N° 3022

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 mai 2020.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur la stabilité du système bancaire européen

ET PRÉSENTÉ

par M. Christophe JERRETIE

Député

——

 

(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, viceprésidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M.  Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Damien ABAD, Patrice ANATO, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Fannette CHARVIER, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Coralie DUBOST, Françoise DUMAS, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Alexandre FRESCHI, Mmes Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Jérôme LAMBERT, Mmes Constance Le GRIP, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Claude LECLABART, Patrick LOISEAU, David LORION, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Mme Catherine OSSON, MM. Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, JeanPierre PONT, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, MM. Benoit SIMIAN, Éric STRAUMANN, Mme Michèle TABAROT.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Un cadre réglementaire et institutionnel entièrement repensé après la crise financière

A. Un règlement uniforme applicable aux banques de lensemble de lUnion européenne

1. Des exigences de fonds propres renforcées conformément aux standards internationaux

a. Les exigences de fonds propres

b. Les exigences de liquidité

c. La limitation de leffet de levier

d. Les « coussins » de fonds propres

2. Des outils destinés à limiter les conséquences des défaillances bancaires pour léconomie et les finances publiques

a. La préparation et la prévention

b. Lintervention précoce

c. La résolution

3. Une harmonisation de la protection des déposants européens

B. Une architecture institutionnelle propre à la zone euro

II. Lunion bancaire, une construction inachevée

A. Trois piliers à des stades davancement différents

1. Un mécanisme de surveillance unique opérationnel

2. Un mécanisme de résolution unique encore en construction

a. Une responsabilité partagée entre le Conseil de résolution unique et les autorités nationales

b. Des outils de prévention des crises renforcés, dont la mise en place se poursuit

c. Un Fonds de résolution unique en cours de constitution

d. Des outils de gestion des crises complexes et peu mis en œuvre jusquici

3. Une garantie des dépôts encore nationale

B. des banques plus résilientes

1. Des banques mieux capitalisées

a. Des ratios de solvabilité plus élevés

b. Une situation de liquidité satisfaisante

2. Une réduction des prêts non performants

C. Mais des fragilités persistantes

1. Le lien entre les banques et les États reste fort

2. Des taux de prêts non performants encore élevés dans certains pays

3. La stabilité des banques européennes au défi de leur compétitivité

a. Une rentabilité insuffisante

b. … qui résulte de contraintes externes…

i. La politique monétaire de la Banque centrale européenne

ii. Des contraintes réglementaires propres au secteur bancaire

c. … et de défis structurels à relever

i. Des coûts élevés

ii. La mutation numérique

iii. Une consolidation indispensable

III. Achever la construction de lUnion bancaire est un impératif

A. compléter les piliers incomplets

1. Adjoindre un filet de sécurité efficace au Fonds de résolution unique

2. Prévoir un mécanisme de fourniture de liquidités en urgence en cas de résolution dune banque

3. Sortir de lopposition stérile entre réduction et partage des risques pour mettre en place progressivement une garantie européenne des dépôts

B. Favoriser la circulation des capitaux dans lUnion européenne

1. Dénouer progressivement le lien entre les banques et les États

2. Lever les barrières à lintégration financière

3. Harmoniser les procédures nationales de liquidation

4. Poursuivre les travaux pour une union des marchés de capitaux

C. Renforcer la lutte contre le blanchiment

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur


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Avertissement

Le présent rapport, dont la présentation a dû être reportée conformément aux modalités d’organisation des travaux parlementaires pendant la crise sanitaire, a été rédigé avant le déclenchement de la crise du coronavirus, et a fortiori avant la crise économique particulièrement violente que nous abordons.

Il dresse un panorama de la situation du système bancaire européen avant la crise et na pas pour objet de se livrer à un pronostic sur les conséquences pour le système bancaire dune crise économique dont lampleur et la durée sont inconnues. Les banques pâtiront inévitablement des difficultés rencontrées par leurs clients et de la volatilité accrue des marchés financiers, mais elles sont mieux armées quil y a dix ans pour résister. Pour Andrea Enria, le président du conseil de surveillance prudentielle de la Banque centrale européenne (BCE), « lampleur de la détérioration de la qualité des actifs dépendra dans une large mesure de la profondeur et de la durée de la récession et, à lheure actuelle, un grand éventail de scénarios est encore possible » ([1]). Une augmentation des prêts non performants, par exemple, ne se manifestera pas avant la fin du deuxième ou troisième trimestre.

Quelques éléments peuvent être soulignés, qui distinguent la crise actuelle de la crise financière de 2008. Premièrement, comme les autorités de supervision bancaire l’ont souligné, les banques étaient bien plus solides lorsque la crise sest déclenchée quen 2008. Leurs ratios de fonds propres et leurs coussins de liquidité ont été sensiblement renforcés, tandis que leur levier et leur dépendance à l’égard des financements à court terme ont été réduits. Le ratio de fonds propres de catégorie 1 des banques de la zone euro était ainsi de 15,5 % en 2019 contre 8,8 % en 2008.

Deuxièmement, alors que les banques étaient à lorigine de la crise de 2008, elles ont aujourdhui un rôle crucial à jouer pour aider les entreprises à surmonter cette crise et contribuer à une reprise rapide lorsque les mesures de distanciation sociale seront levées. Cest pourquoi, outre le soutien à la liquidité apporté par la Banque centrale européenne, les autorités internationales, européennes et nationales ont accordé aux établissements bancaires un allègement temporaire des exigences prudentielles décrites dans le présent rapport, afin quelles puissent continuer de financer léconomie réelle. Elles ont également demandé aux banques de protéger leur capital en sabstenant de distribuer des dividendes et en repoussant les rachats dactions. Le comité de Bâle a prolongé dun an le délai de mise en œuvre des normes de Bâle III finalisées en 2017 et convenu de laisser aux banques une plus grande souplesse en ce qui concerne le régime de comptabilisation des pertes de crédit attendues, afin den limiter lincidence sur leurs fonds propres réglementaires. De son côté, avec le même souci de garantir des conditions favorables à la poursuite de lactivité de prêt, la Commission européenne a proposé le 28 avril dernier des modifications ciblées au règlement sur les exigences de fonds propres.

Au-delà des adaptations rendues nécessaires pour faire face à la crise actuelle, les enjeux identifiés par le rapporteur en matière de rentabilité, de numérisation, de consolidation, d’opérations transfrontières, ainsi que la nécessité d’achever l’union bancaire restent d’actualité. Comme le souligne Andrea Enria, « la crise en cours est un rappel à lordre : elle montre que des problèmes européens appellent des solutions européennes ».

 


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   Introduction

Mesdames, Messieurs,

Après les crises financières et de la dette souveraine qui ont frappé l’Union européenne (UE), et plus durement encore la zone euro, depuis 2008, l’encadrement du secteur financier de l’Union a été considérablement renforcé.

Cette action résolue a permis de préserver l’intégrité de la zone euro et de rétablir la confiance de nos concitoyens dans la solidité de leur système bancaire. Sous la pression de la crise, des transferts de compétences significatifs ont été consentis par les autorités nationales au profit d’autorités européennes aux compétences élargies, comme la Banque centrale européenne (BCE), ou créées de toutes pièces comme le Conseil de résolution unique (CRU).

La mise en œuvre des nouvelles règles communes, qui exigent des efforts importants de la part des banques et des autorités de résolution, se déroule progressivement depuis 2014 et devrait être achevée d’ici 2024.

Alors que le nouveau mécanisme de surveillance unique (MSU) est pleinement opérationnel, le mécanisme de résolution unique (MRU), dont l’objet est de prévenir et gérer les crises bancaires, est encore en cours de finalisation ; son application à des systèmes bancaires qui ont inégalement pu solder l’héritage de la crise n’est pas sans soulever quelques difficultés. Quant au troisième pilier de l’union bancaire, le système européen d’assurance des dépôts (SEAD), sa création reste bloquée depuis la proposition de règlement de la Commission européenne en 2015.

Si des progrès incontestables ont été réalisés pour renforcer la résilience du système bancaire européen et protéger les citoyens, comme clients et comme contribuables, il reste des étapes à franchir, d’autant plus difficiles que le sentiment d’urgence lié à la crise financière s’était estompé.

Achever l’union bancaire n’est pourtant pas une option, mais une nécessité pour éviter que, à nouveau, une crise bancaire se propage à l’économie réelle et aux finances publiques. Cela passe en particulier par l’entrée en vigueur du filet de sécurité pour le Fonds de résolution unique (FRU) et la mise en place du système européen d’assurance des dépôts.

D’une manière générale, une intégration financière plus poussée de la zone euro permettrait de renforcer la stabilité financière et le financement de l’économie par une meilleure circulation de l’épargne. Elle permettrait en outre d’adapter le modèle économique des banques au contexte difficile des taux d’intérêt bas et du défi de la numérisation des activités bancaires.


  1  

I.   Un cadre réglementaire et institutionnel entièrement repensé après la crise financière

La crise financière de 2007-2008, vite devenue une crise économique et une crise des finances publiques, a mis en lumière les lacunes de la réglementation bancaire.

La fragmentation de la supervision financière avait conduit à des différences de pratiques nationales qui ont permis à certaines banques de cacher leurs fragilités. Elle n’était plus adaptée à des activités de crédit de plus en plus transfrontalières.

La crise financière dans la zone euro a aussi montré les risques du lien entre les banques et les États et révélé au grand jour le risque systémique sous-jacent. Dans certains pays de la zone euro, la crise financière est devenue une crise souveraine, le coût du soutien aux banques ayant dégradé la capacité des États à se financer, par exemple en Irlande et en Espagne. À l’inverse, en Grèce ou, dans une moindre mesure, au Portugal, la faiblesse du souverain s’est transmise aux banques. La détérioration de la situation en Grèce a ensuite eu des conséquences directes à Chypre.

Pour préserver la stabilité financière et éviter une contraction du crédit, la plupart des gouvernements de la zone euro ont porté assistance aux établissements en difficulté. Sur la période de 2008 à 2014, le montant brut cumulé de l’assistance au secteur financier s’est élevé à 8 % du PIB de la zone euro, dont 3,3 % ont été recouvrés ([2]). Cette assistance a entraîné une dégradation du solde budgétaire et de la dette de la zone euro à hauteur respectivement de 1,8 % et de 4,8 % du PIB, avec des différences considérables d’un pays à l’autre. Elle a entraîné une hausse substantielle de la dette publique de quelque 20 % du PIB en Irlande, en Grèce, à Chypre et en Slovénie. Elle a également eu une forte incidence en Allemagne, en Autriche et au Portugal. En revanche, les dettes publiques italienne et en française ont été peu affectées par le soutien au secteur financier.

Depuis la déclaration du sommet de la zone euro du 29 juin 2012, superviseurs et régulateurs européens ont pris acte de la nécessité de revoir les règles en vigueur, s’engageant à « briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États » à travers la création d’une union bancaire.

Au cours des dix dernières années, l’Union et ses États membres ont déployé des efforts considérables pour réduire les risques dans le secteur bancaire. Une vaste panoplie de mesures ont été adoptées afin de renforcer la situation des banques en termes de solvabilité, d’endettement et de liquidité, d’améliorer leur surveillance et de promouvoir des politiques de résolution des défaillances bancaires qui imposent une implication du secteur privé, afin de protéger les contribuables.

Ces mesures se sont traduites en deux grands volets : un volet réglementaire sappliquant à toutes les banques de lUnion européenne et un volet institutionnel destiné, à travers la création de l’union bancaire, à renforcer l’intégration financière de la zone euro et à remonter au niveau européen la surveillance des banques les plus importantes, ainsi que la gestion de leurs crises éventuelles.

A.   Un règlement uniforme applicable aux banques de l’ensemble de l’Union européenne

Le « règlement uniforme » constitue le socle de l’union bancaire et de la réglementation du secteur financier dans l’Union européenne. Il établit les exigences de fonds propres pour les banques, encadre la prévention et la gestion de leurs défaillances et harmonise la protection des déposants.

Il consiste en divers actes juridiques auxquels tous les établissements financiers de l’UE doivent se conformer, dont les principaux sont :

– la directive 2013/36 sur les exigences de fond propres (CRD 4) ([3]), telle que modifiée par la directive 2019/878 du 20 mai 2019 (CRD 5) ([4]) ;

– le règlement 575/2013 sur les exigences de fonds propres (CRR) ([5]), tel que modifié par le règlement 2019/876 du 20 mai 2019 (CRR 2) ([6]) ;

– la directive 2014/59 relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRRD) ([7]), telle que modifiée par la directive 2019/879 du 20 mai 2019 (BRRD 2) ([8]) ;

– la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts (DGSD) ;

– la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010 ;

– la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE (DSP 2) ;

– le règlement (UE) 2017/2402 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu’un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées, et modifiant les directives 2009/65/CE, 2009/138/CE et 2011/61/UE et les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 648/2012.

Ce corpus très volumineux adopté depuis 2013 a déjà fait l’objet de plusieurs modifications importantes, dont les dernières, d’ampleur, résultent du « paquet bancaire » adopté en 2019 ([9]) .

Le paquet « réduction des risques »

Le paquet législatif visant à réduire les risques dans le secteur bancaire a été publié au Journal officiel de lUnion européenne le 7 juin 2019. Il comprend un volet portant sur la supervision et un volet portant sur la résolution, comprenant chacun un règlement et une directive :

– un règlement modifiant le règlement CRR en ce qui concerne le ratio de levier, le ratio de financement stable net, les exigences en matière de fonds propres et d’engagements éligibles, le risque de crédit de contrepartie, le risque de marché, les expositions sur contreparties centrales, les expositions sur organismes de placement collectif, les grands risques et les exigences de déclaration et de publication ;

– une directive modifiant la directive CRD 4 en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres ;

– un règlement modifiant le règlement relatif au MRU en ce qui concerne la capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d’investissement ;

– une directive modifiant la directive BRRD en ce qui concerne la capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.

Concernant la supervision, la révision du règlement CRR vise à répondre aux faiblesses observées lors de la crise financière. Le ratio de levier devient une norme contraignante en plus du ratio de solvabilité. Par ailleurs, deux nouvelles exigences sont ajoutées : le ratio de financement net stable (NSFR) destiné à limiter la dépendance aux financements de marché à court terme dans une optique de prévention des risques de liquidité ; une exigence de capacité minimale d’absorption des pertes (Total loss absorbing capacity, TLAC) applicable aux institutions systémiques, afin d’en faciliter si nécessaire la résolution par renflouement interne. La directive CRD 4 est amendée pour améliorer les outils de supervision dans différents domaines. Les pouvoirs de « pilier 2 » par lesquels les autorités de supervision peuvent fixer des exigences spécifiques en fonction du profil de risque de chaque établissement font l’objet de plusieurs adaptations, dont la distinction entre une exigence contraignante et une orientation. Des prescriptions relatives à la mesure et à la gestion du risque de taux d’intérêt sont introduites, de même que l’obligation pour les groupes bancaires de pays tiers d’établir une société holding intermédiaire dans l’UE lorsque leurs opérations y dépassent 40 milliards d’euros d’actifs. Enfin, une approche alternative du risque systémique est introduite, qui vise à reconnaître l’existence de l’union bancaire en écartant de la mesure des opérations transfrontières celles réalisées au sein des pays participant au mécanisme de supervision unique.

Concernant la résolution, le principal objet du paquet est d’amender les règles concernant l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (Minimum requirement for own funds and eligible liabilities, MREL) afin de permettre leur articulation avec les exigences liées au standard TLAC, similaire à la MREL par de nombreux aspects, et ne s’appliquant qu’aux institutions systémiques. Il introduit des exigences liées à la qualité des passifs éligibles à la MREL et à leur place dans la hiérarchie des créanciers ainsi que des exigences de MREL en interne (entre les filiales d’un groupe), similaires au standard TLAC. Pour les groupes de résolution dont les actifs excèdent 100 milliards d’euros, ainsi que pour d’autres établissements ou groupes identifiés comme susceptibles de poser un risque systémique, un montant et une qualité minimum d’exigences de MREL sont fixés à des niveaux légèrement inférieurs au standard TLAC. Les possibilités de dérogation aux exigences de MREL individuelles sont réservées aux filiales situées dans le même État membre que leur parent.

Source : Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

1.   Des exigences de fonds propres renforcées conformément aux standards internationaux

Les standards internationaux en matière de réglementation bancaire sont fixés par le Comité de Bâle, qui regroupe les gouverneurs des banques centrales et les chefs des autorités de supervision de vingt-huit juridictions, dont la France et l’Union européenne. Il est chargé de définir les règles prudentielles applicables aux banques.

Les standards qu’il établit ne sont pas juridiquement contraignants, mais ses membres ont un engagement moral de les mettre en œuvre dans leur dispositif législatif et réglementaire.

Les accords de Bâle, au cœur de la réglementation prudentielle

Les travaux du Comité de Bâle ont donné lieu à trois grandes séries d’accords, en réaction à des crises bancaires ou financières :

● Bâle 1 (1988) : création du ratio « Cooke », qui impose 8 % de fonds propres par rapport aux encours de crédits de la banque. En 1996, à la suite du scandale de la Barings, ce ratio est amendé pour prendre en compte les risques de marché et ouvre la possibilité d’utiliser les modèles internes pour calculer les fonds propres réglementaires sur ces risques.

● Bâle 2 (2004) : le cadre réglementaire fixé par la réforme Bâle 2 s’appuie sur trois piliers :

– pilier 1 : exigences minimales de fonds propres. Le ratio « Mac Donough » affine le ratio « Cooke » en imposant aux établissements de crédits de détenir un niveau minimum de fonds propres (8 %) davantage en adéquation avec l’ensemble des risques encourus. Des exigences supplémentaires sont introduites sur la composition des fonds propres : le ratio de solvabilité est scindé en deux : le ratio Tier 1 (minimum 4 % des risques) doit comporter du capital sans risque, le Tier 2 (minimum 4 % également) intègre des éléments de fonds propres complémentaires. Les méthodes de calcul du risque de crédit sont par ailleurs modifiées : il prend en compte à la fois le risque de défaut de la contrepartie et le taux de perte en cas de défaut. Ces paramètres peuvent être définis soit en recourant à une méthode standard, soit en recourant à une méthode interne propre à l’établissement (validée par le régulateur), soit en recourant à une méthode mixte ;

– pilier 2 : surveillance prudentielle individualisée. Les banques doivent mettre en place des processus internes de suivi et de calcul des risques et des besoins en fonds propres associés. Les superviseurs confrontent leur analyse du profil de risque de l’établissement avec celle de la banque et peuvent, en fonction de leurs conclusions, engager des actions, notamment exiger que la banque renforce ses fonds propres au-delà du ratio minimum ;

– pilier 3 : transparence et discipline de marché. Le pilier 3 vise à instaurer des règles de transparence financière en améliorant la communication d’informations sur les actifs, les risques et leur gestion.

● Bâle III (2010) : Compte tenu de l’ampleur et de la rapidité avec laquelle la crise financière s’est propagée à travers le monde, il est apparu essentiel que tous les pays renforcent la capacité de résistance de leur secteur bancaire. Les accords de Bâle III prévoient notamment un renforcement du niveau et de la qualité des fonds propres et une gestion accrue de leur risque de liquidité (cf. infra). La gamme des risques pris en compte est élargie.

● Finalisation de Bâle III (2017) : La réforme de 2017 vise à restaurer la crédibilité du calcul des actifs pondérés en fonction des risques et à améliorer la comparabilité des ratios des fonds propres des banques. Elle ajoute une exigence supplémentaire au regard du ratio de levier pour les plus grandes banques et révise le plancher de fonds propres (output floor) pour limiter les avantages que peut tirer en termes de fonds propres réglementaires une banque utilisant les modèles internes.

En conséquence de la crise financière de 2007-2008, les règles prudentielles ont été considérablement renforcées par les accords de Bâle 3, qui ont durci le ratio de solvabilité, inclus les risques de liquidité et introduit de nouveaux « coussins » systémique et contracyclique.

Principaux éléments des accords de Bâle III

 

2010

2017

Augmentation du niveau et de la qualité des fonds propres

Les banques doivent conserver davantage de fonds propres de qualité élevée afin de faire face à des pertes imprévues. Le ratio minimal de fonds propres Tier 1 passe de 4 % à 6 %, les trois quarts au moins devant être de la qualité la plus élevée (actions ordinaires et bénéfices non distribués). Les établissements bancaires d’importance systémique mondiale sont soumis à des exigences de fonds propres supplémentaire.

 

Extension de la couverture des risques

Les exigences de fonds propres au titre du risque de marché augmentent sensiblement. Elles sont calculées sur la base d’une période de 12 mois de tensions sur les marchés. Le risque d’ajustement de l’évaluation de crédit est désormais intégré dans le dispositif.

Les révisions des approches standards pour le calcul du risque de crédit, du risque de marché, du risque d’ajustement de l’évaluation de crédit et du risque opérationnel permettent une plus grande sensibilité au risque et une meilleure comparabilité. Les contraintes posées à l’usage des modèles internes visent à réduire la variabilité indésirable du calcul des actifs pondérés des risques (RWA) par les banques.

 

Un plancher (output floor) limite les avantages que les banques peuvent tirer de l’utilisation de modèles internes pour le calcul des exigences minimales de fonds propres.

Limitation du levier bancaire

Un ratio de levier limite l’accumulation de dette visant à financer les investissements et activités des banques (levier bancaire), réduisant le risque d’une spirale de désendettement en phase de retournement conjoncturel.

Les grandes banques d’importance systémique mondiale sont assujetties à des ratios de levier plus élevés.

Amélioration de la liquidité des banques

Le ratio de liquidité à court terme exige des banques qu’elles détiennent suffisamment d’actifs liquides pour couvrir leurs besoins pendant 30 jours en période de tensions. Le ratio de liquidité à long terme encourage les banques à assurer l’appariement des durations de leurs actifs et de leurs passifs.

 

Limitation de la procyclicité

En période de forte croissance économique, les banques affectent des bénéfices à la constitution de volants de fonds propres qu’elles pourront utiliser durant les périodes de tensions économiques.

 

Source : Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Finalisation de Bâle III, En bref, décembre 2017.

Les règles des accords de Bâle 3 conclus en 2010 ont été transposées au niveau européen par le règlement CRR et la directive CRD, modifiés par le paquet bancaire de 2019.

Le règlement sur les exigences de fonds propres (CRR) comprend des règles relatives aux exigences prudentielles générales concernant le capital, la liquidité et les risques de crédit pour les sociétés d’investissement et les établissements de crédit. La directive concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CRD) fixe les règles en matière de coussins de fonds propres, de rémunération des banquiers et de bonus, de supervision prudentielle et de gouvernance.

Les principales règles découlant de ces deux textes sont les suivantes :

a.   Les exigences de fonds propres

Le règlement CRR oblige les banques à provisionner suffisamment de fonds propres pour pouvoir couvrir les pertes inattendues et rester solvables en cas de crise. Les exigences de fonds propres sont exprimées en pourcentage des actifs pondérés en fonction du risque : les actifs plus sûrs doivent être couverts par moins de fonds propres, et les actifs plus risqués doivent être affectés d’une pondération plus élevée.

Les fonds propres des banques

Une banque dispose de deux sources de financement : les fonds propres et l’endettement. L’endettement comprend, entre autres, les dépôts des clients, les titres de créance émis et les emprunts contractés par la banque. Les fonds propres correspondent aux moyens mis à la disposition de la banque par ses actionnaires, ou d’autres investisseurs, ainsi qu’aux bénéfices qu’elle a réalisés et qui n’ont pas été distribués.

Les fonds propres agissent comme un coussin financier contre les pertes. Lorsque de nombreux emprunteurs se trouvent soudain dans l’incapacité de rembourser leur prêt ou lorsque la valeur de certains investissements de la banque se contracte, la banque subit des pertes et peut faire faillite si elle ne dispose pas de coussins de fonds propres. En revanche, si elle est dotée d’une assise en fonds propres solide, elle peut l’utiliser pour absorber les pertes, poursuivre ses activités et servir ses clients.

