N° 2702

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 février 2020

RAPPORT DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR le comitÉ dÉvaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur l’évaluation de la médiation entre les usagers et ladministration

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Sandrine Mörch et M. Pierre Morel-À-LHuissier

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : LA MÉDIATION, VITRINE AVENANTE DADMINISTRATIONS SOUMISES À DES INJONCTIONS CONTRADICTOIRES

I. LA MÉDIATION, LE SERVICE QUALITÉ DE LADMINISTRATION

A. UN BESOIN COMMUN DEXPERTISE MAIS DES ORGANISATIONS DIFFÉRENTES

1. Un besoin commun dexpertise

a. Les médiateurs se multiplient

b. Tous sont des experts

2. Mais des organisations différentes

a. Le modèle centralisé remis en question par la loi ESSOC

b. Des spécificités persistantes

B. UNE ACTIVITÉ COMPARABLE AU RETENTISSEMENT DIFFÉRENT

1. Des tâches identiques toutes en augmentation

a. Le traitement des réclamations individuelles

b. Le résultat des interventions des médiateurs

c. La rédaction dun rapport annuel

2. Une visibilité à géométrie variable

a. Un positionnement hiérarchique à un niveau élevé

b. Un rapport dactivité inégalement diffusé

3. La prise en charge de la non-réponse dans les rapports des médiateurs institutionnels

a. Pôle emploi

b. LÉducation nationale et lenseignement supérieur

c. La Mutualité sociale agricole

d. La branche famille

e. La branche vieillesse

II. LA MÉDIATION, LA PARTIE ÉMERGÉE DES SERVICES DE RÉCLAMATIONS INÉGALEMENT ARMÉS ET DE PLUS EN PLUS SOLLICITÉS

A. DES SERVICES QUI PEINENT À SORGANISER ET À LACTIVITÉ ENCORE INSUFFISAMMENT SUIVIE

1. Des réponses de qualité très inégale au questionnaire des rapporteurs sur les réclamations

2. Néanmoins, sen dégagent quelques conclusions provisoires

a. Les systèmes apparemment les plus performants allient une prise en charge locale et un suivi national

b. La lucidité du médiateur et la clarté de son message sont des atouts

c. Des précautions à prendre

B. LES RÉCLAMATIONS, SYMPTÔME DU MALAISE DES ADMINISTRATIONS SOUMISES À DES INJONCTIONS CONTRADICTOIRES

1. Les conventions dobjectifs et de gestion engagent à faire toujours plus avec moins

a. Pôle emploi

b. Dans les organismes de sécurité sociale

2. La simplification, omniprésente dans les discours, et toujours repoussée

a. Pôle emploi

b. Dans les branches de la sécurité sociale

3. Lusager est devenu la variable dajustement

a. Les limites de lautomatisation

b. Des mesures restrictives à son égard

c. Lusager, supplétif de ladministration

III. LA MÉDIATION, UN OUTIL DE COMMUNICATION

A. DES ADMINISTRATIONS SOUCIEUSES DE LEUR IMAGE

B. MAIS UN SERVICE CONTRAINT PAR SA CAPACITÉ DE TRAITEMENT

DEUXIÈME PARTIE : LA MÉDIATION, PRÉALABLE OU PARTENAIRE DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE ?

I. LÉVOLUTION RÉCENTE DE LA MÉDIATION ADMINISTRATIVE

A. LES ÉVOLUTIONS INTRODUITES PAR LA LOI DU 18 NOVEMBRE 2016 DE MODERNISATION DE LA JUSTICE DU XXIE SIÈCLE

1. Le contexte et les dispositions du projet de loi

2. Lévolution du texte en cours de discussion parlementaire sur la médiation administrative

B. LA MÉDIATION EN DROIT ADMINISTRATIF

1. Les recours en droit administratif

2. Le code de justice administrative consacre désormais un chapitre à la médiation

3. Les médiateurs, clef de voûte du dispositif

II. LEXPÉRIMENTATION DE LA MÉDIATION PRÉALABLE OBLIGATOIRE

A. LA MISE EN ŒUVRE DE LEXPÉRIMENTATION DE MÉDIATION PRÉALABLE OBLIGATOIRE

B. UNE PROCÉDURE QUI SUSCITE LE DÉBAT

1. Quel est lobjectif de la médiation préalable obligatoire ?

2. Une médiation peut-elle être obligatoire ?

3. Une course dobstacles pour les requérants ?

4. Quels médiateurs pour la MPO ?

5. Quelles conséquences du préalable obligatoire sur la médiation ?

C. LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DE LEXPÉRIMENTATION DE LA MPO

1. Les données transmises par le Conseil dÉtat

2. Le point de vue du Défenseur des droits, des caisses dallocations familiales et des départements

a. Éléments statistiques

b. Éléments qualitatifs

c. Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de lexpérimentation

d. Les points positifs de la procédure

e. Les observations des conseils départementaux

f. Les observations des caisses dallocations familiales

3. Le point de vue de la médiation de Pôle emploi

4. La MPO : plus davantages que dinconvénients ?

5. Une nécessaire évaluation multicritères qui doit prendre en compte le point de vue des usagers

TROISIÈME PARTIE : POUR UNE MÉDIATION AU SERVICE DES USAGERS

I. UNE MÉDIATION PLUS ACCESSIBLE

A. AMÉLIORER LA VISIBILITÉ DES MÉDIATEURS

1. Mieux faire connaître la médiation

a. Les actions à mener au sein des administrations

b. Sappuyer sur lexistant : les délégués du Défenseur des droits, les maisons France services et les mairies

2. Maintenir laccès multicanal

B. MIEUX DÉFINIR LE RÔLE ET LE POSITIONNEMENT DE LA MÉDIATION DANS LE PARCOURS DES USAGERS

1. Plusieurs processus sous une même dénomination créent la confusion

2. Un positionnement de la médiation institutionnelle qui fait débat

3. À défaut de remettre en cause une dénomination utilisée dans de nombreux textes, former les médiateurs à leur mission et mieux asseoir leur indépendance

II. UNE MÉDIATION PLUS LISIBLE

A. CLARIFIER LE RÔLE DES DIFFÉRENTS MÉDIATEURS ET LEURS RELATIONS AVEC LES ADMINISTRATIONS

1. Un paysage de la médiation institutionnelle qui se densifie

a. Des vagues successives de médiateurs

b. La famille sagrandit avec la consécration de la médiation territoriale

2. Mieux organiser lintervention des différents médiateurs : le Défenseur des droits, coordonnateur légitime des médiateurs institutionnels

B. POUR UN PROCESSUS PLUS EFFICACE

1. Harmoniser les processus de médiation et mettre fin à limbroglio des délais de recours contentieux

2. Fluidifier les échanges avec les administrations

III. UNE MÉDIATION DE CONFIANCE

A. CONSACRER LINDÉPENDANCE DES MÉDIATEURS INSTITUTIONNELS

1. Renforcer la position du médiateur au sein de son institution

2. Conforter la position des médiateurs vis-à-vis des usagers

B. AMÉLIORER LUTILITÉ COLLECTIVE DE LA MÉDIATION

1. Une harmonisation des règles de publicité du rapport annuel

2. Une centralisation des travaux par le Défenseur des droits

CONCLUSION

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE  1 : GLOSSAIRE

ANNEXE  2 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

ANNEXE  3 : TABLEAUX COMPARATIFS

I. LA MÉDIATION DANS LES CODES, LOIS ET RÈGLEMENTS

II. LA MÉDIATION DANS LES CHARTES

CONTRIBUTION DE FRANCE STRATÉGIE


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   SYNTHÈSE



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   PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Proposition 1 : mieux accompagner les usagers en amont de la médiation :

– améliorer la lisibilité des décisions administratives pour limiter le besoin de médiations pédagogiques ;

– mieux communiquer en amont sur les conséquences des réformes ;

– améliorer la prise en charge des réclamations notamment en formant davantage les agents au contact des usagers et en conservant un accueil physique au guichet, et prévoir un pilotage centralisé là où il fait encore défaut, afin de mieux identifier les dysfonctionnements.

Proposition 2 : mettre en œuvre une évaluation rigoureuse de la médiation préalable obligatoire (MPO) prenant en compte lappréciation des usagers avant une éventuelle généralisation.

Proposition 3 : rendre la médiation plus accessible :

– mieux identifier les médiateurs (sur les sites des services publics et sur les réponses des administrations aux réclamations des usagers) ;

– faciliter l’accès multicanal aux médiateurs ;

– donner les moyens au Défenseur des droits d’assurer des permanences dans toutes les maisons France services.

Proposition 4 : rendre la médiation plus lisible :

– consacrer le Défenseur des droits comme coordonnateur de la médiation institutionnelle ;

– généraliser l’interruption des délais de recours contentieux lors de la saisine d’un médiateur institutionnel ;

– rappeler aux administrations la nécessité de répondre aux médiateurs et de les informer des décisions prises.

 

Proposition 5 : renforcer la confiance en la médiation :

– garantir l’indépendance des médiateurs (mandat de plus de trois ans, non renouvelable et irrévocable après avis du Défenseur des droits, agrément des médiateurs locaux par les médiateurs nationaux) ;

– mieux faire connaître les garanties apportées par la médiation en les indiquant sur les sites des médiateurs.

Proposition 6 : améliorer lutilité collective de la médiation :

– rendre obligatoire la publication d’un rapport annuel par les médiateurs nationaux comprenant une évaluation des médiations locales ;

– confier au Défenseur des droits un rapport portant sur l’activité des médiateurs sectoriels, leurs recommandations et leur suivi.

 


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   INTRODUCTION

Lors de sa réunion du 24 octobre 2018, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a inscrit à son programme de travail l’évaluation de la défense des droits des usagers par les dispositifs de médiation administrative, à l’initiative du groupe La République en Marche, et a désigné Mme Sandrine Mörch (LaREM) et M. Pierre MorelÀLHuissier (UDIAGIR) comme rapporteurs.

Le président de l’Assemblée nationale, M. Richard Ferrand, a sollicité auprès du Premier ministre, dans une lettre du 31 octobre, lassistance de France Stratégie, sur les fondements de larticle 3 du décret n° 2013333 portant création du Commissariat général à la stratégie et à la prospective. Le Premier ministre a donné son accord le 29 novembre. France Stratégie a présenté ses conclusions devant le Comité le 2 juillet 2019. Il s’agissait donc d’une première et les rapporteurs remercient M. Gilles de Margerie, M. Daniel Agacinski et Mme Louise Cadin, d’avoir relevé le défi de remettre un rapport, étayé par une enquête de terrain confiée à une équipe de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), sous la supervision de Mme Liora Israël, dans des délais sensiblement plus courts que ceux habituellement consentis à des chercheurs, d’autant que le sujet était vaste et relativement peu exploré.

Les rapporteurs ont ensuite organisé une série de tables rondes pour recueillir les réactions aux propositions de France Stratégie et se sont déplacés à la Caisse d’allocations familiales (CAF) des Yvelines. Ils tiennent à remercier tous ceux qui ont contribué à éclairer leur point de vue sur un sujet qui concerne la quasi‑totalité des habitants de ce pays.

La puissance de l’administration repose en France sur une longue tradition selon laquelle le pays a été forgé par le pouvoir et la volonté de ses souverains, d’une part. D’autre part, aux yeux de bon nombre de ses citoyens, l’État est le garant de leur émancipation, et doit, par son intervention, amortir les aléas – plus nombreux et plus brutaux depuis 2007‑2008 – de leur vie personnelle. Au fil des années marquées par une succession de crises économiques, cette confiance s’est effilochée, voire effondrée. Le fossé s’est creusé entre la population et ceux qui l’administrent, qu’elle soupçonne de rester indifférents aux difficultés qu’elle traverse. Plus grave encore, les administrations au sens large sont accusées de compliquer l’existence de ceux qu’elles sont censées aider, voire de les placer dans des situations inextricables. Faut‑il voir, dans ce ressentiment de plus en plus répandu en dehors du cœur des métropoles, l’une des causes de la frustration et du désespoir qui se transforment tantôt en révolte, tantôt en déprise qui prend la forme du silence et de l’abstention ?

Les réglementations, conçues pour s’adapter le plus rapidement possible à des situations et des parcours de vie professionnels et personnels plus chaotiques qu’il y a une trentaine d’années, sont de plus en plus complexes. Pour les mettre en œuvre, les services publics, pris en étau entre les contraintes budgétaires et l’augmentation du nombre de bénéficiaires de prestations, ont répondu par une dématérialisation toujours plus poussée des procédures… qui a laissé bien des usagers sur le bord de la route.

Mais tout n’est pas si simple : nombre de nos concitoyens, mieux informés, n’acceptent plus qu’on leur signifie des décisions qu’ils ne comprennent pas. De l’autre côté du guichet – lorsqu’il existe encore – les agents du service public, doutant souvent de la qualité et de leurs méthodes de travail au vu de leurs conséquences tangibles, sont l’objet d’une agressivité croissante d’usagers exaspérés et, malgré leur bonne volonté, n’ont ni le pouvoir ni la mission de changer des règles parfois ubuesques, qu’on leur demande d’appliquer.

Face à ces souffrances, la personne du médiateur fait alors figure de deus ex machina. Il est celui qui, plus ou moins miraculeusement, établira le contact entre le citoyen démuni et l’implacable machine administrative, qui apaisera les tensions en imaginant des solutions à même de rapprocher des positions au départ antagonistes. De fait, depuis l’apparition, en 1973, du Médiateur de la République devenu Défenseur des droits en 2011, les médiateurs se sont multipliés et leurs domaines d’intervention étendus à tout le champ social : médiation civile et familiale, économique, administrative et, bientôt, territoriale. Un tel succès n’a pas manqué d’intriguer les rapporteurs d’autant que le phénomène, auquel l’Union européenne a largement contribué, est passé relativement inaperçu : de quoi l’essor de la médiation est‑il le signe ?

Le développement de la médiation et des médiateurs institutionnels suscite bien des questions quant à leur rôle et leur posture. Le mot « médiation » recouvre tout un panel de significations différentes. Si on l’entend de manière générale comme une forme de service aux citoyens, clients et usagers fondé sur l’écoute et le règlement amiable de différends, la prestation s’étend de la transmission d’informations, assortie ou non d’une proposition de réponse, à la mise en relation par un tiers objectif, neutre et dépourvu de tout pouvoir.

De plus, depuis les années 1980, cette fonction hétéroclite s’exerce dans un large panel de domaines qui ne cesse de s’étendre : la famille, l’école, les conflits de voisinage, les conflits intra-professionnels, le domaine médical, environnemental, national ou international. La nature même du terme « médiation » ne fait pas consensus et se superpose souvent à celle de « conciliation ». Conduite sous l’égide d’une institution, la médiation doit être évaluée avec force et précision pour ne pas être perçue comme une métamorphose du pouvoir, mais bien comme au service de l’usager.

Sur la base de leurs investigations centrées sur la sphère administrative, les rapporteurs ont constaté que, souvent, la médiation est une vitrine avenante qui masque les dysfonctionnements de services publics déroutés et perturbés par des injonctions contradictoires : offrir une réponse « sur mesure » dans le cadre d’un processus industriel, simplifier tout en collant au plus près aux changements de situation, mais sans que personne n’y perde, et faire de gros efforts de productivité.

En phase précontentieuse, la médiation est désormais conviée parmi les acteurs de la justice pour améliorer l’accès au droit, promouvoir une justice plus durable… et remédier aux conséquences de la judiciarisation croissante de notre société.

À partir de leurs observations, les rapporteurs formulent des propositions pour rendre la médiation plus accessible, plus lisible et conforter la confiance des citoyens dans ce processus ; mais aussi et surtout, ils demandent un meilleur accompagnement des usagers en amont de la médiation, bref, un retour de l’humain pour recréer du lien dans une société fracturée.


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   PREMIÈRE PARTIE : LA MÉDIATION, VITRINE AVENANTE DADMINISTRATIONS SOUMISES À DES INJONCTIONS CONTRADICTOIRES

I.   LA MÉDIATION, LE SERVICE QUALITÉ DE LADMINISTRATION

Le paysage administratif s’est peuplé peu à peu de médiateurs, à l’initiative des administrations elles‑mêmes, parce qu’elles en ressentaient le besoin. La médiation qui, dans tous les cas, mobilise une expertise incontestable, est devenue, selon des schémas différents, un rouage indispensable à la qualité du service public, dans un contexte de dématérialisation opérée à marche forcée.

A.   UN BESOIN COMMUN DEXPERTISE MAIS DES ORGANISATIONS DIFFÉRENTES

1.   Un besoin commun d’expertise

a.   Les médiateurs se multiplient

France Stratégie a dressé un panorama complet du paysage de la médiation institutionnelle, synthétisé dans le graphique ci‑dessous.

Les familles de médiateurs selon leur volume d’activité

Lecture : la taille des bulles est déterminée par le nombre de saisines recevables en 2017 (sources : rapports d’activité) ; la couleur des bulles dépend de l’ancienneté de l’instance de médiation (plus le jaune est foncé, plus la médiation est ancienne) ; les regroupements sont présentés d’après les familles définies plus haut, selon le type d’institution de rattachement et donc selon le champ de compétence. Seules les médiations traitant plus de 1 500 dossiers par an voient leur nom figurer sur l’illustration. Les données des « médiateurs d’établissements » n’étant pas consolidées, il n’était pas possible de les faire figurer ici.

Source : France Stratégie.

Dans l’ouvrage Médiations : les ateliers silencieux de la démocratie, Jacques Faget relève le phénomène qu’il nomme « institutionnalisation dépendante » et définit ainsi : « Le processus dinstitutionnalisation dépendante… désigne la création par une institution existante dun service de médiation en son sein. Le nombre important dadministrations ayant, dans les années 1990, institué leurs médiateurs en est le meilleur exemple. Les raisons qui poussent ainsi une institution à recourir à la médiation sont multiples : cest parfois la conséquence dun démarchage extérieur comme en matière de médiation scolaire où la décision de mettre en œuvre un dispositif de médiation scolaire est laboutissement de patientes stratégies de persuasion de la part des militants ; cest tantôt la multiplication des conflits avec des usagers de plus en plus vétilleux, ou encore leffet de la concurrence dautres institutions, qui motivent linnovation. » Il ajoute que « cette intégration des pratiques de médiation dans linstitution ne signifie pas quelles en transforment les logiques. »

Le Médiateur de la République est le plus ancien puisqu’il a été créé en 1973, avant de devenir Défenseur des droits, et occupe une place éminente consacrée par la Constitution depuis la révision de 2008. Parmi les médiateurs internes, le plus ancien est le médiateur de l’éducation nationale institué par un décret de 1998 et consacré par la loi n° 2007‑1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, qui introduit, à l’initiative du Sénat, l’article L. 23‑10‑1 dans le code de l’éducation. Ont suivi, à quelques années d’intervalle, le médiateur de la Mutualité sociale agricole (MSA) institué après une crise très sérieuse de gouvernance et le médiateur de Bercy. Une autre vague commence avec l’apparition de conciliateurs dans la branche famille de la sécurité sociale, un domaine de prédilection de la médiation, puis le médiateur de Pôle emploi en 2008. Lors d’une de ses interventions, la médiatrice de l’éducation nationale a indiqué que des médiateurs internes étaient en cours d’installation dans certains services dans le cadre de la gestion des ressources humaines du ministère. Et il ne faudrait pas oublier les médiateurs territoriaux désormais consacrés par la loi.

b.   Tous sont des experts

Tous les médiateurs que les rapporteurs ont rencontrés au cours de leur mission, du plus élevé dans la hiérarchie de son institution à celui qui intervient au plus près des gestionnaires, ont une connaissance approfondie de l’institution au sein de laquelle ils travaillent. Et ils sont unanimes à considérer qu’il s’agit là d’une condition sine qua non pour occuper de telles fonctions. Jacques Faget, dans son ouvrage Médiations : les ateliers silencieux de la démocratie, qui dresse un panorama global de la médiation, observe : « Il existe peu de médiateurs tous terrains qui auraient une grande plasticité instrumentale et une vision densemble des enjeux de leurs pratiques. On constate au contraire une spécialisation assez marquée alors que les principes généraux de la médiation sont à peu de choses près similaires. » Ce constat vaut tout particulièrement pour la médiation institutionnelle.

Il est ancien puisque, de ces pionniers de la médiation, Jacky Simon, le premier d’entre eux à l’Éducation nationale, donnait dans son premier rapport d’activité en 1999 la description suivante : « Il [le médiateur] est réputé avoir une bonne connaissance du fonctionnement de ladministration de léducation compte tenu notamment des responsabilités quil a exercées au sein de lÉducation nationale. » Il s’agit de « personnalités depuis peu à la retraite, ayant occupé des fonctions importantes au sein de linstitution, gage dune bonne connaissance des arcanes du système, dindépendance visàvis de ladministration, et dune capacité découte et dapproche des problèmes humains. Ils sont enfin bénévoles et garantissent pleinement la discrétion aux réclamants. »

Les médiateurs de l’éducation nationale ont tous été des inspecteurs généraux, les deux médiateurs des ministères économiques et financiers des inspecteurs généraux des finances… Selon les termes de la charte de la médiation de la Mutualité sociale agricole, adoptée en 2018, le médiateur est « choisi parmi des personnalités extérieures à la MSA », mais il est « connaisseur du monde agricole et des spécificités de sa protection sociale » – comment en serait‑il autrement ? – et « possède en outre ([1]) des qualités personnelles découte et de rigueur reconnues ». Quant à M. Jean‑Louis Walter, médiateur de Pôle emploi, il a été administrateur de l’UNEDIC, et la monographie consacrée à Pôle emploi indique que les médiateurs sont majoritairement issus des ASSEDIC, qui assuraient le calcul et la liquidation des indemnités chômage, c’est‑à‑dire une activité très technique. En effet, c’est la principale source des demandes de médiation adressées à l’organisme, qu’il s’agisse du droit à indemnisation, de la contestation de trop‑perçus ou du calcul lui‑même. De même, M. Thibault Lahanque, médiateur de l’URSSAF Île‑de‑France, a fait valoir que la lecture des documents issus du système informatique était à la portée de peu d’agents, anciens et chevronnés. Mme Élisabeth Tremblay, médiatrice de la CAF des Yvelines, a expliqué également qu’elle cherchait les points aveugles de la réglementation pour soulager la détresse des personnes qui s’adressaient à elle.

UN REGARD D’EXPERT

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De fait, le décret n° 2018‑1084 du 4 décembre 2018 relatif aux garanties encadrant l’exercice de la médiation dans les organismes du régime général de sécurité sociale, pris en application de la loi ESSOC ([2]), dispose, aux termes de l’article D. 217‑7‑1 du code de la sécurité sociale : « Peut être désignée par le directeur de lorganisme en qualité de médiateur toute personne qui justifie dune formation ou dune expérience adaptée à la pratique de la médiation et qui possède, par lexercice présent ou passé dune activité, une qualification en droit suffisante eu égard à la nature des affaires à connaître, et en particulier en droit de la sécurité sociale. » Le lecteur ne pourra sempêcher de remarquer que, en ce qui concerne la médiation, « lexpérience » peut suffire tandis que, pour les connaissances juridiques, la « qualification » est requise. Le signal n’est guère encourageant car la fonction est exigeante aussi sur le plan humain et relationnel.

Enfin, la lecture des rapports d’activité achève de convaincre de la nécessité d’être un spécialiste tant, et ce dans tous les domaines, les règles sont nombreuses et complexes.

2.   Mais des organisations différentes

a.   Le modèle centralisé remis en question par la loi ESSOC

La loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance officialise la fonction de médiateur et la décentralise puisqu’elle prévoit un médiateur dans chaque caisse locale, confiant au médiateur national le soin d’évaluer la médiation locale et d’en faire état dans son rapport annuel, qui doit également comporter des recommandations pour améliorer le traitement des réclamations – champ dans lequel sont, selon la lettre, cantonnés les médiateurs locaux – et « propose[r], le cas échéant, des modifications de la réglementation ».

La médiation dans les branches de la sécurité sociale selon la loi ESSOC

Trois des articles, les n°s 34, 35, 36, de la loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, sont consacrés à la médiation. Ils officialisent la fonction de médiateur.

Larticle 34, introduit par un amendement gouvernemental, organise la médiation dans les organismes de sécurité sociale :

– au niveau local puisqu’il prévoit, au sein de chacun des organismes, la nomination d’un médiateur désigné par son directeur. Il prend en charge les réclamations des usagers à deux conditions :

   • qu’ils se soient préalablement adressés aux services ayant pris la décision contestée ;

   • qu’ils n’aient formé aucun recours contentieux.

Le texte précise qu’il exerce ses fonctions, qui consistent à « formule[r] auprès du directeur ou des services de lorganisme des recommandations pour le traitement » des réclamations « en toute impartialité » et « dans le respect de la confidentialité ».

La saisine du médiateur a pour effet de suspendre les délais qui s’appliquent à la procédure contentieuse.

– au niveau national dans la mesure où il instaure dans les instances centrales un médiateur national, nommé par le directeur général, après consultation du président du conseil ou du conseil d’administration.

Il a pour tâche « dévaluer la médiation dans lensemble de la branche concernée, notamment par la réalisation dun rapport annuel ». Il vise à formuler des recommandations pour améliorer le traitement des réclamations et, éventuellement, aménager la réglementation.

Il est à noter que, si ce rapport est présenté aux instances dirigeantes et transmis au Défenseur des droits, sa publication n’est pas prévue pour autant.

Cette disposition législative est complétée par un décret dapplication, n° 20181084 du 4 décembre 2018, qui précise le lien qui relie le médiateur à la direction de l’organisme :

– un rattachement fonctionnel,

– mais qui interdit les instructions ;

– la mise à disposition de moyens suffisants pour exercer sa mission.

Par ailleurs, le médiateur doit présenter des compétences ou une expérience adaptée et, « possède […] une qualification en droit suffisante […], en particulier en droit de la sécurité sociale ».

Larticle 35 transpose le dispositif du médiateur national à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, où un médiateur était déjà institutionnalisé. Le titulaire est désigné par le conseil central d’administration, pour une durée de trois ans, renouvelable une fois.

Par rapport à l’article précédent, ce sont les différences qui sautent aux yeux : le processus de nomination n’est pas le même ; la durée du mandat est précisée ; et rien n’est dit sur les compétences requises pour le poste. L’article n’a pas donné lieu à un décret d’application.

Larticle 36 prévoit d’expérimenter pour une durée de trois ans une procédure de médiation pour régler les litiges survenant entre les entreprises, d’une part, et les administrations, les établissements publics de l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, d’autre part.

Là où existait un conciliateur, comme à l’assurance maladie, le texte n’apporte pas de modification majeure. En revanche, l’organisation de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) était entièrement centralisée et il a fallu mettre en place des médiateurs propres à chaque caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT).

Quant à Pôle emploi, il a opté dès le départ pour une organisation régionalisée. Les rapports du médiateur exposent clairement une stratégie privilégiant une plus grande autonomie en contrepartie d’une responsabilité accrue, qui semble plus efficiente. Les délégués du Défenseur des droits, au cours de la réunion à laquelle les rapporteurs ont été conviés, ont d’ailleurs déclaré que leurs relations avec les médiateurs de Pôle emploi étaient satisfaisantes.

Modalités internes de règlement non contentieux des différends

Source : rapport n° 575 de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi ESSOC.

b.   Des spécificités persistantes

La loi ESSOC uniformise l’organisation de la médiation dans les branches de la sécurité sociale, à l’exception de la MSA. Celle‑ci a conservé un modèle centralisé. Selon son médiateur, interrogé à ce sujet, le projet de loi a évidemment remis la question sur la table mais le statu quo a été préféré pour des raisons tenant, d’une part, à la volumétrie qui ne justifie pas d’occuper localement des personnes à plein temps ; d’autre part, à la volonté des administrateurs, élus, de jouer un rôle actif dans le règlement des différends au sein des commissions de recours amiable (CRA). C’est pourquoi le médiateur n’intervient qu’ensuite.

De son côté, le ministère de l’intérieur ne veut pas de médiateur. Il considère répondre à la demande avec des comités d’usagers présidés par les préfets ou bien par des groupes d’usagers associés à la conception des sites et applications selon les recommandations de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). De façon générale, et pour des raisons à la fois fonctionnelles et politiques, le ministère de l’intérieur se tient à l’écart des autres. Il ne participe pas au baromètre Marianne, à l’exception des sites volontaires, et a mis au point pour ses services territoriaux son propre référentiel Qual‑e‑pref ([3]) actualisé dans le cadre du programme Action publique 2022, qui comporte un module d’accueil des usagers et des modules portant sur les activités propres à la sécurité publique et au contrôle de légalité des collectivités locales.

Enfin, les rapporteurs ont eu l’occasion d’entendre le médiateur de l’URSSAF Île‑de‑France, M. Thibault Lahanque, qui cumule les fonctions de médiateur et de directeur de la communication. Ce positionnement original, auprès du directeur, permet au titulaire de coordonner son action dans les deux domaines. Par exemple, les changements de réglementation peuvent donner lieu à des actions de communication, suggérées par l’expérience de la médiation, pour prévenir les difficultés ultérieures et l’augmentation brutale des réclamations et des saisines du médiateur. M. Lahanque a aussi expliqué que l’URSSAF était allée démarcher les associations de Seine‑Saint‑Denis pour rappeler ou faire connaître les obligations de déclaration des salariés, tout en présentant la reconnaissance, dans la loi ESSOC, du droit à l’erreur et le rôle de la médiation. Dans ce cas, particulier puisqu’il s’agit de collecter les cotisations sociales, l’objectif est d’aller chercher des cotisations sans susciter l’inquiétude auprès des redevables potentiels. L’URSSAF Île‑de‑France joue pleinement cette carte et des consignes ont été données aux gestionnaires de présumer la bonne foi dans les contacts.

Cette bienveillance de principe, conforme à l’esprit de la loi ESSOC, n’est pas sans soulever quelques interrogations sur l’éventuelle mise en cause de la responsabilité des agents qui seraient chargés de sa mise en œuvre. Ils se verraient ainsi accorder une marge d’appréciation que l’informatisation poussée des procédures leur refuse, et dont l’expérience a montré, comme l’a relevé Mme Israël devant les rapporteurs, qu’ils n’usaient guère, précisément par crainte de se voir mis en cause par leur hiérarchie.

L’audit mené par la Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale ([4]) (MNC), rattachée à la direction de la sécurité sociale, fait état d’une étude de 2016 sur le profil des médiateurs qui montrait que, dans la branche famille, « 73 % des médiateurs étaient rattachés directement à la direction ». Dans les Yvelines où les rapporteurs se sont rendus, la médiatrice, Mme Tremblay, figure dans l’organigramme, auprès de la responsable du pilotage de la production. Elle a expliqué intervenir directement auprès des services pour obtenir des informations et agir plus rapidement en cas de dysfonctionnement. Par ailleurs, contacté à l’initiative de la rapporteure, le directeur de la CAF de Haute‑Garonne a indiqué que, pendant longtemps, la médiation et la mission d’appui au pilotage qui lui étaient rattachées étaient dirigées par la même personne. Depuis peu, le traitement des réclamations et la médiation sont distincts mais placés dans la même direction, pour permettre une prise en charge plus efficace conforme au plan de la CNAF, et à la loi ESSOC.

Dans la branche maladie, le médiateur national précise dans son rapport pour l’année 2018 que « sont directement orientées vers les médiateurs locaux des sollicitations qui demandent une attention particulière et notamment : labsence de revenus de substitution depuis au moins deux mois (indemnités journalières, pension dinvalidité, rente AT/MP ([5])), le refus de prise en charge de frais de transport pour défaut dentente préalable, le refus de rétroactivité de la CMUC ([6])  en cas dhospitalisation ».

Un dernier exemple, en dehors de la sphère sociale : la médiatrice régionale de Pôle emploi prend elle‑même certaines décisions en équité puisqu’elle les signe, ce qui ne correspond pas au principe d’un médiateur sans pouvoir.

La question du rattachement du médiateur interne révèle des choix adaptés aux circonstances, dans l’optique d’établir des circuits courts qui évitent les délais entre la détection des anomalies et leurs corrections. La MNC ([7]), dans la synthèse rédigée à l’occasion de l’évaluation de la gestion des réclamations, qu’elle a transmise aux rapporteurs, conclut : « Le positionnement du conciliateur ou du médiateur nest pas le même suivant les branches et soulève la question de la complémentarité avec les processus de gestion des réclamations et du contentieux ». C’est aussi un signe que la médiation est souvent pleinement associée à la « production » du service public. Prioritairement soucieuse de la qualité du travail effectué, elle recherche la satisfaction de l’usager, qui en est un indicateur.

B.   UNE ACTIVITÉ COMPARABLE AU RETENTISSEMENT DIFFÉRENT

Si les médiateurs présentent chacun des caractéristiques propres, leur activité est largement comparable, y compris dans la croissance qui s’observe partout, même s’il subsiste des aléas conjoncturels liés à des changements de pratique.

1.   Des tâches identiques toutes en augmentation

Les tâches accomplies par les médiateurs augmentent en volume, mais surtout elles se diversifient en raison de la modification du milieu dans lequel ils évoluent : des citoyens plus avides d’explication, mais aussi des citoyens naufragés de la dématérialisation.

a.   Le traitement des réclamations individuelles

Dans tous les textes, le médiateur ne peut être saisi qu’après une première réclamation de la part des usagers, s’étant soldée par un refus. De fait, aucun d’entre eux, hormis celui de Bercy, ne se cantonne à la médiation stricto sensu – le règlement des différends : ils s’enhardissent tous au‑delà de leur périmètre réglementaire, pour mieux répondre aux besoins de leur administration et de ses usagers.

Le volume de demandes individuelles que les médiateurs ont à traiter augmente régulièrement, à quelques exceptions près, bien que les échelles soient très différentes : elles se comptent en centaines à la MSA, du moins jusqu’à présent ; en milliers à la CNAV, ou à Bercy ; en dizaines de milliers dans les caisses d’allocations familiales et d’assurance maladie, ou à l’Éducation nationale et à Pôle emploi.

Médiateurs – Évolution des saisines

Médiateur

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Variation sur la période

CNAF

 

 

 

 

15 643

18 450

17 999

18 222

+ 16,5 %

CNAM

 

 

 

 

 

24 919

24 964

30 605

+ 22,8 %

CNAV

 

 

 

 

 

 

3 381

3 212

– 5,0 %

Éducation nationale

 

 

 

11 442

11 562

12 053

12 984

13 458

+ 17,6 %

MSA

347

440

437

396

426

441

453

553

+ 36,6 %

Pôle emploi

 

 

 

28 454

29 502

31 278

30 472

31 605

+ 11,1 %

Bercy

 

 

1 865

1 956

2 115

1 929

1 721

1 870

+ 0,3 %

Source : rapports annuels des médiateurs.

Si les tendances de fond sont assez nettes, les chiffres, en revanche, s’agissant de médiation, doivent être interprétés avec la plus grande prudence, comme l’a souligné France Stratégie. En effet, l’évolution des saisines peut avoir des origines diverses : à la hausse, les changements de réglementation sont susceptibles de déclencher une vague de réclamations, ou des actions d’information pour mieux faire connaître le médiateur ; à l’inverse, à la baisse par la modification des modes de saisine ou la réorganisation du traitement des réclamations ou encore par une moindre visibilité du médiateur.

L’examen des rapports d’activité fait ressortir que les réclamations traitées par les médiateurs ne correspondent pas toutes, loin s’en faut, à des différends ou des litiges potentiels, doù la qualification donnée par Michèle GuillaumeHofnung ([8]) de « gestionnaires de réclamations ». Deux mouvements de fond expliquent qu’ils soient davantage sollicités : le besoin d’explication de citoyens soucieux de comprendre et de faire valoir leurs droits, voire de citoyens impatients et « consommateurs » de services publics, d’une part ; la complexité généralisée qui conduit à leur porte de nombreux usagers désorientés et perplexes, quand ils ne sont pas irrités.

Ces attentes d’éclaircissement et d’accompagnement ne doivent pas être négligées car elles répondent à un besoin profond d’appropriation des règles qui gouvernent la vie quotidienne. Les satisfaire est une condition de pacification des relations sociales et d’adhésion des individus qui composent la société. En effet, dans un monde où les injonctions à l’autonomie sont incessantes, comment accepter d’être soumis à des décisions que leur caractère instable et abscons peut faire passer pour arbitraires ? Dans ce contexte, la médiation assume en partie ce rôle d’apaisement qui révèle la dimension polysémique du terme. Il ne s’agit pas d’une « médiation » au sens strict dans la mesure où il n’y a pas forcément un litige à ce stade ; elle apparaît davantage comme un vecteur, une voie d’accès aux droits, plus indispensable que jamais avec la dématérialisation.

Déjà, en 2013, le Conseil national du numérique anticipait dans un rapport le besoin croissant et durable de médiation : « La médiation, associée à la question de leinclusion, est jusquà présent pensée par un certain nombre délus et de décideurs dans un sens unique : la médiation doit accompagner les utilisateurs pour les aider à semparer du numérique, à en apprivoiser les usages, ce que lon appelle “laccompagnement au numérique”. Cette approche considère implicitement quil sagit dune fonction sociale transitoire et que, au fur et à mesure que se feront la montée en compétence, la simplification des terminaux, lamélioration de lergonomie des services en ligne, le gain en autonomie des personnes etc., cet accompagnement sera amené à jouer un rôle résiduel. Bref, la médiation aurait vocation, si ce nest à disparaître, tout du moins à ne concerner quune frange limitée de la population. Or, avec de nombreux acteurs et réseaux de la médiation, nous tirons de lexpérience une conclusion exactement inverse. Nous soutenons que la quasitotalité des services, que ceuxci soient fournis par des acteurs publics ou par le secteur privé, va dans lavenir avoir de plus en plus besoin de médiations humaines avec les usagers. »

D’aucuns, en particulier M. Nadi Bou Hanna, directeur interministériel du numérique (DINUM), souligne qu’à l’exclusion numérique se juxtapose l’exclusion administrative résultant de la méconnaissance des prestations associées aux droits ou de l’insuffisante maîtrise de la langue écrite. Il conviendrait que les politiques publiques tirent toutes les conséquences de ces diagnostics pertinents.

Il existe d’autres types d’exclusions que s’appliquent à corriger des médiateurs invisibles. Tous les jours, ces médiateurs « fantômes » travaillent dans l’anonymat à atténuer les tensions et à réparer les liens qui, malgré tout, unissent les habitants d’une agglomération, d’une ville, d’un quartier, d’une cité.

Médiateur fantôme : entre le médiateur institutionnel et l’administration

Si la médiation s’envisage sous un aspect social ou culturel, il est possible de l’appréhender comme une construction-réparation du lien social et un moyen de régler des conflits de la vie quotidienne. Un tiers impartial, indépendant, sans pouvoir institutionnel, va aider un individu à accéder à la médiation lorsque celui‑ci se retrouve désemparé face à un processus administratif. On parle alors de médiateur « fantôme » ou « relais », chargé de trouver une solution adaptée aux besoins spécifiques d’un usager.

=> L’exemple des femmes-relais

C’est le cas des « femmes-relais », médiatrices souvent bénévoles ou qui exercent des emplois précaires. Elles interviennent dans les conflits de voisinage, dans les collèges, dans les transports. Elles font un travail important dans le domaine de la santé pour que les différences culturelles ne privent pas les femmes de soins vitaux, pour surmonter les incompréhensions mutuelles à propos de l’alimentation dans les hôpitaux.

Ce type de médiation culturelle s’adresse principalement aux personnes migrantes et à leur famille qui éprouvent des difficultés de communication ou de compréhension du système dans lequel elles arrivent. Le rôle de ces femmes-relais est principalement de dissiper tous malentendus, préjugés, tensions et de favoriser la compréhension pour permettre une meilleure intégration.

D’une manière générale, elles interviennent avant que les conflits n’éclatent entre l’usager et l’administration, ce qui contribue à les rendre invisibles.

En tout état de cause, il est impossible de passer sous silence le rôle d’ultime recours ou de réorientation que jouent désormais les médiateurs. Un seul exemple suffira, celui de l’éducation nationale, mais il est tout à fait dans la ligne des autres médiateurs. Entre eux, ils parlent de « réorientation ».

Nature des saisines de la médiation de l’éducation nationale

Source : rapport de la médiatrice de l’éducation nationale, 2018.

Cette fonction s’est étoffée au fur et à mesure que les usagers se sont affirmés comme sujets responsables. Un citoyen averti souhaite comprendre, et adapter son comportement, ce qui est en ligne avec les politiques d’incitation. Ce mouvement de fond, Jacky Simon, médiateur de l’éducation nationale, l’avait décelé dès 1999 : « Chacun demande, évidemment, à être mieux informé mais aussi, souhaite en cas de problème, comprendre, être convaincu autrement que par des arguments dautorité qui, même fondés juridiquement, nemportent pas ladhésion. En bref, les usagers et les personnels dans leurs rapports avec linstitution scolaire veulent être traités comme des citoyens responsables plutôt que comme des assujettis muets... ». De fait, les usagers du système éducatif sont aujourd’hui à l’origine de trois quarts des saisines de la médiatrice de l’éducation nationale et les enseignants représentent le quart restant, alors que la proportion était inverse à l’origine. Les usagers se sont donc emparés du droit qui leur a été accordé. Mme Guillaume‑Hofnung souligne que la médiation suppose la confiance. Il s’agit d’une première étape dans la mesure où, vis‑à‑vis de l’administration, elle est de moins en moins acquise, mais la médiation institutionnelle peut contribuer à l’instaurer. « Ce faisant, elle [la médiation] évite de figer les membres de la société dans des rôles immuablement passifs et dévalorisants. » ([9])

Partout encore, les médiateurs interviennent pour rendre les courriers et messages adressés aux usagers plus clairs et plus compréhensibles, plus personnalisés, moins abrupts ou encore moins intimidants avec leurs références réglementaires que tout le monde – ou presque – ignore.

Recommandations du médiateur de l’assurance maladie
concernant les courriers adressés aux assurés

ACS : aide pour une complémentaire santé. DDFC : direction déléguée des finances et de la comptabilité. DDGOS : direction déléguée à la gestion et à l’organisation des soins. DDO : direction déléguée aux opérations. DICOM : direction de la communication. LR : lettre-réseau. PLANIR : plan local d’accompagnement du non‑recours, des incompréhensions et des ruptures.

Source : rapport du médiateur de l’assurance maladie, 2018.

Bref, la médiation institutionnelle contribue à adapter le fonctionnement de l’administration à une société plus horizontale, donc à la qualité du service public. Toutefois, pour recentrer les médiateurs sur leur cœur de métier, il faudrait faire en amont des efforts pour clarifier les messages et courriers adressés aux usagers, et mieux communiquer sur les réformes à venir.

