Logo2003modif

 3053

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de lAssemblée nationale le 3 juin 2020

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA MISSION DINFORMATION ([1]),

sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid-19

et présenté par

M. Richard Ferrand,

Rapporteur général,

Président de la mission d’information


Député

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mission est composée de M. Richard Ferrand, président, rapporteur général, Mmes Brigitte Bourguignon, Yaël Braun-Pivet, Françoise Dumas, M. Roland Lescure, Mme Barbara Pompili, Mme Marielle de Sarnez, M. Bruno Studer et M. Éric Woerth, co-rapporteurs, M. Damien Abad, Mme Sophie Auconie, M. Olivier Becht Mme Émilie Bonnivard, MM. Jean-René Cazeneuve, Éric Ciotti, Pierre Dharréville, Jean-Pierre Door, Mme Anne Genetet, MM. David Habib, Alexandre Holroyd, Gilles Le Gendre Mme Fiona Lazaar, MM. Patrick Mignola, Mickaël Nogal, Bertrand Pancher Mme Mathilde Panot Mme Michèle Peyron, MM. Laurent Saint-Martin, Olivier Serva, Joachim Son-Forget, Boris Vallaud et, en qualité de président ou de son représentant, associé aux travaux de la mission : MM. André Chassaigne, Jean-Christophe Lagarde, Jean-Luc Mélenchon, Matthieu Orphelin, Mme Valérie Rabault, MM. Philippe Vigier, Jean-Noël Barrot, Mmes Josiane Corneloup et Marie Lebec.

 


  1  

SOMMAIRE

___

Pages

I. FACE À UNE CRISE SANITAIRE SANS PRÉCÉDENT PAR SON AMPLEUR ET SES CONSÉQUENCES, LES ÉTAPES DE LA RÉPONSE DES POUVOIRS PUBLICS             

A. LES PREMIÈRES RÉACTIONS À LA CRISE S’ENCHAÎNENT EN QUELQUES SEMAINES             

B. LA MOBILISATION DES ADMINISTRATIONS SUR TOUT LE TERRITOIRE 

C. LA MISE EN PLACE PRÉCOCE D’UN APPUI SCIENTIFIQUE AU PILOTAGE DE LA CRISE             

II. L’INSTAURATION DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE ET LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PARLEMENT SUR SA MISE EN ŒUVRE             

A. L’ADOPTION DÈS LE DÉBUT DU CONFINEMENT DU CADRE JURIDIQUE AUTORISANT LES MESURES NÉCESSAIRES POUR AFFRONTER UNE CATASTROPHE SANITAIRE             

B. L’IMPACT DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE SUR LES LIBERTÉS PUBLIQUES             

C. LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE 

III. Les travaux de la mission sur la rÉponse sanitaire apportÉe À la crise et sur la prÉparation de la sortie du confinement             

A. SUR LA MOBILISATION ET L’ADAPTATION DU SYSTÈME DE SOINS POUR AFFRONTER LA PANDÉMIE             

1. Les pouvoirs publics ont fait face, dans l’urgence, à la crise

2. Une crise qui a révélé des faiblesses

3. Une crise qui soulève des questions d’organisation et de coordination

B. SUR LA MOBILISATION DE LA RECHERCHE

1. Une mobilisation massive des chercheurs en France et dans le monde

2. Les programmes de recherche ont bénéficié d’un soutien financier sans précédent 

C. SUR LE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DU DÉCONFINEMENT

1. Le choix d’un déconfinement progressif reposant sur des critères objectifs

2. Un enjeu majeur : l’isolement des personnes infectées et l’identification de leurs contacts             

IV. LES MESURES PRISES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE POUR FAIRE FACE À LA CRISE             

A. LES MESURES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES POUR PRÉVENIR LES FAILLITES LIÉES À LA RÉDUCTION D’ACTIVITÉ             

1. Le fonds de solidarité pour les très petites entreprises

2. Les prêts garantis par l’État

3. Les reports de charges fiscales et sociales

4. Les aides spécifiques à certaines catégories d’entreprises

B. LES MESURES DE SOUTIEN À L’EMPLOI ET AUX SALARIÉS

1. L’extension du dispositif d’activité partielle

2. La reconnaissance vis-à-vis des professions exposées

3. Des enjeux de santé au travail particulièrement importants dans le cadre du déconfinement             

C. LES MESURES DE SOUTIEN AUX MÉNAGES LES PLUS MODESTES

1. L’allocation exceptionnelle de solidarité pour les ménages modestes

2. La prolongation de la trêve hivernale

3. Les mesures en faveur des jeunes de moins de 25 ans

FICHES THÉMATIQUES

FICHE 1 : CHRONOLOGIE DES MESURES PRISES PAR LES POUVOIRS PUBLICS POUR RÉPONDRE À LA CRISE du COVID-19 ET AVIS DES AGENCES ET ORGANISMES COMPÉTENTS             

FICHE 2 : ACTEURS MOBILISÉS DANS LE CADRE DE LA CRISE DU COVID19             

FICHE 3 : MISE EN ŒUVRE DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE dans les territoires             

FICHE 4 : ADAPTATION DU SYSTÈME DE SOINS POUR RÉPONDRE À L’URGENCE SANITAIRE             

FICHE 5 : MOBILISATION DES RENFORTS DE PERSONNELS SOIGNANTS 

FICHE 6 : LES ÉQUIPEMENTS DE PROTECTION (MASQUES)

FICHE 7 : TESTS ET STRATÉGIE DE DÉPISTAGE

FICHE 8 : ILLUSTRATION DES ENJEUX DU DÉCONFINEMENT : REPRISE DE L’ÉCOLE, REDÉMARRAGE DES TRANSPORTS COLLECTIFS             

Restitution des travaux des commissions

examen par la mission d’INFORMATION

CONTRIBUTIONS DES GROUPES ET CONTRIBUTIONS INDIVIDUELLES             

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


  1  

I.   FACE À UNE CRISE SANITAIRE SANS PRÉCÉDENT PAR SON AMPLEUR ET SES CONSÉQUENCES, LES ÉTAPES DE LA RÉPONSE DES POUVOIRS PUBLICS

Apparue à la fin du mois de décembre dans la province chinoise du Hubei, l’épidémie de Covid-19 a entraîné une catastrophe sanitaire d’une ampleur et d’une brutalité inédites, en se répandant en quelques semaines dans le monde entier. Aucune région du monde n’a été épargnée, toutes ont été affectées par la vague épidémique de façon quasi simultanée – même si son centre de gravité a évolué au fil des semaines –, résultat de la très forte contagiosité du virus et de l’intensité des déplacements internationaux.

Qualifié de pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 11 mars dernier, la Covid-19 a conduit certains États à prendre des mesures draconiennes, conduisant à une situation sans précédent dans laquelle plus de la moitié de la population mondiale s’est trouvée confinée à son domicile au plus fort de la crise, au mois d’avril.

Au 27 mai dernier, l’on décomptait dans le monde près de 6,22 millions de cas confirmés – ce chiffre étant probablement sous-estimé, compte tenu du nombre de personnes non diagnostiquées – et 373 900 décès, dont près de la moitié sur le continent européen, et 28 836 en France ([2]).


Nombre de cas et de décès dus à l’épidémie de Covid-19 au 1er juin 2020
à travers le monde

Pays

Nombre de cas confirmés

Nombre de décès

Nombre de cas par million d’habitants

Nombre de décès par million d’habitants

États-Unis

1 691 342

99 783

5 461

318

Brésil

391 222

24 512

2 440

139

Russie

370 680

3 968

2 871

27

Royaume-Uni

268 616

37 542

4 153

580

Espagne

236 259

27 117

5 131

581

Italie

231 139

33 072

3 863

555

France

182 847

28 836

2 821

430

Allemagne

181 524

8 428

2 199

101

Turquie

159 797

4 431

2 009

54

Inde

158 077

4 534

146

3

Iran

141 591

7 564

1 863

95

Belgique

57 592

9 364

5 088

825

Mexique

74 560

8 134

711

78

Chine

84 104

4 638

60

3

Suède

37 814

4 403

3 696

430

Pays-Bas

46 749

5 981

2 705

346

Source : John Hopkins University of Medecine.

L’épidémie a placé dans une situation critique les systèmes de soins de nombreux États, ces systèmes n’étant ni pensés ni dimensionnés pour faire face à une vague épidémique de cette nature, se propageant dans des délais aussi brefs.

Le graphique ci-après illustre l’afflux de patients accueillis à l’hôpital en France en quelques semaines à partir de la mi-mars, et la relative lenteur du reflux du nombre d’hospitalisations tenant à la durée des soins devant être prodigués aux personnes les plus gravement atteintes.

Évolution du nombre de personnes hospitalisées au titre du Covid-19
en France

Source : données de Santé publique France.

Cette crise est, en outre, marquée par un fort degré d’incertitude sur les caractéristiques du virus, que ce soit sur ses modes de transmission, sur les facteurs pouvant expliquer que les personnes affectées développent ou pas une forme grave, sur la réponse immunitaire qu’il engendre ou sur les réponses thérapeutiques et vaccinales qui peuvent y être apportées. Autant d’inconnues qui rendent extrêmement difficile la prise de mesures pour endiguer et maîtriser l’épidémie. Ainsi qu’a eu l’occasion de le souligner le Premier ministre devant la mission d’information ([3]), des décisions des autorités publiques lors de cette catastrophe sanitaire ont dû être prises sur le fondement d’informations souvent incomplètes, et parfois contradictoires.

Au-delà de ses conséquences sanitaires massives, l’épidémie a eu un impact considérable sur l’ensemble de nos sociétés, se traduisant par la fermeture des frontières de la plupart des pays et par l’effondrement du trafic aérien international, tout en portant un coup d’arrêt extrêmement brutal à l’économie mondiale, avec l’interruption totale de l’activité dans certains secteurs pendant plusieurs semaines. Le FMI a ainsi estimé que l’année 2020 constituerait la pire récession mondiale depuis la grande dépression de 1929, bien plus grave que celle ayant résulté de la crise financière de 2008.

