures de protection des jeunes majeurs fondées sur le décret du 18 février 1975 restent de la compétence de l’État.

Dans un rapport de 2003 ([127]), la Cour des comptes avait constaté que la hausse des moyens consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse ne permettait pas une prise en charge satisfaisante des mineurs.

La protection judiciaire de la jeunesse a connu une profonde évolution avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la loi du 5 mars 2007 ([128]). Elle s’est recentrée sur les actions pénales et la prise en charge des mineurs délinquants. Seules les mesures judiciaires d’investigation éducative (MJIE) demandées par le magistrat pour apprécier la personnalité et la situation d’un enfant en danger sont restées dans le champ des mesures civiles relevant de la protection judiciaire de la jeunesse. Cette dernière s’est également retirée de la protection des jeunes majeurs. Cette redéfinition du domaine d’intervention de la protection judiciaire de la jeunesse s’est accompagnée d’une diminution des effectifs (de 500 postes sur 8 700) et des crédits alloués au secteur associatif habilité (– 16 % entre 2008 et 2012) ([129]).

Les mesures d’assistance éducative sont désormais exclusivement prises en charge par l’aide sociale à l’enfance au niveau départemental. Or les départements rencontrent aussi de lourdes difficultés financières, résultant notamment de la prise en charge des mineurs non accompagnés. Dans son rapport de 2014, la Cour des comptes préconise de « parachever le partage des compétences entre les départements […] et la PJJ » ([130]). Or, la spécialisation a conduit à une « segmentation de la prise en charge qui réduit la capacité à détecter les situations problématiques, alors même que les mineurs concernés par des mesures civiles et ceux concernés par les mesures pénales sont régulièrement les mêmes » ([131]).

En matière de prévention spécialisée de la délinquance, vos rapporteurs estiment nécessaire de clarifier les compétences. Actuellement, le département se charge « des actions dites de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu [et des] actions de prévention de la délinquance » ([132]). Mais il s’agit d’une dépense facultative, si bien que cette prévention est dispensée de manière variable sur le territoire. Selon Jean-Pierre Rosenczveig, « 17 % des départements n’effectuent plus de prévention spécialisée ». Il apparaît à vos rapporteurs que la protection judiciaire de la jeunesse, compte tenu de sa spécialisation en matière pénale, semble être davantage en mesure d’intervenir efficacement dans le domaine de la prévention spécialisée de la délinquance et souhaiterait que cette compétence lui soit confiée.

Selon l’Assemblée des départements de France, « les relations entre l’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse sont bonnes car elles sont constantes et s’inscrivent dans une circonscription géographique précise ». Cette collaboration prend souvent la forme de conventions et de schémas conjoints. L’ADF préconise davantage de temps de rencontre et d’échanges d’informations. Pour que les éducateurs relevant des différentes institutions puissent poursuivre des échanges constructifs, il apparaît nécessaire à vos rapporteurs d’assurer le maintien d’un socle de formation commune aux éducateurs intervenant en matière de protection de l’enfance et dans le cadre de l’enfance délinquante.

Proposition :

 confier les compétences en matière de prévention spécialisée de la délinquance à la PJJ afin de garantir son égale application sur l’ensemble du territoire ;

 garantir un socle de formation commun aux éducateurs intervenant en matière de protection de l’enfance et dans le cadre de l’enfance délinquante.

2.   Le rôle du maire

Dans le territoire de sa commune, le maire est l’autorité de police agissant au nom de la commune ou de l’État dans le cadre de la police administrative et en tant qu’officier de police judiciaire sous la direction du procureur de la République. La loi du 5 mars 2007 ([133]) désigne le maire chef de file de la politique de prévention de la délinquance ([134]) : il concourt « à la politique de prévention de la délinquance ([135]) », anime la politique de la prévention de la délinquance et en coordonne la mise en œuvre.

a.   Les contrats locaux de sécurité

Depuis une circulaire du 28 octobre 1997 ([136]), le maire peut conclure des contrats locaux de sécurité (CLS) avec l’État et certaines personnes privées (associations, bailleurs sociaux…). Ces contrats ont pour objet la politique de sécurité et de prévention au niveau local. Ce dispositif a été consacré par l’article 1er de la loi du 15 novembre 2001 ([137]).

Une circulaire du 4 décembre 2006 ([138]) préconise que la conclusion de contrats locaux de sécurité « nouvelle génération » soit précédée d’un diagnostic sur la situation de la délinquance et des incivilités, d’une évaluation du sentiment d’insécurité et d’une estimation de l’adaptation des réponses au regard du territoire. Les CLS doivent comporter un volet relatif à la prévention de la délinquance comprenant la prévention de la délinquance des mineurs et le développement de partenariats avec des acteurs de la protection de la famille et de l’enfance. L’article L. 132-10 du code de la sécurité intérieure prévoit également une association entre le préfet de département et le maire pour définir les actions de prévention de délinquance dont les modalités sont fixées par convention.

b.   Le rappel à l’ordre

L’article L. 132-7 du code de la sécurité intérieure prévoit également la possibilité pour le maire d’effectuer des rappels à l’ordre « lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques ». Le maire ou son représentant peuvent procéder verbalement au rappel des dispositions qui s’imposent à l’auteur de l’infraction. Le rappel à l’ordre d’un mineur intervient en mairie et en présence des parents ou des responsables légaux du mineur.

Le rappel à l’ordre permet la « gestion non pénale de certains actes de délinquance » ([139]). Il se distingue du rappel à la loi qui est une procédure juridictionnelle. Il prend la forme d’une admonestation, non exclusive d’une sanction pénale et ne faisant pas l’objet d’un enregistrement. En cas d’absence à la convocation en mairie, aucune sanction n’est prévue. Afin de coordonner le rappel à l’ordre avec les autres réponses pénales pouvant être apportées par le parquet, il est convenu que le rappel à l’ordre soit précédé d’une consultation du procureur de la République quant à son opportunité.

Un protocole peut être conclu entre le procureur de la République et les maires de son ressort pour délimiter le champ d’application du rappel à l’ordre, clarifier la procédure et vérifier sa cohérence avec les prérogatives de l’autorité judiciaire.

c.   L’assistance et la prise en charge des familles en difficulté

Dans le cadre de la prévention de la délinquance des mineurs, le maire peut désigner un coordonnateur après consultation du président du conseil départemental qui est informé des difficultés des familles afin de les accompagner dans leurs actions sociales. Ce coordinateur est l’interface par laquelle des informations confidentielles pourraient être transmises au maire. Le conseil municipal peut également créer un conseil pour les droits et devoirs des familles ([140]), obligatoire pour les communes de plus de 50 000 habitants, afin :

– d’entendre les familles sur leur situation sous couvert du secret professionnel ;

– d’informer les familles de leurs droits et devoirs envers l’enfant ;

– d’adresser des recommandations pour prévenir des comportements délinquants ou pouvant mettre en danger un mineur ;

– d’examiner les mesures d’aide à l’exercice de la fonction parentale.

À l’issue du conseil, le maire peut proposer aux familles un accompagnement parental ([141]) ou saisir le juge des enfants pour signaler ses difficultés ([142]).

3.   Le rôle de l’école

La loi du 8 juillet 2013 ([143]) visait notamment à répondre au phénomène de violence scolaire en prévenant et en luttant contre la délinquance dans les établissements. Il convient de distinguer le volet répressif et le volet préventif.

a.   La détection de l’absentéisme et de la déscolarisation

Depuis 2007, le directeur de l’établissement scolaire doit transmettre au maire la liste des élèves domiciliés dans sa commune faisant l’objet d’un avertissement pour absentéisme injustifié de plus de quatre demi-journées par mois ([144]). L’enjeu est de détecter les enfants en voie de marginalisation et de décrochage scolaire.

b.   La détection de l’enfance en danger et la prévention des addictions et des dérives sectaires

La lutte contre la délinquance des mineurs requiert la mise en place de dispositifs visant à prévenir la maltraitance des enfants, les pratiques addictives et les dérives sectaires. La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant ([145])  insiste sur la coopération entre le conseil départemental et l’éducation nationale.