En retrait du processus de décision – le médiateur est en principe dépourvu de pouvoir –, les médiateurs sont tous très attachés à leur rôle dans le rétablissement de l’équité, quand l’application rigoureuse de la règle conduit à une décision brutale, absurde et injuste. Selon le médiateur de Pôle emploi ([10]), l’équité renvoie à la justice naturelle et à l’éthique et permet d’adapter les conséquences de la loi aux circonstances et à la singularité des situations et des personnes. Sans cette faculté, la médiation ne serait qu’un super service de réclamations. Les propositions en équité sont très peu nombreuses, oscillant autour de 3 % des cas étudiés – leur multiplication menacerait l’égalité devant la loi mais conduirait aussi à l’amender si ses effets étaient contraires à l’objectif visé – mais elles sont très importantes pour l’image que donne l’administration d’elle‑même, même si l’équité suscite le soupçon au sein des autorités de tutelle ([11]). En effet, elle est confidentielle, et elle se situe d’emblée en marge des règles dont elle respecte l’esprit, mais pas obligatoirement la lettre. Toujours selon M. J.‑L. Walter, cette résistance est profondément liée à la « sur‑réglementation », à la volonté de tout prévoir pour se prémunir contre l’aléa, ce qui est tout simplement impossible. Il rappelle que les usagers ne sont pas égaux devant les décisions des institutions, et que les préconisations ne créent pas de précédent ni ne font jurisprudence.

C’était le Nouvel An

Source : rapport d’activité du médiateur de Pôle emploi, 2017.

b.   Le résultat des interventions des médiateurs

Avec chacun leurs instruments de mesure, les médiateurs analysent les suites données à leurs interventions. Le taux de révision des décisions initiales est d’environ un tiers, à deux exceptions près : Bercy, avec un taux de révision de 62 % et, à l’opposé, la CNAV avec un taux de révision de 6 %.

Le médiateur de la CNAF, dans son rapport d’activité, admet un taux de révision des décisions initiales dans la moyenne, moins du tiers, pour environ 18 000 saisines annuelles.

Suites données aux saisines de la médiation de la CNAF

Source : rapport d’activité du médiateur de la CNAF, 2018.

Les pourcentages fournis par le médiateur de Pôle emploi, qui reçoit environ 30 000 réclamations ([12]) par an, sont également instructifs.

Suites données aux saisines de la médiation de Pôle emploi

Suites données

(en %)

2015

2016

2017

2018

Maintien de la décision

42,2

35,9

38,7

40,6

Révision (satisfaction totale ou partielle)

35,6

31,5

31,2

18,8

Réorientation

22,2

32,6

30,1

40,6

Total

100  

100  

100  

100  

Source : d’après les rapports d’activité du médiateur de Pôle emploi.

Le taux de révision affiché par la CNAM est particulièrement bas.

Suites données aux médiations de la CNAM

Source : rapport d’activité du médiateur de la CNAM, 2018.

Toutefois, il n’est pas certain que la nomenclature retenue soit exactement la même que celles en vigueur ailleurs. Selon la légende du tableau, « solution trouvée » correspond à « des situations pour lesquelles le médiateur a pu trouver une solution spécifique et adaptée (exemple : médecin traitant trouvé ou solution permettant de ne pas pénaliser le bénéficiaire ; remise / échelonnement de dette accordé, etc.) », qui pourrait correspondre à la « satisfaction partielle » à Pôle emploi. Par ailleurs, il faudrait ajouter la dernière colonne « paiement reçu/droit accordé » puisqu’il s’agit « des cas où la caisse concernée procède à la régularisation des prestations attendues, accorde finalement la prise en charge ou le droit sollicité ». Le taux de révision serait alors à 27 % environ, ce qui reste inférieur à la CNAF, mais n’en est plus très éloigné. Enfin, les prestations de la branche famille sont sans doute, en général, plus compliquées que celle de la branche maladie.

De son côté, la médiatrice de l’éducation nationale signale que, parmi les réclamations reçues par ses services, 55 % d’entre elles reçoivent, après instruction, un appui de la part des médiateurs. Et le taux de succès est de 74 %. Par rapport aux deux autres opérateurs sociaux cités ci‑dessus, le taux de révision est donc encore supérieur (autour de 40 %). En faisant l’hypothèse raisonnable que les réclamations non soutenues sont maintenues, 56 % des décisions demeurent inchangées, soit un niveau très comparable à celui de la CNAF.

Les deux exceptions figurent aux extrêmes.

Évolution du taux de satisfaction en pourcentage des demandes adressées au médiateur des ministères économiques et financiers

Source : rapport du médiateur des ministères économiques et financiers, 2018.

À Bercy, les décisions initiales sont revues dans 60 % des cas, tandis qu’elles sont confirmées à 94 % par les médiateurs de la branche vieillesse.

Qu’en déduire ? Que les agents du Trésor travaillent mal et ceux de la branche vieillesse bien ? Ou alors que les interventions de Bercy se font à bon escient et que la médiation de la branche vieillesse ne sert à rien ? Il faut se garder des comparaisons et, a fortiori, des interprétations trop rapides. D’une part, les organismes ont des activités différentes et sont soumis à des aléas différents. Ainsi, l’augmentation de la part des réorientations à Pôle emploi en 2018 est sans doute causée par la réorganisation du circuit des réclamations déployée en cours d’année, et peut‑être aussi par une meilleure visibilité du médiateur. À la CNAF, cette réforme est survenue entre 2014 et 2015 et la part des réorientations a fortement diminué depuis. Par ailleurs, un pourcentage assez faible de maintien des décisions peut avoir deux significations exclusives l’une de l’autre : ou bien les décisions initiales des administrations sont souvent contestables, ou bien les décisions soumises aux médiateurs sont contestables parce que le filtrage en amont fonctionne de façon satisfaisante et que ne parviennent sur leur bureau que celles qui méritent d’être revues. Tel semble être le cas de Bercy, dont les saisines du médiateur concernent à près de 92 % la direction générale des finances publiques (DGFiP), et qui a organisé depuis longtemps le circuit des réclamations (recours hiérarchique, recours gracieux, conciliateur fiscal au niveau départemental). Quant à la CNAV, la MNC observe dans son rapport qu’il existe, dans les caisses, une médiation dite « technique » qui, afin de prévenir les contentieux, détecte les erreurs dans le cadre de contrôles a posteriori, sans que l’usager ne soit informé de la démarche. C’est peut‑être un élément d’explication mais aucune donnée n’a été transmise sur ce sujet. En tout état de cause, il est difficile de se forger une certitude, faute d’avoir suffisamment de données en main.

c.   La rédaction d’un rapport annuel

Comme l’a relevé France Stratégie, l’arme du médiateur est, outre son expertise et les réseaux qu’il a constitués, le rapport qu’il est tenu de rédiger tous les ans. Ces travaux présentent une ossature commune.

En effet, sans exception, sont abordés :

– l’activité du service de médiation : le nombre de saisines, leur évolution et leurs motifs, les délais de traitement, principalement, et les canaux qu’elles empruntent ;

– des cas individuels que les médiateurs ont été amenés à traiter pour illustrer leur propos ; à l’inverse des autres agents qui appliquent des règles, ils partent du particulier pour arriver au général ;

Quand la maternité nuit

– des recommandations, qui comprennent à la fois des modifications de la réglementation et des process internes. Elles peuvent être de grande envergure, comme l’option offerte, sous certaines conditions, de choisir entre l’ancien système de droits rechargeables en matière d’indemnisation du chômage et le nouveau.

De même, ils en assurent le suivi bien que de façon différente. La médiatrice de l’éducation nationale a indiqué qu’un comité de suivi en présence des deux directeurs de cabinet ministériel et des directeurs d’administration passe en revue les préconisations de son rapport annuel. Mais elles ne sont pas toujours suivies. Ainsi a‑t‑elle exprimé une lassitude certaine en évoquant l’ambiguïté de l’accusé de réception du formulaire d’inscription envoyé aux candidats au CAP Petite enfance. Depuis plusieurs années, il induit en erreur de nombreuses candidates qui croient que le courriel vaut validation de l’inscription. Des raisons liées à l’informatique ont été opposées à ses demandes répétées, malgré les conséquences préjudiciables à des milliers de femmes, modestes, qui plus est, et nombreuses à avoir financé elles‑mêmes leur préparation à ces épreuves.

Les ratés de l’inscription à l’examen du CAP « petite enfance » (rapport 2016)

La médiatrice a été saisie par de nombreux « candidats libres » induits en erreur par le libellé « confirmation d’inscription » du formulaire de préinscription à l’examen du CAP « petite enfance » qui – contrairement aux apparences – n’impliquait en rien la validation de l’inscription. Si les candidats ne renvoyaient pas ce document (assorti de pièces justificatives) au service des examens, leur « inscription » était interrompue.

Ils étaient alors informés par courrier de l’annulation de la procédure et se retournaient vers le service concerné. Or le délai d’inscription étant passé, ils ne pouvaient plus se présenter à l’examen et voyaient leurs efforts, y compris financiers, anéantis.

La médiation a agi à deux niveaux :

– À chaque session, elle a « sauvé » quelques dizaines de candidats, en intervenant auprès du service des examens et en faisant valoir la situation sociale difficile des requérantes concernées (ces personnes avaient besoin du diplôme pour leur agrément et avaient fait des sacrifices importants pour s’y préparer).

– Pour l’avenir, la médiatrice a proposé deux solutions dans son rapport d’activité de 2016 :

• soit simplifier la procédure d’inscription en supprimant la phase de confirmation ou du moins en lui ôtant son caractère impératif ;

• soit améliorer la lisibilité des informations en faisant apparaître dans le titre du formulaire qu’il s’agit d’une préinscription et non d’une inscription et en inscrivant en gros caractères sur le recto et le verso du formulaire, la date limite à laquelle la confirmation d’inscription doit être retournée au service compétent pour valoir inscription définitive à l’examen.

Les suites données :

La recommandation a donné lieu à de nombreux allers-retours pendant trois ans, manifestement en raison d’un manque de communication entre les services (maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre notamment, et centre informatique de Rennes) et d’incompréhension (le terme « confirmation d’inscription » ne paraissant pas poser problème). De fait, si le titre du formulaire a été modifié pour la session de 2020, l’ambiguïté n’a pas disparu.

Pour autant, la médiatrice de l’éducation nationale estime avoir été entendue par les services qui ont modifié la procédure d’inscription des candidats individuels à compter de la session 2019 pour la rendre plus claire et compréhensible. Ainsi, avant d’accéder au formulaire d’inscription, les candidats individuels sont informés qu’ils recevront par mail leur « confirmation d’inscription » à retourner par courrier et une fois la préinscription terminée, un nouveau message rappelle aux candidats qu’ils recevront leur confirmation par mail.

Cette nouvelle procédure a permis de limiter le nombre de non‑renvois des confirmations d’inscription : alors qu’en janvier 2018, 4 296 candidats avaient vu leur inscription annulée, ce nombre a été divisé par deux pour la session 2019 et a continué de diminuer pour la session 2020. Souvent, ces difficultés témoignent d’une mauvaise communication entre les services et elles doivent être abordées, lors du prochain comité de suivi des recommandations du médiateur en présence de tous les directeurs et des directeurs de cabinet des deux ministères concernés.

Commentaire des rapporteurs :

Il n’en demeure pas moins que, malgré les efforts de la médiation de l’éducation nationale, un nombre substantiel de candidats se sont vus privés de tenter leur chance, que n’ont été résolus que les cas (manifestement pas tous) qui lui ont été soumis.

Il n’est pas certain que la solution retenue simplifie grandement la démarche des candidats et en garantisse, dans tous les cas, l’aboutissement.

Plus rarement, le rapport peut faire état d’initiatives lancées pour faciliter la vie de l’usager.

SIEC : service interacadémique des examens et concours.

Source : rapport d’activité de la médiatrice de l’éducation nationale, 2018.

2.   Une visibilité à géométrie variable

a.   Un positionnement hiérarchique à un niveau élevé

Les dispositions en vigueur tendent à conforter les médiateurs par leur positionnement à un haut niveau hiérarchique et en encadrant les conditions de leur nomination.

À l’Éducation nationale, aux termes de l’article D. 222‑38, le médiateur est nommé par arrêté des ministres de l’éducation nationale, et de l’enseignement supérieur et de la recherche.

À la MSA, le médiateur est nommé par le conseil d’administration de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et se conforme à une charte approuvée par cette instance en 2018, mais élaborée après une consultation organisée à travers l’ensemble du réseau, ce qui a contribué à mieux faire connaître la fonction et le rôle du médiateur. Il est placé auprès de l’organisme central, c’est‑à‑dire la CCMSA.

Le décret n° 2002‑612, qui institue le médiateur des ministères économiques et financiers, dispose qu’il est nommé par arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances, et placé auprès de lui.

À Pôle emploi, l’article 2 de la loi n° 2008‑758 relative aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi introduit dans le code du travail un article L. 5312‑12‑1 qui crée le médiateur national placé auprès du directeur général. Ses conditions de nomination ne sont pas précisées. L’actuel titulaire, M. J.‑L. Walter, a été nommé par le directeur général qui a informé le conseil d’administration. L’organisation est répliquée au niveau régional puisque les médiateurs régionaux, que le médiateur national est chargé de coordonner, sont placés auprès des directeurs régionaux.

C’est l’article 34 de la loi ESSOC qui organise la médiation dans les trois principales branches de la sécurité sociale, en distinguant :

– d’une part, le niveau local où le médiateur est nommé par le directeur pour faire des recommandations dans le respect des dispositions législatives et réglementaires ;

– d’autre part, le niveau national où le médiateur est nommé par le directeur général après consultation du président du conseil ou du conseil d’administration, pour évaluer la médiation locale et faire, dans son rapport annuel, des recommandations sur le traitement des réclamations et, éventuellement, sur la réglementation.

Le décret n° 2018‑1084 relatif aux garanties encadrant l’exercice de la médiation dans les organismes du régime général de sécurité sociale complète le dispositif, en positionnant le médiateur auprès de la direction et en prévoyant que lui soient donnés les moyens nécessaires à l’exercice de ses missions. Autant cette première précaution est indispensable au plan national, surtout si l’on veut donner une certaine envergure à la médiation, autant, au plan local, elle peut se discuter dans la mesure où, les rapporteurs ont pu s’en rendre compte, les médiateurs sont étroitement associés au fonctionnement des services. C’est surtout la connaissance de la réglementation et des rouages des caisses qui doit distinguer le médiateur car c’est elle, plus que l’organigramme, qui lui permettra de prendre la distance requise et de trouver les solutions adaptées, d’autant qu’il travaille sous le regard de la médiation nationale chargée de l’évaluation.

b.   Un rapport d’activité inégalement diffusé

Les textes énumèrent les destinataires des rapports d’activité des médiateurs (cf. tableau ci‑contre), mais la pratique s’en écarte quelque peu.


Règles de publicité du rapport annuel du médiateur

 

Éducation nationale

Pôle emploi

CCMSA

CNAF

CNAM

CNAV

Ministères économiques et financiers

Référence texte

Art. D. 222‑39 du code de l’éducation

Art. 2 de la loi n° 2008‑758 du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi

Art. 35 de la loi n° 2018‑727 pour un État au service d’une société de confiance

Art. 34 de la loi n° 2018‑727 pour un État au service d’une société de confiance

Art. 34 de la loi n° 2018‑727 pour un État au service d’une société de confiance

Art. 34 de la loi n° 2018‑727 pour un État au service d’une société de confiance

Décret n° 2002‑612 du 26 avril 2002 instituant un médiateur du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie

Destinataires

Rapport annuel remis au :

– ministre de léducation nationale

Rapport annuel remis au :

– conseil d’administration

– ministre chargé de l’emploi

– Conseil national de l’emploi

– Défenseur des droits

Rapport annuel transmis au :

– conseil central d’administration de la mutualité agricole

– Défenseur des droits 

Rapport annuel remis au :

– conseil d’administration

– Défenseur des droits

 

 

Rapport public (art. 6)

Contenu

« propositions qui lui paraissent de nature à améliorer le fonctionnement du service public de léducation nationale »

« propositions qui lui paraissent de nature à améliorer le fonctionnement du service rendu aux usagers »

« Il propose des modifications de la réglementation. »

« Le médiateur national évalue la médiation dans lensemble de la branche concernée, notamment par la réalisation dun rapport annuel. Ce rapport formule des recommandations pour améliorer le traitement des réclamations et propose, le cas échéant, des modifications de la réglementation. »

« Le médiateur national évalue la médiation dans lensemble de la branche concernée, notamment par la réalisation dun rapport annuel. Ce rapport formule des recommandations pour améliorer le traitement des réclamations et propose, le cas échéant, des modifications de la réglementation. »

« Le médiateur national évalue la médiation dans lensemble de la branche concernée, notamment par la réalisation dun rapport annuel. Ce rapport formule des recommandations pour améliorer le traitement des réclamations et propose, le cas échéant, des modifications de la réglementation. »

« il établit le bilan de son activité et formule des propositions de nature à améliorer le fonctionnement des services du ministère dans leurs relations avec les usagers. »

 


—  1  —

Le seul médiateur dont la publication du rapport est inscrite dans les textes est celui de Bercy. Néanmoins, Pôle emploi, l’Éducation nationale ont une solide tradition en la matière puisque les rapports respectifs de la médiatrice et du médiateur sont disponibles facilement. De même, la MSA a adopté en 2018 une charte de la médiation qui prévoit que le rapport du médiateur est consultable sur le site internet. Seuls les rapports des branches de la sécurité sociale ne sont pas diffusés.

Paradoxalement, alors qu’on aurait pu craindre que la publication des rapports élude ou édulcore les problèmes, on constate plutôt l’inverse. Les rapports de la médiatrice de l’éducation nationale et du médiateur de Pôle emploi sont particulièrement riches et circonstanciés dans le premier cas, et directs dans le second. Les difficultés y sont exposées sans ambages et leur exemple ne peut qu’inciter les autres médiateurs à en faire autant. L’effort de vulgarisation oblige à la clarté pour être compris du plus grand nombre, alors qu’une diffusion auprès d’un petit cercle d’experts n’est pas aussi exigeante sur ce plan.

3.   La prise en charge de la non-réponse dans les rapports des médiateurs institutionnels

Les rapports des médiateurs sont, ou devraient être, des loupes qui soulignent les défauts de leurs administrations respectives. Les rapporteurs ont souhaité s’en servir pour examiner ce qu’ils disent de l’absence de réponse des administrations, un fléau que dénonce régulièrement et véhémentement le Défenseur des droits. Il se plaint – il n’est pas le seul, mais sa voix porte – qu’elles ne répondent pas aux usagers, qui, devant la vanité de leurs démarches, voire l’impossibilité de les engager, finissent par le saisir, lui-même ou ses délégués. Ainsi relève‑t‑il, dans son dernier rapport d’activité, que 93 % des réclamations adressées à ses délégués soulèvent une difficulté dans la relation avec les services publics (84 % en 2017). Il poursuit : « Labsence de réponse des services publics aux sollicitations des usagères et usagers a pris une ampleur considérable en 2018. Sur lensemble des réclamations traitées par les services du Défenseur des droits, plus de la moitié concernait labsence découte et de prise en considération des arguments, les délais de réponse et labsence de réponse, que ce soit à des demandes initiales ou complémentaires. » Le constat est d’autant plus alarmant que, en dépit d’actions de communication régulières sur tout le territoire, tous les habitants de ce pays ne connaissent pas forcément le Défenseur des droits et ne savent pas toujours quel est son rôle.

Si l’époque a changé et le phénomène pris une importance inédite, les effets, eux, restent identiques. Le premier rapport du premier médiateur de l’éducation nationale, qui remonte donc à 1999, en donnait une description fidèle : « Ne pas répondre à cette attente conduit à laisser se développer une attitude faite dimpatience, parfois dailleurs parfaitement excessive, et déboucher sur des formes larvées ou explicites de contentieux : violences épistolaires, violences verbales, voire violences physiques, mais plus souvent inflation de recours (hiérarchique – contentieux...), en toute hypothèse malaise devant cette forme de maladministration. » Le médiateur de Pôle emploi, dans son rapport pour l’année 2015, lui fait écho : « La nonréponse a un effet ravageur, en termes dimage comme de souffrance infligée à ceux qui la subissent. De la frustration de lusager naît lexaspération, toujours, et la violence, parfois. La nonréponse crée aussi une spirale vicieuse car celui qui attend une réponse qui ne vient pas multiplie les démarches, les appels téléphoniques, les emails, les courriers, les visites en agence. La nonréponse contribue également à alimenter la saisine simultanée dune multitude dintervenants, dans lespoir quau moins lun deux répondra. Il en résulte une duplication du travail, des courts-circuits, un désordre général. » Un an après le début de la crise des Gilets jaunes, ce constat commun prend un relief particulier. Plus prosaïquement, la proportion de demandes « réorientées » par les médiateurs est aussi un indicateur des obstacles qui se sont dressés entre l’administration et ses administrés. La médiation est devenue, pour beaucoup, le seul moyen de contact.

La lecture des rapports du Défenseur des droits et des médiateurs révèle que l’expression « non‑réponse » recouvre en fait deux réalités distinctes : la première correspond en effet à une non‑réponse de la part d’une administration qui reste silencieuse après avoir été saisie, la seconde découle du fait que l’administration n’est en fait pas joignable et que les usagers ne peuvent pas faire valoir leurs arguments.

De fait, les usagers expriment en la matière une forte demande relayée par le baromètre de l’institut Paul Delouvrier.

Les améliorations attendues par les usagers des services publics

Question : Globalement, dans quels domaines attendez-vous que les services publics fassent de plus de progrès dans les prochaines années ?
 

Source : Barème de l’institut Paul Delouvrier, Les services publics vus par les Français et les usagers, 2019.

Le « tiercé » des progrès attendus par les usagers des services publics est donc depuis trois ans :

– la rapidité de traitement des dossiers, mais aussi des réponses aux demandes ;

– la simplicité des démarches ;

– la possibilité de les joindre plus facilement.

La voie à suivre est donc clairement indiquée.

a.   Pôle emploi

Le plus insistant, dans ce domaine, aura été le médiateur de Pôle emploi qui a tiré la sonnette d’alarme dès 2015. Cette année‑là, il invite à instaurer une véritable culture de la réclamation en écrivant : « Ainsi, le développement au sein de Pôle emploi dune véritable “culture de la réclamation” doit permettre de mieux traiter les réclamations dès le premier niveau (cest-à-dire dès la première réclamation en agence), daméliorer de manière continue la qualité du service rendu et de diminuer sensiblement le recours au médiateur ». De fait, Pôle emploi a engagé une réforme de la prise en charge des réclamations, qui s’est traduite, dans un premier temps, par leur flambée (cf. infra). Cela étant, le médiateur prend acte des efforts entrepris, et du succès, puisqu’il considère, dans son rapport 2018, le problème réglé : « Dans son rapport 2015, le Médiateur National écrivait il est urgent que Pôle emploi se dote dune véritable culture de la réclamation. Cest aujourdhui en cours et cela doit être reconnu. Il faut aussi rendre hommage aux agences, qui ont eu à gérer ce changement. Signe de lavancée de la culture de la réclamation, de ladhésion majoritaire à la culture de service, aucun accroc, aucun point dur ne sest manifesté. La crainte initiale dune submersion par les réclamations sest vite dissipée et linévitable appel dair initial a été géré. »

b.   L’Éducation nationale et l’enseignement supérieur

Sans quantifier le phénomène – est‑ce seulement possible ? –, la médiatrice de l’éducation nationale détaille, dans son dernier rapport, les obstacles rencontrés par les élèves, ou leurs parents, et par les personnels de l’éducation nationale, pour effectuer des démarches dématérialisées.

Les exemples cités montrent qu’ils ne sont pas tous liés à l’illectronisme des utilisateurs : selon les matériels et les logiciels utilisés par les requérants, les démarches aboutissent ou non, quand certaines étapes se révèlent impossibles à franchir. Et, sans aucune possibilité de contact, ni électronique, ni humain, ils se heurtent à un mur. Il s’agit là d’une administration injoignable.

Aux abonnés absents

Ministère ESR : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Source : rapport d’activité de la médiatrice de l’éducation nationale, 2018.

Il y a aussi les difficultés matérielles des parents qui pèsent sur la scolarité de l’enfant, et qui confirment largement les mises en garde du Défenseur des droits.

Connexion obligatoire

Source : rapport d’activité de la médiatrice de l’éducation nationale, 2018.

INSCRIPTION IMPOSSIBLE

STAPS : sciences et techniques des activités physiques et sportives.

CVEC : contribution de vie étudiante et de campus.

Source : rapport d’activité de la médiatrice de l’éducation nationale, 2018.

La médiatrice a aussi détaillé, l’année précédente, les difficultés rencontrées par les personnels de l’éducation nationale pour constituer leur dossier de retraite avec le service des retraites de l’État (SRE), tout particulièrement quand ils ont connu plusieurs employeurs ou des mutations dans plusieurs académies.

Appel de détresse

Source : rapport d’activité de la médiatrice de l’éducation nationale, 2017.

c.   La Mutualité sociale agricole

Dans un autre registre, le médiateur de la MSA indique sur son site, pour décrire ses missions, qu’« il peut aussi vous accompagner si vous rencontrez des difficultés pour contacter votre MSA ou si vous ne parvenez pas à obtenir une réponse de sa part ». Et en réponse aux questions « dans quels cas saisir le médiateur ? et à quelles conditions ? », on peut trouver : « Le médiateur peut intervenir pour rétablir la relation avec votre MSA si vous êtes confronté à un problème de qualité de service (vous narrivez pas à joindre votre caisse...) sans recours préalable à dautres instances. » Interrogé par téléphone, M. Roland Baud s’est dit très attaché à cette nouvelle prérogative inscrite dans sa nouvelle charte. Déjà, en 2018, la qualité était à l’origine de 37 % des saisines. Gageons qu’elle fera l’objet de développements dans ses prochains rapports.

d.   La branche famille

La CNAF met en exergue dans ses graphiques que l’absence de réponse est à l’origine de 7 % des saisines, ce qui est relativement peu.

Ventilation des motifs de saisine des médiateurs CAF-CNAF

Source : rapport d’activité de la médiation administrative de la CNAF, 2018.

Elle signale aussi l’enjeu que représentent les délais de traitement des demandes de médiation dans le cadre de la loi ESSOC qui suspend les délais de recours pendant toute la durée de la procédure. Une plus grande rigueur étant requise, les délais de prise en charge se sont spectaculairement raccourcis. En effet, trois types de délai sont retracés :

– le délai de prise en charge qui court de la réception de la demande à sa transmission au médiateur ;

– le délai de traitement par le médiateur, qui correspond à la durée de la médiation ;

– le délai total, qui cumule les deux.

Délais de traitement des demandes de médiation par les CAF et la CNAF

Source : rapport d’activité de la médiation administrative de la CNAF, 2018.

e.   La branche vieillesse

Le rapport 2018 de la médiation de la CNAV se place sur un plan résolument technique en analysant les dossiers par prestation. Le constat de la longueur des délais de traitement est donc fait mais de façon diluée, qui empêche un constat d’ensemble, à savoir qu’un bon tiers des saisines du médiateur tient à une absence de réponse dans les délais. Il n’en demeure pas moins que le rapport 2018 souligne « la forte recrudescence des demandes de médiation pour rejet implicite (+ 420 %) », un constat « conforme à lalerte que le médiateur avait lancée dans son rapport de lannée 2017 ». Selon les règles en vigueur dans la branche retraite, le silence – ou l’absence de réponse – de la commission de recours amiable (CRA) vaut rejet implicite de la demande ; d’où l’émoi des demandeurs et les démarches qu’ils entreprennent auprès des médiateurs.

Part des saisines de la médiation de la CNAV liées à des non-réponses

Prestation concernée par la saisine*

Nombre de saisines

Part des saisines pour « notifications non reçues » ou « délai de traitement »

Nombre

Retraite personnelle

1 514

27 %

409

Régularisation de carrière

443

58 %

257

Pension de réversion

409

32 %

131

Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA)

289

36 %

104

Retraite anticipée pour carrière longue

183

46 %

84

Sous-total

2 838

35 %

985

Qualité du service

122

 

 

* Prestations pour lesquelles le nombre de saisines dans l’année est supérieur à 100.

Source : rapport d’activité de la médiation CNAV, 2018.

Deux palliatifs ont été imaginés pour remettre un peu d’ordre apparent. Le premier a été d’obtenir qu’une modification de l’article R. 142‑6 du code de la sécurité sociale porte, à compter du 1er janvier 2019, le délai de rejet implicite de la CRA d’un mois à deux, avec pour objectif de réduire le nombre de saisines. Le second a été d’envoyer un courrier à l’assuré l’informant que son dossier nécessitait un délai d’examen supplémentaire. La médiatrice souligne également que, en 2018, le volume de demandes de médiation relatives à des situations générant un risque de rupture de ressources s’est élevé à 41,3 %, dont 29,9 % avec un risque fort ou avéré.

À QUI SE FIER ?

Source : rapport annuel de la médiatrice de la CNAV, 2018.

Les éléments figurant dans la convention d’objectifs et de gestion pour la période 2018‑2022 confortent cette analyse puisque, concernant la qualité du service, les indicateurs, notamment le taux de réclamations et les taux de courriels traités dans les délais, sont particulièrement bas.

Indicateurs de la qualité du service de la CNAV

Source : convention d’objectifs et de gestion de la CNAV 2018-2022.

La non‑réponse est donc un enjeu majeur pour la CNAV, et lourd de conséquence pour les nouveaux retraités dans un pays où, et c’est une spécificité, les pensions représentent le plus souvent l’unique ressource des retraités. Des correctifs doivent être impérativement apportés, surtout dans un contexte de réforme des retraites.

II.   LA MÉDIATION, LA PARTIE ÉMERGÉE DES SERVICES DE RÉCLAMATIONS INÉGALEMENT ARMÉS ET DE PLUS EN PLUS SOLLICITÉS

Faisant leur l’expression de Mme Liora Israël, chercheuse à l’EHESS et responsable de l’enquête de terrain menée par ses étudiants, qui a présenté la médiation comme une « queue de comète », les rapporteurs ont cherché à savoir comment fonctionnaient les relations avec les usagers en amont de la saisine des médiateurs. Aussi ont‑ils sollicité les ministères de l’action et des comptes publics, de l’éducation nationale et de l’intérieur, les principaux organismes gestionnaires de la sécurité sociale (allocations familiales, assurance maladie, assurance vieillesse et mutualité sociale agricole) ainsi que Pôle emploi à qui ils ont adressé un questionnaire d’évaluation du traitement des réclamations.

Par ailleurs, la direction de la sécurité sociale a également mandaté en 2017 une évaluation de la gestion des réclamations, de la médiation et de la conciliation dans les branches famille, maladie et retraite de la sécurité sociale, dont une synthèse a été transmise aux rapporteurs. Elle a été réalisée par la Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale (MNC). Compte tenu de leur poids dans les institutions, ses conclusions sont instructives.

L’évaluation de la gestion des réclamations, de la médiation et de la conciliation

Objectif : audit sur la gestion des réclamations, de la médiation et de la conciliation dans les branches prestataires du régime général (maladie, famille, retraite) qui ont, chacune, souscrit dans leurs conventions d’objectifs et de gestion (COG) respectives, des objectifs relatifs à la gestion des réclamations, voire à l’instauration de procédures de médiation ou de conciliation.

– CNAF famille : déploiement d’un logiciel de traitement des réclamations et bilan, mise en place d’un réseau de médiateurs locaux

– CNAM maladie : amélioration de la gestion des réclamations dans le cadre de la qualité du service

– CNAV vieillesse : déploiement de parcours prioritaires et mise en place de la médiation institutionnelle au niveau régional dans les caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT)

Périmètre : gestion des réclamations, c’est‑à‑dire leur prise en charge ainsi que leur pilotage, médiation et articulation entre les deux, analyse des décisions des commissions de recours amiable.

– famille : CAF de l’Hérault, Seine-Maritime, Val-de-Marne, et de Côte-d’Or

– maladie : CPAM du Morbihan, Rhône, Haute-Savoie, Tarn

– retraite : CARSAT d’Île-de-France, Gironde et Ille-et-Vilaine

A.   DES SERVICES QUI PEINENT À SORGANISER ET À LACTIVITÉ ENCORE INSUFFISAMMENT SUIVIE

1.   Des réponses de qualité très inégale au questionnaire des rapporteurs sur les réclamations

Les questions portaient sur la volumétrie des réclamations et son évolution depuis cinq ans, les modalités de saisine, l’organisation du traitement et les effectifs affectés. Les réponses obtenues sont tellement disparates qu’il est impossible de présenter à des fins de comparaisons l’intégralité des informations fournies, et non fournies, dans un tableau unique. Aussi une synthèse est‑elle disponible ci‑après.

 


Synthèse des réponses des organismes au sujet des réclamations, leur volumétrie et leur prise en charge

Organisme

Volumétrie

Modalités de saisine

Traitement

Délais

Pilotage national

Données centrales

Données locales

Internet

Courrier

Téléphone

Guichet

Ministère de laction et des comptes publics :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- DGFIP

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Décentralisé

96 % des dossiers en moins de 3 mois

- DGDDI

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Oui (registre)

Décentralisé

78 % dossiers soldés en 2 mois

- Service des retraites de l’État

Oui

Oui

Sans objet

Oui

Oui

Non

Non

 

NC, renvoi au référentiel Marianne

Ministère de léducation nationale

Non

Oui

Non

Oui

Oui

Oui

Oui

Décentralisé

Délai moyen : 21 jours

Ministère de lintérieur

NC

NC

NC

Oui

Oui

Oui

Non

NC

NC

Caisse nationale dallocations familiales

Oui

Oui

Oui

Oui

(24 % du flux)

Oui

(2 % du flux)

Oui

(55 % du flux)

Oui

(19 % du flux)

Décentralisé

65 % dans les 10 jours

Caisse nationale de lassurance maladie

Oui (réforme en cours)

Non

Non

Oui

Oui

Oui

(numéro surtaxé)

Oui

Décentralisé

NC, renvoi à la norme fixée (2 jours ouvrés)

Caisse nationale dassurance vieillesse

Non

Non

Non

Oui

Oui

Oui

Sur rendez‑vous

Service spécialisé au sein des CARSAT

NC (renvoi à la norme) :

- urgent : 7 jours ouvrés ;

- standard simple : 30 jours ouvrés ;

- standard complexe : 60 jours ouvrés

Mutualité sociale agricole

Non (réforme en cours)

Non

Non

Oui

Oui

Oui

Oui

Décentralisé

NC

Pôle emploi

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Décentralisé

89 % des dossiers traités dans les 7 jours et 99 % dans le mois

NC : non communiqué.


—  1  —

Le ministère de l’action et des comptes publics apparaît comme le meilleur « élève de la classe », puisqu’il est capable de donner des éléments extrêmement précis pour les réclamations auprès des services des impôts, son vaisseau amiral, mais aussi de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), plus sommairement outillée mais n’étant pas soumise à la même pression, ou encore du service des retraites de l’État, pour lequel les chiffres fournis laissent deviner qu’il n’est pas encore monté en puissance. À l’autre bout du spectre, se trouvent la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) qui n’a répondu à aucune question sinon sur les modalités de saisine mais signale que le projet figure dans sa convention d’objectifs et de gestion (COG), et le ministère de l’intérieur qui semble estimer que ses prérogatives régaliennes le dispensent de se préoccuper des usagers mécontents.

Il est vrai que le maintien de lordre et la délivrance de titres aux étrangers suscitent souvent des réactions hostiles, mais ce ministère privilégie la prise en compte des avis du public à travers des comités dusagers présidés par le préfet du département, et lintégration de lexpérience client au stade de la conception des sites et des applications. Les déboires des administrés ayant eu affaire ces dernières années à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ([13]), et la persistance de pastilles rouge vif dans la colonne « Disponibilité et rapidité » de l’observatoire de la qualité des démarches en ligne ([14]) en face des demandes de permis de conduire, de cartes grises et de titres d’identité n’ont guère entamé son discours positif d’autant que, sur le site, on apprend que l’ANTS a été élue service clients de l’année.

Source : https://passeport.ants.gouv.fr/

Pour qui s’est lancé récemment dans de telles démarches, la nouvelle a de quoi surprendre, s’il n’a pas fait appel au centre de contact citoyens qui vient en aide aux demandeurs en difficulté, et qui est joignable au 3400, un numéro non surtaxé. Il faut le trouver : c’est facile depuis la page d’accueil (en cliquant sur l’onglet Contacter l’ANTS) ; en revanche, une fois que le choix de la démarche (passeport, permis de conduire, etc.) a été fait, c’est mission impossible (en cliquant sur le même onglet Contacter l’ANTS, on tombe sur un formulaire à remplir).

Du côté des branches de la sécurité sociale, la CNAF, même s’il reste bien des progrès à faire (cf. ci‑dessous), est à la pointe car elle suit les réclamations de façon détaillée depuis 2015 tandis que la CNAM doit disposer des chiffres pour l’année en cours et la MSA est sur la bonne voie.

Dialogue de sourds

 

 

Caf.fr - Retour à l'accueil

 

Le courrier du 12 novembre 2018 qui demande le remboursement du tropperçu se termine ainsi :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le recours administratif concernant le RSA doit être déposé « auprès du président du conseil départemental » et adressé « à votre caisse dallocations familiales ».

 

 

 

 

 

Le dialogue de sourds se poursuit sous forme de lettres ou de mails, lallocataire demandant une réponse à ses deux premières lettres et la CAF, de façon de plus en plus comminatoire, le remboursement du tropperçu dALS.

 

 

 

 

 

Les lettres de la CAF se terminent par le numéro de téléphone et le renvoi au site internet. À aucun moment, lexistence dune médiation nest signalée.

 

 

 

 

 

 

 

Le médiateur prend en charge le dossier et le règle par une lettre du 5 juillet 2019.

L’absence de suivi centralisé par le ministère de l’éducation nationale peut s’expliquer par l’étendue du réseau – écoles primaires, collèges, lycées, établissements d’enseignement supérieur – et la variété des demandes émanant des parents d’élèves, des élèves et du personnel enseignant relevant d’ailleurs de différents statuts. Investir dans un outil de pilotage national lourd et coûteux ne serait pas forcément judicieux (serait‑il seulement utilisé ?), ce qui ne signifie pas que l’information ne doive pas circuler par d’autres canaux.

2.   Néanmoins, s’en dégagent quelques conclusions provisoires

a.   Les systèmes apparemment les plus performants allient une prise en charge locale et un suivi national

Le premier enseignement à tirer est d’examiner les chiffres fournis avec circonspection. Ce ne sont que des indicateurs, et encore. La MNC, par exemple, s’interroge sur la fiabilité des données recueillies en l’absence de critères uniformes (la définition de la réclamation n’est pas la même selon les branches), et de l’insuffisance du contrôle interne. Autrement dit, les chiffres ne sont pas comparables d’une branche à l’autre, et, même au sein d’une branche, ils ne sont pas stabilisés. Elle observe que la branche maladie, la seule à avoir tenu ses objectifs en matière de suivi des réclamations, ne donne pas satisfaction à ses usagers, à l’inverse de la branche famille. Il est difficile d’en conclure quoi que ce soit. À tout prendre, le pragmatisme préfère la satisfaction de l’usager, à condition de la mesurer convenablement.

La question mérite d’être posée car un volume important de réclamations indique au moins, indépendamment de la qualité des réponses apportées, qu’elles sont enregistrées et suivies. Pour mesurer la fièvre, autant disposer d’un thermomètre, et même d’un bon thermomètre.

Les données recueillies par la MNC auprès des organismes audités

La mission constate, toutes branches confondues, que le poids des réclamations dans les contacts des caisses déclaré par les organismes est faible (< 5 %).

Les données nationales de la branche Maladie indiquent qu’en 2015, le poids des réclamations, émanant des seuls assurés, dans les contacts était de 2 %. En considérant l’ensemble des publics (professionnels de santé et employeurs également), la part des réclamations dans les contacts s’élève à 3 %.

Pour la branche Famille, les données issues du tableau de bord des réclamations font état pour lannée 2017 dun taux de réclamation de 5 % sur la totalité des flux de contacts.

Pour la branche Retraite, en l’absence de données nationales, la mission s’est appuyée sur les données issues des caisses auditées. En 2017, le poids des réclamations des 3 CARSAT auditées représentait 0,1 % des contacts assurés.

En effet, la CNAF a fourni des chiffres (2,7 millions), Pôle emploi (1,5 million), le ministère de l’action et des comptes publics (près de 3,8 millions) et la MSA (25 000) aussi ; mais pas la CNAM, ni la CNAV. L’observation critique semble indiquer qu’un volume important de réclamations est sans doute le symptôme d’un problème mais qu’un volume réduit est plus inquiétant encore : les instances de direction sont dans l’incapacité d’appréhender la situation, et les usagers, de l’autre côté, de manifester leur mécontentement. De fait, la MNC a relevé que tous les médiateurs faisaient de la réorientation et que, « dans la branche retraite, la majorité des demandes reçues par le médiateur (80 %) ne relevait pas de son champ de compétence ». Ne faut‑il pas y voir un symptôme sachant qu’en parallèle, les saisines du Défenseur des droits concernant les services publics ont augmenté de + 52,7 % en cinq ans…

Évolution du nombre de saisines du Défenseur des droits
concernant les services publics

 

2010

2015

2016

2017

2018

2019

Variation 2019/2015

(en %)

Nombre

38 091

40 329

45 113

50 560

55 785

61 596

+ 52,7

Source : Défenseur des droits, rapports annuels d’activité.

… et qu’elles ont représenté 93 % de l’activité des délégués du Défenseur en 2018 contre 84 % l’année précédente ?

Organismes de service public mis en cause parmi les réclamations
reçues par les délégués en 2018

Source : Défenseur des droits, rapport d’activité 2018.

Très nettement, tous les organismes capables de fournir des chiffres concernant le volume des réclamations et leur délai de traitement sont ceux où ils sont les plus courts. Il s’ensuit qu’il est impératif, dans le contexte de la dématérialisation, de suivre les réclamations au plus haut niveau et de prévoir en amont les moyens de les recueillir et de les traiter, donc de remonter cette priorité dans la liste fixée par les conventions d’objectifs et de gestion des organismes sociaux.

L’organisation de la gestion des réclamations dans les trois branches prestataires du régime général repose sur trois modèles, avec plus ou moins d’autonomie dans le choix :

– le modèle centralisé basé sur un service regroupant l’ensemble des agents chargés de traiter les réclamations ;

– le modèle décentralisé où les réclamations sont traitées par les agents en charge des prestations pour lesquelles les usagers expriment un mécontentement ;

– le modèle intermédiaire reposant sur un responsable de service en charge des réclamations et pouvant solliciter les services de production pour disposer pendant un temps déterminé des agents pour traiter les dossiers de réclamations.

La prise en charge des réclamations par la sécurité sociale

Source : MNC, synthèse définitive.

La MNC s’inquiète de l’absence d’unité dans le traitement, donc in fine des risques de rupture d’égalité entre les usagers en cas de gestion décentralisée. Elle est placée devant un dilemme : traiter moins de demandes mais de façon uniforme, ou traiter plus rapidement les demandes en privilégiant le nombre et, sans doute, la satisfaction de l’usager ([15]), au risque de l’approximation. Toutes choses égales par ailleurs (en fonction de l’impact de ces délais pour les demandeurs de chaque branche), les options prises par Pôle emploi peuvent sans doute éclairer la décision. Même si comparaison n’est pas raison : les règles à Pôle emploi résultent de la convention tripartite conclue entre l’État, l’UNEDIC et Pôle emploi, celles de la protection sociale de lois.

