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N° 2735

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mars 2020.

 

RAPPORT DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur lévaluation de la loi  2016-1888 du 28 décembre 2016
de modernisation, de développement et de protection
des territoires de montagne

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, Mme Frédérique LARDET,
M. Vincent ROLLAND et M. Jean-Bernard SEMPASTOUS

Députés.

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. le renouveau des instances reprÉsentatives de la montagne est engagÉ

A. les dispositions de la loi et leur application

B. les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1. Le Conseil national de la montagne a été conforté comme une instance vivante de dialogue

2. La composition élargie et la consultation régulière des comités de massif en font des instances de premier plan

C. les points dattention et propositions des rapporteurs

1. Une meilleure consultation du CNM et une composition plus représentative de lensemble des massifs sont souhaitables

2. Les comités de massif doivent veiller à faire vivre les commissions spécialisées

3. La place de la montagne au sein de lAgence nationale de la cohésion des territoires doit être garantie

II. lAdaptation des normes et de la fiscalitÉ aux territoires de montagne nest encore que partielle

A. les dispositions de la loi et leur application

B. les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1. Une seule adaptation de la loi a été effectuée, en Corse

2. Ladaptation de la fiscalité aux territoires de montagne est engagée, bien que partielle

a. Le calcul de la DGF favorise légèrement les territoires de montagne

b. Toutes les collectivités de montagne ne sont pas défavorisées sagissant du fonds de péréquation communal et intercommunal

C. les points dattention et propositions des rapporteurs

1. Une véritable culture de la différenciation et de ladaptation du droit doit être développée au plus haut niveau de ladministration

a. Les demandes des collectivités territoriales en faveur dune adaptation du droit sont, selon les administrations, peu nombreuses

b. Les collectivités et acteurs locaux estiment au contraire quun refus est opposé à leurs demandes dadaptation

c. Lespoir de voir le droit à la différenciation se concrétiser réside dans la loi dite « 3D » à venir

2. Ladaptation de la fiscalité doit être opérée plus finement et la réforme de la géographie prioritaire appelle à la vigilance

a. Malgré des modulations, la fiscalité ne prend pas encore suffisamment en compte les problématiques des territoires de montagne

b. La fin du dispositif des zones de revitalisation rurale et la réforme de la géographie prioritaire requièrent une vigilance particulière

III. lurbanisme en montagne prÉsente un bilan mitigÉ

A. les dispositions de la loi et leur application

B. les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1. La réforme des UTN a fait lobjet dune bonne appropriation et garantit une meilleure planification des projets

a. La planification dans les documents durbanisme et les procédures dévolution de ces documents ont été mises en œuvre

b. Les autorisations administratives subsidiaires dans les territoires non couverts par un document durbanisme ont été délivrées

C. les points dattention et propositions des rapporteurs

1. Des difficultés persistent sagissant des UTN

a. Lannulation du décret du 10 mai 2017 rend nécessaire ladoption rapide dun nouveau décret

b. Des difficultés techniques et stratégiques sont également à lever

2. Les dispositions relatives à lurbanisation en continuité nont pas permis dendiguer « lasphyxie des possibilités de construction en montagne »

3. Larticulation du droit de lurbanisme en montagne avec linstruction « zéro artificialisation nette » doit être précisée

4. Des dispositions de la loi demeurent à ce jour inappliquées

IV. le soutien À lactivitÉ touristique peut Être amÉliorÉ

A. les dispositions de la loi et leur application

B. les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1. La compétence tourisme fait désormais lobjet dun partage satisfaisant

2. Laccueil des mineurs en refuge semble avoir été ouvert avec succès

3. Les servitudes durbanisme ont permis le développement du tourisme en été

C. les points dattention et propositions des rapporteurs

1. Les classes de découvertes doivent être favorisées et le calendrier scolaire adapté aux problématiques de la montagne

2. La réhabilitation de limmobilier de tourisme reste un enjeu prioritaire à traiter

a. La loi « Montagne II » na pas permis de répondre à la question de la réhabilitation de limmobilier de tourisme

b. Il convient daccentuer laccompagnement des propriétaires et de changer de modèle économique vers celui de linvestisseur unique

3. Les travailleurs saisonniers demeurent dans une situation complexe et, le plus souvent, précaire

a. Lexpérimentation du régime de lactivité partielle pour les remontées mécaniques na, regrettablement, pas été prolongée

b. Les dispositions relatives au travail saisonnier nont été que faiblement appliquées ou nont pas porté leurs fruits

V. laccÈs aux services publics demeure trÈs inÉgal

A. les dispositions de la loi et leur application

B. les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1. La carte scolaire est relativement bien adaptée aux zones de montagne

2. La sécurité en montagne est assurée de manière satisfaisante

C. les points dattention et propositions des rapporteurs

1. Laccès aux soins doit faire lobjet dune attention particulière

a. Les dispositions de la loi nont été que peu appliquées ou nont pas atteint les objectifs fixés

b. Il semble préférable de favoriser le droit commun, tout en prévoyant son adaptation aux zones de montagne

2. Le décret relatif aux équipements des véhicules en période hivernale est toujours attendu

VI. la couverture numÉrique des territoires de montagne doit encore être amÉliorÉe

A. Les dispositions de la loi et leur application

B. les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1. La couverture numérique mobile a été améliorée grâce au New Deal mobile

a. Le dispositif de couverture ciblée du New Deal mobile en zone de montagne traduit la mise en œuvre concrète de larticle 29

b. Lexonération dIFER a permis dobtenir des effets significatifs

2. La couverture numérique fixe des territoires saméliore mais reste lacunaire

a. La couverture numérique fixe des territoires de montagne progresse grâce au plan France très haut débit

b. Cette progression doit encore faire lobjet defforts renforcés

C. les points dattention et propositions des rapporteurs

1. La qualité du réseau filaire fixe est à améliorer de manière urgente

2. La fiabilité des données en zone de montagne doit être renforcée

3. Des expérimentations doivent être menées en zone de montagne, en particulier sagissant du déploiement de la 5G

4. Les pouvoirs publics doivent sengager en faveur dune meilleure compensation des handicaps des zones de montagne

VII. le soutien aux activités agricoles napporte pas totale satisfaction

A. les dispositions de la loi et leur application

B. les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1. Certaines mesures de soutien aux activités agricoles ont porté leurs fruits

2. La gestion de la forêt présente quelques points de satisfaction

C. les points dattention et propositions des rapporteurs

1. Les soutiens à lagriculture ne suffisent pas à compenser les handicaps

a. Un soutien politique doit être affiché en faveur de la montagne verte

b. Les soutiens financiers sont trop faibles et dilués

c. Lobligation de boisement compensateur reste une contrainte trop stricte

2. Léquilibre entre préservation du loup et protection du pastoralisme nest pas encore trouvé

a. La loi na pas suffi à assurer la protection du pastoralisme

b. Le plan loup ne donne pas satisfaction aux agriculteurs de montagne

c. La définition dune stratégie en faveur du pastoralisme devient impérative

3. Le décret relatif à la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, toujours attendu, doit être pris urgemment

4. La forêt de montagne doit être davantage valorisée

VIII. lenvironnement est un sujet de prÉoccupation qui saccentue et appelle À des évolutions comportementales

A. les dispositions de la loi et leur application

B. les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1. Le démontage des remontées mécaniques obsolètes témoigne dune prise de conscience partagée

C. les points dattention et propositions des rapporteurs

1. Le climat est une préoccupation majeure qui appelle à des évolutions comportementales

a. Le changement climatique est bel et bien engagé

b. Deux ressources sont affectées au premier plan : leau et la forêt

2. Lactivité en montagne doit être diversifiée

a. Le modèle touristique actuel est appelé à évoluer

b. Des mesures complémentaires pour le développement du tourisme en dehors des périodes denneigement sont nécessaires

conclusion

SynthÈse des recommandations

liste des personnes auditionnÉes

 


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   introduction

Le présent rapport a pour objet de conduire lévaluation parlementaire de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (aussi appelée « loi Montagne II » ou « acte II de la loi Montagne »). Conformément à l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale, cette évaluation s’effectue dans un délai de trois ans suivant l’entrée en vigueur de la loi. Elle est menée, classiquement, par deux rapporteurs, dont l’un appartient à un groupe d’opposition. La commission des affaires économiques a, de manière exceptionnelle, nommé dans ces fonctions quatre rapporteurs : Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Frédérique Lardet, M. Vincent Rolland et M. Jean-Bernard Sempastous, soit deux députés de la majorité et deux députés de l’opposition.

L’acte II de la loi Montagne avait été adopté dans un contexte particulier, qui traduisait, à lui seul, les spécificités et les richesses de ces territoires.

En effet, trente ans après l’adoption de la « première loi Montagne », la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, et malgré quelques modifications intervenues de manière éparse entre‑temps, il était apparu impératif de procéder à une remise à jour de ses dispositions pour tenir compte des évolutions, voire des véritables mutations, intervenues dans les domaines du numérique, de l’emploi, de l’agriculture, ou encore des services publics. Une mission avait alors été confiée par le Premier ministre à deux parlementaires, Mme Annie Genevard, députée du Doubs, membre de l’opposition, et Mme Bernadette Laclais, députée de la Savoie, membre de la majorité, qui lui avaient remis leur rapport, intitulé « Un acte II de la loi Montagne : pour un pacte renouvelé de la nation avec les territoires de montagne » le 27 juillet 2015. Ce rapport avait servi de fondement à la rédaction de la loi, à laquelle le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, M. Jean‑Michel Baylet, avait également associé l’Association nationale des élus de montagne (ANEM), dans un processus relativement inédit de coconstruction transpartisane, qui devait par la suite être étendu à la rédaction des décrets d’application du texte.

Le projet de loi, qui comportait initialement 25 articles, avait été considérablement enrichi dans le cadre de la navette parlementaire, pour en compter à sa promulgation 95. Après une lecture dans chaque assemblée, un compromis avait été trouvé en commission mixte paritaire, traduisant, une fois encore, la solidarité des élus de la montagne sur des sujets pourtant complexes et porteurs d’enjeux et de débats. Le texte avait, finalement, été adopté à l’Assemblée nationale, à l’unanimité moins une voix.

La loi Montagne II avait pour objet principal de rappeler la spécificité des territoires de montagne, de manière à lutter contre leur banalisation et leur dissolution dans la notion de « zones rurales ». Elle renforçait le droit d’adaptation des politiques publiques aux particularités de ces territoires, pour en faire un instrument concret dans une série de domaines listés, plutôt qu’un objectif programmatique flou. Loin de ne s’intéresser qu’à la « montagne blanche » et aux stations de sports d’hiver, elle comportait des dispositions ambitieuses en faveur de la « montagne verte » et des activités agricoles et forestières, mais aussi de l’environnement. Elle prêtait également une attention toute particulière aux habitants de ces territoires, de haute montagne comme de moyenne montagne, pour lesquels plusieurs articles visaient à renforcer l’accès aux services publics (soins, éducation), au marché du travail (emplois saisonniers, frontaliers, développement des activités économiques, etc.) ou encore à établir une couverture numérique de qualité.

Il s’agissait de créer un ensemble juridique global et cohérent, aussi complet que possible, à destination de l’ensemble des territoires de montagne et de l’ensemble de leurs habitants – et non, contrairement à ce qui a parfois été avancé, au profit des seules stations de ski ou des seuls vacanciers. Ces territoires, s’ils présentent une grande diversité, comportent tout de même une homogénéité certaine en matière de densité de population, de climat ou de topographie.

Le présent rapport fait suite à un premier rapport dit « d’application de la loi », réalisé en application de l’article 145-7, alinéa 1 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui avait pour objet de contrôler la bonne publication des décrets d’application nécessaires pour permettre la pleine entrée en vigueur de la loi, six mois après son adoption ([1]). Les rapporteurs de l’époque, Mme Marie‑Noëlle Battistel et M. Jean‑Bernard Sempastous, également rapporteurs du présent rapport, soulignaient alors que « si la loi est correctement appliquée sagissant des mesures techniques qui constituent lessentiel du présent rapport, la spécificité des territoires de montagne nest pas toujours correctement prise en compte ». À la date de publication de ce premier rapport, 4 décrets sur les 10 prévus par la loi avaient été publiés.

Un peu plus de trois ans après l’adoption de cette loi, l’heure est désormais venue d’en dresser une évaluation, de manière aussi objective que possible, pour souligner les avancées qu’elle a rendu possibles, mais également mettre l’accent sur les sujets qui restent source de difficultés pour les territoires de montagne et les populations qui y vivent.

Sur le plan quantitatif, à la date de publication du rapport d’évaluation de la loi, ce sont 7 décrets sur les 10 requis qui sont parus. Ce chiffre masque une réalité contrastée : deux décrets sur les trois manquants ([2]) sont d’une importance majeure pour les territoires de montagne et sont particulièrement attendus par les acteurs concernés : le décret relatif à l’exonération de taxe sur la consommation intérieure de produits énergétiques (TICPE) pour les activités de collecte du lait en montagne et le décret relatif aux obligations d’équipements des véhicules en période hivernale et en zone de montagne.

Sur le plan qualitatif, l’exercice d’évaluation n’est pas aisé, pour plusieurs raisons :

– certains articles, appliqués, ne présentent que peu d’effets car ne concernent qu’un petit nombre de bénéficiaires. C’est le cas, notamment, des articles relatifs à l’accès aux soins, qui prévoient des modalités particulières d’exercice pour les médecins de montagne ou des articles relatifs à certains contrats de travail pour les travailleurs saisonniers (contrat de travail intermittent ou groupement d’employeurs). D’autres articles viennent simplement conforter des pratiques existantes, notamment dans les domaines de l’agriculture ou de la forêt, et n’ont pas entrainé de modifications significatives ;

– d’autres articles présentent des effets positifs, mais en partie parce qu’ils sont conciliés avec des dispositifs mis en œuvre ultérieurement, spécifiques ou non à la montagne. Ceci est le cas du numérique par exemple, le New Deal mobile instauré en 2018 ayant été largement initié par la loi Montagne II ;

– certains sont entrés en vigueur de manière trop récente pour qu’un bilan suffisamment étayé puisse en être tiré, en particulier dans les secteurs où le temps long prévaut, comme en matière d’urbanisme ;

– d’autres semblent ne pas atteindre les effets escomptés, sans qu’il ne soit possible de déterminer s’il s’agit d’un effet de leur insuffisante mise en œuvre, ou de leur inefficacité intrinsèque.

Sous ces réserves, et après avoir mené plus d’une quarantaine d’auditions, de représentants de l’administration comme d’acteurs locaux, le bilan que dressent vos rapporteurs est relativement mitigé.

Le principal regret quils émettent, déjà en germe dans le rapport dapplication de la loi, est la difficulté à mettre en œuvre le principe de différenciation, et le droit dadaptation – des normes comme de la fiscalité – dont disposent les territoires de montagne. Ce droit, instauré par la loi Montagne de 1985, précisé et renforcé par la loi Montagne II de 2016, peine à s’appliquer. Si les administrations estiment que ceci serait dû à une absence de demande des élus et acteurs locaux, vos rapporteurs ont également entendu, de la part de ces mêmes élus et acteurs locaux, une forte critique à l’encontre des refus opposés par l’administration à leurs requêtes et, de manière générale, du manque de culture de la montagne et de la réticence de principe à l’application différenciée du droit. C’est pourquoi, alors que la loi avait suscité de fortes attentes, et demeure, par la combinaison de ses actes I et II, l’une des lois emblématiques de la Ve République, beaucoup soulignent éprouver une véritable déception face à sa concrétisation sur le terrain.

S’agissant des différents secteurs thématiques abordés par la loi, qui sont nombreux, tous peuvent faire l’objet d’un même constat : des avancées ont, le plus souvent, été permises par lacte II de la loi Montagne, notamment en matière de numérique, durbanisme, daccès aux services publics, ou de tourisme, mais elles demeurent généralement modestes face aux difficultés qui persistent, et doivent encore être accentuées ou ajustées.

Enfin, une préoccupation demeure forte : celle du changement climatique. Si son ampleur et sa rapidité sont inconnues, celui-ci est inéluctable et frappe en premier lieu les territoires de moyenne montagne et les territoires côtiers. Ce changement climatique, qui fait l’objet depuis plusieurs années déjà d’une véritable prise de conscience chez tous les acteurs de la montagne, et qui n’était que partiellement traité par la loi de 2016, impose une évolution, tant dans le modèle touristique, que dans celui, plus large, de la gestion des ressources. À l’heure où la France prend la présidence de la Stratégie de l’union européenne pour la région alpine (la Suera), pour un mandat d’un an au cours duquel elle souhaite accélérer la transition écologique de la région alpine, la montagne devient également, plus que jamais, un enjeu transfrontalier qui requiert des partenariats avec les États de l’Union européenne qui partagent avec la France des massifs communs ou qui, plus simplement, sont confrontés aux mêmes préoccupations.

Sans revendiquer l’élaboration d’un acte III de la loi Montagne, qui serait à la fois prématuré et sans doute contre-productif à l’heure où les dispositions de l’acte II peinent encore à être connues et appliquées, vos rapporteurs soulignent toutefois la nécessité de ne pas « baisser la garde » et de poursuivre les efforts collectifs, au niveau local comme national, pour que la reconnaissance des spécificités de la montagne soit enfin effective.


I.   le renouveau des instances reprÉsentatives de la montagne est engagÉ

A.   les dispositions de la loi et leur application

La loi Montagne II comporte plusieurs dispositions de nature à renouveler les instances représentatives de la montagne, regroupées au sein de son titre Ier.

Elle modifie ainsi les dispositions relatives aux missions, à la composition et au fonctionnement du Conseil national de la montagne (CNM), pour spécifier que le CNM est le lieu de concertation privilégié entre le Gouvernement et les représentants de la montagne sur l’avenir des territoires de montagne et les politiques publiques à mettre en œuvre (art. 10). Elle prévoit la représentation des conseils régionaux et départementaux concernés par un ou plusieurs massifs ainsi que des trois établissements consulaires et du Parlement ([3]) au sein du CNM et impose sa consultation sur les décrets et projets de loi spécifiques à la montagne. Elle lui fixe un rythme de réunion au minimum annuel. Enfin, elle consacre au niveau législatif la constitution d’une commission permanente, à laquelle le CNM peut déléguer tout ou partie de ses compétences et habilite le président de cette commission permanente à saisir le Conseil national d’évaluation des normes.

Par ailleurs, la loi modifie également les dispositions relatives aux missions, à la composition et au fonctionnement des comités de massif (art. 11). Elle renforce le rôle du comité de massif en prévoyant sa consultation sur les projets de directives territoriales d’aménagement et de développement durable (DTADD), sur les conventions interrégionales, les programmes européens spécifiques au massif et les contrats de plan État-région. En outre, son association à l’élaboration des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) est obligatoire et son association à l’élaboration des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) est possible. La loi rend également obligatoire la constitution d’au moins trois commissions spécialisées, consacrées, respectivement, aux espaces et à l’urbanisme, au développement des produits de montagne et aux transports et mobilités. Elle élargit la composition du comité de massif à des représentants des trois établissements consulaires ainsi qu’à deux députés et deux sénateurs.

Les textes d’application de ces articles ont été adoptés. Il s’agit du décret n° 2017-754 du 3 mai 2017 relatif à la composition et au fonctionnement du Conseil national de la montagne, complété par larrêté du 21 septembre 2018 portant nomination au Conseil national de la montagne, ainsi que du décret n° 2017-755 du 3 mai 2017 relatif à la composition et au fonctionnement des comités pour le développement, laménagement et la protection du massif des Alpes, du Massif central, du massif du Jura, du massif des Pyrénées et du massif des Vosges.

B.   les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

Trois ans après l’adoption de la loi, les effets de ces dispositions sont majoritairement reconnus comme positifs.

La loi a permis de conforter un modèle de gouvernance des politiques publiques de montagne inédit en Europe, sans équivalent. Comme l’indique le commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), « les dispositions de la loi du 9 janvier 1985 ont introduit un modèle unique de gouvernance, au sein de lUnion européenne, avec une politique dédiée aux territoires de montagne et des institutions spécifiques. La loi du 28 décembre 2016 a conforté ces institutions dédiées et a élargi leurs missions ». Depuis l’adoption de la loi, les acteurs se sont pleinement saisis de ces nouvelles dispositions et les font vivre de manière active : « lensemble des instances fonctionnent bien, la comitologie est opérationnelle ce qui permet de faire émerger de nouvelles synergies entre les décisions des différents échelons territoriaux, une culture commune aux acteurs du massif et des sujets et projets de coopération ».

Lors du congrès de l’ANEM d’octobre 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, indiquait également : « ces textes fondateurs ont permis de doter la France dinstitutions de la montagne dont le modèle de gouvernance est unique en Europe : ce modèle réunit à la fois lÉtat, les collectivités territoriales et les acteurs économiques, sociaux et environnementaux autour des enjeux de préservation et de valorisation des massifs ». Son cabinet, auditionné par vos rapporteurs, estime que le système institutionnel est désormais clair, renforcé, lisible : du point de vue de l’État, c’est un « système qui vit bien », qui donne à la France une expertise pour laquelle elle est, en Europe, très attendue et entendue lorsqu’elle parle de « sa » montagne.

1.   Le Conseil national de la montagne a été conforté comme une instance vivante de dialogue

En ce qui concerne plus particulièrement le CNM, trois ans après l’adoption de la loi, les articles semblent pleinement appliqués et les effets recherchés atteints.

S’agissant du rythme des réunions, comme l’indique M. Joël Giraud, président de la commission permanente, « depuis la réunion du CNM le 12 octobre 2018 dans le Puy-de-Dôme qui a entériné sa nouvelle composition, la commission permanente sest réunie deux fois en 2019 :

 le 10 janvier à Vallouise (Hautes-Alpes), réunion durant laquelle six groupes de travail thématiques ont été mis en place : développement économique, emploi et saisonniers ; activités agricoles, pastoralisme, forêts et paysages ; coopération européenne et transfrontalière ; mobilités ; accès aux services ; fiscalité ;

 le 17 mai à la Loge des Gardes (Allier), pour faire un bilan de lactivité de ces groupes et aborder les thèmes de la diversification des activités touristiques, de lhébergement des mineurs en refuge et de la réorganisation de la présence territoriale de Météo France ».

Les divers groupes thématiques ont tenu chacun deux à cinq réunions entre leur installation début 2019 et la publication de ce rapport début 2020.

Par ailleurs, depuis 2017, les textes d’application prévus par la loi Montagne II, de même que les dispositions législatives et réglementaires affectant la montagne, ont bien été présentés à la commission permanente du CNM. Le CNM ou sa commission permanente se sont ainsi prononcés sur 8 projets de décrets et une circulaire entre 2017 et 2019.

2.   La composition élargie et la consultation régulière des comités de massif en font des instances de premier plan

L’ensemble des dispositions ont, également, été mises en œuvre rapidement par les comités de massif et, avec un recul de trois ans, le bilan qu’en tirent vos rapporteurs est globalement satisfaisant.

Ainsi, s’agissant des commissions spécialisées, comme l’indique le CGET, « toutes les commissions obligatoires ont été installées dans chacun des massifs ». Par ailleurs, des commissions sectorielles ad hoc (santé, culture, sport, tourisme) ou des groupes de travail (sur les fonds européens notamment) sont installés en tant que de besoin. Ces commissions sont régulièrement réunies : « selon la taille du massif et lintensité de lactualité, on observe entre 1 à 2 comités de massif pléniers par an, 2 à 3 réunions de la commission permanente et au moins une réunion annuelle de chaque commission thématique […]. Lieux déchanges sur les sujets et projets structurants, toutes ces enceintes contribuent à faire émerger des propositions sur les grands enjeux identifiés, des mesures à mettre en place pour la prochaine programmation et plus largement une culture partagée au sein du massif ».

De plus, selon M. Joël Giraud, « lélargissement de la composition des comités de massif avec une association plus large des acteurs de la montagne est apprécié pour la pluralité de la représentation des comités de massif et les partenariats et synergies que cela développe ». De même, l’Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM) « se réjouit de cette nouvelle composition intégrant les associations délus mais souhaiterait que les préfets veillent à assurer la plus grande diversité possible dans la sélection des associations délus afin dassurer la représentation de la typologie la plus complète de communes ». L’ANMSM s’est, en effet, positionnée dans tous les massifs à l’exception du comité de massif des Alpes, où le respect des équilibres entre Alpes du Nord et Alpes du Sud ne lui permettait pas de disposer d’un siège. Les associations forestières et les associations environnementales estiment également que leur présence n’y est pas assez importante.

S’agissant des consultations du comité de massif, le CGET indique que « dans le cadre des négociations qui sengagent, les contrats de plan Étatrégion et interrégionaux ont fait lobjet de présentations et déchange nourris, notamment pour articuler au mieux laction des massifs et celles des régions en favorisant leur complémentarité ». Ces négociations sur les nouveaux contrats de plan État-région, qui auront essentiellement lieu en 2020, seront l’occasion d’observer la traduction concrète de la loi sur ce point. De plus, si les modalités de consultations sur les SRADDET ont été variables selon les massifs, cette consultation s’est systématiquement opérée. Comme l’indique le comité de massif des Vosges, « nous sommes effectivement saisis pour avis et commentaires pour lensemble des documents de planification et SRADDET […]. Lavis du comité de massif est bien intégré dans les documents finaux ». Seule une nuance peut être formulée : de l’aveu même du CGET, « on note cependant que les comités ont été un peu moins associés sur les schémas régionaux de développement économique, dinnovation et dinternationalisation (SRDEII) », la loi Montagne II ne rendant pas cette association obligatoire.

Enfin, vos rapporteurs soulignent que les liens entre comités de massifs et CNM sont bons et fréquents. D’une manière générale, les échanges s’opèrent à travers les groupes de travail de la commission permanente du CNM, qui constituent des relais de sujets traités au sein des comités de massif, dès lors qu’ils présentent également une dimension nationale.

C.   les points d’attention et propositions des rapporteurs

1.   Une meilleure consultation du CNM et une composition plus représentative de l’ensemble des massifs sont souhaitables

Si, de manière générale, la loi a porté des fruits s’agissant des instances représentatives de la montagne, vos rapporteurs notent deux points d’attention et de vigilance concernant le CNM. En effet, M. Joël Giraud, président de sa commission permanente, estime que « pour lélaboration des textes non prévus par la loi Montagne, mais qui intéressent la montagne, les groupes thématiques pourraient être mieux consultés ».

Vos rapporteurs souhaitent que cette demande soit entendue et que l’association des groupes thématiques du CNM à la rédaction de textes réglementaires soit plus systématique.

    Proposition n° 1 : Consulter davantage les groupes thématiques du Conseil national de la montagne, s’agissant de l’élaboration de textes réglementaires affectant les territoires de montagne.

Comme l’indique également M. Joël Giraud, s’agissant des territoires d’outre-mer, seule l’île de La Réunion participe aux travaux du CNM. La Martinique et la Guadeloupe n’ont pas désigné de représentants au sein du CNM au titre des représentants des collectivités territoriales régionales. Ces territoires seront contactés par le CNM pour s’assurer que cette non-participation est bien intentionnelle.

Vos rapporteurs souhaitent qu’une attention soit portée à la bonne représentation de tous les massifs, y compris d’outre-mer, au sein du CNM.

    Proposition n° 2 : Veiller à une bonne représentation et participation des territoires d’outre-mer aux travaux des instances représentatives de la montagne.

2.   Les comités de massif doivent veiller à faire vivre les commissions spécialisées

En ce qui concerne les comités de massif, alors même que tous les comités de massif ont mis en place les commissions spécialisées imposées par la loi, vos rapporteurs ont été alertés sur le manque de dynamisme de certaines de ces commissions, qui ne seraient pas réellement actives.

Ainsi, le comité de massif du Massif central estime qu’il y aurait de grandes disparités entre les massifs, dans l’usage et le rôle des commissions spécialisées, notamment celle relative aux produits de montagne. L’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA) le confirme : alors que la loi avait pour objet de « muscler les comités de massif » et de les faire vivre grâce à ces commissions spécialisées, « certains massifs ont bien réussi, dautres sont plus en difficulté ». Cela serait essentiellement dû à une appropriation variable du dispositif selon les territoires et les personnalités individuelles.

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de faire vivre ces commissions spécialisées, en leur fixant éventuellement un rythme de réunion régulier.

    Proposition n° 3 : S’assurer de la bonne appropriation du dispositif des commissions spécialisées par l’ensemble des comités de massif, en fixant éventuellement à ces commissions un rythme de réunion régulier.

3.   La place de la montagne au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires doit être garantie

L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) s’est substituée, au 1er janvier 2020, au commissariat général à l’égalité des territoires, qui assurait jusque-là le secrétariat général du Conseil national de la montagne. Cette instance s’est, d’ailleurs, grandement inspirée du fonctionnement des instances représentatives de la montagne. Comme l’indique le CGET, « le rôle des comités de massif et des commissariats de massif est bien intégré par les collectivités territoriales à tous les échelons et leur action est très appréciée par les élus comme les services de lÉtat qui soulignent la qualité du travail partenarial. Cette gouvernance a dailleurs inspiré les modalités daction de lAgence nationale pour la cohésion des territoires ».

L’ANCT constitue, cependant, une instance nouvelle, au sein de laquelle il importe de s’assurer de la bonne représentation des territoires de montagne et de la bonne prise en considération de leurs spécificités. Mme Jacqueline Gourault a présenté, lors de la réunion du CNM du 10 janvier 2020 à Saint-Dié des Vosges, le rôle quaurait lANCT, en présence de son directeur général, M. Yves Le Breton. La ministre a notamment souligné que les territoires de massifs occuperont « une place particulière » au sein de l’agence, et confirmé la présence de l’ANEM au sein de son conseil d’administration, comme le souhaitait l’association d’élus. Le CGET, qui a intégré l’ANCT, contribuera à mettre en œuvre des politiques adaptées à la montagne, dans le cadre d’un programme « Montagne ». Le premier semestre 2020 devrait permettre de définir les contours de ce programme, en lien avec les associations d’élus concernées. Comme l’indique le CGET, « lANEM sera également associée à lélaboration du programme dédié à ces territoires, tout comme les comités de massif et les commissariats ».

Pour certains, toutefois, la place de la montagne dans l’ANCT n’est pas encore suffisamment claire. De même, comme l’indique le comité de massif du Jura, « la bonne articulation entre les conventions de massif et le programme Montagne prévu par lANCT devra faire lobjet dune vigilance particulière, dans un souci de cohérence des interventions publiques en faveur de la montagne ».

Vos rapporteurs seront vigilants sur la place qui sera faite, concrètement, aux problématiques de la montagne dans une agence renouvelée, aux contours bien plus larges et aux objectifs bien plus nombreux.

    Proposition n° 4 : Veiller à une prise en compte spécifique des enjeux des territoires de montagne par l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

II.   l’Adaptation des normes et de la fiscalitÉ aux territoires de montagne n’est encore que partielle

A.   les dispositions de la loi et leur application

La loi comporte plusieurs articles ayant pour objet de garantir une adaptation des normes et de la fiscalité aux territoires de montagne.

Elle prévoit, en particulier, une adaptation des dispositions de portée générale et des politiques publiques aux spécificités de la montagne ou à la situation particulière de chaque massif ou partie de massif (art. 3), en modifiant l’article 8 de la loi Montagne de 1985, de manière à lister les domaines dans lesquels cette adaptation peut notamment être exercée : numérique et téléphonie mobile, construction et urbanisme, éducation, formation professionnelle, santé, transports, développement économique, social et culturel, développement touristique, agriculture, environnement. Elle prévoit en outre de prendre en compte le cumul de contraintes territoriales spécifiques à la Corse, qualifiée d’« île‑montagne » (art. 5) ainsi que les spécificités des zones de montagne outre‑mer pour l’adaptation des politiques publiques (art. 6).

La loi adapte également certaines dispositions fiscales aux territoires de montagne, en ce qu’elle précise que la dotation globale de fonctionnement (DGF) et le fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC) prennent en compte les surcoûts spécifiques de la montagne et les services environnementaux qu’elle produit (art. 4). De plus, elle proroge pour une période transitoire de trois ans les effets du classement en zone de revitalisation rurale (ZRR) des communes de montagne sorties de la liste établie au 1er juillet 2017 (art. 7).

B.   les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1.   Une seule adaptation de la loi a été effectuée, en Corse

S’agissant des dispositions relatives à l’adaptation des normes et des politiques publiques, peu d’effets positifs sont constatés en pratique : certes, le principe de différenciation et le droit d’adaptation méritaient d’être énoncés explicitement une nouvelle fois dans la loi de 2016, mais ils n’ont pas trouvé à être appliqués de manière concrète, ce que vos rapporteurs regrettent.

Les quelques adaptations qui sont constatées ne sont pas liées à la situation d’une zone de montagne en particulier, ni même à une politique publique : elles concernent la montagne dans son ensemble, sont simplement relatives à des modalités d’organisation, et sont, d’ailleurs, antérieures à la loi de 2016. Ainsi, l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales prévoit, par exemple, une dérogation au seuil minimum de 15 000 habitants pour la constitution d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, pour le fixer à 5 000 habitants, notamment pour les EPCI « comprenant une moitié au moins de communes situées dans une zone de montagne ».

Seul le massif de Corse semble avoir fait l’objet de l’application de l’article 5 de la loi Montagne II. Ainsi, comme l’indique le CGET, l’article 5 de la loi « a fondé lintroduction dune disposition dans la loi évolution du logement et aménagement numérique (ELAN) permettant aux communes corses, assujetties aux lois littorales et montagne et identifiées dans le plan daménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), de se voir appliquer les dispositions de la loi Montagne en ce qui concerne le principe durbanisation en continuité ». En effet, « le législateur a jugé ces dispositions plus souples plus adaptées aux caractéristiques de la partie de ces communes se situant dans les piémonts ».

2.   L’adaptation de la fiscalité aux territoires de montagne est engagée, bien que partielle

Comme l’indique la direction de la législation fiscale (DLF), dans ses réponses au questionnaire transmis par vos rapporteurs, « la loi fiscale sapplique dans les mêmes conditions sur lensemble du territoire, sans quil soit possible didentifier une fiscalité des territoires de montagne. Toutefois, certains dispositifs fiscaux visent à tenir compte de la situation particulière de ces territoires ». Si les communes de montagne forment un ensemble particulièrement hétérogène, et que les niveaux de dotations et de prélèvements peuvent être extrêmement variables de l’une à l’autre, il semble toutefois qu’une partie de leurs contraintes communes soit prise en compte dans le calcul des dotations et prélèvements.

a.   Le calcul de la DGF favorise légèrement les territoires de montagne

Selon M. Joël Giraud, président de la commission permanente du CNM et ancien rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, « les communes de montagne sont globalement favorisées dans la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ». En effet, elles bénéficieraient en moyenne d’une DGF de 174,70 € par habitant, supérieure au montant moyen constaté au niveau national (164,30 €), leur niveau de DGF ayant, en outre, augmenté de 12,30 millions d’euros (M€) entre 2018 et 2019. M. Giraud précise : « une analyse par strate des attributions moyennes de DGF permet ainsi de montrer que les communes de montagne de moins de 5 000 habitants sont globalement mieux dotées quau niveau national, notamment en raison du ciblage de la DGF ».

Par ailleurs, certaines petites communes touristiques de montagne ont bénéficié, en 2019, d’une surmajoration de la population prise en compte pour le calcul de la partie forfaitaire de la DGF. Ainsi, pour les communes de moins de 3 000 habitants dont le potentiel fiscal est inférieur à 1,5 fois le potentiel fiscal par habitant moyen par strate démographique, 0,5 habitant a été ajouté par résidence secondaire, si celles-ci représentent au moins 30 % de la population au sens de la DGF. En 2019, 994 des 1189 communes ayant bénéficié de cette sur-majoration étaient classées en zone de montagne.

De plus, pour le calcul de la dotation de solidarité rurale, dont 94 % des communes de montagne bénéficient en raison des critères d’éligibilité qui leur sont favorables, la longueur de voirie des communes de montagne (qui détermine 30 % des fractions « péréquation » et « cible » de la dotation) est doublée. Cette dotation a, par ailleurs, été augmentée de 90 M€ dans le PLF pour 2020.

