N° 2964

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mai 2020

 

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

valant avis sur le projet de contrat dobjectifs et de moyens entre lÉtat et lAgence d’expertise technique internationale pour la période 2020-2022

 

ET PRÉSENTÉ

 

PAR Mme Bérengère poletti

Députée

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  SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. Un acteur qui a trouvé sa place dans un contexte international particulièrement compétitif

A. UNE pandÉmie de covid-19 qui exacerbe une compÉtition internationale dans le domaine de la politique de dÉveloppement

B. Un nouvel opérateur dans le domaine de lexpertise qui continue à monter en puissance

1. Un opérateur destiné à assurer un label France unifié

2. Une orientation plus marquée vers le continent africain dans le COM 2020-2022

3. Une action entièrement compatible avec lAccord de Paris sur le climat

4. Une action dans le domaine de la santé pour le compte du ministère de lEurope et des affaires étrangères

5. Un modèle économique singulier

II. Des dÉfis à relever pour réussir La filialisation au sein de lagence française de développement

A. Constituer une équipe France performante avec le rapprochement Agence française de développementExpertise France

B. un modèle allemand intégré au service dune politique publique cohérente

C. Maintenir une expertise technique autonome dans le groupe

D. La question pendante du statut juridique dExpertise France

III. Propositions damélioration du contrat dobjectifs et de moyens et autres observations

A. Investir plus massivement le domaine de la santÉ

B. Développer la culture de lévaluation et du contrôle

C. Achever l’unification de la plate-forme d’expertise française

D. SIMPLifier la gouvernance dexpertise France au sein du futur groupe AFD et maintenir la présence des parlementaires au sein du conseil d’administration

1. Simplifier l’organisation

2. Maintenir le nombre des parlementaires au sein du conseil d’administration

E. Garder expertise France dans le giron public

Audition de M. Jérémie Pellet, directeur général d'Expertise France

Examen en commission


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   introduction

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, « une convention pluriannuelle conclue entre lÉtat, représenté par les ministres concernés, et chaque établissement public contribuant à laction extérieure de la France, représenté par le président de son conseil dadministration, définit, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ses missions. Le projet de convention est transmis par le Gouvernement, avant sa signature, aux commissions permanentes compétentes de lAssemblée nationale et du Sénat. Ces commissions peuvent formuler un avis sur ce projet de convention dans un délai de six semaines. » Sur ce fondement, la commission des affaires étrangères, saisie le 30 avril dernier, du projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) d’Expertise France pour la période 2020-2022, est appelée à formuler son avis.

Cet avis intervient dans une période particulière. En effet, la pandémie à laquelle le monde doit faire face le montre encore une fois. Nous avons besoin de la plus large coopération possible dans un monde où plus aucun des problèmes ne se pose plus dans un cadre strictement local. Par ailleurs, à l’heure où la compétition ne porte plus seulement sur les ressources et les territoires, mais également sur les parts de marché, la capacité d’innovation et d’attraction, notre diplomatie globale repose en partie sur notre capacité à mener des coopérations concrètes. Dans ce contexte, l’attractivité de notre capacité technique et d’expertise constitue un facteur essentiel.

Nous sommes aujourd’hui à un moment charnière : les questions relatives à la santé, à l’éducation, aux ressources durables et à la bonne gouvernance sont devenues centrales dans les relations internationales, dès lors que les insuffisances dans ces domaines dans un seul pays peuvent avoir des répercussions régionales, voire mondiales. La crise du coronavirus covid-19 est là pour l’illustrer.

Le contexte international est devenu extrêmement concurrentiel. Aux côtés de nos anciens partenaires et néanmoins concurrents, que sont les pays anglo-saxons, l’Allemagne ou le Japon, émergent de nouveaux acteurs, comme la Chine ou encore la Turquie, dont la diplomatie de la « coopération » est très offensive et fait l’objet d’un véritable récit, un « narratif », visant à promouvoir un « modèle », alors que leur engagement financier reste encore relativement faible à ce stade.

Notre pays est bien positionné dans cette compétition mondiale de par l’antériorité de ses actions dans ce domaine. Il a mis sur pied des outils performants que sont l’Agence française de développement (AFD) et Expertise France. Il souffre néanmoins d’un défaut de visibilité comme a pu le constater la mission parlementaire qui s’est rendue à Madagascar du 21 au 24 novembre dernier. Ce défaut porte préjudice à la France. En effet, une meilleure communication politique doit aussi servir à mieux porter nos priorités et, en premier lieu, les questions liées à la santé, à l’égalité entre les femmes et les hommes et à l’environnement.

Pourtant, il est impératif que la France conserve son influence pour un meilleur équilibre du monde d’une part et dans son propre intérêt d’autre part.

Dès 2014 ([1]), alors que le paysage de la coopération technique était par trop fragmenté, il est apparu essentiel de constituer un opérateur unique, capable de mener des opérations de grande ampleur et d’être mieux identifié par nos concitoyens et nos partenaires internationaux. C’est ainsi que le 1er janvier 2015, Adetef[2] a fusionné avec cinq autres opérateurs publics de coopération technique pour donner naissance à l’Agence française de coopération technique internationale dénommée « Expertise France ».

Avec 191 millions d’euros de volume d’activité réparti dans plus de 100 pays et plus de 500 projets, Expertise France est avec l’AFD le second pilier de l’État dans le domaine de la solidarité internationale.

Comme l’indique l’introduction du rapport annexé au projet de COM, « dans un contexte international qui ne cesse de se dégrader, la France a fait le choix de renforcer son aide publique au développement (APD) et de relancer sa coopération technique internationale. Les secousses qui traversent et contribuent à dégrader lenvironnement international ont conduit la communauté internationale à repenser les modalités de son action ».

Ce renforcement se déclinera autour de quatre priorités :

– une concentration autour d’une géographie et de thématiques prioritaires telles qu’elles ont été définies par le Comité interministériel pour la coopération internationale au développement (CICID) dans sa réunion du 8 février 2018 ;

– une structuration et une consolidation d’Expertise France qui porte une histoire ancienne, mais reste une institution jeune ;

– la recherche d’un équilibre financier soutenable avec une activité portée à 300 millions d’euros par an avec une distinction claire entre les activités bilatérales et les financements apportés à des acteurs multilatéraux ;

– la réussite du rapprochement avec l’AFD dont Expertise France a vocation à devenir une filiale.

Sur l’ensemble de ces questions, la rapporteure fera quelques propositions d’amélioration du COM.


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I.   Un acteur qui a trouvé sa place dans un contexte international particulièrement compétitif

A.   UNE pandÉmie de covid-19 qui exacerbe une compÉtition internationale dans le domaine de la politique de dÉveloppement

La politique de développement fait l’objet comme d’autres politiques publiques – délivrance de visas, accueil d’étudiants étrangers, ouverture de centres culturels, audiovisuel extérieur – d’une véritable compétition internationale.

La pandémie de covid-19 a été une nouvelle occasion, pour certains États, à l’instar de la Chine, d’essayer de tirer des dividendes politiques et diplomatiques d’une coopération faisant l’objet d’un véritable récit. Des opérations très médiatisées de fourniture de masques et de tests ont servi ce récit.

Plus largement, des acteurs nouveaux – Turquie, Russie, Pays du Golfe –ont désormais des ambitions dans le domaine de la politique du développement. Comme la Chine, les volumes d’action qu’ils mettent en œuvre se situent loin derrière des pays comme les États-Unis, l’Allemagne ou la France, mais la communication autour de ces actions est particulièrement agressive.

Il s’agit dès lors de promouvoir une offre multisectorielle par le biais d’opérateurs de référence susceptibles d’intervenir largement au bénéfice des pays en développement mais surtout de leur influence politique, diplomatique et finalement économique. Une véritable guerre d’influence a lieu avec comme cible première le continent africain.

Selon le comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en valeur absolue, la France est le cinquième pays pourvoyeur d’APD au monde. Elle doit assumer ce statut. Pour cela, elle doit construire l’outil le plus performent possible et élaborer son propre récit.

Néanmoins, la France n’est que le neuvième pays au regard de l’effort financier ramené au revenu national brut (RNB) avec 0,44 %, au même niveau que des pays comme la Belgique ou la Suisse et loin derrière le Royaume-Uni (0,7 % du RNB) et l’Allemagne (0,6 %). Les États-Unis n’apparaissent qu’en vingt-troisième position.

Si la part de l’aide au développement a augmenté depuis 2017, ces montants restent insuffisants au regard des ambitions de notre pays dans ce domaine.

DONNÉES PRÉLIMINAIRES SUR LAIDE AU DÉVELOPPEMENT 2019

Source : OCDE, comité daide au développement (CAD).

B.   Un nouvel opérateur dans le domaine de l’expertise qui continue à monter en puissance

1.   Un opérateur destiné à assurer un label France unifié

Afin de pallier l’éparpillement de l’expertise technique française, dans une organisation où plusieurs ministères avaient leur propre service ou leur propre agence de coopération technique avec les pays en développement, et de doter notre pays d’une force de frappe « technique » reconnue, la France s’est dotée d’un pôle en charge de l’expertise technique à compter du 1er janvier 2015, à côté du pôle de financement qu’est l’AFD.

Expertise France (EF) regroupe ainsi six anciens opérateurs : France expertise internationale, chargée notamment des questions de gouvernance, de l’efficacité des administrations dont l’administration fiscale, et les groupements d’intérêt public GIP Esther (santé), GIP Inter (travail), GIP SPSI (protection sociale), ADECRI (sécurité sociale) et Adetef (échange en technologies économiques et financières).

En revanche, sont restés à l’extérieur de la nouvelle agence CIVIPOL dans le domaine de la sécurité et des affaires de police et Justice coopération internationale (JCI) dans le domaine de la justice.

L’opérateur intervient selon plusieurs modalités :

– des réponses aux appels d’offres nationaux et internationaux ;

– des projets bilatéraux de gré à gré en provenance des ministères français ;

– la gestion d’experts techniques internationaux ;

– l’organisation de jumelages entre les administrations publiques françaises et étrangères ;

– l’ingénierie de projets et d’appels à projets.

En outre, EF est le seul opérateur d’expertise agréé par la Commission européenne pour la gestion déléguée des fonds de l’Union européenne pour la coopération internationale. La mise en œuvre d’une partie des financements européens par EF permet de valoriser l’importante contribution française aux fonds européens et de disposer d’un effet de levier important pour l’expertise française.

2.   Une orientation plus marquée vers le continent africain dans le COM 2020-2022

La géographie devrait se resserrer sur l’Afrique, et notamment sur les 19 pays prioritaires ([3]), continent qui devra dès cette année concentrer plus de 50 % des projets dont 35 % dans les zones de fragilité extrême (Sahel, Lac Tchad, Centrafrique). La crise irako-syrienne devrait également constituer une priorité.

 

Indicateur

2020

2021

2022

Part du montant des contrats signés portant sur le continent africain

>50%

>50%

>50%

Il est en effet important de cibler la coopération française sur les pays africains et sur les pays francophones en particulier et de ne pas éparpiller notre coopération. Ce sont ces pays qui ont les liens historiques et humains les plus fort avec la France. De leur stabilité et de leur développement dépend aussi notre sécurité.

Par ailleurs, EF devrait privilégier des projets contribuant à la sécurité et à la stabilisation des pays fragiles. Elle s’inscrira dans des programmes de prévention des crises, de stabilisation ou de renforcements des États, de sécurisation des populations et de développement de socles de protection sociale dans un continuum sécurité-développement. Le Sahel et la zone syro-irakienne ont été érigés, à ce titre, en espace prioritaire.

Pour les pays fragiles, quatre axes ont été privilégiés :

– appui aux opérations internationales de sécurité et de maintien de la paix ;

– stabilisation, résilience, accès aux services de base ;

– renforcement des États : gouvernance démocratique, justice, capacités sécuritaires ;

– développement de la formation professionnelle, de l’emploi et de l’entrepreneuriat.

Concernant les priorités thématiques, Expertise France s’engage à se concentrer sur les questions liées au changement climatique, à la santé et à l’égalité entre les femmes et les hommes, à l’éducation.

Pour ce faire, Expertise France s’engage à renforcer l’évaluation des projets sans donner à ce stade ni d’indication sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir ni d’objectifs chiffrés.

3.   Une action entièrement compatible avec l’Accord de Paris sur le climat

L’AFD a pris en 2017 l’engagement d’assurer une activité compatible à 100 % avec l’Accord de Paris sur le climat.

Pour ce faire, l’AFD s’est engagée à analyser chaque intervention au regard au regard de sa cohérence en matière de développement bas-carbone. Cette analyse sera complétée par une évaluation de l’exposition de ses investissements aux risques climatiques.

Par ailleurs, 50 % des financements annuels portent sur des projets qui aient un impact direct bénéfique pour le climat.

EF s’inscrit évidemment dans cette dynamique. En revanche, le COM ne contient pas d’objectifs chiffrés quant aux interventions portant sur des projets environnementaux du fait de la nature de ces interventions et de son modèle économique basé sur des appels d’offres internationaux.

4.   Une action dans le domaine de la santé pour le compte du ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Dès la sixième conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme qui s’est tenue à Lyon le 10 octobre 2019, la France s’est engagée à augmenter sa contribution de 20 % qui atteint désormais 432 millions d’euros par an sur la période 2020-2022.

Ces trois pandémies qui tuent chaque année 700 000 personnes en Afrique pour la première et 400 000 pour chacune des deux dernières sont en effet une priorité pour le continent au-delà de la crise sanitaire liée au covid-19. Toutefois, cette crise a montré la fragilité des systèmes de santé africains.

EF devra renforcer son offre dans le domaine sanitaire afin de répondre à cette montée en puissance. Elle devra mobiliser les compétences, soutenir les projets, produire et partager des connaissances et soutenir l’influence des acteurs français.

La rapporteure invite EF à signer une convention avec l’Institut Pasteur afin de mobiliser un outil performant et implanté sur le terrain depuis plus d’un siècle.

5.   Un modèle économique singulier

L’objectif de la création d’Expertise France était d’augmenter la part de la France dans le domaine de l’expertise où elle a de nombreux atouts à faire valoir, tout en diminuant la part de dotations budgétaires allouées à cette politique publique.

Expertise France doit donc assurer sa propre rentabilité en s’efforçant de capter le maximum de financements, notamment des organisations internationales, tout en maîtrisant ses coûts. En définitive, l’objectif de la création d’Expertise France est d’étendre l’influence française, de valoriser chaque euro versé par le contribuable français aux organismes internationaux et à l’Union européenne en matière de développement au profit des opérateurs et autant que possible des entreprises françaises.

Les activités de l’agence sont réparties en deux catégories :

– les opérations bilatérales financées par la commande publique. Elles sont encadrées par des conventions-cadre signés avec les ministères concernés ;

– les opérations financées par un bailleur-tiers : soit des opérations ne bénéficiant pas du soutien de l’État qui sont équilibrées ; soit des opérations bénéficiant d’un soutien de l’État car jugées stratégiques.

TRAJECTOIRE FINANCIÈRE 2020-2022

(en millions deuros)

 

Budget 2020

Trajectoire 2021

Trajectoire 2022

Chiffre d’affaires et produits divers

279,877

306,553

313,987

Total produits

279,877

306,553

313,987

Charges sur projets

– 254,624

– 277,460

– 282,124

Charges de structures

– 32,743

– 36,819

– 39,408

Total charges

 287,368

 314,279

 321,532

Résultat

 7,491

 7,726

 7,545

Soutien de l’État – Crédits de paiement couverture de coûts sur projets déjà en cours au 31/12/2019

4,015

5,345

3,892

Soutien de l’État – Crédits de paiement mécanisme de compensation sur les projets financés par des bailleurs tiers

1,185

2,601

3,912

Résultat après soutien de lÉtat

 2,291

0,220

0,259

Report de fin d’année

649

869

1,128

Source : projet de COM 2020-2022.

BILAN FINANCIER 2017-2019

(en millions d’euros)

 

Réel 2017

Réel 2018

Prévisionnel 2019

Chiffre d’affaires et produits divers

147,960

190,972

231,864

Source : Expertise France.

Ces deux tableaux montrent bien la montée en charge d’EF depuis 2017 avec une augmentation du chiffre d’affaires annuel allant de 20 à 30 %. La trajectoire financière pour les années 2020-2022 est donc réaliste et prudente. Elle est bien entendu conditionnée par les financements obtenus par l’agence auprès de ses différents bailleurs, y compris la commande publique que l’État lui adresse.

Ce modèle reste soumis à un certain nombre d’aléas. EF est censée assurer sa rentabilité en développant au maximum ses activités en répondant aux appels d’offres ou en participant à des programmes dirigés par les bailleurs internationaux, dont l’Union européenne, tout en répondant aux demandes des administrations publiques nationales. Il peut être difficile dans ce cas, de dégager des marges suffisantes pour atteindre l’équilibre financier attendu. À titre d’exemple, des programmes de soutien à la gouvernance ou à la stabilité des États en Afrique n’ont pas une rentabilité très forte.

Pour assurer la soutenabilité de son modèle, EF souhaite le faire évoluer. Aujourd’hui, l’État assure une subvention d’équilibre en fin d’exercice. Demain, il devrait privilégier un dispositif de soutien ciblé sur chaque projet stratégique mais qui impose à EF une charge susceptible de faire l’objet d’une compensation de l’État. C’est cette troisième composante qui devra monter en puissance aux termes du contrat d’objectifs et de moyens.

Cette orientation devra être compatible avec l’engagement pris par le Président de la République d’assurer une montée en charge de la coopération bilatérale dans l’ensemble de l’aide publique au développement.

II.   Des dÉfis à relever pour réussir La filialisation au sein de l’agence française de développement

A.   Constituer une équipe France performante avec le rapprochement Agence française de développement–Expertise France

Malgré les efforts qui ont été faits, notamment la constitution d’Expertise France en 2015, le pilotage politique de l’APD reste éclaté entre plusieurs pôles de décision et donc affaibli. Les orientations politiques ne sont pas lisibles et la mise en œuvre n’est pas encore tout à fait unifiée.

