N° 2691

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2020

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES ([1]),

sur les menstruations,

par

Mme Laëtitia Romeiro Dias et Mme Bénédicte Taurine,

Députées.

____

 


 

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Pierre Rixain, présidente ; Mme Marie‑Noëlle Battistel, Mme Valérie Boyer, Mme Fiona Lazaar, M. Gaël Le Bohec vice-présidents ; Mme Isabelle Florennes, Mme Sophie Panonacle, secrétaires ; Mme Emmanuelle Anthoine ; Mme Sophie Auconie ; M. Erwan Balanant ; Mme Huguette Bello ; M. Pierre Cabaré, Mme Céline Calvez ; M. Luc Carvounas ; Mme Annie Chapelier ; M. Guillaume Chiche ; Mme Bérangère Couillard ; Mme Virginie Duby-Muller ; M. Philippe Dunoyer ; Mme Laurence Gayte ; Mme Annie Genevard ; M. Guillaume Gouffier-Cha ; Mme Nadia Hai ; Mme Sonia Krimi ; M. Mustapha Laabid ; Mme Nicole Le Peih ; Mme Geneviève Levy ; M. Thomas Mesnier ; Mme Cécile Muschotti ; M. Mickaël Nogal ; Mme Josy Poueyto ; Mme Isabelle Rauch ; Mme Laëtitia Romeiro Dias ; Mme Bénédicte Taurine ; Mme Laurence Trastour‑Isnart ; M. Stéphane Viry.

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

SynthÈSE des RECOMMANDATIONS

I. DÉconstruire le tabou des menstruations

A. Un tabou historique persistant

1. Un tabou ancien

2. Un tabou sociétal présent, mais de plus en plus dénoncé

3. Les conséquences dramatiques de ce tabou dans certains pays

B. Un déficit d’information des femmes

1. Une mauvaise connaissance des menstruations et une demande croissante d’informations

2. Des sujets insuffisamment abordés dans le cadre scolaire et le cadre médical

C. Informer dÈs le plus jeune Âge

1. Informer filles et garçons sur les menstruations dès le plus jeune âge sans les résumer à un élément de la vie sexuelle

2. L’enjeu de l’éducation à la vie du corps et au respect de chacune et de chacun

II. De nombreuses interrogations sur Les protections menstruelles comme produits d’hygiÈne féminine

A. Une Gamme de produits de plus en plus variÉe

1. L’apparition de nouveaux produits de protection menstruelle

2. Protections biologiques, un raccourci de langage qui peut s’avérer trompeur pour certaines consommatrices

B. Pour limiter le risque chimique, Responsabiliser les fabricants sur la composition

1. Le déclenchement d’alertes par les utilisatrices et les associations

2. La réaction des autorités publiques françaises

a. L’enquête de l’Anses de 2018, complétée en 2019

b. Les recommandations de l’Anses

3. Poursuivre les efforts des fabricants

C. Renforcer l’information pour limiter le risque infectieux

1. Le syndrome de choc toxique

2. Renforcer prioritairement la prévention et l’information des utilisatrices

D. LE recyclage des protections menstruelles

1. Un enjeu de plus en plus important pour les consommatrices

2. Développer le recyclage

III. Le coÛt des protections : pourquoi et comment lutter contre la prÉcarité menstruelle ?

A. une dÉpense qui concerne plus de 15 millions de femmes en France

1. Le coût moyen des protections menstruelles

2. L’accès aux protections, un enjeu de dignité humaine

B. Les femmes en situation de grande précarité, une priorité absolue

1. Les femmes en situation d’extrême précarité et l’importance de l’accès à l’hygiène intime et aux protections menstruelles

2. La nécessité d’une gratuité des protections menstruelles pour les femmes les plus précaires

C. Les autres publics À soutenir

1. Une vigilance accrue concernant les lieux de privation de liberté

2. Collèges, lycées, universités : lutter contre la précarité menstruelle pour garantir l’égalité des chances

3. Garantir des infrastructures sanitaires en bon état

IV. Le suivi sanitaire, une clef pour mieux vivre ses rÈgles et briser le tabou

A. clarifier la prise en compte des menstruations dans le suivi gynÉcologique des femmes

1. Les menstruations, une part incontournable de la santé des femmes

2. Gynécologues, généralistes, sages-femmes : un enjeu de lisibilité et de coordination du rôle des acteurs du suivi gynécologique

3. La nécessité de mieux intégrer la question des menstruations dans la prise en compte de la santé de la femme

B. L’endométriose : une maladie mal connue et insuffisamment prise en charge

1. Un diagnostic souvent tardif

2. Des traitements qui peinent à venir à bout de la maladie

3. Libérer la parole des patientes

4. Mobiliser les pouvoirs publics

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA dÉlÉgation et par les RAPPORTEUREs

I. PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION

II. PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES

ANNEXE 2 : DÉplacements effectuÉs par les rapporteures

I. DÉplacement à Rennes le 7 novembre 2019

II. DÉplacement à LILLE le 8 novembre 2019

III. DÉplacement à Versailles le 14 novembre 2019

IV. DÉplacement à Paris le 10 décembre 2019

ANNEXE 3 : Compte-rendu de l’audition de Mme Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, 10 juillet 2019

ANNEXE 4 : Haute Autorité de santé, synthèse de la recommandation de bonne pratique pour la prise en charge de l’endométriose – démarche diagnostique et traitement médical, décembre 2017

 


—  1  —

   Introduction

La décision de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de consacrer un rapport à la thématique des menstruations peut paraître surprenante, voire déroutante. En effet, les menstruations sont communément considérées comme un phénomène physiologique naturel, lequel a priori ne suscite pas d’interrogations ni de difficultés particulières. De plus, s’agissant d’un domaine qui relève de l’intimité de chaque femme, il y a une certaine réserve, qui va parfois jusqu’au véritable tabou, à évoquer ce sujet, y compris auprès des professionnels de santé. Faire entrer ce sujet dans le domaine du débat public nécessite donc de surmonter un certain nombre de réticences et de blocages ; c’est l’un des objectifs poursuivis par la Délégation et vos Rapporteures.

En effet, les règles n’ont rien d’anecdotique : elles concernent la moitié de l’humanité et les femmes sont concernées par cette problématique pendant la moitié de leur vie, de la puberté à la ménopause. Il s’agit donc indéniablement d’un sujet d’intérêt général, dont on constate qu’il suscite de multiples interrogations ne trouvant pas toujours de réponses adéquates et qu’il comporte des enjeux importants, tant en matière de santé que sur le plan économique.

Si le sujet est d’ailleurs de plus en plus souvent abordé, notamment dans les medias, celui-ci est souvent réduit à un aspect spécifique, sans que la thématique soit abordée dans sa globalité et sans que le tabou qu’il représente ne soit véritablement déconstruit. Plusieurs problématiques ont ainsi émergé les unes après les autres dans le débat public. La question de la composition des produits de protections menstruelles est apparue à plusieurs reprises dans le débat public ces dernières années, ainsi que, par exemple, celle du taux de TVA appliqué à ces produits. Le syndrome de choc toxique, en lien avec la mauvaise utilisation de dispositifs internes de protection, a également été régulièrement repris dans les médias à chaque nouveau cas aux conséquences dramatiques. De même, la parole des femmes se libère de plus en plus sur le vécu des patientes souffrant d’endométriose, pathologie longtemps ignorée mais qui touche environ une femme sur dix en âge de procréer. Les pouvoirs publics se sont emparés récemment du sujet avec notamment le lancement d’un plan national sur la prise en charge de l’endométriose. Par ailleurs, le coût des protections menstruelles que les femmes doivent se procurer chaque mois constitue également un sujet de questionnement et une véritable difficulté pour les femmes à faibles revenus et celles en situation de précarité.

La question des menstruations est donc loin de constituer un sujet anecdotique, mais forme à l’inverse une problématique extrêmement complexe avec plusieurs types de difficultés imbriquées entre elles, tant sur le plan éducatif, que sur ceux de la santé, de la sécurité des produits ou encore du point de vue économique. C’est pourquoi, la démarche adoptée par vos Rapporteures est de réaliser une étude synthétique sur la question des menstruations, qui semble finalement n’avoir jusqu’à présent été abordée que de manière morcelée. Considérant en effet que ces différents aspects sont intrinsèquement liés, elles préconisent d’agir de manière globale sur ce sujet, sans négliger aucun d’entre eux. Ainsi, on constate notamment que le manque d’éducation et d’information, aussi bien en ce qui concerne les femmes que les professionnels de santé, freine la prévention et la prise en charge des pathologies liées aux règles, au premier rang desquelles, le syndrome de choc toxique et l’endométriose. De même, le tabou persistant des représentations culturelles et collectives autour des menstruations se traduit par une prise en compte insuffisante des problématiques relatives aux menstruations.

Vos Rapporteures se sont donc attachées à dresser un panorama, aussi complet que possible sans toutefois prétendre à l’exhaustivité, des problématiques relatives aux menstruations, afin de proposer des actions concrètes permettant d’améliorer significativement la situation actuelle. Celle-ci est encore trop souvent génératrice d’angoisses et de souffrances, aussi bien psychologiques que physiques, pour un certain nombre de femmes. Une telle situation ne saurait perdurer au 21e siècle, encore moins quand l’égalité entre les hommes et les femmes a été promue grande cause nationale du quinquennat. Or, force est de constater que la prise en charge insuffisante de la question des menstruations contribue à perpétuer les inégalités entre les hommes et les femmes. Il s’agit donc d’un sujet crucial qui constitue un véritable levier d’égalité et vos Rapporteures considèrent qu’il est urgent d’agir de manière franche et volontaire dans ce domaine

Elles formulent à ce titre 47 recommandations, certaines, très opérationnelles, pouvant faire l’objet d’adaptations rapides, d’autres, s’attachant davantage à ouvrir des pistes de réflexion, devant s’intégrer à un travail de plus long terme.

 


—  1  —

   SynthÈSE des RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : insérer explicitement les enjeux liés aux menstruations dans les actions relevant de l’aide publique au développement, notamment dans la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018 2022) et dans la Stratégie de la France en santé mondiale (2017 2021).

Recommandation n° 2 : inclure de manière systématique les produits de protection menstruelle, qui sont de première nécessité, dans les dispositifs de soutien déployés lors de crises humanitaires.

Recommandation n° 3 : diffuser une campagne d’information sur les menstruations pour déconstruire plus rapidement les tabous et préjugés qui y sont liés.

Recommandation n° 4 : aborder systématiquement les menstruations dès la classe de 6e en :

− dissociant ce sujet de l’éducation à la sexualité ;

− en dispensant une information à caractère pratique ;

− en mettant l’accent sur les différents types de protections menstruelles, les consignes d’hygiène et le mode d’emploi.

Recommandation n° 5 : construire, sur le modèle du site Internet www.choisirsacontraception.fr, développé par le ministère des Solidarités et de la Santé et l’agence Santé Publique France, un site Internet décliné sur les réseaux sociaux et dédié aux menstruations qui présente les principales informations sur les menstruations à travers des informations ludiques et accessibles comme des films, des infographiques ou encore des témoignages.

Recommandation n° 6 : développer l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes et la sensibilisation à la vie sexuelle et affective, en abordant, entre autres sujets, les menstruations, dans le cadre, d’une part, des enseignements moraux et civiques et, d’autre part, du nouveau service national universel.

Recommandation n° 7 : exiger des fabricants qu’ils fassent des analyses régulières de la composition de leurs produits, en recherchant systématiquement l’ensemble des substances toxiques détectées par l’Anses dans son avis de juin 2018 (dioxines, phtalates, pesticides, etc.).

Recommandation n° 8 : demander aux fabricants de publier annuellement sur leur site Internet les résultats des recherches de substances toxiques en y mentionnant systématiquement les polluants détectés et en précisant leur taux de concentration, y compris lorsqu’ils sont inférieurs aux seuils légaux existants.

Recommandation n° 9 : prévoir avec l’Anses et la DGCCRF un contrôle à périodicité régulière, par exemple tous les dix ans, de la composition des produits de protections menstruelles, afin de vérifier la présence de substances toxiques.

Recommandation n° 10 : clarifier la composition des protections menstruelles en :

− indiquant systématiquement sur le site internet des marques l’ensemble des composants entrant dans la fabrication des protections menstruelles, qu’il s’agisse des matières premières, aussi bien que des éléments nécessaires à la transformation, à l’assemblage et au blanchiment de celles-ci ;

− indiquant sur l’emballage et sur la notice d’utilisation des protections menstruelles, de manière lisible et compréhensible, les grands types de produits entrant dans leur composition, qu’il s’agisse des matières premières, aussi bien que des éléments nécessaires à la transformation, à l’assemblage et au blanchiment ;

− mentionnant de manière explicite sur l’emballage et la notice, ainsi que sur le site internet des marques, la présence éventuelle de traces de substances toxiques (par exemple avec une mention précisant la possibilité de présence de traces de telles substances), afin d’améliorer la transparence de la composition et de rassurer les utilisatrices.

Recommandation n° 11 : travailler avec les fabricants à l’élaboration d’un cahier des charges standardisé pour l’ensemble de la profession, établissant un protocole strict par rapport à leurs fournisseurs de matières premières, afin d’éliminer tout risque de contamination par des substances toxiques dangereuses.

Recommandation n° 12 : réfléchir avec les fabricants à la mise à l’écart des fournisseurs de matières premières pour lesquelles des traces de pesticides interdits en Europe auront été relevées lors des analyses, comme celles détectées par le Service commun des laboratoires, à la suite de la saisine de l’Anses.

Recommandation n° 13 : mettre en place au niveau national une procédure de déclaration obligatoire des cas de syndrome de choc toxique (SCT) par les professionnels de santé, y compris lorsque ces cas n’ont pas nécessité une hospitalisation.

Recommandation n° 14 : prévoir une recommandation à destination des professionnels de santé afin de déconseiller aux femmes ayant déjà subi un SCT, ou pour qui on a suspecté un SCT, de recourir à des protections internes, compte tenu du fort risque de réitération.

Recommandation n° 15 : saisir la Haute Autorité de santé (HAS), afin qu’elle édicte une recommandation pratique précisant le temps de port maximal des dispositifs internes de protections périodiques qui doive ensuite être obligatoirement apposée, de manière harmonisée, sur les emballages des produits internes de protection menstruelle (tampons et coupes) au moyen d’un pictogramme explicite.

Recommandation n° 16 : renforcer, en collaboration avec les fabricants, l’information sur le temps de port maximal et le risque de SCT sur les emballages de protections menstruelles internes, car la seule mention de cette précaution sur les notices d’utilisation et les sites internet des marques ne suffit pas à garantir une vraie prévention de ce risque.

Recommandation n° 17 : afficher de manière claire et visible le temps de port maximal d’une protection menstruelle interne en :

− affichant sur les emballages des tampons et des cups un pictogramme explicite ;

− précisant dans la notice d’utilisation de ces mêmes dispositifs internes les symptômes médicaux qui peuvent faire suspecter un SCT.

Recommandation n° 18 : identifier la recommandation de ne pas porter les protections menstruelles internes pendant la nuit par un pictogramme clair figurant de façon apparente sur l’emballage des boîtes de tampons ou des coupes.

Recommandation n° 19 : exiger des fabricants que ces informations relatives au temps de port maximal et à l’absence d’usage la nuit l’emballage des tampons et des cups apparaissent de manière à être accessible à toutes et à tous, y compris des personnes en situation de handicap.

Recommandation n° 20 : demander aux professionnels de santé d’informer systématiquement les femmes et tout particulièrement les jeunes filles sur les gestes d’hygiène à observer pendant les règles et sur les précautions d’emploi des protections périodiques, en mettant l’accent sur le temps de port maximal des dispositifs internes et sur le fait qu’ils ne doivent pas être utilisés la nuit.

Recommandation n° 21 : intégrer dans le programme scolaire d’éducation à la vie sexuelle, une information pratique sur les règles, ainsi que sur les précautions à respecter pour prévenir le risque de SCT et remettre à chaque élève, fille ou garçon, une plaquette récapitulant ces informations.

Recommandation n° 22 : organiser chaque année, au moment de la rentrée scolaire, une campagne de communication au niveau national, afin d’informer les utilisatrices de produits de protection périodique et de sensibiliser les professionnels de santé qui assurent leur suivi médical, au sujet des règles d’hygiène et des précautions d’utilisation, notamment pour les produits internes.

Recommandation n° 23 : analyser comparativement et précisément le coût écologique du cycle de vie des protections menstruelles réutilisables et des protections menstruelles à usage unique et jetables.

Recommandation n° 24 : développer une filière de recyclage des protections hygiéniques absorbantes en France en mettant en œuvre, dans un premier temps, une collecte dans les points collectifs d’utilisation, puis, dans un second temps, un système de tri et de récolte pour les ménages.

Recommandation n° 25 : soutenir et développer les associations d’aide aux femmes sans domicile pour mettre en œuvre un double système d’aide à travers, d’une part, des lieux dédiés à l’accueil et à l’accompagnement et, d’autre part, des équipes mobiles allant à la rencontre des femmes à la rue pour leur fournir les biens de premières nécessités, dont les protections menstruelles, ainsi qu’un suivi et un soutien adaptés.

Recommandation n° 26 : déployer des distributeurs de protections menstruelles dans des lieux publics identifiés, comme les gares, les hôpitaux, les abords des pharmacies ou encore les toilettes publiques, permettant aux femmes d’acquérir facilement ces protections par le biais d’une carte bancaire ou d’une carte prépayée distribuée au public le plus précaire.

Recommandation n° 27 : diligenter au plus vite une étude de marché pour l’installation et le réapprovisionnement de ces distributeurs.

Recommandation n° 28 : mobiliser simultanément le réseau des agences régionales de santé et celui des directrices régionales et déléguées départementales aux droits des femmes pour produire une liste précise des lieux qui, par département, seraient adéquats pour accueillir un distributeur de ce type.

Recommandation n° 29 : permettre à toutes les prisons accueillant des femmes de disposer de suffisamment de types de protections menstruelles différentes pour répondre aux besoins de chacune des détenues.

Recommandation n° 30 : faciliter le nettoyage en machine par les femmes en situation carcérale de leurs vêtements, sous‑vêtements et tissus souillés.

Recommandation n° 31 : évaluer de manière exhaustive la prise en compte de la santé menstruelle des femmes en situation d’enfermement.

Recommandation n° 32 : généraliser la distribution gratuite de protections menstruelles au sein des universités françaises.

Recommandation n° 33 : multiplier les lieux de distributions de protections menstruelles dans les collèges et les lycées, en particulier dans les lieux de vie des élèves, et expérimenter la mise en place de distributeurs dans les toilettes.

Recommandation n° 34 : s’assurer que dans les lieux d’hébergement de certains jeunes, comme les pensionnats ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance, les protections menstruelles soient accessibles.

Recommandation n° 35 : agir pour améliorer impérativement l’état des toilettes en milieu scolaire et s’assurer que les jeunes filles disposent des produits nécessaires pour changer leurs protections menstruelles dans de bonnes conditions (papier toilette, savon, poubelle…).

Recommandation n° 36 : intégrer de manière systématique dans la conception de nouveaux bâtiments construits pour un usage scolaire un travail de réflexion quant à l’utilisation des sanitaires et la prise en compte des problématiques de tous les enfants et plus spécifiquement des menstruations des jeunes filles.

Recommandation n° 37 : étudier la possibilité de mieux réguler la formation continue des professionnels de santé afin de garantir l’actualisation des connaissances médicales, notamment sur le sujet de l’endométriose, mais aussi sur les bonnes pratiques en matière de suivi gynécologique.

Recommandation n° 38 : diffuser aux professionnels de santé un guide des bonnes pratiques en matière d’informations à donner aux patientes sur les menstruations.

Recommandation n° 39 : clarifier les compétences de chaque professionnel de santé en matière de suivi gynécologique et améliorer l’information sur le remboursement de ce suivi pour lutter notamment contre le renoncement aux soins.

Recommandation n° 40 : systématiser la prise en compte des menstruations et tout syndrome associé dans le suivi gynécologique des femmes.

Recommandation n° 41 : prévoir, dans le cadre de la visite médicale obligatoire entre 11 et 13 ans, une information systématique sur les règles, ce qu’elles sont d’un point de vue biologique et ce qu’elles impliquent au quotidien, ainsi que les risques afférents, y compris lorsque les jeunes filles n’abordent pas spontanément ces sujets.

Recommandation n° 42 : prévoir d’aborder de nouveau ce sujet dans la visite médicale entre 15 et 16 ans, éventuellement en liant, à cette occasion, les enjeux des menstruations à ceux de la vie sexuelle et de la contraception.

Recommandation n° 43 : intégrer un module spécifique consacré à l’endométriose et à sa détection dans la formation initiale de l’ensemble des professionnels de santé en lien avec cette pathologie : médecins généralistes, gynécologues médicaux et obstétriciens, chirurgiens, sages-femmes, infirmiers.

Recommandation n° 44 : élaborer et transmettre à l’ensemble des professionnels de santé en cours d’exercice, une plaquette d’information sur l’endométriose mettant particulièrement l’accent sur sa prévalence, les signaux d’alerte la laissant suspecter, les examens de détection à prescrire pour établir le diagnostic, ainsi que les traitements de première intention.

Recommandation n° 45 : sensibiliser les services d’urgence des hôpitaux et des cliniques sur les symptômes évocateurs de l’endométriose, afin qu’ils puissent diriger les patientes vers des spécialistes, lorsqu’ils accueillent des femmes en crise aigüe.

Recommandation n° 46 : créer des centres de santé dans chaque département, avec des consultations dédiées pour l’endométriose, afin que chaque femme atteinte d’endométriose puisse être prise en charge à proximité de son domicile et qu’il puisse ainsi être remédié à l’errance médicale constatée actuellement, laquelle conduit à une aggravation de la maladie.

Recommandation n° 47 : financer des programmes de recherche sur l’endométriose et organiser la coordination des équipes, tant au niveau national qu’européen, afin de mutualiser les moyens humains et financiers.

 

 


—  1  —

I.   DÉconstruire le tabou des menstruations

Historiquement, les menstruations ont été associées à des mythes et des croyances populaires. Souvent associées à une notion d’impureté, elles ont progressivement fait l’objet d’un fort tabou qui perdure encore aujourd’hui, sous différentes formes et à différents degrés selon les pays. Une information claire et non‑stéréotypée sur les menstruations est aujourd’hui une nécessité pour normaliser ce sujet quotidien dans la vie des femmes.

A.   Un tabou historique persistant

Les croyances populaires et la prétendue nocivité des règles ont souvent été un prétexte pour exclure les femmes de certaines activités sociales ou économiques, allant parfois jusqu’à les placer dans une forme d’isolement, ce qui est encore le cas dans certains pays. Ces pratiques peuvent avoir des conséquences dramatiques et de plus en plus de voix militantes s’élèvent pour dénoncer ce tabou inacceptable.

1.   Un tabou ancien

Illustrant l’ancienneté des mythes et tabous sur les menstruations, Pline l’Ancien affirmait qu’« aux approches d’une femme dans cet état, les liqueurs s’aigrissent, les grains qu’elle touche perdent leur fécondité, les essaims d’abeilles meurent, le cuivre et le fer rouillent sur le champ et prennent une odeur repoussante […] » ([2]). Tour à tour diabolisées ou divinisées, les menstruations ont donné lieu à des théories nombreuses pour expliquer ce phénomène qui n’a été compris qu’au milieu du 19e siècle avec la découverte du cycle de l’ovulation.

La méconnaissance scientifique du fonctionnement menstruel a contribué au développement de mythes populaires, de traditions, de superstitions et d’interdits religieux entourant la femme menstruée. Les préjugés et les différentes croyances ont progressivement renforcé l’idée que les règles sont impures, prescrivant des comportements différenciés aux femmes en période de menstruations. Cette prétendue nocivité et les effets délétères qui leur étaient prêtés ont ainsi conduit à éloigner les femmes, à les exclure de certains contacts ou de certaines pratiques sociales, à leur interdire certaines activités. En France, par exemple, on croyait que la femme menstruée possédait le pouvoir de faire pourrir la viande, de faire d’éloigner les chenilles et les sauterelles, de noircir le sucre en cours de raffinage ([3]).

Symétriquement, les menstruations ont également toujours été considérées comme une marque de fécondité ; elles sont donc, dans plusieurs cultures, l’objet de rituels et constituent parfois même un élément de vénération. En cela, elles deviennent constitutives de la définition du féminin, de la fonction reproductive de la femme et sont ainsi considérées comme une condition de bonne santé et de normalité.

Si la compréhension du cycle menstruel grâce aux progrès scientifiques a permis d’en finir avec un certain nombre de mythes, tous n’ont toutefois pas disparu. En France, persiste par exemple la croyance populaire selon laquelle une femme menstruée fait tourner la mayonnaise ; le préjugé d’impureté n’a pas non plus été complètement déconstruit.

2.   Un tabou sociétal présent, mais de plus en plus dénoncé

Les différentes associations et start-upeuses engagées sur ce sujet qu’ont rencontrées vos Rapporteures ont souligné de manière unanime la persistance d’une forme de tabou des règles dans notre société. Elles s’accordent également sur la nécessité de mieux informer les femmes et les jeunes filles sur ce que sont les règles, quelle est leur origine, quelles en sont les conséquences, quelles en sont les implications sur leur corps, quels produits peuvent être utilisés, etc.

Mme Fanny Godebarge, présidente de la plateforme Internet « Cyclique », qui vise à informer et à lutter contre les violences liées aux règles, indiquait par exemple que les internautes posent parfois des questions aussi élémentaires que : « mais c’est quoi en fait les règles ? » ([4]). Les règles sont, aujourd’hui encore, vues comme un phénomène « sale » qui ne doit relever que du domaine de l’extrême‑intime et être le moins possible évoqué à voix haute. Elles sont mêmes souvent associées au dégoût, voire à la honte. Dès l’adolescence, elles peuvent être sujet de moquerie et constituer une étape difficile dans la puberté des jeunes filles. Comme le relevaient certains enseignants en collège rencontrés par vos Rapporteures, les règles restent pour les élèves un sujet compliqué à aborder. Mais ce tabou ne se résume pas à une forme d’immaturité enfantine ; bien au contraire, il semble se prolonger tout au long de la vie menstruelle jusqu’à la fin des règles au moment de la ménopause, une autre étape encore tabou dans la vie des femmes ([5]).

Vos Rapporteures ont bien constaté la résistance de ce tabou : les règles mettent mal à l’aise ; elles ont d’ailleurs pu le constater tout au long de leurs travaux. Cette situation découle en réalité d’un tabou plus général portant sur le corps de la femme et notamment sur le sexe féminin.

Comme l’a souligné avec justesse Mme Sandrine Rousseau, vice‑présidente de l’université de Lille, les différentes parties du sexe masculin sont connues et nommées, tandis que celles du sexe féminin font encore l’objet d’une forme de mutisme. Elle rappelait que, par exemple dans les locaux universitaires, les dessins de pénis sont monnaie courante, tandis que les vagins ne sont presque jamais représentés. Pour lever ce tabou, vos Rapporteures estiment nécessaire de réhabiliter et le sexe féminin et les menstruations. Ces sujets n’ont aucune raison d’être dissimulés alors qu’ils participent du quotidien de toutes les femmes.

Plusieurs associations et militantes veulent aujourd’hui changer le regard porté sur les règles. Les critiques se sont par exemple multipliées à l’encontre des publicités pour les protections menstruelles dans lesquelles le sang est représenté par un liquide de couleur bleue. D’autres se sont également fait entendre quand certains réseaux sociaux ont censuré des photos de tâches de sang issu des règles, y voyant là une nouvelle démonstration du tabou hérité d’un système patriarcal et machiste. De plus en plus d’associations, d’activistes ou de start-ups engagées luttent ainsi pour démocratiser le sujet des règles avec des actions marquantes. En 2015, l’activiste Kiran Gandhi a par exemple couru le marathon de Londres sans protection menstruelle pour rendre visible le sang de ses règles. Dans la même optique, l’artiste Rupi Kaur a produit une série de photos intitulée « period » ; la censure de l’une d’entre elles sur les réseaux sociaux a provoqué une vague de contestation. Depuis, ce sujet est de plus en plus abordé dans la sphère publique, dans les médias et sur Internet.

Une évolution est donc en marche et vos Rapporteures souhaitent que celle-ci puisse prendre de l’ampleur et permette enfin de lever le tabou des règles, de rendre ce sujet visible et de montrer qu’il concerne bien l’ensemble de la société.

3.   Les conséquences dramatiques de ce tabou dans certains pays

Comme l’a souligné Mme Marina Ogier, responsable des programmes et référente sur le genre de l’association Care France, « le tabou des règles impacte tous les aspects de la vie des femmes. C’est à l’origine une question intime, mais celle-ci touche en réalité à de nombreux niveaux de la vie sociale et économique » ([6]). Les plaçant souvent dans une forme d’isolement, les croyances liées à ce tabou contribuent souvent à exclure les femmes de la vie de leur communauté, favorisant leur exploitation et accroissant leur vulnérabilité. Dans certains pays, pendant la période de leurs menstruations, les femmes sont toujours vues comme impures, intouchables, malfaisantes, porteuses de malheurs. En Inde, par exemple, les femmes ne sont pas autorisées à cuisiner pendant leurs menstruations. À Bali, elles ne peuvent plus pénétrer dans les temples. Au Népal, elles sont exclues de leur foyer une semaine par mois et contraintes à l’exil, ainsi exposées à de nombreux dangers. En Afghanistan, elles sont également isolées et soumises à plusieurs restrictions, comme l’interdiction de manger de la viande, de boire de l’eau froide ou de s’asseoir sur un sol mouillé.