Dans chaque département, des protocoles sont conclus entre le président du conseil départemental, les associations de protection de l’enfant et les directions des services académiques de l’éducation nationale afin de prévoir des mécanismes de détection des maltraitances. Sous l’autorité du président du conseil départemental, une cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) collecte les informations fournies par les services de l’éducation nationale. Les informations recueillies peuvent être transmises à l’autorité judiciaire. Au sein des classes, la prévention prend la forme de visites médicales et de séances d’information et de sensibilisation sur l’enfance en danger et les violences intrafamiliales, notamment à caractère sexuel.

La loi du 8 juillet 2013 a créé le parcours éducatif de santé de l’élève (PES) qui prévoit des actions de prévention, de protection et d’éducation à la santé relatives à la lutte contre les conduites addictives. La mission interministérielle de lutte contre la drogue et les conduites addictives (MILDECA) et la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) ont réalisé un guide à l’intention des intervenants en milieu scolaire en vue de détecter plus facilement les addictions.

Enfin, il existe un dispositif chargé de la prévention des phénomènes sectaires dans l’éducation nationale (MIPREV) qui coordonne les actions des académies en concertation avec la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les phénomènes sectaires (MIVILUDES). Les personnels scolaires doivent adresser les informations préoccupantes à la CRIP ou au procureur de la République. Dans chaque académie, un correspondant chargé de la prévention des dérives doit recueillir les informations, suivre les situations et former les personnels éducatifs.

c.   La discipline en milieu scolaire

Le chef d’établissement est le garant du règlement intérieur. Dans le respect des grands principes du droit ([146]), le règlement intérieur fixe les procédures, les instances et l’échelle des sanctions disciplinaires. Le chef d’établissement doit rechercher « toute mesure utile de nature éducative » avant d’engager une procédure disciplinaire. En cas de violations relevant du code pénal, il peut engager des poursuites pénales à l’encontre de l’élève.

Le conseil de discipline de l’établissement est présidé par le chef d’établissement. Il présente une composition tripartite : membres de la direction, représentants du personnel élus au conseil d’administration et parents d’élèves. Un conseil de discipline départemental peut être saisi sur demande du chef d’établissement pour les cas les plus graves ([147]). La composition du conseil de discipline ne permet pas la détection du risque auxquels le mineur est exposé. C’est pourquoi, il apparaît nécessaire à vos rapporteurs d’encourager les chefs d’établissement à assurer la rencontre de l’élève avec un éducateur s’il est exclu temporairement ou définitivement. Un tel rendez-vous favoriserait la mise en place d’une mesure éducative (sensibilisation au décrochage scolaire, aux addictions…) au cours de la période d’exclusion. Actuellement, l’article L. 131-6 du code de l’éducation prévoit que le maire de la commune où est domicilié l’élève doit être informé par le directeur d’établissement de la durée des sanctions d’exclusion temporaire ou définitive prononcées à l’encontre de l’élève. Cette information doit permettre le déclenchement de mesures à caractère social ou éducatif appropriées, dans le cadre de ses compétences.

Propositions : utiliser les procédures disciplinaires en milieu scolaire pour prévenir la délinquance des mineurs :

 encourager les chefs d’établissement à organiser la rencontre des mineurs exclus temporairement ou définitivement de leur établissement scolaire avec un éducateur ;

 mettre à profit le temps de l’exclusion pour mettre en place un accompagnement éducatif.

4.   Les forces de l’ordre

Les forces de l’ordre ont un rôle majeur dans la prévention de la délinquance et de la récidive. Elles interviennent très directement dans le traitement des primo-délinquants et des infractions ne justifiant pas un traitement judiciaire (par exemple les incivilités). Selon M. Pierre Joxe, la garde à vue peut parfois constituer un temps de prévention utile qui réduit considérablement les risques de récidive « à condition qu’au cours de l’audition, l’agent prenne le temps de faire comprendre au jeune son infraction et les risques pénaux qu’il encourt et de lui fournir, ainsi qu’à sa famille, des explications accessibles » ([148]). Cela suppose donc que les agents puissent bénéficier d’une formation spécifique. Actuellement, « la problématique des mineurs est abordée en formation initiale principalement au travers de l’accueil du public […] sous l’angle du mineur victime et non auteur ([149]) ». Il existe par la suite des dispositifs de formation continue au sein de la gendarmerie (entre 160 et 200 enquêteurs ont ainsi pu bénéficier d’un stage relatif à l’audition de mineurs). Selon le ministère de l’intérieur, des outils existants mériteraient d’être développés, tels que les pôles psycho-sociaux dans les commissariats.

Propositions :

 former spécifiquement les enquêteurs et les agents au traitement des mineurs délinquants ;

 développer les pôles psycho-sociaux dans les commissariats et les gendarmeries.

Cette diversité des acteurs est un atout pour la prévention de la délinquance dans la mesure où elle permet une multiplication des moyens de détecter les enfants en danger et les facteurs de délinquance. Pour être pleinement efficace, il apparaît néanmoins nécessaire de renforcer la coopération entre ces acteurs au moyen d’un meilleur partage de l’information et d’une plus grande activité des instances de dialogue.

B.   Renforcer la coopÉration des acteurs

Le problème majeur auquel se trouve confrontée la justice des mineurs, en particulier dans son volet préventif, est le déficit de coopération entre les nombreux acteurs intervenant auprès des jeunes. Selon le sociologue M. Olivier Peyroux, « chacun remplit sa mission de façon cloisonnée et avance en parallèle. Il faut donc prévoir des instances et un responsable de la coordination, en particulier au niveau local ». Il existe d’ores-et-déjà des instances de dialogue mais leur activité doit s’intensifier et se rapprocher des considérations des professionnels de terrain.

a.   Beaucoup d’instances de dialogue trop peu utilisées

Dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans celles comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville, le maire préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) ([150]). Le CLSPD comprend le préfet, le procureur de la République, le président du conseil départemental, des représentants des services de l’État, des représentants d’associations ou d’organismes œuvrant dans les domaines de la prévention, de la sécurité et de l’action sociale ([151]).

Le CLSPD est une instance de coordination et de dialogue entre l’État (procureur de la République et préfet) et les collectivités. Le maire transmet les informations sur l’état de la délinquance dans la commune afin de permettre au CLSPD de déterminer les actions nécessaires en matière de prévention. Ces actions doivent être compatibles avec le plan de prévention de la délinquance fixé par le préfet dans le respect des orientations nationales définies au niveau interministériel.

D’après les retours d’expériences présentées à vos rapporteurs, le CLSPD apporte une valeur ajoutée dès lors qu’il rassemble les différentes personnes intervenant sur le terrain, en particulier les forces de police, les juges des enfants et les éducateurs. Les représentants du ministère de l’intérieur ont souligné l’utilité d’organiser des groupes thématiques pour contourner « le caractère excessivement institutionnel » ([152]) du CLSPD. La composition des CLSPD pourrait donc être précisée pour intégrer des acteurs locaux (éducateurs, commissaires de police ou de gendarmerie, juge des enfants…). Par ailleurs, vos rapporteurs sont favorables à ouvrir aux parlementaires la possibilité d’y assister.