Il semble que le règlement des dossiers le plus en amont possible soit un facteur d’efficacité et le choix de Pôle emploi en passe de se révéler gagnant. Il paraît plus pertinent, pour l’exprimer crûment, de faire traiter les problèmes par ceux qui les ont créés. De la sorte, les services perçoivent immédiatement les difficultés soulevées par leurs méthodes de travail et cèdent moins facilement à la tentation de l’expédient (transférer la charge de travail à d’autres) : la détection est rapide, et la recherche de solution aussi. Une telle organisation réduit les temps de réaction, soit parce que la solution est trouvée rapidement, soit parce l’alerte est lancée le plus tôt possible.

A contrario, l’organisation la plus centralisée jusqu’à présent, mais sans instrument de pilotage, à savoir la CNAV, semble à la peine. La CNAV déclare en effet que les caisses, dans leur majorité, ont opté pour un traitement centralisé par un service spécialisé. Comme, pour paraphraser Talleyrand, ce qui va sans dire va encore mieux en se disant, le truisme selon lequel un problème ne peut être réglé que s’il est décelé se trouve une nouvelle fois validé par l’expérience.

Enfin, labsence de pilotage est synonyme dignorance, et laisse une place plus grande à larbitraire, chacun sorganisant selon ses propres critères : faire en sorte de se débarrasser des dossiers au plus vite, trouver une solution en fonction des marges de manœuvre disponibles, ou les enterrer. Faire passer chacun sous une toise unique comme semble le recommander la MNC est‑il le choix le plus judicieux ? Quel enjeu y a‑t‑il derrière une définition unique de la réclamation, commune aux trois branches de la sécurité sociale ? Si toutes versent des prestations, leur activité est‑elle comparable ? Ainsi, le remboursement de soins est fréquent mais standard, l’instruction d’une demande d’APL ou de prime d’activité récurrente puisqu’il faut réexaminer les ressources et la situation familiale très régulièrement, à l’inverse d’un dossier de retraite dont l’instruction est longue et complexe lors de son dépôt mais relativement simple ensuite. Il conviendrait de mettre en regard le coût des mises à niveau des systèmes d’information respectifs et le bénéfice attendu.

L’important n’est‑il pas de disposer d’outils de pilotage, qui permettent un suivi convenable, c’est‑à‑dire d’indicateurs stables dans le temps, fiables – et il reste apparemment du pain sur la planche – et pertinents ? À cet égard, la distinction entre réclamations, qui expriment un mécontentement, notamment à propos des délais de traitement, et contestations, qui demandent le réexamen dune décision, mérite sans doute dêtre approfondie. Elle est utilisée par la CNAM puisque, dans le réseau des CPAM, les réclamations-contestation font l’objet d’un traitement uniforme avant d’être transmises aux commissions de règlement amiable tandis que les réclamations-insatisfaction, elles, sont traitées selon des modalités propres à chaque caisse. La satisfaction des usagers, à la condition qu’ils puissent aisément entrer en contact, les délais moyens de traitement et l’exactitude des décisions prises ne sont‑ils pas prioritaires par rapport au reste ?

b.   La lucidité du médiateur et la clarté de son message sont des atouts

L’alerte lancée en 2015 par le médiateur de Pôle emploi n’était peut‑être pas le seul signal envoyé à la direction mais il était clair et il a été suivi d’effet. D’autres recommandations, d’ordre plus technique, ayant trait notamment aux droits rechargeables ont donné lieu à des ajustements, et contribuent à apaiser les tensions. Le médiateur, dont le comportement doit parfois irriter au quotidien quand il intervient dans des cas précis, peut finalement être un très bon ambassadeur des agents affectés à la production du service public. Pour conforter cette impression, des agents de Pôle emploi ont fait état d’échanges téléphoniques à l’initiative des agences avec les médiateurs pour trouver une solution à un cas délicat et d’agents de Pôle emploi qui suggèrent aux demandeurs d’emploi de s’adresser au médiateur régional. À titre de nouvelle illustration, qui d’autre que le médiateur de Pôle emploi a levé le lièvre de la complexité et de ses conséquences pratiques pour les usagers, à savoir des manques à gagner et des trop‑perçus qu’il faudrait rembourser après avoir obtenu une information erronée de la part d’un conseiller ? « Linformation erronée revient régulièrement dans les réclamations reçues par les médiateurs. Les faits décrits sont toujours les mêmes : information donnée au 3949 ou par un conseiller qui savère erronée, autant davis différents que de conseillers interrogés. Évoquer une perte ou une absence de compétence serait la voie la plus courte mais pas nécessairement la plus juste. On la souvent répété : la complexité des réglementations fait que les usagers sy perdent et les conseillers aussi. Les règles sont multiples, se recoupent et changent sans cesse. Délivrer une information fiable dans ces conditions est un défi quotidien. » La médiatrice de l’éducation nationale l’a remarqué également, principalement pour des questions relatives aux retraites.

À qui se fier ? (Saison 2)

Source : rapport d’activité de la médiatrice de l’éducation nationale, 2017.

c.   Des précautions à prendre

Les rapporteurs invitent donc les gestionnaires de service public à apporter aux réclamations l’attention qu’elles méritent : elles doivent pouvoir être recueillies par d’autres voies que la médiation, quand ce n’est pas par le Défenseur des droits, traitées en amont de ce dispositif de dernier recours, tout en gardant à l’esprit que la satisfaction des usagers, dont le mécontentement est sous‑estimé selon la MNC ([16]), doit être la priorité ; leur suivi doit aussi faire partie des tableaux de bord de la direction. Ce faisant, ils savent aussi que cette option va de pair avec une automatisation et une dématérialisation accrues pour les services, et partant pour les usagers. Ainsi, avec la généralisation des espaces personnels, auxquels les usagers sont renvoyés pour déposer une réclamation ou une demande de médiation, internet risque fort de devenir le canal exclusif de transmission et de rendre caduques les autres modalités de saisine. Or il est important de préserver des voies d’accès plurielles pour maintenir le contact.

Il serait intéressant de mettre en parallèle le volume des réclamations et les canaux quelles empruntent. L’évaluation de la MNC n’a porté que sur un échantillon mais ne faudrait‑il pas faire un lien entre les 2,6 millions de réclamations reçues par la branche famille et la part du téléphone et de l’accueil physique (respectivement 69 % et 17 % en 2017) dans les canaux de transmission ? Inversement, le monopole de l’écrit dans les voies d’accès aux réclamations de la CNAV ne ménage‑t‑il pas, au moins provisoirement, les gestionnaires des CARSAT ? Les questions méritent d’être posées.

Sur ce point, on relèvera que l’ancien délégué interministériel à la transformation publique, M. Thomas Cazenave, invitait à réhabiliter l’usage du téléphone ([17]), sujet sur lequel la DITP et le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) déclaraient travailler ([18]). Incidemment, par rapport aux courriers postal ou électronique qui établissent une communication unilatérale, le guichet et le téléphone autorisent un véritable dialogue.

Répartition des réclamations par canal

Source : MNC.

Les choses évoluent vite, car, d’après le tableau de bord de la CNAF à fin septembre 2019, la ventilation des réclamations (2,37 millions) par canal est la suivante :

– téléphone : 55 %

– accueil physique : 19 %

– courrier : 2 %

– courriel : 24 % (la proportion a doublé en quatre ans).

Ce transfert d’ampleur certaine entre le téléphone et le courriel dans la branche famille résulte sans doute d’incitations à emprunter telle voie plutôt que telle autre ; elle illustre également la position assez inconfortable des organismes sociaux tiraillés entre les usagers qui veulent toujours plus d’internet et ceux qui n’en veulent pas. Il n’en demeure pas moins que les canaux classiques (téléphone et guichet) représentent près des trois quarts du total dans la branche famille.

B.   LES RÉCLAMATIONS, SYMPTÔME DU MALAISE DES ADMINISTRATIONS SOUMISES À DES INJONCTIONS CONTRADICTOIRES

Il se dégage de ces investigations, partielles et incomplètes, que les réclamations ne sont pas convenablement prises en charge par les administrations, au risque daggraver une fracture profonde et délétère avec leurs administrés. Une note ([19]) récente du Conseil danalyse économique établit dailleurs un lien entre crise des Gilets jaunes, conditions de vie et accès aux services publics. Ces soubresauts violents obligent à remettre le public à la place quil mérite. Il est, il ne faut pas loublier, la raison dêtre dun État démocratique.

Ce constat amène à faire un retour en arrière pour examiner les raisons qui ont conduit à la situation actuelle. Parmi elles, la conjonction dune crise économique et sociale et dune crise des finances publiques a mis les administrations sous pression. Par le biais des conventions dobjectifs et de gestion, largement axées sur la productivité, elles ont été invitées à faire toujours plus avec moins, une véritable gageure dans une conjoncture défavorable. Par ailleurs, elles sont constamment enjointes à la simplification alors que s’enchaînent les réformes et cette instabilité normative génère intrinsèquement de la complexité. Le résultat a été une course à la dématérialisation qui ressemblait beaucoup à une fuite en avant. Mais la technique n’a pas tenu toutes ses promesses et l’usager en a été la variable d’ajustement.

1.   Les conventions d’objectifs et de gestion engagent à faire toujours plus avec moins

Les rapporteurs ont focalisé leurs investigations sur Pôle emploi et les caisses d’allocations familiales parce qu’ils sont en première ligne en cas de crise économique. Dans un premier temps, les entreprises licencient et les demandes d’emploi augmentent ; les ressources des chômeurs chutent et ils se tournent alors vers les caisses d’allocations familiales pour obtenir des revenus de substitution.

Tous les organismes sociaux prennent vis‑à‑vis de l’État des engagements pluriannuels souscrits dans le cadre de conventions d’objectifs et de gestion (COG) qui servent de feuille de route pluriannuelle. Or, pour la période 2013‑2017, les évaluations dont les COG font l’objet et qui sont menées par l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des finances prennent acte que, dans l’ensemble, les cibles ont été atteintes en termes de productivité.

a.   Pôle emploi

Pour mesurer la magnitude du séisme qui a secoué la société française, il faut prendre du champ et remonter dans le temps. Le graphique ci‑dessous retrace le nombre de demandeurs d’emplois astreints à une recherche d’emploi ([20]), c’est‑à‑dire suivis par Pôle emploi depuis 2008.

Demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, Catégorie A, ABC
France métropolitaine

Source : Pôle emploi.

Selon les chiffres fournis par Pôle emploi, le nombre de demandeurs d’emploi des catégories A, B et C du troisième trimestre 2009 au troisième trimestre 2019 a augmenté en France métropolitaine de 63 %. Ce sont autant de dossiers pour Pôle emploi et encore s’agit‑il de stocks et non de flux, lesquels augmentent d’autant plus que les embauches se font à courte durée. Autrement dit, un demandeur d’emploi peut venir plusieurs fois au cours d’une année.

En regard, il faut comparer avec les moyens mis par la puissance publique.

Évolution de l’activité et des moyens de Pôle Emploi

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Variation
en %

Subvention pour charge de service public ([21]) en M€

1 561,5

1 350,5

1 517,5

1 466,3

1 506,6

1 589,2

1 583,7

1 595,4

1 592,2

1 611,8

1 563,9

1 377,7

 11,8

Emplois sous plafond

NS

40 771

43 439

42 351

42 299

44 205

46 381

46 345

46 445

46 414

46 084

46 045

+ 12,9

NS : non significatif (2008 : année de la fusion entre ANPE et ASSEDIC).

Sources : Pôle emploi et jaunes budgétaires des opérateurs de l’État.

Les efforts d’efficience ont permis entre 2012 et 2017 d’augmenter le temps dédié à l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi de l’équivalent de 5 200 ETPT (équivalent temps plein travaillé) – outre la création de 4 000 postes en 2012 et 2013. À la fin de l’année 2018, le portefeuille moyen d’un conseiller comprenait :

– 349 demandeurs d’emploi en modalité « suivi » (+ 9 % par rapport à décembre 2016) ;

– 216 en modalité « guidé » (+ 14 % en deux ans) ;

– 100 en accompagnement « renforcé » (+ 23 % en deux ans) ;

– 49 en accompagnement « global » (+ 9 % en deux ans).

Selon les inspections, Pôle emploi a enregistré un « un haut niveau de performance globale au regard des objectifs chiffrés posés par la convention, appuyé par une démarche de pilotage spécifique et par des réorganisations substantielles ». « Face à la pression, la direction a pris aussi rapidement que possible le virage du numérique pour alléger la tâche des conseillers, grâce à la dématérialisation de linscription ou à lautomatisation du traitement de lindemnisation, ou pour améliorer laccessibilité à loffre de services de Pôle emploi. »

Mais il y a des contreparties, que ne quantifient pas les indicateurs : « le sentiment dune importante dégradation des conditions de travail et, par conséquent, dune forte détérioration du service rendu aux usagers » est très répandu au sein du personnel. De l’autre côté du guichet, le temps est au mieux au découragement et au scepticisme. « En 2016, les deux tiers des demandeurs demploi inscrits dans un accompagnement suivi nont pas eu dentretien avec leur conseiller référent quatre mois après leur inscription à Pôle emploi. De même, plus dun quart des demandeurs demploi en modalité renforcé navaient toujours pas eu cet entretien, cinq mois après leur inscription à Pôle emploiSeuls un tiers des demandeurs demploi sont en emploi durable six mois après la fin dune formation prescrite par Pôle emploi ([22]) ». Les employeurs se plaignent de se voir adresser des candidats dont le profil ne convient pas ; et les chômeurs d’être sollicités pour des emplois qui ne correspondent ni à leurs compétences ni à leurs exigences. De plus, les démissions en période d’essai peuvent être lourdes de conséquences en termes d’indemnisation, ce qui n’incite vraiment pas à tenter sa chance.

Démission : QUAND LE RISQUE NE PAIE PAS…

Source : rapport d’activité du médiateur de Pôle emploi, 2016.

Source : rapport d’activité du médiateur de Pôle emploi, 2017.

b.   Dans les organismes de sécurité sociale

Les branches de la sécurité sociale s’étaient engagées, dans les conventions d’objectifs et de moyens qu’elles ont conclues avec l’État pour la période 2013‑2017, à réduire leurs effectifs.

Restitution d’emplois prévues dans les COG 2013-2017
des branches du régime général

ACOSS : Agence centrale des organismes de sécurité sociale. ETPMA : équivalent temps plein moyen annuel.

Source : IGAS-IGF, Évaluation de la COG 2013-2017 de la CNAF, rapport définitif, tome II - annexes.

Selon les évaluations des dernières conventions d’objectifs et de moyens (COG) qui retracent les engagements des opérateurs sociaux, effectuées par les inspections générales (affaires sociales et finances), les résultats sont, sur ce plan, en ligne avec ce qui était demandé. Ainsi, le taux de réalisation de la COG 2013‑2017 de la CNAF est jugé satisfaisant puisque « 71 % des actions ont été mises en œuvre fin 2016 », même si certains indicateurs présentent une situation de façon avantageuse et si les réductions d’emploi seront difficilement tenues.

Les inspections constatent que la productivité s’est améliorée et que ces gains n’ont pas été obtenus « au détriment de la qualité, les indicateurs étant respectés à fin 2016 (malgré le fléchissement en 2016 dû à lintroduction de la prime dactivité) ».

Évolution de la productivité

Indicateur par agent

(ETPMA)

2013

2014

2015

2016

Variation

2016/2013

Nombre de pièces traitées

5 648

5 858

6 515

6 961

+ 23,2 %

Nombre d’allocataires

456

465

450

472

+ 3,5 %

Nombre d’allocataires pondérés

692

715

702

820

+ 18,5 %

Source : IGAS-IGF, Évaluation de la COG 2013-2017 de la CNAF, rapport définitif, tome I.

Elles poursuivent : « Parmi les trois leviers damélioration de la productivité (automatisation des tâches, simplification des règles, pilotage et organisation de la production), cest le dernier qui explique le résultat obtenu : la CNAF estime que les gains de productivité au cours de la période 20122015 sont dus à plus de 80 % au renforcement du pilotage de la production. » Autrement dit, l’automatisation seule ne produit pas tous les bénéfices escomptés.

Et les objectifs sont maintenus dans la COG suivante :

Source : COG 2018-2022 de la CNAF.

Le rapport d’évaluation des inspections fournit le tableau des lieux d’accueil mais il n’est pas très précis car, comme l’explique l’encadré ci‑dessous, il n’existe pas de suivi national des guichets. Il est certain que les organismes sociaux évitent de prêter le flanc à la critique des élus, prompts à leur demander d’être présents partout et de faire des économies. La réduction des guichets, de 13,7 %, n’est pas négligeable.

Évolution des types d’accueil physique au cours de la COG 2013-2017

NB : il manque les points-relais (641 en 2016, pas de données pour les années antérieures).

Source : CNAF in rapport d’évaluation de la COG 2013-2017 de la CNAF.

Les lieux d’accueil des CAF

Une CAF peut offrir de multiples lieux d’accueil :

– le siège de la CAF, qui concentre l’ensemble des modes d’accueil ;

– les agences, qui hébergent également, bien qu’en nombre plus réduit, les services de la CAF, en particulier les fonctions de liquidation, d’accueil et d’action sociale ;

– les antennes de la CAF, qui n’hébergent qu’une partie de ces activités, souvent des activités de prestations légales et comportent de l’accueil ;

– les permanences représentent un mode d’accueil historique des CAF. Elles sont installées dans des centres sociaux, collectivités, etc. Leur organisation et les niveaux de service offerts sont extrêmement variables, mais la présence d’un gestionnaire conseil allocataires (GCA) est la configuration la plus fréquente ;

– les partenariats relais qui offrent au moins un accueil de premier niveau et un mode de communication avec la CAF (visio-guichet, point d’accès au numérique).

Cette typologie des points d’accueil issue d’un rapport d’audit interne varie selon les documents et n’est pas uniformément partagée par le réseau. Notamment les dénominations antennes, agences, permanences ne correspondent pas à la même réalité dans tous les départements. Le concept de « site principal » n’est pas défini. Par conséquent, si chaque CAF a une vision exhaustive et précise des types d’accueil sur son département et est responsable de la mise à jour de l’information sur ses différents sites sur Caf.fr, le dénombrement national des différents lieux est imprécis.

Source : IGAS-IGF, Évaluation de la COG 2013-2017 de la CNAF, rapport définitif, tome I.

La CNAM n’a pas été soumise aux mêmes pressions et le bilan est également bon. « Lassurance maladie tient la majorité de ses engagements, puisquà cette date ([23]) plus de 80 % des actions étaient déjà réalisées et 70 % des cibles quantitatives atteintes. La trajectoire budgétaire est respectée ; les effectifs devraient diminuer au total, entre 2014 et 2017, de 5 080 ETPMA ([24]) » et « des progrès significatifs ont été faits en parallèle en matière de relation de service ». Elle est plutôt en avance en termes de téléservices, tout en ayant maintenu son réseau. « Au total, le nombre de points daccueil a peu diminué sur les dernières années, passant de 2 350 en 2011 à 2 139 en mai 2017 ». Pour tenir son engagement de non‑remplacement de la moitié des départs en retraite, elle doit poursuivre « la transformation numérique à la fois de son offre de service et de ses processus de gestion », notamment les échanges automatisés de données, et entreprendre « une reconfiguration de lorganisation du réseau ».

La tonalité de l’évaluation de la CNAV est moins favorable, confortant ainsi le diagnostic des rapporteurs. Les inspections prennent acte des effets déstabilisateurs des réformes sur la production et constatent l’insuffisance des instruments de pilotage. « La trajectoire deffectifs a été globalement respectée sur la période de la COG »… « Néanmoins, les tensions sur la production ont dégradé les délais de liquidation, réduit les possibilités danticipation de la reconstitution de carrière pour les usagers et contraint la branche à restreindre son offre daccueil et de conseil. » La nouvelle COG prévoit de s’adapter au « papy boom » et mise sur les échanges de données et la simplification…

2.   La simplification, omniprésente dans les discours, et toujours repoussée

La situation sociale et l’état des finances publiques ont conduit les gouvernements successifs à ajuster leurs politiques selon leurs priorités. De fait, dans tous les domaines, les réformes se sont succédé. En voici un bref inventaire. Or, chacune a un coût, supporté par les organismes, voire les usagers.

a.   Pôle emploi

Les inspections soulignent que la période a été « marquée par des réformes importantes qui ont eu un impact direct sur lopérateur, du fait des évolutions de lassurance chômage en 2014 et en 2017 (mise en place des droits rechargeables et encadrement des activités réduites, qui correspondent à la reconnaissance de laugmentation du nombre de personnes alternant périodes demploi et de chômage), ou indirect sagissant en particulier des évolutions du cadre fiscalo-social (amplification de la baisse des cotisations sociales pour les salaires peu élevés, mise en place de la prime dactivité). » Depuis le début du quinquennat, le rythme des réformes s’accélère, comme l’a relevé M. Stéphane Viry dans sa communication sur Pôle emploi : ouverture de l’indemnisation du chômage aux salariés démissionnaires et aux indépendants prévue par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui devrait mobiliser entre 300 et 400 ETPT, accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA dans le cadre du « Plan Pauvreté », implication des régions dans le plan d’investissement dans les compétences (PIC), sans oublier le renforcement du contrôle.

b.   Dans les branches de la sécurité sociale

Par ailleurs, les réformes pour adapter le filet de sécurité en fonction des besoins immédiats, des priorités politiques et des impératifs de maîtrise des dépenses n’ont pas manqué, avec des répercussions financières (personnel supplémentaire, mise à niveau des systèmes informatiques) qui ont pesé sur les gains de productivité.

Principales modifications normatives ayant un impact
sur l’activité de la branche famille

Prestation concernée

Vecteur normatif

Date dentrée

en vigueur

Nombre dallocataires concernés (constaté ou estimé)

Garantie contre les impayés de pensions alimentaires

Loi du 4 août 2014

1er avril 2016

13 715

Prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE)

Loi du 5 août 2014

1er octobre 2014

259 700

Allocations familiales (modulation)

Article 85 de la loi de financement de la sécurité sociale

pour 2015

1er juillet 2015

454 500

(déc. 2015)

Prime d’activité

Loi du 17 août 2015

1er janvier 2016

2 487 139

Allocations logement (prise en compte du patrimoine)

Loi de finances initiale (LFI)

pour 2016

1er octobre 2016

1 600 000

Effet figé RSA

LFI pour 2017

1er janvier 2017

1 838 292

Dématérialisation de la demande de RSA

LFI pour 2017

1er janvier 2017

(reporté à l’automne)

1 838 292

Non‑cumul AAH et ASS

LFI pour 2017

1er janvier 2017

25 000

Autres réformes des minima sociaux

LFI pour 2017

1er janvier 2017

 

Source : IGAS-IGF, Évaluation de la COG 2013-2017 de la CNAF.

Et l’inventaire s’arrête avant les mesures gouvernementales décidées après la crise des Gilets jaunes (ainsi, près de 1,5 million de foyers supplémentaires ont perçu la prime d’activité en 2019 par rapport à 2018)… et la réforme des aides personnalisées au logement, qui devait intervenir le 1er janvier 2020, et qui a été suspendue.

L’impact sur les systèmes d’information a été aussi considérable.

Origine des mises à niveau informatiques sur la période

en %

Source : IGAS-IGF, Évaluation de la COG 2013-2017 de la CNAF.

En huit ans, le nombre d’allocataires pondérés – indicateur composite de la complexité des dossiers – a augmenté de 32 %.

Évolution du nombre d’allocataires pondérés entre 2009 et 2016

en millions

Sources : IGAS-IGF, Évaluation de la COG 2013-2017 de la CNAF, rapport définitif, tome I.

Dans le domaine de la santé aussi, des réformes non prévues dans la COG ont été mises en œuvre : la protection universelle maladie (Puma) qui a permis de simplifier fortement l’accès à la couverture maladie de base ; l’extension du tiers‑payant et la suppression du régime étudiant.

Les inspections ne manquent pas de relever le caractère « déséquilibré » des COG puisque l’État n’est pas tenu à des engagements précis. « Illustrant le caractère déséquilibré du contrat, lÉtat nétait tenu que par des dispositions générales, quil na pas toutes respectées, en particulier concernant les simplifications réglementaires des indemnités journalières et de la couverture maladie universelle complémentaire. » ([25]) Elles insistent même sur le caractère désormais impératif de ces simplifications, « dans lintérêt de lusager qui continue à ne recourir que difficilement ou partiellement à certaines aides, mais aussi pour libérer les gisements de productivité liés à la plus grande automatisation des processus de traitement de ces prestations ».

Après le constat qu’elles ont dressé, les inspections recommandent à la CNAV d’améliorer « lefficience de sa production » et de veiller en priorité à « examiner ses processus métier afin den assurer lindustrialisation, et poursuivre les simplifications réglementaires. » Où l’on retrouve l’omniprésente mais introuvable simplification !

Très logiquement, ce ne sont pas les quelque 14 millions de retraités qui donnent du travail à la CNAV, mais les futurs retraités. Dans ce domaine encore, les réformes ont été nombreuses. Or ce sont ces chocs externes qui ont perturbé le fonctionnement de la CNAV, soumis à des flux de demandes imprévus et à de très fortes tensions.

Les réformes depuis 2010

Les réformes intervenues entre 2010 et 2015 avaient pour objectif essentiel de contenir les dépenses de retraite. Elles ont eu pour effet de réduire de 1,04 point de PIB les masses de pension de droit direct servies pour l’ensemble des régimes à l’horizon 2040.

– La loi de financement de la sécurité sociale de 2009 instaure à compter du 1er janvier 2012 un écrêtement du minimum contributif (MICO) dans le cas où la pension dépasse le seuil de 1 050 euros mensuels.

– La loi du 9 novembre 2010 comprend quatre mesures essentielles : les deux plus importantes étant le relèvement de l’âge légal d’ouverture des droits et le relèvement de 65 à 67 ans de l’âge d’annulation de la décote. À ces deux mesures s’ajoutent notamment le relèvement des âges pour les départs anticipés pour carrières longues et la mise en extinction de la possibilité de départ anticipé pour les parents de trois enfants ou affiliés à la fonction publique.

– Le décret du 2 juillet 2012 assouplit le dispositif des départs anticipés pour carrière longue.

– La loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites allonge progressivement, au fil des générations, la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein. D’autres mesures bouleversent également la législation antérieure :

• la liquidation unique des régimes alignés (LURA), mise en oeuvre au 1er juillet 2017, entérine le principe de l’annualisation des salaires et revenus déterminant le salaire annuel moyen et unifie les liquidations pour les assurés du régime général, de la MSA et du RSI ;

• la modification du nombre de trimestres pris en compte pour l’éligibilité aux départs anticipés pour carrières longues ;

• le passage de 200 à 150 heures SMIC pour la validation d’un trimestre ;

• le décalage d’avril à octobre de la date de revalorisation annuelle des pensions (qui a fait perdre 6 mois de revalorisation pour les pensions servies) ;

• la hausse des taux de cotisation dans les régimes de base ;

• le compte personnel de prévention de la pénibilité pour les salariés exposés à des risques professionnels.

– Le décret du 30 décembre 2014 instituant un versement exceptionnel de 40 euros au bénéfice des titulaires d’une pension de retraite inférieure à 1 200 euros mensuels a nécessité la mise à jour de l’échange inter-régimes de retraite (EIRR) afin de calculer la pension tous régimes des assurés.

Source : d’après la DREES in IGAS Évaluation de la COG 2014-2017 CNAV.

La suppression du régime des indépendants ne figure pas sur la liste…

3.   L’usager est devenu la variable d’ajustement

Les défis à relever étaient nombreux pour les administrations qui ont privilégié la productivité dans un contexte où le nombre d’usagers augmentait, au moins à Pôle emploi et dans les CAF, et où les situations de vie se compliquaient (instabilité professionnelle et affective). La CNAF rappelle régulièrement dans ses auditions qu’elle applique au moins 15 000 règles de droit, et que certains usagers ont des vies très précaires – 15 % des bénéficiaires du RSA activité connaissaient une vingtaine de changements de situation dans l’année. Ceux qui ne correspondaient pas aux cas prévus ou qui ne possédaient pas les prérequis nécessaires (compétences, mais aussi couverture numérique) en ont fait les frais.

Combien et à qui ça coûte ?

Les naufragés de la dématérialisation, de la complexité réglementaire et des restrictions budgétaires sont nombreux. Les préjudices qu’ils ont subis ne sont jamais estimés, et encore moins quantifiés. Pourtant, à l’aune d’une vie, ils se mesurent sans doute en nuits d’insomnie, en consommation de tranquillisants, avant peut‑être la perte d’un emploi, d’un logement, des ruptures familiales…

Source : rapport dactivité du médiateur de Pôle emploi, 2018.

Source : Dématérialisation et inégalités daccès aux services publics, rapport du Défenseur des droits, 2019.

Source : rapport dactivité du médiateur de Pôle emploi, 2017.

Intuitivement, on s’interroge sur le lien avec les troubles sociaux qui ont secoué le pays depuis l’automne 2018. C’est cette alchimie, qui conduit du particulier au général et qui est l’essence même du travail du médiateur institutionnel, dont il faudrait percer les secrets.

A posteriori, une note du Conseil d’analyse économique ([26]) confirme le lien entre distance aux équipements et mécontentement, déjà mis en évidence un an plus tôt, au moment où éclataient les premières manifestations, par l’étude de l’IFOP réalisée pour le compte de Familles rurales ([27]) : « Enfin, la distance de son lieu de vie au centreville de la ville moyenne la plus proche apparaît comme un critère déterminant : plus léloignement est important, plus le sentiment dabandon, de disparition des services de proximité et de pessimisme est élevé. »

Sans le confort d’une caution scientifique, mais avec conviction, les rapporteurs invitent les experts à explorer ces liens invisibles entre violence privée et violence publique dont une mission parlementaire ([28]) a estimé les coûts pour l’État dans une fourchette comprise entre 300 et 400 millions environ, et pour les principales métropoles à 30 millions.

Vos rapporteurs terminent par une question : quelles seraient les conclusions d’une analyse des raisons qui ont poussé à la violence les individus mis en garde à vue à cause des manifestations de l’automne 2018 et du printemps 2019 ?

a.   Les limites de l’automatisation

Pour améliorer la productivité, rien de tel que l’industrialisation de la chaîne de production. Sur le papier – ou l’écran –, tout est simple. La réalité est quelque peu différente et nombreux ont été les naufragés de la dématérialisation. Des applications, telle l’ANTS, ont été déployées trop rapidement sans avoir été suffisamment testées au‑delà des situations les plus courantes ; les autres ont été négligées. Le Défenseur des droits s’est fait le porte‑parole des victimes. Il n’empêche que certaines ont payé un lourd tribut : perte d’emploi pour ne pas avoir pu produire un permis de conduire ou un titre de séjour, par exemple, non‑inscription à un examen. Le médiateur de la CNAF appelle l’attention, dans son rapport, sur les limites de la liquidation automatique des droits. Le Défenseur des droits cite aussi un contribuable dans l’impossibilité de contacter son service des impôts pour avoir changé d’opérateur, lequel avait fermé sa boîte mail communiquée précédemment au fisc. La médiatrice signale qu’un élève très bien noté avait vu sa candidature rejetée pour ses absences. Le malheureux avait subi une intervention chirurgicale lourde.

PrÉsumé dilettante

Source : rapport d’activité de la médiatrice de l’éducation nationale, 2017.

Autre exemple : le traitement automatisé des doublons par la chaîne informatique conduit à « écraser » l’un des deux bulletins de salaire d’assistantes maternelles à qui étaient confiés deux enfants, parce que les montants étaient identiques.

Retour à l’enregistrement manuel

BNE : Bourse nationale de l’emploi. IPR : instance paritaire régionale.

Source : rapport d’activité du médiateur de Pôle emploi, 2016.

Une Séparation compliquée par une perte de ressources

Source : rapport Médiation administrative de la CNAF, 2018.

Il n’est pas question, bien sûr, de revenir sur l’automatisation, mais il faut désormais envisager des « procédures de sauvegarde » ou de sauvetage pour certains usagers de façon qu’ils puissent sortir des impasses où ils ont été conduits malgré eux. Les gains de la dématérialisation sont bien réels mais les décideurs ont sans doute péché par optimisme, dans un contexte de crise économique et de restriction des dépenses.

b.   Des mesures restrictives à son égard

Précisément, et le discours politique tend à l’occulter, des mesures restrictives ont été prises. C’est notamment le cas à Pôle emploi, où certains usagers avaient obtenu un accord de prise en charge pour une formation et qui se la sont finalement vu refuser, faute de crédits.

De même, la convention d’assurance chômage 2017 a voulu gommer les différences d’indemnisation, jusqu’alors plus favorable à ceux qui enchaînent les contrats de courte durée qu’à ceux embauchés pour des périodes plus longues.

et tant pis si les rÈgles changent

Source : rapport d’activité du médiateur de Pôle emploi, 2018.

La perte de ressources est tout de même supérieure à 30 %. Ce cas concret montre les limites de la simplification : les réformes doivent être calibrées pour ne pas faire trop de gagnants, pour des raisons budgétaires, mais pas trop de perdants non plus pour des raisons politiques. Tenir le fléau de la balance à l’équilibre est une gageure.

Des changements de procédure sont décidés sans que les demandeurs d’emploi aient été prévenus. C’est le cas de ceux qui exercent un emploi précaire, et qui restent inscrits à Pôle emploi. S’ils ne font pas la démarche à bonne date, ils perdent leur droit à indemnisation.

ET TANT PIS SI LES RÈGLES CHANGENT (SUITE)

Source : rapport d’activité du médiateur de Pôle emploi, 2018.

c.   L’usager, supplétif de l’administration

Enfin, l’usager est progressivement et plus ou moins subrepticement intégré au processus de production. Un des avantages de la dématérialisation consiste, chacun en est maintenant pleinement conscient, à faire faire par l’usager ce qui était fait auparavant par l’administration. Il devient donc un rouage de la mécanique administrative. Dans un contexte où la dématérialisation reste un cap indépassable, réaffirmé par les gouvernements, il convient de se demander jusqu’où.

Utilisation des points du Compte professionnel de prévention (C2P)

DSS : direction de la sécurité sociale. DGT : direction générale du Trésor.

Source : rapport annuel d’activité du médiateur de la CNAM, 2018.

Ainsi, parmi les leviers de performance de la COG 2018‑2022 de la CNAV, figurent « le virage numérique et la coproduction du service avec le client ». La dernière version du baromètre du numérique 2019 consacre une section à l’impact d’internet sur les relations avec l’administration publique. La proportion des usagers déclarant une complexification des relations est supérieure (37 %) à celle de ceux qui indiquent une simplification (19 %).

Perception de lÉvolution des relations
avec les administrations publiques ces derniÈres annÉes

Adultes de plus de 18 ans, en %

Source : CREDOC, enquête sur les « Conditions de vie et aspirations », juin 2019.

De façon fort prévisible, les plus âgés sont les plus critiques.

Perception en 2019 de l’Évolution des relations
avec les administrations publiques ces derniÈres annÉes selon l’Âge

Adultes de plus de 18 ans, en %

Source : CREDOC, enquête sur les « Conditions de vie et aspirations », juin 2019.

Internet est perçu de façon très ambivalente, mais davantage comme une source de complexité que de simplification dans les relations avec l’administration.

Perception en 2019 du rÔle du numÉrique dans l’Évolution des relations avec les administrations publiques ces derniÈres annÉes selon le type de relations avec l’administration

En %

Source : CREDOC, enquête sur les « Conditions de vie et aspirations », juin 2019.

« Au sein de la population percevant une complexification des rapports avec ladministration, tous les groupes considèrent majoritairement que le numérique joue un rôle important dans cette complexification. Cependant, la critique est un peu moins vive chez les jeunes (24 % des 1824 ans jugent le rôle du numérique peu important dans la complexification des relations), les cadres (24 %), les autres inactifs (43 %) ou encore les Franciliens. » A contrario, les plus âgés et les moins diplômés sont plus critiques.

Avec le recul de l’expérience, qui a montré que la fracture numérique discriminait en priorité les plus âgés, et à la lumière de ces chiffres très récents, ne faudrait‑il pas reconsidérer le choix de la dématérialisation totale de la CNAV ? Dans la COG 2018‑2022, le problème des réclamations est identifié puisque « la Cnav souhaite optimiser la gestion des réclamations et le traitement de linsatisfaction », mais il n’est pas sûr que le développement « de services adaptés aux besoins des assurés en orientant le plus grand nombre vers les canaux digitaux, dans une logique de coproduction », ou « la systématisation des services en ligne » pour « accentuer laccès aux droits (en matière daction sociale par exemple), sachant que lAssurance retraite sengage à faciliter, dans une démarche partenariale renforcée, laccès au digital » soient véritablement de nature à satisfaire les besoins. Il semble là encore que, sous le vocabulaire convenu, affleurent les injonctions, voire les incantations paradoxales dans la mesure où il s’agit aussi de limiter les « réitérations » des usagers, ressenties comme source de perturbation. La solution réside‑t‑elle vraiment dans une dématérialisation et une automatisation toujours plus poussées de la relation client ? Il est permis d’en douter, surtout, et c’est une simple illustration, au vu du formulaire de saisine de la médiation de la CNAV, dont la longueur et la complexité sont de nature à décourager les usagers les plus motivés.

Service adaptÉ aux besoins des usagers ?

L’avertissement en rouge et les quelque 32 propositions à cocher ne suffisent‑elles pas à dissuader d’aller plus loin ? N’est‑ce pas pousser un peu loin l’intégration de l’usager dans le processus de production ?

De plus, tout usager qu’il est, il n’est pas un professionnel. Alors, comment fiabiliser ses interventions ? Et, dans ce contexte, où les échanges d’information entre organismes vont s’intensifier, où les prestations différentielles sont révisées plus fréquemment qu’auparavant pour s’adapter au mieux aux changements de situation, et sachant que les conséquences d’un oubli, d’une erreur d’un usager peuvent être lourdes ([29]), quelle signification donner au fameux « droit à l’erreur » ? Les négligences ne risquent‑elles pas de se reproduire, en cas de départ en vacances par exemple, de déménagements ou d’autres aléas de la vie comme la maladie, voire de dysfonctionnements temporaires des systèmes d’information ou de télécommunication ?

Enfin, et ce sera la dernière question, dans la mesure où lusager devient acteur de la production administrative, que signifie linjonction faite à ladministration par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) « dintégrer sa propre complexité » alors que les dirigeants sacharnent à faire linverse comme en témoigne, une fois de plus et fort opportunément le rapport du Défenseur des droits sur le forfait post-stationnement rendu public le 13 janvier 2020 ?

III.   LA MÉDIATION, UN OUTIL DE COMMUNICATION

A.   DES ADMINISTRATIONS SOUCIEUSES DE LEUR IMAGE

Comme la dématérialisation a pu apparaître comme une solution au double problème de la maîtrise des dépenses et de l’afflux de demandes des usagers, la médiation est désormais mise au service d’une communication de crise. Les dirigeants en vantent les mérites – l’accueil qui, ailleurs, n’est pas souvent assuré dans des conditions satisfaisantes, l’écoute, le lien avec l’usager, la pédagogie, la bienveillance comme l’expertise pour traiter des dossiers de plus en plus nombreux et de plus en plus compliqués… –, instruisant en creux le procès de la dématérialisation. Ils ont bien compris tout l’intérêt qu’elle présente : offrir un visage avenant à des usagers échaudés.

Les médiateurs ont en effet plus de recul, plus de temps que les services de production astreints à des procédures définies, à des règles strictes et à des délais standardisés. Ils traitent les problèmes dans leur globalité, à la recherche d’éléments nouveaux de nature à infléchir la décision de premier niveau. C’est pourquoi ils sont aussi sollicités, en fonction des objectifs des organismes, pour lutter contre le non‑recours et favoriser l’accès aux droits. Chez un médiateur, la relation humaine l’emporte sur les procédures technocratiques.

Des bénéficiaires rétablis dans leurs droits

ALD : affection de longue durée.

Source : rapport d’activité du médiateur de la CNAM, 2018.

Ainsi, aux premières assises de la médiation, M. Edouard Marcus, chef du service fiscalité à la DGFiP, expliquait au public que la médiation appartient à une stratégie d’ensemble et que l’administration fiscale est convaincue de l’intérêt de prévenir les litiges. La médiation fait partie des moyens pour offrir un nouveau visage dans le cadre d’une mutation culturelle. En effet, la règle ne se discute pas, mais il revient aux administrations de la faire accepter. L’avenir, c’est que l’administration prenne l’initiative de la médiation.

Mme Michèle Guillaume-Hofnung reproche d’ailleurs à la médiation institutionnelle qu’« elle ser[ve] la politique de linstitution, commerciale, sociétale ou gestionnaire (prévention du contentieux), avant la volonté des médiés ». De fait, elle entretient des liens étroits avec l’administration, et cherche à prévenir les contentieux tout en satisfaisant les usagers.

B.   MAIS UN SERVICE CONTRAINT PAR SA CAPACITÉ DE TRAITEMENT

La médiation fonctionne dans son format actuel parce que, bien qu’elle participe à la production et qu’elle contribue à la qualité du service rendu, elle reste en marge. Elle n’est pas soumise aux normes de productivité et aux indicateurs de gestion. C’est un des rares rouages de la machine administrative à avoir encore des marges de manœuvre, à échapper au corset que constituent des règles multiples dont l’application est programmée par la machine. Il lui est même demandé de faire preuve d’innovation et d’ingéniosité ; et c’est pourquoi elle est à la fois mise en avant, enviée et sollicitée. Ainsi, M. Roland Baud, médiateur de la MSA, a constaté, à une échelle beaucoup plus modeste que celle où opèrent les branches de la sécurité sociale, qu’un effort de communication avait fait passer le nombre de ses saisines de 553 en 2018 à 1 300 en 2019, traduisant ce besoin de médiation. Il faut pourtant préserver ses qualités d’artisanat et de sur‑mesure, à moins d’en dénaturer l’esprit.

La séduction qu’exerce la médiation dans un monde dématérialisé commence à inquiéter ses promoteurs mêmes. Ainsi, Louise Cadin, co‑auteure du rapport de France Stratégie, a, aux premières assises de la médiation organisées par le Conseil dÉtat, alerté sur « lindustrialisation de la médiation institutionnelle dont le dimensionnement devient préoccupant. On lui demande de remplacer le guichet, et même le juge. Or, lautomatisation nest pas compatible avec lartisanat et le surmesure. Il est nécessaire de préserver le cœur de métier du médiateur qui doit trouver sa juste place, qui nest ni celle du guichet ni celle du juge. » Cette dernière remarque reflète exactement les préoccupations recueillies par une médiatrice de Pôle emploi auditionnée en région par Louis Pastor (EHESS), et soucieuse de conserver à son métier son caractère artisanal. Une telle convergence de vues entre les évaluateurs et les acteurs de terrain mérite d’être soulignée. Les rapporteurs insistent sur la nécessité, pour conserver à la médiation sa vocation première, c’est‑à‑dire sa position en retrait, de prendre en charge convenablement les réclamations. Il ne faudrait pas, en effet, après les déconvenues de la dématérialisation, que la médiation, qui, jusqu’à présent, donne satisfaction, se révèle un nouveau miroir aux alouettes.