De manière plus large, les différents dispositifs qui profitent aux territoires les moins riches et aux territoires ruraux trouvent particulièrement à s’appliquer aux territoires de montagne. Ainsi en est-il, notamment, de la dotation d’équipement des territoires ruraux, qui constitue un levier important pour un grand nombre de communes de montagne, en matière d’accompagnement à l’investissement de proximité : 98,5 % des communes de montagne y sont éligibles et son montant a été stabilisé pour 2020 à 1,30 milliard d’euros (Md€). Par ailleurs, la loi de finances pour 2020 a créé une dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité dotée de 10 M€ et destinée aux communes couvertes par des zones « Natura 2000 » ou par le cœur d’un parc national : les communes de montagne qui subissent des charges au titre de ce zonage spécifique et qui répondent aux critères d’éligibilité pourront ainsi bénéficier de cette dotation.

b.   Toutes les collectivités de montagne ne sont pas défavorisées s’agissant du fonds de péréquation communal et intercommunal

Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) est un fonds de péréquation horizontale entre communes et intercommunalités. Il constitue, en volume, le premier mécanisme national de péréquation horizontale pour le secteur communal.

Selon M. Joël Giraud, certains éléments favorisent spécifiquement les territoires de montagne dans le calcul du FPIC. Ainsi, pour déterminer le niveau du FPIC, le calcul du potentiel financier des communes, et du potentiel financier agrégé des intercommunalités ne prend pas en compte l’ensemble des ressources fiscales du bloc communal. En particulier, la taxe de séjour (426 M€ en 2018 pour le bloc communal) et la taxe sur les remontées mécaniques (37 M€ en 2018) ne sont pas prises en compte dans le panier de ressources. Selon M. Joël Giraud, « lanalyse de la répartition 2019 montre que si le reversement moyen par habitant des ensembles intercommunaux de montagne (20,37 €) est légèrement inférieur à la moyenne (22,51 €), leur prélèvement moyen par habitant (22,70 €) est également inférieur au prélèvement moyen par habitant opéré au niveau national (24,10 €). La situation de ces collectivités territoriales est, par ailleurs, stable dune année sur lautre, puisque lattribution moyenne par habitant était de 21,44 € en 2018 et la contribution moyenne par habitant de 22,59 €. Les territoires de montagne ne sont donc pas défavorisés par le FPIC, puisque ces ensembles intercommunaux contribuent moins que la moyenne et sont bien souvent bénéficiaires ».

Toutefois, ces éléments chiffrés sont à nuancer fortement au regard des spécificités de certaines catégories de communes de montagne (cf. partie suivante).

C.   les points d’attention et propositions des rapporteurs

1.   Une véritable culture de la différenciation et de l’adaptation du droit doit être développée au plus haut niveau de l’administration

a.   Les demandes des collectivités territoriales en faveur d’une adaptation du droit sont, selon les administrations, peu nombreuses

Parmi les acteurs auditionnés, tous regrettent l’absence de mise en œuvre concrète du principe de différenciation. En effet, de l’avis général, la possibilité, ouverte dès 1985, et renforcée en 2016, de tenir compte des spécificités des territoires de montagne pour adapter les dispositions de portée générale et les politiques publiques à ces territoires, n’est qu’insuffisamment exploitée. Selon le CGET, « les acteurs de la montagne ont bien intégré la possibilité dune adaptation des dispositions de portée générale à leurs territoires, même si cette faculté na pas trouvé jusquà présent de domaine de mise en œuvre ».

D’après le cabinet de Mme Gourault et le CGET, ceci serait dû à l’absence de demande, auprès des services du ministère de la cohésion des territoires, d’adaptation d’un dispositif ou d’un autre de la part des élus locaux. Selon le CGET, « le besoin nen a pas encore été identifié, ni par les comités de massif, ni au niveau national. Toutefois, les travaux engagés dans certains groupes thématiques du Conseil national de la montagne pourraient conduire à formuler des demandes en ce sens ». Selon la DGCL, l’une des difficultés, qui pourrait expliquer la faiblesse du recours au mécanisme d’adaptation est l’hétérogénéité du classement en zone de montagne. En effet, ce classement englobe une réalité géographique opposable en droit, mais qui ne correspond pas nécessairement à une homogénéité sociale, d’où une certaine complexité dans la mise en œuvre du droit à la différenciation.

L’article 6 de la loi, qui prévoit la prise en compte spécifique des contraintes des zones de montagne outre-mer, n’a malheureusement pas davantage fait l’objet d’une application.

b.   Les collectivités et acteurs locaux estiment au contraire qu’un refus est opposé à leurs demandes d’adaptation

Pour les comités de massif, les associations d’élus ou d’autres parties prenantes, l’absence d’utilisation de ce mécanisme ne serait pas dû à un manque de demandes de leur part, mais à un refus opposé par l’administration et à un manque de culture de la différenciation au niveau de l’État, particulièrement préjudiciable pour les territoires de montagne.

Ainsi, selon l’ANMSM, l’article 3 peine à être appliqué, notamment parce que « toutes les demandes de lassociation portant sur une adaptation, y compris expérimentale, se heurtent à des refus ». L’association précise : « cest très beau dans le discours, mais toutes les expérimentations sont refusées ».

De même, selon l’ANEM, « force est de constater que la prise en compte de la spécificité de la montagne pour adapter les normes na rien dautomatique et encore moins de spontané. Malgré les termes forts et les indications très claires de la loi, le bilan de lapplication de cette disposition essentielle est plus que mitigé, voire décevant, alors même que les sujets qui la justifient ne manquent pas. La pauvreté du résultat est liée à la résistance de ceux qui, "en responsabilité", ont du mal à admettre que la loi puisse être dédiée à certaines parties du territoire ou appliquée de façon adaptée, au nom de la différence, dans les communes, dans les départements ou dans les régions ayant des zones de montagne ». L’ANEM précise que, si la montagne est assez facilement reconnue comme territoire d’expérimentation, elle « peine à faire reconnaître son droit à la différence », plus ambitieux car ne requérant pas de généralisation à tout le territoire pour perdurer. Elle donne des exemples précis : « outre la loi dorientation des mobilités récemment adoptée, la loi "Engagement et proximité", illustre parmi bien dautres exemples, la difficulté à prendre réellement en compte la spécificité de nos territoires, quil sagisse de reconnaître aux communes la possibilité de choisir de gérer leau ou la promotion touristique par un office touristique, sans tutelle intercommunale ». L’association d’élus explique cela par « lindigence, pour ne pas dire la carence, dans les administrations dune véritable culture montagne et labsence dapproche transversale entre les différents ministères ».

Ces difficultés, déjà particulièrement prégnantes sur le continent, sont ressenties encore plus fortement en Corse, s’agissant, comme l’indiquait le représentant de l’agence du tourisme de Corse, d’un territoire très petit (80 kilomètres de largeur au plus large), avec des contraintes spécifiques et une faiblesse de peuplement très importante (sa densité étant la plus faible de France).

Vos rapporteurs estiment particulièrement regrettable que les collectivités territoriales se heurtent à de tels refus de l’administration, dont l’inertie est grande et les réticences de principe à la mise en œuvre de l’adaptation difficiles à lever, malgré les termes clairs et précis de la loi de 2016. Certes, l’application du principe de différentiation, en montagne comme ailleurs, présente des enjeux pour l’État, aux plans juridique, philosophique et organisationnel. Toutefois, les difficultés juridiques semblent être, au moins partiellement, aplanies par l’avis du Conseil d’État de février 2019 sur le projet de loi relatif aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace, précisant que l’adaptation peut être réalisée à droit constitutionnel constant, sans porter atteinte au principe d’égalité ([4]).

    Proposition n° 5 : Appliquer de manière concrète le principe d’adaptation des dispositions de portée générale et des politiques publiques aux territoires de montagne inscrit dans l’article 3 de la loi Montagne II ; faire droit aux demandes des élus en ce sens, sans y opposer systématiquement l’égalité devant la loi et développer, au sein de l’administration, une plus grande culture de la montagne.

c.   L’espoir de voir le droit à la différenciation se concrétiser réside dans la loi dite « 3D » à venir

Les attentes de vos rapporteurs vis-à-vis du projet de loi à venir, porté par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, relatif à la décentralisation, à la différenciation et à la déconcentration, dit « 3D », sont donc grandes, et mêlées de quelques inquiétudes : cette loi devra rappeler le principe du droit d’adaptation, mais également préciser l’articulation des textes entre eux, et s’appliquer de manière effective pour ne pas décevoir sur le terrain.

En effet, comme l’indique le document de présentation du projet de loi, qui devrait être présenté en conseil des ministres au printemps 2020, la ministre souhaite développer « des modalités dexercice des politiques publiques mieux adaptées à chaque territoire, selon un principe de différenciation ». L’un des trois objectifs assignés est explicite : « promouvoir la différenciation, pour sassurer que chaque territoire dispose de lois et règlements adaptés à ses spécificités ». La différenciation y est toutefois simplement définie comme le fait « dattribuer par la loi des compétences spécifiques à une collectivité territoriale ou la capacité des collectivités territoriales à exercer de manière différente une même compétence », l’expérimentation consistant « un outil de différenciation ». Lors du congrès du Conseil national de la montagne du 10 janvier 2020, la ministre invitait les membres du CNM à lui faire part de leurs projets d’expérimentation et de différenciation spécifiques aux territoires de Montagne : vos rapporteurs n’y manqueront pas.

Selon l’ANMSM, « la loi 3D va peut-être être un véhicule pour bien intégrer la différenciation […]. Les maires sont très impatients de voir ce projet de loi arriver ». L’association espère que le texte permettra d’aller « au bout des choses ». Toutefois, le comité de massif du Massif central s’interroge : comment s’articuleront la politique des territoires et la politique de la montagne, et comment les massifs se positionneront-ils dans ces nouveaux schémas ? La montagne bénéficiera-t-elle d’une place spécifique au sein de la loi 3D ? De même, pour le comité de massif du Jura, si la loi 3D généralise le principe de différenciation, l’existence d’une loi spécifique à la montagne sera-t-elle encore pertinente ?

Vos rapporteurs appellent donc à deux points de vigilance :

– garantir que cette loi à venir permette enfin une mise en œuvre effective du principe d’adaptation des dispositions de portée générale ainsi que des politiques publiques aux spécificités des territoires de montagne ;

– veiller à ce que la montagne, jusque-là seule à disposer de ce droit à la différenciation, ne soit pas diluée dans l’ensemble des territoires ruraux et ne perde ainsi en capacité véritable d’adapter ses politiques publiques à ses spécificités, mais continue à bénéficier d’une prise en compte particulière, adaptée aux contraintes qu’elle subit et aux aménités qu’elle produit pour l’ensemble du territoire national.

    Proposition n° 6 : Veiller à ce que le projet de loi relatif à la décentralisation, à la différenciation et à la déconcentration permette enfin une mise en œuvre effective du principe de différenciation, sans diluer les territoires de montagne au sein de l’ensemble des territoires ruraux, pour en garder leur spécificité.

2.   L’adaptation de la fiscalité doit être opérée plus finement et la réforme de la géographie prioritaire appelle à la vigilance

a.   Malgré des modulations, la fiscalité ne prend pas encore suffisamment en compte les problématiques des territoires de montagne

Pour beaucoup d’acteurs auditionnés, et bien que de premières adaptations de la fiscalité soient notables, le sentiment prédominant est celui d’une prise en considération encore insuffisante des particularités des zones de montagne en raison, d’une part, de compensations trop faibles pour enrayer les efforts budgétaires demandés par ailleurs, et, d’autre part, d’une application trop générale, ne tenant pas compte de l’hétérogénéité de ces territoires.

Ainsi, selon le comité de massif du Jura, « certes, la DGF des communes de montagne est bonifiée, mais ce nest pas suffisant pour pallier la baisse de la DGF qui est enregistrée pour toutes les communes ». À Saint-Claude, dans le Jura, la DGF est ainsi passée d’1,40 M€ en 2018 à 1,36 M€ en 2019. La diminution de la dotation est sans doute attribuable à plusieurs facteurs mais, en tout état de cause, la bonification « montagne » ne suffit pas à la stabiliser. Le comité de massif des Vosges va dans le même sens.

Évolutions de la DGF dans le Jura entre 2018 et 2019

 

2018

2019

Commune de Saint-Claude

1 396 991,00 €

1 358 907,00 €

Commune des Hauts de Bienne

1 301 159,00 €

1 084 301,00 €

Commune de Moirans en Montagne

75 669,00 €

64 676,00 €

Commune de Morbier

147 347,00 €

142 583,00 €

Source : comité de massif du Jura

Selon l’ANEM, « si on peut considérer quil y a lamorce dune certaine prise en compte des surcoûts spécifiques aux collectivités situées en montagne, elle demeure plutôt symbolique, les conditions déligibilité et les enveloppes dédiées demeurant quelque peu malthusiennes. En dernière analyse, la rémunération des aménités positives de la montagne, offertes à la collectivité nationale, reste à concrétiser, au-de laspect quasi symbolique, les enveloppes attribuées relevant le plus souvent de lépaisseur du trait », en moyenne quelques milliers d’euros par commune.

De même, selon l’ANMSM, les ajustements réalisés ne suffisent pas à prendre en compte les contraintes particulières de certaines communes au sein des zones de montagne, notamment s’agissant des communes supports de stations de sports d’hiver. Selon l’association, « les communes supports de stations de montagne doivent réaliser chaque année dimportants investissements. Les maires des stations demandent donc que la population touristique et les charges induites soient davantage prises en compte dans les mécanismes de la DGF et du FPIC. Il est indispensable de permettre aux maires-entrepreneurs de nos stations de préserver leurs capacités dinvestissement ». L’ANEM le confirme : « les stations de montagne, qui investissent lourdement et de façon constante pour demeurer attractives pour attirer les touristes, sont sanctionnées par un système de prélèvement qui augmente avec la capacité dinvestissement ».

Il en va de même pour les communes transfrontalières, trop peu prises en compte dans les dispositifs fiscaux. Selon l’ANEM, elles sont « pénalisées par le mode de calcul [du FPIC] et méritent, elles aussi, une approche particulière. À titre dexemple, la prise en compte du revenu des habitants, supérieur à la moyenne nationale sur ces territoires en raison notamment de leur proximité avec la Suisse, majore la contribution au FPIC alors que la richesse des collectivités nest absolument pas corrélée avec celle des habitants ».

Enfin, vos rapporteurs soulignent la situation difficile dans laquelle se trouvent les communes précaires de montagne, intégrées à des intercommunalités « riches », et qui se trouvent de ce fait contributrices au FPIC.

Si vos rapporteurs sont conscients de l’effort budgétaire qui pèse sur l’ensemble des collectivités territoriales, et admettent la difficulté à augmenter les enveloppes de dotations pour les seuls territoires de montagne, ils appellent toutefois à quantifier de manière plus précise les surcoûts liés aux contraintes qui leur sont propres, de manière à pouvoir ajuster au mieux les dotations et les prélèvements, en distinguant, le cas échéant, plus finement au sein des zones de montagne, pour prioriser le soutien aux collectivités territoriales les plus précaires ou présentant des situations spécifiques (forts investissements pour prendre en compte la population touristique, communes transfrontalières, etc.).

    Proposition n° 7 : Quantifier les surcoûts liés à la montagne plus finement et établir des critères permettant de mieux prendre en compte l’hétérogénéité des zones de montagne pour ajuster au mieux le calcul de la DGF et du FPIC à leurs spécificités, en mettant l’accent sur les communes les plus précaires, les communes soumises à un investissement important pour tenir compte des populations saisonnières, et les communes transfrontalières.

b.   La fin du dispositif des zones de revitalisation rurale et la réforme de la géographie prioritaire requièrent une vigilance particulière

Les zones de revitalisation rurales (ZRR) ont été créées par la loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire. Elles regroupent un ensemble de communes reconnues comme fragiles sur le plan socio-économique. Le classement en ZRR ouvre droit à des exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises et organismes d’intérêt général qui s’installent ou développent leurs activités sur ces territoires.

Au 1er juillet 2017, en raison de la modification des critères, notamment pour prendre en compte l’appartenance ou non à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), plus de 4 000 communes sont sorties du classement ZRR. Anticipant ce déclassement, la loi Montagne II avait prévu que ces communes, si elles étaient situées en zone de montagne, et même sorties du dispositif, continuent à bénéficier de ses effets durant trois ans, soit jusqu’au 30 juin 2020. La loi de finances pour 2018 avait ouvert cette même possibilité à l’ensemble des communes concernées par la sortie du classement (y compris hors zones de montagne). Ce délai arrivant prochainement à son terme, la ministre de la cohésion des territoires a lancé, au printemps 2019, une mission dite « Agenda rural », dont les conclusions ont été rendues à l’été 2019. Deux recommandations étaient émises :

– établir une nouvelle géographie prioritaire des territoires ruraux pour mieux cibler les mesures associées au classement. Cette nouvelle géographie devrait être mise en place au 1er janvier 2021 ;

– prolonger les bénéfices du classement jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle géographie prioritaire pour les communes sorties du classement en ZRR au 1er juillet 2017.

Tenant compte de ces recommandations, la loi de finances pour 2020 prolonge la dérogation créée par la loi Montagne II de six mois supplémentaires, jusqu’au 31 décembre 2020. Vos rapporteurs s’en félicitent mais s’interrogent sur la suite qui sera donnée à cette dérogation et restent vigilants.

Les corps d’inspection seront mandatés pour établir un diagnostic précis et fournir des données ; en parallèle, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) devra mener des travaux préparatoires sur la définition de la notion de « rural ». Le Gouvernement s’appuiera sur ces éléments pour produire un rapport qu’il remettra au Parlement au 30 juin 2020. Ce travail servira ensuite de base aux discussions que la ministre engagera avec les parlementaires et les associations d’élus pour retenir des critères communs qui satisfassent le plus grand nombre. Il leur reviendra ensuite de définir des mesures associées à ce zonage, et de faire en sorte qu’elles soient le plus efficaces possible.

Par ailleurs, le Sénat a confié aux sénateurs Bernard Delcros, Rémy Pointereau et Frédérique Espagnac un rapport d’information sur l’avenir des zones de revitalisation rurale, examiné en commission des finances et en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable le 9 octobre 2019. L’une des propositions du rapport consiste à définir, pour la détermination du classement, des sous-ensembles de communes pour les intercommunalités les plus grandes, rejoignant l’une des pistes du Gouvernement. Ceci permettrait de répondre à la critique selon laquelle les intercommunalités très vastes, parfois sorties du classement en ZRR, masquent de grandes disparités territoriales et de véritables difficultés pour certains territoires. Les critères à retenir pour déterminer ces sous-ensembles seront nécessairement complexes et devront être établis de manière très fine, de même que le seuil au-delà desquels les « grandes » intercommunalités pourront être soumises à ces subdivisions. Selon M. Joël Giraud, ces critères devront être à la fois « robustes, car le classement en ZRR doit être objectif et juridiquement fondé, et simples, car fixés législativement, les critères doivent être compréhensibles au nom du principe dintelligibilité de la loi ». Ceci permettrait toutefois de limiter les effets de seuil propres au zonage.

Cette nouvelle géographie prioritaire, dont les contours sont encore flous, suscite déjà des inquiétudes, mais également des attentes. Comme l’indique l’ANEM, « il ressort des échanges une crainte que les nouveaux critères aient pour conséquence de faire sortir du dispositif des communes économiquement faibles. En termes financiers aussi bien quen termes demplois et de services à la population, le classement ZRR est indispensable pour beaucoup de communes. Les élus de la montagne attendent que leurs territoires continuent de bénéficier de mesures assurant leur développement et leur attractivité économique ».

M. Joël Giraud recommande la mise en place d’un groupe de travail, après les élections municipales, comprenant les associations d’élus (Régions de France, Assemblée des départements de France, Assemblée des communautés de France, Association des maires de France, association des maires ruraux de France, association nationale des élus de montagne) ainsi que des parlementaires.

Vos rapporteurs souhaitent que ce groupe de travail relatif à la nouvelle géographie prioritaire des territoires soit effectivement créé et intègre des parlementaires de la montagne. Ils veilleront à ce que les nouveaux critères définis permettent de prendre en compte les contraintes spécifiques des territoires de montagne de manière robuste et fine et à ce que les mesures associées au nouveau zonage répondent aux besoins de ces territoires.

    Proposition n° 8 : Créer un groupe de travail relatif à la nouvelle géographie prioritaire des territoires et y intégrer des parlementaires de la montagne ; veiller à ce que les nouveaux critères définis permettent de prendre en compte les contraintes spécifiques des territoires de montagne de manière robuste et fine et à ce que les mesures associées au nouveau zonage répondent aux besoins de ces territoires.

III.   l’urbanisme en montagne prÉsente un bilan mitigÉ

A.   les dispositions de la loi et leur application

La loi Montagne II comportait plusieurs dispositions relatives à l’urbanisme de montagne. Ces dispositions, en particulier celles relatives aux unités touristiques nouvelles (UTN), avaient été au cœur des débats lors de son adoption. Véritable point d’achoppement et d’opposition, c’est en commission mixte paritaire qu’avait été trouvé un compromis qui satisfît toutes les parties prenantes.

La loi Montagne II instaure, en premier lieu, une profonde révision de la procédure des unités touristiques nouvelles, procédure classique permettant de déployer des projets touristiques en montagne (art. 71). Elle substitue aux anciennes catégories des UTN de massif et des UTN départementales celles des UTN structurantes et locales, et modifie les conditions de leur planification. Ainsi, les UTN structurantes doivent désormais être prévues par les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les UTN locales par les plans locaux d’urbanisme (PLU). Lorsqu’une UTN est située sur un territoire non couvert par un schéma de cohérence territoriale ou un plan local d’urbanisme, celle-ci peut faire l’objet, à titre dérogatoire, d’une autorisation délivrée par l’autorité administrative selon des modalités précisées par décret. Lorsqu’un projet d’UTN concerne un territoire couvert par un document d’urbanisme déjà approuvé n’en prévoyant pas la création, celui-ci doit faire l’objet d’une procédure d’évolution adaptée pour l’intégrer (procédure de déclaration de projet prévue par l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme ou procédure intégrée prévue par l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme). Cet article, qui avait vocation à simplifier la procédure sans amoindrir les exigences de contrôle, notamment environnemental, a été précisé par le décret n° 2017‑1039 du 10 mai 2017 relatif à la procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles, applicable depuis le 1er août 2017.

La loi apporte également des modifications à la règle de l’urbanisation en continuité de l’urbanisation existante, applicable en zone de montagne en vertu de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme. Ainsi, elle inclut les constructions d’annexes de taille limitée parmi les exceptions à la règle d’urbanisation en continuité en zone de montagne (art. 73) et précise les conditions d’appréciation du principe de continuité en zone de montagne (art. 74) : celui-ci doit s’apprécier au regard des caractéristiques locales de l’habitat traditionnel, des constructions implantées et de l’existence des voies et réseaux. Ces articles ont été complétés et précisés par l’instruction du Gouvernement du 12 octobre 2018 relative aux dispositions particulières à la montagne du code de l’urbanisme, qui illustre, en schémas, les différents cas de figure possibles et le traitement à y apporter, mais peine toutefois à être appliquée par certaines directions départementales des territoires (DDT).

Par ailleurs, la loi rend également obligatoire l’institution d’une servitude administrative interdisant l’utilisation d’un chalet d’alpage en période hivernale ou limitant son usage lorsque ce bâtiment n’est pas desservi par les voies et réseaux ou lorsqu’il est desservi par des voies et réseaux non utilisables en hiver (art. 76). Le décret n° 2018-1237 du 24 décembre 2018 pris pour l’application du second alinéa du 3° de l’article L. 122-11 du code de l’urbanisme rend effective cette obligation en complétant la procédure de restauration des chalets d’alpage : il impose au demandeur de disposer de la convention de servitude pour que lui soit délivrée l’autorisation de restauration. En outre, la loi invite à adapter la démarche des schémas de cohérence territoriale aux spécificités des territoires de montagne (art. 77) et inclut les espaces, paysages et milieux remarquables de montagne dans le champ de l’action en démolition (art. 78).

B.   les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1.   La réforme des UTN a fait l’objet d’une bonne appropriation et garantit une meilleure planification des projets

Certes, comme l’indique M. Joël Giraud, « la rénovation de la procédure UTN, avec notamment leur intégration dans les SCoT et les PLU, tarde forcément à porter ses effets, vu léchelle de temps de planification de ces documents durbanisme ». Le CGET indique également que la date d’entrée en vigueur de l’article 71 et de son décret d’application, fixée par ce décret au 1er août 2017, ne permet pas de disposer d’un recul suffisant pour en dresser un bilan exhaustif.

Toutefois, il semble à vos rapporteurs que ce compromis ait permis, véritablement, d’instaurer l’équilibre recherché par tous les acteurs. D’après les services du ministère de la cohésion des territoires et le CGET, les collectivités territoriales n’émettent pas de remontées négatives et semblent s’être approprié le dispositif qui avait pour principaux objectifs la simplification et la planification des projets. La direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), principale responsable de l’élaboration du texte, aurait fait un grand travail de communication auprès des DDT pour garantir une bonne compréhension et une bonne appropriation du dispositif.

a.   La planification dans les documents d’urbanisme et les procédures d’évolution de ces documents ont été mises en œuvre

La DHUP estime que les principaux effets positifs de la réforme sont « la meilleure intégration des UTN dans les documents de planification, qui permet de sortir de la logique du coup par coup au profit dune vision globale, et une lutte facilitée contre le mitage et les extensions irraisonnées de lurbanisation ». Selon le comité de massif du Jura, la loi Montagne II a permis une grande avancée, rendant la procédure UTN plus lisible et plus facile à mettre en œuvre. Il estime plus simple qu’auparavant d’étudier les projets de SCoT comportant les UTN structurantes, l’examen des SCoT par le comité de massif dans le cas où ils contiennent une UTN apportant « une vraie plus-value » ([5]). Le comité poursuit : « globalement, les évolutions introduites au niveau de la procédure UTN vont dans le bon sens. La planification des infrastructures touristiques dans les documents durbanisme permet de mieux articuler le développement touristique dans les dynamiques densemble des territoires ». Selon le syndicat national des résidences de tourisme (SNRT), « la réforme des UTN a été perçue comme une simplification administrative par les promoteurs interrogés ».

L’ANEM émet cependant une voix discordante, estimant que « léconomie générale de ce dispositif complexe devait rapprocher du terrain linstruction des dossiers et épargner aux investisseurs, pour une bonne part, la lourdeur de la procédure grâce à une programmation encadrée par les documents locaux durbanisme. Elle ne semble pas avoir atteint ses objectifs ni satisfaire les acteurs de terrain ». Pour Domaines skiables de France (DSF) également, l’intégration des UTN locales dans les PLU suscite davantage de complexité que de simplification. L’ANMSM estime enfin que « la réforme a abouti à une grande complexification liée à lintégration des projets dunités touristiques nouvelles locales dans les plans locaux durbanisme qui pose une réelle difficulté ».

La DHUP a fourni à vos rapporteurs des données chiffrées, issues des remontées de son « réseau montagne ». Ce réseau, qui comprend 41 membres – DDT et directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de montagne – a été sollicité à la suite de la réception du questionnaire transmis par vos rapporteurs, auquel seuls 24 membres ont répondu : les chiffres ci‑après ne sont donc que partiels.

En application des dispositions transitoires de l’article 71 de la loi Montagne II, seuls les SCoT et les PLU arrêtés après le 1er août 2017 sont soumis au nouveau régime des UTN. Deux SCoT sont concernés par ces dispositions (SCoT du Pays Lauragais et SCoT Nord-Isère). S’y ajoutent toutefois de nombreuses communes couvertes par un SCoT en cours d’élaboration ou de révision, ainsi que de nombreuses communes couvertes par un PLU en cours d’élaboration ou de révision, pour lesquels la date d’arrêt n’a pas été indiquée.

Il y aurait, selon les départements, entre 0 et 15 projets d’UTN inscrits dans les documents de planification, en cours de préparation ou déjà adoptés, depuis l’entrée en vigueur des dispositions (essentiellement des UTN locales inscrites dans les PLU). La Savoie fait état, depuis 2018, de 10 UTN structurantes inscrites dans un SCoT et d’une trentaine d’UTN locales inscrites dans les PLU.

Deux DDT ont eu connaissance d’un recours à la déclaration de projet pour faire évoluer un document d’urbanisme déjà adopté afin d’y intégrer un projet d’UTN. En revanche, la procédure intégrée n’a pas été utilisée, sans doute en raison de la rapidité suffisante offerte par la procédure de déclaration de projet.

Comme l’indique la DHUP, « en ce qui concerne les recours, il semble quil y en ait assez peu contre les UTN intégrées dans les documents durbanisme (un seul recensé) mais certaines DDT en pressentent pour des motifs liés à la consommation despace et aux impacts environnementaux des projets ». Ceci témoigne, une nouvelle fois, de l’efficacité de la procédure dessinée dans le cadre de la loi Montagne II, la planification permettant de lever certaines interrogations et certains risques, et de réduire le nombre de recours a posteriori.

b.   Les autorisations administratives subsidiaires dans les territoires non couverts par un document d’urbanisme ont été délivrées

Par ailleurs, des autorisations administratives d’UTN ont été délivrées dans les territoires non couverts par un document d’urbanisme ([6]). Ainsi, selon la DHUP, dans le massif des Alpes, à la date de mai 2019, quatre autorisations d’UTN structurantes avaient été accordées depuis l’entrée en vigueur du décret d’application de la loi, au 1er août 2017 (2 en Savoie, 1 en Isère et 1 dans les Hautes‑Alpes). Une autorisation d’UTN structurante était en cours d’instruction depuis l’entrée en vigueur du décret (en Haute-Savoie). Enfin, 6 UTN structurantes faisaient l’objet d’un recours en annulation, indépendamment de la date d’entrée en vigueur du décret UTN. Dans le massif des Pyrénées, deux autorisations d’UTN avaient été accordées depuis le 1er août 2017 (1 dans les Hautes-Pyrénées et 1 en Ariège). Le réseau, sollicité à nouveau à l’hiver 2019 à la suite de la réception du questionnaire transmis par la mission d’évaluation de la loi Montagne II, n’a fait état que d’une autorisation UTN supplémentaire depuis la précédente sollicitation.

C.   les points d’attention et propositions des rapporteurs

1.   Des difficultés persistent s’agissant des UTN

a.   L’annulation du décret du 10 mai 2017 rend nécessaire l’adoption rapide d’un nouveau décret

Le décret n° 2017-1039 du 10 mai 2017 relatif à la procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles, applicable à compter du 1er août 2017, fixait les modalités d’application de l’article 71 de la loi Montagne II. Il précisait, notamment, les projets rentrant respectivement dans les catégories d’UTN locales et d’UTN structurantes ainsi que la procédure à suivre dans les territoires n’étant pas couverts par un document de planification.

Ce décret a fait l’objet d’une annulation partielle par le Conseil d’État en tant qu’il ne soumettait pas à évaluation environnementale les autorisations UTN « résiduelles » (c’est-à-dire les autorisations administratives pour les territoires non couverts par un document d’urbanisme) et contrevenait ainsi au droit de l’Union européenne imposant cette évaluation pour les « plans et programmes ». En effet, comme l’indique le Conseil d’État « si la création dUTN structurantes ou locales, par leur inscription dans le SCoT ou le PLU, est prise en compte par lévaluation environnementale réalisée dans le cadre de lélaboration de ces documents durbanisme […], tel nest pas le cas pour celles qui sont autorisées par lautorité administrative dans les communes non couvertes par ces documents […]. Si [le décret attaqué] précise que, pour la création dUTN hors du cadre dun SCoT ou dun PLU, le dossier de demande dautorisation comporte des éléments relatifs notamment à létat des milieux naturels, aux caractéristiques principales du projet, à ses effets prévisibles sur les milieux naturels […], les dispositions du décret attaqué, qui ne prévoient notamment pas de consultation de lautorité environnementale, ne peuvent être regardées comme instituant, pour ce type dUTN, une procédure dévaluation environnementale conforme aux objectifs de la directive  2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à lévaluation des incidences de certains plans et programmes sur lenvironnement », dont l’article 3 précise qu’une évaluation environnementale est effectuée pour les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

La situation des projets d’UTN autorisés sans évaluation environnementale préalable n’est pas menacée : comme l’indique la DHUP, les autorisations UTN déjà accordées et définitives ne sont plus contestables sur ce motif, sauf à ce que le juge les qualifie de décisions réglementaires, ce qui semble peu probable en l’état de la jurisprudence. De même, les autorisations de construire délivrées sur le fondement d’autorisations UTN qui n’auraient pas fait l’objet d’une évaluation environnementale ne peuvent pas être contestées pour ce motif. Enfin, les autorisations UTN non définitives ou faisant l’objet d’un contentieux et délivrées sans évaluation préalable peuvent être contestées sur ce motif mais une régularisation est possible, par la réalisation a posteriori d’une évaluation environnementale.

Un nouveau décret est en cours de préparation. Selon le ministère de la cohésion des territoires, il ne devrait pas produire de grande remise en cause de l’équilibre trouvé mais simplement permettre de compléter les textes en vigueur pour soumettre expressément les autorisations UTN « résiduelles » à une évaluation environnementale au titre des plans et programmes. Dans le délai précédant l’adoption de ce décret, les autorisations UTN à venir devront également faire l’objet d’une évaluation environnementale, la décision du Conseil d’État étant d’application immédiate.

Vos rapporteurs appellent à une adoption rapide du décret, de manière à lever l’incertitude et l’insécurité juridique qui pèsent sur des projets envisagés, en conduisant les consultations nécessaires, notamment celle de l’ANEM, qui n’avait pas été contactée à la date de son audition par la mission.

    Proposition n° 9 : Adopter aussi rapidement que possible le décret se substituant au décret du 10 mai 2017 relatif à la procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles, et associer les parlementaires et les associations d’élus à sa rédaction.

b.   Des difficultés techniques et stratégiques sont également à lever

Par ailleurs, quelques difficultés persistent et méritent d’être étudiées pour être levées. Elles sont, il est vrai, essentiellement d’ordre technique, et liées à des éléments de complexité qui existaient déjà avant la loi :

– la définition des seuils en matière d’UTN : la réécriture du décret pourrait être l’occasion, comme le demande l’ANEM, de fixer de manière plus détaillée les listes d’UTN relevant de chaque catégorie ;

– les difficultés de délimitation des communes soumises aux dispositions d’urbanisme de la loi Montagne II. Un travail de redéfinition de la liste de ces communes est en cours avec le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), le zonage propre à l’urbanisme étant distinct des autres zonages « montagne », notamment du zonage propre à l’application des dispositions relatives à l’agriculture. L’harmonisation des différents zonages n’est pas envisagée à ce stade.

Vos rapporteurs, alertés au cours de plusieurs auditions, estiment également qu’une vigilance est nécessaire lors de l’élaboration des documents d’urbanisme, en particulier des SCoT. En effet, comme évoqué par les associations environnementales, il est aujourd’hui constaté, de manière regrettable, que certains projets de SCoT comportent un grand nombre d’UTN structurantes, dont il est évident qu’il n’est pas prévu de toutes les réaliser. Ceci permettrait de se prémunir contre le risque d’avoir à modifier ultérieurement le document, ou de se réserver la possibilité de choisir plus tard entre deux projets alternatifs, en fonction de l’évolution des besoins ou des connaissances. Ceci pose plusieurs difficultés :

– l’inscription d’un grand nombre d’UTN dans le SCoT, alors même qu’il est établi d’avance que toutes ne seront pas réalisées, brouille le message relatif à la stratégie d’urbanisation ou de développement touristique du territoire concerné. Le SCoT ne garantit alors plus véritablement la « cohérence territoriale » ;

– l’étude réalisée au moment de l’élaboration du SCoT est globale, pour l’ensemble du SCoT, et non pour chaque UTN (laquelle ne fait l’objet que de mentions générales, relatives à la capacité globale d’accueil, à la nature de l’UTN et à la zone d’implantation) : ceci ouvre davantage la voie à des contestations et à des contentieux ultérieurs, pour des projets pourtant approuvés dans le SCoT (lesquels doivent, cependant, faire l’objet d’une seconde évaluation environnementale au stade du permis de construire).