Le Président de la République, à travers le CICID, fixe des orientations mais cette instance ne se réunit pas assez régulièrement pour assurer la continuité de l’impulsion politique. La tutelle ministérielle de l’APD est divisée entre des ministres – ministre de l’Europe et des affaires étrangères d’une part et ministre de l’économie et des finances d’autre part – qui n’ont plus les ressources nécessaires pour remplir cette mission. L’opérateur principal, l’AFD, dont les moyens en forte augmentation vont encore accroître la puissance, participe de facto à la définition de la stratégie de l’APD française dont il doit cependant rester l’outil de mise en œuvre.

Sur le terrain, il n’est pas rare que des opérateurs continuent à se porter candidats en ordre dispersé à des appels d’offres internationaux.

Il est apparu nécessaire – et la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a plaidé en ce sens – de constituer un opérateur totalement intégré capable de répondre à des demandes de la part de nos partenaires de plus en plus multisectorielles. La constitution d’un opérateur unique sera aussi l’occasion d’atteindre une masse critique suffisante permettant de porter une vision large de l’influence française.

L’article 7 de l’avant-projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales prévoit de faire d’Expertise France une filiale de l’AFD. La rapporteure apporte son soutien à cette initiative.

B.   un modèle allemand intégré au service d’une politique publique cohérente

Le modèle allemand est un modèle intégré depuis le 1er janvier 2011, du fait du regroupement, à cette date, de l’Agence de coopération technique (GTZ), du Service allemand de développement (DED) et de Capacity Building International (InWEnt) au sein de l’Agence allemande de coopération internationale (GiZ).

La GiZ est une entreprise fédérale reconnue d’utilité publique. Elle agit principalement pour le compte du ministère fédéral de la coopération et du développement économique. Elle est financée à 92 % par celui-ci.

Son budget atteint 10,9 milliards d’euros dont 4,695 milliards d’euros destinés à la coopération bilatérale. 1,309 milliard d’euros consacrés à l’engagement économique et social des collectivités territoriales et des Länder. Enfin, 1,080 milliard d’euro est destiné aux initiatives spéciales. Près de 65 % des crédits sont donc engagés dans une relation bilatérale. Laction allemande est ainsi largement plus visible sur le terrain. Le pays peut ainsi y accumuler des gains politiques et diplomatiques dune part et les entreprises allemandes y montrer leur savoir-faire. Laction des collectivités territoriales est également très valorisée.

L’Allemagne consacre toutefois 1,789 milliard d’euros aux financements multilatéraux dont l’ONU, la Banque mondiale et les différentes banques régionales de développement.

Sur le plan des domaines d’action, 41,5 % des projets sont des projets sociaux ou touchant au travail. Cette priorité sexplique par le fait que le premier objectif assigné à la GiZ concerne le renforcement des pays dorigine des migrants avec la volonté de donner du travail sur place à des migrants potentiels.

En définitive, la GiZ est un opérateur intégré, performant, placée sous la tutelle d’un ministre unique de la coopération et du développement et au service d’un message politique clair et assumé.

C.   Maintenir une expertise technique autonome dans le groupe

La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a fait, dès le mois de janvier 2019, des recommandations sur le maintien de l’expertise française au sein du futur groupe intégré.

Dans le nouveau groupe, Expertise France sera une filiale de l’AFD.

EF assure des mises en œuvre directes avec des décaissements rapides des financements, parfois en quelques semaines seulement. En revanche, le mode d’intervention de l’AFD est une mise en œuvre indirecte avec des décaissements qui peuvent prendre parfois des années. D’ores et déjà, EF agit pour le compte de l’AFD. Le directeur général de l’AFD, M. Rémy Rioux a fait valoir au cours de son audition du 30 avril 2020 devant la commission que l’AFD avait apporté pour 7 millions d’euros de contrats à EF en 2018 et 130 millions d’euros en 2019. La filialisation devrait encore accélérer la montée en puissance d’EF et les synergies entre le groupe et sa future filiale.

L’expertise française n’est toutefois pas encore complètement regroupée ni aujourd’hui au sein d’EF ni demain dans le groupe intégré AFD.

CIVIPOL, intervenant sur les questions de sécurité et rattaché au ministère de l’intérieur, restera autonome. En revanche, le Comité interministériel de la transformation publique a décidé le 15 novembre 2019 de rattacher le groupement d’intérêt public JCI à Expertise France. Le but est d’améliorer l’efficacité sur les appels d’offres internationaux et les programmes de l’Union européenne dans le champ des services judiciaires et de l’amélioration de la chaîne pénale qui sont des questions essentielles dans la bonne gouvernance.

France Éducation International (anciennement CIEP – Centre international d’études pédagogiques), opérateur du ministère de l’éducation nationale, conservera aussi son autonomie. Au moment, où des régions entières font l’objet de véritables offensives idéologiques – le Sahel en particulier – il est urgent de réinvestir de manière prioritaire les questions d’éducation et de formation. Une convention avec EF a été signée en février 2016. Elle sera évidemment à revoir et à renforcer à la suite de la filialisation.

Enfin, la coopération doit faire l’objet d’une communication capable de mettre en perspective un véritable récit et une véritable identité de l’action de la France. Le 23 mai 2019, EF a signé une convention de partenariat avec CFI, l’agence française de développement médias rattachée à France Médias Monde (FMM). Cet accord renforce la collaboration entre les deux opérateurs du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. La vocation de ce partenariat est d’amplifier, par l’intermédiaire des médias, l’impact des actions mises en œuvre par Expertise France dans ses quatre domaines d’intervention : gouvernance démocratique, économique et financière ; paix, stabilité et sécurité ; climat, agriculture et développement durable ; santé et développement humain. En effet, le volet « médias » constitue une composante de nombreux programmes développés par Expertise France, notamment dans le domaine de l’appui aux nouvelles démocraties ou aux États fragiles.

Cette composante devra évidemment monter en puissance. Dans le cadre de l’intégration au groupe AFD, EF a vocation à devenir la véritable plateforme de l’expertise française.

D.   La question pendante du statut juridique d’Expertise France

L’article 7 de l’avant-projet de loi précité prévoit le rapprochement d’Expertise France et de l’AFD. Il est prévu un changement de régime juridique d’Expertise France qui passerait du statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC) à celui de société par actions simplifiées (SAS) à capitaux publics. En outre, l’article autoriserait l’AFD à détenir tout ou partie du capital d’Expertise France. En pratique, Expertise France serait détenue à 100 % par l’AFD. Son conseil d’administration comprendrait un député et un sénateur désignés par les commissions des affaires étrangères des deux chambres. Le président du conseil d’administration serait le directeur général de l’AFD, qui donnera son avis sur la désignation du directeur général d’Expertise France.

La transformation du statut juridique d’Expertise France ne semble pas nécessaire. Si, pour l’heure, le capital d’EF demeure public, l’ouverture au capital privé pourrait devenir, avec ce nouveau statut juridique, un horizon possible. La coopération internationale doit rester une prérogative de l’État, à travers ses agences. Si, au contraire, il n’est pas prévu d’ouvrir EF aux capitaux privés, la transformation du statut juridique ne se justifierait pas.

III.   Propositions d’amélioration du contrat d’objectifs et de moyens et autres observations

A.   Investir plus massivement le domaine de la santÉ

La crise du coronavirus vient mettre en lumière la faiblesse des systèmes de santé dans la plupart des pays africains.

L’Institut Pasteur présent dans sept pays ([4]) du continent y joue un rôle d’autant plus précieux. Il est toutefois insuffisant face à l’ampleur de la demande de soin et la prévalence des maladies infectieuses de toutes sortes.

La rapporteure appelle EF à investir plus massivement le domaine de la santé et le renforcement des systèmes de santé en particulier mais aussi dans la formation de médecins locaux et de personnels de santé. Une coopération avec l’Institut Pasteur pourrait être utile à cet effet.

 

Expertise France et le Covid-19 en Afrique

La proposition d’Expertise France est donc de mettre en place immédiatement une plateforme d’assistance technique aux pays listés précédemment pour appuyer la prise en compte des analyses faites dans les pays partenaires par les autorités locales et les instances internationales sur les besoins non couverts les appuyer dans leur réponse à la crise, laquelle doit être pilotée sur le plan sanitaire selon les recommandations et avec le soutien de l’OMS. Cette plateforme visera aussi à aider ces pays à bénéficier d’un accès rapide et efficace aux ressources financières et matérielles apportées par les bailleurs de fonds bilatéraux et les agences multilatérales.

B.   Développer la culture de l’évaluation et du contrôle

L’évaluation doit apprécier l’efficacité et renforcer la redevabilité en répondant à une question simple : est-ce que les sommes allouées ont apporté un bénéfice concret aux populations ? De plus, le développement d’une culture du contrôle et de l’évaluation permet de diffuser ce qui fonctionne et, inversement, d’arrêter des projets qui ne servent qu’à pérenniser des rentes.

Le COM est lacunaire dans ce domaine. L’Agence s’engage seulement à élaborer « un document de politique externe de suivi-élaboration » d’ici fin 2020.

La rapporteure appelle à renforcer le COM dans ce domaine et de ne pas se contenter d’une évaluation axée sur le respect des règles financières et comptables – absolument nécessaires au demeurant – mais surtout de permettre de mettre en évidence les effets concrets sur les populations concernées.

C.   Achever l’unification de la plate-forme d’expertise française

Créée en 2001 pour valoriser et commercialiser le savoir-faire du ministère de l’intérieur en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et de gouvernance, CIVIPOL est une société de droit privé détenue seulement à 40 % par l’État. Expertise France intervient en partie dans les mêmes secteurs et se retrouve donc en situation de concurrence objective avec CIVIPOL.

CIVIPOL, en tant que société, n’agit pas seulement dans la coopération sécuritaire. Elle a racheté, en 2015, Tanstec une société belge de coopération internationale et organise des salons internationaux de sécurité intérieure.

CIVIPOL ne peut donc pas être intégrée totalement. En revanche, ses activités d’expertise internationale pourraient utilement être cédées à EF. CIVIPOL continuant d’exister pour ses autres activités.

La rapporteure privilégie cette option dès lors qu’il est dangereux de laisser la coopération internationale dans le domaine de la sécurité à une société détenue à majorité par le secteur privé.

D.   SIMPLifier la gouvernance d’expertise France au sein du futur groupe AFD et maintenir la présence des parlementaires au sein du conseil d’administration

1.   Simplifier l’organisation

EF a une double fonction. Elle se développe en répondant aux appels d’offres internationaux d’une part et elle continue à assurer les missions des anciens opérateurs pour le compte des différents ministères d’autre part.

Du fait de cet héritage, a été mise en place une gouvernance trop complexe, marquée, en premier lieu, par la présence dans le conseil d’administration de représentants des ministères trop nombreux. De nombreux comités et sous-comités permettent également aux ministères « de garder la main » sur la coopération technique.

Le CICID donne l’impulsion politique. Le Conseil national pour le développement de la solidarité internationale (CNDSI) permet un dialogue avec la société civile. Enfin, le Comité d’orientation relatif au développement de l’expertise technique et privée (CODOR), avec ses sous-comités thématiques constitués en parallèle des directions thématiques de l’agence, complète la galaxie. Ces sous-comités permettent aux ministères concernés – gouvernance démocratique et droits humains, gouvernance économique et financière, stabilité-sûreté-sécurité, développement durable, santé, protection sociale-emploi – de maintenir une forme de tutelle sur l’action d’EF.

Cette organisation nuit à la cohérence de l’agence et alourdit son fonctionnement. Elle devra évidemment être réformée dans la perspective de l’intégration d’EF au sein du futur groupe AFD.

La commission des affaires étrangères sera attentive à la simplification de la gouvernance d’EF lors de la discussion du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

2.   Maintenir le nombre des parlementaires au sein du conseil d’administration

L’avant-projet de loi relative à la solidarité internationale prévoit la réduction du nombre de parlementaire. En effet, l’article 7 ne prévoit plus qu’un député et un sénateur désignés par les commissions chargées des affaires étrangères de chaque assemblée contre deux aujourd’hui.

La réduction du nombre de parlementaires risque d’entraîner mécaniquement la disparition au sein du conseil d’administration du député de l’opposition. Le contrôle et le suivi parlementaire risquent de s’en trouver affaiblis.

La rapporteure estime qu’il est impératif de garder deux députés et deux sénateurs au sein du conseil d’administration pour une représentation équilibrée.

E.   Garder expertise France dans le giron public

La commission des affaires étrangères a appelé à la constitution d’une équipe France dans le domaine du développement. Le modèle allemand totalement intégré depuis 2011 montre son efficacité dans ce domaine.

La constitution d’une filiale de coopération technique auprès de l’AFD est par conséquent nécessaire.

En revanche, la transformation d’Expertise France d’EPIC en SAS à capitaux publics n’apparaît pas indispensable si ce n’est en vue d’une future ouverture au capital privé.

La politique de coopération internationale est et doit rester un acte de souveraineté a fortiori dans la nouvelle ère géopolitique qui s’ouvrira après la crise sanitaire globale que nous traversons.

Par ailleurs, l’évolution de l’activité vers l’Afrique et les pays du Sahel conduit à privilégier des projets à faible rentabilité. Les coopérations bilatérales et les jumelages ainsi que la gestion déléguée des fonds européens ne dégagent pas non plus une grande rentabilité. L’entrée de fonds privés, même en minorité, risquerait en revanche d’entraîner une réorientation des activités de l’agence vers le maximum d’appels d’offres internationaux et d’appels à projets nettement plus rémunérateurs, notamment en direction les pays émergents d’Asie et d’Amérique du Sud.

La transformation du régime juridique pourrait, le cas échéant, mettre EF en porte-à-faux vis-à-vis des objectifs de son COM qui privilégie l’Afrique mais aussi vis-à-vis des priorités de la France dans le domaine de la coopération.


LISTE DES PROPOSITIONS

1. Investir plus massivement le domaine de la santé et notamment le renforcement du système de soin et la formation des personnels et médecins ;

2. Procéder à un rapprochement avec l’Institut Pasteur afin de créer des synergies notamment en Afrique ;

3. Renforcer dans le COM une partie évaluation et contrôle lacunaire ;

4. Achever la fusion des opérateurs d’expertise en absorbant la partie expertise internationale dans le domaine de la sécurité encore sous la responsabilité de CIVIPOL ;

5. Simplifier la gouvernance en rationalisant le nombre de comités, héritage des services de coopération des différents ministères ;

6. Maintenir le nombre actuel des parlementaires au sein du conseil d’administration d’Expertise France ;

7. Garder Expertise France dans le giron public en maintenant son statut d’établissement public.

 

 

 


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   Audition de M. Jérémie Pellet,
directeur général d'Expertise France

La commission a procédé à l’audition de M. Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France, lors de sa séance du mardi 12 mai 2020.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Notre commission des affaires étrangères a été saisie, le 30 avril dernier, du projet de contrat d’objectifs et de moyens, que tout le monde appelle le COM, d’Expertise France pour la période 2020-2022, avant son examen en conseil d’administration le 19 mai prochain. Je veux rappeler que de nombreux collègues sont membres de ce conseil d’administration et je voudrais les citer : Hubert Julien-Laferrière, Frédéric Petit, Bérengère Poletti et Laetitia Saint-Paul. Nous sommes donc très heureux de recevoir aujourd’hui, M. Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France. Nous examinerons jeudi le projet d’avis de notre rapporteure Bérengère Poletti. Je crois qu’il est important de maintenir, dans ces temps qui sont ne sont pas ordinaires, notre rôle de contrôle et d’évaluation qui est, au fond, notre mission première. Ce projet COM a été élaboré avant la crise sanitaire que nous connaissons aujourd’hui. Je suis sûre qu’il y aura des inflexions à lui apporter sur le moyen et sur le long terme.

Dans un premier temps, j’aimerais savoir quelles conclusions vous avez déjà tirées de la pandémie dans ce projet. Il nous faudra peut-être y revenir sous formes d’avenant si, ce que je crois à la lumière de cette crise sanitaire, de nouvelles priorités devaient être fixées pour l’action d’Expertise France. De la même manière, dans le cadre du futur projet de loi relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, nous devrons certainement prendre en compte de nouvelles priorités. Notre commission aimerait bien vous entendre sur les conséquences que, selon vous, cette crise a entrainées. En particulier, est-ce qu’il y a des changements dans votre action sur le terrain ? Comment avez-vous réorganisé l’assistance technique que vous apportez aux pays les plus vulnérables ? Je pense évidemment à l’Afrique, à l’Afrique du Nord, à la Libye mais aussi au Moyen-Orient et plus particulièrement au Liban qui est un pays auquel nous sommes très attachés et qui est aujourd’hui dans une situation extrêmement préoccupante.

M. Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France. Mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de vous retrouver, même virtuellement, à la fois pour évoquer la deuxième page de l’histoire d’Expertise France avec ce deuxième COM et pour répondre à un certain nombre de sujet d’actualités liés à la crise.

Dans un contexte international compliqué, la France a fait le choix de relancer son aide publique au développement (APD). Dans le cadre de cette commission, vous avez souvent abordé les sujets de financement du développement. Il y a aussi le maillon de la coopération technique dont on parle peut-être un peu moins mais qui est crucial, un maillon auquel le Parlement et en particulier l’Assemblée nationale s’est toujours intéressé en demandant sa modernisation. D’ailleurs, l’histoire même d’Expertise France doit beaucoup au Parlement puisque c’est un amendement de vos collègues du Sénat qui a créé l’agence en 2014, dépassant les difficultés rencontrées et les réticences des administrations de l’époque. Cette coopération technique s’est profondément renouvelée ces dernières années. La montée des fragilités, les enjeux globaux, la nécessité d’avoir un dialogue politique, peut-être encore plus demain qu’aujourd’hui, rendent absolument nécessaire le fait d’avoir des instruments adaptés. Expertise France, depuis sa création, a essayé d’incarner ce renouveau de la coopération technique. Je vous propose de dresser un rapide bilan de l’agence. Je pense que c’est intéressant de remettre en perspective cette courte histoire d’Expertise France pour vous donner les grandes lignes du contrat d’objectifs et de moyens que vous avez lu et sur lequel vous êtes sollicités pour rendre votre avis. Ensuite, je vous dirais quelques mots des conséquences de la crise actuelle et de la mobilisation d’Expertise France dans le cadre français et européen face à la crise du covid-19, en particulier en Afrique.

