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N° 2075

 

——

 

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 juin 2019

 

RAPPORT  D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

En conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])  

 

sur les droits fondamentaux des majeurs protégés

et présenté par

Mme Caroline ABADIE et M. Aurélien PRADIÉ,

Députés

____

 

 


La mission d’information sur les droits fondamentaux des majeurs protégés est composée de Mme Caroline Abadie et M. Aurélien Pradié, rapporteurs.

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. malgrÉ Le cadre ambitieux de la loi du 5 mars 2007, la protection des droits fondamentaux des majeurs protÉgÉs fait l’objet d’interrogations

A. La loi du 5 mars 2007 a consacrÉ la place des droits fondamentaux dans la protection juridique des majeurs

1. Le renforcement des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité de la mesure de protection judiciaire

2. Une architecture inchangée des mesures de protection judiciaire mais des possibilités accrues d’individualisation

3. L’affirmation des droits fondamentaux et du respect de l’autonomie de la personne

4. La création de mesures alternatives à la protection judiciaire

a. Le mandat de protection future

b. Les mesures d’accompagnement social

c. Des mesures alternatives complétées depuis 2015 par l’habilitation familiale

B. Les principes rÉgissant l’exercice des droits fondamentaux des majeurs protÉgÉs font encore bat

1. Des droits fondamentaux identiques à ceux de toute personne mais dont l’effectivité est garantie spécifiquement

2. La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) implique une meilleure prise en compte de la volonté et des préférences des majeurs protégés

II. mieux garantir le respect des droits fondamentaux des majeurs vulnÉrables en amont de la mesure

A. AmÉliorer l’Évaluation

1. Encadrer le certificat médical

2. Former les médecins

3. Mettre en place une évaluation pluridisciplinaire

B. renforcer les droits des majeurs dans la procÉdure devant le juge des tutelles

1. Développer le rôle de l’avocat

2. Limiter les cas dans lesquels le majeur n’est pas entendu par le juge

3. Mieux informer les majeurs au cours de la procédure

4. Respecter le principe de la présence du majeur à l’audience

C. Limiter le recours aux mesures de protection judiciaire au bÉnÉfice des mesures favorisant l’autonomie

1. Développer les mesures alternatives

a. Des périmètres restreints

b. Des garanties juridiques insuffisantes

c. Un déficit de connaissance de la part du public et des professionnels.

2. Le réexamen des mesures et le recours aux mainlevées

a. Le réexamen des mesures

b. Les mainlevées

3. Les questions posées par la mise en œuvre d’une mesure unique de protection

III. Placer la question des droits fondamentaux au cœur de l’exercice de la mesure

A. Un prÉalable : amÉliorer l’accompagnement et garantir le droit à l’information des majeurs protÉgÉs

1. Mieux structurer la profession des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, acteurs essentiels de la protection de leurs droits fondamentaux

a. Faire évoluer les missions et la formation

b. Structurer la profession et renforcer les règles déontologiques

c. Revaloriser un métier exigeant

2. Garantir le droit à l’information des majeurs protégés et des personnes chargées d’exercer les mesures

B. soutenir les majeurs protÉgÉs dans l’exercice de leurs droits

1. Le droit de vote

2. Les droits des majeurs protégés en matière médicale

a. Le consentement aux soins

b. Les actes médicaux spécifiques

c. L’hospitalisation sans consentement

3. L’effectivité des droits dans les démarches du quotidien

a. Les relations avec les banques

b. Les relations avec les administrations

C. Renforcer les moyens de contrÔle

1. La détection des maltraitances notamment dans les établissements

2. Le contrôle administratif des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

3. Le contrôle des comptes de gestion

IV. Mettre en œuvre une vÉritable politique publique pour prendre en compte la problÉmatique des majeurs vulnÉrables

A. RemÉdier À la coordination insuffisante des acteurs

1. Au niveau local

2. Au niveau national

B. Moderniser le suivi des mesures

1. Créer un registre centralisé et dématérialisé des mesures de protection

2. Mettre en place un outil de gestion des mesures

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Synthèse des propositions

Annexe  1 : Liste des personnes entendues par les rapporteurs

Annexe  2 : DÉplacements effectuÉs par la mission


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   introduction

 

Mesdames, Messieurs,

Plus de dix ans après la réforme opérée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, la protection juridique des majeurs a fait l’objet ces dernières années de travaux d’évaluation conduits par différentes autorités : le Défenseur des droits ([2]), la Cour des Comptes ([3]), le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) ([4]) et, très récemment, la mission interministérielle sur l’évolution de la protection juridique des personnes conduite par Mme Anne Caron Déglise, avocate générale à la Cour de cassation qui a dressé un bilan et formulé des propositions très précises dont les rapporteurs souhaitent souligner la grande qualité ([5]) .

La mission d’information sur les droits fondamentaux des majeurs protégés, créée par la commission des Lois le 17 octobre 2018, témoigne de la volonté de l’Assemblée nationale de se saisir à son tour de ce sujet essentiel sous un angle précis : celui des droits fondamentaux de ces personnes que leur vulnérabilité expose à des risques particuliers d’abus et de restrictions de libertés.

En application de l’article 425 du code civil, « toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique ». Ainsi que le précise l’article 415 du même code, la protection est « instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne ».

La notion de majeur protégé recouvre des réalités de plus en plus diverses : personnes en situation de handicap, personnes souffrant de maladies dégénératives, personnes âgées en perte d’autonomie, personnes souffrant de troubles psychiatriques. Chacune de ces situations exige une adaptation des mesures de protection devant être prononcées.


En France, au début de l'année 2017, 730 000 personnes environ bénéficiaient d’une mesure de protection juridique. Parmi elles, 725 000 faisaient l’objet d’une mesure judiciaire de tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice ([6]). Les statistiques relatives à la répartition par type de mesure montrent la prédominance des mesures les plus contraignantes, puisque 53,6 % des mesures sont des tutelles et 42,7 % des curatelles renforcées.

RÉPartition, par type de mesure, des majeurs sous rÉgime de protection

31/12/2014

Effectif

Age médian

Âge moyen

Part de femmes (en %)

Nombre

Part (en %)

Ensemble

679 000

100

59

60

52

Curatelle

Simple

19 200

2,8

53

55

48

Aménagée

4 100

0,6

53

54

47

Renforcée

290 000

42,7

54

55

46

Total

313 400

46,1

54

55

46

Tutelle

Allégée

2 700

0,4

72

67

59

Tutelle

361 800

53,2

65

64

57

Total

364 500

53,6

65

64

57

Sauvegarde de justice

1 800

0,3

87

82

75

ministère de la Justice, 2014.

Le nombre de mesures judiciaires prononcées est en hausse régulière sous l’effet de différents facteurs.

Ces facteurs sont tout d’abord structurels, d’ordre démographique (vieillissement de la population, accroissement de l’espérance de vie) et social (transformation des structures familiales, exigence des proches à l’égard des pouvoirs publics).

Le thème de la protection des majeurs s’inscrit donc dans un débat plus large. Le vieillissement de la population est l’un des principaux défis auxquels notre société est aujourd’hui confrontée. Selon le ministère des solidarités et de la santé, les personnes âgées de plus de 60 ans seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060, contre 15 millions aujourd’hui. Le nombre des plus de 85 ans passera quant à lui de 1,4 million aujourd’hui à 5 millions en 2060. La préservation des droits des personnes âgées en perte d’autonomie est donc un enjeu fondamental de l’avenir de notre démocratie.

La hausse du nombre de mesures judiciaires s’explique également par l’efficacité insuffisante de différents dispositifs introduits par la loi du 5 mars 2007, comme le rôle de filtre confié au parquet, l’évaluation médicale obligatoire ou encore les mesures alternatives telles que le mandat de protection future ou les mesures d’accompagnement social. Le bilan décevant de ces dispositifs s’explique largement par les moyens insuffisants consacrés à leur déploiement.


L’évolution du droit international, après l’entrée en vigueur de la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIDPH), réinterroge le modèle français de protection des majeurs, en particulier le principe de protection de l’intérêt du majeur et le régime de la tutelle qui repose sur la représentation du majeur par son tuteur. La CIDPH implique de faire primer l’assistance et l’accompagnement du majeur sur sa substitution et de respecter sa volonté et ses préférences, y compris lorsque celles-ci sont distinctes du choix qu’aurait effectué le mandataire dans le strict intérêt de la personne.

Ce changement de paradigme, que les rapporteurs préconisent également, n’est pas sans conséquence sur la nature des droits accordés et sur les conditions de leur exercice. L’objet des travaux de la mission a donc été de chercher la meilleure manière de garantir que les majeurs protégés bénéficient des mêmes droits fondamentaux que toute personne tout en adaptant les conditions d’exercice de ces droits pour qu’ils soient pleinement effectifs.

En amont, la nécessité, la proportionnalité et la subsidiarité de la mesure doivent être garanties afin de préserver les droits des majeurs. Le développement des mesures alternatives et d’anticipation pourrait permettre une gradation plus fine de la protection.

En outre, la décision du juge doit être prise à partir du plus grand nombre d’informations à l’aide d’une évaluation complète et pluridisciplinaire. Globalement, la question de l’information et de la participation du majeur concerné au cours de l’élaboration puis de l’exercice de la mesure doit revenir au centre des débats car elle requiert un effort d’adaptation des pouvoirs publics et de la société dans son ensemble.

En aval, les droits fondamentaux sont pris en compte de manière marginale alors même qu’ils sont au cœur du quotidien des majeurs protégés. L’exercice de la mesure s’articule aujourd’hui prioritairement autour de la préservation des intérêts financiers et patrimoniaux du majeur, qui est certes essentielle mais ne doit pas occulter les autres enjeux de la protection.

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis de renforcer certains droits fondamentaux. Le principe du droit de vote des personnes sous tutelle a été reconnu, alors que plus de 80 % d’entre elles en étaient privées par le jugement d’ouverture de la mesure. Les majeurs protégés disposent désormais de la possibilité de décider seuls de se marier et de conclure un PACS. Ces avancées, qu’il convient de saluer, ne répondent cependant pas à toutes les questions posées en matière de droits fondamentaux, qu’il s’agisse de leur reconnaissance ou de leur effectivité.


C’est sur ces différents débats de nature politique et sociale que les rapporteurs ont souhaité se prononcer car il s’agit de lignes directrices qui doivent guider les politiques publiques en direction des majeurs protégés, qui manquent aujourd’hui de cohérence et de pilotage.

À ce titre, les rapporteurs ont réfléchi au rôle des pouvoirs publics dans le contrôle des mesures et à l’articulation des différents acteurs en présence, au niveau local et national.

Compte tenu de ses enjeux pour la protection des libertés individuelles et du nombre croissant de personnes susceptibles de faire l’objet de mesures de protection, il est aujourd’hui indispensable de faire de la protection des majeurs une priorité, déclinée dans une véritable politique publique, et de lui allouer des moyens renforcés.


—  1  —

 

I.   malgrÉ Le cadre ambitieux de la loi du 5 mars 2007, la protection des droits fondamentaux des majeurs protÉgÉs fait l’objet d’interrogations

A.   La loi du 5 mars 2007 a consacrÉ la place des droits fondamentaux dans la protection juridique des majeurs

1.   Le renforcement des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité de la mesure de protection judiciaire

La loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs visait à remédier aux lacunes et aux dérives du régime antérieur de la protection des majeurs, défini par la loi du 3 janvier 1968 ([7]).

Face au constat de l’augmentation très importante du nombre de mesures de protection judiciaire et d’un détournement de leurs finalités pour répondre à des problématiques sociales, dressé dès la fin des années 1990 ([8]), la loi de 2007 a réaffirmé le principe de nécessité de la protection ([9]). Le juge ne peut prononcer une mesure que dans le cas d’une impossibilité de la personne à pourvoir seule à ses intérêts « en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté » ([10]). La demande doit être accompagnée, à peine d'irrecevabilité, d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ([11]). Par ailleurs, le juge des tutelles ne peut plus se saisir d’office, la demande devant obligatoirement être présentée par un membre de la famille, un proche ou par le procureur de la République.

En application du principe de subsidiarité, également réaffirmé, le juge des tutelles ne peut prononcer une mesure de protection que s’il ne peut être pourvu aux intérêts de la personne par un dispositif moins contraignant. Ainsi, l’article 428 du code civil dispose que différentes solutions doivent être examinées préalablement.

Il s’agit, en premier lieu, du mandat de protection future éventuellement conclu par la personne, qui a été créé par la loi de 2007 ([12]).

Le juge doit, en second lieu, rechercher si les règles du droit commun, celles de la représentation, des droits et devoirs respectifs entre les époux ainsi que des régimes matrimoniaux ne peuvent assurer une protection suffisante               ([13]).

Enfin, au sein des mesures de protection, celle qui est la moins contraignante pour assurer la protection des intérêts du majeur doit être privilégiée. En application de ce principe, l’article 440 du code civil établit une gradation entre les mesures de protection, la sauvegarde de justice étant moins contraignante que la curatelle, elle-même moins contraignante que la tutelle.

Le dernier grand principe affirmé par l’article 428 du code civil est la proportionnalité de la mesure de protection, qui doit être individualisée en fonction du degré d’altération des facultés de la personne, ce qui a conduit le législateur à prévoir un élargissement des possibilités d’aménagement au sein des différentes mesures.

2.   Une architecture inchangée des mesures de protection judiciaire mais des possibilités accrues d’individualisation

La loi de 2007 a conservé l’architecture générale du régime de la protection des majeurs, qui s’articule autour de trois catégories de mesures : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle, dont les effets sont différents.

principales caractÉristiques des trois mesures de protection judiciaire

 

Sauvegarde de justice

Curatelle

Tutelle

Procédure d'ouverture

Le majeur lui-même, un membre de sa famille, un proche, le procureur de la République peuvent, en produisant un certificat médical constatant une altération des facultés, demander au juge des tutelles de prononcer une mesure de protection

Publicité

Mention sur un registre à accès restreint

Inscription en marge de l’acte de naissance du majeur rendant la mesure opposable aux tiers deux mois plus tard

Effets

Le majeur conserve l’exercice de ses droits, sauf en cas de désignation d’un mandataire spécial par le juge, afin d’accomplir un ou plusieurs actes déterminés

Le majeur est assisté pour certains actes par un curateur (actes de disposition)

Le majeur est représenté par un tuteur désigné par le juge des tutelles

Durée

Jusqu’à un an, renouvelable une fois

Jusqu’à cinq ans renouvelables ; jusqu’à dix ans si l’altération des facultés n’est pas susceptible de connaître une amélioration, renouvelable jusqu’à vingt ans

Fin de la protection

– Expiration du délai 
– Décès du majeur protégé 
– Mainlevée judiciaire si la mesure ne se justifie plus 
– Ouverture d’une autre mesure de protection

Néanmoins, au sein de chaque catégorie de mesure, le juge peut toujours décider d’adaptations. Ainsi, dans le cadre de la tutelle, il peut, dans le jugement d’ouverture ou ultérieurement, énumérer certains actes que la personne aura la capacité de faire seule ou avec l'assistance du tuteur ([14]). Dans le cadre de la curatelle, il peut, à tout moment, énumérer certains actes que la personne en curatelle a la capacité de faire seule ou, à l'inverse, ajouter d'autres actes à ceux pour lesquels l'assistance du curateur est exigée ([15]). Il peut également ordonner une curatelle renforcée, de sorte que le curateur perçoive seul les revenus du majeur, règle les dépenses auprès des tiers et laisse l'excédent à la disposition du majeur ([16]). Enfin, dans le cadre de la sauvegarde de justice, il peut désigner un mandataire spécial chargé d’accomplir un ou plusieurs actes déterminés rendus nécessaires par la gestion du patrimoine de la personne ([17]).

Une distinction peut également être faite par le juge entre la protection des biens et celle de la personne. Sans mention spécifique, la mesure couvre ces deux aspects mais elle peut se limiter à l’un des deux, en fonction des besoins du majeur ([18]). Le juge a également la possibilité de confier l’exercice de la mesure à plusieurs personnes ; selon la situation du majeur, il peut par exemple désigner un membre de la famille curateur ou tuteur pour la protection de la personne et un mandataire professionnel pour la protection des biens.

Le législateur de 2007 avait également souhaité encourager l’individualisation des mesures de protection par le biais de leur réexamen régulier par le juge. Il avait ainsi prévu une durée maximale de cinq ans pour la tutelle et la curatelle, qui pouvaient être renouvelées pour la même durée. Ces durées ont été ensuite modifiées par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille. Depuis, le juge peut, sur avis conforme d’un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République, constatant que l'altération des facultés personnelles n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration, fixer une durée plus longue, allant jusqu’à dix ans et la renouveler pour une durée allant jusqu’à 20 ans ([19]).

Enfin, la loi de 2007 a facilité la levée ou l’adaptation des mesures qui ne se justifieraient plus. À l’occasion du réexamen de la mesure, mais aussi à tout moment, le juge peut y mettre fin, la modifier ou lui substituer une autre mesure. Les conditions de mainlevée ont été assouplies, puisque sont seulement requis un certificat médical « simple », l’audition du majeur et l’avis de la personne chargée d’exercer la mesure. En revanche, le renforcement de la mesure requiert les mêmes garanties que celles prévues pour son ouverture ([20]).

3.   L’affirmation des droits fondamentaux et du respect de l’autonomie de la personne

L’article 415 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, énonce les grands principes de la protection des majeurs.

Article 415 du code civil

Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre.

Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne.

Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci.

Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique.

Ainsi que le soulignait M. Émile Blessig, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, « la personne, avant même la sauvegarde de ses biens, est ainsi placée au cœur du dispositif de protection des majeurs, alors qu’elle n’est aujourd’hui envisagée qu’en filigrane, pour des actes particuliers comme le mariage ou le divorce » ([21]).

Cette meilleure prise en compte de la personne dans le cadre de la protection des majeurs a conduit le législateur à affirmer solennellement le principe de respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité. Au-delà de cette affirmation de principe se pose néanmoins la question de la définition des droits fondamentaux et de leur effectivité, sur laquelle les rapporteurs reviendront ([22]).

L’article 415 fixe une double finalité à la protection : l’intérêt de la personne protégée et son autonomie. Il ne leur reconnaît cependant pas une valeur égale. Ce n’est en effet que « dans la mesure du possible » que l’autonomie devra être recherchée, et non de manière absolue comme c’est le cas pour l’intérêt du majeur, qui est apprécié par le juge lors de l’ouverture, du contrôle ou du renouvellement de la mesure.

Le principe d’autonomie inspire le régime des actes personnels.

Sont ainsi distingués :

– les actes strictement personnels ([23]), qui ne peuvent être accomplis que par le majeur, pour lesquels il ne peut être ni assisté ni représenté ;

– et les autres actes relatifs à la personne ([24]), auxquels le majeur consent par principe seul, mais pour lesquels le juge (ou le conseil de famille) peut décider qu’il bénéficiera d’une assistance ou d’une représentation, lorsque son état ne lui permet pas de prendre seul une décision personnelle éclairée.

Les actes strictement personnels visés par le code civil concernent les droits parentaux et ceux relatifs à la filiation : déclaration de naissance et reconnaissance d'un enfant, actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, déclaration du choix ou du changement du nom d’un enfant et consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant.

Parmi les autres actes relatifs à la personne, pour lesquels le majeur peut être assisté ou représenté, certains font l’objet d’une protection particulière :

– s’agissant des actes portant gravement atteinte à l’intimité de la vie privée de la personne protégée, la personne chargée de la protection ne peut prendre de décision qu’avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille ;

– le majeur choisit librement son lieu de résidence et entretient librement des relations personnelles avec les tiers ; il a également le droit d’être visité ou hébergé par ceux-ci. Le juge statue en cas de difficulté ([25]) ;

– le logement du majeur et les meubles dont il est garni sont également protégés par des dispositions spécifiques. Ils sont conservés à sa disposition aussi longtemps que possible et le juge ou le conseil de famille ne peut autoriser qu’il en soit disposé qu’en cas de nécessité. Si l’acte a pour finalité l’admission de la personne dans un établissement, un avis médical d’un médecin indépendant de cet établissement est nécessaire.

Enfin, les règles relatives au mariage, au divorce et au PACS des majeurs protégés ont été assouplies par la loi  2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ([26]).

4.   La création de mesures alternatives à la protection judiciaire

a.   Le mandat de protection future

Le mandat de protection future, régi par les articles 477 à 494 du code civil, est l’une des innovations majeures de la loi du 5 mars 2007. Il s’agit d’une alternative aux mesures de protection judiciaire, permettant à un majeur de charger une ou plusieurs personnes de le représenter, pour le cas où, en raison d’une altération de ses facultés, il ne serait plus capable de pourvoir seul à ses intérêts. Les parents d’un enfant mineur ou qui assument la charge de leur enfant majeur peuvent également conclure un mandat de protection future, afin de pourvoir à ses intérêts, en raison de l’altération de ses facultés, lorsqu’ils seront décédés ou ne seront plus capables de prendre soin de leur enfant.

