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N° 2539

 

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de lAssemblée nationale le 18 décembre 2019

 

RAPPORT  D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145-7 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

En conclusion des travaux d’une mission d’information ([1])  

 

sur l’évaluation de limpact de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe)

et présenté par

MM. Bruno QUESTEL et Raphaël SCHELLENBERGER,

Députés

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La mission d’information sur l’évaluation de l'impact de la loi n° 2015991 du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) est composée de M. Bruno Questel, président et rapporteur, M. Raphaël Schellenberger, vice-président et co-rapporteur, MM. Jean-Félix Acquaviva, Ugo Bernalicis, Mme Nicole DubréChirat, M. Christophe Euzet, Mme Emilie Guérel, M. Sacha Houlié, Mmes  Catherine Kamowski, Marietta Karamanli, Élodie JacquierLaforge, MM. Guillaume Larrivé, Pierre MorelÀL’Huissier, Didier Paris, Stéphane Peu, Jean-Pierre Pont, Rémy Rebeyrotte, Arnaud Viala et Mme Hélène Zannier.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Mesdames, Messieurs,

I. Une loi mal née qui n’a pas atteint ses objectifs

A. un « Big bang » territorial conduit à marche forcée

1. Un objectif principal de réduction des dépenses publiques non étayé par l’étude d’impact

2. Des hésitations et des revirements ayant brouillé le sens de la réforme

3. Une mise en œuvre dans la contrainte

B. Une organisation territoriale plus complexe et une perte de proximité pour les citoyens

1. Du « mille-feuille » au « kaléidoscope » territorial

a. Une succession des réformes territoriales ayant abouti à un foisonnement des statuts

b. Une complexité nécessaire pour prendre en compte la diversité des territoires ?

2. Un redécoupage territorial fondé sur une approche techno-centrée

a. Le postulat erroné du « Big is beautiful »

b. Les conséquences de la réforme de la carte intercommunale

c. Les grandes régions

d. Les communes nouvelles, une belle idée qui ne doit pas être dévoyée

C. une répartition des compétences source de rigidités et d’insécurité juridique

1. La spécialisation des compétences, négation de la réalité de l’action locale

a. La clause générale de compétence, bouc émissaire

b. Une volonté de spécialisation contredite par le développement de dérogations

i. Les compétences partagées

ii. Les collectivités chefs de file

iii. Le développement des délégations de compétences

c. La théorie des blocs de compétences, une impasse

2. De la volonté de privilégier l’intercommunalité et la région à la légitimation de la commune et du département

a. Les problèmes posés par les transferts de compétences aux régions et aux intercommunalités

i. Les difficultés rencontrées s’agissant des compétences « développement économique » et « transports » des régions

ii. Les difficultés des transferts de compétences des communes aux intercommunalités en matière de tourisme et d’eau et assainissement

iii. Les transferts ou délégations de compétences des départements aux métropoles

b. Une nécessaire revalorisation de la commune et du département

II. rétablir la confiance et renforcer la liberté des collectivités territoriales

A. permettre des Adaptations de périmètre et de gouvernance

1. Respecter la demande de stabilité des structures territoriales

a. Des possibilités d’évolution du périmètre des intercommunalités sans remise en cause de la carte intercommunale

b. La recherche de nouveaux équilibres entre départements et régions

2. Adapter la gouvernance

a. Rétablir la place de la commune au sein de l’intercommunalité

b. Favoriser de nouvelles stratégies de coopération et de nouvelles gouvernances partagées

B. assouplir la Répartition et les modes d’exercice des compétences

1. Adapter les compétences des départements et des régions

a. Rétablir la clause générale de compétence des départements et des régions

b. Les compétences des régions

c. Les compétences des départements

i. Les compétences économiques

ii. Les délégations de compétences en matière de transports

iii. Les transferts et les délégations de compétences entre départements et métropoles

2. Adapter les compétences des intercommunalités

3. Simplifier le recours aux délégations de compétences

4. Différencier les compétences

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Liste des propositions

Liste des personnes entendues


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  Mesdames, Messieurs,

La mission d’information sur l’évaluation de l'impact de la loi n° 2015‑991 du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe) a été créée par la commission des Lois de l’Assemblée nationale le 12 mars 2019. Composée de dix-neuf membres représentant l’ensemble des groupes politiques, elle s’inscrit dans le cadre de l’article 145-7 du règlement qui prévoit la possibilité de présenter, à l’issue d’un délai de trois ans après l’entrée en vigueur d’une loi, un rapport sur l’évaluation de son impact.

La loi NOTRe a constitué le dernier volet des réformes territoriales initiées sous la précédente législature, après la loi  2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (loi MAPTAM) et la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Elle a porté principalement sur la réorganisation des compétences des différentes catégories de collectivités et de leurs groupements. La loi NOTRe se situe également dans la continuité de la loi  2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (loi RCT), puisqu’elle comporte également un volet contraignant en matière de regroupement intercommunal, avec un relèvement du seuil minimal de constitution des intercommunalités.

La loi NOTRe a cristallisé un ensemble de difficultés, dans un contexte de réorganisations territoriales profondes et de recul des dotations de l’État. L’évaluation de son impact exigeait donc de la replacer dans le cadre plus large des réformes qui l’ont précédée.

Au terme de leurs travaux, les rapporteurs dressent plusieurs constats.

Ils relèvent tout d’abord que la méthode retenue lors de l’élaboration de la loi NOTRe était inadaptée : l’absence de véritable étude d’impact, le cadre contraignant et rigide de la réforme de la carte intercommunale et des transferts de compétences, mais aussi les hésitations s’agissant de la suppression des départements, ont largement détérioré la relation entre l’État et les collectivités territoriales.

Au final, non seulement la loi NOTRe n’a pas atteint ses objectifs initiaux mais elle a, à bien des égards, produit des effets contraires aux intentions du législateur. Il en est ainsi de la simplification du « mille-feuille » territorial tant décrié, comme de la clarification de la répartition des compétences entre les catégories de collectivités territoriales, des objectifs au demeurant largement inatteignables, compte tenu de la complexité de l’action publique locale. En privilégiant l’augmentation de la taille de certaines entités territoriales (intercommunalités, régions) et le renforcement de leurs compétences, les réformes territoriales ont entraîné une perte de proximité pour les citoyens et, de manière paradoxale au regard de leurs objectifs, remis en évidence le rôle essentiel de la commune et du département.

Sans bouleverser à nouveau notre organisation territoriale, il est aujourd’hui nécessaire de tirer les conséquences des échecs de la loi NOTRe. Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité, qui a fait l’objet d’un accord de la commission mixte paritaire le 11 décembre dernier,  apporte de premières réponses s’agissant de la place de la commune dans l’intercommunalité. Les rapporteurs espèrent que leurs propositions viendront alimenter la réflexion sur le futur projet de loi « 3D » – décentralisation, différenciation et déconcentration – dont le Gouvernement a annoncé le dépôt au premier semestre 2020. L’enjeu est essentiel, puisqu’il s’agit de restaurer la confiance et de renforcer la liberté des collectivités territoriales, afin de redonner tout son sens à la décentralisation.

 


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I. Une loi mal née qui n’a pas atteint ses objectifs 

La loi NOTRe est le dernier volet d’une vaste réforme territoriale menée dans la précipitation, sans véritable étude d’impact ni concertation. Non seulement elle n’a pas atteint ses objectifs principaux – simplification du « mille-feuille » territorial, économies d’échelles, clarification de la répartition des compétences entre les différentes catégories de collectivités – mais elle a bien souvent produit des résultats contraires aux buts poursuivis.

A. un « Big bang » territorial conduit à marche forcée 

1.   Un objectif principal de réduction des dépenses publiques non étayé par l’étude d’impact

Les lois de réforme territoriale de 2010-2015, à travers leur objectif de rationalisation des structures territoriales et des compétences, obéissent principalement à une logique budgétaire de réduction des dépenses publiques. Elles se situent dans la continuité du rapport du comité présidé par M. Édouard Balladur, selon lequel « l’organisation des collectivités locales n’a cessé de se compliquer au fil du temps, les étapes récentes de la décentralisation et la multiplication, depuis 1999, des établissements publics de coopération intercommunale ne se sont pas accompagnées d’un effort de rationalisation des structures des collectivités locales, des compétences qu’elles exercent et des financements qui s’y attachent. Il en résulte une perte d’efficacité pour l’action publique et pour les usagers des services publics, un coût élevé pour le contribuable et un manque de transparence pour l’électeur. » ([2]) .

Cette logique sous-tend la réforme de la carte régionale, justifiée par la réalisation d’économies d’échelle, sans que l’étude d’impact du projet de loi n’évalue les économies attendues. Des comparaisons du coût par habitant de l’administration régionale selon le poids démographique des régions étaient certes avancées mais l’argument des économies d’échelle, jugé à l’époque « douteux » par certains observateurs ([3]), a été démenti par les faits, les fusions de régions ayant entraîné des coûts supplémentaires ([4]).

La loi NOTRe s’est inscrite dans une perspective identique. L’augmentation du seuil de population des intercommunalités, de 5 000 à 15 000 habitants, impliquait en effet une baisse très importante du nombre d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). En outre, la volonté de rationaliser les compétences, par la spécialisation des différentes catégories de collectivités, visait à encadrer davantage leurs interventions et à maîtriser la dépense publique locale.

Une nouvelle fois, cet objectif de réduction des dépenses publiques n’est pas étayé par l’étude d’impact du projet de loi NOTRe, alors que les chiffres de 12 à 25 milliards d’euros annuels d’économies, résultant de l’ensemble de la réforme territoriale, avaient été évoqués dans un premier temps par M. André Vallini, secrétaire d’État à la réforme territoriale ([5]).

Pour M. Jean-Marc Callois, directeur du département « territoires » de l’institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), les réformes territoriales de 2014-2015 reflètent surtout la volonté de « montrer à la Commission européenne que le Gouvernement français était capable de mener une ‘grande’ réforme structurelle de son organisation administrative » ([6]). Il est vrai que les programmes nationaux de réforme transmis à la Commission européenne dans les années qui ont suivi font largement référence à la réforme territoriale comme facteur de réduction des dépenses publiques et d’augmentation de la croissance économique ([7]).

2.   Des hésitations et des revirements ayant brouillé le sens de la réforme

L’élaboration de la réforme territoriale de 2014-2015 a été marquée par des hésitations et des revirements qui ont largement contribué à brouiller son sens.

La loi NOTRe a ainsi été conçue dans la perspective d’une suppression des départements, annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale du 8 avril 2014. Cette suppression, qui visait à simplifier l’organisation territoriale, en privilégiant les régions et les intercommunalités, était mentionnée dans l’exposé des motifs du projet de loi : « dans une France organisée autour d’un État conforté dans ses prérogatives républicaines de garantie des grands équilibres territoriaux et de l’égalité entre les citoyens, de régions renforcées et d’intercommunalités puissantes et adaptées à l'exercice des compétences de proximité, le débat pourra s’engager sereinement sur les modalités de suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020, pour aboutir à une révision constitutionnelle avant cette date. »

La position du Gouvernement a ensuite évolué, celui-ci ne disposant pas de la majorité des trois cinquièmes nécessaire à la révision constitutionnelle requise pour supprimer l’échelon départemental ([8]). Dans sa deuxième déclaration de politique générale, le 16 septembre 2014, le Premier ministre d’alors a annoncé que l’échelon départemental ne serait pas supprimé de manière générale mais que certains départements pourraient l’être : « dans les départements dotés d’une métropole – vous avez tous en tête l’exemple de Lyon –, la fusion des deux structures pourra être retenue. Lorsque le département compte des intercommunalités fortes, les compétences départementales pourront être assumées par une fédération d’intercommunalités. Enfin, dans les départements, notamment ruraux, où les communautés de communes n’atteignent pas la masse critique, le conseil départemental sera maintenu, avec des compétences clarifiées. »

Le projet de loi NOTRe prévoyait de « dévitaliser » les départements, selon l’expression employée par le secrétaire d’État à la réforme territoriale de l’époque, à travers la réduction de leurs compétences : suppression de leur clause générale de compétence, transfert de larges compétences aux régions et mécanisme de délégation ou de transfert obligatoire de compétences aux métropoles. Le fait que l’échelon départemental ait finalement été maintenu peut conduire à s’interroger sur la cohérence de ces dispositions, même si les transferts de compétences ont finalement été limités par le législateur (maintien de la compétence des départements en matière de gestion des collèges et de voirie départementale).

Le sort de la clause générale de compétence des régions et des départements a également fait l’objet de revirements successifs. La loi RCT du 16 décembre 2010 avait prévu la suppression de cette clause, selon laquelle les régions et les départements étaient, comme les communes, compétents « pour traiter de toute affaire ayant un lien avec [leur] territoire » ([9]). La portée de cette suppression avait cependant été fortement limitée par des dispositions prévoyant que les conseils régionaux ou généraux pouvaient se saisir de tout objet d’intérêt régional ou départemental pour lequel la loi n’avait donné compétence à aucune autre personne publique. Alors que la loi MAPTAM du 27 janvier 2014 avait rétabli la clause générale de compétence des régions et des départements, celle-ci a finalement été supprimée par la loi NOTRe l’année suivante.

3.   Une mise en œuvre dans la contrainte

Ainsi que l’ont souligné les différentes associations d’élus entendues par la mission, la mise en œuvre de la loi NOTRe a été vécue, à bien des égards, comme une expérience traumatisante par les élus locaux.

La réforme de la carte intercommunale, pilotée par les préfets, a été perçue comme un processus autoritaire. Ainsi, pour les représentants de l’Association des maires de France (AMF), les fusions par blocs d’EPCI et la mise en œuvre de procédures de « passer outre » par les préfets – fusions sans l’accord de la majorité qualifiée des communes ([10]) –  sont à l’origine d’un sentiment de malaise chez certains maires. Pour M. Samuel Depraz, maître de conférences en géographie-aménagement, « le relèvement du seuil de regroupement intercommunal quelques années après la première réforme a introduit une contrainte forte sur une maille territoriale à peine finalisée depuis 2014, freinant la légitimation en cours de structures intercommunales déjà en partie imposées. » ([11])

Le choix du Gouvernement de publier, avant même les décrets d’application de la loi NOTRe, des instructions relatives à la nouvelle répartition des compétences ([12]) a également été perçu comme un signe de contrainte forte envers les collectivités.

Pour M. Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), « les instructions ministérielles ne revêtent aucune valeur impérative comme l’a rappelé le Conseil d’État lorsqu’il a été saisi sur le fond par l’Assemblée des départements de France et quelques autres départements. Mais leur entrée en vigueur avant les décrets d’application et le comportement des préfets face à ces instructions ont eu pour conséquence qu’elles ont été utilisées comme un réel outil d’interprétation de la loi NOTRe aboutissant à une interprétation très restrictive de ses dispositions, et donc de la définition des compétences attachées à chaque collectivité » ([13]).

M. Gérard-François Dumont, professeur à l’université Paris-Sorbonne, porte également un regard sévère sur les instructions prises en application des lois de réforme territoriale : « les circulaires d’application des lois territoriales 2014-2017 interrogent car elles ne paraissent pas s’appuyer réellement sur les lois votées ! La lecture de ces circulaires donne fortement l'impression qu’elles ont été rédigées en prenant en compte les projets de lois des fameuses quatre lois territoriales et non les lois, amendées par l’Assemblée nationale et le Sénat, telles qu’elles sont sorties de la représentation nationale. Il en est résulté et il en résulte une interprétation et une mise en œuvre moins souples que ce que le législateur avait décidé. » ([14])

Enfin, la loi NOTRe a été mise en œuvre dans un contexte défavorable de contrainte forte sur la dépense publique locale.

Prévu pour la première fois par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, le principe d’une contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques a été consacré par le pacte de confiance et de responsabilité conclu entre l’État et les collectivités le 16 juillet 2013.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ([15]) avait fixé un objectif de réduction des concours financiers aux collectivités territoriales de 11 milliards d’euros à l’horizon 2017, via une baisse de la dotation générale de fonctionnement (DGF). Ce montant correspondait à la part des administrations publiques locales dans la dépense publique en 2013 (21 %) rapportée aux 50 milliards d’euros d’économies attendues de l’ensemble des administrations publiques. Les réductions de DGF se sont finalement élevées à 9,2 milliards d’euros entre 2014 et 2017.

Montant de la baisse de la DGF (en millions d’euros) entre 2014 et 2017

Source : Direction du budget

Au final, alors que l’intention affichée était de rétablir la confiance, la mise en œuvre de la loi NOTRe a fortement nui à la relation entre l’État et les collectivités territoriales, ce constat étant partagé par les différentes associations d’élus entendues par la mission.