Les exigences de fonds propres d’une banque sont composées de trois grands éléments :

– des exigences minimales, aussi appelées exigences au titre du pilier 1, fixées à 8 % des actifs pondérés des risques de la banque (total des actifs multipliés par leurs différents facteurs de risque) ;

– des exigences supplémentaires, aussi appelées exigences au titre du pilier 2, fixées par les autorités de surveillance si elles considèrent que les risques d’une banque ne sont pas assez couverts par les exigences minimales ;

– des exigences de coussins de fonds propres que les banques peuvent utiliser à différentes fins (par exemple la conservation de fonds propres ou la lutte contre les risques systémiques, cycliques ou non cycliques).

 

Source : Banque centrale européenne.

Les fonds propres sont affectés de certains échelons en fonction de leur qualité et du risque. Les fonds propres de catégorie 1 constituent le noyau dur des fonds propres, qui permet à une banque de poursuivre ses activités et de rester solvable. Les fonds propres de catégorie 1 dont la qualité est supérieure sont appelés fonds propres de base de catégorie 1 (Core Tier 1, CET 1). Ils correspondent au capital social et aux primes d’émission associées, aux réserves, aux résultats non distribués et aux fonds bancaires pour risques bancaires généraux. Les fonds propres additionnels de catégorie 1 correspondent aux instruments de dette perpétuelle, dégagés de toute incitation ou obligation de remboursement.

Les fonds propres de catégorie 2 sont considérés comme des fonds propres complémentaires, qui permettent de rembourser les déposants et les créanciers de rang supérieur en cas d’insolvabilité d’une banque.

Le montant total des fonds propres (fonds propres de catégorie 1 + fonds propres de catégorie 2) que les banques et les entreprises dinvestissement doivent détenir est égal à au moins 8 % des actifs pondérés en fonction du risque. La part des fonds propres de catégorie 1 est fixée à 6 % et celle des fonds propres de base de catégorie 1 à 4,5 %.

Les États membres ont le droit d’exiger que les banques agréées au niveau national détiennent plus de fonds propres que ce qu’imposent les exigences de l’UE en la matière et ce, pendant une période (prorogeable) pouvant aller jusqu’à deux ans. Ils peuvent aussi imposer des exigences supplémentaires à certaines banques.

b.   Les exigences de liquidité 

Les établissements financiers doivent détenir suffisamment dactifs liquides pour couvrir les sorties nettes de trésorerie sur une période de 30 jours en situation de crise, afin de faire face à des difficultés de refinancement sur les marchés.

Le ratio de liquidité à court terme (liquidity coverage ratio, LCR), calculé en rapportant les encours d’actifs liquides de haute qualité aux sorties nettes de trésorerie pendant les 30 jours qui suivent la date d’arrêté du calcul du ratio, doit être supérieur à 100 %.

Le paquet bancaire de 2019 l’a complété par un ratio de financement stable net (net stable funding ratio, NSFR), dont le but est d’assurer à tout établissement financier un financement stable qui lui permette de poursuivre sainement ses activités pendant une période d’un an dans un scénario de tensions prolongées.

c.   La limitation de l’effet de levier

L’une des causes de la crise financière a été l’accumulation, dans le système bancaire, d’un effet de levier ([10]) excessif. Or, de nombreuses banques ont accumulé un effet de levier excessif tout en présentant des ratios de fonds propres fondés sur les risques solides. Au plus fort de la crise, le secteur bancaire a été contraint par le marché de réduire son effet de levier d’une façon qui a accentué les pressions baissières sur les prix des actifs. Ce processus de désendettement a encore amplifié les réactions en chaîne entre pertes, baisse des fonds propres des banques et contraction de l’offre de crédit.

Le ratio de levier constitue un filet de sécurité qui complète les exigences fondées sur le risque. Il vise à limiter les pratiques d’endettement dans le secteur bancaire et à prévenir ainsi les processus d’inversion du levier, dont les effets déstabilisateurs peuvent être dommageables au système financier et à l’économie.

Le ratio de levier, qui correspond aux fonds propres de catégorie 1 divisés par le total de lactif, doit être supérieur à 3 %.

d.   Les « coussins » de fonds propres

La directive CRD 4 a institué des exigences de fonds propres supplémentaires constituées de quatre « coussins », qui visent à prendre en compte le cycle économique ainsi que le risque macroéconomique ou systémique :

– un coussin de conservation des fonds propres, qui concerne tous les établissements, fixé à 2,5 % de l’exposition totale de la banque au risque ;

– un coussin de fonds propres contracyclique destiné à contrer les effets du cycle économique sur l’activité de prêt des banques. Il oblige les banques à disposer de fonds propres supplémentaires de catégorie 1 quand la croissance du crédit est forte. Quand le cycle économique reflue et que l’activité ralentit, ce coussin peut être libéré, ce qui permet à la banque de continuer à prêter à l’économie réelle. Ce coussin (entre 0 et 2,5 % des actifs pondérés du risque) est mis en place sur décision de l’autorité nationale compétente ([11]) ;

– un coussin pour les établissements dimportance systémique, qui vise à réduire le risque de faillite des grands établissements en renforçant leurs exigences de fonds propres. Il prend en compte le risque élevé que ces établissements font peser sur le système financier mondial et les conséquences que pourrait avoir leur défaillance. Il peut être fixé entre 1 et 3,5 % de l’exposition totale au risque pour les établissements d’importance systémique mondiale, et entre 0 et 2 % pour les autres établissements d’importance systémique ;

– un coussin pour le risque systémique destiné à atténuer les risques systémiques ou macroprudentiels non cycliques à long terme qui peuvent avoir de graves effets négatifs sur l’économie réelle. Les États membres peuvent appliquer des coussins pour le risque systémique compris entre 1 et 5 % des expositions concernées.

Schéma récApitulatif des principales exigences pesant sur les banques

2.   Des outils destinés à limiter les conséquences des défaillances bancaires pour l’économie et les finances publiques

La directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRRD) établit des instruments spécifiques dits de résolution visant à instaurer un processus de liquidation ordonnée des banques. Compte tenu des conséquences potentiellement très importantes de la mise en liquidation de ces dernières sur le système financier mondial, il convient de prévoir pour elles des règles spécifiques, distinctes des règles classiques de liquidation.

La directive BRRD a pour objectifs de réduire limpact des résolutions et des faillites bancaires sur la stabilité financière, de garantir que les actionnaires et les créanciers supportent effectivement les pertes, de protéger les déposants et de réduire le risque de mesures de sauvetage financées par les contribuables.

Elle accorde de nouveaux pouvoirs aux autorités de résolution et prévoit l’obligation de mettre en œuvre un mécanisme de renflouement interne depuis le 1er janvier 2016. Elle introduit en outre dans le corpus européen la définition de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL), qui vise à constituer un coussin de fonds propres et de dette utilisable dans la logique du renflouement interne.

La directive organise l’intervention des autorités nationales pour faire face aux crises bancaires à trois niveaux : la préparation et la prévention, l’intervention précoce, lorsque la banque est en difficulté ou ne se conforme pas à ses exigences de fonds propres, et la résolution, lorsque la banque cesse d’être viable.

a.   La préparation et la prévention

La préparation et la prévention reposent sur l’élaboration par toutes les banques de l’Union de leurs plans de redressement, qui doivent comporter les mesures que les banques prendraient si leur situation devait se détériorer gravement.

Parallèlement, les autorités nationales de résolution doivent établir des plans de résolution pour chaque banque. Ces plans prévoient les mesures que l’autorité de résolution envisage de prendre pour faire face à la défaillance de l’entité concernée, tout en assurant, dans la mesure du possible, le maintien des fonctions dites « critiques », c’est-à-dire les fonctions nécessaires à la continuité des opérations dont l’arrêt soudain aurait un impact négatif sur l’économie et la stabilité financière.

L’autorité de résolution doit également analyser la « résolvabilité » de ces entités, cest-à-dire leur capacité à faire lobjet dune mesure de résolution. Si elle estime qu’il existe des obstacles à l’application de telles mesures, elle peut demander à l’entité de prendre des mesures correctrices. Si celles-ci ne sont pas satisfaisantes, l’autorité de résolution peut lui enjoindre de prendre des mesures pouvant aller jusqu’à la réorganisation du groupe ou l’arrêt de certaines activités jugées trop risquées.

b.   L’intervention précoce

Les autorités nationales de résolution ont le pouvoir d’intervenir avant que la situation d’une banque ne se détériore de façon irréparable afin d’assurer la continuité des opérations essentielles de la banque et son redressement rapide. Elles peuvent exiger la mise en œuvre de réformes urgentes, imposer à la banque d’élaborer un plan de restructuration de sa dette avec ses créanciers et procéder à des changements au sein de la direction de la banque.

c.   La résolution

Si l’autorité de résolution estime que l’entité est défaillante ou susceptible de le devenir, qu’il n’existe pas de solution alternative de financement par le secteur privé (comme une recapitalisation) et qu’une mesure de résolution est nécessaire au regard de lintérêt général, l’entité concernée fait l’objet d’une procédure de résolution. L’autorité de résolution prend alors le contrôle de l’entité en résolution.

En règle générale, une banque doit être déclarée en situation de défaillance avérée ou prévisible lorsquelle a besoin dun soutien financier public extraordinaire pour préserver sa viabilité , sa liquidité ou sa solvabilité, et ce n’est que dans certains cas exceptionnels, prévus à l’article 32 de la directive BRRD, qu’une banque peut bénéficier d’un soutien public sans déclencher cette conclusion : recapitalisation préventive, garanties de l’État à l’appui des facilités de trésorerie accordées par les banques centrales, garanties de l’État pour des éléments de passif nouvellement émis. Ce soutien public doit avoir pour objet dempêcher ou de remédier à une perturbation grave de léconomie dun État membre et de préserver la stabilité financière et ne peut concerner que des établissements solvables. Il est soumis à approbation finale en vertu du cadre des aides d’État de l’Union. Il doit être pris à titre de précaution et à titre temporaire et être proportionné afin de remédier aux conséquences de la perturbation grave. Il ne peut pas être utilisé pour compenser des pertes que l’établissement a subies ou est susceptible de subir dans un proche avenir.

Dans le cadre d’une procédure de résolution, l’autorité de résolution dispose de quatre outils principaux, qu’elle peut décider d’appliquer conjointement ou séparément en fonction de la situation :

– l’instrument de cession des activités : l’autorité peut procéder au transfert des actions et autres titres de propriété ainsi que des biens, droits et obligations de l’entité soumise à une procédure de résolution à un acquéreur privé ;

– l’instrument de séparation des actifs : l’autorité peut créer une structure de gestion d’actifs (bad bank) à laquelle elle pourra transférer les biens, droits et obligations de mauvaise qualité de l’entité soumise à une procédure de résolution et qui ont vocation à être vendus ou liquidés ;

– l’établissement-relais : l’autorité peut transférer à cet établissement (good bank) les actions et autres titres de propriété ainsi que des biens, droits et obligations de l’entité soumise à une procédure de résolution et qui ont vocation à perdurer ;

– l’instrument de renflouement interne : il permet de faire contribuer les actionnaires et créanciers à l’absorption des pertes et, le cas échéant, à la recapitalisation de l’entité en résolution.

En complément, chaque État membre doit mettre sur pied un fonds de résolution ex ante financé par le secteur bancaire, qui pourra être mobilisé en cas de défaillance bancaire. Les contributions annuelles des banques sont basées sur leur passif et les risques qu’elles prennent. D’ici 2024, chaque fonds national de résolution devra avoir atteint au moins 1 % des dépôts couverts de l’ensemble des établissements. Pour les pays appartenant à l’union bancaire, les contributions perçues au niveau national sont progressivement transférées au Fonds de résolution unique (cf. infra) selon les modalités fixées par un accord intergouvernemental du 14 mai 2014.

Les fonds de résolution ont vocation à apporter un soutien temporaire aux banques dont les défaillances doivent être résolues (sous forme de prêts, de garanties, d’achats d’actifs ou de capitaux pour les banques relais), à indemniser les actionnaires ou les créanciers, mais seulement si les pertes qu’ils subissent à la suite du renflouement interne sont plus importantes que celles qu’ils auraient subies dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, à absorber des pertes ou recapitaliser une banque, dans des cas exceptionnels bien définis.

3.   Une harmonisation de la protection des déposants européens

L’un des objectifs de la création de l’union bancaire était d’améliorer les règles existantes de l’UE en matière de protection des déposants en cas de défaillance bancaire afin d’éviter les retraits massifs de dépôts bancaires lorsquune banque cesse dêtre viable. Cela est nécessaire pour garantir la stabilité financière globale du marché unique.

La directive du 16 avril 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts a procédé à une harmonisation et un renforcement de la protection des déposants dans l’ensemble de l’Union européenne.

Elle a réduit le délai de remboursement des déposants à sept jours d’ici 2024, amélioré leur information, réhaussé le plafond dindemnisation pour des dépôts exceptionnels temporaires (comme la vente d’un bien immobilier) et instauré des dispositifs de financement ex ante des systèmes de garantie des dépôts par le secteur bancaire, en fonction du profil de risque de la banque, à hauteur de 0,8 % des dépôts garantis dici 2024.

B.   Une architecture institutionnelle propre à la zone euro

Ce règlement uniforme s’appliquant dans l’ensemble de l’Union européenne est complété par un ensemble de textes spécifiques à la zone euro créant l’architecture de l’union bancaire et organisant des transferts de compétences importants de l’échelon national vers l’échelon européen.

L’union bancaire réunit les dix-neuf membres de la zone euro et peut être ouverte aux pays qui ne font pas partie de la zone euro mais qui décident d’y participer par une coopération rapprochée avec la Banque centrale européenne. Si, pour l’heure, le périmètre de l’union bancaire est celui de la zone euro, de nouveaux pays pourraient la rejoindre prochainement. La Bulgarie et la Croatie en ont d’ores et déjà fait la demande, et la réflexion reste ouverte au Danemark et en Suède.

L’union bancaire s’appuie actuellement sur deux piliers :

– le règlement du 15 octobre 2013 ([12]) a créé le mécanisme de surveillance unique (MSU, cf. infra), composé de la Banque centrale européenne et des autorités compétentes nationales ;

– le règlement du 15 juillet 2014 ([13]) a créé le mécanisme de résolution unique (MRU, cf. infra) afin de gérer les banques défaillantes via un Conseil de résolution unique et un Fonds de résolution unique financé par le secteur bancaire.

II.   L’union bancaire, une construction inachevée

En juin 2012, les dirigeants européens se sont mis d’accord pour travailler à la mise en place d’une union bancaire pour la zone euro.

Il s’agissait non seulement de renforcer la stabilité financière en cassant le lien entre les banques et les États, mais également de créer des mécanismes de stabilisation pour rendre la zone euro plus solide grâce à une intégration accrue du secteur bancaire européen et à une répartition des actifs diversifiée sur le plan géographique.

Dans lurgence de la crise, beaucoup déléments de lunion bancaire ont été mis en place dans des délais réduits au regard de la lenteur des processus de décision au sein de l’Union européenne. Cependant, les sujets les plus complexes ont été renvoyés à plus tard et peinent à progresser alors que la pression des événements s’est relâchée.

A.   Trois piliers à des stades d’avancement différents

Sur le socle du règlement uniforme, l’union bancaire a été conçue comme devant reposer sur trois piliers : un mécanisme de surveillance unique, un mécanisme de supervision unique et un système européen de garantie des dépôts.

Elle est aujourd’hui bancale, ces trois piliers étant à des stades d’avancement très différents.

1.   Un mécanisme de surveillance unique opérationnel

Opérationnel depuis novembre 2014, le mécanisme de surveillance unique a pour fonctions principales de surveiller le respect des exigences prudentielles par les établissements de crédit, de déceler les faiblesses à un stade précoce et de veiller à ce que des mesures soient prises pour remédier à ces faiblesses, afin d’éviter que la situation ne se transforme en une menace pour la stabilité financière globale.

La surveillance s’effectue à travers une architecture intégrée associant une autorité supranationale – la Banque centrale européenne – et les autorités nationales de surveillance.

La BCE est responsable du fonctionnement général du mécanisme de surveillance unique et assure la surveillance directe de toutes les banques « importantes » ([14]) de la zone euro. La surveillance prudentielle continue des banques importantes est conduite par des équipes de surveillance prudentielle conjointes comprenant des membres du personnel de la BCE et des autorités nationales de surveillance.

Au 1er avril 2020, la BCE supervisait directement 115 banques ([15]) détenant près de 82 % des actifs bancaires de la zone euro. Si le nombre d’établissements importants a diminué, les banques directement supervisées par la BCE deviennent globalement plus importantes et plus complexes avec la consolidation de groupes bancaires ou la relocalisation d’activités du Royaume‑Uni vers la zone euro. Ainsi, en 2019, la BCE a commencé à superviser directement les filiales d’UBS, de J.P. Morgan, de Morgan Stanley et de Goldman Sachs à la suite de la relocalisation de leurs activités dues au Brexit. Un nouveau groupe bancaire dirigé par Cassa Centrale Banca – Credito Cooperativo Italiano S.p.A, formé après l’introduction en Italie d’une loi sur la consolidation des banques coopératives, a été classé comme important, ses actifs dépassant 30 milliards d’euros. Inversement, cinq banques ont été retirées de la liste car devenues des succursales d’établissements importants. La BCE a cessé de superviser directement trois banques à la suite d’un amendement à la directive sur les exigences de fonds propres (CRD) excluant les banques de développement du domaine de compétence de la BCE en matière de surveillance.

Les banques « moins importantes », largement majoritaires en nombre détablissements, restent quant à elles soumises au contrôle des autorités nationales de surveillance prudentielle, qui collaborent étroitement avec la BCE. La BCE peut à tout moment décider de superviser directement l’une de ces banques afin d’assurer l’application systématique des normes élevées de supervision.

Selon l’avis général des personnes rencontrées par le rapporteur, et même si les banques critiquent les coûts de la supervision ou les imperfections des tests de résistance, le mécanisme de supervision unique a constitué une avancée majeure pour la supervision des grandes banques. Dans des délais extrêmement brefs, et alors que la situation des dix-neuf États participant était très hétérogène sur le plan de la surveillance prudentielle, la BCE est parvenue à se construire, depuis 2014, une réputation solide d’autorité de surveillance indépendante et rigoureuse. Aujourd’hui, quel que soit leur pays dorigine, deux banques importantes sont supervisées avec le même sérieux.

Le fait d’avoir coupé la proximité entre les grandes banques et les superviseurs constitue un important vecteur de crédibilité du système, alors que, dans certains pays, la qualité de la supervision était remise en cause. Luigi di Maio, ministre des affaires étrangères italien a ainsi déclaré, à propos de l’utilisation d’argent public pour le sauvetage de Banca Popolare di Bari : « Le problème demeure les erreurs de vigilance du système bancaire par Bankitalia. Où était-elle ces dernières années ? » ([16])

En fonction de la structure des systèmes bancaires nationaux, la part du système bancaire sous supervision directe de la BCE est plus ou moins grande, ce qui n’est pas sans incidence sur la position des différents États à l’égard de la coopération européenne au sein de l’union bancaire. Les chiffres publiés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en 2018 montrent par exemple que lessentiel du système bancaire français est sous supervision directe de la BCE, alors quune grande partie du système bancaire allemand reste sous supervision nationale.

En pourcentage du total de bilan, les établissements sous surveillance directe de la BCE représentent ainsi 87 % du système bancaire français, contre seulement 55 % du système bancaire allemand.

Part des établissements importants dans le système bancaire
de chaque pays en pourcentage du total de bilan

Source : ACPR, chiffres du marché de la banque 2018.

L’écart est encore plus grand si l’on prend en compte le nombre d’établissements : en prenant en compte les filiales, la France comprenait en 2018 223 établissements sous supervision de la BCE (66 %) et 115 sous supervision nationale. En Allemagne, le rapport est radicalement inversé : 71 établissements sont sous supervision directe et 1 462 (95 %) sous supervision nationale ! ([17]) De même, en Italie, où existent de nombreuses petites banques, plus de 85 % des établissements sont sous supervision nationale.

Malgré le rôle de coordination de la BCE, les cultures de supervision restent très différentes au sein de l’union bancaire. Il paraîtrait difficile de confier à la BCE la supervision de l’ensemble des banques, à la fois pour des raisons de moyens et pour des raisons politiques, l’Allemagne et l’Italie étant réticentes. Il est cependant nécessaire de rendre la supervision plus homogène dans les États membres. Il s’agit non seulement de renforcer l’efficacité de la supervision, mais également de lever un frein à une intégration plus poussée de l’union bancaire et à la mise en place d’une garantie européenne des dépôts.

C’est en effet a priori parmi les petites banques que se trouvent les plus fragiles, et donc les plus susceptibles de déclencher le recours à la garantie des dépôts. L’architecture de supervision actuelle n’est pas complètement satisfaisante puisque, pour les petites banques, l’essentiel du travail de supervision est effectué par les autorités nationales, ce qui est source de méfiance. Certains État du Nord craignent des dépenses disproportionnées du fonds de garantie des dépôts dans les États du Sud en raison du laxisme de leurs superviseurs.

2.   Un mécanisme de résolution unique encore en construction

Parallèlement au mécanisme de surveillance unique (MSU), le mécanisme de résolution unique (MRU) constitue le deuxième pilier de l’union bancaire. Il regroupe le Conseil de résolution unique et les autorités de résolution nationales.

Compte tenu du rôle essentiel des banques et de l’absence de régime de résolution efficace, les États ont par le passé souvent jugé nécessaire d’utiliser l’argent des contribuables pour rétablir la confiance dans le système bancaire et éviter des dommages systémiques plus importants.

L’objectif de la procédure de résolution prévue par les textes européens est de permettre la restructuration d’une banque par une autorité de résolution afin de sauvegarder l’intérêt public, y compris la continuité des fonctions critiques et la stabilité financière de la banque, à un coût minimal pour les contribuables.

La mesure de résolution n’est mise en œuvre que si l’intérêt public l’impose et si la liquidation de la banque dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité ne permet pas de réaliser dans la même mesure les objectifs de la résolution.

a.   Une responsabilité partagée entre le Conseil de résolution unique et les autorités nationales

Le Conseil de résolution unique est l’autorité de résolution compétente pour les banques sous supervision directe de la BCE, ainsi que pour les autres groupes transfrontaliers. Au 4 décembre 2019, cela représentait 128 banques.

Les autorités de résolution nationales (en France, l’ACPR) sont directement responsables de toutes les banques qui ne relèvent pas de la compétence du CRU. Cependant, le CRU peut décider, éventuellement à la demande de l’autorité nationale, d’exercer directement ses pouvoirs à l’égard d’une banque sous supervision nationale. De plus, si une action de résolution fait appel au Fonds de résolution unique, le CRU est responsable de l’adoption du programme de résolution relatif à cette banque.

Enfin, ce sont les autorités nationales qui sont chargées de mettre en œuvre les décisions de résolution prises par le CRU, ce qui peut être source de difficulté, dans la mesure où les règles de résolution ont été fixées par une directive ayant fait l’objet de transpositions différentes en droit national.

b.   Des outils de prévention des crises renforcés, dont la mise en place se poursuit

Dans le cadre des mesures de prévention de crise, les entités entrant dans le champ d’application du régime de résolution ont l’obligation d’élaborer, de mettre à jour et de transmettre chaque année à l’autorité compétente en matière de supervision bancaire un plan préventif de rétablissement. De son côté, l’autorité de résolution prépare et met à jour son propre plan d’action sous la forme d’un plan préventif de résolution concernant chacune des entités. Les plans de résolution sont complétés par des exigences minimales de fonds propres et dengagements éligibles (MREL) représentant les capacités d’absorption des pertes et de recapitalisation des établissements ou groupes concernés en cas de crise, fixées par les autorités de résolution. La MREL est une sécurité préalable construite quand la banque va bien pour organiser le renflouement interne applicable en cas de résolution. Son niveau est fixé au cas par cas par les autorités de résolution, mais il est de l’ordre du double des exigences de fonds propres.