A.   LES PREMIÈRES RÉACTIONS À LA CRISE S’ENCHAÎNENT EN QUELQUES SEMAINES

Le point de départ de la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus peut être fixé au 31 décembre 2019, date du signalement par la Chine auprès de l’OMS de cas de pneumopathies inconnues et par l’isolement d’un nouveau type de coronavirus, dit SARS-CoV-2 ou Covid-19, le 7 janvier 2020.

La chronologie des mesures prises par les pouvoirs publics tout au long de la crise est présentée en détail dans la Fiche 1 du présent rapport, tandis que les principales étapes des premiers mois en sont retracées ci-après.

Dès le 10 janvier, le ministère des solidarités et de la santé transmet aux agences régionales de santé (ARS) un message sur la définition de ces cas de Covid-19, tandis qu’un message d’alerte sanitaire rapide (MARS) a été diffusé le 14 janvier auprès des établissements de santé, parallèlement à l’envoi d’un message DGS-Urgent aux professionnels de santé libéraux et à la mise en ligne de premières informations sur le site de l’agence Santé publique France (SPF). Parallèlement, SPF a saisi le Centre national de référence de l’Institut Pasteur afin qu’il mette au point des tests permettant de diagnostiquer la présence du virus, fondés sur la technique dite RT-PCR (transcription inverse-réaction de polymérisation en chaîne).

La ministre des solidarités et de la santé et le directeur général de la santé ont tenu un premier point presse le 21 janvier sur ce sujet et dès le lendemain, le centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales, ou CORRUSS, a été activé par la direction générale de la santé (DGS). La réserve sanitaire a été mobilisée à compter du 25 janvier et le centre de crise sanitaire au sein de la DGS activé deux jours après. Le numéro vert du ministère des solidarités et de la santé a été mis en place le 1er février.

Le bref rappel de ces premières étapes permet de constater que la menace sanitaire a été prise en compte dès son commencement par la mobilisation sans délai des différents acteurs, par l’activation des dispositifs prévus en cas de crise et par la diffusion d’informations auprès des professionnels de santé et du grand public.

Parallèlement, plusieurs cas sont apparus sur différents points du territoire. Ce sont d’abord trois personnes revenant de la ville de Wuhan, le 24 janvier, puis onze cas ont été détectés, le 7 février, aux Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie. Des premières enquêtes épidémiologiques ont été lancées par les ARS afin d’identifier les personnes ayant été en contact avec les personnes malades. Les mesures qui ont été prises aux Contamines-Montjoie, notamment une campagne de dépistage et la fermeture des écoles pendant deux semaines, ont permis d’éviter l’apparition de nouveaux cas autour de ce premier « cluster ».

Toutefois, l’arrivée de nouvelles informations en provenance de Chine laissant apparaître une dangerosité du virus bien plus forte qu’anticipée, le 14 février, le ministère de la santé a activé le plan Orsan REB (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles – Risque épidémique et biologique).

D’autres « clusters » sont ensuite apparus, principalement après un rassemblement évangélique à Mulhouse qui s’est tenu du 17 au 24 février et a réuni plus de 2 000 personnes, puis dans le département de l’Oise, qui ont conduit les pouvoirs publics à déclencher le stade 2 du plan Orsan REB, le 29 février, l’objectif étant de freiner la propagation du virus sur le territoire.

En conséquence, les rassemblements mettant en présence plus de 5 000 personnes ont été interdits par un arrêté en date du 4 mars ([4]), puis ceux de plus de 1 000 personnes le 9 mars ([5]). Le ministère de la santé a procédé à l’activation du « plan blanc » dans les hôpitaux le 6 mars, afin de déprogrammer toutes les activités médicales non indispensables pour leur permettre d’assurer l’accueil de patients atteints du Covid-19 sur tout le territoire ; ce « plan blanc » a été généralisé, au niveau 2, le 12 mars, tandis que le « plan bleu » a été déclenché dans tous les établissements médico-sociaux pour y éviter la diffusion du virus et protéger les personnes vulnérables, particulièrement les personnes âgées.

Alors que la vague épidémique parvenait en Europe et affectait fortement l’Italie, le Président de la République a annoncé le 13 mars la fermeture des crèches, des établissements scolaires et des universités ; parallèlement, l’abaissement à 100 personnes du seuil autorisé pour les rassemblements a été décidé ([6]). Le lendemain, le stade 3 du plan Orsan REB a été activé et le Premier ministre a annoncé que les lieux accueillant du public non indispensables à la vie du pays seraient fermés jusqu’à nouvel ordre.

Face au risque de diffusion de l’épidémie sur le territoire, les pouvoirs publics ont décidé de franchir une étape supplémentaire ; le 16 mars, le Président de la République a appelé les Français à rester à leur domicile, pour deux semaines dans un premier temps. Cette mesure de confinement s’est appliquée à compter du 17 mars, à midi – date à laquelle la cellule interministérielle de crise, prévue par le protocole de gestion de crise ([7]), a été activée place Beauvau.

Le Gouvernement a ainsi procédé par étapes successives avant de décider de confiner la population française, cette décision ayant été prise selon une chronologie et des modalités proches de nos voisins européens. L’Espagne a ainsi pris cette mesure deux jours auparavant, le 15 mars, de même que l’Autriche, tandis que la Belgique a opté pour le confinement le 18 mars. Le Royaume-Uni n’a fait de même que le 23 mars, comme l’Allemagne. La décision avait en revanche été prise plus en amont par l’Italie ; confrontée à l’apparition précoce de foyers épidémiques importants ([8]), l’Italie a mis en œuvre un confinement strict à partir du 8 mars, après avoir commencé par des mesures de confinement régionales.

Décision inédite et aux lourdes conséquences, notamment en termes de libertés publiques et d’impact sur l’activité économique, le confinement de la population française à son domicile a poursuivi deux objectifs, ainsi que l’a rappelé le professeur Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique Covid-19, devant la mission d’information : éviter que les établissements de santé ne soient pas en mesure de faire face à l’arrivée de patients atteints de formes graves du Covid-19, d’une part, et ralentir la circulation du virus, en réduisant fortement son taux de reproduction ([9]), d’autre part, afin que le nombre de nouvelles infections théoriques à la fin de la période de confinement permette de passer à une nouvelle étape basée sur une politique de dépistage, de suivi et d’isolement des patients.

B.   LA MOBILISATION DES ADMINISTRATIONS SUR TOUT LE TERRITOIRE

Lors de l’émergence du virus, c’est tout d’abord le ministère des Solidarités et de la santé, et la direction générale de la santé, qui se sont trouvés en première ligne. La DGS est en effet chargée d’organiser et d’assurer la gestion des situations d’urgence sanitaire ([10]), en s’appuyant sur l’agence Santé publique France (SPF), dont les missions incluent la veille des risques sanitaires, ainsi que la préparation et la réponse aux menaces et crises sanitaires ([11]). À ce titre, SPF assure la gestion de la réserve sanitaire et celle des stocks stratégiques nécessaires à la protection des populations.

Ces acteurs ont travaillé en étroite collaboration avec les autres directions du ministère de la santé, notamment la direction générale de l’offre de soins (DGOS), chargée d’assurer la régulation de l’offre de soins – hôpitaux, médecine de ville, établissements médico-sociaux – ainsi qu’avec les agences régionales de santé (ARS), chargées de piloter au niveau régional le système de santé et la réponse sanitaire, et avec différentes agences, notamment l’Agence nationale de sécurité du médicament, et le service de santé des armées.

La mobilisation et le rôle de ces différents acteurs sont détaillés dans la Fiche 2 du présent rapport.

En raison des dimensions multiples de cette catastrophe sanitaire majeure, à la fois économique, sociale et internationale, ce sont bien entendu tous les ministères qui ont été amenés à se mobiliser, la coordination des pouvoirs publics étant assurée par la cellule interministérielle de crise placée sous l’autorité du ministère de l’intérieur – les préfectures étant engagées sur l’ensemble du territoire (cf. Fiche 3).

La réponse à la crise dans les outre-mer

Dans les outre-mer, une importante mobilisation a été décrétée très en amont – le confinement sy est appliqué le 17 mars comme dans l’hexagone, alors que la diffusion du virus y avait un mois de retard – ce qui a permis, à lexception de Mayotte et de la Guyane, dy limiter la propagation du virus.

1.  Une réponse efficace et adaptée aux spécificités ultramarines

La mobilisation dans les outre-mer a reposé sur trois piliers.

Tout dabord, ces territoires ont été particulièrement proactifs dans la mise en œuvre des dispositions de l’état durgence sanitaire. Celles-ci ont également fait lobjet dune adaptation à leurs spécificités, notamment par linstauration dune mesure de quarantaine des personnes arrivant dans ces territoires conformément aux préconisations du Conseil scientifique du 8 avril.

Les analyses hebdomadaires des mesures préfectorales prises en application de l’état durgence sanitaire effectuées par la mission dinformation ont permis le suivi des dispositifs dordre public mis en place dans les outre-mer, comme en Guadeloupe. Dans ce territoire, l’état durgence sanitaire a reposé sur un couvre-feu des personnes et des commerces (dont les conditions ont été renforcées pendant le week-end de Pâques), la mise en place de la procédure de quatorzaine et diverses mesures de régulation de lactivité des établissements recevant du public (comme linterdiction des locations touristiques) ou des déplacements (interdiction daccès aux plages, limitation des conditions daccès des vols internationaux).

Ensuite, une réorganisation des hôpitaux dans les différentes collectivités a permis d’y augmenter la capacité des services de réanimation. Lors de son audition par la mission dinformation le mardi 14 avril, la ministre des outre-mer a présenté le dispositif qui a permis de faire passer de 241 à 357, voire 571 si nécessaire, le nombre de lits en réanimation dans les territoires doutre-mer.