B. Une organisation territoriale plus complexe et une perte de proximité pour les citoyens

Les lois de 2014-2015 s’inscrivent dans une démarche ambitieuse de recomposition de l’organisation territoriale, alors que les précédentes lois de décentralisation s’étaient limitées à des transferts de compétences à organisation constante. Cependant, ce qui a pu être qualifié de « big bang territorial » n’a pas abouti à la simplification attendue. Bien au contraire, l’organisation territoriale se caractérise aujourd’hui par la multiplicité des structures et des statuts. Les recompositions, fondées sur une approche techno-centrée, sont à l’origine de nombreuses difficultés.

1. Du « mille-feuille » au « kaléidoscope » territorial 

a.   Une succession des réformes territoriales ayant abouti à un foisonnement des statuts

Ainsi que l’a souligné M. Jean-Léonce Dupont, président du conseil départemental du Calvados, « la loi n’a pas atteint cet idéal qui consistait à vouloir mettre fin au ‘mille-feuille territorial’ tant décrié. On s’approche désormais, à vouloir prendre une image, d’un véritable kaléidoscope territorial. » ([16])

Les réformes territoriales successives depuis 2010 ont en effet abouti à une multiplication des structures territoriales et à un foisonnement des statuts.

La loi RCT a institué une nouvelle catégorie d’EPCI à fiscalité propre, la métropole, pouvant être créée, sur la base du volontariat, à partir des EPCI de plus de 500 000 habitants et des communautés urbaines. Une seule métropole a été créée en application de ces dispositions, celle de Nice Côte-d’Azur.

La loi MAPTAM a ensuite rendu obligatoire la création de métropoles et prévu des statuts spécifiques pour certaines d’entre elles. Trois métropoles à statut particulier ont été créées : la métropole de Lyon, qui est une collectivité territoriale à statut particulier et non un EPCI, la métropole du Grand Paris et la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Par ailleurs, la loi a rendu obligatoire la transformation en métropoles des EPCI regroupant plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants. Elle a également prévu la création facultative de métropoles à la demande des EPCI, sous certaines conditions ([17]). Au final, 11 nouvelles métropoles ont été créées : Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes, Rouen (par transformation obligatoire d’EPCI) ; Brest, Montpellier et Nancy (de manière volontaire).

La loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a élargi les critères de création volontaire des métropoles, permettant la création des métropoles de Metz, Orléans, Tours, Dijon, Clermont-Ferrand, Saint-Étienne et Toulon.

La loi NOTRe a, pour sa part, modifié les dispositions relatives à la métropole du Grand Paris.

La métropole du Grand Paris

La loi NOTRe a substitué aux « territoires », qui composaient la métropole, des établissements publics territoriaux (EPT), dotés de la personnalité morale et chargés des compétences de proximité. Les 11 EPT demeurent des territoires de plus de 300 000 habitants, d’un seul tenant et sans enclave. Ils rassemblent l'ensemble des communes membres de la métropole, la ville de Paris constituant à elle seule un EPT.

La loi NOTRe a réduit par ailleurs le nombre de conseillers métropolitains de 337 à 209. Elle a également prévu le transfert de la totalité de la fiscalité professionnelle à la métropole, à l’exception de la contribution foncière des entreprises perçue par les EPT jusqu’en 2020.

Les compétences de la métropole ont été modifiées afin de tenir compte de la création des EPT. Quatre grands champs de compétences sont attribués à la métropole, en matière d'aménagement, de politique locale de l’habitat, de développement économique, social et culturel et d’environnement. Les EPT sont quant à eux compétents en matière de politique de la ville, d’équipements culturels, socioculturels, socio-éducatifs et sportifs d’intérêt territorial, d’eau et d’assainissement, de déchets ménagers et d’action sociale d’intérêt territorial.

La création des EPT, qui, selon les cas, se sont substitués à des intercommunalités existantes, ont résulté de la fusion d’EPCI ou regroupé des communes isolées, s’est inscrite dans le mouvement d’achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France, alors que l’aire métropolitaine se caractérise par de fortes spécificités. La complexité de l’organisation institutionnelle de la métropole du Grand Paris, caractérisée par un double niveau d’intercommunalités, avec les 11 EPT, fait l’objet de nombreuses critiques.

Parallèlement aux métropoles, la loi RCT a créé les pôles métropolitains, syndicats mixtes permettant de fédérer des EPCI à fiscalité propre, sous réserve que l’un d’entre eux compte plus de 100 000 habitants. Constitués sur la base du volontariat, les pôles métropolitains sont chargés de conduire des actions d’intérêt métropolitain en matière de développement économique, de promotion de l’innovation, de la recherche, de l’enseignement supérieur et de la culture, d’aménagement de l’espace et de transports.

La loi MAPTAM a également créé les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR), qui constituent le pendant rural des pôles métropolitains et ont vocation à succéder aux pays créés par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995. Les PETR sont chargés d’élaborer un projet de territoire, définissant les conditions du développement économique, écologique, culturel et social dans leur périmètre.

 

 

L’article 30 de la loi NOTRe a institué une collectivité à statut particulier au sens de l’article 72 de la Constitution, la collectivité de Corse, en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse (CTC) et des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse. La collectivité exerce les compétences qui étaient antérieurement attribuées à la CTC et aux deux conseils départementaux.

L’Assemblée de Corse s’était prononcée, le 12 décembre 2014, à une large majorité, en faveur de la création d’une collectivité unique.

La mise en place de cette collectivité, au 1er janvier 2018, a nécessité trois ordonnances (institutionnelle, électorale et financière) et 11 décrets.

La collectivité de Corse

La gouvernance de la collectivité s’inspire de celle de la CTC, avec une Assemblée de Corse et un conseil exécutif, responsable devant l’Assemblée. L’effectif de l’Assemblée de Corse est passé de 51 à 63 membres (avec l’augmentation des effectifs de sa commission permanente de 10 à 14 conseillers), tandis que celui du conseil exécutif est passé en parallèle de 8 à 10 conseillers.

Afin d’assister le conseil exécutif et l’Assemblée de Corse dans leur action, le conseil économique, social et culturel de Corse s’est vu doter d’une dimension environnementale et ses domaines de compétences ont été étendus et actualisés.

Pour coordonner l’action des différentes collectivités et assurer une représentation à l’échelon communal en Corse à côté de la collectivité unique, une chambre des territoires a été créée, dont le siège est situé à Bastia ([18]) .

M. Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de la collectivité, entendu par les rapporteurs, a souligné l’ampleur des évolutions administratives requises depuis deux ans par la fusion de la collectivité et des deux anciens départements, notamment en matière de gestion des ressources humaines, d’harmonisation des systèmes d’information et des dispositifs d’aide sociale. Il a estimé que la mise en place de la collectivité unique n’avait cependant pas occasionné de rupture d’activité ou d’engagements s’agissant des compétences opérationnelles, tout en soulignant que l’action de la collectivité devait maintenant prendre également une dimension stratégique.

 

L’une des difficultés posées par la suppression des départements est la perte de proximité ressentie par les élus communaux, qui n’ont désormais comme interlocuteurs que les conseillers de l’Assemblée de Corse, élus dans le cadre d’une circonscription électorale unique. À cet égard, l’ensemble des interlocuteurs entendus par les rapporteurs ont souligné que la composition actuelle de la chambre des territoires, qui a vocation à représenter le niveau communal et intercommunal, n’était pas satisfaisante.

Les rapporteurs recommandent, deux ans après la réforme, d’évaluer les conséquences de la mise en place de la collectivité unique et de la suppression des conseillers départementaux qui en est résultée. Il conviendra ensuite de déterminer si des ajustements institutionnels sont nécessaires, pour assurer, d’une part, les conditions d’une meilleure prise en compte des spécificités locales, notamment grâce à la chambre des territoires, et, d’autre part, la représentation de l’ensemble des communes et intercommunalités.

Proposition n° 1 : Évaluer les conséquences de la mise en place de la collectivité de Corse et de la suppression des conseillers départementaux qui en est résultée. Déterminer si des ajustements institutionnels sont nécessaires, pour assurer, d’une part, les conditions d’une meilleure prise en compte des spécificités locales, notamment grâce à la chambre des territoires, et, d’autre part, la représentation de l’ensemble des communes et intercommunalités.

Postérieurement aux lois de réforme territoriale de 2014-2015, le décret du 27 février 2019 ([19]) prévoit la création au 1er janvier 2021 de la collectivité européenne d’Alsace, issue de la fusion des conseils départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

La collectivité européenne d’Alsace ne constitue donc pas, en l’état, comme la collectivité de Corse, une collectivité territoriale à statut particulier. Cependant, la loi du 2 août 2019 ([20]) la dote de compétences spécifiques : elle sera le chef de file de la coopération transfrontalière sur son périmètre et sera à ce titre chargée d'établir un schéma alsacien de coopération transfrontalière. Elle interviendra en outre dans la politique du bilinguisme et du plurilinguisme, selon des modalités définies par une convention opérationnelle conclue avec l’État et le conseil régional Grand Est. Elle pourra coordonner, sur son territoire, l'action des collectivités territoriales et de leurs établissements publics en matière de tourisme, dans le cadre du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs. Enfin, la loi lui transfère le réseau routier national non concédé.

 

b.   Une complexité nécessaire pour prendre en compte la diversité des territoires ?

La critique du « mille-feuille » territorial français est ancienne. Elle s’explique par la volonté de simplifier et de rationaliser l’organisation territoriale, dans un objectif de réduction des dépenses publiques et de renforcement de la lisibilité de cette organisation par les citoyens. C’est dans cette optique que la suppression de l’échelon départemental avait été envisagée lors de l’élaboration du projet de loi NOTRe.

Cependant, cette critique fait l’objet de remises en cause, fondées sur le constat de la complexité de l’action locale et de la diversité des territoires pertinents pour mener cette action.

Pour M. Gérard-François Dumont, professeur à l’université Paris‑Sorbonne, le « mille-feuille » territorial est une « banalité démocratique » et sa critique, « un poncif », les grandes démocraties comparables à la France ayant toutes des organisations pouvant être qualifiées de « mille-feuille » administratifs, car les échelles territoriales pertinentes diffèrent selon les problématiques.

M. Samuel Depraz, maître de conférences en géographie-aménagement, a quant à lui souligné que les logiques de projet (par exemple dans le domaine du développement culturel ou de la promotion d’une identité touristique) dépassaient souvent les périmètres administratifs et estimé que « la simplification territoriale ne peut donc être systématique et ne doit pas verser dans le simplisme, ni confondre périmètres administratifs et logiques de projet : il y aura toujours besoin de territoires de projet, plus légers et adaptés au contexte. »

Les aménagements apportés au régime des syndicats défini par la loi NOTRe témoignent de cette nécessité d’exercer certaines compétences dans des périmètres différenciés. La loi NOTRe a fixé un objectif général de réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes lors de l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) ([21]). Cependant, il est apparu que ces syndicats gardaient leur pertinence pour l’exercice de certaines compétences. Des assouplissements ont ainsi été apportés au régime issu de la loi NOTRe s’agissant des syndicats exerçant les compétences « eau » et « assainissement » ([22]) et la gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) ([23]).

2. Un redécoupage territorial fondé sur une approche techno-centrée 

a. Le postulat erroné du « Big is beautiful »

Ainsi que l’a souligné M. Samuel Depraz lors de son audition, si les réformes territoriales n’ont finalement pas abouti à la suppression d’un échelon, elles se sont en revanche traduites par une réduction du nombre d’éléments de différentes mailles territoriales (intercommunalités, régions et communes, avec les communes nouvelles).

Ces réformes ont été principalement guidées par le principe du « Big is beautiful », conduisant à augmenter la taille des structures territoriales, selon l’expression employée par M. Gérard-François Dumont lors de son audition.

Or ce principe est déconnecté de la recherche du « territoire pertinent », que celle-ci repose sur une logique géographique, de fonctionnalité (liée aux usages des habitants) ou d’identité (histoire, culture).

S’agissant des intercommunalités, la loi NOTRe a prévu que les SDCI devaient prendre en compte la cohérence spatiale au regard du périmètre des unités urbaines, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale, mais aussi d’autres critères comme l’accroissement de la solidarité financière et de la solidarité territoriale, ainsi que la réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes ([24])..Le seuil de population fixé pour la constitution des nouveaux ensembles intercommunaux, porté de 5 000 à 15 000 habitants, hors dérogations pour les zones de montagne et les territoires peu denses, a conduit à s’éloigner de la notion de bassin de vie : l’INSEE a identifié en 2012 1 666 bassins de vie ([25]), soit 400 de plus que les 1 256 intercommunalités issues de la réforme de la carte intercommunale.

Les bassins de vie

Le découpage de la France « en bassins de vie » a été réalisé pour faciliter la compréhension de la structuration du territoire de la France métropolitaine.

Le bassin de vie est le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants.

Les services et équipements de la vie courante servant à définir les bassins de vie sont classés en six grands domaines :

– services aux particuliers ;

– commerce ;

– enseignement ;

– santé ;

– sports, loisirs et culture ;

– transports.

Source : INSEE

S’agissant des nouvelles régions, le critère pris en compte a également été celui du poids démographique. Pour M. Gérard Marcou, « ce n’est pas en procédant à des regroupements de ces régions que l’on peut espérer former des ‘régions cohérentes’ dont on attend un ‘rôle stratégique’. Le découpage de la loi du 16 juillet 2015 crée des régions immenses sans aucune unité, pas moins peutêtre que certaines des régions antérieures, mais qui seront plus difficiles à gérer, alors que cellesci avaient acquis une certaine capacité d’action dans leur circonscription. » ([26])

En se fondant sur le postulat du « Big is beautiful », la réforme de la carte régionale n’a pas non plus tenu compte de la dimension identitaire des régions. Ainsi que l’a souligné M. Samuel Depraz, « la faible cohérence identitaire des régions – hormis le seul cas emblématique de la réunion normande – n’a pas permis d’accroître l’adhésion de la population au projet régional. » ([27])

Les effets négatifs de l’accroissement de la taille des entités territoriales sont de plusieurs ordres.

Il s’agit tout d’abord de difficultés de gouvernance, liées à l’éloignement des centres de décision, à la perte de proximité dommageable pour l’exercice de certaines compétences ou encore à l’évolution de la composition des assemblées délibérantes. Ces difficultés sont particulièrement ressenties s’agissant des intercommunalités ([28]).

La réforme a ensuite eu un coût financier, le postulat des économies d’échelles liées à la fusion entre entités territoriales étant erroné. Comme l’a rappelé M. Samuel Depraz, cette idée a été déconstruite de longue date par la théorie économique. La réforme a entraîné des coûts directs, comme les coûts de déplacement accrus puisque la maille territoriale est plus large, les coûts d’alignement indemnitaire des élus, vers le haut en général. Elle a également eu des coûts indirects, tels l’accroissement du nombre d’agents publics en interaction, ce qui crée des coûts de coordination, la hausse des exigences normatives avec un souhait d’élargissement de la gamme et de la qualité des biens offerts à une population plus importante, phénomène qualifié d’effet « zoo » par les économistes, induisant une augmentation des coûts d’investissement et de fonctionnement.

La réorganisation territoriale a enfin eu un coût social et politique, se traduisant par un sentiment de perte de proximité pour les citoyens : l’élargissement d’une maille territoriale rend en effet l’accès aux services publics plus hétérogène (par exemple l’accès aux transports collectifs) et accroît donc le sentiment de mise à distance, mais aussi d’injustice fiscale car les citoyens ont le sentiment de payer pour des infrastructures qu’ils utilisent peu. De surcroît, comme le souligne M. Samuel Depraz, « la proximité n’est pas que kilométrique ; elle ne peut pas être acquise seulement par les progrès techniques comme la dématérialisation et n’est pas la fréquence de recours objective à un service. La proximité est une représentation de la potentialité des territoires ; c’est-à-dire le sentiment d’avoir la possibilité d’accès à un service. Ainsi l’élargissement de la maille territoriale c’est un sentiment de perte, voire de violence symbolique, qui affecte finalement moins les pratiques réelles de l’espace que la représentation sociale que l’on se fait du territoire et de ses modes de vie ».

b. Les conséquences de la réforme de la carte intercommunale

La réforme de la carte intercommunale

L’article 33 de la loi NOTRe relève le seuil minimal de constitution d’un EPCI à fiscalité propre. Le projet initial proposait de relever ce seuil de 5 000 à 20 000 habitants (sauf exceptions géographiques particulières) ; après avoir été largement discuté lors des débats parlementaires, un seuil de 15 000 habitants a finalement été adopté.