La création du mandat de protection future a visé à renforcer la mise en œuvre du principe de subsidiarité mais également à accorder une place plus large au respect de la volonté et des choix de la personne, qui peut ainsi désigner à l’avance la personne qui sera chargée de la représenter.

En effet, le mandat de protection future vise à anticiper la situation dans laquelle une mesure de protection judiciaire pourrait être décidée par le juge. Il ne peut donc être mis en œuvre que si les conditions requises par l’article 425 du code civil sont réunies (altération médicalement constatée des facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de la volonté). De plus, le mandat conclu par les parents d’un enfant mineur ne pourra être mis en œuvre qu’à la majorité de celui-ci. Dans tous les cas, la mise en œuvre impose au mandataire de présenter le mandat au greffe du tribunal d’instance, accompagné d’un certificat médical établi par un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République.

Ce mandat peut être conclu sous seing privé ou par acte notarié, selon le choix du mandant. Cependant, le mandat conclu par un parent pour son enfant doit obligatoirement être un acte notarié. Il fixe l’étendue des pouvoirs du mandataire, qui peuvent porter sur la protection des biens et de la personne, dans la limite du champ défini par le code civil. En matière patrimoniale, ces pouvoirs sont potentiellement plus étendus lorsque le mandat est établi par acte notarié. S’agissant de la protection de la personne, ils se rapprochent de ceux du tuteur ou du curateur.

b.   Les mesures d’accompagnement social

Parallèlement à la création du mandat de protection future, qui est une mesure de protection juridique, la loi de 2007 a institué deux nouvelles mesures d’accompagnement afin de mieux garantir le respect du principe de nécessité de la protection, lorsque la personne doit faire face à des difficultés d’ordre social.

Il s’agit en premier lieu de la mesure d’accompagnement social personnalisé (MASP) ([27]), qui peut bénéficier à tout majeur percevant des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu'il éprouve à gérer ses ressources. La mise en œuvre d’une MASP suppose la conclusion d’un contrat entre le majeur et le département, prévoyant des actions en faveur de son insertion sociale ainsi que le rétablissement des conditions d'une gestion autonome des prestations sociales. Le majeur peut en particulier autoriser le département à percevoir et à gérer pour son compte tout ou partie des prestations sociales qu'il perçoit, en les affectant en priorité au paiement de son loyer (MASP 2). Une procédure contraignante est également prévue pour permettre le paiement du loyer en cas de refus du majeur de signer le contrat ou de non-respect de ses obligations (MASP 3).

Si la MASP n’a pas permis au majeur de surmonter ses difficultés, le président du conseil départemental peut saisir le procureur de la République, après lui avoir transmis une évaluation de la situation de la personne. Il appartient ensuite à ce dernier d’apprécier l’opportunité de saisir le juge des tutelles en vue de l’ouverture d’une mesure d’accompagnement judiciaire (MAJ) ([28]) ou d’une mesure de protection.

La MAJ consiste à confier à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs la gestion de tout ou partie des prestations sociales perçues par la personne, dans l’intérêt de celle-ci. Parallèlement, le mandataire devra assister le majeur afin de rétablir les conditions d’une gestion autonome des prestations sociales.

c.   Des mesures alternatives complétées depuis 2015 par l’habilitation familiale

L’habilitation familiale, instituée par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille ([29]), est venue compléter la gamme des mesures alternatives à la protection judiciaire. Il s’agit, comme le mandat de protection future, d’une mesure de protection juridique mais son ouverture doit être ordonnée par le juge des tutelles.

La création de l’habilitation familiale a visé à mieux reconnaître le rôle de la famille du majeur vulnérable, dans un cadre plus souple que celui des mesures de protection judiciaire.

Les conditions d’ouverture relatives à l’altération des facultés de la personne et au certificat médical sont identiques à celles prévues pour les mesures de protection judiciaire. Le juge doit en outre s’assurer de l’adhésion des proches du majeur ou, à défaut, de leur absence d’opposition légitime à la mesure d'habilitation et au choix de la personne habilitée.

L’habilitation familiale peut porter sur un ou plusieurs actes relatifs aux biens ou à la personne. S’agissant des biens, les pouvoirs du proche exerçant la mesure sont potentiellement plus étendus que dans le cadre d’une tutelle, car ils peuvent s’étendre à ceux que le tuteur ne peut accomplir qu’avec une autorisation. S’agissant de la personne, les principes sont identiques à ceux qui s’appliquent à la protection judiciaire.

La mesure d’habilitation familiale peut également être générale, et porter soit sur les biens, soit sur la personne, soit sur ces deux domaines. Dans ce cas, elle est prononcée pour une durée maximale de dix ans, renouvelable.

B.   Les principes rÉgissant l’exercice des droits fondamentaux des majeurs protÉgÉs font encore dÉbat

1.   Des droits fondamentaux identiques à ceux de toute personne mais dont l’effectivité est garantie spécifiquement

Aux yeux des rapporteurs, la question de l’étendue des droits fondamentaux ne se pose pas différemment pour les majeurs protégés et pour l’ensemble des citoyens. En effet, rien ne justifie que les majeurs protégés soient privés de certains droits sous prétexte qu’ils ne sauraient en faire un bon usage ou que cet usage risquerait de leur porter préjudice. Il n’apparaît donc guère pertinent, dans la méthode retenue par la mission, de lister des droits fondamentaux spécifiques aux majeurs protégés.

En revanche, il est indéniable que les majeurs protégés sont exposés à des risques accrus d’atteinte à leurs droits en raison de leur vulnérabilité, qui peut susciter abus et discriminations. La loi doit donc s’attacher à garantir l’effectivité des droits fondamentaux de ces personnes qui pourraient, au regard de leur situation, en être privées. C’est la raison pour laquelle un décret du 31 décembre 2008 ([30]) a établi une « charte des droits et libertés de la personne majeure protégée » qui rappelle les principes devant être particulièrement défendus en faveur des majeurs protégés, bien qu’ils puissent être revendiqués par l’ensemble des citoyens.

Charte des droits et libertés de la personne majeure protégée ([31])

Par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, le législateur a souhaité garantir à tout citoyen le droit d'être protégé pour le cas où il ne pourrait plus s’occuper seul de ses intérêts. Cette loi renforce la protection de la personne du majeur protégé et de ses biens.

La protection juridique qui lui est garantie s’exerce en vertu des principes énoncés dans la présente charte.

– Respect des libertés individuelles et des droits civiques ;

– Non-discrimination ;

– Respect de la dignité de la personne et de son intégrité ;

– Liberté des relations personnelles ;

– Droit au respect des liens familiaux ;

– Droit à l’information ;

– Droit à l’autonomie ;

– Droit à la protection du logement et des objets personnels ;

– Consentement éclairé et participation de la personne ;

– Droit à une intervention personnalisée ;

– Droit à l'accès aux soins ;

– Protection des biens dans l’intérêt exclusif de la personne ;

– Confidentialité des informations.

Les mesures de protection consistent précisément à préserver les droits des majeurs, à les accompagner dans l’exercice de ceux-ci et à protéger leur intégrité financière et patrimoniale. Les majeurs protégés disposent donc avant tout d’un « droit à faire valoir leurs droits » même s’ils n’en ont pas la pleine capacité.

Cette conception des droits fondamentaux des majeurs protégés – identiques à ceux des autres citoyens mais spécifiquement garantis – a récemment guidé la jurisprudence du Conseil constitutionnel. À l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, le 14 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré que l’absence d’obligation légale de prévenir le tuteur ou le curateur lorsqu’un majeur sous protection fait l’objet d’une garde à vue était contraire aux droits de la défense garantis par la Constitution.

En effet, le Conseil constitutionnel a considéré que « dans le cas où il n'a pas demandé à ce que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de laltération de ses facultés mentales ou corporelles » ([32]).

Le majeur protégé ne doit donc être ni privé des droits fondamentaux dont dispose toute personne, ni doté de droits particuliers. En revanche, il fait l’objet de mesures spécifiques visant à garantir le plein exercice de ses droits.

Ainsi, les majeurs sont assistés – s’ils sont sous curatelle – ou représentés – s’ils sont sous tutelle – pour un certain nombre d’actes afin de s’assurer que leurs intérêts ne sont pas mis en péril.

En revanche, pour l’exercice de certains droits fondamentaux, le législateur a prévu des dispositifs spécifiques visant soit à encadrer davantage le pouvoir du mandataire en soumettant certains actes à une autorisation du juge qui est garant des libertés individuelles ; soit à laisser les majeurs protégés exercer leurs droits en toute autonomie – il s’agit des actes strictement personnels.

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu le champ des droits exercés par les majeurs protégés. Ces derniers disposent désormais de la possibilité de décider seuls de se marier et de conclure un PACS ([33]). Ils seront en revanche accompagnés dans les démarches qui résulteront de ces choix, puisqu’ils devront informer la personne chargée de leur mesure qui les assistera dans la signature de la convention (dans le cas d’un PACS) ou, le cas échéant, de la convention matrimoniale.

En dépit des dispositions du code civil visant à garantir l’exercice des droits fondamentaux, des obstacles peuvent menacer leur effectivité. Le Défenseur des droits regrette par exemple que certains droits soient encore ineffectifs : déposer plainte, résilier un contrat bancaire, faire une demande de carte d’identité, etc([34])

2.   La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) implique une meilleure prise en compte de la volonté et des préférences des majeurs protégés

La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH), adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 13 décembre 2006, a été ratifiée par la France et est entrée en vigueur le 20 mars 2010.

La Convention retient une acception large de la notion de personne handicapée qui est définie comme toute personne qui présente « des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à sa pleine et effective participation à la société » ([35]). Dès lors, la plupart des majeurs protégés au sens des articles 425 et suivants du code civil peuvent être considérés comme titulaires des droits et libertés prévus par la CIDPH, même si, ainsi que l’a rappelé la direction des affaires civiles et du Sceau (DACS) « tous les majeurs protégés ne sont pas des personnes handicapées et tous les majeurs handicapés n’ont pas un besoin de protection juridique » ([36]).

Les États parties se doivent d’assurer l’effectivité des droits et libertés fondamentaux, universels, indivisibles, interdépendants et indissociables, envers les personnes handicapées :

– en adoptant les mesures législatives ou administratives nécessaires ;

– en fournissant des informations accessibles concernant les nouvelles technologies et les formes d’assistance ;

– en prenant les mesures appropriées ;

– en s’abstenant d’actes incompatibles avec les droits et libertés consacrés par la convention ([37]) .

Les États parties doivent également prévoir un « aménagement raisonnable » permettant d’assurer l’égal accès aux droits fondamentaux ([38]) même si cela devait induire une différence de traitement en faveur des personnes handicapées.

L’article 12 de la CIPDH s’applique directement aux mesures de protection puisqu’il évoque la personnalité juridique des personnes handicapées.

Article 12 de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité

Les États Parties réaffirment que les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique.

Les États Parties reconnaissent que les personnes handicapées jouissent de la capacité juridique dans tous les domaines, sur la base de l’égalité avec les autres.

Les États Parties prennent des mesures appropriées pour donner aux personnes handicapées accès à l’accompagnement dont elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique.

Les États Parties font en sorte que les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique soient assorties de garanties appropriées et effectives pour prévenir les abus, conformément au droit international des droits de l’homme. Ces garanties doivent garantir que les mesures relatives à l’exercice de la capacité juridique respectent les droits, la volonté et les préférences de la personne concernée, soient exemptes de tout conflit d’intérêt et ne donnent lieu à aucun abus d’influence, soient proportionnées et adaptées à la situation de la personne concernée, s’appliquent pendant la période la plus brève possible et soient soumises à un contrôle périodique effectué par un organe compétent, indépendant et impartial ou une instance judiciaire. Ces garanties doivent également être proportionnées au degré auquel les mesures devant faciliter l’exercice de la capacité juridique affectent les droits et intérêts de la personne concernée.

Sous réserve des dispositions du présent article, les États Parties prennent toutes mesures appropriées et effectives pour garantir le droit qu’ont les personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, de posséder des biens ou d’en hériter, de contrôler leurs finances et d’avoir accès aux mêmes conditions que les autres personnes aux prêts bancaires, hypothèques et autres formes de crédit financier ; ils veillent à ce que les personnes handicapées ne soient pas arbitrairement privées de leurs biens.

Il existe aujourd’hui certaines divergences d’interprétation sur la conformité du régime français de protection des majeurs à l’article 12 de la CIDPH.

Le droit français prévoit aujourd’hui la protection de l’intérêt de la personne, si besoin par la substitution du majeur en cas de tutelle.

Le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU a précisé en 2014 que « la conception du handicap axée sur les droits de l’homme suppose le passage d’un système de prise de décisions substitutive à un système de prise de décisions assistée » ([39]). Lors de son audition, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, Mme Catalina Devandas-Aguilar, a estimé que la France devrait supprimer la tutelle et passer à un système de décision accompagnée, pour se conformer à ses obligations résultant de l’article 12 de la CIDPH.

Cette évolution implique que « le paradigme de la volonté et des préférences doit remplacer le paradigme de l’intérêt supérieur » ([40]). Le respect de la volonté et des préférences du majeur exige de la personne chargée de la mesure qu’elle ne se substitue pas au majeur mais qu’elle comprenne ses choix, même si ceux-ci vont parfois à l’encontre de la préservation de certains de ses intérêts, notamment financiers. Comme l’a souligné Mme Devandas-Aguilar, les majeurs protégés doivent avoir le même « droit à l’erreur » que les autres citoyens.

Dans son rapport sur l’application de la CIDPH de 2016 ([41]), le Gouvernement français interprète l’article 12 de la Convention, en distinguant l’aptitude à être titulaire de droits de celle à les exercer. Dès lors, « la personne en situation de handicap peut bénéficier d’une mesure de protection juridique, qui peut aboutir à une restriction plus ou moins étendue de sa capacité juridique sans que, pour autant, cela n’affecte sa personnalité juridique ».

Les rapporteurs estiment que le régime de protection des majeurs vulnérables en France, qui garantit la nécessité, la subsidiarité et la proportionnalité des mesures et vise à prévenir les abus et les conflits d’intérêts, est conforme aux principales exigences de la CIDPH. La tutelle est indispensable, notamment pour « les situations dans lesquelles une personne, même accompagnée, serait dans l’incapacité totale d’exprimer sa volonté ou ses préférences (ex : coma, démence sénile) et ne pourrait donc exercer ses droits » ([42]), situations dont le Défenseur des droits avait relevé qu’elles n’étaient pas appréhendées par le Comité des droits des personnes handicapées.

Le respect du principe de proportionnalité doit suffire à garantir les droits des majeurs sans les priver de la possibilité d’être représentés dans les cas de vulnérabilité les plus graves. Les rapporteurs souscrivent néanmoins à l’objectif d’une meilleure prise en compte de la volonté et des préférences des majeurs protégés.

Une telle évolution n’est pas sans conséquences pour les mandataires car la prise en compte de la volonté de la personne exige davantage de proximité et de disponibilité, parfois incompatibles avec les conditions d’exercice des mandataires. Plusieurs d’entre eux ont indiqué aux rapporteurs qu’ils éprouvaient des difficultés à respecter la volonté et les préférences du majeur dès lors que leur responsabilité pouvait être engagée par les actes du majeur.

Cette transformation exige donc une adaptation de la formation et du contrôle de l’activité des mandataires judiciaires ([43]). Elle impose également de faire participer à l’accompagnement du majeur d’autres personnes qui seraient davantage en mesure d’évaluer la volonté et les préférences du majeur : un tiers de confiance, des membres de la famille ou d’autres personnes connaissant le majeur précédemment, éventuellement avant qu’il ait été placé sous une mesure de protection.

Proposition n° 1 : Consacrer à l’article 415 du code civil la primauté du respect de la volonté et des préférences du majeur sur la préservation de son intérêt et adapter en conséquence la formation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les modes de prise de décision.

La question des droits fondamentaux des majeurs protégés ne réside donc pas tant dans leur définition que dans l’effectivité de leur exercice. Les mesures de protection doivent parvenir à un juste équilibre entre, d’une part, la préservation de la capacité juridique des majeurs afin qu’ils puissent vivre et faire leur choix comme l’ensemble des citoyens et, d’autre part, un accompagnement spécifique ou une représentation afin que leurs droits soient effectifs et ne se transforment pas en risque. Le modèle français de protection juridique prévoit un niveau élevé de prise en charge des majeurs qui peut parfois restreindre exagérément leur autonomie et leur capacité à exercer leur volonté, notamment au regard des standards fixés par la CIDPH.

La garantie optimale des droits fondamentaux exige donc de renforcer la nécessité, la subsidiarité et la proportionnalité des mesures en réduisant leur utilisation et en développant les alternatives. Afin d’adapter la protection au plus près de la situation du majeur, il est nécessaire de réfléchir à l’amélioration de l’élaboration de la mesure, en particulier de l’évaluation de la situation du majeur, mais aussi de sensibiliser davantage les personnes chargées de l’exercice des mesures au respect des droits fondamentaux.

 


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II.   mieux garantir le respect des droits fondamentaux des majeurs vulnÉrables en amont de la mesure

A.   AmÉliorer l’Évaluation

1.   Encadrer le certificat médical

Le certificat médical circonstancié exigé par l’article 431 du code civil pour l’ouverture d’une mesure de protection doit contenir un certain nombre d’informations définies par l’article 1219 du code de procédure civile ([44]) :

– la description précise de l’altération des facultés du majeur à protéger ;

– tout élément d’information sur l’évolution prévisible de l’altération ;

– les conséquences de cette altération sur la nécessité d’une assistance ou d’une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu’à caractère personnel, ainsi que sur l’exercice de son droit de vote ;

– un avis sur la possibilité d’audition du majeur par le juge.

Ainsi que l’ont souligné la plupart des personnes entendues par les rapporteurs, le contenu des certificats médicaux est de qualité très inégale selon les médecins choisis. Des magistrats ont regretté notamment le manque d’informations utiles à leurs décisions et le caractère succinct des certificats, en particulier concernant les conséquences de l’altération des facultés sur la vie quotidienne des personnes. À l’inverse, il arrive que des médecins recommandent eux-mêmes le type de mesure de protection, alors que ce choix relève de l’office du juge.

Des initiatives locales ont parfois été prises pour harmoniser le contenu des certificats : certains magistrats ont ainsi élaboré des questionnaires types ou organisé des rencontres avec les médecins inscrits sur les listes des procureurs, afin de préciser leurs attentes. Il n’existe en revanche pas de modèle national de certificat, alors que les informations listées par l’article 1219 du code de procédure civile sont minimales et peuvent donner lieu à des interprétations diverses. Lorsque le juge estime que les informations médicales sont insuffisantes, il peut demander un deuxième certificat et désigner lui-même le médecin qui l’établira mais cela rallonge la procédure et renchérit son coût.

Les rapporteurs considèrent que la faiblesse des exigences pesant sur les certificats médicaux fait obstacle au respect des principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité de la mesure de protection. Ils estiment donc nécessaire que le contenu de ces certificats soit précisé par décret, sous forme d’un modèle s’imposant à l’ensemble des médecins inscrits sur les listes établies par les procureurs de la République. Cette démarche devrait renforcer le niveau d’information des juges des tutelles et permettre d’harmoniser les pratiques des médecins.

Il conviendrait que l’élaboration de ce modèle s’appuie sur des échanges entre médecins et juges des tutelles. Le conseil national de l’Ordre des médecins a d’ailleurs déjà entrepris des travaux en vue de proposer un document normé.

Le contenu des certificats doit être recentré sur les éléments médicaux. En particulier, il doit permettre aux juges de disposer systématiquement d’éléments d’évaluation sur « la capacité à comprendre, à analyser et à décider », ce qui fait actuellement défaut selon le constat dressé par le rapport du groupe de travail présidé par Mme Caron Déglise. En revanche, les indications relatives au besoin d’assistance ou de représentation, notions d’ordre juridique et non médical, doivent être exclues.

Il faudra également éviter que l’existence d’un modèle incite les médecins à se limiter à cocher les cases d’un questionnaire et supprime la possibilité pour ces derniers de fournir des informations additionnelles qui pourraient être utiles aux juges.

Proposition 2 : Préciser par décret le contenu du certificat médical circonstancié exigé pour l’ouverture d’une mesure de protection, afin d’harmoniser les pratiques des médecins et de renforcer le niveau d’information des juges des tutelles.