Les groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) se rapprochent de cette conception de la coordination territoriale. Les GLTD peuvent également être créés dans le cadre du plan départemental de sécurité ou lors de la conclusion d’un CLS. Leur structure plus souple est un lieu d’échanges entre le procureur, les élus et les services de police au niveau du quartier. Ils traitent souvent de problèmes spécifiques (lutte entre bandes rivales, protection de lieux à haut risque, phénomènes de violence scolaire…). Les parquets dressent un bilan satisfaisant des GLTD car ils permettent une adaptation de la sécurité publique aux problématiques locales.

Propositions :

 préciser la composition des CLSPD pour y inclure les acteurs de terrain autour de diverses thématiques et permettre aux parlementaires d’y assister ;

 promouvoir la création de GLTD dans les quartiers difficiles, notamment dans le cadre de la nouvelle stratégie de la police de sécurité du quotidien.

b.   Améliorer le partage de l’information

Le bon fonctionnement de ces instances est freiné par un trop faible partage des informations.

Le partage d’informations doit, selon vos rapporteurs, consister à mieux informer l’ensemble de la chaîne pénale des suites données à leurs interventions. Les unités de police ou de gendarmerie ne sont informées des suites données aux procédures que lorsque les décisions interviennent immédiatement après la phase d’investigations, souvent pour les faits les moins graves. Dans les autres cas, l’absence de retour de la part de la justice est une source d’incompréhension et de frustration qui nourrit un sentiment, injustifié, d’inutilité. Certains magistrats rencontrés par vos rapporteurs ont intégré à leur pratique l’information systématique du commissariat ou de la gendarmerie ayant procédé à l’arrestation.

Selon le ministère de l’intérieur, de telles pratiques pourraient être généralisées car elles seraient utiles au bon exercice des missions de sécurité et de prévention : « Certaines mesures prises à l’encontre des mineurs mériteraient d’être parfaitement connues des services de gendarmerie ou de police, notamment l’application de sanctions éducatives telles que l’interdiction de paraître dans les lieux où l’infraction reprochée a été commise ou encore l’interdiction de rencontrer ou recevoir la victime, les coauteurs ou les complices de l’infraction. La connaissance du prononcé d’une telle sanction trouve tout son intérêt lorsqu’il s’agit de s’assurer de l’effectivité de sa mise en œuvre et pour prévenir toute récidive » ([153]).

Le partage d’informations entre les établissements et les juridictions faciliterait également la mise en œuvre des mesures. Vos rapporteurs ont pu constater que les juges pour enfants ne disposaient pas d’informations en temps réels sur les places disponibles dans les différents établissements de placement de mineurs. En effet, dans les éléments transmis à la mission, l’Union syndicale des magistrats indique : « Les magistrats en charge des mineurs n’ont aucune lisibilité sur les places disponibles lorsqu’ils envisagent de procéder à un placement. Il est fréquent qu’un mineur déféré soit remis à sa famille malgré le besoin évident d’un éloignement, car le juge des enfants est bloqué par les propositions de la PJJ qui indique ne disposer d’aucune place. Le placement est une décision judiciaire, mais, de fait, la PJJ peut ne pas l’exécuter faute de moyens. » Or l’offre de prise en charge est très complète et une bonne orientation est décisive dans l’effet de la prise en charge. La méconnaissance du nombre de places disponibles peut engendrer des délais supplémentaires. Il semble souhaitable de mettre en œuvre un fichier alimenté par les établissements permettant au juge d’avoir accès en temps réel aux nombres de places disponibles et au projet de chaque établissement.

La mise en place d’un outil permettant au juge de savoir dans quel établissement il peut placer le mineur serait de nature à améliorer l’exécution de ses décisions et l’effectivité des peines.

Enfin, dans la perspective d’une meilleure information du public, vos rapporteurs souhaitent favoriser la mise à disposition des chiffres de la justice des mineurs aux citoyens. La publication du rapport d’activité des juridictions, souvent complet, irait en ce sens.

Propositions :

 encourager l’information des services de police et de gendarmerie des suites données à leurs interventions ;

 mettre en place un fichier permettant au juge de disposer en temps réel du nombre de places disponibles dans les divers établissements ;

 favoriser la publication à destination des citoyens du rapport d’activité de la juridiction.

La coopération entre les différents acteurs est encadrée par le secret professionnel s’appliquant aux professions concernées. Les éducateurs et les magistrats se montrent parfois réticents à partager des informations avec les forces de l’ordre. Actuellement, les différentes professions sont soumises au secret professionnel dont la rupture constitue une infraction pénale ([154]). Il existe en revanche une tolérance de la jurisprudence face à la divulgation d’informations entre professionnels en vue de permettre la bonne exécution de leur mission. Certains codes de déontologie, notamment celui des assistants de service social, le permettaient dans certaines conditions. Toutefois, il en découlait « une grande incertitude sur ce qui était ou non permis, notamment dans le cadre de partenariats élargis » ([155]). La loi de 2007 réformant la protection de l’enfance a créé une obligation de transmission des informations préoccupantes concernant un mineur en danger ([156]).

Il apparaît indispensable à vos rapporteurs de définir un cadre d’échange des informations confidentielles pertinentes sur les mineurs et sur la nature de la délinquance existante à l’échelle du quartier, de la commune ou de l’intercommunalité.

La loi du 10 août 2011 ([157]) a introduit les articles 5-1 et 5-2 dans l’ordonnance du 2 février 1945 afin de prévoir l’élaboration d’un dossier unique de personnalité (DUP) pour le mineur. Les différents acteurs de la prévention et de la chaîne pénale des mineurs regrettent de ne pas disposer d’un accès simplifié aux dossiers des mineurs auxquels ils sont confrontés. En effet, la constitution du dossier unique de personnalité est généralement longue et s’établit dans un second temps de la procédure pénale lorsque l’enquête de personnalité est engagée.

Le DUP comprend les informations pénales et les mesures d’assistance éducative. Ce dossier est accessible aux professionnels de la PJJ et aux magistrats ainsi que, sur autorisation du juge des enfants, au personnel du service ou de l’établissement du secteur associatif habilité saisi d’une mesure judiciaire concernant le mineur. Actuellement, le DUP est ouvert lorsqu’une mesure d’investigation sur la personnalité est ordonnée ou si le mineur fait l’objet d’une liberté surveillée ou d’un placement en détention provisoire, c’est-à-dire exclusivement au cours d’une procédure pénale. Une fois ouvert, le dossier est actualisé au fur et à mesure des procédures d’assistance éducative et des procédures pénales ultérieures. En revanche, si le mineur n’a pas commis d’infraction auparavant, il n’y a pas de DUP même si le mineur est suivi dans le cadre d’une mesure civile.

Or, il pourrait être utile que ce dossier soit accessible, si besoin dans une version moins détaillée, aux forces de l’ordre. Dans ce cas, il faudrait également que le DUP soit ouvert dès la première procédure engagée, que celle-ci soit de nature civile ou pénale. Il arrive en effet que des mineurs interpellés disposent d’ores-et-déjà d’un dossier dans le cadre d’une mesure civile. L’accès à ces informations sur le profil du mineur pourrait permettre une meilleure individualisation de la procédure et une réactivité supérieure de la chaîne pénale.

L’établissement d’un tel registre, soumis à des règles strictes de secret, pourrait également permettre de désigner un éducateur référent à informer de chaque démarche et pouvant servir à l’établissement rapide d’un premier diagnostic sur la personnalité du mineur.

Lors de l’évaluation de la situation des mineurs, l’utilisation de référentiels partagés assure la complémentarité des interventions pour répondre à l’ensemble des besoins de l’enfant. Le dialogue entre les institutions serait donc facilité par l’harmonisation des référentiels d’évaluation utilisés par la protection judiciaire de la jeunesse, les départements et le secteur associatif habilité.