La planification de la résolution pour les établissements de plus grande taille et plus complexes, ainsi que les dispositions relatives à la MREL, nécessitent une instauration progressive pour être pleinement mis en œuvre.

Selon le programme de travail du Conseil de résolution unique pour 2020, son objectif est d’adopter dans l’année des plans de résolution pour tous les groupes sous sa responsabilité et de recevoir les plans couvrant 90 % des établissements moins importants pour lesquels un plan de résolution est requis. Le CRU aurait par ailleurs pris 85 % des décisions de MREL lui incombant. Il devrait communiquer aux banques début 2021 de nouvelles décisions de MREL conformes au paquet bancaire de 2019.

À ce stade, le Conseil de résolution unique n’a formellement déclaré aucune banque pleinement « résolvable ». Dans l’ensemble, les banques se trouvent dans une phase de transition et, si certaines accusent encore des déficits en matière de MREL, elles paraissent en bonne voie de réaliser les objectifs dans les délais fixés par le CRU.

c.   Un Fonds de résolution unique en cours de constitution

Les textes européens prévoient des règles concernant la fourniture d’une aide financière extérieure aux banques soumises à une procédure de résolution. Afin de réduire le risque de mesures de sauvetage financées par les contribuables, il impose la création de dispositifs nationaux pour la résolution (cf. supra) et d’un Fonds de résolution unique (FRU) financés par l’ensemble des banques du marché. Les montants-cibles des dispositifs nationaux et du FRU sont d’au moins 1 % des dépôts couverts de l’ensemble des établissements adhérents d’ici 2024. Ils constitueraient la principale source d’aide financière extérieure pour les banques soumises à une procédure de résolution.

Le montant des fonds est constitué au fil du temps par les contributions du secteur bancaire collectées à l’échelle nationale. Pendant une période de transition de huit ans, le FRU comprend des compartiments nationaux, dont la part des ressources mobilisables pour financer la résolution d’établissements de crédit situés dans d’autres États participants augmente chaque année depuis 2016 et jusqu’en 2023, après quoi il sera totalement mutualisé.

Les ressources du FRU atteignaient 33 milliards d’euros en juillet 2019 et devraient être de l’ordre de 65 milliards d’euros en 2024. Celles du fonds de résolution français ([18]) devraient dépasser 60 millions d’euros à cette date.

Le FRU pourra intervenir pour financer lapplication effective des instruments de résolution. Ses objectifs peuvent être de garantir tout ou partie de l’actif ou du passif de l’entité en résolution, de ses filiales, de l’établissement-relais ou de la structure de gestion des actifs, de leur consentir des financements ou de leur fournir des contributions ; d’acquérir des éléments d’actif de l’entité en résolution ; ou encore de dédommager les actionnaires ou créanciers qui auraient subi des pertes plus importantes que celles qu’ils auraient subies lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité.

Il ne peut intervenir pour couvrir des pertes quen dernier recours, après quune contribution dau moins 8 % du total du passif, visant à absorber les pertes de lentité défaillante, a été acquittée par ses actionnaires et créanciers. En effet, l’article 15 du règlement MRU établit les principes généraux régissant la résolution, en vertu desquels les actionnaires de l’établissement soumis à la procédure de résolution sont les premiers à supporter les pertes puis les créanciers de l’établissement en fonction d’un ordre de priorité. Le montant de la contribution du FRU est limité à 5 % du total des passifs (fonds propres compris) de l’entité en résolution.

d.   Des outils de gestion des crises complexes et peu mis en œuvre jusqu’ici

Lorsque le CRU établit qu’une banque remplit les critères de résolution, il adopte un dispositif de résolution qui détermine quel outil de résolution (cf. supra) doit être appliqué et si le FRU doit être utilisé.

Procédure de résolution d’une banque

Source : Infographie du secrétariat général du Conseil de l’Union européenne, traduction commission des affaires européennes.

Comme le montre le schéma suivant, l’entrée en vigueur du dispositif de résolution peut, selon les cas, faire intervenir de nombreux acteurs, alors que la réussite de la résolution exige que les décisions soient prises dans des délais extrêmement brefs. Outre la BCE et le CRU, l’application du dispositif de résolution nécessite en effet l’approbation de la Commission et, en cas de désaccord entre la Commission et le CRU, une décision du Conseil de l’Union européenne. Encore faudra-t-il ajouter à cette liste le Mécanisme européen de stabilité, lorsque le filet de sécurité sera entré en vigueur (cf. infra).

Un dispositif faisant intervenir de nombreux acteurs

Infographies - Comment marche le mécanisme de résolution unique?

Source : Secrétariat général du Conseil de l’Union européenne.

Les dispositifs juridiques et financiers nécessaires à la bonne application du mécanisme de résolution se mettent en place, mais les auditions du rapporteur ont fait apparaître certaines difficultés, pour partie liées au contexte de crise dans lequel ce mécanisme est entré en vigueur, au 1er janvier 2016.

Le gouverneur de la Banque de France a estimé que les problèmes du passé avaient insuffisamment été purgés avant que les nouvelles règles s’appliquent. Lors de son entrée en vigueur, les situations étaient très différentes d’un État à l’autre, certains pays ayant déjà en grande partie nettoyé leur système bancaire et d’autres non. C’est en particulier un grief des responsables italiens.

Compte tenu de son modèle de banques de détail fortement ancrées dans l’économie locale, le système bancaire italien a moins souffert au début de la crise que ceux qui étaient, comme le système bancaire allemand, plus exposés aux produits financiers à l’origine de la crise. La crise bancaire est survenue plus tard, lorsque, en raison de la crise économique frappant les entreprises, la force du système bancaire italien est devenue une faiblesse. En raison de ce décalage, auquel se sont peut-être ajoutées des imperfections dans la supervision, l’Italie est le pays dont les banques ont bénéficié du moins de soutien public dans les premières années de la crise.

Coûts budgétaires et taux de recouvrement sur la période 2008-2014

(en % du PIB de 2014)

Source : Banque centrale européenne, Bulletin économique n° 6/2015.

Une partie des responsables italiens, à l’instar de la présidente de la commission des finances de la chambre des députés, estime qu’avec la mise en place des règles de résolution, en particulier le renflouement interne, les pays « forts » ont interdit l’utilisation d’argent public à l’Italie après avoir eux-mêmes aidé leurs banques.

Dans le même sens, M. Dominique Laboureix, membre du Conseil de résolution unique, a souligné que, dans le cas de la Grèce, la résolution était entrée en vigueur alors que le système était encore en crise très aiguë. Il est dès lors plus difficile pour un certain nombre d’établissements de satisfaire aux exigences de « résolvabilité », alors qu’ils ont encore des problèmes très lourds à régler (cf. infra). C’est également le cas en Italie, où certaines banques ont des difficultés à satisfaire aux exigences de MREL, n’ayant pas accès au marché des capitaux européens.

Dans ce contexte, l’application des règles – indéniablement complexes – de la directive crée des risques juridiques et des incompréhensions politiques. Ces incompréhensions résultent en particulier du fait que, si la règle du renflouement interne a pour but de protéger les déposants et les contribuables, de « simples citoyens » ([19]) peuvent compter au nombre des créanciers et actionnaires quelle met à contribution. En 2015, la résolution de quatre banques italiennes a ainsi concerné plus de 130 000 personnes et conduit au suicide d’un retraité ([20]). Depuis lors, les États membres semblent chercher à éviter à tout prix la résolution, en utilisant toutes les voies permises par la directive et les règles relatives aux aides d’État.

● Depuis l’entrée en vigueur de la directive BRRD et du règlement MRU, la résolution na en effet été mise en œuvre quune seule fois, dans le cas de Banco Popular en juin 2017 ([21]). Le dispositif de résolution de Banco Popular comprenait la dépréciation et la conversion des fonds propres de l’établissement et la vente de l’entité à Banco Santander dans le cadre de l’instrument de cession des activités. Il n’a pas fait appel au renflouement interne au-delà de la dette subordonnée ([22]) ni au soutien du Fonds de résolution unique.

Dans les trois autres cas sur lesquels il a été amené à statuer, le Conseil de résolution unique a considéré que la mesure de résolution n’était pas dans l’intérêt public (Banca Popolare di Vicenza et Veneto Banca le 23 juin 2017 et ABLV le 24 février 2018). À chaque fois, les établissements ont été soumis à la procédure de liquidation conformément au droit national avec, pour les banques italiennes, le bénéfice d’une aide d’État (affaire SA 45664).

● Dans de nombreux autres cas, la Commission a accepté que des banques en difficulté reçoivent un soutien public sans que cela soppose au cadre de résolution ni aux règles relatives aux aides dÉtat.

Dans une première série de cas, la Commission a considéré que l’aide respectait les conditions prévues à l’article 32 de la directive BRRD (cf. supra page 20) :

– certaines banques ont reçu une aide de trésorerie à titre de précaution, par exemple : en Grèce, National Bank of Greece et Piraeus Bank en avril 2015 (affaire SA 41503) ; en Italie, Monte dei Paschi di Siena en décembre 2016 (SA 47081), Banca Popolare di Vicenza en janvier 2017 et Veneto Banca en avril 2017 (SA 47149) et Banca Carige en janvier 2019 (SA 52917) ;

– des recapitalisations préventives ont été accordées à National Bank of Greece et Piraeus Bank en novembre 2015 (SA 43364 et SA 43365) ou à la Banca Monte dei Paschi di Siena en juin 2017 (SA 47677).

La Commission apprécie les mesures notifiées par les États membres au regard des règles en matière d’aides d’État applicables au secteur financier, règles qui, pour ce qui est de l’intervention publique, prévoient le partage de la charge entre les actionnaires et les créanciers subordonnés, ainsi que d’autres dispositions, y compris, au besoin, la présentation d’un plan de restructuration.

Dans une autre série de cas, la Commission a estimé que les mesures prises par les États membres étaient conformes au marché (principe de l’opérateur en économie de marché) et qu’ils avaient agi dans des conditions qu’aurait acceptées un propriétaire privé, par exemple :

– la recapitalisation de la banque allemande NordLB (SA 49094) avec un investissement direct de 2,8 milliards d’euros des Länder de Basse-Saxe et de Saxe-Anhalt et du système de protection institutionnel du secteur des banques publiques d’épargne allemandes ;

– la recapitalisation (200 millions d’euros) par l’État de la banque roumaine CEC (SA 53869) ;

– la recapitalisation (3,9 milliards d’euros) par le Portugal de Caixa Geral de Depósitos (SA 47178) ;

– le régime italien de garanties destiné à faciliter la titrisation des prêts non productifs (SA 43390) et une structure publique de gestion des actifs en Hongrie (SA 38843).

Alors que les analyses de la Commission en matière d’aides d’État s’appuient toujours sur sa communication de 2013 ([23]) concernant les aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière, certains s’interrogent sur la nécessité de clarifier cette interprétation pour tenir compte de la sortie de crise et l’entrée en vigueur du cadre de résolution. Le cadre de résolution constitue un coût réel pour les banques, qui n’a de sens que s’il permet effectivement de protéger le contribuable.

3.   Une garantie des dépôts encore nationale

Les systèmes de garantie des dépôts nationaux ont été partiellement harmonisés (cf. supra page 21), mais le système européen d’assurance des dépôts, censé constituer le troisième pilier de l’union bancaire, reste manquant.

Le fonds de garantie des dépôts et de résolution

En application de l’article L. 312-4 du code monétaire et financier, la garantie des dépôts est assurée en France par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR), personne morale de droit privé. L’adhésion y est obligatoire pour tous les établissements bancaires agréés.

Outre la garantie des dépôts en cas de défaillance bancaire, le FGDR est également chargé de l’indemnisation des investisseurs jusqu’à 70 000 € par personne et par établissement, pour les titres que leur prestataire d’investissement ne pourrait pas leur restituer en cas de faillite (garantie des titres). Il se substitue en outre à une banque ou société de financement défaillante lorsque celle-ci n’est plus en mesure d’honorer les cautions qu’elle a pu délivrer en faveur de professionnels auxquels la loi fait obligation de présenter une garantie envers leurs clients (garantie des cautions).

Le FGDR peut aussi intervenir à titre préventif pour permettre la disparition ordonnée ou la restructuration d’un établissement en difficulté avant qu’il ne fasse défaillance, afin d’éviter l’interruption des services à la clientèle et le recours à une indemnisation qui s’avérerait souvent plus coûteuse.

Enfin, le FGDR participe au financement de mesures de résolution.

Au 31 décembre 2018, le FGDR comptait 472 adhérents. Ses fonds propres s’élevaient à 4,3 milliards deuros, dont 4,05 dédiés à la garantie des dépôts.

La directive de 2014 na pas fourni un cadre pleinement unifié pour la structure et le fonctionnement des systèmes nationaux de garantie des dépôts et a laissé une grande latitude aux États membres. Leurs systèmes de garantie des dépôts restent, comme les systèmes bancaires dans leur ensemble, très hétérogènes. Il subsiste des différences majeures en termes de mise en œuvre des règles contenues dans la directive, par exemple en ce qui concerne les conditions nécessaires pour déclarer des dépôts indisponibles, léligibilité de ces dépôts, le financement des systèmes de garantie des dépôts ou lutilisation des fonds du système de garantie des dépôts.

La Commission a commandé une étude consacrée aux options et pouvoirs discrétionnaires nationaux en vertu de la directive sur les systèmes de garantie des dépôts et à leur traitement dans le cadre d’un système européen d’assurance des dépôts ([24]).

Selon cette étude, si certaines de ces options sont justifiées compte tenu de contextes propres à certains pays et ne soulèvent pas réellement de difficultés, une plus grande harmonisation serait nécessaire, sans attendre un système commun, pour favoriser une concurrence équitable et assurer le même niveau de protection pour les déposants, par exemple pour le traitement des succursales de pays tiers.

Ces options et discrétions nationales (ODN) sont récapitulées dans le tableau ci-après.


Options et discrétions nationales dans la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts

Dispositions de la directive

Objet

Nombre de pays ayant transposé loption

a) du 2 de larticle 5

Possibilité d’inclure dans la garantie les dépôts détenus par des régimes de retraite personnels ou par des régimes de retraite professionnels mis en place par des petites ou moyennes entreprises

5

b) du 2 de larticle 5

Possibilité d’inclure dans la garantie les dépôts détenus par les autorités locales dont le budget annuel ne dépasse pas 500 000 €

7

3 de larticle 5

Possibilité d’exclure des remboursements les dépôts qui peuvent être débloqués conformément au droit national dans le seul but de rembourser un emprunt contracté pour l’achat d’un bien immobilier privé auprès d’un établissement de crédit ou d’un autre établissement détenant le dépôt

3

2 de larticle 6

Protection entre trois et douze mois de certains dépôts de montant élevé au-delà de 100 000 € (ex. vente immobilière, indemnité de licenciement, etc.)

28

3 de larticle 6

Possibilité de conserver ou mettre en place des systèmes protégeant les produits d’assurance vieillesse et de retraite

2

2 de larticle 7

Possibilité de prévoir que, pour le calcul de la limite de 100 000 €, les dépôts effectués sur un compte sur lequel deux personnes au moins ont des droits en leur qualité d’associé d’une société, de membre d’une association ou de tout groupement de nature similaire, non dotés de la personnalité juridique, peuvent être regroupés et traités comme s’ils étaient effectués par un déposant unique

14

5 de larticle 7

Possibilité de prendre en compte les dettes du déposant à l’égard de l’établissement de crédit lors du calcul du montant remboursable

17

8 de larticle 7

Possibilité de prévoir que certaines catégories de dépôts qui remplissent un objectif social défini par le droit national, et qui sont garanties par un tiers dans le respect des règles en matière d’aides d’État, ne sont pas prises en compte dans l’ensemble des dépôts détenus par un même déposant auprès d’un même établissement de crédit.

1

2 de larticle 8

Possibilité, jusqu’au 31 décembre 2023, de prévoir des délais de remboursement supérieurs à 7 jours ouvrables

16

3 de larticle 8

Possibilité de prévoir un délai de remboursement plus long pour certaines catégories de dépôts

22

3 de larticle 9

Possibilité de limiter la période pendant laquelle les déposants dont les dépôts n’ont pas été remboursés peuvent demander le remboursement de leurs dépôts

20

3 de larticle 10

Possibilité d’inclure des engagements de paiement dans les moyens financiers disponibles à prendre en compte pour atteindre le niveau cible du système de garantie des dépôts

24

4 de larticle 10

Possibilité, pour satisfaire aux obligations relatives aux moyens financiers des systèmes de garantie des dépôts, de faire masse des moyens financiers disponibles résultant des contributions obligatoires versées par les établissements de crédit au titre de systèmes existants de contributions obligatoires mis en place par un État membre sur son territoire pour couvrir les coûts liés au risque systémique, à la défaillance et à la résolution des établissements

1

3 de larticle 11

Possibilité d’autoriser un système de garantie des dépôts à utiliser les moyens financiers disponibles pour des mesures autres que la résolution afin de prévenir la défaillance d’un établissement de crédit

9

6 de larticle 11

Possibilité de financer des mesures destinées à préserver l’accès des déposants aux dépôts garantis

10

1 de larticle 12

Possibilité d’autoriser les systèmes de garantie des dépôts à consentir des prêts à d’autres systèmes de garantie des dépôts au sein de l’Union

14

1 de larticle 13

Possibilité de prévoir des contributions inférieures aux systèmes de garantie des dépôts pour les secteurs d’activité présentant un faible niveau de risque

4

1 de larticle 13

Possibilité de prévoir que les membres d’un système de protection institutionnelle s’acquittent auprès des systèmes de garantie des dépôts de contributions moins élevées

5

1 de larticle 13

Possibilité d’autoriser l’organisme central et tous les établissements de crédit qui lui sont affiliés de manière permanente à être soumis dans leur ensemble à la pondération de risque déterminée pour l’organisme central et ses établissements affiliés, sur une base consolidée

6

1 de larticle 13

Possibilité de prévoir que les établissements de crédit versent une contribution minimale, quel que soit le montant de leurs dépôts garantis

9

1 de larticle 15

Possibilité de prévoir que les succursales créées par des établissements de crédit ayant leur administration centrale hors de l’Union adhèrent à un système de garantie des dépôts existant sur leur territoire, si elles ne disposent pas d’une protection équivalente

24

1 de larticle 19

Possibilité de couvrir les dépôts ayant une échéance initiale jusqu’à la fin de cette échéance, s’ils cessent d’être couverts après transposition de la directive

10

Source : commission des affaires européennes, d’après le texte de la directive et les données du rapport du CEPS, Options and national discretions under the deposit guarantee scheme directive ans their treatment in the context of a European deposit insurance scheme.

 


  1  

L’hétérogénéité des systèmes de garantie des dépôts va de pair avec des conceptions différentes du rôle des systèmes de garantie des dépôts.

Dans certains pays, le système obligatoire de garantie des dépôts au sens de la directive est complété par un système facultatif. En Allemagne, le fonds de garantie des dépôts des banques commerciales (Entschädigungseinrichtung deutscher Banken GmbH) obligatoire est complété par un fonds de garantie complémentaire des banques privées (Einlagensicherungsfonds des Bundesverbandes deutscher Banken e. V.), à adhésion facultative, qui permet notamment aux banques adhérentes d’offrir un niveau de garantie des dépôts supérieur à 100 000 €.

Les systèmes de garantie des dépôts allemands

L’organisation de la garantie des dépôts en Allemagne correspond à l’organisation du système bancaire allemand, basé sur trois piliers regroupant quatre types d’établissements de crédit : (i) les banques commerciales ; (ii) les banques publiques comprenant (a) principalement les caisses d’épargne (Sparkassen) ainsi que (b) les banques publiques et, enfin, (iii) les banques mutualistes.

Les caisses d’épargne et les banques mutualistes, qui représentent près de 70 % des dépôts de la clientèle de détail en Allemagne, ont un système fondé sur la protection institutionnelle de leurs banques adhérentes, reconnu par l’autorité nationale comme un système de garantie des dépôts. Au sens du règlement CRR, un système de protection institutionnelle correspond à un arrangement de responsabilité destiné à protéger les établissements participants et, en particulier, à garantir leur liquidité et leur solvabilité pour éviter leur faillite. Les règles prudentielles auxquelles l’ensemble des établissements constituant les systèmes de protection institutionnelle sont assujettis sont particulièrement avantageuses. En matière de résolution, l’appartenance à un tel système permet également de minorer la contribution au Fonds de résolution unique.

Au-delà de l’existence de systèmes de protection institutionnelle, les systèmes de garantie des dépôts allemands se caractérisent notamment par une garantie quasi illimitée des dépôts à légard de la clientèle sur le marché allemand par l’institution de mécanismes de garantie des dépôts facultatifs (au-delà des 100 000 € prévus par la directive), ainsi que par leur complexité (multiplicité des acteurs et des règles applicables). Il y a par exemple treize fonds de garantie des dépôts des caisses d’épargne.

 

Source : Commission des affaires européennes, d’après les informations transmises par le service économique régional de l’ambassade de France en Allemagne.

En Italie, le Fonds interbancaire de protection des dépôts (FITD) est un consortium de droit privé entre banques qui a été constitué sur une base volontaire en 1987. Il a été ultérieurement reconnu pour l’application de la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts comme l’un des systèmes de garantie des dépôts autorisés à opérer en Italie. Depuis son origine, le FITD dispose de la faculté dintervenir en faveur de ses membres, non seulement au titre de cette garantie devenue légale des dépôts des déposants (l’intervention obligatoire), mais aussi sur une base volontaire, conformément à ses statuts, si cette intervention permet de réduire les charges susceptibles de résulter de la garantie des dépôts pesant sur ses membres (les interventions volontaires).

Lorsqu’une charge moins lourde est à prévoir, le FITD peut, au lieu de procéder au remboursement prévu au titre de la garantie des dépôts des déposants en cas de liquidation administrative, intervenir dans des opérations de cession d’actifs et de passifs concernant ce membre (l’intervention volontaire alternative). De même, indépendamment de l’ouverture formelle d’une procédure de liquidation administrative forcée, le FITD peut décider d’intervenir au moyen de financements, de garanties, de prises de participation ou par le biais d’autres formes pour soutenir un de ses membres placé sous le régime de l’administration extraordinaire, lorsque des perspectives de redressement existent et qu’une charge moins lourde est à prévoir par rapport à celle découlant de l’intervention du FITD dans l’hypothèse d’une liquidation administrative forcée de ce membre (l’intervention volontaire de soutien ou préventive).

Lors de son déplacement en Italie, le rapporteur a pu constater que les Italiens étaient très attachés au rôle du FITD et à ses interventions volontaires qui permettent, selon eux, de gérer plus efficacement les crises bancaires que les outils de résolution prévus par la directive BRRD, en particulier pour les petites banques.

Le rôle du FITD a donné lieu à un litige entre la Commission européenne et les autorités italiennes (État, Banque d’Italie et FITD) dans l’affaire « Tercas », après que la Commission a considéré en 2015 que l’intervention du FITD en faveur de Banca Tercas constituait une aide d’État contraire au droit européen.

L’arrêt « Tercas »

En 2013, Banca Popolare di Bari a manifesté son intérêt pour la souscription d’une augmentation de capital de Banca Tercas, placée depuis 2012 sous le régime de l’administration extraordinaire à la suite d’irrégularités constatées par la Banque d’Italie, à condition, notamment, que le Fondo Interbancario di Tutela dei Depositi (FITD) couvre le déficit patrimonial de Tercas.