Enfin, le déploiement dune partie des moyens de lopération « Résilience » (1) a été décidé par le Président de la République et a permis lenvoi de deux porte-hélicoptères porteurs dune aide matérielle et dun soutien aux services publics locaux.

Alors que la situation sanitaire paraît aujourdhui maîtrisée, le Conseil scientifique, dans son avis du 12 mai, appelle cependant les autorités à ne pas baisser la garde pour maintenir sous contrôle l’épidémie. Cet avertissement concerne en priorité la Guyane dont le territoire, placé en zone orange comme Mayotte, fait lobjet dune vigilance renforcée et spécifique pour la deuxième phase du déconfinement en raison de la circulation toujours active du virus sur place.

Le Premier ministre a annoncé, le 28 mai, lexpérimentation dune nouvelle forme de quatorzaine adaptée à la deuxième étape du déconfinement.

 

(1) cf. le suivi par la commission de la défense et des forces armées de cette opération.

2.  Les difficultés importantes qui subsistent à Mayotte

Si la situation sanitaire a été maîtrisée avec succès en outre-mer, la diffusion de l’épidémie continue toutefois de saccélérer à Mayotte où plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 30 % des habitations n'ont pas l'eau courante et où loffre de soins est principalement concentrée sur le Centre Hospitalier de Mayotte situé à Mamoudzou. Malgré la mise en place rapide des mesures de restriction du trafic aérien et maritime et de quatorzaine, la situation sanitaire y est toujours préoccupante. Mayotte comptait 1 645 cas cumulés au 27 mai.

Depuis le 3 mai, 66 personnes hospitalisées au centre hospitalier de Mayotte ont bénéficié dune évacuation sanitaire vers La Réunion. Une livraison de 6,5 tonnes de fret, dont 850 000 masques, vient dy être effectuée le mardi 19 mai. Le 26 mai, avec quinze jours de décalage par rapport à la métropole, le préfet de Mayotte a néanmoins amorcé le déconfinement progressif et nécessaire de la population. Le début du processus a concerné la réouverture des écoles, des lieux de culte et des plages.

La commission denquête sera amenée à se saisir de toutes les dimensions de la crise dans les outre-mer, et notamment ses conséquences économiques.

C.   LA MISE EN PLACE PRÉCOCE D’UN APPUI SCIENTIFIQUE AU PILOTAGE DE LA CRISE

En raison du caractère inédit de la pandémie, deux nouveaux organismes devant apporter une expertise scientifique aux pouvoirs publics ont été créés.

Le 11 mars 2020, a été mis en place, à la demande du Président de la République, le Conseil scientifique Covid-19, afin d’éclairer la décision publique dans la gestion de la crise sanitaire. Ce conseil a été consacré par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, par l’introduction d’un article L. 3131-19 dans le code de la santé publique, prévoyant la création d’un comité de scientifiques en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire. Cette instance pluridisciplinaire, réunissant infectiologues, épidémiologistes, virologues ou encore sociologues, a pour mission d’émettre des avis étayés par des données scientifiques sur des questions concrètes. À partir du 12 mars, le Conseil a formulé à intervalles réguliers des avis – au nombre de treize à ce jour –, dont certains portent sur des thématiques précises, tels que les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes ou la situation dans les territoires d’outre-mer.

Peu après, le 24 mars, un second comité, dit CARE (comité analyse, recherche, expertise), orienté vers les enjeux de recherche et développement, a été créé, afin d’éclairer plus spécifiquement les pouvoirs publics sur les innovations scientifiques, thérapeutiques et technologiques.

Le Conseil scientifique Covid-19 et le CARE travaillent en coordination étroite – certains membres faisant d’ailleurs partie des deux comités (cf. Fiche 2 du présent rapport).

II.   L’INSTAURATION DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE ET LE CONTRÔLE EXERCÉ PAR LE PARLEMENT SUR SA MISE EN ŒUVRE

A.   L’ADOPTION DÈS LE DÉBUT DU CONFINEMENT DU CADRE JURIDIQUE AUTORISANT LES MESURES NÉCESSAIRES POUR AFFRONTER UNE CATASTROPHE SANITAIRE

Alors que le Président de la République annonçait, lundi 16 mars, le confinement de la population pour le 17 mars à midi, le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a été déposé sur le bureau du Sénat le 18 mars. En quatre jours, le Parlement a adopté la loi d’urgence, promulguée le 23 mars.

La loi  2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois. Elle a fait reposer ce nouveau cadre juridique sur trois piliers :

 les mesures nationales prises par le Premier ministre sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique et déterminées par le décret du 23 mars ([12]) ;

 les mesures sanitaires prescrites en application de l’article L. 3131-16 par le ministre des solidarités et de la santé et précisées par l’arrêté du 23 mars ([13]) ;

 les mesures locales décidées par les préfets, sur le fondement de l’article L. 3131-17, pour appliquer ou renforcer les mesures nationales et sanitaires précédentes, également précisées par le décret du 23 mars précité.

La loi du 23 mars 2020 a également habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour répondre, en urgence, à toutes les dimensions de la crise, qu’elles soient sanitaires, économiques ou sociales. C’est ainsi qu’entre le 25 mars et le 20 mai 2020, cinquante-sept ordonnances ont été publiées.

Ensuite, la loi  2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, adoptée en une semaine par le Parlement, a permis de proroger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet et d’en adapter les modalités au déconfinement qui a été amorcé à compter du 11 mai. Le décret du même jour ([14]) s’est substitué au décret du 23 mars.

B.   L’IMPACT DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE SUR LES LIBERTÉS PUBLIQUES

Le dispositif mis en place par le décret du 23 mars au niveau national et éventuellement renforcé au niveau local a reposé sur trois éléments principaux :

 l’interdiction des déplacements en dehors de huit exceptions expressément prévues ;

 l’interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes ;

 et la limitation ou l’interdiction de l’activité des établissements recevant du public.

Un décret du 17 mars ([15]) a porté l’amende pour manquement aux mesures de confinement à 135 euros. En application de la loi du 23 mars, lorsque cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende s’élève à 200 euros ([16]). Enfin, à partir de la quatrième verbalisation dans un délai de trente jours, les faits sont punis par la loi de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général.

Un premier bilan de l’application de ces mesures fait apparaître que dès le 22 mars, les forces de l’ordre avaient procédé au contrôle de 1,7 million de personnes et sanctionné plus de 90 000 d’entre elles. Au 23 avril, 15,5 millions de contrôles avaient été réalisés pour 915 000 contraventions dressées.

Le taux moyen de verbalisation est de l’ordre de 6 % et se situe dans la fourchette présentée par les préfets du Nord (5 %) et de Vaucluse (7 %) lors de leur audition par la mission d’information le jeudi 14 mai 2020.

Bilan des contrÔles effectuÉs par les forces de l’ordre

Source : mission d’information.

Ces restrictions, qui ont eu un impact important et immédiat sur la vie quotidienne des Français ([17]), n’en ont pas moins été strictement encadrées par le législateur.

Tout d’abord, le dernier alinéa de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique dispose que les mesures prescrites en application dudit article « sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » et qu’il « y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires ».

L’article L. 3131-18 prévoit par ailleurs que les mesures prises en application de l’état d’urgence sanitaire peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. À ce titre, le Conseil d’État a été saisi, à la date du 25 mai, de 61 recours, dont certains ont contraint le Gouvernement à adapter les mesures prises, par exemple à lever l’interdiction de rassemblement dans les lieux de culte ([18]).

Enfin, l’article 7 de la loi du 23 mars 2020 a introduit une date limite d’application des dispositions du code de la santé publique relatives à l’état d’urgence sanitaire au 1er avril 2021.

Sur le sujet des libertés publiques, la mission d’information a également pu s’appuyer sur les travaux menés par la commission des lois. Ceux-ci ont notamment porté sur les détentions provisoires et la question de leur prolongation automatique qui a été soulevée dans le cadre du suivi de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale ([19]). La commission a aussi travaillé de manière précoce sur les systèmes de traçage avant que l’application « StopCovid » ne soit approuvée à la suite de la déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 qui s’est tenue devant l’Assemblée nationale le 27 mai.

C.   LE CONTRÔLE DU PARLEMENT SUR L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE

Face à l’ampleur du dispositif prévu dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et son caractère inédit, l’Assemblée nationale a mis en place un contrôle renforcé dans la lignée de celui instauré sur la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Ce contrôle se fonde sur le deuxième alinéa de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, introduit par la loi du 23 mars, qui dispose que « l’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. »

Afin de mener à bien cette mission, la Conférence des présidents a décidé la création, dès le 17 mars 2020, de la présente mission d’information sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus Covid19.

La mission a pu bénéficier de la transmission par le Premier ministre, depuis le 31 mars, d’un point d’étape hebdomadaire recensant les mesures prises par le Gouvernement sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire. En outre, à partir du 7 avril, le ministère de l’intérieur a directement ouvert à la mission d’information l’accès à une plateforme internet qui centralise les arrêtés préfectoraux pris dans ce cadre.

La mission d’information a ainsi été en mesure de contrôler la mise en œuvre progressive de l’état d’urgence sanitaire qui a fait l’objet, depuis le 23 mars, de vingt-deux décrets et de dix-huit arrêtés. Elle a également procédé au recensement et à l’analyse hebdomadaire de plus d’un millier d’arrêtés préfectoraux dont les résultats ont été publiés de façon hebdomadaire (les principales conclusions de ces analyses sont présentées dans la Fiche 3 du présent rapport) ([20]).