Propositions :

 redéfinir la notion de secret partagé dans le champ de la lutte contre la délinquance des mineurs ;

 mettre en place un fichier unique de suivi ouvert à la première mesure civile ou pénale ;

 identifier un éducateur référent à son ouverture ;

 harmoniser les référentiels d’évaluation partagés entre les différents acteurs.

C.   Intervenir dans les autres moments clÉs du parcours du mineur

Au terme de leurs travaux sur la prévention de la délinquance, vos rapporteurs constatent qu’il existe, outre le moment de la première infraction ou la déscolarisation, des moments clés dans lesquels l’intervention des pouvoirs publics, avec le soutien des associations, peuvent parvenir à résoudre un grand nombre de situations.

a.   La préparation du passage à la majorité.

Le passage à la majorité est un événement dont les conséquences judiciaires sont importantes et qui peut susciter un choc, positif ou négatif, sur le mineur. En effet, les peines encourues deviennent plus lourdes, ce dont les mineurs n’ont pas toujours conscience surtout lorsqu’ils poursuivent les mêmes infractions. Les lieux d’enfermement sont également beaucoup plus difficiles à supporter. Si le mineur prend conscience qu’il peut faire l’objet de sanctions considérablement plus élevées, il peut parvenir à se détourner de la délinquance. À l’inverse, s’il n’en prend pas conscience, le mineur peut s’engager dans un parcours de délinquance qui menace ses chances de réinsertion.

De nombreux éducateurs auditionnés ont indiqué que le passage à la majorité est un événement redouté car « l’ensemble du travail élaboré au cours des années précédentes est interrompu et peut se voir réduit à néant ([158]) ». Comme le rappelle le Défenseur des droits, « ce n’est pas à 18 ans que l’on est autonome du jour au lendemain » ([159]) et il est donc nécessaire de prévoir une entrée progressive dans la majorité. Selon l’Assemblée des départements de France (ADF), les départements sont prêts à réfléchir à des partenariats, avec le soutien de l’État pour accompagner les jeunes majeurs sans solutions. Vos rapporteurs souhaitent que soit maintenu un éducateur référent entre 18 et 21 ans pour assurer un véritable accompagnement dans l’autonomie.

Proposition : améliorer le suivi des jeunes majeurs en maintenant un éducateur référent entre 18 et 21 ans.

b.   L’insertion professionnelle

L’insertion professionnelle semble la voie la plus certaine vers la sortie de la délinquance. Il existe différentes modalités de prise en charge en ce sens. Vos rapporteurs ont pu découvrir plusieurs structures d’application dans lesquelles la prise en charge est orientée vers la qualification professionnelle des jeunes. C’est le cas par exemple du service territorial éducatif et d’insertion (STEI) de la protection judiciaire de la jeunesse du Val de Marne qui comprend une classe relais et un restaurant d’application dans lequel les jeunes ont accès à une formation diplômante de cuisinier ou de serveur. Plusieurs d’entre eux ont ensuite pu rejoindre une école d’hôtellerie.

Certains établissements parviennent, au moyen de différents partenariats, à assurer l’accès des jeunes à des formations ou à des stages. L’exemple du centre éducatif fermé du Vigeant, précédemment mentionné, fait figure d’exemple. Lors de son audition, l’association habilitée chargée de sa gestion a souligné l’importance « du choix de l’implantation de ce type d’établissement et de son inscription dans son environnement économique » ([160]). En l’occurrence, l’association dispose, au sein de son conseil d’administration, de chefs d’entreprise qui acceptent d’ouvrir leurs portes aux mineurs. Un important centre de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est situé à quelques kilomètres, ce qui a permis l’élaboration d’un partenariat favorisant l’obtention de stages et le suivi de formations, y compris au-delà de 18 ans. Lors d’une visite, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a considéré que « ce partenariat peut être qualifié d’exemplaire car il s’est construit sur la base d’une coordination aussi régulière qu’efficiente. Il constitue un modèle de fonctionnement à promouvoir par la PJJ » ([161]).

Le centre éducatif fermé du Vigeant

Le CEF du Vigeant, géré par l’association « Nouvel horizon », est en capacité d’accueillir douze garçons de 16 à 18 ans placés sur décision judiciaire en application d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’une libération conditionnelle ou d’un placement extérieur.

La particularité de cet établissement est d’avoir mis en place des partenariats avec l’AFPA et des entreprises (peintres en bâtiments, fermes équestres, fermes auberges) pour faire découvrir aux jeunes un métier, une formation ou une pré-qualification. Les jeunes ne sont donc pas en milieu fermé pendant les journées d’immersion professionnelle ou de formation.

L’objectif est que le jeune se voit reconnaître une qualification ou une pré-qualification, ce qui est souvent une première reconnaissance pour beaucoup d’entre eux. Le président du conseil d’administration, le député Jean-Michel Clément, a indiqué à la mission que le CEF affichait un taux d’insertion de 80 %.

Si le CEF a connu des difficultés de recrutement à son ouverture, l’équipe est aujourd’hui stabilisée et le turn over est faible.

Les mineurs délinquants rencontrent toutefois des difficultés à engager certaines démarches, notamment en raison des informations contenues dans leur casier judiciaire ou dans les fichiers de police. Il existe trois casiers judiciaires :

– le bulletin n° 1 contient toutes les condamnations à l’exception de certaines mesures éducatives et décisions de justice et n’est accessible qu’aux magistrats et aux établissements pénitentiaires ;

– le bulletin n° 2 et le bulletin n° 3 ne comportent pas les condamnations pour mineurs.

Depuis 2004, les mesures éducatives inscrites au casier et les sanctions éducatives ne sont plus effacées à la majorité mais de manière automatique, trois ans après avoir été prononcées et à condition qu’aucune autre mesure n’ait été prononcée. L’effacement est facultatif pour les peines (amende, emprisonnement, travail d’intérêt général…) prononcées à l’égard d’un mineur ou d’un majeur de 18 à 21 ans après l’expiration d’un délai de trois ans lorsque « la rééducation du mineur » ou « le reclassement du condamné » ([162]) paraît acquis.

Selon le Syndicat de la magistrature, « ces distinctions apparaissent peu claires et résultent probablement d’omissions lors de l’élaboration de la loi ». Il semble à vos rapporteurs que, compte tenu de leur caractère éducatif, il serait préférable que l’effacement des sanctions éducatives soit automatique dès la majorité.

Enfin, l’accès à certains emplois du secteur public (magistrat, policier, gendarme…) ou du secteur privé (sécurité privée, personnel intervenant sur les zones aéroportuaires ou sur les centrales nucléaires…) est conditionné à une enquête administrative donnant lieu à la consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Contrairement au casier judiciaire, le fichier de traitement des antécédents judiciaires regroupe des informations sur les personnes mises en cause et les victimes d’infractions pénales. L’inscription au TAJ peut donc résulter d’une condamnation mais aussi d’un classement sans suite. En cas d’acquittement ou de relaxe définitive, les données des personnes mises en cause sont théoriquement effacées mais « dans la pratique et en l’état des effectifs tant au parquet qu’au greffe, c’est impossible » ([163]). Pour les mineurs condamnés, la durée de conservation varie entre cinq et vingt ans. Vos rapporteurs estiment que la mise à disposition de ces données, notamment pour les faits les moins graves, constitue un frein excessif à la réinsertion professionnelle dès lors que ces informations sont accessibles à un grand nombre d’employeurs. Ils entendent le point de vue des forces de l’ordre qui souhaitent disposer d’un fichier le plus complet possible en cas d’interpellation mais souhaiteraient que les informations mises à disposition dans le cadre des enquêtes administratives soient restreintes aux condamnations les plus graves.