Ce principe est assorti d’un ensemble de modulations permettant de l’adapter à la diversité et à la réalité des territoires dans plusieurs hypothèses (sans toutefois pouvoir envisager un EPCI inférieur à 5 000 habitants) :

– pour les EPCI « dont la densité démographique est inférieure à la moitié de la densité nationale, au sein d’un département dont la densité démographique est inférieure à la densité nationale ; le seuil démographique applicable est alors déterminé en pondérant le nombre de 15 000 habitants par le rapport entre la densité démographique du département auquel appartiennent la majorité des communes du périmètre et la densité nationale » ;

– pour les EPCI dont la densité démographique est inférieure à 30 % de la densité nationale ;

– pour les EPCI comprenant une moitié au moins de communes situées dans une zone de montagne ou regroupant toutes les communes composant un territoire insulaire ;

– pour les EPCI incluant la totalité d’un EPCI à fiscalité propre de plus de 12 000 habitants issu d’une fusion intervenue entre le 1er janvier 2012 et la date de publication de la loi NOTRe.

La réforme de la carte intercommunale s’est traduite par une forte baisse du nombre d’EPCI, passé de 2 062 en 2016 à 1 266 au 1er janvier 2017, soit une réduction de 39 %. Le nombre de communautés de communes a diminué de 45 %.

Les regroupements ont entraîné une nette augmentation de la taille moyenne des communautés de communes (passée de 16 à 26 communes) et de leur population moyenne (22 000 habitants environ contre 14 000 en 2017).

Le nombre d’intercommunalités rassemblant plus de 50 communes, dites intercommunalités « XXL », est passé de 53 en 2016 à 143 au 1er janvier 2019, soit plus de 11 % des EPCI.

L’augmentation de la taille des intercommunalités a entraîné une modification de la relation entre communes et intercommunalités, souvent citée par les élus et leurs associations comme le principal « irritant » de la loi NOTRe. Les rapporteurs partagent à cet égard le constat établi par la mission d’information relative à la commune dans la nouvelle organisation territoriale ([29]) : sous l’effet de différents facteurs – éloignement géographique du siège de l’intercommunalité, augmentation des effectifs des conseils communautaires, technicité des sujets et abondance des normes, poids croissant de la « technostructure » dans les intercommunalités – les élus municipaux, en particulier les maires, ressentent un éloignement et une perte d’influence vis-à-vis des intercommunalités. Les conditions de recomposition de la carte intercommunale ont pu contribuer à ce sentiment de malaise, en particulier lorsque l’intercommunalité est vécue comme subie. Le transfert obligatoire d’importantes compétences communales accentue également le sentiment de dépossession des maires et des élus municipaux.

Ainsi que l’a souligné l’Association des petites villes de France (APVF), les questions de périmètre et de gouvernance des intercommunalités sont étroitement liées. L’enjeu est aujourd’hui de rééquilibrer la relation entre intercommunalités et communes en associant davantage les maires et les élus municipaux à la gouvernance des EPCI.

c. Les grandes régions

Préalablement à la loi NOTRe, la loi du 16 janvier 2015 a réduit de 22 à 12 le nombre de régions en métropole au 1er janvier 2016.

Parmi ces 12 régions :

– cinq sont issues de la fusion de deux anciennes régions : Auvergne et Rhône-Alpes, Bourgogne et Franche-Comté, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais et Picardie, Basse-Normandie et Haute-Normandie ;

– deux sont issues de la fusion de trois anciennes régions : Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne ; Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes ;

– cinq ont conservé leurs limites géographiques antérieures : Bretagne, Centre, Île-de-France, Pays-de-la-Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur.

La réduction du nombre de régions était l’une des recommandations du comité Balladur en 2009 mais celui-ci avait préconisé que le regroupement de certaines régions s’opère sur la base du volontariat ([30]). La démarche retenue en 2015 est différente, puisque le redécoupage régional a été décidé par le législateur sans consultation des collectivités concernées.

Le Conseil constitutionnel a jugé qu’« aucune disposition de la Constitution (art. 72, alinéa 3 ou art. 72-1, dernier alinéa) ni aucune autre exigence constitutionnelle n’imposent la consultation des collectivités territoriales préalablement au dépôt d’un projet ou à l’adoption d’une loi modifiant leurs délimitations territoriales » ([31]). Conformément à sa jurisprudence excluant le contrôle de conventionalité, il ne s’est en revanche pas prononcé sur la conformité de la loi à la Charte européenne de l’autonomie locale ([32]), dont l’article 5 rend obligatoire la consultation des collectivités locales pour toute modification des limites territoriales locales.

L’absence de concertation ainsi que la conduite précipitée de la réforme ont largement nui à son acceptation, tout comme la faible pertinence des arguments avancés par l’étude d’impact.

La réforme de la carte régionale a tout d’abord été justifiée par l’idée selon laquelle les régions françaises n’avaient pas une taille comparable à celles des autres pays européens. Cet argument a été écarté par les différents universitaires entendus par la mission.

Ainsi, pour M. Michel Verpeaux, professeur à l’université Paris I, « la pertinence de la comparaison reste à démontrer et l’argument illustre une confusion, souvent répandue, entre la taille, les compétences et les moyens reconnus aux régions ou autres échelons sub-étatiques dans les pays considérés. En réalité, il n’existe aucun modèle européen et les régions ou autres niveaux de cet ordre, comme les Länder allemands, les régions italiennes ou les communautés autonomes espagnoles n’ont pas tous une taille supérieure à celle des régions françaises. » ([33])

Pour M. Gérard-François Dumont, les anciennes régions françaises étaient déjà de grande taille dans les comparaisons européennes ([34]) et cette réforme a fait de la France « le seul État démocratique dont l’organisation régionale n’est composée que de vastes territoires alors que, partout ailleurs, et par exemple en Allemagne, en Espagne ou en Italie, les délimitations régionales sont le fruit de la géographie historique, d’où il résulte que la superficie et la population des régions sont extrêmement variables » ([35]) .

L’étude d’impact mettait également en exergue le fait que les fusions de régions permettraient de réaliser des économies d’échelle importantes. Cet argument, contestable pour des raisons théoriques ([36]), est en outre largement démenti par le dernier rapport de la Cour des Comptes sur les finances publiques locales ([37]). Celle-ci estime en effet que « la fusion des régions a occasionné dans un premier temps des surcoûts importants (+ 11,9 % de dépenses indemnitaires entre 2017 et 2018 pour les régions fusionnées, + 6,1 % pour les autres). Or les outils de suivi et d’évaluation sont rares et ne favorisent pas la maîtrise des coûts de ces derniers. De fait, trois ans après la mise en œuvre de la réforme, les économies de gestion annoncées ne sont pas encore au rendez-vous. »

Parallèlement, la réforme de la carte régionale a eu un impact sur l’organisation des services régionaux de l’État.

La réforme des services régionaux de l’État

Les services déconcentrés avaient déjà fait l’objet d’importantes réformes dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). En 2010, la réforme de l’administration territoriale de l’État (Réate) s’était traduite par un important resserrement des services régionaux (8 directions régionales contre 20 auparavant) et des services départementaux (deux à trois directions départementales interministérielles). Le rôle du préfet de région a été renforcé, celui-ci étant désormais responsable de l’exécution des politiques publiques dans la région, et disposant d’un pouvoir d'instruction sur le préfet de département et d’un droit d'évocation de certaines des compétences de ce dernier. Cependant, certains services ne sont pas placés sous sa dépendance hiérarchique (rectorats, directions régionales des finances publiques).

Parallèlement, le rôle du secrétaire général aux affaires régionales (SGAR), chargé d’assister le préfet de région dans ses missions de coordination des services régionaux, est monté en puissance.

Afin de tirer les conséquences de la réforme de la carte régionale, l'État a réorganisé ses services régionaux dès le 1er janvier 2016. Dans les sept régions fusionnées, le nombre de services régionaux est passé de 144 à 63. Le choix a été fait de maintenir des implantations dans les anciens chefs-lieux des régions fusionnées (organisation multi-sites).

La conjugaison des réformes a eu des effets contradictoires sur le pilotage de l’action de l’État dans les territoires et tend à complexifier la compréhension du processus de prise de décision. Avec le redécoupage territorial de 2015, les régions sont à présent tellement grandes que les préfets n’ont pas toujours de vue sur les services régionaux. Les effets regrettables de ce redécoupage trop vaste, qui affectent l’action des collectivités, touchent donc également l’action des services déconcentrés de l’État.

d. Les communes nouvelles, une belle idée qui ne doit pas être dévoyée

Contrairement aux évolutions des autres structures territoriales (intercommunalités, régions), décidées au niveau central, la création des communes nouvelles est un dispositif souple reposant sur l’initiative des communes ([38]).

Cependant, les motivations de création d’une commune nouvelle ont évolué à la suite de la loi NOTRe. Les rapporteurs partagent à cet égard le constat dressé par M. Gérard-François Dumont : certaines communes relèvent désormais davantage d’un raisonnement défensif que d’un projet commun partagé ([39]). Il peut s’agir d’une logique financière, la loi « Pélissard » ayant institué un système d’incitations financières, par la garantie de la stabilité des dotations de l’État pendant trois ans, qui a depuis été reconduit. La création d’une commune nouvelle peut également reposer sur la volonté de peser davantage dans le cadre des intercommunalités élargies. Il ressort d’une enquête menée par l’AMF et la Caisse des dépôts en 2017 que pour 73 % des communes nouvelles, la volonté d’avoir davantage de poids au sein d’une intercommunalité élargie ainsi que dans les rapports avec les autres collectivités territoriales et les services de l’État a constitué un enjeu important ([40]). La commune nouvelle est également apparue comme un outil pour exercer ou reprendre des compétences précédemment exercées par une intercommunalité, qui, après une fusion dans le cadre de la loi NOTRe, n’a pas souhaité exercer ces compétences sur l’ensemble de son ressort.

Pour les rapporteurs, la commune nouvelle doit rester un dispositif souple, fondé sur le volontariat des communes, afin de mettre en œuvre un projet commun. Les incitations financières sont certes un élément indispensable au succès des communes nouvelles mais elles ne sauraient suffire à justifier de nouveaux projets. À cet égard, la loi n° 2019-809 du 1er août 2019 visant à adapter l’organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, issue d’une proposition de loi de la sénatrice Françoise Gatel, apporte des avancées, s’agissant notamment de la période transitoire suivant la création de la commune nouvelle et de la place des communes déléguées.

Cette loi crée également une nouvelle entité territoriale, la commune-communauté, commune nouvelle à l’échelle d’une intercommunalité ([41]). À partir du 1er avril 2020, les conseils municipaux des communes souhaitant constituer une commune nouvelle pourront demander que cette commune soit dispensée d’adhérer à un nouvel EPCI, à la condition qu’elle regroupe toutes les communes membres d’un EPCI existant. La commune-communauté exercera alors conjointement les compétences communales et intercommunales.

La création de ce « nouvel hybride local » ([42]) vient accentuer la diversification des statuts déjà évoquée par les rapporteurs, dans l’objectif d’une meilleure adaptation institutionnelle à la diversité des territoires. Elle est susceptible d’inciter à la création de communes nouvelles, la perspective de devoir adhérer à un nouvel EPCI pouvant être dissuasive pour les communes concernées. Néanmoins, il est encore trop tôt pour mesurer la portée de cette disposition, qui dépendra de son appropriation effective par les communes.

C. une répartition des compétences source de rigidités et d’insécurité juridique

La loi NOTRe traduit une volonté de spécialisation des différentes catégories de collectivités et de transfert par « blocs de compétences ». Selon les termes de M. André Vallini, secrétaire d’État à la réforme territoriale, le principe devait en être le suivant : « aux régions l’économie, aux départements la solidarité, au bloc communal les services de proximité ».

Cependant, cette approche nie la réalité de l’action locale, qui implique des interventions conjointes des différentes collectivités. De plus, la volonté de privilégier l’intercommunalité et la région dans la répartition des compétences a paradoxalement abouti à une légitimation de la commune et du département. Au final, la répartition des compétences issue de la loi NOTRe est source de nombreuses difficultés pour les collectivités territoriales, en raison de sa rigidité et de l’impossibilité de délimiter clairement des champs de compétences exclusives.

1. La spécialisation des compétences, négation de la réalité de l’action locale

a. La clause générale de compétence, bouc émissaire

La clause générale de compétence trouve son origine à l’article 61 loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale, selon lequel : « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Cette disposition est actuellement inscrite à l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

La loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions a étendu le bénéfice de cette clause aux départements et aux régions ([43]).

Après sa suppression, partielle, par la loi RCT, puis son rétablissement par la loi MAPTAM ([44]), la loi NOTRe a finalement supprimé la clause générale de compétence des régions et des départements en précisant que les uns et les autres ne pourraient plus intervenir que dans les domaines de compétences que la loi leur attribue.

L’étude d’impact du projet de loi justifiait cette suppression par deux objectifs. Il s’agissait en premier lieu de renforcer la clarté et la lisibilité des compétences, afin d’« afficher clairement la limitation des compétences [des régions et des départements] aux domaines définis par la loi, et par là-même de redonner toute sa compétence au législateur ». Le Gouvernement souhaitait par cette approche mettre fin aux doublons et aux enchevêtrements de compétences entre collectivités territoriales.

La suppression de la clause générale de compétence répondait en second lieu à un objectif de maîtrise de la dépense publique locale. Selon l’étude d’impact, « dans un contexte de redressement des comptes publics, des compétences mieux délimitées par la seule loi permettront aux élus locaux de ne plus être confrontés à la multiplication des sollicitations financières sans lien direct avec le cœur de l’action [des départements et des régions]. » Était particulièrement visée la pratique des financements croisés selon laquelle plusieurs niveaux de collectivités peuvent participer au financement des projets publics. La volonté de limiter ces financements s’est également traduite par de nouvelles règles les encadrant.

L’encadrement des financements croisés par la loi NOTRe

L’article L. 1111-10 du CGCT prévoit une participation minimale du maître d’ouvrage, fixée en principe à 20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques dans le cadre d’un projet porté par un groupement de collectivités.

L’article L. 1111-9 du CGCT interdit le cumul des subventions de la région et du département pour des projets relevant des domaines de compétences à chef de file. Cependant, le cofinancement est autorisé s’agissant des opérations inscrites au contrat de plan, ainsi que de celles réalisées dans le cadre d’une convention territoriale d’exercice concerté d’une compétence relevant d’un chef de file.

Pour les rapporteurs, la suppression de la clause générale de compétence des régions et des départements repose sur une erreur de diagnostic. En effet, l’enchevêtrement des compétences ne résulte pas de cette clause car elle n’a qu’une portée subsidiaire, ainsi que l’a précisé la jurisprudence administrative et constitutionnelle. Par une décision du 29 juin 2001, Le Conseil d’État a précisé, s’agissant des communes, que la clause générale de compétence « habilite le conseil municipal à statuer sur toutes les questions d’intérêt public communal, sous réserve qu'elles ne soient pas dévolues par la loi à l’État ou à d’autres personnes publiques et qu’il n’y ait pas d’empiètement sur les attributions conférées au maire » ([45]). De manière similaire, le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 sur la loi RCT, que la clause générale de compétence des départements ne les rendait pas compétents pour traiter toute affaire en lien avec leur territoire car ces derniers ne devaient pas empiéter sur les compétences dévolues à l’État ou à d’autres personnes publiques.


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De plus, le développement des financements croisés est indépendant de l’existence d’une clause générale de compétence. Ainsi que le souligne M. Jean-Marie Pontier, « ce qui est en cause, ce n’est pas l’exercice d’une compétence, ce n’est pas la clause générale de compétence, ce qui est en cause, c’est la recherche éperdue d’un financement. Cette recherche de financement est plus aiguë que jamais, depuis une cinquantaine d’années, on peut donc chercher à limiter les dépenses par la voie d’une certaine spécialisation, on ne mettra pas fin à cette recherche de financement. » ([46])

Selon le même auteur, le législateur s’est mépris sur ce qu’est la clause générale de compétence, laquelle a fait office de « bouc émissaire ». « Elle est simplement – mais c’est déjà beaucoup – la formulation et la formalisation intellectuelle d’une liberté d’initiative qui est au fond la garantie réelle d’une véritable décentralisation, parce qu’elle permet sans obliger, elle donne leurs chances aux collectivités et à leurs élus de faire plus et autre chose que ce que l’application littérale des textes autorise » ([47]).