Recentrer le contenu des certificats sur les éléments médicaux et exclure les indications relatives au besoin d’assistance ou de représentation de la personne.

2.   Former les médecins

En application de l’article 431 du code civil, le certificat médical circonstancié est établi par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République. Aucune condition de formation ou de spécialité médicale ne lui est imposée. La circulaire du 9 février 2009 ([45]) précise ainsi que « le parquet pourra donc retenir la candidature de tout médecin, dès lors que celui-ci justifiera, tant par ses qualifications professionnelles que par des formations complémentaires ou par son expérience et sa pratique de terrain, d’une compétence et d’un intérêt particulier à l’égard de la protection des personnes vulnérables. »

En pratique, il a été indiqué aux rapporteurs que les médecins inscrits sont soit des spécialistes (psychiatres, neurologues, gériatres), soit, de manière croissante, des généralistes ou des médecins coordinateurs d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Lorsque les procureurs de la République rencontrent des difficultés de recrutement, ils peuvent solliciter des candidatures par l’intermédiaire des conseils de l’Ordre.

Dans un objectif de renforcement de la qualité des évaluations médicales, les rapporteurs jugent nécessaire de prévoir une formation obligatoire des médecins pour qu’ils puissent être inscrits sur les listes établies par les procureurs de la République. Au-delà d’une dimension purement médicale, cette formation devrait porter sur les différents régimes de protection des majeurs, cette question n’étant pas abordée au cours des études de médecine.

Actuellement, une seule formation universitaire existe, à l’université Paris-Diderot, le diplôme interuniversitaire (DIU) d’expertise médicale dans le cadre de la protection des majeurs. Sans imposer de formation universitaire à l’ensemble des médecins souhaitant être inscrits, ce qui entraînerait probablement des difficultés de recrutement, il serait souhaitable de prévoir une formation obligatoire de quelques jours, avec une partie théorique et une partie pratique auprès d’un juge des tutelles et d’un mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Il conviendrait également de systématiser la formation continue, au moins tous les deux ans, pour les médecins inscrits sur la liste.

Les rapporteurs estiment également nécessaire d’améliorer la coopération entre les médecins et les juges des tutelles, grâce à des réunions annuelles, qui pourraient être organisées par les magistrats délégués à la protection des majeurs au sein des cours d’appel.

Proposition n° 3 : Rendre obligatoire une formation initiale spécifique des médecins souhaitant être inscrits sur les listes établies par les procureurs de la République.

Systématiser la formation continue, au moins tous les deux ans, pour les médecins inscrits sur les listes.

Prévoir des réunions annuelles entre les juges des tutelles et les médecins inscrits sur les listes, à l’initiative des magistrats délégués à la protection des majeurs au sein des cours d’appel.

3.   Mettre en place une évaluation pluridisciplinaire

La nécessité d’une évaluation globale, et non exclusivement médicale, de la situation du majeur vulnérable fait consensus parmi les personnes entendues, afin que les magistrats puissent mieux appréhender la situation réelle de la personne et individualiser la mesure de protection.

Actuellement, les articles 1218 et 1218-1 du code civil prévoient uniquement que la requête d’ouverture d’une mesure de protection doit s’accompagner de l’énoncé des faits qui justifient la protection, ainsi que, dans la mesure du possible, des éléments relatifs à la situation familiale, financière et patrimoniale du majeur. En application de l’article 1221, le juge peut, soit d'office, soit à la requête des parties ou du ministère public, faire procéder à une enquête sociale ou à des constatations par toute personne de son choix mais cette possibilité semble toutefois peu utilisée.

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a cependant renforcé les informations requises en cas de saisine du procureur de la République par un tiers. En effet, dans ce cas, la requête transmise au juge des tutelles doit désormais comporter, outre le certificat médical circonstancié, les informations dont cette personne dispose sur la situation sociale et pécuniaire de la personne qu’il y a lieu de protéger et l’évaluation de son autonomie ainsi que, le cas échéant, un bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle ([46]). Selon les informations communiquées par le ministère de la justice, le décret devant préciser la nature et les modalités de recueil de ces informations sera pris à l’automne.

Les rapporteurs saluent cette évolution positive, qui va dans le sens de l’évaluation pluridisciplinaire recommandée par le Défenseur des droits, la CNCDH et le groupe de travail présidé par Mme Caron Déglise. Ils considèrent que si la mise en œuvre de cette procédure est satisfaisante, elle devrait être étendue à l’ensemble des saisines du juge des tutelles.

Les éléments d’évaluation devraient s’appuyer sur l’action des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en matière d’évaluation des besoins de ces personnes par des équipes pluridisciplinaires. Il semble en effet indispensable de prévoir, a minima, la communication au juge de l’évaluation des besoins de compensation de la personne par les équipes des MDPH si celle-ci a été réalisée préalablement à la demande de protection.

Proposition n° 4 : Généraliser à l’ensemble des saisines du juge des tutelles l’exigence d’informations sur la situation sociale et pécuniaire de la personne qu’il y a lieu de protéger, l’évaluation de son autonomie et le bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle, si la mise en œuvre de cette procédure donne satisfaction pour les saisines du procureur de la République par un tiers.

Prévoir a minima la communication au juge de l’évaluation des besoins de compensation de la personne par les équipes des maisons départementales de personnes handicapées (MDPH) si celle-ci a été réalisée préalablement à la demande de protection.

B.   renforcer les droits des majeurs dans la procÉdure devant le juge des tutelles

1.   Développer le rôle de l’avocat

L’article 432 du code civil prévoit que la personne entendue par le juge des tutelles en vue de l’ouverture d’une mesure de protection peut être accompagnée par un avocat ou, sous réserve de l’accord du juge, par toute autre personne de son choix. L’article 1214 du code de procédure civile précise que « dans toute instance relative à l’ouverture, la modification ou la mainlevée d’une mesure de protection, le majeur à protéger ou protégé peut faire le choix dun avocat ou demander à la juridiction saisie que le bâtonnier lui en désigne un d’office » et que « les intéressés sont informés de ce droit dans l’acte de convocation ».

L’assistance par un avocat reste donc une simple faculté pour le majeur, qui seul peut en prendre l’initiative. En appel, les parties ne sont pas tenues de constituer avocat ([47]). La situation est différente en matière pénale : tout majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique doit être assisté par un avocat choisi par lui ou par son tuteur ou son curateur ; à défaut le procureur de la République ou le juge d’instruction fait désigner un avocat par le bâtonnier ([48]).

Compte tenu des enjeux de l’ouverture de la mesure de protection pour les droits fondamentaux, les rapporteurs se sont interrogés sur l’opportunité de rendre obligatoire l’assistance du majeur par un avocat lors de l’audition par le juge des tutelles.

Les personnes entendues par la mission ont exprimé des points de vue divergents sur cette question. Pour certaines, le caractère gracieux de la procédure et la fréquence des situations non conflictuelles ne justifient pas l’assistance obligatoire par un avocat, qui alourdirait la procédure et aurait un coût important pour les majeurs et pour l’État.

Pour les représentants des avocats, l’assistance obligatoire du majeur par un avocat devrait être prévue pour plusieurs raisons :

– les personnes les plus vulnérables sont celles qui ont le plus besoin d’un avocat mais elles n’en font jamais la demande ;

– l’avocat joue un rôle particulier dans le domaine de la vulnérabilité, il prend le temps de comprendre la situation de la personne qui n’est pas toujours apte à s’exprimer et construire elle-même sa défense ; l’assistance par un avocat est d’ailleurs obligatoire en matière d’hospitalisation sans consentement, qui concerne également des personnes vulnérables ;

– l’avocat peut faire un signalement pour les maltraitances ou abus de faiblesse dont il aurait connaissance ;

– l’assistance par un avocat garantirait le principe du contradictoire, alors qu’il est fréquent que les majeurs ne soient pas auditionnés par le juge des tutelles avant l’ouverture de la mesure ([49]).

Les rapporteurs regrettent que l’avocat ne joue pas actuellement un plus grand rôle dans les procédures concernant les majeurs vulnérables ou protégés. Il serait en effet souhaitable de renforcer ce rôle, afin de faire de l’avocat un acteur de la protection des droits fondamentaux, au moment de la mise en œuvre de la mesure mais aussi au cours de son exécution, compte tenu des enjeux de celle-ci pour les libertés de la personne.

Cette évolution devrait s’accompagner d’un mouvement de formation et de spécialisation des avocats dans cette matière spécifique qu’est la protection des majeurs. Les rapporteurs saluent à ce titre l’initiative du Barreau de Paris, qui a créé une antenne spécialisée consacrée aux majeurs vulnérables, au sein de laquelle une vingtaine d’avocats interviennent en matière de protection des majeurs.

Le groupe de travail conduit par Mme Caron Déglise a recommandé que le majeur vulnérable soit obligatoirement assisté par un avocat dans deux cas :

– lorsque le majeur n’est pas entendu par le juge ;

– lorsque le majeur en fait la demande, ce qui est déjà possible, ou à l’initiative du juge, ces demandes entraînant la suspension de l’instruction.

Pour leur part, les rapporteurs ne sont pas convaincus de l’opportunité de prévoir une assistance obligatoire par un avocat lorsque le majeur n’est pas auditionné. Ils considèrent en effet que la protection des droits fondamentaux doit d’abord passer par la réduction du nombre de cas dans lesquels le majeur n’est pas entendu et que les cas résiduels devraient alors concerner essentiellement des personnes incapables de communiquer. Cela exclurait toute possibilité d’échange entre le majeur et son avocat, qui ne pourrait donc pas traduire la volonté de son client.

En revanche, les rapporteurs recommandent que le majeur vulnérable puisse exprimer son opposition à l’ouverture de la mesure, à tout moment de la procédure d’instruction, et que soit prévue, dans ce cas, son assistance obligatoire par un avocat. En effet, même si le majeur vulnérable opposé à la mesure a actuellement la possibilité de demander l’assistance d’un avocat, il n’y recourt pas toujours en pratique, même si le magistrat le lui recommande. Par cohérence, les rapporteurs sont également favorables à l’assistance obligatoire du majeur par un avocat en appel. Enfin, même si le majeur ne manifeste pas son opposition, il serait souhaitable que le juge puisse demander la désignation d’un avocat lorsqu’il l’estime nécessaire.

Les rapporteurs sont conscients du coût que peut représenter la prise en charge financière de cette extension des droits de la défense mais l’estiment indispensable à la bonne protection des droits fondamentaux.

Proposition n° 5 : Permettre au majeur vulnérable, à tout moment de la procédure d’instruction, d’exprimer son opposition à l’ouverture de la mesure et prévoir, dans ce cas, son assistance obligatoire par un avocat.

Permettre au juge des tutelles de demander la désignation d’un avocat lorsqu’il l’estime nécessaire.

Rendre obligatoire l’assistance du majeur par un avocat en appel.

2.   Limiter les cas dans lesquels le majeur n’est pas entendu par le juge

L’article 432 du code civil pose le principe de l’audition du majeur par le juge des tutelles, préalablement au prononcé de la mesure de protection. Par exception, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis d’un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République, décider qu'il n'y a pas lieu de procéder à l’audition du majeur dans deux cas :

– si celle-ci est de nature à porter atteinte à sa santé ;

– s’il est hors d’état d’exprimer sa volonté.

La difficulté d’organiser un transport des personnes hébergées en établissement vers le tribunal d’instance peut représenter un obstacle à leur audition. En effet, même si le juge a la possibilité de se déplacer pour entendre le majeur ([50]), en pratique, il ne peut pas le faire trop souvent compte tenu de sa charge de travail et de ses moyens limités.

Pour les rapporteurs, il faut empêcher que ces difficultés d’ordre pratique contraignent les magistrats à limiter le nombre d’auditions. Le droit du majeur d’être entendu au cours de la procédure constitue indéniablement un droit fondamental, l’audition étant une étape décisive dans la détermination de la mesure de protection, qui aboutira le cas échéant à une restriction de la capacité juridique. Les enjeux sont multiples, puisqu’il s’agit de garantir l’accès à la justice et à une procédure équitable mais aussi d’assurer le respect de la dignité et de l’autonomie de la personne.

Les rapporteurs relèvent que, dans le cadre de l’hospitalisation sans consentement, le juge des libertés et de la détention, qui statue à l’issue d’un délai de 12 jours sur le maintien de l’hospitalisation, doit entendre la personne concernée sauf si un certificat médical établit que des motifs médicaux y font obstacle, dans l’intérêt de la personne.

Si les procédures civiles et pénales ne doivent pas être confondues, il apparaît justifié que des précautions particulières soient prises dans le cadre d’une procédure civile pouvant conduire à la restriction de certains droits. On note à ce propos que lors de la mise en examen ou du placement en détention provisoire, la personne concernée doit obligatoirement être entendue par le juge. Par ailleurs, les mesures privatives de droits prévues par l’article L. 131-26 du code pénal (interdiction des droits civiques, civils et de famille), qui peuvent être prononcées par le tribunal correctionnel en matière délictuelle, le sont dans le cadre de l’audience, à laquelle le prévenu doit obligatoirement être cité à comparaître.

Pour l’ensemble de ces raisons, vos rapporteurs préconisent une réduction des situations dans lesquelles le majeur vulnérable pourrait ne pas être auditionné.

Malgré l’importance de l’audition du majeur, le nombre de dispenses d’auditions est aujourd’hui beaucoup trop élevé. Selon les statistiques citées par le rapport du groupe de travail conduit par Mme Caron Déglise, celles-ci concernent 64 % des tutelles et 12 % des curatelles. Des magistrats entendus par les rapporteurs ont souligné le recours trop fréquent des médecins au critère de l’impossibilité d’expression de la volonté de la personne, qui n’est pas assez précis et n’est pas interprété de la même façon par les médecins et par les juges. Ainsi, il arrive fréquemment que ces derniers convoquent quand même la personne, notamment lorsque la famille leur a indiqué qu’elle pouvait être entendue.

Quant à la motivation obligatoire des ordonnances de non audition, comme des autres décisions en matière de protection des majeurs, certains magistrats estiment qu’elle est parfois sommaire, voire standardisée, ce qui nuit à la lisibilité de la procédure et à la compréhension de la mesure par le majeur et sa famille. Un renforcement de la motivation des décisions, semblable à celui intervenu s’agissant des décisions des juges des enfants, serait dès lors nécessaire.

Les rapporteurs considèrent qu’il est nécessaire de réduire les cas dans lesquels le majeur n’est pas entendu par le juge, afin d’appliquer à la protection des majeurs les mêmes garanties que celles de toute procédure juridictionnelle. Pour cela, ils préconisent de supprimer le critère d’impossibilité d’expression de la volonté, peu opérant, et de ne maintenir que le critère du risque d’atteinte à la santé de la personne.

Ils recommandent également qu’un deuxième certificat médical confirmant que l’audition de la personne risque de porter atteinte à sa santé soit systématiquement exigé pour que le juge puisse prendre une ordonnance de non-audition.

Ces mesures auront bien sûr un impact sur la charge de travail des magistrats, dont il conviendra de renforcer les moyens en conséquence, mais cela se justifie pleinement, compte tenu de l’enjeu de l’audition du majeur pour la protection de ses droits fondamentaux.

Proposition n° 6 : Limiter les cas dans lesquels le majeur n’est pas entendu par le juge préalablement au prononcé de la mesure de protection :

– en supprimant le critère d’impossibilité d’expression de la volonté du majeur et en ne maintenant que le critère du risque d’atteinte à sa santé ;

– en rendant obligatoire l’établissement d’un deuxième certificat médical confirmant que l’audition de la personne risque de porter atteinte à sa santé pour que le juge puisse prendre une ordonnance de non-audition.

Renforcer en conséquence les moyens des juges des tutelles.

En complément de ces mesures, les rapporteurs recommandent que, lorsque le majeur n’est pas convoqué en vue d’une audition, le juge convoque sa famille ou ses proches, tels qu’énumérés à l’article 430 du code civil. Actuellement l’article 1220-4 du code de procédure civile prévoit que le juge peut auditionner ces personnes s’il l’estime opportun. Leur audition systématique permettrait au magistrat de disposer d’informations complémentaires sur la situation du majeur lorsqu’il n’a pas pu l’entendre.

Proposition 7 : Lorsque le magistrat a pris une ordonnance de non-audition du majeur, rendre obligatoire l’audition de sa famille ou de ses proches, tels qu’énumérés à l’article 430 du code civil.

Enfin, les rapporteurs soulignent l’intérêt que peuvent avoir les informations dont disposent les notaires sur les personnes qu’ils ont été amenés à conseiller. Il arrive ainsi que le notaire conseille une mesure de protection lorsqu’il s'aperçoit qu'une personne appelée à contracter n’est pas apte à donner son consentement. Les représentants du conseil supérieur du notariat (CSN) ont indiqué, lors de leur audition, que leurs échanges avec les juges des tutelles se limitaient essentiellement aux requêtes en vue d’autoriser la conclusion de certains actes lorsque la personne est déjà placée sous protection. Il serait intéressant de développer ces échanges, notamment au stade de l’instruction des mesures. Le cadre actuel le permet puisque le juge est autorisé, s’il l’estime opportun, à auditionner le majeur en présence du médecin traitant ou de toute autre personne ([51]) et à ordonner toute mesure d'instruction, notamment à faire procéder à des constatations par toute personne de son choix ([52]). Au-delà, il serait utile d’autoriser le majeur à se faire accompagner par toute personne de son choix lors de son audition, et donc le cas échéant par son notaire, sans avoir à solliciter l’autorisation du juge.

3.   Mieux informer les majeurs au cours de la procédure

L’audition du majeur peut être l’occasion pour le juge de l’informer de la mesure de protection qu’il envisage de prononcer et du choix de la personne qui l’exercera. Cependant, à ce stade, le juge peut ne pas encore avoir pris de décision. De plus, dans le contexte de l’audition, le majeur peut hésiter à poser des questions ou à manifester son opposition. C’est pourquoi les rapporteurs recommandent l’organisation systématique d’un temps d’information du majeur, avant l’audience, sur les mesures de protection et leurs conséquences. Le juge des tutelles devrait obligatoirement s’assurer, avant l’audience, que le majeur a bien été sollicité à cette fin.

Cette information pourrait être assurée, au sein des tribunaux d’instance, par différents acteurs, notamment les greffes, les services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux (SISTF) ([53]) et les associations tutélaires.

Proposition 8 : Organiser systématiquement une information du majeur, avant l’audience, sur les mesures de protection et leurs conséquences.

Cette information pourrait être assurée, au sein des tribunaux d’instance, par différents acteurs, notamment les greffes, les services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux (SISTF) et les associations tutélaires.

4.   Respecter le principe de la présence du majeur à l’audience

L’article 1226 du code de procédure civile prévoit la présence du majeur à l’audience, au cours de laquelle le juge des tutelles rend sa décision, sauf si ce dernier a estimé que le majeur ne pouvait pas être entendu au cours de l’instruction. Cependant, selon la circulaire de la DACS du 9 février 2009, « dès lors que [le majeur] a pu être appelé ou entendu dans le cours de la procédure et qu’il a été convoqué à l’audience, s’il ne souhaite pas s’exprimer une nouvelle fois, sa présence demeure non indispensable à l’audience de jugement. » Les rapporteurs ont effectivement pu observer des convocations aux audiences qui indiquaient, en gros caractères, que la présence du majeur n’était pas obligatoire. Ils s’étonnent de cette interprétation et de cette pratique, peu protectrice des droits fondamentaux, alors que la décision aura des conséquences importantes sur les libertés de la personne. Il convient donc de revenir à une interprétation plus conforme au code de procédure civile en respectant le principe de la présence obligatoire du majeur à l’audience.

Proposition n° 9 : Respecter le principe de la présence obligatoire du majeur à l’audience, prévu par l’article 1226 du code de procédure civile.

C.   Limiter le recours aux mesures de protection judiciaire au bÉnÉfice des mesures favorisant l’autonomie

1.   Développer les mesures alternatives

En 2017, le nombre de premières ouvertures d’une mesure de protection a diminué alors qu’il était en constante augmentation depuis le début des années 2000 : 93 154 nouvelles mesures ont été ouvertes contre 98 613 en 2016 ([54]). Cette dynamique encourageante ne doit cependant pas occulter la faiblesse persistante du recours aux mesures alternatives prévues par la loi de 2007 ([55]) qui peut s’expliquer par leur périmètre restreint, leur encadrement insuffisant et leur méconnaissance.