En premier lieu, il est intéressant de dire une évidence qui mérite toutefois d’être rappelée : on ne peut pas faire de développement sans coopération et sans expertise. La France a longtemps manqué d’une agence interministérielle qui soit digne d’incarner cette forte ambition. La création d’Expertise France en 2014 répondait à un besoin évident. Elle est sans doute arrivée un peu tard ou en tout cas elle est arrivée dans un moment où les moyens qui étaient consacrés à cette coopération technique s’étaient déjà considérablement réduits. Comme vous le savez, les moyens humains de la coopération technique ont fondu à travers les années. Il y a 27 000 coopérants en 1980, un peu moins de 400 en 1998 au moment de la réforme du ministère de la coopération et, à la création d’Expertise France, il en restait moins de 500 et 250 ont été transférés à Expertise France. En conséquence, la part que la France consacre à la coopération technique dans son APD s’est réduite de manière équivalente. C’était 70 % de l’APD française en 1970 et c’est moins de 15 % aujourd’hui. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène : le fait de ne plus être en substitution, le fait de voir nos pays partenaires monter en compétence, la réduction des budgets. Si nous avons sans doute atteint un niveau bas, il y a aujourd’hui une relance et la création d’Expertise France fait partie de cette relance. En témoigne le fait que nous avons deux programmes de commandes publiques qui sont très importantes pour nous et qui représentent la très grande majorité de la commande publique de l’État à la fois sur la gestion des experts techniques internationaux et sur les crédits que la France consacre à l’action bilatérale pour accompagner l’action du Fonds mondial en matière de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Cette commande publique représente environ 60 millions d’euros. Elle est essentiellement portée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Les autres ministères n’ont quasiment plus de crédits d’intervention auprès d’Expertise France, sauf le ministère de l’économie et des finances qui devrait d’ailleurs augmenter ses crédits d’intervention. Cette enveloppe est importante au regard de notre chiffre d’affaires mais c’est relativement peu si on nous compare à la commande publique que les autres pays européens passent à leur agence de coopération technique. L’Allemagne consacre 2,5 milliards d’euros tous les ans à son opérateur, la GiZ, nos amis belges plus de 200 millions d’euros à leur agence Enabel tandis que nos amis luxembourgeois consacrent près de 100 millions d’euros à leur opérateur. Pourtant, la France a besoin de garder une capacité d’action forte sur ces sujets. Elle a besoin d’une agence qui mette en œuvre concrètement et directement les projets de développement, en réponse à une commande publique mais aussi, on le verra, à d’autres bailleurs, en envoyant les bons experts sur le terrain et en ayant les bonnes compétences à Paris. C’est, je pense, ce qu’Expertise France a réussi à faire depuis sa création. Elle a réussi à jouer ce rôle d’ensemblier de toute la compétence française, qu’elle vienne des ministères, des collectivités locales, des agences publiques, des organisations non gouvernementales (ONG) ou du secteur privé. Tout cela est mis au service d’une fonction centrale qui est celle de renforcer les capacités partenaires d’accompagner leurs politiques publiques partout dans le monde, dans les pays en développement mais aussi dans les pays développés. Nous sommes actifs en Grèce et dans l’est de l’Europe, sur les champs du développement mais aussi sur ceux de la sécurité ou de la défense. La réussite d’Expertise France est d’être allée mobiliser beaucoup de ressources, notamment au niveau européen, pour appuyer ce développement. Aujourd’hui l’Europe représente plus de 60 % de notre chiffre d’affaires. Expertise France est donc une agence autant européenne que française. Nous portons ce modèle européen à travers le monde. D’autres bailleurs de fonds font appel à nous, que ce soit les Nations unies, la Banque mondiale ou encore les Américains de l’USAID ou les Anglais du DFID. Ils viennent chercher deux choses chez nous. La première c’est l’expertise française forte et reconnue qui n’a de limite que notre capacité à la fournir et à répondre. Ils viennent aussi chercher la capacité d’une agence à être présente dans des pays fragiles, parfois très fragiles, que ce soit les pays du Sahel, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la Libye où nous sommes très actifs, le Kurdistan irakien ou même les zones syriennes non contrôlées par le régime. Grâce à cette capacité, nous avons mis en place des projets qui sont aujourd’hui emblématiques. Je pense à l’appui de l’Union européenne à la force G5 Sahel. 82 millions d’euros ont été confiés à Expertise France sur la première tranche. Sur la deuxième tranche de 120 millions d’euros qui vient d’être mise en œuvre, l’Union européenne a décidé de nous en donner 100 millions d’euros. C’est donc une marque de confiance extrêmement forte de la part de l’Union européenne. Je pense aussi à des projets comme la sécurisation des camps de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), comme l’accompagnement de plus de 140 pays sur les sujets de protection sociale et d’emploi à travers. Je pense à l’accompagnement des pays de l’Union européenne sur des sujets de biodiversité, à la lutte contre le cancer du col de l’utérus avec Unitaid ou au projet d’entreprenariat et d’innovation en Libye et en Tunisie que nous devions aller voir avec Bérengère Poletti. Nous avons dû annuler au dernier moment pour cause de confinement. En bref, tout cela nous a conduit à un fort accroissement de l’activité d’Expertise France qui est passé de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015 à plus de 230 millions l’an passé avec un objectif à 300 millions d’ici un an et demi. Cela aura donc marqué un triplement du chiffre d’affaires en six ans, ce qui est beaucoup et rapide. Cela fait d’Expertise France l’un des opérateurs les plus importants, en taille, de l’action extérieure de la France, même si ce n’est pas le plus connu. C’est une agence qui est assez efficace au regard des moyens que lui consacre l’État. L’effet de levier, c’est-à-dire le rapport entre les fonds publics apportés par l’État et les activités de l’agence, est passé de six en 2015 à plus de vingt aujourd’hui. On a d’ailleurs sans doute atteint une limite sur cet effet de levier. L’agence a dû faire face à des difficultés. Elle s’est créée récemment, elle a dû tout réinventer, car son développement sur l’activité de l’Union européenne a été marqué par le fait que cette activité s’intègre dans un cadre financier très contraint avec des frais de gestions limités à 7 % maximum, alors même que le montant de co-financement apporté par l’État est moindre par rapport à celui des autres agences de coopération techniques. Tout cela a fait que l’objectif d’autofinancement qui avait été affiché dans le premier COM de 2015 n’a été pas atteint, sans grande surprise. Je pense que personne ne s’attendait vraiment à ce qu’il soit respecté mais, de fait, il ne l’a pas été. Cette course à la rentabilité et à la productivité a aussi pesé sur les équipes et sur le climat social de l’agence qui a été assez compliqué dans les premières années. Une autre difficulté de départ de l’agence a été le fait que cette course à la taille des projets a compliqué la relation avec certains ministères. Lorsque je suis arrivé dans cette agence il y a un an et demi, j’ai aussi tenu à faire en sorte de repositionner Expertise France comme l’opérateur de tous les ministères, des ministères qui sont autour de la table mais aussi des ministères qui ont conservé leurs opérateurs. Depuis, le Gouvernement a pris la décision de nous rattacher l’opérateur de la justice, Justice coopération internationale (JCI). Nous avons très largement « pacifié » les relations avec CIVIPOL sur les questions de sécurité. Sur le plan interne, j’ai aussi veillé à apaiser le climat social au sein de la maison en engageant un dialogue constructif avec les représentants des personnels et en modernisant nos ressources humaines. Voilà à peu près la situation au moment où je vous présente ce nouveau COM qui marque une nouvelle phase de développement de l’agence sur quatre axes : un cadre stratégique clarifié, un modèle stabilisé, une consolidation qui s’achève et une intégration à l’AFD qui doit se réaliser d’ici le début de l’année prochaine.

Le nouveau COM que vous avez sous la main pose un cadre stratégique clair. Il s’agit de renforcer notre action d’influence sur les géographies et sur les thématiques prioritaires de la politique de développement française. Il met l’accent sur l’Afrique, sur les pays fragiles et sur les priorités thématiques définies par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de 2018. Nous verrons si ces priorités seront amenées à changer avec la crise du covid. En termes d’activité, l’agence stabilisera sa croissance avec un objectif de chiffre d’affaires qui devrait atteindre un palier autour de 300 millions d’euros à l’horizon 2021-2022, avec une part des financements bilatéraux français, à la fois les commandes publiques de l’État et puis l’activité de l’agence française de développement (AFD), qui devrait à peu près représenter la moitié de notre activité. Nous allons surtout fonder cette activité sur un modèle financier soutenable et des relations claires avec l’État. Nous allons faire en sorte que notre activité soit équilibrée sur la partie commande publique française, État et AFD. Pour les activités qui sont par nature déficitaires, notamment les activités de l’Union européenne, nous mettons en place un mécanisme de compensation qui fait que l’État sera amené à apporter un soutien financier sur les sujets qu’il considère devoir rentrer dans les priorités de sa politique de développement, nous permettant ainsi d’avoir un modèle équilibré. Nous avions prévu de parvenir à l’équilibre financier dès 2021 sur la base de ce modèle qui est à la fois plus sain qu’un modèle de subventions d’équilibre versées à la fin de l’année par l’État et un modèle de pilotage politique de l’agence beaucoup plus efficace. Il marque un engagement financier fort de l’État fort puisqu’il apporte près de 21 millions d’euros dans notre COM à travers ce mécanisme de compensation en crédits de paiement sur trois ans. Le dernier point de notre COM est d’achever la structuration et la consolidation de l’agence, de renforcer le dialogue et de structurer les politiques de nos relations humaines.

Il y a aussi l’intégration de JCI qui se passe très bien et surtout la filialisation d’Expertise France au sein du groupe AFD à l’horizon 2021. C’est un projet qui m’est cher et qui apportera beaucoup à l’efficacité de notre politique de développement. Le fait de coupler une agence de mise en œuvre de terrain avec un bailleur de la force et de la taille de l’AFD fait énormément sens. Le schéma qui a été retenu est celui d’une filialisation. Nous garderons donc notre autonomie et notre capacité à travailler avec d’autres bailleurs et puis à être en lien direct avec l’État. Je ne doute pas de la réussite de cette intégration. On a déjà un flux d’affaires extrêmement fort de la part de l’AFD qui nous a octroyé près de 130 millions d’euros l’an passé. J’espère que nous serons au rendez-vous d’un point de vue législatif et que la loi sur le développement ne sera pas trop retardée dans le calendrier parlementaire bouleversé. Nous souhaitons fortement conserver l’objectif du 1er janvier 2021 que nous avions déjà dû décaler d’un an. Nous avons aujourd’hui un document stratégique ambitieux et cohérent. Il est très en ligne avec les orientations politiques de l’État et il met l’accent sur l’efficacité et la redevabilité, ce qui est, je pense, votre objectif.

En conclusion, je dirais un mot sur la situation exceptionnelle que nous traversons en vous disant plusieurs choses.

Premièrement, du point de vue du fonctionnement, cette crise a bouleversé notre organisation et notre mode de travail, mais nous sommes une organisation qui travaille déjà à distance puisque l’ensemble de nos projets est situé à l’étranger. 100 % de nos collaborateurs sont en télétravail depuis le 16 mars et nous avons donc pu continuer à fonctionner. Malgré les difficultés de mission, l’activité a été forte. Ce que nous anticipons sur 2020 c’est une baisse du chiffre d’affaire qui, dans nos meilleures estimations à ce jour, devrait être de l’ordre de 20 %. Cela peut paraître beaucoup mais ce n’est pas tant que ça puisque cela correspond à peu près à la croissance que nous devions faire cette année, c’est-à-dire que le chiffre d’affaires de 2020 d’Expertise France ne devrait pas être éloigné de celui de 2019.

Deuxièmement, nous avons reçu beaucoup de sollicitations de la part de nos bailleurs, notamment de l’AFD et de l’Union européenne pour des nouveaux projets, pour d’autres projets. Nous avons donc des perspectives d’activité qui restent importantes tant en 2020 qu’en 2021 et en 2022. C’est pour cette raison que nous avons souhaité vous présenter un COM qui n’a pas été modifié par rapport à une rédaction antérieure à la crise et nous pensons que la trajectoire d’activité ne devrait pas être fondamentalement modifiée en 2021 et 2022. Il y aura des ajustements en 2020, cela est certain et il y aura un impact financier pour l’agence en 2020. L’État en est convaincu, nous aussi. Il faudra sans doute l’amender mais je ne suis pas certain que cela change la trajectoire profonde de l’agence.

À vrai dire, nous avons tenu à être réactif dans cette crise au service de la réponse française, en nous s’inscrivant dans la réponse mise en place par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et l’AFD et aussi sur le plan européen, puisque nous avons mobilisé notre réseau d’experts. Je rappelle que nous avons plus de six cents personnes, six cents salariés, qui sont sur le terrain et la plupart, même la très grande majorité d’entre eux, sont restés dans leur pays de résidence ou ont travaillé pour la plupart en télétravail, le confinement étant la règle au niveau mondial, quasiment. Ils ont continué à être actif donc nous avons mobilisé deux réseaux. Nous avons mobilisé le réseau de nos experts de santé, avec une mission très claire qui est celle d’appuyer un certain nombre de pays prioritaires sur la constitution de leur plan de riposte. Nous ne sommes pas là pour apporter une aide technique sur les sujets de santé mais nous faisons de l’appui aux politiques. Nous le faisons dans des pays comme la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Burundi. Nous avons aussi mobilisé notre réseau d’experts en matière économique et financière, parce que, comme vous nous interrogiez à ce propos madame la présidente, les conséquences de la crise en particulier en Afrique seront avant tout économiques. La violence du choc est déjà terrible et elle le sera plus encore. Face à cela, il y aura évidemment une réponse multilatérale avec les sujets de moratoires, peut-être d’annulation de dettes, mais il y aura aussi une réponse politique de chaque pays, de plan de relance et de structuration. Il y aura, par la suite, des réformes qu’il nous faut accompagner, anticiper, et cela est bien notre objectif, d’être à leur côté pour pouvoir le faire et surtout pouvoir atténuer les effets de la crise sur les populations en particulier les plus vulnérables.

En conclusion, l’agence est un outil qui a connu une croissance rapide, un outil repensé qui, demain, au sein du groupe AFD, permettra de combiner à la fois le financier et la coopération technique avec une très grande richesse des équipes à la fois à Paris et sur le terrain, une confiance forte de nos bailleurs qui se traduit par toujours plus de sollicitations pour cette agence. Pourtant, il s’agit d’une agence encore jeune, sans doute pas encore pas si connue, y compris au sein du dispositif français. Une agence, d’ailleurs, peut-être encore sous-utilisée par la France, même si sa connaissance, notamment au sein du réseau diplomatique, se développe. Je pense d’ailleurs que l’on pourrait aussi — j’en profite — renforcer les liens avec le Parlement français, notamment sur nos actions de gouvernance publique. Nous travaillons avec d’autres parlements et je pense que l’on pourrait sans doute davantage travailler avec l’Assemblée nationale sur ces sujets-là. Nous sommes bien évidemment à votre disposition pour inclure plus de visites de terrain de nos projets lors de vos déplacements. J’espère que tout cela vous aura convaincu que notre agence sera au rendez-vous de l’ambition française en matière d’aide publique au développement que vous connaissez bien, sur laquelle M. Hervé Berville avait rédigé son rapport. Nous essayerons d’être au rendez-vous sur l’engagement financier fort, sur le fait de renforcer la part du bilatéral qui était une des ambitions de la France et, surtout, de renouveler la méthode à travers une coopération qui doit être plus partenariale et qui doit être dans les deux sens.

Mme Bérengère Poletti. Moi aussi je regrette de n’avoir pu participer à ce déplacement en Tunisie. En effet, se rendre sur le terrain est beaucoup plus parlant, cela permet de voir comment les équipes travaillent, de quelle manière les projets s’installent. J’ai noté que le budget actuel avoisine les 200 millions d’euros, 191 millions d’euros exactement. Vous intervenez sur plus de cent pays, avec plus de cinq cents projets. Cela fait de vous, évidemment, auprès de l’AFD, un acteur majeur de la solidarité internationale que la France entend organiser. Nous sommes dans le processus de validation du COM d’Expertise France pour 2020, 2021, 2022, et nous sommes heureux que Parlement puisse intervenir Parlement au début du processus. Nous avons malheureusement eu une expérience passée avec le COM de l’AFD pour lequel cette intervention, à notre corps défendant, s’était plutôt produite en fin de contrat. Je sais que vous avez fait des efforts pour que nous puissions nous saisir du projet avant que le vote ne se fasse au sein du conseil d’administration et je vous en remercie.

Parmi les objectifs contenus dans le COM, il est prévu de rendre prioritaires l’Afrique à hauteur de 50 % de vos actions et les pays en grande fragilité à hauteur de 35 %. Afin de mieux mesurer le chemin qui reste à parcourir, j’aimerais savoir à quel niveau nous en sommes aujourd’hui. À quel pourcentage Expertise France intervient-elle pour l’Afrique et pour les pays en grande fragilité ? Est-ce que nous sommes loin de ce compte-là ? Ou est-ce que, finalement, nous n’en sommes déjà pas si loin ? Au-delà de l’évaluation interne que vous avez prévu de mettre en place, de la même manière que l’AFD a prévu de le faire, je souhaiterais savoir si vous aviez réfléchi à l’évaluation externe qui sera réalisée sur vos travaux, sur Expertise France, et notamment celle du Parlement. Vous avez souhaité travailler de manière plus importante avec le Parlement, j’en suis heureuse mais, malheureusement, l’avant-projet de loi relatif à la solidarité internationale prévoit qu’il n’y ait plus qu’un seul député au sein du conseil d’administration ainsi qu’un seul sénateur. Vous aurez donc deux parlementaires au lieu de quatre, ce qui réduira encore la place de l’opposition. Je pense que qu’il s’agit là d’un affaiblissement du pouvoir du contrôle du Parlement.

Pouvez-vous nous dire deux mots des actions menées dans le domaine de la santé ? Existe-t-il notamment des collaborations entre Expertise France et l’Institut Pasteur ? Parce que, pour avoir rencontré l’Institut Pasteur à plusieurs reprises sur le terrain, on sait combien son action est importante et reconnue.