Pour les mineurs, la décision d’inscrire ou non un délit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) est confiée au juge ([164]). En revanche, pour les mineurs de 13 à 18 ans commettant un des crimes mentionnés à l’article 706-47 du code de procédure pénale, l’inscription est obligatoire et la juridiction ne peut l’écarter. La durée d’inscription est longue (30 ans pour les crimes et délits punissables de 10 ans d’emprisonnement et 20 ans dans les autres cas) et contraignante puisque le mineur devra déclarer son adresse tous les ans ou tous les six mois.

Proposition : restreindre l’utilisation du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) à des fins d’enquête administrative pour les mineurs.

c.   La sortie de la délinquance, un processus progressif

Il faut garder à l’esprit que la sortie de la délinquance est un processus progressif. Comme l’a étudié le sociologue Marwan Mohammed ([165]), elle se déroule en trois phases :

– une phase de conscientisation : elle consiste à accompagner le jeune dans la compréhension du caractère répréhensible de son acte et dans sa volonté de sortir de la délinquance pour s’inscrire dans un parcours de réinsertion. Cette phase résulte d’un double phénomène : l’usure liée à la délinquance (violence, stress, déclassement, endettement…) et l’ouverture sociale pouvant naître de la prise en charge et du suivi éducatif ;

– une phase d’initiative : il s’agit de la traduction en acte de la conscientisation. Au cours de cette phase, le mineur engage des démarches (formation, recherche d’emploi…), accompagné par les éducateurs et les services de la protection judiciaire de la jeunesse ;

– une phase de pérennisation : cette période s’inscrit dans le long terme et se caractérise par la transformation du mode de vie du mineur, parfois devenu jeune majeur (nouvelles relations sociales, nouveau socle de normes, adoption de nouvelles valeurs, inscription dans un parcours professionnel…).

La sortie de la délinquance est freinée par différents obstacles : la permanence de difficultés sociales, familiales, économiques, les addictions et les troubles pédopsychiatriques, les dettes envers le milieu délinquant et la justice, l’influence du milieu d’origine… Il est donc indispensable de comprendre que la sortie de la délinquance peut s’accompagner de rechutes et il revient au juge de distinguer la dynamique globale dans laquelle le mineur est inscrit.


— 1 —

 

   Conclusion

La justice des mineurs présente des caractéristiques propres qui justifient d’y porter un intérêt particulier. Malgré les nombreuses réformes qui l’ont concernée depuis le début des années 2000, elle a su maintenir la prévalence de ses principes fondateurs, reconnus par le Conseil constitutionnel et affirmés en droit international et européen. Vos rapporteurs ont été convaincus de l’importance de ces principes – spécialisation du juge des enfants, atténuation de responsabilité et primauté de l’éducatif sur le répressif – tant les professionnels y ont revendiqué leur attachement. Leur première recommandation est de fixer leur préservation comme objectif prioritaire de toute réforme.

Protéger ces principes, qui ont parfois été contestés, n’implique pas l’immobilisme des pouvoirs publics face à l’évolution de la délinquance juvénile. Les professionnels – magistrats, éducateurs, forces de l’ordre, avocats… – s’accordent pour souligner les difficultés croissantes qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs missions. D’une part, ils sont confrontés à des moyens insuffisants dont on ne peut souhaiter que l’extension tant les répercussions de la politique pénale et éducative à l’égard de ces mineurs sur les autres politiques publiques sont importantes. D’autre part, ils reprochent au droit pénal des mineurs de présenter une complexité excessive qui aurait pour conséquence un allongement des délais de procédure et un suivi souvent discontinu des jeunes, en particulier lors des basculements entre des prises en charge civiles et pénales.

Dès lors, deux axes de réformes se dégagent. Le premier, engagé par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, consiste à réviser l’ordonnance du 2 février 1945 qui rassemble les principales dispositions relatives à la justice des mineurs. Cette réforme pourrait consister à établir un code de la justice pénale des mineurs rassemblant l’ensemble des dispositions concernant les mineurs contenues dans d’autres codes (code de procédure pénale, code pénal…). Cette codification pourrait s’accompagner d’une clarification de certaines procédures et une remise à plat des différentes sanctions, mesures et peines applicables. À ce titre, vos rapporteurs se sont attachés à élaborer plusieurs pistes de réformes qui pourront nourrir le débat à venir. La mise en place d’un jugement à peine différée permettrait au juge des enfants de se prononcer rapidement sur la culpabilité du mineur, tout en laissant le temps nécessaire pour le travail éducatif avant le prononcé de la sanction.

Le second axe de réforme consisterait à renforcer l’efficacité de la prise en charge des mineurs délinquants en vue de réduire les taux de récidive et de réitération. Les acteurs s’accordent pour souligner la nécessité d’accroître leur coopération pour cesser « d’avancer en parallèle ». Pour cela, il semble indispensable de repenser le fonctionnement des instances de dialogue existantes (CLSPD, GLTD) pour les rapprocher du terrain et leur permettre de discuter directement des situations les plus problématiques. Globalement, c’est une plus grande transparence sur le travail des autres intervenants qui est demandée par les professionnels, par exemple en encourageant les magistrats à informer les forces de l’ordre des suites données à leurs interpellations. À cette fin, vos rapporteurs préconisent un meilleur échange d’information à partir d’un fichier unique de suivi des mesures civiles et pénales des mineurs. Il y serait indiqué un éducateur référent chargé de la coordination des mesures tout au long du parcours du mineur.

Cette stratégie implique une spécialisation croissante des différentes professions au moyen de formations et de parcours spécifiques, notamment au sein du Parquet, de la police et de la gendarmerie. Les avocats ont déjà largement intégré cette nécessité en organisant des antennes d’avocats pour mineurs.


— 1 —

 

   Synthèse des propositions

– créer davantage de classes relais pour prendre en charge les mineurs en situation de décrochage scolaire ;

– accroître la formation spécifique des magistrats des parquets pour mineurs et envisager une spécialisation de ces magistrats sur le modèle des juges des enfants ;

– stabiliser des effectifs dans les CEF avec une revalorisation du statut, garantir un niveau adéquat de personnels d’encadrement, former les éducateurs à une intervention en milieu fermé ;

– mettre en place une véritable évaluation des parcours des jeunes accueillis dans les CEF ;

– simplifier les mesures et les procédures de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante dans le cadre d’un nouveau code de la justice pénale des mineurs ;

– faire du jugement à peine différée la procédure de principe devant le juge des enfants, tout en lui laissant la possibilité de recourir à la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement pour les affaires simples et de prononcer une mise en examen pour les affaires complexes ;

– développer les sanctions pouvant être prononcées par le juge des enfants en cabinet en prévoyant que des sanctions telles que les stages, les amendes et les travaux d’intérêt général ne nécessitent plus un renvoi obligatoire au tribunal pour enfants ;

– modifier l’article 8 de l’ordonnance de 1945 afin de prévoir que le juge des enfants puisse, pour les mineurs âgés de seize ans révolus, rendre un jugement en chambre du conseil tant que la peine encourue est inférieure ou égale à dix ans ;

– confier les compétences en matière de prévention spécialisée de la délinquance à la PJJ afin de garantir son égale application sur l’ensemble du territoire ;

– garantir un socle de formation commun aux éducateurs intervenant en matière de protection de l’enfance et dans le cadre de l’enfance délinquante ;

– encourager les chefs d’établissement à organiser la rencontre des mineurs exclus temporairement ou définitivement de leur établissement scolaire avec un éducateur ;

– mettre à profit le temps de l’exclusion pour mettre en place un accompagnement éducatif ;

– former spécifiquement les enquêteurs et les agents au traitement des mineurs délinquants ;

– développer les pôles psycho-sociaux dans les commissariats et les gendarmeries ;

– préciser la composition des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) pour y inclure les acteurs de terrain autour de diverses thématiques et permettre aux parlementaires d’y assister ;

– promouvoir la création de groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) dans les quartiers difficiles, notamment dans le cadre de la nouvelle stratégie de la police de sécurité du quotidien ;

– encourager l’information des services de police et de gendarmerie des suites données à leurs interventions ;

– mettre en place un fichier permettant au juge de disposer en temps réel du nombre de places disponibles dans les divers établissements ;

– favoriser la publication à destination des citoyens du rapport d’activité de la juridiction.