Vos rapporteurs estiment que les SCoT ne doivent pas devenir le véhicule à une multitude de projets sommaires et flous, inscrits « au cas où ». Sans aller jusqu’à exiger, dès le stade du SCoT, une étude d’impact exhaustive, qui n’aurait pas de sens étant donné le caractère évolutif des projets – dont certains ne voient le jour que quelques années après l’élaboration du SCoT – et pour ne pas imposer aux porteurs de projets de réaliser deux études de ce type (l’une au stade de l’élaboration du SCoT, l’autre au stade du début de la procédure de travaux), ils appellent à concentrer les documents d’urbanisme sur les projets d’UTN réellement susceptibles d’aboutir. Ceci apparaît d’autant plus souhaitable que la loi Montagne II prévoit des procédures d’évolution accélérée des documents d’urbanisme pour y intégrer un projet d’UTN émergeant après l’adoption du document de planification concerné, aussi n’est-il pas nécessaire de parer toute éventualité dès l’élaboration dudit document.

    Proposition n° 10 : Être vigilant dans l’inscription de projets d’UTN dans les documents d’urbanisme, de manière à ne pas y intégrer plusieurs projets alternatifs, dont il est admis ab initio que seul l’un d’entre eux sera effectivement réalisé.

2.   Les dispositions relatives à l’urbanisation en continuité n’ont pas permis d’endiguer « l’asphyxie des possibilités de construction en montagne »

L’objectif de loi, dans ses dispositions relatives à l’urbanisation en continuité, était d’éviter le mitage et la consommation inutile de foncier agricole, tout en faisant preuve de bon sens pour ne pas bloquer des projets nécessaires et adaptés aux contraintes locales. Cet objectif ne semble pas atteint et les contestations sont nombreuses.

En effet, l’article 74, qui modifie les critères d’appréciation de la règle de l’urbanisation en continuité de l’urbanisation existante pour préciser que celle-ci tient compte des caractéristiques locales de l’habitat traditionnel, des constructions implantées et de l’existence de voies et réseaux, ne suffit pas à épuiser les questions ou à mettre fin aux disparités d’interprétation de cette règle selon les départements. Malgré des instructions comportant des schémas explicatifs pédagogiques ([7]), les interprétations diffèrent sensiblement selon les départements. Le réseau montagne de la DHUP fait ainsi état « du caractère pédagogique de lénumération de critères permettant de définir la continuité » mais souligne toutefois que, de manière générale, l’instruction et ses schémas ne sauraient avoir valeur législative, moins encore supra-législative : en tout état de cause, la loi prévaut pour tous. En outre, elle souligne l’importance d’une appréciation au cas par cas et la difficulté à élaborer des règles générales, étant entendu la diversité des situations et leur hétérogénéité. Seul un « un faisceau dindices permet dévaluer si on est dans la continuité ou non » de l’urbanisation existante, ne garantissant pas systématiquement l’harmonisation des décisions. Selon la DGCL, « ce cadre législatif laisse une large place à la jurisprudence et à la planification locale dans lappréciation locale de lextension du lurbanisation en continuité de lexistant ».

Un arrêt récent du Conseil d’État (CE, 2 octobre 2019, n° 418666) vient préciser les termes de la loi Montagne II, sans pour autant apporter de clarification significative : il précise ainsi que « lurbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone durbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les « groupes de constructions traditionnelles ou dhabitations existants » et quest ainsi possible lédification de constructions nouvelles en continuité dun groupe de constructions traditionnelles ou dun groupe dhabitations qui, ne sinscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. Lexistence dun tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à lexistence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble ». La nouvelle jurisprudence a été diffusée aux DDT et DREAL, membres du réseau « montagne » de la DHUP.

Ces différents développements ne donnent pas satisfaction à vos rapporteurs, et ont été largement contestés dans le cadre des auditions. Une appréciation plus souple, dans le respect des contraintes et des exigences particulières de la montagne, apparaît nécessaire, car il existe, aujourd’hui, un véritable problème de constructibilité en zone de montagne. Vos rapporteurs estiment essentiel de souligner que ce problème concerne surtout des petits villages peu denses, qui ne réussissent à obtenir qu’un ou deux permis de construire par mandat, les maires se voyant opposer injustement « la loi Montagne II » et devant négocier âprement, plusieurs mois durant, pour un enjeu souvent minime – s’agissant par exemple de la construction de cabanes de chasse, d’abris pour chevaux ou de constructions complémentaires à une activité de ferme – et alors même que le projet envisagé répond à la demande générale et aux critères fixés.

Cette appréciation semble largement partagée. Dans le Jura, comme l’indique le comité de massif « le fort développement démographique lié à la proximité de la frontière se fait un peu bloquer du fait dune interprétation stricte de lurbanisation en continuité ». De même, pour le représentant de l’agence d’aménagement, d’urbanisme et d’énergie de la Corse, il est particulièrement regrettable que les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) refusent certains permis de construire, ou qu’il faille durement les négocier, pour une construction simple, dans un village situé dans une zone en désertification, où tout élément porteur de dynamisme économique et de vie devrait être accueilli et encouragé. Un permis de construire, dans un hameau où il n’y a plus aucune activité, « où les morts sont plus nombreux que les vivants », ne saurait être considéré comme une menace, mais comme une opportunité. Ceci est d’autant plus nécessaire que la rigueur actuelle avec laquelle les dossiers sont étudiés entretient un grand déséquilibre entre des zones de montagne, qui se désertifient, et des zones littorales où la pression du foncier atteint des limites déraisonnables.

Résumant ces positions, l’ANEM évoque une véritable « asphyxie des possibilités de construction en montagne ». Elle précise que « les élus sinquiètent de façon croissante du nombre de refus de permis de construire et de la raréfaction rapide des terres constructibles que connaissent les petites communes à faible densité démographique et sans pression foncière ».

Vos rapporteurs estiment indispensable de mener un travail de clarification du principe d’urbanisation en continuité, pour limiter les divergences d’interprétation entre départements, mais aussi et surtout assouplir les conditions de la construction en zone de montagne en faisant prévaloir le bon sens et en considérant, en premier lieu, les besoins des territoires isolés qui se désertifient. La montagne est avant tout – et doit rester – un lieu de vie : elle ne peut être mise « sous cloche » pour permettre aux seuls urbains de pratiquer des activités de plein air. Dans cette attente, il est nécessaire, a minima, que les directions départementales des territoires s’emparent de l’instruction du Gouvernement du 12 octobre 2018 relative aux dispositions particulières à la montagne du code de l’urbanisme et appliquent les schémas qu’elle propose.

    Proposition n° 11 : Mener une réflexion approfondie sur l’évolution du principe d’urbanisation en continuité dans les zones de montagne, dans un objectif d’harmonisation des interprétations et d’assouplissement des contraintes imposées. Le bon sens doit pouvoir l’emporter.

En outre, s’agissant de la protection des rives naturelles des plans d’eau, des précisions doivent être apportées. Alors que l’article L. 122-12 du code de l’urbanisme prévoit que les parties naturelles des rives des plans d’eau d’une superficie inférieure à mille hectares situés en zone de montagne sont protégés sur une distance de trois cents mètres à compter de la rive (distance sur laquelle toute construction est interdite à l’exception notamment des bâtiments à usage agricole, pastoral ou forestier, des refuges et gîtes d’étapes et des équipements d’accueil et de sécurité nécessaires à la pratique de la baignade), cet article s’applique indifféremment à tous les plans d’eau, y compris les plus petits. En effet, pour qu’un plan d’eau puisse être exclu de l’application de ces dispositions en raison de sa faible importance, il faut que cela ait été prévu en amont par le document d’urbanisme, or un grand nombre des territoires concernés ne sont couverts par aucun document d’urbanisme. C’est pourquoi, étant donné la forte présence de plans d’eau sur certaines communes, cette disposition a pour effet de rendre certains territoires non dotés de documents d’urbanisme presque inconstructibles. Plusieurs pistes peuvent être envisagées :

– préciser la définition donnée du plan d’eau, pour exclure notamment les bassins de rétention et les réserves incendie ;

– fixer un seuil réglementaire de superficie du plan d’eau pour l’application des dispositions de protection des rives naturelles. Ce seuil pourrait être fixé à 0,1 hectare, en cohérence avec les seuils fixés par le code de l’environnement (qui soumet à déclaration la création de plans d’eau supérieurs à 0,1 hectare) ;

– assouplir les procédures permettant d’exclure certains plans d’eau de l’application des dispositions, pour les communes non couvertes par un document d’urbanisme. Cela pourrait prendre la forme d’une délibération municipale soumise à l’accord de la commission départementale de protection de la nature, des paysages et des sites, donnant éventuellement lieu à la publication d’un arrêté préfectoral listant les plans d’eau exclus. Il pourrait également être envisagé de permettre, pour un projet donné, de déroger à la règle de protection par délibération motivée soumise à l’avis de la CDPENAF.

Il convient, également, d’harmoniser les modalités de saisine de la CDPENAF. En effet, dans certains départements comportant à la fois des zones de montagne et des zones de plaine, les modalités de saisine de cette commission sont identiques pour l’ensemble du département. Il en résulte que la CDPENAF, qui peut s’autosaisir pour les zones de plaine, s’autosaisit également s’agissant de projets situés en zone de montagne (alors même que seuls certains de ces projets situés en zone de montagne font, en application du code de l’urbanisme, l’objet d’une saisine obligatoire de la CDPENAF). Les critères d’auto-saisine doivent être clarifiés, rendus publics, et adaptés aux spécificités des territoires de montagne, y compris dans des départements comportant des zones de plaine et des zones de montagne.  

3.   L’articulation du droit de l’urbanisme en montagne avec l’instruction « zéro artificialisation nette » doit être précisée

L’instruction du Gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’État en faveur d’une gestion économe de l’espace, également appelée « instruction zéro artificialisation nette » fait peser de nombreuses inquiétudes s’agissant de la constructibilité en zone de montagne, et de son articulation avec les dispositions relatives aux UTN et à l’urbanisation en continuité. Cette instruction, qui s’adresse aux préfets, indique que leur « action intervient dans la trajectoire qui consistera à rendre applicable lobjectif zéro artificialisation nette du territoire […]. Ceci suppose dans un premier temps dinfléchir la consommation, puis de la stopper par un usage sobre de lespace et par des actions de type compensatoire ». Les préfets devront veiller « à ce que la lutte contre lartificialisation soit bien prise en compte dans les stratégies daménagement, lors de la définition des projets et lors de leur mise en œuvre ».

L’ANEM indique ainsi que « la perspective de la mise en œuvre du principe zéro artificialisation nette […] ne fait que contribuer à limiter plus drastiquement encore les possibilités de construction, les territoires de montagne ayant systématiquement vocation à être la variable dajustement aux besoins durbanisation des zones urbaines. Une réflexion sur ladaptation du principe dartificialisation zéro aux réalités de la montagne est donc devenue une urgence ». De même, le comité de massif du Massif central indiquait, en évoquant ce texte, qu’il fallait impérativement « clarifier larticulation des textes entre eux : cela manque de visibilité et crée du flou ». Pour le comité de massif du Jura, « sur des massifs où il y a un fort développement, le principe de zéro artificialisation nette va poser des problèmes. Il faut prendre en compte tous ces enjeux ».

Interrogée, la DHUP précise, s’agissant du nouveau décret attendu relatif aux UTN qu’aucune articulation spécifique n’est prévue entre ce projet de texte et la circulaire « zéro artificialisation nette ». Elle indique qu’il est trop tôt pour prévoir les interactions entre les UTN et cette circulaire, ou le contenu de cette dernière en ce qui concerne la montagne mais, qu’en tout état de cause, elle n’aura pas pour objet de modifier le régime des UTN qui est de niveau réglementaire et législatif.

Vos rapporteurs ne sauraient se contenter de cette réponse. Ils estiment impératif d’expliciter le fait que la circulaire « zéro artificialisation nette » fera l’objet d’une application différenciée en zone de montagne, adaptée aux contraintes spécifiques de ces territoires, garantissant qu’elle ne vienne pas accentuer les refus de construction en discontinuité. Il leur semble également nécessaire de préciser la manière dont ce texte s’articulera avec les autres dispositions en vigueur, notamment celles soumises à appréciation de l’administration en matière d’UTN ou d’urbanisation en continuité.

    Proposition n° 12 : Expliciter le fait que la circulaire « zéro artificialisation nette » fera l’objet d’une application différenciée en zone de montagne, de manière à être adaptée aux contraintes spécifiques de ces territoires, et à ne pas accentuer les refus de construction en discontinuité ; préciser la manière dont ce texte s’articulera avec les autres dispositions en vigueur, notamment celles soumises à appréciation de l’administration en matière d’UTN ou d’urbanisation en continuité.

4.   Des dispositions de la loi demeurent à ce jour inappliquées

Enfin, il peut être regretté que certaines dispositions ne soient que peu appliquées. Ainsi, l’article 77 prévoit que les territoires de montagne sont des zones privilégiées de déploiement des schémas de cohérence territoriale ruraux et peuvent faire l’objet d’expérimentations en matière de déploiement de stratégies inter‑SCOT. Selon la DHUP, « aucune expérimentation na été mise en place, même si, dans quelques cas, il existe une coordination de fait ».

De même, l’article 78 a ajouté certains des espaces protégés par les prescriptions particulières de massif à la liste des zones où le prononcé de la démolition par le juge judiciaire est possible, après l’annulation d’un permis de construire. Selon la DHUP, « dans la mesure où il ny a pas de prescriptions particulières de massif, cet article na pas eu deffets concrets ».

S’agissant de l’article 76 relatif aux chalets d’alpage, selon la DHUP, « la mise en place de la servitude comme un préalable à lautorisation de restauration est parfois présentée comme permettant de bien clarifier la situation avec la commune et les porteurs de projet ». Des difficultés d’interprétation et d’application existent aujourd’hui, qui devraient être levées par la publication récente d’une « fiche explicative » de la DHUP, intitulée « Le régime applicable aux chalets d’alpage et aux bâtiments d’estive », qui a valeur d’instruction.

IV.   le soutien À l’activitÉ touristique peut Être amÉliorÉ

Le tourisme en montagne représente un aspect essentiel de l’activité et du dynamisme économique. En effet, la montagne compte 10 millions de touristes, dont 30 % de clientèle étrangère, ce qui assure 120 000 emplois et 9 Md€ de chiffre d’affaires, mais contribue également à l’aménagement du territoire. Pour l’hiver 2018-2019, la France occupait la 3ème position du classement des destinations pour la pratique du ski, derrière l’Autriche et les États‑Unis. L’attractivité des territoires de montagne s’étend toutefois, et de plus en plus, bien au-delà de la seule pratique des activités de neige en hiver.

A.   les dispositions de la loi et leur application

La loi Montagne II comportait un grand nombre de dispositions relatives au soutien à l’activité touristique, affectant différents domaines : l’emploi, l’immobilier de tourisme, la réglementation applicable, etc.

La loi prévoit ainsi plusieurs mesures destinées à encourager le développement touristique, sous différentes formes, en zone de montagne. Ainsi, elle ouvre la possibilité d’instituer une servitude d’urbanisme en dehors des périodes d’enneigement, sur le périmètre des domaines skiables et des sites nordiques, afin de permettre aux acteurs économiques de diversifier leur activité, notamment en été (art. 68). Par ailleurs, elle autorise la conclusion de conventions entre le ministère de l’éducation nationale, le ministère des transports et les transporteurs nationaux, pour garantir des tarifs préférentiels incitant à l’organisation de classes de découvertes et de voyages scolaires (art. 16). Elle modifie également la définition légale des refuges de montagne, prévoit que les normes de sécurité et d’hygiène qui leur sont applicables sont adaptées aux spécificités des zones de montagne, et rend explicite la possibilité d’accueil de mineurs par ces refuges (art. 83). De plus, elle reconnaît l’existence légale de l’association nationale de coordination des sites nordiques et harmonise la définition des sports nordiques (art. 70).

La loi instaure également de nouvelles dispositions destinées à inciter à la réhabilitation de l’immobilier touristique. Ainsi, elle rénove le dispositif des opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir (ORIL), notamment en conditionnant l’octroi et la conservation de l’aide au fait que les propriétaires respectent des obligations d’occupation et de location de logements (art. 80) et en instituant une obligation d’information pour les propriétaires vendant un lot de copropriété d’un immeuble situé dans le périmètre d’une ORIL (art. 81). En outre, elle autorise, dans les stations classées de tourisme, les organismes HLM à vendre leurs logements-foyer de plus de trente ans à une société de droit privé dès lors qu’ils ont été inoccupés pendant plus de deux ans et que la vente à d’autres organismes publics est restée infructueuse (art. 50).

La loi prévoit plusieurs leviers afin d’améliorer la situation des travailleurs saisonniers en matière de formation, de sécurisation du parcours professionnel ou encore de logement. La loi dispose ainsi que les établissements de formation professionnelle situés en zone de montagne prennent en compte les enjeux de la pluriactivité, de la bi-activité ou de l’activité transfrontalière dans leur offre de formation (art. 42) et que, dans les communes touristiques, les maisons de service au public répondent à la situation des travailleurs saisonniers et peuvent inclure des maisons des saisonniers (art. 46). Elle prévoit que le Gouvernement effectue une évaluation du guichet unique pour les travailleurs saisonniers douze mois après l’adoption de la loi (art. 43). Elle modifie à la marge deux dispositifs destinés à lisser l’activité des travailleurs saisonniers dans le temps : le contrat de travail à durée indéterminée intermittent (art. 45) et le groupement d’employeurs (art. 49). Elle vise également à améliorer les conditions du logement des travailleurs saisonniers, en obligeant toute commune ayant reçu la dénomination de « commune touristique » à conclure avec l’État une convention pour le logement des travailleurs saisonniers (art. 47) et en prévoyant un dispositif d’intermédiation locative en faveur des saisonniers (art. 48). Enfin, elle permet d’expérimenter, pour trois ans, la mise en place d’un régime d’activité partielle pour certaines régies de remontées mécaniques (art 45).

Enfin, la loi autorise les communes érigées en stations classées de tourisme ou ayant engagé une démarche de classement au 1er janvier 2017, à conserver, par délibération municipale prise avant cette même date, la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’un office de tourisme » (art. 69).

Tous les décrets prévus par ces articles ont été pris :

– le décret n° 2017-753 du 3 mai 2017 relatif à l’expérimentation visant à adapter le dispositif de l’activité partielle aux régies dotées de l’autonomie financière gérant un service public à caractère industriel et commercial de remontées mécaniques ou de pistes de ski, prévu par l’article 45 ;

– le décret n° 2019-179 du 7 mars 2019 pris pour l’application de l’article 4-2 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, prévu par l’article 48 ;

– le décret n° 2019-936 du 6 septembre 2019 relatif à l’hébergement des mineurs dans un refuge de montagne, prévu par l’article 83.

B.   les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1.   La compétence tourisme fait désormais l’objet d’un partage satisfaisant

Plusieurs éléments particulièrement positifs sont à noter en matière de tourisme. Ainsi en est-il du partage de la compétence « tourisme ». Alors que, conformément aux dispositions des lois du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (dite « loi MAPTAM »), et du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite « loi NOTRe »), l’ensemble des EPCI à fiscalité propre sont compétents pour assurer la promotion du tourisme, l’article 69 de la loi Montagne II autorise les communes érigées en stations classées de tourisme ou ayant engagé une démarche de classement au 1er janvier 2017, à conserver, par délibération municipale prise avant cette même date, la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’un office de tourisme ». Ceci a permis à 170 communes, principalement situées en montagne, de conserver l’exercice de cette compétence.

Toutefois, cette dérogation, souhaitée par les élus et les acteurs locaux du tourisme, avait fait beaucoup de bruit : si son principe était salué, son application posait de grandes difficultés, notamment du fait de l’interprétation variable qui en était faite selon les territoires. Alors que, dans certains, l’exercice de la compétence pouvait être entendu comme s’étendant aux activités d’animation, voire de productions touristiques, d’autres départements lui donnaient les contours stricts de la seule promotion. Par ailleurs, certaines communes avaient connu des difficultés pour prendre la délibération demandée, entre l’adoption de la loi le 28 décembre 2016 et la date butoir fixée au 1er janvier 2017.

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique (dite « loi engagement et proximité ») vient répondre à ces différentes préoccupations. En effet, son article 16 permet aux communes classées stations de tourisme, membres de communautés de communes et de communautés d’agglomération, de conserver ou retrouver la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme », par délibération municipale, sans condition de délai. La communauté de communes ou d’agglomération conserve alors, concurremment avec ladite commune, l’exercice de cette même compétence, à l’exclusion de la création d’offices de tourisme. De plus, comme l’indique la DGCL, « le Gouvernement a souhaité aller plus loin en apportant une solution aux communes qui narrivent pas à obtenir le classement en stations classées de tourisme », en raison notamment d’une offre hôtelière insuffisante. La loi a donc introduit la possibilité pour les communes ayant reçu la seule dénomination de « commune touristique », moins exigeante que le classement en station de tourisme, de retrouver l’exercice de la compétence « promotion du tourisme dont la création d’offices du tourisme », avec l’accord de l’organe délibérant de la communauté de communes dont elles sont membres. S’agissant du contenu de la compétence, la loi « engagement et proximité » précise que l’animation touristique est une compétence partagée par un EPCI avec les communes qui en sont membres. Comme l’indique la DGCL, « ce faisant, elle permet de donner latitude aux communes pour organiser des animations locales […] sans leur intercommunalité de rattachement, laquelle continue de porter la politique de promotion du tourisme à léchelle de son territoire via loffice du tourisme intercommunal ».

Vos rapporteurs saluent ces avancées, particulièrement importantes pour les communes de montagne, auxquelles la mutualisation des compétences de promotion et d’animation touristique n’est pas toujours adaptée, en particulier pour des territoires où coexistent plusieurs stations potentiellement concurrentes ou de natures trop différentes pour faire l’objet d’une promotion commune : les collectivités territoriales pourront désormais adapter leur promotion aux spécificités de leurs territoires.

2.   L’accueil des mineurs en refuge semble avoir été ouvert avec succès

L’article 83 modifie la définition légale des refuges de montagne et prévoit que les normes de sécurité et d’hygiène applicables sont adaptées aux spécificités des zones de montagne (et définies par décret). La possibilité d’accueil des mineurs en refuge est explicitement spécifiée.

Selon M. Joël Giraud, « louverture de laccueil des mineurs en refuge, dont le décret et la circulaire ont fait lobjet dune large concertation, a de très bons retours du terrain et constitue une avancée notable pour nos territoires et le développement de la montagne auprès des jeunes, prescripteurs de demain ».

Vos rapporteurs ont interrogé plusieurs administrations sur ce sujet sans pour autant parvenir à obtenir de données chiffrées précises.

3.   Les servitudes d’urbanisme ont permis le développement du tourisme en été

L’article 68 ouvre la possibilité d’instituer une servitude d’urbanisme en dehors des périodes d’enneigement, sur le périmètre des domaines skiables et des sites nordiques, afin de permettre aux acteurs économiques de diversifier leur activité, notamment en développant les sports de loisir au-delà de la saison hivernale. Il tient compte, de manière concrète, de l’évolution du tourisme en montagne, et du développement des activités d’été. Cette évolution semble, en outre, particulièrement pertinente au regard des modifications qu’entraînera le changement climatique, conduisant à ce que la saison hivernale se réduise et rendant d’autant plus nécessaire la diversification de l’offre des stations de montagne.

Vos rapporteurs ont, toutefois, entendu plusieurs voix discordantes, les conduisant à estimer que la solution retenue par la loi Montagne II, qui soumet l’établissement de cette servitude à l’avis consultatif de la chambre d’agriculture, serait finalement la plus équilibrée. Ainsi, l’APCA note que le développement de certains sports (VTT, parapente), passant dans les pâturages, engendre une concurrence avec les activités agricoles et pose des difficultés en matière d’enherbement ou d’enfrichement. Certains éleveurs ont ainsi dû adapter leur activité, en aménageant des points de passage pour les randonneurs, ou en clôturant certaines de leurs parcelles. Si la question n’est pas nouvelle, son ampleur a, indubitablement, considérablement crû et l’APCA souhaiterait que l’avis de la chambre d’agriculture soit contraignant, pour garantir la préservation du foncier agricole. À l’inverse, l’ANMSM souhaiterait que cet avis ne soit plus systématique, étant entendu que l’établissement d’une servitude d’urbanisme fait déjà intervenir une procédure d’enquête parcellaire et d’information du public. En réalité, selon vos rapporteurs, il s’agit là davantage d’une contrainte administrative, qui allonge les délais, que d’un véritable facteur bloquant, dans la mesure où les avis négatifs des chambres d’agriculture sont rares et, en tout état de cause, non contraignants. Vos rapporteurs estiment que le délai prévu par l’article L. 342-20 du code du tourisme, tel que modifié par l’article 68 de la loi, fixé à deux mois, au‑delà desquels le silence de la chambre vaut avis favorable, est tout à fait raisonnable. Une telle procédure d’avis apparaît nécessaire pour instaurer une discussion en amont avec l’ensemble des parties prenantes, assurer la bonne communication entre tous, et limiter les conflits d’usage. Vos rapporteurs saluent d’ailleurs, à cet égard, les initiatives prises par certains préfets pour mettre en place des démarches de concertations locales entre les différents usagers.

En outre, alors que le périmètre fixé pour l’établissement de ces servitudes est aujourd’hui limité aux domaines skiables et aux sites nordiques, et bien que certains acteurs demandent son extension, considérant que la pertinence de ces périmètres de référence en hiver ne se retrouve pas nécessairement en été, vos rapporteurs appellent à la prudence. Il convient, en effet, de préserver les espaces agricoles, notamment en période d’estives, mais également les espaces forestiers et les propriétés privées. Des extensions peuvent éventuellement être considérées, mais au cas par cas, en tenant compte de l’avis d’une commission ad hoc faisant intervenir l’ensemble des parties concernées.

    Proposition n° 13 : N’envisager qu’au cas par cas l’extension du périmètre des servitudes d’urbanisme en dehors des périodes d’enneigement, telles que prévues par l’article L. 342-20 du code du tourisme, au-delà du domaine skiable ou du site nordique, après avis d’une commission ad hoc faisant intervenir toutes les parties concernées.

C.   les points d’attention et propositions des rapporteurs

1.   Les classes de découvertes doivent être favorisées et le calendrier scolaire adapté aux problématiques de la montagne

Un levier insuffisamment exploité pour développer le tourisme en montagne, et le faire de manière vertueuse (notamment hors saison), est celui des voyages scolaires. Alors que l’article 16 autorise la conclusion de conventions entre le ministère de l’éducation nationale, le ministère des transports et les transporteurs nationaux, pour garantir des tarifs préférentiels incitant à l’organisation de classes de découvertes et autres voyages scolaires, cet article n’a pas été mis en œuvre et aucune convention n’a été conclue. Tous les acteurs auditionnés par vos rapporteurs le regrettent, le transport étant un levier important de développement des classes de neige, donc de l’économie touristique montagnarde de demain.

Vos rapporteurs, qui notent qu’un groupe de travail a été constitué au sein du ministère de l’éducation nationale, appellent à la concrétisation rapide de cet article.

    Proposition n° 14 : Mettre en œuvre l’article 16 de la loi Montagne II en signant des conventions avec les transporteurs nationaux pour garantir des tarifs préférentiels incitant à l’organisation de classes de découvertes et autres voyages scolaires ; associer des parlementaires de montagne au groupe de travail mis en place au sein du ministère de l’éducation nationale sur ce sujet.

De manière plus large, vos rapporteurs souhaitent véritablement qu’un effort collectif soit fait dans le sens du développement de ces classes de découvertes, très appréciées des enfants et qui présentent des avantages nombreux : développement d’un autre apprentissage, d’une autre manière de voir l’école, mais aussi découverte de la montagne et volonté d’y revenir plus tard. Ils notent, toutefois, que les difficultés d’organisation de ces classes de découverte ne tiennent pas uniquement aux contraintes financières liées au coût du transport mais bien davantage à un manque de culture des voyages scolaires chez la nouvelle génération d’enseignants, et à un manque de motivation individuelle face aux démarches administratives et aux lourdes – et légitimes – responsabilités qui incombent aux enseignants s’agissant de la sécurité des enfants. Ils souhaiteraient que puisse être mis en place un module relatif aux classes de découvertes dans le cadre de la formation initiale des enseignants, ou un mécanisme permettant de rétribuer ou de récompenser les enseignants qui s’engagent dans ce type de démarches. À cet égard, ils saluent les travaux de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGSCO), qui a mis en place une plateforme destinée à fournir des ressources pédagogiques, méthodologiques et de financement (mécénat ou financement participatif) aux enseignants souhaitant développer un projet de voyage scolaire, et souhaitent que cet accompagnement soit diffusé. Un travail est engagé de façon plus globale pour simplifier les procédures et mieux outiller les systèmes d’information pour organiser le suivi des élèves et des sorties scolaires.

    Proposition n° 15 : Accompagner les enseignants désireux d’organiser des classes de découvertes en leur fournissant plus largement des guides de ressources méthodologiques et pédagogiques.

    Proposition n° 16 : Prévoir, dans le cursus de formation des enseignants, un module relatif aux classes de découvertes.

S’agissant de la question plus large, mais récurrente, du calendrier scolaire, plusieurs voix se font entendre, toutes demandant le retour à un calendrier triennal glissant. Ceci a été acté par le ministère de l’éducation nationale pour les années 2021 et suivantes (le calendrier 2020-2021 ayant été fixé pour une année seulement, de manière à observer les effets de la réforme du lycée). Toutes regrettent également le décalage des vacances de printemps d’une semaine en 2021, celles-ci devant durer jusqu’au 10 mai 2021 pour la zone B, de manière à permettre l’organisation des épreuves de contrôle continu et de spécialité du baccalauréat 2021 avant ces vacances de printemps. Comme l’indique l’ANEM, « les professionnels […] estiment que limpact négatif sur leur activité serait de lordre de 4 à 5 points sur la part des vacances de printemps ». Le SNRT, de son côté, indique également que « les vacances de printemps doivent rester sur le mois davril, lenneigement étant très aléatoire après le 15 ». Enfin, l’ANMSM souligne que le zonage actuel conduit à ce que les deux bassins de clientèle des Vosges (Hauts-de-France et Grand Est) soient alignés sur la même zone, ce qui déséquilibre la fréquentation du massif.

Le ministère de l’éducation nationale a apporté plusieurs réponses. Pour tenir compte de la longue période scolaire qui s’étend entre les vacances de printemps et celles d’été (parfois 11 semaines), il a été décidé de sanctuariser le pont de l’ascension, de manière à ne pas reculer les vacances de printemps au détriment des zones de montagne. Par ailleurs, une concertation avait été menée en 2013 auprès du Conseil supérieur de l’éducation, dont 12 membres représentaient les élus et les collectivités territoriales : l’idée d’ajouter une semaine complète entre les vacances de printemps et les grandes vacances avait été évoquée mais non retenue par la majorité des participants, de même que l’allongement des vacances de Noël ou le zonage des autres vacances (notamment celles d’été et de Toussaint).

Sept ans après la concertation de 2013, vos rapporteurs souhaitent qu’une nouvelle concertation soit organisée et que soient envisagées plusieurs options : instaurer une semaine de vacances entre les vacances de printemps et les vacances d’été, autour du pont de l’ascension déjà sanctuarisé par l’éducation nationale, pour pouvoir avancer les vacances de printemps dans la saison sans créer de dernière période scolaire trop longue pour les enfants ; reconsidérer le zonage géographique pour éviter l’afflux de bassins de clientèle d’un même massif au même moment ; réfléchir à la possibilité d’un zonage des vacances d’été, sur les quinze premiers jours de juillet et les quinze derniers jours d’août.

 

    Proposition n° 17 : Organiser une concertation faisant intervenir toutes les parties prenantes sur la question du calendrier scolaire pour envisager la possibilité d’avancer les vacances de printemps, d’instaurer un zonage en été et de reconsidérer le zonage géographique pour rééquilibrer les flux de clientèles.

2.   La réhabilitation de l’immobilier de tourisme reste un enjeu prioritaire à traiter

a.   La loi « Montagne II » n’a pas permis de répondre à la question de la réhabilitation de l’immobilier de tourisme

La réhabilitation de l’immobilier de tourisme est l’un des enjeux clés du tourisme en montagne de demain, et constituait un élément important de la loi Montagne II. À l’heure où les résidences touristiques et secondaires vieillissent et où il devient de plus en plus difficile de construire des logements neufs pour préserver le patrimoine environnemental des stations, il est impératif de rénover le bâti existant, pour répondre aux attentes des vacanciers et mettre fin au phénomène des « lits froids et volets clos ». Cette expression, qui désigne l’ensemble des logements touristiques peu ou non occupés par leurs propriétaires ou par des locataires, masque une réalité alarmante : 785 000 lits seraient concernés, soit 30 % du parc d’hébergement touristique. En montagne, près de 50 % des lits seraient « froids » ou en passe de le devenir. Les prochaines années seront donc décisives pour que ce parc soit réhabilité, demeure dans un état acceptable pour les vacanciers, et continue à faire de la montagne française une destination attractive et adaptée aux nouvelles clientèles. Faute de cela, l’économie touristique, qui fait aujourd’hui vivre près de 200 000 habitants en montagne, s’en trouvera particulièrement affectée.

La loi Montagne II avait pour ambition de répondre à ces questions. Son article 80 rénovait le dispositif des opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir (ORIL), pour conditionner l’octroi et la conservation de l’aide au fait que les propriétaires respectent les obligations d’occupation et de location de logements définies par la délibération de la commune ou de l’EPCI qui mettaient en place ces ORIL. Il ouvrait également les aides aux personnes physiques ou morales qui s’engageaient à acquérir des lots de copropriétés et à réaliser des travaux de restructuration et de réhabilitation dans le but de réunir des lots contigus. L’article 81 instituait une obligation d’information pour les propriétaires vendant un lot de copropriété d’un immeuble situé dans le périmètre d’une ORIL. L’article 50 prévoyait que, dans les communes classées stations de tourisme, les organismes HLM puissent vendre leurs logements de plus de trente ans à une société de droit privé dès lors qu’ils ont été inoccupés pendant deux ans et que la vente à d’autres organismes publics ou sans but lucratif est restée infructueuse. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agissait de faciliter la cession et d’inciter à la transformation des logements pour éviter l’existence de friches, prendre en compte la rareté de l’offre foncière et adapter les logements aux attentes de clientèles nouvelles.

Malheureusement, ces dispositions n’ont pas porté leurs fruits, alors même que les attentes étaient grandes. De l’avis de tous, et malgré quelques exemples positifs occasionnellement cités, ces articles n’ont été que très peu utilisés. Selon la DHUP, aucune DDT n’a été sollicitée pour la mise en œuvre des dispositions des articles 50 et 80, sans qu’elle ne soit en mesure de fournir d’éléments explicatifs. Selon la direction générale des entreprises (DGE), le sentiment partagé est que « les dispositifs ne font pas totalement la preuve de leur efficacité. Il demeure un sentiment généralisé que les logements sont vétustes et ne correspondent pas aux attentes des clientèles ». Selon l’ANMSM, « la loi est passée à côté de cet enjeu phare de la réhabilitation ». De même, selon le SNRT, la loi n’a permis aucune évolution concrète. Les mesures relatives aux ORIL, particulièrement, ne présentent presque aucun effet. La DGE confirme ce diagnostic : « cela a très peu fonctionné ». Comme l’indique le CGET, il s’agit d’un outil parmi d’autres, qui doit se « conjuguer avec dautres moyens disponibles au service dune stratégie globale de développement touristique ».

b.   Il convient d’accentuer l’accompagnement des propriétaires et de changer de modèle économique vers celui de l’investisseur unique

Depuis plusieurs années, de nombreux outils ont été testés, abandonnés, renforcés, conduisant finalement à une situation particulièrement dégradée où, après un effet d’emballement lié à la mise en place d’une incitation, notamment fiscale, les logements sont de nouveau délaissés et redeviennent froids dès la fin du dispositif. Selon vos rapporteurs, il y a là un véritable gâchis touristique.