L’examen du projet de loi relatif à la solidarité internationale en Conseil des ministres a été repoussé, vous l’avez évoqué également. Quelles pourraient-être, selon vous, les dispositions que nous pourrions inclure afin de tirer les conséquences, les plus larges possibles, de la crise actuelle et notamment dans le domaine de la santé ? Vous avez dit que les conséquences pour les pays aidés allaient être plus économiques que sanitaires, c’est vrai mais, malgré tout, je pense qu’il y a des constats qui ont été faits par vos experts sur le terrain en matière sanitaire.

Quelles sont les relations entre Expertise France et la Chine ? Est-ce que vous avez des coopérations avec ce pays et est-ce que vous avez conclu notamment des coopérations en Afrique ? On a entendu, par exemple, que l’AFD avait des relations avec la Chine au Sénégal. Cela pose questions, parce que l’on connaît les politiques chinoises qui souhaitent être de plus en plus influentes sur ce continent.

Vous avez évoqué dans le COM assez largement la problématique du genre, puisque cela fait partie des priorités de l’AFD. J’aimerais savoir de quelle manière vous intégrez, vous, cette problématique de genre dans vos politiques ?

M. Jean François Mbaye. Madame la présidente de la commission m’a devancé dans la première question que je voulais vous poser, sur les leçons que vous pourriez tirer dans ce COM face à cette pandémie du covid. Néanmoins, j’aimerais vous interroger sur trois autres points. Le premier point, sur la plateforme d’appui technique que vous avez lancée et qui sera dans la droite ligne de l’initiative qui est coordonnée par l’AFD et que vous avez baptisé « covid-Santé EF », notamment sur les détails de cette initiative, sur le fonctionnement de la plateforme, sur la composition des équipes d’experts chargées de son animation et des différentes actions proposées par celles-ci pour appuyer, là aussi vous l’avez dit, l’action des pays partenaires dans la lutte contre le virus. Deuxième question, évidemment sur l’impact de l’épidémie sur les autres problématiques de santé publique dont vous assurez aussi dans beaucoup de pays l’appui technique. Je pense notamment à des problématiques comme le sida, la tuberculose et le paludisme. J’y suis très attaché. Une troisième question sur les bénéfices croisés. Malheureusement, on sait que cette pandémie de covid-19 est une épreuve pour tous les systèmes de santé, et comme dans toutes épreuves, derrière toute difficulté, se trouve une forme d’enseignement à tirer, je dirais même heureusement. Selon vous, quels sont les bénéfices croisés que nous pouvons attendre et espérer des dispositifs qui ont été mis en place dans le cadre de la lutte contre le covid-19 ?

Mme Aude Amadou. J’aimerais savoir quel regard vous portez sur les réponses des organisations internationales liées à la crise covid-19 ? Je pense notamment à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et au Conseil de sécurité de des Nations unies. Quelle incidence aura cette pandémie sur l’avenir du multilatéralisme ?

Mme Sira Sylla. Je voulais rebondir sur ce que Bérengère Poletti avait indiqué, notamment sur le volet sanitaire. Est-ce que vous pouvez plus nous en dire sur les actions de coordination que vous menez ? Comment se fait la coordination de l’aide sur le volet sanitaire ? Ma seconde question a trait aux groupes terroristes. Le Sahel fait notamment partie des priorités d’Expertise France. Dans son dernier rapport du 10 mai, le Secrétaire général des Nations unies a indiqué que, dans le Sahel, les groupes terroristes profitaient de la pandémie de covid-19 pour intensifier leurs attaques. On le voit notamment au Burkina Faso. Cela fait des mois et des mois que la situation est très compliquée. Vous le savez très bien, les conflits intercommunautaires se multiplient entre les populations mossis et peuls, alors même que les frontières burkinabé, malienne et nigérienne représentent aujourd’hui le point brûlant de l’activité terroriste au Sahel. Je voulais savoir, parce que je suppose que votre tâche est plus difficile, quelles difficultés vous rencontrez dans la gestion de cette crise sanitaire dans ce contexte de guerre contre le terrorisme puisque le covid n’effraie pas ces terroristes.

M. Frédéric Petit. Je salue depuis trois ans cette agence, qui se trouve parmi les cinq opérateurs du programme que je suis chargé de suivre en tant que rapporteur budgétaire. J’ai toujours dit que vous étiez un modèle, que l’on a prouvé avec ce qu’a fait Expertise France en quelques années que l’on pouvait rêver de réformer l’État en France et que cela est rassurant. Parce que je crois que vous avez fait quelque chose d’assez exemplaire, ce que j’ai eu la chance de voir plusieurs fois sur le terrain pendant mes missions. Il y a quelque chose que je voulais signaler aussi pour tous mes collègues, qui est fondamental, c’est que quand on réforme bien la France, on existe en Europe. Je crois en effet que vous avez toujours la présidence de l’association européenne des organismes d’aide. Je crois que c’est important de savoir que, quand on arrive à un certain degré d’efficacité, la France, même avec des budgets inférieurs à ce qui peut se faire ailleurs, prend le lead. Je vais beaucoup plus loin que Bérengère Poletti, je suis absolument ravi que l’on puisse voir un COM avant qu’il passe en conseil d’administration. Cela fait trois ans que je le réclame. J’aurais voulu par plusieurs amendements au cours de ces trois années que cela devienne la règle. On m’a dit que c’était la règle, donc on n’a pas le droit de faire une loi pour appliquer la loi. Mais je suis ravi que, pour une fois, cela se passe dans le bon ordre et que l’on puisse se prononcer avant le conseil d’administration.

Vous avez rappelé que cela n’a pas été simple avec le personnel de votre agence, avec son intégration pendant ces années. J’assiste au conseil d’administration où les représentants sont présents et je vois bien que cela avance, mais qu’il y a aussi parfois des réticences et des tensions. J’aimerais beaucoup savoir, entre opportunité de se recroqueviller ou opportunité d’accélérer, comment se situent les représentants de votre personnel dans cette crise du covid. Est-ce que cette crise du covid a tendance plutôt à finir de lever les dernières barrières ou est-ce qu’elle peut constituer une manière de dire « reposons-nous et revenons à nos anciennes habitudes » ?

M. Alain David. Une partie significative des nombreuses coopérations techniques internationales que vous supervisez a trait au climat, à la biodiversité, afin, notamment, de préparer les pays que vous accompagnez à la COP15 et les suivantes. Pouvez-vous nous donner quelques exemples d’adaptation de vos interventions au changement climatique ?

M. Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France. L’agence est déjà une agence très africaine. À vrai dire, les 50 % de l’activité sur l’Afrique fixés dans le projet de COM, nous y sommes déjà. Pourquoi l’État a souhaité reprendre ce seuil de 50 % ? Parce que c’est l’objectif qui est fixé à l’AFD. Cela sera donc un objectif commun à l’AFD et à Expertise France. Nous devrions, de fait, être plutôt contributeur dans le groupe AFD sur notre action sur l’Afrique, puisqu’aujourd’hui nous sommes déjà un peu au-delà de 50 %. Nous avons une présence assez forte dans les pays fragiles, qui représentent autour d’un tiers de notre activité. Là aussi, l’objectif d’activité est plutôt celui de la consolidation de ce seuil plus que d’un progrès très important. Cela reste évidemment dans l’ADN d’Expertise France d’être présent en Afrique et dans les pays fragiles. Quand je dis l’Afrique, je vise essentiellement les pays prioritaires pour la France.

Il y a eu beaucoup de questions sur la santé et les conséquences de la crise du covid. Peut-être, d’abord vais-je répondre à la question de Jean François Mbaye sur le mécanisme de plateforme d’appui technique et de son fonctionnement. J’avais indiqué dans mon propos introductif que nous avions évidemment pris soin, en très étroite collaboration avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, de faire en sorte que nous mobilisions nos experts sur un bon positionnement. Quand je dis « un bon positionnement », j’évoque la nécessité d’être présent en appui des efforts faits par les gouvernements et par le multilatéral, en premier lieu l’OMS. Il s’agit donc de bien faire en sorte que nous soyons présents d’abord là où nous avons une capacité de réponse et ensuite que nous ne nous surajoutions pas là où il n’y avait pas forcément à se situer ou là où il y avait déjà beaucoup d’acteurs. En pratique, nos experts étaient déjà positionnés avant la crise au sein des ministères de la santé ou de leur cabinet. C’est le cas par exemple au Mali, en Centrafrique et au Burkina Faso. En Côte d’Ivoire, nos experts participaient déjà à un certain nombre de réunions de coordination nationale. Nous veillons donc à ce que notre appui soit véritablement efficace et qu’il ne vienne pas complexifier la donne, alors qu’il y a déjà beaucoup d’acteurs sur le terrain. Encore une fois, la priorité de la France est bien de faire en sorte que les acteurs multilatéraux puissent jouer leur rôle. Quand je dis « les acteurs multilatéraux », c’est évidemment l’OMS mais ce sont aussi les bailleurs de fonds, en particulier le Fonds mondial qui a consacré deux enveloppes de 500 millions d’euros pour appuyer les pays en développement dans leur réponse au covid-19. Notre rôle est de faire en sorte que les pays dans lesquels nous sommes aient accès à ces ressources et à ces fonds. C’est la clé et c’est à cela que nos équipes travaillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elles le font dans un contexte où, bien sûr, nous n’oublions pas les autres pandémies. Comme je le rappelais, nous sommes l’agence qui gère l’initiative dite « 5% ». Cette initiative vise à appuyer les efforts en matière de réponses contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Nous avons une capacité d’adapter à hauteur de 10 à 15 % nos programmes pour faire en sorte d’inclure le covid-19 mais il n’est pas question de détourner l’effort fait sur ces pandémies qui continuent et d’ailleurs il y a, si je puis dire, des bénéfices croisés. Le renforcement du système de santé sur un certain nombre de problématiques bénéficie à l’ensemble des maladies. C’est aussi ce à quoi nous sommes très vigilants, de faire en sorte que l’action ciblée en matière par exemple de sida ou de paludisme serve aussi à renforcer un système de santé qui sera plus résilient pour d’autres maladies. C’est évidemment très important qu’on le fasse.

Pour répondre à la question sur la santé, bien-sûr nous veillons à ce que, sur le volet sanitaire, la coordination sur le terrain sous la houlette notamment de l’OMS soit bien faite. Est-ce qu’il y aura des besoins supplémentaires en termes de financement sur la santé par la suite ? Je dirais qu’il faudra voir. La santé est un champ sur lequel les ressources au niveau mondial sont essentiellement gérées par des gros acteurs multilatéraux. L’Union européenne consacre assez peu de ressources à la santé. La France en bilatéral en consacre via l’AFD, via notre initiative « 5% », mais c’est à peu près tout. Le reste, je pense que 80 % des crédits que la France consacre à la santé sur le plan mondial sont dirigés vers des acteurs multilatéraux, donc encore une fois notre objectif est bien que nous nous coordonnions avec eux.

Pour répondre aussi à la question sur le multilatéralisme, c’est évidemment crucial, et là je pense qu’Expertise France a un rôle très important à jouer, si on croit au multilatéralisme et si l’on veut éviter un émiettement demain encore plus grand du monde dans lequel on vit, il est extrêmement important que l’on assure le lien entre le niveau bilatéral et le niveau multilatéral. Des acteurs comme nous, des agences de coopérations qui sommes en contact avec ce monde des bailleurs multilatéraux et bilatéraux, ont justement pour mission de faire en sorte d’essayer de coordonner tout cela sur le terrain, sur la santé mais aussi sur les autres sujets du développement.

Nous collaborons bien-sûr avec l’Institut Pasteur, de plusieurs manières. Nous avons un certain nombre de nos experts techniques internationaux qui travaillent dans les instituts. Une partie est portée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et une autre partie par Expertise France. Nous avons aussi un certain nombre de projets de coopération sur le terrain que cela soit en Asie ou en Afrique avec l’Institut Pasteur qui est un établissement extrêmement important en matière de santé et de santé publique pour la France.

Le genre est un axe fort d’Expertise France. Nous gérons plusieurs gros programmes, notamment un très gros programme pour le compte de l’Union européenne sur le genre. D’ailleurs nous étions l’un des partenaires-clés du sommet qui devait s’organiser en France, qui le sera sans doute un peu plus tard. Cet axe passe par la prise en compte de beaucoup de sujets « genre », qu’il s’agisse des sujets de bonne gouvernance, de lutte contre les violences faites aux femmes ou d’autres. Nous avons d’ailleurs pour ambition, vous l’avez sans doute vu dans notre projet de COM, de réactualiser cette stratégie « genre » et surtout de mieux suivre, dans toutes nos actions, les différentes composantes qui peuvent avoir un impact sur le genre.

Nous avons quelques projets de coopération avec la Chine, assez peu à vrai dire. Nous coopérons en Chine essentiellement sur des sujets de protection sociale au niveau régional. Des régions chinoises mobilisent ainsi notre expertise pour les aider sur des thématiques de vieillissement de la population et de prise en charge de la dépendance. Nous n’avons pas d’actions de coopération avec les autorités chinoises en Afrique. Je pense que le sujet est, à vrai dire, complexe. En tant qu’agence française et européenne qui porte un renforcement de capacité, il n’est pas interdit de travailler avec les Chinois mais cela serait certainement compliqué sur un certain nombre de thématiques. Notre volonté est, d’abord et avant tout, d’appuyer le dialogue politique, parce que c’est cela, au fond, la coopération technique : permettre d’appuyer le dialogue politique sur des questions très concrètes et donc appuyer le dialogue que notre gouvernement et plus généralement les institutions européennes ont sur un certain nombre de sujets. Il se peut toutefois qu’il y ait un rapprochement avec les autorités chinoises sur des problématiques telles que la biodiversité. Par exemple, le fait, pour nous, de participer à l’organisation de la COP15 peut intéresser les autorités chinoises qui ont une réelle volonté d’avancer sur ces sujets-là. Dans ce cas-là, cela pourrait être envisageable.

Au Sahel, la menace liée à la présence de groupes terroristes n’a pas disparu, bien au contraire, malgré des avancées sur le terrain, notamment après le sommet de Pau, des avancées assez tangibles d’ailleurs. Les difficultés sont réelles et la crise du covid en rajoute une couche supplémentaire, notamment pour l’approvisionnement d’un certain nombre de programmes. Pour autant, nous étions déjà présents dans la zone et un certain nombre de nos projets apportent des réponses à la fois à la menace sécuritaire et à la menace sanitaire. J’en veux pour preuve notre plan d’appui au développement Santé au Mali qui vise à rénover des infirmeries de garnison des forces armées maliennes dans le centre et le nord du pays pour les ouvrir aux civils avec un double volet – renforcement sanitaire et du lien avec les populations, en particulier les populations les plus vulnérables. Ces projets-là continuent. Nous avons livré, la semaine dernière, un bel hôpital de garnison. Les choses avancent malgré tout et il est très important dans cette période de ne pas abandonner les zones les plus fragiles. Je pense à la Somalie mais on peut penser au Burkina Faso ou au Niger ou à d’autres pays de ce type.

Le climat et la biodiversité sont évidemment des sujets très importants pour nous. C’est l’activité qui a connu la progression la plus forte depuis 2015. Pour vous donner un exemple de programme important d’adaptation aux changements climatiques, nous avons mis en place un programme dans la zone Caraïbes pour rénover les plans de sécurité civile et de résilience face aux risques de changement climatique mais également face à un certain nombre de problèmes de biodiversité que connaît la région, programme que nous allons sans doute élargir à d’autres pays et territoires ultramarins de l’Union européenne. Nous avons la volonté de rester très actifs dans un domaine où les voix française et européenne restent fortes.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Madame la rapporteure, estimez-vous avoir eu vos réponses ?

Mme Bérengère Poletti. Sur le sujet de l’évaluation, je n’ai rien entendu.

M. Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France. Nous souhaitons de renforcer l’évaluation de nos projets en lien avec les équipes de l’AFD, mais, bien sûr, nous sommes ouverts à toute évaluation externe, sujet qui avait été abordé dans le cadre de la préparation du projet de loi sur le développement. Nous suivrons ce qui se passe avec attention, en particulier s’il y a un dispositif d’évaluation qui se met en place au niveau du Parlement.

Je n’ai pas répondu non sur la présence des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat au sein du conseil d’administration d’Expertise France. Vous faisiez allusion au fait que le nombre de représentants au sein de notre futur conseil d’administration sera réduit à un député et un sénateur. Ceci n’est pas de mon fait. C’est une décision de l’État qui a arrêté la future gouvernance de la filiale au sein du groupe.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Ce n’est pas encore une décision de l’État. C’est une proposition du Gouvernement inscrite dans le futur projet de loi et vous savez que les projets de loi, ce sont les parlementaires qui les votent. Je ne suis pas sûre que cette décision soit tout à fait bien inspirée. Je ne suis pas sûre non qu’elle soit justifiée ni qu’elle soit, au fond, d’intérêt général. Je pense, au contraire, que plus que jamais, sur ces questions, il faut que le Parlement soit présent, que les opinions publiques aient l’impression d’être représentées par leurs parlementaires. Ces questions politiques d’aide au développement sont absolument cruciales qu’il s’agisse d’Expertise France ou de l’AFD. En conséquence, je ne suis pas sûre que nous, parlementaires, laisserons passer facilement cette proposition.

M. Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France. La crise se traduira-t-elle par un recroquevillement du climat social au sein de l’agence ? Je pense qu’au fond le sujet du climat social est d’abord lié à la vitesse de transformation de l’agence et au fait que cela a été compliqué pour un certain nombre de collaborateurs qui ont d’abord besoin d’avoir une vision de l’endroit où on va et comment on y va. Évidemment, la crise du covid ajoute une couche de difficulté. Pour autant, pendant ces deux mois, les travaux de transformation interne et sur les projets ont continué et ont renforcé le sens que les collaborateurs donnent à leur travail. C’est plutôt une marque de confiance et un élément de continuité de l’agence qui peut jouer favorablement pour la suite. La suite étant de continuer les travaux de consolidation, de restructuration, de réflexion avec l’AFD sur la manière de fonctionner demain. Au fond, c’est la réponse à ces questions-là qui sera de nature à les rassurer et à apaiser le climat au sein de l’agence.

M. Hervé Berville. Heureux de retrouver Jérémie Pellet qui est venu nous présenter le plan stratégique au conseil d’administration de l’AFD la semaine dernière et qui revient devant nous aujourd’hui.