Seule l’habilitation familiale rencontre un succès croissant auprès des familles : 6 000 demandes d’habilitation familiale ont été formulées en 2016 et 17 000 en 2017. 1 600 habilitations ont été délivrées en 2016 et 13 120 l’ont été en 2017, dont 95 % ont pris la forme d’une habilitation générale et 5 % d’une habilitation spéciale.

a.   Des périmètres restreints

Les modalités de recours aux différentes mesures administratives sont contraignantes. Selon la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR), « ces mesures sont d’évidence insuffisamment utilisées, sans doute en raison de leur définition trop étroite puisque les mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) ne concernent que les personnes percevant des prestations sociales et connaissant des difficultés budgétaires de nature à compromettre « gravement » leur santé ou leur sécurité. Les mesures d’accompagnement judiciaire (MAJ) ne peuvent être mises en œuvre qu’en cas d’échec d’une MASP et supposent, là encore, la perception de prestations sociales » ([56]). Ceci explique la stabilité du nombre de MASP.

Nombre de masp en cours en 2016

Type de mesures

MASP 1

MASP 2

MASP 3

Total

Nombres de mesures en cours en 2016

5 072

6 034

79

11 185

Nombres de mesures en cours en 2015

4 067

4 811

94

8 972

Nombres de mesures en cours en 2014

4 957

4 494

85

10 125

Nombres de mesures en cours en 2013

4 938

5 089

72

9 888

Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des Solidarités et de la santé, 2016

Ainsi, dans certaines situations pour lesquelles une mesure de protection n’est pas nécessaire, une assistance administrative (gestion du budget pour éviter le surendettement, suivi des procédures administratives, etc.) pourrait suffire. Or il n’existe pas de mesure à caractère administratif ayant vocation à être mise en place en faveur de personnes disposant de niveaux de ressources et de patrimoine faibles et pour lesquelles une mesure de protection judiciaire est disproportionnée.

La CNPR estime ainsi « utile d’envisager l’instauration d’une mesure unique d'assistance de type purement administratif, à l’instar de ce qui existe en ce qui concerne les mineurs » ([57]).

L’assouplissement du recours aux mesures alternatives a été entrepris par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Le recours aux mesures d’habilitation familiale a été facilité par l’élargissement de leur champ d’application. Désormais, les mesures d’assistance, et non plus seulement les mesures de représentation, pourront faire l’objet d’une habilitation familiale. Les rapporteurs approuvent également la création de passerelles entre les mesures judiciaires et les habilitations familiales ([58]). Ces passerelles s’avéreront utiles pour les jeunes majeurs protégés ou pour adapter la mesure temporairement, par exemple en cas d’hospitalisation, de démarche spécifique ou d’actes de gestion importants ou encore de dégradation ou d’amélioration de l’entente familiale. Elles renforceront la continuité des parcours des majeurs protégés.

Selon les rapporteurs, il faut poursuivre ce mouvement en rationnalisant les différentes mesures administratives existantes. Par exemple, la déclinaison des MASP en MASP 1, MASP 2, MASP 3 selon le degré d’accompagnement nécessaire complexifie le travail d’élaboration et de suivi de la mesure et restreint la souplesse nécessaire à l’adaptation de la mesure dans le temps.

Par ailleurs, il existe un frein lié au financement de ces mesures. Ces mesures ont un coût, certes faible, mais qui est supporté par les départements sans compensation depuis leur instauration en 2007.

Les rapporteurs estiment que la simplification et la clarification des mesures alternatives permettant une assistance administrative permettront de renforcer l’attractivité de ces mesures qui préservent davantage les droits fondamentaux.

Enfin, ainsi que l’a souligné le représentant de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) lors de son audition, il existe d’autres moyens d’accompagner les personnes vulnérables sans recourir à une mesure judiciaire, ne serait-ce que par un meilleur aménagement du lieu de vie (domotique, télésurveillance…).

Proposition n° 10 : Instaurer une mesure unique d’assistance administrative visant à accompagner les majeurs ayant de faibles ressources et rencontrant des difficultés dans la gestion de celles-ci.

b.   Des garanties juridiques insuffisantes

Pour l’Association nationale des délégués et personnels des services mandataires à la protection juridique des majeurs (ANDP), le mandat de protection future présenterait un risque de dégradation de la protection des droits fondamentaux en « accélérant la date de la prise d’effet des mandats pour les personnes âgées ». Dès lors que l’ensemble des démarches ont été effectuées préalablement, le consentement du majeur peut dans certains cas être présupposé à ses dépens.

De plus, certains mandataires judiciaires se sont montrés inquiets de voir leur responsabilité plus facilement engagée. L’ANDP préconise donc de maintenir un inventaire en début de mesure et de subordonner la prise d’effet du mandat à une homologation par le juge reconnaissant l’incapacité et déclencher l’entrée en vigueur de la mesure. Les rapporteurs estiment que l’homologation par le juge est une solution trop contraignante qui irait à l’encontre de l’objectif de souplesse des mesures alternatives sans garantir la qualité de l’accompagnement.

En revanche, le Conseil supérieur du notariat (CSN) rappelle qu’il est tout à fait possible lors de la conclusion du mandat de protection future « d'élaborer des garde-fou : présence de tiers de confiance, pluralités de mandataires qui se contrôlent mutuellement » ([59]).

Les rapporteurs préconisent la mise en place d’un contrôle de gestion minimal pour les habilitations familiales qui en sont actuellement dépourvues ([60]). Dans sa contribution, la CNPR a estimé « qu’il serait souhaitable d'envisager un contrôle de gestion minimal sur les actes effectués pour le compte des majeurs concernés si l'on veut éviter ensuite que ne se développent des procédures judiciaires complexes entre membres d'une même famille ». Ce dispositif pourrait s’inspirer du contrôle de gestion interne tel qu’il est prévu par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice pour les mesures de protection judiciaire ([61]).

Proposition n° 11 : Renforcer la sécurité juridique des mesures alternatives :

– en encourageant les notaires à prévoir des garanties supplémentaires lors de l’élaboration des mandats de protection future (tiers de confiance, pluralités de mandataires etc.) ;

– en prévoyant un contrôle minimal de gestion des habilitations familiales par le juge.

c.   Un déficit de connaissance de la part du public et des professionnels.

Comme l’a rappelé l’ANDP, « l’anticipation contractuelle n’est pas dans la culture juridique des peuples latins qui attendent de la loi et du juge la protection nécessaire » ([62]). C’est particulièrement le cas des mandats de protection future dont le nombre est en constante et régulière hausse mais reste faible en proportion du nombre de personnes pouvant être concernées – à savoir l’ensemble de la population.

Évolution du nombre de mandats de protection future ([63])

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de mandats de protection future

140

284

394

536

680

747

909

1 083

1 164

 Dont acte notarié

114

226

333

465

595

655

822

992

1 054

 Dont sous seing privé

26

58

61

71

85

92

87

91

110

Il semble aux rapporteurs qu’un effort considérable est nécessaire pour mieux informer la population de l’existence de ces dispositifs, en particulier du mandat de protection future. L’ensemble des organismes et associations rencontrés se sont accordés sur la nécessité de sensibiliser davantage les citoyens aux avantages de l’anticipation sur les risques de vulnérabilité et de pertes de droits liés au vieillissement.

Il s’agirait d’un moyen de les aborder plus sereinement, tant pour les personnes concernées que pour leurs proches. D’autres dispositifs comparables rencontrent davantage de succès, en particulier dans le champ des soins et de la fin de vie : les directives anticipées, la désignation d’une personne de confiance, etc. Selon le Défenseur des droits, ces dispositifs pourraient mieux s’articuler avec les mesures de protection anticipées.

Il est indispensable de développer de nouveaux canaux d’informations, notamment en s’appuyant sur des lieux ciblés (CAF, EHPAD, hôpitaux, MDPH…) ou lors de moments clés, par exemple la perte du conjoint. Dans le cadre de la succession entre époux, les notaires pourraient délivrer systématiquement une information sur le mandat de protection future.

Quant au grand public, une campagne de sensibilisation portée par les pouvoirs publics serait de nature à encourager des citoyens disposant de toutes leurs capacités à anticiper leur potentielle vulnérabilité. Une telle démarche est indéniablement difficile en ce qu’elle nécessite de surpasser une réticence psychologique à envisager son affaiblissement et sa perte d’autonomie.

Enfin, la montée en puissance du mandat de protection future est indissociable de la création d’un registre permettant de contacter la personne chargée de préserver les droits du majeur. Depuis 2015, l’article 477-1 du code civil prévoit que « le mandat de protection future est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret en Conseil d'État ». Or ce registre n’a pas encore été créé ([64]).

Proposition n° 12 : Mieux informer le public de l’existence des mesures alternatives et, plus particulièrement, du mandat de protection future qui peut concerner l’ensemble de la population.

Développer à cette fin de nouveaux canaux d’informations, en s’appuyant notamment sur des lieux ciblés ainsi que sur les notaires, qui pourraient délivrer systématiquement une information sur le mandat de protection future dans le cadre de la succession entre époux.

2.   Le réexamen des mesures et le recours aux mainlevées

a.   Le réexamen des mesures

L’article 441 du code civil prévoit que « le juge fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder cinq ans ». Si l’altération des facultés du majeur « n’apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science », le juge peut fixer une « durée plus longue, nexcédant pas dix ans ».

L’article 442 du même code prévoit que la mesure peut être renouvelée pour une même durée. Exceptionnellement, si aucune amélioration n’est envisageable et sur avis motivé d’un médecin, le renouvellement peut être étendu pour une durée n’excédant pas vingt ans.

La question du renouvellement soulève des enjeux contradictoires.

D’une part, des délais de renouvellement trop longs réduisent la possibilité pour les majeurs de bénéficier d’un aménagement de leur mesure, voire d’une mainlevée. Actuellement, l’article 12 de la CIDPH prévoit que les mesures « s’appliquent pendant la période la plus brève possible et sont soumises à un contrôle périodique effectué par un organe compétent, indépendant et impartial ou une instance judiciaire ». La mesure peut toutefois être réexaminée par le juge à son initiative ou à la demande du majeur ou de toute personne habilitée (mandataire, parent, etc.)

D’autre part, le réexamen de la mesure est une procédure qui exige la présence du majeur et des proches. En conséquence, dans certains cas, un renouvellement trop fréquent peut être pénalisant s’il perturbe le majeur ou s’il fait ressurgir des tensions familiales.

Les rapporteurs estiment qu’au regard des délais moyens de renouvellement, un juste équilibre a été trouvé dans la législation en vigueur. Pour rappel, selon le ministère de la justice, « la durée moyenne des nouvelles mesures de curatelle est de 5 ans, celle des tutelles est de 7 ans. Les curatelles sont renouvelées en moyenne pour 7 ans (le maximum étant de 10 ans), les tutelles pour 11 ans (le maximum étant 20 ans) » ([65]).

b.   Les mainlevées

Le nombre de mainlevées est en légère hausse puisqu’elles ont été 5 141 en 2017 contre 4 821 en 2016. À l’échelle de l’ensemble des mesures, ce nombre reste faible. En 2017, 3 816 mainlevées concernaient des mesures de curatelle et 481 concernaient des mesures de tutelle ([66]), ce qui s’explique par la vulnérabilité plus forte des majeurs placés sous tutelle.

Certes, pour la plupart des majeurs protégés, notamment en cas de handicap psychique lourd ou s’agissant de personnes âgées en situation de dépendance, il est difficile d’obtenir une amélioration suffisante de la situation pour mettre fin à la mesure. Néanmoins, pour certains profils de majeurs, le suivi et l’accompagnement pourraient être davantage orientés vers l’objectif de sortie de la mesure, c’est-à-dire vers le maintien, la préparation ou le retour à l’autonomie.

Selon les rapporteurs, la mainlevée devrait alors être la finalité de la mesure. Un tel objectif encouragerait le mandataire à concentrer son accompagnement sur l’autonomie du majeur et, par conséquent, à préserver ses droits aussi longtemps que possible. Lors de leur audition, les représentants du syndicat Unité magistrats ont souligné qu’il s’agirait d’une profonde évolution des missions des mandataires, qui exigerait une réflexion sur leur formation.

Le développement des mainlevées est complémentaire de celui des mesures alternatives et impliquerait la mise en place d’un suivi au terme de la mesure de protection judiciaire. Ainsi que l’a rappelé l’Assemblée des départements de France, il serait dès lors indispensable de garantir le relais de la mesure pour éviter les ruptures de prise en charge, par exemple au moyen d’une mesure administrative mise en œuvre par le département.

Proposition n° 13 : Pour les majeurs dont l’altération des facultés est susceptible d’amélioration, faire de la mainlevée la finalité de la mesure afin d’orienter l’accompagnement du majeur protégé vers la préparation, le maintien ou le retour à l’autonomie.

Renforcer la continuité des parcours en confiant au département le suivi des majeurs bénéficiant d’une mainlevée et s’assurer de la compensation par l’État des coûts engendrés.

3.   Les questions posées par la mise en œuvre d’une mesure unique de protection

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs se sont interrogés sur la pertinence de la mise en œuvre d’une mesure unique. Préconisée par le groupe de travail conduit par Mme Anne Caron Déglise, la mesure unique de sauvegarde des droits serait équivalente à la curatelle simple actuelle et permettrait au juge de fixer avec précision le degré de protection du majeur en fonction des spécificités de sa situation. Un tel dispositif aurait pour finalité de renforcer la proportionnalité et la subsidiarité des mesures et ainsi de restreindre le moins possible les droits des majeurs concernés.

Les rapporteurs n’y sont toutefois pas favorables pour quatre raisons.

Premièrement, lors de l’élaboration de la mesure, le juge peut d’ores et déjà décider de la moduler pour l’adapter aux facultés du majeur en énumérant, dans le cadre de la tutelle, certains actes que la personne aura la capacité de faire seule ou avec l'assistance du tuteur.

Deuxièmement, il existe aujourd’hui un grand nombre de dispositifs différents permettant de garantir la subsidiarité et la proportionnalité de la protection. En basculant vers une mesure unique, l’usage de certaines mesures risquerait de décroître au profit des mesures les plus simples et aux dépens des mesures administratives dont le prononcé ne relève pas du juge.

Troisièmement, la mesure unique demanderait un travail particulièrement fastidieux aux juges qui devraient étudier chaque dimension de la protection, ainsi qu’aux greffes et aux mandataires qui ne disposeraient que d’une marge d’autonomie minime pour adapter la mesure au majeur. Ce manque de lisibilité risque de porter préjudice aux majeurs eux-mêmes puisque leur situation deviendrait plus difficilement identifiable pour leurs interlocuteurs.

Quatrièmement, les rapporteurs ont pu observer une tendance à la prise de mesures plus restrictives que ne l’exige la situation du majeur afin d’anticiper la dégradation de son état et d’éviter de réviser la mesure trop régulièrement. La mesure unique ne permettrait pas de contourner cet écueil si elle implique un travail supplémentaire de la part des magistrats à l’ouverture et à chaque renouvellement.


—  1  —

 

III.   Placer la question des droits fondamentaux au cœur de l’exercice de la mesure

A.   Un prÉalable : amÉliorer l’accompagnement et garantir le droit à l’information des majeurs protÉgÉs

1.   Mieux structurer la profession des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, acteurs essentiels de la protection de leurs droits fondamentaux

Si la philosophie de la protection des droits fondamentaux des majeurs protégés évolue, les missions, et par conséquent la formation et la désignation, des mandataires seront appelées à être transformées.

Pour rappel, les mesures sont exercées soit par un membre de la famille, soit par un mandataire professionnel exerçant à titre individuel, par un délégué salarié dans une association ou par un préposé désigné par un établissement. En 2016, les mandataires professionnels exerçaient 41,1 % des mesures de tutelle et 75,4 % des mesures de curatelle. Le nombre de mesures confiées à des mandataires professionnels est globalement en hausse. En revanche, la part des mesures exercées par un salarié ayant reçu délégation au sein d’une association est en baisse constante depuis 2009 puisqu’elle est passée de 71,7 % à 62,2 % s’agissant des tutelles et de 82,6 % à 68,5 % concernant les curatelles.

évolution des nouvelles mesures de tutelle et de curatelle selon le mode de gestion

Ministère de la Justice, direction des affaires civiles et du sceau, 2017

Actuellement, l’ensemble des personnes et structures pouvant exercer une mesure de protection judiciaire « sont inscrites sur une liste dressée et tenue à jour par le représentant de l'État dans le département » ([67]).

Les mandataires sont désignés par l’association ou l’établissement dont ils sont salariés ou agréés par le préfet « dans des conditions permettant de garantir l'indépendance professionnelle de la personne exerçant l’activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, le respect des droits et libertés de la personne protégée et la continuité de sa prise en charge » ([68]).

Les personnes physiques chargées d’une mesure doivent satisfaire « des conditions de moralité, d’âge, de formation certifiée par l'État et d’expérience professionnelle » ([69]). Lorsque le mandataire souhaite exercer sa profession à titre individuel, il doit obtenir un agrément du représentant de l’État certifiant le respect de ces conditions ([70]).

a.   Faire évoluer les missions et la formation

Les rapporteurs ont reçu des représentants de différentes associations de mandataires judiciaires dont la plupart sont volontaires pour disposer de plus d’autonomie et assurer un accompagnement global. À juste titre, les mandataires souhaitent que leur niveau de protection juridique corresponde à leurs missions puisqu’ils engagent leur responsabilité à travers les actes qu’ils effectuent pour les majeurs.

Une telle évolution des missions serait susceptible de créer de nouvelles vocations et de revaloriser cette profession exigeante qui « nécessite des compétences multiples mais souffre d’un manque de reconnaissance » ([71]). Il s’agit d’un travail administratif consistant à gérer au quotidien les intérêts du majeur mais aussi d’un travail social et relationnel dans lequel il est difficile de trouver sa place au côté de la famille et vis-à-vis de la personne sous protection.

Si la mission d’accompagnement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) était renforcée, les conditions d’accès à cette profession devraient être adaptées. Les mandataires suivent actuellement, pour obtenir le certificat national de compétence (CNC), une formation obligatoire qui comporte des modules consacrés aux droits fondamentaux. Selon l’ANDP, les questions d’éthique et de déontologie doivent y prendre une place plus importante.

Formation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Les candidats à cette formation doivent disposer d’un diplôme de niveau III ou répondre à certaines conditions d’expérience professionnelle. La formation dure environ un an et comporte 300 heures d’enseignements théoriques et 350 heures de stage.

Cette formation est articulée autour de quatre domaines :

– Domaine juridique (84 heures) : droits et procédures ; le champ médico-social.

– Gestion (78 heures) : gestion administrative et budgétaire ; gestion fiscale et patrimoniale.

– Protection de la personne (72 heures) : connaissance des publics et des pathologies liées à la dépendance ; relation, intervention et aide à la personne.

– Mandataire judiciaire à la protection des majeurs (66 heures) : les contours de l’intervention et ses limites, les relations avec le juge et l’autorité judiciaire, déontologie et analyse des pratiques.

Ces modules de formation peuvent faire l’objet d’allégements en fonction de l’expérience professionnelle ou de dispenses en fonction des diplômes antérieurs.

Cette formation est organisée par un organisme agréé et présente un coût d’environ 5 000 euros.

L’évolution de la formation doit accompagner la mutation de la profession vers l’accompagnement des majeurs et l’objectif de retour vers l’autonomie. Elle devra également s’adapter à l’extension des droits reconnus par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

b.   Structurer la profession et renforcer les règles déontologiques

Selon la CNCDH, il est « nécessaire de parachever la professionnalisation des MJPM en en faisant un véritable corps de métier, […] en transformant le certificat national de compétence ouvrant droit à l’exercice de cette profession en un véritable diplôme de MJPM suivant la nomenclature licence-master-doctorat, […] en établissant un code de déontologie et en mettant en place des garanties procédurales plus strictes, comme par exemple l’obligation de déclarer les activités des conjoints, des ascendants et des descendants, et ce afin d’écarter toute suspicion de conflit d’intérêts » ([72]).

Les rapporteurs estiment que le renforcement du contrôle déontologique préalable à l’agrément est en effet indispensable pour préserver les droits des majeurs. Ils sont également favorables à la structuration d’une entité chargée d’élaborer un code de déontologie et pouvant être consultée par les autorités lors de l’élaboration des règles applicables aux MJPM.

Lors de leur rencontre avec les représentants de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) des Hauts-de-France à Lille, les rapporteurs ont pu constater que certaines collectivités avaient engagé des expérimentations en ce sens. Un « groupe régional de réflexion éthique » y a été mis en place depuis 2012 pour réunir magistrats, mandataires, médecins, représentants de l’État afin de mener des « réflexions quant aux orientations légales, judiciaires, administratives en matière de protection des majeurs et par rapport aux questions, notamment éthique, auxquelles sont confrontés, sur le terrain, les majeurs, les familles et plus généralement l’ensemble des partenaires de la protection des majeurs » ([73]).

c.   Revaloriser un métier exigeant

Pour le Défenseur des droits, « les MJPM souffrent d’un manque de reconnaissance de leur profession » aggravé par « la situation exsangue dans laquelle se trouvent la plupart des tribunaux du fait, notamment, de l’insuffisance de moyens dont ils disposent pour faire face à un nombre croissant de demandes d’ouverture d’une mesure de protection » ([74]). Les différentes associations rencontrées ont fait part du découragement de certains professionnels.