III.   Les travaux de la mission sur la rÉponse sanitaire apportÉe À la crise et sur la prÉparation de la sortie du confinement

Outre le contrôle des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, la mission d’information s’est attachée à suivre la gestion sanitaire de la crise, en auditionnant les principaux acteurs impliqués, au premier chef le ministre des Solidarités et de la santé, le directeur général de la santé et la directrice générale de Santé Publique France.

Puis, au fil du déroulement de la crise, la mission a suivi la préparation et l’organisation du déconfinement, en s’intéressant particulièrement à trois de ses enjeux essentiels, l’organisation du travail, la réouverture des écoles et le fonctionnement des transports collectifs. Elle a également entendu les acteurs en première ligne dans le processus de déconfinement, à savoir M. Jean Castex, spécifiquement missionné pour coordonner la stratégie de déconfinement, ainsi que les représentants d’associations d’élus locaux et des préfets, le « couple » maire/préfet étant au cœur de sa mise en œuvre et de sa déclinaison sur les territoires.

Ces auditions, complétées par des demandes écrites, constituent une première étape et ont permis d’assurer la mission constitutionnelle de contrôle qui incombe au Parlement selon des modalités adaptées à la période de l’état d’urgence sanitaire.

Parallèlement aux auditions menées par la mission d’information, les huit commissions permanentes ont examiné les textes nécessaires pour assurer la gestion de l’épidémie ([21]) et répondre à ses conséquences sur l’emploi et les entreprises ([22]), et ce dans des délais extrêmement resserrés. Elles ont également procédé au suivi et à l’analyse des 57 ordonnances prises sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Enfin, elles ont fait porter leurs travaux de contrôle sur les conséquences de la crise sanitaire dans leurs domaines de compétences respectifs.

C’est donc un dispositif d’ensemble reposant sur la complémentarité des travaux de la mission et de ceux des commissions qui a été mis en place : à la mission le suivi de l’état d’urgence sanitaire et celui des orientations stratégiques de gestion de la crise sanitaire, aux commissions le suivi quotidien des mesures prises et de leur impact chacune dans son champ de compétence.

Les commissions permanentes ainsi que les délégations ont été mobilisées afin d’approfondir différentes thématiques que la mission n’était pas en mesure de couvrir de façon exhaustive, compte tenu de sa durée restreinte.

À la demande de la mission d’information, la commission des affaires sociales a notamment mené un cycle d’auditions sur la situation spécifique des EHPAD face à l’épidémie et réalisé une mission flash, confiée à un binôme de députées, sur ce sujet ; elle a également examiné les conséquences de la crise sur le financement de la sécurité sociale, l’accès aux soins des patients hors Covid-19, ou encore l’impact de la crise sur le monde du travail, l’emploi et la protection des salariés, entre autres travaux.

La commission des lois a axé ses travaux sur l’utilisation des innovations numériques pour lutter contre l’épidémie, sur les risques en milieu carcéral, sur les enjeux liés à la sécurité publique et à la justice, ainsi que sur le rôle des collectivités locales dans la crise.

La commission des affaires étrangères s’est concentrée sur la réaction des institutions européennes et internationales, sur l’adaptation des réseaux diplomatiques, consulaires et éducatifs, recouvrant l’enjeu essentiel du rapatriement de nos compatriotes se trouvant à l’étranger, et sur l’adaptation de l’aide humanitaire d’urgence et de l’aide publique au développement.

La commission de la défense a travaillé sur l’apport des armées dans la lutte contre l’épidémie, notamment dans le cadre de l’opération Résilience, ainsi que sur l’impact de l’épidémie sur la poursuite des opérations, tant sur le territoire national que sur les théâtres extérieurs.

La commission des affaires économiques s’est attachée à l’examen des conséquences de la crise sur les filières agricoles, de la pêche et sur les industries agroalimentaires, sur les réseaux de communication, sur les entreprises et le commerce de proximité, sur la situation du bâtiment et du logement, ainsi que sur le secteur du tourisme et de l’énergie.

La commission du développement durable a quant à elle mené des travaux sur les conditions d’activité dans les transports en pleine crise sanitaire, puis lors du déconfinement, sur la sûreté des installations industrielles et nucléaires ou encore sur la situation des territoires face à la crise, notamment les relations entre État et collectivités et la gestion des services publics locaux indispensables ainsi que sur les causes environnementales de la crise sanitaire.

La commission des affaires culturelles a abordé les enjeux de l’épidémie en matière de recherche, sujet crucial dans un tel contexte, mais aussi les conséquences de la crise sur l’industrie culturelle et les médias, sur l’enseignement scolaire et supérieur, ainsi que sur le sport et la vie associative.

La commission des finances a examiné et adopté deux projets de lois de finances rectificatives qui ont pris en compte la dégradation exceptionnelle des finances publiques et engagé de puissantes mesures budgétaires de sauvegarde de l’économie et de soutien à l’activité. La commission a opéré un suivi régulier de la conjoncture et de la mise en œuvre du prêt garanti par l’État, et s’est penchée sur la question de la résistance du système financier, des défis posés par la crise en termes de financement de la dette publique et des risques pour les finances locales.

La mission d’information s’est réunie le mardi 26 mai pour entendre les co-rapporteurs présenter les travaux des commissions qu’ils président ; ces travaux sont annexés au présent rapport (cf. Restitution des travaux des commissions).

A.   SUR LA MOBILISATION ET L’ADAPTATION DU SYSTÈME DE SOINS POUR AFFRONTER LA PANDÉMIE

1.   Les pouvoirs publics ont fait face, dans l’urgence, à la crise

 Un premier constat s’impose : si notre système de soins a été soumis à rude épreuve lors de la catastrophe sanitaire, il a tenu bon et a su faire face à l’afflux massif de patients atteints du Covid-19, au prix d’une mobilisation exceptionnelle des personnels soignants, d’efforts d’adaptation sans précédent des hôpitaux et d’un fort engagement de la médecine de ville, sans doute moins visible mais qui a permis de prendre en charge une très grande part des malades atteints du Covid-19 sous des formes plus bénignes en particulier grâce au recours aux téléconsultations (Fiche 4).

Le système de santé a d’abord dû répondre à la forte hétérogénéité territoriale de la catastrophe sanitaire : les régions du Grand Est, de l’Ile-de-France et des Hauts-de-France, notamment, ont été frappées de plein fouet, tandis que d’autres, telles que la Bretagne ou la Nouvelle-Aquitaine, étaient relativement épargnées. À elle seule, l’Ile-de-France a représenté 40 % des hospitalisations de malades du Covid-19 au niveau national à la mi-avril, et le Grand Est 16 %. Pour faire face à ces disparités, les établissements de santé et les ARS des régions les plus affectées ont fait appel à des personnels soignants issus de régions moins touchées, tout en organisant des transferts de patients, selon des modalités inédites, vers des établissements disposant de capacités d’accueils.

Les établissements de santé ont conduit une adaptation massive et rapide de leurs services afin d’être en mesure d’accueillir les patients atteints de formes graves de la maladie en services de réanimation – étant rappelé que dès le début du mois de mars, le déclenchement du « plan blanc » a permis de libérer des capacités d’accueil par la déprogrammation des activités médicales non indispensables.

Les capacités de réanimation des hôpitaux ont été doublées dans des délais très courts, passant de 5 000 lits avant la crise à plus de 10 000 à la fin du mois de mars, ce qui a imposé des efforts de restructuration sans précédent, par exemple en transformant des blocs opératoires en unités de réanimation. En parallèle, les personnels soignants et administratifs ont dû et ont pu faire preuve d’une adaptabilité exceptionnelle. La crise sanitaire a conduit à lever des obstacles administratifs qui paraissaient insurmontables jusqu’alors et à faire tomber des barrières entre les services et les catégories de personnels – nombre d’entre eux ont changé de pratiques, voire de fonctions, en se formant dans l’urgence ; elle a montré les remarquables capacités d’adaptation et d’innovation de notre système hospitalier.

Pour répondre aux besoins croissants des services de réanimation, l’État a passé une commande de plus de 10 000 respirateurs, dont les livraisons sont échelonnées jusqu’à la fin du mois de juin (Fiche 4).

Cette mobilisation exceptionnelle a permis d’absorber l’arrivée brutale de milliers de patients dans les établissements de santé : le nombre de personnes hospitalisées au titre du Covid-19 est passé d’un peu moins de 3 000 patients le 18 mars à plus de 32 000 à la mi-avril, tandis que le nombre de personnes en réanimation est passé de 771 au 18 mars à plus de 7 000 trois semaines plus tard.

Le pilotage du déploiement des capacités de soins s’est appuyé sur les travaux de modélisation de l’épidémie aux plans national et régional réalisés par l’Institut Pasteur, afin de mieux anticiper les décisions à prendre, y compris les transferts de patients vers les régions moins touchées. Des évacuations sanitaires inédites ont ainsi permis de transférer plus de 660 patients entre la mi-mars et la mi-avril, essentiellement à partir des régions du Grand-Est, de l’Ile-de-France et de la Bourgogne Franche-Comté, vers d’autres régions plus épargnées, notamment la Nouvelle-Aquitaine, la Bretagne, et les Pays de la Loire, en utilisant tous les moyens de transport, de TGV médicalisés aux hélicoptères, mais aussi avions, bateaux et ambulances. D’autres transferts de patients ont été opérés vers des pays frontaliers, notamment l’Allemagne, le Luxembourg ou la Suisse, qui disposaient de capacités d’accueil.

Des moyens financiers supplémentaires ont été alloués aux établissements de santé ; une enveloppe spécifique d’urgence de 377 millions d’euros, annoncée le 22 avril, a notamment été ouverte pour leur permettre de couvrir les dépenses exceptionnelles liées à l’épidémie, parallèlement aux autres mesures budgétaires, destinées notamment au versement de primes aux personnels soignants.