Ces pratiques se doublent d’un manque d’information sur les menstruations. Selon l’Unicef, la moitié des adolescentes éthiopiennes n’ont par exemple aucune information sur leurs règles avant le jour de leur apparition. De plus, nombreuses sont les familles qui pensent que celles-ci sont causées par un premier rapport sexuel et qui punissent en conséquence les jeunes filles. Comme l’ont rappelé Mmes Alexandre Rinaldi et Jodie Soret d’Unicef France à travers l’exemple du suicide d’une jeune kenyane à la suite d’humiliations subies le jour de ses premières règles à l’école, « le tabou des règles tue » ([7]).

Ce tabou a également des conséquences sociales extrêmement fortes et précoces puisqu’il conduit souvent à la déscolarisation des jeunes filles. Pour Mme Dominique Pobel, de l’ONG Équilibres et populations (Equipop) l’absentéisme – puis le décrochage scolaire – et le début des menstruations sont étroitement corrélés ([8]). Contribuant ainsi aux inégalités entre les filles et les garçons, la mauvaise prise en compte des menstruations en milieu scolaire est pour vos Rapporteures un sujet de préoccupation majeur qui doit être mieux pris en compte dans l’aide au développement et dans le soutien à l’éducation des jeunes filles, facteurs clefs de l’égalité et de l’émancipation.

Les difficultés résultant du tabou social des menstruations se doublent de carences profondes en matière d’hygiène. Selon l’Unicef, 250 millions d’adolescentes entre 10 et 14 ans n’ont pas accès à des protections périodiques. Par ailleurs, 500 millions de femmes n’auraient accès à aucune infrastructure sanitaire leur permettant de changer lesdites protections dans des conditions d’hygiène satisfaisantes. Selon l’association Care France, ce sont plus de trois milliards de personnes qui n’ont même jamais accès à des toilettes. L’eau propre demeure également rare, ce qui complique considérablement l’hygiène des femmes en période de menstruations. L’utilisation des protections elles-mêmes n’est pas sans présenter de risques sanitaires et plusieurs ONG constatent que dans les pays les moins avancés les femmes ne peuvent pratiquement jamais s’en procurer et doivent se contenter de solution « de débrouille ».

Si les objectifs de développement durable de l’Agenda 2030, adopté en septembre 2015 par les 193 États membres de l’ONU, identifient les enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les enjeux de santé sexuelle et reproductive, ils ne mettent toutefois pas en avant la question des menstruations, pourtant centrale. De la même manière, ni la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018‑2022) ([9]), ni la Stratégie de la France en santé mondiale (2017‑2021) ([10]) ne mentionnent le terme de « menstruations ». Vos Rapporteures soulignent que ce sujet concerne pourtant plus de la moitié de la population mondiale et a d’importantes implications sur le plan de l’égalité, celui de la santé et économiquement. Elles considèrent donc qu’il devrait être explicitement inclus a minima dans les deux stratégies internationales mentionnées.

Ne pas même employer le terme de « menstruations » souligne d’ailleurs bien l’aspect tabou de ce sujet. La politique française d’aide au développement pourrait utilement inclure ce terme afin de mieux prendre en compte les problématiques qui y sont liées. Vos Rapporteures rappellent par ailleurs que les produits de protection menstruelle sont des produits de première nécessité qui doivent être inclus dans les dispositifs de soutien déployés lors de crises humanitaires.

Recommandation n° 1 : insérer explicitement les enjeux liés aux menstruations dans les actions relevant de l’aide publique au développement, notamment dans la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018 2022) et dans la Stratégie de la France en santé mondiale (20172021).

Recommandation n° 2 : inclure de manière systématique les produits de protection menstruelle, qui sont de première nécessité, dans les dispositifs de soutien déployés lors de crises humanitaires.

B.   Un déficit d’information des femmes

Le tabou des règles engendre une forme de silence sur ce sujet pour lequel aucune connaissance particulière ne serait nécessaire et qui pourrait être vécu naturellement par les jeunes filles et les femmes concernées, sans que cela ne cause de problèmes particuliers. Or, il apparaît que de nombreuses idées fausses circulent à propos des règles et qu’il existe beaucoup de zones d’ombre et d’incertitudes. Les intéressées sont souvent en demande d’informations, sans toujours savoir à qui s’adresser pour obtenir des réponses et sans parfois oser aborder cette question, y compris auprès de professionnels de santé. Ce déficit d’information a des conséquences préjudiciables pour le bien‑être et la santé des femmes et il est indispensable d’y remédier.

1.   Une mauvaise connaissance des menstruations et une demande croissante d’informations

Au fil de leurs auditions et de leurs déplacements sur le terrain, vos Rapporteures ont constaté que les femmes avaient une connaissance insuffisante des menstruations. Fonctionnement du cycle menstruel, diversité des produits de protection, précautions d’usage et d’hygiène, risques sanitaires, problématiques de dysménorrhées ([11]), sujets qui semblent assez mal connus des femmes.

L’enquête réalisée à la demande de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) auprès d’un échantillon de plus de 1 000 femmes a d’ailleurs montré que peu d’entre elles connaissent les risques liés à l’utilisation des protections intimes et a mis en évident une insuffisance des mesures d’hygiène ([12]). Ce rapport souligne d’ailleurs que « l’ensemble des répondantes a nettement exprimé un souhait d’information sur tous ces points (symptômes, compositions, mesures d’hygiène et de port) » ([13]).

Cette même volonté d’information a été remarquée par les militantes et start-upeuses engagées qui ont créé en ligne des lieux d’échange et d’information. Les Glorieuses abordent par exemple ce sujet régulièrement dans leurs newsletters et soulignent l’importance d’informer et de déculpabiliser les jeunes filles souvent mal à l’aise avec leurs règles ([14]). Les créatrices de la start-up Fempo ont également insisté sur l’importance de parler librement de ce sujet et d’informer les femmes sans tabou ; de nombreuses questions leur sont adressées sur Internet et révèlent un véritable besoin de connaissances sur ce sujet ([15]). Comme cela a été mis en avant par les personnels du Planning Familial que vos Rapporteures ont rencontrés à Paris et à Rennes, les femmes manifestent une volonté de plus en plus affirmée de comprendre et de maîtriser tout sujet ayant trait à leur corps et notamment les menstruations ([16]).

Vos Rapporteures se réjouissent de cette dynamique qui participe pleinement à la liberté des femmes et au droit fondamental de disposer de leur corps et de maîtriser leur vie sexuelle et reproductive. Elles considèrent qu’une telle dynamique ne doit pas être laissée de côté mais au contraire être reprise et amplifiée par les pouvoirs publics pour permettre une meilleure information de chaque femme sur ces sujets et pour lever définitivement le tabou des menstruations dans notre pays.

Recommandation n° 3 : diffuser une campagne d’information sur les menstruations pour déconstruire plus rapidement les tabous et préjugés qui y sont liés.

Au-delà des sites et communautés Internet qui se sont développés ces dernières années pour répondre à ces interrogations sur les menstruations, plusieurs applications pour smartphones ont également été créées afin de permettre aux femmes de suivre leur cycle menstruel. Si plusieurs associations soulignent l’intérêt de cette démarche, qui participe de la compréhension et de la réappropriation du corps féminin, vos Rapporteures alertent toutefois sur les risques que peuvent présenter ce type d’applications en termes de protection des données personnelles. Leur fonctionnement implique souvent de collecter des données de santé ou des données qui peuvent révéler un état de santé du fait de leur croisement avec d’autres données. En outre, elles peuvent aussi collecter des données dites sensibles, relatives notamment à la vie sexuelle des personnes. Auditionnée par vos Rapporteures, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n’a pas été à ce jour saisie de plainte relative à ces applications spécifiquement dédiées aux cycles menstruels ([17]). Mme Hélène Guimiot‑Breaud, cheffe du service santé de la CNIL, a toutefois souligné le caractère sensible de la collecte de telles données et a rappelé que le business model des applications gratuites repose principalement sur la monétisation des données recueillies. Vos Rapporteures appellent donc à la vigilance sur ce sujet.

2.   Des sujets insuffisamment abordés dans le cadre scolaire et le cadre médical

S’appuyant sur les témoignages de leur communauté, les associations et start-ups engagées sur ce sujet ont dénoncé une forte carence d’informations sur les menstruations dans les cadres scolaire et médical, pourtant considérés comme essentiels dans l’accès à l’information sur la santé et le corps humain.

Mme Sarah Durocher, accueillante au Planning Familial, faisait valoir que les jeunes filles sont peu informées ([18]) : si le sujet est présent dans le programme de 6e, il n’est en réalité abordé que de manière allusive, voire pas du tout. Certaines interventions, notamment des infirmières médicales, permettent d’aborder ce sujet, mais cela ne semble pas se faire de manière systématique. Le détail des menstruations ne semble en réalité n’être abordé de manière précise qu’au cours de la classe de quatrième, à l’occasion des enseignements de sciences de la vie et de la terre. Or, de nombreuses jeunes filles ont leurs premières règles avant la quatrième. Les témoignages recueillis par vos Rapporteures ne permettent pas de faire de cette carence une généralité, mais il n’en demeure pas moins que cette problématique est apparue de manière récurrente tout au long de leurs travaux et a encore été confirmée lors de leur déplacement au collège Rosa Parks à Rennes.

Par ailleurs, il semble que les séances d’éducation à la sexualité et à la vie affective ne soient mises en œuvre que de façon très disparate, en fonction des moyens et de la bonne volonté de chaque établissement scolaire. Ce constat, régulièrement fait par les associations sur le terrain, a été clairement établi par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) dans son enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de 3 000 établissements scolaires publics et privés au cours de l’année scolaire 2014-2015 ([19]).

Au-delà du cadre scolaire, les menstruations ne semblent pas systématiquement abordées non plus dans le cadre médical. Mmes Mathilde Lefevre et Anne‑Claire Bouscal, présidente et directrice du Planning Familial d’Ille-et-Vilaine, ont expliqué que les femmes rencontrées dans le cadre de leur association indiquent qu’aucun médecin ne les a interrogées sur les menstruations ou sur l’utilisation des protections menstruelles. Vos Rapporteures ont rencontré plusieurs professionnels de santé, médecins généralistes, gynécologues et sages‑femmes, qui considèrent pourtant que ce sujet doit bien être abordé avec les patientes.

Les témoignages de terrain conduisent vos Rapporteures à considérer que la situation n’est pas satisfaisante en l’état et que les informations sur les menstruations sont insuffisantes. Il semble en outre que la relation soignant‑patiente ne prenne pas assez en compte la question des douleurs pendant les règles, ainsi que la question de l’usage des différents types de protection menstruelle.

C.   Informer dÈs le plus jeune Âge

Considérant qu’il est impératif d’en finir avec ce tabou des règles, vos Rapporteures soulignent la nécessité de mieux informer, dès le plus âge, filles et garçons sur ce sujet. Dans une démarche de compréhension du corps humain et de normalisation des phénomènes liés au corps féminin, cette information participe en outre d’une éducation à l’égalité et au respect de soi et d’autrui.

1.   Informer filles et garçons sur les menstruations dès le plus jeune âge sans les résumer à un élément de la vie sexuelle

Au-delà de la prise en charge des menstruations dans le suivi médical et gynécologique des filles, ce sujet doit également être évoqué à d’autres occasions. S’agissant d’un élément quotidien de la vie des femmes, vos Rapporteures considèrent que les règles ne peuvent plus rester un sujet tabou, abordé du bout de lèvres, conduisant à laisser de nombreuses femmes dans l’ignorance. Les menstruations doivent être expliquées dès le plus jeune âge, sans tabou et sans les réduire à une manifestation de la vie sexuelle et reproductive, les menstruations débutant en moyenne autour de 13 ans, tandis que la vie sexuelle commence en moyenne à partir de 17 ans ([20]).

Vos Rapporteures recommandent d’aborder ce sujet dès la classe de 6e, non pas d’un point de vue uniquement scientifique lors des cours de sciences de la vie de la terre, mais selon une approche plus large permettant notamment de déconstruire le tabou social qui entoure les règles. Cette information doit s’adresser aussi bien aux filles, qui ont le droit de comprendre ce que sont les règles avant le début des leurs, qu’aux garçons, qui doivent eux aussi être informés sur le fonctionnement du corps féminin. En outre, certaines filles ayant leurs premières règles dès l’école primaire, il convient de garantir également leur information à cet âge, éventuellement à travers les infirmières scolaires par exemple.

Recommandation n° 4 : aborder systématiquement les menstruations dès la classe de 6e en :

 dissociant ce sujet de l’éducation à la sexualité ;

 en dispensant une information à caractère pratique ;

 en mettant l’accent sur les différents types de protections menstruelles, les consignes d’hygiène et le mode d’emploi.

Cette éducation aux règles passe également par la mise en place d’un environnement scolaire bienveillant vis-à-vis des règles. Les personnels d’éducation doivent en effet ne pas être gênés par des questions sur ces sujets, les protections menstruelles doivent être facilement accessibles et non dissimulées. Vos Rapporteures estiment en effet qu’une telle évolution participera directement à la dédramatisation des règles et à la déconstruction du tabou à ce sujet.

L’école n’est toutefois pas le seul acteur qui a un rôle à jouer pour informer les jeunes sur les menstruations. Les familles sont bien évidemment concernées au premier plan et vos Rapporteures souhaiteraient soutenir ce rôle en facilitant l’accès à des informations claires sur ce sujet. Sur le modèle du site Internet www.choisirsacontraception.fr, développé par le ministère des Solidarités et de la Santé et l’agence Santé Publique France, un site (ou une rubrique dédiée dans un site déjà existant) pourrait présenter de manière pédagogique les menstruations, le cycle, les changements du corps qui accompagnent le début, mais aussi la fin, des règles, les différents types de protection, les risques afférents, les dysménorrhées, le syndrome de choc toxique (SCT), le syndrome prémenstruel, etc.

Recommandation n° 5 : construire, sur le modèle du site Internet www.choisirsacontraception.fr, développé par le ministère des Solidarités et de la Santé et l’agence Santé Publique France, un site Internet décliné sur les réseaux sociaux et dédié aux menstruations qui présente les principales informations sur les menstruations à travers des informations ludiques et accessibles comme des films, des infographiques ou encore des témoignages.

2.   L’enjeu de l’éducation à la vie du corps et au respect de chacune et de chacun

La déconstruction du tabou des règles et des nombreuses idées reçues sur ce sujet est indissociable d’un combat plus large contre tous les stéréotypes sexistes qui portent sur les femmes ou le corps des femmes. Comme la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en a déjà fait le constat dans plusieurs de ses rapports, ce combat passe nécessairement par le développement d’un apprentissage de ce qu’est l’égalité dès le plus jeune âge. C’est par ce type d’éducation que les stéréotypes et les préjugés sexistes pourront être combattus et éradiqués.Si l’apprentissage sur les menstruations ne doit pas se réduire aux liens entre menstruations et reproduction, vos Rapporteures estiment toutefois que ce sujet a, par la suite, également sa place au cours des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective. C’est séances ont été créés en 2001 par le législateur qui souhaitait développer un enseignement à la sexualité dans un objectif de respect du corps humain, de soi et d’autrui ([21]) et les menstruations ont toute leur place dans cet enseignement.

Est ainsi prévu qu’une « information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupe d’âge homogène » et que ces séances « contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain ». Une circulaire d’application en date du 17 février 2003 ([22]) précise le dispositif et affirme que « l’éducation à la sexualité est inséparable des connaissances biologiques sur le développement du corps humain, mais elle intègre tout autant, sinon plus, une réflexion sur les dimensions psychologiques, affectives, sociales, culturelles ou éthiques » ([23]). Par la suite, la Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif de février 2013 a permis d’indiquer explicitement que l’éducation à la sexualité est un outil pour « renforcer l’éducation au respect mutuel et à l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes » ([24]). Enfin, en 2016, a été précisé que « ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes » ([25]).

Vos Rapporteures estiment que les menstruations sont un sujet incontournable pour pouvoir aborder ces questions du corps, du respect de soi et d’autrui, de la sexualité – dans une dimension biologique mais surtout dans une dimension sociale et culturelle. Elles tiennent donc à rappeler qu’il est urgent de mieux développer et de systématiser ces séances d’éducation à la vie sexuelle et affective. Elles soulignent que ces séances sont une occasion précieuse d’aborder toute question liée au corps et à sa compréhension, y compris celles ayant trait aux menstruations.

Recommandation n° 6 : développer l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes et la sensibilisation à la vie sexuelle et affective, en abordant, entre autres sujets, les menstruations, dans le cadre, d’une part, des enseignements moraux et civiques et, d’autre part, du nouveau service national universel.

II.   De nombreuses interrogations sur Les protections menstruelles comme produits d’hygiÈne féminine

Produits de consommation courante, les protections périodiques tiennent une place importante dans la vie des femmes qui y ont recours tous les mois, pendant plusieurs jours, sur une durée de plusieurs décennies puisqu’elles les utilisent dès leurs premières règles et jusqu’à leur ménopause.

D’une enquête réalisée en 2017 auprès d’un échantillon de 1 065 femmes réglées et âgées de 13 à 50 ans ([26]), il ressortait que les protections externes (serviettes et protège-slips) sont utilisées par la majorité des femmes : 91 % en utilisent. Les habitudes varient légèrement selon les tranches d’âge : par exemple, 33 % des femmes âgées de 13 à 24 ans utilisent exclusivement des serviettes hygiéniques, quand celles de plus de 25 ans déclarent utiliser davantage de protections internes de type tampons. Par ailleurs, 9 % des femmes interrogées déclarent utiliser des coupes menstruelles (ou cups), principalement les femmes de la tranche d’âge 25-34 ans. Par ailleurs, si 21 % des femmes interrogées n’utilisent que des serviettes hygiéniques, la majorité des répondantes déclarent privilégier l’usage de deux types différents de protection (notamment des tampons associés à des serviettes ou des protège-slips). Selon les grands groupes de fabricants rencontrés par vos Rapporteures, ainsi que d’après les témoignages de terrain qu’elles ont recueillis, les serviettes hygiéniques seraient plébiscitées et représenteraient près de deux-tiers des protections utilisées.

Une femme ayant en moyenne ses règles plus de 450 fois au cours de sa vie ([27]) et les produits de protection intime étant en contact avec une zone particulièrement sensible du corps féminin, il est primordial de s’intéresser à la composition de ces produits et de s’assurer de leur innocuité.

A.   Une Gamme de produits de plus en plus variÉe

L’offre de produits de protection menstruelle n’a jamais été aussi abondante et diversifiée, avec des produits de plus en plus performants en termes de confort et d’absorption. Ces dernières années, de nouveaux types de produits, qui constituent encore des marchés de niche, sont apparus, mettant en avant des préoccupations écologiques et offrant une alternative aux produits traditionnels. Il s’agit notamment des cups (coupes menstruelles) et des culottes menstruelles. Par ailleurs, les produits les plus vendus, à savoir les serviettes hygiéniques et les tampons, ont bénéficié d’innovations technologiques améliorant leur efficacité et leur tolérance. Chaque fabricant propose en général différentes gammes, présentant chacune plusieurs produits adaptés aux différents flux. Les progrès en l’espace d’une génération ont donc été considérables et contribuent à faire des jours de menstruations des jours comme les autres, ne pesant pas sur le quotidien des femmes.

1.   L’apparition de nouveaux produits de protection menstruelle

Depuis quelques années, le marché des protections menstruelles s’est enrichi de nombreux nouveaux produits vus comme plus écologiques, qu’il s’agisse de produits issus de l’agriculture biologique ou de produits réutilisables. De nombreuses start-ups ont développé des produits visant à mieux répondre à ces impératifs, mais également à apporter plus de confort aux utilisatrices.

Au-delà des traditionnels tampons et serviettes absorbantes à usage unique, ainsi que des couches menstruelles plus rarement utilisées, sont aujourd’hui proposées aux femmes des culottes menstruelles lavables, des serviettes lavables et des coupes menstruelles ([28]). Ces dernières sont apparues récemment. En Europe, la coupe menstruelle est commercialisée à partir des années 2000, principalement en ligne. Lors de l’enquête de la société Opinion Way de 2017 (diligentée par l’Anses dans le cadre de son avis sur la sécurité des produits de protection intime), 9 % des femmes interrogées déclaraient en utiliser, principalement les femmes de la tranche d’âge 25-34 ans. En France, la coupe menstruelle se vend en pharmacies, sur internet ou depuis 2016 en grandes surfaces avec une dizaine de marques se partageant le marché français aujourd’hui.

2.   Protections biologiques, un raccourci de langage qui peut s’avérer trompeur pour certaines consommatrices

L'existence de protections menstruelles vendues sous le label « biologique » s’est progressivement développé sur le marché français. Des marques proposent ainsi de plus en plus de serviettes et tampons fabriqués à partir de coton issu de l’agriculture biologique depuis les années 1990. La plupart du temps certifié par le label GOTS ([29]), ces produits se présentent comme plus propres que les autres de la gamme ; ils se veulent ainsi davantage hypoallergéniques, sans plastique, sans chlore, sans glyphosate ou autre pesticide.

Les études conduites sur la composition des protections (voir ci‑après) ont toutefois montré que bien souvent ces produits ne présentent pas une composition plus exempte de substances indésirables que les produits non biologiques. Interpellées par ce point, vos Rapporteures ont tenu à mettre en avant la difficulté qui réside dans cette situation : les femmes sont ainsi tentées d’acquérir à prix plus élevé des produits présentés comme biologiques et donc plus « propres », alors que cela ne semble en réalité n’avoir qu’un impact limité sur leur composition.

Si, bien sûr, il est important de développer des gammes issues de l’agriculture biologique, vos Rapporteures souhaitent que les emballages mentionnent plus clairement que seul le coton est biologique et non pas l’ensemble du processus de fabrication. La protection en elle-même n’est ainsi pas « bio », seul le coton peut l’être. Elles considèrent qu’une clarification de ce point contribuerait à une meilleure information des consommatrices.

B.   Pour limiter le risque chimique, Responsabiliser les fabricants sur la composition

D’une manière générale, les consommateurs sont de plus en plus vigilants en ce qui concerne la composition des produits qu’ils utilisent et font preuve d’exigences croissantes vis‑à‑vis des producteurs, afin d’obtenir davantage d’informations et de transparence. Les produits de protections menstruelles ne font pas exception, d’autant plus que les femmes les utilisent un nombre considérable de fois au cours de leur existence et que ces produits sont en contact direct et prolongé avec leurs muqueuses. Au cours de leurs auditions, vos Rapporteures ont même constaté une forme de rupture de confiance des utilisatrices vis‑à‑vis des fabricants de protections menstruelles. La détection de substances indésirables dans ces produits a fait l’objet d’analyses à plusieurs reprises et nécessite sans doute un contrôle renforcé de la part des fabricants.

1.   Le déclenchement d’alertes par les utilisatrices et les associations

La composition des produits d’hygiène féminine n’avait jamais suscité d’interrogations ni d’inquiétudes particulières, jusqu’à ce que Mélanie Doerflinger, étudiante, ouvre ce débat au nom du droit à l’information des consommateurs. En juillet 2015, elle lance une pétition pour que plusieurs grandes marques dévoilent la composition de leurs produits. Sa pétition « #BonjourTampaxOùEstLaCompositionDeVosTampons » recueille plus de 200 000 signatures, suscite l’intérêt de grands médias français et reçoit le soutien du magazine 60 millions de Consommateurs, édité par l’Institut national de la consommation (INC).

Mélanie Doerflinger a dû faire preuve de ténacité pour se faire entendre. Elle a confié qu’« au début, c’était la galère. En juillet 2015, [elle avait] à peine 300 signatures, les gens s’en fichaient. Pour autant, [elle est allée] prêcher sur Facebook… [Elle avait] déjà cette sensibilité de se renseigner sur la composition des produits cosmétiques par curiosité. [Elle fait] attention à ces choses lorsque [elle] achète un produit » ([30]). Elle explique que sa démarche a été inspirée par la tragique histoire de Lauren Wasser, une jeune mannequin américaine dont la jambe a été amputée suite à une infection appelée syndrome de choc toxique, liée à l’utilisation d’un tampon.

Pour avoir des réponses, Mélanie Doerflinger décide d’interpeller une grande marque sur les réseaux sociaux. On l’invite alors à prendre connaissance du schéma que l’on peut trouver sur les boîtes des produits concernés. Elle indique que « c’est là que le parcours du combattant a commencé : quand [elle a] appelé le numéro consommateur, une personne [lui] a clairement dit qu’ils avaient des consignes et n’avaient pas le droit de parler des personnes ayant subi des infections ! » ([31]). Faute d’informations, elle s’adresse alors à Marisol Touraine, alors ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes qui lui indique que les normes sur ces produits sont établies au niveau communautaire. 60 millions de Consommateurs donne alors l’alerte

Intéressé par les questions soulevées par cette pétition, l’Institut national de la consommation (INC), établissement public national à caractère industriel et commercial (EPIC), placé sous la tutelle du ministre de l’Économie et des Finances, décide d’enquêter sur la composition des produits de protections périodiques. Dans son numéro de mars 2016 ([32]), son mensuel, 60 millions de Consommateurs, pose deux questions principales : comment sont fabriqués ces produits en contact avec une zone si sensible du corps féminin et pourquoi ne sont-ils pas mieux encadrés ?

Concernant la composition, les analyses menées par les laboratoires de l’INC sur onze références de protections féminines révèlent la présence de traces de dioxines, de glyphosate et d’autres pesticides. Dans les trois références de tampons analysées (Tampax, O.B. et Nett), ont été détectées des traces de dioxine ou de dérivés halogénés, ainsi que des traces de polluants industriels. L’INC précise que les niveaux relevés sont faibles et se situent en-dessous des seuils fixés par les différentes réglementations. Elle précise toutefois que ces valeurs limites n’ont pas été spécifiquement fixées pour les protections d’hygiène féminine.

Les faibles taux constituent un point positif mais ne suffisent pas à répondre à toutes les interrogations. Comme le relève le docteur Jean‑Marie Bobbot, infectiologue et directeur médical à l’Institut Fournier à Paris, « ce n’est pas parce que les taux sont faibles que l’on peut garantir le risque zéro. En l’absence d’étude sur le passage systémique de chaque substance à partir du vagin, on ne peut rien conclure. D’autant que le vagin a une perméabilité très sélective en fonction des substances » ([33]).

Les substances présentes sont en effet potentiellement dangereuses pour la santé, certaines d’entre elles étant soupçonnées d’être des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire des molécules susceptibles d’interférer avec le fonctionnement normal du système endocrinien et donc d’agir à de très faibles doses (comme les hormones naturelles). C’est le cas des dioxines et des pesticides organochlorés mis en évidence par les analyses de l’INC. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les dioxines sont notamment susceptibles de provoquer des troubles au niveau de la procréation, du développement, du système immunitaire ou hormonal et des cancers, l’OMS jugeant toutefois que le risque cancérogène serait négligeable en dessous de certains seuils.

Pour les pesticides détectés, il conviendrait de déterminer avec précision les potentiels effets sur la santé. Plusieurs études ont en effet mis en avant les risques que ce type de produits fait peser sur la santé. L’Institut de veille sanitaire classe ainsi le chlordécone et le DTT comme des perturbateurs endocriniens de la fonction de reproduction. Les molécules trouvées dans les tampons appartenant à la même famille, il apparaît urgent de déterminer l’impact qu’elles peuvent avoir lorsque l’exposition aux molécules a lieu au niveau de la vulve et de la muqueuse vaginale.

Pour d’autres substances, il n’existe pas d’étude permettant d’écarter définitivement tout risque et de confirmer sans doute possible leur caractère inoffensif ; c’est notamment le cas pour les composés halogénés, molécules qui appartiennent à la famille du chlore.

En conclusion de cette première enquête, l’INC invitait les fabricants à assurer un affichage complet de la composition des protections et des résidus qu’elles peuvent éventuellement contenir. En 2019, l’INC a mis son étude à jour pour identifier si des progrès avaient été accomplis. Malheureusement, il constatait ne pas être « encore rassur[é] » ([34]). L’étude a de nouveau été menée par le centre d’essais comparatifs de l’INC, sur la base d’un échantillonnage de sept références de serviettes périodiques féminines, dont une présentée comme réalisée à partir de fibres biologiques, et de huit références de tampons, dont trois avec applicateur et trois présentés comme réalisés à partir de coton biologique. Elle révèle la présence récurrente du glyphosate et/ou d’un de ses dérivés dans des produits de grande marque (serviettes hygiéniques Always, tampons Tampax). Le même constat s’applique aux marques « bio » figurant dans l’échantillonnage (tampons Natracare et JHO). Autre résultat inquiétant : la présence de phtalates qui n’avaient pas été détectés dans la précédente étude. Il s’agit du DnPP dans la référence Saforelle mais surtout du DEHP, dans les serviettes Vania, Always, Siempre et encore chez Saforelle. Or, le DEHP est suspecté par l’Agence européenne en charge des substances chimiques de pouvoir altérer la fertilité.

2.   La réaction des autorités publiques françaises

Les enquêtes conduites par les associations de consommateurs montrent que la composition des produits pose problème et que l’information des consommatrices n’est pas suffisante. Se pose alors la question de l’encadrement de ces produits et de leur suivi par les autorités publiques.

Dès les années 1970, les États-Unis avaient décidé de classer les tampons périodiques parmi les dispositifs médicaux afin qu’ils soient soumis au contrôle de l’Agence en charge des médicaments et des produits de santé, la Food and Drug Administration (FDA). En 2009, la FDA indiquait avoir détecté des dioxines identiques à celles trouvées par l’INC dans certaines des références de tampons étudiées. En 2015, tout en indiquant que le risque d’effets indésirable pour la santé pouvait être considéré comme négligeable, elle a déjà demandé aux fabricants de tampons comportant de la viscose de fournir des informations sur les processus de purification de la pulpe de bois servant à fabriquer la viscose. La FDA invitait également les fabricants de ces tampons en viscose à contrôler régulièrement les matières premières et les produits finis. Ces réactions montrent que les pouvoirs publics américains prennent lentement conscience des enjeux liés à la composition de ces produits.