– redéfinir la notion de secret partagé dans le champ de la lutte contre la délinquance des mineurs ;

– mettre en place un fichier unique de suivi ouvert à la première mesure civile ou pénale ;

– identifier un éducateur référent à son ouverture ;

– harmoniser les référentiels d’évaluation partagés entre les différents acteurs ;

– améliorer le suivi des jeunes majeurs en maintenant un éducateur référent entre 18 et 21 ans ;

– restreindre l’utilisation du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) à des fins d’enquête administrative pour les mineurs.

*

*     *

 Proposition de Mme Cécile Untermaier : fixer à 13 ans l’âge de la responsabilité pénale des mineurs ;

 Proposition de M. Jean Terlier : dresser un bilan statistique de l’utilisation de la procédure de présentation immédiate de mineur afin de nourrir une réflexion sur une éventuelle évolution de ses conditions d’application.

   Travaux de la COMmission

 

Lors de sa réunion du mercredi 20 février 2019, la commission des Lois a examiné ce rapport d’information et en a autorisé la publication ([166]).

 

    


— 1 —

 

   Liste des personnes entendues

Jeudi 21 juin 2018

   M. Pierre Joxe, ancien ministre, premier président honoraire de la Cour des comptes

Jeudi 5 juillet 2018

   M. Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat, chercheur et auteur sur la justice des mineurs

Mercredi 12 septembre 2018

   M. Étienne Lesage, responsable du groupe de travail « mineurs »

   Mme Josine Bitton, membre du groupe de travail « mineurs »

   Mme Corine Méric, juriste

   Mme Élisa Abhervé-Gueguen, chargée des relations institutionnelles

   Mme Laurence Tartour, responsable du pôle pénal de l’antenne des mineurs

   Mme Catherine Delanoë-Daoud, membre de l’antenne des mineurs

   Mme Zohra Ben Bahi Primard, membre du bureau

Mardi 18 septembre 2018

   M. Jérôme Voiturier, directeur général

   Mme Marie Lambert-Muyard, conseillère technique « enfances, familles, jeunesses »

   M. Jean Pineau, directeur général de l’association Jean Coxtet

   Mme Sophie Diehl, conseillère technique justice des enfants et des adolescents

 

 

Mercredi 19 septembre 2018

   Mme Fabienne Quiriau, directrice générale

   Mme Audrey Pallez, responsable pôle justice des mineurs

   Mme Laure Sourmais, responsable protection de l’enfance

Mardi 25 septembre 2018

   M. François Lavernhe, secrétaire général

   M. Thierry Tame, secrétaire général adjoint

   Mme Sonia Ollivier, co-secrétaire nationale

   M. Alan Jugnier, co-secrétaire national

Mercredi 26 septembre 2018

   M. Marc Lifchitz, secrétaire général adjoint

   Mme Michelle Jouhaud, membre du conseil national

Mardi 2 octobre 2018

   Mme Adeline Hazan, contrôleure générale

Mercredi 3 octobre 2018

   M. Laurent Gebler, président

Mardi 9 octobre 2018

   Mme Anaïs Vrain, secrétaire nationale

   Mme Lucile Rouet, membre

Mercredi 10 octobre 2018

   Mme Céline Parisot, présidente

   Mme Nathalie Leclerc-Garret, vice-présidente

   M. Florent Boitard, secrétaire général adjoint

Mercredi 17 octobre 2018

   M. Jacques Toubon, Défenseur des droits

   Mme Claudine Jacob, directrice de la protection des droits et des affaires judiciaires

   Mme Marie Lieberherr, cheffe du pôle défense des droits de l’enfant

   Mme France de Saint-Martin, attachée parlementaire

Mardi 23 octobre 2018

   M. Jean-Michel Rapinat, directeur délégué politiques sociales

   Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère relations avec le Parlement

Mardi 30 octobre 2018

   Mme Violaine Blain, directrice générale

   Mme Claire Guerlin, chargée de mission

   M. Pascal Lalle, directeur central de la sécurité publique

   M. Jean-Pierre Lecouffe, général de division, sous-directeur de la police judiciaire

   M. Vincent Plumas, chef du bureau des questions pénales à la sous-direction des libertés publiques de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques

   M. Erik Salvadori, chef d’escadron, chef de la section prospective pénale et pratique judiciaire

Mercredi 31 octobre 2018

   M. Clément Requier, président

   Mme Fanny Boursereau, éducatrice

   Mme Virginie Grisvard, éducatrice

   Mme Nicole Charpentier, directrice générale

Mardi 13 novembre 2018

   Mme Muriel Domenach, secrétaire générale

   Mme Léonor Sauvage, chargée de mission

   M. Jean-Pierre Laffite, chargé de mission

   Mme Delphine Bergère-Ducoté, chargée de la mission nationale « Veille et information »

   Mme Anne Josso, secrétaire générale

   Mme Audrey Keysers, secrétaire générale adjointe chargée de la communication et des relations avec les élus

   Mme Valérie Saintoyant, déléguée

   Mme Fanny Huboux, chargée de mission justice

Mardi 20 novembre 2018

   Mme Françoise Pétreault, sous-directrice de la vie scolaire, des établissements et des actions socio-éducatives

Mardi 27 novembre 2018

   Mme Madeleine Mathieu, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse

   Mme Muriel Eglin, sous directrice des missions de protection judiciaire et d’éducation

   Mme Catherine d’Herin, cheffe de bureau de la législation et des affaires juridiques

Mardi 11 décembre 2018

   M. Etienne Lesage, responsable du groupe « mineurs »

   Mme Josine Bitton, membre du groupe « mineurs »

   Mme Corinne Meric, juriste

   Mme Laurence Tartour, responsable du pôle pénal de l’antenne des mineurs

   Mme Catherine Delanoë-Daoud, co-responsable du pôle mineurs isolés étrangers de l’antenne des mineurs

   Mme Maryvonne Lozachmeur, vice-présidente

Mardi 15 janvier 2019

   M. Xavier Charlet, juge des enfants

Mercredi 16 janvier 2019

   Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale

   Mme Claire Danko, membre du bureau national

   Mme Sophie Lévine, membre

Mardi 22 janvier 2019

   M. Florent Boitard, secrétaire général adjoint

   Mme Nina Milesi, secrétaire nationale

Mercredi 23 janvier 2019

   Mme Sophie Legrand, secrétaire nationale

   Mme Lucille Rouet, secrétaire nationale

Mardi 29 janvier 2019

   M. Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat, chercheur et auteur sur la justice des mineurs

   Mme Dominique Attias, avocate

   M. Olivier Peyroux, sociologue, spécialisé sur les migrations et la traite des êtres humains

Mardi 5 février 2019

   Mme Catherine Denis, procureure au tribunal de grande instance de Nanterre

   Mme Anne Gaches, procureure au tribunal de grande instance de’Albertville

Mercredi 6 février 2019

   M. Christian Legeron, administrateur

   M. Jean-Michel Clément, député

 

 


   Déplacements effectués par la mission

Centre éducatif fermé d’Epinay-sur-Seine, 15 novembre 2018 :