En 2014, après s’être assuré que l’intervention en faveur de Tercas était économiquement plus avantageuse que le remboursement des déposants de cette banque, le FITD a décidé de couvrir les fonds propres négatifs de Tercas et de lui octroyer certaines garanties. Le 23 décembre 2015, la Commission a décidé ([25]) que les mesures en cause constituaient une aide d’État mise à exécution par l’Italie en faveur de Tercas.

Par son arrêt du 19 mars 2019, le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision de la Commission, estimant que celle-ci avait estimé à tort que les mesures en faveur de Tercas supposaient l’emploi de ressources d’État et qu’elles étaient imputables à l’État.

Le Tribunal a tout d’abord relevé que le mandat conféré au FITD, entité privée, par la loi italienne consiste uniquement à rembourser les déposants, en tant que système de garantie des dépôts, lorsqu’une banque membre de ce consortium fait l’objet d’une liquidation administrative forcée. En dehors de ce cadre, le FITD n’agit pas en exécution d’un mandat imposé par la législation. Son intervention de soutien en faveur de Tercas ne constitue pas la mise en œuvre d’un mandat public. Le Tribunal a également observé que la Commission n’avait pas prouvé l’implication des autorités publiques italiennes dans l’adoption de la mesure en cause. Enfin, le Tribunal a conclu que la Commission n’avait pas établi que les fonds octroyés à Tercas au titre de l’intervention de soutien du FITD étaient contrôlés par les autorités publiques. L’intervention du FITD a été réalisée en utilisant des fonds fournis par les banques membres du FITD et dans l’intérêt des membres du FITD, puisque l’aide à Tercas était moins onéreuse que la mise en œuvre de la garantie légale en faveur des déposants de Tercas.

La Commission a formé un pourvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne contre la décision du Tribunal.

Source : Tribunal de l’Union européenne.

B.   des banques plus résilientes

Si les deuxième et troisième piliers de l’union bancaire ont pour objet d’améliorer le traitement des crises bancaires et d’en limiter les effets sur l’économie réelle, les finances publiques et les déposants, le premier objectif de l’union bancaire, notamment grâce à une supervision plus efficace et indépendante et des exigences prudentielles renforcées, est d’éviter de telles crises en ayant un système bancaire plus sain et plus solide.

De ce point de vue, toutes les auditions menées par le rapporteur montrent que, même si des difficultés subsistent, le système bancaire européen est plus résilient aujourd’hui qu’avant la crise financière. Comme l’a souligné le gouverneur de la Banque de France, « indéniablement, les banques de la zone euro sont plus solides quil y a dix ans. Sous leffet de la réglementation et de leurs efforts de gestion, leurs bilans se sont fortement assainis avec en particulier un renforcement de leur solvabilité, de leur liquidité et une réduction très significative du poids des créances non performantes » ([26]).

Le cinquième rapport réalisé par les services de la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Conseil de résolution unique sur les indicateurs de réduction des risques ([27]) conforte cette analyse :

– en matière de capital et de liquidité, les positions des banques se sont constamment améliorées depuis 2014. Depuis la mise en place du MSU, le ratio moyen des fonds propres de base de catégorie 1 (CET1) s’est amélioré de plus de 3 points. Les positions de liquidité sont solides : le ratio de liquidité à court terme et le ratio structurel de liquidité à long terme (NSFR) ont constamment dépassé le seuil requis de 100 % ;

– les banques ont, en moyenne, diminué leur levier ([28]) de 1,2 point depuis la fin de 2014 ;

– les prêts non performants ont continué à diminuer dans le bilan des banques ;

– la construction par le secteur bancaire d’engagements utilisables pour un renflouement interne (sous la forme de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagement éligibles, MREL) se poursuit à partir de la méthodologie développée par le Conseil de résolution unique. À la fin de l’année 2018, les exigences de MREL fixées par le CRU étaient atteintes à plus de 90 %. La plupart des établissements d’importance systémique avaient atteint leurs objectifs de MREL et atteint ou dépassé leurs ratios de capacité d’absorption des pertes (TLAC).

1.   Des banques mieux capitalisées

Les indicateurs de capital et de liquidité témoignent d’une nette amélioration de la situation des banques depuis l’entrée en vigueur du règlement uniforme.

a.   Des ratios de solvabilité plus élevés

Depuis la crise, le total du capital a été renforcé et sa qualité améliorée.

Selon une étude publiée par le Mécanisme européen de stabilité ([29]) réalisée sur un échantillon d’une centaine de banques, entre 2007 et 2017, celles-ci ont réduit leurs actifs risqués de 14,5 % et augmenté leur capital total de 42 %. Au cours de la même période, la proportion de capital de la plus haute qualité est passée de 62,2 % à 79,7 %, avec une augmentation du ratio de fonds propres de base de 6,8 à 14,4 %. Le ratio de levier, qui indique à quel point la banque est préparée à honorer ses obligations financières à long terme, est pour sa part passé de 3,2 % en 2007 à 5,4 % en 2017.

AmÉlioration du capital d’un échantillon de 100 banques

(en %)

Échelle de gauche: ratio CET1 et ratio de levier. Échelle de droite : part des actifs risqués dans le total des actifs.

Source : Paolo Fioretti, Olga Francova, Mike Hesketh, Nicoletta Mascher, Rolf Strauch, Flore Vancompernolle, Completing banking union to support Economic and monetary union, Discussion paper series/7, Mécanisme européen de stabilité, octobre 2019.

Cette étude est confirmée par les dernières statistiques de la BCE. Au quatrième trimestre 2019, le ratio du total des fonds propres des banques supervisées par la BCE s’est établi à 18,4 %, celui des fonds propres de base de catégorie 1 (CET1) à 14,78 % (contre 9 % fin 2009) et le ratio de fonds propres de catégorie 1 (Tier 1) à 15,96 %.

Ratios de fonds propres par pays au troisième trimestre 2019

(en %)

 

Source : Banque centrale européenne.

Ce niveau solide des fonds propres se traduit aussi par des ratios de levier élevés. Le ratio de levier moyen est bien supérieur au niveau requis de 3 %, puisqu’il s’élevait à 5,53 % au quatrième trimestre 2019.

b.   Une situation de liquidité satisfaisante

En application de l’article 412 du règlement CRR, les banques doivent détenir des actifs liquides dont la valeur totale couvre les sorties de trésorerie moins les entrées de trésorerie en situation de tensions afin de garantir qu’elles conservent des coussins de liquidité suffisants pour faire face à tout déséquilibre éventuel entre entrées et sorties de trésorerie en situation de tensions sévères pendant une période de trente jours. Le ratio entre l’encours d’actifs liquides de haute qualité et les sorties nettes de trésorerie sur les 30 jours suivants doit être supérieur à 100 % (ratio de liquidité à court terme ou LCR).

Les banques de la zone euro ont amélioré leur capacité de résilience face aux chocs de liquidité, le ratio de couverture des besoins de liquidité atteignant un niveau élevé, à 145,96 % au quatrième trimestre de 2019.

Ratio de liquidité à court terme par pays au troisième trimestre 2019

(en %)

Source : Banque centrale européenne.

À l’issue du test de résistance prudentiel de 2019, la BCE a estimé que « la situation de liquidité de la grande majorité des banques soumises à la surveillance prudentielle directe de la BCE est globalement confortable, en dépit de certaines vulnérabilités nécessitant une attention prolongée ». Les réserves de liquidité des banques sont suffisantes pour faire face aux tensions. Près de la moitié des 103 banques ayant participé à l’exercice ont déclaré une « période de survie » ([30]) de plus de six mois en cas de choc défavorable et de plus de quatre mois en cas de choc extrême. Les longues périodes de survie dans le cas des chocs graves prévus par l’exercice laisseraient beaucoup de temps aux banques pour mettre en place leurs plans de financement de secours.

2.   Une réduction des prêts non performants

À la suite de la crise financière et des récessions qui l’ont suivie, mais également en raison d’un manque de prudence dans l’octroi de prêts, de nombreux emprunteurs, en particulier dans les États les plus touchés par la crise, se sont trouvés dans l’impossibilité de rembourser leur emprunt, voire ont fait faillite. De nombreuses banques ont, de ce fait, été confrontées à une accumulation de prêts non performants (PNP) ([31]) dans leur bilan.

Cette accumulation entame la rentabilité des banques qui, d’une part, perçoivent moins d’intérêts et, d’autre part, doivent constituer des provisions pour le cas où elles devraient déprécier ou abandonner un prêt. Elle limite leur capacité à octroyer de nouveaux prêts, ce qui réduit encore leurs bénéfices et prive les entreprises de financements. Lorsque cette situation concerne de nombreuses banques pour des volumes importants, c’est l’économie dans son ensemble qui est affectée.

Il était donc essentiel de résoudre ce problème pour restaurer la confiance dans le système bancaire de la zone euro. Cependant, focalisée sur le passif des banques, l’Europe s’est attaquée avec retard, par rapport aux États-Unis, à la performance de leurs actifs.

Le bilan d’une banque

Source : Banque centrale européenne.

En juillet 2017, le Conseil des affaires économiques et financières (ECOFIN) de l’Union européenne a conçu un plan d’action visant à résorber les PNP en Europe. Ce plan prévoit des mesures dans trois domaines : la supervision bancaire à travers les lignes directrices de l’Autorité bancaire européenne (ABE) et de la BCE ; des réformes des régimes d’insolvabilité et des dispositifs de recouvrement des dettes ; et le développement de marchés secondaires au travers desquels les banques peuvent transférer le risque lié à la détention de PNP.

Ce plan d’action a été décliné par la Commission en mars 2018 en un ensemble de mesures visant à réduire davantage l’encours des PNP ([32]). Un règlement modifiant le CRR en ce qui concerne la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes pour les prêts nouvellement émis qui deviennent non performants est entré en vigueur en avril 2019 ([33]), mais les travaux sur la proposition de directive ([34]) se poursuivent. Elle a été scindée en deux et le Conseil dispose d’un mandat de négociation avec le Parlement européen :

– depuis mars 2019 en ce qui concerne la directive sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits, qui encourage le développement de marchés secondaires pour les prêts non performants. Ces nouvelles règles visent à réduire l’encours de prêts non performants des banques et à empêcher leur accumulation à l’avenir en créant un cadre harmonisé pour l’achat et la gestion de prêts non performants ;

– depuis novembre 2019 sur la proposition de cadre et d’exigences minimales communs en ce qui concerne un mécanisme extrajudiciaire de recouvrement.

Au plan national, près de la moitié des États membres ont modifié leur législation pour s’attaquer aux prêts non performants. Ces réformes ont par exemple porté sur les dispositions relatives à l’insolvabilité ou à la forclusion (Chypre, Grèce, Espagne, Italie, Irlande, Lettonie, Hongrie, Portugal, Slovénie), aux secteurs des banques coopératives ou des caisses d’épargne (Espagne, Italie, Lituanie) ou aux ventes de prêts (Irlande et Chypre). Pour optimiser les conditions de cession des stocks de prêts non performants, les autorités italiennes ont mis en place en 2016 une garantie publique sur les créances douteuses (GACS).

Grâce à l’action conjuguée des autorités européennes, des autorités nationales et des banques elles-mêmes, des progrès considérables ont été enregistrés dans la réduction des prêts non performants.

Le pourcentage de prêts non performants dans la zone euro a diminué de plus de la moitié depuis 2015 : de 7,5 % au deuxième trimestre 2015, il est descendu à 3,22 % au quatrième trimestre 2019, son plus bas niveau depuis la première publication des statistiques bancaires prudentielles au deuxième trimestre 2015.

Évolution des encours et ratios de prêts non performants au sein des établissements importants

Source : Banque centrale européenne, Communication sur les attentes prudentielles relatives à la couverture des NPL, 22 août 2019.

C.   Mais des fragilités persistantes

La situation du secteur bancaire de l’Union européenne s’est sensiblement améliorée ces dernières années, mais il reste confronté à de faibles niveaux de rentabilité et à des encours élevés de prêts non performants dans plusieurs États membres. Outre ses fragilités internes, il reste confronté à des chocs externes, notamment en raison de son exposition au risque souverain.

La BCE réalise chaque année, avec les autorités compétentes nationales, un exercice de recensement et d’évaluation des risques, le dernier datant d’octobre 2019.

https://www.bankingsupervision.europa.eu/ecb/pub/ra/html/ra2020/ssm.ra2020.fr_img0.png?fb8a9ba36ec5e1dd1f464c2b88a355fa

Source : Banque centrale européenne.

Selon cette analyse publiée avant la crise du coronavirus, les trois principaux facteurs de risque auxquels le système bancaire de la zone euro devrait faire face au cours des trois prochaines années sont :

a) les défis d’ordre économique et politique. En dépit de l’expansion économique des dernières années, les incertitudes entourant la soutenabilité de la dette demeurent fortes et exposent les pays de la zone euro présentant des niveaux d’endettement élevés à des variations soudaines des perceptions des marchés financiers. Les expositions importantes des banques à la dette souveraine dans ces pays (cf. infra page 47) pourraient donner lieu à une résurgence d’interactions néfastes entre risques souverain et bancaire ;

b) la soutenabilité des modèles d’activité (cf. infra page 51). Les établissements importants de la zone euro restent aux prises avec une faible rentabilité. La perspective d’une période prolongée de bas taux d’intérêt et d’une concurrence exacerbée accentue la pression exercée sur la capacité des banques à générer des revenus. De nombreuses autorités macroprudentielles ont alerté sur les risques que pouvait faire peser à terme sur la stabilité du secteur bancaire la persistance de taux d’intérêt bas. Ainsi, selon la réserve fédérale américaine, « si les taux dintérêt devaient rester bas pendant une période prolongée, la rentabilité des banques, des assureurs et des autres intermédiaires financiers pourrait être mise à rude épreuve et les inciter à adopter un comportement à risque, ce qui augmenterait la vulnérabilité du secteur face à des chocs ultérieurs » ([35]). En France, le Haut Conseil de stabilité financière a demandé aux banques de faire preuve de prudence dans leur production de crédits immobiliers et de prévenir une dynamique excessive de l’endettement des ménages ([36]). Le gouverneur de la Banque de France a été encore plus explicite lors de ses vœux à la place financière de Paris : « des dérives doivent sarrêter, et des comportements doivent changer, vite. Sinon, nous passerions à une surcharge en capital pour les prêts non conformes […] Les marges doivent être suffisantes pour couvrir les coûts et les risques associés aux crédits immobiliers. » ;

c) la cybercriminalité et les carences informatiques. La poursuite de la numérisation des services financiers amplifie la vulnérabilité des banques face à la cybercriminalité et aux carences informatiques opérationnelles. D’une part, les systèmes informatiques des banques sont en grande partie fournis par des tierces parties, dont la concentration nécessite une gestion appropriée des risques et de la dépendance. D’autre part, un grand nombre d’établissements importants ont recours à des systèmes informatiques en fin de vie pour conduire des procédures opérationnelles critiques, ce qui les rend encore plus vulnérables au risque lié à la cybersécurité.

1.   Le lien entre les banques et les États reste fort

La rupture du cercle vicieux entre crise bancaire et crise souveraine était au cœur des préoccupations européennes avec la mise en place du règlement uniforme et de l’union bancaire. Avec le rôle conféré à la Banque centrale européenne, la supervision est désormais assurée, au moins pour les établissements importants, de manière plus indépendante et uniforme au sein de l’union bancaire. En cas de crise bancaire, les règles relatives à la résolution, en particulier le renflouement interne, visent à limiter l’impact d’une défaillance bancaire sur les finances publiques.

Cependant, les liens entre les banques et les États restent forts. D’une part, une crise souveraine se répercuterait indirectement sur les banques par le biais de ses conséquences sur la solvabilité des entreprises et des ménages. C’est, selon l’Association des banques italiennes, là que réside en premier lieu le lien entre les banques et le souverain.

D’autre part, malgré les intentions affichées au départ, l’utilisation d’argent public pour aider les banques en difficultés reste monnaie courante (cf. supra page 32).

Enfin, certaines banques continuent à détenir beaucoup de titres souverains domestiques, ce qui représente une menace pour la stabilité financière. Les banques sont en effet plus directement vulnérables aux chocs locaux et, en retour, le souverain est dépendant des banques détenant ses obligations dans de fortes proportions. Des ventes dans un contexte désordonné mettraient en péril le refinancement de l’État.

Comme le montre le graphique suivant, l’exposition des banques à la dette souveraine de leur pays est très contrastée en fonction des pays. C’est en Italie, au Portugal et en Espagne qu’elle est la plus élevée, alors qu’elle est inférieure à la moyenne européenne en Allemagne et en France.

Exposition des banques à la dette souveraine de leur pays
(en % de leurs actifs)

https://www.ecb.europa.eu/pub/financial-stability/fsr/html/fsr201905/ecb.fsr201905.en_img69.png?967233f02fcb7f997313a9c2284be1b1

Source : Banque centrale européenne, Financial stability review, mai 2019, page 85.

Ce lien est manifeste en Italie. Les turbulences qui ont affecté le marché de la dette souveraine italienne après la formation du gouvernement de coalition en mai 2018 ont rappelé que les banques italiennes étaient significativement exposées au risque souverain, or une baisse durable de la valeur des titres de dette souveraine figurant au bilan des banques affecte négativement leurs fonds propres et leurs ratios de solvabilité. Ce contexte politique défavorable s’est traduit par un recul d’environ 40 % du cours des actions du secteur bancaire italien entre mai 2018 et début juin 2019.

La forte exposition des banques italiennes à la dette de leur État se conjugue à l’instabilité de la situation politique, à une dette publique de plus de 130 % du PIB et à une croissance atone (0,1 % en 2019 et 0,4 % en 2020 d’après les prévisions de la Commission européenne), ce qui constitue une source d’inquiétude. Une crise budgétaire en Italie pourrait se traduire par une hausse des taux d’intérêt sur les obligations italiennes, qui se répercuterait sur les banques, puis sur le financement des entreprises, ce qui accentuerait la crise.

En moyenne, dans la zone euro, le lien avec le souverain sest renforcé par rapport à la situation qui prévalait avant la crise. C’est particulièrement le cas dans des pays comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal et Chypre.

Détention de dette souveraine par les institutions monétaires et financières ([37])

(en % de leurs actifs)

Source : Paolo Fioretti, Olga Francova, Mike Hesketh, Nicoletta Mascher, Rolf Strauch, Flore Vancompernolle, op. cit.

2.   Des taux de prêts non performants encore élevés dans certains pays

En dépit des progrès enregistrés dans la diminution des prêts non performants (cf. supra page 43), leur niveau agrégé dans le secteur bancaire européen reste élevé, tant au regard de leur niveau d’avant la crise que par rapport aux taux que l’on peut constater dans d’autres zones.

Ainsi, selon les statistiques de la Banque mondiale ([38]), le taux de prêts non performants était en 2014 de 1,2 % au Japon, de 1,1 % aux États-Unis et en Suède et de 0,9 % au Royaume-Uni.

En outre, les résultats sont très hétérogènes dun pays de la zone euro à lautre (de 0,78 % au Luxembourg à 35,15 % en Grèce), ce qui témoigne des effets asymétriques persistants de la crise financière. Ils restent sensiblement supérieurs à la moyenne dans quatre pays, ce qui limite la capacité des banques à prêter et leur profitabilité. Au Portugal et en Italie, le ratio de prêts non performants a nettement diminué depuis 2016, passant sous la barre des 10 %. Chypre a enregistré des améliorations considérables, principalement à la suite de ventes de prêts et de la liquidation d’une grande banque en 2018. En Grèce, le ratio de PNP est toujours supérieur à 35 %.

Taux de prêts non performants par pays
(4e trimestre 2019)

Source : Banque centrale européenne.

Outre les risques qu’il fait peser sur la viabilité des banques les plus touchées, ainsi que sur la croissance économique et la stabilité financière des États membres concernés, le niveau élevé des prêts non performants dans les systèmes bancaires de certains pays constitue un frein aux fusions et acquisitions, à la levée des obstacles aux activités transfrontières par le confinement géographique (ring fencing) du capital et de la liquidité des groupes bancaires transfrontaliers, ainsi qu’à la mise en place d’une garantie européenne des dépôts.

En août 2019, la BCE soulignait qu’il était « capital de continuer à réduire rapidement le niveau des prêts non performants tant que les conditions économiques restent favorables. Si ce nest pas fait avant le prochain ralentissement conjoncturel, un grave problème se poserait » ([39]). L’Autorité bancaire européenne estimait pour sa part que la focalisation sur des expositions plus risquées ces dernières années, combinée avec une détérioration des perspectives macro-économiques, pourrait compliquer la poursuite de cette amélioration ([40]). On peut sans grand risque de se tromper prévoir que la crise du coronavirus marquera un coup d’arrêt à cette amélioration et entraînera une nouvelle augmentation des créances non performantes.

Parallèlement à la gestion de la crise actuelle, les efforts structurels doivent se poursuivre pour réduire le stock de prêts non performants dans le bilan des banques. Cela passe notamment par le développement du marché secondaire des prêts non performants, ainsi que par l’attention portée aux procédures de restructuration de dettes, d’insolvabilité et de recouvrement de dettes.

La lenteur de la justice a en effet été un élément fréquemment évoqué au cours du déplacement du rapporteur en Italie pour expliquer le niveau encore élevé des prêts non performants ([41]).

L’efficacité des lois sur les faillites et de la justice varie considérablement d’un pays européen à l’autre. Selon la base de données de la Banque mondiale ([42]), qui concerne les procédures dans leur ensemble, pas seulement en matière bancaire, les délais de recouvrement des créances par les créanciers vont de trois mois en Irlande à quatre ans en Slovaquie. Pour ce qui concerne le taux de recouvrement ([43]), il va de 32 centimes par dollar en Grèce à 90,1 centimes par dollar aux Pays-Bas.

3.   La stabilité des banques européennes au défi de leur compétitivité

La profitabilité des banques est une donnée fondamentale pour la viabilité à long terme du secteur bancaire, la faiblesse des revenus des banques pouvant les inciter à accroître leur prise de risque, ainsi que pour réduire sa dépendance à l’égard d’un soutien externe. La rentabilité des banques est une condition essentielle pour qu’elles accumulent du capital, qui sert de coussin de sécurité lorsqu’elles encaissent des pertes. Elle est également nécessaire pour qu’elles puissent financer efficacement et durablement l’économie européenne.

a.   Une rentabilité insuffisante…

La faible profitabilité des banques a été identifiée comme un risque pour la stabilité financière de la zone euro depuis 2012. Lors de la publication des résultats du dernier processus de contrôle et d’évaluation prudentiels, la BCE a de nouveau souligné que, en raison d’une faible rentabilité, le risque lié au modèle d’activité demeure une préoccupation majeure ([44]).

La rentabilité des banques de la zone euro s’était quelque peu redressée en 2017 et 2018. Le rendement des fonds propres (return on equity, RoE) était remonté à 6 % ([45]), avant de retomber à 5,2 % au quatrième trimestre 2019. Il reste inférieur au coût du capital, estimé à 8 % ([46]), à son niveau – sans doute excessif – d’avant 2007 (plus de 12 %) et à celui des banques hors zone euro. La rentabilité des banques américaines est en effet supérieure à 11 % et, ainsi que le montrent les données de l’Autorité bancaire européenne, les banques de l’Union européenne hors zone euro sont, en règle générale, plus profitables que leurs concurrentes de la zone euro.

Rentabilité des capitaux propres par pays en juin 2019

Source : Autorité bancaire européenne, Risk assessment of the European banking system, novembre 2019, page 50.