Je me permets de reposer la même question que la semaine dernière pour nos collègues qui ne font pas partie du conseil d’administration de l’AFD, celle de l’autonomie stratégique et financière, de l’identité, de la nécessité, et je pense que l’on partage tous ce constat, de préserver la mission de service public d’Expertise France. Dans ce bel établissement, beaucoup de choses ont été faites pour améliorer le climat social, la qualité de la réflexion, sous votre houlette et en lien avec l’AFD, mais, du côté des parlementaires, il y a cette volonté de préserver cette autonomie et cette capacité à faire autre chose que du développement puisqu’Expertise France conduit aussi des missions qui n’ont pas trait à l’aide publique au développement. Le « business model » d’Expertise France bascule à partir de l’année prochaine, puisqu’une grande partie de ses moyens proviendront de l’AFD. Quelles sont les dispositions qui vont garantir l’autonomie d’Expertise France en dépit d’une plus grande dépendance financière à l’égard de l’AFD ? S’il est légitime de la part de l’AFD de faire d’Expertise France un vaisseau lui permettant d’avoir une offre unifiée, comment pouvez-vous garantir à la représentation nationale une certaine autonomie afin que toutes les énergies, toutes les équipes ne se fassent pas happer par des projets qui seraient menés par l’AFD ? Je sais que vous y avez répondu mais il est très important que l’ensemble des parlementaires entendent la réponse.

Le second sujet est la question de la loi. Nous sommes convaincus, et je sais que vous l’êtes aussi, que le projet de loi est un bloc. Nous ne pouvons pas arriver avec un projet de loi qui serait détricoté. J’entends bien la volonté d’avancer avec un dispositif qui soit prêt pour une intégration pleine et entière pour janvier 2021 mais ceci ne peut pas se faire au détriment de la cohérence. On ne peut pas enlever du texte ce qui concerne Expertise France alors que le reste n’aurait pas été analysé. Poussons tous ensemble pour le projet de loi arrive dans le Parlement le plus rapidement possible afin d’être prêt pour l’intégration en janvier 2021, plutôt que de chercher une alternative au cas où le projet de loi ne serait pas présenté en temps et en heure. On ne peut pas parler du futur de l’aide publique au développement, de la politique de partenariat, du renouveau, en omettant ce qui concerne Expertise France. Sinon, nous ne pourrons pas nous poser la question de la cohérence et de la gouvernance de l’ensemble, la question de l’autonomie étant en lien avec la question de la gouvernance. Je suis moi aussi assez étonné de cette volonté de réduire le nombre de parlementaires dans le conseil d’administration parce que si on fait un parallélisme des formes avec l’AFD, il me semble qu’il y a deux députés et deux sénateurs. Il faut vraiment que nous ayons cette discussion et ça ne peut pas se faire de manière hâtive.

Un dernier point qui est un point important : il concerne le renouvellement de l’expertise. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la création de programmes de jeunes volontaires internationaux qui seraient placés auprès de ministères de pays partenaires ? J’avais eu l’occasion de développer ce point dans mon rapport en même temps que d’autres collègues. Est-ce qu’Expertise France pourrait être l’établissement en capacité d’abriter un tel programme, notamment pour les plus jeunes ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de préserver la mission de service public d’Expertise France et sur le fait que la loi est un bloc, qu’elle ne se découpe pas, qu’elle ne se divise pas. Ce bloc devra être traité comme tel et je l’espère, le plus rapidement possible.

M. Jacques Marilossian. J’ai lu le bilan 2018-2019 d’Expertise France. J’ai pu constater qu’il y avait beaucoup d’actions, notamment en Afrique et en Afrique francophone. Il y a aussi un autre État francophile au sud du Caucase auquel je suis attaché et qui a bénéficié d’une assistance, je veux parler de l’Arménie où s’est tenu le dernier sommet de la francophonie en 2018. Il y a un accord avec l’Union européenne qui prévoit une aide financière en matière de bonne gouvernance. C’est un pays qui se démocratise depuis le printemps 2018. J’ai vu qu’Expertise France avait mis en place une assistance afin de contribuer à la lutte contre la fraude fiscale depuis 2019. Une délégation d’experts s’est rendue en Arménie en février 2020. Ils ont pu revenir en France à temps. J’ai donc deux questions. Avez-vous déjà un bilan sur cette assistance technique menée en Arménie ? Et ce type de coopération est-il exemplaire de la stratégie de coopération que vous voulez mener sur la fraude fiscale dans les pays africains ?

M. Éric Girardin. L’Afrique va subir de plein fouet les conséquences économiques de la pandémie. Cela a déjà commencé. Nous avons vu l’arrêt du tourisme dans un certain nombre de pays. La division par deux des cours du pétrole. Le tout étant de savoir comment on peut atténuer les répercussions de la crise sanitaire d’un point de vue économique. Un certain nombre de leviers existe. Par exemple, le report des échéances de la dette, le moratoire. La mobilisation des banques centrales pour fournir des devises mais aussi de la part des banques de développement. Dans votre projet de COM 2020-2022, votre agence veut intervenir dans l’ensemble des pays, vous l’avez dit, mais aura une attention particulière pour l’Afrique. C’est ce que vous appelez votre approche « tout Afrique » qui intègre les 19 pays prioritaires du CICID. Cela représenterait 50 % des contrats à signer dans les deux prochaines années. Vous avez dit qu’Expertise France jouait un rôle d’assemblier. Que vous manque-t-il dans votre boîte à outils pour que votre rôle soit optimisé ?  Au-delà de la crise sanitaire et économique, nous savons que l’on va avoir à brève échéance une crise alimentaire, est-ce que vous l’avez anticipé ? Est-ce que cela fait partie de votre périmètre d’intervention ?

Mme Mireille Clapot. Je vais centrer ma question sur l’égalité de genre. Vous avez rappelé le contexte, l’action de la France en faveur de la diplomatie féministe déclarée en 2019, la présidence du G7, le forum pour l’égalité qui était annoncé pour juillet 2020 et dont vous êtes un des partenaires. J’ai constaté que, dans votre projet de COM 2020-2022, vous avez mis cette question au rang de vos objectifs avec des indicateurs indiquant que 50 % des projets seront marqués CAD 1 ou 2. En creusant un peu, je me suis aperçu que vous présentez un projet intéressant sur la valorisation du travail non rémunéré. C’est un sujet dont on parle beaucoup en période de confinement. On sait que ce sont les femmes qui accomplissent la majorité du travail non rémunéré et elles le font encore plus pendant le confinement, ce qui est évidemment un frein à l’accession à des responsabilités politiques ou professionnelles. Le projet que vous menez est le projet Euro social plus en Amérique latine. Il m’intéresserait de savoir ce que vous faites en Afrique où le sujet est également important.

M. Jacques Maire. Il se trouve que ce projet de COM me pose des problèmes. Il me pose des problèmes dans ce qu’il ne dit pas, dans ce qui n’est pas explicite dans vos propos. Je pense que c’était une bonne idée qu’Expertise France remplace les petits opérateurs ministériels de façon à monter à l’échelle et d’avoir une structure plus solide qui soit capable de gagner des parts de marché au niveau européen et international. De ce point de vue, le succès est là. En revanche, il y a deux choses qui m’inquiètent parce qu’elles ne sont pas assez présentes. La première est assez simple. Il s’agit de l’évolution des experts techniques internationaux (ETI) à travers le temps. Vous savez que les parlementaires sont très attachés à la coopération technique, à l’expertise technique. Ils ont vu fondre année après année, les ETI. 1 000 il y a encore dix ans, puis 700, puis 600, aujourd’hui. Qu’est-ce qu’il en reste et où va-t-on ? Le transfert à l’AFD présente un avantage, c’est sa solvabilité. Mais, au passage, il y a eu beaucoup de perte. Nous avons besoin de savoir comment va évoluer cette dynamique des ETI. Est-ce que dans l’avenir nous pourrons encore compter sur un pool d’experts qui viendront en appui aux politiques publiques et pas seulement en appui des prêts de l’AFD puisque la composante assistance techniques est un argument de vente fort.

Par ailleurs, je suis inquiet sur l’aspect interministériel. Vous avez un comité interministériel certes. Vous avez parlé de commande publique. Elle ne vient que d’un ministère. Les opérateurs des différents ministères se désengagent financièrement. Il y a un outil qui n’est plus ministériel mais devient filiale d’une agence de financement. Les ministères sont réunis au sien d’un comité pour qu’on leur demande leur avis. Mais ils n’ont plus d’outils et ils ne donnent plus de financement. Quand on discute avec les ministères et notamment les ministères régaliens, on voit cette espèce de prise de distance sur le sujet et le fait qu’aujourd’hui, ils ne considèrent plus Expertise France comme leur bras armé. Je pense qu’on a une chance, y compris nous en tant que parlementaires, de sauver la visibilité et l’importance d’un outil de coopération s’il est vraiment le reflet des impératifs des politiques ministérielles nationales et de leur projection à l’international. C’est un premier élément important. Ça m’a semblé indispensable que cette commande publique puisse, si les ministres sont réticents à mettre de l’argent, être mise sous droit de tirage au moins en partie. Cela pourrait être un acte d’engagement. C’est ce que nous attendions de ce COM et ce n’est pas vraiment ce que j’y ai vu.

M. Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France. Concernant les sujets d’organisation et d’ambition de la France pour l’agence, je rejoins les propos de Jacques Maire. En tant que directeur d’un opérateur, nous ne pouvons pas nous substituer aux stratégies de l’État et des ministères. Nous ne sommes que le reflet, la projection, des ministères au niveau international. La commande publique ne provient pas seulement du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Certes, la majorité de la commande publique provient de ce ministère mais il y a également le ministère des finances qui a prévu une augmentation de sa commande dans les prochaines années. Il souhaite renforcer sa coopération technique sur le volet développement des ressources domestiques. Il y a également d’autres ministères dont les interventions sont, il est vrai, en baisse. C’est le cas du ministère de la santé ou du ministère chargé de l’emploi.

Nous dépendons de ce que les ministères souhaitent mettre en œuvre en tant que projets de coopération. Je n’aurais pas été contre le fait de disposer d’une enveloppe avec droit de tirage auprès des différents ministères mais ce n’est pas comme cela que fonctionne Expertise France. Ce sujet-là, c’est un peu la poule et l’œuf. Nous étions dans un mouvement où le fait d’avoir un seul opérateur interministériel, qui le devient de plus en plus par absorption des opérateurs thématiques, conduit à réinventer les relations avec les différents ministères. C’est la période 2015-2020. Aujourd’hui, nous sommes plutôt dans une phase de restructuration du dialogue. Je souhaite que l’on mette en place des instances de dialogue stratégique sur les grands domaines de l’action extérieure avec les différents ministères autour de la table. Je pense qu’au fur et à mesure que l’on construira ce dialogue, les ministères se réapproprieront l’expertise pour la mettre au service de leur coopération internationale. Nous sommes dans cette phase-là. Les ministères continuent d’arbitrer sur les moyens qu’ils souhaitent consacrer à la coopération internationale et à leur priorité. Là-dessus, nous n’avons pas la main. Pour autant, cela n’empêche pas de travailler de manière étroite avec l’ensemble des ministères. Pour vous donner un exemple, les travaux que nous menons actuellement avec le ministère de la justice et l’ensemble de ses acteurs sur l’intégration de JCI montre que cela se passe extrêmement bien et que nous pouvons avoir une vraie réflexion stratégique avec l’ensemble du monde de la justice pour imaginer d’autres programmes, d’autres ressources, pour être plus présents à Bruxelles comme nous avons pu le faire sur des programmes d’accompagnement de réformes de la justice dans un certain nombre de pays de l’Europe de l’Est. C’est aussi ce dialogue là qu’il faut nourrir.

Concernant l’évolution des ETI, j’ai rappelé en propos introductif leur courbe décroissante. Nous l’avons tous en tête. Nous avons aujourd’hui une enveloppe de 250 coopérants techniques. Expertise France n’est que l’agence de mise en œuvre, de suivi de ces experts. La priorisation, le choix des postes sont faits par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. C’est notre commanditaire en l’espèce. Ce qu’il nous donne comme garanti – et c’est très fort dans ce COM – c’est le maintien du niveau de cette commande publique sur les trois prochaines années. C’est un élément très important. Ensuite, nous pourrions avoir un autre sujet de réflexion qui mérite que nous y passions un peu plus de temps : est-ce que ce niveau-là est à la hauteur des ambitions de la France ? Cela nécessiterait d’y consacrer potentiellement plus de moyens. Il faut également s’interroger sur la plus-value, sur les endroits où l’on aurait besoin d’une expertise française permanente sur le terrain à l’étranger que ce soit dans tel ou tel domaine ou dans telle ou telle géographie. Nous réfléchissons à ce sujet non seulement à travers les ETI mais sur la manière avec laquelle on peut concevoir et réaliser nos projets dans la durée.

Pour répondre à la question de savoir si nos experts sont là pour appuyer les politiques publiques des pays ou simplement pour accompagner les projets et les prêts de l’AFD, pour moi, les experts qui sont les nôtres sur le terrain ont une mission qui est de renforcer des capacités et d’accompagner des politiques publiques dans les pays et les secteurs dans lesquels la France et l’Europe souhaitent intervenir. Pour cela, nous devons être plus efficaces, en faisant en sorte que ces experts soient performants, bien formés, plus régionalisés. Il faut également renforcer les viviers d’experts. C’est un sujet extrêmement important. C’est notre mission et il n’y a pas de contradiction avec le fait d’appuyer des interventions de l’AFD. Bien au contraire. C’est ce qui fait la force d’une offre de groupe dans le cadre de notre intervention avec l’AFD. Dit autrement, lorsque l’AFD consacre des moyens importants, de plusieurs dizaines ou centaines de millions d’euros, pour accompagner une politique publique, si, à côté de ce financement, il y a de la matière grise et de l’expertise pour l’accompagner, cela donne tout son sens à l’action au bénéfice de la France de manière générale, de sa politique de développement et de sa politique étrangère, et pas seulement de l’AFD. Il ne faut donc pas opposer les deux options. Il faut être à la fois au côté de l’AFD sur un certain nombre de politique public qui sont clés et aller sur des thématiques qui ne sont pas dans le cœur de métier de l’AFD ou sur lesquelles nous avons d’autres bailleurs qui souhaitent que nous soyons présents, dont bien sûr la France.

C’est pour cela que nous avons fait en sorte que l’autonomie d’Expertise France au sein du groupe AFD soit conservée demain. C’est une ligne de crête compliquée entre le fait d’intégrée et de tirer les bénéfices de cette intégration tout en gardant son identité et sa force de travail propre. Cette autonomie est garantie par plusieurs éléments : d’abord, le COM assure un modèle financier pérenne qui fait en sorte que l’activité d’Expertise France dépende en majorité d’autres bailleurs que l’AFD, c’est très important et l’État a souhaité que l’acquis communautaire d’Expertise France soit préservé, et c’est tout le sens du mécanisme de compensation qui a été mis en place. C’est la première garantie assez forte puisque l’État continuera demain à avoir son mot à dire sur les champs dans lesquels Expertise France intervient et où il veut consacrer des moyens. Ensuite, les missions de service public sont réaffirmées dans le cadre du futur projet de loi. Notre champ d’intervention nous est propre. Il est particulier et original au sein des agences de développement. Enfin, troisième garantie, la gouvernance telle qu’elle a été proposée, vous avez raison madame la présidente, est une gouvernance mixte État-AFD et pas seulement AFD. Ce sont les éléments qui nous permettent de tenir cette ligne de crête entre bonne intégration et autonomie. Cela va nécessiter de bien définir les règles de travail avec l’AFD. Chacun doit être dans son rôle. L’AFD est un bailleur. Nous sommes une agence de mise en œuvre. Les projets seront co-construits et chacun doit y trouver sa place. Il faut éviter les doublons également pour être efficace. Il faut enfin que ces règles du jeu soient pérennes pour nous permettre de nous déployer dans la durée. Lorsque nous aurons posé cela, nous serons tout à fait capables d’absorber une part croissante d’activité de l’AFD au sein de notre chiffre d’affaires, mais, encore une fois, et malgré les octrois de l’AFD qui augmentent beaucoup, peut-être moins cette année compte tenu des aléas, et qui représenteront une centaine de millions d’euros par an, les deux tiers de notre activité se fera avec d’autres acteurs. Tout cela a un sens comme il fait sens de discuter des sujets touchant à Expertise France en même temps que des sujets de développement en général.

Concernant la mobilisation de l’expertise et notamment de jeunes experts internationaux, c’est une réflexion que nous avons déjà entamée avec d’autres acteurs et notamment avec un acteur important en France qui est France Volontaires et puis avec des bailleurs pour évoquer la question du financement de ce type de projets. Il y a sans doute une voie pour renforcer le volontariat et sans un volontariat de jeunes diplômés, de personnes qui souhaitent mettre leur compétence à disposition de pays en développement, notamment africain dans les prochaines années. Si nous allons dans cette direction, il faut imaginer des programmes qui soient cohérents avec ceux que nous avons déjà. Le sujet des volontariats est en tout état de cause un sujet à explorer, notamment en lien avec des sujets comme la valorisation des diasporas ou d’autres sujets de ce type.

Pour répondre à la question sur ce qui nous manque dans notre boîte à outils qui est une excellente question, il nous manque encore un certain nombre de choses mais le sujet qui est clé et qui dépasse la seule Expertise France est de trouver le moyen de mobiliser plus d’expertise et plus d’expertise publique au service du développement. Notre vivier d’experts, et notre vivier d’experts publics en particulier, a tendance à se réduire. En tout cas, il ne se développe pas autant que nous le souhaiterions, alors même que, je le disais dans mon introduction, l’envie de France est là et les compétences françaises sont reconnues dans tous les pays du monde et dans de nombreux champs, y compris des champs où nous avons une action publique forte. Cependant, nous n’avons pas suffisamment de ressources mobilisables sur plusieurs mois et encore moins sur plusieurs années pour se déployer à l’étranger. Pas seulement pour des raisons linguistiques, nous pouvons trouver des personnes qui parlent espagnol ou russe et pas seulement français/anglais. Il faut aussi trouver des personnes qui soient mobiles. Là où nous avions un vivier au moment où la France avait un volume de coopérants très important, nous l’avons un peu moins. Les moyens des administrations publiques se sont aussi réduits. La coopération technique n’est plus forcément la priorité dans un certain nombre d’entre elles. C’est vu parfois comme un luxe dans un contexte de réduction des moyens budgétaires. Il faut trouver des moyens de réinventer, de mobiliser plus les collectivités locales, de mobiliser d’autres publics, des établissements publics. Il y a une vraie réflexion qui a été entamée. Il faudrait la reprendre dans un débat sur le développement. Dans beaucoup de cas, c’est le point difficile pour nous. Ce qui manque dans notre boîte à outils alors même que la mobilisation de l’expertise publique est essentielle dans un certain nombre de secteurs.