 Développer une stratégie de station est un préalable indispensable

De manière générale, vos rapporteurs soulignent les limites des dispositifs réglementaires et fiscaux, qu’ils soient incitatifs ou contraignants : ils souscrivent à l’objectif général poursuivi par le Gouvernement de ne pas multiplier les niches fiscales, dont certaines sont, en outre, de nature à créer un effet d’aubaine et une forme d’euphorie trop temporaire pour atteindre des objectifs durables. Par ailleurs, l’instauration de dispositifs coercitifs pour contraindre un propriétaire à mettre en location son bien immobilier serait de nature à porter une atteinte au droit de propriété reconnu par la Constitution.

Il semble alors à vos rapporteurs que le seul élément véritablement de nature à pousser les propriétaires à rénover et mettre en location leurs biens, et les investisseurs à les accompagner, est la rentabilité économique de leurs projets, liée plus globalement à la perspective de développement de la station, à l’existence d’une véritable dynamique locale et d’une stratégie d’avenir. Atout France le confirme, « sil ny a pas de caractère systématique, la dynamique de rénovation sinscrit souvent dans une démarche globale partant de la station (son ambition, son projet, ses investissements de rénovation sur les équipements et espaces publics, les dynamiques dinvestissement sur les hébergements marchands et les commerces, les typologies dhébergement manquant ou à développer au regard du positionnement de la station et des attentes des clients) ». Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de définir un projet global, plutôt que de raisonner simplement en termes de « lits ». Pour ce faire, la balle n’est, malheureusement, pas dans le camp du législateur, mais de l’initiative privée et locale.

L’expérimentation menée par Atout France sur 13 stations « pilotes »

Une expérimentation d’une durée de dix-huit mois a été lancée en septembre 2018, menée par Atout France dans 13 stations « pilotes », dont 10 de montagne, sur la réhabilitation de l’immobilier touristique. Elle a pour objet de structurer de nouvelles solutions à la question de la réhabilitation de l’immobilier, sans stimulus financier, en s’appuyant sur les initiatives de terrain en cours. Un outil de mesure et de représentation du parc immobilier a été testé dans certaines de ces stations. Cet outil méthodologique, baptisé CONITIFF, a permis la fiabilisation de l’analyse du stock et devrait, après sa généralisation, contribuer à cibler les efforts sur les collectivités territoriales où le taux d’efficacité de l’accompagnement dans les travaux de rénovation peut être le plus fort.

L’expérimentation a identifié deux types d’actions directes auprès des propriétaires :

– l’aide financière directe aux travaux via un dispositif ORIL renouvelé et assoupli, garantissant une remise en location de tourisme sur la durée (7 semaines de location minimum, dont une en été, sur trois ans minimum) ;

– la mise en place de dispositifs de conseil en amont en matière de rénovation (de 500 € pour du simple conseil à 2 000 € pour une prestation d’architecte d’intérieur).

Vos rapporteurs ne croient ni en l’une, ni en l’autre de ces propositions, la 1ère constituant « du réchauffé » d’un dispositif n’ayant pas fonctionné, la seconde n’apportant qu’une solution superficielle – et chère : des efforts de décoration ne suffiront pas à résoudre le problème des lits froids.

Cette expérimentation a été prolongée de six mois, sans qu’un bilan puisse en être tiré à ce stade.

 Le modèle économique de linvestisseur unique semble la voie davenir

Vos rapporteurs insistent également sur la nécessité de s’orienter vers le modèle de l’investisseur unique s’agissant de la réhabilitation de l’immobilier de loisirs. Seul un tel modèle permettra de porter une stratégie forte de développement touristique durable, de mobiliser les moyens suffisants pour sa réalisation et de promouvoir la vision de long terme qui s’impose.

En effet, il est à la fois plus rentable économiquement, et plus efficace au regard des objectifs, de réhabiliter de grands ensembles en priorité : cela permet de restaurer les parties communes, mais également d’aborder les enjeux de rénovation énergétique (isolation du bâtiment, etc.), en bénéficiant d’économies d’échelles sur le prix d’acquisition, le coût des travaux, la restructuration, l’enveloppe énergétique, et la commercialisation. Le projet doit alors être pris en charge par un investisseur unique, en mesure de réaliser une acquisition patrimoniale pour un capital immobilisé sur une longue période, et de déployer une vision stratégique et de long terme. C’est, notamment, l’action qu’a menée la CDC via le fonds relatif au tourisme social (TSI), qui permet de rénover des ensembles cohérents, d’un nombre de lits significatif, tout en poursuivant un objectif social.

Domaines skiables de France (DSF) insiste, également, sur la nécessité de faire porter les ensembles immobiliers par un propriétaire investisseur unique (éventuellement plusieurs acteurs locaux regroupés sous la forme d’une société civile immobilière). Seule l’implication des acteurs locaux, réunis pour porter l’immobilier permettrait de réaliser un investissement de long terme, compatible avec le développement durable de la station.

    Proposition n° 18 : Renforcer la réflexion relative au modèle de l’investisseur unique, pour faciliter et accentuer la réhabilitation et la remise sur le marché locatif de grands ensembles immobiliers, en privilégiant une perspective de long terme.

En outre, plusieurs propositions relatives aux résidences de tourisme ont été émises dans le cadre des auditions, que vos rapporteurs estiment pertinent d’étudier de manière plus approfondie. Ainsi, comme l’indique le SNRT, l’article L 145-46‑1 du code de commerce instaure un droit de préférence au profit du titulaire d’un bail commercial – comme une résidence de tourisme – en cas de vente des murs par un propriétaire. Le copropriétaire bailleur doit notifier son intention de vendre à l’exploitant de la résidence, qui a alors un mois pour se prononcer. Le SNRT propose que ce droit de préférence puisse être délégué, notamment à une foncière dont l’objet serait de l’utiliser afin de conserver les lits chauds (les résidences de tourisme n’utilisant que peu ce droit, dans la mesure où elles sont, avant tout, des sociétés de prestation de services qui n’ont pas nécessairement la capacité de porter du patrimoine). Il suggère également que ce droit de préférence puisse s’exercer sur tous les logements d’une résidence de tourisme (y compris ceux qui seraient, entre‑temps, sortis du circuit du bail). Ceci permettrait aux résidences de tourisme de reconstituer leur patrimoine en limitant les sorties de baux.

De plus, afin d’être classée, une résidence doit avoir un minimum de 70 % de ses locaux d’habitation confiés pour leur gestion à une seule et même personne physique ou morale. Ce classement, outre une meilleure commercialisation de la résidence, confère des avantages fiscaux aux propriétaires investisseurs. Le taux de 70 % a été abaissé à 55 % à titre dérogatoire par le décret n° 2015-298 du 16 mars 2015 pour les résidences de tourisme exploitées depuis plus de neuf ans non classées ou dont le classement est arrivé à échéance. Le SNRT recommande que ce seuil puisse, une nouvelle fois, être abaissé, tout en soumettant éventuellement la décision, au cas par cas, à l’accord de l’assemblée des copropriétaires.

Enfin, le SNRT propose de transposer le dispositif « Action Cœur de ville » aux stations de montagne : il s’agirait, ici, d’inciter à rénover les cœurs de stations, qui font partie des zones des plus dégradées, mais également de celles dans lesquelles il peut être le plus intéressant et le plus rentable de remettre des « lits chauds ». La mesure prendrait la forme d’un soutien fiscal aux propriétaires rénovant de l’hébergement en centre de station, en contrepartie de travaux, notamment énergétiques, d’un engagement de location pendant 9 ans et d’un engagement de réserve d’un quota de 5 % pour le logement des travailleurs saisonniers. L’immeuble devrait faire partie d’un zonage d’intérêt touristique majeur et le montant des travaux de rénovation devrait représenter au moins 20 % du total de l’opération, en comportant une part significative de travaux d’amélioration énergétique. Le SNRT s’engagerait à faire classer les résidences concernées. Atout France évoque également cette possibilité : « leffort de lÉtat pourrait passer par le lancement dun dispositif de type « Cœur de ville » permettant de cofinancer lingénierie de rénovation et de transition énergétique dans les stations du littoral et de montagne volontaristes retenues suite à un appel à manifestation dintérêt ». Vos rapporteurs, qui soulignent l’intérêt potentiel d’un tel dispositif, alertent toutefois sur la durée du soutien, et le risque d’un retour à l’abandon de ces appartements ou résidences à l’expiration du dispositif fiscal incitatif ou de l’obligation de location fixée à 9 ans.

Vos rapporteurs suggèrent que ces propositions, dont ils n’ont pu mesurer précisément l’impact, fassent l’objet d’une analyse détaillée par le Gouvernement.

    Proposition n° 19 : S’agissant des résidences de tourisme, étudier les modalités d’une délégation de leur droit de préférence à une foncière dont l’objet serait de conserver des « lits chauds », celles d’un abaissement du seuil de lots confiés en gestion à une même personne physique ou morale au-delà duquel la résidence peut être classée et celles d’une transposition du dispositif « Action Cœur de ville » aux stations de montagne.

 Limmobilier diffus doit toutefois continuer à faire lobjet dune attention particulière

La question de l’immobilier diffus ne doit toutefois pas être minimisée, comme en témoignent deux éléments :

– le succès de l’opération menée par la Compagnie des Alpes, avec le soutien de la Caisse des dépôts, baptisée « foncière rénovation montagne » : cette opération, lancée en 2013, avait pour objet d’investir dans des sociétés foncières locales qui devaient acquérir des hébergements vieillissants, pour les rénover puis les remettre sur le marché locatif. La première phase d’investissement, d’un montant de 72 M€, a porté sur 500 logements de cinq stations de la Compagnie des Alpes. Au total, l’opération a permis de remettre sur le marché 2 500 lits, principalement dans le diffus, depuis sa création ;

– l’importance que prennent aujourd’hui les modalités de réservation alternative entre particuliers. Les investisseurs constatent que les plateformes de mise en relation des particuliers, notamment s’agissant de la location d’appartements meublés, ont véritablement permis de juguler la question des lits froids. Elles ont, en effet, représenté un apport immense en termes de complément de remplissage des outils classiques. C’est pourquoi, plusieurs acteurs ont mis en place des dispositifs destinés à encourager cette location entre particuliers et l’occupation de lits diffus. Ainsi, le comité régional du tourisme de Provence Alpes Côte d’Azur et l’agence de développement des Hautes Alpes, y voyant une réponse à la question des lits froids, ont organisé un événement réunissant près de 400 propriétaires d’appartement en station de ski, ainsi qu’une décoratrice ou encore des sites de location en ligne. D’autres projets ont été développés par la station de La Plagne, et par l’École de ski français, consistant à développer des applications mobiles permettant de distribuer, en un même lieu dématérialisé, le logement, le forfait de ski, les cours, la location de matériel, voire même les transports.

À cet égard, vos rapporteurs estiment que l’accompagnement des propriétaires doit être renforcé. En effet, ces propriétaires attendent, le plus souvent, un accompagnement « clé en main », où les démarches administratives ou de travaux seraient réalisées pour eux par un organisme supervisant l’intégralité du projet : plus que le coût financier que cela représente, les propriétaires sont découragés par la multiplicité ressentie des procédures à accomplir. C’est pourquoi, le modèle des « maisons des propriétaires », dont certaines existent déjà sous différentes formes (intégralement publiques ou faisant également intervenir une société d’économie mixte associant, par exemple, la société d’exploitation des remontées mécaniques), pourrait être développé et généralisé. Ces maisons devraient proposer tout à la fois la transmission de la vision stratégique de la station afin de donner confiance au propriétaire, des conseils ou des services méthodologiques, réglementaires et fiscaux, une expertise en matière de rénovation et de transition énergétique, un accompagnement en matière de décoration ou d’architecture, ainsi qu’une interface avec les réseaux de commercialisation des appartements meublés touristiques physiques et en ligne.

    Proposition n° 20 : Guider les propriétaires dans la rénovation de leur logement à des fins de location touristique par un accompagnement humain clé en main, en développant notamment les maisons des propriétaires comme lieu unique de conseil, de réalisation de démarches et de conclusion de contrats.

3.   Les travailleurs saisonniers demeurent dans une situation complexe et, le plus souvent, précaire

Plusieurs dispositions de la loi avaient pour objectif d’améliorer la prise en compte de la situation des travailleurs saisonniers. Trois ans après leur entrée en vigueur, il semble qu’ils n’aient majoritairement pas atteint les effets escomptés.

a.   L’expérimentation du régime de l’activité partielle pour les remontées mécaniques n’a, regrettablement, pas été prolongée

L’article 45 permettait d’expérimenter, pour trois ans, la mise en place d’un régime d’activité partielle pour les régies dotées de la seule autonomie financière qui gèrent un service public à caractère industriel et commercial de remontées mécaniques ou de pistes de ski. Le décret n° 2017-753 du 3 mai 2017 relatif à l’expérimentation visant à adapter le dispositif de l’activité partielle aux régies dotées de l’autonomie financière gérant un service public à caractère industriel et commercial de remontées mécaniques ou de pistes de ski prévoit les modalités et conditions du financement du dispositif expérimental ainsi que les conditions de suivi et d’évaluation de l’expérimentation.

La direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle (DGEFP) a tiré un bilan de cette expérimentation et l’a présenté le 25 septembre 2019. Elle y fait le constat d’un faible recours à l’activité partielle durant ces trois années (21 régies y auraient eu recours sur 75 éligibles, pour 225 heures d’activité partielle autorisées et 1 000 salariés concernés en cumulé sur 5 grandes régions), ainsi que du non-respect, par les régies, de leurs engagements en contrepartie en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. La DGEFP souligne, par ailleurs, que le dispositif d’activité partielle est conçu pour gérer des circonstances exceptionnelles et non anticipables, alors que les difficultés d’enneigement liées à la saisonnalité, dans un contexte de réchauffement climatique, ne présentent pas ces caractéristiques. En outre, un contentieux devant le Conseil d’État, en cours d’instruction, pourrait ouvrir le droit au recours à l’activité partielle à l’ensemble des régies dotées de la seule autonomie financière. Aussi, il a été décidé de ne pas prolonger l’expérimentation, mais de mettre en place un groupe de travail avec les membres du comité de pilotage de l’expérimentation, pour « mettre en synergie les propositions des acteurs professionnels et les outils dont dispose [la DGEFP] ».

Vos rapporteurs le regrettent, de même qu’un grand nombre d’acteurs auditionnés. Pour l’ANMSM et DSF, le faible recours au dispositif est davantage le signe d’une bonne gestion, ou d’un enneigement exceptionnel, que d’une inefficacité ou d’une inadaptation du dispositif et n’engendre, en outre, qu’un coût modeste pour les pouvoirs publics. La faible taille des régies et le manque de disponibilité et d’ingénierie administrative sont avancés par les acteurs de la montagne pour justifier le non-respect des engagements. Le comité de massif du Jura estime, de la même manière, que ce dispositif est indispensable, en raison de l’aléa d’enneigement particulièrement fort, sans pour autant nier que les régies aient du mal à assurer la contrepartie en termes de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Pour M. Joël Giraud, « le rapport de cette expérimentation ne peut pas conclure sur le fait que les aléas climatiques sont amenés à se répéter et laisser tomber les petites communes supports de station, qui contribuent aussi au maintien de la population dans les territoires de montagne ». Enfin, l’ANEM n’estime pas raisonnable, au motif que certaines régies n’auraient pas respecté la conditionnalité, de priver l’ensemble des régies concernées du bénéfice de cette expérimentation. C’est grâce à son action, que vos rapporteurs saluent, que le dispositif a pu être prolongé de quelques mois, jusqu’au 31 mars 2020, soit la fin de la saison actuelle, alors qu’il aurait dû s’achever au 28 décembre 2019, trois ans après l’adoption de la loi. À l’heure où le changement climatique introduit des défis nouveaux pour les petites structures, il est plus que jamais nécessaire de les accompagner pour anticiper les mutations économiques qu’elles auront à connaître. C’est pourquoi vos rapporteurs demandent une pérennisation du dispositif au-delà de la saison actuelle, mais également qu’un diagnostic fin soit posé sur les besoins des régies en matière de recours à l’activité partielle et d’assistance dans la mise en œuvre des contreparties, ce que le délai de trois ans qui s’achève n’a pas suffi à accomplir. Le groupe de travail mis en place par la DGEFP peut être le lieu de réalisation de ce travail.

    Proposition n° 21 : Pérenniser la possibilité du recours à l’activité partielle pour les régies dotées de la seule autonomie financière exploitant des remontées mécaniques ; participer, en tant que députés de la montagne, au groupe de travail mis en place par la DGEFP et y établir un diagnostic fin des besoins des régies en matière de recours à l’activité partielle d’une part et d’assistance dans la mise en œuvre des contreparties d’autre part.

b.   Les dispositions relatives au travail saisonnier n’ont été que faiblement appliquées ou n’ont pas porté leurs fruits

Le travail saisonnier est un élément essentiel de l’activité économique de la montagne. À ce jour, on dénombre environ 500 000 travailleurs saisonniers (tous territoires confondus) dans le secteur du tourisme ([8]), répartis de la manière suivante pour le tourisme de montagne selon l’Union des métiers et industries de l’hôtellerie (UMIH) : 25 % d’actifs locaux sédentaires ; 25 % de salariés saisonniers réguliers mobiles, qui alternent une saison en montagne et une saison sur le littoral, et reviennent d’année en année ; 50 % de salariés saisonniers occasionnels, étudiants, qui n’effectuent souvent qu’une ou deux saisons. La loi Montagne II comportait plusieurs articles relatifs à ces travailleurs saisonniers, dont peu ont porté leurs fruits.

 Le guichet unique na pas fait lobjet de lévaluation requise

L’article 59 de la loi Montagne de 1985 prévoyait que les organismes de sécurité sociale mettent en place des guichets uniques d’information et de conseil destinés aux travailleurs pluriactifs « afin de préserver les intéressés des excès de complexité que peut engendrer la pluralité des régimes de protection sociale dans les zones de montagne ». En effet, en application des règles de rattachement aux différents organismes de sécurité sociale (régime général, mutualité sociale agricole, régime social des indépendants), un assuré qui change d’activité professionnelle doit parfois « muter » de caisse pour la prise en charge de sa protection sociale. Ceci est particulièrement le cas des travailleurs saisonniers, pour qui le changement de caisse peut avoir lieu plusieurs fois par an.

L’article 43 de la loi Montagne II constate semble-t-il, de facto, l’absence de mise en œuvre satisfaisante de l’article 59 de la loi Montagne I, dans la mesure où il prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, une évaluation des conditions de gestion des travailleurs pluriactifs ou saisonniers par les régimes de protection sociale ainsi que des conditions d’une prise en charge mutualisée des travailleurs pluriactifs et saisonniers, « en vue de la mise en place des guichets uniques mentionnés au troisième alinéa de larticle 59 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ». Toutefois, selon le CGET, « cette évaluation na pas été effectuée ou en tout cas pas communiquée. Par ailleurs, un des groupes de travail thématiques du CNM a auditionné des caisses locales (régime général et régime agricole) et bien mis en évidence lexistence dun dispositif de "caisses pivots" (ou guichet unique) pour les salariés saisonniers pluriactifs, mais ne couvrant quune partie de cette catégorie de saisonniers ».

En effet, l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 était venue apporter des précisions, en disposant que « des règles de coordination sont instituées, par décret, entre régimes dassurance maladie et maternité pour les personnes nexerçant pas dactivité professionnelle les assujettissant à un régime de sécurité sociale qui ont relevé, simultanément ou successivement, soit de régimes de travailleurs salariés, soit dun régime de travailleurs salariés et dun régime de travailleurs non-salariés, soit de plusieurs régimes de travailleurs non-salariés ». Toutefois, selon le CGET, le dispositif introduit dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2015 ne concerne que les saisonniers qui exercent simultanément plusieurs activités relevant de plusieurs régimes de protection sociale et non « les salariés combinant plusieurs activités tout au long de lannée (exemple dun moniteur de ski en saison hivernale exerçant des activités de berger en été) ». En outre, « ce dispositif ne produit par ailleurs pas tous ses effets car il est encore relativement inconnu des potentiels bénéficiaires ».

Vos rapporteurs notent également que, parallèlement aux débats sur la loi Montagne II, son article 43 avait été complété par larticle 62 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, dont lobjet était de renforcer la mise en place de la mutualisation entre les différentes caisses, en précisant notamment que « en cas de changement dorganisme assurant la prise en charge des frais de santé dune personne, lorganisme qui assure cette prise en charge ne peut linterrompre tant que lorganisme nouvellement compétent ne sest pas substitué à lui », afin de garantir une couverture sociale simplifiée et continue pour ces travailleurs. Il ne leur a pas été possible de déterminer si cet article avait présenté des effets significatifs sur la population de saisonniers concernés.

De manière générale, vos rapporteurs déplorent cette situation et la prise en considération d’une catégorie trop étroite de saisonniers dans le dispositif des caisses pivots tel qu’il existe actuellement, là où il existe, qui ne correspond ni à l’esprit ni à la lettre de la loi Montagne de 1985. Ils demandent instamment la remise au Parlement du rapport prévu par l’article 43 de la loi Montagne (qui aurait dû lui être transmis en décembre 2017), lequel devra étudier la possibilité d’étendre le dispositif existant aux saisonniers relevant successivement au cours de l’année de plusieurs caisses distinctes.

 

    Proposition n° 22 : Remettre le rapport relatif à la mise en place des guichets uniques pour les travailleurs pluriactifs prévu par l’article 43 et mener une réflexion sur la possibilité d’étendre ce dispositif aux salariés saisonniers relevant successivement au cours de l’année de plusieurs caisses distinctes.

 Le CDI intermittent et les groupements demployeurs ne sont que peu utilisés en raison des difficultés quils présentent

Comme l’indique la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail, « en moyenne, un contrat saisonnier dure deux mois. 55 % des saisonniers complètent leur activité de saisonnier avec au moins un autre emploi salarié privé durant les douze mois, tandis que les 45 % restants nont pas dautre contrat durant lannée ». Destinés à permettre aux salariés de lisser leur activité sur l’année et de sécuriser leurs parcours professionnels, le contrat à durée indéterminée (CDI) intermittent et le mécanisme des groupements d’employeurs faisaient l’objet d’articles de la loi Montagne II. Ainsi, l’article 44 prévoyait que le contrat de travail intermittent du travailleur saisonnier précise que, le cas échéant (et non plus obligatoirement), la rémunération versée mensuellement est indépendante de l’horaire réel effectué et lissée sur l’année. L’article 49 augmentait la durée de mise à disposition des salariés d’un groupement d’employeurs mixte aux collectivités territoriales adhérentes pour prévoir qu’elle ne puisse dépasser les trois quarts (et non la moitié) de la durée du travail contractuelle ou conventionnelle.

Toutefois, l’évaluation de ces dispositifs montre davantage de difficultés que d’efficacité. De manière générale, le CDI intermittent n’a été que très peu utilisé : seuls une dizaine de contrats auraient été signés. L’inspection du travail n’a pas été particulièrement saisie pour des problèmes juridiques ou d’effectivité, la principale difficulté relevant plutôt de la non-concordance des différentes conventions collectives (et le risque que cela fait courir de « dumping » entre conventions). D’autres difficultés, plus culturelles, sont notées : certains travailleurs saisonniers sont attachés à l’identité et à la culture de la saisonnalité, et ne souhaitent pas de contrat de type « CDI ». Par ailleurs, le contrat saisonnier permet déjà une certaine stabilité dans la mesure où, en application de l’ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017 relative à la prise en compte de l’ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction, adoptée sur le fondement de l’article n° 86 de la loi no 2016‑1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, les travailleurs saisonniers bénéficient d’un droit à la reconduction de leur contrat dès lors qu’ils ont effectué au moins deux mêmes saisons dans l’entreprise et que celle-ci dispose d’un emploi saisonnier à pourvoir, compatible avec la qualification du salarié.

Les mêmes difficultés sont constatées s’agissant des groupements d’employeurs, à l’exception de ceux qui ne font intervenir que des entités de droit public. Il existe, ainsi, une difficulté à ne sélectionner qu’une seule convention collective quand les différents employeurs relèvent de plusieurs branches, de même qu’une forme de réticence culturelle. Au-delà, il existe également une difficulté pour les entreprises à identifier des besoins à temps partiel et à consolider des CDI au niveau des groupements d’employeurs : comme l’indique l’UMIH, « le groupement a été fait pour faire des CDI à temps partagé, mais le problème est que les entreprises ont des besoins au même moment », or la sécurisation des parcours passe nécessairement par la structuration de l’offre au niveau des entreprises.

L’indemnisation chômage des saisonniers mérite une attention particulière

Bien que cela ne fasse pas, au sens strict, partie de l’évaluation de la loi Montagne II, vos rapporteurs attirent l’attention sur la réforme de l’indemnisation chômage, telle qu’issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Alors que les modalités de l’indemnisation des travailleurs saisonniers devaient être réglées par négociation entre les partenaires sociaux, l’échec de ces négociations a conduit le Gouvernement à reprendre la main et à publier deux décrets en juillet 2019 : le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage et le décret n° 2019-796 du 26 juillet 2019 relatif aux nouveaux droits à indemnisation. Ces décrets, qui modifient les règles d’indemnisation, auront des effets particuliers sur les travailleurs saisonniers – dont certains pourraient voir leur indemnisation réduite – en raison des nouveaux principes qu’ils fixent :

– depuis le 1er novembre 2019, un travailleur saisonnier doit avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois (et non plus 4 mois sur les 28 derniers mois) pour que les droits à indemnisation chômage lui soient ouverts. Ceci pourrait porter préjudice aux salariés des stations dont la saison excède rarement quatre mois ;

– depuis le 1er novembre 2019, un allocataire chômage doit travailler 6 mois pour recharger ses droits aux allocations chômage, contre 1 mois auparavant ;

– à compter du 1er avril 2020, le salaire journalier de référence servant de base au calcul des allocations chômage sera calculé en divisant le salaire de la période de référence par l’ensemble des jours de la période et non par les seuls jours travaillés.

De source syndicale, 40 % des travailleurs saisonniers pourraient être affectés.

L’objectif de cette réforme est d’inciter les travailleurs saisonniers à effectuer au moins deux saisons par an, et de favoriser leur retour à l’emploi, de manière à endiguer la pénurie de saisonniers et les difficultés de recrutement que connaissent certaines stations ou certaines professions.

Vos rapporteurs souhaitent qu’une étude d’impact chiffrée précise soit réalisée par le Gouvernement et que des mesures complémentaires soient envisagées (notamment le développement d’une plateforme de recherche d’emploi pour les travailleurs saisonniers, en particulier aux intersaisons), pour garantir le bon équilibre entre une indemnisation juste et adaptée aux contraintes que connaissent ces travailleurs d’une part, et un système suffisamment incitatif pour assurer le maintien de l’activité économique sur les territoires touristiques d’autre part.  

 Le logement saisonnier répond encore trop peu à la demande

L’article 47 prévoyait que toute commune ayant reçu la dénomination de « commune touristique » devait conclure avec l’État une convention pour le logement des travailleurs saisonniers, en association avec l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), le département et Action Logement Services. Cette convention devait comprendre un diagnostic des besoins en logement des travailleurs saisonniers, les objectifs et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre dans un délai de trois ans. L’article prévoyait que, si ces communes n’avaient pas conclu de convention dans un délai de deux ans après la publication de la loi, le préfet pouvait suspendre leur classement. À l’expiration du délai de 3 ans, la commune devait dresser un bilan de l’application de la convention. Si ce bilan concluait que les objectifs n’étaient pas atteints, sans justification particulière, le préfet pouvait suspendre le classement.

Selon M. Joël Giraud, les conventions que l’État et la commune doivent conclure, en application de cet article sont utilisées de manière très inégale selon les départements. Certains préfets ne « pousseraient pas beaucoup à la roue ». Il estime que leur « bonne mise en œuvre tarde un peu et dépend tant de la bonne volonté que des ressources des acteurs du terrain ». L’association nationale des élus des territoires touristiques (ANETT) indique également que l’application de cet article est très variable d’un département à l’autre. Pour le comité de massif du Jura, « cet article mériterait un véritable accompagnement en termes de communication, danimation et dingénierie sur les territoires pour pouvoir être pleinement appliqué ».

Le CGET précise toutefois que « lobligation (au titre de larticle 47) pour les communes ayant reçu la dénomination de communes touristiques de conclure des conventions avec lÉtat au profit du logement des saisonniers sest heurtée à un manque dingénierie au sein des stations de taille moyenne. Cellesci, en labsence de modèle de convention, ne savaient pas comment les élaborer, ni les dimensionner. [Un] groupe de travail du CNM, associant la DHUP et la DGE a ainsi élaboré avec des représentants de communes, demployeurs et de salariés un modèle de convention qui a été mis à disposition des communes via les comités de massif et les DDT début juin 2019 ». Comme l’indique l’ANEM, « reste à espérer quà lavenir, lANCT pourra apporter lingénierie nécessaire aux communes aujourdhui démunies ».

Vos rapporteurs rappellent l’importance de la question du logement des travailleurs saisonniers et la nécessaire application des dispositions de l’article 47 par les communes touristiques et les représentants de l’État dans les départements. Ils seront attentifs à la bonne appropriation du modèle de convention proposé par le CNM, la DHUP et la DGE, mais également au soutien que l’ANCT pourra apporter aux collectivités territoriales en matière d’ingénierie. En dernier recours, ils souhaitent que les sanctions prévues par l’article 47 soient appliquées.

 

 

 

 

    Proposition n° 23 : Rappeler l’existence et le fonctionnement des dispositions prévues par l’article 47 relatif aux conventions de logement pour les travailleurs saisonniers à l’ensemble des communes touristiques et des représentants de l’État dans les départements ; dresser un bilan de l’utilisation du nouveau modèle standard de convention à l’issue de la saison 2019-2020 et veiller à ce que l’Agence nationale de la cohésion des territoires apporte aux collectivités territoriales concernées les ressources suffisantes en termes d’ingénierie. En dernier recours, s’assurer que les sanctions prévues par l’article 47 soient effectivement appliquées.

● Les maisons France Service devraient bien intégrer les maisons des saisonniers

L’article 46 prévoyait que dans les communes classées « communes touristiques », les maisons de service au public (MSAP) répondent à la situation des travailleurs saisonniers et pluriactifs et puissent inclure des maisons des saisonniers. Sans qu’un bilan qualitatif ou quantitatif ne puisse véritablement en être tiré, tous s’accordent à dire que cette solution et ce rattachement étaient pertinents. Selon l’ANEM, « en citant les maisons des saisonniers, larticle 46 leur donne une reconnaissance légale. Leur intégration au sein des MSAP, devrait permettre de mutualiser les compétences, daméliorer ainsi le service rendu au public et de rationaliser lutilisation des dépenses publiques ». Un groupe de travail a été mis en place en juin 2019 par le CGET et devrait produire des conclusions prochainement, le sujet étant désormais suivi par l’ANCT.

Comme l’indique la DGE, « le Gouvernement a décidé daméliorer le dispositif existant des maisons de services au public par la création des maisons France Service. Chaque canton aura une maison France Service dici à 2022 ». La charte nationale d’engagement France Service prévoit explicitement que, « en zone de montagne, les maisons France Service sont tenues de répondre à la situation des travailleurs saisonniers et dintégrer les maisons de saisonniers ».

Il conviendra de s’assurer que cette intégration soit pleinement réalisée, dans des conditions financières satisfaisantes.

    Proposition n° 24 : Veiller à la bonne intégration des maisons des saisonniers au sein des maisons France Service.

● La formation professionnelle en zone de montagne fait lobjet dinnovations encourageantes, à développer

L’article 42 prévoyait que les établissements de formation professionnelle situés en zone de montagne prennent en compte les enjeux de la pluriactivité, de la bi-activité ou de l’activité transfrontalière dans leur offre de formation. En outre, l’article 29 prévoyait notamment que les expérimentations en matière de numérique devaient être adaptées à la formation des salariés en montagne. Interrogée à ce sujet, la DGE indique n’avoir « pas dinformation sur lévolution de loffre de formation professionnelle intégrant les enjeux de la pluriactivité en zone de montagne depuis ladoption de la loi Montagne II ».

Vos rapporteurs tiennent à saluer quelques démarches innovantes portées à leur connaissance, pour les encourager et inciter d’autres acteurs à en développer de semblables. Ainsi, l’organisme de formation AGEFOS PME, qui agit au nom et pour le compte de l’opérateur de compétences (OPCO) des entreprises de proximité depuis le 1er avril 2019, avec le soutien de la DGEFP et du fonds social européen, a accompagné la branche des remontées mécaniques et des domaines skiables dans la transformation digitale de leurs métiers. En effet, comme l’indique son communiqué de presse paru en septembre 2019, « la branche des remontées mécaniques est fortement impactée par les mutations technologiques liées au numérique, tous corps de métiers confondus […]. La complexification des machines automatisées conduites par les salariés intensifiant tant la digitalisation des postes de travail que les enjeux liés à la sécurisation des procédures, la branche a engagé avec AGEFOS PME, un travail de rénovation de lingénierie pédagogique de ses formations pour répondre à ces nouveaux besoins […]. À lissue du travail mené avec AGEFOS PME et les partenaires du projet, la branche des remontées mécaniques met donc à la disposition de ses adhérents deux nouveaux outils de formation "à distance" : un simulateur de conduite téléporté en 3D et des leçons de e-learning ludiques et interactives ».

Vos rapporteurs, s’appuyant sur cette expérience réussie, appellent à poursuivre les efforts engagés en matière de formation des travailleurs saisonniers, autour de plusieurs axes :

– le recours au e-learning et l’usage du bon sens dans le calendrier des formations, encore trop de formations étant organisées en présentiel dans des centres éloignés des lieux de travail, ou en pleine saison quand les intéressés ont peu de temps à y consacrer. Il peut, notamment, être envisagé d’effectuer des formations sur un lieu tiers où les enseignements seraient partagés entre présentiel et formation à distance, éventuellement dans les maisons de service au public ;

– le développement de formations adaptées à l’évolution des métiers (numérique, communication, changement climatique et nouveaux risques, etc.). À ce titre, vos rapporteurs regrettent vivement que l’association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches (ANENA), soit contrainte de délivrer des formations de maîtres chien et d’artificier sans en avoir reçu l’agrément, ses dossiers de demande d’agrément étant bloqués depuis plusieurs années au sein des deux ministères de tutelle (ministère de l’intérieur et ministère de la jeunesse et des sports). Comme l’indique son vice-président, l’organisme de formation se trouve dans une situation d’insécurité juridique grave en raison de l’inertie des services administratifs, les formations étant dispensées en l’absence d’autorisation administrative adéquate, pour permettre aux stations de continuer à disposer du personnel de sécurité nécessaire, dans un contexte de risques croissants.

Vos rapporteurs seront également attentifs au rattachement des formations et des certifications « jeunesse et vie associative », d’une part, et « sport », d’autre part, relevant auparavant des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) et des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) à l’éducation nationale, comme prévu par la circulaire du 12 juin 2019 relative à la réorganisation des services de l’État.

    Proposition n° 25 : Faire aboutir la demande d’agrément de l’association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches en matière de formation d’artificiers et de maîtres chien et accentuer les efforts engagés s’agissant de la formation des travailleurs saisonniers, en définissant un partage ajusté entre enseignements présentiels et enseignements à distance, et en insistant sur les formations adaptées à l’évolution des métiers de la montagne (numérique et digitalisation, changement climatique et nouveaux risques, etc.).

V.   l’accÈs aux services publics demeure trÈs inÉgal

A.   les dispositions de la loi et leur application

La loi Montagne II comporte plusieurs dispositions relatives aux services publics et à la sécurité en montagne.

S’agissant de l’éducation, la loi prévoit que la mise en œuvre de la carte scolaire permet d’identifier, en zone de montagne, les écoles publiques nécessitant l’application de modalités spécifiques d’organisation scolaire (art. 15).