En France, les travaux de l’Anses ont permis de mettre ces questions dans le débat public et d’ouvrir des pistes d’amélioration qui doivent encore être approfondies.

a.   L’enquête de l’Anses de 2018, complétée en 2019

Le 29 avril 2016, la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ([35]) ont saisi l’Anses pour qu’elle réalise une étude sur la sécurité des produits de protection intime.

Lors de leur audition par la Délégation ([36]), les responsables de l’Anses ont rappelé la méthodologie retenue. L’Agence a procédé à une série d’auditions entre septembre 2016 et février 2018 auprès d’associations de consommateurs ([37]), d’entreprises et de fédérations professionnelles ([38]) et d’organismes associatifs et publics ([39]). Elle a ensuite effectué un recueil des données disponibles, aussi bien des rapports institutionnels que des publications scientifiques relatives à la nature des matériaux composant ces produits, aux substances chimiques pouvant être présentes dans ces produits, au syndrome de choc toxique menstruel et aux pathologies induites par les protections intimes (irritations, allergies, microtraumatismes, etc.). Les recherches documentaires ont mis en évidence un faible nombre de rapports d’organismes publics et la rareté des publications scientifiques.

L’Agence s’est également appuyée sur les essais réalisés, à la demande de la DGCCRF en 2016, par le Service commun des laboratoires. Les scénarios d’exposition portaient à la fois sur l’exposition par voie cutanée ou via les muqueuses vaginales.

En 2017, elle a enfin commandé à Opinion Way une enquête sur l’utilisation des protections intimes et la perception des risques auprès d’un échantillon de femmes représentatif de la population française.

Au final, l’avis de l’Anses publié en juin 2018 ([40]) précise qu’aucun dépassement des seuils sanitaires n’a été observé pour les dioxines et furanes, le chrysène (de la famille des HAP) et le DNOP (de la famille des phtalates) présents dans les tampons.

Concernant les substances trouvées dans les serviettes hygiéniques et les protège-slips, aucun dépassement des seuils sanitaires n’a été mis en évidence pour le glyphosate seul ou associé à l’AMPA, le lindane, l’hexachlorobenzène ou le quintozène (pesticides interdits dans l’Union européenne), ou pour d’autres pesticides. Aucun dépassement des seuils sanitaires n’a été mis en évidence, par voie cutanée, dans les tampons, les serviettes hygiéniques et les protège-slips.

Le comité d’experts spécialisés de l’Anses ne conclut pour autant pas à l’innocuité totale des produits entrant dans la composition des protections hygiéniques, rappelant à la fois les zones d’incertitude des études conduites et le fait qu’il est impossible de prendre en compte toutes les sources d’exposition à ces produits. Il indique aussi que les calculs de risque effectués ne prennent pas en compte les effets perturbateurs endocriniens et les effets sensibilisants cutanés. L’avis souligne enfin le manque d’informations disponibles pour les auxiliaires de fabrication comme les colles par exemple, ou les substances ajoutées intentionnellement (parfums, encres, etc.).

b.   Les recommandations de l’Anses

L’avis de l’Anses comporte huit recommandations principales.

Sur la composition, l’Agence recommande que la nature des matériaux (coton, viscose, etc.) composant ces produits soit mieux documentée et qu’elle soit affichée sur les emballages et pas uniquement sur les sites internet des fabricants, afin d’informer les utilisatrices. Elle préconise de supprimer l’utilisation de toutes substances parfumantes dans la composition des protections intimes, en priorité celles présentant des effets irritants et sensibilisants cutanés, telles que le Lilial® qui a été quantifié dans une référence de protège-slips. Plus généralement, sur les substances ajoutées, l’Agence estime nécessaire de disposer d’études scientifiques permettant de mesurer le transfert de ces substances du matériau vers la peau et les muqueuses.

Même si les seuils sanitaires n’ont pas été dépassés, l’Agence recommande d’améliorer la qualité des matières premières qui peuvent être contaminées avant même la fabrication des protections, ainsi que les procédés de fabrication des protections intimes. Elle invite les industriels à mettre en place des cahiers des charges plus restrictifs et des contrôles plus systématiques pour éliminer la présence de substances chimiques dangereuses dans les matériaux constituant les protections intimes.

Sur les seuils, l’Anses recommande de fixer un seuil pour les dioxines et furanes chlorés du même ordre de grandeur que la limite de quantification (LQ), méthode d’analyse qui détermine la concentration la plus basse mesurable par les instruments d’analyse mais avec une fiabilité satisfaisante.

L’Anses estime enfin que le dispositif réglementaire actuel n’est pas suffisant et appelle à la définition d’un cadre plus restrictif qui pourrait passer par des procédures restrictives et par un renforcement des obligations en matière d’essais cliniques pour évaluer le risque chimique à court et moyen termes (allergies, intolérances...) et le risque à long terme. Ces nouvelles normes pourraient s’inspirer de réglementations en vigueur pour les dispositifs médicaux et les matériaux en contact avec les denrées alimentaires.

La diversification des produits disponibles sur le marché et la forte progression des coupes menstruelles ont conduit l’Anses à appeler à un renforcement de la surveillance du marché. À ce titre, elle a engagé une nouvelle étude pour compléter ses premiers travaux en se concentrant sur les tampons mais également sur les coupes menstruelles.

Les résultats d’évaluation complémentaires, disponibles depuis décembre 2019, ont confirmé la nécessité de renforcer l’information des femmes et des professionnels de santé sur le risque de syndrome de choc toxique menstruel (SCT), qui concerne toutes les protections périodiques internes (tampons, coupes menstruelles,…).

Ces nouveaux essais ont révélé la présence de substances chimiques dans les tampons et les coupes menstruelles, mais sans dépassement des seuils sanitaires. D’autre part, l’Anses n’a pas mis en évidence de relation directe entre les propriétés physico-chimiques des matériaux de ces protections intimes et un risque d’augmentation du SCT. L’Agence recommande néanmoins aux fabricants d’améliorer la qualité de ces produits afin d’éliminer ou de réduire au maximum la présence des substances chimiques.

Concernant le SCT, l’Anses rappelle que le risque de développer ce syndrome causé par une toxine bactérienne est lié aux conditions d’utilisation de toutes les formes de protections périodiques internes. Ainsi, elle recommande qu’une information plus claire sur le risque de syndrome de choc toxique menstruel et ses symptômes soit délivrée aux professionnels de santé et aux femmes. S’agissant des emballages et notices, cette demande d’amélioration concerne en particulier les fabricants de coupes menstruelles, plus récemment arrivées sur le marché. Aussi, l’Anses rappelle aux utilisatrices l’importance de respecter les règles d’hygiène liées à l’utilisation des protections, notamment la durée du port aussi bien pour les tampons que pour les coupes menstruelles. Il est également recommandé d’utiliser un tampon ou une coupe menstruelle uniquement pendant les règles et de choisir une protection adaptée à son flux ([41]).

3.   Poursuivre les efforts des fabricants

Les fabricants ont naturellement réagi à la publication de ces études, en indiquant notamment que les pesticides et autres résidus ne sont pas ajoutés intentionnellement hormis le Lilial® qui est une substance parfumante. Comme ils l’ont indiqué à vos Rapporteures lors de leur audition, ces éléments ne font pas partie des composants utilisés pour la fabrication des produits de protections périodiques. Ils sont issus soit d’une contamination des matières premières ou des produits finis, soit formés lors des procédés de fabrication (notamment lors du blanchiment ou du collage). Ce processus d’apparition des résidus indésirables dans les protections a d’ailleurs été confirmé par la DGCCRF lors de son audition par vos Rapporteures. Si cela ne dédouane bien sûr pas les fabricants de leur responsabilité vis‑à‑vis des consommatrices, il s’agit en réalité d’une problématique bien plus vaste de qualité des produits de consommation courante qui ne concerne pas uniquement les protections menstruelles.

Aujourd’hui, la cellulose utilisée dans ces produits n’est plus blanchie par du chlore élémentaire. Cependant, certains procédés utilisant des agents chlorés, comme par exemple le dioxyde de chlore, sont encore utilisés et peuvent être à l’origine de la formation de dioxines et de furanes. Une contamination environnementale peut également être à l’origine de la présence dans des protections intimes de certaines substances comme par exemple les dioxines et les furanes.

En réponse à vos Rapporteures, le groupe Procter & Gamble, leader du marché avec ses marques Always et Tampax, indique par exemple n’avoir jamais détecté d’AMPA (un dérivé du glyphosate) dans ses Tampax. Ces résidus de dérivé de glyphosate n’avaient pas été détectés lors de l’étude de 2016 car, à l’époque, la référence testée ne contenait pas de coton, dont la culture fait souvent appel au glyphosate, en tant qu’herbicide. Quant aux phtalates, soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens, les fabricants ont contesté les concentrations détectées par l’INC mais sans en nier la présence. « Les résultats publiés par le magazine 60 millions de Consommateurs en mars 2019 et concernant [les] produits [du groupe Procter & Gamble] ne sont cohérents ni avec leurs contrôles qualité, ni avec les résultats d’analyse de laboratoires indépendants. Aucun de ces tests n’a trouvé de trace d’AMPA dans les tampons ni de phtalates (DEHP) dans les serviettes actuellement commercialisées même en utilisant des seuils de quantification extrêmement sensibles » ([42]).

Si vos Rapporteures saluent les efforts indiqués par les fabricants de protections menstruelles pour améliorer leur composition et l’information des consommatrices, elles considèrent toutefois que d’importants progrès peuvent encore être faits, notamment en termes de transparence de la composition et de contrôles.

Recommandation n° 7 : exiger des fabricants qu’ils fassent des analyses régulières de la composition de leurs produits, en recherchant systématiquement l’ensemble des substances toxiques détectées par l’Anses dans son avis de juin 2018 (dioxines, phtalates, pesticides, etc.).

Recommandation n° 8 : demander aux fabricants de publier annuellement sur leur site Internet les résultats des recherches de substances toxiques en y mentionnant systématiquement les polluants détectés et en précisant leur taux de concentration, y compris lorsqu’ils sont inférieurs aux seuils légaux existants.

Recommandation n° 9 : prévoir avec l’Anses et la DGCCRF un contrôle à périodicité régulière, par exemple tous les dix ans, de la composition des produits de protections menstruelles, afin de vérifier la présence de substances toxiques.

Recommandation n° 10 : clarifier la composition des protections menstruelles en :

− indiquant systématiquement sur le site internet des marques l’ensemble des composants entrant dans la fabrication des protections menstruelles, qu’il s’agisse des matières premières, aussi bien que des éléments nécessaires à la transformation, à l’assemblage et au blanchiment de celles-ci ;

 − indiquant sur l’emballage et sur la notice d’utilisation des protections menstruelles, de manière lisible et compréhensible, les grands types de produits entrant dans leur composition, qu’il s’agisse des matières premières, aussi bien que des éléments nécessaires à la transformation, à l’assemblage et au blanchiment ;

 mentionnant de manière explicite sur l’emballage et la notice, ainsi que sur le site internet des marques, la présence éventuelle de traces de substances toxiques (par exemple avec une mention précisant la possibilité de présence de traces de telles substances), afin d’améliorer la transparence de la composition et de rassurer les utilisatrices.

Recommandation n° 11 : travailler avec les fabricants à l’élaboration d’un cahier des charges standardisé pour l’ensemble de la profession, établissant un protocole strict par rapport à leurs fournisseurs de matières premières, afin d’éliminer tout risque de contamination par des substances toxiques dangereuses.

Recommandation n° 12 : réfléchir avec les fabricants à la mise à l’écart des fournisseurs de matières premières pour lesquelles des traces de pesticides interdits en Europe auront été relevées lors des analyses, comme celles détectées par le Service commun des laboratoires, à la suite de la saisine de l’Anses.

C.   Renforcer l’information pour limiter le risque infectieux

Outre l’attention portée à leur composition, vos Rapporteures ont été alertées sur les risques dus à une mauvaise utilisation des produits de protection intime, au premier rang desquels figure le syndrome de choc toxique. Elles tiennent à attirer l’attention sur l’enjeu fondamental d’une meilleure information des utilisatrices de protections menstruelles afin d’éviter tout risque de ce type.

1.   Le syndrome de choc toxique

a)     Une maladie grave encore mal appréhendée

Les cas de syndrome de choc toxique sont relativement rares, même s’ils sont probablement sous-évalués, en l’absence d’obligation déclarative par les médecins. En 1990, plus aucun cas de SCT n’était recensé en France mais depuis la fin des années 1990, la maladie est réapparue et ne cesse de croître : 5 cas déclarés en 2004, 19 en 2011 et jusqu’à 22 en 2014, ce qui a alerté le Centre national de référence des staphylocoques des Hospices civils de Lyon ([43]). Ainsi, en 2018, une vingtaine de cas ont été déclarés auprès du Centre national de référence (CNR) des staphylocoques de Lyon, ces cas étant le fait de déclarations spontanées de cliniciens ou de microbiologistes à des fins de diagnostic ou de travaux épidémiologiques.

Le syndrome de choc toxique (SCT)

Le syndrome de choc toxique est lié à la présence d’une bactérie, le Staphylococcus aureus (staphylocoque doré), dans le microbiote vaginal de certaines femmes. La bactérie, présente dans ou sur le corps (nez, gorge, peau et parfois vagin) de 30 à 40 % de la population, n’est pas, en soi, dangereuse pour la femme mais le devient lorsque la femme abrite dans son vagin un staphylocoque doré producteur d’une toxine particulière appelée TSST-1 (environ 1 % des cas).

Dans ce cas, lorsqu’elle a ses règles et qu’elle garde une protection trop longtemps, la bactérie se retrouve bloquée dans le vagin et s’y multiplie. Quand le staphylocoque doré atteint une concentration importante, il libère la toxine TSST‑1 qui passe alors dans le sang et provoque le choc toxique, ainsi que des lésions de certains organes, dont le foie, les poumons et les reins. Cette maladie grave peut conduire à une nécrose des tissus, des amputations, voire au décès.

Le SCT est d’autant plus difficile à identifier que les cas sont rares et que les symptômes peuvent correspondre à d’autres pathologies. En effet, le SCT se déclare pendant les règles et se manifeste sous la forme d’une fièvre soudaine (38,9° ou plus), d’une sensation de malaise avec céphalée, de vomissements, de diarrhée, d’une éruption cutanée ressemblant à un coup de soleil. De tels symptômes peuvent évoquer une grippe ou une gastro-entérite, sans que le lien éventuel avec un SCT ne paraisse évident pour la personne concernée ou même pour le médecin consulté. Le diagnostic n’est donc pas toujours bien posé. Ainsi, le récent exemple d’une jeune fille de dix-sept ans, décédée en janvier 2020, a illustré de manière dramatique les conséquences d’un diagnostic tardif du choc toxique, pris à tort pour un cas de grippe gastro-intestinale par les médecins et les services d’urgence ([44]).

Pour mieux connaître le SCT et disposer de données fiables, vos Rapporteures estiment que les professionnels de santé doivent être plus sensibilisés à cette pathologie et en faire une déclaration systématique auprès des autorités sanitaires.

Recommandation n° 13 : mettre en place au niveau national une procédure de déclaration obligatoire des cas de syndrome de choc toxique (SCT) par les professionnels de santé, y compris lorsque ces cas n’ont pas nécessité une hospitalisation.

Après un choc toxique, « 20 % des femmes rentrent chez elles sans avoir compris ce qui leur est arrivé, sans avoir compris la maladie et continuent ensuite d’utiliser des tampons de la même manière » ([45]). Le risque de réitération du choc toxique est pourtant important, en particulier si les femmes utilisent à nouveau des tampons. Cela souligne une vraie carence dans la prévention et l’information des femmes confrontées à ces situations.

Recommandation n° 14 : prévoir une recommandation à destination des professionnels de santé afin de déconseiller aux femmes ayant déjà subi un SCT, ou pour qui on a suspecté un SCT, de recourir à des protections internes, compte tenu du fort risque de réitération.

b)     Des causes mal connues

Toutes les patientes porteuses d’un staphylocoque produisant la toxine TSST-1 ne développent pas un choc toxique, ce qui suggère l’intervention d’autres facteurs. Pour mieux comprendre l’origine de cette maladie, le CNR des staphylocoques de Lyon a lancé un projet de recherche portant sur l’« impact du microbiote vaginal sur le développement du choc toxique staphylococcique menstruel ». Une collecte de tampons a été réalisée en octobre 2016 afin que la recherche puisse travailler sur un nombre important d’échantillons bactériens. L’équipe en charge du projet voulait explorer l’hypothèse selon laquelle le microbiote vaginal jouerait un rôle prédominant dans la survenue de ces chocs, en favorisant ou en inhibant la colonisation par une souche de staphylocoque producteur de TSST-1 et la production de toxine. L’équipe souhaitait pouvoir comparer les compositions des microbiotes vaginaux des patientes colonisées par une souche de staphylocoque producteur de TSST-1 qui ne développent pas de SCT, aux microbiotes de patientes colonisées par une souche de staphylocoque producteur de TSST-1 développant un choc toxique staphylococcique menstruel. Près de 6 000 demandes de kit ont été enregistrées.

Les Hôpitaux civils de Lyon (HCL) ont rendu leurs conclusions le 4 juillet 2017 et ont estimé que contrairement au tampon Rely®, retiré du marché américain dans les années quatre-vingt, aucun dispositif vaginal ne stimule la production de la toxine TSSTT-1 qui déclenche le choc toxique. L’équipe n’a pas observé de relargage par les tampons de produit ayant un impact sur le staphylocoque, ont ajouté les hôpitaux lyonnais. Durant l’enquête, les chercheurs ont testé les marques les plus utilisées ainsi que des tampons ayant des compositions différentes. Concernant l’utilisation de coupes menstruelles, les HCL indiquent qu’en ayant un diamètre plus important que les tampons, elles permettent une arrivée d’air et donc d’oxygène plus importante et favorisent plus la croissance du staphylocoque et la production de la toxine. Les règles d’utilisation des coupes menstruelles doivent s’inspirer de celles des tampons : ne pas les porter la nuit pendant son sommeil et ne pas les porter le jour pendant plus de 6 heures. D’après les premiers résultats rassurants sur la qualité des dispositifs vaginaux et le recoupement de différents témoignages, le choc toxique semble résulter essentiellement d’un défaut d’information des utilisatrices ([46]).

Ainsi, les études déjà engagées semblent établir un lien entre le SCT et un port prolongé de protections. Longtemps soupçonnée, la composition des tampons actuellement commercialisés n’aurait en effet aucune incidence sur la survenue des SCT. Le type de tampon ne fait pas de différence. Par contre, « nous avons observé que l’espace entre les fibres qui contribue à l’apport d’air dans le vagin représente le site majeur de croissance » du staphylocoque doré, explique Gérard Lina, professeur de microbiologie à Lyon et coauteur de l'étude. Si certains produits favorisent plus que d’autres la croissance de la bactérie, il s’agirait plutôt d’une conséquence de « la structure du tampon, de la densité des fibres », indique le médecin. Quant à la taille du tampon, elle joue indirectement, dans la mesure où les « femmes ont tendance à garder les tampons ultra-absorbants plus longtemps. Or, le staphylocoque doré n’a pas besoin de beaucoup de sang pour se multiplier et produire la toxine, mais il a besoin de temps » ([47]).

Si « ce n’est pas la nature des tampons qui favorise les chocs toxiques, il faut en revoir l’utilisation et améliorer la prévention ». Les fabricants de tampons précisent dans les notices de ne pas les laisser en place « plus de huit heures » ([48]). Le professeur Gérard Lina considère cependant cette durée trop importante ; il conseille plutôt de renouveler le tampon ou de vider la coupe toutes les quatre à six heures.

2.   Renforcer prioritairement la prévention et l’information des utilisatrices

Les études actuelles montrant que le risque est principalement lié aux conditions d’utilisation, vos Rapporteures estiment que l’effort doit se concentrer sur la prévention et l’information des utilisatrices.

Persuadée qu’une meilleure prévention passe par une meilleure connaissance des habitudes des utilisatrices, l’équipe du professeur Gérard Lina a lancé une enquête anonyme en ligne sur l’usage des tampons. « L’idée n’est pas de diaboliser les tampons, car ils sont indispensables pour la liberté des femmes mais […] on peut encore progresser dans l’information qui leur est délivrée. L’objectif n’est pas de bannir les protections hygiéniques intravaginales, mais de faire en sorte qu’elles soient mieux utilisées » ([49]). Sachant que les femmes utilisent en moyenne 11 000 tampons dans leur vie, il est primordial que les utilisatrices soient informées des précautions d’utilisation et des règles d’hygiène à respecter.

Comme le relevait l’Anses dans son avis de 2018, les notices d’utilisation des protections internes préconisent un temps de port maximum de 4 à 8 heures ; ces recommandations semblent cependant peu ou mal suivies par la majorité des femmes utilisant un tampon. Dans l’enquête réalisée par Opinion Way 79 % des femmes répondantes déclaraient garder leur tampon toute la nuit sans le changer et près de 30 % des femmes indiquaient ne pas changer de coupe menstruelle durant toute une journée (2 % pour les tampons).

Recommandation n° 15 : saisir la Haute Autorité de santé (HAS), afin qu’elle édicte une recommandation pratique précisant le temps de port maximal des dispositifs internes de protections périodiques qui doive ensuite être obligatoirement apposée, de manière harmonisée, sur les emballages des produits internes de protection menstruelles (tampons et coupes) au moyen d’un pictogramme explicite.

Ces pratiques sont contraires aux recommandations faites le 23 janvier 2018 par Santé Publique France ([50]) qui estime que plusieurs règles d’hygiène simples devraient permettre de se prémunir contre le syndrome de choc toxique :

 éviter d’utiliser des tampons en cas de diagnostic précédent de choc toxique staphylococcique menstruel ;

 se laver les mains au savon avant d’insérer ou de retirer un tampon ou une coupe menstruelle ;

 changer de tampon toutes les 4 à 8 heures et éviter d’en porter la nuit ; n’utiliser un tampon que pendant une partie de la journée en alternant l’utilisation des tampons et des serviettes hygiéniques. Utiliser, par exemple, des serviettes la nuit et des tampons le jour ;

 ne pas oublier d’enlever le tampon ;

 attendre le début des règles avant d’utiliser un tampon. Éviter d’utiliser un tampon par mesure de précaution lorsqu’on attend ses règles d’une journée à l’autre ou pour absorber d’autres types de pertes ;

 utiliser des tampons ayant le pouvoir absorbant minimal nécessaire pour répondre à ses besoins personnels, le risque de contracter un SCT étant plus élevé avec des tampons très absorbants Un mauvais usage des coupes menstruelles peut aussi exposer les femmes au SCT

À l’heure actuelle, aucune étude sur la composition des coupes menstruelles n'existe. Même si leur utilisation est encore relativement marginale, il est important, de se pencher sur leur composition et les conditions d’utilisation à respecter, d’autant plus qu’il s’agit d’un dispositif interne, donc susceptible d’engendrer un syndrome de choc toxique, au même titre que les tampons. 60 millions de Consommateurs recommandait déjà, dans son numéro de mars 2016, de privilégier les modèles transparents qui affichent une composition « 100 % silicone médical » et qui sont donc a priori fabriqués sans bisphénol A, ni phtalates, ni colorants à risques. Pour autant, il ne s’agit pas là d’une garantie absolue, en l’absence de tests permettant de confirmer l’absence de ces substances.

L’usage de la coupe menstruelle : les mêmes risques de SCT qu’avec des tampons

L’usage de la coupe menstruelle pâtit de l’absence de recommandations officielles sur les bonnes pratiques à adopter et les notices d’utilisation sont trop peu renseignées, tant en ce qui concerne la composition que les précautions d’utilisation et les règles d’hygiène. Nombre de fabricants ne fournissent en effet aucune information relative au SCT sur l’emballage ou sur la notice, participant ainsi à l’ignorance des utilisatrices sur ce risque. Ainsi, beaucoup de femmes croient pouvoir garder leur cup dans le vagin jusqu’à 12 heures et certains fabricants affichent aussi cette préconisation erronée. En outre, ce produit est plébiscité par les jeunes filles, une population particulièrement concernée par le SCT : « nos données épidémiologiques montrent que la moitié des femmes qui font des syndromes de choc toxique ont moins de 17 ans », indique le professeur Gérard Lina, spécialiste du SCT auprès du Centre national de référence des staphylocoques de Lyon.

Afin de prévenir le risque de syndrome de choc toxique, le professeur Gérard Lina insiste sur le fait que « le temps maximum d’utilisation d’une coupe menstruelle ou d’un tampon ne doit pas dépasser 6 heures ». Au-delà du temps de port, les règles impératives d’hygiène sont également mal connues. Le professeur Lina estime que « mieux vaut disposer de plusieurs cups car il faut les stériliser ou les faire bouillir avant de les réintroduire ». En effet, celui-ci insiste sur le fait que des agents pathogènes, notamment des bactéries, sont susceptibles de se fixer sur une cup et ne sont éliminés qu’après stérilisation. En outre, il est indispensable de se laver les mains avant et après le maniement de la cup.

Vos Rapporteures adhèrent aux préconisations de l’Anses qui propose d’agir selon trois axes :

 renforcer l’information générale des femmes, par le biais de communications institutionnelles portant sur les bonnes pratiques d’hygiène ;

 sensibiliser les relais d’information que sont les professionnels de santé et notamment les médecins traitants et gynécologues, en leur rappelant la nécessité d’informer les femmes sur les pratiques d’hygiène. En ce qui concerne les fabricants, la notice devrait être particulièrement claire et se doubler d’un pictogramme suffisamment gros sur l’emballage des protections internes. Aujourd’hui ces informations ne figurent en effet de façon détaillée que sur les sites internet des fabricants ;

 accompagner chaque protection intime interne (tampon, coupe menstruelle) d’une notice d’utilisation et de préconisations d’hygiène (temps de port, lavage entre chaque utilisation pour les coupes menstruelles, etc.).

Pour atteindre ces objectifs, il convient de mobiliser de façon générale mais aussi de façon plus ciblée, notamment en diffusant ces recommandations dans les établissements scolaires et plus particulièrement lors des séances d’éducation à la sexualité.

Recommandation n° 16 : renforcer, en collaboration avec les fabricants, l’information sur le temps de port maximal et le risque de SCT sur les emballages de protections menstruelles internes, car la seule mention de cette précaution sur les notices d’utilisation et les sites internet des marques ne suffit pas à garantir une vraie prévention de ce risque.

Recommandation n° 17 : afficher de manière claire et visible le temps de port maximal d’une protection menstruelle interne en :

 affichant sur les emballages des tampons et des cups un pictogramme explicite ;

 précisant dans la notice d’utilisation de ces mêmes dispositifs internes les symptômes médicaux qui peuvent faire suspecter un SCT.

Recommandation n° 18 : identifier la recommandation de ne pas porter les protections menstruelles internes pendant la nuit par un pictogramme clair figurant de façon apparente sur l’emballage des boîtes de tampons ou des coupes.

Recommandation n° 19 : exiger des fabricants que ces informations relatives au temps de port maximal et à l’absence d’usage la nuit l’emballage des tampons et des cups apparaissent de manière à être accessible à toutes et à tous, y compris des personnes en situation de handicap.

Recommandation n° 20 : demander aux professionnels de santé d’informer systématiquement les femmes et tout particulièrement les jeunes filles sur les gestes d’hygiène à observer pendant les règles et sur les précautions d’emploi des protections périodiques, en mettant l’accent sur le temps de port maximal des dispositifs internes et sur le fait qu’ils ne doivent pas être utilisés la nuit.

Recommandation n° 21 : intégrer dans le programme scolaire d’éducation à la vie sexuelle, une information pratique sur les règles, ainsi que sur les précautions à respecter pour prévenir le risque de SCT et remettre à chaque élève, fille ou garçon, une plaquette récapitulant ces informations.

Recommandation n° 22 : organiser chaque année, au moment de la rentrée scolaire, une campagne de communication au niveau national, afin d’informer les utilisatrices de produits de protection périodique et de sensibiliser les professionnels de santé qui assurent leur suivi médical, au sujet des règles d’hygiène et des précautions d’utilisation, notamment pour les produits internes.

D.   LE recyclage des protections menstruelles

Un nombre croissant d’utilisatrices de produits de protections menstruelles se préoccupe des effets éventuels sur leur santé mais également sur l’environnement. La fréquence d’utilisation de ces produits par un nombre important de femmes, pendant plusieurs décennies, est génératrice d’une masse importante de déchets dont la limitation ou le recyclage constituent un enjeu écologique non négligeable, auquel de plus en plus de femmes se montrent sensibles.

1.   Un enjeu de plus en plus important pour les consommatrices

Le développement d’une gamme de protections menstruelles de plus en plus diversifiée, avec notamment des produits issus de l’agriculture biologique et des protections réutilisables, démontre l’intérêt que portent les consommatrices aux enjeux écologiques. À ce jour, vos Rapporteures constatent toutefois que les données permettant de comparer le coût écologique du cycle de vie d’une protection réutilisable et d’une protection jetable sont encore rares. Une telle information serait pourtant de nature à mieux éclairer les choix des consommatrices et à favoriser le respect de l’environnement.

Recommandation n° 23 : analyser comparativement et précisément le coût écologique du cycle de vie des protections menstruelles réutilisables et des protections menstruelles à usage unique et jetables.

Les marques commercialisant des protections menstruelles manifestent elles aussi un intérêt fort pour cet enjeu de l’empreinte écologique. Les start-ups éthiques et écologiques se multiplient. Le groupe Procter & Gamble met régulièrement cet objectif en avant en se disant « persuadé [de pouvoir] jouer un rôle dans la mise en place d’une économie plus circulaire » ([51]).

45 milliards de serviettes menstruelles seraient en effet jetées chaque année à l’échelle mondiale et mettraient, pour chacune d’entre elles, plus de 500 ans à se dégrader ([52]). Le caractère massif de la consommation de protection menstruelle à travers le monde, renforce l’objectif de réduction de l’impact écologique desdites protections.