S’agissant de la crise alimentaire, Expertise France n’a pas vocation à gérer des programmes dans ce domaine. Notre action, qui est une action sur le volet renforcement des capacités, peut venir appuyer un certain nombre de pays sur les questions d’alimentation et de gestion de la chaîne d’approvisionnement sur le long terme, ce que nous faisons déjà en Afrique de l’Ouest. Nous apportons une réponse qui s’inscrit aussi dans l’adaptation au changement climatique. C’est plus difficilement mobilisable sur des questions d’urgence et de crise alimentaire, à l’exception des zones très fragiles où nous intervenons pour apporter des services de base aux populations. Ces zones sont très particulières. Cela ne doit pas empêcher une réflexion plus large sur les approvisionnements et sur la gestion des approvisionnements locaux et des chaînes de valeur local, sujet très important après la crise du covid.

Je dois admettre que je ne connais pas les résultats de notre programme en Arménie sur la fraude fiscale dans ce pays. Je vais me renseigner. Je ne sais pas si le bilan a été très positif et si on peut en tirer des enseignements pour le reste de nos pays d’intervention. Ce que je peux dire tout de même, c’est que le sujet de la fraude fiscale et plus largement de la modernisation des administrations fiscales et douanières dans une perspective de développement des ressources domestiques dans une optique d’élargissement de la base fiscale dans nos pays d’intervention est une priorité très forte d’Expertise France mais aussi, plus généralement, de la France, en accompagnement des programmes mis en place par le Fonds monétaire international. Notre action va se renforcer dans ces champs en appui de l’action du ministère chargé des finances. Tout élément sur un pays sera repris pour d’autres. Je reviendrai vers vous par courriel sur notre programme en Arménie.

Sur les problématiques du genre, nous avons effectivement des programmes sur la valorisation du travail non rémunéré en Amérique latine. Notre objectif est bien de généraliser, ou en tout cas, de développer ce type d’approche dans d’autres régions, et notamment en Afrique avec deux axes. Le premier, je le rappelais tout à l’heure, exposé dans notre projet de COM, est de renforcer l’aspect problématique de genre dans l’ensemble de nos projets. C’est un axe fort pour ne pas seulement faire des projets genre mais avoir une dimension genre, une réflexion genre qui balaie l’ensemble de nos projets. Le second est d’intégrer un axe genre dès la conception de nos projets de développement et de faire en sorte qu’on anime l’ensemble de la chaîne de conception d’un projet autour d’un axe genre. Concrètement, nous allons mettre en place un cours en ligne, avec la Banque africaine de développement, avec l’AFD, avec l’ensemble des acteurs du développement en Afrique. Expertise France en est le pilote et met en place des formations sur l’intégration d’un axe genre dans l’ensemble des projets. Cette politique sera mise en œuvre d’ici la fin de l’année.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Contrairement à ce que disait Frédéric Petit, nous émettons toujours un avis avant l’adoption du projet de COM par le conseil d’administration. Cela paraît plus logique. Une seule fois, nous avons reçu, de la part de l’AFD, un projet de COM déjà adopté par le conseil d’administration et déjà mis en œuvre depuis de très nombreux mois. Nous avons voté rétroactivement. Cela ne nous a pas mis de bonne humeur. Ici, les choses se passent dans l’ordre et c’est bien. Nous aurons, après vous avoir écouté monsieur le directeur, une réunion jeudi 14 mai à 15 heures. Ce sera l’occasion de regarder le contenu de l’avis de Bérengère Poletti sur le projet COM. Elle nous le présentera, puis nous émettrons un vote. Cette réunion était importante. Ce que vous faites est important. Il y a une grande vigilance à avoir sur les conséquences de la crise actuelle et sur des orientations nouvelles qui pourraient en sortir demain. Il faut avoir les capacités de s’adapter aux conséquences de la crise. Nous serons vigilants sur ce point également.


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   Examen en commission

La commission examine le projet de contrat d’objectifs et de moyens d’Expertise France au cours de sa séance du jeudi 14 mai 2020.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous examinons aujourd’hui le projet d’avis présenté par Bérengère Poletti sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens d’Expertise France (COM) pour la période 2020-2022. Conformément à l’article 1er de la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, le COM de chaque établissement public contribuant à l’action extérieure de la France est transmis par le Gouvernement, avant sa signature, aux commissions permanentes compétentes des deux assemblées. Ces commissions formulent un avis. C’est dans ce cadre que notre commission a été saisie le 30 avril dernier. Je dois le dire. Nous avons été saisis après avoir demandé avec quelque insistance à l’être avant le conseil d’administration prévu le 19 mai prochain et ce, tout simplement pour faire respecter la loi. Je remercie Bérengère Poletti qui a travaillé dans des délais contraints pour avoir transmis dès hier le projet d’avis aux membres de la commission afin que chacun puisse se faire sa propre opinion.

Comme cela a été rappelé mardi, lorsque nous avons reçu le directeur général d’Expertise France, Jérémie Pellet, ce COM a été élaboré avant la crise sanitaire et il faudra très certainement y apporter des modifications sous forme d’avenant au regard des enseignements que nous tirerons de la période actuelle. C’est tout l’objet du travail de suivi que nous menons durant cette crise sanitaire mondiale et spécifiquement du groupe de travail qui est dédié à ces questions et qui fera le moment venu des propositions complémentaires. Plus largement, je pense qu’en aucun cas, nous ne devons affaiblir la capacité de contrôle et d’évaluation parlementaire sur la politique de développement conduite par la France. C’est le contraire de ce qu’attendent de nous nos concitoyens. Nous devrons donc faire en sorte de maintenir le nombre actuel de parlementaires au sein du conseil d’administration d’Expertise France, qui sont, pour notre assemblée, au nombre de quatre aujourd’hui : Frédéric Petit, Hubert Julien-Laferrière, Laetitia Saint-Paul et Bérengère Poletti.

Troisième point, pour nous, la capacité et l’identité d’Expertise France doivent être encouragées, préservées. Il faudra donc ajuster au mieux la nouvelle organisation prévue dans le cadre du rapprochement d’Expertise France avec l’Agence française de développement (AFD). Nous aurons ce débat à l’occasion de l’examen du projet de loi relative à la solidarité internationale et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Le travail a été conduit, en effet, dans des conditions particulières. Nous n’avons pas pu, cette fois-ci, appréhender les aspects concrets de la politique de développement que nous collectons quand nous pouvons aller sur le terrain.

À la suite de l’audition, mardi dernier, de Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France, nous devons formuler un avis sur le COM qui liera l’État à l’Agence française de coopération technique internationale, dénommée Expertise France, pour la période 2020-2022. Je souhaite associer à mon intervention mon collègue Frédéric Petit qui connaît très bien cet opérateur et avec lequel j’échange très souvent sur ce sujet. Si nous avions pu effectuer des enquêtes de terrain, nous aurions pu les faire ensemble.

Comme le montre quotidiennement la pandémie, le monde a plus que jamais besoin de coopération. En effet, plus aucune problématique, qu’il s’agisse des questions climatiques, des conflits armés, des problèmes financiers ou, aujourd’hui, des pandémies, ne se pose plus à l’échelle d’un seul pays ni même d’un seul continent. Les crises sont aujourd’hui mondiales quasiment d’emblée. Mais, il ne suffira pas de vouloir la coopération pour qu’elle advienne. Il faut en créer les conditions et pour cela convaincre les autres acteurs globaux à préférer à la confrontation la coopération respectueuse de nos valeurs et de nos intérêts.

Nous l’avons encore entendu hier, lorsque nous avons auditionné Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), le duopole sino-américain est en train de structurer le monde de demain. La France et l’Europe ne doivent pour autant pas être marginalisées. Pour cela, il faut renforcer l’Europe évidemment mais cela ne suffira probablement pas. Nous devons construire un bloc de solidarité qui va au-delà. Un bloc qui agrège, d’une manière ou d’une autre, la Méditerranée et l’Afrique. Dans cette perspective, la France, de par son histoire et sa géographie, dispose de plusieurs atouts. C’est peut-être là une source des espérances que beaucoup ont appelé de leurs vœux hier lors de l’audition du directeur de l’IFRI. La relation franco-africaine est un atout. D’où l’importance de consolider nos positions sur ce continent et d’y développer nos coopérations.

Le COM, ce sont d’abord des objectifs. Expertise France vise une activité majoritairement africaine pour la période à venir. Je dirai qu’elle vise à maintenir cette majorité dès lors que notre coopération technique est déjà majoritaire africaine. Nous allons passer de 50 % à… 50 %. Par ailleurs, un tiers de son activité sera orienté vers les pays en crise, notamment au Sahel, et les zones de conflits en Irak et en Syrie où Expertise France est quasiment la seule agence de coopération encore présente sur le terrain.

Les autres priorités correspondent à celles de notre diplomatie, à savoir les questions climatiques et de genre. Il faudra probablement « remuscler » la coopération sanitaire dans un COM qui a été rédigé avant la crise sanitaire que nous connaissons. Nous avons vu le caractère essentiel des systèmes de soin dans les pays fragiles. Je fais des propositions dans mon avis pour un plus grand investissement de la coopération française dans ce domaine et pour une coopération renforcée avec l’Institut Pasteur qui a été, dans les pays africains où il est présent, parfois la seule institution capable de réaliser des tests et de prendre en charge les patients – nous venons d’en avoir la confirmation avec l’audition de M. Spiegel, directeur de l’Institut Pasteur de Madagascar. Là aussi, il faut créer des synergies sous pavillon tricolore.

Un COM, ce sont des objectifs certes, mais qui vérifie qu’ils ont été atteints ? Le COM me paraît lacunaire sur la question de l’évaluation et du contrôle. J’invite Expertise France à renforcer et à préciser sa stratégie dans ce domaine. Nous devons, nous-mêmes, continuer à évaluer régulièrement les activités de nos agences de coopération et d’Expertise France en particulier. C’est pour cela que, même si cela ne concerne pas directement le COM, je souhaite que la future loi relative au développement maintienne le nombre actuel de parlementaires au sein du conseil d’administration d’Expertise France, au-delà de la fonction de contrôle externe de notre commission des affaires étrangères. Les deux sont indispensables.

Le COM, ce sont des objectifs mais aussi des moyens. Sur cette question, la trajectoire financière présentée me semble crédible au regard de l’augmentation du chiffre d’affaires entre 2017 et 2019 qui est passé de 147 à 231 millions d’euros. L’agence vise un chiffre d’affaires de 313 millions d’euros en 2022. Ce doublement du chiffre d’affaires entre 2017 et 2022 cache une véritable révolution dans le modèle économique. Expertise France est de moins en moins le « bras armé » des ministères dans le domaine de la coopération technique et de plus en plus une « entreprise » de coopération qui réalise la majorité de son chiffre d’affaires en répondant à des appels d’offres internationaux ou européens. 60 % du chiffre d’affaires provient de l’Union européenne, ce qui est important pour une agence française. J’exprime ici une crainte. Le projet de loi prévoit un changement de régime juridique pour Expertise France qui passerait d’un statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) à un statut de société anonyme à capitaux publics. Ce changement de statut ne peut se comprendre que dans la perspective d’une ouverture, à terme, au capital privé. Les exemples sont légion. Lorsque vous cédez vos participations, vous ne pouvez plus tout contrôler et tout orienter. Pour une agence aussi stratégique dans le contexte que j’ai décrit au début de mon intervention, cela pourrait être problématique. Nous en débattrons de nouveau lors de l’examen du projet de loi.

Enfin, je terminerai sur les questions de gouvernance. Expertise France est née de la volonté de regrouper les services et les agences de coopération de chaque ministère. La gouvernance actuelle en est l’héritière avec un nombre de comités beaucoup trop nombreux où tous les ministères sont représentés. Il sera nécessaire pour une plus grande efficacité de simplifier la gouvernance dans le cadre de la filialisation au sein du groupe AFD mais aussi d’achever la constitution de la plateforme d’Expertise française en y intégrant les activités de coopération sécuritaire de CIVIPOL.

Le sujet important de l’autonomie de la structure soulevé à juste titre régulièrement par notre collègue Hervé Berville doit nous inviter à réfléchir. Où peut se situer cette autonomie si l’agence est absorbée par l’AFD tant par sa gouvernance, par ses moyens, par ses contraintes, ses objectifs, son évaluation ? Nous nous pencherons sur ces questions lors de l’examen du projet de loi.

Sous réserve de ces quelques remarques, je donne un avis favorable à l’adoption du COM 2020-2022 avant le conseil d’administration d’Expertise France qui doit se réunir le 19 mai prochain.

M. Frédéric Petit. Je salue le travail réalisé, parce que, même si je connais le sujet, j’ai fait des découvertes dans l’avis présenté. Tout d’abord, je salue cette institution. Elle a réussi une révolution et, pour nous tous, c’est la preuve qu’on peut transformer l’État quand on veut. Cela marche. Je salue la coopération avec le réseau de l’Institut Pasteur. C’est une chose qui nous touche beaucoup. Je suis d’accord avec la rapporteure sur les lacunes du contrôle. Nous ne sommes pas encore dans la culture du contrôle.

Je n’ai pas très bien compris la façon dont l’État va subventionner Expertise France. Mais ce n’est pas une crainte pour le bilatéralisme du fait de la faiblesse des montants. Pourriez-vous expliciter ce point ?

Il faudra approfondir la question de la future structure lors de l’examen du projet de loi. Je me demande si un EPIC peut créer un EPIC. Je crois que c’est en raison de cette difficulté que la solution de la société anonyme s’est imposée. Il y a une chose sur laquelle j’aimerais revenir. Je crois que le nombre d’administrateurs parlementaires n’est pas forcément important. Il est important bien sûr qu’il y en ait deux ou trois, afin que les oppositions soient représentées. En revanche, je crois que, pour donner une fonction politique au conseil d’administration, il faut que les présidents soient désignés avec notre accord. Cela rééquilibrerait les choses sans mettre en difficulté les exécutifs de nos opérateurs et permettrait une politisation de la stratégie de nos opérateurs.

Sinon, je suis tout à fait favorable à ce projet de COM qui est un COM bien construit.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Concernant la subvention de l’État, je n’ai pas critiqué le changement de modèle. Contrairement à la pratique présente qui est de répondre à de gros projets, la demande de l’État et des ministères va se situer sur des petits projets qui ne sont pas rentables. Dans ce cas, Expertise France demande, à juste titre, une compensation financière dès le départ. Cela ne sera plus une subvention globale d’équilibre comme c’était le cas jusqu’alors mais la subvention devra être intégrée dès la conception du projet.

J’ai été plus critique en revanche sur la tutelle que l’AFD risque d’exercer sur Expertise France. Je ne vois pas, dans ce cadre, comment sera préservée l’autonomie de l’agence. De plus, le statut juridique va plutôt transformer Expertise France en « satellite » de l’AFD au même titre que Proparco. Il y aura donc une perte d’indépendance, alors que l’indépendance d’Expertise France a été une très bonne chose. Elle a permis sa montée en puissance et d’aller chercher auprès de l’Union européenne ou d’autres donneurs d’ordre des missions nouvelles, ce qui a favorisé la reconnaissance de l’expertise française. Les équipes ne travailleront pas moins bien, mais l’exercice de la future tutelle peut poser des questions.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Dans le cadre de la discussion sur le projet de loi, il va falloir discuter de la nouvelle structure. Est avancée l’idée d’un rapprochement entre Expertise France et l’AFD, afin de créer un outil plus performant, plus lisible, pour porter une politique de la France, comme cela se passe par exemple en Allemagne ou d’autres pays qui nous entourent comme le Royaume-Uni. C’est intéressant. En même temps, il va falloir préserver une identité, une expertise française qui est une valeur ajoutée pour la France. Il va falloir trouver un bon équilibre entre ces deux objectifs, d’une part, de peser plus, d’être plus fort dans cette politique de développement et, d’autre part, de conserver une part d’autonomie, d’indépendance, d’identité de l’expertise qui est reconnue. C’est à mon avis nécessaire.

M. Alain David. Madame la rapporteure, je partage vos sept propositions. Dans la foulée de l’audition de Jérémie Pellet et dans le contexte sanitaire actuelle, je trouve particulièrement pertinent votre proposition de rapprochement avec l’acteur reconnu en Afrique qu’est l’Institut Pasteur. Pouvez-vous préciser dans quelle condition cette coopération pourrait se développer concrètement ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Cette question tombe à point puisque nous sortons d’une audition, avec notre groupe de travail sur l’aide publique au développement, de représentants de l’Institut Pasteur, audition au cours de laquelle j’ai posé la question des moyens de l’aide au développement d’une manière générale. Lorsque nous étions à Madagascar, il nous avait été rapporté que les subventions avaient baissé pour l’Institut Pasteur local. Je viens d’en avoir confirmation. Nous sommes sur une baisse de subventions continue qui ira jusqu’à l’extinction de toute subvention aux Instituts Pasteur. C’est dommage pour un outil de cette qualité. J’ai également posé la question de leur coopération avec Expertise France. Les experts techniques internationaux (ETI) manquent beaucoup sur le terrain et notamment à l’Institut Pasteur. Est-ce qu’on pourrait concevoir un partenariat qui compenserait cette baisse ? Je n’ai pas senti beaucoup d’enthousiasme sur cette question, probablement parce que le sujet n’est pas encore suffisamment approfondi. Il nous a simplement été dit que passer par Expertise France coûtait plus cher du fait de frais de fonctionnement plus lourds et plus importants. C’est un sujet qu’il va falloir approfondir. Je trouve que, du fait de la forte identité de l’Institut Pasteur, de sa présence historique sur le terrain et de ses résultats remarquables sur le continent africain, on ne peut pas concevoir une expertise française reconnue sans qu’il y ait des ponts, notamment dans le domaine sanitaire, au bénéfice de l’Afrique. D’ailleurs, à travers l’Institut Pasteur, un certain nombre de choses peuvent être faites par les Africains eux-mêmes, ce qui leur permettrait de prendre directement en charge leur santé publique. L’Institut Pasteur ne peut pas être détaché d’Expertise France, même si ce n’est pas un sujet complétement abouti.