 La prise en charge de l’afflux de patients dans les hôpitaux n’a été possible que grâce à un engagement exemplaire des personnels soignants, unanimement salué, qui s’est traduit par la réduction de leurs heures de repos et congés, par le recours massif aux heures supplémentaires et par l’appel à des renforts, notamment des personnels exerçant dans des territoires moins touchés, mais aussi des étudiants en médecine, des étudiants infirmiers et kinésithérapeutes et des personnels retraités (cf. Fiche 5).

Le recours à des renforts s’est effectué dans le cadre de la réserve sanitaire, placée sous la responsabilité de SPF – au 27 avril 2020, les missions dédiées au Covid-19 représentaient près de 9 400 jours/homme ([23])–, et de plateformes créées au niveau régional par les ARS pour mettre en relation directe des volontaires et les établissements de santé. Ces plateformes montées de façon très rapide sont d’ailleurs apparues plus réactives et opérationnelles en période de crise aiguë que la réserve sanitaire. Celle-ci prend en charge davantage les aspects administratifs au bénéfice des établissements de santé, mais ses modalités de fonctionnement et ses délais de traitement sont apparus moins adaptés aux besoins opérationnels urgents.

Une quinzaine de rotations de personnels à destination du Grand Est et de l’Ile-de-France ont notamment été organisées depuis les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Bretagne et Auvergne-Rhône-Alpes.

 La médecine de ville et les services d’aide médicale urgente (SAMU) ont également été fortement sollicités pour la prise en charge des patients atteints du Covid-19, notamment pour les formes les moins graves. Ils ont fait face à l’afflux, en adaptant leur fonctionnement et les réponses apportées aux patients, dans un contexte complexifié par le confinement. Le nombre de patients ayant consulté un médecin généraliste pour un cas de Covid-19 était estimé, sur la base des données du réseau Sentinelle, à près de 95 000 au cours de la dernière semaine de mars, tandis que le nombre d’actes de SOS Médecins pour suspicion de Covid-19 dépassait le chiffre de 12 000 cette même semaine ([24]).

Les pratiques médicales ont également évolué, par le recours aux téléconsultations, pour lesquelles des mesures dérogatoires ont été adoptées en termes de remboursement, de parcours de soins et de mise en œuvre technique, afin de favoriser leur usage. Le nombre de téléconsultations a ainsi explosé dans le contexte du confinement, pour atteindre plus de 485 000 pendant la dernière semaine de mars (contre 10 000 par semaine début mars).

Des centres de consultations ambulatoires ont été ouverts afin d’accueillir des patients présentant des symptômes du Covid-19 – certains temporaires, s’installant dans des locaux mis à disposition par les mairies ou adossés à un hôpital, d’autres correspondant à des structures existantes (maisons de santé pluriprofessionnelles, centres de santé, cabinets de groupe…).

Pour autant, les médecins de ville ont pu avoir le sentiment, dans un premier temps, de ne pas être suffisamment associés et pris en compte dans la réponse apportée à la catastrophe sanitaire, alors que l’attention était largement focalisée sur les établissements de santé. Il sera nécessaire de réexaminer l’articulation des rôles respectifs de la médecine de ville, des hôpitaux publics et de ceux du secteur privé, lucratif ou non, face à une crise sanitaire de grande ampleur.

 Enfin, le principal objectif poursuivi par le confinement décidé le 17 mars, soit limiter la pression exercée sur le système de soins, a été atteint.

Selon une étude épidémiologique publiée le 22 avril dernier ([25]), en l’absence de confinement, au bout d’un mois seulement, la charge des hôpitaux aurait été multipliée par huit et les besoins en lits de réanimation par 15, ce qui aurait conduit à ce que le système hospitalier ne puisse pas traiter la plupart des patients nécessitant une prise en charge intensive. Le confinement pendant les seules quatre premières semaines aurait ainsi permis d’éviter près de 62 000 morts à l’hôpital et réduit ce nombre de 83,5 % par rapport à une situation sans confinement. In fine, le confinement aura réduit le taux de reproduction du virus, ou R0, de 84 %, en le faisant passer de 3,3 à 0,5 ([26]).

Sans sous-évaluer ses effets induits considérables sur la vie des Français, les risques associés – sur les plans psychologiques, sociaux et de violences intrafamiliales notamment voire ses effets sanitaires de long terme –, ainsi que ses conséquences sur l’activité économique nationale, le confinement a fait la preuve de son efficacité en termes de maîtrise de l’épidémie.

2.   Une crise qui a révélé des faiblesses

La remarquable réponse de notre système de soins ne saurait dissimuler les faiblesses mises en lumière à l’occasion de cette crise, qui ont vocation à faire l’objet de travaux approfondis dans la phase deux de la mission d’information, qui vient de se doter des prérogatives d’une commission d’enquête.

 Le premier point, qui a été abondamment commenté, est l’insuffisance des stocks stratégiques d’équipements de protection, et notamment de masques.

Comme l’a indiqué le ministre de Solidarités et de la santé dès le mois de février, le stock de masques chirurgicaux détenu par l’État et géré par Santé publique France se limitait, avant le début de la crise, à 117 millions. Le stock de masques FFP2, plus protecteurs et utilisés par les personnels soignants, avait été réduit à zéro, du fait d’une évolution de doctrine et de décisions intervenues à partir de 2011, conduisant à transférer aux employeurs, dont les hôpitaux, la responsabilité de fournir des masques de protection à leurs salariés. Or dans le cadre de la crise sanitaire, la consommation de masques dans les établissements de santé a explosé, en étant multiplié par 20, voire 40, pour certains d’entre eux ; les besoins ont fortement augmenté dans la population, ne serait-ce que pour la protection des salariés continuant à travailler dans les secteurs essentiels à la vie de la Nation, par exemple les employés des commerces indispensables, les forces de l’ordre, ou encore les services de propreté.

Cette situation a imposé de hiérarchiser la distribution des masques, en privilégiant les territoires dans lesquels le virus circulait le plus activement et en donnant la priorité aux professionnels de santé qui étaient au contact avec les malades dans les zones les plus actives, notamment les services d’urgence, de réanimation et de soins intensifs. Le Gouvernement a recouru à des mesures de réquisition et il a procédé à des commandes massives, dont le financement a été assuré par des moyens exceptionnels alloués à Santé publique France ([27]) ; au 28 mai dernier, SPF avait ainsi procédé à l’acquisition de 3,42 milliards de masques, dont 2,4 milliards de masques chirurgicaux et 978 millions de masques FFP2, pour un montant total de 2,55 milliards d’euros ([28]) (Fiche 6). Des collectivités territoriales ainsi que des ARS ont également procédé à des commandes.

L’insuffisance des stocks au niveau national, qui n’était pas compensée par des stocks locaux suffisants au sein des établissements de santé, a affecté leur situation et leur organisation pendant une partie de la crise. Dans la perspective de la sortie de crise actuelle, la reconstitution de stocks stratégiques de masques de protection et une réflexion sur la gestion et les modalités d’organisation logistique de ces stocks seront incontournables.

 La question de la fourniture de masques s’inscrit dans la problématique plus large de notre dépendance à l’égard de l’extérieur pour les approvisionnements en produits indispensables dans le contexte d’une épidémie, qu’il s’agisse des équipements de protection, des matériels et des médicaments de réanimation ou encore de réactifs et matériels nécessaires aux tests de dépistage. Cet enjeu est loin d’être propre à la France et concerne l’ensemble des pays développés. Or la pandémie mondiale, touchant au même moment tous les pays, et en premier lieu, la Chine, l’un des principaux fournisseurs, a conduit à une explosion de la demande internationale et à un tarissement des approvisionnements traditionnels, dans un contexte où les capacités de transport international étaient par ailleurs très réduites.

Cette dépendance et l’absence de capacités industrielles suffisantes pour la production d’équipements stratégiques ont ainsi considérablement complexifié ce champ de la gestion de la crise.

Les capacités de production nationales des équipements de protection, en premier lieu des masques, mais aussi des blouses, des surblouses, des charlottes, des gants, se sont révélés insuffisantes pour faire face aux besoins exponentiels des établissements de santé, en l’absence de stocks. Certes, la France dispose encore sur son territoire de capacités de production de masques – à la différence de la plupart de ses voisins ([29])–, et le Gouvernement a apporté son soutien aux quatre entreprises françaises concernées pour accompagner la montée en puissance de leur production : leur fabrication hebdomadaire est passée de 3,5 millions avant la crise à 20 millions à la fin de mois de mai ; le développement de capacités industrielles supplémentaires sera par ailleurs soutenu, avec l’installation de nouvelles lignes de production ([30]). Pour autant, pour faire face aux besoins immédiats, les commandes massives, essentiellement auprès de la Chine, ont été passées dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée, à des prix unitaires bien supérieurs à ceux d’avant la crise sanitaire ([31]) ; un véritable « pont aérien » a dû être mis en place pour permettre et sécuriser leur acheminement jusqu’en France. Certains chargements destinés à des collectivités locales françaises ont en effet été rachetés et interceptés sur le tarmac des aéroports chinois par des acheteurs peu scrupuleux.

De même, les tensions nationales constatées sur la disponibilité des tests de dépistage résultent largement de la demande soudaine et mondiale de produits réactifs, dans un contexte où les ressources avaient été fortement consommées par les pays d’Asie, touchés en premiers par l’épidémie. En mars et au début du mois d’avril, de très nombreux laboratoires avaient une visibilité de deux à trois jours en matière de réactifs ([32]) ; des tensions ont aussi été constatées sur les écouvillons nécessaires pour les prélèvements.

Des difficultés d’approvisionnement en médicaments des établissements de santé ont également été constatées, notamment pour les curares et les hypnotiques, très utilisés dans les services de réanimation ; elles sont liées là encore à la forte hausse de la demande mondiale sur plusieurs molécules, qui a augmenté, pour certaines d’entre elles, de 2 000 %, alors que la production de médicaments est aujourd’hui très largement concentrée en Inde et en Chine. Le ministère des solidarités et de la santé a dû mettre en œuvre un plan de sécurisation des approvisionnements et de régulation des stocks de médicaments répartis sur le territoire, notamment par la centralisation des achats et de la distribution de certaines molécules ; il a également engagé un processus d’internalisation de la fabrication de certains médicaments, par l’acquisition de matières premières et leur transformation auprès de façonniers nationaux ou de pharmacies hospitalières.