Vos Rapporteures soulignent qu’il n’existe actuellement pas de filière de recyclage de ce type de produits en France et finalement peu d’informations sur les enjeux écologiques qui sont liés à ce type de produits. S’agissant de produits de grande consommation, elles considèrent pourtant qu’il s’agit d’une priorité.

2.   Développer le recyclage

En Italie, l’entreprise Fater S.p.A, qui fait partie du groupe mondial Procter & Gamble, développe depuis 2017 un procédé industriel de recyclage des protections hygiéniques absorbantes, c’est-à-dire principalement les couches pour bébé et les serviettes menstruelles. À l’échelle de l’Italie, cela représente 900 000 tonnes de déchets et donc un défi écologique considérable.

Vos Rapporteures plaident pour une accélération de la mise en œuvre d’une telle filière de recyclage des protections hygiéniques absorbantes en France. Elles préconisent de développer dans un premier temps un système de collecte dans les points collectifs d’utilisation, tels que les hôpitaux, les crèches, les toilettes publiques, les écoles, les universités ou certains grands centres de bureaux par exemple. Cela permettrait de développer une première filière de recyclage en récoltant une masse suffisante de produits pour garantir l’effectivité et l’utilité de cette démarche.

Sur moyen terme, il conviendrait de réfléchir à la mise en œuvre d’une collecte des produits utilisés par les ménages. Une fois un système de tri et de collecte mis en œuvre, il sera ainsi possible de recycler l’ensemble des protections hygiéniques absorbantes utilisées en France.

Recommandation n° 24 : développer une filière de recyclage des protections hygiéniques absorbantes en France en mettant en œuvre, dans un premier temps, une collecte dans les points collectifs d’utilisation, puis, dans un second temps, un système de tri et de récolte pour les ménages.

III.   Le coÛt des protections : pourquoi et comment lutter contre la prÉcarité menstruelle ?

Utilisées régulièrement pendant une longue période de la vie, les protections menstruelles constituent des produits de consommation massive et de première nécessité, dont il apparaît difficile pour les femmes de se passer, sans subir de préjudice individuel et social. L’accès aux protections est même un enjeu de dignité humaine. On estime qu’une femme utilise pendant sa vie près de 11 500 produits de protection. En y ajoutant les autres dépenses liées aux menstruations, cela représenterait un coût total pouvant aller de 8 000 à 23 000 euros à l’échelle d’une vie. Loin d’être négligeable, ce coût est parfois difficile à assumer pour certaines femmes en situation de précarité plus ou moins aigue. Les femmes étant surreprésentées parmi les faibles revenus et davantage touchées par la précarité, cette dépense récurrente à laquelle il faut faire face tous les mois leur est parfois inaccessible. Il est donc nécessaire d’identifier ces publics en difficulté et de leur offrir une solution leur permettant d’échapper à l’ostracisme social et de préserver leur dignité. La lutte contre la précarité menstruelle est une priorité qui doit ainsi être abordée de manière franche et pragmatique afin d’apporter à chaque situation une solution adaptée.

A.   une dÉpense qui concerne plus de 15 millions de femmes en France

L’achat de protections menstruelles concerne en France 15,5 millions de femmes âgées de 13 à 50 ans. La prise en charge du coût de cette vie menstruée mérite d’être questionnée et la protection des femmes les plus précaires est assurément une priorité.

1.   Le coût moyen des protections menstruelles

Selon l’Institut national d’études démographique (INED), 90 % des jeunes filles en France ont leurs premières règles entre 11 et 14 ans. « En deux siècles, l’âge moyen aux premières règles n’a cessé de diminuer en France. Sans doute proche de 16 ans vers 1750, il est descendu à près de 15 ans vers 1850 puis 13 ans en 1950. En 1994, les premières règles arrivent, en moyenne, à l’âge de 12,6 ans. Dans tous les pays riches, les jeunes filles deviennent pubères plus tôt qu’autrefois. Ce développement plus précoce est attribué notamment à l’amélioration de l’alimentation. À la fin du 20e siècle, l’âge moyen aux premières règles s’est stabilisé entre 12,5 et 13,5 ans dans plusieurs pays, comme les ÉtatsUnis ou le Japon. Il semble probable que cela se passe aussi en France » ([53]).

La ménopause intervenant en moyenne autour de l’âge de 50 ans ([54]), les femmes ont donc leurs règles pendant 38 années. À raison de 5 jours de menstruations par mois en moyenne ([55]), cela représenterait donc environ 2 280 jours de menstruations par femme. En estimant qu’une femme utilise en moyenne cinq protections menstruelles par jour, cela représente plus de 11 400 protections sur l’ensemble d’une vie.

Le coût de ces protections est extrêmement variable en fonction du type choisi, de la marque, des caractéristiques, etc. Pour bien estimer les dépenses liées aux menstruations doivent en outre être ajoutés des coûts liés au renouvellement des sous-vêtements et linge de lit, ainsi que l’achat éventuel d’antidouleurs et les visites de contrôle chez un gynécologue, médecin généraliste ou sage‑femme, dont la tarification varie également, notamment selon les territoires. Selon l’association Règles élémentaires ([56]), les estimations du budget dédié aux menstruations iraient de 8 000 à 23 000 euros pour la durée d’une vie. D’autres estimations plus basses ont été réalisées ; plusieurs auditions ont notamment mis en avant un budget d’environ 10 euros par mois, soit environ 4 500 euros à l’échelle d’une vie menstruée.

Chacune de ces estimations, qui, pour la plupart, s’échelonnent donc de 10 euros à 50 euros par mois, montre toutefois que les menstruations représentent un coût fixe et régulier. Cela permet de rendre visible ce coût des protections menstruelles qui pèsent de manière systématique sur les femmes. Ce coût concerne, en France, 15,5 millions de personnes, c’est-à-dire l’ensemble des femmes âgées de 13 à 50 ans, se situant donc dans l’âge de la vie menstruée ([57]). Que l’on retienne la fourchette haute ou la fourchette basse de ces estimations, vos Rapporteures soulignent que ces coûts ne peuvent être négligés et qu’ils sont de nature à aggraver la situation des femmes en situation de précarité.

2.   L’accès aux protections, un enjeu de dignité humaine

L’accès aux protections menstruelles n’est pas une question de confort mais, s’agissant d’un produit de première nécessité absolument indispensable, il s’agit en réalité d’une condition nécessaire au respect de la personne humaine.

Or, il n’est pas toujours facile d’accéder à ces protections, comme le montre le sondage Ifop sur la précarité menstruelle réalisée à la demande de Dons solidaires : 8 % des femmes interrogées parmi le « grand public » ([58]) et 39 % des femmes interrogées parmi les bénéficiaires d’associations ([59]) déclarent qu’il leur arrive de ne pas disposer de suffisamment de protections hygiéniques pour elles‑mêmes ou leur fille par manque d’argent.

Au-delà de la question de la dignité et de l’estime de soi, cette précarité peut également représenter un risque pour leur santé. Ainsi, selon le même sondage, 10 % des femmes interrogées parmi le « grand public » ([60]) et 29 % des femmes interrogées parmi les bénéficiaires d’associations ([61]) déclarent renoncer à changer de protections hygiéniques aussi souvent que nécessaire par manque d’argent.

La précarité menstruelle a des conséquences très concrètes : comme en témoignent les associations, telles Agir pour le développement de la santé des femmes (ADSF) ou Règles élémentaires, les femmes les plus précaires, notamment lorsqu’elles sont sans-abri, en sont réduites au « système D » pour gérer leur flux sanguin menstruel. Elles ont recours à des protections de fortune, comme des éponges, du coton, du papier hygiénique, des chaussettes, des morceaux de tissus déchirés, etc. Inadaptées, ces solutions ne sont pas acceptables et peuvent être dangereuses ; vos Rapporteures s’inquiètent vivement de ces situations et attirent l’attention sur leur gravité.

Non seulement grave, cette situation est aussi massive puisqu’en 2017 les femmes sont 4,7 millions à avoir un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (soit 60 % de la médiane des niveaux de vie). Avec un pouvoir d’achat limité, ces femmes sont régulièrement confrontées à des difficultés dans l’achat des produits de première nécessité, des produits d’hygiène et donc des produits de protection menstruelle. Le soutien à l’accès à ces produits constitue donc une question essentielle pour la santé et la dignité des femmes précaires et vos Rapporteures appellent à une action rapide et efficace dans ce domaine. Elles considèrent qu’aucune femme ne devrait aujourd’hui être privée de protection menstruelle pour des raisons financières.

Sur la base de ce constat alarmant, vos Rapporteurs ont souhaité concentrer leur analyse sur les femmes en situation de grande précarité avant d’envisager des mesures d’ordre plus général.

B.   Les femmes en situation de grande précarité, une priorité absolue

Les femmes en situation de très grande précarité, notamment celles sans‑domicile ou sans‑abri, sont les plus exposées aux difficultés liées aux menstruations. Régulièrement dans l’incapacité de se procurer des protections, elles sont contraintes de recourir au « système D » souvent au détriment de leur santé. Tout comme le suivi sanitaire et gynécologique de ces femmes doit être amélioré, leur accès à l’hygiène intime et aux protections menstruelles doit être garanti en tout lieu et à toute heure. Vos Rapporteures considèrent que cela implique de développer des solutions complémentaires : d’une part, de soutenir la distribution de produits menstruels et hygiéniques au travers des associations de terrain et contacts habituels ; d’autre part, de déployer un nouveau système qui permette un accès permanent et non stigmatisant dans les lieux publics.

1.   Les femmes en situation d’extrême précarité et l’importance de l’accès à l’hygiène intime et aux protections menstruelles

Selon l’étude « Hygiène et précarité en France » de l’Association Dons Solidaires ([62]), la précarité menstruelle concernerait en France 1,7 million de femmes dont le niveau de vie ne permettrait pas d’acquérir les protections menstruelles nécessaires. Lorsqu’elles sont sans‑domicile, cette précarité s’accroît encore car leur situation ne permet alors que rarement et difficilement l’accès à des espaces sanitaires. La dernière enquête de l’Insee sur la population sans-domicile ([63]) répertorie 141 500 personnes sans‑domicile et, parmi elles, 40 % de femmes, soit environ 56 600 femmes. Les associations de terrain constatant depuis des années une forte augmentation des femmes sans-domicile, ce chiffre est donc probablement une estimation minimale du nombre de femmes aujourd’hui concernées par de telles difficultés.

Le Samusocial de Paris, que vos Rapporteurs ont entendu, constate par exemple qu’entre 2013 et 2018 le nombre de femmes sans-domicile a été multiplié par trois sur le territoire parisien. Les associations soulignent par ailleurs que si les femmes bénéficient souvent de logements plus durables, notamment en raison de la présence d’enfants à leurs côtés, elles ont aussi tendance à être moins visibles dans la rue car elles cherchent le plus souvent à se dissimuler pour être le moins en danger possible. Leur recensement et le déploiement d’une aide ciblée à leur égard ne sont donc pas toujours aisés.

En 2018, l’association Agir pour la santé des femmes (ADSF) a suivi 1 043 femmes sur le territoire francilien auxquelles elle a distribué 4 800 kits d’hygiène féminine comprenant des serviettes menstruelles. En 2019, l’association a distribué environ 25 000 serviettes sur l’ensemble de l’année. Si l’association met également des tampons à disposition des femmes sans-domicile, elle alerte toutefois sur le risque sanitaire que représente un mauvais usage de ce type de protections, en particulier dans des conditions d’hygiène précaires. Elle souligne qu’au-delà des protections elles-mêmes, la question de l’hygiène est primordiale et que leurs maraudes détectent sur le terrain une nette prévalence des infections urinaires, mycoses, irritations, etc. L’hygiène pendant la période menstruelle leur semble encore plus nécessaire qu’en l’absence de règles.

Dans cette perspective, le Samusocial de Paris a ouvert un lieu d’hygiène spécifiquement dédié aux femmes dans les locaux des bains douches situés rue de Charenton à Paris. Inspiré par les témoignages des femmes rencontrées dans la rue par leurs équipes de maraude, ce lieu vise à garantir aux femmes un espace sanitaire adapté et sécurisé avec les produits nécessaires à leur hygiène intime. Elles bénéficient par exemple de protections menstruelles, mais aussi tout simplement de serviettes pour se sécher, ce qui n’existe pas dans les bains douches classiques et est pourtant nécessaire pour prévenir les infections et mycoses. Dans ce lieu, les femmes ont également la possibilité de consulter une infirmière et une conseillère juridique. L’association insiste sur la nécessité de prévoir des lieux ou des créneaux horaires non mixtes dans les lieux d’hygiènes afin d’améliorer l’hygiène corporelle et la santé des femmes en situation d’extrême précarité.

À travers des lieux d’accueil, de repos, un accompagnement sanitaire et social, les associations de terrain permettent d’améliorer la santé des femmes en situation de grande précarité et sans-domicile. Les lieux tels la Cité des Dames, gérée par l’ADSF, ou le lieu d’hygiène du Samusocial de Paris sont des modèles pertinents qui permettent aux femmes d’avoir accès aux produits de première nécessité et donc aux protections menstruelles. Vos Rapporteures saluent ces initiatives et soulignent qu’elles ne doivent pas se cantonner à la région parisienne mais doivent se développer sur l’ensemble du territoire national. Elles rappellent par ailleurs que ces lieux doivent être complétés par des équipes mobiles allant à la rencontre des femmes à la rue afin de leur apporter suivi et soutien notamment dans le domaine de la santé. Elles considèrent que ces deux types d’actions sont de nature à améliorer la santé menstruelle des femmes les plus précaires.

Recommandation n° 25 : soutenir et développer les associations d’aide aux femmes sansdomicile pour mettre en œuvre un double système d’aide à travers, d’une part, des lieux dédiés à l’accueil et à l’accompagnement et, d’autre part, des équipes mobiles allant à la rencontre des femmes à la rue pour leur fournir les biens de premières nécessités, dont les protections menstruelles, ainsi qu’un suivi et un soutien adaptés.

2.   La nécessité d’une gratuité des protections menstruelles pour les femmes les plus précaires

Les femmes sans‑domicile et sans‑abri sont les plus exposées à la précarité menstruelle et à ses conséquences sanitaires et psychologiques. Vos Rapporteures considèrent donc comme prioritaires de leur apporter une aide complète pour leur permettre d’accéder aux protections menstruelles, à des conditions d’hygiène décentes et à toutes les informations nécessaires concernant les règles, et même plus largement la santé sexuelle et reproductive.

Compte tenu de leurs auditions et de leurs déplacements sur le terrain, la mise en œuvre d’une pluralité de solutions leur semble nécessaire. Comme évoqué ci‑avant, elles considèrent qu’il convient d’amplifier l’action des associations de terrain qui viennent directement en aide aux femmes précaires. Doit ainsi être systématisée l’aide concernant les menstruations, tant sur des sites dédiés que lors des maraudes mobiles.

Les sites dédiés doivent systématiquement proposer des protections aux femmes qui le demandent, comme c’est par exemple le cas au Solfa de Lille. Cette association a mis en place un fonds de dotation abondé par des entreprises mécènes qui ont organisé des collectes de protections menstruelles permettant de constituer un stock. Ce dernier devra toutefois est renouvelé régulièrement pour permettre de pérenniser ce dispositif. Lors de sa rencontre avec vos Rapporteures, Mme Delphine Beauvais, directrice du pôle violences faites aux femmes de cette association, a souligné qu’il était nécessaire de remettre aux femmes des paquets complets de serviettes et non pas de leur donner à l’unité. En complément, elle propose de mettre à disposition des protections à l’unité dans les toilettes et à l’accueil de l’association afin de dépanner les femmes qui ne souhaiteraient pas demander un paquet. Cette double possibilité semble satisfaisante et permet de répondre aux différentes situations. Enfin, en complément, les kits hygiène distribués pendant les maraudes doivent systématiquement inclure des serviettes hygiéniques en nombre suffisant pour un cycle mensuel de règles.

En sus de ce dispositif d’aide aux femmes les plus démunies à travers les associations de terrain dont le travail essentiel doit être soutenu, vos Rapporteures considèrent qu’une offre alternative pourrait permettre d’améliorer la situation menstruelle des femmes précaires. Elles proposent pour cela d’installer des distributeurs de protections menstruelles dans des lieux de passage, comme les gares, les stations de métro, certains arrêts de bus, les sanisettes, les bains douches, les pharmacies, les halls de mairie, les centres commerciaux, les centres de planification et d’éducation familiale (CPEF), les centres de protection maternelle et infantile (PMI) ou encore les services d’urgence.

Fonctionnant avec un paiement par carte bancaire avec et sans contact, ces distributeurs pourraient être utilisés par toute femme ayant besoin d’une protection menstruelle. Des cartes prépayées, paramétrées avec un système de recharge mensuel, seraient distribuées par les associations pour les femmes précaires. Cela leur permettrait ensuite d’utiliser ces distributeurs en utilisant une carte, comme n’importe quelle femme, sans avoir à craindre d’être stigmatisées. Si ces distributeurs doivent proposer différents types de produits, vos Rapporteures insistent sur l’importance d’y proposer principalement des serviettes menstruelles, qui sont majoritairement utilisées par les femmes précaires, cibles prioritaires d’un tel dispositif. Il semble en outre opportun d’y proposer à la fois des produits à l’unité, en simple dépannage, et des produits en paquet complet, pour une utilisation plus régulière.

Vos Rapporteures sont convaincues qu’un tel dispositif serait de nature à réduire la précarité menstruelle en proposant aux femmes précaires un accès simple et gratuit à ces protections. Cela permettrait également aux femmes non précaires d’être en mesure de trouver des protections tous les jours et à toute heure en cas de besoin. Elles considèrent également que ces distributeurs rendraient visibles les protections, qui sont en réalité des produits du quotidien, et participeraient ainsi à déconstruire le tabou des règles. Enfin, vos Rapporteures estiment que le déploiement par l’État d’un tel dispositif permettrait de ne plus laisser peser cette charge uniquement sur les épaules des associations qui sont dépendantes des dons, du mécénat et des initiatives caritatives ponctuelles des fabricants de protections menstruelles.

Si le déploiement initial du dispositif et la mise en œuvre d’une procédure d’approvisionnement régulier des distributeurs auront bien sûr un coût, vos Rapporteures estiment qu’il s’agit là d’une mesure de progrès pour soutenir plus efficacement la santé des femmes et notamment des femmes précaires. Elles envisagent en outre que ce système puisse s’appuyer sur un équilibre financier entre les protections payantes et les protections gratuites mises à disposition du public le plus précaire. Le mécanisme financier devra bien sûr faire l’objet d’une étude technique approfondie.

En amont de la mise en œuvre de ce nouveau dispositif, elles suggèrent de mobiliser simultanément le réseau des agences régionales de santé et celui des directrices régionales et déléguées départementales aux droits des femmes pour produire une liste précise des lieux qui, par département, seraient adéquats pour accueillir un distributeur de ce type. Une fois l’installation réalisée, la liste des lieux pourrait utilement être mise à disposition des associations afin de faire rapidement connaître ce nouvel outil.

Recommandation n° 26 : déployer des distributeurs de protections menstruelles dans des lieux publics identifiés, comme les gares, les hôpitaux, les abords des pharmacies ou encore les toilettes publiques, permettant aux femmes d’acquérir facilement ces protections par le biais d’une carte bancaire ou d’une carte prépayée distribuée au public le plus précaire.

Recommandation n° 27 : diligenter au plus vite une étude de marché pour l’installation et le réapprovisionnement de ces distributeurs.

Recommandation n° 28 : mobiliser simultanément le réseau des agences régionales de santé et celui des directrices régionales et déléguées départementales aux droits des femmes pour produire une liste précise des lieux qui, par département, seraient adéquats pour accueillir un distributeur de ce type.

C.   Les autres publics À soutenir

En sus des distributeurs publics de protections menstruelles et des solutions complémentaires, vos Rapporteures estiment qu’il convient de déployer d’autres solutions à destination de publics plus spécifiques, notamment les femmes au sein des lieux de privation de liberté et les jeunes filles et jeunes femmes dans les établissements scolaires. En effet, elles considèrent que pour ces deux publics spécifiques et potentiellement exposés à la précarité menstruelle, la solution du distributeur n’est pas nécessairement la plus adaptée.

1.   Une vigilance accrue concernant les lieux de privation de liberté

Les femmes représentent entre 3 et 4 % de la population carcérale française. Elles sont écrouées dans des lieux non mixtes ([64]) où elles peuvent accéder aux produits d’hygiène et aux protections menstruelles à travers le système de cantinage hebdomadaire. Si elles sont indigentes, des kits incluant des protections menstruelles leur sont distribués par l’administration pénitentiaire.

L’association Genepi, auditionnée par vos Rapporteures, a dénoncé la pratique d’une surcote des prix de l’ordre 20 % dans la cantine des prisons par rapport à l’extérieur. Lors de leurs rencontres à la prison pour femmes de Rennes et à celle de Versailles, vos Rapporteures ont pourtant pu constater que les bons de cantinage proposent serviettes et des tampons à des prix abordables : 0,95 euro pour un paquet de 18 serviettes, 2,69 euros pour un paquet de 20 tampons avec applicateur, 3,49 euros pour un paquet de serviettes de marque. Si le produit d’entrée de gamme est proposé à un prix semblable à celui des supermarchés, il semble toutefois exister en effet un surcoût pour les produits de marque (tampons avec applicateurs et serviettes de marque) qui sont souvent proposés à des prix inférieurs dans la grande distribution.

Au cours de leurs déplacements, vos Rapporteures ont constaté que chaque établissement pénitentiaire peut avoir d’autres pratiques pour proposer d’autres produits aux personnes détenues. Ainsi, la prison de Rennes organise un cantinage mensuel qui permet aux détenues de demander d’autres produits qui ne sont pas disponibles dans la cantine hebdomadaire classique. Cela leur permet de se procurer d’autres types de produits d’hygiène et donc différents types de protections. Les personnels de la prison ont toutefois souligné que ces commandes mensuelles portaient davantage sur les produits de beauté que sur les produits de première nécessité pour lesquelles les femmes semblaient se contenter de l’offre proposée dans le cantinage hebdomadaire. À la maison d’arrêt de Versailles, l’administration reçoit régulièrement des dons d’associations qui lui permettent d’avoir une gamme de produits plus variés à proposer aux détenues ; elle a également mis en place des partenariats avec les magasins proches de la prison pour proposer une cantine mensuelle plus diversifiée.

Vos Rapporteures saluent les efforts faits par les établissements pénitentiaires pour développer une cantine mensuelle plus variée et permettre ainsi à chaque femme d’accéder aux produits de protection menstruelle qu’elle désire. Rappelant l’importance de la liberté de choix de sa protection menstruelle, elles estiment que ce système est tout à fait adapté. Concernant toutefois les produits proposés dans la cantine hebdomadaire, qui sont issus d’un marché public national et dont les prix sont fixés par l’administration pénitentiaire centrale, elles considèrent qu’aucun surcoût ne devrait être pratiqué, a minima concernant les produits de première nécessité et en particulier les produits d’hygiène qui sont une condition nécessaire au respect de la dignité de chacun et de chacune. Vos Rapporteures suggèrent donc de revoir les prix pratiqués dans ce cadre afin de garantir un coût des protections identiques que l’on soit ou non en situation d’incarcération. Vos Rapporteures considèrent également que la cantine mensuelle devrait également proposer des tampons sans applicateurs.

D’autres problématiques concernant les menstruations des femmes détenues ont été mis en évidence au fil des rencontres au sein de ces deux établissements pénitentiaires. D’une part, les coupes menstruelles ne sont pas un dispositif adapté car leur stérilisation pose difficulté et car elles pourraient être un moyen de faciliter le transport discret de produits illégaux. D’autre part, les protections lavables et réutilisables peuvent difficilement être utilisées dans la mesure où le système d’intendance des prisons ne prend pas en charge le lavage des sous‑vêtements que les détenues nettoient donc elles-mêmes à la main.

Vos Rapporteures rappellent enfin que la majeure partie des femmes en situation carcérale se trouve dans une situation de précarité financière et que l’administration doit être particulièrement vigilante à ce que cela ne conduise pas les détenues à faire passer leur hygiène et leur santé après d’autres dépenses. À la lumière de ces spécificités du milieu carcéral, elles soulignent avec d’autant plus de force l’importance de la variété des protections jetables proposées aux détenues dans le système de cantines hebdomadaires et mensuelles. Elles insistent également sur l’importance de mettre à disposition suffisamment de protections menstruelles dans les kits d’hygiène distribués aux femmes indigentes. Chaque cycle menstruel est unique et certaines femmes ont besoin de davantage de protections chaque mois ; l’administration doit être vigilante sur ce point.

Recommandation n° 29 : permettre à toutes les prisons accueillant des femmes de disposer de suffisamment de types de protections menstruelles différentes pour répondre aux besoins de chacune des détenues.

Recommandation n° 30 : faciliter le nettoyage en machine par les femmes en situation carcérale de leurs vêtements, sous‑vêtements et tissus souillés.

Au-delà des prisons, d’autres lieux de privation de liberté et d’enfermement, comme les centres de rétention administrative ou d’internement psychiatrique, ont également retenu l’attention de vos Rapporteures. Lors de leur déplacement à la prison pour femmes de Versailles, elles ont notamment été alertées sur les conditions d’hygiène au cours des gardes à vue, pendant lesquelles les femmes n’ont parfois accès à aucune toilette ni à aucune protection menstruelle. Le même type de situation est également dénoncé par certaines associations pour les centres de rétention.

Vos Rapporteures signalent que, quel que soit le lieu de privation de liberté et quelle que soit la durée de la privation de liberté, la dignité de la personne humaine doit être respectée et cela passe, entre autres, par une vigilance quant à la situation sanitaire et menstruelle des femmes. Elles considèrent que cette question doit faire l’objet d’une étude spécifique, qui permettrait d’inclure dans le spectre de la réflexion d’autres types de lieu comme les centres pour handicapés, les lieux d’enfermement des mineurs délinquants, les centres éducatifs fermés ou encore les hospitalisations, notamment psychiatriques, contraintes.

Recommandation n° 31 : évaluer de manière exhaustive la prise en compte de la santé menstruelle des femmes en situation d’enfermement.

2.   Collèges, lycées, universités : lutter contre la précarité menstruelle pour garantir l’égalité des chances

L’accès des collégiennes, lycéennes et étudiantes aux protections menstruelles a été abordé à de très nombreuses reprises au cours des différentes auditions et déplacements conduits par vos Rapporteures. Deux problématiques sont apparues de manière récurrente : l’accès ponctuel à des protections en cas de nécessité et la précarité à laquelle peuvent être régulièrement confrontées certaines jeunes femmes. Si le besoin n’est pas le même selon ces deux types de situations, l’enjeu demeure toutefois commun : être en mesure de suivre ses cours dans de bonnes conditions. Lors du déplacement de vos Rapporteures à Lille, Mme Sandrine Rousseau, vice-présidente de l’université de Lille, a insisté sur cet enjeu : il n’est pas possible d’assister à son cours lorsque l’on a ses règles mais que l’on ne dispose pas de protection menstruelle.

Considérant qu’offrir à chaque élève et à chaque étudiant des conditions convenables pour suivre leur scolarité est une question d’égalité des chances et participe du principe républicain de méritocratie, vos Rapporteures estiment qu’un effort doit aujourd’hui être fait pour mieux prendre en compte la précarité menstruelle en milieux scolaire et étudiant.

Émergeant depuis peu dans le début public, cette problématique de la précarité menstruelle est un impératif. Plusieurs expérimentations ont déjà été mises en œuvre dans certains établissements. C’est notamment le cas de l’université de Lille qui, en 2019, a distribué gratuitement à ses étudiantes 15 000 lots de deux paquets de serviettes menstruelles. Comme en ont témoigné la vice-présidente de l’université et plusieurs associations étudiantes, cette distribution a été un véritable succès. Elle a été organisée dans les halls des différents campus de l’université, de manière visible, participant ainsi à la déconstruction du tabou des règles. Il s’agit d’ailleurs là d’une volonté politique de l’université qui affirme qu’« ici, il n’y a pas de honte à avoir ses règles ». Les paquets de serviettes menstruelles ainsi mis en évidence ont permis de lancer des conversations sur ce sujet ; les étudiantes rencontrées ont d’ailleurs témoigné que leurs camarades masculins étaient extrêmement intéressés et heureux de pouvoir poser sans gêne des questions sur les menstruations.

À la suite de cette distribution, des protections à l’unité ont été à plusieurs reprises installées dans les toilettes et des paquets de protections sont désormais en accès libre et gratuit dans plusieurs lieux de vie de l’université. Cela permet encore une fois de rendre visibles ces produits du quotidien habituellement dissimulés. Certaines difficultés ont pu être rencontrées pour les protections à l’unité mises à disposition dans les toilettes qui ont parfois servi de jeux ou de projectiles à des étudiants peu scrupuleux. Pour autant, cette expérimentation a rencontré un vrai succès et est très largement soutenue par la communauté étudiante.

Cette réussite a conduit l’université de Lille à programmer le renouvellement de cette opération en 2020 et en 2021 en l’élargissant avec d’autres produits, notamment 1 200 coupes menstruelles et 200 kits de six serviettes menstruelles lavables. Grâce au développement de partenariats, cette opération annuelle devrait désormais avoir un coût net limité à 25 000 euros pour l’université.

Vos Rapporteures ont été convaincues par la nécessité et la pertinence de la démarche menée par l’université de Lille. Celle-ci sera d’ailleurs développée en 2020 dans 25 autres universités en France. Lors de leur déplacement à Rennes, vos Rapporteures ont d’ailleurs rencontré Mme Gaële le Noana, fondatrice de la startup Marguerite & Cie qui fournit des distributeurs de protections à l’unité et qui développe de nombreux partenariats avec des universités.

Vos Rapporteures tiennent toutefois à rappeler qu’il est important, y compris dans les distributeurs déployés en milieu universitaire, que les femmes aient le choix de leur protection menstruelle parmi différents types et parmi différentes marques. Elles considèrent que la distribution doit se développer dans l’ensemble des universités de France à travers deux types d’aides complémentaires :

 la mise à disposition de protections à l’unité pour des besoins ponctuels ;

 une distribution régulière de paquets de protection à destination des étudiantes les moins aisées et visant à couvrir l’ensemble de leurs besoins en la matière.