Néanmoins, dans sa décision n° 2016-565 QPC du 16 septembre 2016, le Conseil constitutionnel a jugé que la compétence générale des collectivités territoriales n’était pas une conséquence nécessaire de leur libre administration. Il a en revanche estimé que les collectivités devaient disposer de compétences effectives pour garantir le respect du principe de libre administration et jugé, s’agissant des départements, que tel était bien le cas.

b. Une volonté de spécialisation contredite par le développement de dérogations

La logique de spécialisation des compétences des différentes catégories de collectivités territoriales mise en œuvre par la loi NOTRe n’est pas absolue. En témoignent les différentes exceptions prévues par le législateur, qu’il s’agisse de l’exercice partagé de certaines compétences, de la désignation de collectivités chefs de file ou encore des possibilités de délégations de compétences.

i.   Les compétences partagées

L’article 104 de la loi NOTRe reconnaît les possibilités d’intervention conjointe des différentes collectivités dans les domaines de la culture, du sport et du tourisme, qualifiées de compétences partagées. L’étude d’impact du projet de loi justifie le caractère partagé de ces compétences par « la diversité des interventions existantes » et « la fragilité des opérateurs ». Cette liste a été complétée au cours de la discussion parlementaire par la promotion des langues régionales et l’éducation populaire.

Dans son instruction du 22 décembre 2015, le Gouvernement interprète la notion de compétences partagées, en estimant que cette liste n’est pas exhaustive, et en citant également les compétences relatives à l'aménagement numérique ou encore à l’eau et aux milieux aquatiques et marins (à l’exception de la compétence GEMAPI).

Il ressort des auditions menées par la mission que l’existence de compétences partagées n’est pas contestée et fait souvent l’objet d’appréciations positives. Pour M. Alain Lambert, président du CNEN, « c’est ce qui marche le mieux, car l’exercice de ces compétences fait l’objet d’organisations volontaires et contractuelles. » ([48])

La direction générale des collectivités locales (DGCL) souligne quant à elle que « certaines [de ces compétences], comme le sport, les langues régionales ou la culture, sont particulièrement appréciées par les acteurs locaux. » Elle estime que, s’agissant de ces domaines, une répartition des rôles s’est dessinée entre les différentes collectivités.

Ainsi, s’agissant du sport, « il apparaît que les collectivités du bloc communal se mobilisent en premier lieu sur les équipements sportifs de proximité et sur les aides aux clubs sportifs. Les départements détiennent quant à eux une compétence spécifique en matière de sports de nature, justifiée par leur maillage notamment en zones de montagne, alors que les régions gèrent les centres de ressources, d’expertises et de performances sportives (CREPS) et peuvent fournir un soutien à l’organisation de manifestations sportives à l’échelle de leur territoire. Les métropoles, enfin, s’investissent sur les équipements sportifs structurants, comme en témoigne le rôle qu’est appelée à jouer la métropole du Grand Paris dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. » ([49]).

Dans le domaine de la culture, la DGCL relève également des interventions différenciées des collectivités, avec des musées communaux, départementaux, régionaux, des bibliothèques municipales ou départementales. Le spectacle vivant et les festivals sont plus généralement portés par le bloc communal, tandis que les départements et surtout les régions investissent dans des productions permettant une visibilité importante pour la collectivité (cinéma, mise en valeur du patrimoine, etc.).

ii.   Les collectivités chefs de file

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a introduit la notion de collectivité chef de file à l’article 72, alinéa 5, de la Constitution, qui prévoit que « lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune ».

La loi MAPTAM a donné corps à cette notion en désignant des collectivités chefs de file pour de nombreuses compétences. Cette approche visait à rationaliser l’exercice des compétences au niveau local, parallèlement au rétablissement de la clause générale de compétence des régions et des départements.

La loi NOTRe n’est pas revenue sur cette approche mais elle a adapté le champ des compétences concernées.

Les collectivités chefs de file

La loi identifie comme chefs de file :

– la région : aménagement et développement durable du territoire, protection de la biodiversité ; climat, qualité de l’air et énergie ; politique de la jeunesse ; inter-modalité et complémentarité entre les modes de transport ; soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche ;

– le département : action sociale, développement social, contribution à la résorption de la précarité énergétique ; autonomie des personnes ; solidarité des territoires ;

– la commune ou l’EPCI : mobilité durable ; organisation des services publics de proximité ; aménagement de l’espace ; développement local.

Source : article L. 1111-9 du CGCT

La DGCL précise dans ses réponses écrites que « la liste des compétences dont l’exercice est coordonné par une collectivité chef de file est limitative. Les collectivités conservent une liberté d’exercice des compétences partagées qui n’y figurent pas (sport, tourisme, aménagement numérique, culture…). »

La doctrine souligne le manque de clarté de la notion de chef de file. Ainsi, selon Mme Géraldine Chavrier, professeure à l’université Paris I, « on ne sait pas vraiment donner un contenu à la notion de chef de file. On sait que c’est un ‘coordonnateur’, qui va conduire les collectivités concernées par une action commune à se coordonner sur la programmation et, plus souvent, sur l’exécution des compétences concernées (...) par exemple, il peut se charger de l’évaluation préalable, ou prendre en charge certaines procédures telles que les consultations pour avis ou même la mise en œuvre matérielle de la procédure de passation d’un contrat. Il va aussi suivre l’exécution des actions décidées. » ([50])

De plus, le chef de file ne peut disposer d’un pouvoir de contrainte à l’égard des autres collectivités car son action doit s’inscrire dans le respect du principe constitutionnel d’interdiction de toute tutelle d’une collectivité sur une autre ([51]). De ce fait, son rôle se limite à l’organisation des modalités de l’action commune et ne peut porter sur la définition de ces orientations ([52]).

Au final, l’apport de la notion de chef de file reste donc limité : « chacun y voit une solution miracle en lui prêtant plus de contenu, mais en fait, elle ne va pas au-delà des modalités préparatoires, d’exécution matérielle et de suivi. » ([53])

Par ailleurs, alors que le législateur a prévu que les régions et les départements élaborent des conventions territoriales d’exercice concerté des compétences (CTEC) pour chacun des domaines de compétence pour lesquels ils sont chefs de file ([54]), un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) de mai 2017 ([55]) relève que les acteurs locaux se sont mal approprié cet outil, quelques régions seulement s’étant engagées dans cette démarche. L’IGA souligne également que le recours aux CTEC est essentiellement guidé par une logique opportuniste, afin de lever les contraintes sur les cofinancements.

iii.   Le développement des délégations de compétences

La délégation de compétences est un dispositif prévoyant l’exercice des compétences d’une personne, le délégant, par une autre, le délégataire, qui l’exerce au nom et pour le compte du délégant, et sous sa responsabilité. La délégation s’effectue en vertu d’une convention qui définit strictement son objet, ses objectifs, sa durée, nécessairement limitée dans le temps, et les modalités de son contrôle. Elle se distingue à cet égard du transfert de compétences.

Les différents dispositifs de délégations de compétences entre collectivités

Introduit par la loi RCT de 2010, et modifié par la loi MAPTAM du 27 janvier 2014, l’article L. 1111-8 du CGCT permet à une collectivité territoriale de déléguer, par convention et pour une durée déterminée, l’exercice d’une compétence dont elle est attributaire à une collectivité relevant d’une autre catégorie, ou à un EPCI à fiscalité propre.

Ce dispositif est complété par l’article L. 1111-8-2 du CGCT, selon lequel, dans les domaines de compétences partagées, l’État, une collectivité territoriale ou un EPCI à fiscalité propre peut, par convention, déléguer l’instruction et l’octroi d’aides ou de subventions à l’une des personnes publiques précitées.

Par ailleurs, l’article L. 5210-4 du CGCT dispose qu’un EPCI peut demander à exercer tout ou partie des compétences dévolues à un département ou à une région au nom et pour le compte de celle-ci, dès lors que cela est prévu par ses statuts.

Un dispositif spécifique de délégation des compétences du département à la métropole est défini par l’article L. 5217-2 du CGCT. Dans ce cadre, la métropole peut, à l’intérieur de son périmètre, exercer par délégation certaines compétences dévolues au département.

Enfin, des délégations de compétences sont régies par des dispositions particulières. Par exemple, la loi NOTRe a prévu que les régions peuvent déléguer à des départements, communes, ECPI ou syndicats mixtes la compétence relative au transport scolaire, conformément à l’article L. 3111-9 du code des transports.

Le développement des délégations de compétences fait l’objet de critiques. Certains y voient en effet un facteur de complexification de l’organisation des compétences. Ainsi, pour M. Alain Lambert, président du CNEN, il en résulte « une superposition et une complication de l’organisation territoriale, puisqu’il convient de se référer non seulement à la loi, mais aussi aux conventions de délégations conclues entre collectivités territoriales afin d’identifier quelle est la collectivité compétente dans un domaine déterminé » ([56])

Ce constat rejoint les avertissements de Mme Nelly Ferreira, maître de conférences en droit public : « ces délégations risquent de constituer un nouvel élément d’imbroglio des compétences (…). La simplification annoncée n’aura pas lieu et c’est (encore une fois) le législateur qui organise l’enchevêtrement des compétences, en incitant les collectivités à recourir à ce procédé. On peut s’interroger sur l’objectif visé lorsqu’on institue des compétences d’attribution et qu’on autorise dans le même temps des délégations sans réelle limite ou condition. » ([57])

Les délégations de compétences peuvent aussi être considérées comme un instrument d’adaptation aux spécificités des territoires et un facteur de souplesse pour les collectivités. Au cours de son audition, M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales, a ainsi estimé que la question des délégations de compétences devait être intégrée à la réflexion nécessaire sur la mise en œuvre du principe de subsidiarité. M. Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, a pour sa part estimé qu’il convenait d’aller plus loin dans la voie des délégations de compétences, qui apportent de la souplesse sans pour autant remettre en cause l’unité du droit.

Les délégations de compétences n’ont cependant pas, jusqu’à présent, rencontré un grand succès auprès des collectivités territoriales. Selon le rapport de l’IGA précité, celles-ci sont pratiquement absentes du cadre d’exercice des compétences des collectivités territoriales et des EPCI, ce que les auteurs expliquent par trois facteurs.

Tout d’abord, le cadre contraignant des délégations est généralement ressenti comme l’exercice d’une tutelle du délégant sur le délégataire.

Le caractère limité du recours aux délégations de compétences résulte par ailleurs des contraintes de mise en place du dispositif (lourdeur et longueur de la procédure ;  obligation de détailler presque à l’excès son objet, ses objectifs et ses modalités de contrôle ; délégation limitée dans le temps ;  inadaptation pour des domaines nécessitant une subdélégation).

Enfin, le facteur le plus dissuasif est le sentiment que les délégations ont été conçues comme un outil de clarification et de rationalisation des compétences locales par défaut. À titre d’exemple, l’IGA estime que la délégation prévue optionnellement dans la convention département-métropole a été sans doute inspirée par le souci d’ « écarter le spectre, entretenu par certains, du transfert obligatoire et de la dilution du département en milieu urbain et non pour favoriser l’émergence d’une autre forme de collaboration au sein de ces espaces territoriaux particuliers ».

c. La théorie des blocs de compétences, une impasse

L’existence de larges dérogations à la spécialisation des compétences des différentes catégories de collectivités territoriales est inévitable car il s’agit d’un objectif irréaliste.

La notion même de compétences des collectivités territoriales est contestée par la doctrine : « la notion en droit public désignant la capacité des organes des personnes morales à prendre des actes juridiques, on peut affirmer (...) que les collectivités territoriales nont pas à proprement parler de  compétences . Lusage du terme, qui sest progressivement répandu dans le droit de la décentralisation, vise dès lors dautres types de situations. Lié à lanalyse économique et financière, il sest imposé aux juristes de lextérieur et sans rigueur. Les mots de la loi traduisent dailleurs ces hésitations : le code général des collectivités territoriales (CGCT) utilise indifféremment les termes d attributions , de  missions , d affaires  ou de  compétences  visant le plus souvent des missions très générales liées à la capacité des collectivités locales dengager des dépenses dans ces matières et non des attributions strictement définies » ([58]).

La loi NOTRe ne fait pas exception à ce constat, puisqu’elle maintient une définition particulièrement large de certaines compétences d’attribution. Le conseil régional a ainsi compétence « pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région » et le conseil départemental « pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental ».

À cet égard, l’approche retenue est incohérente : la suppression de la clause générale de compétence des régions et des départements et l’énumération de compétences d’attribution imprécises n’aboutit aucunement à la simplification recherchée, les compétences des différentes catégories de collectivité pouvant se recouper et donner lieu à des difficultés d’interprétation, source d’insécurité juridique pour les collectivités, placées en situation de concurrence. Le domaine du développement économique a, en particulier, cristallisé les tensions ([59]).

L’instruction du Gouvernement du 22 décembre 2015 ([60]) illustre la complexité des mécanismes de répartition des compétences issus de la loi NOTRe et les marges d’interprétation qui en résultent. Après avoir rappelé le principe selon lequel la disparition de la clause générale de compétence implique que l'intervention de la région ou du département doit se fonder sur un texte qui attribue expressément compétence dans le domaine considéré, l’instruction cite des exemples reflétant la difficulté de sa mise en application. Ainsi, en matière de liaisons aériennes, il est précisé « que l'intervention des départements, qui se fondait jusquprésent sur la clause de compétence générale, n'est plus possible à moins que la liaison ait un caractère touristique indiscutablement prépondérant ». En revanche, bien qu’ils ne disposent pas de compétence globale en matière environnementale, les départements pourront maintenir leur présence au sein des parcs naturels régionaux, en lien notamment avec leur compétence en matière d'espaces naturels sensibles.

Le tableau « synthétique » de la répartition des compétences, établi par la DGCL à la suite de la loi NOTRe, et actualisé depuis pour prendre en compte les dispositions législatives ayant affecté cette répartition, démontre par sa longueur (18 pages) et sa complexité que l’objectif de clarification de la loi NOTRe n’a nullement été atteint.

Pour les rapporteurs, la théorie des blocs de compétences était de toute façon vouée à l’échec. Il est en effet impossible de définir précisément des blocs de compétence permettant une véritable spécialisation des collectivités territoriales, cette approche ne correspondant pas à la réalité de l’action locale, par nature transversale. Ainsi que l’a souligné M. Robert Hertzog, professeur émérite en droit public, lors de son audition, la complexité de l’action publique rend impossible la définition précise de l’ensemble des missions qui en relèvent. La coopération entre collectivités est une nécessité et aucune compétence ne peut être attribuée à un seul niveau de collectivité.

La loi NOTRe s’est trompée d’objectif : la recherche, illusoire et contre-productive, de la lisibilité des compétences « consiste à faire entrer l’usager par le back-office de l’action publique » ([61]). C’est au final le service rendu au citoyen qui importe, selon une logique de front office, et non l’identification par ce dernier des collectivités responsables de ce service.

2. De la volonté de privilégier l’intercommunalité et la région à la légitimation de la commune et du département

a. Les problèmes posés par les transferts de compétences aux régions et aux intercommunalités

i.   Les difficultés rencontrées s’agissant des compétences « développement économique » et « transports » des régions

La région exerçait depuis la loi du 13 août 2004 ([62]) le rôle de collectivité chef de file en matière de développement économique. La loi NOTRe a renforcé ses compétences dans le domaine économique, en affirmant que « la région est la collectivité territoriale responsable, sur son territoire, de la définition des orientations en matière de développement économique » ([63]) et en créant à cet effet un nouvel instrument de planification, le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SDREII).

Le SDREII (articles L. 4251-13 à L. 4251-20 du CGCT)

Le SRDEII « définit les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation et d’aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional. Il définit les orientations en matière de développement de l’économie sociale et solidaire, en s’appuyant notamment sur les propositions formulées au cours des conférences régionales de l'économie sociale et solidaire ».

Le projet de SDREII doit être élaboré en concertation avec les métropoles et les EPCI. Les orientations font l’objet d’une élaboration conjointe avec les métropoles si le schéma doit s’appliquer à leur territoire (à défaut le conseil de métropole peut élaborer un schéma spécifique qui doit prendre en compte les orientations du SDREII).

Le SDREII est présenté et discuté au sein de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP).

Il doit ensuite être approuvé par le représentant de l’État dans la région, ce qui lui confère une dimension prescriptive.

Celle-ci se traduit par une obligation de compatibilité des actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d'aides aux entreprises avec le SRDEII. Sans aller jusqu’à une obligation de conformité, cela signifie que ces actes ne devront pas aller à l’encontre des orientations définies par le SDREII.

Le processus d’adoption et d’approbation des SDREII par les préfets s’est achevé au printemps 2017. Le rapport précité de l’IGA souligne que, contrairement à ce que prévoyait la loi NOTRe, la dimension prescriptive de ces schémas reste limitée : « beaucoup de SRDEII donnent une grille de lecture de l’économie régionale, définissent des principes d'intervention (ex : non dumping social), fixent des priorités en matière de filières mais n'ont pas véritablement de caractère prescriptif (obligation de faire ou de ne pas faire). »

La loi NOTRe a attribué par ailleurs aux régions une compétence exclusive pour définir les régimes d’aides et pour décider de l’octroi des aides aux entreprises de leur territoire ([64]). Le bloc communal dispose quant à lui d’une compétence exclusive pour définir et octroyer les aides à l’immobilier des entreprises ([65]).