S’agissant de l’accès aux soins, la loi prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à la juste compensation des surcoûts associés à la pratique des actes médicaux et paramédicaux en zone de montagne (art. 17). Elle renforce la planification et l’adaptation des soins en zone de montagne, en disposant que le schéma régional de santé prévoie un volet consacré aux besoins de santé spécifiques des populations des zones de montagne (art. 18), en modifiant la composition du conseil territorial de santé en zone de montagne pour y intégrer un membre du comité de massif concerné (art. 19) et en prévoyant de définir, à titre expérimental, des délais raisonnables d’accès aux services de santé au sein du projet régional de santé (art. 23). Elle étend également les possibilités d’exercice de la médecine en montagne, en prévoyant que tout médecin remplaçant un médecin bénéficiant d’une autorisation d’exercer la propharmacie ([9]) ou s’établissant dans le même cabinet se voit automatiquement accorder cette même autorisation (art. 20), mais également que les médecins retraités qui continuent à exercer leur activité en montagne sont exonérés de la moitié des cotisations sociales s’ils exercent dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante (art. 22), ou encore que les médecins n’ayant pas soutenu leur thèse puissent être autorisés à prendre une inscription universitaire en vue de la soutenir, à la condition d’exercer dans une zone sous-dense (art. 93). Le décret requis pour l’application de ce dernier article a été pris (décret n° 2018-2013 du 28 mars 2018 relatif à l’inscription universitaire des personnes ayant validé la formation du résidanat et n’ayant pas soutenu leur thèse).

En matière de sécurité, la loi prévoit que le maire peut confier à un prestataire public ou privé l’exécution matérielle des prestations de secours d’urgence aux personnes sur les pistes de ski, sites nordiques, ou domaines hors‑pistes (art. 21) et que le préfet détermine les obligations d’équipement des véhicules en période hivernale (art. 27). Pour ce dernier article, le décret d’application est toujours attendu à la date de publication du rapport.

B.   les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1.   La carte scolaire est relativement bien adaptée aux zones de montagne

L’article 15 de la loi dispose que « dans les départements dont le territoire comprend des zones de montagne, la mise en œuvre de la carte scolaire permet lidentification des écoles publiques ou des réseaux décoles publiques qui justifient lapplication de modalités spécifiques dorganisation scolaire, notamment en termes de seuils douverture et de fermeture de classe, au regard de leurs caractéristiques montagnardes, de la démographie scolaire, de lisolement, des conditions daccès et des temps de transports scolaires. Le nombre denseignants du premier degré affectés à chaque département par le recteur dacadémie est déterminé en prenant en compte les effectifs scolaires liés à la population des saisonniers ». Cet article donne ainsi valeur législative à la circulaire  2011-237 du 30 décembre 2011 relative aux écoles situées en zone de montagne.

Selon la majorité des acteurs auditionnés, bien que des difficultés existent encore, des efforts ont été réalisés en matière d’organisation scolaire, qui méritent d’être soulignés. Les écoles et réseaux d’écoles pour lesquels il est encouragé d’avoir des modalités spécifiques d’appréciation des seuils d’effectifs ont été identifiés, de manière à prendre en compte les enjeux de la ruralité et des évolutions démographiques qui, au niveau national comme au niveau local, sont importantes s’agissant du premier degré. Il revient alors aux rectorats de prendre des décisions au cas par cas en fonction des contraintes et caractéristiques locales, ainsi que des projections s’agissant de la démographie future. Selon le comité de massif du Jura, « les secteurs de montagne ont toujours fait lobjet dune attention particulière, en raison notamment de la difficulté de lorganisation des transports scolaires en période hivernale. Il na pas été mis en place de critères dappréciation différenciés lors des opérations de préparation de la rentrée mais une vigilance est portée sur les petites structures, très fragiles en matière deffectifs accueillis ». S’agissant en particulier de l’application des seuils d’ouverture de classes, il semble que les dispositions sont appliquées avec souplesse et bon sens : des classes, même en sous‑effectif, ne sont pas fermées, pour laisser le temps à une commune de s’organiser avec une commune voisine, ou pour ne pas avoir à rouvrir cette même classe une ou deux années plus tard en cas de franchissement du seuil à la hausse.

S’agissant du renfort d’effectifs en haute saison pour tenir compte de la population de saisonniers, le ministère de l’éducation nationale indique qu’il existe une robustesse statistique et un certain nombre de précédents qui permettent d’anticiper les besoins. Ainsi, « concernant les effectifs saisonniers, les services académiques placés auprès des [directions académiques des services de l’éducation nationale] (DASEN) consultent chaque année les maires des communes de montagne afin détablir la prévision des effectifs à la rentrée scolaire suivante, laquelle intègre une prévision des effectifs saisonniers (en effet, ces flux de population sont relativement prévisibles). À partir de ces prévisions, la DASEN prévoit dans lélaboration de la carte scolaire les moyens associés permettant douvrir un nombre de classes suffisant pour laccueil des élèves saisonniers ». Vos rapporteurs ont, toutefois, été alertés dans leurs circonscriptions par des cas spécifiques de manque d’enseignants en pleine saison, notamment pour les rentrées de janvier. L’ANEM indique également être régulièrement alertée par les maires sur la méconnaissance de l’article 15 par les DASEN. Une vigilance importante reste donc nécessaire.

En outre, s’agissant cette fois du second degré (non traité par l’article 15 de la loi), et comme mentionné par le comité de massif de Corse, une plus grande visibilité apparaît nécessaire quant aux moyens alloués aux établissements de montagne, pour lesquels une simple variation de la dotation peut menacer l’existence de certaines de leurs classes. Un engagement sur la base d’un conventionnement pluriannuel fixant les moyens dévolus pour ces différents établissements scolaires de montagne permettrait de définir des projets d’établissement stables, d’avoir une lisibilité suffisante sur les possibilités d’actions à moyen terme et de lever le caractère anxiogène de la situation actuelle pour les parents d’élèves et l’ensemble de la population locale.

    Proposition n° 26 : Mettre en place, à titre expérimental, un mécanisme de conventionnement pluriannuel entre le ministère de l’éducation nationale et les collectivités territoriales concernées pour la fixation des moyens des établissements scolaires du second degré situés en zone de montagne.

Enfin, un premier référent montagne a été désigné au sein du ministère de l’éducation nationale en juin 2018. Celui-ci a rencontré les représentants de l’ANEM fin 2019 et s’est engagé à tenir régulièrement informée l’association de l’évolution des dossiers. Selon l’ANEM, « après diverses relances, force est de constater que les demandes nont eu pas de réponse ». Comme l’indique le ministère de l’éducation nationale, « cette réorganisation étant encore très récente, le bureau na pas encore été en mesure danimer la politique territoriale du ministère. À ce stade, le référent montagne a établi des contacts avec les représentants élus des territoires de montagne avec lesquels des discussions constructives ont pu être engagées. La deuxième étape sera lanimation dun réseau de référents avec les départements concernés ».

Vos rapporteurs seront attentifs à ce que ces engagements soient honorés et à ce que des contacts réguliers et fructueux puissent avoir lieu entre ce référent montagne et les acteurs concernés. De manière générale, s’agissant de l’éducation nationale comme d’autres sujets, il reste important de renforcer la « culture montagne », au sein de l’administration centrale comme dans les administrations déconcentrées, même si les efforts réalisés sont notables et portent leurs fruits.

2.   La sécurité en montagne est assurée de manière satisfaisante

L’article 21 prévoyait que le maire puisse confier à un prestataire public ou privé l’exécution matérielle des prestations de secours d’urgence aux personnes sur les pistes de ski, sites nordiques, ou domaines hors-pistes accessibles par remontées mécaniques. Cet article a atteint les objectifs escomptés : sans apporter de modification substantielle, il a permis de consacrer une pratique existante et de lui donner une assise juridique, sécurisant ainsi ce qui était déjà opéré par les maires. Selon l’ANMSM, « cet article, adopté en concertation avec lANMSM et les acteurs de terrain, traduit les spécificités de lorganisation actuelle des missions de sécurité et de secours sur les domaines skiables. Il avait notamment pour objectif de donner une légitimité aux choix du maire dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative ». De même, selon l’ANEM, « cette disposition a été conçue de façon pragmatique pour tenir compte de la réalité de terrain selon laquelle les gestionnaires de domaines skiables ou de remontées mécaniques sont de facto les mieux placés pour organiser et mener les opérations de secours durgence ». Selon DSF, cet article a permis de clarifier l’organisation des secours et de lever le flou juridique qui préexistait.

C.   les points d’attention et propositions des rapporteurs

1.   L’accès aux soins doit faire l’objet d’une attention particulière

De manière générale, l’accès aux soins présente encore de graves lacunes dans les zones de montagne et les dispositifs prévus par la loi n’ont pas été utilisés ou n’ont pas permis d’obtenir les effets recherchés. Comme l’indique l’ANEM, « les élus de la montagne veulent un service accessible de médecine générale en vingt minutes maximum, durgence en trente minutes et de maternité en quarantecinq minutes de trajet automobile ». Ces objectifs ne sont, à ce jour, pas encore atteints. Selon le comité de massif des Vosges, « cette question est un vrai sujet et reste une préoccupation des territoires du massif ».

Toutefois, comme l’indique la direction générale de l’offre de soins (DGOS), « il convient de souligner que quels que soient les indicateurs de mesure, la situation de laccès aux soins tend à se dégrader en France, et quelle se dégrade plus vite dans les zones sous-denses que dans le reste du territoire. Dans ce contexte, lévolution de la situation dans les communes de montagne ne peut donc être analysée quen comparaison avec une tendance nationale ».

a.   Les dispositions de la loi n’ont été que peu appliquées ou n’ont pas atteint les objectifs fixés

Les articles relatifs à l’accès aux soins n’ont pas été systématiquement mis en œuvre ou n’ont pas atteint leurs objectifs.

Larticle 17 prévoyait ainsi que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de 6 mois à compter de la publication de la loi, un rapport relatif à la juste compensation des surcoûts associés à la pratique des actes médicaux et paramédicaux en zone de montagne. Selon la DGOS, « ce rapport na pas été remis. Les données en notre possession sont en quantité très insuffisantes pour réaliser une évaluation de ce type qui soit suffisamment documentée. Lévaluation de ces surcoûts est délicate en raison de leur caractère très variable selon le type de territoire concerné ».

Vos rapporteurs regrettent cette non-publication et demandent, une nouvelle fois, au Gouvernement de remettre ce rapport.

    Proposition n° 27 : S’assurer que le Gouvernement remette au Parlement le rapport prévu par l’article 17 de la loi Montagne II relatif à la juste compensation des surcoûts associés à la pratique des actes médicaux et paramédicaux en zone de montagne.

Larticle 18 prévoit que le schéma régional de santé comporte, le cas échéant, un volet particulier consacré aux besoins de santé spécifiques des populations des zones de montagne, notamment en termes d’accès aux soins urgents et d’évacuation des blessés. Selon la DGOS, « dans les sept régions métropolitaines concernées, dont certaines comportent une importante proportion de zones de montagne, la problématique est traitée dans la phase de diagnostic et dans les plans daction, sans pour autant prendre la forme dun volet spécifique. Plus concrètement, les dispositions relatives à laccès aux soins dans les zones de montagne sont intégrées aux objectifs non spécifiques du schéma régional de santé, relatifs la plupart du temps à loffre de premier recours et aux dispositifs durgence ».

Ainsi, les besoins de santé spécifiques des populations des zones de montagne, contrairement aux dispositions de l’article 18, ne font pas l’objet d’un volet spécifique, mais sont traités dans les chapitres relatifs aux soins de premier recours (accompagnement financier de cabinets de montagne labellisés pour l’acquisition de matériels de radiologie et traumatologie ; plan de déploiement des consultations avancées dans les zones de pré-montagne ; incitation aux stages des étudiants en médecine dans les zones sous-denses) ou à l’organisation de la médecine d’urgence (formation des médecins généralistes ou correspondants du SAMU aux spécificités des zones de montagne ainsi qu’aux soins urgents ; organisation de coopérations transfrontalières pour améliorer la réponse aux soins urgents). Les spécificités des territoires montagneux sont également abordées dans les chapitres précisant l’ensemble des mesures visant à garantir l’amélioration de l’accès aux services de santé dans les territoires devant faire l’objet d’une attention particulière (territoires ruraux, quartiers prioritaires de la ville, etc.).

Larticle 19 modifie la composition du conseil territorial de santé en zone de montagne pour y intégrer un membre du comité de massif concerné. Selon la DGOS, cet article a été mis en œuvre dans cinq régions métropolitaines (Auvergne-Rhône Alpes, Bourgogne-Franche-Comté ; Grand Est ; Occitanie ; Provence Alpes Côte d’Azur). En revanche, ce n’est pas le cas en Corse et en Nouvelle-Aquitaine. La DGOS indique que « la désignation peut savérer difficile pour le collège des collectivités territoriales ou leurs groupements dans la mesure où le comité de massif comprend un nombre limité délus ou parce que le département en cause nest concerné que par une faible part de son territoire ». La DGOS précise qu’il « est toutefois difficile danalyser limpact sur les décisions du conseil territorial de santé, notamment parce que celui a un pouvoir de décision juridiquement limité […] ainsi quune composition assez large pour que la voix de ces acteurs y soit rarement déterminante ».

Larticle 20 prévoit que tout médecin remplaçant un médecin bénéficiant d’une autorisation d’exercer la propharmacie ou s’établissant dans le même cabinet se voit automatiquement accorder cette même autorisation pour la durée du remplacement ou la durée d’exercice dans ce cabinet. Selon la DGOS, « les données chiffrées correspondantes sont difficilement accessibles dans la mesure où sagit dune autorisation automatique et non pas dun nouveau dossier de demande dautorisation à adresser aux ARS. Les médecins propharmaciens interrogés jugent néanmoins limpact de la loi positif en termes de simplification de lexercice et de service rendu aux patients […] ». Il faut toutefois noter qu’on ne dénombre aujourd’hui que 80 médecins propharmaciens sur l’ensemble du territoire national, une dizaine seulement dans la région Auvergne-Rhône Alpes : l’impact d’un tel article est donc, nécessairement, limité. Comme l’indique le comité de massif du Jura, « concernant la propharmacie, lARS a reçu une demande de renseignement dun médecin du Jura […] en 2018. Lintéressé […] na pas donné suite. Aussi, cette mesure na pas trouvé son application en Bourgogne-Franche-Comté ».

Larticle 22 prévoit que les médecins retraités qui continuent à exercer leur activité ou qui effectuent des remplacements en zone de montagne sont exonérés du paiement de la moitié des cotisations sociales s’ils exercent dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins. Selon la DGOS, « le dispositif en question demeure extrêmement confidentiel : il compte à lheure actuelle 8 médecins bénéficiaires (pour une exonération globale de 16 000 €). Leffet sur loffre de soins est donc marginal ». Toutefois, les médecins installés en zone de montagne bénéficient du dispositif de droit commun applicable aux zones sous-denses en matière de cumul emploi‑retraite. Ce dispositif a été étendu récemment par le doublement du plafond de revenus applicable. Il est mieux connu, plus facilement mobilisable, et produit des effets tangibles : au 1er janvier 2018, près de 10 % des médecins étaient dans une situation de cumul emploi-retraite, pour une prolongation en moyenne de 4 ans de leur durée d’activité. Le comité de massif du Jura indique ainsi que « le recours aux médecins retraités est un dispositif largement utilisé sur lensemble des territoires de la région ».

Larticle 23 prévoit de définir, à titre expérimental, des délais raisonnables d’accès aux services de santé au sein du projet régional de santé. Comme indiqué à vos rapporteurs, à ce stade, la DGOS n’a pas connaissance d’expérimentation mobilisant cet article.

Larticle 93 a pour objet de traiter la situation des personnes ayant validé en France la formation pratique et théorique du résidanat de médecine et n’ayant pas soutenu leur thèse dans les délais prévus par la réglementation. En application de cet article et de son décret d’application, en 2018, les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur ont autorisé 39 résidents non thésés à poursuivre leurs études en vue d’une installation future en zone sous-dense (le nombre élevé provenant, pour cette première année, essentiellement d’un effet de rattrapage). En 2019, seuls 5 résidents, non thésés, ont pu reprendre une formation, soit la totalité de l’effectif des candidats. Le nombre de candidats pour l’année 2020 n’est à ce jour pas encore connu. Comme l’indique la DGOS, « les effets de cette mesure ne pourront être évalués que dans les prochaines années à venir compte tenu des effectifs et des temps de formation accordés aux résidents non thésés », mais ils semblent, en tout état de cause, très marginaux.

De manière générale, les articles de la loi Montagne II n’ont eu, pris isolément, que très peu d’effets, car n’ont touché chacun qu’un nombre faible de bénéficiaires, dans des situations très spécifiques. Selon la DGOS, beaucoup n’ont pas « trouvé leur public », faute de notoriété. Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de mieux communiquer sur les dispositifs d’incitations financières ou, de manière plus large, sur les soutiens de toutes natures auxquels les médecins de montagne sont éligibles, pour assurer une meilleure mise en œuvre de ces leviers d’amélioration de l’accès aux soins en zone de montagne, qui pourraient être efficaces s’ils étaient utilisés à plus grande échelle.

    Proposition n° 28 : Mieux communiquer sur les dispositifs d’incitations financières ou de soutien de toutes natures auxquels les médecins de montagne sont éligibles pour assurer une meilleure mise en œuvre de ces leviers d’amélioration de l’accès aux soins en zone de montagne.

Vos rapporteurs appellent aussi à mettre en œuvre une autre mesure : celle de l’instauration d’un stage long en zone de montagne pendant le cursus d’études médicales. Une telle mesure serait de nature à développer, chez les futurs médecins, le goût de ces territoires et la volonté d’y exercer.

    Proposition n° 29 : Instaurer un stage long en zone de montagne durant le cursus d’études médicales.

b.   Il semble préférable de favoriser le droit commun, tout en prévoyant son adaptation aux zones de montagne

De manière générale, et au regard du faible nombre de bénéficiaires et de la faible notoriété des dispositifs propres à la montagne, il paraît préférable de privilégier les outils de droit commun en matière d’accès aux soins – en dehors de certains cas spécifiques requérant l’instauration de mécanismes spécifiques – tout en prévoyant application différenciée dans les zones de montagne.

Plusieurs agences régionales de santé (ARS) ont, ainsi, déjà mis en œuvre cette « stratégie », notamment en matière de zonage. Ainsi, si les modalités de calcul du zonage prévues au niveau national ne sont pas adaptées aux spécificités d’une zone de montagne dans le ressort d’une ARS (notamment parce que l’accessibilité ne tient pas compte des spécificités climatiques et est surestimée, ou que la localisation des professionnels rapportée au centre de la commune est trompeuse dans des communes très étendues), l’ARS peut adapter la détermination de ce zonage pour en corriger les défauts, y inclure les zones de montagne, et les rendre éligibles à certaines aides.

Comme l’indique la DGOS, « cest également la logique du barème spécifique dans la prise en charge des frais de déplacements (dits frais kilométriques) des professionnels de santé libéraux pour lassurance maladie. Dans la prise en charge des frais de déplacements par lassurance maladie, la montagne est prise en compte avec un barème spécifique dans la nomenclature générale des actes et prestations (NGAP). Les indemnités kilométriques sont par exemple portées à 0,91 € (contre 0,61 €) ». Sur ce dernier point, vos rapporteurs appellent toutefois à être vigilants. L’avenant n° 6 à la convention nationale conclue entre les syndicats infirmiers libéraux et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam), signé le 29 mars 2019, prévoit un plafonnement journalier du montant facturé des indemnités kilométriques : un abattement de 50 % du tarif du remboursement des indemnités kilométriques sera appliqué à partir de 300 km par jour, et un abattement de 100 % à partir de 400 km par jour. Bien que ceci relève du conventionnel et non du législatif, vos rapporteurs souhaitent y porter une attention particulière : il conviendra de contrôler que cette nouvelle mesure ne nuise pas au maillage du territoire de montagne par les professionnels de santé libéraux – la distance journalière de 300 km pouvant être rapidement atteinte par des professionnels qui se déplacent beaucoup – avant de la reconduire.

S’agissant des maisons de santé pluridisciplinaires, qui permettent de mutualiser des moyens et de rompre l’isolement du médecin rural, vos rapporteurs ont été attentifs à la demande de l’ANEM d’assouplir le cahier des charges pour l’installation de ces maisons en zone de montagne, en particulier s’agissant de l’obligation d’exercice en leur sein d’au moins deux médecins généralistes et d’un professionnel paramédical, pour bénéficier des aides financières associées ([10]). Selon la DGOS, il n’est, toutefois, pas souhaitable de réduire le nombre de médecins à un seul, en particulier au stade de l’ouverture de la maison de santé ; disposer de deux médecins assure la pérennité de ces maisons, dans la mesure où cela permet aux professionnels d’être moins isolés, mais également de se relayer en cas de congés ou d’indisponibilité, ou d’échanger autour des cas des patients le cas échéant. Une réflexion peut, toutefois, être menée sur le délai raisonnable pour recruter un second médecin, dans l’hypothèse où l’un des deux quitterait la maison de santé après son ouverture (un délai de six mois est aujourd’hui fixé, au-delà duquel, le tribunal, saisi par un tiers, peut prononcer la dissolution de la maison de santé). Cette réflexion aura lieu dans le cadre de la rédaction de l’ordonnance prévue par l’article 64 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Vos rapporteurs demandent à être associés à la rédaction de cette ordonnance, qui devrait permettre au Gouvernement, s’agissant des maisons de santé, de faciliter leur création et l’exercice de leurs missions et de prévoir les conditions d’emploi et de rémunération des professionnels participant à ces missions.

    Proposition n° 30 : Associer des parlementaires de la montagne à la rédaction de l’ordonnance relative aux maisons de santé prévue par l’article 64 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé et garantir que cette ordonnance prévoie un assouplissement des conditions fixées pour l’installation de ces maisons de santé en zone de montagne et leur éligibilité aux aides proposées.

Vos rapporteurs appellent également à une vigilance particulière s’agissant du déploiement et du maintien des hôpitaux de proximité, dont le statut a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, et dont la définition et les missions ont été précisées par l’article 35 de la loi dite « santé » du 24 juillet 2019 précitée. Ceux-ci sont ainsi des établissements de santé publics ou privés, ou des sites identifiés de ces établissements qui « assurent le premier niveau de la gradation des soins hospitaliers et orientent les patients qui le nécessitent […] vers les établissements de santé de recours et de référence ou vers les autres structures adaptées à leurs besoins […] ». Si les hôpitaux de proximité exercent une activité de médecine qui comprend, le cas échéant, des actes techniques, proposent des consultations de plusieurs spécialités (en complémentarité avec l’offre de la médecine de ville), disposent de plateaux techniques d’imagerie, de biologie médicale et d’équipements de télésanté, ils « nexercent pas dactivité de chirurgie ni dobstétrique ». Toutefois, « en fonction des besoins de la population et de loffre de soins présente sur les territoires sur lesquels ils sont implantés, les hôpitaux de proximité exercent dautres activités, notamment la médecine durgence, les activités prénatales et postnatales, les soins de suite et de réadaptation ainsi que les activités de soins palliatifs ». Un financement adapté, non directement indexé sur l’activité, est garanti. Le Gouvernement doit prendre, dans les douze prochains mois, une ordonnance permettant de déterminer les modalités selon lesquelles la liste des établissements de santé de proximité est établie par l’autorité compétente, définir les modalités d’organisation, de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements et déterminer dans quelles conditions ces dispositions peuvent être applicables à une structure dépourvue de la personnalité morale. Vos rapporteurs demandent également à être associés à la rédaction de cette ordonnance, pour veiller à ce qu’elle prenne en considération les particularités et les besoins spécifiques des populations de montagne en matière d’accès aux soins.

    Proposition n° 31 : Associer des parlementaires de la montagne à la rédaction de l’ordonnance relative aux hôpitaux de proximité prévue par l’article 35 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé et garantir que cette ordonnance prenne en considération les particularités et les besoins spécifiques des populations de montagne en matière d’accès aux soins.

2.   Le décret relatif aux équipements des véhicules en période hivernale est toujours attendu

L’article 27 de la loi Montagne II prévoit la possibilité, pour le préfet de département, de rendre obligatoire l’utilisation d’équipements spéciaux (pneus hiver ou chaînes) pour véhicules légers et lourds en période hivernale, dans certaines zones de montagne. Toutefois, cet article, pour être applicable, requiert la publication d’un décret précisant les équipements concernés. Attendu pour la saison d’hiver 2017-2018, ce décret a été plusieurs fois reporté. Les saisons 2018-2019 et 2019-2020 n’ont, ainsi, pas pu voir les effets de cet article de la loi Montagne II. M. Joël Giraud explique le retard dans l’adoption de ce décret par le contexte lié aux contestations du mouvement des « Gilets Jaunes », qu’une obligation de détention de pneus hiver ou de chaînes aurait pu contrarier, ainsi que par la réticence des chauffeurs routiers, qui estimeraient à quelques dizaines de millions d’euros le coût de la mesure pour leur profession.

Il apparaît, toutefois, impératif que ce décret soit publié au plus vite. En effet, les situations de grande difficulté connues de manière récurrente ces dernières saisons en montagne, les routes coupées, les accidents et le nombre bien trop élevé de « naufragés de la route » chaque hiver, appellent une réponse rapide. Il en va de la sécurité des populations de montagne et de ceux qui s’y rendent. En outre, une telle mesure est nécessaire pour assurer la cohérence avec les dispositions qui existent en Italie, à quelques kilomètres à peine de certaines stations françaises. Pour être applicable pour la saison d’hiver 2020-2021, et que cette application se fasse de manière sereine, il semble nécessaire que cette publication ait lieu autant que possible en amont, afin de diffuser l’information de manière large et précise par des campagnes de communication nationales. Du côté du ministère de la cohésion des territoires, la mobilisation est forte pour qu’il n’y ait pas de nouveau report. Deux enjeux de taille sont identifiés : la bonne coordination au sein des massifs, pour que les périmètres et axes concernés ne créent pas de ruptures entre départements (ce à quoi le préfet coordonnateur de massif pourra veiller) et la bonne information des usagers.

La délégation à la sécurité routière, entendue par vos rapporteurs, apporte plusieurs éléments de réponse. En premier lieu, elle affirme que le dispositif sera en place pour la saison hivernale 2020-2021. Une communication nationale sera mise en place en amont, pour tenir compte du fait que « chaque Français est susceptible de se déplacer en montagne ». Plusieurs arbitrages auraient été opérés :

– le décret imposerait d’avoir des pneus hiver installés ou des chaînes, posées ou à disposition dans le véhicule, pour circuler dans les zones dont le périmètre serait précisé par chaque préfet. Il n’aurait pas été décidé de faire obligation de disposer de pneus hiver, de manière à ne pas contraindre excessivement les particuliers ne se rendant à la montagne qu’occasionnellement, que le coût d’un tel achat pourrait dissuader. De même, l’option de généraliser les pneus polyvalents hiver-été n’aurait pas été retenue, ces pneus ayant une empreinte environnementale plus lourde que les pneus classiques ;

– des contrôles auraient lieu en dehors des zones de montagne : les conducteurs ne disposant pas des équipements imposés ne pourraient s’y rendre. Concrètement, les automobilistes devraient être en mesure de « prouver » qu’ils peuvent monter une côte enneigée, même à quelques kilomètres de cette côte, dans une zone plane et non neigeuse ;

– les mesures équivalentes mises en place dans les États voisins (Italie, Allemagne et Autriche) n’auraient pas été retenues, car les situations ne seraient pas comparables : dans ces pays, imposer des pneus hiver à tous les automobilistes apparaît plus réaliste, l’un étant majoritairement montagneux, les deux autres d’un climat plus froid et neigeux que la France ;

– une place importante serait accordée à l’information et à l’éducation des automobilistes : des panneaux de signalisation, compréhensibles par des automobilistes étrangers, devraient être conçus.

Vos rapporteurs regrettent les arbitrages retenus s’agissant, en particulier, des véhicules lourds, pour lesquels il apparaît nécessaire d’imposer la possession de chaînes et de pneus hiver. Disposer de simples chaînes, le plus souvent dans le coffre, ne résoudra pas les difficultés, étant entendu que les chauffeurs pourraient ne les installer qu’au moment critique, lorsqu’il serait déjà trop tard pour éviter un engorgement ou un accident. L’opposition – prévisible – des chauffeurs routiers doit pouvoir être levée dans la mesure où les pneus hiver ne coûtent pas plus cher que des pneus classiques, dont ils permettent en outre d’économiser l’usure. Seul le coût de la pose peut être éventuellement avancé, mais celui-ci semble tout à fait supportable par la profession. Par ailleurs, s’agissant des points de contrôle, vos rapporteurs appellent à la vigilance : trop éloignés des zones de montagne, ils perdraient leurs effets et risqueraient de pénaliser un trop grand nombre d’automobilistes ; trop proches, ils ne permettraient sans doute pas de lutter contre la congestion ou les accidents.

    Proposition n° 32 : Publier avant l’été le décret relatif aux obligations d’équipement des véhicules en période hivernale prévu par l’article 27 de la loi Montagne II de manière à ce que celui-ci puisse être applicable pour la saison 2020-2021 ; imposer aux poids lourds circulant en zone de montagne de disposer de pneus hiver installés en permanence sur une période allant du 15 novembre au 15 mars et de chaînes disponibles dans leur véhicule, pouvant être installées en tant que de besoin.

VI.   la couverture numÉrique des territoires de montagne doit encore être amÉliorÉe

A.   Les dispositions de la loi et leur application

La loi Montagne II ne comportait, initialement, que peu de dispositions relatives au numérique. Ce chapitre a, toutefois, été considérablement renforcé dans le cadre des débats parlementaires, pour aboutir à une véritable stratégie d’ensemble, relativement complète.

La loi dispose, en particulier, que l’État met en œuvre une politique de nature à assurer le bon fonctionnement des moyens de communications électroniques, fixes ou mobiles, dans les zones de montagne (art. 29). Elle indique que les ministres et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) doivent veiller à prendre en compte les contraintes physiques propres au milieu montagnard dans les procédures de mise en œuvre des investissements publics, à favoriser les expérimentations permettant le développement de solutions innovantes de nature à améliorer la couverture des zones de montagne et à développer des services et usages numériques adaptés aux besoins et contraintes spécifiques des populations de montagne (art. 29). Elle permet aux collectivités territoriales de proposer des conditions tarifaires préférentielles à titre temporaire en vue de faciliter l’ouverture commerciale de leurs réseaux d’initiative publique (art. 30), exonère de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) les nouvelles stations radioélectriques de téléphonie mobile construites entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2020 (art. 34), ou encore impose aux opérateurs de faire droit aux demandes raisonnables d’accès à leurs points hauts en zone de montagne (art. 36).

B.   les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1.   La couverture numérique mobile a été améliorée grâce au New Deal mobile

De l’avis de tous, la situation de la couverture mobile en montagne a été considérablement améliorée depuis l’adoption de la loi il y a trois ans, notamment parce que cette loi a permis une véritable prise de conscience, une réflexion collective de l’ensemble des acteurs ayant abouti, environ un an plus tard, à la définition d’un « New Deal mobile » plaçant l’aménagement du territoire et sa couverture en priorité.

Comme l’indique la fédération française des télécoms (FFT), « les opérateurs membres de la FFT sont convaincus que lANEM et les débats suscités lors de lexamen au Parlement du volet numérique de la loi Montagne II ont fait germer lidée dun New Deal mobile ». La loi a suscité une « véritable prise de conscience » de la part des opérateurs. De même, selon l’ARCEP, « la loi a fixé les objectifs et clarifié les outils à actionner » s’agissant du mobile. Elle a « donné une impulsion ». Selon Bouygues Telecom, « il ny aurait pas eu de New Deal sil ny avait pas eu la loi Montagne ».

Le bilan est, finalement, paradoxal, dans la mesure où les fondements posés par la loi n’ont trouvé à se concrétiser que plus tard, dans le cadre de la mise en place d’outils non législatifs. C’est ainsi que le New Deal mobile a été conclu en janvier 2018, entre pouvoirs publics et opérateurs, pour fixer plusieurs objectifs :

– la généralisation de la couverture 4G sur le réseau actuel de chaque opérateur d’ici fin 2020 pour la majorité du territoire, et d’ici fin 2022 pour 25 % des zones blanches ([11]) ;

– la généralisation de la couverture 4G sur les axes routiers prioritaires d’ici fin 2020 et sur le réseau ferré régional d’ici fin 2025 ;

– la mise en œuvre d’un « dispositif de couverture ciblée » pour identifier 5 000 nouvelles zones à couvrir par les opérateurs, en concertation avec les élus.

a.   Le dispositif de couverture ciblée du New Deal mobile en zone de montagne traduit la mise en œuvre concrète de l’article 29

● Des avancées notables en zone de montagne ouvrent des perspectives encourageantes

L’article 29 de la loi Montagne II semble avoir trouvé sa concrétisation dans le déploiement du New Deal mobile, et, en particulier, de son dispositif de couverture ciblée, qui prévoit la couverture, par l’ensemble des opérateurs, de 5 000 nouvelles zones en moins de dix ans.

Selon les données transmises par la FFT, au 31 décembre 2019, 1 374 sites mobiles ont été identifiés au titre du dispositif de couverture ciblée et seront mis en service par les opérateurs entre fin juin 2020 et fin décembre 2021, dont 485 devront être ouverts au 27 juin 2020 (soit 24 mois après la publication de l’arrêté les concernant) et 115 autres d’ici le 26 décembre 2020. Comme l’indique l’ARCEP, « en 2020, 2021 et 2022, cest chaque année 800 sites par opérateur qui devront être identifiés puis ouverts ».

 

Date de larrêté

4 juillet 2018

21 décembre 2018

22 mars 2018

12 juillet 2019

23 décembre 2019

Total

Nombre de sites identifiés

485 dont 123 en montagne

115 dont 64 en montagne

207 dont 102 en montagne

364 dont 164 en montagne

203 dont 68 en montagne

1 374 dont 521 en montagne

Source : fédération française des télécoms

Sur les 1 374 sites identifiés à ce jour, 521 sont situés en zone de montagne soit 38 % du nombre total de sites. Les territoires de montagne, qui couvrent 25 %, du territoire national sont donc bien représentés dans le cadre du New Deal mobile, en raison de critères de sélection qui prennent en compte leurs spécificités. En effet les modalités de calcul de la répartition du nombre de sites par département s’appuient sur quatre facteurs : la population du département en zone où aucun opérateur ne dispose d’une bonne couverture ; le pourcentage de surface du département en zone où aucun opérateur ne dispose d’une bonne couverture ; le pourcentage de locaux du département situés en territoire de montagne ; le nombre de communes du département ayant fait l’objet de signalements sur la plateforme France Mobile. Selon la FFT, la montagne apparaît, in fine, comme « la grande gagnante du New Deal mobile ».

En outre, la loi dite « ELAN » précitée est venue apporter des outils juridiques supplémentaires favorables aux zones de montagne : son article 223 modifie l’article L. 122-3 du code de l’urbanisme afin de lutter efficacement contre les zones blanches en montagne. Il permet que les implantations dantennes bénéficient dune dérogation au principe de continuité de lurbanisation qui s’applique en montagne. Comme l’indique la FFT, ceci doit « permettre de gagner plusieurs mois dans les délais dinstruction dun site mobile ».

L’ARCEP a mis en place un tableau de bord du New Deal mobile, qui permet de suivre, trimestre après trimestre, la mise en œuvre par les opérateurs des engagements qu’ils ont pris en 2018. Elle sera chargée également du contrôle et de la sanction de ces obligations, qui font partie intégrante des licences des opérateurs et sont donc juridiquement contraignantes. Enfin, l’article 29 de la loi Montagne II prévoit la publication de données et cartes numériques par zone de montagne. C’est chose faite : comme l’indique l’ARCEP, « lAutorité publie périodiquement des indicateurs sur lévolution de la couverture fixe et mobile dans les zones de montagne. Lensemble de ces données sont disponibles en open data ».