Proposition n° 1 : mieux accompagner les usagers en amont de la médiation :

– améliorer la lisibilité des décisions administratives pour limiter le besoin de médiations pédagogiques ;

– mieux communiquer en amont sur les conséquences des réformes ;

– améliorer la prise en charge des réclamations notamment en formant davantage les agents au contact des usagers et en conservant un accueil physique au guichet, et prévoir un pilotage centralisé là où il fait encore défaut, afin de mieux identifier les dysfonctionnements.

 


—  1  —

   DEUXIÈME PARTIE : LA MÉDIATION, PRÉALABLE OU PARTENAIRE DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE ?

La médiation a connu un développement récent dans le sillage de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

Son développement s’est accéléré avec la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle dite loi J21 et la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi ESSOC, au risque d’introduire une certaine confusion dans la mesure où des processus et des acteurs différents relèvent aujourd’hui de la même dénomination : la médiation institutionnelle, au sein des administrations ou des opérateurs de services publics – qui est l’objet de ce rapport –, la médiation à l’initiative du juge, celle à l’initiative des parties, en dehors d’une procédure juridictionnelle, enfin, la dernière en date, aujourd’hui en cours d’expérimentation, la médiation préalable obligatoire. Le traitement de celle‑ci par des médiateurs institutionnels justifie de revenir spécifiquement sur ce dispositif apparu lors de la discussion du projet de loi dit J21.

I.   LÉVOLUTION RÉCENTE DE LA MÉDIATION ADMINISTRATIVE

Le développement de la médiation trouve son fondement dans le souci d’améliorer les relations des usagers avec l’administration, concrétisé, en 1973, par la création du médiateur de la République ([30]). Pour autant, son développement en amont ou en substitution des procédures juridictionnelles a pour objectif de désengorger les juridictions (les juridictions administratives ont été saisies de 213 000 requêtes en 2018 contre 20 000 en 1970), mais aussi de développer les modes alternatifs de règlements des différends en prolongement des réflexions du Conseil d’État sur le sujet ([31]), qui, outre la limitation de procédures chronophages et coûteuses, favorisent un règlement des litiges plus apaisé et donc plus durable.

La loi du 18 novembre 2016, en créant un chapitre dédié à la médiation dans le code de justice administrative, consacre ce mode de règlement des conflits, à la frontière entre les relations du public avec l’administration (régies par le code du même nom) et la justice administrative (relevant du code correspondant) que le vice‑président du Conseil d’État M. Bruno Lasserre, ouvrant le 18 décembre 2019 les premières assises nationales de la médiation administrative, résumait ainsi : la loi dite J21 a reconstruit un régime de médiation administrative plus simple, plus clair, plus porteur, et plus protecteur des droits des parties.

Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, il faisait le constat que « la greffe (avait) bien pris » ; en 2018, 68 % des médiations engagées ayant abouti à un accord, la médiation permettant une meilleure acceptation d’une solution co‑construite, dans des conditions permettant d’atténuer les tensions.

A.   LES ÉVOLUTIONS INTRODUITES PAR LA LOI DU 18 NOVEMBRE 2016 DE MODERNISATION DE LA JUSTICE DU XXIE SIÈCLE

La médiation telle qu’organisée par le code de justice administrative est en effet issue de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a, par ailleurs, introduit l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire.

1.   Le contexte et les dispositions du projet de loi

– Ladoption de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale et sa transposition par l’ordonnance n° 2011‑1540 du 16 novembre 2011 ont engendré un mouvement plus large de développement de la médiation.

Dès la fin des années 1990, l’Union européenne a, en effet, cherché à favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges et, en 2002, la Commission européenne adoptait un Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial dont s’est inspirée la directive du 21 mai 2008.

Cette directive a pour objectif d’encourager la médiation, « solution extrajudiciaire économique et rapide aux litiges en matière civile et commerciale ».

Elle donne de la médiation et du médiateur une définition assez large : ainsi l’article 3 définit‑il la médiation comme « un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par ellesmêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec laide dun médiateur ».

Le médiateur y est défini comme « tout tiers sollicité pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence, quelle que soit lappellation ou la profession de ce tiers dans lÉtat membre concerné et quelle que soit la façon dont il a été nommé (...) ».

Ainsi définie, la médiation, d’une part, est susceptible d’intervenir en dehors de toute instance, par convention entre les parties, mais également dans un cadre juridictionnel, le contenu de l’accord écrit pouvant être rendu exécutoire (art. 6). Les informations échangées au cours de la médiation doivent demeurer confidentielles (art. 7) et l’engagement d’un processus de médiation ne doit pas empêcher les parties d’entamer une procédure judiciaire (art. 8).

Le champ d’application de la directive ne couvre néanmoins que les différends transfrontaliers, se limite aux différends civils et commerciaux.

– Le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a été présenté dans la perspective de rendre la justice du quotidien plus efficace, plus accessible et adaptée.

L’exposé des motifs indiquait ainsi : « Si les Français se déclarent satisfaits du traitement de leur affaire, quil sagisse de laccueil, de linformation qui leur a été donnée ou du déroulement de laudience, ils considèrent néanmoins que la justice doit être plus rapide et moins complexe, plus proche et mieux organisée afin de leur permettre de rechercher une solution négociée dans un cadre juridique avant le recours au juge ».

Dans cette perspective, le titre II du projet de loi est consacré aux modes alternatifs de règlement des différends. Les objectifs de ce titre sont ainsi définis : « donner les moyens aux citoyens dêtre plus actifs dans la résolution de leurs conflits » en favorisant « des modes de règlement des conflits reposant sur laccord de chacun, qui permettent une solution durable, rapide et à moindre coût tout en assurant la sécurité juridique ».

À l’origine, ce titre comportait cinq articles dont un (larticle 4), ratifiant d’une part l’ordonnance n° 2011‑1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale et, d’autre part, portant sur la médiation et la conciliation devant le juge administratif.

L’ordonnance n° 2011‑1540 du 16 novembre 2011 créait au sein du titre VII du livre VII du code de justice administrative, un chapitre Ier ter consacré à la médiation administrative dont l’article L. 771‑3 de ce code définissait la médiation comme « tout processus structuré, quelle quen soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec laide dun tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige », déterminait que « le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence » et reprenait l’exigence de confidentialité prévue par la directive.

L’article 4 du projet de loi ratifie l’ordonnance tout en étendant la possibilité de recourir à la médiation administrative dans le cadre de litiges nationaux (hors prérogatives de puissance publique) alors qu’elle était initialement dédiée aux litiges transfrontaliers ; il définit les conditions de répartition des frais de médiation et prévoit, lorsque la médiation est initiée par les parties, l’interruption des délais de recours contentieux.

Cet article a été substantiellement modifié lors de la discussion parlementaire.

2.   L’évolution du texte en cours de discussion parlementaire sur la médiation administrative

 La fin de la distinction conciliation/médiation : alors que plusieurs options avaient été envisagées pour articuler conciliation et médiation, c’est finalement la fin de la distinction entre ces deux processus au profit de la seule médiation qui a été décidée lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale.

Ainsi, un amendement des rapporteurs a‑t‑il proposé de tirer les enseignements des dispositions de l’article 4 du projet de loi prévoyant, d’une part, que la conciliation peut être confiée à un tiers et d’autre part en étendant la médiation au‑delà des litiges transfrontaliers. Les procédures étant désormais voisines, ils ont proposé de lever toute ambiguïté en prévoyant un seul régime de règlement amiable des litiges relevant du juge administratif sous la terminologie unique de « médiation » et de l’assortir d’un certain nombre de principes énoncés dans un nouveau chapitre du code de justice administrative.

 Lexpérimentation de la médiation préalable obligatoire : c’est par voie d’amendement (Cf. n° 321 rect.), au stade de la discussion en séance publique à l’Assemblée nationale, que l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire a été adoptée, le ministre de la justice ayant accepté la proposition des rapporteurs.

Faisant le constat du peu de succès des recours gracieux ou hiérarchiques dans les contentieux de masse et du peu d’enthousiasme des administrations à remettre en cause leur propre décision, les rapporteurs ont proposé d’expérimenter, pour certains contentieux de masse, le recours préalable à des médiateurs institutionnels indépendants de l’administration qui a pris la décision.

Le Garde des sceaux s’est rangé à cette proposition dans les termes suivants : « Dans la mesure où lexpérimentation durerait quatre ans, au terme desquels le dispositif serait maintenu, étendu ou abandonné, le Gouvernement émet un avis favorable : la disposition, intéressante, permettra de voir si lon peut privilégier un règlement amiable des litiges » ; propos qui témoignent de l’importance donnée au « retour d’expérience » avant toute décision sur les suites à donner au nouveau dispositif.

L’expérimentation concerne certains litiges d’agents de la fonction publique (les contentieux de la fonction publique constituent un domaine propice à la médiation, ce type de différends ayant un impact délétère sur les relations de travail) et des litiges sociaux.

L’exposé sommaire, mais néanmoins fort détaillé, de l’amendement prévoit d’appliquer cette expérimentation, dont il renvoie les conditions d’application à un décret en Conseil d’État, à différents contentieux sociaux de masse dont le RSA (contestation de l’indu, demande de remise gracieuse, opposition à titre exécutoire) ; les APL (contestation de l’indu, demande de remise gracieuse, remise de l’APL, suspension de l’APL, opposition à contrainte) et des décisions de Pôle emploi (qualité de demandeur d’emploi, contestation de l’indu, revenu de remplacement).

Les rapporteurs proposent de confier ces médiations au Défenseur des droits et à ses délégués, rompus au traitement de questions factuelles dont la réponse nécessite de prendre en compte une situation très évolutive et où l’intervention du juge présente, selon l’exposé sommaire de l’amendement, un intérêt discutable.

Outre l’interruption du délai de recours contentieux, le dispositif proposé prévoit son articulation avec le recours préalable obligatoire existant pour certains contentieux, le Défenseur des droits intervenant alors dans un second temps ; l’expérimentation devant être conduite dans quelques départements du ressort des tribunaux administratifs de Montreuil, Grenoble et de Toulouse.

B.   LA MÉDIATION EN DROIT ADMINISTRATIF

La médiation figure désormais dans le code des relations entre le public et l’administration (CRPA) et dans le code de justice administrative (CJA), dans des termes nouveaux.

1.   Les recours en droit administratif

Les recours administratifs et les conséquences de leur engagement (interruption des délais de recours contentieux…) sont définis par le livre IV du code des relations entre le public et l’administration portant sur le règlement des différends avec l’administration. Il s’agit :

– des recours gracieux (recours administratifs adressés à l’administration qui a pris la décision contestée),

– des recours hiérarchiques (recours administratifs adressés à l’autorité à laquelle est subordonnée celle qui a pris la décision contestée),

– des recours administratifs préalables obligatoires dits RAPO (recours administratifs auxquels est subordonné l’exercice d’un recours contentieux à l’encontre d’une décision administrative).

Ce même livre définit les autres modes non juridictionnels de résolution des différends :

– la conciliation et la médiation dans un cadre non juridictionnel (l’article L. 421‑1 du CRPA établit ainsi qu’ « il peut être recouru à une procédure de conciliation ou de médiation en vue du règlement amiable dun différend avec ladministration, avant quune procédure juridictionnelle ne soit, en cas déchec, engagée ou menée à son terme. ») ;

– la conciliation et la médiation dans un cadre juridictionnel (renvoyant aux articles L. 213‑5 et suivants du code de justice administrative qui prévoit les médiations à l’initiative des parties ou à l’initiative du juge) ;

– la transaction ;

– la saisine du Défenseur des droits (l’article L. 424‑1 du CRPA rappelle que le Défenseur des droits peut être saisi ou se saisir d’office de différends entre le public et l’administration, dans les cas et les conditions prévus par la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits).

2.   Le code de justice administrative consacre désormais un chapitre à la médiation

Dans sa rédaction issue de la loi dite J21, la médiation, pour ce qui concerne les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, est désormais régie par un chapitre dédié et dont le premier article définit la médiation en s’inspirant de la définition communautaire :

Art. L. 2131
du code de justice administrative

Art. 3 de la directive du 21 mai 2008
sur certains aspects de la médiation
en matière civile et commerciale

Tout processus structuré, quelle quen soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec laide dun tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction.

Un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par ellesmêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec laide dun médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit dun État membre.

Le code de justice administrative (CJA) définit deux types de médiations : les médiations à l’initiative des parties et les médiations à l’initiative du juge. Quelle que soit la procédure, la médiation est donc toujours subordonnée à l’accord des parties, qui, s’ils ne l’ont pas initiée, doivent la valider.

 La médiation à linitiative des parties en dehors de toute procédure juridictionnelle

Elle est régie par l’article L. 213‑5 du CJA qui dispose que « les parties peuvent, en dehors de toute procédure juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner la ou les personnes qui en sont chargées. »

Les parties peuvent aussi saisir le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, afin qu’il organise une mission de médiation et désigne la ou les personnes qui en sont chargées, ou qu’il désigne la ou les personnes qui sont chargées d’une mission de médiation qu’elles ont elles‑mêmes organisée.

L’article L. 213‑6 du même code définit les règles relatives aux délais de recours contentieux : ceux‑ci sont interrompus et les prescriptions suspendues à compter du jour où les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut d’écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation. Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle une ou les parties ou le médiateur déclarent la médiation terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. La médiation administrative se trouve ainsi « sécurisée ».

Logiquement, l’article R. 213‑4 prévoit que, lorsque le délai de recours contentieux a été interrompu par l’organisation d’une médiation, l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique ne l’interrompt pas de nouveau, sauf s’il constitue un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux.

 La médiation à linitiative du juge

La médiation à l’initiative du juge administratif est régie par les articles L. 213‑7 et suivants du CJA pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel ; le Conseil d’État peut aussi proposer une médiation dans les domaines où il est saisi en premier et dernier ressort.

L’ordonnance de désignation du médiateur mentionne l’accord des parties, le choix du médiateur ainsi que, le cas échéant, la durée du processus et le mode de rémunération du médiateur.

Le délai de la médiation n’est pas défini par le code, mais la pratique s’oriente cependant vers la transposition de l’article 131‑3 du code de procédure civile qui fixe une durée initiale ne pouvant excéder trois mois, renouvelable une fois à la demande du médiateur. Au terme du processus, si un accord est trouvé, les parties se désisteront ou le juge constatera le non‑lieu à statuer. À défaut, la procédure contentieuse reprendra son cours.

Ces deux médiations, très voisines, peuvent être homologuées par le juge.

3.   Les médiateurs, clef de voûte du dispositif

Ainsi que le soulignait Mme Georgina Benard‑Vincent ([32]), « le médiateur est devenu un nouvel acteur du droit administratif, positionné entre ladministration et son juge (…) ; La crédibilité du processus repose sur lui » ; l’auteure concluait à l’urgence de promouvoir un statut du médiateur.

Ce sujet retient en effet toute lattention de la doctrine, Mme Audrey Dameron relevant de son côté que « les qualités du médiateur sont garantes de léquilibre des parties » ([33]).

Le code de justice administrative donne un cadre aux compétences et aux conditions d’intervention du médiateur, en s’écartant sensiblement des termes de la directive de 2008 :

Code de justice administrative

Directive du 21 mai 2008
sur certains aspects de la médiation
en matière civile et commerciale

Art. L. 2132 - Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence.

(…)

Art. R. 2133 - La personne physique qui assure la mission de médiation doit posséder, par lexercice présent ou passé dune activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige. Elle doit en outre justifier, selon le cas, dune formation ou dune expérience adaptée à la pratique de la médiation.

Art. 3 - On entend par médiateur tout tiers sollicité pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence, quelle que soit lappellation ou la profession de ce tiers dans lÉtat membre concerné et quelle que soit la façon dont il a été nommé pour mener ladite médiation ou dont il a été chargé de la mener.

Art. 4 - Qualité de la médiation :

1. Les États membres encouragent, par tout moyen quils jugent approprié, lélaboration de codes volontaires de bonne conduite et ladhésion à ces codes, par les médiateurs et les organismes fournissant des services de médiation, ainsi que dautres mécanismes efficaces de contrôle de la qualité relatifs à la fourniture de services de médiation.

2. Les États membres promeuvent la formation initiale et continue de médiateurs afin de veiller à ce que la médiation soit menée avec efficacité, compétence et impartialité à légard des parties.

Les termes de l’article R. 213‑3 font débat : ainsi MM. David Taron et Jean Gresy ([34]) s’émeuvent‑ils du flou induit par le terme « selon le cas », qui, estiment-ils, « devrait militer en faveur dun recours à des professionnels de la médiation, les magistrats pouvant également se référer à la liste de médiateurs dressée par chaque cour dappel voire même assurer euxmêmes une fonction de médiateur comme le suggère larticle L. 2138 du Code de justice administrative ».

De fait, aux dires des interlocuteurs des rapporteurs, les pratiques diffèrent d’une juridiction à l’autre et les listes de médiateurs établies de manière décentralisée dans les juridictions administratives semblent en effet encore très perfectibles.

Il s’agit d’un débat central et régulièrement alimenté comme en témoignent les préoccupations récemment exprimées par M. Bertrand Nuret ([35]) pour qui « lune des difficultés pour le justiciable et le juge qui souhaitent recourir à la médiation demeure incontestablement le choix du médiateur » et regrettant que l’article L. 213‑2 du CJA n’ait pas repris les termes de l’article 131‑5 du code de procédure civile qui exige du médiateur qu’il présente « les garanties dindépendance nécessaires à la médiation » et s’étonne que « nimporte qui » puisse se prétendre médiateur. S’il existe un diplôme universitaire de médiateur, il regrette le contenu hétérogène des formations dispensées par les organismes privés et qu’il n’existe aucun statut du médiateur.

Certes, après l’adoption de la loi de modernisation pour la justice du XXIe siècle, le Conseil d’État a établi une charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs qui fixe les principes essentiels garantissant la qualité du médiateur et du processus de médiation. Nous reviendrons en détail sur ce sujet crucial, d’autres chartes ayant été établies par le Club des médiateurs de services au public et l’Association des médiateurs des collectivités territoriales.

Les principes édictés par la charte éthique des médiateurs
dans les litiges administratifs élaborée par le Conseil dÉtat

La charte définit d’une part les principes garants de la qualité du médiateur, d’autre part les principes garants de la qualité de la médiation.

 Les principes garants de la qualité du médiateur :

– Le médiateur présente des garanties de probité et d’honorabilité.

– Le médiateur est compétent : il doit posséder une expérience professionnelle dau moins cinq ans dans le domaine du litige, posséder une qualification technique de médiation et doit actualiser et perfectionner ses connaissances théoriques et pratiques.

– Le médiateur est indépendant, loyal, neutre et impartial : il doit informer la juridiction et les parties de tout conflit dintérêt et circonstances qui pourraient affecter son indépendance, il ne doit pas être le conseil dune des parties et doit agir de manière équitable et impartiale.

– Le médiateur est diligent.

– Le médiateur est désintéressé : il na aucun intérêt financier au résultat de la médiation.

 Les principes garants de la qualité de la médiation :

– Information et consentement : il délivre notamment aux parties, avant le début de la médiation, une information claire et précise et veille à ce que le consentement des parties soit libre et éclairé.

– Confidentialité : sauf exceptions, le médiateur est tenu à une obligation de confidentialité.

– Respect de la liberté des parties : le médiateur peut interrompre la médiation au gré des parties.

La confidentialité est également au centre du processus de médiation et définie par la loi : ainsi l’article L. 213‑2 du CJA établit‑il que, sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité.

Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord des parties.

Le principe de confidentialité alimente aussi le débat ; ainsi, selon M. Bertrand Nuret ([36]), la confidentialité est à géométrie variable : pendant le processus elle est absolue, sauf volonté expresse des parties ; après l’accord, elle devient relative en particulier s’il y a homologation par le juge.

II.   LEXPÉRIMENTATION DE LA MÉDIATION PRÉALABLE OBLIGATOIRE

La question posée par le rapport de France Stratégie : « La Médiation préalable obligatoire : exception ou nouveau standard ? » justifie de s’attarder sur l’apparition de la médiation préalable obligatoire (MPO) en matière administrative laquelle, selon les auteurs du rapport, « percute lesprit de la médiation traditionnelle, artisanale et facultative ».

Si l’irruption de cette expérimentation au cours du débat parlementaire a pu surprendre, elle correspond au souhait d’étendre la médiation à certains litiges administratifs exprimé par le rapport du groupe de travail conduit par Mme Odile Piérart ([37]) et dans lequel figurait cette proposition.

Réflexions pour la justice administrative de demain

Audelà de ces exemples ponctuels, le groupe de travail a identifié deux domaines dans lesquels une expérimentation pourrait être menée afin de rendre la médiation et la conciliation obligatoires avant toute saisine du juge : les contentieux sociaux et les litiges en matière de fonction publique.

Sagissant des contentieux sociaux, les représentants du Défenseur des droits qui ont été auditionnés par le groupe de travail, parmi lesquels le secrétaire général de l’institution, se sont montrés très intéressés à l’idée de participer au développement des processus de médiation et de conciliation, comme alternative ou complément à la saisine du juge administratif. Le Défenseur des droits lui‑même a fait part de sa volonté d’être un partenaire « de premier rang » de la justice administrative sur ces questions dans son allocution prononcée lors de l’audience solennelle de la cour administrative d’appel de Paris et du tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2015.

Cette autorité administrative indépendante apparaît comme un relais particulièrement indiqué pour la mise en place de processus de médiation ou de conciliation qui interviendraient dans la sphère de compétence de la juridiction administrative. (…) Le Défenseur des droits bénéficie d’un réseau de délégués particulièrement important (…) Par ailleurs, les questions dont sont saisis ces délégués sont en partie les mêmes que celles que le juge administratif doit résoudre, comme celles relatives au RSA ou à la situation des personnes privées d’emploi.

La mise en place dune expérimentation permettra de mesurer à la fois la capacité, compte tenu du nombre de dossiers concernés, des services du Défenseur des droits à répondre aux éventuelles demandes et l’utilité pour les justiciables d’une médiation auprès de cette institution.

Celleci pourrait concerner les contentieux suivants :

 RSA (contestation de lindu, demande de remise gracieuse, opposition à titre exécutoire) ;

 APL (contestation de lindu, demande de remise gracieuse, remise de lAPL, suspension de lAPL, opposition à contrainte) ;

 Pôle emploi (qualité de demandeur demploi, contestation de lindu, revenu de remplacement) ;

 Travailleurs handicapés (qualité de travailleur handicapé, orientation, carte de stationnement).

Dans tous ces domaines, dont aucun n’est inconnu du Défenseur des droits et de ses délégués, les questions posées sont avant tout factuelles et la réponse à leur donner implique de prendre en compte une situation très évolutive. L’intervention du juge présente un intérêt discutable.

L’expérimentation consisterait à imposer préalablement à toute saisine du juge une saisine du Défenseur des droits, laquelle – si elle est formulée dans le délai de recours – interromprait le délai de recours contentieux. Si dans les contentieux concernés, un recours préalable obligatoire a déjà été institué, la saisine obligatoire du Défenseur des droits pour conciliation ou médiation, qui n’est pas un recours de même nature, interviendra dans un second temps. Le délai de recours contentieux recommencera en toute hypothèse à courir une fois que le Défenseur des droits aura émis un avis sur la situation dont il aura été saisi. Les services du Défenseur des droits ont indiqué pouvoir traiter les demandes en un à trois mois.

Au stade des réflexions communes au groupe de travail et aux services du Défenseur des droits, il est prévu une expérimentation sur deux ans organisée dans quelques départements relevant du ressort de trois juridictions. Il pourrait s’agir du département de la Seine‑Saint‑Denis (Tribunal administratif de Montreuil), de deux départements du ressort du Tribunal administratif de Grenoble, et de deux ou trois départements du ressort du Tribunal administratif de Toulouse. Pendant cette période, les services du Défenseur des droits mettront en place, dans les contentieux en question et sur les territoires concernés, des réseaux de délégués à même de répondre rapidement aux demandes de médiation des particuliers. Pour ce faire, les délégués sensibiliseront leurs interlocuteurs institutionnels (CAF, conseils départementaux, etc.), et tenteront de rapprocher les parties en présence dans lobjectif de trouver un règlement de leur litige. La juridiction administrative s’engage, quant à elle, à proposer aux services du Défenseur des droits des formations adéquates aux contentieux concernés ainsi qu’à répondre, notamment au sein des juridictions participant à l’expérimentation, aux interrogations qui se posent dans la mise en œuvre de celle‑ci.

La fonction publique s’avère également constituer un domaine propice à la médiation. Les administrations, comme les agents, peuvent en effet trouver dans la médiation l’opportunité de régler plus rapidement et de manière beaucoup plus complète des différends qui ont un impact délétère sur les relations quotidiennes de travail. Les expériences de médiation menées par le tribunal administratif de Grenoble ont dailleurs, pour une part importante, concerné le contentieux de la fonction publique, la plupart du temps pour des demandes indemnitaires, y compris pour des dossiers complexes de harcèlement moral allégué. Le Centre de gestion de la fonction publique territoriale de lIsère sest montré très désireux de participer aux opérations de médiation.

Par ailleurs, le président de l’Association des directeurs de centres de gestion de la fonction publique territoriale, également entendu par le groupe de travail, s’est montré très favorable à ce que ces centres de gestion puissent jouer un rôle dans l’organisation de médiations et conciliations en matière de fonction publique territoriale. Le Centre interdépartemental de gestion de la grande couronne se propose quant à lui de mener dès maintenant des médiations avec les moyens dont il dispose.

Si la réflexion est sur ce point moins avancée que s’agissant des contentieux sociaux, le groupe de travail recommande que la piste du recours aux centres de gestion soit explorée et, dans un premier temps, qu’une expérimentation soit menée.

Le Centre de médiation et de formation à la médiation, consulté dans le cadre des travaux du groupe, spécialiste des médiations en matière pénale, s’est également montré ouvert pour mener, au moins à titre expérimental, des actions de médiation et de conciliation dans les domaines de la fonction publique, notamment au sein des collectivités territoriales.

Propositions du rapport sur ce point :

– Expérimenter le recours obligatoire au Défenseur des droits préalablement à tout recours contentieux dans les contentieux sociaux.

– Explorer la piste du recours aux centres de gestion préalablement à tout recours contentieux en matière de fonction publique territoriale.

Source : d’après le rapport « Réflexions pour la justice administrative de demain ».

A.   LA MISE EN ŒUVRE DE LEXPÉRIMENTATION DE MÉDIATION PRÉALABLE OBLIGATOIRE

Plus d’un an après l’adoption de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, le décret n° 2018‑101 du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux, a défini les contours de l’expérimentation.

Les deux premiers articles du décret précisent les litiges concernés et les médiateurs compétents. Pour les contentieux sociaux, les recours contentieux suivants devront être précédés d’une médiation :

– les décisions relatives au revenu de solidarité active (RSA), après recours administratif préalable obligatoire devant le Président du conseil départemental ;

– les décisions relatives aux aides exceptionnelles de fin d’année qui peuvent être accordées par l’État aux allocataires du revenu de solidarité active ;

– les décisions relatives à l’aide personnalisée au logement (APL) après recours administratif préalable obligatoire ;

– les décisions relatives à l’allocation de solidarité spécifique (ASS) prises par Pôle emploi après recours préalable ;

– les décisions de radiation de la liste des demandeurs d’emploi prises par le directeur régional de Pôle emploi après recours administratif préalable obligatoire.

Les médiateurs désignés pour cette expérimentation varient selon la nature du litige :

– Selon l’administration de rattachement des agents publics (affaires étrangères, éducation nationale, collectivités territoriales et des établissements publics locaux), il s’agit du médiateur des affaires étrangères, du médiateur académique territorialement compétent ou du centre de gestion de la fonction publique territorialement compétent.

– Pour les contentieux sociaux, il s’agit du Défenseur des droits pour les litiges portant sur le RSA, l’aide exceptionnelle de fin d’année aux allocataires du RSA dite prime de Noël et les APL ; le médiateur régional de Pôle emploi territorialement compétent est chargé des litiges portant sur les ASS et radiations de la liste des demandeurs d’emploi.

La médiation préalable doit être engagée dans le délai de recours contentieux de deux mois prévu à l’article R. 421‑1 du code de justice administrative. L’autorité administrative doit informer l’intéressé de cette obligation et lui indiquer les coordonnées du médiateur compétent. À défaut, le délai de recours contentieux ne court pas à l’encontre de la décision contestée (art. 3).

La saisine du médiateur interrompt le délai de recours contentieux et suspend les délais de prescription, qui recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent, de façon non équivoque et par tout moyen permettant d’en attester la connaissance par l’ensemble des parties, que la médiation est terminée (art. 4). Les parties peuvent s’entendre sur la suspension des effets de la décision litigieuse dans l’attente de l’issue de la médiation (art. 5).

L’arrêté du 6 mars 2018 relatif à l’expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges sociaux définit les ressorts de l’expérimentation :

L’expérimentation des litiges traités par le Défenseur des droits et ses délégués se tiendra dans les départements du Bas-Rhin, de l’Isère, de la HauteGaronne, de la Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire, de la Meurthe-et-Moselle.

L’expérimentation des litiges traités par les médiateurs de Pôle emploi se déploiera dans les circonscriptions départementales de la région Occitanie (Ariège, Aude, Aveyron, Gard, Haute-Garonne, Gers, Hérault, Lot, Lozère, Hautes‑Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Tarn, Tarn-et-Garonne), de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Ain, Allier, Ardèche, Cantal, Drôme, Isère, Loire, Haute‑Loire, Puy-de-Dôme, Rhône, Savoie, Haute-Savoie), de la région Pays de la Loire (Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe, Vendée).

B.   UNE PROCÉDURE QUI SUSCITE LE DÉBAT

Si l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire s’inscrit dans le prolongement du développement des modes amiables de règlement des différends et de la médiation administrative que le Conseil d’État appelle de ses vœux ([38]), elle ne manque pas de susciter le débat.

Le dispositif adopté a ainsi été accueilli avec un certain scepticisme par les sénateurs : le recours devant le Conseil constitutionnel de soixante d’entre eux contre la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle conteste notamment le préalable d’une médiation avant un recours contentieux devant les juridictions administratives.

Outre l’imprécision du périmètre des litiges concernés (les recours contentieux formés par « certains agents », l’absence de précision concernant les personnes ou les institutions en charge de cette mission de médiation préalable...), portant atteinte au principe de clarté de la loi et à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, les requérants estimaient que le renvoi de la fixation des conditions de cette expérimentation à un décret constituait un cas d’incompétence négative du législateur ; enfin, ils contestaient l’absence d’évaluation prévue pour l’expérimentation proposée.

Le Conseil constitutionnel n’a pas retenu ces moyens : dans sa décision du 17 novembre 2016 (n° 2016‑739 DC), il juge suffisantes les précisions apportées par les dispositions contestées sur le champ de l’expérimentation et rappelle qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose au législateur de déterminer les modalités de l’évaluation consécutive à une expérimentation et conclut à la conformité des dispositions incriminées.

Si la valeur constitutionnelle de ce moyen avancé par les sénateurs n’a pas été retenue, nous reviendrons sur l’évaluation du dispositif.

Plusieurs questions alimentent par ailleurs le débat :

1.   Quel est l’objectif de la médiation préalable obligatoire ?

Le rapport annexé à la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice évoque la MPO dans une section 1.4 consacrée à l’amélioration de la qualité et de l’efficacité de la justice administrative dans les termes suivants :

« Les mesures législatives proposées visent à permettre aux juridictions administratives de faire face à leur charge croissante. (…) Elles réduisent également le nombre de litiges soumis au juge en allongeant la durée dexpérimentation de la procédure de médiation préalable obligatoire pour certains contentieux. Audelà, il convient de réexaminer et de simplifier en profondeur les procédures qui engendrent des contentieux systématiques sans gain réel pour le justiciable. »

On le sait, la justice administrative doit faire face à une augmentation constante des contentieux (depuis 15 ans, les recours ont augmenté en moyenne de 3,8 % par an devant les tribunaux administratifs – 112 700 affaires en 2002, 197 000 en 2017 –) dans un contexte budgétaire contraint et le transfert de différents contentieux en 2019 et 2020.

Les auteurs du rapport de France Stratégie attendent de la MPO qu’elle joue un rôle de filtrage des demandes, qu’elle améliore la « qualité » des litiges, c’est‑à‑dire que les affaires soumises au juge aient un fort contenu juridique.

Mme Benard‑Vincent souligne également que « si la médiation ne doit pas, en effet, être une voie de secours, on peut néanmoins comprendre que le juge administratif ne souhaite plus être la bouée de sauvetage dune administration défaillante. Lheure est à la déjudiciarisation : on ne fait pas intervenir le juge sauf si cela est impératif » ([39]).

Le rapport de France Stratégie résume parfaitement les enjeux et les limites de la MPO dont l’ambition paraît double : « limiter la place quoccupent les litiges sociaux et de fonction publique dans le temps de travail des magistrats et créer les conditions dun véritable dialogue entre ladministration et lusager. Encore fautil savoir si cette nouveauté est favorable à un meilleur accès aux droits ou si elle place un obstacle supplémentaire sur le chemin qui peut conduire au juge ».

2.   Une médiation peut-elle être obligatoire ?

« Ovni juridique », « contresens philosophique », « antinomie »… la médiation préalable obligatoire a concentré les critiques. Le rapport de France Stratégie, comme la doctrine, rappellent que la médiation repose sur l’absolue liberté des parties. Dans les textes, qu’il s’agisse de droit administratif, de droit civil ou de droit de la consommation, la médiation est toujours présentée comme une faculté.

Plusieurs juristes se sont émus de cette expérimentation comme M. Bertrand Nuret ([40]) qui estime que « la médiation est fondamentalement un processus volontaire », ce que rappellent la directive européenne du 21 mai 2008 comme la charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs élaborée par le Conseil d’État. « Parler de médiation obligatoire ressort ainsi de lantinomie et du contresens philosophique », ajoute‑t‑il avant d’émettre la crainte que « les justiciables risquent de ne pas sinvestir dans ce processus contraint pour ne le considérer que comme une simple démarche administrative, vidée de sens, un RAPO supplémentaire ».

Certes, la médiation n’a d’obligatoire que son engagement et pas sa conclusion ; par ailleurs, cette procédure existe déjà, par exemple en droit de la famille ; toutefois, il s’agit là de tenter d’organiser un avenir entre deux parties relativement équilibrées ; dans le cadre de la MPO, le médiateur est imposé et, même si le demandeur peut refuser la solution proposée et abandonner la médiation, certains interlocuteurs des rapporteurs ont souligné que le caractère « officiel » d’un courrier du médiateur pouvait être perçu comme comminatoire par les publics les plus fragiles.

Dans ce contexte, la dénomination utilisée paraît pour le moins maladroite et peut‑être la seule mention de « médiation préalable » eût été suffisante ; on rappellera que les « passages obligés » sont nombreux dans notre organisation administrative sans pour autant que leur dénomination soit assortie de la mention « obligatoire ».

3.   Une course d’obstacles pour les requérants ?

Dans le cadre de l’expérimentation de la MPO, l’existence de recours préalable obligatoire impose à l’usager d’effectuer un premier recours administratif contre la décision initiale puis, en cas d’échec, de solliciter une MPO avant, le cas échéant, d’engager un contentieux. Cette procédure pose deux difficultés : celle de la lisibilité et celle de l’accès au juge.

– Le problème de lisibilité se pose dans la mesure où les deux procédures sont de nature différente : le RAPO constitue un réexamen de la décision par l’administration concernée, à la lumière de la réglementation en vigueur alors que la médiation a vocation, avec le concours d’un tiers indépendant, de régler un différend en prenant en compte la situation du requérant et en cherchant à rapprocher les points de vue.

– Les obstacles que représente cette procédure pour accéder au juge ont également été mis en avant par plusieurs acteurs, notamment le Défenseur des droits.

Cette inquiétude a ainsi été formulée, dès 2016, par M. Jean‑Michel Belorgey ([41]), qui s’est ému de l’introduction d’une expérimentation de nature à instituer un préalable supplémentaire à la saisine du juge dans un domaine où est exigé le passage préalable en commission de recours amiable (CRA) ou dautres recours administratifs préalables obligatoires (RAPO), imposant ainsi une vraie course dobstacles aux justiciables fragiles avant datteindre le juge.

Par ailleurs, les auteurs du rapport de France Stratégie évoquent les cas où « ladministration réclame simultanément à un allocataire le remboursement de sommes indument versées concernant plusieurs prestations, qui peuvent relever des deux ordres de juridiction (civil et administratif) ce qui complexifie la situation » et d’ajouter qu’ « une attention particulière doit être portée au risque de renoncement à exercer un recours, par découragement ou par incompréhension des procédures. La question se pose de savoir si la MPO a vocation à remplacer les RAPO ou à rester durablement la seconde étape à franchir avant davoir le droit de saisir le juge ».

La question de l’articulation entre la MPO et le RAPO existant dans certains contentieux sociaux suscite donc de nombreuses interrogations. Certes, il convient de rappeler que nous ne sommes qu’au stade de l’expérimentation et que la coexistence des deux dispositifs tient au fait que les conditions de l’expérimentation ont été déterminées par décret, ne permettant pas de modifier des procédures définies par la loi ; mais l’on peut d’ores et déjà plaider pour une simplification du parcours de l’usager qui, en l’état, s’apparente à une course de haies.

4.   Quels médiateurs pour la MPO ?

Le choix des médiateurs pour instruire les MPO a également suscité le débat. Ainsi M. JeanMichel Belorgey ([42]) sémouvaitil du choix du Défenseur des droits, alors que des médiateurs au profil hétérogène faisaient leur apparition dans les organismes sociaux, et sinterrogeait-il sur la manière de « concilier la démarche envisagée avec le peu de crédit que nombre dadministrations, puis de décisions de justice paraissent accorder aux prises de position du Défenseur des droits » et sur « le risque, au prétexte de désengorger les juridictions, dengorger le Défenseur, tout en en faisant un rouage dune mécanique administrative ».

M. Bertrand Nuret regrette, pour sa part ([43]), le choix des centres de gestion de la fonction publique territoriale pour régler les litiges de ses agents : « Lexigence dimpartialité du médiateur nous apparaît, en lespèce, bien amoindrie dès lors que ces organismes sont aussi leurs [les collectivités territoriales] conseillers juridiques sur les questions statutaires. Qui plus est, nombre de collectivités sont adhérentes de ces structures, fragilisant la condition dindépendance ».

5.   Quelles conséquences du préalable obligatoire sur la médiation ?

Les auteurs du rapport de France Stratégie comme d’autres observateurs ont pointé le risque de « taylorisation » de la médiation que pourrait induire la massification du recours au médiateur, devenant ainsi une sorte de « front office bis », où les refus seraient plus nombreux que les dérogations, sous peine de voir fragilisée la règle de droit.

La MPO conditionnant l’accès au juge, le rapport pointe également ses conséquences en termes d’exigence de formalisme pour un processus souple qui en était jusqu’alors quasiment dépourvu.

C.   LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DE LEXPÉRIMENTATION DE LA MPO

L’article 7 du décret du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux prévoit que les médiateurs concernés « établissent un rapport dactivité annuel dans lequel ils indiquent le nombre de saisines ayant abouti à une résolution totale ou partielle du litige et le nombre de médiations infructueuses, exposent les éventuelles difficultés rencontrées et font part de leur appréciation sur lexpérimentation en cours ». Ce rapport est transmis aux ministres intéressés et au vice‑président du Conseil d’État avant le 1er juin de chaque année à compter de l’année suivant la date d’entrée en vigueur du décret.

L’article 8 prévoit que l’expérimentation fait l’objet d’un rapport d’évaluation établi par le Garde des sceaux, ministre de la justice, et notamment destiné au Parlement.

Initialement fixée pour quatre ans à compter de la promulgation de la loi, soit de novembre 2016 à novembre 2020, la durée de l’expérimentation a été prolongée d’un an ([44]) car le décret correspondant n’a été publié qu’en février 2018.

Après une première année de mise en œuvre très progressive et la perspective de remise d’un rapport conclusif au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation ([45]), c’est donc principalement sur la seconde moitié de l’année 2019 et l’année 2020 que reposera l’évaluation… ce qui est un peu différent de la durée de quatre ans souhaitée par le législateur.

1.   Les données transmises par le Conseil d’État

Au terme d’une année d’expérimentation, le Conseil d’État a établi un premier bilan statistique de la médiation préalable obligatoire, mais les données, recueillies entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2019, restent modestes au regard du nombre de contentieux susceptibles d’être concernés.

Bien qu’elle ne relève pas du champ de notre évaluation, la MPO expérimentée auprès d’agents de la fonction publique fait apparaître des différences substantielles avec les contentieux sociaux.

Ainsi, 60 % des médiations gérées par les centres de gestion de la fonction publique territoriale ont été terminées, 60 % de ces dernières se sont conclues par un accord ; les médiateurs académiques de l’éducation nationale enregistrent peu de différences entre les médiations engagées et terminées, la moitié de ces dernières se concluant par un accord total ou partiel.

En ce qui concerne les litiges sociaux, 95 % des médiations engagées par la médiation de Pôle emploi ont été terminées et se répartissent en deux blocs presque équivalents : les accords totaux (les demandeurs ont obtenu satisfaction) et les médiations conclues par un accord partiel ou un apaisement du différend par l’explication de la décision administrative.

En revanche, seules 300 des 477 médiations engagées par le Défenseur des droits ont été achevées et, parmi elles, près des deux tiers ont échoué. Parmi les médiations achevées positivement, près de la moitié ont consisté en une « médiation pédagogique ».

Le terme de « médiation pédagogique » laisse songeur : s’il s’agit d’expliquer aux usagers la décision de l’administration, sommes‑nous vraiment dans la médiation ou dans ce qui relève davantage d’un « service clients » ?

En ce qui concerne l’impact de la MPO sur les contentieux devant les juridictions administratives, les premières statistiques traduisent une diminution des contentieux pour la fonction publique territoriale et pour les contentieux sociaux mais sans doute est‑il un peu tôt pour en tirer des enseignements.

2.   Le point de vue du Défenseur des droits, des caisses d’allocations familiales et des départements

Le rapport établi par le Défenseur des droits, en application de l’article 7 du décret du 16 février 2018 précité, présente un bilan qualitatif et quantitatif de la mise en œuvre de la médiation préalable, bilan dans lequel il s’est également fait l’écho des remarques des organismes et conseils départementaux concernés.