Les mandataires auditionnés ont signalé de longs retards dans le versement des rémunérations dues par l’État qui viennent s’ajouter à une tarification complexe. En outre, la rémunération qui leur est actuellement attribuée est incompatible avec un accompagnement accru des majeurs, qui exigerait davantage de temps pour l’exercice de chaque mesure.

Les représentants des avocats ont indiqué aux rapporteurs que le sujet de la protection juridique des majeurs est rarement abordé dans les cursus juridiques universitaires. Afin de susciter des vocations, il serait souhaitable que des enseignements consacrés au droit des majeurs protégés et des présentations des différents métiers qui y sont associés soient assurés dans le cadre des études de droit.

La rapporteure Caroline Abadie souscrit également à la proposition de la CNCDH de « pérenniser le rôle des préposés d’établissement à la protection juridique dans le secteur médico-social, en créant un statut de MJPM dans la fonction publique hospitalière » ([75]). L’accès s’y ferait par concours sur un grade de catégorie B minimum. La CNCDH recommande également une meilleure coordination entre les MJPM au sein d’un établissement et entre les établissements d’un même secteur sous la supervision des agences régionales de santé (ARS).

Proposition n° 14 : Confier à un groupe de travail l’élaboration des règles déontologiques de la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et associer étroitement ce groupe à l’élaboration des politiques publiques concernant les majeurs protégés.

Promouvoir la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs dans les cursus juridiques à l’université et prévoir une voie universitaire d’accès à la profession suivant la nomenclature licence-master-doctorat.

 

Proposition n° 15 de Mme Caroline Abadie : Pérenniser le rôle des « préposés d’établissement » en créant un statut de MJPM dans la fonction publique hospitalière et en incitant les diverses ARS à mieux superviser et coordonner les services de protection juridique.

 

2.   Garantir le droit à l’information des majeurs protégés et des personnes chargées d’exercer les mesures

L’information des majeurs et de leurs proches s’effectue en priorité lors de la procédure d’élaboration de la mesure ([76]). Il est toutefois nécessaire de prévoir des dispositifs d’information continue disponibles et adaptés au niveau de compréhension de chacun.

L’article 457-1 du code civil prévoit que « la personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection, selon des modalités adaptées à son état et sans préjudice des informations que les tiers sont tenus de lui dispenser en vertu de la loi, toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus de sa part ». Néanmoins cette information n’est pas toujours dispensée car la personne chargée de la protection n’est parfois pas en mesure d’éclairer le majeur. Il est donc primordial de fournir des sources d’informations accessibles.

Le Défenseur des droits et les associations familiales recommandent de revaloriser les services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux (SISTF) pour accompagner les familles voulant s’engager dans le cadre d’une habilitation familiale ou d’un mandat de protection future. Pour M. Paul Barincou, premier vice-président du tribunal d’instance de Lille, il serait souhaitable de développer les permanences des SISTF dans les tribunaux d’instance pour répondre aux interrogations des majeurs et de leurs accompagnateurs en amont et en aval des différentes procédures. Certains SISTF proposent déjà un accompagnement très complet avec différents outils : numéro gratuit, réunions d’information collective, rendez-vous individualisé. Ces initiatives pourraient être généralisées.

Quant aux majeurs eux-mêmes, il est indispensable qu’ils puissent accéder à une information la plus complète possible sur leur situation juridique. Or, comme l’a indiqué l’UNAPEI, « les procédures judiciaires et administratives concernant les majeurs vulnérables ne sont pas suffisamment claires et transparentes. Elles supposent une bonne connaissance du langage juridique. Les personnes protégées souffrent d’altération de leurs facultés intellectuelles et sont peu réceptives à ce langage » ([77]).

Certaines régions et départements ont renforcé les dispositifs d’information en direction des majeurs, de leurs proches et des professionnels. Dans les Hauts-de-France, la DRJSCS a créé avec le CREAI ([78]) un « espace régional de ressources sur la protection juridique des majeurs dont l’objectif est de favoriser la circulation de l’information, la connaissance et les liens entre différents dispositifs existants en région autour de la protection juridique » ([79]). Il s’agit d’un site internet ([80]) composé de différentes pages adaptées à chaque catégorie de visiteurs (usagers, familles, mandataires…).

Afin de faciliter les procédures engagées par les majeurs protégés, l’ensemble des documents fournis aux majeurs à propos de leur situation juridique et de l’exercice de leurs droits devraient être traduits et accessibles en « facile à lire et à comprendre » (FALC). Il s’agit de l’une des préconisations de la rapporteuse des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées à la suite de sa visite en France. Pour les rapporteurs, il s’agit d’un dispositif indispensable à l’expression de leur volonté et de leur consentement dans un contexte de dématérialisation croissante des procédures administratives.

Proposition n° 16 : Rendre obligatoire les explications en « facile à lire et à comprendre » afin de favoriser la compréhension des majeurs protégés lors de leurs démarches et de faciliter l’expression de leur consentement.

B.   soutenir les majeurs protÉgÉs dans l’exercice de leurs droits

1.   Le droit de vote

Alors que la loi du 5 mars 2007 avait prévu que le juge des tutelles statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote du majeur protégé chaque fois qu’il décide d’ouvrir ou de renouveler une mesure de tutelle, le principe du droit de vote des personnes sous tutelle a été reconnu, à la suite de l’abrogation de l’article L. 5 du code électoral par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Cette avancée a fait suite aux nombreuses critiques dont avaient fait l’objet les restrictions du droit de vote des personnes sous tutelle, au regard notamment de l’article 29 de la CIDPH, selon lequel les personnes handicapées doivent avoir le droit et la possibilité de voter ([81]). La reconnaissance du droit de vote des personnes sous tutelle paraissait d’autant plus nécessaire que, du fait des pratiques des médecins et des juges, la suppression du droit de vote était prononcée dans 83 % des placements sous tutelle.

Le droit de vote reconnu au majeur sous tutelle est encadré : ce dernier l’exerce personnellement et ne peut pas être représenté par la personne chargée de la mesure de protection le concernant. Il ne peut pas lui donner procuration, ni à une personne travaillant pour l’établissement de santé le prenant en charge, ni à un salarié qui accomplirait des services à la personne ([82]). Ces personnes ne peuvent pas non plus l’assister dans l’isoloir s’il est atteint d’une infirmité ([83]).

Ces dispositions visent à éviter qu’une influence ne s’exerce sur le vote du majeur. Des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende ont été prévues ([84]).

La mission d’information a débuté ses travaux alors même que l’Assemblée nationale examinait la question du droit de vote des personnes sous tutelle, dans le cadre du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Les rapporteurs ont ainsi pu mesurer, au cours des auditions des associations et des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, son importance pour les majeurs concernés.

Des questions se posent néanmoins sur l’effectivité du droit de vote reconnu à l’ensemble des majeurs protégés.

La reconnaissance du droit de vote des majeurs sous tutelle est d’effet immédiat. Les juges des tutelles ne peuvent donc plus prononcer la suppression de ce droit pour les nouvelles mesures. De plus, la loi a pour effet de restituer le droit de vote aux majeurs faisant déjà l’objet d’une mesure de tutelle et qui en avaient été privés ([85]).

Cependant, l’inscription de ces personnes sur les listes électorales ne peut pas être automatique. Selon le droit commun, le délai d’inscription pour pouvoir voter aux élections européennes était le 31 mars 2019. Cependant, l’article L. 30 du code électoral, qui autorise les personnes ayant recouvré l'exercice du droit de vote dont elles avaient été privées par l’effet d’une décision de justice à s’inscrire jusqu’à dix jours avant le scrutin (soit le 16 mai dernier pour les élections européennes), a pu s’appliquer aux majeurs sous tutelle, sous réserve qu’ils produisent le jugement de tutelle.

L’inscription sur les listes électorales suppose que le majeur dispose d’une information et accomplisse la démarche auprès de la mairie du lieu de son domicile. Cette inscription peut cependant se faire par l’intermédiaire d’un mandataire, qui peut être le tuteur. À cette fin, une affiche d’information relative au droit de vote des personnes sous tutelle a été diffusée aux acteurs concernés (associations tutélaires, préfets, maires...).

Se pose ensuite la question des modalités d’exercice du droit de vote, qui doivent garantir son effectivité pour les majeurs protégés.

Il s’agit tout d’abord de garantir l’accessibilité des campagnes électorales, de manière à ce que les majeurs protégés bénéficient d’une information adaptée. Les représentants du ministère de l’Intérieur entendus par les rapporteurs ont indiqué que, pour des raisons budgétaires, il n’était pas envisagé de dupliquer la propagande électorale sous format papier en « facile à lire et à comprendre » mais que les candidats étaient incités à déposer ce type de propagande sous forme dématérialisée, sur le site internet dédié du ministère de l’Intérieur ([86]), ce qui permet notamment d’y accéder par des logiciels de lecture audio.

Les rapporteurs estiment qu’il convient d’aller au-delà de l’incitation et de rendre obligatoire, pour chaque élection, la mise à disposition par les candidats d’une propagande électorale en « facile à lire et à comprendre », sous forme électronique.

Proposition 17 : Rendre obligatoire, pour chaque élection, la mise à disposition par les candidats d’une propagande électorale en « facile à lire et à comprendre », sous forme électronique.

Il s’agit ensuite de l’accessibilité des locaux et des opérations matérielles de vote. Le code électoral comprend à cet égard différentes dispositions relatives au vote des personnes handicapées.

Dispositions du code électoral relatives au vote des personnes handicapées

Art. L. 62-2 : Les bureaux et les techniques de vote doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit le type de ce handicap, notamment physique, sensoriel, mental ou psychique, dans des conditions fixées par décret.

Art. D. 56-1 : Les locaux où sont implantés les bureaux de vote doivent être accessibles, le jour du scrutin, aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap.

Les personnes handicapées, notamment celles qui se déplacent en fauteuil roulant, doivent pouvoir, dans des conditions normales de fonctionnement, y pénétrer, y circuler et en sortir, le cas échéant au moyen d’aménagements provisoires ou permanents.

Art. L. 64 : Tout électeur atteint d’infirmité certaine et le mettant dans l’impossibilité d'introduire son bulletin dans l'enveloppe et de glisser celle-ci dans l’urne ou de faire fonctionner la machine à voter est autorisé à se faire assister par un électeur de son choix.

Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l’émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : " l’électeur ne peut signer lui-même ".

Art. D. 61-1 : Les techniques de vote doivent être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit le type de ce handicap. Le président du bureau de vote prend toute mesure utile afin de faciliter le vote autonome des personnes handicapées.

Des outils pour faciliter le vote des personnes handicapées existent, comme les trois mémentos établis par le ministère des Affaires sociales et de la santé en 2014, à l’intention des organisateurs de scrutin, des candidats et des médias d’information ([87]).

Au-delà de ces efforts d’information, qu’il convient de saluer, se posent de nombreuses questions pratiques pour que l’exercice du droit de vote puisse être garanti. Les rapporteurs souscrivent à cet égard aux recommandations formulées par le Défenseur des droits en 2015 sur l’accès aux bureaux de vote et aux techniques de vote des personnes handicapées ([88]). Ils soulignent en particulier la nécessité de mettre en œuvre des solutions facilitant l’accès au vote des personnes souffrant d’un handicap visuel, comme la mise en œuvre de flash codes sur les bulletins, recommandée par le Défenseur des droits, ou l’utilisation du braille pour désigner les piles de bulletins.

Proposition n° 18 : Appliquer l’intégralité des recommandations du Défenseur des droits sur l’accès au vote des personnes handicapées.

Mettre en œuvre des solutions facilitant l’accès au vote des personnes souffrant d’un handicap visuel, telles que des flash codes sur les bulletins ou l’utilisation du braille pour désigner les piles de bulletins.

 

Recommandations du Défenseur des droits sur l’accès au vote des personnes handicapées (mars 2015)

– Veiller, le jour du scrutin, à l’accessibilité de l’ensemble de la chaîne de déplacement (transport, voirie, cheminement, stationnement, implantation du bureau de vote) ;

– en l’absence de fonctionnement du service de transport collectif le jour du scrutin, de mettre en place des dispositifs de transport de substitution pour permettre aux personnes handicapées de se rendre au bureau de vote ;

– permettre, à titre dérogatoire, à la personne handicapée qui justifie de difficultés de déplacement, d’être inscrite dans le bureau de vote le plus proche de son domicile ;

– prévoir, le jour du scrutin, au-delà du quota de stationnement réservé obligatoire, des espaces de stationnement dédiés aux personnes à mobilité réduite (personnes handicapées, personnes âgées…) dans un périmètre rapproché du bureau de vote et desservis par un cheminement accessible ;

– installer prioritairement les bureaux de vote dans les établissements recevant du public répondant d’emblée aux exigences d’accessibilité et permettant, à ce titre, à la personne handicapée d’y accéder et d’y circuler en toute autonomie ;

– prévoir, dans chaque bureau de vote, un assesseur dédié à l’accueil et à l’accompagnement des personnes handicapées et des personnes âgées afin de les aider, dès lors qu’elles en font la demande, dans les différentes étapes du vote.

 préciser, par arrêté ministériel, les normes techniques d’accessibilité applicables aux équipe­ments et techniques de vote et faisant, actuellement, l’objet de simples recommandations ministérielles ;

– engager, ainsi qu’il le recommandait déjà en 2012, une étude sur la possibilité d’apposer un flash code sur les bulletins de vote afin de permettre aux électeurs non-voyants ou malvoyants, équipés d’un scanner, de les identifier ;

– disposer devant chaque pile de bulletins de vote, un chevalet comportant, en caractères très lisibles, le nom du candidat (format A4 cartonné) ;

– mettre en place une signalétique adaptée ainsi qu’un chemin de guidage visuel sur l’ensemble du parcours ;

– veiller au respect des dispositions définies par l’arrêté du 17 novembre 2003 portant approbation du règlement technique fixant les conditions d’agrément des machines à voter.

– rappeler, avant chaque élection, aux membres du bureau de vote, et en particulier au président, leurs obligations en matière d’accès au vote des personnes handicapées ;

– mettre en place, à destination des membres du bureau de vote, des actions de sensibilisation à l’accueil des personnes handicapées.


2.   Les droits des majeurs protégés en matière médicale

a.   Le consentement aux soins

La loi du 5 mars 2007 a consacré le principe d’autonomie de la personne, à travers l’article 459 du code civil, selon lequel « hors les cas prévus à l’article 458, la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ». L’article 458 définit quant à lui le régime des actes strictement personnels ne pouvant donner lieu à assistance ou représentation ([89]).

Cependant, ces principes ne s’appliquent pas dans le domaine médical, l’article 459-1 du code civil disposant que « l’application de la présente sous-section ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles prévoyant l’intervention d’un représentant légal ».

Ainsi que l’a relevé la CNCDH dans son avis de 2015 sur le consentement des majeurs vulnérables, « des difficultés subsistent, notamment au plan médical, du fait de la primauté, en la matière, du code de la santé publique sur le code civil, alors même que les dispositions prévues dans le code de la santé publique sur la question du consentement aux soins médicaux n’ont pas été réformées depuis 2002, et qu’elles sont donc antérieures et moins avancéesque les dispositions prévues par le code civil ».

Les règles relatives aux décisions concernant des majeurs protégés en matière de santé sont donc définies spécifiquement par le code de la santé publique, qui ne prend pas en compte les principes du code civil issus de la loi du 5 mars 2007. La complexité de ce régime est une source de difficultés pratiques pour les médecins et les hôpitaux.

L’absence d’harmonisation des deux codes pose tout d’abord des difficultés s’agissant de la terminologie. Le code de la santé publique fait presque exclusivement référence à la notion de tuteur, et n’appréhende pas la représentation de la personne dans le cadre du mandat de protection future et de l’habilitation familiale car ces dispositifs sont postérieurs à la loi  2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

L’article L. 1111-2 du code de la santé publique prévoit un droit d’information du tuteur en matière médicale, qui ne connaît pas de restrictions, tandis qu’en parallèle les majeurs sous tutelle « ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée [...] à leurs facultés de discernement. » L’article L. 1111-7 du même code, relatif à l’accès au dossier médical, prévoit quant à lui un droit d’accès total de la personne chargée de l’exercice de la mesure de protection juridique lorsqu’elle est habilitée à assister ou représenter le majeur s’agissant des actes relatifs à sa personne.

De manière parallèle s’agissant du consentement aux soins, l’article L. 1111-4 prévoit que « le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de lautorité parentale ou par le tuteur risque dentraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables. »

Ces dispositions posent plusieurs difficultés :

– contrairement au droit commun, selon lequel toute personne peut refuser un traitement, le refus du majeur sous tutelle n’est pas envisagé ;

– seul le cas de refus des soins par le tuteur est cité ce qui implique a contrario la nécessité d’une autorisation du tuteur, quelle que soit la capacité du majeur de consentir lui-même et sans distinction selon la gravité de l’acte. Par cohérence avec le code civil, le consentement du tuteur ne doit s’imposer que si la mesure de tutelle s’étend à la protection de la personne mais cela n’est pas précisé par le code de la santé publique.

Les auditions ont fait ressortir les difficultés pratiques posées par l’exigence d’autorisation du tuteur, qui implique que les médecins aient connaissance de la mesure de protection, identifient le tuteur et le contactent avant d’accomplir l’acte médical. En cas d’urgence, le médecin peut donner les soins nécessaires même si le tuteur n’a pas pu être prévenu ([90]). En revanche, des difficultés peuvent surgir dans des contextes d’urgence relative, dans lesquels les médecins peuvent être contraints de retarder une intervention, dans l’attente du consentement du tuteur.

Dans un souci de simplification, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié le régime des actes médicaux ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle, pour lesquels l’autorisation du juge des tutelles était auparavant requise, en plus du consentement du tuteur. Cette disposition posait en effet de nombreuses difficultés d’interprétation, le législateur n’ayant pas défini la notion d’ « acte médical portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle ». Ce n’est désormais qu’en cas de désaccord entre le majeur protégé et son représentant que le juge devra se prononcer, sauf urgence.

Les questions et difficultés posées par le décalage entre les dispositions du code civil et celles du code de la santé publique sont nombreuses. Cette situation a conduit le législateur, dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, à habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, toute mesure visant à modifier les dispositions fixant les conditions dans lesquelles est prise une décision portant sur la personne d’un majeur qui fait l’objet d’une mesure de protection juridique et, selon les cas, intervenant notamment en matière de santé ([91]).

Les rapporteurs estiment que ces mesures devraient permettre de redéfinir le rôle attribué au tuteur, qui est actuellement excessif. En effet, le consentement obligatoire du tuteur n’est pas cohérent avec le régime des actes personnels défini par le code civil, selon lequel la personne prend seule les décisions la concernant dans la mesure où son état le permet. Les rapporteurs préconisent donc d’autoriser le majeur sous tutelle à consentir seul aux actes médicaux, dans la mesure où son état le permet. Comme pour les actes personnels relevant du code civil, le juge pourrait préciser à l’ouverture de la mesure, ou au cours de son exécution, si la personne peut décider seule.

Dans les cas où le majeur ne peut pas exprimer sa volonté (notamment s’il est inconscient), l’articulation entre le rôle du tuteur et celui de la personne de confiance devrait être revue. En effet, si la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 a permis la désignation d’une personne de confiance par un majeur sous tutelle, sous réserve de l’autorisation du juge (ou de sa confirmation si celle-ci a été désignée avant l’ouverture de la mesure), son rôle reste actuellement trop limité par rapport à celui du tuteur. Il ne paraît en effet pas cohérent que le tuteur représente le majeur si celui-ci a désigné une personne de confiance, qui, selon le droit commun, doit être consultée lorsqu’une personne est hors d’état d’exprimer sa volonté et rendre compte de la volonté de cette dernière ([92]).

Le rôle du tuteur est cependant plus limité dans le contexte de la fin de vie de la personne protégée. En effet, c’est alors la procédure collégiale de droit commun qui s’applique, le tuteur devant simplement être consulté, sauf si l’urgence rend impossible cette consultation ([93]). Les majeurs protégés peuvent rédiger des directives anticipées mais les personnes placées sous tutelle doivent y avoir été autorisées par le juge. Le tuteur ne peut ni les assister ni les représenter pour cet acte ([94]).

Proposition n° 19 : Mettre en cohérence les règles du code de la santé publique relatives au consentement aux soins médicaux avec celles du code civil relatives aux actes personnels, en autorisant le majeur sous tutelle à consentir seul aux actes médicaux, dans la mesure où son état le permet.