Face aux difficultés constatées pendant la crise, une réflexion sur la (re)constitution de capacités de production nationales et européennes permettant de sécuriser nos approvisionnements en équipements stratégiques apparaît là encore indispensable.

 La mobilisation sans faille des établissements de santé ne doit pas faire oublier la situation tendue dans laquelle ils se trouvaient avant la crise sanitaire, et qui a nécessité des personnels soignants des efforts d’autant plus importants. Compte tenu des difficultés constatées à l’automne dernier, le Gouvernement avait présenté à la mi-novembre un plan d’urgence pour l’hôpital, prévoyant notamment la hausse de l’ONDAM ([33]) hospitalier ainsi que la reprise par l’État d’un tiers de la dette des établissements. Toutefois, dans un contexte de crise, le temps de latence de la mise en œuvre et de l’effectivité de ce plan d’urgence et les montants se révèlent insuffisants.

À cet égard, le Président de la République a annoncé à la fin du mois de mars un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’hôpital. Ses contours doivent être précisés dans le cadre d’une concertation nationale, réunissant les partenaires sociaux et les collectifs hospitaliers, baptisée « Ségur de la santé » et engagée le 25 mai ; seront mis sur la table plusieurs sujets structurants, à savoir la revalorisation des salaires et des carrières des personnels soignants, l’investissement dans les bâtiments et le matériel, la mise en place d’un système plus souple et plus déconcentré ainsi qu’une nouvelle organisation du système de santé articulée au niveau du territoire. Les propositions issues de cette concertation ont vocation à trouver une traduction dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, présenté à l’automne.

 Plus largement, la crise sanitaire met en lumière la nécessité d’investir davantage la fonction de préparation et de planification à long terme de l’État en matière de sécurité sanitaire et de prévention, et de renforcer les réflexions stratégiques en la matière ; or, il est malheureusement probable que ces sujets soient tout sauf conjoncturels.

L’épidémie a de fait révélé quelques failles dans la culture de prévention sanitaire en France et un manque d’anticipation face à des crises d’une telle ampleur – sachant que le développement de réponses à ce type de situations est aussi un processus itératif, résultant des enseignements issus des crises précédentes. Si l’efficacité de la gestion de l’épidémie du Covid-19 par la Corée du Sud a été largement saluée, elle s’explique entre autres par les leçons que le pays a retirées de l’épidémie de Mers-CoV survenue en 2015 sur son territoire.

Sur la base des premiers constats sur l’épidémie, il apparaît nécessaire que la France renforce ses politiques de prévention sanitaire et améliore ses moyens de suivi épidémiologique. Sur ce dernier point, si Santé publique France a réalisé un important travail d’information, en publiant des données détaillées et territorialisées sur les hospitalisations et les admissions en réanimation, par exemple, il reste des faiblesses, par exemple sur le décompte des décès survenus dans les établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui a été mis en œuvre avec retard (voir infra), ou encore sur le recensement des moyens de dépistage du virus par les laboratoires, les remontées d’informations s’avérant partielles. En outre, comme l’ont souligné les préfets devant la mission, les données épidémiologiques telles qu’elles sont collectées, notamment par les ARS, ne répondent pas nécessairement aux besoins opérationnels de gestion de la crise et les modèles épidémiologiques ne sont pas suffisamment territorialisés pour permettre de piloter la crise au plus près et d’anticiper les coûts.

3.   Une crise qui soulève des questions d’organisation et de coordination

La crise que nous traversons soulève également des questions sur l’organisation de notre système de santé et notre organisation territoriale, mais aussi sur la coordination européenne et internationale face à la crise.

 En premier lieu, l’organisation institutionnelle de la gestion des crises sanitaires, et plus spécifiquement les missions confiées à Santé publique France. Créée en mai 2016, l’agence est issue de la fusion de l’Institut de veille sanitaire (InVS), qui était chargé de la veille et de la vigilance sanitaire, de l’Institut national d’éducation et de prévention pour la santé (INPES), chargé des politiques de prévention et de promotion de la santé, ainsi que de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). Cet établissement, créé en 2007 à la suite de la crise du chikungunya en outre-mer ([34]), avait pour missions de préparer, d’organiser et de conduire la mobilisation des moyens de réponse à une situation de crise sanitaire. Il était chargé de gérer les stocks stratégiques nationaux (notamment en équipements de protection, mais aussi en iode ou en antibiotiques), ainsi que la réserve sanitaire.

L’absorption de l’EPRUS au sein de la nouvelle agence avait été motivée en 2016 par la volonté d’améliorer la cohérence des fonctions, assurées jusqu’alors par les trois entités fusionnées, en matière de veille sanitaire et de promotion de la santé. Elle a toutefois suscité des critiques depuis le début de la crise, au motif qu’elle aurait dilué l’action de l’EPRUS et nui à son caractère opérationnel et particulier d’établissement pharmaceutique. En tout état de cause, la nécessaire reconstitution de stocks stratégiques d’équipements de protection, la doctrine de gestion, voire une réflexion sur la gestion de la réserve sanitaire, impliqueront de réexaminer les missions de SPF face aux crises sanitaires ainsi que son organisation.

Le suivi de la situation dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) s’est avéré insuffisant aux débuts de la crise, conduisant à ce que le nombre de décès survenant dans ces établissements ne fasse l’objet d’un décompte effectif qu’à partir du 1er avril – seuls les décès dans les hôpitaux étaient recensés avant cette date.

Les personnes hébergées en EHPAD cumulent deux facteurs de risque : d’une part, l’âge avancé tout comme les polypathologies associées sont des facteurs propices à la survenue de forme grave du Covid-19, et la létalité du virus est élevée chez les personnes de plus de 75 ans ; d’autre part, l’hébergement collectif et les visites des proches favorisent les contaminations. Plusieurs mesures spécifiques ont donc été prévues pour ces établissements, avec, dès le 12 mars, le déclenchement du plan bleu dans les établissements médico-sociaux, prévoyant notamment l’interdiction des visites ([35]), la fourniture de 500 000 masques par jour aux EHPAD annoncée par le ministre de la santé le 21 mars et le lancement d’une campagne de dépistage dans ces établissements le 5 avril ([36]).

Le nombre de décès dans ces établissements s’avère élevé, avec plus de 10 248 décès comptabilisés dans les EHPAD entre le 1er mars et le 26 mai ([37]). La commission des affaires sociales a d’ailleurs pris en charge, à la demande de la mission d’information, le sujet du suivi des conséquences de l’épidémie sur la situation des EHPAD, et elle a réalisé plusieurs auditions sur ce thème.

En tout état de cause, l’organisation des remontées d’informations sur les décès survenus dans les EHPAD n’a pas été structurée au début de la crise et n’est devenue effective que tardivement ([38]). Ce constat pose la question des modalités de suivi de ces établissements au niveau national, mais aussi régional, par les ARS, et appelle sans doute des réflexions pour les améliorer.

Si la réponse apportée localement dans les territoires (cf. Fiche 3), a connu des réussites incontestables, elle a néanmoins souffert d’insuffisances dont certaines étaient déjà connues avant la crise.

Les Français ont pu constater, dans l’ensemble des territoires, une mobilisation sans précédent des différentes institutions pour faire face à l’épidémie. Qu’il s’agisse des administrations déconcentrées de l’État ou des collectivités territoriales, et ce quel que soit leur niveau ou leurs domaines de compétence, toutes se sont adaptées pour participer à lutte contre le virus tout en étant utiles à la population. Le cadre national de l’état d’urgence sanitaire a largement reposé sur une déclinaison territoriale afin d’être adapté aux spécificités locales : il s’agissait là d’un préalable indispensable à la réussite du dispositif.

L’émergence du binôme maire-préfet dans la gestion de la crise a permis de mettre en lumière certains enseignements.

En raison d’un confinement soudain mais qui pouvait difficilement être anticipé et coordonné, d’importantes questions relatives à la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire comme celles des couvre-feux ou du port du masque, ont donné lieu à des décisions unilatérales reposant sur des bases juridiques incertaines. Néanmoins, à mesure que le confinement s’est installé dans la durée et que la préparation du déconfinement a été amorcée, la relation entre les maires et les préfets a montré son caractère indispensable et pertinent. Elle a permis d’illustrer et de mettre en exergue les priorités de la continuité de l’État sur le territoire national : proximité, dialogue, confiance et efficacité. L’annonce du Premier ministre, le 28 mai, visant à permettre aux préfets, en lien avec les maires, d’imposer le port du masque dans certaines parties du territoire des communes, a permis de parachever le travail commun qui a été accompli au sujet des marchés, des couvre-feux ou de la réouverture des plages.

La question du rôle et du fonctionnement des agences régionales de santé, qui pouvaient parfois être perçues comme trop centralisées, inaccessibles ou en décalage avec les réalités et les attentes du terrain, s’est également posée avec une acuité particulière liée à l’urgence de la situation. Il serait sans doute trop facile de faire de ces agences des boucs émissaires de l’après-crise, alors que leur création par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ne les avait pas préparées à faire face à un choc d’une telle ampleur. Comme beaucoup d’autres acteurs, elles ont agi dans l’urgence et dans des situations où le facteur humain a été décisif mais inégal selon les territoires. Pour autant, les enjeux d’une territorialisation plus fine, d’une meilleure articulation avec les services déconcentrés de l’État et d’une plus grande proximité de ces agences avec les élus locaux et avec les préfets devront être approfondis.