Selon la revue de stabilité financière (Financial stability review) de la Banque centrale européenne de novembre 2019, après la légère amélioration de 2018, les perspectives de rentabilité des banques de la zone euro se sont de nouveau détériorées. Le rendement des fonds propres des banques devrait encore être soumis à des tensions dues à la fois à la détérioration des perspectives économiques, à un manque persistant d’efficience en matière de coûts ainsi qu’à des capacités excédentaires.

Les banques les moins performantes se trouvent dans les pays les plus affectés par la crise financière, dont l’Italie et l’Espagne, et en Allemagne. Comme le montre le graphique suivant, les banques allemandes, italiennes, espagnoles et celles des autres pays les plus affectés par la crise sont surreprésentées dans les banques les moins performantes par rapport à leur poids dans les banques les plus importantes de la zone euro. Pour les pays les plus affectés par la crise, comme l’Italie, la faible rentabilité est en partie liée à un taux de prêts non performants supérieur à la moyenne. Pour les banques allemandes, la difficulté à générer des revenus à la hauteur des coûts de structure semble être l’explication principale.

Répartition géographique des établissements importants et des établissements importants les moins performants

Note 1 : La partie haute du schéma porte sur la répartition en proportion du nombre d’établissements importants, la partie basse en fonction du pourcentage des actifs.

Note 2 : Les établissements les moins performants sont ceux qui ont enregistré une rentabilité des capitaux propres inférieure à la moyenne au moins trois années entre 2015 et 2018.

Note 3 : Les autres pays les plus affectés par la crise comprennent Chypre, la Grèce, l’Irlande, le Portugal et la Slovénie.

Source : Banque centrale européenne, Revue de stabilité financière, novembre 2019, page 109.

b.   … qui résulte de contraintes externes…

i.   La politique monétaire de la Banque centrale européenne

Parmi les facteurs d’explication de la faible rentabilité des banques de la zone euro, celles-ci sont promptes à mettre en cause la politique monétaire de la Banque centrale européenne, caractérisée par une faiblesse persistante des taux d’intérêt.

Il est vrai que celle-ci a des conséquences négatives sur le modèle économique des banques, en particulier en exerçant une pression sur leur marge nette d’intérêt et en pénalisant leurs réserves excédentaires. Dans un contexte de taux bas, l’activité traditionnelle est moins rentable. Les banques doivent réduire leurs coûts, investir dans la recherche et la technologie et diversifier leurs sources de revenus (activités de conseil, commissions, intermédiation).

Dans son rapport 2019 sur la stabilité financière, la Bundesbank a estimé que le système financier allemand demeurait vulnérable à une crise économique inattendue et à une hausse abrupte des primes de risque. En période de taux bas, les risques cycliques s’accroissent dans le secteur financier allemand. Les taux bas exercent une pression de plus en plus forte sur les marges d’intérêt des établissements financiers et pèsent sur leur profitabilité.

Lors de son audition, le gouverneur de la Banque de France a cependant nuancé les conséquences des taux bas, rappelant qu’ils avaient également des effets favorables ([47]), tels que des coûts de financement plus faibles, une augmentation des volumes de prêts et une baisse du coût du risque en raison de l’amélioration de la solvabilité des emprunteurs. Il a en outre rappelé que la BCE avait prévu un mécanisme d’atténuation (tiering), qui exempte du taux négatif une partie des réserves excédentaires des banques et souligné que, dans plusieurs pays nordiques connaissant également des taux négatifs, comme le Danemark, la Suède ou, au sein de la zone euro, les Pays-Bas, les banques avaient des taux de rentabilité nettement supérieurs à la moyenne de la zone euro (cf. graphique supra page 52). Ces banques ont diversifié leurs sources de revenus, amélioré leur rapport coûts-efficacité et investi dans les technologies numériques.

ii.   Des contraintes réglementaires propres au secteur bancaire

Les évolutions réglementaires intervenues en conséquence de la crise financière ont transformé le paysage dans lequel les banques opèrent, avec des exigences qualitatives et quantitatives accrues.

Même si l’impact de cette nouvelle réglementation est positif, il est indéniable qu’elle a imposé aux banques des coûts supplémentaires ou réduit leur revenu par l’augmentation des exigences en capital, la mise en place de l’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL) et de la capacité minimale d’absorption des pertes (TLAC), ainsi que l’augmentation des coûts de supervision (contributions aux fonds de résolution et aux fonds de garantie des dépôts, redevances de surveillance prudentielle ([48]), etc.) Selon la Fédération bancaire française, les coûts de supervision, entre les autorités nationales et les autorités européennes, auraient augmenté de plus de 35 % entre 2015 et 2018.

Il ne saurait être question d’oublier les leçons de la crise financière et de déréglementer les activités bancaires. Les futures réglementations, en particulier la transposition en droit européen de l’accord de Bâle de décembre 2017, devront toutefois veiller à ne pas faire peser sur le secteur bancaire européen des contraintes disproportionnées ([49]) par rapport à celles qui pèseraient sur les banques américaines, ainsi que l’a demandé la résolution adoptée à une large majorité par notre Assemblée le 7 janvier dernier ([50]) à l’initiative du président de la commission des finances Éric Woerth ([51]).

Outre la nécessité de préserver des conditions de concurrence équitable, cette transposition, pour laquelle la Commission devait proposer un texte à la fin du premier semestre 2020 mais qui a été retardée en raison de la crise du coronavirus, devra prendre en compte les spécificités des modalités de financement en Europe, en particulier le financement immobilier et le financement de projets.

La Commission européenne procède actuellement à une analyse d’impact de l’accord de décembre 2017, qui vise à accroître la fiabilité du calcul de l’estimation des risques sur laquelle se basent les exigences de fonds propres des banques. À cette fin, les approches standards utilisées pour mesurer les risques ont été rendues plus sensibles au risque et le recours aux modèles internes que les banques peuvent utiliser pour estimer leurs exigences de fonds propres est limité, voire interdit dans certains cas. En outre, la réforme introduit un plancher révisé (output floor) dans l’utilisation de modèles internes, afin de limiter les avantages en termes de réduction des exigences de fonds propres que les banques peuvent tirer de l’utilisation de modèles internes plutôt que de l’approche standard.

D’une manière générale, il convient de prendre garde à ce qu’une hausse de la pression réglementaire sur un secteur très régulé ne provoque pas une fuite de lactivité vers des secteurs moins régulés, dans un contexte où les « non-banques » occupent une place de plus en plus importante dans le système financier européen et où les interconnexions entre le secteur bancaire traditionnel et le secteur non bancaire pourraient permettre une transmission des vulnérabilités du secteur non bancaire au secteur bancaire.

Composition du secteur financier de la zone euro

(en % de l’encours total à l’actif du secteur financier)

Source : François Mouriaux, Mylène Sabatini et Vivien Levy-Garboua, Le système financier de la zone euro après la crise : une mise en perspective (1999-2018), Bulletin de la Banque de France n°226, novembre-décembre 2019.

c.   … et de défis structurels à relever

Au-delà de ces contraintes externes, les banques de la zone euro doivent en premier lieu résoudre plusieurs problèmes structurels : la réduction des coûts, la mutation digitale et la consolidation, les deux dernières pouvant apporter une forte contribution à la première.

i.   Des coûts élevés

Le secteur bancaire européen se caractérise par des coûts de structure élevés hérités du précédent cycle d’expansion. Le coefficient d’exploitation (ratio coûts/revenus) des banques européennes a fortement augmenté entre 2009 et 2012 et reste depuis à un niveau supérieur à sa moyenne sur 10 ans, ainsi qu’à celui de la concurrence internationale.

Coefficient d’exploitation des banques de la zone euro

(en %)

Source : Banque centrale européenne, Financial stability review, novembre 2019, page 53.

En 2018, il s’est élevé à 66 %, alors qu’il était d’environ 50 % dans les banques des pays nordiques ([52]) et de 57 % aux États-Unis.

ii.   La mutation numérique

Réussir leur mutation numérique est un impératif pour les banques européennes à plusieurs égards.

Il s’agit tout d’abord d’une stratégie de réduction des coûts à moyen et long termes. Les banques les plus performantes de la zone euro ont augmenté leurs dépenses en technologies de l’information d’environ 60 % entre 2009 et 2017, alors que les autres ne les ont augmentées en moyenne que de 10 %. Les premières ont vu leur coefficient d’exploitation s’améliorer de 5,5 points, les secondes se détériorer de 3,1 points. Elles ont davantage réduit leur réseau dans les pays où la banque en ligne s’est développée. Le nombre d’agences a par exemple été réduit de moitié depuis 2008 aux Pays-Bas et dans les pays baltes.

utilisation de la banque en ligne et densité du réseau bancaire

Note: En ordonnée, pourcentage d’individus utilisant des services financiers en ligne. En abscisse, nombre d’agences pour 100 000 adultes.

Source : Paolo Fioretti, Olga Francova, Mike Hesketh, Nicoletta Mascher, Rolf Strauch, Flore Vancompernolle, op. cit..

La numérisation est indispensable pour répondre à la concurrence des entreprises de technologie financière (fintech) et des grandes entreprises du numérique. Si l’irruption des grandes entreprises du numérique ([53]) dans les services financiers, qui se limite pour l’heure en Europe à des partenariats avec des banques traditionnelles, est susceptible d’apporter de l’innovation et davantage d’efficacité au service des consommateurs, elle est aussi porteuse de risques identifiés par le Conseil de stabilité financière dans un rapport de décembre 2019 ([54]). Leur concurrence pourrait réduire la résilience des institutions financières, soit en affectant leur profitabilité, soit en réduisant la stabilité de leurs financements. L’étendue et la complexité des liens entre les grandes entreprises du numérique et les établissements financiers (dépendance des banques à l’égard des services fournis par les grandes entreprises du numérique, partenariats pour la distribution de produits financiers, etc.) pourrait en outre agir comme un nouveau canal de propagation de crise financière, à une échelle potentiellement plus massive. Ces risques peuvent être particulièrement importants si la gestion des risques et les contrôles des grandes entreprises du numérique sont moins efficaces que ceux exigés auprès des institutions financières réglementées. Un autre risque réside dans le petit nombre d’acteurs concernés, qui pourraient à l’avenir dominer, davantage que diversifier, la fourniture de certains services financiers dans certains pays. Dans ce cas de figure, la défaillance de ces firmes pourrait conduire à une perturbation généralisée.

La numérisation des banques nécessite des investissements importants à court terme, ce qui constitue un défi encore plus lourd à relever pour les banques de taille moyenne, qui ne disposent pas de capacités financières suffisantes. Les coûts d’investissement sont en grande partie fixes, alors que les économies ultérieures augmentent à proportion de la taille de l’établissement. Le nouvel écosystème numérique entraîne de plus une pression à la baisse sur les revenus des établissements financiers, qui leur impose de dégager des gains de productivité et d’adapter leur modèle économique

iii.   Une consolidation indispensable

Une plus grande consolidation du secteur bancaire européen est nécessaire pour réaliser des économies d’échelles, faire face au défi de la numérisation et de l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché et atteindre une taille suffisante dans la compétition internationale. Les banques de petite taille, plus dépendantes des marges qu’elles réalisent sur les prêts, sont en outre plus sensibles aux conséquences des taux d’intérêt bas.

Après la crise financière de 2007-2008, le secteur bancaire s’est moins restructuré en Europe qu’aux États-Unis, ce qui explique en partie la perte de compétitivité du secteur bancaire européen.

Les superviseurs nationaux des pays de l’UE ont été moins enclins que la Federal deposit insurance corporation (FDIC) à liquider les banques. Les banques européennes ont reçu beaucoup plus de soutiens publics que les banques américaines

Faillites bancaires aux Etats-Unis et dans l’Union européenne
pendant la crise

Source : Conseil européen du risque systémique, Rapport du Comité scientifique consultatif, Is Europe overbanked ?, n° 4, juin 2014, page 36.

Alors que les 117 banques sous supervision directe de la BCE détiennent près de 82 % des actifs bancaires de la zone euro, la BCE dénombrait au 31 décembre 2019 près de 6 000 banques dans l’Union européenne et 4 500 dans la zone euro ([55]). Cela signifie que 4 350 banques se répartissent 18 % des actifs de la zone euro.

Plusieurs pays ont un nombre très élevé de banques, et donc de petites banques. C’est par exemple le cas de l’Italie (490), de l’Autriche (521), de la Pologne (629), et surtout de l’Allemagne (1 533).

La consolidation a été engagée en Italie, avec notamment la réforme prévoyant une consolidation des quelque 265 banques de crédit coopératif autour de trois groupes, mais il reste de nombreuses petites banques dans le sud du pays. L’Allemagne, quant à elle, comprend plus du tiers des banques de la zone euro et près de quatre fois plus de banques que la France, du fait de la présence de nombreuses petites banques mutualistes et caisses d’épargne.

Le secteur bancaire européen reste trop fragmenté par rapport au marché américain : la part de marché des cinq principales banques européennes s’élève à 20 % contre plus de 40 % aux États-Unis.

Part des actifs des 50 plus grandes banques aux Etats-Unis
et dans la zone euro

(en % du total des actifs)

Source : Andrea Enria, président du Conseil de supervision unique, Is less more? Profitability and consolidation in the European banking sector, 4 juillet 2019.

Cette fragmentation pèse sur la rentabilité des banques et limite les apports de l’union bancaire pour la stabilité financière de la zone euro.

Dans un premier temps, la consolidation pourrait concerner des petites banques à l’intérieur d’un même pays, mais une plus grande intégration européenne serait bénéfique pour diversifier les risques, assurer une meilleure circulation de l’épargne et atteindre la taille nécessaire pour faire face aux investissements en matière digitale.

Lors de son audition, Jean Pisani-Ferry a pris l’exemple d’une crise immobilière. Aux États-Unis, si une crise immobilière frappe un État, il n’y a pas de phénomène de contagion car, soit les banques touchées sont de petite taille et peuvent faire faillite sans risque pour la stabilité financière, soit il s’agit de très grandes banques qui diversifient les risques. En Europe, en revanche, les banques agrègent du risque au niveau national, ce qui favorise la transmission d’une crise à l’ensemble du système bancaire, avec un risque de contagion au souverain et à l’économie dans son ensemble.

Or le secteur bancaire européen est moins intégré aujourd’hui qu’avant la crise financière, en raison du soutien apporté par un certain nombre d’États à leurs banques et d’un moindre appétit pour le risque.

Intégration financière dans la zone euro

Source : Banque centrale européenne, financial integration indicators.

Hormis le rachat de la banque portugaise Banco Portugés de Investimento (BPI) par l’espagnole Caixa Bank, il n’y a eu aucune fusion transfrontière d’envergure au sein de la zone euro depuis la crise. Paradoxalement, depuis la mise en place de l’union bancaire, les fusions et acquisitions dans le secteur bancaire de la zone euro ont été moins nombreuses qu’auparavant, et également moins nombreuses qu’aux États-Unis. Inachevée, lunion bancaire na pas permis de passer de dix-neuf systèmes bancaires nationaux à un système bancaire européen.

Fusions et acquisitions dans le secteur bancaire
dans la zone euro (gauche) et aux États –Unis (droite)

(en milliards d’euros)

Source : Banque centrale européenne, Financial stability review, novembre 2019, page 116.

Dans ce contexte, les banques européennes ont perdu en compétitivité par rapport aux banques américaines, en particulier dans le domaine de la banque d’investissement. Au niveau mondial, les cinq premières banques d’investissement sont américaines ([56]) ; en dix ans, les banques dinvestissement européennes ont perdu 13 % de part de marché dans le monde et 5 % en Europe ([57]). Conserver une capacité stratégique en banque d’investissement constitue un enjeu de souveraineté pour lEurope. Les grandes entreprises européennes ne doivent pas dépendre excessivement de banques américaines pour leur financement.

III.   Achever la construction de l’Union bancaire est un impératif

Dans sa communication du 11 octobre 2017 sur l’achèvement de l’union bancaire, la Commission exhortait le Parlement européen et les États membres à « faire preuve de responsabilité politique et adopter les actes nécessaires pour achever lunion bancaire dici à 2019 » et soulignait que « si les dirigeants de lUnion européenne ne font pas collectivement preuve dambition et nagissent pas au cours de lannée à venir, il existe un risque réel que lUnion européenne nait pendant des années aucune perspective dachèvement de lunion bancaire et que les niveaux dambition ne soient pas optimaux en ce qui concerne la finalisation des processus de réduction et de partage des risques ». Force est de constater que le risque évoqué en 2017 s’est matérialisé. Début 2020, l’union bancaire est en effet loin d’être achevée et sa finalisation, si elle est au programme de la nouvelle Commission, ne semble plus être une priorité à court terme. À l’occasion de l’Eurogroupe du 4 décembre 2019, le commissaire à l’économie Paolo Gentiloni a plutôt évoqué un horizon de fin de mandat pour faire aboutir les discussions sur le parachèvement de l’union bancaire. Le sentiment durgence, né de la crise financière, a disparu, et la méfiance sest installée entre les États membres. Peu d’entre eux sont moteurs pour progresser vers l’achèvement de l’Union bancaire ; la France est souvent isolée, en particulier quand il s’agit de favoriser une plus grande intégration.

Bien qu’en amélioration sensible, la situation du secteur bancaire est pourtant loin d’être optimale, tant du point de vue de la stabilité financière que de celui du bon financement de l’économie européenne. Il est urgent de renforcer ou de créer les piliers manquant à une union bancaire encore boiteuse sans attendre la prochaine crise.

La création de l’union bancaire a transféré la responsabilité de la supervision et de la résolution du niveau national au niveau européen. La chaîne de supervision et de résolution doit être pleinement cohérente pour éviter la subsistance de cadres réglementaires dans lesquels les banques sont européennes quand elles vont bien et nationales quand elles sont en péril.

A.   compléter les piliers incomplets

1.   Adjoindre un filet de sécurité efficace au Fonds de résolution unique

Bien que les cadres européens de surveillance et de résolution aient sensiblement réduit la probabilité et l’incidence potentielle des défaillances bancaires, la possibilité d’accéder à un dispositif de soutien budgétaire commun pour améliorer la capacité financière du FRU et faire face aux résolutions bancaires reste nécessaire.

Le FRU représentera 1 % des dépôts couverts, soit environ 65 milliards d’euros en 2024, ce qui risquerait de s’avérer insuffisant en cas de résolution de banques vraiment systémiques, avec des bilans supérieurs à 500 milliards d’euros.

Lors de la création du mécanisme de résolution unique, les États membres sont convenus de développer un dispositif de soutien commun pour le Fonds de résolution unique. Celui-ci ne devrait avoir aucune incidence budgétaire à moyen terme, étant donné que les coûts seraient récupérés grâce à des contributions du secteur bancaire.

Le principal objectif d’un tel dispositif de soutien, ou filet de sécurité, est d’insuffler la confiance dans le système bancaire en renforçant la crédibilité des actions menées par le CRU. En tant qu’instrument de dernier recours, il ne serait activé que si les ressources immédiatement disponibles du FRU s’avèrent insuffisantes pour fournir des fonds propres ou des liquidités et que le CRU n’est pas en mesure d’appeler des contributions supplémentaires ou d’emprunter auprès d’autres sources à un taux acceptable.

Un accord politique a été dégagé à l’Eurogroupe sur le cadre légal pour créer le filet de sécurité commun du Fonds de résolution unique dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité (MES). Les ministres des finances de la zone euro ont décidé de fixer à 68 milliards d’euros, soit un montant supérieur au montant attendu du FRU, le montant maximal de prêts que le MES pourra octroyer au FRU si ce dernier manque de moyens pour la résolution d’un groupe bancaire défaillant.

L’entrée en vigueur du filet de sécurité est prévue en 2024, sauf si les progrès réalisés en termes de réduction des risques sont suffisants pour permettre une introduction anticipée. Une décision politique sur ce point doit être prise cette année, au vu des analyses des autorités compétentes sur la poursuite de la réduction des risques au sein de l’union bancaire ([58]).

L’accord trouvé au sein de l’Eurogroupe n’a pas pu être finalisé, comme initialement envisagé, en décembre 2019 en raison des réserves de l’Italie sur un autre volet de la réforme du MES (recours aux clauses d’action collective dans les contrats d’émission de dette souveraine). Il paraît peu probable qu’il puisse l’être avant la fin du premier semestre 2020. La conclusion juridique de cet accord doit cependant demeurer une priorité pour 2020, afin que le filet de sécurité puisse entrer en vigueur en 2024 et, si possible, avant.

Ce filet de sécurité constituerait une avancée importante pour la crédibilité du mécanisme de résolution. Les auditions menées par le rapporteur ont toutefois permis de mettre en évidence plusieurs limites au dispositif négocié à l’Eurogroupe :

– des interrogations portent sur le délai dactivation du filet de sécurité. La situation impose en effet de réagir en quelques heures. En principe, la décision doit être prise dans un délai maximum de 12 heures à compter de la demande du CRU, pouvant être porté à 24 heures pour les cas particulièrement complexes. Une procédure d’urgence est prévue si la Commission européenne et la BCE décident que l’absence de décision rapide d’octroi de prêt menacerait la pérennité économique et financière de la zone euro. Dans cette procédure, l’unanimité serait remplacée par la majorité qualifiée de 85 % des suffrages exprimés, les droits de vote étant proportionnels à la participation au capital ;

– le filet de sécurité n’est pas réellement automatique. Une des vertus du filet de sécurité est de dissuader la spéculation. S’il existe une possibilité qu’il ne soit pas activé, des spéculateurs peuvent tenter leur chance. Or, en application de la loi du 13 septembre 2012 relative à la participation financière au mécanisme européen de stabilité ([59]), l’accord préalable du Bundestag est requis pour que l’Allemagne permette au Conseil des gouverneurs ([60]) d’accorder l’aide du filet de sécurité et de fixer son montant ;

– le délai prévu pour le remboursement du prêt par les banques pourrait être trop contraignant. Le gouverneur de la Banque de France a estimé que vouloir qu’il soit remboursé le plus vite possible constituait une erreur. Afin de garantir la neutralité budgétaire du filet de sécurité pour les États, il est prévu que les prêts doivent être remboursés en trois à cinq ans. Or, selon François Villeroy de Galhau, la durée normale de retour à meilleure fortune après la restructuration d’une banque serait plutôt de 5 à 10 ans. Si la banque n’est pas en mesure de rembourser le prêt au bout de cinq ans, il sera demandé aux autres banques de rembourser, ce qui peut se traduire par des prélèvements extrêmement significatifs sur des banques saines, qui peuvent les mettre en péril. La Fédération bancaire française a également souligné la nécessité de prévoir des modalités de remboursement qui ne créent pas d’effet de contagion de la crise.

2.   Prévoir un mécanisme de fourniture de liquidités en urgence en cas de résolution d’une banque

L’achèvement de l’union bancaire nécessite de traiter le risque de manque de liquidités pendant et après une résolution. Le cadre de résolution européen est davantage destiné à traiter les problèmes de solvabilité, notamment par les instruments de renflouement interne, que les insuffisances de liquidités. Or c’est une crise de liquidité qui a par exemple conduit à la faillite de la banque lettone ABLV en 2018 ([61]). Un problème de liquidité n’est pas nécessairement causé par une action inappropriée de la banque ou de la résolution, il peut l’être par une réaction imprévisible des marchés.

Il est important que les banques systémiques confrontées à des problèmes de résolution des défaillances disposent de liquidités suffisantes, afin de garantir la résilience des déposants et du marché en général. Sans préjudice de la disponibilité de liquidités générées par les opérations des banques centrales, un mécanisme de fourniture de liquidité robuste et disposant d’une capacité importante est nécessaire pour rassurer les parties prenantes du secteur bancaire et le marché quant à sa capacité de subvenir aux besoins éventuels de liquidités d’une banque dans l’adversité.