Au-delà de ces évolutions, le renforcement de la compétence des régions en matière économique résulte de la réduction des possibilités d’intervention des départements, en raison de la suppression de leur clause générale de compétence.

Cette réorganisation des compétences a suscité des difficultés d’interprétation. La question du maintien d’interventions départementales, en lien avec d’autres compétences, telles que la solidarité territoriale, pouvait en effet se poser. Cependant les instructions successives du Gouvernement ont retenu une interprétation stricte des dispositions de la loi NOTRe ([66]), ne laissant aux départements que des possibilités d’intervention résiduelles, et les recours des départements contre ces instructions ont été rejetés par le Conseil d’État ([67]).

Les départements ne disposent plus que de compétences résiduelles. Ils peuvent ainsi contribuer, à titre complémentaire, au financement d’aides accordées par la région en faveur d’organisations ou d’entreprises exerçant leur activité dans le secteur de l’agriculture et de la pêche ([68]). Ils peuvent également octroyer des aides à l’exploitation des salles de cinéma ([69]), ainsi qu’à l’installation ou au maintien de professionnels de santé dans les zones déficitaires ([70]). Par ailleurs, les départements ont la faculté de compléter des aides accordées par les communes ou leurs groupements lorsque l’initiative privée est défaillante ou insuffisante pour assurer la création ou le maintien d’un service nécessaire à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural ou dans une commune comprenant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville ([71]) .

L’application de la loi NOTRe a notamment suscité des tensions relatives au maintien des agences départementales de développement économique. Certaines ont été supprimées ou transférées aux régions et EPCI, tandis que d’autres ont vu leurs statuts évoluer pour exclure le développement économique de leur champ d’activité. Lorsque tel n’a pas été le cas, les délibérations relatives au financement départemental de ces agences ont été annulées par le juge administratif ([72]).

La loi NOTRe a également renforcé les compétences des régions en matière de transports, par le transfert des compétences des départements en matière de transports interurbains, au 1er janvier 2017, et de transports scolaires, à l’exception du transport spécial d’élèves handicapés, au 1er septembre 2017. Ces compétences peuvent faire l’objet de délégations de la région aux départements ([73]).

La plupart des régions ont fait le choix de déléguer provisoirement la compétence « transports interurbains » aux départements jusqu’au 1er septembre 2017, celle-ci étant étroitement liée à la compétence « transports scolaires ».

Néanmoins, l’IGA souligne dans son rapport précité qu’à l’issue de cette période transitoire, les quatre cinquièmes des régions ont repris ces compétences, alors que « cette compétence transports, caractérisée par une organisation complexe, au plus près des besoins des territoires, nécessitant un maillage précis, n’entrait pas dans le registre habituel des compétences jusqu’alors administrées par le niveau régional, a fortiori pour les régions regroupées. Une période d’adaptation sous un régime de délégation n’était-elle pas, dès lors, souhaitable, d’autant que les départements conservaient la compétence transport des personnes handicapées ? » ([74])

Pour l’IGA, le fait que la subdélégation à une autorité organisatrice de transport infra-départementale ne soit pas autorisée a constitué un frein au développement des délégations des régions aux départements, ces derniers n’exerçant que rarement cette compétence directement.

ii.   Les difficultés des transferts de compétences des communes aux intercommunalités en matière de tourisme et d’eau et assainissement

En application de la loi NOTRe, la compétence « promotion du tourisme », qui inclut la création d’offices de tourisme, est obligatoirement exercée par les communautés de communes et les communautés d’agglomération depuis le 1er janvier 2017 ([75]). Ce transfert ayant fait l’objet de contestations des communes, particulièrement attachées à la gestion de leur office de tourisme et à la promotion de leur image, la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne a aménagé une dérogation, en autorisant les communes classées « stations de tourisme », ou ayant engagé une démarche de classement avant le 1er janvier 2017, à conserver la gestion de leur office de tourisme, par délibération engagée avant cette date. Près de 170 communes, sur 395 classées stations de tourisme, ont bénéficié de cette dérogation.

Par ailleurs, le champ de la compétence « promotion du tourisme » fait l’objet de difficultés d’interprétation. La DGCL indique ainsi dans ses réponses écrites que « la frontière de cette compétence intercommunale et de [la compétence en matière de tourisme] au titre de l’article L. 1111-4 du CGCT reste mal comprise des élus et sujette à des appréciations différenciées au plan local. »

Le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération à compter du 1er janvier 2020, prévu par les articles 64 et 66 de la loi NOTRe, est certainement celui qui a suscité le plus de difficultés. Cette évolution visait à remédier à l'émiettement de la gestion de ces compétences et à une « insuffisante cohérence en matière d’approvisionnement et de distribution en eau, des risques sanitaires mal contrôlés et l’impossibilité de rationaliser la politique d’investissement » ([76]).

Ce transfert a fait l’objet de fortes contestations des communes qui souhaitaient conserver leurs modes de gestion et s’inquiétaient des conséquences sur les coûts de ces services.

Afin de répondre à ces réticences, la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes a aménagé les modalités du transfert, sans remettre en cause son caractère obligatoire. Elle a autorisé un report de ce transfert au 1er janvier 2026, si 25 % des communes membres représentant 20 % de la population intercommunale s’opposent à l’un ou aux deux transferts avant le 1er juillet 2019 et si les communautés de communes n’exerçaient pas déjà à titre optionnel ou facultatif l’une ou l’autre de ces deux compétences à la date de publication de la loi.

Selon le bilan d’étape réalisé par la DGCL en mai 2019, le dispositif de la minorité de blocage a été utilisé au sein de 61 % des communautés de communes et dans 69 % des cas, celui-ci s’est exercé pour les deux compétences. La DGCL souligne que le choix du report du transfert obligatoire « résulte d’une situation très hétérogène des communes en la matière : multiplicité de modes de gestion (exercice des compétences en régie ou en délégation de service public, appartenance à un, voire à plusieurs syndicats), état des réseaux très disparate, fourchette des prix des services publics d'eau potable et d'assainissement très large » ([77]).

iii.   Les transferts ou délégations de compétences des départements aux métropoles

Parallèlement au renforcement des compétences des régions et des intercommunalités (communautés de communes, communautés d’agglomération et communautés urbaines), la loi NOTRe a prévu un élargissement des compétences des métropoles, auxquelles ont été transférées d’importantes compétences communales. De plus, le législateur a prévu que les métropoles pouvaient recevoir par convention des compétences régionales, départementales ou de l’État. S’agissant des départements, un mécanisme contraignant a été institué : ces derniers étaient incités à trouver un accord avec les métropoles sur le transfert ou la délégation d’au moins trois groupes de compétences mentionnés à l’article L. 5217-2 du CGCT. À défaut, la totalité des compétences serait transférée de plein droit à la métropole.

Article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales (extrait)

« IV. – Par convention passée avec le département, la métropole exerce à l’intérieur de son périmètre, par transfert, en lieu et place du département, ou par délégation, au nom et pour le compte du département, tout ou partie des groupes de compétences suivants :

1° Attribution des aides au titre du fonds de solidarité pour le logement (…) ;

2° Missions confiées au service public départemental d’action (…) ;

3° Adoption, adaptation et mise en œuvre du programme départemental d’insertion (…) ;

4° Aide aux jeunes en difficulté (…) ;

5° Actions de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu (…) ;

6° Personnes âgées et action sociale (…), à l’exclusion de la prise en charge des prestations légales d’aide sociale ;

7° Tourisme (…), culture et construction, exploitation et entretien des équipements et infrastructures destinés à la pratique du sport, ou une partie de ces compétences ;

8° Construction, reconstruction, aménagement, entretien et fonctionnement des collèges (…) ;

9° Gestion des routes classées dans le domaine public routier départemental ainsi que de leurs dépendances et accessoires. Ce transfert est constaté par arrêté du représentant de l’État dans le département. (…)

À défaut de convention entre le département et la métropole au 1er janvier de la deuxième année qui suit la création de la métropole sur au moins trois des groupes de compétences mentionnés aux 1° à 8° du présent IV, la totalité de ceux-ci, à l’exception de ceux mentionnés au 8°, sont transférés de plein droit à la métropole. (…)

Le présent IV n’est pas applicable à la métropole du Grand Paris. »

Ainsi que le relève Mme Nelly Ferreira, maître de conférences à l’université de Cergy-Pontoise, les conventions se sont limitées au minimum de trois compétences et « le plus souvent, le choix a porté sur des compétences qui pouvaient s’intégrer à des attributions déjà assurées par les métropoles. De leur côté, les départements ont souhaité conserver le champ social et ne pas bouleverser ainsi les grands principes de la répartition des compétences. » ([78])

Des accords ont partout pu être trouvés entre départements et métropoles, à l’exception de la Côte-d’Or et de la métropole de Dijon, où la question fait l’objet de tensions.

b. Une nécessaire revalorisation de la commune et du département

L’organisation territoriale mise en œuvre par la loi NOTRe s’est focalisée sur les régions et les intercommunalités, auxquelles des compétences élargies ont été confiées, au détriment des départements et des communes. Cependant, ce choix, couplé à l’augmentation de la taille des régions et des intercommunalités, a abouti au résultat inverse : l’affirmation d’un besoin de proximité se traduisant par la revalorisation de la commune et du département.

La commune reste indéniablement la première collectivité de proximité et le premier échelon de démocratie locale. Afin de conforter ce rôle plus que jamais essentiel, il est nécessaire de réaffirmer que l’intercommunalité doit reposer sur la coopération entre les communes, et non sur la logique supra-communale que la loi NOTRe a encouragée.

En effet, la dissociation opérée entre la clause générale de compétence et le statut de collectivité territoriale, comme le renforcement très significatif des compétences des intercommunalités, ont conduit à un effacement de la distinction entre collectivité territoriale et EPCI, celle-ci reposant sur le principe de spécialité fonctionnelle ([79]).

La définition autoritaire des périmètres intercommunaux ainsi que les transferts obligatoires de compétences ont porté atteinte à la dimension coopérative fondatrice de l’intercommunalité. L’intégration intercommunale toujours plus forte résulte également des mécanismes d’incitation financière, via le coefficient d’intégration fiscale (CIF). À cet égard, les représentants de l’AMF entendus par la mission ont qualifié de « machine infernale » le lien fait entre les compétences de l’EPCI et la dotation d’intercommunalité, celui-ci conduisant à des effets d’aubaine et in fine, à une perte d’efficacité dans l’action publique locale, les intercommunalités étant incitées à prendre des compétences supplémentaires sans être nécessairement en mesure de les assumer.

La majorité précédente avait envisagé, au cours des débats sur la loi NOTRe, de poser le principe d’une élection au suffrage universel direct, sans fléchage, des conseillers communautaires mais elle y a finalement renoncé. Cette hypothèse est aujourd’hui rejetée par l’ensemble des associations d’élus car elle marquerait l’abandon définitif du principe de la coopération intercommunale. Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité prévoit au contraire de redonner corps à cette coopération en renforçant la place des communes au sein des intercommunalités.

La nécessité de revaloriser la commune et de revenir à la philosophie initiale de l’intercommunalité fait l’objet d’un consensus des trois grandes associations d’élus, regroupées au sein de Territoires Unis : « nous partageons la conception fondatrice de l’intercommunalité comme outil de coopération et de mutualisation entre communes, en assurant au sein de celles-ci une double représentation des citoyens (via le fléchage) et des communes (par une conférence des maires) et ce y compris pour les métropoles. L’intercommunalité ne doit pas imposer ses vues aux communes et les déposséder de leurs compétences et de leur dynamisme. L’intercommunalité doit redevenir une intercommunalité choisie, ce qu’elle n’est plus dans les EPCI de très grande taille » ([80])

De manière parallèle, avec la création des grandes régions, les départements retrouvent toute leur importance car ils restent un échelon essentiel d’identification territoriale et de proximité avec le bloc communal.

Pour M. Jean-Léonce Dupont, président du conseil départemental du Calvados, « la loi NOTRe a conduit le département, menacé de marginalisation, à se recentrer sur sa mission de solidarité humaine et territoriale, et à s’affirmer comme l’institution locale la plus légitime pour porter à la fois la proximité et la péréquation. » ([81]) Les départements se sont ainsi impliqués dans l’aménagement numérique afin de couvrir les zones blanches ou grises, dans des politiques en matière de santé (financement des maisons de santé, bourses, recrutement de médecins, etc.), dans les politiques sociales en lien avec leurs compétences obligatoires, dans l’élaboration de schémas d’accessibilité des services au public (prévus par la loi NOTRe) et le financement de maison de services au public. Ils ont également développé leurs offres d’ingénierie en direction des communes et des intercommunalités et participé au financement de leurs projets via des subventions d’équipement.

II. rétablir la confiance et renforcer la liberté des collectivités territoriales

L’un des enseignements de la loi NOTRe est que la définition uniforme et verticale des réformes territoriales n’est pas adaptée à la décentralisation. Un changement de paradigme s’impose.

Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité apporte de premières réponses, afin de replacer la commune au cœur du bloc local et de refaire de l’intercommunalité un instrument de coopération au service des communes.

Le Gouvernement a annoncé qu’un deuxième projet de loi, surnommé « 3D » – décentralisation, différenciation et déconcentration – serait déposé au premier semestre 2020.

L’objectif ne doit pas être de bouleverser à nouveau les structures territoriales et la spécialisation des collectivités, les élus locaux exprimant à juste titre une demande de stabilité. Il est en revanche nécessaire de lever les rigidités, de procéder à des adaptations et de rétablir des libertés qui ont été entravées par la loi NOTRe, mais aussi de donner du contenu aux principes de subsidiarité et de différenciation.

A. permettre des Adaptations de périmètre et de gouvernance

1. Respecter la demande de stabilité des structures territoriales

Les réformes territoriales successives ont eu un effet traumatisant pour les élus qui ont dû s’adapter à une nouvelle organisation, modifier les modes de gouvernance et organiser l’exercice de nouvelles compétences. Cette phase d’adaptation a été fortement consommatrice de temps et d’énergie, au détriment de la mise en œuvre des projets des collectivités. C’est pourquoi les associations d’élus entendues par la mission ont exprimé une demande forte de stabilité de l’organisation territoriale, même si celle-ci est souvent jugée insatisfaisante, et leur refus d’un « grand soir » qui viendrait à nouveau bouleverser le paysage local.

a. Des possibilités d’évolution du périmètre des intercommunalités sans remise en cause de la carte intercommunale

La demande de stabilité exprimée par les élus concerne tout d’abord la carte intercommunale. Ainsi que le soulignaient MM. Rémy Rebeyrotte et Arnaud Viala, rapporteurs de la mission d’information sur la commune dans la nouvelle organisation territoriale, « il est apparu (...) que, même si les conditions de la recomposition de la carte intercommunale avaient parfois été mal vécues, il fallait se garder de ‘détricoter’ les ensembles intercommunaux issus des SDCI entrés en vigueur depuis deux ans seulement. Les nouvelles intercommunalités ont été largement mobilisées par la mise en œuvre de leurs compétences, qu’il s’agisse de celles reprises des anciens EPCI ou des nouvelles compétences transférées par la loi NOTRe, ainsi que par les transferts de biens, de personnels et de charges qui en découlent. Il est donc compréhensible qu’une période d’adaptation soit nécessaire avant d’atteindre un fonctionnement optimal. » ([82])

Dans cette perspective de consolidation de la carte intercommunale, il est souhaitable de supprimer la « clause de rendez-vous » prévue par la loi NOTRe, selon laquelle les SDCI devaient faire l’objet d’une révision généralisée tous les six ans, ce qui aurait entraîné une révision de la carte intercommunale en 2022 ([83]). Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité prévoit de supprimer cette obligation tout en permettant à la CDCI de saisir le préfet d’une demande de révision du SDCI ([84]).

Néanmoins, des adaptations de périmètre peuvent être nécessaires, notamment dans certaines intercommunalités dites « XXL » qui rencontrent des difficultés de gouvernance, en raison du nombre trop élevé de communes regroupées. Les procédures actuelles de retrait d’une commune d’un EPCI (communauté de communes ou communauté d’agglomération), particulièrement contraignantes, ne permettent pas toujours de procéder à de telles adaptations ([85]). Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité vise à remédier à cette situation, puisqu’il prévoit la création d’une procédure de scission d’une communauté de communes ou d’une communauté d’agglomération, sur décision du préfet de département, après avis du conseil communautaire, d’une part, et après accord d’une majorité qualifiée de communes dans le périmètre de chacun des nouveaux EPCI, d’autre part ([86]).

b. La recherche de nouveaux équilibres entre départements et régions

La demande de stabilité territoriale concerne également la carte régionale. Même si les objectifs et la méthode qui ont guidé cette réforme étaient inadaptés, l’ampleur des réorganisations requises, « construites et modifiées selon un processus progressif et itératif qui s’est étalé sur trois ans, de 2016 à 2018, et qui, à ce jour, n’est pas terminé partout » ([87]), complique aujourd’hui un retour en arrière que tous les territoires ne souhaitent pas.