Le premier type de distribution, à l’unité, s’apparente en réalité à la mise à disposition de papier toilette et doit pouvoir se développer notamment dans les toilettes des universités. À la lumière de l’expérience lilloise et de l’absence d’abus ou de malveillances, vos Rapporteures estiment que ce second type de distribution peut tout à fait se traduire par une mise à disposition de paquets en libre accès dans les lieux de vie universitaires.

Recommandation n° 32 : généraliser la distribution gratuite de protections menstruelles au sein des universités françaises.

Au-delà du monde universitaire, des protections menstruelles doivent également être accessibles pour toutes les élèves du secondaire. Si au lycée le même type de double distribution peut sans doute être mis en place, il semble que ce modèle doive être adapté pour le public des collèges. En effet, les différents témoignages recueillis par vos Rapporteures, ainsi que les échanges qu’elles ont pu avoir avec le personnel du collège Rosa Parks lors de leur déplacement à Rennes, ont bien montré que la mise à disposition en libre accès dans des lieux non surveillés comme les toilettes conduirait, de manière certaine, à des abus, notamment à des jeux utilisant les protections, entraînant ainsi un important gaspillage et en privant par là même les jeunes filles des protections dont elles pourraient avoir besoin. Un autre système de distribution doit sans doute être pensé pour cet environnement spécifique. Les infirmeries et les vies scolaires doivent avoir un stock de protection que les jeunes filles puissent venir chercher et vos Rapporteures préconisent de réfléchir à un moyen de permettre un accès libre plus discret. En effet, les jeunes filles ne sont pas toujours à l’aise pour demander à un adulte, surtout s’il s’agit d’un homme, des protections menstruelles.

Recommandation n° 33 : multiplier les lieux de distributions de protections menstruelles dans les collèges et les lycées, en particulier dans les lieux de vie des élèves, et expérimenter la mise en place de distributeurs dans les toilettes.

En sus des collèges et lycées, cette question de l’accès aux protections doit également être mieux prise en compte dans les lieux de vie des jeunes comme les pensionnats ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance. Vos Rapporteures considèrent que dans ces lieux, les protections menstruelles doivent être distribuées de manière systématique aux jeunes filles, au même titre que le papier toilette par exemple.

Lors de leur déplacement à Lille, vos Rapporteures ont pu rencontrer Mme Chevaler, infirmière de l’association « Le GAP » ([65]), accompagnée d’une assistante sociale de l’association, qui ont témoigné des conditions d’accès aux produits d’hygiène pour les jeunes placés en foyer. Ceux-ci disposent de 8 euros par mois pour acheter l’ensemble des produits dont ils ont besoin et le budget est le même pour les filles et les garçons. Vos Rapporteures soulignent la faiblesse de ce budget et la nécessité de prendre en compte, dans le budget des jeunes filles placées en foyer, l’acquisition des protections menstruelles.

Recommandation n° 34 : s’assurer que dans les lieux d’hébergement de certains jeunes, comme les pensionnats ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance, les protections menstruelles soient accessibles.

3.   Garantir des infrastructures sanitaires en bon état

Disposer de protection menstruelle n’est pas l’unique condition pour permettre aux filles et aux femmes de vivre leurs règles de manière sereine et digne et de pouvoir changer sans difficulté leur protection au fil de la journée. En effet, cela demande également d’avoir accès à des toilettes propres, en bon état et équipées notamment d’un point d’eau et de savon.

Or, que ce soit pour les toilettes publiques, les toilettes dans les universités ou celles dans les collèges et lycées, de nombreux problèmes ont été identifiés. Souvent les toilettes ne sont en effet équipées ni de savon, ni même de papier toilette ; les dégradations et les incivilités y sont en outre courantes. Selon deux études réalisées en 2017 et 2019, le manque d’hygiène dans les toilettes scolaires est préoccupant pour les élèves et pour leurs parents. Près de la moitié des parents d’enfants âgés de 10 à 14 ans ne sont pas satisfaits de l’état de propreté des toilettes à l’école. Ils pointent notamment l’absence de papier toilette, des toilettes sales ou bouchées et l’absence d’essuie-main ou la présence d’un essuie-main sale ([66]). Près de 60 % des enfants trouvent que les toilettes sont sales et 30 % témoignent que les toilettes fonctionnent mal ou que les portes ne ferment pas correctement. Une majorité des enfants considèrent en outre que les toilettes sont un lieu dangereux où ils sont susceptibles d’être embêtés par d’autres élèves. Cette situation les conduits à éviter de les fréquenter et ils seraient plus de 80 % à se retenir d’y aller ([67]). L’équipe pédagogique du collège Rosa Parks de Rennes confirme que certains élèves se retiennent en effet toute la journée d’aller aux toilettes.

Mme Valérie Cabuil, rectrice de l’Académie de Lille et rectrice de la région académique Hauts-de-France, fait elle aussi ce constat : les toilettes sont un lieu d’insécurité et d’insalubrité. Les élèves y sont souvent confrontés à un manque d’intimité et ce sentiment est décuplé quand les jeunes filles doivent en plus y changer de protection au cours de la journée. L’absence de savon, d’essuie‑mains et de poubelles rend souvent ce changement problématique.

Considérant qu’il s’agit d’un problème de santé publique, vos Rapporteures recommandent d’améliorer au plus vite l’état des toilettes en milieu scolaire et universitaire. Elles estiment aussi que l’éducation au civisme devrait inclure une sensibilisation au respect des lieux d’usage commun et à l’importance de l’hygiène des toilettes. Il est déjà difficile pour les jeunes filles de se rendre aux toilettes en emportant leurs protections de manière discrète et l’absence de savon ou de poubelle vient encore renforcer ces difficultés. Cette situations favorise le temps de port accru des protections – et donc pour les protections internes le risque de SCT – et accentue la perception des règles comme étant une contrainte négative dans la vie de ces jeunes filles.

Recommandation n° 35 : agir pour améliorer impérativement l’état des toilettes en milieu scolaire et s’assurer que les jeunes filles disposent des produits nécessaires pour changer leurs protections menstruelles dans de bonnes conditions (papier toilette, savon, poubelle…).

Afin de ne pas continuer à créer des toilettes non adaptées, vos Rapporteures suggèrent en outre de mieux intégrer cette problématique dans la conception des nouveaux bâtiments à destination scolaire. Toute nouvelle construction doit être mieux adaptée aux besoins des enfants et le modèle des grandes toilettes collectives doit sans doute être repensé.

Recommandation n° 36 : intégrer de manière systématique dans la conception de nouveaux bâtiments construits pour un usage scolaire un travail de réflexion quant à l’utilisation des sanitaires et la prise en compte des problématiques de tous les enfants et plus spécifiquement des menstruations des jeunes filles.

En dehors du cadre scolaire et universitaire, cette même problématique de l’équipement et de la propreté des toilettes se retrouve dans tout lieu de résidence ou d’enfermement, ainsi que dans l’espace public.

S’ajoute en outre à cette question celle de l’accès à des douches pour garantir une hygiène intime et prévenir tout risque d’infections liées aux menstruations. Vos Rapporteures ont eu l’occasion de visiter le lieu d’hygiène réservé aux femmes récemment ouvert par le Samusocial de Paris dans les Bains douches du 12e arrondissement. Elles soulignent l’importance pour les femmes précaires et notamment celles sans-abri d’avoir accès à un lieu où se laver et se sécher correctement afin d’éviter toute mycose ou toute infection. Le Samusocial met en outre à leur disposition des produits d’hygiène de base, dont des protections menstruelles. Le caractère non-mixte de ce lieu permet d’aborder sans difficulté les questions spécifiques de l’hygiène menstruelle. Cela permet en outre aux femmes de se sentir en sécurité et de bénéficier d’une halte, d’un temps de repos. Vos Rapporteures saluent cette démarche et soulignent la pertinence de ce type d’initiative.

IV.   Le suivi sanitaire, une clef pour mieux vivre ses rÈgles et briser le tabou

Dans les sociétés modernes, il est communément admis que les règles ne sont pas une maladie, devant s’accompagner de douleurs, ni une impureté que l’on doit dissimuler au regard de tous. Pour autant, les menstruations sont une partie incontournable de la santé des femmes et il n’en demeure pas moins indispensable que, des premières règles à la ménopause, avec ou sans situation pathologique, les menstruations fassent partie intégrante du suivi sanitaire des femmes et soient systématiquement abordées par les professionnels de santé. Ces derniers doivent en effet être vigilants quant à ce sujet, afin notamment de mieux comprendre et prendre en compte les douleurs, d’éviter toute complication, telles que le syndrome de choc toxique et de détecter au plus vite les pathologies liées aux règles, au premier rang desquelles l’endométriose. Il s’agit là d’un enjeu de santé publique, près d’une femme sur dix en âge de procréer étant atteinte d’endométriose. Or, la prise en charge précoce de celle-ci joue un rôle essentiel dans son évolution. Vos Rapporteures estiment en outre que les professionnels de santé ont un rôle important à jouer dans l’information de femmes, l’appropriation de leur propre corps et de leur santé, ainsi que dans la déconstruction du tabou des règles.

A.   clarifier la prise en compte des menstruations dans le suivi gynÉcologique des femmes

Les auditions conduites par vos Rapporteures les ont alertées sur une insuffisance de la prise en compte des menstruations par les professionnels de santé. S’agissant pourtant d’un sujet indissociable de la santé et du quotidien des femmes, il apparaît nécessaire de progresser dans ce domaine en clarifiant le rôle des acteurs sanitaires impliqués dans le suivi gynécologique et en accentuant l’information et la prise en considération des règles, à toute étape de la vie, au cours du suivi sanitaire en général.

1.   Les menstruations, une part incontournable de la santé des femmes

De manière surprenante, les menstruations ne semblent pas évoquées de manière systématique avec les femmes lorsqu’elles rencontrent des professionnels de santé alors qu’elles sont une partie importante et incontournable de leur santé. Sans être nécessairement pathologique, il importe de les évoquer régulièrement au cours du suivi médical afin de prévenir tout problème et d’évoquer les enjeux qui y sont liés.

Comme le faisait remarquer le professeur Serge Uzan, gynécologue obstétricien, doyen de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie et vice‑président de du Conseil de l’Ordre des médecins, il demeure, même chez les professionnels de santé, une forme de « tabou à l’égard des menstruations », contre lequel il convient de lutter clairement et efficacement afin d’évoquer ce sujet et « d’agir à toutes les étapes de la vie et à toutes les occasions de rencontre entre les femmes et les professionnels de santé » ([68]). Les menstruations sont pourtant abordées dès le premier cycle, concernant donc tous les étudiants, puis de façon plus approfondie encore dans les spécialités de gynécologie et de médecine générale. Ce sujet, ainsi que celui des pathologies liées aux dysfonctionnements du cycle menstruel, sont donc étudiés à plusieurs étapes de la scolarité et peuvent ensuite faire l’objet de sessions de formations continues. La docteure Geneviève Plu-Bureau, professeure de gynécologie médicale, rappelait d’ailleurs que dans le cursus de gynécologie, la question des menstruations est finalement omniprésente et plusieurs items y font directement référence comme ceux portant sur les troubles du cycle par exemple.

Si la formation initiale semble contenir très largement les informations afférentes aux problématiques des menstruations ([69]), vos Rapporteures ont toutefois été alertées au cours de leurs auditions sur plusieurs carences concernant la formation continue des médecins. Le Collège de médecine générale a souligné que les séminaires n’étaient pas toujours agréés, présentant parfois des contenus de qualité variable ([70]). Le même constat est d’ailleurs fait par la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM) sur le faible taux de formation continue ; seulement 20 % de leurs adhérents y ont recours par exemple. La FNCGM a rappelé que la formation continue est pourtant une obligation déontologie, mais que son absence n’est sanctionnée en aucune façon ([71]). Ces insuffisances de la formation continue ont d’ailleurs été soulignées dans le récent rapport de la Cour des comptes sur l’Ordre des médecins ([72]). Si cette problématique n’est pas au cœur de leurs travaux d’information, vos Rapporteures tiennent toutefois à rappeler l’importance de la prise en compte de la santé des femmes dans la formation des médecins et insistent sur la nécessité d’une actualisation régulière des informations dans ce domaine, en particulier concernant l’endométriose dont le diagnostic et la prise en charge ont considérablement évolué ces dernières années.

Recommandation n° 37 : étudier la possibilité de mieux réguler la formation continue des professionnels de santé afin de garantir l’actualisation des connaissances médicales, notamment sur le sujet de l’endométriose, mais aussi sur les bonnes pratiques en matière de suivi gynécologique.

Au-delà de l’enjeu théorique des formations initiale et continue des médecins dans ce domaine, les pratiques doivent sans doute elles aussi évoluer pour mettre fin à cette forme de tabou évoquée avec justesse par le professeur Serge Uzan. Si les différents médecins rencontrés ont bien insisté sur l’impérieuse nécessité de prendre en compte les menstruations et les éventuelles douleurs des femmes, vos Rapporteures constatent toutefois sur le terrain un fort sentiment de carence dans ce domaine. Le Professeur Israël Nisand, Président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), rappelait avec force que toute consultation gynécologique doit prendre en compte de manière extrêmement détaillée la santé menstruelle de la patiente, allant jusqu’à expliquer qu’« une consultation qui ne commencerait pas par ce sujet serait tout à fait fautive » ([73]). Vos Rapporteures ne peuvent qu’adhérer à cette analyse et soulignent qu’une attention particulière doit être portée par les professionnels de santé à la question des menstruations et à la relation de confiance qui peut s’établir avec leurs patientes dans ce domaine, puis plus largement dans celui de la santé génésique.

Les femmes et les associations qu’elles ont eu l’occasion de rencontrer au cours de leurs travaux témoignent de difficultés dans ce domaine. Nombreux sont en effet les témoignages d’une absence totale d’informations sur les menstruations ou les protections menstruelles de la part des professionnels de santé rencontrés. Vos Rapporteures insistent sur la nécessité de mieux informer les femmes sur les différentes questions liées aux menstruations (premières règles, ménopause, rythme du cycle, différents types de protection utilisables, risques afférents à ces différentes protections, syndrome prémenstruel, dysménorrhées, etc.). Le suivi gynécologique des femmes doit davantage intégrer les menstruations – en tout cas de manière plus explicite et plus systématique pour fournir un soutien concret aux femmes sur ce sujet – afin de garantir in fine une meilleure prise en compte des douleurs et des aspects psychologiques.

Recommandation n° 38 : diffuser aux professionnels de santé un guide des bonnes pratiques en matière d’informations à donner aux patientes sur les menstruations.

2.   Gynécologues, généralistes, sages-femmes : un enjeu de lisibilité et de coordination du rôle des acteurs du suivi gynécologique

Plusieurs professionnels de santé sont amenés à intervenir dans le suivi gynécologique des femmes. Gynécologues, médecins généralistes et sages‑femmes sont autant de professions directement concernées par ces questions et dont les rôles respectifs ne sont pourtant pas toujours bien connus. En effet, de nombreuses femmes ne sont pas au courant que leur suivi gynécologique peut tout à fait être assuré par un médecin généraliste. De même, depuis la loi de réforme de l’hôpital de 2009, dite loi HPST ([74]), les sages-femmes peuvent également réaliser des « consultations de contraception et de suivi gynécologique de prévention […], sous réserve que la sage-femme adresse la femme à un médecin en cas de situation pathologique » ([75]).

Lors de son audition, M. Adrien Gantois, président du Collège national des sages-femmes de France (CNSF) a d’ailleurs fait valoir que ces consultations par les sages‑femmes ne sont pas bien connues par la population et qu’il serait sans doute utile de mieux communiquer sur ce point ([76]). Mme Anne‑Marie Curat, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, a pourtant souligné l’importance de cette mission qui permet d’assurer un maillage territorial et ainsi de garantir l’accès des femmes au suivi gynécologique quel que soit leur lieu de résidence. Elle alertait sur cet enjeu crucial en indiquant que 20 % des femmes âgées de 25 à 50 ans n’ont pas eu de frottis cervico-utérin dans les cinq dernières années et que 12 % des femmes de 20 à 23 ans n’ont même aucun suivi gynécologue. Un maillage territorial suffisamment dense est donc nécessaire pour répondre à ces insuffisances inacceptables et l’existence de trois types de professionnels de santé en mesure d’assurer le suivi gynécologique est un élément précieux pour y parvenir.

Vos Rapporteures considèrent que cette multiplicité des professionnels de santé compétents dans ce domaine est en effet une condition essentielle pour améliorer le suivi gynécologique des femmes. Elles considèrent que cette situation manque toutefois de lisibilité pour les femmes qui ne savent pas toujours vers quel professionnel se tourner pour réaliser leur suivi ou en cas de problème tels que des douleurs pelviennes. Elles recommandent, pour remédier à ce manque de clarté qui nuit également à la bonne coordination entre les professionnels de santé, de publier sur un site Internet gouvernemental les possibilités de suivi gynécologiques proposées aux femmes. La tarification de ce suivi gagnerait également à être clarifiée afin de lutter notamment contre le renoncement aux soins, plus courant chez les femmes que chez les hommes.

Recommandation n° 39 : clarifier les compétences de chaque professionnel de santé en matière de suivi gynécologique et améliorer l’information sur le remboursement de ce suivi pour lutter notamment contre le renoncement aux soins.

3.   La nécessité de mieux intégrer la question des menstruations dans la prise en compte de la santé de la femme

Lors de leur audition, le docteur Philippe Boisnault, président de la Société française de médecine générale (SFMG) et la docteure Rachel Collignon‑Portes, responsable du sujet de la santé de la femme au sein de la SFMG, ont insisté sur la nécessité de parler très tôt aux jeunes filles de la question des menstruations en privilégiant une relation de confiance et de transparence, sans tabou et sans crainte de tout expliquer aux patientes. Vos Rapporteures considèrent en outre qu’une telle évolution serait de nature à améliorer la relation entre la patiente et le professionnel de santé.

Présentant l’architecture des rendez-vous médicaux obligatoires, la direction générale de l’offre de soins et la direction générale de la santé ont insisté sur les trois rendez-vous prévus pour les enfants de plus de 6 ans : l’un entre 8 et 9 ans, le second entre 11 et 13 ans, le troisième entre 15 et 16 ans. Entièrement remboursés par l’assurance maladie, ces trois rendez-vous doivent être utilisés pour évoquer la question des menstruations. La visite médicale entre 11 et 13 ans est ainsi l’occasion pour le médecin de questionner la jeune fille sur ses règles et de lui expliquer de quoi il s’agit, quelle en est l’origine et quelles sont les manifestations de ce phénomène naturel. Le rendez-vous entre 15 et 16 ans est ensuite l’occasion de revenir sur ces questions et de les lier à celles de la santé sexuelle.

Les médecins généralistes sont les premiers interlocuteurs des jeunes filles sur ces questions. Par la suite toutefois, les obligations de consultation s’espacent puisque la suivante est à 25 ans, pour le rappel de vaccination. Lors du rendez-vous médical entre 15 et 16 ans, ou à l’occasion de la prescription d’une première contraception, les jeunes filles doivent être informées des différentes possibilités de suivi gynécologique et de l’enjeu d’une régularité dans le suivi pour être ainsi libres de faire un choix éclairé.

Systématiser le fait d’aborder à deux reprises avec les jeunes filles les questions liées à leurs menstruations permettra de lutter contre le tabou des règles, d’améliorer la connaissance des filles sur leurs règles et le fonctionnement de leur cycle menstruel, de les informer sur les différentes protections menstruelles et les risques associés. Aborder à deux âges différents ces questions permettra en outre de familiariser dans un premier temps les jeunes filles avec leur propre corps, puis, dans un second temps, d’expliquer les questions liées à la vie sexuelle.

Recommandation n° 40 : systématiser la prise en compte des menstruations et tout syndrome associé dans le suivi gynécologique des femmes.

Recommandation n° 41 : prévoir, dans le cadre de la visite médicale obligatoire entre 11 et 13 ans, une information systématique sur les règles, ce qu’elles sont d’un point de vue biologique et ce qu’elles impliquent au quotidien, ainsi que les risques afférents, y compris lorsque les jeunes filles n’abordent pas spontanément ces sujets.

Recommandation n° 42 : prévoir d’aborder de nouveau ce sujet dans la visite médicale entre 15 et 16 ans, éventuellement en liant, à cette occasion, les enjeux des menstruations à ceux de la vie sexuelle et de la contraception.

B.   L’endométriose : une maladie mal connue et insuffisamment prise en charge

L’endométriose est longtemps demeurée une maladie méconnue, tant par les femmes qui en souffraient que par les professionnels de santé confrontés à ces patientes dont les symptômes les laissaient souvent impuissants à trouver une explication et encore moins un traitement. Cette absence de prise en charge avait des conséquences très dommageables pour les femmes concernées qui se sentaient niées dans leur souffrance et leur désarroi et dont la maladie progressait. Le contexte évolue progressivement, grâce une amélioration de l’information des patientes et des praticiens, ainsi qu’à un meilleur dépistage et des traitements plus en amont. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour que la prise en charge soit optimale. Le plan de lutte contre l’endométriose récemment mis en œuvre par les pouvoirs publics a pour objectif de lutter plus efficacement contre cette pathologie qui touche une femme sur dix, à des degrés divers.

1.   Un diagnostic souvent tardif

« L’endométriose est une maladie que l’on essaye de faire rentrer dans des cases. Mais elle est tellement compliquée, tellement diverse, qu’elle y rentre rarement. Il n’existe pas une endométriose, mais des endométrioses », avertit le docteur Sylvain Tassy, gynécologue-obstétricien et membre du Comité scientifique d’EndoFrance, première association de lutte contre l’endométriose, créée en France en 2001 et agréée par le ministère de la Santé. Cette maladie ne se développe pas de la même façon d’une femme à l’autre.

Qu’est-ce que l’endométriose ?

L’endométriose est une maladie gynécologique qui touche près de 10 % des femmes en âge de procréer. Elle se caractérise par le développement, hors de la cavité utérine, de tissus semblables à celui de la muqueuse de l’utérus (appelée endomètre). Lors des règles, certains fragments de la muqueuse de l’utérus, l’endomètre, ne s’évacuent pas normalement par le vagin, mais remontent dans les trompes puis se fixent et se développent, selon les cas, sur les ovaires, dans les intestins, la vessie et plus rarement dans les poumons, sans qu’on sache pourquoi.

Chaque mois, ces fragments saignent, où qu’ils soient, car ils fonctionnent comme dans l’utérus, ce qui finit par former des nodules et des kystes. En effet, les cellules endométriales ainsi que le sang généré ne disposent pas d’issue naturelle pour être évacués comme cela est le cas au moment des règles. Les organes avoisinants peuvent donc subir des irritations, tandis que des kystes ou un tissu cicatriciel peuvent se constituer et des adhérences entre les organes se former.

Aujourd’hui, l’endométriose est diagnostiquée, souvent par hasard, avec un retard moyen de cinq années après l’apparition des symptômes, période durant laquelle la maladie a eu le temps de causer des dommages notables à différents organes. Trois signes principaux peuvent néanmoins servir d’alerte :

 de violentes douleurs pendant les règles. En général, ces douleurs surviennent pendant les règles, sont localisées au niveau du pelvis et prennent l’apparence de crampes ou de « coups de poignard ». Mais elles peuvent aussi être localisées au niveau du haut du ventre, des cuisses, des organes génitaux externes, ou même des épaules et se manifester avant ou après la menstruation. En général, ces douleurs sont si fortes qu’elles bouleversent le quotidien de celles qui les subissent ;

 des rapports sexuels douloureux, de façon systématique ou aléatoire. Ces douleurs localisées au niveau du bas-ventre, et plus spécifiquement au fond du vagin, se manifestent pendant la pénétration et peuvent perdurer après la relation sexuelle. Elles sont parfois tellement intenses qu’elles peuvent interrompre totalement la vie sexuelle des femmes qui en souffrent ;

 l’endométriose est la première cause d’infertilité en France. EndoFrance estime que 30 % des femmes atteintes d’endométriose ont des problèmes de fertilité. Bien souvent, les femmes qui en souffrent ne soupçonnent pas la maladie. Après avoir essayé d’avoir un enfant sans succès, elles décident de consulter et c’est à ce moment-là qu’est fait le diagnostic. Parmi ces femmes, certaines n’avaient jusqu’alors aucun symptôme, notamment parce qu’elles prenaient la pilule, un moyen de contraception qui bloque l’inflammation de l’endomètre. Lorsqu’elles décident de l’arrêter pour avoir un enfant, elles sont alors confrontées à des douleurs intenses pendant les règles et les rapports sexuels.

D’autres signes d’alerte existent, même s’ils semblent moins systématiques, comme des douleurs au moment d’uriner, un utérus rétroversé ou encore des troubles digestifs associés aux douleurs des règles.

Pour diagnostiquer cette maladie, il est conseillé de se rendre dans un centre spécialisé qui peut pratiquer plusieurs examens, étant précisé que seule une cœlioscopie, qui permet d’observer l’intérieur de l’abdomen ou de réaliser certaines opérations par le biais de petites incisions, permet de poser un diagnostic définitif. S’agissant d’une intervention chirurgicale, elle n’est cependant pas systématique. Quoi qu’il en soit, à partir du moment où les douleurs des règles sont invalidantes au point d’empêcher celle qui les subit de mener une vie normale malgré des antalgiques de niveau 1, l’endométriose est suspectée, d’autant que les symptômes ne sont pas forcément proportionnels à la maladie. « Une endométriose développée et profonde peut être douloureuse, mais des douleurs importantes ne sont pas nécessairement synonymes d’endométriose étendue, d’où l’importance de poser un diagnostic », estime le docteur Sylvain Tassy.

En raison de la difficulté à poser un diagnostic, vos Rapporteures considèrent qu’il faut mieux former les professionnels de santé à cette maladie aussi bien durant leur formation initiale que continue. Il convient également que les services d’urgence, qui prennent en charge ces femmes lorsque les douleurs deviennent insupportables, soient sensibilisés à cette pathologie pour orienter ces femmes vers des consultations spécialisées dans les meilleurs délais.

Recommandation n° 43 : intégrer un module spécifique consacré à l’endométriose et à sa détection dans la formation initiale de l’ensemble des professionnels de santé en lien avec cette pathologie : médecins généralistes, gynécologues médicaux et obstétriciens, chirurgiens, sages-femmes, infirmiers.

Recommandation n° 44 : élaborer et transmettre à l’ensemble des professionnels de santé en cours d’exercice, une plaquette d’information sur l’endométriose mettant particulièrement l’accent sur sa prévalence, les signaux d’alerte la laissant suspecter, les examens de détection à prescrire pour établir le diagnostic, ainsi que les traitements de première intention.

Recommandation n° 45 : sensibiliser les services d’urgence des hôpitaux et des cliniques sur les symptômes évocateurs de l’endométriose, afin qu’ils puissent diriger les patientes vers des spécialistes, lorsqu’ils accueillent des femmes en crise aigüe.

2.   Des traitements qui peinent à venir à bout de la maladie

Il n’existe pas de traitement curatif de l’endométriose. Même l’ablation de l’utérus (hystérectomie) ne constitue pas une thérapie définitive de la maladie puisque les cellules endométriales semblent pouvoir se former spontanément en dehors de la cavité utérine. La plupart du temps un suivi médical à vie est nécessaire. Néanmoins l’endométriose diminue et disparaît généralement après la ménopause, mais la patiente doit tout de même être surveillée, surtout quand des traitements hormonaux de substitution sont mis en place à la ménopause.

Plusieurs traitements médicamenteux sont à la disposition des gynécologues pour soulager les différents symptômes présentés. Ainsi, les douleurs pelviennes sont principalement atténuées par des anti-inflammatoires ou par la mise en œuvre d’un traitement hormonal adapté. L’endométriose étant une maladie hormono-dépendante, il est nécessaire de priver l’organisme de l’hormone qui va nourrir les cellules : l’œstrogène.

Aujourd’hui, les spécialistes s’accordent pour dire que le traitement de base consiste à empêcher la survenue des règles. En effet, les lésions d’endométriose disséminées sur les organes saignent et créent de micros hémorragies au moment des règles. Ainsi, donner une pilule en continu ou poser un stérilet libérant des hormones permet à certaines femmes de ne plus souffrir et de vivre normalement.

Lorsque cela ne suffit pas, il est possible d’entamer des cures de ménopause artificielle (injection d’analogues de la GN-Rh) plus ou moins longues qui doivent être accompagnées d’un traitement complémentaire pour pallier les effets secondaires liés à la ménopause (douleurs osseuses, bouffées de chaleur, sécheresse de la peau…). Il s’agit donc de réintroduire un peu d’œstrogènes, sous contrôle médical, pour éviter une privation trop brutale pour l’organisme.

Enfin, si la femme n’est pas soulagée, le traitement peut être chirurgical. Cela sera décidé en concertation avec l’équipe médicale, au regard de ce que vit la patiente au quotidien, de ses antécédents et au vu de son désir de grossesse. L’intervention permet, dans un premier temps, de faire le point sur l’étendue et la nature des lésions d’endométriose. Puis, elle consiste à détruire les lésions (par coagulation ou vaporisation au laser) ou à les retirer (exérèse). Elle est réalisée le plus souvent sous cœlioscopie. Toutefois, en cas d’atteinte profonde ou étendue, une laparotomie (ouverture de la paroi abdominale) peut être nécessaire. La difficulté chirurgicale est aussi augmentée par la présence de petites lésions disséminées ([77]).