● Plus largement, jusqu’à présent, la réponse sanitaire apportée au niveau européen à la crise n’a pas été à la hauteur. Le « chacun pour soi » l’a emporté, chaque pays a pris des mesures au niveau national, sans coordination avec ses partenaires malgré les efforts du Gouvernement français. L’Union européenne n’a pas réussi à s’affirmer dans la gestion de la catastrophe sanitaire ni à proposer une réponse commune ; la solidarité entre États membres a globalement fait défaut.

Ce manque de solidarité s’est particulièrement manifesté à l’égard de l’Italie, pays très lourdement touché par la pandémie, qui a manifesté son amertume face au manque d’aide de la part de ses partenaires. La présidente de la Commission européenne, Mme Ursula Von der Leyen, a d’ailleurs présenté ses excuses, dans une tribune parue dans la presse italienne au début du mois d’avril, pour la mobilisation trop tardive de l’Europe.

Face à la pandémie, chaque pays a opté pour une stratégie nationale, les frontières entre États membres ont été fermées de façon non concertée et dans une certaine précipitation, et l’on a même pu observer des tensions entre pays à propos de saisies de masques. Certes, la santé ne constitue pas une compétence de l’Union européenne : elle reste du ressort des États, sur le fondement de l’article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ([39]). Pour autant, au-delà des stricts aspects sanitaires, une meilleure coordination entre États et une action plus affirmée de l’Union auraient pu être mises en œuvre, a fortiori dans la mesure où l’Union européenne est dotée d’agences compétentes dans ce domaine (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, Agence européenne du médicament).

Néanmoins, une forme de solidarité s’est progressivement mise en place, comme l’ont illustré les transferts de patients d’un État vers l’autre,  notamment l’accueil de patients français en Allemagne, au Luxembourg, en Autriche, ou en Belgique –, les dons d’équipements et de matériels médicaux, ou encore l’activation du Mécanisme européen de protection civile pour organiser les retours de ressortissants européens bloqués à l’étranger. Par ailleurs, dans le prolongement du projet proposé par le Président français et la chancelière allemande, la Commission européenne vient de proposer un plan ambitieux, à hauteur de 750 milliards d’euros, qui devrait apporter une réponse d’une ampleur inégalée à la crise économique et sociale et a vocation à bénéficier aux pays les plus affectés. Cette démarche doit faire l’objet d’un soutien sans faille afin que l’Union reprenne la main et réaffirme les principes de coopération et de solidarité en son sein.

Enfin, il apparaît nécessaire d’interroger la gouvernance sanitaire internationale, et au premier chef l’OMS, afin de tirer les leçons de la crise actuelle  l’OMS a d’ailleurs déjà connu des réformes à la suite des précédentes crises sanitaires mondiales, notamment le SRAS en 2003 et le virus Ebola en 2014-2015. Une réflexion devrait être engagée afin de renforcer l’indépendance, la réactivité et les pouvoirs d’investigation de l’OMS, de faire évoluer son mode de fonctionnement ainsi que son mode de financement. Ces sujets essentiels de la coopération européenne et internationale lors de la crise sanitaire ont été approfondis par la commission des affaires étrangères dans le cadre de ses auditions et travaux.

B.   SUR LA MOBILISATION DE LA RECHERCHE

Rarement les avancées de la recherche n’auront été à ce point la clé de la résolution d’une crise, tant la découverte de traitements et de vaccins est cruciale pour desserrer l’étau de l’épidémie, éloigner le spectre de l’apparition de nouvelles vagues épidémiques et envisager le retour à une situation maîtrisée et à une « vie normale ».

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a mis en place à la fin du mois de mars le comité CARE (comité analyse, recherche et expertise), chargé d’éclairer les pouvoirs publics sur les grandes priorités scientifiques, technologiques et thérapeutiques sur lesquelles il importe de se concentrer de façon urgente.

Ainsi que l’a indiqué à la mission sa présidente, Mme Françoise Barré-Sinoussi ([40]), le comité CARE donne des avis au ministre de la santé sur des propositions soumises directement au ministère, sans passer par la procédure d’appel d’offres, afin d’identifier les solutions innovantes pouvant apporter des réponses rapides à l’épidémie. Il a également pour missions d’informer les ministres, sous la forme de notes flash, sur des sujets pertinents pour trouver une réponse rapide à l’épidémie, et d’émettre des propositions et des recommandations sur des recherches innovantes. Son activité est centrée sur les tests, les traitements, le développement d’un vaccin, le numérique et l’intelligence artificielle.

C’est aussi la raison pour laquelle la mission d’information a tenu à aborder cette question avec l’audition de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que des scientifiques et chercheurs dans le cadre d’une table ronde.

1.   Une mobilisation massive des chercheurs en France et dans le monde

La communauté de la recherche, au niveau national et international, s’est mobilisée de façon massive, dans des délais extrêmement brefs, en partageant les connaissances et les avancées de la recherche en temps réel.

Plus encore que lors des épidémies précédentes, l’on constate une remarquable ouverture de la communauté scientifique à l’accessibilité totale des données. L’Institut Pasteur a ainsi immédiatement partagé le séquençage intégral du génome du nouveau virus qu’il a réalisé en janvier.

En parallèle, les procédures ont été allégées ou accélérées, pour sélectionner les projets, permettre leur financement ou encore assurer le montage des protocoles d’essais cliniques.

Tous les domaines de la recherche se sont engagés dans la lutte contre l’épidémie, dans une approche pluridisciplinaire. Des partenariats se sont noués entre des équipes de virologie, d’immunologie et de bactériologie pour tenter de comprendre les mécanismes du virus ; des équipes de mathématiciens travaillent à la modélisation de l’épidémie, des chercheurs en sciences sociales analysent la diffusion territoriale du virus, des informaticiens travaillent sur le projet StopCovid, piloté par l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA), des économistes à la modélisation des sorties de crise, tandis que des chercheurs en sciences environnementales étudient l’impact de la modification des écosystèmes sur les maladies infectieuses qui se transmettent de l’animal à l’homme, ou zoonoses.

Le virus représente un véritable défi pour la communauté scientifique, tant sont grandes les incertitudes sur ses caractéristiques. Chaque semaine a apporté de nouvelles études et connaissances sur le virus, qui sont venues nuancer et parfois contredire les conclusions précédentes, qu’il s’agisse des modalités de transmission – par contact, gouttelettes, mais aussi par aérosol –, des facteurs de risques pouvant susciter des formes graves, des personnes présentant un fort degré de contagiosité (par exemple les enfants), des réponses immunitaires ([41]), de l’impact du virus selon les conditions environnementales et climatiques ou encore de l’efficacité ou pas de certains traitements qui ont donné lieu à controverse … À titre d’exemple, sur la question de l’immunité, individuelle et collective, les études les plus récentes tendraient à montrer le caractère protecteur des anticorps développés par une personne ayant contracté la maladie, sans que la durée de la protection qu’ils offriraient ne soit encore établie. Cette progression en temps réel de la connaissance a conduit les pouvoirs publics à devoir ajuster les dispositions et les directives en matière de protection des populations et de prise en charge des patients, tout en permettant d’anticiper de manière séquencée les prochaines étapes.

La France jouit d’une tradition d’excellence mondialement reconnue dans les domaines de la virologie et de l’infectiologie. La lutte contre les maladies infectieuses émergentes s’appuie sur le réseau REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious disease) réunissant des équipes et des laboratoires de premier rang ; mis en place en 2013 lors des premières épidémies à risque pandémique, il est coordonné par l’Inserm et ses partenaires de l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé, ou Aviesan ([42]).

À l’initiative de REACTing, dès le 11 mars, vingt projets de recherche portant sur l’épidémie de Covid-19 ont été sélectionnés. Parallèlement, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a lancé un appel à projets, clos le 23 mars, selon une procédure accélérée et allégée : 86 projets ont été sélectionnés par le conseil scientifique de l’agence sur 270 dossiers reçus, ce qui est inédit et montre la très grande réactivité de la communauté scientifique. 44 de ces projets ont pu démarrer dès le 26 mars. Le 16 avril, l’ANR a lancé un nouvel appel à projets « Recherche-Action sur COVID-19 », ouvert jusqu’en octobre 2020, qui vise à recueillir toutes les propositions de projets urgents et rapides dont les résultats pourraient être mis en œuvre en quelques mois dans la société ([43]).

● L’enjeu principal des travaux de recherche réside bien évidemment dans le développement de traitements et de vaccins, mais aussi dans les évaluations de tests (notamment les tests sérologiques) ainsi que les travaux épidémiologiques.

Une quarantaine d’essais cliniques sont développés en France pour trouver une réponse thérapeutique au Covid-19 – notamment en réorientant des molécules existantes pour tester leur potentielle efficacité. Le premier d’entre eux, Discovery, coordonné en France par l’Inserm, s’inscrit dans un cadre européen ; il prévoyait initialement d’inclure 3 200 patients dans différents pays – France, Belgique, Luxembourg, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne,… – dont au moins 800 en France ([44]). Discovery s’articule avec l’essai clinique international Solidarity mené sous l’égide de l’OMS.

La coopération européenne sur cet essai s’est cependant heurtée à des difficultés, pour des questions de coordination entre pays et d’harmonisation des règles et procédures. Certains de ceux pressentis pour y participer ont finalement choisi de rejoindre l’essai Solidarity, tandis que le Royaume-Uni développe son propre essai, baptisé Recovery. De ce fait, la quasi-totalité des patients inclus dans l’essai clinique sont aujourd’hui français, avec 740 patients recensés le 7 mai dernier, ce qui limite de facto la puissance statistique de l’essai.

La recherche d’un vaccin mobilise également massivement les chercheurs et laboratoires pharmaceutiques. Plus d’une centaine d’équipes travaillent dans le monde sur la recherche vaccinale contre le Covid-19, selon différentes stratégies, Des essais cliniques pour tester des candidats vaccins, dans leur phase 1 ([45]), ont d’ores et déjà été lancés, notamment aux États-Unis et en Chine.