Pour le rapporteur Bruno Questel, une évaluation parlementaire de l’impact objectif, humain et financier, de la réforme de la carte régionale est nécessaire.

Proposition n° 2 : Procéder à une évaluation parlementaire objective de l’impact humain et financier, de la réforme de la carte régionale.

Selon le rapporteur Raphaël Schellenberger, une évolution de la carte régionale doit toutefois pouvoir être engagée selon l’expression des territoires, en y associant très étroitement les citoyens, rompant ainsi avec la méthode ayant présidé au redécoupage de 2015 et en conformité avec la Charte européenne de l’autonomie locale. Lorsque l’inadéquation d’une nouvelle région persiste, l’ampleur des réorganisations requises ne saurait empêcher des adaptations ciblées et le retour à une ancienne région.

Proposition n° 3 de M. Raphaël Schellenberger : Permettre la scission des grandes régions en associant les citoyens et sans pouvoir de véto du conseil régional.

 

Menacés dans un premier temps de disparition, les départements sont à la recherche d’un nouveau positionnement par rapport aux grandes régions et aux métropoles. La fusion des deux départements alsaciens, au sein de la région Grand Est, en est un exemple. Dans le contexte différent de la mise en place de la métropole du Grand Paris, les départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines demandent également à fusionner. En tout état de cause, il ne saurait y avoir de réponse unique pour tous les territoires ; le passage aux grandes régions ne doit pas se traduire par l’avènement généralisé de « super-départements ».

La recherche de nouveaux équilibres entre départements et régions a également relancé le débat sur l’institution de conseillers territoriaux, siégeant au sein des conseils départementaux et régionaux. Celle-ci avait été prévue dans le cadre de la loi RCT de 2010, puis abandonnée par la loi du 17 mai 2013 ([88]). Les partisans d’une telle évolution estiment qu’elle favoriserait les complémentarités entre régions et départements et qu’elle rapprocherait les citoyens de la région, grâce au mode de scrutin cantonal.

2. Adapter la gouvernance 

a. Rétablir la place de la commune au sein de l’intercommunalité

Outre l’assouplissement des possibilités d’évolution des périmètres des EPCI, des adaptations sont nécessaires pour renforcer la place des communes au sein des intercommunalités.

Dans cette perspective, plusieurs évolutions sont prévues par le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité. Il est tout d’abord envisagé d’inciter les intercommunalités à se doter, de manière volontaire, d’un pacte de gouvernance précisant les modalités de la coopération intercommunale ([89]). Sans rendre l’adoption de ce pacte obligatoire, le projet de loi prévoit que l’assemblée délibérante devra en débattre et que, si le principe en est retenu, ce pacte devra être adopté dans les neuf premiers mois du mandat. Il pourra notamment prévoir différentes modalités permettant de mieux associer les maires au fonctionnement de l’intercommunalité :

– les conditions dans lesquelles le bureau de l’EPCI peut proposer de réunir la conférence des maires pour avis sur des sujets d’intérêt communautaire ;

– les conditions dans lesquelles l’EPCI peut, par convention, confier la création ou la gestion de certains équipements ou services relevant de ses attributions à une ou plusieurs de ses communes membres ;

– la création de commissions spécialisées associant les maires ;

– la création de conférences territoriales des maires, pouvant être consultées lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques de l’EPCI ;

– les conditions dans lesquelles le président de l’EPCI pourra déléguer au maire l’engagement de certaines dépenses d’entretien courant d’infrastructures ou de bâtiments communautaires et disposer d’une autorité fonctionnelle sur les services de l'EPCI.

Indépendamment de l’adoption d’un pacte de gouvernance, le projet de loi prévoit la généralisation des conférences des maires à l’ensemble des intercommunalités, à l’exception de celles dans lesquelles l’ensemble des maires sont déjà membres du bureau. Celles-ci se réuniraient, sur un ordre du jour déterminé, à l’initiative du président de l’EPCI ou, dans la limite de deux réunions par an, à la demande d’un tiers des maires.

Pour le rapporteur Bruno Questel, également rapporteur du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité la généralisation des conférences des maires est de nature à rééquilibrer les relations entre les communes et leurs intercommunalités.

Le rapporteur Raphaël Schellenberger juge préférable une gouvernance plus souple, laissant aux intercommunalités le choix de donner à leurs organes consultatifs des règles institutionnelles opposables, définies en fonction des réalités des territoires.

Proposition n° 4 de M. Raphaël Schellenberger : Laisser aux intercommunalités le choix de donner à leurs organes consultatifs des règles institutionnelles opposables, définies en fonction des réalités des territoires.

Par ailleurs, le rapporteur Raphaël Schellenberger estime nécessaire de faire évoluer la typologie des intercommunalités, celle-ci n’étant plus lisible pour les communes et ne correspondant plus aux réalités territoriales. En particulier, la catégorie des communautés d’agglomération ne se justifie plus, ses critères permettant la constitution d’ « agglomérations fantômes » en milieu rural, selon l’expression de M. Samuel Depraz, créées uniquement pour atteindre des seuils supérieurs de dotations.

Proposition  5 de M. Raphaël Schellenberger : Supprimer la distinction entre communauté d’agglomération et communauté de communes.

 b. Favoriser de nouvelles stratégies de coopération et de nouvelles gouvernances partagées

Ainsi que l’a souligné M. Jean-Léonce Dupont, président du conseil départemental du Calvados, « la loi NOTRe a favorisé une prise de conscience de la complémentarité qui devait exister en matière d’exercice des compétences entre les trois échelons de collectivités locales. ».

La loi NOTRe, malgré ses insuffisances, a obligé les collectivités à développer de nouvelles stratégies de coopération, voire de nouvelles gouvernances partagées, à l’image du « G5 normand », la réunion juridiquement informelle mais régulière des cinq départements normands.

Plusieurs instruments existent d’ores et déjà pour favoriser les coopérations entre collectivités territoriales.

Les mutualisations, qui peuvent être définies comme « la mise en place, temporaire ou pérenne, de moyens communs à deux ou plusieurs personnes morales » ([90]), peuvent permettre aux collectivités et à leurs groupements de mettre en commun leurs moyens et de coordonner leur action pour la mise en œuvre de leurs projets. Comme le souligne la DGCL, « le droit des mutualisations permet de retenir des solutions différenciées, ‘sur mesure’, en fonction des besoins propres à chaque territoire. » ([91]) Les mutualisations peuvent concerner des collectivités et des groupements de collectivités unis par un lien structurel, par exemple un EPCI et ses communes membres, mais aussi des collectivités, de même catégorie ou non, sans lien structurel entre elles.

Toutefois, ces possibilités restent insuffisamment utilisées, notamment en raison de la complexité des différents régimes. Le guide récemment élaboré par la DGCL vise à mieux faire connaître les différentes formes de mutualisation et leurs conséquences. Néanmoins, il apparaît nécessaire de simplifier les règles actuelles pour encourager le recours des collectivités territoriales aux différents instruments de mutualisation.

Proposition n° 6 : Simplifier les règles de mutualisation.

De manière plus large, la complexification de notre organisation territoriale rend plus que jamais nécessaire le développement de l’interterritorialité, définie comme « la recherche de l’efficacité de l’action publique territoriale par la coordination, l’articulation, l’assemblage des territoires, tels qu’ils sont » ([92]).

Pour M. Gérard-François Dumont, «  aucune organisation administrative des territoires ne peut correspondre à la réalité réticulaire, donc complexe, des espaces vécus. Plutôt que de courir, comme la France le fait depuis les années 1990, à travers plus de 20 lois, après un meccano institutionnel institué de Paris et obsolète avant même sa conception réglementaire, il aurait été et serait préférable de laisser les territoires libres de choisir leurs liens réticulaires dans l’intérêt du bien commun de leurs habitants » ([93]).

Dans une même perspective, une étude récente du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) souligne : « [le] fonctionnement des espaces et sociétés conduit les élus des collectivités à penser et se projeter au-delà des limites de leurs territoires respectifs, à articuler leurs compétences et interventions, à plusieurs échelles. Mais cette perspective paraît problématique voire contradictoire lorsqu’on la rapporte au système démocratique et au modèle de gouvernement en place : élus par et pour un territoire bien circonscrit, leurs actions doivent bénéficier avant tout à la population de ce territoire. L’articulation de leurs actions par les élus locaux ne va donc pas de soi. C’est un premier enjeu démocratique pour les coopérations entre territoires. » ([94])

La coopération entre les métropoles et leurs territoires environnants est l’un des enjeux saillants de l’interterritorialité. À cet égard, les rapporteurs partagent le point de vue des représentants de l’APVF entendus par la mission : il convient d’intensifier les coopérations afin de lutter contre les fractures territoriales, en valorisant des instruments comme les ententes ([95]) et les contrats de réciprocité.

Proposition 7 : Valoriser les ententes et les contrats de réciprocité pour développer la coopération entre les métropoles et leurs territoires environnants.

Par ailleurs, les rapporteurs estiment nécessaire une réflexion sur l’évolution des politiques contractuelles de l’État. S’ils ne sont pas hostiles au recours à la contractualisation pour la mise en œuvre de différentes politiques publiques, ils considèrent néanmoins que la prolifération actuelle des contrats territoriaux nuit à la lisibilité et à l’efficacité de l’action publique. Ils souscrivent donc à la proposition formulée par l’Assemblée des communautés de France (AdCF) de mettre en œuvre des contrats entre l’État et les collectivités globaux et pluriannuels sur l’ensemble des politiques publiques que les collectivités sont susceptibles de mener.

Proposition n° 8 : Mettre en œuvre des contrats entre l’État et les collectivités territoriales globaux et pluriannuels sur l’ensemble des politiques publiques que les collectivités sont susceptibles de mener.

B. assouplir la Répartition et les modes d’exercice des compétences

1. Adapter les compétences des départements et des régions

a.   Rétablir la clause générale de compétence des départements et des régions

La clause générale de compétences a été rendue responsable, à tort, de l’enchevêtrement des compétences et du développement des financements croisés, alors que ces phénomènes sont liés à la complexité intrinsèque de l’action locale.

La clause générale de compétences avait été affirmée, pour chaque catégorie de collectivité territoriale, dès sa création, et semblait indissociable du principe de libre administration qui fonde la décentralisation.

Si le débat a été tranché par le Conseil constitutionnel ([96]), il n’en demeure pas moins que la suppression de la clause générale de compétence présente différents inconvénients pratiques. M. Michel Verpeaux a ainsi souligné lors de son audition, que celle-ci interdisait aux régions et départements d’intervenir dans des domaines nouveaux qui ne seraient pas inscrits dans la loi. Plus largement, elle crée le risque d’une carence de l’action publique, dans le cas où ni l’État, ni la commune, seule catégorie de collectivité territoriale à disposer encore de la clause générale de compétence, n’interviendraient pour répondre aux besoins de la population ([97]).

Pour les rapporteurs, les départements et les régions doivent pouvoir retrouver cette compétence générale, qui leur permet de prendre des initiatives pour répondre aux besoins de leurs populations. Elle représente un élément de souplesse et d’adaptation des compétences aux spécificités des territoires et peut favoriser une meilleure mise en œuvre du principe constitutionnel de subsidiarité, en donnant à chaque niveau de collectivité les moyens et la liberté d’agir dans l’intérêt public local.

Certes, il est aisé d’objecter que le rétablissement de la clause générale de compétence des départements et des régions représenterait un facteur d’instabilité dans la répartition des compétences, après sa première suppression – partielle – en 2010, son rétablissement en 2014 puis sa suppression totale en 2015. Cependant, la clause générale de compétence ne jouant que de manière subsidiaire par rapport aux nombreuses compétences attribuées à chaque niveau de collectivité, les rapporteurs estiment que la portée de son rétablissement ne bouleverserait pas le cadre actuel de l’action des collectivités territoriales.

Proposition n  9 : Rétablir la clause générale de compétence des régions et des départements.

b.   Les compétences des régions

Les lois MAPTAM et NOTRe ont renforcé les compétences des régions, dans l’objectif de développer le rôle stratégique de cet échelon territorial. Pour autant, les régions estiment aujourd’hui que le mouvement de décentralisation n’est pas allé à son terme et qu’il convient de clarifier la répartition de certaines de leurs compétences avec l’État.

Cette demande de clarification porte tout d’abord sur la gestion des fonds structurels européens. La loi MAPTAM a confié l’autorité de gestion de ces fonds aux régions mais la décentralisation n’est pas totale. S’agissant du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), si les régions disposent d’une autorité de gestion pour 90 % des crédits, l’instruction de l’essentiel des demandes d’aides et de paiements relève de l’État.

Les régions sont responsables de 35 % de l’enveloppe du Fonds social européen (FSE), correspondant aux interventions en matière de formation professionnelle, d’apprentissage et d’orientation, les 65 % restants relevant de l’État, qui a délégué aux départements le volet relatif à l’insertion et reste responsable de la gestion du volet relatif à l’emploi.

Dans un rapport de mai 2019, la Cour des comptes a dressé un bilan très critique de la situation actuelle et jugé que la répartition des compétences devait être clarifiée et simplifiée pour la programmation 2021-2027 des fonds structurels européens.

Le Gouvernement a choisi de mettre en place une nouvelle architecture pour le FEADER, selon l’un des trois scenarios proposé par la Cour des comptes : l’État deviendra responsable de la totalité des aides liées à la surface des exploitations, dites mesures « surfaciques », qui concernent notamment les dimensions agro-environnementales et climatiques, tandis que les régions seront responsables des mesures « non surfaciques » (mesures d’investissement dans les exploitations, développement rural).

Le rapporteur Bruno Questel souhaite que la réforme de la gestion du FEADER s’inscrive dans les orientations gouvernementales, tout en attendant des régions et des départements qu’un mécanisme régional et infradépartemental de codécision et de péréquation soit mis en place pour que l’équité de la répartition des crédits soit assurée.

Proposition n° 10 de M. Bruno Questel : Inscrire la réforme de la gestion du FEADER dans les orientations gouvernementales, tout en attendant des régions et des départements qu’un mécanisme régional et infradépartemental de codécision et de péréquation soit mis en place pour que l’équité de la répartition des crédits soit assurée.

 

Le rapporteur Raphaël Schellenberger, estime, pour sa part, qu’il convient à présent de confier aux régions l’intégralité de la gestion du FEADER.

Proposition n° 11 de M. Raphaël Schellenberger : Confier aux régions l’intégralité de la gestion du FEADER.

S’agissant du FSE, le rapporteur Raphaël Schellenberger propose également de confier l’intégralité de la gestion aux régions, tout en maintenant la délégation de gestion aux départements pour le volet relatif à l’insertion.

Proposition  12 de M. Raphaël Schellenberger : Confier aux régions l’intégralité de la gestion du FSE, tout en maintenant une délégation de gestion aux départements pour le volet relatif à l’insertion.

Les régions demandent aussi une clarification de la répartition des compétences pour la mise en œuvre des politiques publiques d’emploi et d’insertion. Les articles 6 et 7 de la loi NOTRe ont ouvert la possibilité d’une délégation de compétences de l’État pour la coordination des acteurs du service public de l’emploi autres que Pôle emploi (missions locales, plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, Cap emploi et Maisons de l’emploi) et la mise en œuvre de la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences. Des délégations ont été mises en œuvre pour cinq régions ([98]) et pour la collectivité de Corse.

Lors du congrès des régions qui s’est tenu à Bordeaux en octobre dernier, le Premier ministre a annoncé le lancement d’une expérimentation à partir de 2020 dans trois régions volontaires pour coordonner l’action de Pôle emploi dans le domaine de la formation professionnelle. En cas de succès de cette expérimentation, ce dispositif pourrait être généralisé à l’ensemble des régions.

Pour le rapporteur Raphaël Schellenberger, les régions volontaires devraient également pouvoir coordonner l’action de Pôle emploi concernant l’accompagnement des chômeurs.

Proposition  13 de M. Raphaël Schellenberger : Permettre aux régions volontaires de coordonner l’action de Pôle emploi concernant les volets formation et accompagnement des chômeurs.

c.   Les compétences des départements

i.   Les compétences économiques

Depuis la loi NOTRe, les possibilités d’intervention des départements en matière d’aides aux entreprises sont très limitées.

Il est prévu d’apporter certaines adaptations, très circonscrites, dans le cadre du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité ([99]).