3.   Libérer la parole des patientes

La parole s’est libérée depuis quelques années sur cette maladie douloureuse et invalidante qui empoisonne le quotidien d’un nombre important de femmes, les isolant progressivement de leur entourage, réduisant leurs interactions sociales et professionnelles, leur donnant le sentiment d’être incomprises et donnant lieu souvent à une longue errance médicale, avant que la maladie soit identifiée et qu’un traitement soit entrepris. Des témoignages, comme celui de Manon, 31 ans qui qualifie sa maladie de véritable calvaire, traduisent le vécu douloureux de beaucoup de femmes

« Ma maladie n’est pas mortelle, pourtant elle m’a tuée à petit feu jusqu’à ce que je sois enfin diagnostiquée, à 28 ans. Cela a débuté à 19 ans : avoir mes règles est alors devenu un calvaire. J’avais des douleurs atroces irradiant tout le bassin. Mais les médecins ne trouvaient rien d’anormal, me traitaient de douillette, ou me sermonnaient : "Vous vous écoutez trop !" ou "Ça se mérite d’être une femme" ou encore "Patience, ça passera quand vous aurez votre premier enfant". J’ai donc pris sur moi et les médicaments anti-inflammatoires sont devenus mes "meilleurs amis". Le temps passant, j’ai fini par m’en bourrer le mois entier, et plus seulement pendant les règles, car faute d’avoir été dépistée tôt, des adhérences se sont développées entre mes organes à partir des fragments d’endomètre, ainsi que des kystes à un ovaire et plusieurs nodules, notamment dans la vessie. Uriner me donnait parfois envie d’hurler… Jusqu’au jour où les rapports sexuels sont devenus ma hantise, car le moindre mouvement fait souffrir, vu que cela comprime ou heurte les nodules et les kystes, mais ça je l’ignorais... J’ai pensé avoir un blocage psy ou une malformation génitale. Mon salut, je le dois à une interne en chirurgie gynécologique. Elle était de garde une nuit, où je suis arrivée à l’hôpital déchirée de douleur. Où en serais-je sans elle? Elle a enfin posé le bon diagnostic. J’ai eu deux opérations pour extraire les fragments d’endomètre des zones les plus douloureuses et j’enchaîne mes plaquettes de pilule pour ne plus avoir de règles. La vie a repris le dessus, même si j’ai encore des douleurs, car la chirurgie ne peut pas retirer tous les fragments et nodules. Mais c’est déjà un énorme soulagement. Et je suis optimiste : d’ici deux ans, on fera une FIV pour avoir un bébé, car mes trompes sont abîmées, mais j’ai l’espoir d’être maman » ([78]).

Virginie Durant a également relaté dans un ouvrage édifiant son parcours de plus de vingt ans où elle s’est vue considérée comme une « malade imaginaire », avec des répercussions désastreuses pour sa vie personnelle, avant d’être enfin diagnostiquée et prise en charge chirurgicalement. Elle résumait ainsi sa situation : « Aux yeux de la société, je ne suis rien. Et à force d’alterner hospitalisations et convalescences, mes amis, malgré eux, m’abandonnent dans un isolement qui m’écrase », ses douleurs fulgurantes l’ayant contrainte à interrompre ses études et ne lui permettant pas de se maintenir dans un emploi ([79]).

4.   Mobiliser les pouvoirs publics

Pour améliorer le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose, la société Map Patho, start-up ayant créé un site en ligne reposant sur le principe de la solidarité des patients pour compléter un annuaire géolocalisé, et l’association ENDOmind ont signé un partenariat pour développer le premier annuaire dédié à l’endométriose, afin de recenser les spécialistes cette maladie. Créée en 2014, l’association ENDOmind France est agréée par le ministère de la Santé et participe aux côtés des autres acteurs de la maladie à la sensibilisation de la société et au développement du lien entre les associations, les professionnels de la santé et les patientes.

« L’errance avant le diagnostic ou pour avoir une prise en charge adaptée, est un problème essentiellement dû à la difficulté d’identifier ces professionnels, puisque l’endométriose n’est pas une spécialité à part entière, mais une maladie prise en charge par différents praticiens de différents domaines (médecins généralistes, gynécologues, chirurgiens, sages-femmes, urologues, gastro-entérologues etc.…) » ([80]). Grâce à cet annuaire, les femmes souffrant d’endométriose pourront désormais trouver rapidement un professionnel de santé qualifié ([81]).

Déjà en 2013, l’association EndoFrance présentait au ministère des Affaires sociales et de la Santé, un projet de création de centres dédiés à l’endométriose. Ce projet se voulait d’envergure nationale et visait à permettre l’émergence de structures reconnues comme des pôles de spécialité, tournées vers les patientes souffrant d’endométriose, avec plusieurs objectifs attendus, dont celui d’améliorer la prise en charge et de réduire le retard de diagnostic.

Au vu de la complexité de cette maladie, les patientes ont en effet besoin d’un suivi médical particulièrement bien coordonné, l’errance médicale qu’elles subissent trop souvent retardant la délivrance du traitement adapté. Vos Rapporteures recommandent donc la constitution de centres départementaux de référence, à même de répondre efficacement et rapidement à ces patientes.

Recommandation n° 46 : créer des centres de santé dans chaque département, avec des consultations dédiées pour l’endométriose, afin que chaque femme atteinte d’endométriose puisse être prise en charge à proximité de son domicile et qu’il puisse ainsi être remédié à l’errance médicale constatée actuellement, laquelle conduit à une aggravation de la maladie.

À plus long terme, le projet d’EndoFrance cherche à optimiser la collaboration entre les équipes du secteur public et du secteur privé, incluant également les médecins et gynécologues de villes, ainsi que le partage de connaissances sur la maladie. Il a également comme objectif de développer et de soutenir la recherche. À cet égard, EndoFrance a soutenu auprès des ARS les demandes de plusieurs équipes médicales désireuses d’obtenir une labellisation. Dans le même esprit, un groupe de travail sous l’égide du Collège national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF) a été constitué afin de définir les critères de ce que devrait être un centre expert dédié à l’endométriose. EndoFrance a d’ailleurs été sollicitée afin de représenter la voix des patientes.

Ces initiatives ont été prises en compte récemment par les pouvoirs publics. En effet, la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé, le 8 mars 2019, journée des droits de la femme, son plan d’action pour renforcer la prise en charge de l’endométriose, lors d’une visite au centre spécialisé dans l’endométriose du groupe hospitalier Saint-Joseph à Paris. Pour améliorer le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose, le ministère a décidé de lancer un plan d’action, en concertation avec les associations qui continuent de lutter contre la maladie à travers différents projets.

Ce plan s’articule autour de deux objectifs :

 améliorer les soins prodigués aux femmes ;

 lutter contre la méconnaissance de cette maladie chez le grand public et les personnels de santé.

Pour y parvenir, le plan s’articule autour de quatre grands axes :

 la détection précoce de l’endométriose chez les jeunes filles. Les nouvelles consultations médicales obligatoires pour les jeunes filles âgées de 11 à 13 ans et de 15 à 16 ans devront rechercher des signes de cette maladie. « Je ferai en sorte qu’au moment de ces consultations, des questions soient posées aux petites filles par les professionnels pour essayer d’identifier et de dépister cette maladie » a expliqué Agnès Buzyn ([82]). Les consultations dédiées à la santé sexuelle des jeunes filles entre 15 et 18 ans devront également intégrer une recherche de signes de l’endométriose. Enfin, le plan préconise de renforcer la formation des professionnels de santé sur les signes d’alerte, le diagnostic et la prise en charge de la maladie ;

 l’accompagnement médical des femmes atteintes d’endométriose. Le plan préconise la mise en place d’une « filière endométriose » dans chaque région. Cette dernière regroupera l’ensemble des professionnels de santé (médecins généralistes, gynécologues, chirurgiens, sages-femmes, psychologues, etc.) et associations de patientes concernées par la pathologie. Un groupe de travail national sera chargé de définir les contours de ces filières, avant qu’elles ne soient formalisées localement par les Agences régionales de santé (ARS). Une attention particulière sera portée sur la prise en charge de la douleur et des troubles de la fertilité par ces filières. Cette préconisation fait écho à la recommandation de vos Rapporteures sur les centres départementaux de référence (cf. supra) ;

 informer le grand public, les femmes et le personnel de santé sur l’endométriose. Une campagne nationale d’information sera menée via des outils publics comme le site sante.fr, mais aussi par des interventions en milieu scolaire ou encore en encourageant la recherche médicale autour de l’endométriose. À ce titre, la ministre a demandé à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de renforcer la communication auprès des chercheurs, des professionnels de santé mais aussi du grand public ;

 renforcer et soutenir l’effort de recherche sur l’endométriose. Un bilan des actions de recherche en France a été produit en mai 2019. Sur cette base, une réunion « Endométriose et recherche, état de lieux et perspectives » est programmée à fin 2019 sous l’égide de Inserm et de l’alliance pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN). L’objectif est d’aboutir à un constat partagé, de rappeler aux acteurs les leviers et dispositifs existants et de mettre les différentes équipes en relation afin de favoriser un travail en réseau sur le sujet.

Vos Rapporteures saluent ce plan ambitieux qui témoigne de la mobilisation des pouvoirs publics contre cette maladie qui touche plus de 1,5 million de femmes en France. Pour atteindre ses objectifs, le plan doit disposer des ressources suffisantes et vos Rapporteures recommandent de sanctuariser les crédits alloués à ce programme. À cet égard, il apparaît essentiel de développer les projets de recherche consacrés à l’endométriose, afin de mieux identifier les causes de la maladie et de mettre au point de nouveaux traitements.

Elles soulignent par ailleurs qu’une recommandation a été publiée par la HAS en décembre 2017 sur la prise en charge de l’endométriose, tant du point de vue de la démarche de diagnostic que de celui du traitement médical ([83]). Précisant que l’endométriose n’a pas systématiquement de conséquences pathologiques, la HAS explique qu’il n’est donc pas nécessaire de conduire automatiquement des dépistages approfondis ; cela dépend de chaque situation. Prenant en considération ce point de vue, vos Rapporteures ont toutefois pu constater lors de leurs auditions que cela pouvait conduire certains praticiens à ne pas informer les patientes d’un risque potentiel d’endométriose. Elles considèrent qu’il serait bienvenu de clarifier ce point et de favoriser la transparence de l’information dans ce cadre médical spécifique, d’autant plus que cette logique leur semble contradictoire avec la volonté de la ministre de la Santé et des Solidarités d’accentuer le dépistage précoce de cette pathologique.

Recommandation n° 47 : financer des programmes de recherche sur l’endométriose et organiser la coordination des équipes, tant au niveau national qu’européen, afin de mutualiser les moyens humains et financiers.

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

Lors de sa réunion du 11 février 2020, sous la présidence de Mme Marie‑Pierre Rixain, présidente, la Délégation a adopté le présent rapport et les recommandations présentées supra (pages 7 à 12).

La vidéo de cette réunion est accessible en ligne sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://assnat.fr/3qjB56.

 


—  1  —

   annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA dÉlÉgation et par les RAPPORTEUREs

I.   PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION

● Mercredi 12 juin 2019

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

‒ M. Mathieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques de l’Anses ;

‒ Mme Aurélie Mathieu-Huart, membre de l’unité « dangers des substances » de la direction de l’évaluation des risques ;

‒ Mme Sophie Le Quellec, directrice de cabinet ;

‒ Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles.

● Mercredi 10 juillet 2019

‒ Mme Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé.

 

Les vidéos de ces auditions sont disponibles en ligne sur le site de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, à l’adresse suivante : http://videos.assembleenationale.fr/commissions.droits-des-femmes-delegation

 

II.   PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURES

 Mardi 25 juin 2019

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

‒ M. Ambroise Pascal, chef du bureau des produits et prestations de santé et des services à la personne ;

‒ Mme Pauline Clairand, adjointe au chef du bureau des produits et prestations de santé et des services à la personne.

 Jeudi 27 juin 2019

Agir pour la santé des femmes (ADSF)

‒ Mme Nadège Passereau, déléguée générale de l’ADSF ;

‒ Mme Marie Chatagnon, responsable santé mentale.

Association Règles élémentaires

‒ Mme Tara Heuzé-Sarmini, présidente ;

‒ Mme Marine Creuzet.

Care France

‒ Mme Marina Ogier, responsable programmes et référente genre ;

‒ Mme Laury-Anne Bellessa, responsable communication.

Dans ma culotte

‒ Mme Marie Reveilhac, présidente et cofondatrice.

Fempo

‒ Mme Fanny Abes, cofondatrice ;

‒ Mme Claudette Lovencin, cofondatrice.

Plateforme Cyclique

‒ Mme Fanny Godebarge, présidente.

 Mercredi 3 juillet 2019

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

‒ M. Dominique Martin, directeur général ;

‒ Mme Carole Le Saulnier, directrice des affaires juridiques et réglementaires.

Association Genepi

‒ Mme Julia Poirier, déléguée régionale Ile-de-France ;

‒ Mme Héloïse Broc’h, chargée de communication ;

‒ Mme Alice Toussaint, bénévole en Ile-de-France.

Les Glorieuses

‒ Mme Rebecca Amsellem, créatrice des Glorieuses ;

‒ Mme Juliette Grao, chargée de projet chez Les Glorieuses.

Samu social de Paris

‒ Mme Marie Lazzaroni, chargée de mission sur l’ensemble des projets destinés au public « femmes » ;

‒ Mme Lorena Kelly, responsable du lieu d’hygiène et de soins dans les bains douches Charenton.

 Mercredi 10 juillet 2019

Planning familial

‒ Mme Sarah Durocher, accueillante au Planning familial.

 Jeudi 11 juillet 2019

Collège de la médecine générale (CMG)

‒ Dr Nicole Bez.

Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et Conseil national professionnel de gynécologie et obstétrique (CNPGO)

‒ Pr Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens ;

‒ Dr Brigitte Letombe, spécialiste de gynécologie médicale ;

‒ Dr Geneviève Plu-Bureau, professeur de gynécologie médicale, membre du CNU de gynécologie médicale ;

‒ Dr Arnaud Grisey, CNP (exercice libéral) ;

‒ Dr Catherine Fohet, CNP (exercice libéral).

Collège national des sages-femmes de France (CNSF)

‒ M. Adrien Gantois, président du CNSF.

Conseil national de l’Ordre des médecins

‒ Pr Serge Uzan, gynécologue obstétricien, doyen de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie ;

‒ Pr Nathalie Chabbert-Buffet, service de gynécologie obstétrique à l’hôpital Tenon ;

‒ Pr Gladys Ibanez, maître de conférences aux universités en médecine générale, médecin généraliste.

Direction générale de la santé (DGS)

‒ Mme Zinna Bessa, sous-directrice en charge de la sous-direction santé des populations et prévention des maladies chroniques à la DGS.

Direction générale de l’offre de soins (DGOS)

‒ Mme Lise Alter, adjointe à la sous-directrice de la performance des acteurs de l’offre de soins à la DGOS.

Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM)

‒ Dr Pia de Reilhac, présidente de la FNCGM ;

‒ Dr Suzanne Dat.

Société française de médecine générale (SFMG)

‒ Dr Philippe Boisnault, président de la SFMG ;

‒ Dr Rachel Collignon-Portes, responsable du sujet de la santé de la femme au sein de la SFMG, trésorière adjointe de la SFMG.

 Mardi 16 juillet 2019

Conseil nationale de l’Ordre des sages-femmes

‒ Mme Anne-Marie Curat, présidente du Conseil national de l’ordre des sages-femmes.

Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (SYNGOF)

‒ Mme Elisabeth Paganelli, secrétaire générale du SYNGOF.

● Mardi 17 septembre 2019

Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé)

‒ Mme Laure Palun, codirectrice ;

‒ Mme Charlène Cuartero-Saez, chargée des activités de terrain.

Collectif Georgette Sand

‒ Mme Catherine Villaudy Ates ;

‒ Mme Marie-Paule Noël ;

‒ Mme Charlotte Renault.

Equipop

‒ Mme Dominique Pobel, responsable de projets et développement.

Unicef

‒ Mme Alexandra Rinaldi, responsable international du plaidoyer et des programmes à l’Unicef ;

− Mme Jodie Soret, chargée des relations avec les pouvoirs publics à l’Unicef.

Essity (marque Nana)

‒ M. Marc Specque, directeur de la communication, Essity France ;

‒ Mme Estelle Vaconsin, responsable qualité et développement durable ;

‒ Mme Valérie Jacob-Sartorelli, responsable marketing hygiène féminine chez Essity.

Group’hygiène, syndicat professionnel

‒ Mme Valérie Pouillat, déléguée générale de Group’hygiène ;

‒ Mme Pauline Durand, cheffe de groupe hygiène féminine (Vania, Nett) et hygiène bucco-dentaire (Listerine, Hextril) ;

‒ M. Olivier Dufay, responsable marketing produit ;

‒ M. Christophe Rondel, directeur conseil Comfluences.

Institut national de la consommation (INC)

‒ M. Christian de Thuin, chef du centre d’essais comparatifs de l’INC ;

‒ Mme Justine Berteau, ingénieur.

Procter & Gamble (marque Always)

‒ M. François de la Faire, directeur juridique et relations institutionnelles ;

‒ Mme Nadège Foucher de Brandois, directrice de la communication.

● Mercredi 18 septembre 2019

Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)

‒ Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires ;

‒ Mme Hélène Guimiot-Bréaud, cheffe du service santé ;

‒ M. Erik Boucher de Crèvecœur, ingénieur expert à la direction des technologies et de l’innovation.

Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)

‒ Mme Anne Bennet, adjointe à la sous-directrice de la vie scolaire, des établissements et des actions socio-éducatives ;

‒ Mme Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l’action sociale et de la sécurité.

Johnson & Johnson (marque Vania)

‒ M. Olivier Grumel, directeur affaires gouvernementales ;

‒ Mme Chrystèle Lacombe, directrice marketing ;

‒ Mme Maria Pujol, responsable communication et affaires publiques ;

‒ Mme Audrey Desjours, responsable affaires réglementaires hygiène féminine ;

‒ Mme Lucile Chapelant, chargée de projets au sein du département matières premières.

Centre national de référence des staphylocoques, Institut des agents infectieux, CHU de Lyon

‒ Pr Gérard Lina, infectiologue au Centre national de référence des staphylocoques

 


—  1  —

   ANNEXE 2 : DÉplacements effectuÉs par les rapporteures

I.   DÉplacement à Rennes le 7 novembre 2019

Service préfectoral aux droits des femmes et à l’égalité

− Mme Gaëlle Abily, directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes ;

− Mme Ahez Le Meur, directrice régionale adjointe aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes ;

− Mme Sonia Magalhaes, déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes d’Ille-et-Vilaine.

Centre pénitentiaire pour femmes de Rennes

− M. Yves Bidet, chef d’établissement de centre pénitentiaire pour femmes, direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) ;

− Mme Mathilde Desforges, directrice des services pénitentiaires adjointe au chef d’établissement ;

− Mme Anne‑Sophie Cortinovis, attachée d’administration, directrice de cabinet et chargée de communication à la DISP de Rennes ;

− Mme Martine Marie, directrice des services pénitentiaires, directrice interrégionale adjointe à la DISP de Rennes ;

− Mme Elisabeth Jagot, directrice pénitentiaire d’insertion et probation, en charge des politiques sociales, familiales et partenariales au département des politiques d’insertion, de probation et de prévention de la récidive à la DISP de Rennes ;

− Mme Virginie Fortin, cadre supérieur de santé au centre hospitalo‑universitaire de Rennes et représentante l’équipe médicale et infirmière intervenant sur l’établissement ;

− Mme Melinda Mallet, surveillante en charge du magasin aux vivres ;

− Mme Carole Le Dain, surveillante en charge des cantines ;

− Mme Catherine Hallier, adjointe administrative, responsable de la régie budgétaire ;

− M. Richard Person, secrétaire administratif, responsable de la régie des comptes nominatifs et des comptes publiques ;

− Mme Valérie Fecamp, surveillante en charge de la lingerie‑buanderie

Les Rapporteures se sont également entretenues avec deux personnes détenues membres de la rédaction du magazine Cita d’Elles, dont l’identité n’est pas communiquée afin de préserver leur anonymat.

Planning Familial 35

− Mme Mathilde Lefevre, présidente du Planning Familial 35 ;

− Mme Anne‑Claire Bouscal, directrice du Planning Familial 35.

Agence régionale de santé (ARS)

− Mme Anne Lefevre, médecin inspecteur de la santé publique, ARS Bretagne.

Collège Rosa Parks

− M. Yann Renault, principal du collège Rosa Parks ;

− Mme Isabelle Chauvet, infirmière conseillère technique du recteur ;

− Mme Nicole Guenneugues, chargée de mission académique égalité filles‑garçons ;

− Mme Julie Gaillard, conseillère principale d’éducation ;

− M. Cyrille Denieul, professeur de sciences et vie de la terre ;

− M. Florian Haugeard, professeur d’éducation physique et sportive ;

− Mme Evelyne Morvilliers, infirmière ;

− Mme Françoise Langlais, infirmière.

Start-up Ma-Louloute.com

− Mme Edita Rebours, fondatrice et dirigeante.

Start-up Marguerite & Cie

− Mme Gaële Le Noane, fondatrice et dirigeante.

II.   DÉplacement à LILLE le 8 novembre 2019

Secrétariat général pour les Affaires régionales

− Mme Cécile Dindar, secrétaire général pour les Affaires régionales des Hauts-de-France / Préfecture de région Hauts-de-France ;

− Mme Laure Rolain, chargée de mission à la direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Association SOLFA

− Mme Delphine Beauvais, directrice du pôle violences faites aux femmes.

Rectorat de la région académique Hauts-de-France

− Mme Valérie Cabuil, rectrice de l'Académie de Lille.

Université de Lille

− M. Jean-Christophe Camart, premier président de l'Université de Lille ;

− Mme Sandrine Rousseau, vice-présidente de l'université de Lille et initiatrice du projet de distribution gratuite de protections menstruelles ;

− Mme Chevaler, infirmière de l'association « Le GAP » ;

− Mme Gabrelle, directrice de la Maison des Femmes de Roubaix ;

− Mme Billon, assistante sociale de la Maison des Femmes de Roubaix ;

− la vice-présidente de l’association féministe étudiante « HeforShe ».

III.   DÉplacement à Versailles le 14 novembre 2019

Maison d’arrêt pour femmes de Versailles

− M. Kamal Abdelli, chef d’établissement.

IV.   DÉplacement à Paris le 10 décembre 2019

Lieu d'accueil, d'hygiène et de soins dédié aux femmes (bains-douches Charenton)

Mme Marie Lazzaroni, chargée de mission « projets femmes » du Samusocial de Paris.

 


—  1  —

   ANNEXE 3 : Compte-rendu de l’audition de Mme Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé,
10 juillet 2019

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. L’audition sera l’occasion de faire un point sur les chantiers que vous conduisez au sein du Gouvernement et qui intéressent très directement les droits des femmes et l’égalité des chances ; ce sera également l’occasion pour que vous puissiez réagir aux récents travaux de la Délégation ou ouvrir des pistes sur les missions actuellement en cours.

Ainsi que nous le constatons, hélas, tous les jours, l’accès des femmes à leurs droits sexuels et reproductifs fait l’objet de remises en cause insupportables et d’attaques de plus en plus violentes. Je veux ici dénoncer avec la plus grande force l’expression de plus en plus violente d’opinions extrémistes, populistes et réactionnaires qui envisagent de revenir sur des droits acquis. Ces propos portent atteinte à des principes fondamentaux de notre droit, à nos valeurs et à l’idée même d’égalité entre les femmes et les hommes.

Les remises en cause se concentrent souvent sur l’interruption volontaire de grossesse et il est très inquiétant de constater que ces attaques ont désormais lieu en Europe mais également en France ! La Délégation a toujours veillé à conserver une grande vigilance sur ces sujets, ses membres étant parfaitement conscients de leur « réversibilité », pour reprendre l’expression de Geneviève Fraisse.

Alors que la Délégation fête ses vingt ans, vingt ans d’engagements en faveur des droits des femmes, nous nous inscrivons dans la continuité des actions de nos prédécesseures. Je pense ici, notamment, à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la gratuité du parcours d’accès à l’IVG, sous l’impulsion de Catherine Coutelle, ou encore à l’allongement de dix à douze semaines de grossesse du délai légal de recours à l’IVG et à l’aménagement du droit d’accès des mineures, sous l’impulsion de Martine Lignières-Cassou.

Aujourd’hui encore, nous réaffirmons avec la plus grande solennité et la plus grande force notre attachement indéfectible au droit des femmes à disposer de leur corps.

Notre Délégation a décidé de constituer une mission d’information sur l’accès à l’IVG et je suis certaine que les travaux de nos deux co-rapporteures, Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti, pourront permettre d’éclairer le débat et d’ouvrir des pistes pour garantir l’effectivité de l’accès de toutes les femmes à l’IVG sur l’ensemble du territoire, assurer la liberté du choix de la méthode, mais aussi pour interroger la pertinence de la double clause de conscience, voire pour envisager d’allonger le délai de douze à quatorze semaines. Nous allons prendre le temps d’examiner tous ces sujets pour formuler des propositions d’évolution et nous ne doutons pas de l’attention que vous porterez à ces recommandations.

La promotion et la défense des droits sexuels et reproductifs passent aussi par des actions en amont. Je pense ici aux enjeux d’éducation : il nous revient de nous assurer que toutes les jeunes filles et tous les jeunes garçons aient accès à une information fiable et de qualité sur les questions de sexualité en général et de consentement en particulier. Lors de nos déplacements de la semaine dernière dans le Morbihan, les Vosges et l’Isère, nous avons pu mesurer l’impact positif d’une politique active de prévention et, surtout, lorsque l’effort de prévention et d’information se relâche auprès des plus jeunes, les conséquences terribles que cela peut entraîner.

Nous devons aussi veiller aux enjeux de santé publique. La mission d’information que nous avons constituée sur les menstruations fait apparaître par exemple des enjeux en termes de composition des produits hygiéniques, des questions sur la connaissance par toutes les femmes des règles d’utilisation – un mauvais usage des protections pouvant conduire par exemple à un choc toxique. Et notre collègue Laëtitia Romeiro Dias, une des deux co‑rapporteures, reviendra sans doute sur ces points.

Toutes ces questions, si elles constituent des questions de santé – individuelles ou publiques – représentent aussi et souvent surtout des enjeux de solidarité. En votre qualité de ministre des Solidarités, nous savons l’attention que vous portez à l’articulation de ces différentes problématiques.

J’évoquais à l’instant les menstruations ; comment ne pas aussi poser le problème de la précarité menstruelle ? Nos premières auditions ont en effet montré que les femmes sans abri ou en prison peuvent avoir des difficultés d’accès à ces protections.

Je pense que nous avons une parfaite illustration de la dimension systémique des sujets traités par la Délégation avec le rapport que nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle vous ont remis sur la séniorité, « le tiers invisible de la vie des femmes ? ». Il faut répondre aux difficultés de santé liées à la ménopause, au vieillissement ou à la dépendance, enjeux économiques mais également sociaux, sur lesquels nous devons porter une attention toute particulière.

Plusieurs textes que vous défendez, Madame la ministre, ont ou vont répondre à ces différents besoins ; je pense évidemment à « Ma santé 2022 » mais aussi au prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), à la réforme à venir des retraites, voire, pour certains éléments, à la loi bioéthique. Nous serons toutes et tous mobilisés sur tous ces dossiers et nous savons que nous pourrons compter sur votre particulière bienveillance pour faire progresser les droits des femmes, de toutes les femmes quels que soient leur âge ou leur situation géographique, mais surtout pour construire une société d’égalité réelle.

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Je suis très heureuse d’avoir l’occasion d’échanger avec vous sur ce sujet de l’égalité des chances et de l’égalité des droits et d’évoquer avec vous les travaux conduits par le ministère des Solidarités et de la Santé. C’est donc un moment d’échange auquel je suis très attachée. J’en profite pour vous remercier de la qualité des rapports que vous avez produits sur ces questions.

Vous avez célébré la semaine dernière les vingt ans d’existence de cette Délégatio–vingt années de regard vigilant, d’études très utiles, d’éclairages précieux. Vous avez raison, madame la présidente, je pense qu’il faut poursuivre cet engagement parce que, l’actualité en témoigne chaque jour, ces droits ne sont jamais acquis.

Le champ du ministère des Solidarités et de la Santé est vaste et j’ai récemment accompagné plusieurs chantiers qui ont une résonance particulière pour votre Délégation. De la même manière, vous avez récemment produit des rapports qui complètent utilement notre réflexion – je pense notamment à la séniorité des femmes ou aux travaux en cours sur les menstruations et sur l’accès à l’IVG.

Pour ouvrir les débats, je souhaiterais revenir sur quelques-unes des dispositions récentes que j’ai eu l’honneur de défendre.

Plusieurs mesures ont été prises ces dernières semaines pour améliorer le congé maternité : je pense à la publication des décrets d’application afin de procéder à l’alignement du congé maternité des travailleuses indépendantes sur celui des travailleuses salariées, le même décret portant d’ailleurs sur l’amélioration du congé maternité des agricultrices. Ces textes sont notamment le fruit de votre travail, madame la présidente, puisqu’ils sont le fruit de votre rapport. Ils permettent de faire converger les règles relatives au congé maternité entre les différents régimes et d’harmoniser par le haut la protection sociale liée à la maternité pour toutes les femmes actives.

Nous travaillons aussi avec Christelle Dubos sur les pensions alimentaires : les difficultés vécues par les familles monoparentales ont été au cœur du Grand débat national. En réponse, nous avons défendu un mécanisme qui confiera aux caisses d’allocations familiales un véritable rôle d’intermédiaire du versement entre les deux parents. Ce mécanisme sera opérationnel dès le mois de juin 2020, soit à la demande du juge soit à la suite d’un impayé.

Dans le champ de la santé, j’ai été sensible aux témoignages de nombreuses femmes face aux retards de diagnostic et aux mauvaises prises en charge de l’endométriose. J’ai annoncé le 8 mars dernier un plan d’action sur l’endométriose, qui repose sur quatre axes.

Le premier est une meilleure information du public, des femmes et des professionnels de santé, en particulier via le service sanitaire.