Une banque qui a été recapitalisée en résolution par le CRU peut toujours être incapable de sassurer la fourniture de liquidités par le marché, parce qu’elle doit restaurer la confiance des marchés et peut ne pas avoir des actifs de qualité suffisante pour obtenir le financement de la BCE dans le cadre des opérations normales de politique monétaire, ou de la banque centrale nationale dans le cadre de la fourniture de liquidité d’urgence. On peut ainsi se retrouver dans une situation dans laquelle une banque « réparée » devrait faire défaut faute de liquidités.

Les liquidités nécessaires pourraient provenir du Fonds de résolution unique. Toutefois, ses ressources, même complétées par un filet de sécurité de taille similaire, risquent de ne pas être suffisantes pour répondre de manière adéquate à l’ampleur des besoins de liquidité potentiels dans le cadre d’une procédure de résolution. Il est donc nécessaire de prévoir au sein de l’union bancaire, en lien avec la BCE, un mécanisme permettant de faire face à un besoin urgent de liquidité en cas de résolution.

3.   Sortir de l’opposition stérile entre réduction et partage des risques pour mettre en place progressivement une garantie européenne des dépôts

Le système européen d’assurance des dépôts reste l’une des pièces manquantes de l’union bancaire. Il contribuerait à la stabilité du système bancaire en fournissant une couverture forte et uniforme à tous les déposants, quelle que soit leur localisation géographique.

La Commission avait présenté dès 2015 une proposition de règlement visant à mettre en place un système commun ([62]) mais celle-ci est bloquée par les pays du Nord de l’Europe, qui exigent une réduction des risques préalable à leur mutualisation et craignent qu’un système commun ne favorise l’aléa moral. L’aléa moral n’est d’ailleurs pas une préoccupation propre aux pays du Nord, la Fédération bancaire française ayant également exprimé ses réserves à l’égard de la mise en place de la garantie européenne pour ce motif, ainsi que par crainte d’une augmentation de la contribution des banques françaises.

Les pays du sud, quant à eux estiment que la mise en place d’un système de garantie commun contribuerait à réduire les risques.

Un groupe de travail de haut niveau a été mis en place pour poursuivre les travaux techniques en vue du début des négociations politiques visant à établir un système européen d’assurance des dépôts (SEAD), mais, lors de sa réunion de décembre 2019, l’Eurogroupe n’est pas parvenu à adopter une feuille de route pour relancer les négociations au niveau politique sur le parachèvement de l’union bancaire par la création d’un SEAD.

Il s’agit d’un sujet politiquement extrêmement sensible, lié à d’autres aspects inachevés de l’union bancaire.

Les réticences des pays du nord sont en effet liées, outre au ratio encore élevé de prêts non performants dans certains pays, aux liens forts entre les banques et des États dont la situation budgétaire est considérée comme porteuse de risques. Certains seraient prêts à accepter une garantie européenne des dépôts en contrepartie d’une pondération du risque souverain, inacceptable pour un pays comme l’Italie. Le biais domestique est un obstacle à la progression des discussions sur la garantie des dépôts, en raison du soupçon selon lequel les dépôts protégés par la garantie européenne pourraient être utilisés par les banques, sous la pression des gouvernements, pour augmenter de manière excessive leurs achats de dette souveraine.

La stratégie consistant à avancer conjointement sur la réduction et le partage des risques a montré ses limites. L’Union est parvenue à adopter en 2019 un paquet sur la réduction des risques comprenant deux règlements et deux directives (cf. supra), sans aucune avancée parallèle sur la garantie des dépôts.

Selon Olivier Guersent, les positions des États membres évoluent, mais les progrès resteront lents. Tentant de trouver une voie médiane, la Commission a présenté en 2017 ([63]) une démarche plus progressive pour mettre en place la garantie européenne des dépôts, commençant par une phase de réassurance limitée, évoluant progressivement vers la coassurance.

Lors d’une première phase de réassurance, le système européen pourrait fournir uniquement une couverture de liquidité, et non une couverture de pertes, les montants en jeu devant être intégralement récupérés auprès du secteur bancaire par la suite. L’aléa moral résultant d’une inégale distribution des risques et des avantages du système européen d’assurance des dépôts peut en outre être prévenu par un ajustement de la contribution des banques au système européen en fonction des risques encourus, comme le prévoit la proposition de la Commission de 2015 ([64]). Cette modulation en fonction des risques constituerait en outre une incitation efficace à la réduction des risques.

Il ne paraît pas, à ce stade, y compris du point de vue de l’Allemagne, impossible de progresser sur une première phase où les systèmes nationaux de garantie des dépôts puissent se faire des avances de liquidité.

Le ministre des finances allemand, Olaf Scholz, s’est ainsi montré ouvert, sous certaines conditions liées notamment à la réduction des prêts non performants et au traitement de la dette souveraine, à un système de réassurance en trois temps ([65]) : intervention du régime national de garantie des dépôts dans le pays concerné, puis intervention d’un mécanisme de réassurance européen fournissant, si nécessaire, des liquidités au régime national (sous forme de prêts remboursables), voire, en dernier lieu, intervention de l’État membre concerné. Dans une seconde phase, une fois tous les éléments de l’union bancaire totalement appliqués, un élément de couverture limitée des pertes pourrait être envisagé.

Comme l’a souligné l’Association des banques italiennes lors du déplacement du rapporteur à Rome, il s’agirait d’un premier pas minimaliste mais pragmatique, l’absence de confiance réciproque ne permettant pas daller plus loin. La Banque d’Italie a également évoqué la création de canaux de communication entre les fonds nationaux.

Plusieurs interlocuteurs du rapporteur ont estimé qu’il était plus urgent de compléter le pilier relatif à la résolution pour rendre toutes les banques réellement résolvables que de mettre en place la garantie commune des dépôts. En effet, si la résolution fonctionne bien, le mécanisme de résolution unique permet de restructurer les banques importantes, seules les petites banques allant à la liquidation. Or la garantie des dépôts ne sert qu’en cas de liquidation. Si celle-ci ne concerne que de petites banques, elle peut être traitée par les schémas nationaux.

Il n’en demeure pas moins qu’une garantie européenne des dépôts doit rester un objectif pour finaliser l’union bancaire, son intérêt allant au-delà de l’indemnisation des déposants des banques défaillantes.

En matière de stabilité financière, un fonds unique de l’Union européenne serait supérieur à n’importe quel système national en termes de capacité d’absorption des risques et de suppression de la spirale que constitue la relation entre les banques et les emprunteurs souverains. Il peut disposer de manière plus efficiente de ressources suffisantes, même dans les scénarios extrêmes. Les faillites bancaires ne surviendront pas dans tous les pays en même temps, les ressources peuvent être réorientées en conséquence.

La dépendance aux systèmes nationaux de garantie des dépôts rend par ailleurs les États membres plus vulnérables aux chocs locaux. Les déposants qui perçoivent un risque pour leurs dépôts pourraient les retirer, et provoquer une panique bancaire comme celle qui a eu lieu lors de la dernière crise. Si le système est au bord de l’effondrement, la pression politique sera forte pour que l’État intervienne, ce qui renforcera le cercle vicieux banques-souverain.

Un niveau inégal de protection des dépôts à travers la zone euro mine les progrès réalisés jusqu’ici pour créer des conditions de concurrence équitable et rend la zone euro plus fragmentée.

La mise en place d’une garantie européenne, avec des règles de supervision et de résolution améliorées comme garanties de poursuite de la réduction des risques, pourrait aider à répondre aux problèmes de circulation des capitaux et des liquidités au sein des groupes bancaires en interdisant aux régulateurs nationaux de contraindre les filiales à un certain volant de liquidité et de capital pays par pays (cf. infra), leurs exigences découlant en grande partie des risques que feraient peser sur leur système national de garantie des filiales de banques étrangères.

B.   Favoriser la circulation des capitaux dans l’Union européenne

La mise en place de l’union bancaire avait entre autres objectifs de favoriser la circulation des capitaux dans l’Union, à la fois dans un souci de stabilité financière et pour améliorer le financement de l’économie. Alors que les réticences aux transferts d’argent public entre les États membres sont extrêmement fortes, la circulation des capitaux privés constituerait un outil puissant de stabilisation financière et économique. Des progrès substantiels sont encore nécessaires pour atteindre cet objectif.

1.   Dénouer progressivement le lien entre les banques et les États

Les liens entre les banques et les États sont encore forts, en raison notamment de la détention de titres souverains par les banques et du caractère national des systèmes de garantie des dépôts. Distendre ces liens est nécessaire mais soulève d’importantes difficultés d’un point de vue technique et politique.

Selon l’économiste Nicolas Véron ([66]), malgré la mise en place du renflouement interne en cas de résolution, les mécanismes financiers de contagion entre les banques et les États sont intacts, directement par des expositions financières (détention de dette souveraine par les banques, recapitalisations préventives, garantie des dépôts, protection de créances sénior) et indirectement par le circuit macro-économique.

Il évoque quatre volets de recommandations, largement interdépendants, pour rompre le cercle vicieux :

– dans le traitement des crises bancaires, le législateur européen n’a harmonisé qu’une partie du dispositif. La résolution est régie par la directive BRRD, mais s’il n’y a pas d’intérêt public suffisant à la résolution, la banque est mise en liquidation selon le droit national. Or il n’y a eu depuis la mise en place du mécanisme de résolution unique qu’une décision de résolution prise par le CRU. Toutes les autres défaillances bancaires ont été traitées selon le droit national. Il faut donc aller plus loin dans l’harmonisation des droits nationaux des faillites bancaires ;

– la mise en place de la garantie européenne des dépôts, à laquelle il faut ajouter d’autres mécanismes de type assurantiel ou la capacité du MES à intervenir dans les crises bancaires ;

– les canaux de contagion indirecte pourraient être fortement affaiblis par l’encouragement de l’intégration des banques de la zone euro sur une base transfrontalière, ce qui suppose de mettre fin aux pratiques de confinement géographique (ring fencing) forçant les banques à fragmenter leur capital et leur liquidité en fonction des différents États membres ;

– le portefeuille de dettes souveraines détenues par les banques. Il s’agit sans doute du sujet le plus compliqué et sensible politiquement.

Le risque souverain a en effet toujours bénéficié de privilèges en matière de traitement prudentiel ([67]), que ce soit au travers du pilier 1 du ratio de solvabilité, des règles encadrant les grands risques ou des exigences en matière de liquidité. Mettre en place un régime qui prendrait mieux en compte les risques liés à ces expositions est un exercice délicat qui demande la plus grande prudence. Il faut en outre rappeler les expositions souveraines sont déjà prises en compte dans le ratio de levier et que les superviseurs peuvent déjà utiliser les exigences de pilier 2 pour traiter les risques d’exposition excessive au souverain.

La détention de titres souverains par les banques constitue un enjeu important à la fois pour les banques et pour les États émetteurs, même si la situation varie fortement d’un pays à l’autre en fonction notamment de la situation des finances publiques, du degré de développement du système bancaire, des exigences réglementaires et des conséquences de la crise financière mondiale.

Pour les banques, les raisons de détenir des titres souverains sont multiples :

– la gestion de leur bilan, les titres d’émetteurs souverains étant des actifs très liquides et pouvant servir de garantie pour la gestion de la liquidité ;

– la tenue de marché (certaines banques détiennent des titres en tant que spécialistes en valeurs du Trésor) ;

– des raisons législatives et réglementaires : le dispositif réglementaire existant prévoit un traitement plus favorable, en termes de fonds propres, pour les expositions au risque souverain que pour d’autres types d’expositions. En outre, les normes de liquidité exigent des banques qu’elles détiennent un volant d’actifs liquides, incluant des titres de dette souveraine ;

– des opportunités de placement : les expositions au risque souverain peuvent être perçues comme des valeurs refuges en termes de rendement par rapport au risque.

Du point de vue des États, la détention de la dette par les banques nationales joue un rôle de stabilisation. Comme le montre le graphique suivant, dans plusieurs pays, en particulier en Italie, en Espagne et au Portugal, les banques ont généralement accru leur détention d’obligations souveraines domestiques pendant la crise financière, en substitution des investisseurs étrangers, et l’ont réduite quand la situation des marchés s’est améliorée.

Détention d’obligations souveraines domestiques par les banques
(1998-2018)

https://voxeu.org/sites/default/files/image/FromMay2014/lanottefig1.png

Source : Michele Lanotte et Pietro Tommasino, Recent developments in the regulatory treatment of sovereign exposures, Vox CEPR Policy Portal, 5 février 2018.

Dans ses conclusions du 17 juin 2016 sur une feuille de route pour l’achèvement de l’union bancaire, le Conseil convenait d’attendre les conclusions du Comité de Bâle pour ce qui concerne le traitement réglementaire des expositions sur les emprunteurs souverains avant d’examiner les prochaines étapes dans le contexte européen. Cependant, les discussions au niveau international n’ont pas progressé. En décembre 2017, le Comité de Bâle a effectué une revue du traitement réglementaire du risque souverain ([68]). Tout en reconnaissant l’existence de ce risque, compte tenu de l’importance des enjeux pour les États, le Comité n’est pas parvenu à un consensus pour apporter des modifications au traitement réglementaire des expositions aux actifs souverains.

Il paraît à l’heure actuelle extrêmement difficile de mettre en place une pondération positive du risque souverain qui risquerait davoir des conséquences lourdes aussi bien pour les banques que pour les États. En outre, la mettre en place pour la zone euro sans que cela s’inscrive dans un mouvement généralisé à l’échelle internationale risquerait de jeter un doute sur la solidité de la zone euro.

Une solution intermédiaire a été proposée par quatorze économistes français et allemands ([69]), qui consisterait à pénaliser non pas la détention de portefeuilles de dette souveraine en tant que telle, indispensable au bon fonctionnement du système, mais celle des portefeuilles insuffisamment diversifiés au sein de la zone euro. Les expositions souveraines d’une banque de la zone euro vis-à-vis d’un pays donné ne feraient l’objet d’une surcharge en capital que si elles dépassent un certain seuil. Outre qu’elle diluerait la corrélation entre risque souverain et risque bancaire, une telle solution constituerait un élément d’intégration transnationale.

Une autre solution parfois évoquée, mais qui paraît difficilement réalisable à court ou moyen terme compte tenu de l’opposition, notamment, de l’Allemagne, est la création dun actif sûr européen, qui permettrait aux banques de concilier respect des exigences prudentielles et réduction de lexposition au souverain. Il contribuerait par ailleurs à sécuriser le financement des États, à uniformiser leurs conditions de financement et à renforcer le rôle international de l’euro.

2.   Lever les barrières à l’intégration financière

Depuis le lancement de l’union bancaire, l’intégration bancaire n’a guère progressé. L’union bancaire est encore loin d’être reconnue comme une entité territoriale unique. Le manque de confiance entre les États membres et vis-à-vis des grandes banques a pour conséquence un cloisonnement des marchés nationaux destiné à protéger les actionnaires et créanciers nationaux, ainsi que les contribuables. Cette politique de cloisonnement oblige les banques transfrontalières à détenir des montants minimums de fonds propres et de liquidité dans chaque pays et constitue un frein à l’intégration transfrontières, qui serait bénéfique à la stabilité financière en facilitant une meilleure circulation de la liquidité et du capital en Europe.

En plus du clivage entre pays du nord et pays du sud, manifeste sur la question de la garantie des dépôts, l’union bancaire est traversée pas un clivage entre pays d’origine (home), où se situent les sièges des groupes bancaires, et pays d’accueil (host) où se trouvent les filiales. Les premiers, dont la France, souvent isolée sur ce sujet, sont favorables à la consolidation transfrontière, alors que les seconds, plus petits mais plus nombreux, cherchent à obtenir le maximum de protections pour les filiales situées sur leur sol. En conséquence, en contradiction avec le principe même d’une union bancaire, une grande banque présente dans tous les pays doit séquestrer des liquidités et du capital dans chaque pays. Elle ne tire pas les bénéfices du marché intégré et est soumise à la fois aux contraintes du superviseur national et à celles du superviseur européen. Ces politiques de cloisonnement pourraient s’avérer dangereuses, en limitant la capacité des entités d’un groupe transfrontière à se soutenir mutuellement.

Dans un marché bancaire véritablement intégré au niveau de l’union, le financement du souverain devrait être moins dépendant des banques nationales et les portefeuilles des banques plus diversifiés. Ces dernières seraient ainsi plus sûres et pourraient davantage procurer des financements en cas de difficultés dans un pays de la zone.

Il conviendrait de démanteler les pouvoirs dont disposent les autorités nationales pour imposer un confinement géographique du capital et de la liquidité des groupes bancaires transfrontaliers. Aux États-Unis, l’abandon les exigences des États en termes de capital et de liquidité a été une étape clé pour l’intégration du marché bancaire américain. Il serait temps que les groupes bancaires européens soient considérés comme des entités uniques en termes de supervision, de résolution et d’exigences réglementaires et soient en mesure de déplacer librement capital et liquidités au sein du groupe. Il s’agit de reconnaître que la zone euro doit être traitée comme une juridiction unique pour l’application de la réglementation unique.

Cela ne pourra sans doute pas se faire sans un accord sur un système commun de garantie des dépôts, les pays d’accueil craignant qu’en cas de difficulté, la société mère sacrifie sa filiale et que l’indemnisation des déposants incombe aux fonds nationaux. Pour répondre à ces inquiétudes légitimes, il reste à imaginer des garanties qui ne se traduisent pas par la séquestration de capital mais puissent se traduire par une approche consolidée au niveau du groupe, la maison mère devant, en cas de crise, fournir capital et liquidité à sa filiale.

Le paquet bancaire de 2019 n’a pas permis d’avancer sur le sujet, qui reviendra en discussion cette année avec la mise en œuvre des accords de Bâle de 2017. Si elle ne permet pas de supprimer les barrières existantes, il faudra à tout le moins veiller à ce qu’elle n’en ajoute pas, notamment par les modalités d’application de l’output floor ([70]).

3.   Harmoniser les procédures nationales de liquidation

Comme l’a rappelé Dominique Laboureix, membre du Conseil de résolution unique, lors de son audition, la résolution dote une autorité administrative de pouvoirs exorbitants. Elle doit donc être réservée aux cas où l’intérêt public est incontestable, le régime de droit commun de gestion des défaillances bancaires restant celui de la liquidation par la voie judiciaire.

Or, alors que l’UE a introduit un régime commun de résolution pour les institutions considérées comme importantes, la liquidation des institutions les moins importantes reste soumise aux législations nationales en matière d’insolvabilité, qui n’ont jusqu’ici fait l’objet que d’une harmonisation limitée ([71]).

Les États membres ont des approches différentes de la liquidation des établissements de crédit. Certains pays disposent d’un régime spécifique pour eux, alors que d’autres les soumettent au régime commun. En outre, les règles diffèrent en matière de priorité des créances, de droits des créanciers et des actionnaires dans la procédure, du rôle des juridictions et administrations, de l’implication des différentes autorités et de la disponibilité d’un soutien externe. On pourrait même imaginer une situation dans laquelle une banque présenterait une « défaillance avérée ou prévisible » selon les standards de l’Union, mais ne serait pas en faillite du point de vue du droit national.

Les différences entre les régimes d’insolvabilité nationaux peuvent être sources de difficultés et d’insécurité juridique pour les autorités de résolution, en particulier pour le respect dans le cadre d’une procédure de résolution du principe posé au g du 1 de l’article 34 de la directive « BRRD » selon lequel, en cas de renflouement interne, aucun créancier ne peut encourir des pertes plus importantes que celles quil aurait subies si létablissement avait été liquidé selon une procédure normale dinsolvabilité. La diversité des régimes nationaux d’insolvabilité impose au CRU d’avoir une analyse très précise des dix-neuf régimes existants, alors même que la rapidité de réaction est une des conditions de la réussite d’une procédure de résolution.

La Commission européenne a recensé certains éléments du droit de l’insolvabilité bancaire pour les banques défaillantes qui « pourraient mériter une réflexion plus approfondie » ([72]), notamment un alignement entre l’ordre de priorité des créances en cas d’insolvabilité et l’ordre de priorité en cas de résolution et les procédures mises en place au niveau national pour la liquidation des banques déclarées en situation de défaillance avérée ou prévisible mais pour lesquelles il n’y a pas d’intérêt public à prendre des mesures de résolution.

Les différences des régimes nationaux posent question du point de vue des conditions de concurrence équitable entre les différents pays, dans la mesure où les investisseurs sont traités différemment d’un pays à l’autre en cas de liquidation. La répartition des charges sous le régime des aides d’État en cas de liquidation est par exemple plus flexible que le renflouement interne de 8 % imposé pour obtenir le soutien du FRU en cas de résolution, ce qui accroît la possibilité pour les créanciers d’être traités différemment d’un pays à l’autre.

Elke Koenig, présidente du Conseil de résolution unique, a régulièrement appelé à une harmonisation graduelle des régimes nationaux dinsolvabilité bancaire, qui permettrait au CRU de transmettre plus facilement aux autorités compétentes le cas de banques défaillantes mais insuffisamment systémiques pour être résolues au niveau européen en vue de leur liquidation.

Certains plaident pour une transformation radicale qui conduirait à transférer l’intégralité de la supervision au niveau européen et à créer une procédure commune de liquidation faisant du CRU l’autorité de liquidation. Le CRU se rapprocherait ainsi du modèle de la Federal deposit insurance corporation (FDIC) américaine, qui combine une procédure administrative de liquidation avec l’activation d’un régime fédéral de garantie des dépôts bancaires. Ce ne pourrait être qu’une perspective extrêmement lointaine, qui nécessiterait au préalable la mise en place d’une garantie commune des dépôts et l’harmonisation complète des régimes d’insolvabilité. Une harmonisation progressive des régimes dinsolvabilité bancaire, laissant subsister des particularités nationales, paraît plus réaliste, tout en restant extrêmement complexe à mettre en place techniquement et politiquement.

4.   Poursuivre les travaux pour une union des marchés de capitaux

L’achèvement de l’union bancaire, qui permettrait aux banques d’exercer leurs activités sur l’ensemble de son territoire de la même manière qu’aujourd’hui dans leur pays d’origine est un préalable à l’élaboration d’une véritable union des marchés de capitaux qui permettrait de renforcer, grâce à la circulation des capitaux privés, la stabilité de la zone euro et le financement de son économie.

Au-delà de la ressemblance sémantique, le concept d’union des marchés de capitaux ([73]), qualifiée par Nicolas Véron de « grande coquille vide rhétorique », est toutefois très différent de celui d’union bancaire puisqu’elle ne constitue pas une architecture institutionnelle, mais désigne plutôt un objectif de diversification des sources de financement des entreprises et des possibilités d’investissement offertes aux épargnants permettant un partage des risques au sein de l’Union européenne et une meilleure allocation de l’épargne.

Pour reprendre une image utilisée par Olivier Guersent, construire l’union des capitaux consisterait à ouvrir cent robinets successifs sur un même tuyau pour que l’eau puisse s’écouler. S’il en reste un fermé, l’eau ne s’écoule pas. Ces robinets sont autant de dispositions européennes ou nationales, qui parfois ne sont pas spécifiques au domaine financier, et qui constituent des obstacles aux transferts de capitaux. Il s’agit selon lui d’une œuvre de longue haleine qui peut demander une vingtaine d’années. Elle nécessite des actions dans des domaines aussi divers que la fiscalité, le droit commercial, l’insolvabilité, l’accès au financement ou la protection sociale.

Le but de l’union des marchés de capitaux serait de créer un marché européen aussi profond et liquide que celui des États-Unis, qui permette à l’abondante épargne des Européens de financer la croissance européenne.

Il s’agit d’offrir de nouvelles possibilités de financement aux entreprises, plus adaptées aux besoins des entreprises innovantes et du financement de la transition énergétique afin qu’elles puissent se financer par prêt bancaire, par obligations et par fonds propres. Selon le gouverneur de la Banque de France, les fonds propres des entreprises représentent entre 75 et 80 % du PIB en zone euro, contre 125 % aux États-Unis. Le crédit bancaire représente environ les trois quarts de leur financement, contre moins d’un tiers pour les entreprises américaines.