Ainsi, en cas de catastrophe naturelle, des aides du département aux entreprises pourraient être autorisées par le préfet afin de permettre à ces dernières « de remettre en état leurs locaux et moyens de production, de reconstituer un stock, d’indemniser une perte de revenu afin de redémarrer leur activité́ ». L’objectif est de donner aux départements les moyens de répondre à des situations d’urgence, comme lors des inondations survenues dans l’Aude à l’automne 2018.

Par ailleurs, les aides que le département peut accorder aux secteurs de l’agriculture et de la pêche resteraient soumises à une convention avec la région mais elles ne seraient plus nécessairement versées en complément des aides régionales.

Enfin, la participation du département au financement d’opérations en faveur de l’entretien et de l’aménagement de l’espace rural serait étendue à l’ensemble des acteurs de l’aménagement rural.

Pour les rapporteurs, si ces dispositions vont dans le bon sens, il conviendra d’examiner de manière générale la question des compétences des départements en matière économique dans le cadre du projet de loi « 3 D » annoncé par le Gouvernement.

Le rétablissement de la clause générale de compétence des départements proposé par les rapporteurs rendrait à ces collectivités des capacités d’action en matière économique qu’ils avaient perdues à la suite de la loi NOTRe.

S’agissant des aides aux entreprises, qui font l’objet de dispositions spéciales, il conviendrait d’apporter des ajustements supplémentaires au cadre actuel. L’Assemblée des départements de France (ADF) estime que ces ajustements « devraient reposer, si l’on recherche la meilleure prise en compte de la proximité et de l’efficience des politiques publiques locales, sur le principe de subsidiarité pour intervenir en matière d’aide à l’économie endogène. »

Il paraît en particulier souhaitable aux rapporteurs de redonner au département la possibilité d’accorder des aides aux entreprises.

Proposition n° 14 : Redonner au département la possibilité d’accorder des aides aux entreprises.

La loi NOTRe a également eu pour effet de priver les départements de leur compétence de plein droit en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise. Ces derniers peuvent seulement intervenir dans le cadre d’une délégation de compétences des communes et des EPCI.

Pour les rapporteurs, il convient d’élargir les possibilités d’intervention des départements dans ce domaine décisif pour l’attractivité territoriale, en autorisant des financements directs départementaux, en complément des financements du bloc communal.

Proposition n° 15 : Autoriser les financements directs départementaux en matière d’aide à l’immobilier d’entreprises, en complément des financements du bloc communal.

ii.   Les délégations de compétences en matière de transports

Les compétences « transports interurbains » et « transports scolaires », transférées par les départements aux régions en application de la loi NOTRe, ont pu faire l’objet de délégations des régions aux départements. Néanmoins, la loi n’a pas autorisé les départements à subdéléguer les compétences en matière de transport.

Pour l’ADF, « sans surprise, les délégations de compétences [...] ont été hétérogènes et insatisfaisantes sur le plan juridique aussi bien pour les régions que pour les départements » ([100]). La Cour des comptes constate pour sa part que, s’agissant de la région Auvergne-Rhône-Alpes, « les conditions de gestion de ces délégations départementales ne respectent pas l’interdiction de subdéléguer à une autorité organisatrice de rang inférieur. Pour autant, ces situations n’ont fait l’objet d’aucune contestation par les services de l’État. » ([101])

Les rapporteurs estiment nécessaire de clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports afin de permettre la subdélégation entre les départements et des autorités organisatrices de transport de rang inférieur, sous réserve de l’accord de la région dans le cadre de la convention de délégation.

Proposition n° 16 : Clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports afin de permettre la subdélégation entre les départements et des autorités organisatrices de transport de rang inférieur.

iii.   Les transferts et les délégations de compétences entre départements et métropoles

La loi NOTRe a institué un cadre contraignant pour imposer le transfert ou la délégation de certaines compétences des départements aux métropoles ([102]). Si des accords ont pu être trouvés dans la plupart des départements, à l’exception de la Côte-d’Or, cette procédure est néanmoins apparue comme « contraignante et précipitée » ([103]).

Les rapporteurs jugent donc souhaitable de modifier cette procédure, comme le propose l’ADF, afin de prévoir qu’à l’avenir, tout transfert ou toute délégation de compétences entre départements et métropoles devra être fondé sur le libre accord préalable des élus.

Proposition n° 17 : Prévoir que tout transfert ou toute délégation de compétences entre départements et métropoles devra être fondé sur le libre accord préalable des élus.

2.   Adapter les compétences des intercommunalités

Sous l’effet de la loi NOTRe, d’importantes compétences communales ont fait l’objet de transferts obligatoires des communes aux intercommunalités (collecte et le traitement des déchets des ménages ; aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage ; promotion du tourisme ; eau et assainissement). Les compétences des intercommunalités ont également été renforcées s’agissant de la gestion des zones d’activité économique, qui n’est plus soumise à la démonstration d’un intérêt communautaire pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération. Elles l’ont été également en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), puisque la loi NOTRe a rendu cette compétence obligatoire et exclusive pour les communautés de communes, de la même manière que la loi MAPTAM l’avait prévu pour les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles.

L’application uniforme de certains de ces transferts de compétences s’est heurtée à des difficultés, déjà évoquées dans le présent rapport. Pour certaines compétences (eau et assainissement, promotion du tourisme, GEMAPI), des adaptations législatives ont d’ores et déjà été prévues.

S’agissant du transfert de la compétence en matière de promotion du tourisme, le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité prévoit la réouverture de la possibilité de dérogation prévue par la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, sans condition de délai, au bénéfice des communes classées « stations de tourisme », ainsi que la possibilité, pour les communes dénommées « communes touristiques » de retrouver l’exercice de la compétence, à condition d’en faire la demande dans les conditions de majorité requises pour la création de l’EPCI, et après délibération concordante de l’organe délibérant de la communauté de communes ([104]).

Le projet de loi prévoit également d’assouplir le cadre d’exercice des compétences « eau » et « assainissement » de deux manières. Il est tout d’abord envisagé d’élargir le champ du mécanisme de la minorité de blocage aux communautés de communes n’exerçant qu’une partie de la compétence « eau » ou une partie de la compétence « assainissement », tout en repoussant au 1er janvier 2020 la date limite pour activer ce mécanisme. Il est ensuite prévu de créer un mécanisme spécifique de délégation de tout ou partie de ces compétences de la communauté de communes vers une commune membre ou un syndicat de communes. La convention de délégation devra notamment définir les objectifs à atteindre en matière de qualité du service rendu et de pérennité des infrastructures ([105]).

Pour le rapporteur Bruno Questel, ces différentes évolutions permettront de répondre aux préoccupations exprimées par les élus, en favorisant une meilleure adaptation de la répartition des compétences aux réalités territoriales. Pour autant, il n’était pas souhaitable de remettre en cause le principe de ces transferts de compétences aux intercommunalités, compte tenu la pertinence du niveau intercommunal pour décider de la stratégie de promotion du tourisme et, s’agissant de l’eau et de l’assainissement, de la nécessité de donner un cadre favorable au développement des investissements.

Pour le rapporteur Raphaël Schellenberger, il convient au contraire de donner une liberté totale aux collectivités pour la gestion de l’eau et de l’assainissement, comme pour la GEMAPI, le périmètre des bassins versants ne correspondant pas nécessairement à celui des intercommunalités.

Proposition n° 18 de M. Raphaël Schellenberger : Donner une liberté totale aux collectivités pour la gestion de l’eau et de l’assainissement, comme pour la GEMAPI.

Au-delà de ces compétences spécifiques, le rapporteur Raphaël Schellenberger juge nécessaire de redonner au bloc local davantage de liberté pour déterminer la répartition des compétences en son sein, en supprimant la distinction entre compétences optionnelles et facultatives des intercommunalités. Ce système, qui permet aux communes de choisir dans une liste un certain nombre de compétences transférées à l’intercommunalité, a été conçu pour accélérer l’intégration intercommunale, dans le cadre de loi du 6 février 1992 ([106]). Pour le rapporteur Raphaël Schellenberger, qui rejoint sur ce point les recommandations de la commission des Lois du Sénat ([107]), ainsi que de la mission d’information de sur la commune dans la nouvelle organisation territoriale ([108]), ce système ne se justifie plus, compte tenu de l’augmentation très importante du nombre de compétences obligatoires des intercommunalités.

Proposition n° 19 de M. Raphaël Schellenberger : Supprimer la distinction entre compétences optionnelles et compétences facultatives des intercommunalités.

3.   Simplifier le recours aux délégations de compétences

La complexité du recours aux délégations de compétences est l’une des raisons pour lesquelles les collectivités territoriales n’aient pas fait un usage plus large de cet instrument, pourtant susceptible de favoriser l’adaptation locale de la répartition des compétences, selon une approche partenariale.

Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à l’action publique de proximité prévoit d’assouplir ce mécanisme en permettant qu’une compétence dont une collectivité territoriale est attributaire puisse être déléguée en partie seulement à une collectivité territoriale relevant d'une autre catégorie ou à un EPCI.

Les dispositions réglementaires relatives au contenu des conventions de délégation ([109]), qui imposent des exigences trop détaillées, devraient par ailleurs être simplifiées.

Proposition n° 20 : Simplifier les dispositions réglementaires relatives au contenu des conventions de délégation.

4.   Différencier les compétences

Depuis le début de son quinquennat, le président de la République a souhaité faire de la différenciation territoriale un nouvel axe de la décentralisation. La différenciation est également une demande forte des collectivités territoriales.

La différenciation territoriale peut prendre deux formes :

– la différenciation des compétences exercées par une même catégorie de collectivités territoriales ;

– la différenciation des normes régissant l’exercice des compétences des collectivités territoriales.

Les rapporteurs se limiteront à la question de la différenciation des compétences, car elle seule est susceptible d’avoir un impact sur la répartition des compétences entre collectivités territoriales issue de la loi NOTRe.

 

Il existe d’ores et déjà plusieurs hypothèses dans lesquelles le législateur a autorisé des collectivités territoriales appartenant à une même catégorie à exercer des compétences différenciées. Dans le cadre de la coopération intercommunale, les compétences exercées par les communes varient selon la catégorie d’EPCI à laquelle elles appartiennent et selon les compétences optionnelles ou facultatives exercées par l’EPCI. Les dérogations autorisées récemment s’agissant de certains transferts obligatoires sont un facteur supplémentaire de différenciation des compétences des communes.

La création de la métropole de Lyon, qui exerce les compétences du département sur son territoire, se traduit par une différenciation des compétences au sein de la catégorie des départements. Les conventions conclues entre les départements et les métropoles en vue de transférer à ces dernières l’exercice d’un socle minimal de compétences conduisent aussi à une différenciation des compétences des départements.

Plus récemment, la création de la collectivité européenne d’Alsace s’est accompagnée de la reconnaissance de compétences spécifiques par rapport aux autres départements.

Enfin, le recours aux délégations de compétences de l’État aux collectivités ou entre collectivités, bien que celles-ci ne soient pas l’équivalent de transferts, se traduit également par l’exercice de compétences différenciées.

Outre ces possibilités de différenciations pérennes, les expérimentations menées dans le cadre de l’article 37-1 de la Constitution peuvent porter sur le transfert de certaines compétences de l’État aux collectivités territoriales. Par exemple, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait transféré à titre expérimental plusieurs compétences de l’État à différentes catégories de collectivités territoriales qui en avaient fait la demande. Néanmoins, en l’état actuel du droit, les différenciations ne peuvent perdurer au-delà de la durée de l’expérimentation, celle-ci ne pouvant avoir comme issue que l’abandon ou la généralisation.

Les avantages attendus de la différenciation des compétences sont de plusieurs ordres. Celle-ci est tout d’abord susceptible de favoriser une meilleure prise en compte des spécificités locales et des besoins de la population, sans recourir systématiquement à la création de collectivités à statut particulier. La différenciation permet une répartition plus souple des compétences, l’exemple des derniers transferts opérés par la loi NOTRe ayant mis en évidence les limites d’une répartition autoritaire et uniforme.

La différenciation des compétences apparaît également comme un moyen de donner tout son sens au principe de subsidiarité inscrit à l’article 72, alinéa 2, de la Constitution.

Le principe de subsidiarité

Introduit dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, l’article 72, alinéa 2 de la Constitution dispose :

« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. »

La portée contraignante de ce principe est relative.

En effet, tout en reconnaissant sa portée normative, le Conseil constitutionnel a laissé une large marge d’appréciation au législateur, jugeant « qu’il résulte de la généralité des termes retenus par le constituant que le choix du législateur d’attribuer une compétence à l'État plutôt qu’à une collectivité territoriale ne pourrait être remis en cause, sur le fondement de cette disposition, que s’il était manifeste qu’eu égard à ses caractéristiques et aux intérêts concernés, cette compétence pouvait être mieux exercée par une collectivité territoriale. » ([110])

Le Conseil constitutionnel a ensuite jugé que l'article 72, alinéa 2 n’instituait pas un droit ou une liberté invocable à l’appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ([111]).

Saisi par le Gouvernement, le Conseil d’État a rendu en décembre 2017 un avis portant notamment sur les possibilités d’une différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie ([112]).

Le Conseil d’État a estimé que de telles différenciations pouvaient être autorisées par la loi mais sous certaines limites. Les différenciations ne devraient ainsi concerner qu’un nombre limité de compétences afin de ne pas remettre en cause la distinction entre les communes, les départements et les régions affirmée au premier alinéa de l’article 72 de la Constitution.

Afin de respecter le principe d’égalité, les différenciations d’attribution des compétences devraient se fonder sur des raisons d’intérêt général ou sur des différences de situation et s’appuyer sur le principe de subsidiarité (motifs liés par exemple à la situation géographique ou démographique du territoire concerné, aux infrastructures, aux besoins de la population et de l’économie ainsi qu’aux moyens des collectivités et à leur coût). Le Conseil d’État suggère à cet égard de prendre l’avis du représentant de l’État dans le département.

Conformément au principe de libre administration, les collectivités entre lesquelles se feraient les transferts devraient donner leur accord. Enfin, les modifications de compétences ne devraient pas mettre en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

En revanche, le Conseil d’État a écarté la possibilité de différencier les compétences sur la seule base d’accords entre collectivités, jugés insuffisants pour justifier d’un intérêt général ou d’une situation particulière.

Le Conseil d’État a enfin estimé « que l’ancrage de la mesure dans le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution pourrait, sans être indispensable, être mieux assuré par une modification de la Constitution qui y ajouterait le principe de cette mesure et permettrait de surcroît de renvoyer à la loi organique la détermination de ses conditions. »

Ainsi que l’a souligné Mme Géraldine Chavrier lors de son audition, l’introduction du principe de différenciation territoriale dans la Constitution permettrait de démentir l’idée selon laquelle il serait contraire au principe d’égalité.

La différenciation des compétences des collectivités territoriales au sein d’une même catégorie figurait parmi les dispositions du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace du 9 mai 2018 ([113]). Elle a été reprise à l’identique dans le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique déposé le 29 août 2019 ([114]). Il est ainsi envisagé de compléter le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution afin de prévoir que « dans les conditions prévues par la loi organique et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, la loi peut prévoir que certaines collectivités territoriales exercent des compétences, en nombre limité, dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités de la même catégorie. »

Même si des possibilités existent à droit constant, le rapporteur Bruno Questel est favorable à l’inscription du principe de différenciation des compétences dans la Constitution et à la définition des conditions de sa mise en œuvre par une loi organique, ce qui permettrait de lui conférer un cadre juridique incontestable et de favoriser son appropriation par l’ensemble des acteurs. 

Selon le rapporteur Raphaël Schellenberger, l’éventuel besoin d’inscrire aujourd’hui ce principe de différenciation dans la Constitution témoigne d’une non-acceptation et d’une non-mise en œuvre par l’État du principe de décentralisation.

Proposition n° 21 de M. Bruno Questel : Inscrire le principe de différenciation des compétences des collectivités territoriales dans la Constitution et définir par la loi organique les conditions de sa mise en œuvre.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 18 décembre 2019, la commission des Lois a examiné ce rapport d’information et en a autorisé la publication.

Ces débats ne font pas l’objet d’un compte rendu et sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/nyserl

 


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   Liste des propositions

Proposition  1 : évaluer les conséquences de la mise en place de la collectivité de Corse et de la suppression des conseillers départementaux qui en est résultée. Déterminer si des ajustements institutionnels sont nécessaires, pour assurer, d’une part, les conditions d’une meilleure prise en compte des spécificités locales, notamment grâce à la chambre des territoires, et, d’autre part, la représentation de l’ensemble des communes et intercommunalités.

Proposition  2 : procéder à une évaluation parlementaire objective de l’impact humain et financier, de la réforme de la carte régionale.