Nous voulons ensuite approfondir la recherche, car sur ce sujet nous avons assez peu d’équipes et assez peu de publications. Nous souhaitons mieux informer les chercheurs sur les aides dont ils peuvent bénéficier.

Troisième axe : améliorer le diagnostic de l’endométriose, notamment grâce aux nouvelles consultations obligatoires. Je vous rappelle que nous avons étalé les consultations obligatoires tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Et nous prévoyons deux consultations obligatoires nouvelles : celles de 11-13 ans et de 15-16 ans. Ce sera un moment intéressant pour les médecins généralistes afin qu’ils s’interrogent sur les douleurs qui pourraient être un premier signe d’endométriose qui peut se révéler dès l’âge de 13 ans. La consultation dédiée à la contraception et aux infections sexuellement transmissibles (IST) pour les jeunes filles de 15-18 ans doit être étendue à la santé sexuelle et comprendra la recherche systématique de signes d’endométriose. La formation initiale et continue des professionnels intégrera spécifiquement l’endométriose.

Enfin la création d’une filière d’expertise dans chaque région permettra de répertorier l’ensemble des professionnels et associations de patients capables de les accompagner.

Je souhaiterais en dernier lieu profiter de ma présence devant vous pour évoquer la loi bioéthique à venir : chacun le sait, il est prévu d’élargir l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Le critère médical d’infertilité, qui aujourd’hui conditionne cet accès, sera supprimé. Nous prévoyons en outre une prise en charge par l’assurance maladie. Le texte ouvrira également la possibilité d’une autoconservation de gamètes pour les femmes comme pour les hommes. Un des articles prévoit enfin la suppression de la proposition systématique d’un délai de réflexion en cas d’interruption de grossesse pour raison médicale.

Ces quelques mots en préambule illustrent la diversité des sujets.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Merci pour ce tour d’horizon qui revient sur les avancées engagées depuis deux ans et ouvre des perspectives très positives. Je vais donner la parole aux différents rapporteurs de la Délégation sur les travaux en cours ou qui viennent de se terminer, en commençant par les co-rapporteures de la mission d’information sur la séniorité des femmes, Marie-Noëlle Battistel et Sophie Panonacle. Nous entendrons ensuite Laëtitia Romeiro Dias, co-rapporteure de la mission d’information sur les menstruations.

Mme Sophie Panonacle. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur deux recommandations de notre rapport.

Notre société véhicule de nombreux stéréotypes : les personnes âgées seraient nécessairement fragiles, en mauvaise santé, souvent dépendantes ou atteintes d’une maladie chronique, n’ayant souvent plus toute leur tête… C’est ce que l’on dit, c’est ce que l’on entend : elles seraient devenues des personnes à charge, inutiles pour la société et improductives pour l’économie. Ces stéréotypes peuvent empêcher les personnes âgées de participer pleinement aux activités sociales, politiques ou encore culturelles ; ils contribuent ainsi à les exclure progressivement de la cité. À l’extrême opposé de ces stéréotypes, la filière de la Silver économie dépeint des personnes âgées actives, en bonne santé, épanouies, souhaitant uniquement voyager et profiter d’un maximum de loisirs. Cet autre stéréotype ne correspond pas non plus à la réalité.

Marie-Noëlle Battistel et moi-même considérons qu’il est aujourd’hui impératif de changer de regard sur les personnes âgées si notre société veut être en mesure d’améliorer la place qui leur revient. Nous avons donc fait un certain nombre de propositions : la 21e propose de développer des initiatives intergénérationnelles, transgénérationnelles, en valorisant d’avantage le rôle et la place dans la société des personnes âgées, en les incluant, par exemple au moyen de budgets participatifs, dans la vie de la cité et dans les politiques publiques qui touchent au cadre de vie.

Une définition officielle des proches aidants a par ailleurs été inscrite dans la loi de 2015 relatives à l’adaptation de la société au vieillissement. Cette définition n’établit cependant pas encore un réel statut de l’aidant. La loi a institué un droit au répit qui permet à l’aidant d’un proche en perte d’autonomie, de bénéficier d’une somme pouvant aller jusqu’à 500 euros par an pour financer une période de répit. Il me semble important aujourd’hui d’améliorer les connaissances statistiques sur les aidants et nous proposons de diligenter une étude statistique nationale pour mieux appréhender la réalité et les besoins des proches aidants. Tel est l’objet de notre proposition n° 11. On pourrait également envisager la création d’un statut des aidants qui permettrait peut-être de leur assurer, entre autres, une formation minimum.

Mme Marie-Noëlle Battistel. À l’issue de la mission d’information sur la séniorité des femmes qui nous a été confiée, il apparaît que plusieurs véhicules législatifs peuvent être l’occasion de décliner nos réflexions et nos recommandations.

En premier lieu, la perspective de la grande réforme des systèmes de retraite nous conduit à nous interroger sur la manière de mieux prendre en compte, et de mieux corriger surtout, les inégalités qui existent entre les femmes et les hommes. Vous savez, madame la ministre, que ces inégalités résultent d’une somme d’inégalités tout au long de la vie, accentuées au moment de la retraite. Ce sont les arrêts maternité, mais pas seulement, qui interrompent les progressions de carrière. C’est aussi le temps pris pour être aidant dans sa famille. Ces sont tous les trimestres « perdus » pour l’aidante et qui se payent au prix fort au moment de la retraite. Nous souhaitons que, dans le cadre de cette réforme, on puisse intégrer des dispositifs de correction de ces inégalités entre les femmes et les hommes. La présidente de la Délégation avait organisée un petit-déjeuner sur la question du congé de parentalité, dont il ressortait la nécessité de repenser la répartition des interruptions de carrière entre les mères et les pères. Il y a beaucoup d’autres choses à faire et nous aimerions connaître votre regard sur ce qui pourrait être possible.

Le défi démographique que représente le vieillissement de la population implique tout particulièrement les femmes qui représentent la majeure partie des personnes âgées. Or nous constatons que les politiques publiques dans ce domaine ne ciblent que rarement les femmes comme un public spécifique. Ce qui nous a beaucoup frappées, c’est que nous n’avons pas pu recueillir que très peu de statistiques genrées ou sexuées dans les différentes instances parce qu’elles n’existent pas : il y a des tableaux avec des âges, mais il n’y a pas de statistiques genrées. Est-ce que c’est parce qu’on considère qu’il n’y a pas de spécificité féminine – ce qui à mon avis est faux – ou alors est-ce parce qu’on n’en a pas encore eu l’idée ? Il serait temps de l’avoir car nous pensons que ce serait une véritable avancée.

Enfin, nous avons conclu nos travaux par une audition très intéressante sur la ménopause qui a souligné ce phénomène d’invisibilité des femmes séniores dans la société : elles subissent une sorte d’effacement social. Cette forme ultime de sexisme – qui consisterait à ignorer toute femme ayant dépassé l’âge de la ménopause et ne pouvant dès lors plus assurer une fonction reproductrice – ne devrait-elle pas être mieux prise en compte dans la lutte contre les stéréotypes sexistes ?

Mme Laëtitia Romeiro Dias. La mission que nous a confiée la Délégation a pour mérite de sortir des lieux communs. Les règles sont un sujet dont on parle peu, mais petit à petit, au fil des auditions, nous mettons des mots sur ces tabous et sur les problématiques que rencontrent les femmes. En juin 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a rendu sur la sécurité des produits de protection hygiénique un avis qui soulignait la présence de composés toxiques dans leur composition. Comment le Gouvernement pourrait-il obtenir un meilleur contrôle de la composition des produits de protection intime ? Et, compte tenu des conséquences sur la santé des femmes, ces produits ne devraient-ils pas être autant contrôlés que des dispositifs médicaux ?

Par ailleurs quelles mesures envisagez-vous pour lutter contre la précarité menstruelle, autre problématique que nous avons identifiée ? Pensez-vous qu’il faille développer la gratuité des protections intimes ? D’autres mesures seraient-elles envisageables ?

Enfin, comme vous l’indiquiez dans votre propos liminaire vous avez lancé en mars dernier, un plan d’action pour renforcer la prise en charge de l’endométriose. Maladie complexe et inexplorée, l’endométriose n’en touche pas moins une femme sur dix, et peut-être même plus. Il était donc temps de s’emparer de ce sujet et nous ne pouvons que vous en féliciter. Vous avez développé les axes de ce plan : pourriez-vous nous présenter son état d’avancement et nous dire ce qu’en seront les suites ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Concernant les femmes âgées et la réforme du grand âge, un travail est en cours afin d’élaborer, pour la fin de l’année, un projet de loi dans lequel cette question de l’intergénérationnel sera posée. Elle abordera notamment la question de la diversification des lieux d’hébergement, car nous souhaitons sortir du « tout EHPAD » (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Même si le maintien à domicile reste clairement la priorité, nous voulons développer nombre d’offres intermédiaires dans lesquelles l’hébergement inclusif, donc intergénérationnel, trouvera toute sa place, permettant de changer de regard sur les personnes âgées et les femmes âgées. Par ailleurs, le Premier ministre a confié à la députée Audrey Dufeu Schubert, une mission sur l’âgisme dont j’attends les conclusions pour voir comment ce changement de regard pourrait s’opérer ; l’inclusion et l’intergénérationnel permettent un vrai changement de regard, cela ne se décrète pas mais se met en œuvre dans la vie quotidienne. Nous verrons si nous pouvons nous emparer des conclusions de cette mission pour promouvoir des mesures spécifiques dans le projet de loi Grand âge et perte d’autonomie.

Dans ce projet de loi, un axe sera dédié à la question des proches aidants. Il comportera des mesures auxquelles nous travaillons avec Sophie Cluzel car il ne s’agit pas seulement des aidants des personnes âgées, mais aussi des aidants familiaux ou proches de personnes handicapées ou malades. Nous présenterons une feuille de route en septembre sur cette question. J’ai déjà dit qu’avant même le projet de loi, des mesures figureront dans le prochain PLFSS, dont l’une relative à un congé proche aidant, pris en charge par la sécurité sociale. La question du répit des aidants sera traitée dans la feuille de route et dans le projet de loi grand âge.

Comment prendre en compte, dans la réforme des retraites, les inégalités en termes de pension qui sont souvent le reflet des inégalités de carrière ? Il est clair que notre système actuel favorise les carrières longues, homogènes, ascendantes, et essentiellement masculines, et défavorise les carrières hachées, plates, c’est-à-dire souvent celles de femmes avec enfants. Tout le projet de loi que prépare le Haut‑commissaire à la réforme des retraites vise à gommer ces inégalités de carrière et à rendre à l’avenir notre système de retraite plus juste, plus équitable, donc à gommer ce différentiel. Cela correspond aussi aux nouveaux défis de la société de demain : nous savons que les carrières seront moins linéaires et nous avons besoin d’adapter notre système de retraite par répartition aux profils de carrière des futures générations. Il gommera ces inégalités en tenant compte des congés rémunérés dus aux grossesses et il revisitera aussi les droits familiaux. Les droits familiaux sont aujourd’hui multiples ; l’un d’entre eux, notamment, accorde une surrémunération de 10 % dès le troisième enfant. Les pensions de retraite des hommes étant souvent plus importantes, ce sont en pratique les hommes qui bénéficient de ces 10 %. Tout un travail a été effectué dans le champ de la solidarité de notre futur régime de retraite pour requestionner ces droits familiaux et les adapter aux réalités du XXIe siècle. Le Haut‑commissaire présentera sa réforme et son système cible aux partenaires sociaux le 18 juillet prochain. Je le laisse dévoiler ses pistes, mais elles répondent à vos préoccupations concernant la retraite des femmes.

Nous sommes de plus en plus attentifs à la question des statistiques genrées et à la place des femmes dans les politiques publiques. Il est vrai que l’on dispose souvent de statistiques datant d’une période où la question du genre était moins prégnante, mais dans les travaux de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), nous sommes désormais très attentifs à disposer de ce type d’indicateurs. Cela bénéficiera aux travaux qui seront publiés à l’avenir.

En ce qui concerne l’invisibilité des femmes ménopausées et la lutte contre les stéréotypes, je vais prendre connaissance de votre rapport pour voir comment nous pouvons intégrer les recommandations que vous avez faites, mais je comprends bien la problématique que vous pointez du doigt.

S’agissant des composés toxiques dans les protections hygiéniques des femmes, il y a deux sujets qu’il faut séparer : celui de la sécurité sanitaire concerne les chocs toxiques qui ont été clairement identifiés dans des cas d’endotoxines bactériennes avec des tampons contaminés. Des mesures correctives ont été prises lors de la production des produits. Mais on a aussi souvent observé que ces chocs étaient liés à une mauvaise utilisation des protections et il convient donc de mieux informer les femmes sur les règles d’utilisation de ces produits.

Le deuxième sujet concerne les contaminations par des composés chimiques ou toxiques dans les protections hygiéniques. À la suite d’une saisine, l’ANSES a pu constater la présence de produits toxiques, mais à des doses faibles. Eu égard à notre connaissance de la contamination par la peau, l’Anses considère qu’il n’y a pas de risque sanitaire identifié. En fait, les doses toxiques le sont en cas d’ingestion. Il n’y a donc pas de risque sanitaire identifié, même si nous souhaitons tous, à l’avenir, voir diminuer la présence de produits chimiques dans les produits que nous utilisons, à condition, bien sûr, qu’on n’expose pas, à l’inverse, ces protections hygiéniques à un risque de prolifération bactérienne, parce qu’il n’y aurait plus les produits qui empêchent justement cette prolifération. Aujourd’hui, les taux de substances retrouvées sont faibles et il n’y a pas d’alerte spécifique même si leur impact sur les muqueuses vaginales nécessite des travaux complémentaires.

La précarité menstruelle des femmes précaires est un sujet plus spécifiquement suivi par Christelle Dubos. Nous nous sommes engagées sur cette question parce que c’est évidemment le cœur des préoccupations de ce ministère et nous travaillons avec les partenaires associatifs qui nous alertent en permanence. Nous attendons les résultats de votre mission pour savoir comment nous pouvons faire mieux pour ces femmes. Une mission a également été confiée à la sénatrice Patricia Schillinger, qui va nous permettre de travailler sur les questions d’accès matériel aux protections hygiéniques pour faire évoluer les mentalités. Nous travaillons également avec Julien Denormandie, qui est en charge de l’hébergement d’urgence – c’est dans ces lieux qu’on peut aussi apporter une solution –, et avec toutes les associations de terrain auprès des personnes précaires pour faciliter la collecte et la distribution de protections hygiéniques. Nous travaillons aussi aux moyens de les soutenir financièrement. Agnès Pannier-Runacher est aussi très sensibilisée : elle étudie comment mobiliser les industries qui produisent ces protections.

Sur l’endométriose, nous sommes en train de décliner la feuille de route. Dès cette année, des modules de formation figureront dans le développement personnel continu des professionnels. Cela apparaîtra dans la nouvelle maquette, dans le cadre de la réforme des 2e et 3e cycles des études de médecine. C’est un engagement des enseignants et des doyens. Et nous faisons le même travail pour les formations des sages-femmes.

En termes de détection, il y a la consultation obligatoire des 11-13 ans, celle des 15‑16 ans, et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a d’ores et déjà complété son site internet avec un volet sur l’endométriose qui figure dans le volet professionnel des référentiels qui correspondent à ces consultations. Elle a également ajouté le mot « endométriose » dans le mèl qui est adressé aux assurés. Et une consultation santé sexuelle est en train de se mettre en place à l’âge de 16-17 ans.

En termes de recherche, une journée de mise au point scientifique a été organisée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Nous avons, grâce au travail des chercheurs, un bilan des axes de recherche à promouvoir sur ce thème. Un projet hospitalier de recherche clinique a été sélectionné cette année sur le thème de l’endométriose. Un numéro spécial de la revue Médecine/sciences sur ce thème est également prévu.

S’agissant enfin de l’information, nous travaillons avec les associations afin de les rendre plus visibles.

Je suis ce dossier de très près parce que je veux des résultats clairement identifiés au bout d’un an.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je donne la parole aux co-rapporteures de la mission d’information sur l’accès à l’IVG, Marie-Noëlle Battistel et Cécile Muschotti.

Mme Cécile Muschotti. Ma première question concerne les chantages qu’avait opérés le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France. À ce moment, le Gouvernement avait indiqué vouloir dresser un état des lieux de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse en lien avec les agences régionales de santé. Quel est aujourd’hui l’état d’avancement de ce travail ? Sans préjuger des travaux de notre mission d’information, considérez-vous qu’il faille supprimer la double clause de conscience ? La clause de conscience générale ne vous semble-t-elle pas suffisante ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous avons été désignées pour conduire une mission d’information sur l’accès à l’IVG, et nous allons nous attacher à l’ensemble des enjeux liés aux spécificités territoriales. Nous n’avons procédé pour l’heure qu’à une audition et à quelques visites dans les départements. Cela nous a déjà conduites à noter des différences entre les départements, dans l’approche des professionnels et les moyens qui leur sont alloués. Nous veillerons évidemment à déterminer comment assurer un accès identique et de qualité sur l’ensemble du territoire.

Une autre question fait quelquefois débat, c’est l’éventuel allongement de douze à quatorze semaines du délai d’accès à l’IVG. Qu’il n’y ait pas de confusion : on parle bien de semaines de grossesse et non de semaines d’aménorrhée. Un certain nombre de pays vont très loin dans cette démarche. Votre ministère a-t-il déjà travaillé sur ce sujet et quelle en est votre approche à titre personnel ? Que pensez-vous faire pour garantir ce droit fondamental ?

Entre pratique médicamenteuse et pratique chirurgicale, le choix n’est par ailleurs pas toujours proposé aux femmes : en raison de fortes réticences ou faute de médecins, dans certains territoires on ne propose que la solution médicamenteuse. Nous avons recueilli des témoignages de personnels d’un hôpital dont les trois médecins qui acceptaient de procéder aux IVG partent à la retraite, et aucun des trois médecins qui arrivent ne souhaite les pratiquer… Comment répondre à cette difficulté ?

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je me permets de compléter les questions de nos deux collègues vous alertant notamment sur une pratique que l’on a découverte la semaine dernière. Nous nous en doutions un peu, mais elle nous a été clairement indiquée, notamment dans le département des Vosges où, faute de médecins, n’est proposée aux femmes que la solution médicamenteuse, parfois dans des délais non conformes aux recommandations de la Haute autorité de santé, et dans des souffrances psychologiques et physiques que l’on peut imaginer.

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Ce sont des questions extrêmement importantes, puisque nous savons que ce droit est sans arrêt remis en question. C’est sans doute moins le cas dans notre pays que dans d’autres, mais nous constatons chez nous des difficultés d’accès, tout simplement, faute de médecins. Notre pays manque de façon criante de médecins, ou plutôt de temps médical disponible : le nombre de médecins est constant mais, par rapport aux besoins de la population, nous sommes bien en déficit de temps médical. Ce déficit est en fait observé partout en Europe et partout dans le monde ; c’est un problème international. Et nous n’avons donc pas moyen d’aller chercher des médecins dans d’autres pays, sauf à déposséder ces derniers d’encore plus de temps médical…

Ce déficit va durer encore quelques années parce que les nombreux médecins formés après-guerre, après le Baby-boom sont en train de partir à la retraite… Le numerus clausus a été extrêmement serré pendant une vingtaine d’années et il n’a été rouvert qu’en 2005. Nous sommes dans une période de « creux », où les médecins partent à la retraite et ceux qui ont commencé à être formés après 2005, ne sont pas encore opérationnels. Donc, pendant encore six à huit ans, nous allons avoir un déficit car il faut dix ans pour former un médecin. Il faut donc appliquer un principe de réalité. C’est dans cette optique que j’aborde les enjeux concernant l’IVG, de la même manière que tous les sujets liés à notre système de santé.

Nous avons besoin de nous reposer sur des délégations de tâches ; de partager les soins entre différentes professions de santé. C’est ce que nous faisons déjà avec les sages‑femmes, notamment concernant certains IVG.

Vous m’avez posé la question de l’état des lieux que j’ai demandé aux ARS : j’attends le rapport pour l’été. Nous verrons s’il y a des disparités territoriales. Énormément de médecins partent à la retraite : c’est vrai des gynécologues comme des généralistes, comme de tous les médecins. C’est en raison de cette vague de départs, que, dans la loi Santé, j’ai fait augmenter le plafond du cumul emploi-retraite de façon très notable, afin qu’il soit très incitatif de continuer à exercer pendant deux à cinq ans : cela ralentira le rythme des départs.

Concernant la double clause de conscience, j’ai envie de vous demander s’il faut s’attacher au droit réel ou au droit formel. Veut-on travailler sur les principes ou sur la réalité du parcours des femmes ? Je comprends parfaitement les arguments en faveur de la fin de la double cause de conscience. Pourquoi cette spécificité relative à l’IVG ? Pourquoi cette forme de discrimination ? Pourquoi un droit spécifique pour l’IVG ?

Mais, à mon avis, la double clause de conscience est en réalité bénéfique aux femmes. D’abord, la suppression ne conduira pas à ce que plus de médecins pratiquent l’IVG : on n’obligera jamais un médecin qui ne le veut pas à pratiquer des IVG. Et si on le faisait, ce serait au détriment des femmes, parce qu’il faut un accompagnement dans cette période. Donc, la suppression de la clause de conscience ne réglerait pas le problème de l’accès.

Par ailleurs, si on la supprimait, les médecins entreraient dans le droit commun de la déontologie. C’est-à-dire qu’ils n’auraient pas à orienter les femmes : un médecin qui refuserait de pratiquer un acte le ferait non pas à titre général mais à titre individuel. Il donnerait ainsi son avis sur l’acte dans le cadre de la relation médecin-malade, de l’échange individuel. Et il n’aurait pas d’obligation d’adresser la malade vers un autre professionnel, mais simplement de transférer le dossier lorsque la femme trouverait un praticien d’accord pour accomplir l’acte.

Aujourd’hui, les médecins qui activent la clause de conscience sont bien connus dans les hôpitaux. Cela évite que les femmes prennent rendez-vous avec eux pour une IVG, qu’elles se trouvent en consultation avec quelqu’un qui est contre l’IVG, qui peut leur faire perdre du temps en disant « je vais réfléchir, revenez dans une semaine », qui n’aurait aucune obligation de trouver un autre médecin si la classe spécifique était supprimée… Donc en réalité, je pense qu’on risque de rendre le parcours des femmes beaucoup plus erratique, beaucoup plus aléatoire en revenant sur la double clause.

C’est la raison pour laquelle je suis très opposée à la fin de la double clause de conscience, sauf si on arrive vraiment à me convaincre que les choses ne se passeront pas de la sorte. Mais quand je vois les réactions du président du Syngof, je pense que le risque est élevé et que la double clause de conscience protège les femmes. Je parle bien de la double clause de conscience, puisque la clause de conscience simple consiste juste en un droit, celui du médecin à refuser un acte. Cela n’a rien à voir parce que, je le répète, quand un médecin refuse, ce n’est jamais « en général ». C’est dans la relation médecin-malade, personnelle, qu’un médecin peut, à un moment, refuser de pratiquer un acte. Il n’affiche pas globalement un refus : il dit à chaque fois, dans le colloque singulier qu’il a avec son patient, qu’il manifeste ou non son accord. C’est très différent.

Je crains donc vraiment qu’en supprimant cette double clause de conscience, on fasse courir aux femmes le risque de prendre des rendez-vous sans savoir à qui elles ont affaire ; d’être mal orientées ; de perdre du temps par rapport aux délais – et on sait que plus le délai est tardif, plus cela est pénible. Je pense donc qu’on ne leur rendrait pas service. C’est mon opinion très profonde, parce que je suis une praticienne de la médecine : je sais comment on prend des rendez-vous en consultation, je sais qui répond au téléphone, je sais comment fonctionne Doctolib. En fait, je ne vois pas comment on va protéger les femmes si on supprime la double clause de conscience.

On peut se battre sur les principes : c’est très bien, c’est un combat politique ; mais mon objectif, c’est la sécurité des femmes et la simplicité de leur parcours.

S’agissant de votre deuxième question, je pense qu’on manque de données. La seule donnée dont nous disposons est très macroscopique : elle indique que le nombre d’IVG est totalement stable dans notre pays depuis dix ou quinze ans. Cela peut vouloir dire qu’il n’y a pas de difficultés d’accès ou qu’on n’est pas très bons sur la contraception qu’on n’a pas fait beaucoup de progrès. Cette donnée ne veut rien dire parce qu’elle est tellement macroscopique qu’on ne sait pas si cela tient au fait que les femmes ont moins recours à un moyen de contraception –, ou qu’elles voudraient y recourir plus mais qu’elles n’y ont pas accès.

La question de la durée a été posée, vous le savez, par un amendement parlementaire non anticipé et n’a pas été suffisamment instruite. La seule donnée en ma possession et qui permet de raisonner, c’est que lorsque la durée d’accès à l’IVG a été prolongée de dix à douze semaines de grossesse (c’est-à-dire de douze à quatorze semaines d’aménorrhée), cela n’a abouti, dans ce délai supplémentaire, qu’à 5 % des IVG réalisées. En réalité, la très grande majorité des IVG sont faites avant, et mon objectif est plutôt qu’on intervienne le plus tôt possible. Là aussi, c’est la praticienne qui parle.

Souvent ces 5 % de femmes qui font des IVG tardives sont des femmes qui n’y ont pas accès objectivement, parce que c’est compliqué – les études vont nous le dire –, ou qui hésitent. Les femmes hésiteront autant entre douze et quatorze semaines qu’entre dix et douze. Une partie des femmes qui aujourd’hui partent à l’étranger, ne le font pas forcément à cause des difficultés d’accès, mais plutôt en raison d’hésitations multiples, parce que c’est un acte difficile, compliqué, qu’elles ne sont pas toutes persuadées en permanence de leur capacité à affronter ce moment extrêmement douloureux, et qu’elles sont parfois ambivalentes par rapport à une grossesse.

Je dois dire que je ne disposais pas, au moment où l’amendement parlementaire a été discuté et quand la sénatrice a parlé du délai de douze à quatorze semaines, des données montrant qu’en réalité, nous sommes déjà à quatorze semaines d’aménorrhée, et ainsi totalement alignés avec l’Espagne, la Belgique, etc. En fait, nous sommes dans les délais internationaux. Les Pays-Bas pratiquent des délais excessivement tardifs parce qu’ils ne font pas la distinction entre une interruption pour raisons médicales et une IVG volontaire. C’est, à ma connaissance, l’un des rares pays à avoir des délais aussi longs. Je ne suis donc pas certaine qu’on ait en France des délais d’accès plus défavorables que dans les autres pays ; je suis même sûre du contraire. Nous sommes exactement dans la moyenne des autres pays européens.

Par ailleurs, quand on est passé de douze à quatorze semaines d’aménorrhée, c’est‑à‑dire de dix à douze semaines de grossesse, on a vu que très peu d’IVG avaient lieu dans ce délai supplémentaire. J’aimerais que nous disposions à ce propos d’un moyen de décryptage : cela tient-il à la difficulté d’accès ou à la difficulté de prendre une décision ? Dans ce dernier cas, on ne ferait que repousser, en sachant que plus on repousse, plus c’est douloureux pour les femmes.

J’aimerais enfin savoir – j’ai besoin d’en discuter avec des gynécologues – à partir de quel âge on peut détecter les premiers mouvements d’un bébé in utero. En effet, une IVG alors qu’un bébé a commencé à bouger, c’est extrêmement difficile à surmonter psychologiquement. Il faut que l’on prenne tout cela en compte avant de prendre une décision d’allongement de la durée. Je veux des données pour raisonner : je n’ai aucune doctrine sur le sujet, mais je trouve qu’il est complexe et mérite d’être appréhendé avec l’ensemble des éléments.

Mon objectif, à la suite des différents rapports et missions, est de faire en sorte que l’information soit très facile pour les femmes ; que l’offre soit très lisible ; qu’elle soit harmonisée dans l’ensemble du territoire ; qu’on ne fasse pas perdre du temps aux femmes et qu’elles puissent accéder à l’IVG le plus vite possible.

Enfin, vous m’interrogez sur les IVG médicamenteuses. En réalité, vous pointez du doigt le déficit de médecins. Aujourd’hui, on souffre d’un déficit de gynécologues et d’obstétriciens, notamment parce que le DES de gynécologie a été supprimé il y a quelques années : nous n’avons plus que des obstétriciens formés par l’internat. Le DES de gynécologie médicale vient d’être réintégré dans le cursus de l’internat ; on devrait avoir des gynécologues médicaux qui vont prendre en charge plus facilement les femmes, et les obstétriciens pourront se concentrer sur leur travail d’obstétricien ou de chirurgien et faire moins de gynécologie médicale. Ainsi, ce sont de nouveau les gynécologues médicaux qui prendront en charge les contraceptions. Là encore, on est dans une phase très difficile : les gynécologues médicaux sont partis à la retraite et on n’a quasiment plus que des obstétriciens qui manquent de temps et qui ne sont pas harmonieusement répartis dans le territoire.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Si la Délégation est particulièrement vigilante sur la question de l’interruption volontaire de grossesse, elle partage votre objectif, qui est bien celui de l’effectivité du droit des femmes. Nous souhaitons également sortir des postures des uns et des autres pour garantir cette effectivité du droit. Vous parliez de démographie médicale, notamment des difficultés que cela entraîne pour que les femmes aient le choix de la méthode, choix qui est bien inscrit dans la loi. Si effectivement le nombre d’IVG est stable, en revanche – et j’imagine que la mission d’information permettra de le dire –, la question est bien celle des méthodes utilisées. Compte tenu du déficit médical, seriez-vous favorable à ce que les sages-femmes puissent pratiques des IVG instrumentales ? Nous n’avons pas arrêté de position à ce sujet mais il me semble qu’il faut poser la question.