Pour le Défenseur des droits, il s’agit de répondre à une question : le dispositif contribue‑t‑il à renforcer l’accès aux droits, en particulier pour les personnes les plus précaires ? Ce positionnement est conforme à la mission de veiller « au respect des droits et libertés par les administrations de lÉtat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi dune mission de service public » que lui attribue l’article 71‑1 de la Constitution.

a.   Éléments statistiques

Le nombre relativement modeste de MPO témoigne d’une montée en charge très progressive de ce nouveau dispositif (523 MPO demandées entre avril 2018 et le 31 mars 2019 et 391 entre le 1er avril et la fin octobre 2019). Le nombre relativement élevé de recours directement adressés au juge administratif sans passer par la médiation (entre 15 et 20 % des demandes) montre que la visibilité de cette procédure sur la notification des décisions contestées n’est pas suffisante. La procédure est, en outre, d’autant moins lisible que les contestations peuvent concerner plusieurs prestations soumises à des recours différents dont certains ne relèvent pas de la MPO.

Le Défenseur des droits propose donc d’améliorer la visibilité de la MPO, qui, en raison des prestations qu’elle concerne, s’adresse à des personnes vulnérables ; il propose ainsi d’organiser une communication locale, de diffuser des brochures d’information aux travailleurs sociaux… Faute de notification des décisions concernées par lettre avec accusé de réception, le Défenseur des droits n’a pas conditionné la recevabilité des demandes au délai de deux mois prévu par la procédure.

Sur les 300 médiations achevées le 31 mars 2019, 67 ont donné totalement satisfaction à l’usager (soit 41 dossiers portant souvent sur des annulations de dettes) ; dans 26 cas, il a obtenu partiellement satisfaction. 34 médiations ont été closes à l’issue de l’explication fournie par le délégué du Défenseur des droits.

199 des 300 médiations achevées (66 %) n’ont pas abouti dont 173 faute de concessions de la part de l’organisme qui a tendance à rester dans une logique de RAPO : faute d’éléments nouveaux, l’administration maintient sa décision.

Les médiations ont, en moyenne, duré 88 jours.

b.   Éléments qualitatifs

Les six territoires d’expérimentation présentent des résultats hétérogènes mais font ressortir plusieurs points saillants.

 La répartition des médiations par prestations :

Sur les 477 dossiers recevables : 258 concernaient le RSA (gérés par les conseils départementaux, les CAF ou la MSA), 142 l’APL, 23 la prime exceptionnelle de fin d’année et 54 plusieurs prestations.

Moins que les droits aux prestations, les demandes concernent les indus notifiés par les organismes sociaux ou des remises de dettes. Près de la moitié des différends concerne la non‑déclaration de ressources ou les déclarations erronées. Les litiges relatifs à la vie maritale tiennent une place importante.

 Les raisons du non‑engagement de certaines médiations :

Sur 523 dossiers reçus, 46 ont été clos dès l’examen de la recevabilité (demandes relatives à des prestations ou des ressorts non concernés par l’expérimentation, demandes incomplètes – copie de la décision et du recours préalables doivent figurer au dossier – et des usagers qui ne répondent pas aux relances). Certaines médiations se sont heurtées à l’absence de réponses due aux demandes de prises de contact des délégués.

Le Défenseur des droits a donc décidé d’accompagner les accusés de réception des demandes d’une brochure explicative sur les enjeux de la médiation, son déroulement et les suites envisageables.

 Les motifs des échecs enregistrés :

Ils sont notamment dus au périmètre de l’expérimentation dont le Défenseur des droits a demandé la clarification : ainsi, la répétition des indus du RSA mis en œuvre et notifiés par la CAF ne figure pas explicitement dans le décret de l’expérimentation qui fait seulement référence aux décisions prises par le président du Conseil départemental. De même que mériterait d’être précisé si le prononcé d’une amende administrative relative à un indu de RSA entre ou non dans le champ de l’expérimentation.

Le Défenseur des droits regrette que la fraude (avérée ou suspectée) soit, pour de nombreux organismes, un motif d’éviction de la médiation car celle‑ci doit pouvoir trouver sa place entre le « droit à l’erreur » créé par la loi du 10 août 2018 et la suspicion de fraude (qui est différente de l’intention frauduleuse, elle‑même étayée par des éléments de preuve).

c.   Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de l’expérimentation

La CNAF plaide pour le traitement des médiations préalables obligatoires par les médiateurs des caisses concernées, désormais confortés par la loi dite ESSOC ; la MSA s’interroge sur la pertinence de son association à l’expérimentation ; quant au Défenseur des droits, il s’interroge d’une part sur la place de la médiation entre RAPO et contentieux et, d’autre part, sur les difficultés induites par la gestion du RSA répartie entre les conseils départementaux et les CAF ou la MSA.

 Le risque de « RAPO bis » ne paraît pas totalement écarté : l’exigence d’éléments nouveaux, la tentation d’un traitement automatisé des dossiers, l’exclusion des différends liés à la fraude témoignent de la fragilité de la culture de médiation administrative pourtant indispensable au bon déroulement de l’expérimentation et à sa généralisation.

Les réponses apportées ressemblent souvent à des « mémoires en défense » dans la perspective d’un éventuel contentieux devant le tribunal administratif. Ce constat concerne les collectivités peu enclines au dialogue mais aussi celles qui satisfont de nombreuses demandes dans le cadre du recours préalable obligatoire et qui, ensuite, sont moins ouvertes à la médiation.

 La transmission par le tribunal administratif des requêtes non précédées de médiation pose parfois quelques difficultés : le transfert de toutes les pièces du dossier, l’ambiguïté de l’invitation à « régulariser la requête » faite par le tribunal administratif à l’usager alors même que celui‑ci transmet lui‑même la demande de médiation au Défenseur des droits, d’où une saisine avant la transmission du dossier ad hoc. Enfin l’ordonnance de rejet de la requête est comprise comme un rejet définitif. Une réflexion a donc été engagée dans certaines juridictions pour clarifier la notification de l’ordonnance de rejet.

 Le président du conseil départemental qui peut déléguer la gestion du RSA aux CAF ou à la MSA, par le biais de conventions dont les termes varient (modalités de gestion de l’indu et des remises de dettes, de recours administratifs, de contrôle ou de lutte contre la fraude). Cette complexité nuit au déroulement de l’expérimentation.

d.   Les points positifs de la procédure

Malgré les difficultés constatées, le Défenseur des droits identifie plusieurs avantages de la médiation préalable pour les bénéficiaires de prestations sociales :

– la médiation offre un véritable espace de dialogue propice à l’accès au droit pour un public précaire, permettant une explication plus développée que la notification adressée par l’organisme ou la collectivité, et instaure un échange dans le cadre duquel les questions d’équité peuvent être prises en compte ;

– la médiation peut trouver sa place après les recours préalables en ce qu’elle apporte le regard d’un tiers neutre et indépendant, différent du RAPO et du regard juridique du juge ;

– la relative fluidité de la procédure permet une réponse plus rapide que dans le cadre d’une procédure contentieuse.

e.   Les observations des conseils départementaux

Si l’expérimentation concerne encore très peu de dossiers au regard du nombre d’allocataires et du nombre de recours traités (en 2017, 2 481 recours relatifs au RSA ont été traités par les services du département de Loire‑Atlantique pour 34 dossiers de MPO déposés), les départements concernés ont formulé plusieurs points d’attention :

– Le département de Haute‑Garonne plaide pour une clarification du rôle du médiateur : les délégués du Défenseur des droits interviennent‑ils au soutien de la demande des usagers ou doivent‑ils intervenir en tant que médiateur entre les deux parties ? Le département s’interroge par ailleurs sur l’éligibilité à la médiation préalable des sujets qui n’ont pas été préalablement soumis au Président du conseil départemental dans le cadre d’un recours gracieux.

Saisi de 26 médiations, le département n’a relevé, au terme d’un an d’expérimentation, ni évolution notable du nombre de contestations ni plus‑value dans les échanges avec les usagers. Par ailleurs, il constate que la saisine du tribunal administratif après une MPO entraîne une réouverture du dossier et donc de nouvelles études et démarches qui ont un coût pour la collectivité.

– Le département de Meurthe‑et‑Moselle, malgré une mise en œuvre tardive de l’expérimentation et donc peu de procédures (36 demandes de médiation reçues), fait état d’un faible nombre de recours contentieux et d’un besoin, pour les usagers, de comprendre une réglementation particulièrement complexe. Les rendez‑vous physiques avec les délégués du Défenseur des droits offrent aux usagers un espace de parole et permet de leur expliquer les décisions administratives. Cette procédure facilite, en outre, les échanges avec les délégués.

Le président du conseil départemental suggère de réaliser une enquête pour mesurer la satisfaction des personnes ayant expérimenté ce dispositif mais aussi de rendre plus compréhensibles les notifications envoyées par la CAF.

– Le département du Maine‑et‑Loire constate un taux de saisine du Défenseur des droits (43 demandes de médiation) inférieur à celui du tribunal administratif avant l’expérimentation et redoute que l’ajout d’un échelon, assorti de démarches à effectuer pour les requérants, ne les décourage. Il relève aussi, par rapport à l’année 2017, une forte baisse des recours contentieux.

Le moindre formalisme que celui exigé pour une procédure juridictionnelle, et la simplicité des échanges oraux avec les délégués du Défenseur des droits, constituent les points forts du dispositif.

Le département a pour objectif de poursuivre sa démarche de clarification et d’explication de ses décisions pour prévenir les contentieux et réaffirme sa politique de maintien de la décision initiale en l’absence d’éléments nouveaux. Toutefois, il réfléchit à une nouvelle approche des dossiers complexes par exemple en privilégiant les procédures amiables pour le remboursement de trop‑perçus de RSA.

– Le département de Loire‑Atlantique relève qu’en amont des 28 médiations traitées (et pour lesquelles le département a revu sa décision dans 8 cas), 21 % des 2 481 recours gracieux traités en 2017 ont abouti favorablement pour le demandeur.

Ce département pointe des difficultés quant à l’échange d’informations entre les CAF, le département et le Défenseur des droits et sur les questions de confidentialité, des démarches étant engagées pour y remédier.

f.   Les observations des caisses d’allocations familiales

La CNAF et les CAF ont défini plusieurs règles complémentaires à celles prévues par le décret du 16 février 2018. Ainsi, outre la suspension des délais de recours, les recouvrements d’indus ne sont pas suspendus sauf circonstances particulières et la décision initiale est maintenue en l’absence d’éléments nouveaux. Néanmoins la non‑suspension des recouvrements est questionnée en interne car, dans le cadre de la mise en œuvre de la loi dite ESSOC, il est recommandé de ne pas faire de relances ou de recouvrement forcé pendant les médiations administratives.

À la lumière de cette première année d’exercice qui a vu 237 médiations enregistrées et 156 dossiers clôturés, les CAF regrettent la lourdeur du dispositif au regard des résultats obtenus, la faiblesse de l’impact financier et une plus‑value modérée par rapport à la médiation « classique », dans un contexte où la médiation au sein de la CAF a été confortée par la loi ESSOC. Elles regrettent aussi de ne pas être les interlocuteurs directs des allocataires, les délais de gestion des dossiers ainsi que l’opacité de la démarche pour l’usager notamment en cas de prestations multiples. Certains allocataires – notamment soutenus par un avocat – refusent la médiation préalable.

L’intervention du Défenseur des droits est questionnée par les CAF : sa capacité de rencontrer l’allocataire et sa neutralité sont appréciées mais son intervention allonge les temps de gestion d’autant que les saisines sont souvent incomplètes, ou hors champ.

Pour ces raisons, les caisses suggèrent que la médiation préalable soit traitée par les médiateurs des CAF voire proposent l’intégration complète de cette médiation dans le processus prévu par la loi ESSOC.

La possibilité de soumettre aux CAF des éléments nouveaux et de porter un autre regard sur les dossiers apparaît comme un des principaux avantages de l’expérimentation. On peut néanmoins s’interroger sur le fait que la présence d’éléments nouveaux soit considérée comme ouvrant la voie à une médiation et non pas à une nouvelle réclamation et se demander également si le regard d’un « médiateur maison » est de même nature que celui du Défenseur des droits.

Après avoir constaté le très faible nombre de recours à la médiation, la lourdeur de gestion interne de la procédure et l’absence d’association des caisses en amont de la mise en œuvre de la MPO, la MSA, quant à elle, s’interroge sur la pertinence de son maintien dans le périmètre de l’expérimentation.

3.   Le point de vue de la médiation de Pôle emploi

À l’issue d’une année d’exercice, 80 % des 1 049 médiations enregistrées par Pôle emploi entre le 1er avril 2018 et le 30 mars 2019 concernaient la radiation de la liste des demandeurs d’emploi et 20 % l’allocation de solidarité spécifique. 95 % des médiations ont été achevées et traitées en moyenne sur 24 jours. 47 % ont abouti à un accord c’est‑à‑dire que la requête du demandeur a été satisfaite et 52 % ont apaisé le différend par l’écoute, le dialogue, les explications données ou un accord partiel. 13 médiations ont échoué.

La médiation préalable est vue comme un espace d’écoute et de pédagogie (tant pour la connaissance de la médiation, la compréhension de la décision administrative que pour organiser l’avenir en indiquant ce qu’il faut faire ou ne pas faire), autant de facteurs de nature à rétablir la confiance en l’institution. La rapidité du traitement de la réclamation et la réduction du nombre de litiges portés devant le tribunal administratif sont aussi mis au crédit de cette expérimentation.

4.   La MPO : plus d’avantages que d’inconvénients ?

En raison du nombre relativement modeste de médiations enregistrées et terminées, il apparaît prématuré de porter un jugement sur cette expérimentation. Néanmoins, on peut d’ores et déjà mettre en regard les avantages et inconvénients du processus expérimenté :

Avantages de la MPO

Inconvénients de la MPO
telle quexpérimentée

 un espace de dialogue propice à lécoute et à laccès au droit pour un public précaire ;

 un échange qui permet de fournir une explication détaillée et accessible de la notification adressée par lorganisme ou la collectivité ; pédagogie pour lavenir ;

 une faculté, le cas échéant, de proposer une solution en équité, en tenant compte de situations particulières ;

 un nouveau regard par un tiers neutre et indépendant ;

 une procédure plus fluide et rapide quune procédure contentieuse ;

 le rétablissement de la confiance envers linstitution concernée ;

 diffusion de la culture de médiation.

 un échelon supplémentaire, peu lisible, exigeant des démarches à effectuer avec un risque de décourager le requérant voire de léloigner du juge ;

 une procédure qui doit être clarifiée en termes de champ, dorganisation et de positionnement par rapport aux RAPO ;

 des modalités de recours différentes pour les usagers concernés par plusieurs prestations ;

 une procédure complexe pour les litiges traités par le Défenseur des droits, les CAF et les départements ;

 une médiation qui est parfois subordonnée à la présentation déléments nouveaux, ce qui en limite le champ ;

 un risque de « taylorisation » dun processus « sur mesure ».

5.   Une nécessaire évaluation multicritères qui doit prendre en compte le point de vue des usagers

Le rapport de France Stratégie souligne la nécessité de penser aux critères qui permettront d’évaluer l’expérimentation et dont, indique‑t‑il, « on trouve à ce jour peu de traces ». Il invite à ne pas se fonder uniquement sur la diminution du nombre de requêtes enregistrées devant les juridictions administratives, et relève que les référentiels ne sont pas partagés entre les médiateurs.

En mars 2018, Mme Valérie Petit et votre rapporteur ont, au nom de notre Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, présenté un rapport sur les dispositifs d’évaluation des politiques publiques dans le cadre duquel ils ont rappelé les critères d’analyse devant présider à une évaluation. Ceux‑ci doivent être définis en amont d’une politique publique comme les objectifs de celle‑ci.

Dans le cas présent, l’objectif principal de l’expérimentation n’apparaît pas clairement et plusieurs objectifs ont été avancés. L’exposé sommaire de l’amendement dont est issue l’expérimentation arguait ainsi que « les administrations sont peu enclines à remettre en cause leur propre décision et (les) recours administratifs ne jouent pas leur rôle de prévention des contentieux » ; l’article 8 du décret du 16 février 2018 ne précise pas la nature ni les critères de l’évaluation, quant aux auteurs et contributeurs des rapports d’étape, ils font part de préoccupations différentes : le Défenseur des droits indique vouloir apprécier la MPO à l’aune de sa capacité à renforcer l’accès aux droits, en particulier pour les personnes les plus précaires, mais d’autres acteurs mettent en avant la réduction du nombre de contentieux ou la meilleure compréhension des décisions de l’administration.

Pour réaliser une évaluation robuste, il serait pertinent de se référer aux critères dits EPICE et de les assortir d’un référentiel en vertu duquel il serait décidé de généraliser ou non l’expérimentation.

Les critères utilisés pour évaluer une politique publique sont en effet multiples et complémentaires, afin de l’appréhender dans toutes ses composantes. Il s’agit de prendre en compte son Efficacité, sa Pertinence, son Impact, sa Cohérence et son Efficience. Naturellement, pour évaluer l’expérimentation à l’aune de ces critères, il est nécessaire de s’entendre préalablement sur les objectifs de celle‑ci.

– L’appréciation de lefficacité met en regard les effets de l’action et les objectifs, en éliminant les conséquences induites par d’autres facteurs tels que la conjoncture ou un événement externe.

– La mesure de la pertinence vise à répondre aux questions suivantes : l’action publique répond‑elle aux attentes exprimées ? Satisfait‑elle un besoin social avéré ?

– La mesure de limpact a pour objet de vérifier si une politique produit les effets attendus mais aussi si elle a des incidences dans d’autres domaines, des « effets collatéraux » en quelque sorte, qui peuvent se révéler aussi bien bénéfiques que néfastes.

– La cohérence pose la question de savoir si les objectifs, les dispositifs et les moyens mis en œuvre pour les atteindre sont ou non cohérents.

– Lefficience se mesure en comparant le coût de l’action concernée et les résultats obtenus, en répondant aux questions : pourrait‑on obtenir un résultat au moins égal à moindre coût ? ou pourrait‑on obtenir davantage de résultats à un coût équivalent ? En l’espèce, si les tribunaux sont déchargés d’une partie des contentieux, il convient d’évaluer les moyens nécessaires aux médiateurs pour traiter les MPO.

Source : étude de MM. Baslé, Josselin et Le Maux pour le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

Ainsi, outre la diminution du nombre de contentieux portés devant les juridictions administratives, l’évaluation de l’expérimentation devrait donc prendre en compte la capacité des requérants à accéder au droit et à faire valoir leur point de vue, les moyens nécessaires pour ne pas industrialiser le processus de médiation et ne pas traiter la MPO comme un « RAPO bis », la lisibilité de la procédure pour les requérants ainsi que leur bonne information sur l’incidence du processus sur les délais de recours, de prescription et sur la suspension ou non des effets de la décision…

Une évaluation complète nécessite aussi de prendre en compte le point de vue des acteurs de la politique concernée mais aussi, comme le rappelle le rapport de France Stratégie, celui des usagers. Il est en effet fondamental que ce processus, s’il devait être étendu, contribue au rétablissement de la confiance des citoyens envers leurs services publics et administrations.

Les différents contributeurs à une évaluation

Source : Assemblée nationale, rapport d’information n° 771 sur l’évaluation des dispositifs d’évaluation des politiques publiques.

Outre un souhait de fonder l’éventuelle pérennisation de la médiation préalable obligatoire sur une évaluation structurée, les rapporteurs partagent les remarques du rapport de France Stratégie sur les points suivants :

– évaluer la lisibilité du parcours pour les usagers, notamment la succession du RAPO et de la MPO étant entendu que le support du décret pour mettre en œuvre l’expérimentation a limité les ajustements possibles ;

– réfléchir au périmètre ;

– trouver le juste équilibre entre souplesse de la médiation et formalisme nécessaire à la sécurité juridique et au droit au recours.

Enfin, l’écoute, le temps de dialogue et d’explication passé avec l’usager, le « sur‑mesure » considérés comme les plus‑values de la médiation peuvent‑ils être garantis dans le cadre d’une généralisation de la MPO ? Répondre à cette question suppose dévaluer le volume de médiations susceptibles dêtre demandées en fonction des contentieux choisis et dévaluer les moyens nécessaires pour en garantir la qualité.

On ajoutera que, dans une logique d’étape préjuridictionnelle obligatoire, la question de l’indépendance du médiateur, gage de confiance des usagers, conditionne la réussite du processus ; plus encore que dans le cadre de médiations institutionnelles « classiques », la médiation préalable obligatoire, si elle permet de dénouer des conflits et de pacifier les relations entre usagers et administrations, peut contribuer à diffuser une culture de médiation bénéfique à tous pour construire une société plus apaisée.

Proposition n° 2 : mettre en œuvre une évaluation rigoureuse de la médiation préalable obligatoire (MPO) prenant en compte l’appréciation des usagers avant une éventuelle généralisation.


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   TROISIÈME PARTIE : POUR UNE MÉDIATION AU SERVICE DES USAGERS

La médiation s’est d’abord vue sollicitée par une administration en voie de dématérialisation accélérée et dans un second temps pour faire évoluer le service public de la justice. Pour qu’elle remplisse pleinement son rôle à l’égard du public, elle doit être plus visible, plus lisible et lui apporter des garanties d’indépendance incontestables sous peine de perdre une partie de sa vocation.

I.   UNE MÉDIATION PLUS ACCESSIBLE

Le préalable pour s’adresser au médiateur, c’est d’en connaître l’existence, et ce n’est pas le cas de tout le monde, comme l’a confirmé notamment Mme Amélie Hattab, qui a consacré un master 2 à la dématérialisation et travaille dans la médiation territoriale. Aussi la communication concernant les médiateurs doit‑elle être adaptée à cette inconnue, et la pluralité des voies d’accès préservée.

A.   AMÉLIORER LA VISIBILITÉ DES MÉDIATEURS

1.   Mieux faire connaître la médiation

La priorité consiste donc à faire connaître largement la médiation, telle qu’elle existe, en s’appuyant sur les administrations elles‑mêmes et sur le Défenseur des droits.

a.   Les actions à mener au sein des administrations

L’information doit toucher en premier lieu les usagers qui ont un différend avec l’administration. Une fois encore, Pôle emploi a pris les devants et mentionne dans toutes les réponses aux réclamations l’existence du médiateur régional et ses coordonnées. Cette initiative doit être généralisée : toutes les décisions qui ont des conséquences pour les usagers doivent comporter des informations sur les possibilités de recours et les modalités de saisine du médiateur. Il s’agit d’une mesure simple puisqu’il suffit d’intégrer dans les courriers-types une phrase sur le sujet.

Au‑delà, il faut améliorer le référencement des médiateurs sur les sites des opérateurs sociaux. Désormais, internet est le canal privilégié, sinon exclusif, d’accès aux services publics. Un effort doit être entrepris pour rendre la présence du médiateur plus visible et son accès plus effectif.

Un bref sondage montre que, au sein d’un même réseau, le référencement de la médiation est différent d’une caisse à l’autre. Certes, un usager ne présente pas forcément plusieurs demandes à des endroits différents, mais il lui arrive de déménager… ou d’aider des membres de sa famille ou des amis qui habitent ailleurs en France. Aussi les rapporteurs proposent‑ils que l’attachement à la spécificité cède, pour une fois, le pas à l’intérêt de l’usager et recommandent‑ils de mentionner uniformément et clairement, sur l’écran d’accueil, l’existence du médiateur. Ils souhaiteraient également qu’il soit possible d’aller au‑delà et que l’écran suivant ne soit pas « OOps, cette page n’existe pas ». Cela arrive régulièrement.

À la recherche des médiateurs

Petit parcours aléatoire sur les sites des CARSAT

Les difficultés des usagers à entrer en contact avec les caisses de retraite ont conduit à effectuer un bref sondage sur la visibilité du médiateur sur leur site.

Première étape : exploration du site : https://www.lassuranceretraite.fr/portail-info/home.html

À la toute fin de la page d’accueil : contacts.

En cliquant sur le mot, apparaît la liste de toutes les CARSAT, ainsi que le nom et le numéro des départements de leur ressort, leur adresse et l’adresse de leur site web. Le renvoi sur le site n’est pas automatique.

Deuxième étape : la CARSAT Nord-Picardie

– Par le moteur de recherche Qwant : accès direct sur une page « contacter la CARSAT Nord-Picardie »

Le numéro de téléphone est un numéro unique (3970) surtaxé.

– Par le moteur de recherche Google, accès sur la page d’accueil de la CARSAT

Tout en bas, dans une couleur très pâle, se trouve inscrit « Le médiateur ».

Un clic mène sur une page indiquant comment contacter le médiateur retraite.

Le clic suivant vous indique que la page est introuvable, mais peut‑être est‑elle accessible par le biais d’un espace personnel.

Troisième étape : le site de la CARSAT Rhône-Alpes

Sur la page d’accueil, il faut préciser la catégorie à laquelle on appartient pour trouver les coordonnées postales ou téléphoniques (le numéro unique surtaxé).

Il est proposé de faire appel au médiateur régional, mais la seule possibilité offerte est une saisine en ligne.

Il faut donc disposer d’une imprimante et d’un scanner pour pouvoir transmettre les renseignements demandés.

Quatrième étape : la CARSAT Languedoc Roussillon

Après la page d’accueil, on doit aussi préciser à quelle catégorie on appartient.

C’est sur cette seconde page que l’on trouve la proposition « nous contacter ».

Si on clique, l’internaute est invité à créer son compte personnalisé, ou à contacter le médiateur qui renvoie à la même page que la CARSAT Rhône‑Alpes.

Ni adresse postale ni numéro de téléphone.

Cinquième étape : la CARSAT Midi-Pyrénées

Au bas de la page d’accueil figure le cartouche ci-après :

Un clic conduit sur un écran qui détaille les modes de contact, en privilégiant les échanges en ligne.

Pas de référence au médiateur.

Sondage fait le 21 novembre 2019.

Enfin, les guichets doivent aussi mettre l’information à la disposition des usagers qui s’y rendent.

En termes d’accessibilité, la médiation doit rester gratuite pour l’usager et la politique d’accès et de qualité du service doit s’attacher à éviter que ne s’interposent entre l’administration et les usagers des intermédiaires payants, dont la raison d’être réside précisément dans l’impossibilité dans laquelle sont tenus les administrés d’entrer en contact avec elle, quand ce ne sont pas des escrocs.

b.   S’appuyer sur l’existant : les délégués du Défenseur des droits, les maisons France services et les mairies

Comme les rapporteurs se sont efforcés de le démontrer dans la première partie, la dématérialisation, menée coûte que coûte par une administration aux moyens plus limités du fait de la crise économique et sociale, a fait des médiateurs un service clients par défaut. Ce n’est pas leur vocation et les délégués du Défenseur des droits ont été appelés à la rescousse. Dans leurs permanences, la quasi-totalité du travail (93,3 %) qu’ils accomplissent concerne le fonctionnement des services publics. Une telle situation ne doit pas se banaliser – le Défenseur des droits n’a pas à être, lui non plus, un supplétif du service clients – mais l’impératif d’endiguer la défiance, et même la colère, à l’égard de l’administration et de ceux qui la dirigent impose de mobiliser l’ensemble des institutions. Dans ce cadre, le Défenseur des droits doit être mieux connu et ses délégués mieux implantés.

Le Défenseur se déplace régulièrement dans les régions et ses délégués participent également à des actions de communication avec les opérateurs sociaux auprès du public (réunions et distribution de plaquettes d’information). Il faudrait faire encore plus en utilisant davantage les infrastructures existantes. Or le réseau des délégués du Défenseur des droits ne présente pas la même densité sur tout le territoire, densité qu’il faudrait, bien sûr, ramener à la population même si sa répartition n’est pas homogène : les individus fragiles sont proportionnellement plus nombreux dans les territoires défavorisés. Il y va de l’égalité d’accès aux services publics et de la lutte contre le non‑recours car la superposition de la carte des points d’accueil des délégués et de celle du nombre de sollicitations révèle une corrélation étroite et positive : plus les points d’accueil sont nombreux, plus les réclamations le sont aussi.

Répartition des points d’accueil du public des délégués par département (2018)

Source : rapport d’activité des délégués du Défenseur des droits, 2018.

Cest pourquoi les rapporteurs recommandent de renforcer limplantation des délégués du Défenseur des droits, tout à fait à même dexpliquer les décisions de ladministration, de renouer le contact, et daider les usagers en détresse à constituer leur dossier, en prévoyant des permanences dans chaque maison France services. Aujourd’hui, leur présence se concentre essentiellement dans les communes, les maisons de la justice et du droit (MJD) et les prisons, qui représentent chacune environ 20 % des 874 points d’accueil.

Répartition des délégués par structure d’accueil

MJD : maison de la justice et du droit. MSAP : maison de services au public.

PAD : point d’accès au droit.

Source : rapport d’activité des délégués du Défenseur des droits, 2018.

La conjoncture actuelle est assez favorable du fait de la concomitance du déploiement des maisons France services, qui prendront le relais des maisons de services au public (MSAP), et du souhait de diversifier le profil des délégués. Le Défenseur des droits n’est pas hostile à une telle évolution puisque, à la fin de l’année 2019, ses délégués étaient désormais présents dans 107 MSAP. Sa réticence tient essentiellement à la qualité inégale de l’accueil de premier niveau, qui affecte l’image du délégué aux yeux de l’usager. À cet égard, l’exigence accrue du cahier des charges des maisons France services est rassurante. Ce document pourrait même intégrer des permanences d’un délégué du Défenseur des droits. En outre, la présence du Défenseur dans la gouvernance du dispositif France services serait également de nature à améliorer la couverture du territoire par les délégués.

Le réseau France services devrait à terme comporter de 1 800 à 2 000 unités, alors que les délégués sont à peine plus de 500. La mesure aurait donc un coût qui peut paraître mesuré au regard des enjeux. Il va de soi que le Défenseur des droits ne serait pas sollicité pour participer au financement de ces entités qui repose sur les collectivités locales, l’État et les opérateurs. La décision n° 2017‑22 du 6 mars 2017 du Défenseur fixe l’indemnité mensuelle des délégués à 404 euros. Ainsi, il faudrait majorer le budget de l’institution de 100 000 euros par tranche de vingt délégués.

En attendant et pour parer à l’urgence, il est important de diffuser l’information sur les délégués du Défenseur et sur la médiation institutionnelle dans les mairies qui sont au plus près des habitants des territoires ruraux, et souvent leur dernier recours. Même si leurs horaires d’ouverture se sont réduits, elles sont un puissant relais d’information ; et les élus comme le personnel connaissent bien la population.

2.   Maintenir l’accès multicanal

D’après les organismes sollicités, il existe plusieurs modalités de saisine des médiateurs. Dans leur rapport d’activité, seuls les médiateurs de Bercy et de la MSA indiquent n’être joignables que par écrit, les courriels représentant désormais plus des deux tiers des saisines. La médiation de la CNAF est saisie à 90 % par écrit également en précisant que « les médiateurs limitent le recours à la réponse téléphonique, très chronophage ». Les chiffres de la médiation de la CNAM reflètent une grande stabilité sur trois ans.

Canaux de saisine des médiateurs à la CNAM

en %

Voie d’accès

2016

2017

2018

Guichet

5

5

5

Téléphone

20

20

19

Courrier

36

36

37

Courriel

39

39

39

Source : rapport du médiateur de la CNAM, 2018.

Même la CNAV précise que les cas « urgents » peuvent être accueillis au guichet. Il reste à savoir quels sont les critères : le réclamant le plus convaincant, le plus vindicatif ou le plus précaire selon l’interlocuteur qu’il aura réussi à joindre au téléphone ?

Les rapporteurs ne sauraient se contenter de déclarations dont ils ne sont pas en mesure de vérifier la réalité. Or, France Stratégie a alerté sur le risque de voir disparaître les voies de saisine alternatives à internet, alors que la loi fait obligation aux médiateurs de la consommation de proposer un canal d’information en ligne et hors ligne. En effet, bien que l’écrit soit indispensable dans les échanges, pour constituer le dossier, apporter des éléments de preuve, la saisine des médiateurs ne doit pas se faire exclusivement par ce moyen. C’est pourtant ce qui risque d’arriver, à la fois pour la médiation mais aussi pour les réclamations. En effet, la procédure ne laisse dautre possibilité à lusager que dentrer en contact par le biais de son espace personnel avec identifiant et mot de passe, excluant toute autre voie. Il est impératif de ménager dautres canaux daccès à la médiation quinternet, et de ne pas les marginaliser en les rendant de facto inaccessibles. Dans son rapport « Dématérialisation et inégalités daccès aux services publics » de février 2019, le Défenseur des droits a dailleurs rappelé quaux termes du décret n° 2016685 du 27 mai 2016 ([46]), lusager doit pouvoir choisir son mode de relation avec ladministration : « Les administrations créant une obligation pour lusager de saisir ladministration par la voie électronique outrepassent les possibilités qui leur sont ouvertes par le droit en vigueur ». Cette obligation existe pour les médiateurs de la consommation. Pourquoi les médiateurs institutionnels sen affranchiraientils ? Fautil rappeler que cest finalement lUnion européenne, par le biais de sa réglementation sur les services après-vente, qui a contraint ladministration française à renoncer aux numéros de téléphone surtaxés ?

B.   MIEUX DÉFINIR LE RÔLE ET LE POSITIONNEMENT DE LA MÉDIATION DANS LE PARCOURS DES USAGERS

La médiation dans la sphère publique a prospéré grâce à la combinaison de deux grandes tendances : le besoin de retisser le lien entre une administration désincarnée et ses usagers égarés ou exaspérés, d’une part ; celui de désencombrer, sous l’impulsion européenne, les tribunaux de litiges qui gagneraient à être réglés de façon extrajudiciaire, d’autre part.

Néanmoins, cette « floraison médiatrice » a brouillé un paysage qui, à défaut de pouvoir être mis à plat, ce qui exigerait une réforme d’ensemble impactant de nombreux textes et procédures, gagnerait à être clarifié.

1.   Plusieurs processus sous une même dénomination créent la confusion

 Dans un ouvrage proposant une vue d’ensemble des médiations et de leurs caractéristiques ([47]), Mme Michèle Guillaume-Hofnung rappelle que différents processus de médiation se sont développés en France (médiation familiale, médiation sociale, médiation du travail, médiation publique, médiation dans l’entreprise, médiation dans le domaine de la santé…) sans pour autant répondre aux critères de celle‑ci.

Dans le secteur public, le médiateur est soit une autorité administrative, soit un délégataire fonctionnant dans le cadre d’une convention. « En dépit de leur incontestable utilité, il sagit en réalité de régulateurs, de gestionnaires de réclamations voire darbitres publics, le plus souvent de conciliateurs » ([48]).

Au‑delà des différents secteurs où interviennent des processus de médiation, ceux‑ci se trouvent à la frontière des différents modes non juridictionnels de règlement des conflits et sont trop souvent confondus avec la conciliation ([49]). En définitive, la plupart des médiations inventoriées n’ont de médiation que le nom et les différents processus peinent à être définis.

 En amont de la transposition de la directive de 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, le Conseil d’État a remis au Premier ministre, le 30 juillet 2010, une étude qui recense les régimes de médiation existants et établit les critères de nature à définir un régime cohérent de la médiation.

Il établit un double constat : d’une part, la dénomination « médiation » recouvre de façon inappropriée une grande diversité de processus souvent regardés à tort comme des médiations par les différents acteurs concernés ; d’autre part, moins de 10 % des processus recensés étaient de vraies médiations au sens de la directive.

Constat qu’il expliquait par le fait que l’essentiel des médiations recensées sont soit des médiations administratives ou institutionnelles qui ne laissent pas les parties libres d’y recourir ou de désigner elles‑mêmes un médiateur, soit des médiations dites « médiations maison », c’est‑à‑dire des processus internes aux entreprises, non structurés et ne faisant l’objet d’aucun encadrement.

Le Conseil d’État a ensuite formulé plusieurs propositions dans la perspective de la transposition de la directive de 2008 précitée mais préalablement estimé que, les processus qualifiés de médiations « administratives ou institutionnelles » fonctionnant bien, ils devaient rester en dehors du champ de la médiation et continuer à s’autoréguler selon les mêmes modalités d’alors.

Ainsi que le rappellent MM. Dehghani‑Azar et Le Ny ([50]), la loi du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative n’a initialement pas défini la conciliation et la médiation judiciaires (art. 21 du texte adopté).

Puis la directive européenne du 21 mai 2008 portant sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale a défini la médiation comme « un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par ellesmêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec laide dun médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit dun État membre » dont sont exclues celles intervenant dans le cadre d’une procédure judiciaire.

La transposition de la directive par l’ordonnance du 16 novembre 2011 a alors modifié l’article 21 de la loi de 1995 précitée et défini la médiation en matière civile comme « tout processus structuré, quelle quen soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec laide dun tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige », définition reprise dans le code de procédure civile, dont l’article 1530 définit la médiation et la conciliation conventionnelles dans les mêmes termes et précise que le tiers choisi par les parties « accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence ».

De fait, la médiation et la conciliation continuent de coexister en droit français alors que cette distinction n’existe pas dans le droit européen tandis que la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice a encouragé le règlement extrajudiciaire des litiges sans apporter la clarification attendue.

Pour sa part, le code de justice administrative (CJA) a, nous l’avons vu, repris la définition de la directive de 2008, incluant la possibilité pour la juridiction d’avoir recours à un expert qui peut se voir confier une mission de médiation (art. R. 6211), la conciliation devant le juge administratif étant regroupée sous la dénomination de médiation par la loi dite J21 du 20 novembre 2016.

C’est au CJA que se réfère la dernière venue des médiations institutionnelles, la médiation territoriale, récemment consacrée par la loi de décembre 2019 dite « engagement et proximité » ([51]) dans le sillage des médiations de services publics définies par différents textes.

2.   Un positionnement de la médiation institutionnelle qui fait débat

S’il est incontestable que les médiateurs institutionnels apportent des solutions utiles et efficaces à l’heure où le traitement de masse, la dématérialisation et les faibles marges de manœuvre des guichets conduisent à des situations inextricables ou suscitent un besoin de dialogue et d’explication, s’agit‑il réellement de médiation ? À lire certains spécialistes, on peut en douter.

 Des médiateurs dadministrations et de services publics plus conciliateurs que médiateurs ?

Le développement de la médiation en droit public est qualifié d’ « oxymore mental » par Mme Guillaume‑Hofnung ([52]) qui, comme d’autres, relève l’inégalité entre les particuliers et les personnes publiques alors que la médiation ne peut se vivre que dans l’égalité des partenaires. Or, « mal nommer, cest mal accomplir ».

Les critères de la médiation sont, relève‑t‑elle, l’intervention d’un tiers qui doit être indépendant, impartial, neutre, et ne doit pas avoir de pouvoir institutionnel :

– Le médiateur doit veiller à son indépendance fonctionnelle : sa saisine ne doit pas dépendre de la volonté d’un pouvoir, ne pas être tenu de rendre compte à quelconque autorité du déroulement de la médiation, laquelle est soumise au secret ; les conditions de sa rémunération doivent préserver son indépendance.

– La neutralité : la médiation ne doit pas être infléchie au profit d’une mission complémentaire (assistance, équité, justice) ou d’un résultat considéré comme bénéfique. Pour cela, souligne‑t‑elle, « il faut éviter de choisir des médiateurs spécialistes du fond car ils résistent mal à la posture dexpert ».

– L’impartialité traduit une absence de prévention, de parti pris du médiateur. Les médiateurs internes, relève‑t‑elle, « nont pas toujours une bonne image de marque auprès des assurés qui les ressentent comme une émanation du service qualité ou du service clientèle quand ce nest pas du service contentieux de la maison ».

– L’absence de pouvoir institutionnel du tiers : le médiateur n’a pas de pouvoirs et la médiation repose sur l’autonomie de la volonté des parties prenantes.

Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, l’utilisation du terme de conciliateur ou « intercesseur gracieux entre le citoyen et ladministration » selon l’expression de M. René Pleven lors de l’institution, en 1973, d’un Médiateur de la République, serait préférable.

On notera que, si la dénomination de « conciliateur » a disparu dans la sphère administrative, elle demeure par exemple dans le domaine fiscal ou social, ce qui peut dérouter les usagers du service public.

 Un positionnement qui oscille entre le service aux usagers et la déjudiciarisation des litiges

Bien qu’empruntant souvent le vocabulaire juridictionnel (on parle de saisines, de parties, de procédure, de délais de recours et de suspension des prescriptions…), la part de « pédagogie » pratiquée par les médiateurs des administrations et des opérateurs sociaux les positionne néanmoins en « queue de comète » d’un service aux usagers à la peine et qui souffre de déshumanisation (cf. supra).

Pour autant, le médiateur stricto sensu ne doit pas faire de lassistance, de lexpertise ou du conseil ; il doit aussi pouvoir refuser une médiation. On voit bien que toutes les médiations ne se ressemblent pas et que la médiation institutionnelle, écartelée entre le service aux usagers et la tendance forte de déjudiciarisation des conflits, avec ses médiateurs dédiés, diffère des autres.

3.   À défaut de remettre en cause une dénomination utilisée dans de nombreux textes, former les médiateurs à leur mission et mieux asseoir leur indépendance

Si la dénomination de médiation pour qualifier la démarche conduite dans le cadre de la médiation institutionnelle peut paraître inadaptée, d’autres types de médiation (la médiation pénale par exemple) ne répondent pas non plus aux caractéristiques de la médiation telle que définie par la directive de 2008.

Par ailleurs, les médiateurs institutionnels se développent, se forment, ont vocation à être plus visibles ; par conséquent, proposer aujourd’hui, sans réflexion d’ensemble, un changement de dénomination, n’ajouterait sans doute que de la confusion.

Dans l’immédiat, c’est au niveau des garanties apportées par les médiateurs et de la clarté du processus que la médiation institutionnelle gagnerait à être confortée.

Dans ce contexte, des médiateurs venant des administrations ont besoin d’être clairement identifiés, d’être indépendants et perçus comme tels ; et, au‑delà de leur domaine de compétence, d’être parfaitement aguerris aux spécificités de la médiation car « le seul fait dêtre intermédiaire entre lenclume et le marteau ne rend pas médiateur » ([53]).

En effet, si les logiques d’amélioration des relations avec les usagers et d’efficacité auxquelles participe la médiation institutionnelle justifient de disposer de médiateurs familiers des procédures, voire des services (le recours à des agents ou à des retraités de l’administration concernée répond à cette logique), l’expert ne fait pas le médiateur et l’usager doit avoir confiance en la personne que l’administration ou le service public a désignée pour exercer ces fonctions.

Dans ce contexte, la formation des médiateurs à la spécificité de leur mission et de leur positionnement paraît nécessaire pour les familiariser avec une posture et un processus différents de ceux qu’ils ont pu connaître dans leurs fonctions antérieures mais aussi de diffuser une culture de médiation et de conforter une indépendance qui, aux yeux des usagers, ne va pas de soi.

Mettre l’accent et développer chez eux des compétences propres à la médiation est de nature à les rapprocher de la discipline dont ils ont le nom ainsi que le souligne Mme Catherine Garreta, médiatrice à l’Agence française de développement et responsable de la coordination pédagogique de la formation « La médiation dans l’institution » dispensée par le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).