Lorsque le majeur est hors d’état d’exprimer sa volonté, faire prévaloir l’avis de la personne de confiance éventuellement désignée sur celui du tuteur.

 

b.   Les actes médicaux spécifiques

Le code de la santé publique définit des règles spécifiques s’agissant de certaines catégories d’actes médicaux, prévoyant une protection accrue à l’égard des majeurs protégés.

Il s’agit tout d’abord des actes réalisés pour autrui. Le don de sang est ainsi interdit pour toute personne faisant l’objet d’une mesure de protection légale ([95]). Sont également interdits le don d’organe du vivant de la personne et le don de tissus ou cellules ([96]), à l’exception du don des cellules issues de la moelle osseuse, qui peut être autorisé au bénéfice du frère ou de la sœur du majeur ([97]). La participation de majeurs sous tutelle à des recherches biomédicales est quant à elle soumise à des conditions très strictes ([98]).

Le prélèvement d’un organe post-mortem est soumis à l’autorisation du tuteur ([99]), alors que le code civil prévoit que la mesure prend fin après le décès.

La stérilisation à visée contraceptive des personnes sous tutelle fait également l’objet de règles spécifiques ([100]). Elle doit en particulier être autorisée par le juge après consultation d’un comité d’experts.

À l’inverse, aucune disposition spécifique n’est prévue s’agissant des femmes majeures sous tutelle en matière d’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui pourrait être considérée comme un acte strictement personnel au sens de l’article 458 du code civil ([101]).

S’agissant du recours à la procréation médicalement assistée (PMA), il n’est pas prévu de règles particulières pour les majeurs protégés, à l’exception du cas où les gamètes sont recueillis ou conservés lorsqu’une prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité de la personne, pour lequel une autorisation du tuteur est requise ([102]). Cette règle particulière ne paraît pas cohérente avec le régime général de la PMA, qui devrait être dans son ensemble considérée comme un acte strictement personnel.

Les rapporteurs estiment que le renforcement de l’autonomie des majeurs sous tutelle devrait également s’étendre à certains actes faisant l’objet de règles spécifiques du code de la santé publique. En particulier, ils sont favorables à l’autorisation du don de sang par les majeurs protégés.

Proposition n° 20 : Faire évoluer le régime des actes médicaux spécifiques afin de permettre une plus grande autonomie des majeurs protégés ; autoriser en particulier le don du sang.

Les rapporteurs souhaitent également l’ouverture d’une réflexion sur l’autorisation du don d’organes du vivant de la personne, en faveur de ses proches, qui fait l’objet en droit commun de garanties très strictes.

La personne doit en effet avoir été informée préalablement des risques encourus par un comité d’experts, puis exprimer son consentement devant le président du tribunal de grande instance ou le magistrat désigné par lui, qui s’assure au préalable que le consentement est libre et éclairé. Lorsque le donneur n’est pas le père ou la mère du receveur, mais un autre de ses proches, le prélèvement doit être autorisé par le comité d’experts ([103]).

Des garanties spécifiques sont prévues s’agissant du don des cellules issues de la moelle osseuse par une personne faisant l’objet d’une mesure de protection légale au bénéfice de son frère ou de sa sœur, autorisé à titre dérogatoire en l’absence d’autre solution thérapeutique. Si la personne est placée sous tutelle ou si le juge des tutelles estime qu’elle n’a pas la faculté de consentir au prélèvement, celui-ci est subordonné à l’autorisation du juge des tutelles, qui se prononce après avoir recueilli l'avis de la personne concernée lorsque cela est possible, du tuteur et du comité d'experts. Dans les autres cas, la procédure de droit commun s’applique ([104]).

Le rapporteur Aurélien Pradié considère que le don d’organes en faveur des proches pourrait être autorisé pour l’ensemble des majeurs protégés, selon la procédure de droit commun, très protectrice de la volonté du patient. En cas de doute sur le consentement de la personne, le président du tribunal de grande instance pourrait néanmoins solliciter l’avis du juge des tutelles.

La rapporteure Caroline Abadie estime que le don d’organes par des personnes faisant l’objet d’une mesure de tutelle devrait rester exclu, compte tenu de leur plus grande vulnérabilité.

Proposition n° 21 de M. Aurélien Pradié : Autoriser le don d’organes de leur vivant, en faveur de leurs proches, par les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection légale.

 

Proposition n° 21 bis de Mme Caroline Abadie : Ouvrir une réflexion sur l’autorisation du don d’organes de leur vivant, en faveur de leurs proches, par les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection légale, à l’exception des majeurs placés sous tutelle.

 

c.   L’hospitalisation sans consentement

L’hospitalisation sans consentement des majeurs protégés est également source de difficultés. En effet, l’obligation d’information du tuteur ou du curateur ne s’impose qu’au moment de la convocation du majeur à l’audience par le juge des libertés et de la détention, qui doit avoir lieu dans les douze jours suivant l’hospitalisation ([105]). Il serait souhaitable que cette obligation d’information intervienne dès l’hospitalisation du majeur protégé, afin que le mandataire puisse accomplir sa mission de protection et être associé aux décisions concernant le majeur, notamment la préparation de sa sortie de l’établissement.

Proposition n° 22 : Prévoir une obligation d’information immédiate du tuteur ou du curateur en cas d’hospitalisation sans consentement du majeur et l’associer aux décisions concernant le majeur, notamment la préparation de sa sortie de l’établissement.

3.   L’effectivité des droits dans les démarches du quotidien

a.   Les relations avec les banques

L’article 427 du code civil organise la protection des comptes bancaires des majeurs protégés. Ces derniers ont le droit de conserver leurs comptes ouverts avant le prononcé de la mesure de protection et d’en percevoir les fruits. La loi du 5 mars 2007 a visé à mettre fin à la pratique des « comptes-pivots » par lesquels les mandataires regroupaient les revenus des majeurs. Le mandataire ne peut procéder à l’ouverture d’un nouveau compte dans un autre établissement qu’avec l’autorisation du juge, dans l’intérêt du majeur.

La circulaire de la DACS du 9 février 2009 précise que cet intérêt doit s’apprécier au regard de la personnalité du majeur, qui ne doit pas être perturbé par un changement de ses habitudes, mais aussi de facteurs économiques, la dispersion des comptes étant génératrice de coûts.

Cependant, la Cour des comptes relevait dans son rapport de 2016 qu’« un grand nombre de mandataires ouvrent systématiquement, avec l’autorisation du juge, un nouveau compte bancaire pour le majeur. De surcroît, ils accordent ce faisant un quasi-monopole à un ou deux établissements bancaires. Les mandataires motivent généralement ces partenariats privilégiés par la bonne connaissance qu’ont ces établissements de la population concernée, mais aussi le bénéfice du télétraitement que les établissements leur accordent. ». Les majeurs protégés ne disposent donc que rarement du choix de leur établissement bancaire.

De plus, il est fréquent que les majeurs rencontrent des difficultés dans leurs relations avec les banques, qui dans l’ensemble n’ont pas une connaissance suffisante des dispositions, certes complexes, relatives à la protection des majeurs. Les pouvoirs du majeur et du mandataire varient en effet selon les opérations bancaires et selon le régime de protection ([106]). Il arrive par exemple que les banques refusent que le majeur sous curatelle accomplisse certains actes seul, alors que les textes l’y autorisent. Si certaines banques disposent d’agences ou de conseillers spécialisés, ces services s’adressent aux mandataires et non aux majeurs eux-mêmes. Il est ainsi révélateur que l’enquête de satisfaction menée en 2017 ([107]) ait porté uniquement sur les relations entre les banques et les mandataires, sans que les majeurs eux-mêmes aient été interrogés.

Les difficultés concernent par exemple les moyens de retrait d’espèces, alors que la mise à disposition de l’argent de vie est un élément très important pour les majeurs protégés. Lorsque la personne n’est pas capable de mémoriser un code, il n’est désormais plus possible pour elle de retirer de l’argent au guichet et, selon les informations communiquées aux rapporteurs, deux banques seulement proposent des cartes bancaires sans code. De nombreuses banques proposent en revanche des cartes avec plafonds de retrait ou contrôle du solde, voire des cartes rechargeables par le mandataire.

Le majeur peut également rencontrer des difficultés pour consulter ses comptes, alors qu’il en a parfaitement le droit. Les banques privilégient en effet l’envoi des relevés bancaires aux mandataires, qui bénéficient également de l’accès aux services numériques, tandis que les majeurs protégés n’y accèdent que rarement. Le majeur peut également se voir refuser la consultation de ses relevés au guichet, du fait d’une méconnaissance de ses droits.

Ces difficultés pratiques peuvent être un obstacle important à l’autonomie de la personne. Les rapporteurs recommandent donc la constitution d’un groupe de travail réunissant les banques, des majeurs protégés et les représentants des MJPM, afin d’établir une charte des relations entre les banques et les majeurs protégés. Par cette charte, les banques devront notamment s’engager à :

– disposer d’un service dédié, en mesure de répondre directement aux questions des majeurs protégés eux-mêmes et des MJPM ;

– mettre à disposition des majeurs des instruments de paiement et de retrait adaptés à leurs besoins ;

– mettre en œuvre des actions de formation de leurs employés aux droits des majeurs protégés.

De leur côté, les établissements bancaires rencontrent parfois des difficultés dans l’interprétation de leurs obligations. Ils ne savent pas toujours quelles autorisations sont nécessaires pour quel acte. Afin de leur permettre de mieux discerner les actes relevant des majeurs protégés eux-mêmes ou des personnes chargées de leur protection, il conviendrait donc de préciser les termes du décret du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine.

Proposition n° 23 : Constituer un groupe de travail réunissant les banques, des majeurs protégés et les représentants des MJPM afin d’établir une charte des relations entre les banques et les majeurs protégés. Par cette charte, les banques devront notamment s’engager à :

– mieux prendre en compte les besoins spécifiques de majeurs protégés, notamment par la mise en place de services spécialisés, s’adressant aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs ainsi qu’aux majeurs protégés eux-mêmes, et la mise à disposition d’instruments de paiement et de retrait adaptés ;

– engager des actions de formation de leurs employés aux droits des majeurs protégés.

Préciser les termes du décret du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine pour clarifier les autorisations devant être demandées par les établissements bancaires pour les différents actes.

b.   Les relations avec les administrations

Du fait d’un manque de formation des agents des services publics, les majeurs protégés se trouvent pénalisés dans de nombreuses démarches, ce qui constitue une forme de discrimination à leur égard. Les personnes entendues ont souligné que les différents acteurs avec lesquels les majeurs entrent en relation ont tendance à privilégier la sécurité en s’adressant directement aux mandataires et en demandant systématiquement leur autorisation pour des démarches qui ne l’imposent pas. Des cas de refus de dépôt de plainte ont été cités lors des auditions, alors que la personne protégée est autorisée à déposer plainte seule. Ce droit doit donc être réaffirmé.

Les difficultés rencontrées peuvent aussi résulter de textes inadaptés. Le Défenseur des droits a ainsi saisi le Gouvernement d’une demande d’abrogation de l’article 4-4 du décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale didentité, selon lequel la demande de carte nationale d’identité d’un majeur sous tutelle doit être présentée par son tuteur. Cet article paraît en effet discriminatoire, alors que l’article 18 de la CIDPH prévoit que les personnes handicapées doivent avoir la capacité d’obtenir des titres d’identité.

Selon les rapporteurs, la protection juridique d’un majeur vulnérable ne doit avoir pour seul objet que de protéger la personne et non de lui retirer sa capacité juridique. Rien ne justifie de lui interdire de procéder seule à certains actes administratifs comme la demande de carte d’identité.

La mention de la mesure de protection ou des coordonnées du mandataire sur des documents administratifs ou bancaires peut également être discriminatoire lorsque ces documents doivent être transmis à des tiers pour différentes démarches.

Au-delà de ces exemples, les auditions ont mis en évidence le manque de respect du droit à l’information des majeurs protégés de la part des administrations, celles-ci ayant tendance à s’adresser directement aux mandataires. L’accès à l’information ainsi que les démarches par internet sont également problématiques pour les majeurs protégés, qui ne disposent pas toujours des ressources et des capacités nécessaires. La question de l’utilisation des identifiants a également été soulevée : pour certains organismes, dès lors que la personne est placée sous protection, seul le mandataire peut les utiliser.

Les lieux d’accueil physique et les interactions humaines sont aujourd’hui davantage adaptés pour permettre aux majeurs protégés d’effectuer leurs démarches de manière autonome. C’est la raison pour laquelle les rapporteurs, bien conscients du caractère irrémédiable de la dématérialisation, souhaitent préserver des lieux d’accueil physique et des interactions humaines dans l’attente que les procédures en ligne soient pleinement adaptées aux facultés de compréhension des majeurs protégés.

Enfin, certaines personnes entendues par les rapporteurs ont regretté la tendance des travailleurs sociaux à se désengager de l’accompagnement des personnes dès lors que celles-ci sont placées sous protection, alors que, du fait de leur charge de travail, les mandataires n’ont que peu de temps à consacrer à cet accompagnement.

Pour remédier à ces difficultés, les rapporteurs estiment nécessaire de développer, de manière générale, la formation des agents des services publics à la protection des majeurs, et de rendre cette formation obligatoire pour les agents ayant des fonctions les amenant à entrer en relation de manière habituelle avec des majeurs protégés. Il est également nécessaire de développer l’accompagnement des majeurs protégés par les travailleurs sociaux, notamment pour leurs démarches administratives.

Proposition n° 24 : Développer la formation des agents des services publics s’agissant des droits des majeurs protégés et la rendre obligatoire pour les agents ayant des fonctions les amenant à entrer en relation de manière habituelle avec des majeurs protégés.

Renforcer l’accompagnement des majeurs protégés par les travailleurs sociaux, notamment pour leurs démarches administratives.

Garantir l’effectivité du droit des majeurs protégés à porter plainte.

Autoriser les majeurs sous tutelle à déposer seuls une demande de carte d’identité.

 


C.   Renforcer les moyens de contrÔle

1.   La détection des maltraitances notamment dans les établissements

Pour la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, il est essentiel de veiller aux restrictions portées par les établissements aux libertés des majeurs protégés.

Lors de sa visite en France en octobre 2017, elle constatait que « malgré leur hétérogénéité en termes de taille, d’appellation et d’organisation, [les établissements] ont en commun le fait de séparer et d’isoler les personnes de la communauté, violant leur droit de choisir et maîtriser leur mode de vie et d'accompagnement, tout en limitant considérablement leurs décisions au quotidien » ([108]). En effet, une fois installés dans un établissement, les majeurs protégés peuvent difficilement faire valoir leur droit à choisir leur lieu de vie et à maintenir leurs relations personnelles.

Certaines pratiques aggravent ce phénomène. Il a été indiqué aux rapporteurs que certains établissements exigent, pour des raisons de solvabilité, que la personne soit placée sous une mesure de protection pour lui accorder une place. À leurs yeux, il est inacceptable que l’exercice des droits fondamentaux de certains citoyens puisse être restreint dans le seul but de garantir la solvabilité financière de la personne concernée.

La question des majeurs protégés hébergés en Belgique

Environ 2 000 majeurs protégés sont hébergés dans des établissements en Belgique, généralement à proximité de la frontière française. Ce phénomène s’explique par la disponibilité, le moindre coût et la qualité de ces établissements.

D’après les auditions menées à deux reprises à Lille, les majeurs concernés sont originaires de l’ensemble du territoire français. Les juges qui les suivaient habituellement se désaisissent souvent en faveur des tribunaux d’instance des Hauts-de-France, ce qui pose des difficultés quant à la reprise des dossiers.

Le suivi est d’autant plus difficile à assurer que le juge ne peut pas se déplacer ni contrôler les établissements belges, a fortiori lorsque ceux-ci sont situés en zone non-francophone. Quant aux mandataires, ils sont confrontés à des difficultés pratiques, en premier lieu l’éloignement et le changement de cadre juridique, qui perturbent la qualité du suivi et donc la protection des droits des majeurs.

Les établissements sont au cœur des débats sur la maltraitance depuis que les dysfonctionnements de certains EHPAD et établissements de santé ont été documentés. Ainsi, dans son avis du 22 mai 2018 ([109]), la CNCDH « s’est alarmée des maltraitances structurelles que produit notre système de santé sous pression et de la situation particulièrement inquiétante dans les structures médico-sociales accueillant de nombreux majeurs protégés » ([110]).

Le contrôle interne des établissements est aujourd’hui limité par la diversité des acteurs participant à leur gouvernance. Les départements et l’État, via les agences régionales de santé (ARS), exercent un contrôle sur le pilotage au moyen de la tarification. En revanche, les départements n’ont pas de pouvoir ni sur la nomination du directeur, ni sur l’organisation des services.

L’ensemble des établissements de santé peuvent être soumis à des contrôles externes. Les ARS organisent des missions d’inspection dans le cadre de plans d’inspection prédéfinis ou à la suite de signalements de maltraitance, parfois reçus par l’intermédiaire des délégués du Défenseur des droits.

Lors de ses contrôles, l’ARS des Hauts-de-France a pu constater que les établissements ont une connaissance insuffisante du fonctionnement des mesures de protection et des procédures de consentement aux soins des personnes vulnérables. Les établissements médico-sociaux disposent rarement des services juridiques suffisants et leur personnel est insuffisamment formé et informé sur ces problématiques. Par exemple, dans les EHPAD, seul le médecin coordinateur bénéficie d’une formation particulière tandis que les autres médecins intervenant depuis l’extérieur ne sont soumis à aucune obligation.

Lorsque les ARS reçoivent une plainte, elles adressent d’abord une requête à l’établissement, veillent à l’amélioration de la situation, puis, en dernier recours, déclenchent une inspection. Lors de cette dernière étape, il apparaît nécessaire de prévoir de nouveaux moyens de contrôles.

Néanmoins, les rapporteurs s’inquiètent que les contrôles sur place des établissements soient insuffisants pour déceler des situations de maltraitance, ni a fortiori pour vérifier le respect des droits fondamentaux. En effet, les ARS se concentrent en priorité sur la sécurité physique et sanitaire des personnes hébergées et ne disposent pas toujours en interne des compétences nécessaires au contrôle spécifique du respect des droits fondamentaux.

Deux autorités administratives indépendantes semblent avoir l’expertise requise : le Défenseur des droits et son important réseau de délégués et la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) dont la mission première est le contrôle du respect des droits fondamentaux dans les établissements. Toutefois, les établissements médico-sociaux ne peuvent être qualifiés de lieux de privation de liberté puisque, à l’exception des personnes faisant l’objet d’une hospitalisation sans consentement, les personnes qui y sont hébergées y ont consenti.

Pour permettre un contrôle des établissements recevant des majeurs protégés, il serait donc nécessaire d’étendre les compétences du CGLPL telles qu’elles sont prévues par la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007. Compte tenu du nombre d’établissements médico-sociaux en France, une telle évolution du champ de contrôle du CGLPL risquerait toutefois de déséquilibrer son activité dont la priorité doit rester la protection des droits des personnes privées de liberté.

Les rapporteurs recommandent de créer un Défenseur des droits des majeurs protégés, adjoint au Défenseur des droits, chargé de réceptionner l’ensemble des saisines relatives à des atteintes aux droits fondamentaux des majeurs sous protection judiciaire. Il pourra s’appuyer sur l’expertise et les prérogatives des équipes du CGLPL pour contrôler des établissements dans lesquels plusieurs manquements auraient été signalés. Cela impliquerait un renforcement des équipes du CGLPL.

Proposition n° 25 : Créer un Défenseur des droits des majeurs protégés, adjoint au Défenseur des droits, chargé de réceptionner l’ensemble des plaintes relatives à des atteintes aux droits fondamentaux des majeurs sous protection judiciaire.

Prévoir que le Défenseur des droits des majeurs protégés puisse mobiliser les équipes du Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) pour effectuer des visites dans les établissements afin de détecter des maltraitances et d’opérer des contrôles ponctuels du respect des droits fondamentaux.

2.   Le contrôle administratif des mandataires judiciaires à la protection des majeurs

L’article L. 472-10 du code de l’action sociale et des familles prévoit que le représentant de l’État dans le département exerce un contrôle de l’activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Ce contrôle administratif, effectué par des inspecteurs de l’action sanitaire et sociale, respecte les compétences respectives du juge des tutelles, du procureur de la République et des greffes qui contrôlent pour leur part les actes de gestion.

Le contrôle administratif a pour objet de s’assurer que le mandataire respecte les lois et les règlements et que la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral de la personne protégée ne sont pas menacés ou compromis par les conditions d'exercice de la mesure de protection. Ce contrôle peut faire suite à la délivrance d’un agrément, s’inscrire dans une action de lutte contre la maltraitance ou intervenir en réaction à un signalement.