L’ensemble de ces dispositions permettent d’expliquer que la couverture mobile des territoires de montagne – tout en restant inférieure au reste du territoire national – ait progressé deux fois plus vite qu’ailleurs. Ainsi, au 1er octobre 2019, la part du territoire en zone de montagne couvert en 4G varie, selon les opérateurs, entre 52 % et 67 % (contre 41 % en moyenne en 2017) ; la part de population qui y est couverte en 4G varie, selon les opérateurs, entre 85 % et 94 % (contre 78 % en moyenne en 2017). La montagne est certes moins couverte que la moyenne du territoire, mais les écarts se résorbent progressivement : comme l’indique l’ARCEP, « en couverture de population, il y avait plus de 13 points décart entre le taux de couverture national (91,3 %) et le taux en montagne (78,1 %) il y a deux ans, et cet écart est aujourdhui de 6 points (97,7 % / 91,4 %) ».

surface des territoires de montagne couverte
par les différents opérateurs en 2017 et 2019

Surface

Bouygues Télécom

Free Mobile

Orange

SFR

Moyenne

2017

Montagne

46,89 %

29.98 %

45.41 %

42.74 %

41.25 %

Total

69.31 %

50.61 %

73.21 %

68.66 %

65.45 %

2019

Montagne

64.21 %

52.43 %

67.42 %

60.45 %

61.13 %

Total

84.45 %

76.57 %

87.85 %

83.39 %

83.06 %

Source : ARCEP

population des territoires de montagne couverte
par les différents opérateurs en 2017 et 2019

Population

Bouygues Télécom

Free Mobile

Orange

SFR

Moyenne

2017

Montagne

82.67 %

68.41 %

80.67 %

80.50 %

78.06 %

Total

93.54 %

83.63 %

94.88 %

93.04 %

91.27 %

2019

Montagne

93.26 %

85.41 %

94.25 %

92.68 %

91.40 %

Total

98.69 %

94.67 %

98.85 %

98.66 %

97.72 %

Source : ARCEP

 Les efforts doivent néanmoins être poursuivis

Vos rapporteurs saluent les efforts engagés mais invitent à ne pas considérer le travail comme achevé ou suffisant à ce stade : une poursuite des démarches, éventuellement dérogatoires, leur apparaît nécessaire pour permettre aux territoires de montagne de continuer à combler leur retard et de bénéficier d’une offre fixe et mobile de même qualité que celle du reste du territoire français. Il s’agit notamment de permettre à leurs habitants d’avoir le choix entre plusieurs opérateurs, ce qui n’apparaît possible aujourd’hui que pour 62 % des zones concernées.

Superficie couverte en 4G par au moins deux opérateurs

 

2017

2019

France entière

64,5 %

83,3 %

Hors zone de montagne

73 %

90,3 %

Zone de montagne

38,7 %

62,4 %

Source : CGET

De plus, à la date de publication du rapport, seuls une vingtaine de sites identifiés dans le cadre du dispositif de couverture ciblée étaient effectivement en activité, l’essentiel des 485 premiers sites devant être lancés au plus proche de l’échéance de juin 2020. Les actions engagées dans le cadre de ce plan ne sont donc, à ce stade, pas encore perceptibles sur le terrain. Bien que vos rapporteurs aient conscience de la complexité que peut recouvrir l’implantation d’une antenne de téléphonie dans le milieu montagnard, ils souhaitent rappeler que le délai de 24 mois prévu pour la mise en service des sites pour lesquels aucun terrain n’a été préalablement mis à disposition constitue un plafond, et non une durée indicative. Ceci est, en outre, également une recommandation formulée par les députés Laure de la Raudière et Éric Bothorel, dans le cadre de leur rapport d’information sur la couverture numérique et mobile du territoire présenté en janvier 2020 ([12]) .

Enfin, si la montagne est, somme toute, avantagée dans l’identification des sites relevant du dispositif de couverture ciblée, il semble qu’il n’en aille pas de même s’agissant de l’objectif relatif à la couverture des axes routiers prioritaires. En effet, ceux-ci sont définis comme « les autoroutes, les axes routiers principaux reliant, au sein de chaque département, le chef-lieu de département (préfecture) aux chefs-lieux darrondissements (sous-préfectures) et les tronçons de routes sur lesquels circulent en moyenne annuelle au moins cinq mille véhicules par jour, tels quils existent au 1er janvier 2018 ». Le critère du passage de 5 000 véhicules par jour exclut un grand nombre daxes routiers de montagne, en particulier sagissant du massif de Corse. Des efforts doivent être engagés pour assurer la couverture de ces axes routiers officiellement « non prioritaires », mais pourtant essentiels pour un grand nombre de Français.

    Proposition n° 33 : Ajuster la définition des axes routiers « prioritaires » dans le cadre du New Deal mobile, de manière à prendre en compte les axes routiers des zones de montagne, non nécessairement empruntés par 5 000 véhicules par jour, mais constituant des points de passage essentiels pour les populations de ces territoires.

b.   L’exonération d’IFER a permis d’obtenir des effets significatifs

Les opérateurs de télécommunications sont soumis, au titre des réseaux mobiles, à une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) portant sur le nombre de stations radioélectriques qu’ils déploient. Au 1er janvier 2019, le montant de la taxe s’élève à 1 657 € par an et par dispositif technologique (contre 1 607 € par an au 1er janvier 2016). Afin de tenir compte des difficultés particulières d’implantation des sites dans les zones de montagne, l’article 34 de la loi prévoit une disposition fiscale incitative, exonérant d’IFER les stations radioélectriques de téléphonie mobile construites en zone de montagne entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2020.

Cet article a constitué une véritable incitation. Ainsi, selon la FFT, entre juin 2017 et décembre 2019, 3 274 sites ont été activés en 4G en montagne (le plus souvent des sites existants en 3G, ayant basculé en 4G), et plus de 52 % des 6 366 sites 4G de montagne ont été déployés au cours 30 derniers mois. La FFT indique que « certains sites ne seraient pas passés en 4G sans lexonération ». Elle poursuit : « lexemption dIFER a donc entraîné une accélération significative des déploiements de sites mobiles dans les territoires de montagne qui cumulent pourtant des contraintes liées au relief, à laltitude et au climat ». Toutefois, comme l’expliquent également les opérateurs, l’intérêt de cette exonération était aussi constitué par le signal politique qu’elle envoyait, s’agissant de la stratégie et des priorités du Gouvernement, permettant d’adresser un message clair à tous. Pour Bouygues Télécom par exemple, cette exonération a représenté une économie d’1 M€ sur les 60 M€ d’IFER que paie l’opérateur : une somme non négligeable, mais non de nature à infléchir sa politique.

Malgré plusieurs demandes de vos rapporteurs, il n’a pas été possible de chiffrer la perte de recettes que représente cette exonération. En effet, selon la DLF, « le produit de lIFER est attribué aux collectivités territoriales. Lexonération nétant pas compensée par lÉtat, la mesure est donc sans incidence pour le budget de lÉtat. Pour les collectivités, les redevables de limposition ne déclarant que les stations taxables et non les stations exonérées, le coût de lexonération nest pas chiffrable ».

Si le bilan de cette exonération est, somme toute, plutôt positif, il a été décidé de ne pas prolonger le dispositif pour les stations construites après le 1er janvier 2021. Il s’agissait, en effet, d’inciter à l’amorçage sans pour autant créer d’exonération définitive pour toutes les antennes. Il s’agit aujourd’hui, de ne pas priver les collectivités territoriales de cette ressource, qui leur revient. La DLF indique, en outre, qu’« en 2018, dans le cadre du New Deal concerté avec les opérateurs, une exonération dIFER pendant cinq ans des stations de téléphonie mobile installées, entre le 3 juillet 2018 et le 31 décembre 2022, pour couvrir les zones caractérisées par un besoin daménagement numérique a été instaurée. Une prorogation de lexonération des stations mobiles en zone de montagne ferait donc doublon avec cette dernière exonération que le Gouvernement privilégie puisquelle résulte dun accord négocié avec les opérateurs pour résorber les zones blanches quelle que soit leur localisation ». Le Parlement a, par ailleurs, adopté dans le cadre de la discussion de la loi de finances pour 2020 un amendement qui prévoit la remise d’un rapport d’évaluation de l’impact des différents taux d’IFER sur le déploiement des stations afin de mieux adapter l’IFER aux enjeux d’aménagement numérique du territoire. La DLF estime qu’« il convient donc dattendre les conclusions de ce rapport avant de se prononcer plus avant sur la prolongation ou non de cette exonération ». Vos rapporteurs seront attentifs aux conclusions de ce rapport, qui doit être remis le 30 juin 2020.

    Proposition n° 34 : En fonction des conclusions du rapport du Gouvernement prévu par l’article 129 de la loi de finances pour 2020 relatif à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux appliquée aux stations radioélectriques, envisager une adaptation du taux d’IFER de nature à inciter au déploiement des stations radioélectriques en zone de montagne, pour en améliorer la couverture.

2.   La couverture numérique fixe des territoires s’améliore mais reste lacunaire

S’agissant de la couverture numérique, le bilan est plus contrasté, mais des avancées significatives ont, tout de même, été réalisées, au travers notamment du plan France très haut débit.

a.   La couverture numérique fixe des territoires de montagne progresse grâce au plan France très haut débit

Lancé en 2013, le plan France très haut débit doit permettre de couvrir l’intégralité du territoire français en bon haut débit d’ici 2020 et en très haut débit d’ici 2022 ([13]), en combinant la fibre optique et un ensemble de technologies alternatives pour les territoires les plus reculés. Il s’agit de garantir à tous les citoyens, un accès à un internet performant dans leurs logements, entreprises et administrations. Les déploiements doivent avoir lieu à la fois en zone très dense, où les opérateurs exploitent ensemble un seul réseau et sont en concurrence, et en zone moins dense, soit à leur initiative, soit à la demande de l’État et des collectivités, qui financent des réseaux d’initiative publique. Ce plan est, aujourd’hui, entré dans la phase active des déploiements, avec, notamment 4 millions de lignes de type « fibre jusqu’à l’abonné » (FttH) déployées. L’objectif affiché, près de 7 ans après son lancement, est toujours celui d’une couverture en très haut débit de 100 % des territoires en 2022, dont 80 % de fibre optique. Les projets actuellement en développement seraient, selon l’Agence du numérique, tout à fait en ligne avec ces objectifs et conduiraient à des prévisions de généralisation de la fibre optique en 2025-2026.

Si l’essentiel des déploiements est, aujourd’hui encore, portés par les opérateurs privés dans les zones denses, les opérateurs privés se déploient tout de même de plus en plus dans les zones peu denses, notamment en montagne : ainsi, l’État a mis en place en 2018 une procédure d’appels à manifestation d’engagements locaux (AMEL), visant à ce que les opérateurs puissent effectuer des propositions de couverture du territoire sur les territoires où les collectivités territoriales n’auraient pas encore attribué leurs marchés de réseaux d’initiative publique (RIP), ces propositions étant engageantes et pouvant être sanctionnés par l’ARCEP, sur demande des collectivités. Comme l’indique le CGET, « les départements des Hautes-Alpes, des Alpes de Haute Provence, de CôtedOr, de la Nièvre, des HautesPyrénées, de Savoie et de Saône et Loire ont pleinement bénéficié de ces dispositions, puisque les opérateurs ont pris à leur charge le déploiement des zones non encore contractualisées pour un développement du FttH sur ces territoires. Il convient de noter que sur quatre de ces départements, la totalité du déploiement FttH de la zone dinitiative publique relèvera dun opérateur privé sur fonds propres sans financement public : il sagit de la Savoie (Covage), des HautesAlpes et des Alpes de Haute Provence (SFR) et des HautesPyrénées (Orange) ».

S’agissant des réseaux d’initiative publique (RIP), et pour permettre la réussite du plan France très haut débit, en 2013, l’État avait apporté un soutien financier aux collectivités territoriales, au travers du Fonds national pour la société numérique, abondé au total de 3,3 Md€. Le guichet du financement des RIP en zone d’initiative publique avait été suspendu pendant les procédures d’appels à manifestation d’engagements locaux menés auprès des opérateurs privés. Le 15 octobre 2019, le guichet a été rouvert, alimenté de 140 M€ provenant d’économies réalisées dans le cadre du programme budgétaire 343 (plan France très haut débit), abondement porté le 19 décembre à 280 M€. Le cahier des charges pour y être éligible a été mis en consultation en fin d’année 2019, et le processus lancé en janvier 2020. En outre la loi Montagne II ouvrait, par son article 30, la possibilité aux collectivités territoriales de proposer des conditions tarifaires préférentielles à titre temporaire en vue de faciliter l’ouverture commerciale de leurs réseaux d’initiative publique à très haut débit. Comme l’indique le CGET, « il convient de noter que larrivée des opérateurs commerciaux denvergure nationale na pas nécessité de recourir à la possibilité ouverte par la loi de proposer des conditions tarifaires préférentielles à titre temporaire ».

Au global, d’après l’ARCEP, le déploiement de la fibre jusqu’à l’abonné (FttH), en zone de montagne, a substantiellement progressé en un an, quelle que soit l’origine (d’initiative publique comme privée) : la part de locaux raccordables en fibre en zone de montagne a augmenté de + 50 % en moyenne en un an (contre une hausse moyenne au niveau national de 34 %). Pour le comité de massif du Jura, le déploiement du très haut débit se passe très correctement, y compris en montagne, dans la mesure où les départements à l’œuvre dans le déploiement de la fibre ont prévu de mailler toutes les communes avant 2022 « au 1er janvier 2020, 50 % des communes (représentant environ le même taux de population couverte) relevant de la zone Montagne bénéficient dune couverture FttH – soit 113 communes équipées en FttH sur 225 de la zone Montagne ; dans le cas du Doubs, léligibilité à la fibre sera de 100 % dès fin 2022, donc y compris dans les communes concernées par la Loi Montagne ».

b.   Cette progression doit encore faire l’objet d’efforts renforcés

Si vos rapporteurs saluent les premières avancées réalisées, ils estiment que le rythme des déploiements doit encore s’accélérer pour respecter les objectifs fixés, en particulier dans les zones de montagne.

En effet, comme mentionné par le rapport présenté par Mme Laure de la Raudière et M. Éric Bothorel en janvier 2020 précité, « en zone moins dense dinitiative privée, le taux de réalisation des engagements des opérateurs reste faible, avec une valeur de 55 % pour Orange et de 44 % pour SFR, en dépit de léchéance de 100 % de locaux raccordables en 2020 […]. En zone dinitiative publique, la situation reste complexe. Seuls 17 % des locaux sont couverts en fibre FttH au troisième trimestre 2019 (contre 11 % il y a un an). La couverture complète de cette zone interviendrait, daprès les calendriers fixés par certaines collectivités, après 2025 ». Les valeurs pour les zones de montagne sont, systématiquement, inférieures à celles des zones moins denses au niveau national, rendant encore plus nécessaire d’accélérer les déploiements pour atteindre un objectif de 100 % de très haut débit à horizon 2025.

Vos rapporteurs souhaitent, également, rappeler que le recours aux solutions technologiques alternatives doit demeurer temporaire et que l’objectif de la généralisation de la fibre d’ici 2025 doit être clairement affiché par le Gouvernement. Comme l’indique l’ANEM, « en 2025, près des deux tiers des départements français auront une desserte FttH quasi intégrale de leur territoire, pour la plupart grâce à laide de lÉtat. Mais dans certains départements, cette couverture sera parfois de 30 % uniquement », la part des locaux raccordables en fibre FttH accusant, à ce jour, un retard significatif par rapport au niveau national.

État des lieux du déploiement de la fibre (FttH) en zone de montagne
au 3ème trimestre 2019 

Taux de couverture

Zones très denses

Zones moins denses

d’initiative privée

Zones moins denses

d’initiative publique

Moyenne nationale

88 %

59 %

17 %

Montagne

63 %

56 %

13 %

Source : ARCEP

L’accentuation des efforts requiert d’y consacrer les moyens budgétaires suffisants. En effet, à l’heure actuelle, 25 départements n’ont pas encore finalisé leur plan de financement en vue de la généralisation de la fibre Ftth pour 2025. Si le guichet « France très haut débit » a été abondé de 280 M€ à l’automne, ceci ne saurait être considéré comme suffisant : selon les données fournies par l’Agence du numérique, le coût d’achèvement du plan France très haut débit correspondrait à 400 M€ environ. Vos rapporteurs regrettent que les amendements proposés en ce sens dans le cadre des débats sur la loi de finances pour 2020 n’aient pas trouvé d’écho favorable auprès du Gouvernement. Comme l’indique l’ANEM, « pour que cette dynamique locale continue, des moyens supplémentaires sont nécessaires […]. La loi de finances pour 2020 aurait été une occasion peut-être historique de transformer lessai et, pour un coût marginal au regard des actions déjà financées, de mettre au même niveau tous les Français ».

    Proposition n° 35 : Accélérer le déploiement de la fibre en zone de montagne et y consacrer les moyens financiers nécessaires en augmentant l’abondement de la ligne de crédits du plan France très haut débit à hauteur de 400 M€, en loi de finances rectificative ou dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.

C.   les points d’attention et propositions des rapporteurs

Malgré des avancées indéniables, vos rapporteurs souhaitent toutefois souligner quelques éléments de vigilance.

1.   La qualité du réseau filaire fixe est à améliorer de manière urgente

Il apparaît, de manière générale, que la satisfaction des populations de montagne s’agissant de leur couverture, mobile comme numérique, n’est que partielle. Beaucoup dénoncent encore l’existence récurrente de nombreuses zones non couvertes, font état de coupures téléphoniques sur certaines portions du territoire, ou d’une qualité du réseau médiocre. Certains estiment même que la situation se dégrade. Certes, les objectifs de qualité sont en cours de révision, pour aller dans le sens d’une couverture améliorée, mais leur atteinte semble encore lointaine, pour ceux qui sont confrontés à la réalité du terrain.

En particulier, la qualité du réseau filaire fixe est particulièrement dénoncée. Certaines communes seraient privées de liaison pendant plusieurs semaines, parfois davantage, et ont le sentiment d’être laissées à l’abandon. Comme l’indique l’ARCEP, « de nombreux utilisateurs et collectivités territoriales ont fait part à lAutorité, notamment par le biais de la plateforme « J’alerte l’ARCEP », dune dégradation progressive et significative de la qualité de service en matière de téléphonie fixe. Les alertes provenaient notamment de territoires de montagne. LArcep avait aussi été interpellée sur ces sujets au congrès annuel de lANEM ». Sur ce fondement, en juin 2018, l’ARCEP a ouvert une instruction relative à un éventuel manquement d’Orange à son obligation en matière de qualité de service du service universel, qui a permis d’en confirmer la dégradation progressive puis, en octobre 2018, mis en demeure Orange de respecter en 2019 et en 2020 l’ensemble des valeurs annuelles fixées lors de sa désignation en tant qu’opérateur en charge du service universel. En outre, comme l’indique l’ARCEP, « lentretien des deux infrastructures des réseaux de fibre et de cuivre en parallèle nest pas pertinent. Lobjectif pour lARCEP est daccompagner et faciliter la sortie progressive du cuivre et dinciter les opérateurs à la bascule vers les réseaux en fibre optique disponibles. Par ailleurs, Orange a récemment annoncé que la fermeture technique de son réseau cuivre interviendra progressivement à partir de 2023 ». Dans ce contexte, l’ARCEP envisage un ajustement de la régulation, définissant les conditions de la fermeture commerciale, puis technique du réseau cuivre, de manière à garantir, qu’au préalable, le réseau de fibre optique sera déployé sur la zone de fermeture, et que les opérateurs commerciaux y seront présents.

Vos rapporteurs rappellent la nécessité de gérer les ruptures de réseaux immédiatement après la constatation de la coupure. Ils appellent à être particulièrement attentif aux conditions dans lesquelles la sortie du réseau « cuivre » sera réalisée, de manière à ce qu’elle ne nuise à aucun particulier, notamment dans les zones de montagne isolées, et s’agissant des personnes âgées dépendantes de leur téléphone fixe.

2.   La fiabilité des données en zone de montagne doit être renforcée

Une amélioration de la qualité de la couverture passe par une meilleure connaissance des données. À cet égard, vos rapporteurs regrettent que l’essentiel des équipes de l’ARCEP et de l’Agence du numérique soient localisées à Paris et non en région, quand bien même les échanges avec les territoires sont nombreux. Certes, des commissions régionales de stratégie numérique sont organisées par les préfectures de régions et de départements pour faire le point sur l’aménagement numérique du territoire, effectuer le suivi des déploiements des réseaux à très haut débit publics et privés et mobiliser les acteurs pour améliorer la couverture mobile du territoire, cependant, ces commissions n’ont lieu qu’une fois par an, et ne permettent pas une remontée en temps réel des difficultés.

Vos rapporteurs saluent toutefois l’opération menée par l’ARCEP depuis deux ans, qui propose aux collectivités territoriales de partager toutes les données dont elles disposent et de faire remonter leurs besoins de couverture dans le cadre du New Deal mobile. L’ARCEP a, notamment, publié ses documents méthodologiques relatifs au recueil des données (cahier des charges pouvant être réutilisé simplement dans le cadre de marchés relatifs à la sélection d’un prestataire pour réaliser une campagne de mesures sur le terrain ; développement d’une application mobile de mesure et de transmission de données dite de crowdsourcing). 15 % des communes se sont prêtées au jeu et viennent compléter l’information dont dispose l’ARCEP. Ceci lui permet, en retour, de cibler ses efforts de collecte de données ou de vérification de la fiabilité des informations transmises par les opérateurs là où les collectivités territoriales ne peuvent le prendre en charge.

    Proposition n° 36 : Informer et inciter les collectivités territoriales à recueillir et à transmettre les données qu’elles mesurent à l’ARCEP pour garantir une meilleure remontée des informations en temps réel s’agissant de la couverture numérique fixe et mobile effective de leurs territoires.

S’agissant de la couverture mobile, l’ARCEP fixe aux opérateurs des obligations de publication de cartes des zones qu’ils couvrent et vérifie sur le terrain, que ces cartes sont fiables (environ 2 millions de mesures en 2018). À ce jour, une carte est considérée comme fiable par l’ARCEP si son taux de fiabilité, correspondant au taux de succès d’un test dans les zones que les opérateurs déclarent couvrir, est supérieur ou égal à 95 %. Pourtant, un certain nombre d’acteurs auditionnés estiment que ces cartes ne sont pas encore suffisamment fidèles, notamment en montagne. Les opérateurs s’en justifient en indiquant qu’ils ne produisent de cartes que théoriques, en fonction de la puissance de l’antenne et de la topographie du terrain, relevant davantage de la modélisation que d’une observation empirique (qui serait impossible à faire). L’Autorité souhaite fixer ce seuil à 98 %, et a lancé en janvier 2020 une consultation publique en ce sens. Vos rapporteurs seront attentifs aux résultats de cette consultation et souhaitent que soit effectivement instauré ce taux de fiabilité rehaussé, qui contribuerait à améliorer la précision de l’information fournie par les cartes de couverture, notamment en zone de montagne.

    Proposition n° 37 : Améliorer la fidélité des cartes de couverture mobile en zone de montagne en rehaussant le niveau de fiabilité exigé par l’ARCEP, de 95 % à 98 %.

3.   Des expérimentations doivent être menées en zone de montagne, en particulier s’agissant du déploiement de la 5G

S’agissant des expérimentations, telles que permises par l’article 29 de la loi, très peu ont été menées en territoires de montagne. Le président de l’ARCEP, M. Sébastien Soriano, annonçait en octobre 2019 qu’une dizaine d’expérimentations avaient été lancées, relatives notamment à la préparation de la 5G, mais aucune en zone de montagne.

Seule une expérimentation, plus large, a été menée dans les Hautes‑Pyrénées, engagée par le conseil départemental et la préfecture, pour améliorer la couverture mobile. Comme l’indique le CGET, « cette expérimentation vise à apprécier lamélioration de la couverture mobile par linstallation de répéteurs, les conditions en termes dinfrastructures que cela exige et les environnements où cette solution est adaptée […]. Une analyse sera ensuite menée sur lensemble du département pour identifier les environnements adaptés. Enfin ce travail pourra être étendu à lensemble du massif pyrénéen puis autres massifs […]. Globalement, cependant, les maîtres douvrage publics ne se sont pas emparés de cette possibilité de tester des démarches innovantes pour accélérer ou améliorer la couverture numérique des territoires ».

Selon le comité de massif du Massif central, il existe de grandes difficultés « à mettre en place les expérimentations sur le numérique, notamment parce que les opérateurs ne sont pas forcément intéressés, même si la loi les y pousse et incite ». Le comité de massif estime que, sur cet aspect, la situation n’est pas encore satisfaisante, et s’inquiète pour la mise en place de la 5G, estimant que les élus « pourraient passer à côté », et ne pas demander à être couverts, si aucune expérimentation ne leur permet de se rendre compte des atouts qu’elle représente.

Vos rapporteurs souhaitent que la montagne soit un territoire d’expérimentation privilégié pour le déploiement de la 5G. Il s’agirait, en particulier, d’identifier les bénéfices que cette couverture pourrait apporter aux zones de montagne, notamment en matière de logistique, de transport, d’industrie connectée ou encore d’emploi.

    Proposition n° 38 : Multiplier les expérimentations, notamment s’agissant du déploiement de la couverture 5G en zone de montagne, pour identifier les bénéfices que cette couverture peut apporter à ces territoires, notamment en matière de logistique, de transport, d’industrie connectée ou encore d’emploi.

4.   Les pouvoirs publics doivent s’engager en faveur d’une meilleure compensation des handicaps des zones de montagne

Enfin, il est important, dans le domaine du numérique également, d’accentuer la prise en compte des contraintes spécifiques des zones de montagne.

Les questions de raccordement électrique, en particulier, y sont prégnantes, et de nature à décourager un certain nombre d’opérateurs de s’y engager. Dans certains cas, le raccordement électrique coûterait jusqu’à dix fois plus cher que le coût de l’antenne, absorbant l’exonération d’IFER et rendant les sites non constructibles. Les pouvoirs publics doivent fournir un cadre financier et réglementaire de nature à compenser ce coût exorbitant.

Par ailleurs, au-delà du seul soutien financier, les opérateurs ont également besoin d’un soutien politique pour convaincre les élus et les populations de l’utilité sociale de leurs propositions : si chaque habitant de montagne souhaite être couvert par un réseau de qualité, de nombreux contentieux émergent autour de l’identification des sites d’installation des infrastructures, retardant la sortie de terre des projets et menaçant leur sécurité juridique. À l’approche des élections municipales notamment, les opérateurs se heurtent à un grand nombre de refus, qui menacent leur capacité à respecter les délais de mise en service des sites relevant du dispositif de la couverture ciblée. Au total, une trentaine de sites sont, aujourd’hui, bloqués pour ces raisons.

L’ANEM résume ces deux aspects : « certains blocages locaux existent notamment en montagne, liés dune part à lacceptabilité sociale dun pylône et à des oppositions de riverains sur la question des ondes, mais également pour des questions techniques liées au relief et à la topographie des lieux avec des coûts de raccordement électriques exorbitants ou des refus dimplantation aux abords ou à lintérieur des parcs nationaux, ou pour des questions paysagères ».

Vos rapporteurs appellent à poursuivre la réflexion en envisageant la possibilité d’un soutien de l’État au coût du raccordement électrique pour les opérateurs, mais également en organisant une meilleure communication sur la stratégie d’implantation des infrastructures et en développant des outils destinés à améliorer l’acceptabilité sociale des infrastructures.

    Proposition n° 39 : Prendre en compte des contraintes spécifiques aux territoires de montagne s’agissant du déploiement de la couverture numérique, en envisageant la possibilité d’un soutien de l’État au coût du raccordement électrique pour les opérateurs, en organisant une meilleure communication sur la stratégie d’implantation des infrastructures et en développant des outils destinés à améliorer l’acceptabilité sociale des infrastructures.

VII.   le soutien aux activités agricoles n’apporte pas totale satisfaction

A.   les dispositions de la loi et leur application

Plusieurs dispositions de la loi Montagne II avaient pour objet de développer les activités agricoles, pastorales et forestières.

Ainsi, s’agissant des activités agricoles et pastorales, la loi rappelle, dans le cadre de la politique nationale de la montagne, l’existence de soutiens spécifiques à l’agriculture de montagne destinés à compenser les handicaps naturels dans ces espaces (art. 51). Elle apporte différentes modifications au cadre d’exercice du pastoralisme et à l’organisation collective des agriculteurs de montagne, en augmentant la durée minimale des conventions pluriannuelles de pâturage, qui peut être décidée par arrêté préfectoral, au-delà du régime de droit commun de cinq ans, jusqu’à neuf ans (art. 53), en donnant une priorité générale d’utilisation des pâturages en montagne aux agriculteurs locaux (art. 58) et en permettant aux groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) de participer en tant que tels à un groupement pastoral, sans perdre leur qualité de GAEC (art. 63). La loi exonère de boisement compensateur ou de taxe de défrichement les opérations concernant les boisements spontanés de première génération sans aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans en zone de montagne (art. 56) et prévoit la suppression de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) pour les camions réalisant la collecte de lait en zone de montagne de manière à résorber les écarts de coûts de collecte observés entre les zones de montagne et les zones de plaine (art. 61). Ce dernier dispositif est, toutefois, soumis à la publication d’un décret d’application, lui-même soumis à la confirmation par les institutions européennes de sa compatibilité avec le droit de l’Union. Enfin, la loi fixe un objectif de gestion différenciée des grands prédateurs dans les territoires de montagne et prévoit l’adaptation des mesures de lutte contre la prédation aux spécificités des territoires de montagne (art. 60).

S’agissant de la forêt, la loi renforce les prérogatives de l’Office national des forêts (ONF) en intégrant l’évaluation et la gestion des risques naturels dans le contrat pluriannuel passé entre l’État et l’ONF (art. 25), en ajoutant la gestion des risques naturels prévisibles, notamment en montagne, dans les interventions de l’ONF (art. 26) et en prévoyant que l’instruction des dossiers de restauration des terrains de montagne par l’ONF soit automatique, qu’il s’agisse de demandes émanant de l’État ou des collectivités territoriales (art. 55). Par ailleurs, elle permet à des propriétaires forestiers de s’engager dans des plans de gestion pour des surfaces à partir de 10 hectares comprises dans des territoires cohérents (art. 52) et fait bénéficier les forêts en site Natura 2000 d’une présomption de gestion durable lorsque le propriétaire a adhéré à un code de bonnes pratiques sylvicoles (art. 54).

B.   les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1.   Certaines mesures de soutien aux activités agricoles ont porté leurs fruits

Comme l’indique le ministère de l’agriculture, les mesures relatives au pastoralisme et à l’organisation collective sont aujourd’hui mises en place dans les massifs : « les mesures relatives à lorganisation collective constituent à la fois une source de simplification et une sécurisation pour les éleveurs. Ainsi les acteurs se sont saisis de la possibilité daugmenter la durée des conventions pluriannuelles de pâturage et de la priorité accordée aux agriculteurs locaux pour lexploitation des surfaces pastorales. De même, la participation des GAEC aux groupements pastoraux est maintenant consacrée ».

Ainsi, l’article 53 augmente la durée minimale des conventions pluriannuelles de pâturage qui peut être décidée par arrêté préfectoral, au-delà du régime de droit commun de cinq ans, jusqu’à neuf ans. Selon le ministère de l’agriculture, « du point de vue des exploitants, la contractualisation de convention pluriannuelle de pâturage (CPP) dune durée supérieure à 5 années offre plus de garanties sur la pérennité de leur engagement et sur les investissements quils réalisent pour assurer lexploitation de ces espaces. Léchelle est en outre cohérente avec celles des soutiens financiers pouvant être sollicités après des collectivités territoriales et au titre de la politique agricole commune (PAC) ».

L’article 58 donne une priorité générale d’utilisation des pâturages en montagne aux agriculteurs locaux. Comme l’indique le ministère de l’agriculture, « de manière générale, cette priorité a été utilisée, dès lors que des pâturages étaient disponibles, notamment dans les cas dinstallations de jeunes agriculteurs. Des difficultés de mise en œuvre ont pu toutefois être relevées en labsence de définition de ce quest « un agriculteur local ». À cet égard, une demande dinstruction et un avis circonstancié de la part des groupements pastoraux pourraient être de nature à prévenir les choix arbitraires ».

L’article 63 permet aux GAEC de participer en tant que tels à un groupement pastoral, sans perdre leur qualité de GAEC. Le ministère de l’agriculture explique que cet article a permis de couvrir, rétroactivement, des pratiques existantes et de régulariser des situations en cours.

2.   La gestion de la forêt présente quelques points de satisfaction

L’ONF et le Conseil national de la propriété forestière (CNPF) ont souligné les effets positifs des différentes dispositions de la loi.

Selon le CNPF, « les mesures prises en matière forestière ont été efficaces et nécessaires. Il faut noter que celles-ci ont pour la plupart rétabli danciennes dispositions du code forestier modifié par ordonnance 2012. Ce nétait en général pas des mesures novatrices ». L’article 52, qui permet à des propriétaires forestiers de s’engager dans des plans de gestion pour des surfaces à partir de 10 hectares comprises dans des territoires cohérents, même lorsque les parcelles sont situées sur plusieurs communes non limitrophes n’a pas été utilisé de manière très fréquente mais est, tout de même, positif : 4 900 plans simples de gestion (PSG) des surfaces individuels volontaires n’auraient pas pu être prolongés avant l’adoption de la loi, avec des conséquences notamment pour des propriétaires qui avaient pris des engagements fiscaux. En nombre, ces PSG volontaires individuels représentaient 18 % des PSG agréés en vigueur, soit un pourcentage significatif. Selon le CNPF, « cet article a permis le renouvellement de nombreux PSG et létablissement et la poursuite de la croissance du nombre des PSG volontaires ». Par ailleurs, l’article 54, qui fait bénéficier les forêts situées en site Natura 2000 d’une présomption de gestion durable lorsque le propriétaire a adhéré à un code de bonnes pratiques sylvicoles est une « disposition particulièrement utile », qui permet aux zones Natura 2000 de continuer à être gérées.

Selon l’ONF, l’article 25, qui intègre l’évaluation et la gestion des risques naturels dans le contrat pluriannuel passé avec l’État, constitue une mesure intéressante mais qui ne s’est pas encore traduite en pratique. L’article 26, qui ajoute la gestion des risques naturels prévisibles, notamment en montagne, dans les interventions de l’ONF, a, en revanche, permis de réelles avancées : dans la formulation antérieure, l’ONF pouvait intervenir dans les actions de prévention mais non dans la gestion de crise et dans la politique de gestion des ouvrages. Cet article est venu lui donner une assise législative pour le faire. Enfin l’article 55, qui prévoit que l’instruction des dossiers de restauration des terrains de montagne par l’ONF soit automatique, qu’il s’agisse de demandes émanant de l’État ou des collectivités territoriales, n’a pas été mis en place à ce stade, sauf pour un cas dans les Alpes du Nord. Toutefois, cette mesure est intéressante : selon l’ONF, « ce type de mesures, sil est correctement mis en œuvre, devrait avoir des effets très positifs sur les problématiques déboulement notamment sur le réseau routier ». Vos rapporteurs soulignent toutefois la nécessaire mise en adéquation des moyens de l’ONF avec l’évolution de ses missions, qu’il convient de garantir.

C.   les points d’attention et propositions des rapporteurs

1.   Les soutiens à l’agriculture ne suffisent pas à compenser les handicaps

a.   Un soutien politique doit être affiché en faveur de la montagne verte

De l’avis d’un grand nombre de personnes auditionnées par la mission d’évaluation, les soutiens à l’agriculture ne sont pas encore suffisants en zones de montagne. Trop souvent, la montagne est considérée comme une simple « économie blanche », où la neige et les sports d’hiver suffiraient à assurer la pérennité économique des territoires. Or l’agriculture présente un enjeu de taille, et l’« économie verte », qui fait vivre un grand nombre d’habitants de la montagne, doit impérativement être accompagnée pour ne pas que son délaissement conduise à un dépérissement de ces zones. Le comité de massif du Massif central partage cette analyse : il persiste encore des difficultés à faire reconnaître l’agriculture comme le cœur de la vie en montagne, en particulier en moyenne montagne. C’est pourtant, en grande partie, l’agriculture qui fait vivre et maintient la population en nombre sur le territoire.