C’est dans cette trajectoire que s’est engagée la médiation de Pôle emploi : certains médiateurs régionaux ont d’abord utilisé leur droit individuel à la formation pour suivre un enseignement de médiation puis, en 2018, cette formation de 120 heures au CNAM a été généralisée à raison de deux jours par mois pendant un an.

À l’issue d’une formation, relève Mme Garreta, les médiateurs formés font évoluer leurs pratiques et se sentent plus légitimes dans leurs fonctions : cantonnés jusque-là à l’écrit, ils font d’avantage appel au téléphone, ils sont sensibilisés aux émotions que véhiculent les situations difficiles de leurs interlocuteurs, les phrases types de leurs écrits laissent place à un langage plus accessible et personnalisé ; ils sont enfin mieux armés pour détecter les situations conflictuelles plus larges qui se cachent derrière un conflit avec une administration.

Dans une très récente interview, M. Hervé Carré, président de lAssociation des médiateurs des collectivités territoriales ([54]), souligne, à l’appui de son expérience, les bénéfices de la formation qu’il a suivie sur la façon de conduire les médiations : « (…) Par mon histoire, jétais tenté dêtre interventionniste et la formation que jai suivie avec le CNAM des Pays de la Loire, ma aidé à méloigner de ce champ pour ne mintéresser quà la manière dont chacune des parties exprimait ses attentes. Lors de cette formation, jai passé la moitié du temps en situation de médiateur, et cette expérience ma bousculé alors que cela faisait déjà trois ans que jétais médiateur. Ce ne sont pas tant les référentiels qui maidaient à comprendre ce que je devais faire, que lexpérience du terrain. Les écoles pratiques misent sur lapprentissage par lexpérience, avec des scénarios pertinents, mais audelà dun diplôme universitaire, la pratique reste indispensable. »

De son côté, la CNAF propose un parcours de formation pour « les agents et/ou cadres exerçant la fonction de médiation administrative », dénomination qui traduit néanmoins un positionnement un peu éloigné du tiers structurellement neutre et indépendant caractérisant l’exercice de la médiation au sens premier.

Pour autant, il y a incontestablement une volonté de « bien faire » : cinq sessions de 3 ou 4 jours sont organisées sur 24 mois. Elles ont pour objectif de prendre toute la mesure de la fonction de médiateur administratif, clarifier le concept et le déroulement du processus de médiation, comprendre l’agressivité et savoir gérer les comportements qui en découlent, savoir gérer une réclamation dans une approche sociale, éclairer et accompagner le médiateur sur les questions et les tensions dans l’exercice de cette fonction, travailler sur le positionnement en interne et en externe.

La Charte du Club des médiateurs de services au public comme celle de l’Association des médiateurs des collectivités territoriales font d’ailleurs figurer la formation comme gage de compétence du médiateur : la première précise ainsi que le médiateur « dispose dune compétence sur les sujets qui lui sont confiés en médiation. Il actualise et perfectionne ses connaissances théoriques et pratiques de la médiation par une formation continue, notamment dans le cadre du Club » ; la seconde indique que « le Médiateur est choisi pour ses qualités humaines, notamment découte, et pour sa compétence. Il justifie dune formation spécifique à la médiation ou bénéficie dune expérience adaptée à la pratique de la médiation. Il sengage à actualiser et perfectionner ses connaissances par une formation continue, notamment dans le cadre du Réseau ».

Si la formation est donc considérée comme nécessaire par les médiateurs institutionnels eux-mêmes pour leur permettre d’intégrer des réflexes et des pratiques propres à la médiation stricto sensu, ils ont un positionnement qui exige, au‑delà de la préparation à leur mission spécifique, de conforter leur indépendance. C’est l’objet des propositions du présent rapport.

La médiation entre les administrations ou les opérateurs sociaux et leurs usagers, nous l’avons vu en première partie de ce rapport, doit répondre à trois types d’exigences :

– la pédagogie pour répondre au besoin croissant de dialogue et de compréhension d’une règlementation protéiforme, destinée à des besoins qui ne le sont pas moins ;

– l’expertise pour gérer des cas complexes ou des conflits de règlementation ;

– l’urgence car l’interruption ou le recouvrement de prestations indues ou l’absence de titres valides peuvent engendrer des situations dramatiques.

L’expertise mais aussi l’écoute et le dialogue sont donc nécessaires pour conduire ce type de processus.

On ajoutera enfin, ainsi que l’a souligné M. Stephen Bensimon, directeur de l’Institut de formation à la médiation et à la négociation (IFOMENE), que le médiateur peut à la fois proposer de statuer en équité et formuler des recommandations, ce qui lui donne « une parcelle de puissance publique » et justifierait, de son point de vue, l’existence d’un contrôle de la formation pour devenir médiateur.

Certes, la médiation institutionnelle, en particulier celle de l’éducation nationale et du Défenseur des droits, fait appel à des bénévoles à qui imposer un cycle de formation exigeant serait sans doute difficile, mais il paraît néanmoins nécessaire que les médiateurs institutionnels et leurs collaborateurs disposent des outils propres à l’exercice de leur mission.

En définitive, si lon peut convenir que la médiation institutionnelle na pas les mêmes caractéristiques que celle pratiquée par des médiateurs officiant pour des missions ponctuelles dans un cadre juridictionnel ou conventionnel (et pour lesquels la question de la formation des médiateurs « issus de la société civile » est un sujet de débats ([55])), la confiance des usagers viendra moins de sa dénomination que de la garantie de son indépendance.

Proposition 3 : rendre la médiation plus accessible :

– mieux identifier les médiateurs (sur les sites des services publics et sur les réponses des administrations aux réclamations des usagers) ;

– faciliter l’accès multicanal aux médiateurs ;

– donner les moyens au Défenseur des droits d’assurer des permanences dans toutes les maisons France services.

II.   UNE MÉDIATION PLUS LISIBLE

A.   CLARIFIER LE RÔLE DES DIFFÉRENTS MÉDIATEURS ET LEURS RELATIONS AVEC LES ADMINISTRATIONS

1.   Un paysage de la médiation institutionnelle qui se densifie

a.   Des vagues successives de médiateurs

Le rapport de France Stratégie s’est efforcé de décrire « l’archipel » de la médiation tout en relevant sa constitution progressive, sans colonne vertébrale et au gré des besoins des services publics concernés : « Il ny a pas eu de grande loi médiation qui aurait programmé, à partir dune série dobjectifs prédéfinis, la déclinaison des principes de la médiation à lensemble des services publics et des administrations ».

Plusieurs grandes familles de médiateurs forment donc le paysage de la médiation institutionnelle :

− une autorité administrative indépendante constitutionnelle, compétente sur l’ensemble du territoire et sur tous les sujets liés aux relations citoyens‑administration : le Défenseur des droits ;

– des médiateurs relevant de l’État ou de ses opérateurs nationaux, créés par une loi ou par décret, disposant pour certains de réseaux territorialisés ;

− les médiateurs des différentes branches de la sécurité sociale, reconnus par la loi ;

− les médiateurs des collectivités territoriales ;

− les médiateurs « d’établissement », par exemple hospitaliers ou universitaires.

Se pose alors la question des missions confiées à chacun et de l’articulation de leurs missions, d’autant que l’édifice juridique, adossé à différents codes, ne cesse de s’enrichir, le dernier en date étant l’introduction de la médiation territoriale dans le code général des collectivités territoriales.

b.   La famille s’agrandit avec la consécration de la médiation territoriale

 Des initiatives locales anciennes

Ainsi que le rappelle France Stratégie, dans le sillage de villes pionnières (Bordeaux en 1995, Quimper en 1997), le mouvement s’est accéléré au gré des élections municipales, les fonctions de médiateurs étant souvent confiées à d’anciens élus ou d’anciens fonctionnaires connaissant les dossiers et les services. Des départements, des communautés de communes et des régions ont ensuite suivi le mouvement. La quasi‑totalité des médiateurs des collectivités examinées par France Stratégie ont été nommés pour 6 ans par le chef de l’exécutif local ou, plus rarement, par l’organe délibérant. Souvent, leur mandat est incompatible avec un mandat électif. Le caractère renouvelable ou non du mandat, lorsqu’il est précisé, varie d’une collectivité à l’autre.

Les délibérations créant les médiateurs font apparaître un périmètre d’intervention variable parfois limité aux décisions et fonctionnement de la seule administration municipale, parfois élargi aux organismes agissant pour le compte de la commune, voire aux associations qui ont leur siège dans la commune ou qui bénéficient d’une aide de la commune.

Collectivités

Objectifs et litiges concernés par la médiation

Nice

Objectif : Régler à lamiable des litiges, dans le respect du principe de légalité, en faisant prévaloir léquité afin de contribuer à la tranquillité publique et au renforcement du lien social. Formuler des recommandations pour remédier aux carences constatées ou aux situations inéquitables créées par lapplication dune réglementation municipale.

Litiges concernés : Litiges entre administrés de la commune (personne physique ou morale), dune part et entre les usagers et les services de la commune dautre part.

Le médiateur est aussi compétent à légard des organismes agissant pour le compte de la commune, des associations qui ont leur siège dans la commune ou qui bénéficient dune aide de la commune.

Angers

Objectif : Régler à lamiable les litiges entre les usagers et ladministration angevine dans le respect du principe de légalité, en faisant prévaloir léquité. Formuler des propositions pour améliorer le service rendu aux usagers. Favoriser laccès au droit, veiller au respect des droits des usagers et contribuer au développement des modes de règlement amiable des litiges. Présenter toute proposition pour améliorer le service rendu ou la relation avec les usagers.

Litiges concernés : Les litiges entre les usagers dune part et les services de la ville dAngers, ou les services mutualisés dans le cadre de leurs compétences municipales angevines, dautre part, ainsi quavec les organismes agissant pour le compte de la ville dAngers ou subventionnés par la ville.

Le Médiateur ne peut intervenir dans une procédure juridictionnelle en cours, ni remettre en cause une décision de justice, ni contester le bien-fondé dun procès-verbal de contravention, ni remettre en cause les décisions individuelles prises par une instance collégiale ou intervenir dans les différends dordre statutaire entre ladministration et ses agents.

Metz

Objectif : Offrir un service complémentaire qualitatif dans le cadre de la relation à lusager : un mode alternatif de règlement des conflits potentiels ; un interlocuteur disponible, à lécoute, en toute confidentialité, équité et neutralité ; un facilitateur ayant accès à lensemble des acteurs municipaux ; un tiers ayant vocation à expliquer les décisions et les orientations prises et à décortiquer le langage administratif, parfois illisible. Faciliter la résolution des litiges entre ladministration municipale et les usagers des services publics et éviter dans la mesure du possible le recours judiciaire. Formuler des propositions de réforme de ladministration ou damélioration des règlements et pratiques pour prévenir les litiges et améliorer la qualité des services rendus aux usagers.

Litiges concernés : Les réclamations concernant les décisions et le fonctionnement de la seule administration municipale.

Paris

Objectif : Régler à lamiable des litiges entre les usagers et ladministration parisienne dans le respect du principe de légalité, en faisant prévaloir léquité. Proposer des réformes visant à lamélioration du service rendu aux usagers, favoriser laccès au droit, veiller au respect des droits des usagers.

Litiges concernés : Litiges entre les usagers et les services de la ville de Paris et des mairies darrondissements, avec les organismes agissant pour le compte de la ville ou subventionnés par elle.

La plupart de ces médiateurs sont membres de l’Association des médiateurs des collectivités territoriales (AMCT) qui rassemble plus de vingt communes et intercommunalités, une douzaine de départements et deux régions. Celle‑ci a notamment pour objectif de promouvoir la médiation institutionnelle auprès des collectivités territoriales, de développer le partage d’expériences, de contribuer à la diffusion et à l’évolution des pratiques de médiation, de proposer des services de professionnalisation. L’AMCT s’est dotée d’une charte énonçant les valeurs et les pratiques que ses membres s’engagent à respecter.

L’étude conduite par France Stratégie ([56]) met en évidence la place encore modeste de la médiation territoriale, à l’exception de Paris (dont le médiateur a été créé en 2008 après que la fonction a été exercée par un adjoint au maire) saisi, en 2017, de près de quelque 2 400 dossiers recevables dont plus des deux tiers dans le cadre des permanences de ses représentants. Le champ d’intervention du médiateur est très large : état civil, action sociale, habitat, enfance, sport, culture, cadre de vie, urbanisme, voirie… Il n’intervient pas dans une procédure juridictionnelle, ni dans un différend statutaire d’un agent ni dans des litiges relevant d’organismes disposant de leur médiateur (RATP, La Poste, Éducation nationale…). Il ne peut pas non plus contester le bien‑fondé d’une contravention.

Daprès les données de 2018 des saisines du médiateur de Paris, près de la moitié des saisines portent sur des questions dhabitat et de logement social (conflits de voisinage, demandes de travaux, de changement de logement…) et émanent, pour lessentiel, de personnes en situation de précarité et isolées. Une proportion substantielle de demandes concerne par ailleurs des forfaits post‑stationnement infondés liés à l’automatisation des relevés ; sujets dont le Défenseur des droits est aussi de plus en plus souvent saisi, ce qui l’a récemment conduit à y consacrer un rapport et à formuler des propositions ([57]).

Les représentants du médiateur sont davantage présents dans les arrondissements défavorisés de la capitale dotés de nombreux logements sociaux.

Par ailleurs, les témoignages de terrain et les auditions conduites par les rapporteurs font apparaître que, dans bien des cas, les litiges évoqués par les usagers en cachent d’autres, d’où la nécessité, pour les médiateurs quels qu’ils soient, d’être un relais d’écoute – en particulier pour les personnes en difficulté avec l’écrit – et de privilégier une approche globale des difficultés du demandeur. Là résident sans doute les deux principales richesses et spécificités de la médiation.

 La consécration législative de la médiation territoriale

Pour donner un cadre législatif aux médiations mises en œuvre dans les territoires, la sénatrice Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues ont déposé une proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales avec pour ambition d’ « agir en faveur du rapprochement des usagers avec ladministration en contribuant à une meilleure compréhension des règles de droit et des pratiques administratives » et de « proposer des modifications de comportement ainsi que des suggestions damélioration pour remédier aux dysfonctionnements constatés ». Ces objectifs placent clairement la médiation territoriale dans une logique d’amélioration des relations des usagers avec les services territoriaux.

Le souhait de légiférer sur ce sujet n’est pas tout à fait nouveau : une proposition de loi visant à instaurer un médiateur territorial dans les conseils régionaux, les conseils généraux et les communes de plus de 30 000 habitants avait ainsi été déposée au Sénat en juin 2014.

Le texte adopté a été repris, à l’initiative de l’auteure de la proposition de loi, dans le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ([58]).

Il a été, à cette occasion, sensiblement modifié : ainsi la médiation territoriale intervient‑elle « sans préjudice des dispositifs de médiation existants ». Cette mention témoigne de la nécessité mais aussi de la difficulté d’articuler l’action des médiateurs et pose le problème de leur lisibilité pour les citoyens.

C’est avec cette préoccupation que votre rapporteur a déposé plusieurs amendements dont l’un, prévoyant la transmission à l’organe délibérant concerné et au Défenseur des droits, d’un rapport annuel du médiateur territorial pouvant contenir des propositions pour améliorer le fonctionnement de la collectivité, a été adopté (loi n° 2019‑1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique).

Code général
des collectivités territoriales

Textes de référence

Charte des médiateurs
des collectivités territoriales

 

Art. L. 1112-24. – Sans préjudice des dispositifs de médiation existants, les communes, les départements, les régions et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent instituer, par délibération de lorgane délibérant, un médiateur territorial, soumis aux dispositions du présent article.

 

La délibération qui institue le médiateur territorial définit le champ de ses compétences, détermine les moyens mis à sa disposition pour lexercice de ses fonctions et fixe la durée de son mandat.

 

Ne peut être nommé médiateur territorial par une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre :

 

 La personne qui exerce une fonction publique élective ou est agent de cette collectivité territoriale ou de cet établissement ;

 

 La personne qui exerce une fonction publique élective ou est agent au sein de lun des groupements dont cette collectivité territoriale ou cet établissement est membre.

 

Les médiations conduites par le médiateur territorial sont soumises aux dispositions de la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de justice administrative.

 

La saisine du médiateur territorial interrompt les délais de recours contentieux et suspend les prescriptions dans les conditions prévues à larticle L. 2136 du code de justice administrative.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par dérogation à larticle L. 4112 du code des relations entre le public et ladministration, lorsque, en application du septième alinéa du présent article, le délai de recours contentieux a été interrompu par lorganisation dune médiation, lexercice dun recours gracieux ou hiérarchique ne linterrompt pas de nouveau, sauf si ce recours constitue un préalable obligatoire à lexercice dun recours contentieux.

 

Le médiateur territorial définit librement les modalités de déroulement des médiations quil conduit.

 

La saisine du médiateur territorial est gratuite.

 

 

Le médiateur territorial ne peut être saisi dun différend dès lors que le litige est porté devant une juridiction ou a fait lobjet dun jugement définitif, sauf dans les cas prévus par la loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chaque année, le médiateur territorial transmet à lorgane délibérant de la collectivité territoriale ou de létablissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui la nommé et au Défenseur des droits un rapport dactivité rédigé dans le respect du principe de confidentialité de la médiation. Ce rapport peut contenir des propositions visant à améliorer le fonctionnement de la collectivité territoriale ou de létablissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Code de justice administrative

Livre II : Les TA et les CAA

Chap. III : La médiation

Art. L. 2132 - Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence.

Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre dune instance juridictionnelle ou arbitrale sans laccord des parties.

(…)

 

 

Art. L. 2136 - Les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance dun différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut décrit, à compter du jour de la première réunion de médiation.

 

Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit lune des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.

 

Code des relations entre le public et ladministration

Art. L. 4112 - Toute décision administrative peut faire lobjet, dans le délai imparti pour lintroduction dun recours contentieux, dun recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai.
Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à lencontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par lexercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à légard de la décision initiale que lorsquils ont été lun et lautre rejetés.

 

Art. 1 - Définition de la médiation institutionnelle territoriale

La médiation institutionnelle territoriale est un processus structuré dans lequel le Médiateur a pour mission de faciliter la résolution des différends qui opposent les usagers des services publics à lAdministration concernée. Ce processus vise, dans toute la mesure du possible, à éviter le recours à linstitution judiciaire pour résoudre le conflit.

 

A la lumière des litiges qui lui sont soumis et des dysfonctionnements quil constate, le Médiateur institutionnel doit pouvoir formuler des propositions pour améliorer les relations entre lAdministration et les usagers ainsi que le fonctionnement des services, mais aussi suggérer les modifications quil lui paraît opportun dapporter à des réglementations ou à des pratiques.

 

Art. 2 - Le Médiateur

Le Médiateur doit être une personnalité présentant les garanties nécessaires dindépendance, dimpartialité et déthique dans lexercice de ses fonctions. Il doit également faire preuve de compétence et defficacité.

 

1- Impartialité et indépendance

Limpartialité du Médiateur doit pouvoir sappuyer sur lindépendance garantie à sa fonction. En ce qui concerne lindépendance, il importe que la collectivité sengage publiquement à lassurer et à la respecter, mais aussi quelle prenne les dispositions nécessaires pour doter le Médiateur des moyens matériels et humains indispensables à lexercice de sa mission. Le mandat du Médiateur doit avoir une durée déterminée, garantie et suffisante pour assurer une stabilité et une continuité dans les affaires traitées.

Limpartialité, attachée à la fonction du Médiateur, doit être présumée à travers son cursus, son expérience et sa personnalité.

 

2- Compétence et efficacité

Le Médiateur est choisi pour ses qualités humaines, notamment découte, et pour sa compétence. Il justifie dune formation spécifique à la médiation ou bénéficie dune expérience adaptée à la pratique de la médiation.

 

Il sengage à actualiser et perfectionner ses connaissances par une formation continue, notamment dans le cadre du Réseau.

 

Le Médiateur sengage, par ailleurs, à mener à son terme avec diligence le processus de médiation et à garantir la qualité de celuici.

 

Art. 3 - Le processus de médiation

1- Information et communication :

Les citoyens sont informés par les collectivités territoriales de lexistence du Médiateur, de son rôle, de son champ de compétence, des modalités de sa saisine, et de ses pouvoirs.

Cette information est largement diffusée par voie de presse, affichage, et sur le site des collectivités territoriales concernées ainsi que sur le site propre du Médiateur sil en dispose.

Toute demande de médiation donne lieu à un accusé de réception. Dans le courrier daccusé de réception, le Médiateur informe le requérant sur les délais de prescription spécifiques au domaine en cause afin de ne pas risquer de lui faire perdre ses droits dester en justice.

2- Gratuité : Le recours au Médiateur est gratuit.

3- Confidentialité : Le Médiateur est tenu à la confidentialité en ce qui concerne les informations obtenues lors de linstruction du litige et les faits dont il a eu connaissance dans le cadre de la médiation.

4- Déroulement de la médiation : Le Médiateur peut refuser dinstruire une saisine si celleci nest pas recevable au regard de conditions portées à la connaissance du public. Celles-ci portent notamment sur le respect des limites du champ de compétence du Médiateur, sur la nécessité davoir effectué des démarches préalables auprès du service concerné, sur le caractère tardif de la saisine par rapport au fait générateur, ou sur lexistence dune décision de justice. Le requérant est informé de ce refus motivé par écrit.

Lorsque la demande de médiation est recevable, le Médiateur conduit avec diligence la médiation dans les meilleurs délais. Celleci est menée de manière contradictoire et écrite.

Les parties doivent fournir au Médiateur tous les éléments dinformation lui permettant dinstruire le litige. En cas de refus du requérant, le Médiateur peut refuser de poursuivre la médiation.

Le Médiateur est tenu informé des suites données à son action de médiation.

Le Médiateur ne peut remettre en cause une décision de justice.

5- Fin de la médiation : La médiation sachève lorsque le Médiateur notifie par écrit au requérant ses conclusions qui sanalysent soit en une solution donnant satisfaction en totalité ou partiellement à sa demande, soit en un rejet parce quil na été constaté aucun dysfonctionnement de ladministration concernée et que les conséquences nont pas engendré diniquité particulière.

Le Médiateur peut mettre fin à la procédure lorsquil constate soit un désistement des parties, que le litige ait ou non trouvé sa solution par dautres voies, soit un désaccord persistant. En tout état de cause, le requérant conserve la possibilité dengager une action en justice.

 

Art. 4 : Rapport annuel et propositions de réforme du Médiateur

Chaque année le Médiateur établit un rapport quil remet à lautorité de nomination et qui est rendu public.

Ce rapport comporte notamment une analyse des saisines et un récapitulatif des principaux litiges traités dans lannée ainsi que le cadre dans lequel le Médiateur a pu exercer ses fonctions.

Le rapport fait également apparaître les propositions damélioration quil paraît opportun au Médiateur de formuler pour obtenir une meilleure qualité des services rendus aux usagers et pour prévenir le renouvellement de certains litiges répétitifs ou significatifs.

Il faudra sans doute ajuster ce texte dans le cadre d’une réflexion plus globale sur l’intervention des médiateurs dans la sphère publique mais il a, en l’état, le mérite de donner une assise législative à la médiation territoriale dont le processus s’appuyait seulement sur la charte des médiateurs des collectivités territoriales et sur les délibérations locales, en l’adossant au code de justice administrative afin d’apporter les garanties d’impartialité, de compétence et de diligence qui y figurent, et avec lesquelles le médiateur se doit d’accomplir sa mission. La transmission du rapport d’activité au Défenseur des droits consolide également leur indépendance et l’impact de leurs propositions.

L’interruption des délais de recours contentieux et la suspension des prescriptions par référence au code de justice administrative sont conformes aux dernières dispositions adoptées en la matière… et rendent absolument nécessaire l’harmonisation de la procédure pour tous les médiateurs institutionnels.

Les élus médiateurs ?

S’ils sont régulièrement l’objet d’interpellations émanant de citoyens exaspérés par un État qui peine à répondre à leurs attentes, les parlementaires sont, à flux continus, sollicités par les habitants de leur circonscription pour les aider à résoudre des difficultés de tous ordres.

Les permanences des députés font ainsi office de Maisons de services au public, de centres sociaux, de lieux d’écoute et d’orientation de citoyens en difficulté qui viennent chercher une aide ou une solution à leurs problèmes.

Outre les services administratifs et sociaux qu’ils saisissent fréquement dans cette perspective, les parlementaires peuvent également, en application de l’article 7 de la loi du 29 mars 2011, saisir le Défenseur des droits d’une réclamation qui leur est transmise. En 2019, il a ainsi été saisi de 80 réclamations à ce titre, nombre en recul car le Défenseur des droits, dont la notoriété est désormais mieux assise, peut être saisi directement par les personnes concernées. Ils sont également appelés à solliciter les médiateurs sectoriels.

Sur demande d’une des commissions permanentes, le président de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat peut également saisir le Défenseur des droits d’une pétition. L’exercice de cette faculté s’est fait aussi discret que les pétitions au Parlement (sous la XIVe législature, 52 pétitions avaient été examinées ; depuis le début de la présente législature, 41 ont été examinées et aucune n’a été transmise au Défenseur) ; le droit de pétition, régi par les articles 147 à 151 du Règlement de l’Assemblée nationale, est en effet progressivement tombé en désuétude.

La résolution du 4 juin 2019 tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale a voulu redonner un avenir à ce dispositif et en faire un « moyen effectif, pour les citoyens, de contribuer aux travaux parlementaires dans le respect de la pleine souveraineté du Parlement ».

Désormais, les articles 147 à 150 du règlement de l’Assemblée nationale prévoient que les pétitions sont adressées au Président de l’Assemblée par voie électronique et mises en ligne lorsqu’elles sont signées par plus de 100 000 pétitionnaires. La commission à laquelle une pétition a été renvoyée peut décider de l’examiner et d’associer à ses débats les premiers signataires de la pétition. Sur proposition du président de la commission compétente ou d’un président de groupe, un débat sur un rapport relatif à une pétition signée par plus de 500 000 pétitionnaires domiciliés dans trente départements ou collectivités d’outre-mer au moins peut être inscrit par la Conférence des présidents à l’ordre du jour.

Force est de constater que l’avenir des pétitions est collectif et que cet outil n’a pas vocation à régler des litiges individuels pour lesquels la médiation paraît incomparablement plus adaptée.

La consécration de la médiation territoriale, si elle répond à un indiscutable besoin de dialogue, d’écoute, de gestion différente des conflits, ajoute un cadre supplémentaire à l’architecture fragmentée de la médiation : si un paysage uniforme ferait certainement perdre à la médiation la souplesse de sa gestion sur mesure qui en est le marqueur, une mise en cohérence serait bienvenue.

2.   Mieux organiser l’intervention des différents médiateurs : le Défenseur des droits, coordonnateur légitime des médiateurs institutionnels

Qui intervient et comment ? La multiplication des médiateurs met cette problématique sur le devant de la scène et il faut y apporter une réponse, car, faute de lisibilité, l’usager pourrait perdre confiance en une procédure qui a pourtant vocation à la rétablir.

 La proposition de France Stratégie de faire du Défenseur des droits une tête de réseau

Afin de fédérer, sans les dénaturer, des médiations qui, pour améliorer les relations avec les administrations, ont fleuri au sein de différents services publics, le rapport de France Stratégie propose de définir un socle commun de garanties d’indépendance des médiateurs et de faire du Défenseur des droits leur « tête de réseau » en combinant les fonctions d’animateur, de centre de ressources pour l’accès au droit, et de veille en cas de difficulté rencontrée dans telle ou telle institution.

Faisant des médiateurs publics, dont l’intervention interromprait les délais de recours contentieux, des correspondants du Défenseur des droits, ce dernier aurait vocation à :

− intervenir, au‑delà des saisines directes, en « seconde instance », si un médiateur n’obtient pas de réponse de son administration et lui transmet un dossier ;

− alerter l’administration lorsqu’un médiateur n’apparaît pas doté de moyens suffisants ou s’il n’est pas libre de sa communication ;

− être consulté sur la nomination des médiateurs ;

− se faire l’écho des conclusions des rapports annuels des médiateurs et les promouvoir auprès des acteurs concernés ;

− formuler des recommandations sur la gestion de la fonction de médiation ;

− publier un rapport sur la médiation dans les différents domaines des relations usagers-administrations.

En outre, les chefs de pôle régionaux du Défenseur des droits seraient chargés de l’animation et du partage de ressources avec les médiateurs intervenant sur le territoire concerné.

Le rapport de France Stratégie plaide ainsi pour la création d’un « collège » des médiateurs sous l’égide du Défenseur des droits auquel seraient rattachés l’ensemble des médiateurs entrant dans le périmètre du présent rapport, le Défenseur des droits restant le médiateur « par défaut » pour les usagers de toute administration.

 Une proposition qui ne recueille pas lassentiment des personnes entendues par les rapporteurs

Cette proposition n’a pas suscité l’enthousiasme de nos interlocuteurs, qu’il s’agisse des médiateurs sectoriels ou du Défenseur des droits, lequel n’a pas vocation à exercer une activité de contrôle de la médiation à l’image de la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, sa mission première devant rester la défense des usagers.

Les arguments avancés portent sur l’efficacité permise par la proximité des médiateurs avec les services concernés, la crainte de ce qui pourrait apparaître comme une autorité hiérarchique externe mais aussi la pertinence du modèle des conventions avec le Défenseur des droits actuellement en vigueur et des réseaux qui se développent.

– Les craintes suscitées par une « autorité hiérarchique » externe :

Plusieurs interlocuteurs des rapporteurs se sont démarqués d’une vision trop intégratrice du rôle du Défenseur des droits et ont évoqué le risque que des critiques émises par un médiateur externe n’émoussent la confiance des administrations concernées et soient contre-productives ; un médiateur proche de l’administration paraît mieux armé pour convaincre et porter des propositions adaptées aux contraintes organisationnelles et budgétaires des services.

 Des relations conventionnelles lient déjà le Défenseur des droits et les médiateurs institutionnels :

Au gré de leur création, les médiateurs institutionnels ont signé des conventions bilatérales avec le Défenseur des droits (cf. tableau ci‑contre). Elles datent d’avant la loi ESSOC, ce qui explique sans doute qu’aucune de celles conclues avec les branches de la sécurité sociale n’ait été signée par le médiateur. Elles ont principalement pour objet d’organiser les échanges d’information en cas de saisine du Défenseur ou de saisine conjointe, et des actions de communication en faveur de l’accès aux droits. En outre, un bilan est prévu.


Les conventions entre le Défenseur des droits et les prestataires de service public

 

Éducation nationale

Pôle emploi

CCMSA

CNAF

CNAM

CNAV

Ministères économiques et financiers

Date

30 novembre 2012

30 juin 2015

9 janvier 2014

3 avril 2013

5 juin 2012

17 mars 2016

18 mars 2013

Signataires

– médiatrice

– directeur général de Pôle emploi

– médiateur

– président de la MSA

– directeur général de la CCMSA

 médiateur

 président de la CNAF

 directeur général de la CNAF

– directeur général de la CNAM

– président de la CNAV

– directeur général de la CNAV

 médiateur

Objet

– coordination des interventions respectives dans le traitement des réclamations individuelles (tout particulièrement pour protéger les enfants)

– échanges d’information sur les évolutions réglementaires et les pratiques

– actions conjointes de promotion des droits

– organisation des relations pour le traitement des réclamations

– facilitation des échanges et des informations entre les deux signataires

– réalisation d’études sur le comportement des acteurs du marché de l’emploi

– coordination d’actions de promotion des droits et des libertés

– organisation des échanges ayant trait aux réclamations

– organisation des échanges sur les évolutions réglementaires et législatives

– action de promotion des droits

– harmoniser l’application de la réglementation sur tout le territoire

– améliorer l’accès aux droits et la qualité du service rendu aux usagers

– échanger les expertises et les analyses pour faire des propositions de réforme

 organiser les relations dans le cadre de lexercice des missions du DDD lorsque lui ou ses délégués sont saisis d’une réclamation de façon à harmoniser lapplication de la règle sur l’ensemble du territoire

– améliorer l’accès aux droits et la qualité du service à l’usager

– organiser des échanges d’informations et d’expertise

– organiser des axes de collaboration

 agir ensemble en faveur de la simplification :

* en organisant des échanges « afin de rendre plus lisible et plus cohérente la protection sociale des assurés »

* en organisant une réflexion commune sur des situations exceptionnelles

– Coopérer et sengager pour garantir l’accès aux droits :

* en priorisant les demandes du DDD (lui répondre dans les 15 jours) et en facilitant les échanges

* en développant les initiatives d’échanges au sein des réseaux

– organiser la collaboration autour :

* d’échanges d’information sur les évolutions législatives et réglementaires et l’observation des pratiques ;

* du traitement des saisines conjointes ;

* d’actions communes de promotion des droits

Bilan prévu

Oui

Oui, annuellement

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

 


—  1  —

En l’état actuel, plusieurs des médiateurs entendus se sont félicités de la qualité de leurs relations avec le Défenseur des droits, régies par des conventions ad hoc, salué sa « puissance de feu » pour porter efficacement certains dossiers et permettre l’évolution de réglementations ineptes.

Mais le besoin de coordination entre médiateurs existe de part et d’autre : s’il est nécessaire que les délégués du Défenseur des droits disposent de « portes d’entrée » identifiées au sein des administrations, les médiateurs sectoriels peuvent être sollicités par les nombreux délégués du Défenseur des droits ce qui exige une organisation structurée.

Par ailleurs, le médiateur de Pôle emploi rappelait ainsi récemment ([59]) la solitude des médiateurs et l’intérêt de pouvoir se tourner vers le Défenseur des droits qualifié de « grand frère ».

C’est pourquoi vos rapporteurs proposent de s’appuyer sur le modèle des conventions déjà en vigueur, en l’enrichissant pour mieux structurer l’intervention des médiateurs, et malgré les réticences exprimées, de charger le Défenseur des droits de la mission de coordonnateur car la multiplication des médiateurs, créés au gré de différents textes normatifs, rend illisible l’architecture actuelle de la médiation institutionnelle pour les usagers qui ne savent plus à quel médiateur se vouer.

 Renforcer les conventions entre les médiateurs institutionnels et le Défenseur des droits

À mi‑chemin entre le « droit souple » des chartes édictées par les réseaux de médiateurs (Club des médiateurs de services au public, Association des médiateurs des collectivités territoriales) et les dispositions législatives et réglementaires, les conventions entre les médiateurs institutionnels et le Défenseur des droits dont l’indépendance est constitutionnellement garantie constituent un outil adapté.

Enrichies par rapport à celles déjà signées, ces conventions, dont le principe pourrait figurer dans le code des relations entre le public et l’administration, garantiraient l’organisation des médiations autour d’un socle commun (indépendance des médiateurs, déroulement de la médiation, organisation des relations avec le Défenseur des droits, publication et transmission de rapports annuels, travaux transversaux…).

Ces conventions, dont la durée serait allongée, auraient l’avantage de la souplesse tout en apportant les garanties que les citoyens sont en droit d’attendre d’un dispositif destiné à retisser le lien distendu avec les administrations et services publics.

 Consacrer le rôle du Défenseur des droits comme coordonnateur de la médiation institutionnelle

Son statut constitutionnellement garanti justifie de lui confier un rôle de coordonnateur qui consisterait, dans l’esprit de ce que propose France Stratégie, à lui attribuer plusieurs missions de nature à conforter lindépendance et lefficacité des médiateurs institutionnels.

Ces missions, comme les conventions bilatérales, pourraient figurer dans le code des relations entre le public et l’administration.

B.   POUR UN PROCESSUS PLUS EFFICACE

Après les codes de procédure civile et de la consommation, le code de la sécurité sociale, le code de justice administrative et celui des relations avec le public, le code général des collectivités territoriales vient de consacrer la médiation. À cet arsenal législatif et règlementaire s’ajoutent les chartes établies pour organiser les médiations sectorielles ; il faut donc désormais être un expert de la médiation pour y voir clair… or celle‑ci s’adresse souvent à des citoyens fragilisés.

Développer la médiation nécessite donc de mettre en cohérence les procédures afin de rendre la médiation plus compréhensible et accessible, mais aussi de fluidifier ses échanges avec les administrations concernées.

1.   Harmoniser les processus de médiation et mettre fin à l’imbroglio des délais de recours contentieux

Les processus tels que définis par les codes et les chartes comportent des différences dont certaines (la question des délais de recours en particulier) créent la confusion.

Si la gratuité pour les usagers est la règle pour les médiations avec les administrations et les organismes sociaux, des différences apparaissent dès la phase de recevabilité.

La nécessité d’une démarche préalable du réclamant est ainsi commune à tous les médiateurs, mais les conditions d’application sont hétérogènes ([60]) : la gestion paritaire des organismes de sécurité sociale conduit ses médiateurs à articuler leur action avec celle des commissions de recours amiable (CRA), lesquelles interviennent sous le contrôle de la Mission nationale de contrôle (MNC). Depuis la loi dite ESSOC, les médiateurs sociaux peuvent être saisis en amont des instances paritaires mais l’on voit bien que la lisibilité du dispositif paraît pour le moins perfectible.

Une fois les requêtes enregistrées, les conséquences en termes de recours contentieux (et de prescriptions) ne sont pas les mêmes, ce qui ne saurait perdurer si l’on veut que les usagers s’engagent dans les procédures de médiation avec confiance.

En effet, selon le médiateur saisi, les recours contentieux sont interrompus, suspendus ou continuent à courir : les processus de médiation les plus récemment établis ont prévu l’interruption (loi dite J21 ou loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique) ou la suspension (loi dite ESSOC) des recours contentieux ([61]) contrairement aux médiations « historiques » (Défenseur des droits, médiateur de Pôle emploi, de l’éducation nationale ou de « Bercy »).

Cette évolution témoigne de la montée en puissance de la médiation comme mode alternatif de règlement des conflits mais elle a laissé sur le bord de la route les médiations les plus anciennes et ajoute un peu plus de confusion à une organisation déjà peu lisible.

Code de justice administrative

Code de la sécurité sociale

Code général des collectivités territoriales

Art. L. 2136 - Les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance dun différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut décrit, à compter du jour de la première réunion de médiation.

Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit lune des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.

Art. L. 217-7-1 II.- Toute réclamation mentionnée au I ne peut être traitée par le médiateur que si elle a été précédée dune démarche du demandeur auprès des services concernés de lorganisme et si aucun recours contentieux na été formé. Lengagement dun recours contentieux met fin à la médiation.

Lengagement de la procédure de médiation suspend, à compter de la notification portant sur la recevabilité de la réclamation soumise au médiateur et jusquà ce que celui-ci ait communiqué ses recommandations aux deux parties, les délais de recours prévus pour ces réclamations. (…)

Art. L. 1112-24. – (…)

La saisine du médiateur territorial interrompt les délais de recours contentieux et suspend les prescriptions dans les conditions prévues à larticle L. 2136 du code de justice administrative.

Par dérogation à larticle L. 4112 du code des relations entre le public et ladministration, lorsque, en application du septième alinéa du présent article, le délai de recours contentieux a été interrompu par lorganisation dune médiation, lexercice dun recours gracieux ou hiérarchique ne linterrompt pas de nouveau, sauf si ce recours constitue un préalable obligatoire à lexercice dun recours contentieux.

Le médiateur territorial définit librement les modalités de déroulement des médiations quil conduit.

La saisine du médiateur territorial est gratuite.

Le Défenseur des droits, le médiateur de Pôle emploi et celui de l’éducation nationale se trouvent ainsi dans une situation déroutante : au titre de médiateurs de l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire (MPO), les délais de recours de leurs requérants sont interrompus… mais pas dans le cadre de leurs médiations « classiques ».

Loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits

Décret n° 2002612 du 26 avril 2002 instituant un médiateur du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie

Bulletin officiel de Pôle emploi

 

Instruction DG n° 2009170 du 12 juin 2009

Art.6.- (…) La saisine du Défenseur des droits est gratuite.

Elle est précédée de démarches préalables auprès des personnes publiques ou des organismes mis en cause, sauf lorsquelle est présentée au titre des compétences mentionnées aux 2° à 4° de larticle 4.

La saisine du Défenseur des droits ninterrompt ni ne suspend par elle-même les délais de prescription des actions en matière civile, administrative ou pénale, non plus que ceux relatifs à lexercice de recours administratifs ou contentieux.

Art.3. - Toute réclamation adressée au médiateur doit avoir été précédée dune première démarche de lusager auprès du service concerné, ayant fait lobjet dun rejet total ou partiel.

 

Elle donne lieu à un accusé de réception indiquant quelle ninterrompt pas les délais de recours.

La saisine du médiateur na pas deffet suspensif et sopère sans préjudice des autres voies de recours.

Le médiateur est une voie de recours simple et complémentaire des autres voies de recours ; il peut intervenir avant, en parallèle, voire après tout autre recours – recours gracieux ou hiérarchique, recours juridictionnel, instances paritaires régionales, commissions tripartites, etc. pour proposer des solutions ou des compléments de solutions à lamiable.

RÉcapitulatif de l’incidence de la saisine du mÉdiateur
sur les dÉlais de recours contentieux

(voir aussi le tableau comparatif en annexe)

Médiateur

Effet de la saisine sur les recours contentieux

Défenseur des droits

Pas d’interruption sauf pour la MPO

Médiateur de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur

Pas d’interruption sauf pour la MPO

Médiateur de l’enseignement agricole

Pas d’interruption

Médiateur des ministères économiques et financiers

Pas d’interruption

Médiateur de Pôle emploi

Pas d’interruption sauf pour la MPO

Médiateurs de la sécurité sociale

CNAM, CNAV, CNAF, ACOSS, URSSAF

Effet suspensif

Médiateur de la MSA

Effet suspensif

Médiateurs de collectivités territoriales

Effet interruptif

Il faut, à l’évidence, remédier à cette situation confuse pour les acteurs de la médiation comme pour nos concitoyens, d’autant que, en l’absence d’effet interruptif des délais de recours, les médiateurs concernés en sont réduits à suggérer aux usagers de former un recours parallèlement à leur demande. Le développement du recours à la médiation impose donc une clarification et la généralisation de l’interruption des délais de recours contentieux.

Les médiateurs entendus par les rapporteurs ont également mis en avant le besoin de donner, avec l’interruption des délais de recours contentieux, une traduction concrète à la démarche d’apaisement et de dialogue que constitue la médiation.

La généralisation de l’interruption des délais de recours se justifie d’autant plus que le médiateur peut mettre du temps à se saisir d’un dossier (une part substantielle des dossiers étant transmise par l’intermédiaire d’avocats ou d’associations) tandis que la multiplication des médiateurs peut se traduire par des « ré‑aiguillages ».

Si des craintes ont pu être exprimées sur le risque de détournement de procédure de la part d’usagers soucieux de « gagner du temps », on relèvera que l’interruption des délais n’implique pas celle des effets de la décision, que l’administration peut toujours interrompre une médiation voire la déclarer irrecevable et que le contentieux peut être engagé à l’issue d’une médiation infructueuse. Certains interlocuteurs ont aussi fait valoir que la médiation permet un accès au droit pour des citoyens modestes qui ont, par exemple, des difficultés à payer une créance publique, mais qui, pour autant, n’iront pas devant le juge.