En cas de dysfonctionnement, le juge des tutelles est averti et le préfet peut adresser une injonction puis, dans un second temps, retirer l’agrément. Pour les rapporteurs, ce contrôle doit prendre davantage en considération la question du respect des droits fondamentaux, même si leur violation n’est pas systématiquement perçue comme une maltraitance ou un défaut de gestion. Ce contrôle exigera une formation spécifique des inspecteurs mais elle est indispensable pour placer les droits fondamentaux au cœur de l’exercice de la mesure.

Proposition n° 26 : Placer les droits fondamentaux au cœur du contrôle administratif des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

3.   Le contrôle des comptes de gestion

Le juge des tutelles et le procureur de la République exercent une mission de surveillance générale des mesures de protection.

Aux termes de l’article 503 du code civil, le tuteur ou le curateur désigné doit faire procéder à l’inventaire des biens de la personne concernée. Cet inventaire doit être actualisé et complété par un budget prévisionnel. Depuis la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le budget prévisionnel doit également être transmis au juge des tutelles, sous peine de sanction ([111]).

Le tuteur doit également établir chaque année un compte de gestion ([112]) qui est contrôlé par les services de greffe. Dans son rapport sur la protection juridique des majeurs, la Cour des comptes constatait qu’ « exception faite de quelques greffes, la procédure d’examen des comptes rendus est largement inopérante. Il s’agit d’une situation alarmante et gravement préjudiciable aux personnes protégées comme aux mandataires » ([113]). Il arrive que les comptes de gestion ne soient pas déposés pendant plusieurs années ou bien qu’ils restent très lacunaires.

Il existe une disproportion manifeste entre le nombre de mesures en cours et les capacités de suivi des juges d’instance et des greffes des tribunaux d’instance. Ces derniers ont pour mission de contrôler les inventaires, les comptes annuels et les budgets prévisionnels des majeurs. Or, ils ne disposent ni des effectifs, ni parfois des compétences nécessaires – notamment en comptabilité – pour détecter efficacement des abus. Dans sa contribution, la CNPR présente la situation du tribunal d’instance de Clermont-Ferrand : « L'exemple de Clermont-Ferrand est édifiant à cet égard. Actuellement 2 ETPT de magistrats et 7,5 ETPT de greffiers sont consacrés à la gestion des presque 6 000 dossiers de majeurs protégés et 0,5 ETPT de greffier en chef est consacré au contrôle de gestion » ([114]).

L’article 30 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice fait évoluer le contrôle de gestion par les greffes vers un contrôle de gestion dit « interne » confié au subrogé tuteur, au co-tuteur ou au conseil de famille. Lorsque l’importance et la composition du patrimoine de la personne protégée le justifient ou lorsque le contrôle interne des comptes de gestion ne peut être réalisé, le juge désigne, dès réception de l’inventaire du budget prévisionnel, un professionnel qualifié chargé de la vérification et de l’approbation des comptes.

S’il est averti d’un dysfonctionnement, le juge des tutelles peut demander toute justification ou information qu’il juge utile, rendre visite ou faire visiter les personnes protégées et diligenter des enquêtes sociales.

Proposition n° 27 : Renforcer significativement les moyens consacrés aux greffes pour le contrôle des comptes de gestion.


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IV.   Mettre en œuvre une vÉritable politique publique pour prendre en compte la problÉmatique des majeurs vulnÉrables

A.   RemÉdier À la coordination insuffisante des acteurs

1.   Au niveau local

L’évolution du système français de protection juridique des majeurs est freinée par les difficultés de pilotage des politiques publiques relatives aux majeurs. Au niveau local, les différents intervenants peinent à se coordonner pour assurer la continuité de la prise en charge des majeurs et la diffusion des bonnes pratiques, pourtant nombreuses ([115]). Il est indispensable de faire dialoguer les différents acteurs – en particulier les services judiciaires et les services sociaux – de la protection des majeurs.

Le ministère de la Justice a indiqué que « la coopération est très hétérogène en fonction des territoires et des personnes travaillant sur ces territoires ». Les rapporteurs souhaitent que soient créées, à l’instar de ce qui a été fait dans le Bas-Rhin, des instances réunissant des représentants du monde judiciaire (procureur, greffe, juge d’instance), des services sociaux du département, des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des maisons départementales de l’autonomie (MDA) et de la CNSA. Les associations familiales et des représentants des mandataires judiciaires pourraient également y participer.

Cette articulation pourrait s’appuyer sur les magistrats délégués à la protection des majeurs au sein des cours d’appel qui peuvent avoir ce rôle d’interface entre le monde judiciaire et certains acteurs de la protection des majeurs (médecins, MJPM...etc.). La DACS mène actuellement une réflexion pour renforcer le rôle d’animation et de pilotage de ces magistrats.

À terme, l’amélioration de la fluidité des relations entre ces acteurs pourrait permettre la mise en place de point unique d’entrée pour obtenir les informations nécessaires et engager les différentes procédures (évaluation, ouverture de la mesure, réexamen, autorisations spécifiques…). Afin d’assurer la présence d’interlocuteurs spécialisés, les rapporteurs préconisent la création de sections spécialisées consacrées aux majeurs protégés et à leurs familles dans les MDA ou les MDPH.

2.   Au niveau national

Au niveau national, les politiques publiques consacrées aux majeurs protégés sont difficiles à piloter car elles mobilisent différentes administrations centrales (principalement la direction des affaires civiles et du sceau et la direction générale de la cohésion sociale) ainsi que différents services déconcentrés dans les régions et les départements, qui doivent s’articuler avec l’action du département.

Plusieurs organismes ont évoqué « la nécessité urgente d’une politique publique commune » ([116]) et la « mise en place d’une instance nationale visant à unifier sa mise en œuvre sur le territoire » ([117]).

Différentes options ont été soumises aux rapporteurs. Pour le Défenseur des droits et Mme Anne Caron Déglise, il est nécessaire de créer un conseil national de la protection juridique des majeurs ainsi qu’un délégué interministériel, « seul susceptible de piloter efficacement, au niveau national, une politique dépourvue de cohérence à ce jour » ([118]).

Selon les rapporteurs, la création d’une structure de pilotage nationale est rendue complexe par la nécessaire distinction entre les décisions de justice et leur mise en œuvre. L’urgence serait d’établir une meilleure articulation au niveau local avec des instances de coordination pouvant s’appuyer sur les administrations spécialisées dans leurs domaines respectifs.

Le constat effectué par les rapporteurs est celui d’une grande hétérogénéité de pratiques au niveau local mais aussi d’une forte capacité d’innovation et d’adaptation des magistrats, des services sociaux et des associations. Il est souhaitable de répliquer les initiatives locales performantes. Les rapporteurs sont donc favorables à la création d’un observatoire national de la protection juridique des majeurs dont le rôle serait d’informer les instances locales, de diffuser les bonnes pratiques et de recueillir des données. Cet observatoire pourrait être confié à la supervision du Défenseur des droits ou de son adjoint chargé des majeurs protégés.

Proposition n° 28 : Mettre en place un point d’entrée unique pour l’ensemble des procédures relatives aux majeurs protégés grâce à la création de sections spécialisées consacrées aux majeurs protégés dans les MDA/MDPH.

Développer des comités de coordination au niveau local entre les juridictions, les services sociaux du département, la CNSA et les structures de prise en charge (MDA, MDPH, associations…).

Créer un observatoire national de la protection juridique des majeurs.

 

B.   Moderniser le suivi des mesures

1.   Créer un registre centralisé et dématérialisé des mesures de protection

De l’avis de l’ensemble des personnes entendues, le régime actuel de publicité des mesures de protection juridique des majeurs n’est pas satisfaisant.

Cette publicité est assurée par un système très complexe :

– les mesures de tutelle, de curatelle et d’habilitation familiale générale font l’objet de mentions en marge de l’acte de naissance des personnes concernées (mention « RC » avec un numéro de classement) ([119]). Ces mentions sont inscrites par les officiers d’état civil à la demande des greffes des tribunaux d’instance qui leur transmettent les copies des jugements. Lorsqu’une mention est inscrite, le tiers intéressé doit s’adresser au greffe, ce dernier devant effectuer une recherche manuelle et un envoi postal de la décision ;

– chaque greffe de tribunal de grande instance tient un répertoire civil, qui reçoit les extraits des décisions d’ouverture, de modification ou de mainlevée des tutelles, curatelles et habilitations familiales générales concernant les personnes nées dans le ressort du tribunal ([120]).

De plus, ce système n’inclut pas l’ensemble des mesures de protection.

Les mesures de sauvegarde de justice sont inscrites par les procureurs de la République dans des répertoires spécifiques, accessibles uniquement aux autorités judiciaires, aux personnes qui peuvent solliciter une mesure de protection, et, sur justification de nécessité professionnelle, aux avocats, notaires et huissiers ([121]) .

Les mandats de protection future ne font quant à eux l’objet d’aucune publicité. En effet, bien que la loi  2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement ait prévu un registre spécial de ces mandats ([122]), le décret en Conseil d’État devant créer ce registre n’a jamais été pris.

La création d’un registre unique et dématérialisé des mesures de protection présenterait plusieurs avantages.

Un tel registre permettrait tout d’abord une meilleure information des juges des tutelles et des procureurs de la République lorsqu’ils sont saisis de demandes de protection. Le principe de subsidiarité pourrait ainsi être davantage respecté, l’autorité judiciaire n’ayant actuellement pas toujours connaissance des mesures de protection non judiciaires dont peuvent déjà faire l’objet les majeurs concernés, en particulier des mandats de protection future.

La mise en œuvre d’un registre présenterait également un intérêt pour les professionnels du droit (notaires, avocats).

Au-delà, l’existence d’un registre renforcerait l’effectivité des droits fondamentaux dans certaines situations comme la garde à vue. En effet, le Conseil constitutionnel a jugé, le 24 septembre 2018 ([123]), qu’il était nécessaire de prévoir systématiquement l’information de la personne chargée de la protection en cas de garde à vue ou d’audition libre d’un majeur protégé afin que celui-ci puisse être assisté dans l’exercice de ses droits, notamment celui d’être assisté par un avocat. Afin de prendre en compte cette décision, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prévu l’information du tuteur, du curateur ou du mandataire spécial dans les six heures de la connaissance de leur existence en cas de garde à vue ou d’audition libre du majeur protégé ([124]). Tout élément recueilli au cours de la garde à vue faisant apparaître que la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique doit alerter l’officier de police judiciaire sur la nécessité d’aviser ces personnes. Cependant, en l’absence de registre centralisé des mesures accessible aux procureurs de la République, rien ne garantit que l’officier de police judiciaire aura effectivement connaissance de la mesure de protection.

La création d’un registre exigerait de déterminer avec précision les acteurs chargés de l’alimenter et ceux autorisés à le consulter, ainsi que l’étendue des données pouvant y figurer.

Le groupe de travail conduit par Mme Caron Déglise a proposé que ce registre assure la publicité des mesures de protection judiciaires et des dispositions anticipées (mandat de protection future mais aussi directives anticipées et désignation d’une personne de confiance) et que ce registre soit accessible aux juridictions, aux notaires, aux avocats. Les rapporteurs souscrivent à ces propositions et soulignent que, pour des raisons liées à la protection des données personnelles des majeurs protégés, il conviendra d’être vigilant s’agissant des autres catégories de personnes susceptibles d’y avoir accès. Ils sont cependant favorables à ce que, dans le cadre de l’hospitalisation sans consentement, l’accès des établissements psychiatriques au registre des mesures soit autorisé, afin d’informer le tuteur ou le curateur dès l’hospitalisation ([125]).

Proposition n° 29 : Créer un registre unique et dématérialisé incluant les mesures de protection judiciaire et juridique ainsi que les mesures anticipées (mandat de protection future, directives anticipées, désignation d’une personne de confiance), accessible de manière strictement encadrée aux juridictions, aux notaires, aux avocats, ainsi qu’aux établissements psychiatriques dans le cadre de l’hospitalisation sans consentement.

Interrogée par les rapporteurs sur la possibilité de créer ce registre, la DACS a indiqué que celui-ci « présenterait des avantages évidents tels que l’organisation d’une opposabilité plus efficace des mesures aux tiers, un allégement des tâches du greffe et une plus grande efficacité des mesures de protection » mais que « malgré l’attractivité de la disposition, il s’agit d’un projet de grande ampleur qui se heurte à des contraintes techniques importantes ».

Compte tenu de ses enjeux s’agissant des droits fondamentaux des majeurs protégés, les rapporteurs souhaitent que ce projet figure parmi les priorités du ministère de la Justice.

2.   Mettre en place un outil de gestion des mesures

Dans son rapport de 2016 consacré à la protection des majeurs, la Cour des comptes avait regretté l’absence d’une base d’information commune au ministère chargé des affaires sociales et à la justice.

Lors de leur déplacement à Lille, les rapporteurs ont pris connaissance d’une expérimentation initiée par la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) des Hauts-de-France afin de favoriser un meilleur pilotage des mesures. Le projet e-MJPM permet aux juges des tutelles d’accéder à une liste à jour des professionnels de la protection des majeurs par tribunal d’instance, de disposer d’informations en temps réel sur l’activité des MJPM. Parallèlement, cet outil permet aux MJPM de mieux communiquer avec les magistrats et d’être informés plus rapidement de l’attribution d’une nouvelle mesure. Du point de vue des majeurs protégés, il favorise une meilleure prise en charge grâce à un choix plus éclairé du MJPM par le magistrat. Enfin, il est également utile pour les agents de l’État chargés de coordonner la politique de protection des majeurs au niveau territorial.

Ce projet, actuellement développé par l’incubateur des ministères sociaux, a vocation à être déployé sur de nouveaux territoires, en partenariat avec le ministère de la Justice.

Les rapporteurs saluent cette initiative qui permet de mieux prendre en compte l’intérêt du majeur dans le choix du mandataire et recommandent son extension à l’échelle nationale.

Proposition n° 30 : Étendre à l’échelle nationale le projet e-MJPM expérimenté dans les Hauts-de-France permettant aux magistrats de disposer d’informations sur l’activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

 


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   Conclusion

Au terme de leur mission, les rapporteurs constatent que les attentes à l’égard du modèle français de protection des majeurs ne sauraient être satisfaites à moyens constants.

L’affirmation des droits fondamentaux ne peut garantir leur effectivité dès lors que les moyens dont disposent la justice, les mandataires et les établissements restent, malgré leur hausse, insuffisants.

Budget consacrÉ aux mesures de protection

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Crédits inscrits

(en millions d’euros)

556

571

594

621

637

650

647

668

Évolution annuelle

(en %)

+3,5

+2,7

+4,0

+4,5%

+2,6

+2,0

- 0,5

+3,3

Nombre de mesures ouvertes

68 047

71 832

77 141

76 878

78 344

75 670

-

-

Évolution annuelle

(en %)

+7,8

+5,6

+7,4

- 0,3

+1,9

- 3,4

-

-

Source : direction générale de la cohésion sociale et commission des finances de l’Assemblée nationale ([126])

Dans son rapport de septembre 2016, la Cour des comptes constatait en effet que la loi de 2007 n’était pas parvenue à enrayer la hausse du nombre de mesures. Dans le même temps, les juridictions, en particulier les greffes, n’ont pas les moyens d’exercer un contrôle suffisant sur le bon exercice des mesures.

En 2015, les juges des tutelles étaient chargés de 3 500 dossiers en moyenne. Quant aux mandataires, ils doivent exercer, selon l’UNAPEI, en moyenne 60 mesures lorsqu’ils exercent au sein d’une association, ce qui semble incompatible avec l’évolution de la nature de leurs missions préconisée par le rapport.

La loi du 23 mars 2019 va dans le sens d’un renforcement des moyens, après une légère régression en 2018. Vos rapporteurs estiment que l’évolution de l’enveloppe budgétaire consacrée aux mesures de protection juridique des majeurs doit rester en corrélation avec l’augmentation du nombre de mesures. L’effort nécessaire au cours des prochaines années sera d’autant plus important que la place de la protection des majeurs vulnérables dans notre société est appelée à devenir un enjeu considérable.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

Lors de sa réunion du mercredi 26 juin 2019, la commission des Lois a examiné ce rapport d’information et en a autorisé la publication.

Ces débats ne font pas l’objet d’un compte-rendu écrit et sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/wxe7P7

 

 

 

 

 


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   Synthèse des propositions

 

Proposition n° 1 : Consacrer à l’article 415 du code civil la primauté du respect de la volonté et des préférences du majeur sur la préservation de son intérêt et adapter en conséquence la formation des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les modes de prise de décision.

Proposition n° 2 : Préciser par décret le contenu du certificat médical circonstancié exigé pour l’ouverture d’une mesure de protection, afin d’harmoniser les pratiques des médecins et de renforcer le niveau d’information des juges des tutelles.             
Recentrer le contenu des certificats sur les éléments médicaux et exclure les indications relatives au besoin d’assistance ou de représentation de la personne.

Proposition n° 3 : Rendre obligatoire une formation initiale spécifique des médecins souhaitant être inscrits sur les listes établies par les procureurs de la République.             
Systématiser la formation continue, au moins tous les deux ans, pour les médecins inscrits sur les listes.             
Prévoir des réunions annuelles entre les juges des tutelles et les médecins inscrits sur les listes, à l’initiative des magistrats délégués à la protection des majeurs au sein des cours d’appel.

Proposition n° 4 : Généraliser à l’ensemble des saisines du juge des tutelles l’exigence d’informations sur la situation sociale et pécuniaire de la personne qu’il y a lieu de protéger, l’évaluation de son autonomie et le bilan des actions personnalisées menées auprès d’elle, si la mise en œuvre de cette procédure donne satisfaction pour les saisines du procureur de la République par un tiers.             
Prévoir a minima la communication au juge de l’évaluation des besoins de compensation de la personne par les équipes des maisons départementales de personnes handicapées (MDPH) si celle-ci a été réalisée préalablement à la demande de protection.

Proposition n° 5 : Permettre au majeur vulnérable, à tout moment de la procédure d’instruction, d’exprimer son opposition à l’ouverture de la mesure et prévoir, dans ce cas, son assistance obligatoire par un avocat.             
Permettre au juge des tutelles de demander la désignation d’un avocat lorsqu’il l’estime nécessaire.                           
Rendre obligatoire l’assistance du majeur par un avocat en appel.


Proposition n° 6 : Limiter les cas dans lesquels le majeur n’est pas entendu par le juge préalablement au prononcé de la mesure de protection :             
– en supprimant le critère d’impossibilité d’expression de la volonté du majeur et en ne maintenant que le critère du risque d’atteinte à sa santé ;             
– en rendant obligatoire l’établissement d’un deuxième certificat médical confirmant que l’audition de la personne risque de porter atteinte à sa santé pour que le juge puisse prendre une ordonnance de non-audition.             
Renforcer en conséquence les moyens des juges des tutelles.

Proposition n° 7 : Lorsque le magistrat a pris une ordonnance de non-audition du majeur, rendre obligatoire l’audition de sa famille ou de ses proches, tels qu’énumérés à l’article 430 du code civil.

Proposition n° 8 : Organiser systématiquement une information du majeur, avant l’audience, sur les mesures de protection et leurs conséquences.              
Cette information pourrait être assurée, au sein des tribunaux d’instance, par différents acteurs, notamment les greffes, les services d’information et de soutien aux tuteurs familiaux (SISTF) et les associations tutélaires.

Proposition n° 9 : Respecter le principe de la présence obligatoire du majeur à l’audience, prévu par l’article 1226 du code de procédure civile.

Proposition n° 10 : Instaurer une mesure unique d’assistance administrative visant à accompagner les majeurs ayant de faibles ressources et rencontrant des difficultés dans la gestion de celles-ci.

Proposition n° 11 : Renforcer la sécurité juridique des mesures alternatives :                           
– en encourageant les notaires à prévoir des garanties supplémentaires lors de l’élaboration des mandats de protection future (tiers de confiance, pluralités de mandataires etc.) ;             
– en prévoyant un contrôle minimal de gestion des habilitations familiales par le juge.

Proposition n° 12 : Mieux informer le public de l’existence des mesures alternatives et, plus particulièrement, du mandat de protection future qui peut concerner l’ensemble de la population.              
Développer à cette fin de nouveaux canaux d’informations, en s’appuyant notamment sur des lieux ciblés ainsi que sur les notaires, qui pourraient délivrer systématiquement une information sur le mandat de protection future dans le cadre de la succession entre époux.