L’agriculture de montagne est, également, créatrice d’aménités importantes. Selon la Confédération paysanne, « il faut reconnaître lagriculture comme le pilier de la montagne : entretien des paysages, création demplois ». L’ANEM précise également que « lactivité agricole en montagne est primordiale et insubstituable parce quelle contribue à lentretien et à laccessibilité de lespace, sans lesquels les autres activités ne pourraient pas sexercer », notamment par l’entretien des espaces de loisirs. En outre, comme l’indique la coopération agricole, les consommateurs sont, aujourd’hui, attachés aux produits qui représentent une certaine naturalité, image dont bénéficient les produits de montagne.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que vos rapporteurs soulignent qu’il faut réinvestir dans l’agriculture de montagne, accompagner son développement et sa transformation, en amont, chez les exploitants, mais également en aval, dans la collecte et la transformation des produits. Ces soutiens ne peuvent pas n’être que financiers : ils doivent également être politiques. Pour le comité de massif du Jura, notamment, il faut des mesures d’accompagnement structurelles, et non uniquement de « compensation ». Pourtant, cette dynamique ne semble pas encore installée. Ainsi, alors que la loi  2018-938 du 30 octobre 2018 pour léquilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous prévoit quau plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective dans tous les établissements chargés d’une mission de service public comptent 50 % de produits de qualité et durables, le label « produit de montagne » n’a pas été retenu dans cette comptabilisation.

    Proposition n° 40 : Inclure le label « produits de montagne » dans les 50 % de produits sous signes de qualité ou d’origine pouvant alimenter la restauration collective en 2022 en application de la loi du 30 octobre 2018 pour une alimentation saine, durable et accessible à tous.

b.   Les soutiens financiers sont trop faibles et dilués

Selon la Confédération paysanne, le texte n’allait pas assez loin dans le soutien à l’installation et au maintien des paysans en montagne. Comme l’indique l’ANEM, « larticle 51 avait dabord pour objet de conforter lexistence daides spécifiques à lagriculture de montagne, en premier lieu lICHN (indemnité compensatoire de handicaps naturels) et les programmes de développement rural ». Toutefois, « la loi nationale atteint ici ses limites puisquen matière agricole les décisions applicables se prennent au niveau de lUnion européenne dans le cadre de la politique agricole commune ».

Une inquiétude concerne aujourd’hui en particulier l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN, créée en 1976, qui vise au maintien d’exploitations agricoles dans les zones soumises à des handicaps naturels, en indemnisant les agriculteurs pour tout ou partie des coûts supplémentaires et la perte de revenu résultant des contraintes inhérentes à leur implantation. Cette indemnité bénéficie aux communes exposées à des contraintes particulières, de deux catégories : les zones de montagne et de haute montagne, d’une part, et les zones défavorisées hors montagne, d’autre part. Pour cette deuxième catégorie, les critères du zonage ont été modifiés en 2019. Le nouveau zonage comporte deux parties :

– les « zones soumises à contraintes naturelles », qui découlent de l’application stricte de critères européens biophysiques et climatiques ;

– les « zones soumises à contraintes spécifiques » où la prise en compte de certaines spécificités nationales est permise dans la limite de 10 % du territoire national. Dans le cas de la France, les critères retenus correspondent au caractère extensif de l’élevage, ou à certaines particularités de l’environnement ou du paysage : présence de haies ou parcellaire morcelé ; présence de surfaces peu productives ou de zones humides ; zones soumises à déprise agricole ; insularité.

Ce nouveau zonage a conduit, selon le ministère de l’agriculture, à une inflation du nombre de bénéficiaires éligibles ([14]). Si l’enveloppe budgétaire a été augmentée à due concurrence, pour ne pas réduire l’aide allouée à chacun et notamment aux zones de montagne, passant de 912 M€ en 2015 à 1,08 Md€ en 2019 (dont les deux tiers pour les agriculteurs de montagne), une réduction des crédits, ou une augmentation nouvelle des bénéficiaires à budget constant, est aujourd’hui à craindre. Comme l’indique l’ANEM, l’ouverture croissante de cette aide aux zones « défavorisées » et non uniquement aux zones de montagne « a fait perdre lADN des ICHN et fait peser un risque de dilution des ICHN sur lensemble des territoires. Si on continue, dans quelques années, il ny aura plus dICHN sur les zones de montagne ».

Vos rapporteurs estiment qu’un tel élargissement du champ d’intervention de l’ICHN fait peser des risques sur les agriculteurs de montagne et demandent une vigilance particulière sur ce sujet. Ils rappellent que l’origine et le fondement de l’ICHN étaient la compensation des handicaps naturels, en particulier en zones de montagne : il convient de ne pas éloigner ce levier de soutien à l’agriculture de montagne de son objectif initial, au risque de lui faire perdre son efficacité.

c.   L’obligation de boisement compensateur reste une contrainte trop stricte

Par ailleurs, la modification de certains articles ne suffit pas à soutenir l’activité agricole. Ainsi, en est-il de l’article 56, qui exonère de boisement compensateur ou de taxe de défrichement les opérations concernant les boisements spontanés de première génération sans aucune intervention humaine et âgés de moins de quarante ans en zone de montagne.

Pour l’ANEM, l’article 56 peine à être mis en œuvre et le principe de l’obligation mécanique de compenser le déboisement reste appliqué. L’association juge la situation particulièrement injuste : alors qu’il est impératif de compenser la prise de forêt par des terres agricoles (compensation faite le plus souvent sur des terres agricoles), il n’existe pas d’obligation réciproque de compensation de prise de terres agricoles par la forêt. Elle indique que « les travaux au sein du CNM ont confirmé que le cadre juridique des défrichements et de leur compensation a révélé un dispositif touffu et complexe (4 codes sectoriels sont impliqués) et que le caractère mécanique de lobligation de compenser appliquée depuis 2014 confirme leur rôle réducteur et contre-productif pour les démarches intégrées respectueuses de lenvironnement ». Le CNM s’interroge, en effet, sur « la pertinence du caractère mécanique de lobligation dune compensation, sans prise en compte des fins en vue desquelles ces opérations sont entreprises, ni de la valeur écologique du boisement antérieur, ni de celle du projet dutilisation ultérieure ». Selon la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), ce qui a été concédé dans la loi Montagne II est insignifiant : « la disposition prévue dans la loi Montagne est encore trop restrictive et na pas permis de simplifier les procédures ni daboutir à de véritables reconquêtes des milieux agricoles. De plus, en zone de montagne, la forêt continue de gagner du terrain. […]. Ce système de compensation et de restriction pour le déboisement en zone de montagne ne se justifie donc pas ».

Pour le CNPF et l’ONF, le problème est tout autre. Si « larticle a du sens », sa rédaction pose problème dans la mesure où l’exonération ne vaut que si l’homme n’est pas intervenu sur le boisement spontané pendant 40 ans. L’ONF estime que la loi « organise le délaissement des forêts privées » pour qu’elles puissent revenir à un usage agricole, ce que le CNPF confirme : « les terres agricoles abandonnées deviennent ainsi et pour 40 ans des terres forestières abandonnées. Il est important que la loi ne dissuade pas dintervenir dans les peuplements avant 40 ans sinon le risque est daboutir à labandon de la gestion forestière en montagne ».

Un travail est engagé au sein de l’un des groupes de travail thématiques du CNM, en lien avec le ministère de l’agriculture et le ministère de la transition écologique et solidaire, qui pourrait conduire à une demande formelle de mise en œuvre de l’article 3 de la loi Montagne II : il s’agirait d’autoriser une adaptation du cadre juridique concernant le déboisement, qui semble à ce stade excessivement rigide. Vos rapporteurs seront attentifs aux conclusions de ce groupe de travail et souhaitent que, si une telle demande d’adaptation était formulée, il lui soit fait droit de manière rapide – éventuellement dans le projet de loi « 3D » – pour mettre fin à la situation actuelle qui ne donne satisfaction à aucune partie et assurer l’équilibre entre les espaces forestiers et les espaces agricoles.

    Proposition n° 41 : Suivre les conclusions du groupe de travail du CNM relatif à l’adaptation du cadre juridique relatif au déboisement en montagne et faire droit, le cas échéant, à une demande de mise en œuvre de l’article 3 de la loi Montagne II sur ce sujet, pour assurer l’équilibre entre les espaces forestiers et les espaces agricoles.

2.   L’équilibre entre préservation du loup et protection du pastoralisme n’est pas encore trouvé

a.   La loi n’a pas suffi à assurer la protection du pastoralisme

S’agissant des prédateurs, et en particulier du loup, la loi Montagne II n’a pas permis d’atteindre l’objectif escompté d’équilibre entre la préservation de l’espèce et la protection des troupeaux, le nombre d’attaques ayant augmenté ces dernières années. Comme l’indique la FNSEA, « les intentions affichées dans la loi Montagne nont pas les résultats escomptés. La prédation continue à augmenter » et, de ce point de vue-là, « cest un échec », la gestion actuelle « remettant en cause le pastoralisme en zone de montagne ». La Confédération paysanne estime également que les réponses ne sont « pas suffisantes et pas adaptées » et dénombre, en 2018, « 12 000 victimes de la prédation ». S’agissant de l’ours, la FNSEA indique que 5 départements des Pyrénées françaises sont concernés, l’Ariège étant le plus touché : entre le 1er janvier et le 20 octobre 2019, 565 dossiers de dommages d’ours pour 1 246 victimes ont été déposés (contre 443 dossiers et 717 victimes en 2018 à la même période). L’anxiété, voire le désespoir des éleveurs est grand. Selon l’ANEM, on assiste à une mise en péril de l’agro-pastoralisme « sous leffet de la prolifération des grands prédateurs ». Ses représentants ont rappelé aux ministres concernés que « lagro-pastoralisme est indispensable à laménagement du territoire et que, compte tenu de son expansion tant quantitative que géographique, le loup ne présente manifestement pas le caractère dune espèce menacée ».

La possibilité d’une gestion « différenciée » prévue par l’article 60 n’a pas été utilisée. En outre, comme souligné par certains acteurs, cette notion de différenciation n’est, ici, pas pertinente : il ne s’agit pas d’instaurer des règles différentes selon les massifs, mais de permettre une gestion « adaptative », autorisant à adapter les règles selon les massifs et selon les années, en fonction de la présence de l’espèce et de ses effets.

b.   Le plan loup ne donne pas satisfaction aux agriculteurs de montagne

Le plan loup 2018-2023 est venu préciser un certain nombre de dispositions. Ce plan s’appuie sur deux piliers :

– parvenir à une population stabilisée et dans un bon état de conservation du loup, en application notamment du droit européen ;

– assurer le maintien des activités pastorales dans les meilleures conditions possibles, autour de trois leviers : des mesures de protection ; l’autorisation de tirs de prélèvement ; l’indemnisation des éleveurs en cas d’attaques. De manière générale, le ministère de la transition écologique et solidaire ambitionne de réduire les actes de prédation sans pour autant réduire la population de loups, en accentuant les mesures de protection des troupeaux : « ne juguler la question du loup que par les tirs ne suffira pas à régler la question de la prédation ».

Pour garantir le premier pilier, il avait été, initialement, décidé de fixer l’objectif d’une population à atteindre de 500 loups reproducteurs en 2023. Ce seuil constituait un plancher, représentant le seuil de la population minimale pour assurer la conservation de l’espèce. Il a été atteint dès 2019 (530 loups au comptage de juin 2019). C’est pourquoi, alors que le taux de tirs annuels initialement fixé pour atteindre ce plafond était de 10 % de la population de loups mesurée (pouvant être porté à 12 % par le préfet coordonnateur de massif en cas d’atteinte du plafond trop tôt dans l’année et de véritable nécessité), celui-ci a été augmenté à 17 % (pouvant être porté à 19 % le cas échéant), soit 90 loups pour 2019 et 2020. Le nombre de loups pouvant être prélevés sera ajusté en juin 2020, en fonction des résultats du dernier comptage, et en appliquant à nouveau le taux de 17 %. En 2019, 98 loups ont été prélevés : 90 par tirs de défense, 4 par tirs de prélèvements (et 4 braconnés).

Pour assurer le second pilier, c’est-à-dire la protection du pastoralisme, différentes mesures de soutien au gardiennage existent, notamment des aides au recrutement de bergers pour la surveillance des troupeaux, ce recrutement étant pris en charge à hauteur de 80 % par le ministère de l’agriculture (pour 9 M€ environ) et les fonds européens (pour 12 M€ environ). Des aides financières à l’installation de clôtures sont également financées par le ministère de la transition écologique et solidaire (pour 3,50 M€ environ). Les mesures sont concentrées sur certaines zones : les zones particulièrement exposées, dites « cercles 0 », où les aides au gardiennage sont déplafonnées, ainsi que les cœurs de parcs nationaux, où les tirs létaux et d’effarouchement ne sont pas autorisés mais où le gardiennage est subventionné à 100 %. Ceci reste, pour les associations représentatives des agriculteurs, insuffisant.

Pour vos rapporteurs, il est essentiel d’insister sur le rôle de l’humain : les aides financières doivent permettre de placer des bergers – plusieurs – auprès des troupeaux, car la présence humaine, pour le loup comme pour l’ours, est un facteur déterminant de non-attaque ([15]). En outre, en application du décret n° 2018-786 du 12 septembre 2018 relatif à certaines attributions du préfet coordonnateur du plan national dactions sur le loup, lorsque le plafond annuel de destruction de loups est atteint, le préfet coordonnateur peut permettre que se poursuivent les tirs de défense, « afin dassurer en permanence la protection des troupeaux domestiques ». Les conseillers du Président de la République auraient ainsi rappelé aux représentants de l’ANEM, en novembre 2019, que « le droit de tir de défense simple doit être et est, dores et déjà, un moyen pour faciliter la légitime défense et la sécurité des troupeaux ». Toutefois, le Conseil d’État, par une décision du 18 décembre 2019, a annulé cette disposition, estimant que l’absence d’encadrement de ce droit ne permet pas de s’assurer que les dérogations accordées ne portent pas atteinte à l’état de conservation favorable du loup. Comme l’indique le ministère de l’agriculture, « le Gouvernement réfléchit aux différentes solutions possibles permettant de rétablir ce droit de défense permanent (dont le principe avait été introduit à travers le plan loup 2018-2023) en tenant compte des problèmes soulevés par le Conseil dÉtat dans sa décision ». Vos rapporteurs estiment, en effet, essentiel de confirmer aux éleveurs le droit d’assurer la légitime défense de leurs troupeaux.

    Proposition n° 42 : Renforcer le rôle de la présence humaine en matière de lutte contre la prédation, en ciblant les aides sur le recrutement de bergers et en confirmant aux éleveurs leur droit ordinaire et systématique de tir de légitime défense des troupeaux.

Une réflexion doit également être menée sur la possibilité d’effectuer des tirs « sélectifs » sur les animaux les plus dangereux, sans pour autant minimiser les difficultés associées à une telle démarche.

    Proposition n° 43 : Poursuivre les études vétérinaires et techniques relatives à la possibilité d’effectuer des tirs sélectifs ciblés sur les animaux particulièrement dangereux.

c.   La définition d’une stratégie en faveur du pastoralisme devient impérative

Il est désormais temps de définir une véritable ligne stratégique au niveau de l’État, en faveur de la protection des troupeaux. Certes, un certain nombre de dispositions relèvent de textes supra-nationaux, en particulier la convention de Berne du 19 septembre 1979, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe et la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « directive Habitats ». Toutefois, ces textes peuvent être amendés dans un sens plus favorable au pastoralisme. De plus en plus d’États sont concernés au niveau européen et une prise de conscience se fait, qui ouvre des opportunités à saisir pour faire évoluer la réglementation européenne. Certains pays ont engagé une démarche pour demander une révision de ces textes et, notamment, le reclassement du loup d’espèce strictement protégée en espèce protégée simple. En outre, une révision du guide interprétatif de la « directive Habitats » est en cours, et doit être l’occasion d’augmenter les marges de manœuvre des États membres dans la gestion du loup. Comme l’indique le ministère de l’agriculture, « le Gouvernement a pris linitiative dune déclaration commune – associant, pour linstant, le Danemark, lEstonie, lItalie et la Lettonie – pour demander à la Commission européenne de réunir les experts des États membres afin de proposer une version du guide interprétatif de la directive qui soit mieux adaptée à la réalité de lévolution des populations de loups ».

Vos rapporteurs saluent cette initiative. L’ANEM prévoit, de son côté, de constituer une délégation auprès de l’Union européenne avec ses homologues nationaux. Comme l’indiquait Mme Annie Genevard dans le discours de clôture du 35ème congrès de l’ANEM en octobre 2019, « nous allons engager une démarche auprès de lEurope. Nous savons que là est la clef […]. Et je pense que là où lon nous opposait une situation satisfaisante en Espagne, en Italie, des voix commencent à se faire entendre pour dire que cela ne marche pas mieux ailleurs. Cela ne peut pas mieux marcher ailleurs. La nature animale est faite comme elle est faite et le loup va partout ».

    Proposition n° 44 : S’associer aux démarches des États européens pour réviser les textes relatifs à la protection de l’espèce, dans un sens garantissant l’équilibre avec la protection des activités pastorales.

Au-delà, vos rapporteurs soulignent qu’il importe de définir une véritable stratégie au niveau national, axée sur la protection du pastoralisme et non sur la préservation du prédateur, en se donnant un objectif « zéro attaque », et en établissant un « plan pastoralisme », plutôt qu’un « plan loup ».

Pour la Confédération paysanne également, « il faut sortir de la logique chiffrée de gestion de lespèce pour mettre en place une logique stratégique : veuton de lélevage pastoral et à quel niveau de production et demploi ? ». Selon ses représentants, la logique chiffrée ne peut que mettre dos à dos les paysans et les environnementalistes, le nombre arrêté étant nécessairement trop élevé pour les uns et trop faible pour les autres. Il faut toutefois, « réaffirmer que la production agricole est plus importante que la sauvegarde des loups sur ces territoires ». Comme l’indiquait, de même, Mme Annie Genevard dans le discours de clôture du 35ème congrès de l’ANEM, « au titre et au nom de la biodiversité, au nom despèces menacées, nous avons oublié quil y en a une qui est menacée également, cest le berger ».

Ainsi, la doctrine dans son ensemble, la stratégie affichée par l’État doivent évoluer, pour se recentrer sur la défense pastoralisme en montagne, tout en respectant évidemment les exigences relatives à la préservation de l’espèce.

    Proposition n° 45 : Définir une véritable stratégie de protection du pastoralisme et élaborer un « plan pastoralisme » en lieu et place du « plan loup », respectant évidemment les exigences relatives à la préservation de l’espèce.

3.   Le décret relatif à la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, toujours attendu, doit être pris urgemment

L’article 61 autorise une réduction de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) pour les camions collecteurs de lait en montagne, de manière à ne pas entraîner de distorsion de concurrence entre les plaines et la montagne, dans l’activité de production laitière. Cet article requiert, pour être applicable, un décret, lui-même subordonné à la validation, par l’Union européenne, de la compatibilité du dispositif envisagé avec le droit européen de la concurrence. À l’heure de la publication de ce rapport, il apparaît qu’aucune demande officielle des autorités françaises n’a été adressée à la Commission européenne, ce que vos rapporteurs regrettent. Selon la DLF, « le dispositif soulève des interrogations au regard de sa conformité au droit européen sur deux points : dune part, en matière daides dÉtat, le dispositif constitue une aide au fonctionnement dont la justification présente de grandes difficultés […] ; dautre part, le dispositif ne paraît pas conforme à la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de lélectricité (qui interdit les exonérations totales) ». Au-delà des difficultés juridiques, il semble également que des difficultés techniques existent : une proratisation pourrait être nécessaire pour ceux des chauffeurs dont l’activité est mixte (zone de montagne et zone de plaine). M. Joël Giraud souhaite que soit mis en place un groupe de travail, en lien avec la direction générale des douanes et des droits indirects, qui puisse étudier ces différentes questions, ce que vos rapporteurs demandent également.

Vos rapporteurs appellent à identifier une solution aussi rapidement que possible. En effet, la publication de ce décret ou la conception d’un dispositif équivalent de soutien aux entreprises collectrices de lait en montagne compatible avec le droit de l’Union européenne est fondamentale pour soutenir l’activité agricole en montagne. Selon les données transmises par le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL), 23 % des exploitations, 17 % du cheptel et 40 % des entreprises laitières se trouvent en montagne. Toutefois, le surcoût pour les producteurs de lait de montagne est de 88 € pour 1 000 litres de lait produits par rapport aux producteurs de plaine, dont 14 € pour la collecte, malgré les efforts réalisés sur la mutualisation, cette collecte devant être réalisée toutes les 24 ou 48 heures. Selon la FNSEA, en raison des surcoûts, notamment de collecte, les productions laitières se transforment en production de viande, dont la valeur ajoutée est moindre : ceci contribue à un appauvrissement des territoires et des agriculteurs. Pour la coopération agricole, « larticle 61 est majeur : malgré tous les efforts, la montagne continue de se vider ». La production laitière assure pourtant 5,2 emplois pour 100 hectares de surface agricole utilisée.

On assiste en effet à une décennie de baisse de production laitière dans les massifs, véritable révolution silencieuse. Les données chiffrées fournies par le CNIEL sont particulièrement éloquentes. Dans le Massif central, les diminutions du volume de lait produit vont de 5 à 20 % selon les départements sur la période 2014‑2018 – après de fortes chutes déjà enregistrées entre 2008 et 2014 – et plus d’un tiers des exploitations a disparu entre 2008 et aujourd’hui. Les Alpes du Sud constatent également une chute de 22 % du volume produit sur la période 2014‑2018. Comme l’indique le CNIEL, « si de telles tendances devaient se poursuivre, les conséquences pourraient être dramatiques non seulement pour la filière laitière de montagne mais aussi pour lensemble du territoire au regard des activités industrielles et des emplois quelle génère […]. Une baisse annuelle constante denviron 5 % du volume de lait collecté pendant 5 ans se traduirait par la perte denviron 10 000 emplois ». Les agriculteurs attendent un soutien et un cadre réglementaire et fiscal favorable, impératif à la survie de l’activité.

    Proposition n° 46 : Publier le décret prévu par l’article 61 relatif à l’exonération de TICPE pour les camions collecteurs de lait en montagne aussi rapidement que possible ou identifier un dispositif équivalent de soutien aux entreprises collectrices de lait en montagne compatible avec le droit de l’Union européenne. Le cas échéant, mettre en place un groupe de travail pour lever les obstacles juridiques et techniques et y associer les parlementaires concernés.

4.   La forêt de montagne doit être davantage valorisée

Malgré un bilan positif de certaines dispositions relatives à la forêt, d’autres posent davantage de difficulté. Alors que l’article 1er de la loi Montagne II prévoyait que l’action de l’État sur ces territoires devait avoir pour finalité, notamment, « dencourager et daccompagner la gestion durable des forêts et le développement de lindustrie de transformation des bois », selon le CNPF, « les forêts en zone de montagne sont très largement sous-exploitées et sous-valorisées […]. Il serait nécessaire davoir une réelle ambition pour la mise en valeur des forêts en zone de montagne ». De manière générale, avec le CNPF, vos rapporteurs regrettent que la forêt ne soit pas suffisamment considérée comme « un espace productif à entretenir, mais comme un  », et que la lecture de la forêt ne soit pas « une lecture économique ». En effet, depuis 1994, les prix du bois ont été divisés par deux, notamment pour concurrencer d’autres matériaux à moindre coût, or, la valorisation de la matière première est indispensable pour entretenir le développement économique de la forêt.

L’un des obstacles à l’exploitation forestière est l’accessibilité des forêts, la création des dessertes nécessaires se heurtant essentiellement au manque de moyens financiers et techniques que nécessite la réalisation des projets. Pourtant, cette création de dessertes - ou l’amélioration des dessertes existantes – aurait l’avantage de participer au développement économique mais aussi de préparer au changement climatique, en permettant un meilleur traitement des incendies par un meilleur accès à leurs foyers.

Au-delà, il semble que la forêt ne soit pas systématiquement intégrée dans la stratégie de massif, comme en témoigne la faible application de l’article 72 : alors qu’il permet la prise en compte des schémas départementaux d’accès à la ressource forestière par les documents d’urbanisme, le CNPF estime que « ce point est très rarement, voire jamais, traité dans les PLU », ce qui est dommageable.

C’est pourquoi, vos rapporteurs recommandent de renforcer les politiques forestières de massif et de développer une véritable ambition pour la mise en valeur des forêts de montagne, de manière à valoriser la ressource en bois et contribuer à l’aménagement et au développement durable des zones de montagne. Ceci peut être réalisé notamment en faisant prendre en compte de manière systématique les schémas départementaux d’accès à la ressource forestière par les documents d’urbanisme et en incitant à la création de dessertes complémentaires.

    Proposition n° 47 : Renforcer les politiques forestières de massif et développer une véritable ambition pour la valorisation des forêts de montagne et de leurs ressources, notamment en faisant prendre en compte de manière systématique les schémas départementaux d’accès à la ressource forestière par les documents d’urbanisme et en incitant à la création de dessertes complémentaires.

VIII.   l’environnement est un sujet de prÉoccupation qui s’accentue et appelle À des évolutions comportementales

A.   les dispositions de la loi et leur application

La loi Montagne II n’était pas, à proprement parler, une loi relative à l’environnement. Toutefois, les dispositions allant en ce sens ont été renforcées dans le cadre du débat parlementaire, aboutissant, in fine, à l’adoption de plusieurs articles, concernant en particulier la gestion de la ressource en eau.

Ainsi, la loi prévoit que les agences de l’eau prennent en compte les spécificités de la montagne dans leurs décisions financières (art. 84), ajoute un objectif de promotion du stockage de l’eau dans la liste des objectifs visant à assurer, grâce à la politique de l’eau, une gestion équilibrée et durable de la ressource (art. 85) et dispose que la gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique (art. 86).

Par ailleurs, elle précise, en son article 1er, que la dynamique de développement équitable et durable de la montagne doit « répondre aux défis du changement climatique, permettre la reconquête de la biodiversité et préserver la nature et les paysages » et que l’action de l’État en montagne doit avoir pour finalité, notamment, « de prendre en compte et danticiper les effets du changement climatique en soutenant ladaptation de lensemble des activités économiques à ses conséquences, notamment dans les domaines agricole, forestier et touristique » et de « favoriser une politique dusage partagé de la ressource en eau ». De plus l’article 71 relatif aux unités touristiques nouvelles prévoit l’obligation de démontage des installations devenues obsolètes et de remise en état des sites.

B.   les apports de la loi, trois ans aprÈs son adoption

1.   Le démontage des remontées mécaniques obsolètes témoigne d’une prise de conscience partagée

L’article 71 de la loi est venu renforcer les obligations incombant aux propriétaires de remontées mécaniques, en disposant que, lorsque ceux-ci bénéficient d’une autorisation d’exécution de travaux, celle-ci est « assortie dune obligation de démontage des remontées mécaniques et de leurs constructions annexes, ainsi que de remise en état des sites. Ce démontage et cette remise en état doivent intervenir dans un délai de trois ans à compter de la mise à larrêt définitive de ces remontées mécaniques ». Cette disposition ne peut faire l’objet d’une évaluation, étant entendu qu’elle ne s’applique qu’aux autorisations de travaux délivrées postérieurement à l’adoption de la loi, c’est-à-dire concernant des remontées mécaniques qui ne sauraient, déjà, être obsolètes (et ne le seront pas avant 2047, la durée de vie classique d’une remontée mécanique étant de trente ans).

Comme l’indique l’association Mountain Wilderness, qui avait inspiré cet amendement lors des débats, « la loi ne concerne que les remontées mécaniques et ne crée pas dobligation de démontage pour les aménagements déjà abandonnés : ce nest donc pas la fin des installations obsolètes. Par contre cest une étape importante […]. Obligés de prendre en compte, dès la construction, la réversibilité des aménagements, les constructeurs de remontées mécaniques sorienteront-ils vers des installations présentant un impact réduit sur lenvironnement ? Ces quelques réflexions illustrent bien que démonter une installation obsolète ce nest pas juste nettoyer la montagne, cest mettre en pratique un aménagement réellement durable: où les espaces naturels ne sont pas une ressource jetable, où le présent ne condamne pas lavenir ». Interrogé à ce sujet, DSF estime que cette obligation, parfaitement fondée et réaliste, est un signal positif envoyé à tous, et sera respectée scrupuleusement. Plus encore, DSF appelait à une extension de la disposition à l’ensemble des remontées mécaniques, y compris celles antérieures à l’adoption de la loi Montagne II. Une réflexion et un recensement sont en cours par la profession, qui y voit une source de pollution, notamment visuelle, qu’elle souhaite résorber.

Vos rapporteurs souscrivent à cette proposition.

    Proposition n° 48 : Étendre l’obligation de démontage des remontées mécaniques définitivement mises à l’arrêt aux remontées mécaniques antérieures à la loi Montagne II.

C.   les points d’attention et propositions des rapporteurs

1.   Le climat est une préoccupation majeure qui appelle à des évolutions comportementales

a.   Le changement climatique est bel et bien engagé

De manière générale, le constat est partagé sur la réalité à venir du changement climatique, qui affectera de manière significative l’ensemble des territoires de montagne.

Comme l’indiquait Météo France, des changements sont engagés, qui sont irréversibles, et auront des conséquences non seulement sur l’enneigement, mais également sur un grand nombre d’autres facteurs : avalanches, crues soudaines, éboulements, laves torrentielles. Les risques seront intensifiés, mais également déplacés dans l’espace et dans le temps. Avec Météo France, vos rapporteurs estiment que « la question nest pas de choisir entre sadapter au changement climatique et tenter den atténuer lintensité. Les deux sont indispensables, simultanément ».

Selon le comité de massif du Jura, « la prise en compte des questions de protection des ressources naturelles – eau, biodiversité, paysages, qualité de lair, énergie… – mériterait dêtre renforcée au niveau national dans un souci de durabilité du développement des territoires de montagne […]. La prise en compte des problématiques liées à la vulnérabilité des ressources mériterait un soutien législatif, au-delà de la seule prise en compte locale dans les schémas de massif ».

b.   Deux ressources sont affectées au premier plan : l’eau et la forêt

 La gestion de leau se trouvera considérablement modifiée par le changement climatique.

Selon Météo France, alors qu’aujourd’hui, le manteau neigeux permet de stocker l’eau pendant l’hiver pour la rendre disponible au printemps, cette capacité de stockage risque d’être amoindrie. En moyenne, à horizon 2070, les débits annuels en eau augmenteront considérablement en hiver (en raison de précipitations qui prendront davantage la forme de pluies que de neige), mais diminueront en été : la question de l’adéquation entre les usages de l’eau et les ressources disponibles au cours de l’année se posera de manière différente. Ces phénomènes sont déjà perceptibles, les pluies ayant été particulièrement abondantes, y compris en altitude, pour la saison 2019-2020.

Selon France nature environnement (FNE), toutefois, la loi Montagne II n’a pas amorcé de mouvement satisfaisant en matière de gestion durable de la ressource, l’aval subissant, selon l’association, des étiages très importants et les usages se faisant concurrence. L’article 85, qui ajoute un objectif de promotion du stockage de l’eau dans la liste des objectifs visant à assurer, grâce à la politique de l’eau, une gestion équilibrée et durable de la ressource, « comporte une contradiction interne : il ne favorise pas une gestion équilibrée et durable, car il privilégie les intérêts immédiats de lamont dun cours deau aux dépens dune gestion globale par bassin versant […]. Les projets de stockage se multiplient mais cette politique va à lencontre de la préservation des ressources en eau et de lanticipation des impacts du changement climatique, réclamant un usage partagé de la ressource ».

Selon l’APCA, l’article 85 n’a pas davantage permis d’atteindre des objectifs satisfaisants en matière de stockage de l’eau pour l’agriculture. L’Assemblée permanente des chambres d’agriculture souhaiterait que la loi évolue pour faciliter la mise en place de retenues collinaires – bassins qui stockent l’eau de pluie et servent de ressources en cas de sécheresse – destinées à l’irrigation, aujourd’hui trop complexes à déployer en raison du nombre d’autorisations requises et de la longueur des procédures.

Toutefois, comme l’indique le ministère de l’agriculture, « la pertinence de la mise en place de retenues, en montagne comme dans le reste du territoire, doit sévaluer à laune dun diagnostic des ressources disponibles et des besoins des divers usages actuels et prospectifs, en tenant compte du contexte socio-économique et du changement climatique. Cest une action possible mais non automatique, au sein dun programme permettant datteindre dans la durée un équilibre entre besoins, ressources et bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques ».

Vos rapporteurs voient, dans le multi-usages de la ressource en eau, notamment au travers de retenues collinaires partagées, une forte perspective d’avenir. Le multi-usages des retenues collinaires, pourtant, n’en est qu’à ses balbutiements alors qu’il constitue une piste particulièrement intéressante pour concilier les différents impératifs que sont la protection de l’environnement et le nécessaire recours à la ressource en eau pour l’agriculture, le tourisme, ou d’autres activités économiques essentielles pour l’emploi et la vie des habitants des territoires de montagne. Aujourd’hui, ce multi‑usages se limite à des cas particuliers (partage de l’eau entre l’irrigation l’été et le tourisme l’hiver) et reste exceptionnel. Selon l’APCA, « il ny a aucune volonté de partager les usages de leau entre eau potable, neige, hydroélectricité, tourisme, irrigation : il y a un gros travail à faire là-dessus. Cest du bon sens, une gestion intelligente de leau ». Pourtant, depuis 2014, toutes les retenues d’eau pour la neige de culture exploitées par les adhérents de DSF sont multi-usages et servent également, a minima, à l’irrigation : il existe, ainsi, des possibilités qu’il doit être envisagé de multiplier. Les commissions locales de l’eau (CLE) peuvent être l’instance appropriée pour mener ce travail.

    Proposition n° 49 : Ouvrir une réflexion au sein des commissions locales de l’eau visant à généraliser le multi-usages de la ressource en eau, notamment au travers de retenues collinaires partagées.

 La forêt doit faire lobjet dune anticipation particulière et être intégrée à la stratégie de lutte contre le changement climatique

La forêt présente, elle aussi, des risques particuliers. Comme l’indiquait la motion adoptée par l’ANEM lors du son 35ème congrès, la forêt de montagne « figure parmi les milieux les plus affectés par les changements climatiques, tout en exerçant un rôle essentiel dans latténuation et ladaptation face à ces derniers ». Elle subit déjà, depuis plusieurs années « une sécheresse sans précédent, favorisant les parasites, les maladies et les incendies », notamment dans le massif Corse où ces incendies, y compris en hiver, se multiplient.

De même, pour les associations environnementales, dont FNE, « de façon globale, il nous apparaît quil faut faire très attention sur les sujets forêts, à un moment où tout le monde veut leur faire tout faire : stockage du carbone, ressource bois-énergie, accroissement de coupes pour apport de matériaux construction, maintien-restauration de la biodiversité, espaces récréatifs […]. Tout cela dans un contexte où de nombreuses forêts vont très mal, du fait de la succession de sécheresses et de canicules ». Pour le CNPF également, le milieu forestier de montagne est le milieu forestier qui évoluera le plus vite et le plus brutalement sous l’effet du changement climatique. La forêt, qui est une ressource et un élément à valoriser, constitue également un espace fragile à protéger : il faudra, comme en de nombreux domaines, trouver le bon équilibre entre protection environnementale et développement de l’économie montagnarde, concilier différentes logiques, tout en gardant à l’esprit que les équilibres seront mouvants, y compris au plan paysager, et probablement de manière aiguë. Une anticipation et un accompagnement sont, de l’avis de tous les acteurs, indispensables.

Vos rapporteurs soulignent la justesse de l’ensemble de ces propos et partagent deux propositions émises par l’ANEM lors de son dernier congrès : intégrer pleinement la forêt dans les politiques de lutte contre le changement climatique, et veiller au maintien des personnels qualifiés de l’ONF sur le terrain – dont la proximité assure, notamment, la fonction de réseau d’alerte.

    Proposition n° 50 : Intégrer pleinement la forêt montagnarde dans les stratégies de lutte contre le changement climatique et maintenir sur le territoire la présence des personnels qualifiés de l’ONF.