2.   Fluidifier les échanges avec les administrations

Une fois la saisine enregistrée, le médiateur saisi doit recueillir les informations nécessaires au traitement du dossier. Or, les médiateurs ne disposent pas de pouvoirs d’enquête et doivent « faire avec » les informations qui leur sont transmises.

Selon le degré d’intégration des services de médiation à l’administration, les médiateurs ou leurs délégués ont accès ou non aux dossiers : les médiateurs « maison » peuvent accéder facilement au dossier concerné, d’autres, sans accéder directement aux dossiers, connaissent les interlocuteurs qui leur apporteront une réponse rapide… ce qui ne suffit pas toujours ; le Défenseur des droits, quant à lui, n’accède à aucun système d’information administratif et est donc tributaire du dossier que lui envoie le réclamant et de la bonne volonté de l’administration et ce même lorsque les textes prévoient que celle‑ci doit répondre aux médiateurs. Or ces informations sont indispensables à la bonne conduite d’une médiation.

Certes la transformation du Médiateur en Défenseur des droits et l’intégration dans son champ de compétences de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ont élargi ses pouvoirs d’enquête et d’injonction aux litiges entre les usagers et les services publics, mais le délai dans lequel les médiateurs obtiennent une réponse des administrations ou sont informés par elles des décisions prises et de leur mise en œuvre pose problème.

Loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits

Art. 18 - Le Défenseur des droits peut demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui. À cet effet, il peut entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.

Les personnes physiques ou morales mises en cause doivent faciliter laccomplissement de sa mission.

Art. 20 - Les personnes physiques ou morales mises en cause communiquent au Défenseur des droits, sur sa demande motivée, toutes informations et pièces utiles à lexercice de sa mission.

Code de léducation

Art. D. 22238  (…) Pour linstruction de ces affaires, (le médiateur de léducation nationale) peut faire appel en tant que de besoin aux services du ministère ainsi quaux inspections générales.

Il est le correspondant du Défenseur des droits.

Décret du 26 avril 2002 instituant un médiateur du ministère de léconomie, des finances et de lindustrie

Art. 4 - Le médiateur peut faire appel aux services du ministère pour linstruction des réclamations dont il est saisi. Il dispose des moyens nécessaires à lexercice de ses missions.

C’est pour répondre à ces difficultés que l’Assemblée nationale avait introduit, dans l’article portant sur la médiation territoriale du projet de loi dit « engagement et proximité », une disposition prévoyant que « le médiateur territorial peut notamment se faire communiquer par les services concernés une information ou pièce quil juge utile à la résolution des litiges dont il est saisi ».

On pourrait envisager que celle‑ci, finalement absente du texte adopté, figure dans le code des relations entre le public et l’administration dont l’article L. 421‑1 prévoit le recours à la médiation en vue de régler un différend avec l’administration.

Améliorer les échanges entre médiateurs et administrations, c’est aussi leur permettre d’intervenir dans le cadre des formations internes pour proposer des pratiques de nature à prévenir les conflits, démarche en vigueur depuis quelques mois au ministère de l’éducation nationale.

Proposition 4 : rendre la médiation plus lisible :

– consacrer le Défenseur des droits comme coordonnateur de la médiation institutionnelle ;

– généraliser l’interruption des délais de recours contentieux lors de la saisine d’un médiateur institutionnel ;

– rappeler aux administrations la nécessité de répondre aux médiateurs et de les informer des décisions prises.

III.   UNE MÉDIATION DE CONFIANCE

Dans le contexte de rétraction des moyens de la puissance publique, et le sentiment de défiance croissante qu’elle suscite, le rôle des médiateurs institutionnels est appelé à se développer dans les années à venir, comme le laisse augurer l’expérimentation de la MPO. Cette perspective devrait conduire à renforcer la position de ces médiateurs en leur offrant un socle de garanties pour renforcer leur indépendance, comme le préconise France Stratégie, de façon à couper court à d’éventuelles mises en cause. Cette préoccupation partagée a été également exprimée par le vice-président du Conseil d’État aux premières assises nationales de la médiation, pour qui les médiateurs institutionnels doivent être protégés par des garanties quant à leur mode de désignation et à la durée de leur mandat. Par ailleurs, leur travail doit être mieux connu et davantage mis au service de la collectivité.

A.   CONSACRER LINDÉPENDANCE DES MÉDIATEURS INSTITUTIONNELS

Très tôt, les instances européennes ont cherché à promouvoir des modes alternatifs de règlement des différends, dans l’optique de faciliter les échanges et de réduire les dépenses publiques, le contentieux apparaissant en effet comme un moyen onéreux d’accès au droit. Elles ont donc défini un cadre ([62]) propice à la médiation de la consommation dont les États membres pouvaient librement s’inspirer pour adapter leur propre droit interne, avec deux directives, qui ont été transposées en droit français ([63]). La comparaison est déjà instructive dans la mesure où le code de la consommation dispose que la mission du médiateur est accomplie « avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité » là où le code de justice administrative parle d’« impartialité, compétence et diligence » et le code de sécurité sociale de fonctions exercées « en toute impartialité ». Le code de la consommation est donc plus exigeant, et c’est précisément l’indépendance des médiateurs institutionnels qui doit être mieux garantie.

1.   Renforcer la position du médiateur au sein de son institution

Alors que la directive de 2008 se contentait, dans son article 4, de déclarer que les États membres « encouragent, par tout moyen quils jugent approprié, lélaboration de codes volontaires de bonne conduite et ladhésion à ces codes, par les médiateurs » et « promeuvent la formation initiale et continue de médiateurs afin de veiller à ce que la médiation soit menée avec efficacité, compétence et impartialité à légard des parties », la directive de 2013, aux termes de l’article 6, fixe des conditions plus précises pour garantir les compétences, l’impartialité et l’indépendance des médiateurs de la consommation. Les autorités doivent veiller à :

– leurs connaissances et leurs aptitudes professionnelles ;

– une durée suffisante de leur mandat et son caractère irrévocable ;

– l’absence d’instruction ;

– une rémunération indépendante du résultat des procédures ;

– une prévention des conflits d’intérêts.

Le cadre européen de la médiation de la consommation

La directive 2013/11/UE définit le cadre pour garantir l’indépendance, la compétence et la transparence du règlement extra-judiciaire des litiges de consommation.

Larticle 5 a trait à l’accessibilité, en prévoyant la mise à disposition d’informations sur un site internet et un mode de saisine hors ligne.

Larticle 6 aux compétences, à l’indépendance et à l’impartialité.

Outre les garanties décrites ci‑dessus, des dispositions particulières sont prises en cas de médiation interne à l’entreprise, dont la médiation institutionnelle pourrait s’inspirer :

a) désignation par un organe collégial, composé d’un nombre égal de représentants des associations de consommateurs et de représentants du professionnel et nommés à l’issue d’une procédure transparente (proposition reprise par France Stratégie) ;

b) mandat d’une durée minimale de trois ans ;

c) délai de « carence » de trois ans à compter de la fin de leur mandat, interdisant aux médiateurs de travailler pour l’entreprise ou la fédération professionnelle qui les employait ;

d) absence de lien hiérarchique entre le médiateur et les organes opérationnels du professionnel qui l’emploie, et mise à disposition d’un « budget suffisant pour lexécution de ses tâches, distinct du budget général du professionnel ».

Larticle 7 concerne la transparence :

Les médiateurs doivent afficher des informations claires et compréhensibles indiquant :

– s’agissant d’eux‑mêmes : leurs coordonnées, leur agrément par l’autorité compétente, leurs conditions de nomination et la durée de leur mandat, ainsi que leurs compétences, leur impartialité et leur indépendance, s’ils sont employés ou rémunérés exclusivement par le professionnel ;

– s’agissant de la procédure : les règles à suivre, notamment le caractère facultatif et la possibilité d’y mettre fin à tout moment, et les délais moyens ;

– les rapports annuels d’activité.

Larticle 8 encadre l’efficacité de la procédure garantie par :

– son accessibilité ;

– sa gratuité ou son montant modique ;

– un délai maximum de 90 jours, prorogeable si le cas est « hautement » complexe.

Le chapitre IV (articles 18 à 20) définit le rôle des autorités compétentes :

Elles sont tenues, selon larticle 20, de dresser une liste des entités autorisées à exercer, qui est transmise à la Commission, et de vérifier que :

– les médiateurs respectent leurs obligations d’accessibilité et de transparence ;

– ils transmettent tous les deux ans les informations sur leur activité (nombre de dossiers traités, délais, proportion des propositions acceptées et appliquées, problèmes récurrents) ;

Elles vérifient également que les entités agréées satisfont bien aux conditions qui ont été fixées (article 21).

La surveillance du respect de la réglementation est assurée par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC) qui établit la liste des médiateurs, la communique aux autorités européennes, évalue et contrôle leur activité (article L. 615‑1 du code de la consommation) – cf. annexe 3 p. 181.

Par rapport à des médiateurs de la consommation, qui sont agréés par la CECMC, dont la rigueur est unanimement reconnue par le monde professionnel, les médiateurs institutionnels peuvent être soupçonnés de ne pas être à proprement parler des « tiers » car ils proviennent de l’institution : ils y ont fait carrière, elle les nomme et elle les rémunère. En outre, ni l’institution ni l’usager ne peuvent se passer de leur expertise. C’est pourquoi les rapporteurs recommandent de renforcer les garanties de leur indépendance pour ne pas les exposer à des critiques, voire à des mises en cause.

En ce qui concerne leur nomination, il est important que le médiateur soit nommé, selon l’expression de M. Christophe Baulinet, médiateur de Bercy, « au bon niveau ». L’autorité de celui qui nomme le médiateur rejaillira sur lui, surtout si c’est un ministre, comme la médiatrice de l’éducation nationale. M. Jean‑Louis Walter, médiateur de Pôle emploi, plaide lui aussi pour une nomination de son successeur par arrêté ministériel. Il faudrait pour cela modifier la loi (article L. 5312‑12‑1 du code du travail). Les médiateurs sociaux sont nommés par le directeur général après consultation du président ou du conseil d’administration.

Au niveau local, ce sont les directeurs qui nomment les médiateurs, à deux exceptions près : la médiatrice de l’éducation nationale qui propose les médiateurs académiques, nommés pour un an par arrêté ministériel (article D. 222‑40 du code de l’éducation), et le médiateur de Pôle emploi qui nomme les médiateurs régionaux. C’est assurément une garantie d’indépendance pour ces médiateurs, et une telle prérogative pourrait être imitée ou à défaut remplacée par un avis consultatif, au titre de la mission d’animation du réseau que la loi leur confie. Une plus grande implication des médiateurs nationaux dans la nomination des médiateurs locaux ne serait pas superflue sachant qu’une proportion non négligeable d’entre eux travaille à temps partiel pour la médiation et qu’ils sont appelés à poursuivre ensuite leur carrière dans le même organisme.

Dans les branches de la sécurité sociale, l’article L. 217‑7‑1 du code de la sécurité sociale, introduit par la loi ESSOC, n’évoque pas les liens entre la direction et le médiateur mais précise qu’il « exerce ses fonctions en toute impartialité et ne peut recevoir aucune instruction. » Il doit également se prémunir de tout conflit d’intérêts. Le décret D. 217‑7‑1 dispose qu’il « dispose des moyens nécessaires à lexercice de ses missions ». L’article L. 5312‑12‑1 du code du travail indique que le médiateur de Pôle emploi est « placé auprès du directeur général », ce qui sous‑entend une absence de lien hiérarchique.

Parmi les moyens consentis au médiateur, le pouvoir d’obtenir l’information réclamée est parmi les plus importants (cf. supra).

L’article L. 613‑1 du code de la consommation fixe le délai minimal du mandat des médiateurs à trois ans. Et larticle L. 6132 qui traite de la médiation interne aux entreprises – une spécificité française selon le rapport dévaluation de la directive remis par la Commission européenne au Parlement en septembre 2019 – prévoit qu’un tel médiateur, à l’issue de son mandat, ne peut pas travailler pour l’entreprise qui l’a employé pendant trois ans également. Les médiateurs nationaux sont, en règle générale, en fin de carrière et prennent souvent leur retraite ensuite, mais les rapporteurs considèrent qu’un mandat unique de six ans, irrévocable comme celui du Défenseur des droits, serait une précaution utile de nature à renforcer leur indépendance.

Sur les sites des services publics devraient figurer les références des médiateurs ainsi que leurs conditions de nomination, leurs compétences, l’impartialité et l’indépendance qui caractérisent leur action. Ce sont des mentions imposées aux médiateurs de la consommation par la réglementation européenne.

2.   Conforter la position des médiateurs vis-à-vis des usagers

Un renforcement des liens avec le Défenseur des droits dont ils sont, les textes le précisent, les correspondants, est la modalité la plus simple d’assurer un rééquilibrage de la relation entre le médiateur et son institution, sans qu’il prête à discussion. Au titre de la proposition de faire du Défenseur des droits le coordonnateur des médiateurs institutionnels nationaux, plusieurs prérogatives de nature à conforter la confiance des citoyens en la médiation pourraient lui être confiées : il pourrait prendre le relais des interventions infructueuses des médiateurs sectoriels, alerter l’administration lorsque qu’un médiateur ne lui apparaît pas doté de moyens suffisants et être consulté sur la nomination des médiateurs nationaux, son avis étant rendu public.

Ces dispositions pourraient opportunément figurer dans le code des relations entre le public et l’administration.

B.   AMÉLIORER L’UTILITÉ COLLECTIVE DE LA MÉDIATION

1.   Une harmonisation des règles de publicité du rapport annuel

Actuellement, la diversité des règles de publicité du rapport annuel (cf. infra), qui est le principal moyen du médiateur pour se faire entendre et affirmer son indépendance, n’a pas de réelle justification. Il serait donc souhaitable de généraliser la publication du rapport annuel au niveau national, à charge pour le médiateur national de reprendre les préoccupations exprimées par les médiateurs locaux.

Quant à la teneur des rapports, leur lecture fait litière de l’idée que, parce qu’il serait public, il serait moins riche. Ce sont les rapports de la médiatrice de l’éducation nationale et du médiateur de Pôle emploi qui sont les plus instructifs et reflètent le mieux les difficultés rencontrées par les usagers, voire par le personnel des institutions.

Une précaution supplémentaire pourrait être introduite, en s’inspirant du cadre réglementaire de la médiation de la consommation qui détaille, à l’article R. 614‑2, les informations qui doivent figurer dans le rapport d’activité, même si tous les rapports des médiateurs institutionnels en font déjà état, qu’il s’agisse du volume des saisines, des délais de traitement, des suites données ou des difficultés rencontrées, et des recommandations pour les surmonter. Il serait possible de demander un développement complémentaire, consacré à l’évaluation des médiations locales. Si un œil exercé était à même de procéder à un examen critique, ce serait celui du Défenseur des droits.

2.   Une centralisation des travaux par le Défenseur des droits

C’est pourquoi les rapporteurs recommandent que le Défenseur des droits opère une centralisation des rapports des médiateurs institutionnels, qu’il les compare et les utilise pour exercer ses propres missions. En effet, s’ils sont riches, il y puisera des informations et des idées, et s’ils ne le sont pas assez, il sera à même de les critiquer et d’en signaler les carences.

Le Défenseur des droits, du fait de son statut constitutionnel, dispose d’une couverture médiatique que les autres médiateurs n’ont pas toujours, et d’une vision globale des services publics. La collectivité gagnerait à ce que les travaux des médiateurs, souvent pertinents, soient mis en commun et mieux connus par le truchement d’une synthèse critique et transversale effectuée par l’institution dont la mission est de « veille[r] au respect des droits et libertés par les administrations de lÉtat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi dune mission de service public ».

Proposition n° 5 : renforcer la confiance en la médiation :

– garantir l’indépendance des médiateurs (mandat de plus de trois ans, non renouvelable et irrévocable après avis du Défenseur des droits, agrément des médiateurs locaux par les médiateurs nationaux) ;

– mieux faire connaître les garanties apportées par la médiation en les indiquant sur les sites des médiateurs.

Proposition n° 6 : améliorer l’utilité collective de la médiation :

– rendre obligatoire la publication d’un rapport annuel par les médiateurs nationaux comprenant une évaluation des médiations locales ;

– confier au Défenseur des droits un rapport portant sur l’activité des médiateurs sectoriels, leurs recommandations et leur suivi.


—  1  —

   CONCLUSION

En introduisant leurs travaux, vos rapporteurs s’interrogeaient sur le sens de l’essor de la médiation entre les usagers et l’administration, bousculés les uns comme l’autre par une marche forcée vers le numérique. Arrivés à leur terme, après avoir fait des propositions dont l’objet est finalement d’améliorer les remèdes prodigués à des usagers en souffrance, ils sont convaincus qu’il faudra bien un jour traiter la maladie elle‑même : la France est championne de la complexité administrative, elle ploie sous les textes et les réglementations, en dépit des quelque 130 textes de simplification déposés depuis dix ans.

« Il faut arrêter demmerder les Français » avait déclaré Georges Pompidou à son jeune collaborateur Jacques Chirac en 1966. Plus de cinquante ans après, la situation a empiré, comme le constatait encore récemment le président du Conseil national d’évaluation des normes qui déplorait une schizophrénie française : « Les Français demandent de la protection et donc des règles, puis viennent se plaindre de ces mêmes règles » car les meilleures intentions ne sont pas le gage d’une bonne législation.

En juillet 2017, le Premier ministre, dans une circulaire relative à la maîtrise du flux des textes réglementaires et de leur impact, constatait que « les tentatives opérées jusquà présent de maîtrise du flux des textes réglementaires n(avaient) pas produit des résultats à la hauteur des enjeux ». Il demandait donc que toute nouvelle norme réglementaire soit compensée par la suppression ou, en cas d’impossibilité avérée, la simplification d’au moins deux normes existantes, et que l’impact de la réglementation soit mieux mesuré afin de ne pas se traduire par des contraintes excessives.

Cette circulaire a notamment été suivie, en janvier 2018, par une autre relative à la simplification du droit et des procédures en vigueur puis d’une suivante, en juin 2019, relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail. Dans cette dernière, le Premier ministre rappelait que plus de 1 300 circulaires avaient été diffusées par les administrations centrales en 2018 dont 33 % portant sur l’interprétation des normes.

La médiation est un remède ; il faut aussi, inlassablement et sans répit, s’attaquer à la racine du mal français.

 


—  1  —

   EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du jeudi 20 février 2020 et a autorisé sa publication.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.8791006_5e4e489011cf1.comite-d-evaluation-et-de-controle-des-politiques-publiques--rapport-sur-l-evaluation-de-la-mediati-20-fevrier-2020

 


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   ANNEXE  1 :
GLOSSAIRE

AAH

Allocation aux adultes handicapés

ACOSS

Agence centrale des organismes de sécurité sociale

ACS

Aide pour une complémentaire santé

ALD

Affection de longue durée

ALS

Allocation de logement sociale

AMCT

Association des médiateurs des collectivités territoriales

ANTS

Agence nationale des titres sécurisés

APB

Admission post-bac

APL

Aide personnalisée au logement

ASPA

Allocation de solidarité aux personnes âgées

ASS

Allocation de solidarité spécifique

ASSEDIC

Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

AT/MP

Accidents du travail et maladies professionnelles

BNE

Bourse nationale de l’emploi

BTS

Brevet de technicien supérieur

CAA

Cour administrative d’appel

CAF

Caisse d’allocations familiales

CARSAT

Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail

CCMSA

Caisse centrale de la mutualité sociale agricole

CDD

Contrat à durée déterminée

CDI

Contrat à durée indéterminée

CDI

Centre de documentation et d’information

CECMC

Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation

CGET

Commissariat général à l’égalité des territoires

CJA

Code de justice administrative

CMU-C

Couverture maladie universelle complémentaire

CNAF

Caisse nationale des allocations familiales

CNAM

Conservatoire national des arts et métiers

CNAM(TS)

Caisse nationale de l’assurance maladie (des travailleurs salariés)

CNAV

Caisse nationale d’assurance vieillesse

COG

Convention d’objectifs et de gestion

CPAM

Caisse primaire d’assurance maladie

CRA

Commission de recours amiable

CRPA

Code des relations entre le public et l’administration

CVEC

Contribution de vie étudiante et de campus

DDD

Défenseur des droits

DDFC

Direction déléguée des finances et de la comptabilité

DDGOS

Direction déléguée à la gestion et à l’organisation des soins

DDO

Direction déléguée aux opérations

DGDDI

Direction générale des douanes et droits indirects

DGFiP

Direction générale des finances publiques

DGT

Direction générale du Trésor

DICOM

Direction de la communication

DINUM

Direction interministérielle du numérique

DITP

Direction interministérielle de la transformation publique

DREES

Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques

DRP

Direction des risques professionnels

DSS

Direction de la sécurité sociale

EHESS

École des hautes études en sciences sociales

EIRR

Échange inter-régimes de retraite

EPCI

Établissement public de coopération intercommunale

EPICE (critères)

Efficacité, pertinence, impact, cohérence, efficience

ESR (ministère)

Enseignement supérieur et recherche (ministère de)

ESSOC (loi dite)

État au service d’une société de confiance (loi pour un)

ETPMA

Équivalent temps plein moyen annuel

ETPT

Équivalent temps plein travaillé

GCA

Gestionnaire conseil allocataires

IFOMENE

Institut de formation à la médiation et à la négociation

IGAS

Inspection générale des affaires sociales

IGF

Inspection générale des finances

IMGH

Institut de médiation Guillaume-Hofnung

IPR

Instance paritaire régionale

J21 (loi dite)

Justice du XXIe siècle (loi de modernisation de la)

LR

Lettre-réseau

LURA

Liquidation unique des régimes alignés

MFS

Maison France services

MICO

Minimum contributif

MJD

Maison de la justice et du droit

MNC

Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale

MPO

Médiation préalable obligatoire

MSA

Mutualité sociale agricole

MSAP

Maison de services au public

PAD

Point d’accès au droit

PIC

Plan d’investissement dans les compétences

PLANIR

Plan local d’accompagnement du non‑recours, des incompréhensions et des ruptures

PRC

Période de référence de calcul

PreParE

Prestation partagée d’éducation de l’enfant

Puma

Protection universelle maladie

RAPO

Recours administratif préalable obligatoire

RATP

Régie autonome des transports parisiens

RSA

Revenu de solidarité active

RSI

Régime social des indépendants

SIEC

Service interacadémique des examens et concours

SJR

Salaire journalier de référence

SMIC

Salaire minimum interprofessionnel de croissance

SRE

Service des retraites de l’État

SREN

Service des retraites de l’éducation nationale

STAPS

Sciences et techniques des activités physiques et sportives

SVI

Serveur vocal interactif

TA

Tribunal administratif

UNEDIC

Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce

URSSAF

Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales

 


—  1  —

   ANNEXE  2 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Participations à des travaux préalables :

        M. Hervé Carré, président de l’Association des médiateurs des collectivités territoriales (AMCT), médiateur de la Ville d’Angers et du département du Maine-et-Loire ;

        M. Philippe Gazagnes, président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, référent national « médiation » pour les juridictions administratives ;

        Mme Christine Jouhannaud, directrice de la protection des droits et des affaires publiques, déléguée générale à la médiation avec les services publics par intérim auprès du Défenseur des droits ;

        Mme Servane Martin, chargée de mission à l’Union nationale des associations familiales (UNAF) ;

        Mme Véronique Mirouse, avocate au Barreau de Paris, médiatrice ;

        Mme Sophie Monnier, maîtresse de conférences en droit public à l’université de Bourgogne ;

        M. Jean-François Tixier, adjoint à la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ;

        M. Jean-Louis Walter, médiateur national de Pôle emploi.

2. Tables rondes :

        M. Stephen Bensimon, philosophe, directeur de l’Institut de formation à la médiation et à la négociation (IFOMENE) ;

        M. Hervé Carré, président de l’Association des médiateurs des collectivités territoriales (AMCT), médiateur de la Ville d’Angers et du département du Maine-et-Loire ;

        M. Didier Marshall, président honoraire de cour d’appel, coordonnateur du rapport « Les juridictions du XXIe siècle » ;

        M. Jacques Salzer, médiateur, maître de conférences à l’université de Paris Dauphine et au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), auteur de plusieurs ouvrages sur la médiation.

        M. Daniel Lenoir, inspecteur général des affaires sociales, ancien directeur de la MSA, de la CNAM et de la CNAF ;

        M. François Meurisse, médiateur national de la CNAM ;

        M. Jean-Pierre Bonafé‑Schmitt, chercheur au CNRS en médiation, sociologue ;

        Mme Amélie Hattab, auteure de « Le-administration et la gestion de la relation aux citoyens – lexemple des services scolaires ».

        Mme Nathalie Droulez, médiatrice nationale de l’assurance retraite, CNAV ;

        Mme Catherine Duchemin, responsable du pôle Médiation et gestion des réclamations, accompagnée de M. Frédéric Marinacce, directeur des prestations légales et sociales, et de Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires, CNAF ;

        Mme Christine Jouhannaud, directrice de la protection des droits et des affaires publiques, déléguée générale à la médiation avec les services publics par intérim auprès du Défenseur des droits, accompagnée de M. Marc Loiselle, conseiller Affaires publiques, et de Mme France de Saint-Martin, attachée parlementaire ;

        Mme Sophie Monnier, maîtresse de conférences en droit public à l’université de Bourgogne.

        M. Christophe Baulinet, médiateur des ministères économiques et financiers ;

        M. David Moreau, secrétaire général adjoint du Conseil d’État, chargé des juridictions administratives ;

        M. Jean-Louis Walter, médiateur national de Pôle emploi.

        Mme Catherine Becchetti-Bizot, médiatrice de léducation nationale et de lenseignement supérieur ;

        Mme Marielle Cohen-Branche, vice-présidente du Club des médiateurs des services au public, médiatrice de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ;

        M. Thibault Lahanque, directeur de la communication et des partenariats, médiateur de l’URSSAF Île-de-France ;

        Mme Sandrine Serpentier-Linarès, médiatrice près des juridictions administratives.

3. Auditions :

        M. Daniel Agacinski, chef de projet au département Société et politiques sociales de France Stratégie, et Mme Liora Israël, maîtresse de conférences en sociologie à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), accompagnée de Mme Clothilde Desjeunes et de MM. Samuel Fély, Paul Michaud-Rossignol et Louis Pastor, étudiants à l’EHESS (1er octobre 2019)

        Me Carine Denoit-Benteux, représentant le Conseil national des barreaux (CNB) *, et Me Hirbod Dehghani-Azar, représentant le Barreau de Paris *, sur le thème : « Médiation administrative et accès à la justice : quelles évolutions ? » (13 novembre 2019)

        Mme Geneviève Bouché, futurologue (13 novembre 2019)

        Mme Michèle Guillaume-Hofnung, directrice de l’Institut de Médiation Guillaume-Hofnung (IMGH), professeur émérite des facultés de droit, et Mme Catherine Garreta, responsable de la coordination pédagogique de la formation « la médiation dans l’institution » au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et médiatrice interne de l’Agence française de développement (AFD) (8 janvier 2020)

4. Déplacements :

        Rencontre avec M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, accompagné de Mme Christine Jouhannaud, directrice de la protection des droits et des affaires publiques, déléguée générale à la médiation avec les services publics par intérim, et de M. Marc Loiselle, conseiller Affaires publiques

        Mme Carole Billon, directrice du développement

        M. Sébastien Agnese, directeur comptable et financier

        Mme Élisabeth Tremblay, médiatrice

        Mme Delphine Hilbert, responsable du pôle appui au pilotage

        Mme Mélanie Kupzick, responsable d’unité du pôle production

        et Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires de la CNAF

5. Contribution écrite :

        M. Philippe Gazagnes, président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, référent national « médiation » pour les juridictions administratives

 

 

 

 

 

 

* Ces organismes ont procédé à leur enregistrement au répertoire des représentants dintérêts géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

 


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   ANNEXE  3 :
TABLEAUX COMPARATIFS

 


I.   LA MÉDIATION DANS LES CODES, LOIS ET RÈGLEMENTS

Défenseur des droits

Médiation de la consommation

Médiation administrative
issue de la loi dite J21

Médiation administrative
issue de la loi dite ESSOC

Médiation territoriale
issue de la loi dite « engagement et proximité »

Constitution et loi organique
du 29 mars 2011
relative au Défenseur des droits

Code de la consommation
Livre VI : Règlement des litiges
Titre I : médiation

Code des relations entre le public et ladministration
et code de justice administrative

Code de la sécurité sociale
Livre II – Titre Ier

Code général des collectivités territoriales
Chapitre II bis - Médiation

Constitution

 

Art. 71-1- Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de lÉtat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi dune mission de service public, ou à légard duquel la loi organique lui attribue des compétences.

 

Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne sestimant lésée par le fonctionnement dun service public ou dun organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir doffice. (…)

 

Loi organique

 

Art. 4.- Le Défenseur des droits est chargé :

 

 De défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de lÉtat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis dune mission de service public (…)

 

Art. 5.- Le Défenseur des droits peut être saisi :

 Par toute personne physique ou morale qui sestime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement dune administration de lÉtat, dune collectivité territoriale, dun établissement public ou dun organisme investi dune mission de service public ; (…)

 

Le Défenseur des droits peut être saisi des agissements de personnes publiques ou privées.

Il peut en outre se saisir doffice ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés sont en cause.

Il est saisi des réclamations qui sont adressées à ses adjoints.

 

Art. 6.- La saisine du Défenseur des droits est gratuite.

Elle est précédée de démarches préalables auprès des personnes publiques ou des organismes mis en cause, sauf lorsquelle est présentée au titre des compétences mentionnées aux 2° à 4° de larticle 4.

La saisine du Défenseur des droits ninterrompt ni ne suspend par elle-même les délais de prescription des actions en matière civile, administrative ou pénale, non plus que ceux relatifs à lexercice de recours administratifs ou contentieux.

 

Art. 7.- Une réclamation peut être adressée à un député, à un sénateur ou à un représentant français au Parlement européen, qui la transmet au Défenseur des droits sil estime quelle appelle son intervention. (…)

 

Art. 24.- Le Défenseur des droits apprécie si les faits qui font lobjet dune réclamation ou qui lui sont signalés appellent une intervention de sa part.

Il indique les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine.

 

Art. 25.- Le Défenseur des droits peut faire toute recommandation qui lui apparaît de nature à garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement.

Il peut recommander de régler en équité la situation de la personne dont il est saisi.

Les autorités ou personnes intéressées informent le Défenseur des droits, dans le délai quil fixe, des suites données à ses recommandations.

À défaut dinformation dans ce délai ou sil estime, au vu des informations reçues, quune recommandation na pas été suivie deffet, le Défenseur des droits peut enjoindre à la personne mise en cause de prendre, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires.

Lorsquil na pas été donné suite à son injonction, le Défenseur des droits établit un rapport spécial, qui est communiqué à la personne mise en cause. Le Défenseur des droits rend publics ce rapport et, le cas échéant, la réponse de la personne mise en cause, selon des modalités quil détermine.

 

Art. 26.- Le Défenseur des droits peut procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation.

Les constatations effectuées et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être ni produites, ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives sans le consentement des personnes intéressées, sauf si la divulgation de laccord est nécessaire à sa mise en œuvre ou si des raisons dordre public limposent.

 

Art. 28.- Le Défenseur des droits peut proposer à lauteur de la réclamation et à la personne mise en cause de conclure une transaction dont il peut recommander les termes.

 

Art. 33.- Le Défenseur des droits ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle.

Les juridictions civiles, administratives et pénales peuvent, doffice ou à la demande des parties, linviter à présenter des observations écrites ou orales. Le Défenseur des droits peut lui-même demander à présenter des observations écrites ou à être entendu par ces juridictions ; dans ce cas, son audition est de droit (…)

Art. L. 611-2- La médiation de la consommation sapplique à un litige national ou transfrontalier entre un consommateur et un professionnel. Elle est régie par les dispositions du présent titre ainsi que, dans la mesure où elles ne leur sont pas contraires, par celles du chapitre Ier du titre II de la loi du 8 février 1995 mentionnée à larticle L. 6111.

 

Chap. II - Processus de médiation des litiges de consommation

 

Art. L. 612-1.-Tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui loppose à un professionnel. À cet effet, le professionnel garantit au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation.

Le professionnel peut mettre en place son propre dispositif de médiation de la consommation ou proposer au consommateur le recours à tout autre médiateur de la consommation répondant aux exigences du présent titre. (…)

 

Art. L. 612-3 - La médiation des litiges de consommation est soumise à lobligation de confidentialité prévue par larticle 213 de la loi n° 95125 du 8 février 1995 relative à lorganisation des juridictions et de la procédure civile, pénale et administrative.

 

Art. L. 612-4 - Est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge.

 

Art. L. 613-1 - Le médiateur de la consommation accomplit sa mission avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité, dans le cadre dune procédure transparente, efficace et équitable.

 

Art. L. 614-1 -Tout médiateur de la consommation met en place un site internet consacré à la médiation et fournissant un accès direct aux informations relatives au processus de médiation.

Ce site permet aux consommateurs de déposer en ligne une demande de médiation accompagnée des documents justificatifs.

Sur demande, ces informations peuvent être mises à disposition sur un autre support durable.

 

Art. L. 614-2 - Le médiateur fournit sur son site internet un lien électronique vers la plate-forme européenne de résolution en ligne des litiges prévue par le règlement (UE) (…) du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation.

 

Art. L. 614-3 - Les parties doivent toujours avoir la possibilité de recourir à la médiation par voie postale.

 

Art. R. 612-1 - La médiation des litiges de la consommation mentionnée au 5° de larticle L. 6111 satisfait aux exigences suivantes :

 Elle est aisément accessible par voie électronique ou par courrier simple à toutes les parties, consommateur ou professionnel ;

 Elle est gratuite pour le consommateur à lexception des frais prévus aux 3° et  ;

 Les parties ont la faculté, à leur charge, de se faire représenter par un avocat ou de se faire assister par toute personne de leur choix à tous les stades de la médiation ;

 Chaque partie peut également solliciter lavis dun expert, dont les frais sont à sa charge. En cas de demande conjointe dexpertise, les frais sont partagés entre les parties.

 

Art. R. 612-2 - Dès réception des documents sur lesquels est fondée la demande du consommateur, le médiateur de la consommation notifie aux parties par voie électronique ou par courrier simple sa saisine. Cette notification rappelle aux parties quelles peuvent à tout moment se retirer du processus.

 

Art. R. 612-3 - Le médiateur communique, à la demande de lune des parties, tout ou partie des pièces du dossier.

Le médiateur peut recevoir les parties ensemble ou séparément. À défaut daccord amiable entre elles, il leur propose une solution pour régler le litige.

 

Art. R. 612-4 - Le médiateur, en faisant connaître aux parties la solution quil propose, leur rappelle, par courrier simple ou par voie électronique :

 Quelles sont libres daccepter ou de refuser sa proposition de solution ;

 Que la participation à la médiation nexclut pas la possibilité dun recours devant une juridiction ;

 Que la solution peut être différente de la décision qui serait rendue par un juge.

Le médiateur précise également quels sont les effets juridiques de lacceptation de la proposition de solution et fixe un délai dacceptation ou de refus de celle-ci.

 

Art. R. 612-5 - Lissue de la médiation intervient, au plus tard, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de la notification mentionnée à larticle R. 6122. Le médiateur peut prolonger ce délai, à tout moment, en cas de litige complexe. Il en avise immédiatement les parties.

Code des relations entre le public et ladministration

Livre IV : Le règlement des différends avec ladministration

 

Chap. Ier : Conciliation et médiation dans un cadre non juridictionnel

Art. L. 421-1 - Il peut être recouru à une procédure de conciliation ou de médiation en vue du règlement amiable dun différend avec ladministration, avant quune procédure juridictionnelle ne soit, en cas déchec, engagée ou menée à son terme.

 

Chap. II : Conciliation et médiation dans un cadre juridictionnel

Art. L .422-1 - Ainsi quil est dit à larticle L. 2135 du code de justice administrative, une mission de médiation peut être organisée par les chefs de juridiction dans les tribunaux administratifs et les cours administratives dappel.

 

Art. L. 422-2 - Ainsi quil est dit aux articles L. 2137 à L. 21310 du code de justice administrative, les juridictions régies par ce code peuvent ordonner une médiation en vue de parvenir au règlement de certains différends.

 

Code de justice administrative

Livre II : Les TA et les CAA

Chap. III : La médiation

 

Section I : Dispositions générales

Art. L. 213-1 - La médiation régie par le présent chapitre sentend de tout processus structuré, quelle quen soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec laide dun tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction.

 

Art. L. 213-2 - Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence.

Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre dune instance juridictionnelle ou arbitrale sans laccord des parties.

 

Il est fait exception au deuxième alinéa dans les cas suivants :

 En présence de raisons impérieuses dordre public ou de motifs liés à la protection de lintérêt supérieur de lenfant ou à lintégrité physique ou psychologique dune personne ;

 Lorsque la révélation de lexistence ou la divulgation du contenu de laccord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre.

 

Art. L. 213-3 - Laccord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles nont pas la libre disposition.

 

Art. L. 2134 - Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut, dans tous les cas où un processus de médiation a été engagé en application du présent chapitre, homologuer et donner force exécutoire à laccord issu de la médiation.

 

Section 2 : Médiation à linitiative des parties

 

Art. L. 213-5 - Les parties peuvent, en dehors de toute procédure juridictionnelle, organiser une mission de médiation et désigner la ou les personnes qui en sont chargées.

Elles peuvent également, en dehors de toute procédure juridictionnelle, demander au président du tribunal administratif ou de la cour administrative dappel territorialement compétent dorganiser une mission de médiation et de désigner la ou les personnes qui en sont chargées, ou lui demander de désigner la ou les personnes qui sont chargées dune mission de médiation quelles ont elles-mêmes organisée.

(…)

Lorsquelle constitue un préalable obligatoire au recours contentieux en application dune disposition législative ou réglementaire, la médiation présente un caractère gratuit pour les parties.

 

Art. L. 213-6 - Les délais de recours contentieux sont interrompus et les prescriptions sont suspendues à compter du jour où, après la survenance dun différend, les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut décrit, à compter du jour de la première réunion de médiation.

Ils recommencent à courir à compter de la date à laquelle soit lune des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée. Les délais de prescription recommencent à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.

 

Art. R. 213-4 - Par dérogation à larticle L. 4112 du code des relations entre le public et ladministration, lorsque, en application de larticle L. 2136 du présent code, le délai de recours contentieux a été interrompu par lorganisation dune médiation, lexercice dun recours gracieux ou hiérarchique ne linterrompt pas de nouveau, sauf sil constitue un préalable obligatoire à lexercice dun recours contentieux.

 

Section 3 : médiation à linitiative dun juge

 

Art. L. 213-7 - Lorsquun tribunal administratif ou une cour administrative dappel est saisi dun litige, le président de la formation de jugement peut, après avoir obtenu laccord des parties, ordonner une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre cellesci.

(…)

Art. L. 213-9 - Le médiateur informe le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à un accord.

(…)

Art. R. 213-9 - (…) Le juge met fin à la médiation à la demande dune des parties ou du médiateur. Il peut aussi y mettre fin doffice lorsque le bon déroulement de la médiation lui apparaît compromis.

Chapitre VII

Section IV bis : Médiation

 

Art. L. 217-7-1  I- Les réclamations concernant les relations entre un organisme de sécurité sociale relevant du présent livre et ses usagers peuvent être présentées, sans préjudice des voies de recours existantes, devant le médiateur de lorganisme concerné.

 

Le médiateur est désigné par le directeur de lorganisme. Il exerce ses fonctions en toute impartialité et dans le respect de la confidentialité des informations dont il a à connaître.

 

Il formule auprès du directeur ou des services de lorganisme des recommandations pour le traitement de ces réclamations, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

 

II.- Toute réclamation mentionnée au I ne peut être traitée par le médiateur que si elle a été précédée dune démarche du demandeur auprès des services concernés de lorganisme et si aucun recours contentieux na été formé. Lengagement dun recours contentieux met fin à la médiation.

 

Lengagement de la procédure de médiation suspend, à compter de la notification portant sur la recevabilité de la réclamation soumise au médiateur et jusquà ce que celui-ci ait communiqué ses recommandations aux deux parties, les délais de recours prévus pour ces réclamations.

(…)

V.- Lorsque la réclamation mentionnée au I du présent article concerne le montant des cotisations dues par les travailleurs indépendants non agricoles en application de larticle L. 1316, lorganisme chargé du recouvrement de celles-ci transmet à lusager, à sa demande ou à celle du médiateur, les modalités de calcul retenues dans des conditions fixées par décret.

VI.- Un décret précise les garanties encadrant lexercice de la médiation prévue au I, notamment en matière de formation préalable, de compétences requises, dindépendance, dimpartialité et de confidentialité dans le traitement des réclamations et dans la formulation de ses recommandations.

 

Art. D. 217-7-1.- (…)

III.- La médiation est soumise au principe de confidentialité.

Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre dune instance judiciaire ou arbitrale sans laccord des parties.

Il est fait exception aux alinéas précédents dans les deux cas suivants :

a) En présence de raisons impérieuses dordre public ou de motifs liés à la protection de lintérêt supérieur de lenfant ou à lintégrité physique ou psychologique de la personne ;

b) Lorsque la révélation de lexistence ou la divulgation du contenu de laccord issu de la médiation est nécessaire pour son exécution.

Art. L. 1112-24– Sans préjudice des dispositifs de médiation existants, les communes, les départements, les régions et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent instituer, par délibération de lorgane délibérant, un médiateur territorial, soumis aux dispositions du présent article.

(…)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les médiations conduites par le médiateur territorial sont soumises aux dispositions de la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de justice administrative.

 

La saisine du médiateur territorial interrompt les délais de recours contentieux et suspend les prescriptions dans les conditions prévues à larticle L. 2136 du code de justice administrative.

Par dérogation à larticle L. 4112 du code des relations entre le public et ladministration, lorsque, en application du septième alinéa du présent article, le délai de recours contentieux a été interrompu par lorganisation dune médiation, lexercice dun recours gracieux ou hiérarchique ne linterrompt pas de nouveau, sauf si ce recours constitue un préalable obligatoire à lexercice dun recours contentieux.

 

Le médiateur territorial définit librement les modalités de déroulement des médiations quil conduit.

La saisine du médiateur territorial est gratuite.

Le médiateur territorial ne peut être saisi dun différend dès lors que le litige est porté devant une juridiction ou a fait lobjet dun jugement définitif, sauf dans les cas prévus par la loi.


Le médiateur

Constitution

 

Art. 711- (…) Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de larticle 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.

 

Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement.