L’union des marchés de capitaux permettrait de rendre le financement des projets et des entreprises européens moins dépendants des investisseurs extra‑européens et d’assurer des conditions de financement équivalentes à toutes les entreprises de la zone euro. La crise a fragmenté les marchés au sein de la zone euro. Deux entreprises ayant le même profil n’auront pas les mêmes conditions de financement en Allemagne et en Grèce, alors que, précisément, l’économie grecque à un retard à rattraper sur l’économie allemande.

Les marchés de capitaux européens représentent également un facteur de résilience et d’absorption des chocs économiques. Lors des auditions menées par le rapporteur, plusieurs interlocuteurs ont souligné l’atout dont bénéficient les États-Unis en la matière : un marché intégré permet aux capitaux de circuler pour absorber les chocs où cela est nécessaire. En cas de choc asymétrique frappant un pays de la zone euro, le rôle des marchés de capitaux pourrait être dautant plus important que la zone euro ne dispose pas, contrairement aux États-Unis, de mécanismes de stabilisation publics.

C.   Renforcer la lutte contre le blanchiment

Les années récentes ont été marquées par plusieurs affaires de blanchiment de capitaux impliquant des banques européennes, conduisant pour certaines à l’imposition d’amendes (Deutsche Bank, Nordea, Société générale) ou à des arrangements avec le ministère public (ING), pour d’autres à la fermeture de la banque (ABLV Bank, FBME Bank, Pilatus Bank, Versobank), d’une succursale (Danske Bank) ou à la restriction de ses activités (Satabank) ([74]).

Ces affaires, qui risquent de saper la confiance dans le système bancaire européen et d’affecter sa stabilité ont mis en lumière les lacunes de la lutte contre le blanchiment de capitaux et la nécessité de renforcer le dispositif de supervision, afin qu’elle ait la même efficacité dans tous les États membres, condition indispensable à l’efficacité d’ensemble.

À la demande du Conseil, la Commission européenne a publié un rapport sur l’évaluation des récents cas présumés de blanchiment de capitaux impliquant des établissements de crédits de l’UE, dont il ressort, outre des manquements de certains établissements et des lacunes dans l’action des autorités publiques, des problèmes structurels. L’application du cadre européen, considérablement renforcé depuis quelques années ([75]) et dont certaines dispositions doivent encore faire l’objet de transpositions, est très hétérogène en raison d’une harmonisation minimale au niveau de lUnion. Il en résulte une fragmentation réglementaire et prudentielle dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux, inadaptée au regard de l’importance des activités transfrontières au sein de l’Union et de la centralisation de la surveillance prudentielle au sein de l’union bancaire. C’est pourquoi la Commission envisage la transformation de la directive anti-blanchiment en un règlement qui permettrait de définir un cadre harmonisé et directement applicable ainsi que lattribution à un organe de lUnion de tâches spécifiques de surveillance anti-blanchiment.

Cette démarche a été reprise à leur compte et approfondie par six États membres ([76]), dont la France. Ces pays ont proposé la création d’un mécanisme européen de supervision pour la lutte anti-blanchiment, qui passerait par une harmonisation renforcée des règles, en substituant à la directive un règlement, et l’institution d’une supervision centralisée au niveau européen, en coopération avec les autorités nationales. Cette fonction de supervision européenne en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme pourrait être soit confiée à l’Autorité bancaire européenne, soit à une nouvelle autorité dédiée.

Lors de son audition, le gouverneur de la Banque de France a plaidé pour un renforcement du rôle de lAutorité bancaire européenne, plutôt que pour la création d’une nouvelle autorité, pour des raisons d’efficacité et de rapidité. Il s’agirait de créer un réseau de superviseurs européens réunissant l’ABE et les superviseurs nationaux. L’ABE devrait avoir la capacité et les moyens humains, dans les cas les plus graves, de mener des actions conjointes d’urgence ou de se substituer temporairement à un superviseur national dans les pays ou les secteurs les plus exposés au risque de blanchiment.

Les conclusions du Conseil du 5 décembre 2019 invitent prudemment la Commission à étudier les « possibilités, avantages et désavantages de conférer certaines responsabilités et certaines compétences en matière de surveillance de la lutte contre le blanchiment de capitaux à un organe de lUnion doté dune structure indépendante et jouissant de pouvoirs directs » et à « étudier plus avant des actions visant à renforcer le cadre de lUnion en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, notamment en examinant si certains aspects pourraient être mieux traités au moyen dun règlement ».

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*     *

La stabilité du système bancaire européen a fortement progressé depuis 2008, avec la mise en place progressive de l’union bancaire pour la zone euro. Les banques européennes ont vu leurs obligations renforcées, tant en termes de fonds propres que de supervision. Comme l’ont montré les nombreuses auditions et les déplacements du rapporteur, il reste malgré tout des éléments à renforcer ou à développer pour améliorer encore la stabilité du système bancaire.

Ce rapport d’information dresse un état des lieux des éléments structurels mis en place à la suite de la crise financière et des progrès encore nécessaires. Une décennie après la crise bancaire et économique qui a conduit à l’encadrement du système bancaire européen et à la création de l’union bancaire, la crise sanitaire que toute l’Europe traverse va engendrer des difficultés économiques qui constitueront le premier « stress test » grandeur nature pour le système bancaire européen.

 


  1  

 

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le jeudi 28 mai 2020, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

 

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Notre réunion est consacrée aujourd’hui à l’examen du rapport d’information sur la stabilité du système bancaire européen, sujet technique mais lourd d’enjeux politiques très importants, et notre collègue Christophe Jerretie a réalisé un rapport très intéressant. Ce rapport s’inscrit aussi dans la crise que nous vivons et je me demande si le plan de relance proposé par la Commission européenne hier, qui prévoit de soutenir les États les plus touchés par la crise, est suffisant pour éviter une éventuelle crise bancaire comme une nouvelle crise de la dette souveraine. Les États en difficulté auront-ils suffisamment d’argent à leur disposition pour stabiliser le système bancaire si nécessaire ?

M. Christophe Jerretie, rapporteur. En préambule, je souhaiterais faire deux précisions.

La première est que, compte tenu de la technicité du sujet, il m’a semblé utile de donner dans mon rapport écrit à la fois une vue d’ensemble du paysage réglementaire, tout étant étroitement imbriqué, et de faire œuvre de pédagogie dans la discussion orale. Si le rapport est peut-être assez long, je m’efforcerai d’être plus synthétique à l’oral.

La seconde précision, c’est que ce rapport, dont la présentation avait initialement été prévue fin février, a été rédigé avant la crise du coronavirus. Les incertitudes sur la crise économique qui en découlent sont trop fortes, à ce stade, pour en tirer des conclusions sur ses conséquences sur le système bancaire. C’est pourquoi il ne m’a pas paru nécessaire de modifier substantiellement le rapport rédigé avant la crise, deux paragraphes ayant été seulement ajoutés.

Deux choses me paraissent toutefois évidentes. Premièrement, la crise économique qui ne fait que commencer s’annonce d’une violence telle qu’elle aura nécessairement un impact sur les banques. Dans le pire des cas, une extension de la crise aux dettes souveraines pourrait se transmettre dans certains pays au secteur bancaire, j’y reviendrai. Cela fera partie des discussions autour de l’Union bancaire et de mes réflexions à la fin du rapport. Deuxièmement, et c’est le point positif, les banques, qui ne sont cette fois en rien à l’origine de la crise, l’abordent en étant beaucoup plus solides qu’en 2008. Leurs ratios de fonds propres et leurs coussins de liquidité ont été sensiblement renforcés. Le ratio de fonds propres de catégorie 1 des banques de la zone euro était ainsi de 15,5 % en 2019 contre 8,8 % en 2008.

Mon premier constat, c’est que beaucoup a été fait depuis la crise financière, en un temps somme toute réduit, pour améliorer la stabilité du système bancaire européen, en particulier entre 2012 et 2014. L’activité des banques européennes est désormais encadrée par un corpus juridique extrêmement volumineux, dont je vais présenter à gros traits l’architecture.

Le socle de la réglementation bancaire en Europe est ce qu’on appelle le « règlement uniforme », qui rassemble une série de directives et de règlements s’appliquant dans l’ensemble des 27 pays de l’Union européenne. Ces textes fixent les règles communes dans trois grands domaines : les exigences de fonds propres que les banques doivent respecter ; la prévention et la gestion des défaillances bancaires ; et la protection des déposants.

Deuxième niveau, sur ce socle commun aux 27, les 19 membres de la zone euro ont bâti l’union bancaire, censée reposer sur trois piliers : un mécanisme de supervision unique, un mécanisme de résolution unique et un système européen de garantie des dépôts.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le premier sujet est celui des exigences de fonds propres. Les textes européens ont rendu applicables aux banques de l’Union les normes décidées au niveau international dans le cadre des accords de Bâle III. Les banques, en particulier françaises, se plaignent des coûts découlant de ces exigences. Il faut reconnaître que ces coûts sont réels, mais, grâce à ces règles prudentielles, les banques européennes sont nettement plus solides aujourd’hui qu’il y a dix ans. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour les chiffres, mais elles ont nettement plus de fonds propres, une situation de liquidité satisfaisante et sont moins dépendantes à l’égard des financements à court terme. À la fin du mois d’avril, consultée préalablement à la validation de la création du soutien de crise pandémique dans le cadre du mécanisme européen de stabilité, la BCE a certifié que toutes les banques sous sa responsabilité respectaient leurs exigences de fonds propres, tant du point de vue du pilier 1, c’est-à-dire les exigences minimales obligatoires pour toutes les banques, que du pilier 2, les exigences supplémentaires éventuellement fixées pour chaque banque par le superviseur. Sous la houlette de la Commission et de la BCE, les banques ont également fortement réduit leur taux de prêts non performants.

Pour la gestion des défaillances bancaires, la directive de 2014 a mis en place des outils pour prévenir les difficultés (plans de redressement et plans de résolution), doté les autorités de résolution de moyens d’intervention précoce pour éviter que la situation d’une banque ne se détériore et mis à la disposition des autorités de résolution une procédure de résolution qui leur permet, lorsque la banque est défaillante ou susceptible de le devenir, d’intervenir directement auprès de la banque.

Par exemple, l’un des instruments à la disposition des autorités de résolution est le renflouement interne, qui permet de faire contribuer les actionnaires et créanciers à l’absorption des pertes. Pour rendre possible le renflouement interne dans des délais compatibles avec l’urgence d’une procédure de résolution, les banques doivent constituer des coussins de fonds propres et de dette utilisables pour le renflouement interne. L’exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles, la MREL, permet ainsi en quelque sorte de « flécher » certains passifs pour le renflouement interne. Un renflouement interne de 8 % est obligatoire pour avoir recours aux fonds de résolution mis en place au niveau national et progressivement transférés au fonds de résolution unique pour les pays de la zone euro. Ces fonds de résolution, alimentés par les contributions des banques à hauteur de 1 % des dépôts d’ici 2024, ont vocation à apporter un soutien aux banques dont les défaillances doivent être résolues, à indemniser les actionnaires si la résolution se traduit pour eux par une perte supérieure à celle qu’ils auraient subie en cas de faillite ou à procéder à des recapitalisations.

Nous avons peu de recul sur ces outils jusqu’à présent. La procédure de résolution, très complexe, n’a réellement été utilisée qu’une seule fois, pour un cas relativement simple en Espagne. Les États cherchent à éviter le renflouement interne. En pratique, les actionnaires et créanciers des banques ne sont en effet pas nécessairement de gros capitalistes. En Italie, notamment, la fiscalité incitait les petits épargnants à détenir des titres de leur banque. Les déposants que l’on cherche à protéger par le renflouement interne sont donc parfois les mêmes que les actionnaires que la procédure met à contribution !

Troisième volet du règlement uniforme, une directive de 2014 a harmonisé et renforcé la protection des déposants dans l’ensemble de l’Union, notamment en instaurant un financement ex ante des systèmes de garantie des dépôts, en réduisant le délai de remboursement des déposants à 7 jours d’ici 2024 et en rehaussant le plafond d’indemnisation au-delà de 100 000 € pour certains dépôts exceptionnels temporaires, par exemple à la suite d’une vente immobilière.

Pour ce qui concerne l’union bancaire, le mécanisme de surveillance unique est pleinement opérationnel depuis la fin de l’année 2014. Il a pour objet de contrôler le respect des exigences prudentielles par les banques, de déceler les faiblesses à un stade précoce et de veiller à ce que des mesures soient prises pour remédier à ces faiblesses. Ce mécanisme est organisé en deux niveaux : la BCE supervise directement les 115 banques les plus importantes, qui détiennent près de 82 % des actifs bancaires de la zone euro. De l’avis de tous mes interlocuteurs, la BCE s’est forgée en peu de temps une réputation solide d’autorité indépendante et rigoureuse et deux banques importantes sont désormais supervisées avec le même sérieux quel que soit leur pays d’origine. C’est un succès incontestable pour la stabilité du système bancaire selon les personnes auditionnées.

Les banques moins importantes restent pour leur part soumises au contrôle des autorités nationales, sous la coordination de la BCE. Il aurait sans doute été difficile de confier la supervision de l’ensemble des banques à la BCE et l’Allemagne et l’Italie, notamment, y étaient opposées.

Pour ce qui concerne le deuxième pilier de l’union bancaire, la résolution, nous sommes au milieu du gué. Le Conseil de résolution unique, qui est l’autorité de résolution compétente pour les 128 plus grands groupes, est opérationnel. Le fonds de résolution unique est encore en cours de construction. Il devrait atteindre environ 65 milliards d’euros d’ici 2024, nous en sommes à un peu plus de la moitié en 2020. Enfin, le troisième pilier de l’union bancaire, le système européen de garantie des dépôts, n’a pas progressé. Nous avons toujours 19 systèmes nationaux imparfaitement harmonisés.

Comme vous le voyez, si beaucoup de choses ont été faites depuis la crise financière pour améliorer la stabilité du système bancaire, le chantier est loin d’être terminé. J’ai retenu plusieurs points d’amélioration.

L’achèvement de l’union bancaire suppose tout d’abord l’achèvement de la mise en place des outils de résolution déjà présents dans la législation européenne et pour lesquels une entrée en vigueur échelonnée était prévue jusqu’à 2024. Le fonds de résolution unique doit en outre être complété par un filet de sécurité pour le cas où ses ressources s’avéreraient insuffisantes. Je rappelle qu’il devrait être doté d’environ 65 milliards d’euros, alors que les banques vraiment systémiques ont des bilans supérieurs à 500 milliards d’euros. L’Eurogroupe s’est mis d’accord en décembre 2019 pour un filet de sécurité de 68 milliards d’euros fourni par le mécanisme européen de stabilité mais cet accord n’a pas encore pu être traduit juridiquement en raison des réserves de l’Italie sur un autre aspect de la réforme du MES. La réforme du traité MES doit rester une priorité pour que le filet de sécurité puisse entrer en vigueur, au plus tard, en 2024.

Le cadre de résolution devrait également prévoir un mécanisme de fourniture de liquidités en urgence en cas de résolution. L’objectif est d’éviter qu’une banque « réparée » fasse défaut faute de liquidité. Cette nécessité est reconnue, mais il ne semble pas y avoir de piste très précise à l’heure pour mettre en place ce mécanisme.

Sur le troisième pilier de l’union bancaire, le système européen d’assurance des dépôts, presque tout reste à faire : la proposition de règlement de 2015 reste dans les limbes. Lors de son audition, le gouverneur de la banque de France a estimé que, même si la garantie européenne des dépôts était importante symboliquement et plus parlante pour le grand public, elle était peut-être moins urgente que l’achèvement du « pilier » résolution. En effet, si la résolution fonctionne bien, les problèmes des grandes banques sont résolus par ce mécanisme.

Il est certain que le sujet d’assurance des dépôts est difficile à aborder politiquement. Les discussions sur ce système commun butent toujours sur les réticences de certains pays, schématiquement les pays du nord, à partager les risques avant qu’ils soient réduits. De plus, une partie substantielle de la supervision est restée au niveau national, or certains suspectent les superviseurs nationaux de certains pays du sud de laxisme.

Même s’il ne faut pas s’attendre à une évolution très rapide sur ce dossier, on sent une évolution, notamment du côté de l’Allemagne, qui a montré une ouverture à un système de réassurance en trois temps, avec une première phase où le système européen pourrait fournir des liquidités au système national, sans partage des pertes. C’est sans doute vers une telle démarche progressive qu’il faut s’orienter.

La mise en place de la garantie européenne des dépôts bute aussi sur l’exposition des banques de certains pays à la dette souveraine. Ceci m’amène à une des sujets pour lesquels les objectifs de l’union bancaire n’ont pas été atteints : la rupture du lien entre les banques et les États.

Le transfert de la supervision des grandes banques à la BCE a certes permis de rompre la trop grande proximité qui pouvait exister entre le superviseur et le supervisé et la procédure mise en place pour la résolution vise à éviter l’utilisation d’argent public pour la restructuration des banques défaillantes, mais les liens entre les banques et les États restent forts.

D’une part, la directive sur la résolution et les règles relatives aux aides d’État laissent de nombreuses possibilités pour les États de venir en aide aux banques. D’autre part, les systèmes de garantie des dépôts restent nationaux. Or, dans l’hypothèse où un de ces systèmes s’avérerait insuffisant pour indemniser les déposants, il serait politiquement extrêmement difficile pour un gouvernement de ne pas intervenir. Enfin, et surtout, dans certains pays, notamment les pays du sud comme l’Italie, l’Espagne et le Portugal, les banques détiennent une part très significative de la dette souveraine. Cela fragilise les banques en cas de crise de la dette souveraine et les États en cas de crise bancaire. C’est un sujet à la fois très sensible politiquement et techniquement très complexe.

Ces États ont besoin des banques pour placer leurs obligations et elles jouent un rôle de stabilisation en cas de fuite des investisseurs étrangers. Du côté des banques, le risque souverain a toujours bénéficié d’un traitement prudentiel privilégié. Le comité de Bâle s’est penché sur le traitement réglementaire du risque souverain, mais sans parvenir à un consensus. En tout état de cause, toute évolution en ce domaine devrait être extrêmement progressive pour ne fragiliser ni les banques ni les États. C’est un sujet éminemment politique.

Le biais national se traduit par une grande fragmentation du marché bancaire européen. La mise en place du règlement uniforme et la création de l’union bancaire sont loin d’avoir permis de passer de dix-neuf marchés nationaux à un marché réellement européen qui permettrait aux banques d’être moins exposées à des chocs asymétriques et aux entreprises de bénéficier de financements plus diversifiés grâce à une meilleure circulation des capitaux.

En plus du clivage nord sud, l’union bancaire est traversée par un clivage entre pays « d’origine », où se situent les sièges des groupes bancaires, et pays « d’accueil » dont les filiales des groupes précédents constituent une part importante du système bancaire. Si les premiers cherchent à favoriser un marché véritablement intégré, les seconds, plus nombreux, cherchent à obtenir le maximum de garanties pour les filiales exerçant sur leur sol, ce qui oblige les banques transfrontières à détenir des montants minimums de fonds propres et de liquidités dans chaque pays. La France se trouve souvent isolée, avec les Pays-Bas, pour tenter de mettre fin à ce cloisonnement. Ce serait certainement plus simple avec un système commun de garantie des dépôts. Il faudrait sans doute également imaginer des moyens de rassurer les pays d’accueil qui ne soient pas incompatibles avec une approche consolidée au niveau du groupe. La fragmentation est également favorisée par l’existence de procédures nationales différentes en cas de liquidation d’une banque, ce qui conduit, de fait, à une protection inégale des actionnaires et des créanciers selon le pays. Une harmonisation des régimes nationaux de faillites serait nécessaire.

Enfin, j’en arrive au dernier point en matière d’objectifs non-atteints : le problème de la rentabilité des banques européennes, qui sera certainement aggravé, au moins temporairement par la crise actuelle. Il ne s’agit pas de vouloir absolument enrichir les actionnaires, mais une banque rentable est plus résistante et plus susceptible d’encaisser les pertes en cas de crise. Pour améliorer leur rentabilité, les banques européennes doivent absolument relever le défi de la numérisation. Certains pays ont encore beaucoup de petites banques, une certaine consolidation est nécessaire. L’Italie a entrepris un gros travail en la matière avec la réforme du crédit coopératif, très présent sur son sol. L’Allemagne, qui rassemble plus du tiers des banques de la zone euro, devra sans doute également rationaliser son organisation.

Pour ce qui nous concerne, en France, nous devons veiller, sans renoncer à des exigences utiles à la stabilité financière, à ce que la transposition des règles du comité de Bâle dans l’Union européenne ne défavorise pas les banques européennes par rapport aux banques américaines ; l’Assemblée nationale a déjà adopté une résolution à ce sujet, portée par le président Woerth, en début d’année.

Pour conclure, le travail accompli depuis la crise financière de 2008 a permis de renforcer la stabilité du système bancaire européen, mais il est inachevé comme nous venons de le voir. Je considère, et je ne suis pas le seul, que la crise actuelle constituera le premier « stress test » grandeur nature de l’efficacité des nouvelles règles. Nous pourrons faire un bilan dans six mois.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Merci pour cet exposé très clair et d’avoir souligné les points plus politiques qu’il faut surveiller.

 

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

 

M. Alexandre Holroyd. Merci pour ce rapport extrêmement complet sur un sujet technique, que vous avez réussi à rendre clair, ce qui est entièrement à votre crédit. Ce que je comprends, c’est que l’Union bancaire a deux objectifs : la stabilité financière, notamment en brisant le lien avec le risque souverain ; la concurrence intra-européenne, qui a vocation à créer un véritable marché européen bancaire et à renforcer les banques européennes. Cela permettra aux Européens d’accéder à des services à moindres coûts.

Or, malgré les progrès conséquents, cette augmentation de la concurrence n’a pas eu lieu. Il y a toujours des banques avec des coûts très élevés, d’autres qui sous-investissent dans la technologie par rapport à leurs concurrents américains, un nombre trop important d’établissements, ce qui dénote un manque de consolidation. Aussi, quels sont selon vous les deux ou trois éléments clés qui permettront au consommateur de bénéficier de la consolidation bancaire ?

M. Michel Herbillon. Cet exposé est extrêmement pédagogique sur des notions très techniques. J’en retiens que les banques sont beaucoup plus armées et solides qu’en 2008 ; nous en avons tiré des leçons.

Je souhaiterais poser une question sur la crise actuelle et rebondir sur la conclusion de notre rapporteur, qui parle d’un premier « stress test ». Quels sont les éléments de fragilité qui risquent de s’aggraver ou d’apparaître ? Parallèlement, cette crise peut-elle être une opportunité de résoudre un certain nombre de mécanismes et de rejoindre des objectifs parmi les trois qu’il nous a exposés ?

Mme Marietta Karamanli. Nous partageons le diagnostic d’inachèvement de l’Union bancaire avec la question toujours en suspens de la garantie des dépôts. Après la crise de 2008, l’idée était de garantir que les établissements disposent d’un minimum de capitaux propres pour assurer leur solidité financière en cas de crise. Le ratio obligatoire de fonds propres est de 10,5 % des actifs pondérés du risque, et les banques françaises seraient à 15 % alors que la BCE aurait assoupli le ratio. Cela vous semble-t-il pertinent dans les conditions actuelles ? En outre, il existe beaucoup de débats évoquant une possible nouvelle crise bancaire européenne en lien avec la politique menée par la BCE. Quelle est votre position sur ce sujet ? Enfin, un certain nombre d’économistes estiment que le risque d’insolvabilité est important : a-t-on assez recapitalisé les banques après la crise de 2008 ? Le fait que les banques durcissent leurs conditions de prêt immobilier aux particuliers ne rajoute-t-il pas de la crise à la crise ?