Proposition n° 3 de M. Raphaël Schellenberger : permettre la scission des grandes régions en associant les citoyens et sans pouvoir de véto du conseil régional.

Proposition n° 4 de M. Raphaël Schellenberger : laisser aux intercommunalités le choix de donner à leurs organes consultatifs des règles institutionnelles opposables, définies en fonction des réalités des territoires.

Proposition n° 5 de M. Raphaël Schellenberger : supprimer la distinction entre communauté d’agglomération et communauté de communes.

Proposition n° 6 : simplifier les règles de mutualisation.

Proposition n° 7 : valoriser les ententes et les contrats de réciprocité pour développer la coopération entre les métropoles et leurs territoires environnants.

Proposition n° 8 : mettre en œuvre des contrats entre l’État et les collectivités territoriales globaux et pluriannuels sur l’ensemble des politiques publiques que les collectivités sont susceptibles de mener.

Proposition n° 9 : rétablir la clause générale de compétence des régions et des départements.

Proposition n° 10 de M. Bruno Questel : inscrire la réforme de la gestion du FEADER dans les orientations gouvernementales, tout en attendant des régions et des départements qu’un mécanisme régional et infradépartemental de codécision et de péréquation soit mis en place pour que l’équité de la répartition des crédits soit assurée.

Proposition n° 11 de M. Raphaël Schellenberger : confier aux régions l’intégralité de la gestion du FEADER.

Proposition n° 12 de M. Raphaël Schellenberger : confier aux régions l’intégralité de la gestion du FSE, tout en maintenant une délégation de gestion aux départements pour le volet relatif à l’insertion.

Proposition  13 de M. Raphaël Schellenberger : permettre aux régions volontaires de coordonner l’action de Pôle emploi concernant les volets formation et accompagnement des chômeurs.

Proposition n° 14 : redonner au département la possibilité d’accorder des aides aux entreprises.

Proposition n° 15 : autoriser les financements directs départementaux en matière d’aide à l’immobilier d’entreprises, en complément des financements du bloc communal.

Proposition n° 16 : clarifier les conditions des délégations de compétences en matière de transports afin de permettre la subdélégation entre les départements et des autorités organisatrices de transport de rang inférieur.

Proposition n° 17 : prévoir que tout transfert ou toute délégation de compétences entre départements et métropoles devra être fondé sur le libre accord préalable des élus.

Proposition n° 18 de M. Raphaël Schellenberger : donner une liberté totale aux collectivités pour la gestion de l’eau et de l’assainissement, comme pour la GEMAPI.

Proposition n° 19 de M. Raphaël Schellenberger : supprimer la distinction entre compétences optionnelles et compétences facultatives des intercommunalités.

Proposition n° 20 : simplifier les dispositions réglementaires relatives au contenu des conventions de délégation.

Proposition n° 21 de M. Bruno Questel : inscrire le principe de différenciation des compétences des collectivités territoriales dans la Constitution et définir par la loi organique les conditions de sa mise en œuvre.

    


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   Liste des personnes entendues

 

   M. Jules Nyssen, délégué général

   M. Frédéric Eon, conseiller juridique

   Mme Marie-Reine du Bourg, conseillère parlementaire

   M. Loïc Cauret, président délégué

   M. Nicolas Portier, délégué général

   Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

   M. Simon Mauroux, responsable des affaires juridiques et institutionnelles

   M. Laurent Civel, maire de Rion Les Landes, président de la communauté de communes du Pays Tarusate

   Mme Marie-Cécile Georges, responsable du département Intercommunalité et Territoires

   Mme Gaëlle Duigou, conseillère technique

   Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

   M. Bruno Delsol, directeur général

   M. Frédéric Papet, sous-directeur des compétences et des institutions locales

   Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux

   M. Pascal Fortoul, président

   Mme Katia Paulin, déléguée générale adjointe

 

   M. Christophe Bouillon, président

   M. André Robert, délégué général

   M. Olivier Landel, délégué général

   M. Jean Deysson, conseiller

   M. Jean-François Debat, président délégué, maire de Bourg-en-Bresse

   M. Bastien Régnier, conseiller

   M. Jean-Léonce Dupont, président du département du Calvados

   M. Jérôme Briend, conseiller juridique

   Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère relations avec le Parlement

   M. Patrick Ollier, président

   M. Éric Cesari, vice-président en charge de l’immobilier d’entreprises et des quartiers d’affaires

   M. Paul Mourier, préfet, directeur général des services

   M. Rémy Marcin, directeur des relations institutionnelles et de la stratégie

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Comité pour la réforme des collectivités locales, Il est temps de décider - Rapport au Président de la République, 5 mars 2009.

([3]) Gérard Marcou, « L’État, la décentralisation et les régions », École nationale d'administration, Revue française d'administration publique, 2015/4 n° 156.

([4]) Cf. infra.

([5])  Le Figaro, 9 mai 2014.

([6])  Jean-Marc Callois, « Le citoyen, grand oublié des réformes territoriales », Population & Avenir, 2017/2 n° 732, pages 14 à 16.

([7]) Programmes nationaux de réforme 2016 et 2017.

([8])  Les départements sont inscrits dans la liste des collectivités territoriales figurant à l'article 72 de la Constitution.

([9]) Conseil constitutionnel, décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, Loi de réforme des collectivités territoriales (RCT).

([10])  79 projets de périmètres, soit 15 % de l’ensemble des projets, n'ont pas été approuvés selon les conditions de majorité qualifiée prévues par la loi.

([11]) Réponses écrites de M. Samuel Depraz.

([12])  Instruction du 22 décembre 2015 relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales (n° NOR RDFB 1520836N) ; instruction du 22 décembre 2015 relative à la nouvelle répartition des compétences en matière d'intervention économique des collectivités territoriales et de leurs groupements issue de l'application de la loi NOTRe (n° NOR INTB 1521125J).

([13]) Réponses écrites de M. Alain Lambert.

([14]) Gérard-François Dumont, « Le bouleversement territorial en France : bilan et perspectives », Res publica n°114, juillet 2018.

([15]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([16]) Réponses écrites de M.  Jean-Léonce Dupont.

([17]) Lorsque l’EPCI regroupe plus de 400 000 habitants et inclut le chef-lieu de région ou lorsqu’il est situé dans une zone d'emplois de plus de 400 000 habitants et exerce déjà les compétences dévolues à la métropole.

([18]) En application de l’article L. 4421-3 du CGCT, la chambre des territoires est composée des membres du conseil exécutif, du président de l'Assemblée de Corse et de huit membres de l'assemblée élus en son sein, des présidents des communautés d'agglomération, des maires des communes de 10 000 habitants ou plus, d'un représentant des collectivités territoriales et groupements de collectivités des territoires de montagne, de huit représentants élus des présidents des communautés de communes et de huit représentants élus des maires des communes de moins de 10 000 habitants.

([19]) Décret n° 2019-142 du 27 février 2019 portant regroupement des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

([20]) Loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relatives aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace.

([21]) Article L5210-1-1du CGCT.

([22]) Article 4 de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes (art. L. 5214-21 du CGCT).

([23]) Article 4 de la loi n° 2017-1838 du 30 décembre 2017 relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations (article L. 5211-61 du CGCT).

([24])  III de l’article L. 5210-1-1 du CGCT.

([25]) « Le nouveau zonage en bassins de vie de 2012 », INSEE Première n° 1425, décembre 2012.

([26]) Gérard Marcou, « l’État, la décentralisation et les régions », École nationale d'administration, Revue française d'administration publique  2015/4, n° 156 ; pp. 887-906.

([27]) Réponses écrites de M. Samuel Depraz.

([28]) Cf. infra.

([29]) Rapport de la mission d’information de la commission des Lois sur la commune dans la nouvelle organisation territoriale, rapporteurs : MM. Rémy Rebeyrotte et Arnaud Viala, XVe législature, n°2191, 24 juillet 2019.

([30])  L’article L. 4123-1 du CGCT, abrogé par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015, prévoyait une procédure de fusion volontaire des régions, mais il n’a jamais été utilisé.

([31]) Décision n° 2014-709DC du 15 janvier 2015, loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015.

([32]) Signée en 1985 dans le cadre du Conseil de l’Europe, la Charte européenne de l'autonomie locale, élaborée dans le cadre du Conseil de l'Europe, a été ratifiée par la France le 17 janvier 2007.

([33]) Michel Verpeaux, « La loi NOTRe dans son contexte », Revue française de droit administratif, 2016, p.671.

([34])  Gérard-François Dumont, « Réforme territoriale : le devoir d’inventaire », dans Frédéric Ville, Réforme territoriale. Retour à la case démocratie !, Nantes, Salientes Editions, 2019, pp. 11-25.  

([35]) Gérard-François Dumont, « Préface : territoires et citoyenneté », dans Jean-Luc Bœuf, Les très riches heures des territoires, Paris, Éditions Population & Avenir, 2019, p. 7-16.  

([36]) Cf. supra.

([37]) Cour des Comptes, Les finances publiques locales 2019, Fascicule 2, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriale et de leurs établissements publics, septembre 2019.

([38]) Les communes nouvelles sont issues de la loi RCT du 16 décembre 2010. Leur régime a ensuite été amélioré par la loi  2015-292 du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, dite « loi Pélissard ».

([39]) Gérard-François Dumont, « Préface : territoires et citoyenneté » à l’ouvrage de Jean-Luc Boeuf,, Les très riches heures des territoires, Éditions Population & Avenir, 2019, pp. 7-16.

([40]) Caisse des dépôts et AMF, Enquête : communes nouvelles, où en êtes-vous ?, novembre 2017.

([41]) Article L. 2113-9 du code général des collectivités territoriales.

([42]) Anne Gardère, « Communes nouvelles : vers un nouvel essor ? », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n° 37, 16 Septembre 2019.

([43])  Article L. 3211-1 du CGCT pour les régions et article L. 4221-1 du CGCT pour les départements, dans leur rédaction antérieure à la loi NOTRe.

([44]) Cf. supra.

([45])  Conseil d’État. 29 juin 2001, Commune de Mons-en-Barœul, n° 193716.

([46]) Jean-Marie Pontier, « Requiem pour une clause générale de compétence ? ». La Semaine Juridique - Administrations et collectivités territoriales, 2012.

([47])  Ibidem.

([48]) Réponses écrites de M. Alain Lambert.

([49]) Réponses écrites de la DGCL.

([50]) Entretien avec Mme Géraldine Chavrier, La gazette des communes, 5 juillet 2013.

([51])  Article 72, alinéa 5, de la Constitution.

([52]) Conseil constitutionnel, décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, Loi relative aux contrats de partenariat.

([53])  Entretien avec Mme Géraldine Chavrier, op. cit..

([54]) Article L. 1111-9-1 du CGCT.

([55]) IGA, Délégation de compétences et conférence territoriale d’action publique, de nouveaux outils au service de la coopération territoriale, mai 2017.

([56]) Réponses écrites de M. Alain Lambert.

([57])  « La loi NOTRe : l’enchevêtrement des compétences, suite et…fin ? », AJ Collectivités territoriales, 2016, p. 79.

([58])  Jean-François Brisson, « Clarification des compétences et coordination des acteurs », AJDA, 2014, p. 605.

([59]) Cf. infra.

([60]) Instruction relative aux incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales.

([61]) Réponses écrites de M. Alain Lambert.

([62]) Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

([63]) Article. L.4251‑12 du CGCT.

([64])  Article L. 1511-2 du CGCT.

([65])  Article L. 1511-3 du CGCT.

([66]) Instruction relative à la nouvelle répartition des compétences en matière d'intervention économique des collectivités territoriales et de leurs groupements issue de l'application de la loi NOTRe (n° NOR INTB 1521125J) du 22 décembre 2015 ; instruction  relative aux conséquences de la nouvelle répartition des compétences en matière de développement économique sur les interventions des conseils départementaux (NOR : ARCC 16320283) du 3 novembre 2016 ; Instruction relative à l’exercice du contrôle de légalité sur les actions des collectivités territoriales en matière de développement économique et d’aides aux entreprises (NOR ARCC1702552J) du 26 janvier 2017.

([67]) Conseil d’État, décision du 12 mai 2017, req. n° 397366 et 11 octobre 2017, req. n° 407347.

([68])  Article L. 3232-1-2 du CGCT.

([69])  Article L. 3232-4 du CGCT.

([70])  Article L. 1511-8 du CGCT.

([71]) Article L. 2251-3 du CGCT.

([72]) TA Strasbourg, 06 juillet 2018, n°1701918.

([73]) Dans le cadre du dispositif de droit commun de l’article L. 1111-8 du CGCT pour les transports interurbains, et dans celui de l’article L. 3111-9 du code des transports pour les transports scolaires.

([74])  IGA, Délégation de compétences et conférence territoriale d’action publique, de nouveaux outils au service de la coopération territoriale, mai 2017.

([75]) La compétence tourisme est en revanche une compétence partagée entre les différents niveaux de collectivités territoriales.

([76]) Rapport public annuel de la Cour des comptes, février 2015.

([77]) Étude d’impact du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, 18 juillet 2019.

([78])  Mme Nelly Ferreira, « Départements et métropoles : les départements ne veulent pas disparaître... », AJ Collectivités Territoriales, 2019, p.318.

([79]) Conseil d’État, commune de Blaye-les-Mines, 23 octobre 1985, n° 46612.

([80]) Contribution de Territoires Unis au grand débat national, 13 mars 2019.

([81]) Réponses écrites de M. Jean-Léonce Dupont.

([82])  Op. cit.

([83]) Article L. 5210-1-1 du CGCT.

([84]) Article 8 du texte élaboré par la commission mixte paritaire, n° 2499, 11 décembre 2019.

([85])  Articles L. 5211-19 et L. 5214-26 du CGCT.

([86]) Article 10 du texte élaboré par la commission mixte paritaire, n° 2499, 11 décembre 2019.

([87]) Cour des comptes, op. cit.

([88]) Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

([89])  Article 1er du texte élaboré par la commission mixte paritaire, n° 2499, 11 décembre 2019.

([90]) Sénat, Rapport d’information n° 495 (2009-2010) fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur la mutualisation des moyens des collectivités territoriales par MM. Alain Lambert, Yves Détraigne, Jacques Mézard et Bruno Sido.

([91]) DGCL, Guide des coopérations à l’usage des collectivités locales et de leurs groupements.

([92]) Daniel Béhar, Philippe Estèbe, Martin Vanier, « Reforme territoriale : avis de décès de l’interterritorialité ? », Métropolitiques, juin 2014  

([93])  Gérard-François Dumont, « Territoires : le modèle « centre-périphérie » désuet », Outre-Terre, 2017/2 (n° 51), pp.64-79.

([94]) CGET Les coopérations interterritoriales, Zoom sur les coopérations entre métropoles et territoires environnants, mars 2019.

([95])  L’entente est un accord entre des communes, des EPCI et des syndicats mixtes, dont l’objet doit être inclus dans les compétences de ses membres.

([96]) Cf. supra.

([97]) Emilie Marcovici, « Acte 3 de la décentralisation : la simplification et la démocratisation annoncées seront-elles au rendez-vous ? », La semaine juridique administrations et collectivités territoriales, n° 46, 16 novembre 2015.

([98]) Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur.

([99]) Article 18 du texte élaboré par la commission mixte paritaire, n° 2499, 11 décembre 2019.

([100]) Réponses écrites de l’ADF.

([101]) Cour des comptes, op. cit.

([102]) Cf. supra.

([103])  Mme Nelly Ferreira, « Départements et métropoles : les départements ne veulent pas disparaître... », AJ Collectivités Territoriales, 2019, p.318.

([104])  Article 6 du texte élaboré par  la commission mixte paritaire n° 2499, 11 décembre 2019.

([105]) Article 5 du texte élaboré par la commission mixte paritaire, n° 2499, 11 décembre 2019.

([106])  Loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République.

([107]) Rapport d’information de la mission de contrôle et de suivi des lois de réforme territoriale de la commission des Lois sur la revitalisation de l’échelon communal, 17 novembre 2018, n° 110 (2018-2019).

([108])  Rapport de la mission d’information de la commission des Lois sur la commune dans la nouvelle organisation territoriale, rapporteurs : MM. Rémy Rebeyrotte et Arnaud Viala, XVe législature, n°2191, 24 juillet 2019.

([109]) Art. R. 1111-1 et R. 1111-1-1 du CGCT.

([110]) Conseil constitutionnel, décision 2005-516 DC du 7 juillet 2005, Loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique.

([111]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-304 QPC du 26 avril 2013.

([112]) Conseil d’État, avis sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie et des règles relatives à l’exercice des compétences, n° 393651, 7 décembre 2017.

([113])  n° 911, texte retiré le 29 août 2019.

([114]) n° 2203.