Mme Valérie Thomas. Je partage l’idée qu’il faut porter l’idée de l’équipe France dans le domaine de l’aide publique au développement. Nous avons un savoir-faire reconnu. Nous devons le porter plus haut. Je voudrais faire part de mon inquiétude sur le mariage entre l’AFD et Expertise France, notamment dans le domaine de la santé. Expertise France est reconnue sur le terrain, en particulier grâce à la mise en œuvre de l’Initiative 5 % conduite avec le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Expertise France a été très active dans la gestion de la crise Ebola, notamment au Libéria. Je suis aujourd’hui un peu inquiète. J’ai peur que la « grosse » structure, l’AFD, fasse perdre la singularité de ces liens très forts avec le terrain que l’on reconnaît à Expertise France. Est-ce que vous auriez une idée de garde-fous que nous pourrions inscrire dans la prochaine loi afin de permettre à cette singularité de perdurer ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Je partage cette préoccupation, parce qu’Expertise France obtient dans ce domaine-là de bons résultats. L’objectif, Jérémie Pellet nous l’a expliqué mardi dernier, est de pouvoir répondre aux demandes de l’AFD. Expertise France va mettre en œuvre ce que l’AFD va lui demander et va pouvoir répondre à de plus petits projets avec plus de proximité. L’identité de l’aide publique au développement va être renforcée. Il faut effectivement réfléchir aux moyens de garantir l’autonomie d’Expertise France, notamment dans le domaine de la santé. En même temps, j’ai découvert en écoutant Jérémie Pellet que 60 % de la commande à Expertise France provenait de l’Union européenne. C’est assez conséquent. Ce n’est pas une mauvaise chose mais cela tend à donner à l’agence une identité plus européenne que française.

M. Frédéric Petit. Je voudrais rappeler qu’un des problèmes, avant même le « mariage » entre l’AFD et Expertise France, est constitué par le fait que l’AFD avait pris l’habitude de passer des commandes hors de l’expertise française. Je me souviens d’un exemple. L’AFD disait : j’ai un projet, je dois aller au Gabon, il faut une expertise. Et l’AFD est allée chercher une expertise au Royaume-Uni, alors qu’Expertise France était disponible et savait faire. On part d’une situation dans laquelle les opérateurs faisaient figure de frères ennemis. Il faut sortir de cette situation, même s’il faut être vigilant sur l’organisation future du groupe.

M. Michel Herbillon. C’est une bonne chose que Bérengère Poletti puisse intervenir après l’audition de Jérémie Pellet. Je suis préoccupé, comme d’autres, par la préservation de l’autonomie d’Expertise France et le risque, avec son absorption par l’AFD, de perte de cette autonomie. Je voudrais savoir quelles barrières on peut mettre en place pour s’assurer de la préservation de cette autonomie, de cette capacité d’expertise.

Deuxièmement, est-ce que, madame la rapporteure, vous avez pu vous assurer que les priorités de notre diplomatie dans le domaine de la santé et de la protection sanitaire vont bien être mises en exergue ? Cet objectif-là devra être ajouté aux objectifs de notre diplomatie.

Enfin, vous avez exprimé votre crainte de la transformation d’Expertise France d’EPIC en société anonyme, du fait d’une possible ouverture au capital privé. Pourquoi avez-vous cette crainte ? Et comment peut-on s’en prémunir ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Dans un premier temps, je voudrais préciser que je soutiens le rapprochement entre Expertise France et l’AFD. J’ai exprimé des craintes par rapport à l’autonomie de la première mais je soutiens le rapprochement, l’AFD offrant une surface d’action plus importante à Expertise France. Mais cette dernière va continuer à disposer d’un conseil d’administration comprenant des parlementaires, même s’il est prévu une diminution de leur nombre. Nous allons nous battre pour y maintenir une représentation du côté Sénat comme du côté Assemblée nationale. Par ailleurs, nous devrons recevoir le directeur général d’Expertise France au même titre que celui de l’AFD devant la commission des affaires étrangères régulièrement, afin qu’il puisse nous exposer la manière dont son agence travaille.

Concernant le changement de statut juridique, il me semble que ce n’était pas indispensable. On pouvait très bien continuer à fonctionner avec un EPIC. S’il y a une volonté de changer de régime juridique, c’est probablement dans un souci de parallélisme avec Proparco et à terme de permettre au capital privé d’y investir. Pourquoi pas ? Mais quand on manipule autant d’argent public, il faut être vigilant. C’est la raison pour laquelle je soulevais cette problématique.

J’aimerais revenir sur la question de la santé. C’est pour cela que l’Institut Pasteur me semble être un organisme très important, car il connaît très bien l’Afrique. Il faut encourager la création de partenariats d’ampleur, qui profiteront à l’Institut Pasteur, par l’apport d’une expertise qui manque visiblement en ce moment. Pour rappeler certains chiffres, l’Institut Pasteur est passé de 2 millions d’euros à 600 000 euros de subventions, et de six experts internationaux à un seul. Il en avait demandé un deuxième pendant la crise du covid-19, qu’il n’a malheureusement pas pu obtenir. Il y a véritablement un sujet d’expertise avec l’Institut pasteur, et peut être un sujet santé avec Expertise France.

Mme Mireille Clapot. On apprend beaucoup de choses dans cet avis quand on n’est pas spécialiste de ces questions. En écoutant votre présentation, madame la rapporteure, une question m’est venue : finalement, cette crise du covid-19 n’a pas été anticipée dans le projet de COM. Il y aura d’autres crises. Comment peut-on anticiper les autres crises à venir, qu’elles soient sanitaires, sociales ou politiques ? Nous voyons bien que, dans les régions prioritaires de notre action de coopération, d’autres puissances sont à l’affut. Pour bien anticiper ces crises et pour guetter les signaux, y compris faibles, il faut disposer d’un dispositif de veille. Comment Expertise France au sein de l’AFD va pouvoir se structurer pour être agile en cas de nouvelles crises ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Je pense qu’Expertise France, tout comme l’AFD d’ailleurs, déploie des personnels sur les territoires. Nous avons tous vu, au cours de nos déplacements, que l’AFD et Expertise France bénéficiaient d’une large présence à l’international. Normalement, cela doit conduire à une certaine agilité et à une certaine connaissance du terrain. Mais comme évoqué, les crises sont multiples et, y compris en France, il va falloir que l’on réfléchisse tous ensemble à des stratégies pour faire face aux nouvelles pandémies à venir. Pour avoir connu ce qui avait été fait sur la crise H1-N1, parce que j’avais alors participé à un certain nombre de commissions, je trouve qu’on a une grande capacité d’oubli. Quand les années passent, on passe à d’autres problématiques. C’était aussi le cas pour les attentats. Ce problème se concrétise à travers la problématique actuelle des masques : ce qui avait été pensé a été oublié, devenant ainsi un vrai problème pendant cette crise. Il faut non seulement anticiper, mais également mettre en place des dispositifs de rappels réguliers, c’est vrai pour nous comme c’est vrai pour l’Afrique et les pays que nous aidons sur le terrain. Je ne me souviens pas avoir évoqué ce sujet lors du dernier conseil d’administration de l’AFD, mais je reposerai cette question – et Fréderic Petit la posera également à Expertise France.

M. Hervé Berville. J’avais quelques questions très courtes. Premièrement, pourriez-vous nous préciser de nouveau si vous êtes favorable à un rapprochement de l’AFD et d’Expertise France – avec la possibilité de garder un statut juridique de type EPIC et non de passer en société anonyme ? Ou êtes-vous plutôt favorable à une intégration – voire une absorption – d’Expertise France, qui deviendrait alors une filiale satellite de l’AFD avec peu d’autonomie ? Quel degré de rapprochement préconisez-vous ? Je pense que, comme l’a dit Michel Herbillon, la question de l’autonomie stratégique – et la capacité de faire en dépit de la dépendance financière qui sera de plus en plus forte – est l’élément essentiel.

Nous devrons l’aborder lors de la discussion du futur projet de loi – j’espère qu’il arrivera cette année – car c’est une question essentielle pour garantir notre capacité à déployer une politique de développement cohérente, lisible et surtout redevable. S’agissant de la question de l’identité, vous évoquez dans le rapport la question de l’Allemagne. C’est intéressant parce que le modèle de la Deutsche Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit (GiZ) est différent. Si parfois l’on entend qu’il faut faire une GiZ à la française, ce n’est pas totalement le cas parce, que la GiZ est totalement indépendante de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW). Et justement, sur le terrain, on voit bien que la GiZ se construit parfois en concurrence avec la KfW. L’identité de la GIZ est très forte, justement parce qu’elle dispose d’une pleine autonomie et d’une capacité d’intervention stratégique très forte. Comment voyez-vous la comparaison avec la GiZ allemande ? Peut-être faisons-nous fausse route ? À l’aune de l’exemple allemand, faut-il préserver cette autonomie si l’on veut avoir une expertise puissante, indépendante et reconnue, et si oui, comment ?

Dernier point, je vous remercie d’avoir relevé la question de l’évaluation et la question de la redevabilité. C’est éminemment important et insuffisamment abordé dans ce COM. Il faut être en capacité de rentrer dans l’ère de la redevabilité – ce qui se fera avec la création d’une commission indépendante d’évaluation. Comment voyez-vous la question de l’évaluation et la question de la redevabilité pour qu’elles soient vraiment au cœur du projet stratégique ? Comment en faire un outil de politique publique afin d’informer le citoyen sur l’impact des crédits affectés à l’expertise ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Avant de redonner la parole à Bérengère Poletti, j’aimerais revenir vers Hervé Berville. Comme vous êtes le rapporteur de ce texte qui, je l’espère comme vous, va aboutir, je serais très intéressée d’avoir votre sentiment sur la garantie d’indépendance et d’autonomie de la capacité d’expertise de la France. D’un coté, nous avons la volonté de renforcer notre politique publique en matière de développement, de la rendre plus lisible, plus efficace, plus pertinente. De mieux évaluer, de mieux contrôler, et au fond avec un pilotage politique et une vraie hiérarchie. Cela implique peut-être de rassembler tous les acteurs. Et de l’autre côté, il y a ce besoin de préserver les outils qui sont déjà à notre disposition, qui sont des outils de qualité, je pense, en particulier, à la capacité d’expertise de la France. Comment voyez-vous l’évolution idéale de cette structure ?

M. Hervé Berville. Pour moi, il y a au moins trois sujets et c’est pour cela qu’il faut un débat parlementaire, afin d’aller au cœur de la question.

Premièrement, la question financière. Nous avions un groupe qui était dans une situation financière très compliquée. Le rapprocher de l’AFD – un groupe avec une ossature forte et puissante –, dans les objectifs comme dans la stratégie, fait beaucoup de sens. C’est intelligent. Mais il faut poser comme principe de base le fait que les orientations et les objectifs stratégiques d’Expertise France ne doivent pas se confondre pas avec ceux de l’AFD. Dans notre débat, nous parlons parfois d’Expertise France comme s’il s’agissait d’un outil qui présenterait le même rayonnement en termes de périmètre, d’objectifs et de secteur que l’AFD. En réalité, ce n’est pas le cas et de nombreux secteurs – comme les questions militaires et de sécurité civile par exemple – dans lesquels Expertise France intervient doivent être non seulement préservés, mais également renforcés. Les questions de coopération internationale ne se confondent pas nécessairement avec les questions d’aide au développement. Les questions de coopération internationale vont au-delà – notamment avec des pays qui ne sont pas forcément en voie de développement. L’outil Expertise France, parce qu’il regroupe l’expertise de plusieurs ministères et notamment dans le domaine de la santé, doit être préservé. Oui, il faut ce rapprochement, mais il faut également étendre la capacité d’Expertise France à rayonner dans d’autres régions dans lesquelles l’AFD n’est pas présente, et d’approfondir d’autres secteurs qui ne constituent pas le cœur de métier de l’AFD car ce sont des secteurs où l’aide publique au développement ne peut pas intervenir.

Cela pose la deuxième question, qui est celle du modèle juridique retenu. Je ne suis pas expert du sujet. Ce qui me paraît essentiel dans la question de la gouvernance – et cela la relie à la question de la présence des parlementaires – est que l’État puisse disposer de la main finale sur la stratégie, parce que ce que fait Expertise France va au-delà de l’aide publique au développement. Que ce soit au niveau de la gouvernance ou du statut juridique, il faut que l’État – et donc le politique – garde la capacité d’orienter, de prendre les grandes décisions et d’arrêter les projets qui ne vont pas dans le bon sens. Je ne fais pas de procès d’intention et reste convaincu que l’AFD a des excellentes idées pour améliorer l’outil Expertise France. Mais, tout simplement, la stratégie de l’AFD pour Expertise France n’est pas forcément la même que celle de l’État et des parlementaires. La question de la gouvernance sera intéressante. Je comprends – mais encore une fois il faudra que l’on ait un débat de fond avec l’AFD, Expertise France, les ministères des finances et des affaires étrangères – que le statut d’une société anonyme n’était peut-être pas la meilleure option. La question de l’EPIC a été écartée pour ne pas aboutir au modèle de la SNCF, sauf que, à mon sens, on pouvait faire quelque chose de différent sans tomber dans cet écueil. Encore une fois, je ne suis pas un expert de ces questions et le statut juridique ne conditionne pas forcément l’indépendance et l’autonomie de l’outil Expertise France. Je pense que l’option concernant l’ouverture du capital pose une vraie question et il faut une réponse sur ce sujet.

Troisième point, notre stratégie D’abord, je reste tout de même convaincu qu’avoir l’outil le plus autonome possible est le moyen le plus efficace pour continuer à aller chercher des fonds au niveau européen. L’histoire nous a montré que c’est cette indépendance-là qui a permis d’aller chercher des subventions européennes et d’avoir, en conséquence, la capacité de monter des projets imaginatifs et créatifs. C’est la première chose qui me paraît essentielle. Ensuite, il est vrai que le modèle allemand réussit parce qu’il offre une capacité de dialogue avec les gouvernements locaux qui est indépendante. Les Allemands parviennent à placer leur expertise et leur savoir-faire car ils ne se trouvent pas sous la « tutelle » ou l’intégration d’un grand groupe comme la KfW. De ce qu’on peut lire et entendre, c’est cette autonomie qui permet d’aller chercher des marchés. Je pense qu’il faut vraiment un débat de fond sur cette question-là. Je pose l’autonomie stratégique de l’opérateur comme principe de l’efficacité du dispositif français et de la capacité à répondre à l’objectif, défini par le Président de la République, le ministre des affaires étrangères et notre commission, de placer le plus d’expertise française dans les secteurs qui ont été définis par Expertise France. Celle-ci ne doit pas simplement être une force d’appoint pour les projets développés par l’AFD. Je ne dis pas que c’est ce qui va arriver, mais notre rôle est de faire en sorte que cela n’arrive pas. Il faut poser les bonnes questions au bon moment. Quand on regarde les exemples qui fonctionnent, l’exemple allemand n’est pas celui que l’on est en train de développer aujourd’hui en France.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Il était important que l’on ait cet échange sur le fond. J’ai le sentiment que l’on peut converger vers une position commune, que l’on peut, par exemple, imaginer ce rapprochement avec l’AFD tout en préservant la capacité d’Expertise France à faire fructifier son autonomie et à travers celle-ci l’apport, la plus-value, la valeur ajoutée de l’expertise de la France ; c’est une valeur ajoutée pour la France.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. J’étais tout à fait favorable à ce rapprochement car je suis bien au fait des phénomènes de concurrence qui pouvaient exister entre opérateurs. Mais, dans la pratique, il faudra regarder attentivement la manière dont cela se passe, la manière dont l’AFD sera très présente tant sur le plan humain – le directeur de l’AFD va présider le conseil d’administration d’Expertise France – que sur le plan financier. D’ores et déjà, lorsque l’on demande à Expertise France comment elle va gérer son bilan d’évaluation, l’agence répond qu’elle va suivre le modèle de l’AFD. C’est la même chose concernant les objectifs et les valeurs mis en avant. J’ai ressenti cela de manière assez forte lors de l’audition de Jérémie Pellet. J’ai eu la sensation que l’identité d’Expertise France se dissolvait en quelque sorte dans ce que faisait l’AFD. Je me trompe peut-être, il se peut qu’Expertise France garde son autonomie mais c’est comme cela que je l’ai ressenti. Je suis donc favorable à un rapprochement, mais sous forme plutôt EPIC. L’aide publique française souffre d’une certaine opacité, que ce soit à l’égard du Parlement ou des Français eux-mêmes. C’est une politique publique complexe. Je ne prendrai que l’exemple de Proparco, qui est une filiale de l’AFD, et dont on connaît mal l’action. Je ne souhaite pas que cela se reproduise avec Expertise France car je pense que le domaine de l’expertise doit être intimement lié à l’identité du pays et à sa stratégie. Les Allemands très tôt ont compris cela et ont su développer leur secteur de l’expertise. Ils ont donné énormément de moyens à l’aide au développement à travers l’expertise. C’est ce qui fait leur différence. Toutes les questions que nous nous posons sur l’indépendance juridique d’Expertise France seraient moins prégnantes si la pleine transparence était établie et si notre capacité de contrôle était plus importante. À propos d’évaluation, j’ai été personnellement séduite par le système anglais. Ce système est complétement indépendant et fonctionne avec le Parlement. C’est cette articulation qui rend les choses transparentes, il y a moins de méfiance et de crainte, ce qui n’est pas encore le cas pour l’aide publique au développement en France. J’attends du futur projet des lois des avancées sur ce plan. Je ne suis pas sûre que l’on atteigne nos objectifs en adossant la commission d’évaluation à la Cour des comptes. Je préfère le système anglais. Quand on a la capacité de bien pouvoir analyser les choses, il est possible d’avoir une influence réelle, comme nous l’avons fait récemment en faveur de l’Institut Pasteur à Madagascar. Le but est bien d’insuffler nos idées dans les politiques publiques. C’est là le vrai défi et cela ne pourra pas se faire si on continue à fonctionner de manière opaque.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je vous rejoins complétement et je pense que le temps que nous avons avant le dépôt du projet de loi pourrait être mis à profit pour réfléchir à la manière de modifier ce projet pour poser des garde-fous. Je suis entièrement d’accord avec vous sur le système d’évaluation britannique. Les évaluations extérieures et donc indépendantes qui sont ensuite transmises au Parlement constituent l’avenir de l’évaluation, c’est une évidence. Si on peut pousser ces idées en France qui y ont l’air très originales, très nouvelles, ce serait un grand pas pour l’aide publique au développement et je suis convaincue que les Français s’y retrouveront mieux. Je suis obnubilée par cette question de l’appropriation de l’aide publique par le peuple, par les citoyens. C’est le cas au Royaume-Uni et cela ne l’est pas en France. Je partage cette ambition.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je ne connais pas bien ces questions mais je voudrais émettre un propos d’observateur naïf. En vous écoutant, j’ai quand même l’impression que l’on poursuit des objectifs qui me semblent un peu contradictoires. Si l’on veut réellement assurer une indépendance à l’expertise française, il ne faut pas la lier à l’AFD. Certes, d’un côté, on renforce la capacité intellectuelle de l’AFD, mais, de l’autre, on ne garantit plus l’indépendance de notre expertise. Il faut y réfléchir.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous avons depuis le début nouer une coopération avec le ministère des affaires étrangères et le ministre en particulier sur la préparation du projet de loi. Nous avons pu coécrire un certain nombre d’objectifs. Cette question du rapprochement des structures est une question que nous n’avons pas, pour notre part, portée, mais qui est présente dans l’avant-projet de loi.