   M. Jean-Christophe Brihat, directeur territorial de la protection judiciaire de la jeunesse de Seine Saint-Denis

   Mme Yasmine Boutkhili, directrice de l’établissement

Tribunal de grande instance de Bordeaux, 6 décembre 2018 :

   M. Philippe Delarbre, président

   M. Laurent Huet, vice-président et secrétaire général

   Mme Christine Campan, vice-procureure, chargée du parquet mineur

   M. Laurent Gebler, premier vice-président, président du tribunal pour enfants

   Mme Souad Yadini, vice-présidente du tribunal d’instance

   Mme Laetitia Coudeyras, psychiatre

   Mme Ivy Daure, psychologue de la famille et du couple

   Mme Sophie Del Castillo, psychologue de l’enfant

   Mme Estelle El Maliki, juriste en droit de la famille

   Mme Marie Hayaux de Tilly, psychologue clinicienne

   Mme Sofia Hue, psychologue de la famille et du couple

   Mme Mathilde Husky, professeur de psychologie

   Mme Patricia Rio, médecin coordonnateur et responsable des soins au centre départemental d’accueil de l’enfance et de la famille

Tribunal de grande instance de Bobigny, 24 janvier 2019 :

­       M. Renaud Le Breton de Vannoise, président

­       Mme Fabienne Klein-Donati, procureure de la République

­       M. Thierry Baranger, président du tribunal pour enfants


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

([3]) Bruno Crozat, « Une brève histoire de la justice des mineurs », Lien social, n° 879, 3 avril 2008.

([4]) Audition de Mme Dominique Attias, avocate.

([5]) Les rapporteurs se sont déplacés au centre éducatif fermé d’Epinay-sur-Seine le 15 novembre 2018, au tribunal de grande instance de Bordeaux le 6 décembre 2018 et au tribunal de grande instance de Bobigny le 24 janvier 2019.

([6]) Décret n° 90-166 du 21 février 1990 modifiant le décret n° 64-754 du 25 juillet 1964 relatif à l'organisation du ministère de la justice.

([7]) Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.

([8]) Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

([9]) Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

([10]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

([11]) Loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance.

([12]) Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales.

([13]) Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.

([14]) Loi n° 2000-197 du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l’école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants.

([15]) Loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance.

([16]) Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

([17]) Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

([18]) Ministère de la justice, Infostat justice, n° 147, janvier 2017.

([19])  Adopté par l’Assemblée nationale en lecture définitive le 18 février 2019.

([20]) Ministère de la justice, Infostat justice, n° 147, janvier 2017.

([21]) Ministère de la justice, Référence statistique sur la justice des mineurs, 2017, p. 99.

([22]) Ministère de la justice, Référence statistique sur la justice des mineurs, 2017.

([23]) Ibid.

([24]) M. Michel Amiel, rapporteur, Rapport d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés, Sénat, 25 septembre 2018 (n° 726).

([25]) Défenseur des droits, Avis n° 18-25, 23 octobre 2018, p. 5.

([26]) Ibid.

([27]) Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur la privation de liberté des mineurs, 27 mars 2018.

([28]) Contribution du ministère de l’intérieur.

([29]) Ibid.

([30]) Chiffres du ministère de l’intérieur.

([31]) 61,6% des jugements ont été prononcés devant le tribunal pour enfants en 2017 contre 37,1% en chambre du conseil.

([32]) Audition de Mme Madeleine Mathieu, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse.

([33]) La réitération n'intervient que lorsque le délinquant « commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale » (article 132-16-7 du code pénal).

([34]) Ministère de la justice, Référence statistique sur la justice des mineurs, 2017, p. 94.

([35]) Antoine Garapon et Denis Salas, La justice des mineurs : évolution d'un modèle, LGDJ, 1995.

([36]) Audition de Mme Madeleine Mathieu, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse.

([37]) Audition de Mme Françoise Pétreault, sous-directrice de la vie scolaire, des établissements et des actions socio-éducatives.

([38]) Audition de Mme Valérie Saintoyant, déléguée de la MILDECA.

([39]) Audition de Mme Madeleine Mathieu, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse.

([40]) Audition de Mme Anne Josso, secrétaire générale de la MIVILUDES.

([41]) Audition de Mme Delphine Bergère-Ducoté, chargée de la mission nationale de veille et d’information sur les phénomènes de radicalisation à la DPJJ.

([42]) Contribution du ministère de l’intérieur.

([43]) Conseil constitutionnel, 29 août 2002, n° 2002-461 DC, Loi d'orientation et de programmation pour la justice, § 26.

([44]) Conseil constitutionnel, 23 janv. 1987, n° 86-224 DC, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, § 15.

([45]) Conseil constitutionnel, 20 juill. 1988, n° 88-244 DC, Loi portant amnistie, § 12.

([46]) Conseil constitutionnel, 14 janv. 1999, n° 98-407 DC, Loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des Conseils régionaux, § 9.

([47]) Article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([48]) Article 30 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

([49]) Article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([50]) Ibid.

([51]) Rapport du Défenseur des droits au Comité des droits de l’enfant des Nations unies du 27 février 2015.

([52]) Chiffres de la justice 2018.

([53])  Article 8 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([54])  Article 8-3 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([55])  Article 20 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([56]) Par exemple 25 sur 267 dans la promotion 2014 de l’Ecole nationale de la magistrature.

([57]) Cf. supra.

([58]) Cour européenne des droits de l’Homme , 29 février 1988, n° 9106/80, Bouamar c. Belgique.

([59]) Cour européenne des droits de l’Homme, 27 novembre 2008, n° 36391/02, Salduz c. Turquie.

([60]) Cour européenne des droits de l’Homme, 16 décembre 1999, n° 24888/94, V. et T. c. Royaume-Uni, § 84 et suivants.

([61])  Ministère de la justice, « Justice, délinquance des enfants et des adolescents, état des connaissances », Actes de la journée du 2 février 2015, mai 2015.

([62])  Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.

([63])  Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

([64])  Loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

([65])  Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à lindividualisation des peines et renforçant lefficacité des sanctions pénales.

([66])  Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

([67])  Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

([68]) Dans la plupart des cas, le juge des enfants reste néanmoins maître de la saisine du juge des libertés et de la détention pour l’éventuelle détention provisoire d’un mineur.

([69])  Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

([70])  Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

([71])  Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.

([72]) Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

([73]) Ministère de la justice, Infostat justice, n° 133, février 2015.

([74]) Ministère de la justice, « Justice, délinquance des enfants et des adolescents, état des connaissances », Actes de la journée du 2 février 2015, mai 2015.

([75]) Ibid.

([76]) Ministère de la justice, Infostat justice, n° 147, janvier 2017.

([77]) Voir le compte rendu de la deuxième séance du vendredi 23 novembre 2018.

([78]) Mme Eudoxie Gallardo (maître de conférence à l’université d’Aix-Marseille), « Les incohérences du droit pénal des mineurs contemporain », Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal Comparé, Dalloz, 2017.

([79])  Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue.

([80])  Cassation, arrêt du 22 novembre 1994 : « Lenquête par voie officieuse prévue par larticle 8, alinéa 2, tel que modifié par ordonnance du 23 décembre 1958, nimpose pas le respect des formes prescrites par les articles 79 à 190 du code de procédure pénale et notamment pas celles de son article 160 dont la violation est invoquée » (Bulletin de la chambre criminelle, n° 371).

([81])  Dans un arrêt du 27 avril 2004, la Cour de Cassation a rappelé la souplesse procédurale et la spécificité du droit des mineurs permettant au juge des enfants de passer librement d’un cadre procédural à un autre, sans avoir à énoncer son choix au début de l’information.

([82]) Cour d’appel de Reims, 30 juillet 1992, Gaz. Pal. 1993. 1.