 

Loi organique du 29 mars 2011

 

Art. 37- Le Défenseur des droits peut désigner, sur lensemble du territoire ainsi que pour les Français de létranger, des délégués, placés sous son autorité, qui peuvent, dans leur ressort géographique, instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés signalées (…)

 

Art. 38- Le Défenseur des droits, ses adjoints, les autres membres des collèges, les délégués et lensemble des agents placés sous son autorité sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à létablissement des avis, recommandations, injonctions et rapports prévus par la présente loi organique. (…)

Art. L. 613-1  (…) Il satisfait aux conditions suivantes :

 Posséder des aptitudes dans le domaine de la médiation ainsi que de bonnes connaissances juridiques, notamment dans le domaine de la consommation ;

 Être nommé pour une durée minimale de trois années ;

 Être rémunéré sans considération du résultat de la médiation ;

 Ne pas être en situation de conflit dintérêts et le cas échéant le signaler.

Il est inscrit sur la liste des médiateurs notifiée à la Commission européenne.

Les modalités dapplication du présent article sont fixées par décret en Conseil dÉtat.

 

Art. L. 613-2 - Lorsquil est employé ou rémunéré exclusivement par le professionnel, le médiateur de la consommation satisfait aux conditions supplémentaires suivantes :

 Il est désigné, selon une procédure transparente, par un organe collégial mis en place par lentreprise, comprenant des représentants dassociations de défense des consommateurs agréées et des représentants du professionnel, ou relevant dune instance nationale consultative dans le domaine de la consommation ou propre à un secteur dactivité dans des conditions fixées par décret ;

 A lissue de son mandat, le médiateur a linterdiction de travailler pendant au moins trois ans pour le professionnel qui la employé ou pour la fédération à laquelle ce professionnel est affilié ;

 Aucun lien hiérarchique ou fonctionnel entre le professionnel et le médiateur ne peut exister pendant lexercice de sa mission de médiation. Le médiateur est clairement séparé des organes opérationnels du professionnel et dispose dun budget distinct et suffisant pour lexécution de ses missions.

 

Art. L. 613-3 - Lorsque le médiateur de la consommation est employé ou rémunéré exclusivement par un organisme ou une fédération professionnelle, il répond aux exigences prévues par les dispositions de larticle L. 6131 et dispose dun budget distinct et suffisant pour mener à bien sa mission, hormis le cas où il appartient à un organe collégial, composé à parité de représentants dassociations agréées de défense des consommateurs et de représentants des professionnels.

 

Art. R. 613-1 - Le médiateur de la consommation informe sans délai les parties de la survenance de toute circonstance susceptible daffecter son indépendance, son impartialité ou de nature à créer un conflit dintérêts ainsi que de leur droit de sopposer à la poursuite de sa mission. Si lune des parties refuse en conséquence de poursuivre la médiation, il est mis fin à la mission du médiateur. Lorsque le médiateur est une personne morale, il est pourvu au remplacement de la personne physique chargée daccomplir la mission de médiation.

Le médiateur ne peut recevoir aucune instruction des parties.

 

Art. R. 614-1 - Le site internet du médiateur de la consommation mentionné à larticle L. 614-1 comprend les informations suivantes :

 Les adresses postale et électronique du médiateur ;

 La mention de son inscription sur la liste des médiateurs établie conformément à larticle L. 6151 ;

 La décision de sa nomination et la durée de son mandat ;

 Ses diplômes ou son parcours professionnel ;

 Son appartenance, le cas échéant, à des réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;

 Les types de litiges relevant de sa compétence ;

 La référence aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la médiation des litiges de consommation ;

 Les cas dans lesquels, en application de larticle L. 6122, un litige ne peut faire lobjet dune médiation ;

 La liste des langues utilisées pour la médiation ;

10° Le lien vers le site internet de la Commission européenne dédié à la médiation de la consommation.

 

Art. D. 613-2 - Lorgane collégial qui procède à la désignation des médiateurs relevant des dispositions de larticle L. 6132 est composé paritairement dau moins deux représentants dassociations de consommateurs agréées et dau moins deux représentants du professionnel.

Les associations de consommateurs agréées qui participent à la désignation de ces médiateurs ne peuvent être membres de la Commission dévaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.

 

Art. R. 213-1 - La médiation porte sur tout ou partie dun litige.

 

Art. R. 213-2 - La médiation peut être confiée à une personne physique ou à une personne morale. Si le médiateur désigné est une personne morale, son représentant légal désigne la ou les personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en son nom, lexécution de la mission.

 

Art. R. 213-3 - La personne physique qui assure la mission de médiation doit posséder, par lexercice présent ou passé dune activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige. Elle doit en outre justifier, selon le cas, dune formation ou dune expérience adaptée à la pratique de la médiation.

Art. L. 217-7-1  (…)

III.- Un médiateur national est désigné, pour chacune des caisses nationales mentionnées au présent livre, par le directeur de la caisse nationale, après consultation du président du conseil ou du conseil dadministration. (…)

 

IV.- Le médiateur accomplit sa mission en toute impartialité et ne peut recevoir aucune instruction quant au traitement dune réclamation qui lui est soumise.

Il veille à prévenir toute situation de conflit dintérêts.

Le médiateur déclare, sil y a lieu, quil a un lien direct ou indirect, notamment dordre familial, professionnel ou financier, avec la personne dont la réclamation est examinée.

Lorsque tel est le cas, la réclamation est traitée par le médiateur dun autre organisme.

 

Art. D. 217-7-1.-I.- Le médiateur est rattaché fonctionnellement à la direction de lorganisme et dispose des moyens nécessaires à lexécution de ses missions mis à disposition par celleci.

Lorsquil exerce son activité à titre bénévole le médiateur perçoit une indemnité forfaitaire représentative de frais dans les mêmes conditions que celles applicable aux administrateurs des conseils et conseils dadministration des organismes.

II.- Peut être désignée par le directeur de lorganisme en qualité de médiateur toute personne qui justifie dune formation ou dune expérience adaptée à la pratique de la médiation et qui possède, par lexercice présent ou passé dune activité, une qualification en droit suffisante eu égard à la nature des affaires à connaître, et en particulier en droit de la sécurité sociale

Art. L. 1112-24– (…)

La délibération qui institue le médiateur territorial définit le champ de ses compétences détermine les moyens mis à sa disposition pour lexercice de ses fonctions et fixe la durée de son mandat.

Ne peut être nommée   médiateur territorial par une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre :

 La personne qui exerce une fonction publique élective ou est agent de cette collectivité territoriale ou de cet établissement ;

 La personne qui exerce une fonction publique élective ou est agent au sein de lun des groupements dont cette collectivité territoriale ou cet établissement est membre.

Communication, recommandations

Art. 34- Le Défenseur des droits mène toute action de communication et dinformation jugée opportune dans ses différents domaines de compétence.

Il favorise à cette fin la mise en œuvre de programmes de formation. Il conduit et coordonne des travaux détude et de recherche. Il suscite et soutient les initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne lélaboration et ladoption dengagements visant à la promotion des droits et de légalité. Il identifie et promeut toute bonne pratique en la matière.

Art. L.616-1 - Tout professionnel communique au consommateur, selon des modalités fixées par décret en Conseil dÉtat, les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève.

Le professionnel est également tenu de fournir cette même information au consommateur, dès lors quun litige na pas pu être réglé dans le cadre dune réclamation préalable directement introduite auprès de ses services.

 

Art. R. 616-1 - En application de larticle L. 6161, le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en labsence de tels supports, par tout autre moyen approprié. Il y mentionne également ladresse du site internet du ou de ces médiateurs.

 

Art. L. 613-1  (…) Il établit chaque année un rapport sur son activité.

 

Art. L. 614-4 - La liste des informations mentionnée à larticle L. 6141 et le rapport annuel mentionné à larticle L. 6131 sont mis à la disposition du public et communiqués par le médiateur, selon les modalités fixées par décret en Conseil dÉtat.

 

Art. L. 614-5 - Le médiateur de la consommation communique à la commission dévaluation et de contrôle de la médiation de la consommation mentionnée à larticle L. 6151 les informations relatives à ses compétences, son organisation et son activité. La liste de ces informations est fixée par décret en Conseil dÉtat.

 

Art. R. 614-2- Le médiateur met également à la disposition du public sur son site internet ou communique sur demande son rapport annuel dactivité comprenant les informations suivantes :

 Le nombre de litiges dont il a été saisi et leur objet ;

 Les questions les plus fréquemment rencontrées dans les litiges qui lui sont soumis et ses recommandations afin de les éviter ;

 La proportion de litiges quil a refusé de traiter et lévaluation en pourcentage des différents motifs de refus ;

 Le pourcentage des médiations interrompues et les causes principales de cette interruption ;

 La durée moyenne nécessaire à la résolution des litiges ;

 Sil est connu, le pourcentage des médiations qui sont exécutées ;

 Lexistence de la coopération au sein de réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;

 Pour les médiateurs rémunérés ou employés exclusivement par un professionnel, le pourcentage des solutions proposées en faveur du consommateur ou du professionnel ainsi que le pourcentage des litiges résolus à lamiable.

 

Art. L 217-7-1  (…)

III.- (…)

Le médiateur national évalue la médiation dans lensemble de la branche concernée, notamment par la réalisation dun rapport annuel. Ce rapport formule des recommandations pour améliorer le traitement des réclamations et propose, le cas échéant, des modifications de la réglementation. Le rapport est présenté au conseil ou au conseil dadministration de la caisse nationale et transmis au Défenseur des droits

Chaque année, le médiateur territorial transmet à lorgane délibérant de la collectivité territoriale ou de létablissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui la nommé et au Défenseur des droits un rapport dactivité rédigé dans le respect du principe de confidentialité de la médiation. Ce rapport peut contenir des propositions visant à améliorer le fonctionnement de la collectivité territoriale ou de létablissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

 


La commission dévaluation et de contrôle de la médiation de la consommation :

Art. R. 614-3 - Toute personne physique ou morale qui souhaite être inscrite sur la liste des médiateurs prévue à larticle L. 6151 communique à la commission dévaluation et de contrôle de la médiation mentionnée au même article, outre les informations mentionnées aux 3° à 9° de larticle R. 6141 :

 Ses coordonnées et ladresse de son site internet ;

 Une déclaration de motivation justifiant sa désignation comme médiateur de la consommation ;

 Les informations sur sa structure et les modalités de financement de son activité de médiateur de la consommation, le cas échéant les frais de sa prestation facturés au professionnel, ainsi que, lorsquil existe une entité regroupant plusieurs médiateurs, les modalités de financement de cette entité, le niveau de rémunération et la durée du mandat de chacun dentre eux ;

 Une description du déroulement interne de la médiation.

Le médiateur notifie sans délai à la commission toute modification de ces informations.

Art. R. 614-4 - Le médiateur de la consommation transmet également à la commission dévaluation et de contrôle de la médiation de la consommation les informations nécessaires à lévaluation de son activité, et ce, au moins tous les deux ans. Ces informations comprennent au minimum, outre celles figurant à larticle R. 6142 :

 Une description des formations suivies en matière de médiation ;

 Une évaluation de lefficacité de la médiation et des moyens envisageables pour améliorer ses résultats.

Art. L. 615-1 - La commission dévaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, placée auprès du ministre chargé de léconomie, a pour mission :

 Détablir et de mettre à jour la liste des médiateurs, y compris les médiateurs publics, qui satisfont aux exigences prévues par les articles L. 6131 à L. 6133 ;

 De procéder à la notification des médiateurs inscrits sur cette liste auprès de la Commission européenne ;

 Dévaluer leur activité de médiation et den contrôler la régularité.

Art. L. 615-2 - Si un médiateur ne satisfait pas aux conditions exigées au présent titre, la commission dévaluation et de contrôle de la médiation de la consommation refuse son inscription sur la liste prévue par larticle L. 6151.

Sil est déjà inscrit et quil ne répond plus à ces conditions ou ne respecte pas les obligations lui incombant, la commission peut décider du retrait de lintéressé de cette liste.

La décision prononçant le refus dinscription ou le retrait de la liste est prise dans des conditions et suivant la procédure fixées par décret en Conseil dÉtat. Elle est motivée et notifiée à lintéressé.

Art. L. 615-3 - La commission peut être saisie par le ministre chargé de léconomie, par le ministre chargé de la consommation, par lAutorité de contrôle prudentiel et de résolution, par les associations de défense des consommateurs agréées ou par les organisations professionnelles de toute pratique de médiation ou de toute condition dexercice de lactivité de médiateur considérée comme contraire aux dispositions du présent titre.

Elle peut également se saisir doffice.

La commission rend son avis dans un délai maximal de trois mois à compter de sa saisine.

Art. L. 615-4 - Un décret en Conseil dÉtat précise la composition, lorganisation, les moyens et les modalités de fonctionnement de la commission dévaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.

Art. R. 615-1 - La commission dévaluation et de contrôle de la médiation de la consommation mentionnée à larticle L. 6151 est composée :

 Dun conseiller dÉtat ;

 Dun conseiller à la Cour de cassation en activité ou honoraire ;

 De quatre personnalités qualifiées dans le domaine juridique ou en matière de médiation ;

 De deux représentants des associations de consommateurs agréées au plan national ;

 De deux représentants dorganisations professionnelles.

Les dispositions de larticle 74 de la loi n° 2014873 du 4 août 2014 pour légalité réelle entre les femmes et les hommes et du décret n° 2015354 du 27 mars 2015 relatif à légal accès des femmes et des hommes aux commissions et instances consultatives ou délibératives placées auprès du Premier ministre, des ministres ou de la Banque de France sont applicables à la commission dévaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.

Art. R. 615-2 - Les membres de la commission sont nommés par arrêté du ministre chargé de léconomie pour une durée de trois ans renouvelable, sur proposition du vice-président du Conseil dÉtat pour le conseiller dÉtat et sur proposition du premier président de la Cour de cassation pour le conseiller à la Cour de cassation.

Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.

Le président et le vice-président de la commission sont choisis, parmi les membres mentionnés aux 1° et 2° de larticle R. 6151, par arrêté du ministre chargé de léconomie. (…)

Art. R. 615-5 - La commission examine les candidatures des personnes souhaitant être inscrites sur la liste des médiateurs de la consommation au vu des informations communiquées en application de larticle R. 6143 et décide de leur inscription sur cette liste.

Art. R. 615-6 - La commission notifie à la Commission européenne, en application de larticle L. 6151, la liste des médiateurs de la consommation en précisant que ces derniers satisfont aux exigences de qualité et remplissent les conditions prévues aux articles R. 6121 à R. 6125. La liste précise pour chaque médiateur :

 Son nom, ses coordonnées et ladresse de son site internet ;

 La ou les langues dans lesquelles les demandes de médiation peuvent être introduites et les processus de médiation se dérouler ;

 Les types de litiges relevant du champ de compétence du médiateur ;

 Les secteurs et les catégories de litiges relevant de sa compétence ;

 Le cas échéant, les frais de sa prestation facturés au professionnel ;

 La nécessité ou la possibilité de la présence physique des parties ou de leurs représentants ainsi que le caractère oral ou écrit du processus de médiation ;

 Le caractère non contraignant de lissue de la procédure de médiation ;

 Les hypothèses dans lesquelles un litige ne peut être traité par le médiateur.

Si ces informations font lobjet de modifications dans les conditions prévues au dernier alinéa de larticle R. 614-3, la commission actualise sans délai la liste et notifie les informations pertinentes à la Commission européenne.

Art. R. 615-7 - La commission évalue régulièrement les médiateurs afin de vérifier quils répondent toujours aux conditions et exigences de qualité propres à lexercice de la mission de médiateur de la consommation.

Si elle estime quun médiateur ne satisfait plus à ces exigences, elle avise ce dernier, par décision motivée, des manquements constatés et lui demande de se mettre en conformité dans un délai de trois mois à compter de la date de sa décision. À lexpiration de ce délai, la commission statue sur le retrait du médiateur de la liste mentionnée à larticle L. 6151.

Art. R. 615-8 - La commission met à la disposition du public la liste actualisée des médiateurs sur son site internet et fournit le lien vers le site internet de la Commission européenne consacré à la médiation de la consommation ainsi que le lien vers le site internet du Centre européen des consommateurs France.

Cette liste est également publiée au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Art. R. 615-9 - La commission publie sur son site internet, tous les quatre ans, un rapport sur lévolution et le fonctionnement des médiations de la consommation et le communique à la Commission européenne. Ce rapport contient :

 Le recensement des bonnes pratiques des médiateurs ;

 Les dysfonctionnements des processus de médiation relevés à laide de statistiques ;

 Des recommandations en vue de lamélioration du fonctionnement effectif des médiations et de lefficacité des médiateurs.

Art. R. 615-10 - La commission peut entendre toute personne et se faire communiquer tout document en vue de laccomplissement de sa mission.

Son secrétariat est assuré par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Il est chargé dassister la commission dans ses travaux, de recueillir les demandes des personnes souhaitant être inscrites sur la liste des médiateurs et dinformer ces dernières des décisions rendues par la commission.

Art.R.615-11 - La commission ne peut régulièrement délibérer quen présence de son président ou de son vice-président et dau moins trois de ses membres. Ses séances ne sont pas publiques.

La commission se prononce à la majorité des voix des membres présents. Le président de séance a voix prépondérante en cas de partage égal des voix.


II.   LA MÉDIATION DANS LES CHARTES

Conseil dÉtat

Club des médiateurs de services au public

Association des médiateurs des collectivités territoriales

Charte éthique des médiateurs
dans les litiges administratifs

Charte du Club des médiateurs
de Services au Public

Charte des médiateurs
des collectivités territoriales

Les articles L. 2131 et suivants du code de justice administrative issus de larticle 5 de la loi n° 20161547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et les articles R. 2131 et suivants issus du décret n° 2017566 du 18 avril 2017 introduisent la possibilité en matière administrative de recourir à la médiation soit à linitiative des parties soit à celle du juge.

 

La présente charte fixe les principes essentiels garantissant la qualité du médiateur et du processus de médiation engagé dans ce cadre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aux termes de larticle L. 2131 du code de justice administrative, la médiation sentend de tout processus structuré, quelle quen soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec laide dun tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction.

Le médiateur peut faire toute proposition pour permettre aux parties de parvenir à un accord.

Toute personne désignée comme médiateur par une juridiction administrative sengage à respecter la présente charte.

 

II. Les principes garants de la qualité de la médiation

 

 

 

 

 

 

II.1. Information et consentement :

a) Le médiateur veille à délivrer aux parties, avant le début de la médiation, une information claire et précise sur les modalités de son déroulement : confidentialité, courtoisie, possibilité dentretiens séparés ou communs, possibilité dinterrompre à tout moment la médiation, modalités de rémunération.

b) Il veille à ce que le consentement des parties soit libre et éclairé et sassure que les informations préalables ont été correctement comprises.

c) Il veille aux conditions formelles dun dialogue loyal, courtois, efficace et équilibré.

d) Il informe les personnes de ce que tout au long du processus de médiation, elles ont la possibilité de prendre conseil ou de faire prendre conseil auprès de professionnels compétents.

 

II.2. Confidentialité :

a) Sauf dans les cas prévus par la loi ou pour des raisons impérieuses dordre public ou des motifs liés à la protection de lintérêt supérieur de lenfant ou à lintégrité physique ou psychologique de la personne, le médiateur est tenu à une obligation de confidentialité.

b) Il respecte la confidentialité entre les parties durant la médiation. En cas dentretien séparé avec une partie ou son conseil, il nen communique rien à lautre partie sans son accord circonstancié et explicite.

c) Il agit dans le respect des lois et rappelle aux parties que toute proposition ne respectant pas lordre public ou lintérêt des tiers concernés provoque larrêt immédiat de la médiation.

d) Après la médiation, si les parties en sont daccord, le médiateur peut être délivré de cette obligation de confidentialité. Cela peut notamment être le cas si la révélation de lexistence ou la divulgation du contenu de laccord est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution.

 

II.3. Respect de la liberté des parties :

a) Le médiateur est respectueux de la liberté des parties qui lont librement choisi ou accepté : elles peuvent interrompre la médiation à leur gré.

b) Il sassure du libre consentement des parties à laccord de médiation éventuellement conclu.

c) Les parties décident elles-mêmes de faire ou non homologuer leur accord par le juge.

d) Le médiateur peut mettre fin doffice à la médiation lorsquil existe manifestement :

- un rapport de force pouvant conduire à un accord anormalement déséquilibré,

- une ignorance juridique grave dune partie, sciemment utilisée par une autre,

- une violation de règles sanctionnées pénalement,

- des éléments apportés en cours de médiation empêchant le médiateur de garantir son impartialité ou sa neutralité.

Préambule

Le Club des Médiateurs de Services au Public, constitué en association, regroupe des médiateurs de la consommation, dadministrations, dentreprises publiques et de collectivités, en charge de services au public. Ils pratiquent la médiation pour parvenir avec les parties à une solution amiable fondée en droit et en équité.

 

 

 

 

 

 

 

Ces médiations, gratuites pour les demandeurs et dun accès direct, dès que les recours internes ont été respectés, sexercent conformément aux principes fixés par la présente Charte des Médiateurs de Services au Public.

Cette Charte constitue le socle de référence éthique de la médiation pratiquée par les membres du Club des Médiateurs de Services au Public (ci-après le(s) « médiateur(s) »).

La médiation est un processus structuré par lequel des personnes physiques ou morales tentent, avec laide du médiateur, de manière volontaire, de parvenir à un accord amiable pour résoudre leur différend.

(…)

 

 

 

 

 

II. Principes applicables au processus de médiation

Les médiateurs membres du Club sengagent à conduire leur médiation en respectant les principes suivants :

Léquité

Lorsquun avis est émis par le Médiateur, celui-ci est fondé en droit et en équité. Il doit prendre en compte le contexte propre à chaque cas et notamment lorsque lapplication stricte du droit produit des effets disproportionnés ou manifestement injustes.

La transparence

Le médiateur garantit la transparence de son activité et, notamment, il informe :

- sur son champ de compétence de façon large et accessible, notamment sur son site Internet et sur celui du Club des Médiateurs de Services au Public

- les publics de manière claire et complète sur les valeurs et les principes de la médiation ainsi que - -- sur les conditions de déroulement du processus.

- sur les effets de la médiation, notamment, le cas échéant, - - sur la suspension des délais de prescription applicables et - sur le fait que les demandeurs conservent leur droit de saisir les tribunaux.

 

La gratuité : Le recours à la médiation est gratuit pour les demandeurs.

La confidentialité : La médiation est soumise au principe de confidentialité.

Le médiateur sassure, avant le début de la médiation, que les parties ont accepté les principes dun processus contradictoire ainsi que les obligations de confidentialité qui leur incombent.

Lefficacité : Le médiateur sengage à répondre avec diligence à toutes les demandes, à conduire à son terme la médiation et à en garantir la qualité

Préambule

LAssociation des médiateurs des collectivités territoriales regroupe les médiateurs des villes et de leurs groupements, ainsi que des départements, quel que soit leur statut (élu, fonctionnaire territorial ou personnalité extérieure), dès lors quils sont en charge de régler les litiges entre les services publics municipaux ou départementaux et les usagers.

À linstar de lancien médiateur de la République, ces médiateurs sont des médiateurs institutionnels dotés dune double fonction : dune part, faciliter la résolution des litiges entre ladministration municipale ou départementale et les usagers des services publics, dautre part, formuler des propositions de réforme de ladministration ou damélioration des règlements et des pratiques afin de prévenir le renouvellement de certains litiges répétitifs ou significatifs et contribuer ainsi à améliorer la qualité des services rendus aux usagers. Ils contribuent de ce fait à faciliter laccès au droit.

Le recours à ces médiateurs est gratuit et soumis à la confidentialité. Ils doivent être par ailleurs dun accès direct et aisé, leur saisine devant être faite par écrit et transmise par courrier, courriel, fax ou par le biais de leurs correspondants. Ils peuvent également sautosaisir des situations quils jugent les plus préoccupantes.

Art- 1 : Définition de la médiation institutionnelle territoriale

La médiation institutionnelle territoriale est un processus structuré dans lequel le Médiateur a pour mission de faciliter la résolution des différends qui opposent les usagers des services publics à lAdministration concernée. Ce processus vise, dans toute la mesure du possible, à éviter le recours à linstitution judiciaire pour résoudre le conflit.

À la lumière des litiges qui lui sont soumis et des dysfonctionnements quil constate, le Médiateur institutionnel doit pouvoir formuler des propositions pour améliorer les relations entre lAdministration et les usagers ainsi que le fonctionnement des services, mais aussi suggérer les modifications quil lui parait opportun dapporter à des réglementations ou à des pratiques.

(…)

 

 

 

Art. 3 - Le processus de médiation

 

 

 

 

 

 

 

 

1- Information et communication

Les citoyens sont informés par les collectivités territoriales de lexistence du Médiateur, de son rôle, de son champ de compétence, des modalités de sa saisine, et de ses pouvoirs.

Cette information est largement diffusée par voie de presse, affichage, et sur le site des collectivités territoriales concernées ainsi que sur le site propre du Médiateur sil en dispose.

Toute demande de médiation donne lieu à un accusé de réception. Dans le courrier daccusé de réception, le Médiateur informe le requérant sur les délais de prescription spécifiques au domaine en cause afin de ne pas risquer de lui faire perdre ses droits dester en justice.

 

 

2- Gratuité

Le recours au Médiateur est gratuit.

 

3- Confidentialité

Le Médiateur est tenu à la confidentialité en ce qui concerne les informations obtenues lors de linstruction du litige et les faits dont il a eu connaissance dans le cadre de la médiation.

 

4- Déroulement de la médiation

Le Médiateur peut refuser dinstruire une saisine si celleci nest pas recevable au regard de conditions portées à la connaissance du public. Celles-ci portent notamment sur le respect des limites du champ de compétence du Médiateur, sur la nécessité davoir effectué des démarches préalables auprès du service concerné, sur le caractère tardif de la saisine par rapport au fait générateur, ou sur lexistence dune décision de justice. Le requérant est informé de ce refus motivé par écrit.

Lorsque la demande de médiation est recevable, le Médiateur conduit avec diligence la médiation dans les meilleurs délais. Celle-ci est menée de manière contradictoire et écrite.

Les parties doivent fournir au Médiateur tous les éléments dinformation lui permettant dinstruire le litige. En cas de refus du requérant, le Médiateur peut refuser de poursuivre la médiation.

Le Médiateur est tenu informé des suites données à son action de médiation.

Le Médiateur ne peut remettre en cause une décision de justice.

 

5- Fin de la médiation

La médiation sachève lorsque le Médiateur notifie par écrit au requérant ses conclusions qui sanalysent soit en une solution donnant satisfaction en totalité ou partiellement à sa demande, soit en un rejet parce quil na été constaté aucun dysfonctionnement de ladministration concernée et que les conséquences nont pas engendré diniquité particulière.

Le Médiateur peut mettre fin à la procédure lorsquil constate soit un désistement des parties, que le litige ait ou non trouvé sa solution par dautres voies, soit un désaccord persistant. En tout état de cause, le requérant conserve la possibilité dengager une action en justice.

Le médiateur

I. Les principes garants de la qualité du médiateur

I.1. Le médiateur présente des garanties de probité et dhonorabilité :

La personne physique qui assure lexécution de la mission de médiation doit satisfaire aux conditions suivantes :

a) Ne pas avoir fait lobjet dune condamnation, dune incapacité ou dune déchéance mentionnées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire,

b) Ne pas avoir été lauteur de faits contraires à lhonneur, à la probité et aux bonnes mœurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait dagrément ou dautorisation.

Dans le cas où des poursuites ou des procédures judiciaires ont été menées à son encontre et seraient susceptibles de mettre en cause son indépendance et son impartialité, le médiateur doit en informer la juridiction avant toute désignation. Dans lhypothèse où de telles poursuites ou procédures survenues postérieurement à sa désignation pourraient compromettre limpartialité de sa mission, le médiateur doit aussi en informer la juridiction ainsi que les parties à la médiation. La juridiction, les parties ou le médiateur peuvent alors, sils le souhaitent, mettre fin à la médiation.

I.2. Le médiateur est compétent :

a) il dispose dune expérience professionnelle dau moins cinq ans dans le domaine du litige ;

b) il possède une qualification dans les techniques de médiation : il justifie dune formation en médiation ou dune expérience significative dans ce domaine, dont la qualité est appréciée par la juridiction ;

c) il sengage à actualiser et perfectionner ses connaissances

théoriques et pratiques

- en sinformant régulièrement sur lactualité juridique de son domaine de compétence ainsi que sur lactualité des méthodes de négociation et les évolutions en matière de règlement alternatif des litiges ;

- en participant à des événements autour des modes de règlement alternatif des litiges (colloques, ateliers, débats, ...) ou à des formations sur ces thèmes.

I.3. le médiateur est indépendant, loyal, neutre et impartial :

a) indépendant : Le médiateur ne doit pas entreprendre une médiation, ou la poursuivre, sans avoir fait connaître à la juridiction et aux parties à la médiation les circonstances qui pourraient affecter son indépendance ou conduire à un conflit dintérêts, ou être considérées comme telles.

Cette obligation subsiste tout au long de la procédure.

Ces circonstances sont notamment :

- toute relation personnelle ou professionnelle avec lune des parties ;

- tout intérêt financier ou autre, direct ou indirect, dans lissue de la médiation ;

- le fait que le médiateur ou un de ses associés ou collaborateurs ait agi en une qualité autre que celle de médiateur pour une des parties.

Dans des cas semblables, le médiateur ne peut accepter ou poursuivre la médiation que si les parties y consentent expressément.

b) loyal : Le médiateur sinterdit par éthique de remplir des fonctions de représentant ou de conseil de lun et/ou lautre des participants au processus de médiation. Il veille à faciliter les négociations entre les parties afin de les aider à trouver ellesmêmes une solution à leur différend.

c) neutre et impartial : Le médiateur doit agir en toutes circonstances de manière impartiale avec les parties et faire en sorte que son attitude apparaisse comme telle.

Il se comporte de manière équitable vis-à-vis des parties. Il veille à conserver sa capacité découte tout au long de la médiation.

I.4. le médiateur est diligent :

Il prend rapidement contact avec les parties et veille à obtenir des réponses rapides de leur part sur lorganisation des rencontres. Il peut solliciter de la part des parties certains documents utiles pour une meilleure compréhension du litige et un meilleur dialogue autour de la recherche de solutions.

Il respecte les délais lui ayant été fixés par la juridiction pour mener à bien sa mission de médiation.

Il informe la juridiction du résultat de la médiation menée en indiquant si les parties sont arrivées ou non à un accord.

I.5. le médiateur est désintéressé :

Il na aucun intérêt financier au résultat de la médiation. Il ne concourt à la recherche dun accord que dans le seul intérêt des parties. Il nest pas rémunéré par un pourcentage sur le résultat.

Le médiateur est un tiers compétent et indépendant, non impliqué dans le différend. Son éthique repose sur les valeurs portées par la présente charte. Il dispose dune compétence sur les sujets qui lui sont confiés en médiation. Il actualise et perfectionne ses connaissances théoriques et pratiques de la médiation par une formation continue, notamment dans le cadre du Club.

Le médiateur sattache au respect des personnes et à leur écoute attentive afin que les parties puissent dépasser leur différend pour aboutir à une solution.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I. Valeurs du médiateur du Club

Ces valeurs garantissent lindépendance, la neutralité et limpartialité du médiateur.

Lindépendance : Le médiateur est indépendant visàvis de toute influence extérieure.

Il ne reçoit aucune directive de quiconque.

Son indépendance est garantie par les moyens dont il dispose, sa désignation, les conditions dexercice et la durée de son mandat.

Il sengage à refuser, suspendre ou interrompre la médiation si les conditions de cette indépendance ne lui paraissent pas ou plus réunies.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La neutralité : Le médiateur est neutre : son avis nest ni influencé ni orienté par des considérations externes aux demandes des parties.

Limpartialité : Le médiateur est impartial par rapport aux parties pendant toute la durée de la médiation. Il sinterdit toute situation de conflit dintérêt.

Un certain nombre de principes doivent guider les Médiateurs dans lexercice de leurs fonctions ; ces principes sont ceux qui se retrouvent dans tous les textes traitant de la médiation en général, notamment dans le code de déontologie de lassociation nationale des médiateurs ou dans la charte du Club des Médiateurs de Services au Public. Ces principes rappelés ci-après constituent dès lors le cadre de référence de laction des Médiateurs des Collectivités Territoriales :

Indépendance et Impartialité

Respect des personnes, de leurs opinions et de leurs positions

Écoute équilibrée et attentive des parties en litige

Respect du contradictoire

Confidentialité

Sens de léquité

Compétence et efficacité

Transparence

La présente charte énonce donc un ensemble de principes que les Médiateurs membres du Réseau sengagent à respecter et constitue pour chacun deux un socle de référence éthique de la pratique de la médiation institutionnelle.

Art. 2 : Le Médiateur

Le Médiateur doit être une personnalité présentant les garanties nécessaires dindépendance, dimpartialité et déthique dans lexercice de ses fonctions. Il doit également faire preuve de compétence et defficacité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1- Impartialité et indépendance

Limpartialité du Médiateur doit pouvoir sappuyer sur lindépendance garantie à sa fonction. En ce qui concerne lindépendance, il importe que la collectivité sengage publiquement à lassurer et à la respecter, mais aussi quelle prenne les dispositions nécessaires pour doter le Médiateur des moyens matériels et humains indispensables à lexercice de sa mission. Le mandat du Médiateur doit avoir une durée déterminée, garantie et suffisante pour assurer une stabilité et une continuité dans les affaires traitées.

Limpartialité, attachée à la fonction du Médiateur, doit être présumée à travers son cursus, son expérience et sa personnalité.

2- Compétence et efficacité

Le Médiateur est choisi pour ses qualités humaines, notamment découte, et pour sa compétence. Il justifie dune formation spécifique à la médiation ou bénéficie dune expérience adaptée à la pratique de la médiation.

Il sengage à actualiser et perfectionner ses connaissances par une formation continue, notamment dans le cadre du Réseau.

Le Médiateur sengage, par ailleurs, à mener à son terme avec diligence le processus de médiation et à garantir la qualité de celuici.

Information, communication, contrôle

III. Sanctions

En cas de manquement à cette charte par le médiateur, et sans préjudice déventuelles poursuites civiles et pénales, la juridiction peut mettre fin à la mission de médiation et décider de ne plus lui confier de mission.

Préambule

(…)

 

En outre, ils font des recommandations de portée générale en vue dencourager les bonnes pratiques dans les relations avec les publics concernés.

(…)

Le médiateur rend public, chaque année, un rapport détaillé sur son activité.

LAssociation des Médiateurs des Collectivités Territoriales a aussi vocation à être un lieu déchange et de soutien pour faciliter la formation des Médiateurs et de leurs équipes et pour favoriser entre ses membres la diffusion des expériences et des bonnes pratiques. (…)

Art. 4 : Rapport annuel et propositions de réforme du Médiateur

Chaque année le Médiateur établit un rapport quil remet à lautorité de nomination et qui est rendu public.

Ce rapport comporte notamment une analyse des saisines et un récapitulatif des principaux litiges traités dans lannée ainsi que le cadre dans lequel le Médiateur a pu exercer ses fonctions.

Le rapport fait également apparaître les propositions damélioration quil paraît opportun au Médiateur de formuler pour obtenir une meilleure qualité des services rendus aux usagers et pour prévenir le renouvellement de certains litiges répétitifs ou significatifs.

 


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   CONTRIBUTION DE FRANCE STRATÉGIE

Cette contribution peut être consultée sur le site de France Stratégie à l’adresse suivante :

https://www.strategie.gouv.fr/publications/mediation-accomplie-discours-pratiques-de-mediation-entre-citoyens-administrations


([1]) Ce qui précède est donc un préalable.

([2]) Loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance.

([3]) Disponible à partir du site : m.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/content/download/35580/265638/file/...

([4]) Pour la présentation de la mission, cf. infra.

([5]) AT/MP : accidents du travail et maladies professionnelles.

([6]) CMU-C : couverture maladie universelle complémentaire.

([7]) Cf. infra.

([8]) « La médiation », Michèle Guillaume-Hofnung, Coll. Que sais-je ?, PUF, 2019.

([9]) In « Penser la médiation », sous la direction de Fathi Ben Mrad, Hervé Marchal et Jean‑Marc Stébé, Ed. de L’Harmattan, 2008.

([10]) « La médiation institutionnelle », J.-L. Walter, mémoire du Conservatoire national des arts et métiers.

([11]) La mission d’évaluation de la MNC ne fait pas exception à la règle ; à propos de la branche maladie, elle a écrit : « il y a lieu de noter que ces décisions en équité ne sont pas soumises au contrôle de légalité ».

([12]) Un peu plus de 30 000 saisines pour :

– 6 500 000 inscriptions ;

– 8 360 120 demandes d’allocations ;

– 1 386 368 entrées en formation (attestations d’inscription et d’entrée en stage) ;

– 732 291 prestations d’aide à la recherche d’emploi.

([13]) Voir décision du Défenseur des droits n° 2018‑226, 3 septembre 2018.

([14]) https://observatoire.numerique.gouv.fr/observatoire/

([15]) Voir infra les remarques des médiateurs sur la non‑réponse, au B. 3.

([16]) « Lorganisation hétérogène du traitement des réclamations minimise la mesure de linsatisfaction des usagers. »

([17]) Rapport d’information n° 2297 sur l’évaluation de l’accès aux services publics dans les territoires ruraux, octobre 2019, p. 93.

([18]) Ibidem p. 115.

([19]) « Territoires, bienêtre et politiques publiques », Yann Algan, Clément Malgouyres, Claudia Senik, Les Notes du Conseil d’analyse économique, n° 55, janvier 2020.

([20]) Soit les demandeurs d’emploi de catégorie A, B et C.

([21]) Source : Jaune budgétaire Opérateurs de l’État.

([22]) Communication de M. Stéphane Viry, député, à l’issue de sa mission « flash » sur Pôle emploi, 19 février 2019.

([23]) Courant 2017.

([24]) ETPMA : équivalent temps plein moyen annuel.

([25]) IGAS, Évaluation de la convention d’objectifs et de gestion 2014-2017 de la CNAMTS - Qualité de service et organisation du réseau, septembre 2017.

([26]) « Territoires, bienêtre et politiques publiques », Yann Algan, Clément Malgouyres et Claudia Senik, Les notes du Conseil d’analyse économique n° 55, janvier 2020.

([27]) « Territoires ruraux : perceptions et réalité de vie », Familles rurales-IFOP, octobre 2018.

([28]) Rapport d’information n° 2167 sur les coûts économiques, sociaux et budgétaires des blocages, violences et dégradations commis en marge du mouvement des « gilets jaunes » du 17 juillet 2019.

([29]) Cf. infra : selon les chiffres d’expérimentation de la MPO ; la moitié des différends ont porté sur le défaut ou les erreurs de déclaration de ressources ; la vie maritale occupe également une place importante.

([30]) « Il existe des difficultés que la lenteur, linertie, la complication ou lanonymat des mécanismes administratifs ne permettent ni à la juridiction la plus attentive ni à ladministrateur le plus diligent de résoudre », écrivait le rapporteur du projet de loi instituant un médiateur.

([31]) Voir notamment « Régler autrement les conflits : conciliation, transaction, arbitrage en matière administrative », étude adoptée par l’assemblée générale du Conseil d’État le 4 février 1993, et celle du 29 juillet 2010 consacrée au développement de la médiation dans le cadre de l’Union européenne.

([32]) « Les enjeux de la médiation en droit administratif », Georgina Benard-Vincent, La Grande Bibliothèque du droit, 28 juillet 2017.

([33]) « Les modes alternatifs de règlement des litiges administratifs : pour un équilibre des parties ? », Audrey Dameron, Petites affiches n° 101, 22 mai 2017.

([34]) « La médiation administrative : panorama des récentes évolutions », David Taron et Jean Grésy, Petites affiches n° 169‑170, 25 août 2017.

([35]) « La médiation en droit public : dune chimère à une obligation ? », Bertrand Nuret, La Semaine juridique ‑ Administrations et collectivités territoriales n° 9, 4 mars 2019.

([36]) Ibidem.

([37]) « Réflexions pour la justice administrative de demain », Odile Piérart, Conseil d’État, novembre 2015, p. 15 et suivantes.

([38]) Intervention de Jean‑Marc Sauvé en ouverture des sixièmes États généraux du droit administratif, 24 juin 2016.

([39]) Op. cit.

([40]) « La médiation en droit public : dune chimère à une obligation ? », Bertrand Nuret, La Semaine juridique ‑ Administrations et collectivités territoriales n° 9, 4 mars 2019.

([41]) « Deux RAPO pour le prix dun », Jean‑Michel Belorgey, AJDA n° 39, 2016.

([42]) Ibidem.

([43]) « La médiation en droit public : dune chimère à une obligation ? », Bertrand Nuret, La Semaine juridique ‑ Administrations et collectivités territoriales n° 9, 4 mars 2019.

([44]) Article 34 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice.

([45]) Article 8 du décret du 16 février 2018 précité.

([46]) Article 1er : « Les services de lÉtat et les établissements publics à caractère administratif de lÉtat sont autorisés, par le présent acte réglementaire unique, à créer des téléservices destinés à la mise en œuvre du droit des usagers à les saisir par voie électronique. [...] Ces traitements automatisés permettent aux usagers deffectuer à leur initiative et quelle que soit leur situation géographique des démarches administratives dématérialisées de toutes natures... ».

([47]) « La médiation », Michèle Guillaume-Hofnung, Coll. Que sais-je ?, PUF, 2019.

([48]) Ibidem, p. 36.

([49]) Si les deux termes sont souvent indifféremment utilisés, la conciliation ne fait pas nécessairement appel à un tiers et limite son champ d’intervention à un litige précis.

([50]) La définition juridique de la médiation – Les Affiches parisiennes – 13 juillet 2018.

([51]) Loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, art. 81.

([52]) « La médiation », Michèle Guillaume-Hofnung, Coll. Que sais-je ?, PUF, 2019.

([53]) « La médiation », Michèle Guillaume-Hofnung, Coll. Que sais-je ?, PUF, 2019, p. 117.

([54]) Les Petites affiches, 2 janvier 2020.

([55]) Un livre blanc de la médiation, rédigé par le collectif Médiation 21, a été remis en octobre 2019 à Madame la Garde des sceaux ; il propose la création d’un organe de régulation, le Conseil national de la médiation, d’un Comité d’éthique et de déontologie de la médiation, l’agrément des formations à la médiation et l’adoption d’un code unique de déontologie.

([56]) « Médiation accomplie ? Discours et pratiques de la médiation entre citoyens et administrations », rapport de France Stratégie, p. 49.

([57]) « La défaillance du forfait de poststationnement : rétablir les droits des usagers », rapport du Défenseur des droits, janvier 2020.

([58]) Art. 23 bis devenu l’art. 81 de la loi n° 2019‑1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

([59]) Assises nationales de la médiation administrative, 18 décembre 2019.

([60]) Cf. Discours et pratiques de la médiation entre citoyens et administrations, France Stratégie.

([61]) La suspension n’efface pas le délai déjà couru, contrairement à l’interruption.

([62])  La directive n° 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale et la directive n° 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

([63]) Ordonnances n°s 2011‑1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, et l’ordonnance n° 2015‑1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.