M. Frédéric Petit. Je suis tout à fait d’accord avec la manière dont Hervé Berville a présenté la question et avec celle dont Bérengère Poletti a répondu. Ce qui est important, c’est le rapprochement. On est d’accord là-dessus. Aujourd’hui, il existe des pertes d’efficacité qui sont stupides. A été organisée une espèce de concurrence qui est assez française et c’est vers le rapprochement qu’il faut tendre. Je crois qu’il y a des activités qui sont réalisées par Expertise France, mais qui n’entrent pas aujourd’hui dans le champ de l’AFD. Expertise France ne « lâchera » jamais ces activités parce que, dans le cas contraire, elle perdrait sa raison d’être. Je pense à la recherche de financements européens, à la promotion de l’expertise de nos collectivités territoriales qui est faite, qui est bien faite. Je crois qu’il y a aujourd’hui, au sein du conseil d’administration, trois représentants des collectivités territoriales. Celles-ci ont besoin, dans leurs jumelages, de travailler, d’influer sur l’expertise française à l’international.

Je suis aussi tout à fait d’accord avec Hervé Berville sur la comparaison avec l’Allemagne. Je connais bien ce pays. Les questions que nous sommes en train de poser, ce ne sont pas des questions qu’il faut poser à Expertise France, et je trouve que Bérengère Poletti l’a très bien expliqué ; il faut les poser à l’AFD. S’il n’y a pas transparence, c’est parce que l’AFD n’est pas transparente. Parfois, l’AFD oublie de recourir aux ressources françaises. La grosse différence avec la GiZ se trouve là. La GiZ discute directement avec les gouvernements, parce que, derrière elle, elle a le soutien de l’industrie allemande, elle a le soutien des entreprises allemandes. L’AFD, cela lui est arrivé, a pu financer des entreprises chinoises. Donc, c’est plutôt la cohérence de l’action nationale de l’AFD que nous devons questionner beaucoup plus qu’Expertise France. Si l’intégration d’Expertise France dans le groupe AFD se déroulait mal, l’expertise française en mourrait. Mais je suis optimiste. La culture d’Expertise France est solide. En revanche, je suis tout à fait d’accord avec Bérengère Poletti. Lors de l’examen du projet de loi, il faudra qu’on soit extrêmement précis sur la façon dont on va contrôler l’AFD, elle et ses satellites. Il faut plutôt poser la question : comment on contrôlera demain Proparco ? plutôt que d’hésiter à rapprocher des acteurs qu’il faut rapprocher sous peine de dispersion de notre action.

M. Michel Herbillon. Je trouve que nous avons un débat très intéressant. Évidemment, j’ai écouté avec beaucoup d’attention ce qu’a dit Hervé Berville et ce qu’a dit Bérengère Poletti. Au terme de ce débat, je ne vous cache pas ma perplexité qui est plus grande après le débat qu’au début. Disons que je me rendais au débat avec des idées simples. On parle de notions très différentes. Premièrement, on est d’accord sur le fait c’est plutôt une bonne chose de rapprocher des organismes et de lutter contre la propension française à se disperser. C’est plutôt une bonne chose qu’il n’y ait pas de concurrence entre les deux agences. En même temps, il faut qu’il y ait moins d’opacité dans l’aide au développement. Il faut qu’il y ait davantage de transparence et plus de lisibilité. On est d’accord sur un autre point, cela a été exprimé par Hervé Berville, par Bérengère Poletti et par tous, nous voulons préserver l’autonomie de l’expertise française. D’ailleurs, les mots ont un sens. L’aide au développement et l’expertise française, ce ne sont pas les mêmes mots et ce n’est pas la même chose. Je crains vraiment que finalement on crée plus de confusion. Je ne suis pas en train de dire que ce n’est pas une bonne chose de rapprocher les deux opérateurs. Mais je voudrais vraiment que l’on travaille sur ce qu’on doit mettre en place pour préserver l’autonomie de notre expertise technique, même à l’intérieur d’un organisme commun. Cela passe peut-être par des moyens juridiques, fonctionnels, organisationnels et cela ne peut pas être résolu uniquement par le fait que les directeurs généraux des deux agences s’entendent bien. Ce n’est pas le sujet. On peut imaginer aussi que demain, ce ne soit plus les mêmes hommes qui soient aux commandes et qu’Expertise France soit purement et simplement absorbée par l’AFD. C’est une crainte.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je veux simplement, pour la clarté de notre débat, vous rappeler que le COM ne fige pas ces questions. Dans un horizon proche, ces questions-là, qui sont les vraies questions de fond, nous devrons les aborder à nouveau ensemble à l’occasion de l’examen du projet de loi.

M. Hervé Berville. Cela fait le lien avec la conclusion de Michel Herbillon qui est la bonne conclusion : quels sont les moyens qu’on se donne pour atteindre les objectifs que l’on vient collectivement de définir ? C’est la question d’abord de la gouvernance, la question d’un plancher et d’un plafond. Le Gouvernement, au début, pour faire travailler les deux maisons ensemble, a fixé un objectif de 25 %, si je ne m’abuse, de projets en commun. Il ne faut pas, en tout état de cause, instituer une dépendance financière totale, que ce soit à l’égard de l’Union européenne, de l’AFD, ou de tout autre acteur. Est-ce qu’on ne peut pas prévoir une commande d’État plancher qui soit solide et forte que nous, nous pourrions être en capacité de garantir, pour justement qu’il n’y ait pas cette absorption de l’énergie, du temps et des projets sur des sujets qui sont alignés avec les objectifs de l’AFD ? Je dis cela, c’est peut-être totalement impossible, mais les questions de plancher, de plafond, d’objectifs communs, sont importantes.

Pour rebondir sur ce que disait Michel Herbillon, se pose la question de la gouvernance bien évidemment : qui donne la lettre de mission à Expertise France ? Est-ce que ce sont les ministres ou est-ce le directeur de l’AFD ? À quel moment le cadrage politique est donné, par qui, comment ? Par ailleurs, comment vont évoluer les COM ? La question de la nomination du directeur général, la question de désignation du président du conseil d’administration, ce sont des questions de forme mais aussi de fond qui vont avoir une influence sur la capacité d’Expertise France à agir.

Et puis, pour rebondir sur ce que disait Jean-Louis Bourlanges – comme d’habitude, il pose les bonnes questions –, quels sont les objectifs qu’on s’assigne à ces agences ? Je ne sais pas s’ils sont contradictoires mais en tout cas ils sont multiples et divers, comme beaucoup d’objectifs des politiques publiques. C’est bien, parce qu’on a de l’ambition, nous sommes français. Mais parfois la temporalité de leur mise en œuvre n’est pas la même. Nous avons voulu le rapprochement des opérateurs pour donner au groupe AFD une taille critique. Rappelez-vous, il y a cinq, dix ans, ont déjà été fusionnés différents petits acteurs éparpillés. Il fallait doter la France d’une agence de coopération technique avec une taille suffisamment critique pour peser au sein de l’Union européenne. Maintenant, il faut la rapprocher d’un grand groupe pour lui donner une taille suffisamment critique au niveau international. La question qu’on se pose est : est-ce que rattacher un acteur moyen à un gros acteur va permettre de lui donner une taille suffisamment critique ? C’est la question qui se pose.

Je suis tout à fait d’accord avec Frédéric Petit sur le fait que des éléments d’Expertise France ne sont pas intégrables dans l’AFD par construction, par le fait de normes définies d’ailleurs par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La question – je n’ai pas la réponse parce que c’est le futur qui nous le dira – est la suivante : est-ce que ces éléments non intégrables dans l’AFD vont petit à petit « se décalcifier », disparaître, parce que, encore une fois, toute l’énergie, tout le temps seront dépensés à opérer l’alignement avec les objectifs de l’AFD et des projets d’aide au développement. Ou alors, est-ce que, à l’inverse, les objectifs qui n’étaient pas intégrables ou solubles dans l’AFD peuvent le devenir, en faisant en sorte que l’AFD soit en capacité d’agir dans des domaines qui lui étaient interdits pour l’instant et faire de cette agence non pas simplement une agence de développement mais, de manière plus large, une banque de financement de la coopération extérieure de la France. Pour moi, l’élément essentiel qu’il faut pas qu’on perde de vue en tout cas, c’est l’objectif qui a été assigné par le Président de la République, par les différents ministres : dans Expertise France, il y a des éléments qui sont majeurs pour la stratégie française de coopération internationale. Je ne parle pas d’aide au développement, mais de coopération internationale. Les questions de paix, de stabilité, de sécurité, de lutte contre la criminalité organisée ne doivent pas être perdues de vue. On ne doit pas simplement les préserver, on doit les traiter de manière beaucoup plus puissante grâce à Expertise France.

M. Jean-Louis Bourlanges. Michel Herbillon et Hervé Berville ont reposé le problème que je pose. Je voudrais simplement poser la question à chacun d’entre nous, notamment à Bérengère Poletti. Est-ce que, par essence, la fonction d’expertise, qui est une fonction qui suppose l’indépendance, n’est pas en tension avec la mission d’un opérateur qui est d’intervenir ? Est-ce que, en vérité, le rattachement d’une fonction d’expertise à un opérateur ne conduit pas nécessairement dans l’opinion du public, des clients potentiels, à faire de cette expertise un faux-nez de de l’opérateur ? Je crois qu’il y a là, en termes de communication et d’image, quelque chose qui est très difficile à combattre. Il faut évidemment combattre par des moyens statutaires, etc., mais je crois qu’il y a vraiment une contradiction de principe.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je rappelle que le COM ne prévoit pas les modalités du rapprochement. Il se situe dans la perspective du rapprochement, mais n’en énonce pas les moyens.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. C’est exact. D’ores et déjà, les deux structures fonctionnent de manière rapprochée. Le numéro deux de l’AFD est devenu directeur général d’Expertise France et c’est la même présidente qui préside le conseil d’administration de l’AFD et celui d’Expertise France. On se trouve donc déjà, avant même le projet de loi, dans une forme, non pas de confusion, mais de dissolution. Dans le COM, un certain nombre d’articles prennent en compte les priorités qui ont été définies par l’AFD, ce que je peux comprendre. C’est pour cette raison que, pour préserver un peu plus l’autonomie d’Expertise France, il vaut mieux conserver son statut EPIC que d’aller vers une société anonyme à capitaux publics. Cela faciliterait le contrôle du Parlement, sa présence. Je pense qu’on aurait plus d’impact sur Expertise France et qu’Expertise France serait plus autonome de cette manière-là. Je me trompe peut-être mais, comme je disais tout à l’heure, pour moi, le problème principal c’est quand même l’opacité générale. Il me semble qu’on devrait plus se poser des questions de fond et de politique. Comment la politique d’Expertise France doit se développer, dans quel territoire, sur quel sujet ? Comme le disait Mme la présidente, tout à l’heure, si on veut que nos compatriotes s’approprient ces politiques, il faut que nous-mêmes nous nous les approprions.

Est-ce que par construction, comme le disait Jean-Louis Bourlanges, le rattachement conduit à faire d’Expertise France un faux-nez de l’AFD ? Je pense que, vraiment et sincèrement, il n’y a pas d’aide au développement sans expertise et que l’expertise mène à l’aide au développement. Je me souviens, quand nous sommes allés au Niger avec Rodrigue Kokouendo, qu’on nous avait expliqué qu’il y avait un grand projet qui devait être financé par l’AFD, qui mobilisait des millions d’euros sur le Sahel, sur un barrage si je me souviens bien, mais que ce projet n’avançait pas, parce qu’il n’y avait pas de compétence administrative dans le pays pour faire avancer ces projets. Je trouve que c’est typiquement le genre de dossier où l’on voit bien que si on n’apporte pas de l’expertise, en l’occurrence administrative – pour aider à faire des appels d’offre, à monter des projets, à mobiliser des crédits –, on ne peut pas faire avancer d’autres projets qui sont importants. Il y a donc vraiment besoin de cette ossature administrative et cela justifie de rapprocher les deux agences. Si on avait commencé, comme les Allemands, par avoir une expertise très importante, on ne se poserait pas cette question-là. L’expertise continuerait à vivre et à grandir. Là, on se pose cette question-là effectivement, parce que il y a des complémentarités indispensables qui ne se font pas actuellement, et pire, il y a des concurrences qui empêchent les projets d’aboutir. Je suis favorable à ce rapprochement et comme Hervé Berville le dit, il y a un vrai sujet de gouvernance. Mardi dernier, quand nous avons auditionné le directeur d’Expertise France, un député a demandé que le Parlement valide la nomination du directeur d’Expertise France, comme pour l’AFD. Si j’ai bien compris, le directeur d’Expertise France, est proposé au Gouvernement par le directeur de l’AFD, sans passer par le Parlement. On lui adjoint le directeur de l’AFD comme président du conseil d’administration. Effectivement, sur les sujets de gouvernance, il y a sûrement des problématiques à soulever, mais, au-delà des sujets techniques qu’on ne maîtrise pas forcément toujours, la forme juridique notamment, il y a un problème humain. Je pense qu’il faut que l’expertise reste indépendante politiquement et financièrement. Même s’il y a des aides de l’AFD, Expertise France doit rester indépendante.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Si on essaye de résumer, on peut dire que grosso modo l’AFD a besoin d’un certain nombre de réformes et d’améliorations et que le développement français a besoin de davantage d’expertise. On est tous d’accord là-dessus. En même temps, l’expertise de la France ne peut pas se résumer à l’aide publique au développement. Il va falloir trouver dans le futur projet de loi un modus vivendi qui devrait rendre cela possible. Peut-être cela passera, au contraire de ce qui est prévu aujourd’hui dans la loi, par un conseil d’administration d’Expertise France avec plus de personnalités indépendantes et fortes pour garantir une forme d’autonomie. Cela peut être une des pistes dans la gouvernance qu’on pourra porter. Cela justifie d’autant plus la création de ce groupe de travail co-animé par Bérengère Poletti et par Hervé Berville, ayant pour mission non seulement de regarder les évolutions, les adaptations de notre aide au développement à la crise et à la pandémie que nous traversons, mais aussi de repréciser des orientations dans le futur projet de loi. Je propose que tous les parlementaires – beaucoup sont déjà membres de ce groupe de travail –, qui aujourd’hui ont participé au débat et souhaitent continuer de s’intéresser à ces questions participent à ce groupe de travail et puis, le moment venu, le groupe de travail nous fera des préconisations, en particulier sur ce point extrêmement sensible : comment renforcer la capacité d’expertise de notre politique d’aide au développement et comment, en même temps, conserver cette force d’expertise de la France qui ne se résume pas uniquement à l’aide publique au développement ? Il va falloir trouver quelque chose de pertinent et en même temps de lisible et de simple avant le dépôt du projet de loi.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Je pense que cela pourrait être intéressant qu’au sein du groupe de travail on puisse auditionner un expert juridique qui nous explique vraiment les conséquences de tel ou tel choix de statut, y compris avec un regard extérieur. Il faudrait qu’il puisse nous expliquer, en fonction du choix qui est fait, quelles sont les conséquences pratiques, notamment en termes d’autonomie de la structure et d’indépendance.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. On perçoit bien le fait que la piste de la fusion n’est pas une piste qui nous agréerait. On voit bien qu’on a mis de côté un certain nombre de pistes aujourd’hui.

Nous allons procéder à l’adoption du rapport. Conformément à la décision prise par le bureau de l’Assemblée nationale du 5 mai, l’expression formelle des votes, qui nécessiterait une présence physique, ne vaut que pour les projets de nature législative. Ce serait par exemple le cas, il faudra qu’on se retrouve en présentiel, si demain nous étions saisis d’un projet de convention. Aujourd’hui, nous sommes saisis d’un projet d’avis et comme nous l’avons décidé en bureau de la commission des Affaires étrangères le 6 mai dernier, je vous propose que, s’il n’y a pas d’opinion contraire majoritaire, nous pouvons considérer que l’avis présenté par Bérengère Poletti est adopté et qu’il sera transmis au ministre. Je vous demande donc formellement s’il y a des oppositions… Il n’y a pas d’opposition. L’avis est donc adopté à l’unanimité.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Je pense que nous sommes au début d’une histoire importante qui va continuer à s’écrire dans les mois à venir, avec, j’espère, un projet de loi qui va assez rapidement être inscrit à notre ordre du jour et qui sera la suite logique de ces réflexions.


([1]) Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.

([2]) Assistance technique française.

([3]) Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Congo, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Libéria, Madagascar, Mali, Niger, République centrafricaine (RCA), République démocratique du Congo (RDC), Sénégal, Tchad, Togo.

([4]) Cameroun, Cote d’Ivoire, Guinée, Madagascar, Niger, RCA, Sénégal.