([83]) Crim. 7 avril 1993, n° 92-84.725, JCP 1993, II. 22151.

([84]) Crim. 8 nov. 2000, n° 00-80.377.

([85]) CEDH, 24 août 1993, n° 13924/88, Nortier Nortier c/ Pays-Bas.

([86]) CEDH 2 mars 2010, Adamkiewicz c/ Pologne, req. no 54729/00.

([87]) Conseil constitutionnel, 8 juillet 2011, no 2011-147 QPC.

([88]) Décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 relative à la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

([89]) Laurent Gebler (vice-président au tribunal pour enfants de Bordeaux), « L’impartialité du juge des enfants remise en question », AJ Famille, 2011, p.391.

([90]) Loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

([91]) Collectif, « La grande misère de la protection de lenfance en Seine-Saint-Denis », Le Monde, 6 novembre 2018.

([92]) Collectif, « Nous refusons une justice des mineurs impuissante à répondre à son ambition », La Croix, 25 novembre 2018.

([93]) Cour des comptes, La protection judiciaire de la jeunesse, Rapport au Président de la République, juillet 2003.

([94]) M. Michel Amiel, rapporteur, Rapport d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés, Sénat, 25 septembre 2018 (n° 726).

([95]) Ministère de la Justice, « Justice, délinquance des enfants et des adolescents, état des connaissances » Actes de la journée du 2 février 2015, mai 2015.

([96]) Seuls les mineurs âgés de plus de treize ans pourraient être condamnés à une telle peine, la durée de la détention ne pourrait excéder la moitié de la peine d’emprisonnement encourue, sous réserve des cas des mineurs de plus de seize ans « à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de lespèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation », la peine ne pourrait être prononcée qu’avec l’accord des titulaires de l’autorité parentale, sauf carence ou impossibilité de donner leur consentement et elle devrait être assortie d’une mesure éducative.

([97]) Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation de la justice, article 22.

([98]) MM. Jean-Pierre Schosteck et Pierre Fauchon, Rapport fait au nom de la commission des lois, relatif au projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice, Sénat, 24 juillet 2002 (n° 370).

([99]) Anciennement unités éducatives à encadrement renforcé (UEER).

([100]) Conseil constitutionnel, décision n°2002-461-DC, 29 août 2002, cons. 54.

([101]) M. Michel Amiel, rapporteur, Rapport d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés, Sénat, 25 septembre 2018 (n° 726).

([102])  IGAS, IGSJ et IPJJ, Rapport sur le dispositif des centres éducatifs fermés, juillet 2015.

([103]) Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur la privation de liberté des mineurs, 27 mars 2018.

([104]) M. Michel Amiel, rapporteur, Rapport d’information sur la réinsertion des mineurs enfermés, Sénat, 25 septembre 2018 (n° 726).

([105]) Article 93 du projet de loi définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 18 février 2019.

([106]) Extrait de l’exposé sommaire de l’amendement n° 1664 (Rect) déposé par le Gouvernement en séance.

([107]) Conseil constitutionnel, 29 août 2002, n° 2002-461 DC, Loi d'orientation et de programmation pour la justice.

([108]) Deuxième séance du vendredi 23 novembre 2018.

([109]) Article 40, a), Convention internationale relative aux droits de l’enfant.

([110]) Alain Rey, dir., Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, V°, « discerner ».

([111]) Cour de cassation, Crim. 13 décembre 1956, D.1957.349, note Perrin.

([112]) Cour de cassation, n°17-80.893, 14 novembre 2017.

([113]) Commission Varinard, propositions de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, proposition n° 8, p. 75.

([114]) Commission Varinard, propositions de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, p. 214.

([115]) Article 8 et 19 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([116]) Loi n° 96-585 du 1er juillet 1996 portant modification de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

([117])  Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

([118]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

([119]) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

([120]) Article 5 troisième alinéa et article 8-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945.

([121]) Article 24-5 et suivants de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945.

([122]) Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 dorientation et de programmation pour la justice.

([123]) Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

([124]) Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

([125]) Les articles 311-4 à 311-11 du code pénal prévoie les circonstances aggravantes suivantes : le vol est commis par plusieurs personnes, sans qu’il s’agisse d’une bande organisée, par une personne dépositaire de l’autorité publique (fonctionnaire…) dans l’exercice de ses fonctions, par une personne qui se fait passer pour une personne dépositaire de l’autorité publique, est accompagné de violences sur autrui n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail, dans un transport en commun ou dans un établissement scolaire. Le vol s’accompagne de destructions, de dégradations ou de détériorations ou a un motif raciste. Le voleur a dissimulé volontairement son visage pour ne pas être reconnu.

([126]) Le décret du 21 février 1990 transforme la direction de l’éducation surveillée en direction de la protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ).

([127]) Cour des comptes, La protection judiciaire de la jeunesse, Rapport au Président de la République, juillet 2003.

([128]) Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance.

([129]) Cour des comptes, La protection judiciaire de la jeunesse, Rapport au Parlement, octobre 2014.

([130]) Cour des comptes, La protection judiciaire de la jeunesse, Rapport au Parlement, octobre 2014, p. 11.

([131])  Audition de M. Jean-Pierre Rosenczveig.

([132]) Article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles.

([133]) Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

([134])  Articles L. 2211-1 et suivants du code général des collectivités territoriales et L. 132-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.

([135])  Article L. 132-4 du code de la sécurité intérieure.

([136])  Circulaire du 28 octobre 1997 relative à la mise en œuvre des contrats locaux de sécurité, INTK9700174C.

([137])  Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

([138])  Circulaire du 4 décembre 2006 relatives à l’élaboration des contrats locaux de sécurité de nouvelle génération, INTK0600110C.

([139]) Sénat, Rapport de M. Jean-René Lecerf sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, 6 septembre 2006, p. 27.

([140]) Articles L. 141-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles.

([141]) Article L. 141-2 du code de l’action sociale et des familles.

([142]) Article 375-9-2 du code civil.

([143]) Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

([144]) Article L. 131-8 du code de l’éducation.

([145]) La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant.

([146]) Individualité, proportionnalité, respect du contradictoire et des droits de la défense, motivation.

([147]) Article R. 511-44 du code de l’éducation.

([148]) Audition de M. Pierre Joxe.

([149]) Contribution du ministère de l’intérieur.

([150]) Articles L. 132-4 et suivants du code de la sécurité intérieure.

([151]) Article D. 132-8 du code de la sécurité intérieure.

([152]) Audition d’Olivier Peyroux.

([153]) Contribution du ministère de l’intérieur.

([154]) Article 226-13 du code pénal.

([155]) Muriel Eglin, « Secret partagé en protection de l'enfance. Le point sur leur régime juridique depuis les deux lois du 5 mars 2007 », Enfances & Psy, vol. 39, n° 2, 2008, pp. 65-75.

([156]) Article L. 226-2-1 du code de l’action sociale et des familles.

([157]) Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

([158]) Table ronde des syndicats d’éducateurs.

([159]) Défenseur des droits, avis n° 18-25, 23 octobre 2018, p. 9.

([160]) Audition des représentants de l’Association Nouvel Horizon.

([161]) Contrôle général des lieux de privation de liberté, Rapport de visite du centre éducatif fermé du Vigeant (Vienne), p. 44.

([162]) Article 770 du code de procédure pénale.

([163]) Audition du Syndicat de la magistrature.

([164]) Article 706-53-2 du code de procédure pénale.

([165]) Marwan Mohammed (sous la direction de), Les sorties de délinquance : théories, méthodes, enquêtes, La Découverte, 2012.

([166]) Ces débats font l’objet d’un compte-rendu audiovisuel et sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante : http://assnat.fr/VOL8s9