En outre, comme mentionné par le comité de massif de Corse, des mesures juridiques peuvent être prises pour améliorer la mise en œuvre des obligations de débroussaillement qui pèsent sur les propriétaires et, ainsi, diminuer le risque d’incendie. En effet, les propriétaires sont tenus à une obligation légale de débroussaillement de leurs parcelles, afin notamment de limiter la propagation des feux à proximité des habitations. En cas de défaillance du propriétaire, le maire de la commune procède au débroussaillement, puis au recouvrement de la somme associée auprès du propriétaire. Toutefois, certaines parcelles de montagne, notamment de Corse, sont indivises, sans propriétaire, sans maître ou sans titre de propriété. Les opérations de débroussaillement deviennent alors complexes, notamment sur des terrains accidentés, et constituent une lourde charge pour les communes de montagne dont le budget est très contraint. C’est pourquoi, M. Jean‑Félix Acquaviva, député de Corse et président du comité de massif de Corse avait proposé, et fait adopter, dans le cadre de la loi « Engagement et proximité », un amendement (sous-amendé par M. François Pupponi, député) introduisant un mécanisme d’astreinte journalière pour les propriétaires ne procédant pas aux obligations de débroussaillement et permettant que, dans les zones couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles en matière d’incendies de forêts, à l’issue d’un délai de douze mois à compter de l’affichage du procès-verbal de constat de carence dans le recouvrement des sommes correspondant aux travaux de débroussaillement prescrits et de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les parcelles sans titre de propriété ou réputées sans maître reviennent à la propriété communale. Cet amendement n’avait pas été retenu au stade de la commission mixte paritaire. Vos rapporteurs suggèrent de le réintroduire, à titre expérimental, pour l’ensemble des forêts de montagne.

    Proposition n° 51 : À titre expérimental, introduire pour les forêts de montagne couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles en matière d’incendies, un mécanisme d’astreinte journalière pour les propriétaires ne procédant pas aux obligations de débroussaillement et permettant que les parcelles sans titre de propriété ou réputées sans maître reviennent à la propriété communale à l’issue d’un délai de douze mois à compter du constat de carence dans le recouvrement des sommes correspondant aux travaux de débroussaillement prescrits.

2.   L’activité en montagne doit être diversifiée

a.   Le modèle touristique actuel est appelé à évoluer

Le changement climatique est certain – le seul aléa existant étant celui de son amplitude et de sa rapidité – et oblige à mettre en place un usage modéré des ressources, mais également à développer rapidement une offre complémentaire aux seuls loisirs de neige, pour assurer la pérennité économique des territoires de montagne. En effet, comme l’indiquait Météo France, des études ont été faites pour analyser dans quelle mesure la neige de culture permettrait de compenser les réductions d’enneigement : jusqu’en 2050, environ, il serait possible de compenser la perte d’enneigement, mais au prix d’une multiplication de la consommation en eau par trois ou quatre. Au-delà, la ressource en eau disponible au moment voulu ne serait pas suffisante pour assurer une ressource en neige stable, d’autant plus qu’une température minimale serait nécessaire pour qu’elle ne fonde pas.

Selon le comité de massif du Jura, « laccompagnement de la transition climatique sur les massifs de moyenne montagne représente un enjeu à court terme sur lequel des moyens spécifiques mériteraient dêtre affectés pour assurer la reconversion économique des secteurs où lactivité est liée à la neige ».

Pour la Caisse des dépôts et consignation et la Compagnie des Alpes, ces changements sont déjà perceptibles au quotidien, avec des vents inédits, des enneigements particulièrement faibles en moyenne montagne, des pluies abondantes : tous les acteurs de la montagne ont désormais cet enjeu à l’esprit et sont mobilisés. Comme l’indiquait la Compagnie des Alpes, « on rentre dans une zone de turbulence dans le modèle économique liée au changement climatique. Il faut prendre le virage ». Ceci est d’autant plus nécessaire que le potentiel d’attractivité de la montagne pourrait, paradoxalement, s’accentuer avec le réchauffement climatique, dans la mesure où celle-ci continuera à offrir une fraîcheur appréciée en été.

b.   Des mesures complémentaires pour le développement du tourisme en dehors des périodes d’enneigement sont nécessaires

 Définir une stratégie englobante pour diversifier le tourisme est essentiel

Au-delà de la possibilité ouverte par l’article 68 d’instaurer des servitudes pour permettre le développement des activités de loisirs en dehors des périodes d’enneigement, il revient aujourd’hui aux stations de développer une véritable stratégie du tourisme décorrélée de la neige, qui deviendra un élément indispensable pour assurer la pérennité de la station et de ceux qui y vivent. Ceci requiert, selon vos rapporteurs, plusieurs actions volontaristes, intégrant plusieurs catégories d’acteurs, sous l’impulsion de la station :

– le développement d’animations suffisantes pour attirer une clientèle, notamment familiale. Certes, quelques établissements, en particulier des hôtels clubs, affichent des taux de remplissage exceptionnels en été (85 %), mais ceci tient à leur capacité à proposer leurs propres animations, ce que ne peuvent faire d’autres types d’hébergement : il convient d’assurer l’ouverture des commerces, des hôtels et des équipements de loisirs en dehors de la saison d’hiver en développant la saison d’été ;

– l’organisation d’éventuels travaux de remise en état de la station, de telle sorte qu’ils n’aient pas lieu aux périodes durant lesquelles les vacanciers sont susceptibles de venir, au risque d’engendrer des nuisances peu appréciées.

De manière générale, il est aujourd’hui nécessaire de changer de paradigme, pour ne pas chercher à « occuper » des vacanciers lorsque leur présence est constatée, mais définir, en amont, la cible qu’une station se donne – en nombre et de types de vacanciers, taux d’occupation, retombées économiques – et adapter les politiques de promotion et d’animation et les moyens associés en conséquence.

 Ladaptation de la redevance nordique est une nécessité pour tenir compte de lévolution du tourisme en montagne

La redevance nordique a été mise en place par la loi Montagne du 9 janvier 1985, puis codifiée au sein du code du tourisme (article L. 422-8) et du code général des collectivités territoriales (articles L. 2333-81 à 2333-83). Elle peut être prélevée « pour laccès aux installations et aux services collectifs dun site nordique dédié à la pratique du ski de fond et aux loisirs de neige non motorisés autres que le ski alpin » et est votée chaque année par délibération du conseil municipal de la commune dont le territoire supporte un tel site. Cette délibération fixe également le montant de la redevance et les conditions de sa perception. Son produit, évalué à 11 M€ environ, est affecté à l’entretien et à l’extension des pistes ainsi qu’aux opérations tendant à assurer le développement et la promotion du ski de fond et des loisirs de neige non motorisés pratiqués sur le site nordique.

Toutefois, la définition du site nordique et le périmètre des activités concernées soumises à la redevance, repris par l’article 70 de la loi Montagne II, limitées au « ski de fond et loisirs de neige non motorisés autres que le ski alpin » n’apparaît plus en prise avec la réalité d’un contexte de réduction de l’enneigement, et de développement d’activités annexes, notamment piétonnes. Selon Haute‑Savoie Nordic, dans un courrier adressé à vos rapporteurs, « il conviendrait de repenser cette redevance nordique, qui est un formidable outil pour les collectivités territoriales, afin quelles accompagnent au mieux cette croissance de la fréquentation des domaines nordiques […]. La neige nest plus la condition sine qua non de cette fréquentation. De plus en plus, on y vient aussi pour faire dautres activités, comme notamment le ski à roulettes […]. Pourrait-on imaginer une redevance nordique pour ces activités-là ? ».

Pour vos rapporteurs, une telle évolution de la redevance apparaît cohérente avec le développement des loisirs de montagne en été – ou en dehors des périodes d’enneigement – développement amené à s’accentuer avec le changement climatique. Elle permettrait de réduire la dépendance des stations à la neige, notamment en moyenne montagne, leur donnerait davantage de ressources pour entretenir et développer ces activités, et contribuerait ainsi à assurer leur pérennité économique. En outre, il apparaît que certaines communes ont déjà mis en place un système approchant de cette redevance, sans assise législative précise, et souffrant ainsi d’une grande insécurité juridique à laquelle il convient de remédier en fixant des règles claires et identiques pour tous.

    Proposition n° 52 : Mener une réflexion sur l’extension de la redevance nordique aux activités de loisirs non motorisés autres que le ski alpin en montagne – y compris non liés à la présence de neige.

 


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   conclusion

Après trois mois de travaux et une quarantaine d’auditions menées, la conclusion que dressent vos rapporteurs est la suivante : la loi Montagne II était une loi indispensable, et demeure lune des grandes lois de la République, mais sa mise en œuvre génère, sur le terrain, des déceptions compréhensibles.

Alors même qu’elle avait été pensée et souhaitée pour faciliter l’adaptation des dispositions de portée générale et des politiques publiques aux spécificités des territoires de montagne, ce droit à la différenciation, pourtant inscrit dans la loi, lui est systématiquement contesté, et doit encore faire l’objet d’âpres négociations. La « culture de la montagne » demeure, au plus haut niveau de lÉtat, encore bien trop insuffisante. De plus, si des dispositions ambitieuses avaient été adoptées dans différents secteurs – numérique, emploi, urbanisme, tourisme, agriculture, services publics – pour répondre aux problématiques particulières de ces territoires particuliers, celles-ci peinent à porter leurs fruits, en raison, le plus souvent, non pas de leur inefficacité intrinsèque, mais de la méconnaissance qu’en ont acteurs locaux, d’un nombre trop faible de bénéficiaires potentiels, ou encore de handicaps croissants qu’elles ne suffisent plus à compenser.

Vos rapporteurs nen demeurent pas moins foncièrement optimistes : la loi Montagne II a, tout de même, permis un certain nombre davancées significatives, s’agissant de la couverture numérique des territoires, qui progresse indubitablement, du développement raisonné des activités touristiques, ou encore du dynamisme des instances représentatives de la montagne. De manière plus profonde, elle a permis, chez un très grand nombre, et plus trente ans après l’adoption de l’acte I de la loi Montagne, une véritable prise de conscience renouvelée de la spécificité de ces territoires, des contraintes auxquelles ils sont confrontés, mais également des aménités et des services environnementaux qu’ils produisent et de leur importance vitale pour l’équilibre de la Nation dans toutes ses dimensions.

Si les travaux engagés sont à poursuivre et à accentuer, vos rapporteurs sont confiants dans la capacité de ces territoires et de leurs habitants à s’adapter aux nouveaux défis auxquels ils sont confrontés, en particulier celui du changement climatique. Ils renouvellent toutefois leur appel à un soutien public, réglementaire, financier mais aussi politique renforcé, et veilleront à ce que la spécificité de la montagne soit constamment mieux reconnue, pour offrir à ceux qui y vivent et y travaillent les mêmes droits qu’à l’ensemble des Français.

 


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   SynthÈse des recommandations

Instances représentatives de la montagne

Proposition n° 1 : Consulter davantage les groupes thématiques du Conseil national de la montagne, s’agissant de l’élaboration de textes réglementaires affectant les territoires de montagne.

Proposition n° 2 : Veiller à une bonne représentation et participation des territoires d’outre-mer aux travaux des instances représentatives de la montagne.

Proposition n° 3 : S’assurer de la bonne appropriation du dispositif des commissions spécialisées par l’ensemble des comités de massif, en leur fixant éventuellement un rythme de réunion régulier.

Proposition n° 4 : Veiller à une prise en compte spécifique des enjeux des territoires de montagne par l’agence nationale pour la cohésion des territoires.

Adaptation des normes et de la fiscalité

Proposition n° 5 : Appliquer de manière concrète le principe d’adaptation des dispositions de portée générale et des politiques publiques aux territoires de montagne inscrit dans l’article 3 de la loi Montagne II : faire droit aux demandes des élus en ce sens, sans y opposer systématiquement l’égalité devant la loi et développer, au sein de l’administration, une plus grande culture de la montagne.

Proposition n° 6 : Veiller à ce que le projet de loi relatif à la décentralisation, à la différenciation et à la déconcentration permette enfin une mise en œuvre effective du principe de différenciation, sans diluer les territoires de montagne au sein de l’ensemble des territoires ruraux, pour en garder leur spécificité.

Proposition n° 7 : Quantifier les surcoûts liés à la montagne plus finement et établir des critères permettant de mieux prendre en compte l’hétérogénéité des zones de montagne pour ajuster au mieux le calcul de la DGF et du FPIC à leurs spécificités, en mettant l’accent sur les communes les plus précaires, les communes soumises à un investissement important pour tenir compte des populations saisonnières, et les communes transfrontalières.

Proposition n° 8 : Créer un groupe de travail relatif à la nouvelle géographie prioritaire des territoires et y intégrer des parlementaires de la montagne ; veiller à ce que les nouveaux critères définis permettent de prendre en compte les contraintes spécifiques des territoires de montagne de manière robuste et fine et à ce que les mesures associées au nouveau zonage répondent aux besoins de ces territoires.

 

Urbanisme en montagne

Proposition n° 9 : Adopter aussi rapidement que possible le décret se substituant au décret du 10 mai 2017 relatif à la procédure de création ou d’extension des unités touristiques nouvelles, et associer les parlementaires et les associations d’élus à sa rédaction.

Proposition n° 10 : Être vigilant dans l’inscription de projets d’UTN dans les documents d’urbanisme, de manière à ne pas y intégrer plusieurs projets alternatifs, dont il est admis ab initio que seul l’un d’entre eux sera effectivement réalisé.

Proposition n° 11 : Mener une réflexion approfondie sur l’évolution du principe d’urbanisation en continuité dans les zones de montagne, dans un objectif d’harmonisation des interprétations et d’assouplissement des contraintes imposées. Le bon sens doit pouvoir l’emporter.

Proposition n° 12 : Expliciter le fait que la circulaire « zéro artificialisation nette » fera l’objet d’une application différenciée en zone de montagne, de manière à être adaptée aux contraintes spécifiques de ces territoires, et à ne pas accentuer les refus de construction en discontinuité ; préciser la manière dont ce texte s’articulera avec les autres dispositions en vigueur, notamment celles soumises à appréciation de l’administration en matière d’UTN ou d’urbanisation en continuité.

Activités touristiques

Proposition n° 13 : N’envisager qu’au cas par cas l’extension du périmètre des servitudes d’urbanisme en dehors des périodes d’enneigement, telles que prévues par l’article L. 342-20 du code du tourisme, au-delà du domaine skiable ou du site nordique, après avis d’une commission ad hoc faisant intervenir toutes les parties concernées.

Proposition n° 14 : Mettre en œuvre l’article 16 de la loi Montagne II en signant des conventions avec les transporteurs nationaux pour garantir des tarifs préférentiels incitant à l’organisation de classes de découvertes et autres voyages scolaires ; associer des parlementaires de montagne au groupe de travail mis en place au sein du ministère de l’éducation nationale sur ce sujet.

Proposition n° 15 : Accompagner les enseignants désireux d’organiser des classes de découvertes en leur fournissant plus largement des guides de ressources méthodologiques et pédagogiques.

Proposition n° 16 : Prévoir, dans le cursus de formation des enseignants, un module relatif aux classes de découvertes.

Proposition n° 17 : Organiser une concertation faisant intervenir toutes les parties prenantes sur la question du calendrier scolaire pour envisager la possibilité d’avancer les vacances de printemps, d’instaurer un zonage en été et de reconsidérer le zonage géographique pour rééquilibrer les flux de clientèles.

Proposition n° 18 : Renforcer la réflexion relative au modèle de l’investisseur unique, pour faciliter et accentuer la réhabilitation et la remise sur le marché locatif de grands ensembles immobiliers, en privilégiant une perspective de long terme.

Proposition n° 19 : S’agissant des résidences de tourisme, étudier les modalités d’une délégation de leur droit de préférence à une foncière dont l’objet serait de conserver des « lits chauds », celles d’un abaissement du seuil de lots confiés en gestion à une même personne physique ou morale au-delà duquel la résidence peut être classée et celles d’une transposition du dispositif « Action cœur de ville » aux stations de montagne.

Proposition n° 20 : Guider les propriétaires dans la rénovation de leur logement à des fins de location touristique par un accompagnement humain clé en main, en développant notamment les maisons des propriétaires comme lieu unique de conseil, de réalisation de démarches et de conclusion de contrats.

Proposition n° 21 : Pérenniser la possibilité du recours à l’activité partielle pour les régies dotées de la seule autonomie financière exploitant des remontées mécaniques ; participer, en tant que députés de la montagne, au groupe de travail mis en place par la DGEFP et y établir un diagnostic fin des besoins des régies en matière de recours à l’activité partielle d’une part et d’assistance dans la mise en œuvre des contreparties d’autre part

Proposition n° 22 : Remettre le rapport relatif à la mise en place des guichets uniques pour les travailleurs pluriactifs prévu par l’article 43 et mener une réflexion sur la possibilité d’étendre ce dispositif aux salariés saisonniers relevant successivement au cours de l’année de plusieurs caisses distinctes.

Proposition n° 23 : Rappeler l’existence et le fonctionnement des dispositions prévues par l’article 47 relatif aux conventions de logement pour les travailleurs saisonniers à l’ensemble des communes touristiques et des représentants de l’État dans les départements ; dresser un bilan de l’utilisation du nouveau modèle standard de convention à l’issue de la saison 2019-2020 et veiller à ce que l’Agence nationale de la cohésion des territoires apporte aux collectivités territoriales concernées les ressources suffisantes en termes d’ingénierie. En dernier recours, s’assurer que les sanctions prévues par l’article 47 soient effectivement appliquées.

Proposition n° 24 : Veiller à la bonne intégration des maisons des saisonniers au sein des maisons France Service.

Proposition n° 25 : Faire aboutir la demande d’agrément de l’association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches en matière de formation d’artificiers et de maîtres chien et accentuer les efforts engagés s’agissant de la formation des travailleurs saisonniers, en définissant un partage ajusté entre enseignements présentiels et enseignements à distance, et en insistant sur les formations adaptées à l’évolution des métiers de la montagne (numérique et digitalisation, changement climatique et nouveaux risques, etc.).

Accès aux services publics en montagne

Proposition n° 26 : Mettre en place, à titre expérimental, un mécanisme de conventionnement pluriannuel entre le ministère de l’éducation nationale et les collectivités territoriales concernées pour la fixation des moyens des établissements scolaires du second degré situés en zone de montagne.

Proposition n° 27 : S’assurer que le Gouvernement remette au Parlement le rapport prévu par l’article 17 de la loi Montagne II relatif à la juste compensation des surcoûts associés à la pratique des actes médicaux et paramédicaux en zone de montagne.

Proposition n° 28 : Mieux communiquer sur les dispositifs d’incitations financières ou de soutien de toutes natures auxquels les médecins de montagne sont éligibles pour assurer une meilleure mise en œuvre de ces leviers d’amélioration de l’accès aux soins en zone de montagne.

Proposition n° 29 : Instaurer un stage long en zone de montagne durant le cursus d’études médicales.

Proposition n° 30 : Associer des parlementaires de la montagne à la rédaction de l’ordonnance relative aux maisons de santé prévue par l’article 64 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé et garantir que cette ordonnance prévoie un assouplissement des conditions fixées pour l’installation de ces maisons de santé en zone de montagne et leur éligibilité aux aides proposées.

Proposition n° 31 : Associer des parlementaires de la montagne à la rédaction de l’ordonnance relative aux hôpitaux de proximité prévue par l’article 35 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé et garantir que cette ordonnance prenne en considération les particularités et les besoins spécifiques des populations de montagne en matière d’accès aux soins.

Proposition n° 32 : Publier avant l’été le décret relatif aux obligations d’équipement des véhicules en période hivernale prévu par l’article 27 de la loi Montagne II de manière à ce que celui-ci puisse être applicable pour la saison 2020‑2021 ; imposer aux poids lourds circulant en zone de montagne de disposer de pneus hiver installés en permanence sur une période allant du 15 novembre au 15 mars et de chaînes disponibles dans leur véhicule, pouvant être installées en tant que de besoin.

Couverture numérique en montagne

Proposition n° 33 : Ajuster la définition des axes routiers « prioritaires » dans le cadre du New deal mobile, de manière à prendre en compte les axes routiers des zones de montagne, non nécessairement empruntés par 5 000 véhicules par jour, mais constituant des points de passage essentiels pour les populations de ces territoires.

Proposition n° 34 : En fonction des conclusions du rapport du Gouvernement prévu par l’article 129 de la loi de finances pour 2020 relatif à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux appliquée aux stations radioélectriques, envisager une adaptation du taux d’IFER de nature à inciter au déploiement des stations radioélectriques en zone de montagne, pour en améliorer la couverture.

Proposition n° 35 : Accélérer le déploiement de la fibre en zone de montagne et y consacrer les moyens financiers nécessaires en augmentant l’abondement de la ligne de crédits du plan France très haut débit à hauteur de 400 M€, en loi de finances rectificative ou dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.

Proposition n° 36 : Informer et inciter les collectivités territoriales à recueillir et à transmettre les données qu’elles mesurent à l’ARCEP pour garantir une meilleure remontée des informations en temps réel s’agissant de la couverture numérique fixe et mobile effective de leurs territoires.

Proposition n° 37 : Améliorer la fidélité des cartes de couverture mobile en zone de montagne en rehaussant le niveau de fiabilité exigé par l’ARCEP, de 95 % à 98 %.

Proposition n° 38 : Multiplier les expérimentations, notamment s’agissant du déploiement de la couverture 5G en zone de montagne, pour identifier les bénéfices que cette couverture peut apporter à ces territoires, notamment en matière de logistique, de transport, d’industrie connectée ou encore d’emploi.

Proposition n° 39 : Prendre en compte des contraintes spécifiques aux territoires de montagne s’agissant du déploiement de la couverture numérique, en envisageant la possibilité d’un soutien de l’État au coût du raccordement électrique pour les opérateurs, en organisant une meilleure communication sur la stratégie d’implantation des infrastructures et en développant des outils destinés à améliorer l’acceptabilité sociale des infrastructures.

Agriculture de montagne

Proposition n° 40 : Inclure le label « produits de montagne » dans les 50 % de produits sous signes de qualité ou d’origine pouvant alimenter la restauration collective en 2022 en application de la loi du 30 octobre 2018 pour une alimentation saine, durable et accessible à tous.

Proposition n° 41 : Suivre les conclusions du groupe de travail du CNM relatif à l’adaptation du cadre juridique relatif au déboisement en montagne et faire droit, le cas échéant, à une demande de mise en œuvre de l’article 3 de la loi Montagne II sur ce sujet, pour assurer l’équilibre entre les espaces forestiers et les espaces agricoles.

Proposition n° 42 : Renforcer le rôle de la présence humaine en matière de lutte contre la prédation, en ciblant les aides sur le recrutement de bergers et en confirmant aux éleveurs leur droit ordinaire et systématique de tir de légitime défense des troupeaux.

Proposition n° 43 : Poursuivre les études vétérinaires et techniques relatives à la possibilité d’effectuer des tirs sélectifs ciblés sur les animaux particulièrement dangereux.

Proposition n° 44 : S’associer aux démarches des États européens pour réviser les textes relatifs à la protection de l’espèce, dans un sens garantissant l’équilibre avec la protection des activités pastorales.

Proposition n° 45 : Définir une véritable stratégie de protection du pastoralisme et élaborer un « plan pastoralisme » en lieu et place du « plan loup », respectant évidemment les exigences relatives à la préservation de l’espèce.

Proposition n° 46 : Publier le décret prévu par l’article 61 relatif à l’exonération de TICPE pour les camions collecteurs de lait en montagne aussi rapidement que possible ou identifier un dispositif équivalent de soutien aux entreprises collectrices de lait en montagne compatible avec le droit de l’Union européenne. Le cas échéant, mettre en place un groupe de travail pour lever les obstacles juridiques et techniques et y associer les parlementaires concernés.

Proposition n° 47 : Renforcer les politiques forestières de massif et développer une véritable ambition pour la valorisation des forêts de montagne et de leurs ressources, notamment en faisant prendre en compte de manière systématique les schémas départementaux d’accès à la ressource forestière par les documents d’urbanisme et en incitant à la création de dessertes complémentaires.

Protection de lenvironnement de montagne

Proposition n° 48 : Étendre l’obligation de démontage des remontées mécaniques définitivement mises à l’arrêt aux remontées mécaniques antérieures à la loi Montagne II.

Proposition n° 49 : Ouvrir une réflexion au sein des commissions locales de l’eau visant à généraliser le multi-usages de la ressource en eau, notamment au travers de retenues collinaires partagées.

Proposition n° 50 : Intégrer pleinement la forêt montagnarde dans les stratégies de lutte contre le changement climatique et maintenir sur le territoire la présence des personnels qualifiés de l’ONF.

Proposition n° 51 : À titre expérimental, introduire pour les forêts de montagne couvertes par un plan de prévention des risques naturels prévisibles en matière d’incendies, un mécanisme d’astreinte journalière pour les propriétaires ne procédant pas aux obligations de débroussaillement et permettant que les parcelles sans titre de propriété ou réputées sans maître reviennent à la propriété communale à l’issue d’un délai de douze mois à compter du constat de carence dans le recouvrement des sommes correspondant aux travaux de débroussaillement prescrits.

Proposition n° 52 : Mener une réflexion sur l’extension de la redevance nordique aux activités de loisirs non motorisés autres que le ski alpin en montagne – y compris non liés à la présence de neige.

 


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   liste des personnes auditionnÉes

Par ordre chronologique

Conseil national de la Montagne

M. Joël Giraud, président de la commission permanente

Ministère de la cohésion des territoires, cabinet de la ministre

Mme Juliette Part, conseillère aménagement du territoire

Délégation à la sécurité routière (DSR)

M. Emmanuel Barbe, délégué à la sécurité routière

M. David Julliard, délégué-adjoint à la sécurité routière

M. Zoheir Bouaouiche, sous-directeur de la protection des usagers de la route

Commissariat général à légalité des territoires (CGET)

M. Nicolas Delaunay, responsable du pôle des systèmes

Mme Frédérique Delaugere, chargée de mission montagne

Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, direction de lhabitat, de lurbanisme et des paysages (DHUP)

M. Alain Vandervorst, conseiller juridique du bureau de la législation de l’urbanisme

M. Emmanuel de Lanversin, adjoint au directeur de l'habitat de l'urbanisme et du paysage

Audition commune :

Agence du numérique

M. Laurent Rojey, directeur général

Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP)

M. Maxime Forest, directeur adjoint à la direction « Mobile et innovation »

Mme Agnès Domergue, chef de l’unité « Territoires connectés » à la direction « Fibre, infrastructures et territoires »

Ministère de léconomie et des finances, direction générale des entreprises, service tourisme, commerce, artisanat et services (STCAS)

M. Dimitri Grygowski, sous-directeur

M. Jean-Pierre Maury, chef de projet, pôle « économie du tourisme »

Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, direction générale des collectivités territoriales (DGCL)

M. Stanislas Bourron, directeur général

M. Laurent Pétiau, adjoint au chef du bureau des services publics locaux

Table ronde « opérateurs numériques » :

Fédération française des télécoms (FFT) *

M. Olivier Riffard, directeur des affaires publiques

Orange *

Mme Claire Chalvidant, directrice des relations institutionnelles

Bouygues Telecom *

M. Anthony Colombani, directeur des affaires publiques

Groupe Altice SFR *

Mme Marie-Georges Boulay, secrétaire générale adjointe

Iliad Free *

Mme Ombeline Bartin, responsable des relations institutionnelles

Table ronde « agriculture » :

Fédération nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA) *

M. Dominique Fayel, membre du Bureau FNSEA et coresponsable du dossier Montagne

M. Michel Thomas, sous-directeur du département structures et territoires

Mme Angèle Evrard, chargée des politiques territoriales

Assemblée permanente des chambres dagriculture (APCA)

Mme Christine Valentin, vice-présidente de l’APCA et présidente de la chambre d’agriculture de la Lozère

Mlle Chloé Bordet, chargée de mission service politiques agricoles et filières

M. Enzo Reulet, chargé de mission

La Coopération agricole *

M. Jean Michel Javelle, membre du bureau Sodiaal

M. Jérémie Bosch, chargé de mission montagne, métiers du lait

Centre national interprofessionnel de léconomie laitière (CNIEL) *

M. Bernard Marmier, président du groupe montagne au sein du CNIEL

Mme Marie-Pierre Vernhes, directrice des affaires publiques du CNIEL

Confédération paysanne *

M. Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne

Audition commune :

France Nature Environnement (FNE) *

Mme Marie-Laure Devies, représentante de FNE au Conseil National de la Montagne

M. Jean-David Abel, pilote du réseau biodiversité et vice‑président de FNE

WWF *

M. Jean-Christophe Poupet, responsable du bureau écorégional des Alpes

Audition commune :

Centre National de la Propriété Forestière (CNPF)

Mme Claire Hubert, directrice générale

Office national des forêts (ONF)

M. Albert Maillet, directeur Forêts et risques naturels

Audition commune :

Domaine skiable de France (DSF)

M. Alexandre Maulin

M. Laurent Reynaud, délégué général

Syndicat National des Résidences de Tourisme (SNRT) *

M. Patrick Labrune, vice-président

Mme Pascale Jallet, déléguée générale

 

 

Association Nationale des Maires des Stations de Montagne (ANMSM)

M. Joël Retailleau, directeur général

Mme Tamara Mejias, responsable relations publiques et institutionnelles

Audition commune :

Association nationale des élus des territoires touristiques (ANETT)

Mme Géraldine Leduc, directrice générale

Offices de tourisme

M. Christophe Marchais, directeur de la Fédération nationale des offices de tourisme

Audition commune (par visioconférence) :

Comité de massif du Jura

M. Éric Pierrat, secrétaire général pour les affaires régionales Bourgogne Franche-Comté

M. Guillaume Millot, commissaire à l’aménagement, au développement et à la protection du massif du Jura

Comité de massif du Massif central

Tony Cornelissen, vice-président, président de la chambre d’agriculture de Corrèze

Mme Frédérique Gomez, commissaire de massif

Atout France

M. Christian Mantei, président

M. Philippe Maud’hui, directeur Ingénierie et développement des territoires

Union des Métiers et des Industries de lHôtellerie (UMIH) *

M. Thierry Grégoire, président de la branche UMIH Saisonniers

M. Daniel Van Den Heuvel, président de l’UMIH Savoie et Haute-Savoie

Mme Ophélie Rota, directrice de la communication et des relations institutionnelles

M. Laurent Prigent, chef de projet développement durable à l’UMIH

 

 

Ministère de la transition écologique et solidaire, cabinet de la ministre

Mme Sophie-Dorothée Duron, conseillère en charge de la biodiversité, de l’eau et de la mer

M. Matthieu Papouin, sous-directeur de la protection et de la restauration des écosystèmes terrestres

M. Alain Vandervorst, conseiller juridique du bureau de la législation de l’urbanisme

Mme Marianne Vebr, chargée de mission grands prédateurs à la direction de l’eau et de la biodiversité

Ministère de léducation nationale, direction générale de lenseignement scolaire (DGESCO)

M. Christophe Géhin, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales

M. Bruno Chiocchia, sous-directeur de la performance et des politiques éducatives territoriales

Mme Stéphanie Veloso, chef du bureau de l’éducation prioritaire et des territoires, sous-direction de la performance et des politiques éducatives territoriales - Service du budget et des politiques éducatives territoriales

Ministère du travail, de lemploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, délégation générale de lemploi et de la formation professionnelle (DGEFP)

Mme Nathalie Vaysse, cheffe de service, adjointe au délégué général

M. Guillaume Villemot, chef de la mission fonds national de l’emploi

Association nationale des élus de montagne (ANEM)

Mme Annie Genevard, présidente

Mme Jeanine Dubié, secrétaire générale

M. Pierre Bretel, délégué général

Ministère des solidarités et de la santé, direction générale de loffre de soins

Mme Ève Robert, cheffe de projet accès territorial aux soins

Mme Béatrice Tran, chargée de mission sur les projets régionaux de santé au pôle santé Agences régionales de santé

M. Emmanuel Frère-Lecoutre, chef du bureau des relations avec les professions de santé à la direction de la sécurité sociale

 

Météo France

Mme Virginie Schwarz, présidente-directrice générale

M. Alain Soulan, directeur général adjoint

Audition commune :

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

M. Christophe des Roseaux, directeur des investissements tourisme – Banque des territoires

M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

Compagnie des Alpes :

M. Loïc Bonhoure, directeur général adjoint, en charge de la stratégie, du développement et du M&A

M. David Ponson, directeur des opérations domaines skiables

Conseil exécutif de Corse (par visioconférence)

M. Jean Biancucci, conseiller exécutif de Corse, président de l’Agence d’aménagement d’urbanisme et d’énergie

M. Daniel Charavin, directeur de l’Agence du tourisme de la Corse

Ministère de lagriculture, de lalimentation et de la forêt, direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

M. Philippe Duclaud, directeur général adjoint

Comité de massif de Corse

M. Jean-Félix Acquaviva, président

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, sengageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de lAssemblée nationale.

 


([1]) Rapport d’information n° 538, déposé en application de l’article 145-7 du Règlement par la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, présenté par Mme Marie‑Noëlle Battistel et M. Jean-Bernard Sempastous, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2017

([2]) Le troisième ne concernant pas, en réalité, les territoires de montagne.

([3]) Le Parlement est représenté par 5 députés et 5 sénateurs, dont 2 désignés par les commissions chargées des affaires économiques et deux désignés par les commissions chargées de l’aménagement du territoire de chaque assemblée.

([4]) Cet avis précise notamment que « si les règles dattribution des compétences sont, en principe, les mêmes au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales de droit commun, le principe dégalité applicable aux collectivités ne soppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce quil y déroge pour des raisons dintérêt général ».

([5]) Le SCoT est soumis à l’avis du comité de massif lorsqu’il est totalement ou partiellement situé en zone de montagne ainsi que lorsqu’il prévoit la création d’une ou plusieurs unités touristiques nouvelles structurantes en application des nouvelles dispositions prévues par la loi.

([6]) Sur les 5 655 communes concernées par la loi Montagne, 3 796 d’entre elles ne sont pas couvertes par un PLU et 3 639 ne sont pas couvertes par un SCoT.

([7]) Instruction du Gouvernement du 12 octobre 2018 relative aux dispositions particulières à la montagne du code de l’urbanisme

([8]) Étude de la DARES du 4 décembre 2019, « Quelle place occupe l’emploi saisonnier en France »

([9]) Vente de médicaments par le médecin

([10]) Ces aides consistent essentiellement en un financement d’amorçage accordé par l’ARS et en une aide financière au fonctionnement de la maison de santé accordée par l’assurance maladie, pour un montant d’en moyenne 60 000 € par maison et par an, conditionnés au respect de certains critères outre celui de la présence de deux médecins : plages de soins non programmés, horaires d’ouverture, réunion des médecins sur les cas des patients, etc.

([11]) Le passage en très haut débit mobile concernera, d’ici fin 2020, la totalité des sites mobiles existants en métropole à l’exception des sites relevant du programme historique « zones blanches – centres bourgs », pour lesquels l’échéance de fin 2020 concerne 75 % d’entre eux, les 25 % restants devant passer en très haut débit mobile d’ici fin 2022.

([12]) Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale, par la commission des affaires économiques, sur la couverture numérique et mobile du territoire, présenté par M. Éric Bothorel et Mme Laure de la Raudière, députés, enregistré à la présidence de l’Assemblée le 23 janvier 2020.

([13]) 56 % du territoire était couvert en très haut débit à la fin de l’année 2018.

([14]) Au total, selon le ministère de l’agriculture 16 120 communes françaises sont incluses dans le zonage. L’aide bénéficie à près de 99 000 agriculteurs qui touchent annuellement de 1 700 à 21 500 €. Elle représente, en général, 30 à 60 % du revenu des agriculteurs, voire 80 % dans certaines situations.

([15]) L’usage de chiens de troupeaux présentant de nombreux aspects négatifs, comme en témoigne notamment la communication de Mmes Valérie Boyer et Bénédicte Taurine, de février 2020, au titre du groupe de travail sur les chiens de troupeaux.