Mme Frédérique Dumas. Certains pays considèrent que la concurrence entre pays est nécessaire, notamment en termes fiscaux. Retrouve-t-on ce type de réflexions concernant le secteur bancaire ? Certains pays demandent souvent des garanties fortes en retour de l’effort de solidarité, pour le plan de relance par exemple. Cette question se pose-t-elle aussi en matière bancaire ? Qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Louis Bourlanges. Ma première question porte sur l’Italie : n’est-il pas paradoxal que le système de contrôle par la BCE soit très efficace au niveau européen mais beaucoup moins pour un pays fragile comme l’Italie ? Pour les garanties, le pays qui en aurait le plus besoin, l’Italie, est apparemment aussi celui qui se méfie le plus d’un système intégré comme le Mécanisme européen de stabilité, jugé trop tutélaire. A-t-on une évolution possible de ce côté ?

D’autre part, si le système mis en place de prêts garantis n’avait pas été mis en place, n’aurait-on pas eu un risque majeur et systémique ? Ceci ne conduit-il pas à relativiser l’efficacité du mécanisme décrit par le rapporteur, puisque nous avons quand même eu besoin de dispositifs exceptionnels ?

Enfin, ma dernière question est d’ordre plus général : qu’est ce qui fait obstacle à la constitution d’un vrai marché bancaire européen aujourd’hui ? Comment agir sur la confiance des banques pour arriver à un marché unifié dépassant la juxtaposition de marchés bancaires nationaux fragmentés ?

M. Christophe Jerretie, rapporteur. Le combat doit se mener à la fois sur le front de la concurrence et de la consolidation. Consolidation car les paysages nationaux sont divers, entre la multitude des institutions bancaires allemandes ou italiennes et le secteur français, plus ramassé. La stabilité progresse mais la consolidation reste la priorité. Les pays ne sont pas toujours très volontaires sur les sujets de souveraineté financière, mais les crises sont souvent des moments opportuns pour se rassembler et avancer ensemble. La supervision doit être renforcée pour contribuer à cette consolidation, surtout dans les pays où ces difficultés persistent et qui reste supervisés par la banque centrale nationale. Il nous faut aussi aboutir sur l’achèvement du système de résolution et le MES pour disposer de réels filets de sécurité.

S’il y a un cas de défaillance, il faudra agir. Une flexibilité opérationnelle me semblait nécessaire mais les règles seront remises en place dans quelque temps, car il faut des ratios de fonds propres importants. Cette flexibilité était d’autant plus nécessaire, que les problèmes de rentabilité s’accroîtront avec la crise.

S’agissant des mesures concernant le soutien économique et les garanties, elles étaient nécessaires. Y aura-t-il une crise bancaire ? On le verra très vite. Selon les interlocuteurs que nous avons rencontrés, nous avons la chance de disposer des banques les plus solides de l’Union européenne. Il reste qu’il peut y avoir des défaillances bancaires en Europe. C’est la raison pour laquelle je parle de stress test.

S’agissant du durcissement des prêts accordés aux particuliers, notamment en matière de crédit immobilier, c’est un sujet qu’il faudra surveiller, car le secteur immobilier est un moteur fondamental de l’économie. Il ne faudrait pas avoir une crise immobilière, qui pourrait aussi se traduire par une crise bancaire.

Sur le plan politique, on voit bien que la crise a fait bouger les lignes entre ceux qui sont très frileux et ceux qui veulent avancer très vite. Il faut à la fois de la concurrence et favoriser une relance cohérente. Les évolutions politiques actuelles se reflètent dans le débat sur le secteur bancaire. Certains demanderont plus de souplesse, d’autres plus de coordination entre les pays. La crise va permettre d’avancer sur le sujet de l’Union bancaire, d’autant que c’est un projet qui était prévu de longue date.

Jean-Louis Bourlanges a évoqué le sujet du renforcement de la supervision des petites banques, notamment dans les pays où elles sont nombreuses, comme l’Italie ou l’Allemagne. Ce n’est d’ailleurs pas forcément le rôle de la BCE. La banque centrale italienne, dont nous avons rencontré certains représentants, a beaucoup amélioré son système de supervision, qui souffrait de nombreuses défaillances. S’agissant du MES, les Italiens critiquent certains aspects du mécanisme, mais la crise actuelle va peut-être permettre des progrès.

Par ailleurs, je suis absolument convaincu qu’il y aurait eu des risques majeurs de pertes, s’il n’y avait pas eu ce système. Si toutes les réglementations du secteur bancaire n’avaient pas été mises en place, on serait aujourd’hui en grande difficulté, car nous ne pouvons pas construire un plan de relance sans système bancaire solide. Le système bancaire a permis d’éviter une crise bancaire imminente.

Ensuite, quels sont les obstacles et les leviers de l’achèvement du marché bancaire ? De nombreux obstacles politiques peuvent être surmontés avec la crise car, pour la première fois, tous les pays ont été touchés. Les leviers sont principalement politiques. Il faut cibler quelques domaines : finaliser la supervision, aboutir sur les fonds de résolution. S’agissant de l’Union bancaire, comment peut-on garantir la présence des grands groupes dans les pays d’accueil, sans ponctionner la totalité de la rentabilité d’une banque ? Il faut trouver la solution technique au niveau européen, pour dépasser la logique entre pays d’accueil et pays d’origine des banques. Si nous avançons sur ces aspects techniques, l’Union bancaire pourra progresser beaucoup plus vite.

M. Jérôme Lambert. Je partage nombre de constats du rapporteur. Néanmoins, j’ai lu hier dans la presse les alertes de la BCE sur les risques imminents d’une crise financière, liée au surendettement des États, des ménages et des entreprises. Le rapport est intéressant, mais peut-être un petit peu optimiste. Les alertes de la BCE ne devraient-elles pas vous conduire à infléchir votre analyse ?

M. Christophe Jerretie, rapporteur. J’ai bien lu l’inquiétant communiqué de presse de la BCE, mais je n’ai pas souhaité réécrire mon rapport, qui était prévu pour février. Je suis optimiste sur l’évolution du système bancaire, même si certains éléments peuvent poser problème aujourd’hui, notamment sur la résolution. Il peut y avoir une importante crise financière, mais je voulais mettre l’accent dans le rapport sur les évolutions dans la durée. C’est pour cela que je n’ai souhaité présenter ni proposition de résolution européenne ni conclusions.

Nous sommes à un moment charnière pour la stabilité du système bancaire, qui pourrait être remise en cause en cas de grosses défaillances, notamment en Allemagne en Italie. Je peux infléchir mon analyse en ce sens, même si je reste optimiste. Plus la crise sera longue, plus les risques seront nombreux, car les difficultés rencontrées par certaines grandes banques mutualistes notamment pourraient déstabiliser le système bancaire. Malgré tout, il faut continuer le travail sur la construction de l’Union bancaire. C’est la meilleure solution pour éviter d’autres défaillances. Une crise économique de cette ampleur se répercutera inévitablement sur le système bancaire. Sans changer de position, je pense que nous pouvons avoir des inquiétudes. Les banques seront probablement contraintes de se regrouper très rapidement, notamment les plus petites, qui sont celles qui auront le plus de difficultés, ou seront reprises en main par la BCE au niveau local. Il est normal que la BCE sonne l’alarme, parce qu’elle a une connaissance fine du système bancaire et des difficultés de certaines banques. En Italie, certaines banques ont connu des difficultés et ont été rachetées en 2018 ou 2019. Nous sommes dans une situation assez similaire.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Vous avez évoqué le manque de rentabilité de certaines banques européennes, qui va peut-être s’aggraver avec la crise. Quelles en sont les raisons ? Par ailleurs, je pensais, à tort, que le secteur bancaire avait été parmi les premiers secteurs à être passé à la numérisation. Quelles sont les banques qui n’ont pas sauté le pas ? Est-ce que cela recoupe un clivage nord sud, ou entre petites et grandes banques ?

M. Christophe Jerretie, rapporteur. Le sujet de la numérisation a souvent été évoqué par nos interlocuteurs. La complexité et le coût de la transition numérique expliquent que certaines banques n’ont pas relevé le défi, mais tout le monde est conscient qu’il est nécessaire de progresser en ce sens.

S’agissant de la rentabilité, les coûts et les charges des banques européennes sont plus élevés que ceux des banques américaines. Ces dernières ont donc beaucoup plus de facilités sur le marché européen. Nous sommes donc en retard à la fois sur la numérisation et sur la rentabilité. Les deux sujets sont d’ailleurs liés, car le changement de système permis par la numérisation a un impact sur la rentabilité.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je vous remercie pour la clarté de vos propos sur un sujet très important, notamment dans une période de crise.

La commission a autorisé la publication du présent rapport.

 

 


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Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

À Paris

-         M. François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France

-         M. Dominique Laboureix, membre du Conseil de résolution unique (visioconférence)

-         Mme Juliette Oury, conseillère Affaires européennes et internationales au cabinet du ministre de l’économie et des finances

-         Fédération bancaire française

-         M. Alain Buzelay, économiste

-         Mme Agnès Bénassy-Quéré, économiste

-         M. Nicolas Véron, économiste

-         M. Jean Pisani-Ferry, économiste

-         M. Dominique Perrut, économiste

 

À Rome (17 et 18 juillet 2019)

-         Service économique régional de l’ambassade de France en Italie : MM. Vincent Guitton, ministre conseiller pour les affaires économiques, et Benoît Lemonnier, attaché financier

-         Ministère de l’économie et des finances : M. Stefano Cappiello, directeur « système bancaire et financier » au département du Trésor

-         Banque d’Italie : M. Luigi Federico Signorini, vice-directeur général

-         Fonds interbancaire de protection des dépôts : M. Giuseppe Boccuzzi, directeur général

-         Association bancaire italienne : M. Giovanni Sabatini, directeur général, Mme Claudia Pasquini, M. Francesco Masala et M. Gianfranco Torriero

-         Fédération italienne des banques de crédit coopératif : M. Augusto dell’Erba, président, Sergio Gatti, directeur général, Francesco Barbieri, responsable des affaires institutionnelles, et Ignace Gustave Bikoula, responsable des affaires européennes

-         Chambre des députés : Mme Carla Ruocco, présidente de la commission des finances

-         Sénat : M. Alberto Bagnai, président de la commission des finances

-         Mme Amélie Champsaur, avocat au barreau de Paris, associée chez Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP

 

À Bruxelles (5 novembre 2019)

-         Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne : M. Philippe Léglise-Costa, représentant permanent, et M. Guillaume Primot, conseiller Institutions et services financiers, banque et fonds de pension

-         Commission européenne : M. Olivier Guersent, directeur général de la direction générale Stabilité financière, services financiers et union des marchés de capitaux (FISMA)

-         Parlement européen : Mme Irene Tinagli, présidente de la commission des affaires économiques et monétaires

 


([1]) Supervision newsletter de la Banque centrale européenne, 13 mai 2020.

([2]) Banque centrale européenne, Bulletin économique n° 6/2015.

([3])  Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE.

([4]) Directive 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres.

([5]) Règlement (UE) n ° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) n ° 648/2012.

([6]) Règlement (UE) 2019/876 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant le règlement (UE) n° 575/2013 en ce qui concerne le ratio de levier, le ratio de financement stable net, les exigences en matière de fonds propres et d’engagements éligibles, le risque de crédit de contrepartie, le risque de marché, les expositions sur contreparties centrales, les expositions sur organismes de placement collectif, les grands risques et les exigences de déclaration et de publication, et le règlement (UE) n° 648/2012.

([7]) Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n ° 1093/2010 et (UE) n ° 648/2012.

([8]) Directive (UE) 2019/879 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2014/59/UE en ce qui concerne la capacité d’absorption des pertes et de recapitalisation des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et la directive 98/26/CE.

([9]) Dans le cadre de la réponse européenne à la pandémie de COVID-19, la Commission européenne a proposé de repousser l’entrée en vigueur de certaines mesures du règlement modifiant le règlement CRR. L’application de l’exigence de coussin de ratio de levier serait par exemple repoussée de 2022 à 2023.

([10]) L’effet de levier désigne l’utilisation de l’endettement pour financer les investissements et activités des banques, ainsi que l’impact de cette utilisation sur la rentabilité des capitaux propres investis. L’effet de levier augmente la rentabilité des capitaux propres tant que le coût de l’endettement est inférieur à l’augmentation des bénéfices obtenus grâce à l’endettement. C’est la fonction des banques de prêter plus que leurs fonds propres, mais cela les rend fragiles en cas de non-remboursement.

([11]) Pour la France, le taux du coussin de fonds propres contracyclique est fixé par le Haut conseil de stabilité financière. Alors qu’il était prévu qu’il passe de 0,25 à 0,5 % à compter du 2 avril 2020, le Haut Conseil a décidé de le ramener à 0 % jusqu’à nouvel ordre (décision D-HCSF-2020-2 du 1er avril 2020) pour favoriser le financement des entreprises.

([12]) Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit.

([13]) Règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n ° 1093/2010.

([14]) Les critères permettant de déterminer l’importance d’une banque sont sa taille, son importance pour l’économie, l’importance de ses activités transfrontières, et le fait qu’elle ait demandé une assistance financière publique directe.

([15]) La BCE met à jour chaque mois sur son site internet la liste des banques qu’elle supervise directement : https://www.bankingsupervision.europa.eu/banking/list/who/html/index.fr.html

([16]) Olivier Tosseri, Rome vole au secours dune banque régionale, Les Échos, 16 décembre 2019.

([17]) Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, Les chiffres du marché français de la banque et de lassurance 2018, 24 octobre 2019, page 33.

([18]) Le fonds de résolution national est mobilisable pour le financement de la résolution des établissements de crédit dont le siège est situé dans les pays et territoires d’outre-mer, des succursales d’établissement de crédit de pays tiers, des entreprises d’investissement soumises à une exigence de capital social initial d’au moins 730 000 euros qui ne relèvent pas du FRU, ainsi que pour les établissements de crédit monégasques.

([19]) En Italie, notamment, en raison d’une fiscalité avantageuse, l’épargne de nombreux déposants était investie dans des titres de leur banque.

([20]) Ces cas se sont produits avant la date d’application des dispositions en matière de renflouement interne. Ce sont les règles en matière d’aides d’État relatives au partage des charges (qui exigent la dépréciation des fonds propres et des dettes subordonnées) qui ont été appliquées.

([21]) Décision de résolution du CRU du 7 juin 2017 (SRB/EES/2017/08) (https://srb.europa.eu/en/content/banco-popular), approuvée par la décision (UE) 2017/1246 de la Commission du 7 juin 2017.

([22]) Une dette est dite subordonnée lorsque son remboursement dépend du remboursement initial des autres créanciers (créanciers privilégiés, créanciers chirographaires). En contrepartie du risque supplémentaire accepté, les créanciers subordonnés exigent un taux d’intérêt plus élevé.

([23]) Voir la communication de la Commission concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière, Journal officiel de l’Union européenne du 30 juillet 2013.

([24]) Centre for European policy studies, Study on the options and national discretions under the deposit guarantee scheme directive and their treatment in the context of a European deposit insurance scheme, 6 novembre 2019. https://ec.europa.eu/info/publications/191106-study-edis_fr

([25]) Décision (UE) 2016/1208 de la Commission, du 23 décembre 2015, concernant l’aide d’État S.A.39451 (2015/C) mise à exécution par l’Italie en faveur de Banca Tercas.

([26]) Discours de François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, à la journée de l’économie 2019 Volksbanken Raiffeisenbanken, Francfort, 14 novembre 2019.

([27]) Monitoring report on risk reduction indicators, préparé par les services de la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Conseil de résolution unique, novembre 2019 : https://www.consilium.europa.eu/media/41645/joint-risk-reduction-monitoring-report-to-eg_november-2019_for-publication.pdf

([28]) Le levier est défini par le règlement CRR comme « l’importance relative des actifs, des obligations de hors bilan et des obligations éventuelles de payer ou de fournir une prestation ou une sûreté […] par rapport aux fonds propres de cet établissement ».

([29]) Paolo Fioretti, Olga Francova, Mike Hesketh, Nicoletta Mascher, Rolf Strauch, Flore Vancompernolle, Completing banking union to support Economic and monetary union, Discussion paper series/7, Mécanisme européen de stabilité, octobre 2019.

([30]) Nombre de jours pendant lesquels une banque peut continuer à exercer ses activités avec la trésorerie et les garanties dont elle dispose.

([31]) Un prêt est généralement considéré comme non performant lorsque l’emprunteur est incapable de rembourser le prêt en raison de difficultés financières ou quand plus de 90 jours se sont écoulés sans qu’il ait versé les tranches prévues.

([32]) Pour plus de détails sur les mesures mises en œuvre, voir Commission européenne, Quatrième rapport détape sur les progrès accomplis dans la réduction des prêts non performants et la poursuite de la réduction des risques au sein de lunion bancaire, COM(2019) 278 final, 12 juin 2019.

([33])  Règlement (UE) 2019/630 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 modifiant le règlement (UE) nº 575/2013 en ce qui concerne la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes.

([34]) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de crédits, les acheteurs de crédits et le recouvrement de garantie COM(2018) 135 final.

([35]) Board of governors of the Federal reserve system, Financial stability report, novembre 2019, page 28.

([36]) Haut Conseil de stabilité financière, recommandation n° R-HCSF-2019-1 du 20 décembre 2019.

([37]) Hors banques centrales.

([38]) https://databank.worldbank.org/reports.aspx?source=1250&series=GFDD.SI.02

([39]) Banque centrale européenne, Communication sur les attentes prudentielles relatives à la couverture des NPL, août 2019.

([40]) Autorité bancaire européenne, Risk assessment of the European banking system, novembre 2019, page 9.

([41]) Selon l’Association des banques italiennes, l’inefficacité du système judiciaire serait responsable de la moitié du stock de prêts non performants.

([42]) https://francais.doingbusiness.org/fr/data/exploretopics/resolving-insolvency

([43]) Exprimé en cents par dollar recouvré par les créanciers garantis dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou d’exécution de la dette.

([44]) Communique de presse de la BCE du 28 janvier 2020.

([45]) Le RoE des banques françaises s’est élevé à 6,7 %. Il est très supérieur à celui des banques allemandes. À l’échelle mondiale, seules les banques américaines se distinguent avec un RoE moyen supérieur à 10 %.

([46]) 75 % des banques importantes de la zone euro ont un rendement des fonds propres inférieur à 8 %.

([47]) https://www.banque-france.fr/intervention/les-taux-bas-quelles-causes-et-quels-effets-pour-la-france

([48]) La BCE a fixé à 576 millions d’euros les redevances de surveillance prudentielle pour 2019.

([49]) Dans son avis à la Commission, l’Autorité bancaire européenne a estimé que les exigences de fonds propres des banques européennes pourraient augmenter de 24,4 %. Cette augmentation concernerait principalement les grandes banques, qui sont les plus susceptibles de recourir à des modèles internes.

([50]) Résolution visant à protéger la compétitivité du financement de l’économie dans le cadre de la transposition de l’accord du comité de Bâle de 2017, XVe législature, TA n° 377, 7 janvier 2020.

([51]) M. Éric Woerth et plusieurs de ses collègues, Proposition de résolution visant à protéger la compétitivité du financement de l’économie dans le cadre de la transposition de l’accord du comité de Bâle de 2017, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2399, 7 novembre 2019.

([52]) Source : Challenges for bank profitability, discours de Luis de Guindos, vice-président de la BCE, OMFIF City lecture, Londres, 1er mai 2019.

([53]) Le Conseil de stabilité financière mentionne par exemple Alibaba, Amazon, Apple, Baidu, eBay, Facebook, Google, Microsoft et Tencent.

([54]) Financial stability board, Big tech in finance : Market developments and potential financial stability implications, 9 décembre 2019, https://www.fsb.org/2019/12/bigtech-in-finance-market-developments-and-potential-financial-stability-implications/

([55]) Voir le tableau complet sur le site internet de la BCE :

https://www.ecb.europa.eu/stats/pdf/money/mfi/mfi_latest.pdf?9def281908e3b5073503973167df45d8

([56]) Danièle Guinot, Les banques dinvestissement européennes ont-elles un avenir ?, Le Figaro, 6 mai 2019.

([57]) Fleur Bouron, Les banques d’investissement européennes de plus en plus affaiblies, Les Échos, 9 août 2019.

([58]) Voir par exemple le Monitoring report on risk reduction indicators préparé par les services de la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Conseil de résolution unique, novembre 2019 : https://www.consilium.europa.eu/media/41645/joint-risk-reduction-monitoring-report-to-eg_november-2019_for-publication.pdf

([59]) Gesetz zur finanziellen Beteiligung am Europäischen Stabilitätsmechanismus http://www.gesetze-im-internet.de/esmfing/BJNR191800012.html

([60]) Présidé par le président de l’Eurogroupe, le Conseil des gouverneurs est composé des ministres des finances des États membres de la zone euro.

([61]) https://srb.europa.eu/en/node/495

([62]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 806/2014 afin d’établir un système européen d’assurance des dépôts.

([63]) Commission européenne, Communication au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur l’achèvement de l’union bancaire, COM(2017) 592 final, 11 octobre 2017.

([64]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 806/2014 afin d’établir un système européen d’assurance des dépôts, 24 novembre 2015.

([65]) https://www.olafscholz.de/main/pages/index/p/5/3433/page/2/year/2019

([66]) Nicolas Véron, Comment achever l’union bancaire, Revue de l’OFCE n° 158, décembre 2018.

([67]) Pour plus de détails, voir Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Le traitement réglementaire des expositions au risque souverain, décembre 2017.

([68]) Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, Document de discussion : le traitement réglementaire des expositions au risque souverain, décembre 2017.

([69]) https://www.telos-eu.com/fr/economie/reconcilier-solidarite-et-discipline-de-marche-dan.html

([70]) Nouveau plancher de capital fondé sur un pourcentage des actifs pondérés par les risques (RWAs) calculés par les approches standards, afin de limiter les effets d’aubaines excessifs liés à l’utilisation de modèles internes.

([71]) Sophie Buckingham, Svetlana Atanasova, Simona Frazzani et Nicolas Véron, Study on the differences between bank insolvency laws and on their potential harmonization, Commission européenne, novembre 2019.

([72]) Commission européenne, Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’application et le réexamen de la directive 2014/59/UE (directive relative au redressement et à la résolution des banques) et du règlement (UE) n° 806/2014 (règlement relatif au mécanisme de résolution unique), COM(2019) 213 final, 30 avril 2019.

([73]) Voir la communication de la Commission européenne du 30 septembre 2015 Un plan daction pour la mise en place dune union des marchés des capitaux COM(2015) 468 final.

([74]) Les exemples sont tirés du rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation des récents cas présumés de blanchiment de capitaux impliquant des établissements de crédit de l’UE [COM(2019) 373], 24 juillet 2019. La Commission précise que « la sélection des cas ne doit en aucun cas être considérée comme une reconnaissance de fautes ou de responsabilités concernant certaines banques ou autorités publiques précises, ni comme une indication quil ny a aucun problème avec dautres banques ou autorités publiques. ».

([75])  Directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission ; Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE ; Directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les entités exemptées, les compagnies financières holding, les compagnies financières holding mixtes, la rémunération, les mesures et pouvoirs de surveillance et les mesures de conservation des fonds propres ; Directive (UE) 2018/1673 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal ; Directive (UE) 2019/1153 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 fixant les règles facilitant l’utilisation d’informations financières et d’une autre nature aux fins de la prévention ou de la détection de certaines infractions pénales, ou des enquêtes ou des poursuites en la matière, et abrogeant la décision 2000/642/JAI du Conseil

([76]) France, Allemagne, Italie, Lettonie, Pays-Bas et Espagne :

https://www.tweedekamer.nl/kamerstukken/amendementen/detail?id=2019Z21663&did=2019D45039