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Je pense que ce type de question doit être posé à la Haute autorité de santé. Ce n’est clairement pas au législateur de décider quel acte médical peut être fait quel professionnel, parce qu’il faudrait connaître très intimement les risques, les gestes de rattrapage s’il y a une perforation utérine, etc… Je ne suis pas suffisamment spécialiste pour me prononcer. Si l’on doit étendre le droit à l’IVG instrumentale, je pense qu’il faut poser la question aux spécialistes et des groupes de travail pourront se mettre en place à la Haute autorité de santé.

Depuis la loi de 2016, le droit d’effectuer des IVG instrumentales a été élargi aux centres de santé : des médecins généralistes peuvent donc pratiquer ces IVG. La Haute autorité de santé vient de publier ses recommandations, c’est-à-dire le cahier des charges à respecter pour pouvoir pratiquer ces IVG en centre de santé. Cela devrait en faciliter l’accès. Ce dispositif monte en puissance doucement, puisque la Haute autorité de santé n’a rendu son avis que le 17 août 2018. Je pense qu’il vaut mieux accompagner les centres de santé et les médecins pour développer cette offre. Concernant les sages-femmes, seuls les spécialistes peuvent dire si c’est faisable ou non, dangereux ou non. L’objectif reste tout de même aussi la sécurité des femmes.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je donne la parole à Sophie Auconie et à Guillaume Gouffier-Cha à propos de leur mission sur la fiscalité des pensions alimentaires.

M. Gouffier-Cha. Nous allons aborder, avec ma collègue Sophie Auconie, un autre sujet important qui trop longtemps est resté en dehors du débat public et qui, aujourd’hui, est central dans les débats, tant ce public rencontre des difficultés, des injustices et doit faire face à des inégalités ; c’est le sujet des familles monoparentales. On sait que 85 % d’entre elles ont à leur tête des femmes, dont une grande partie sont sous le seuil de pauvreté et sont touchées par des inégalités très fortes. Les études de l’Insee montrent que la séparation entraîne aujourd’hui une perte de pouvoir d’achat de 20 % pour les femmes, quand elle entraîne une hausse de 3 % du pouvoir d’achat pour les hommes.

Depuis deux ans, nous multiplions les travaux à travers les différents textes législatifs sur les familles monoparentales. Suite au Grand débat, suite également aux échanges que nous avions pu avoir sur le projet de loi justice, nous avons décidé de lancer une mission dont les conclusions seront présentées le 23 juillet prochain – sur le régime fiscal des pensions alimentaires, et tout particulièrement celui applicable à la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants. La première question concerne la garantie qui va être instaurée et que vous avez évoquée tout à l’heure : quels en seront le calendrier et le périmètre ? Je crois que vous disiez qu’elle jouerait dans les cas où un juge serait saisi ou quand il y aurait un impayé. Faudrait-il une action de la personne lésée ?

Lors de nos premières auditions, des experts nous ont signalé qu’il fallait faire attention aux effets de bord : le fait de réparer l’impayé pourrait entraîner, via les effets de seuil, la perte ou la baisse d’aides sociales pour les familles, pour la femme en situation de monoparentalité, et les exclure d’un certain nombre de dispositifs, au risque de les appauvrir. Avez-vous eu ces réflexions ? Comment limiter ou empêcher ces effets de bord ?

Deuxième question, plus générale : menez-vous des réflexions en vue d’améliorer le quotidien des familles monoparentales, via des dispositifs sociaux et fiscaux ?

Mme Sophie Auconie. Ma question porte sur cette actualité dramatique que sont les féminicides, plus précisément sur ce qui concerne votre ministère. Marie-Pierre Rixain et moi-même avons eu l’occasion de visiter à Bordeaux le centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA). Visiblement, il correspond aux attentes des victimes de violences sexuelles et sexistes et d’agressions en général. Grâce à l’action de ce centre, on enregistre neuf dépôts de plaintes sur dix cas à Bordeaux, contre un sur dix dans toute la France.

Ce centre se trouve dans l’hôpital. Une convention signée entre les ministères de la Santé, de la Justice et de l’Intérieur permet à un médecin de recueillir la parole et la preuve. Elle autorise aussi le CAUVA à stocker ces preuves et les paroles recueillies pendant trois ans, ce qui laisse à la victime le temps d’organiser l’éloignement de son conjoint sans le sensibiliser au fait qu’elle va porter plainte.

Aujourd’hui, parce que nous avons incité les femmes à parler, à aller dans les commissariats et à porter plainte, sans pour autant assurer leur protection, le nombre de féminicides a doublé par rapport aux années précédentes : quand les femmes rentrent chez elles et que le mari ou le compagnon est appelé au commissariat, les lendemains sont souvent dramatiques. Pour soixante-seize d’entre elles, les lendemains ont été dramatiques. Je pense qu’une meilleure organisation de l’accueil de ces victimes, permettrait d’en protéger quelques-unes… Pour moi, c’est une priorité. Qu’en pensez-vous ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. Je serai très attentive aux conclusions de la mission sur le régime des pensions alimentaires.

S’agissant de l’impact fiscal des pensions alimentaires, vous le savez, le débiteur les déduits de ses revenus et le créancier, c’est-à-dire la femme en général, doit les déclarer. Ce système est a priori justifié, parce que cela correspond à notre système fiscal, qui veut que les ressources d’un foyer soient imposées au niveau du foyer. À défaut, il y aurait inégalité de traitement entre les foyers. Par exemple une famille recomposée et une famille non recomposée, disposant du même niveau de ressources, pourraient avoir des niveaux d’imposition différents du fait du traitement dérogatoire des pensions alimentaires.

Certes, il nous faut résorber les inégalités de pouvoir d’achat, mais nous ne pensons pas que la piste fiscale soit la bonne car elle aurait trop d’effets de bord. Mais nous attendons évidemment les conclusions de la mission.

Nous avons travaillé à augmenter les revenus des familles monoparentales, notamment les plus en difficultés. C’est ce que j’ai proposé et que vous avez voté, dans le PLFSS 2018, puisque j’ai augmenté de 30 % l’allocation de soutien familial (ASF) et de 30 % le complément du mode de garde pour les familles monoparentales. Nous avons également mis en place l’équivalent d’un tiers payant pour l’aide à la garde d’enfants, ce qui évite aux familles d’avancer les frais et de manquer ainsi de trésorerie. Ces mesures financières d’accompagnement des familles monoparentales ont été la première action que j’ai menée en arrivant au ministère. Maintenant, j’attends le travail qui est en cours avec Marlène Schiappa et Christelle Dubos pour voir comment nous pourrions aider ces familles tout au long de leur trajectoire, notamment au moment de la séparation souvent très difficile à surmonter et qui entraîne un déclassement extrêmement brutal.

S’agissant du dispositif relatif à la garantie des pensions alimentaires, nous faisons tout pour que les CAF soient opérationnelles au 1er juin 2020. Nous avons prévu un dispositif simple, soit en cas d’impayés après un signalement à la CAF – le dossier partira alors immédiatement dans la structure – ; soit au moment du divorce, si la femme déclare craindre des impayés. Cela ne passera donc pas forcément par une saisine du juge, mais cela pourra prendre la forme d’une simple demande faite au moment du divorce, parce que l’on préjuge de difficultés à venir.

La question qui se pose, et qui se posera à l’avenir, c’est d’élargir ce dispositif à toutes les pensions alimentaires. Cela supposerait que les CAF disposent de moyens substantiels pour être en position d’intermédiaire pour la totalité des pensions alimentaires. Elles devront recruter et former du personnel. C’est la raison pour laquelle il nous faut attendre juin 2020.

Les effets de bord et les pertes d’aides sociales ont été plusieurs fois signalés. Normalement, la pension est prise en compte dans les ressources pour les aides au logement par exemple, mais tout dépend des aides. Cela pourra être revu dans le cadre de la réflexion et de la concertation sur le revenu universel d’activité. Il faudra notamment s’intéresser à l’assiette de calcul et voir comment promouvoir une redistribution évitant des différentiels de traitement entre les hommes et les femmes.

Vous m’interrogez aussi sur les violences faites aux femmes. Le CAUVA est un très bon dispositif. J’entends votre remarque sur le fait qu’on n’a pas protégé les femmes alors qu’on les a engagées à témoigner. Je pense que ce constat est très récent : on ne l’avait pas posé il y a six mois. Il faudra se reposer toutes ces questions dans le cadre du Grenelle qu’organise Marlène Schiappa avec qui nous travaillons. Il faudra notamment proposer des actions correctives à ce qui a été fait en matière de déclarations, du fait qu’on a libéré la parole des femmes. Ce que j’ai fait dans mon ministère, ne s’apparente pas exactement au CAUVA. Je m’étais engagée – lors de la réunion sur la lutte contre les violences faites aux femmes que le Président de la République a présidée à l’Élysée, en 2017 – à créer des centres d’accompagnement du psycho-traumatisme. J’ai travaillé sur les psycho-traumas post‑attentats, post-événements accidentels, mais également liés à des violences conjugales, psycho-traumas des enfants… J’ai totalement tenu la feuille de route qui m’était assignée fin 2017 : nous avons créé, à Lille, un centre de ressources national qui a été financé à la suite d’un appel à projets, avec une équipe médico-judiciaire qui met en place les bonnes pratiques de recueil de la parole, qui instruit les cas et qui prend en charge les femmes pour leur suivi psychologique post-traumatique. Nous avons en outre créé, suite également à un appel à projets, dix centres de psycho-traumatisme dont la mission est de créer des réseaux dans tous les hôpitaux, dans tous les services d’urgence, de travailler sur les bonnes pratiques et de les diffuser dans leur réseau. On ne pourra pas financer une structure de psycho‑traumatisme médico-judiciaire dans chacun des six cents services d’urgence de France aujourd’hui. En revanche, il est nécessaire que les médecins urgentistes soient formés à la fois au recueil de la parole, aux bonnes pratiques, à l’accompagnement, qu’ils connaissent les lieux d’orientation des femmes, les lieux d’hébergement, etc. Ces dix centres travaillent à la création d’un réseau régional et le centre de ressources nationales fournira le guide des bonnes. Tout ça se met en place : les dix centres ont été créés et financés pour une dizaine de millions d’euros à la fin de l’année 2018 ; on pourra en faire un premier bilan à la fin de l’année 2019.

Une mission conjointe de l’Inspection générale des services judiciaires, de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’administration a par ailleurs été lancée au début du mois de juin par ces trois ministères et celui de Marlène Schiappa pour régler la question de la procédure judiciaire de déclaration. Il nous a semblé qu’il n’appartenait pas au ministère de la Santé de réfléchir seul à la charge d’une déclaration pour la justice. Pour autant, comme cela se fait souvent à l’hôpital, la conclusion de cette triple mission va nous aider à proposer un schéma cible, qui sera repris lors du Grenelle qu’organise qu’organisera Marlène Schiappa en septembre.

Mme Fiona Lazaar. Je souhaitais également aborder la question des féminicides et plus particulièrement l’alerte lancée par un collectif de féministes la semaine dernière dans une tribune qui évoquait, à votre destination, l’idée de mener, à l’hôpital, un plan de détection systématique pour que les femmes victimes de violences au sein du couple soient mieux prises en charge. Vous venez d’apporter un certain nombre de réponses à cette question très précise et le Grenelle sera l’occasion d’avancer plus en détail. Je pense qu’il y a une prise de conscience générale et qu’il faut véritablement qu’on se mobilise tous pour lutter contre les féminicides.

Par ailleurs, les annonces qui ont été faites à l’issue du Grand débat sont très positives, très ambitieuses, et je crois qu’elles vont apporter véritablement des solutions concrètes pour les femmes qui aujourd’hui encore ont des difficultés à percevoir les pensions alimentaires. J’étais présente la semaine dernière dans la CAF de ma circonscription pour évoquer ce sujet ainsi que cette grande avancée qu’est la prime d’activité. J’ai compris à cette occasion que toutes les antennes CAF ne disposaient pas de personnes formées spécifiquement à l’accueil des familles monoparentales et aux dispositifs à leur attention. Une formation sera-t-elle dispensée aux agents ? Un dispositif sera-t-il déployé dans les maisons France services annoncées par le Président de la République ?

M. Gaël Le Bohec. Le 19 mars dernier, un article paru dans Le Nouvel Observateur a mis en lumière la situation inquiétante des femmes en prison qui ont recours à des moyens de fortune, parfois au péril de leur santé, pour pallier l’accès restreint aux protections hygiéniques, souvent trop onéreuses ou de mauvaise qualité. Certes, depuis 1985, la direction de l’administration pénitentiaire a mis en place pour les personnes arrivant en détention un kit comprenant des produits d’hygiène, dont des serviettes hygiéniques pour les femmes. Cependant, l’enquête du magazine a montré que les modalités d’accès à ces protections hygiéniques sont extrêmement variables d’un établissement à un autre. Par exemple, la prison des femmes de Rennes, dans mon département, et la maison d’arrêt de Lille-Seclin revendent les produits d’hygiène au prix d’achat tandis que la maison d’arrêt de Nice pratique des prix 30 à 60 % plus élevés, invoquant des coûts de livraison ou des frais de gestion.

Je rappelle que la France a déjà été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme et par la justice française pour atteinte à la dignité humaine. En matière de protection hygiénique, cette exigence de dignité représente un coût infime pour les pouvoirs publics. En effet, au 1er janvier 2016, d’après le ministère de la Justice, les femmes représentaient 3,5 % des détenus, soit une population de 3 000 femmes. Le coût annuel de ces protections est donc estimé, au total, autour de 200 000 euros. La direction de l’administration pénitentiaire doit prochainement rendre le rapport du groupe de travail qui s’interroge, depuis en mai dernier, sur la pertinence du choix et de la liste des produits des produits de « cantine » pour l’ensemble des femmes détenues.

Si le sujet concerne au premier chef le ministère de la Justice, il semble nécessaire que les services de votre ministère apportent aussi leur expertise, notamment pour promouvoir plusieurs pistes de travail, telles que l’ajout de coupes menstruelles à la liste des produits en milieux pénitentiaires ou la mise à disposition gratuite de serviettes et de tampons hygiéniques bios. Les protections hygiéniques en milieu pénitentiaire ne sont pas du luxe : c’est une question de dignité. Albert Camus disait qu’» une société se juge à l’état de ses prisons ». Allez-vous vous engager pour assurer aux femmes détenues la dignité à laquelle elles ont droit ? Un tel engagement grandirait notre pays.

Mme Nicole Le Peih. En mars 2018, le Sénat a examiné la proposition de loi pour une revalorisation à 85 % du smic des retraites agricoles, de nos collègues André Chassaigne et Huguette Bello, qui avait été votée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale en 2017. Le Gouvernement a demandé au Sénat un vote bloqué. Lors de la discussion générale, vous aviez déclaré que « le Gouvernement ne refuse pas de prendre en compte la situation particulière des retraités agricoles, mais il considère que les conditions qui le permettraient ne sont pas réunies et que légiférer aujourd’hui serait prématuré. Il s’agit d’examiner ce coup de pouce dans la réforme globale des retraites qui doit être finalisée à l’été 2019. » Vous connaissez pourtant la situation de certaines femmes agricultrices ou conjointes d’exploitants qui, faute d’avoir bénéficié d’un statut protecteur, perçoivent des revenus dérisoires à la retraite et dépendent parfois totalement des revenus de leur mari.

Avec ma collègue Jacqueline Dubois, nous souhaitons que la situation financière parfois dramatique de ces femmes soit enfin prise en compte. Nous avons rencontré M. Jean‑Paul Delevoye, qui a fait preuve d’une grande écoute, tout en soulignant la difficulté à traiter, dans la future réforme de la situation des femmes déjà en retraite. Il serait toutefois difficilement compréhensible que nous ne tenions pas nos engagements. Je rappelle que sont concernées des femmes déjà en retraite ou en fin de vie professionnelle, tandis que les jeunes générations d’agricultrices exercent sous des statuts protecteurs – c’est mon cas, puisque je détiens à moitié avec mon mari une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) –, même si nous devons continuer à faire de la pédagogie pour qu’elles s’associent le plus possible à parts égales.

Confirmez-vous que la future réforme ne permettra pas d’apporter une réponse à ces femmes ? Quels pourraient être dès lors les leviers d’action afin de garantir à ces femmes un revenu décent pour leur retraite ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé. À propos des violences faites aux femmes, nous avons, dans le cadre de la loi Santé, beaucoup discuté avec les députés et sénateurs de ce qui devait figurer dans l’enseignement des professionnels de santé, notamment des médecins. Un grand nombre d’amendements visaient à rendre tel ou tel sujet prioritaire dans cet enseignement. Plutôt que d’inscrire dans la loi la totalité de sujets comme la formation au handicap, à la vulnérabilité, à la violence faite aux enfants, à la violence faite aux femmes, à l’endométriose, etc., au risque d’en oublier certains, nous avons pris l’engagement, avec Frédérique Vidal, d’écrire aux doyens de médecine en dressant la liste des demandes des parlementaires. Et comme je l’ai indiqué, les violences faites aux femmes font partie de cette liste.

Plusieurs dispositifs visent l’accueil des familles monoparentales. L’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (ARIPA) sera installée dans quelques CAF – il n’est évidemment pas possible de le faire dans toutes –, afin de professionnaliser les équipes, le recouvrement des pensions alimentaires, en particulier, étant un dispositif très complexe.

Les agents des CAF sont formés pour accompagner les parents en cas de séparation et un parcours spécifique est expérimenté dans certaines caisses. Les travailleurs sociaux des CAF sont en train de se spécialiser sur la question de la séparation. Nous avions bien pointé du doigt, avec Christelle Dubos, que la séparation est un moment crucial devant lequel il faut mieux accompagner les femmes, leur donner plus d’informations sur leurs droits et veiller à ce qu’elles ne « décrochent » pas.

Nicole Belloubet et Christelle Dubos ont travaillé sur le droit des femmes en prison et annoncé, le 2 juillet, une feuille de route sur trois ans, qui vise à améliorer la santé des personnes placées sous main de justice, notamment des femmes, et fixe différentes priorités. Des groupes de travail existent et la question de l’accès aux protections hygiéniques peut être traitée dans le cadre de cette feuille de route sur la santé et l’accès aux soins. Je leur ferai part de votre remarque très justifiée.

S’agissant des retraites agricoles, une première étape a été franchie pour le droit des femmes agricultrices avec le congé de maternité puisqu’un décret a été publié le mois dernier à ce sujet. Le travail doit se poursuivre, avec Jean-Paul Delevoye, dans le cadre de la réforme des retraites, sur les droits des femmes qui prendront leur retraite. Vous avez raison, celles qui sont déjà pensionnées ne seront logiquement pas concernées. Nous avons observé – et nous en avons beaucoup discuté avec les organisations syndicales d’agriculteurs – que très peu d’agriculteurs ont recours à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Il y a une méconnaissance du fait que l’outil professionnel est préservé lors de la reprise sur succession et beaucoup ont peur de perdre leur outil. Or avec l’ASPA, il est clairement spécifié que l’agriculteur ou l’agricultrice peut transmettre l’outil agricole aux générations futures. En réalité, le minimum vieillesse est clairement accessible à ces femmes. Une des voies pour résoudre ces difficultés est donc l’information.

Enfin, je rappelle que dans le cadre de la réforme des retraites, nous nous organisons pour qu’un minimum contributif, à hauteur de 85 % du SMIC, soit accessible à tout le monde : c’était la promesse du Président de la République.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Merci Mme la ministre pour l’ensemble de vos réponses à la fois très franches et très précises, qui nous permettent également d’avoir une vision sur l’ensemble des chantiers qui sont les vôtres.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu’à l’occasion des 20 ans de la Délégation, deux podcasts seront enregistrés ce vendredi à l’Assemblée nationale. À 17 heures, nous accueillerons Lauren Bastide pour La Poudre et, à 19 heures, Siham Jibril pour Génération XX.

 


—  1  —

   ANNEXE 4 : Haute Autorité de santé, synthèse de la recommandation de bonne pratique pour la prise en charge de l’endométriose – démarche diagnostique et traitement médical, décembre 2017

 

 

 


([1]) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.

([2]) Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, « Du sang et des femmes. Histoire médicale de la menstruation à la Belle Époque », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 14/2001, mis en ligne le 3 juillet 2006.

([3]) Ibid.

([4]) Audition de la plateforme Cyclique par vos Rapporteures, 27 juin 2019.

([5]) Sur ce sujet, voir notamment le rapport d’information n° 1986 de Mmes Marie‑Noëlle Battistel et Sophie Panonacle, 4 juin 2019.

([6]) Audition de l’association Care France par vos Rapporteures, 27 juin 2019.

([7]) Audition commune d’Unicef France et d’Equipop par vos Rapporteures, 17 septembre 2019.

([8]) Ibid.

([9]) Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères – consulter le document de la Stratégie.

([10]) Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères – consulter le document de la Stratégie.

([11]) Les dysménorrhées sont des troubles du cycle menstruel, se traduisant la plupart du temps par des douleurs abdomino-pelviennes cycliques, rythmées par les règles. Elles peuvent apparaître dès le début de la vie génitale (dysménorrhées primaires) ou plus tard (dysménorrhées secondaires).

([12]) Enquête réalisée par la société Opinion Way, à la demande de l’Anses, du 26 juin au 4 juillet 2017 auprès d’un échantillon de 1 065 femmes réglées et âgées de 13 à 50 ans représentatif de la population féminine française.

([13]) Agence nationale de sécurité sanitaire, Sécurité des produits de protection intime, avis de l’Anses, rapport d’expertise collective, juin 2018.

([14]) Audition de l’association Les Glorieuises par vos Rapporteures, 3 juillet 2019.

([15]) Audition de la start-up Fempo par vos Rapporteures, 27 juin 2019.

([16]) Audition du 10 juillet 2019 et déplacement du 7 novembre 2019.

([17]) Audition de la CNIL par vos Rapporteures, 18 septembre 2019.

([18]) Audition du Planning familial par vos Rapporteures, 10 juillet 2019.

([19]) Rapport n° 2016-06-13-SAN-021 relatif à l’éducation à la sexualité – Répondre aux attentes des jeunes, construire l’égalité femmes-hommes, Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 13 juin 2016.

([20]) En 2010, l’âge médian au premier rapport sexuel, c’est-à-dire l’âge auquel la moitié des adolescent-e-s a déjà eu une relation sexuelle, est de 17,4 ans pour les garçons et de 17,6 ans pour les filles chez les 18‑24 ans, selon l’enquête le baromètre Santé de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes).

([21]) Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

([22]) Circulaire n° 2003-027 du 17 février 2003 relative à l’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées.

([23]) Article L. 312-16 du code de l’éducation.

([24]) Convention interministérielle du 7 février 2013 pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif 2013-2018.

([25]) Article 19 de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

([26]) Enquête réalisée par la société Opinion Way, du 26 juin au 4 juillet 2017, à la demande de l’Anses.

([27]) À ce sujet, voir la 3e partie du présente rapport sur le coût des protections menstruelles.

([28]) La coupe menstruelle est un petit récipient en plastique (le plus souvent en silicone médical) en forme d’entonnoir fermé qui se place manuellement à l’intérieur du vagin pour recueillir le sang des menstruations ; elle doit être régulièrement vidée, lavée et stérilisée avant d’être réutilisée.

([29])  Global Organic Textile Standards. Label qui certifie l’origine biologique des fibres textiles et garantit que les méthodes d’agriculture éthique s’améliorent continuellement pour aider à assurer un avenir meilleur pour les agriculteurs et leurs communautés ainsi que pour l’environnement.

([30])  https://www.pantheonsorbonne.fr/lesorbonnaute/article/article/le-combat-de-melanie-doerflinger- [URL consultée le 11 décembre 2019].

([31]) Ibid.

([32]) 60 millions de Consommateurs, n° 513 de mars 2016. On se reportera notamment à l’éditorial intitulé « Les femmes ont le droit de savoir ».

([33]) Ibid.

([34])  60 millions de Consommateurs, n° 546, mars 2019.

([35]) La saisine a été effectuée par ces deux directions dans la mesure où les protections hygiéniques ne sont pas considérées comme des produits de santé en droit français et relèvent donc des normes générales fixées notamment par la directive sur la sécurité générale des produits (CE) n° 2001/95/CE.

([36]) Audition de l’Anses par la Délégation le 12 juin 2019 – voir la vidéo de l’audition.

([37]) Notamment l’Union fédérale des consommateurs.

([38]) Procter & Gamble, Johnson & Johnson, SCA hygiene product, Claripharm, fédération des entreprises du commerce et de la distribution, syndicat national de l’industrie des technologies médicales, groupement français des fabricants de produits à usage unique pour l’hygiène, la santé et l’essuyage ou Group’Hygiene, fédération professionnelle EDANA.

([39]) Institut national de la consommation et Centre national de référence des staphylocoques.

([40]) Avis de l’Anses du 4 juin 2018, saisine n° 2016-SA-0108

([41])  https://www.anses.fr/fr/content/coupes-menstruelles-et-tampons-l%E2%80%99anses-publie-les-r%C3%A9sultats-de-son-%C3%A9valuation-compl%C3%A9mentaire

 

([42]) Réponses transmises à vos Rapporteures par le groupe Procter & Gamble concernant notamment les produits des marques Always et Tampax.

([43])  https://www.lemonde.fr/sante/article/2016/10/21/les-medecins-inquiets-d-un-retour-du-choc-toxique-lie-aux-regles_5017961_1651302.html

 

([44]) Situation relatée dans la presse - https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/choc-toxique-une-adolescente-belge-decede-a-cause-d-un-tampon-hygienique_3785775.html [URL consultée le 6 février 2020].

([45]) Audition du Dr Gérard Lina par vos Rapporteures, 18 septembre 2019.

([46]) https://www.chu-lyon.fr/fr/choc-toxique-enquete-sur-lusage-des-tampons-periodiques [URL consultée le 12 décembre 2019].

([47])  Audition du Professeur Gérard Lina par vos Rapporteures, 18 septembre 2019.

([48]https://www.tampax.fr/fr-fr/tout-savoir/conseils-sur-les-regles/combien-de-temps-peut-on-garder-un-tampon [URL consultée le 12 décembre 2019].

([49]) http://sante.lefigaro.fr/article/choc-toxique-pas-de-tampons-plus-a-risques-que-d-autres/ [URL consultée le 12 décembre 2019].

([50]) Santé publique France, Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 23 janvier 2018.

([51]) Audition du groupe Procter & Gamble par vos Rapporteures, 17 septembre 2019.

([52]) Données issues du média consoGlobe [URL consultée le 29 novembre 2019].

([53]) Focus Ined, « L’âge aux premières règles », août 2014 [URL consultée le 3 décembre 2019].

([54]) Inserm, dossier d’information sur la ménopause, octobre 2017 [URL consultée le 3 décembre 2019].

([55]) Collège national des gynécologues et obstétriciens français [URL consultée le 3 décembre 2019].

([56]) Audition de Règles élémentaires par vos Rapporteures, 27 juin 2019.

([57]) Insee, population totale par sexe et par âge au 1er janvier 2019.

([58]) Échantillon de 1 503 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus

([59]) Échantillon de 701 personnes bénéficiaires d’associations caritatives du réseau Dons Solidaires (Épiceries sociales, centres d’hébergement et d’accueil de jour, associations d’aide aux personnes en grande difficulté).

([60]) Échantillon de 1 503 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus

([61]) Échantillon de 701 personnes bénéficiaires d’associations caritatives du réseau Dons Solidaires (Épiceries sociales, centres d’hébergement et d’accueil de jour, associations d’aide aux personnes en grande difficulté).

([62])  Association Dons Solidaires, étude « Hygiène et précarité en France », mars 2019.

([63]) F. Yaouancq, A. Lebrère, M. Marpsat, V. Régnier (Insee), S. Legleye, M. Quaglia (Ined), « L’hébergement des sans-domicile en 2012 », Insee Première n° 1455, juillet 2013.

([64]) Il s’agit soit d’établissements accueillant exclusivement des femmes, soit d’établissements avec un quartier séparé dédié aux femmes.

([65]) Le GAP est un groupement d’associations du Nord-Pas-de-Calais du secteur social et médico-social, œuvrant pour la protection de l’Enfance et de l’Adolescence en difficulté.

([66]) Étude par Opinion Way pour Essity, réalisée auprès de 1 000 parents d’enfants âgés de 10 à 14 ans, novembre 2017.

([67]) Etude Harris Interactive pour Harpic, réalisée auprès de 602 enfants et 400 parents, novembre 2019.

([68]) Audition par vos Rapporteures du Conseil de l’Ordre des médecins, 11 juillet 2019.

([69]) Depuis 2017, la maquette du DES de médecine générale comprend un stage obligatoire en santé de la femme, à réaliser en ville ou à l’hôpital.

([70])  Audition par vos Rapporteures du Collège de médecine générale, 11 juillet 2019.

([71]) Audition par vos Rapporteures de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale, 11 juillet 2019.

([72]) Cour des comptes, L’Ordre des médecins, rapport public thématique, décembre 2019.

([73]) Audition par vos Rapporteures du Collège national des gynécologues et obstétriciens Français (CNGOF) et du Conseil national professionnel de gynécologie et obstétrique (CNPGO), 11 juillet 2019.

([74]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([75]) Article L. 4151-1 du code de la santé publique.

([76]) Audition par vos Rapporteures du Collège national des sages-femmes de France, 11 juillet 2019.

([77])  https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/endometriose/traitement [URL consultée le 18 décembre 2019].

([78])  https://www.femmeactuelle.fr/sante/sante-pratique/endometriose-temoignage-1998358 [URL consultée le 18 décembre 2019]

([79]) « Des barbelés dans mon corps », Virginie Durant, éditions du Rocher, décembre 2018

([80])  https://www.endomind.org/creation-du-1er-annuaire-dedie-a-lendometriose [URL consultée le 18 décembre 2019].

([81])  https://www.endomind.org/endometriose/#praticien [URL consultée le 18 décembre 2019].

([82])  https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/endometriose [URL consultée le 18 décembre 2019]

([83]) Voir la synthèse de la recommandation en annexe du présent rapport.