Proposition  13 : Pour les majeurs dont l’altération des facultés est susceptible d’amélioration, faire de la mainlevée la finalité de la mesure afin d’orienter l’accompagnement du majeur protégé vers la préparation, le maintien ou le retour à l’autonomie.             
Renforcer la continuité des parcours en confiant au département le suivi des majeurs bénéficiant d’une mainlevée et s’assurer de la compensation par l’État des coûts engendrés.

Proposition n° 14 : Confier à un groupe de travail l’élaboration des règles déontologiques de la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et associer étroitement ce groupe à l’élaboration des politiques publiques concernant les majeurs protégés.             
Promouvoir la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs dans les cursus juridiques à l’université et prévoir une voie universitaire d’accès à la profession suivant la nomenclature licence-master-doctorat.

Proposition n° 15 de Mme Caroline Abadie : Pérenniser le rôle des « préposés d’établissement » en créant un statut de MJPM dans la fonction publique hospitalière et en incitant les diverses ARS à mieux superviser et coordonner les services de protection juridique.

Proposition n° 16 : Rendre obligatoire les explications en « facile à lire et à comprendre » afin de favoriser la compréhension des majeurs protégés lors de leurs démarches et de faciliter l’expression de leur consentement.

Proposition n° 17 : Rendre obligatoire, pour chaque élection, la mise à disposition par les candidats d’une propagande électorale en « facile à lire et à comprendre », sous forme électronique.

Proposition n° 18 : Appliquer l’intégralité des recommandations du Défenseur des droits sur l’accès au vote des personnes handicapées.             
Mettre en œuvre des solutions facilitant l’accès au vote des personnes souffrant d’un handicap visuel, telles que des flash codes sur les bulletins ou l’utilisation du braille pour désigner les piles de bulletins.

Proposition n° 19 : Mettre en cohérence les règles du code de la santé publique relatives au consentement aux soins médicaux avec celles du code civil relatives aux actes personnels, en autorisant le majeur sous tutelle à consentir seul aux actes médicaux, dans la mesure où son état le permet.             
Lorsque le majeur est hors d’état d’exprimer sa volonté, faire prévaloir l’avis de la personne de confiance éventuellement désignée sur celui du tuteur.

Proposition n° 20 : Faire évoluer le régime des actes médicaux spécifiques afin de permettre une plus grande autonomie des majeurs protégés ; autoriser en particulier le don du sang.

Proposition n° 21 de M. Aurélien Pradié : Autoriser le don d’organes de leur vivant, en faveur de leurs proches, par les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection légale.

Proposition n° 21 bis de Mme Caroline Abadie : Ouvrir une réflexion sur l’autorisation du don d’organes de leur vivant, en faveur de leurs proches, par les majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection légale, à l’exception des majeurs placés sous tutelle.

Proposition n° 22 : Prévoir une obligation d’information immédiate du tuteur ou du curateur en cas d’hospitalisation sans consentement du majeur et l’associer aux décisions concernant le majeur, notamment la préparation de sa sortie de l’établissement.

Proposition  23 : Constituer un groupe de travail réunissant les banques, des majeurs protégés et les représentants des MJPM afin d’établir une charte des relations entre les banques et les majeurs protégés. Par cette charte, les banques devront notamment s’engager à :             
– mieux prendre en compte les besoins spécifiques de majeurs protégés, notamment par la mise en place de services spécialisés, s’adressant aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs ainsi qu’aux majeurs protégés eux-mêmes, et la mise à disposition d’instruments de paiement et de retrait adaptés ;             
– engager des actions de formation de leurs employés aux droits des majeurs protégés.             
Préciser les termes du décret du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine pour clarifier les autorisations devant être demandées par les établissements bancaires pour les différents actes.

Proposition n° 24 : Développer la formation des agents des services publics s’agissant des droits des majeurs protégés et la rendre obligatoire pour les agents ayant des fonctions les amenant à entrer en relation de manière habituelle avec des majeurs protégés.             
Renforcer l’accompagnement des majeurs protégés par les travailleurs sociaux, notamment pour leurs démarches administratives.             
Garantir l’effectivité du droit des majeurs protégés à porter plainte. 
Autoriser les majeurs sous tutelle à déposer seuls une demande de carte d’identité.

Proposition n° 25 : Créer un Défenseur des droits des majeurs protégés, adjoint au Défenseur des droits, chargé de réceptionner l’ensemble des plaintes relatives à des atteintes aux droits fondamentaux des majeurs sous protection judiciaire.             
Prévoir que le Défenseur des droits des majeurs protégés puisse mobiliser les équipes du Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) pour effectuer des visites dans les établissements afin de détecter des maltraitances et d’opérer des contrôles ponctuels du respect des droits fondamentaux.

Proposition n° 26 : Placer les droits fondamentaux au cœur du contrôle administratif des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

Proposition n° 27 : Renforcer significativement les moyens consacrés aux greffes pour le contrôle des comptes de gestion.

Proposition n° 28 : Mettre en place un point d’entrée unique pour l’ensemble des procédures relatives aux majeurs protégés grâce à la création de sections spécialisées consacrées aux majeurs protégés dans les MDA/MDPH.             
Développer des comités de coordination au niveau local entre les juridictions, les services sociaux du département, la CNSA et les structures de prise en charge (MDA, MDPH, associations…).             
Créer un observatoire national de la protection juridique des majeurs.

Proposition n° 29 : Créer un registre unique et dématérialisé incluant les mesures de protection judiciaire et juridique ainsi que les mesures anticipées (mandat de protection future, directives anticipées, désignation d’une personne de confiance), accessible de manière strictement encadrée aux juridictions, aux notaires, aux avocats, ainsi qu’aux établissements psychiatriques dans le cadre de l’hospitalisation sans consentement.

Proposition n° 30 : Étendre à l’échelle nationale le projet e-MJPM expérimenté dans les Hauts-de-France permettant aux magistrats de disposer d’informations sur l’activité des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

 

 


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   Annexe n° 1 :
Liste des personnes entendues par les rapporteurs

   M. Jacques Toubon, défenseur des droits

   Mme Fabienne Jegu, conseillère au secrétariat général

   Mme Claudine Jacob, directrice de la protection des droits et des affaires judiciaires

   Mme Stéphanie Renson, juriste

   Mme Candice Lequiller, attachée parlementaire

   Mme Cécile Riou-Batista, secrétaire générale adjointe

   M. Florent Fouillen, chargé de mission

   Mme Anne Caron Déglise, présidente, avocate générale à la Cour de cassation

   Mme Charlotte Robbe, membre de la commission « famille » du barreau de Paris et experte auprès du Conseil national des barreaux

   Mme Herveline Rideau de Longcamp, membre du Conseil de l’Ordre et responsable de l’antenne des majeurs vulnérables du barreau de Paris

   M. Valéry Montourcy, référent du pôle « tutelle » de l’antenne des majeurs vulnérables du barreau de Paris

   M. Thierry Rouziès, avocat spécialisé en droit des mesures de protection judiciaire

   Mme Anita Tanaskovic, juriste au Conseil national des barreaux


   Mme Marie-Thé Carton, présidente de la commission Protection juridique de l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis (UNAPEI)

   Mme Anne Lebas de Lacour, chargée de mission Protection juridique de l’UNAPEI

   M. Jean-Pierre Lahaye, vice-président de la Fédération nationale des associations tutélaires (FNAT)

   M. Hadeel A. Chamson, délégué général de la FNAT

   Mme Agnès Brousse, coordonnatrice du pôle évaluation, développement des activités, protection et droits des personnes de l’Union nationale des associations familiales (UNAF)

   Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires de l’UNAF

   Mme Adeline Hazan, contrôleure générale

   M. Stéphane Corbin, directeur de la compensation de la perte d’autonomie

   Mme Anne Gozard, présidente

   Mme Corinne Vaillant, avocate

   Mme Letizia Monnet Placidi, avocate

   Mme Dominique Gillot, présidente

   M. Alain Faure, rapporteur de la commission « Questions européennes et internationales – Convention des Nations-Unies »

   Mme Florence Beytout, présidente

   Mme Annette Riquier, membre

   M. Éric Honinckx, membre


   Mme Séverine Roy, co-présidente

   M. David Matile, co-président

   M. Pierre Bouttier, co-président

   Mme Chrystelle Cardon, membre du bureau

   M. François Pesneau, adjoint au directeur de la modernisation et de l'action territoriale

   M. Simon Hecht, adjoint au chef du bureau des élections et des études politiques

   M. Thomas Andrieu, directeur des affaires civiles et du Sceau

   Mme Mélanie Bessaud, cheffe du bureau du droit des personnes et de la famille

   M. Philippe Potentier, président de l’Institut d’études juridiques

   M. François Devos, directeur des affaires juridiques

   M. Gilles Bonnet, notaire à Paris

   Mme Christine Mandelli, chargée des relations avec les institutions

   M. Jean-Marie Faroudja, président de la section « éthique et déontologie », conseiller national à l’Ordre des médecins

   Mme Anne-Marie Trarieux, vice-présidente de la section « éthique et déontologie », conseiller national à l’Ordre des médecins

   Mme Caroline Heron, juriste, responsable de la section « éthique et déontologie »

 


   Mme Catalina Devandas Aguilar, rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées

   M. Alberto Vásquez Encalada, responsable de recherche

Direction générale de la cohésion sociale

   M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général

   M. Daniel Anghelou, chef de bureau de la protection des personnes

Direction générale de la santé

   M. Frédéric Seval, chef de la division du droit des usagers et des affaires juridiques et éthique

   Mme Laure-Marie Issanchou, cheffe du bureau de la bioéthique, des éléments et produits du corps humain

   Mme Muriel Cohen, adjointe à la cheffe du bureau de la bioéthique, des éléments et produits du corps humain

   M. Nicolas Bodilis-Reguer, directeur des relations institutionnelles

   Mme Frédérique Baillion, chargé de mission juridique et conformité

   Mme Marion Labry, juriste bancaire à la direction juridique de La Banque Postale

   Mme Marie-Hélène Decloitre, juriste bancaire au Crédit Mutuel Alliance Fédérale

   Mme Anne-Sophie Wallach, secrétaire nationale

   M. Vincent Charmoillaux, secrétaire général

   Mme Céline Parisot, présidente

   Mme Cécile Mamelin, trésorière nationale

   M. Marc Lifchitz, secrétaire général adjoint

   M. Jean-Michel Rapinat, directeur délégué « politiques sociales »

   Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère chargée des relations avec le Parlement

 

Contribution écrite

Conférence nationale des procureurs de la République

 


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   Annexe n° 2 :
DÉplacements effectuÉs par la mission

Déplacement au tribunal d’instance de Paris le 13 mars 2018

   Mme Sophie Degouys, première vice-présidente, chargée de l’administration du tribunal

   Mme Stéphanie Kretowicz, vice-présidente adjointe, chargée de la coordination du pôle Protection des majeurs

Déplacement à Lille le 18 mars 2019

   Mme Émilie Mamcarz, directrice régionale adjointe

   Mme Régine Bicep, responsable adjointe du pôle politiques sociales

   Mme Lucie Delorme, responsable de l'unité Protection et Insertion des Personnes Vulnérables

   M. Lionel Barbier, directeur général de l’association Ariane

   Mme Sabrina Kierzunska, directrice générale de l’association ATINORD

   M. Gérard Amable, association des curateurs de Lille (ACL)

   M. Paul Barincou, président de l’Association nationale des juges d’instance (ANJI), premier vice-président du tribunal d’instance de Lille

   Mme Émilie Pecqueur, présidente honoraire de l’ANJI, conseillère à la cour d’appel de Douai, présidente de la chambre des majeurs protégés

Déplacement à Lille le 7 mai 2019

   M. Paul Barincou, président de l’Association nationale des juges d’instance (ANJI), premier vice-président du tribunal d’instance de Lille

 

   M. Arnaud Corvaisier, directeur général par intérim, directeur de l’offre de soins

   M. Sylvain Lequeux, directeur de l’offre médico-sociale

   M. Éric Pollet, directeur de la sécurité sanitaire et de la santé environnementale

   Mme Odile Catry, cheffe de service

   Entretien avec des majeurs protégés

 

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Rapport du Défenseur des droits, Protection juridique des majeurs vulnérables, septembre 2016.

([3]) Cour des Comptes, La protection juridique des majeurs, une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante, Communication à la commission des Finances de l’Assemblée nationale, septembre 2016.

([4]) CNCPH, Rapport relatif à la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs : assurer le respect des droits fondamentaux des personnes vulnérables, février 2018.

([5]) Rapport de mission interministérielle, L’évolution de la protection juridique des personnes reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables, Anne Caron Déglise, septembre 2018.

([6]) Données du rapport de mission interministérielle d’Anne Caron Déglise.

([7]) Loi  68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs.

([8])  Rapport de l’Inspection générale des finances, de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection des services judiciaires sur le fonctionnement du dispositif de protection des majeurs, juillet 1998.

([9])  Article 428 du code civil.

([10]) Article 425 du code civil. La loi du 3 janvier 1968 autorisait le juge à prononcer une mesure de curatelle pour prodigalité, intempérance ou oisiveté.

([11]) Article 431 du code civil.

([12]) Cf. infra, 4.

([13]) Articles 217, 219 du code civil pour les règles du régime primaire et articles 1426 et 1429 pour le régime de communauté légale.

([14]) Article 473 du code civil.

([15]) Article 471 du code civil.

([16]) Article 472 du code civil.

([17]) Article 437 du code civil.

([18]) Article 425 du code civil.

([19]) Articles 441 et 442 du code civil.

([20]) Article 442 du code civil.

([21]) Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, XIIème législature, n° 3557, 10 janvier 2007.

([22]) Cf. infra, B.

([23]) Article 458 du code civil.

([24]) Article 459 du code civil.

([25]) Article 459-2 du code civil.

([26]) Cf. infra, B.

([27]) Articles L. 271-1 à L. 271-8 du code de l’action sociale et des familles.

([28]) Articles 495 à 495-9 du code civil.

([29]) Articles 494-1 à 494-12 du code civil.

([30]) Décret n° 2008-1556 du 31 décembre 2008 relatif aux droits des usagers des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales. Cette charte doit être remise au majeur protégé par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs afin de l’informer de ses droits.

([31]) Annexe 4-3 du code de l’action sociale et des familles.

([32]) Conseil constitutionnel, 14 septembre 2018, décision QPC n° 2018-730.

([33]) Article 10 et 11 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([34]) Cf. infra.

([35]) CIDPH, article 1er.

([36]) Réponses écrites de la DACS.

([37]) CIDPH, préambule.

([38]) CIDPH, article 2.

([39]) Observation générale n° 1 (2014) sur l’article 12 de la CIDPH, mars 2014.

([40]) Avis du Défenseur des droits n° 19-01, janvier 2019, p. 2.

([41]) CIDPH, Rapport initial de la France, 21 mars 2016.

([42]) Rapport du Défenseur des droits sur la protection juridique des majeurs vulnérables, septembre 2016.

([43]) Cf. infra.

([44]) Décret n° 2008-1276 du 5 décembre 2008 relatif à la protection juridique des mineurs et des majeurs et modifiant le code de procédure civile.

([45]) Circulaire de la DACS no CIV/01/09/C1 du 9 février 2009 relative à l’application des dispositions législatives et réglementaires issues de la réforme du droit de la protection juridique des mineurs et des majeurs.

([46]) Article 431 du code civil.

([47]) Article 1239 du code de procédure civile.

([48]) Article 706-116 du code de procédure pénale.

([49]) Cf. infra, 2.

([50]) Articles 1220 et 1220-1 du code de procédure civile.

([51]) Article 1220-2 du code de procédure civile.

([52]) Article 1221 du code de procédure civile.

([53]) Cf. infra III.

([54]) Statistiques du ministère de la Justice.

([55]) Cf. supra.

([56]) Contribution de la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR).

([57]) Ibidem.

([58]) Cf. infra.

([59]) Réponses écrites du Conseil supérieur du notariat.

([60]) Cf. supra.

([61]) Cf. infra, III, c ,3.

([62]) Réponses écrites de l’ANDP.

([63]) Statistiques du ministère de la Justice.

([64]) Cf. infra.

([65]) Réponses écrites de la direction des affaires civiles et du sceau.

([66]) Statistiques du ministère de la justice.

([67]) Article L. 471-2 du code de l’action sociale et des familles.

([68]) Article L. 471-2-1 du code de l’action sociale et des familles.

([69]) Article L. 471-4 du code de l’action sociale et des familles.

([70]) Article L. 472-1-1 du code de l’action sociale et des familles.

([71]) Réponses écrites de l’UNAPEI (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, anciennement Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés).

([72]) Réponses écrites de la CNCDH.

([73]) Réponses écrites de la DRJSCS des Hauts-de-France.

([74]) Avis du Défenseur des droits n° 19-01, janvier 2019, p. 6.

([75]) Réponses écrites de la CNCDH.

([76]) Cf. supra.

([77]) Réponses écrites de l’UNAPEI.

([78]) Centre régional d’études, d’actions et d’information en faveur des personnes en situation de vulnérabilité.

([79]) Réponses écrites de la DRJSCS des Hauts-de-France

([80])  http://protection-juridique.creaihdf.fr

([81]) Rapports du Défenseur des droits sur la protection juridique des majeurs vulnérables, septembre 2016 ; Avis de la CNCDH sur le droit de vote des personnes handicapées, 26 janvier 2017 ; Rapport du groupe de travail présidé par Mme Caron Deglise, septembre 2018.

([82]) Article L. 72-1 du code électoral.

([83]) Article L. 64 du code électoral.

([84])  Article L. 111 du code électoral.

([85]) Article 109 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([86]) https://programme-candidats.interieur.gouv.fr/.

([87])  Documents disponibles sur le site https://www.interieur.gouv.fr/Elections/Comment-voter/Le-vote-des-personnes-handicapees.

([88])  Défenseur des droits, L’accès au vote des personnes handicapées, mars 2015.

([89]) Cf. supra, I.

([90]) Article R. 4127-42 du code de la santé publique.

([91]) Article 9 de la loi  2019-222 du 23 mars 2019. Une habilitation similaire figurait déjà à l’article 211 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé mais l’ordonnance n’a jamais été prise.

([92]) Article L. 1111-6 du code de la santé publique.

([93]) Article R. 4127-37-2 du code de la santé publique.

([94]) Article L. 1111-11 du code de la santé publique.

([95]) Article L. 1221-5 du code de la santé publique.

([96]) Articles L. 1231-2 et L. 1241-2 du code de la santé publique.

([97]) Article L. 1241-4 du code de la santé publique.

([98]) Article L. 1122-2 du code de la santé publique.

([99]) Article L. 1232-2 du code de la santé publique.

([100]) Article L. 2123-2 du code de la santé publique.

([101]) Gilles Raoul-Cormeil, « Remèdes à l’éclatement du régime juridique des actes médicaux portant sur les majeurs protégés » in Nouveau droit des majeurs protégés, difficultés pratiques, Dalloz, 2012.

([102]) Article L. 1244-11 du code de la santé publique.

([103]) Article L. 1231-1 du code de la santé publique.

([104]) Article L. 1241-4 du code de la santé publique.

([105]) Article R. 3211-13 du code de la santé publique.

([106]) Le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du code civil distingue les actes d’administration, qui sont des actes courants, et les actes de disposition, qui engagent le patrimoine.

([107]) « Banques et majeurs protégés, le pôle commun ACPR-AMF présente les résultats de son enquête », Revue de l’ACPR, novembre-décembre 2017.

([108]) Observations préliminaires de la Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées, Mme Catalina Devandas-Aguilar au cours de sa visite en France, du 3 au 13 octobre 2017.

([109]) « Agir contre les maltraitances dans le système de santé : une nécessité pour respecter les droits fondamentaux », JORF n° 0126 du 03/06/18, texte n° 62.

([110]) Réponses écrites de la CNCDH.

([111]) Article 30 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([112]) Article 510 du code civil.

([113]) Cour des comptes, Rapport sur la protection juridique des majeurs, septembre 2016, p. 77.

([114]) Contribution de la Conférence nationale des procureurs de la République.

([115]) Cf. supra.

([116]) Réponses écrites de l’UNAPEI.

([117]) Réponses écrites de la CNCDH.

([118]) Avis du Défenseur des droits n° 19-01, janvier 2019, p. 4.

([119]) Articles 444 et 494-6 du code civil.

([120]) Articles 1233 et 1260-12 du code de procédure civile.

([121]) Articles 1251 et 1251-1 du code de procédure civile.

([122]) Article 477-1 du code civil.

([123]) Décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018.

([124]) Articles 706-112-1 et 706-112-2 du code de procédure pénale.

([125]) Cf. supra, II.

([126])  Joël Giraud, Rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2018, annexe n° 41 : solidarités, insertion et égalité des chances de Mme Stella Dupont, XVe législature, n° 273, 12 octobre 2017.