En France, l’Institut Pasteur développe notamment un candidat vaccin MV-SARS-CoV-2 utilisant le vaccin contre la rougeole comme vecteur, sur la base des travaux qui en 2003 avait déjà démontré des effets positifs en phase préclinique sur les animaux sans que le vaccin ait pu être testé sur l’homme – l’épidémie de SRAS s’étant arrêtée.

La ministre de la recherche a indiqué à la mission qu’un vaccin en essai de phase 1 pourrait être obtenu dans les prochains mois, pour un développement à l’horizon du premier trimestre de 2021. Ces propos rejoignent ceux du professeur Jean-François Delfraissy devant la mission, selon lequel il était envisageable qu’un vaccin, offrant le cas échéant une protection incomplète, puisse être prêt au début de 2021, soit au bout d’un an – ce qui constituerait par ailleurs un délai absolument inédit pour son élaboration.

2.   Les programmes de recherche ont bénéficié d’un soutien financier sans précédent

Huit millions d’euros ont été mobilisés pour le financement des vingt projets lancés par REACTing, tandis qu’un fonds d’urgence de 50 millions d’euros a été créé le 19 mars par le ministère de la recherche à destination de la recherche sur le Covid-19.

Au-delà de ces moyens dégagés en urgence, le Président de la République a annoncé la volonté d’engager un effort budgétaire sans précédent en faveur de la recherche sur les dix prochaines années : le budget de la recherche publique doit augmenter par étapes pour atteindre 5 milliards d’euros supplémentaires dans dix ans, dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle sur la recherche, soit un budget annuel de la recherche porté de 15 à 20 milliards d’euros à terme.

L’Union européenne a également dégagé des moyens financiers spécifiques, notamment par l’intermédiaire du programme Horizon 2020 et de l’Initiative relative aux médicaments innovants (IMI). Une conférence internationale en faveur de l’initiative mondiale sur les diagnostics, les traitements et les vaccins (ACT-A), organisée sous l’égide de l’OMS et de l’Union européenne, a contribué à mobiliser 7,4 milliards d’euros de financements en faveur de la coopération mondiale dans le domaine de la recherche – dont 500 millions d’euros seront versés par la France.

Si l’on ne peut que saluer l’engagement exceptionnel du monde de la recherche, la crise actuelle pose néanmoins les questions de la conduite dans la durée des travaux de recherche et de l’anticipation des risques. Il est en effet probable que les États seraient mieux armés face à l’épidémie actuelle si les recherches entamées lors des épisodes épidémiques précédents avaient été poursuivies, tant sur les traitements que sur les vaccins.

Le SRAS apparu en 2003 était déjà un coronavirus ; il était alors inconnu et des recherches avaient été lancées pour pouvoir le caractériser en urgence. Cependant, du fait de sa disparition spontanée, les efforts de recherche ont vite diminué à mesure que la menace disparaissait. Les travaux sur le vaccin ont également été arrêtés, compte tenu des coûts qu’ils représentaient et des incertitudes sur leur usage. Nul ne peut affirmer que si ces travaux avaient été poursuivis, un médicament ou un vaccin contre le Covid-19 serait aujourd’hui disponible, mais on peut penser que les recherches actuelles seraient a minima facilitées.

Il apparaît donc indispensable de favoriser une recherche soutenue et de long terme sur ces virus, afin de préparer l’avenir et d’être mieux à même d’affronter l’émergence de nouvelles maladies infectieuses.

Les restrictions budgétaires pesant sur la recherche depuis plus d’une décennie ont probablement pesé sur le développement de travaux de recherche fondamentale s’inscrivant dans le long terme. L’effort budgétaire considérable en faveur de la recherche annoncé par le Président de la République doit conduire à remédier à cette situation.

L’organisation du soutien et du financement de la recherche pharmaceutique aux États-Unis suscite également des réflexions : l’agence Barda (Biomedical Advanced Research and Development Authority) créée en 2006 pour soutenir les laboratoires privés dans la lutte contre le bioterrorisme et les maladies infectieuses émergentes, noue des partenariats avec des laboratoires, leur apporte des financements et leur passe des précommandes. En avril, l’agence Barda a apporté des financements de plusieurs centaines de millions d’euros à l’entreprise de biotechnologies Moderna ; elle a versé un premier acompte de 30 millions de dollars à Sanofi. Or ces versements peuvent conduire ensuite à réclamer un droit de priorité sur les vaccins ou les médicaments produits par les laboratoires concernés.

C.   SUR LE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DU DÉCONFINEMENT

Dès le 28 avril, le Premier ministre a présenté à l’Assemblée nationale la stratégie nationale du plan de déconfinement au moyen d’une déclaration approuvée par les députés en application de l’article 50-1 de la Constitution.

L’information de l’Assemblée a été complétée par l’audition de M. Jean Castex, coordonnateur de la stratégie de déconfinement, par la mission d’information le 12 mai, soit au deuxième jour du nouveau processus et au lendemain de la promulgation de la loi du 11 mai.

1.   Le choix d’un déconfinement progressif reposant sur des critères objectifs

Le plan de préparation de la sortie progressive publié le 27 avril ainsi que la déclaration du Premier ministre du 28 avril et sa conférence de presse du 7 mai ont permis de dévoiler une stratégie de déconfinement progressive et adaptée selon les territoires. Ces annonces se sont traduites par l’adoption de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ces dispositions, précisées par le décret n° 2020-548 pris le jour même.

Le processus de déconfinement est entré dans sa première phase le lundi 11 mai, conformément à l’annonce faite par le Président de la République lors de son allocution du 13 avril. À cette date, les médiathèques, bibliothèques et petits musées, les commerces et les marchés ont rouvert. Les crèches, les écoles maternelles et élémentaires et les collèges, d’abord pour les classes de sixième et de cinquième, ont de nouveau pu accueillir des enfants dans des conditions sanitaires strictes. L’accès aux forêts et aux cimetières a été permis, les commerces et marchés ont pu rouvrir. Le décret du 11 mai a également permis aux préfets, en lien avec les maires, d’ouvrir l’accès aux plages, lacs et plans d’eau ainsi qu’à certains musées, monuments et parcs zoologiques.

L’adaptation du dispositif en fonction de la situation des territoires a été déterminée par le classement des départements selon une couleur verte ou rouge reposant sur trois indicateurs : la circulation active du virus, la tension hospitalière sur les capacités de réanimation et le taux de couverture des besoins en tests.

Le 7 mai, les départements des régions Île-de-France, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté et Grand-Est, ainsi que Mayotte, ont été catégorisés en zone rouge. Dans ces départements, les parcs et jardins ainsi que les collèges n’ont pas été rouverts lors de la première phase du processus.

Comme dans la plupart des pays d’Europe confrontés à cette crise (cf. annexe : étude comparative des processus de déconfinement dans 14 pays européens), et afin de prévenir tout risque de reprise épidémique, le déconfinement en France s’est organisé de manière progressive et de nombreuses restrictions ont caractérisé sa première étape : port du masque dans les transports et limitation à un rayon de cent kilomètres des déplacements à nouveau autorisés et des rassemblements à dix personnes maximum. La réouverture des commerces n’a pas concerné les centres commerciaux dont la surface est supérieure à 40 000 m2 ainsi que les bars, les cafés, et les restaurants. Les lycées sont également demeurés fermés.

Le 28 mai, lors d’une conférence de presse, le Premier ministre a présenté la deuxième étape du plan de déconfinement ouverte à compter du 2 juin. Grâce à l’amélioration de la situation sanitaire, plus aucun département ne figure en zone rouge. Les départements d’Île-de-France, Mayotte et la Guyane ont néanmoins été catégorisés en orange et placés sous vigilance renforcée. La réouverture des collèges et des lycées y sera notamment plus limitée.

Partout en France, les cafés, bars et restaurants ont rouvert à l’occasion de cette deuxième phase, réouverture cependant limitée aux terrasses en zone orange. Si la limite de cent kilomètres pour les déplacements a été levée, celle fixant à 10 personnes maximum les rassemblements dans les espaces publics a en revanche été maintenue.

La troisième étape du déconfinement a été annoncée pour le 22 juin.

2.   Un enjeu majeur : l’isolement des personnes infectées et l’identification de leurs contacts

L’article 11 de la loi du 11 mai a ouvert la possibilité juridique d’accompagner la stratégie de déconfinement des systèmes d’information nécessaires pour maîtriser la diffusion de l’épidémie. Pour cela, la loi a autorisé, et encadré, le partage des données personnelles des personnes infectées entre les personnels de santé et les autorités sanitaires.

Le décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 ([46]) a fait reposer ce partage de données sur deux outils numériques :

 un système d’information national de dépistage, dénommé « SIDEP », spécialement créé et placé sous la responsabilité de la direction générale de la santé et géré par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Ce fichier centralise les résultats des tests de dépistages afin de les mettre à disposition de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ;

 un système de traitement de données, dénommé « Contact Covid », qui constitue une adaptation du système d’information « Amelipro » de la CNAM afin de permettre le suivi des personnes contaminées et de celles avec lesquelles elles ont été en contact (il s’agit du dispositif de « contact tracing »).

Lors de sa déclaration du 28 avril, le Premier ministre avait annoncé la création de « brigades sanitaires » afin d’alimenter et de gérer ces systèmes ([47]). Sur cette question, la CNAM et ses caisses primaires implantées dans les territoires sont en première ligne afin de constituer les équipes épidémiologiques nécessaires à la réussite du dispositif. À cette fin, l’Assurance maladie a annoncé la mobilisation de 6 500 agents de ses services.

Ces brigades jouent un rôle d’importance majeure dans la lutte contre l’épidémie puisqu’elles sont chargées de retrouver les personnes ayant été en contact avec des personnes infectées, de réaliser des enquêtes sanitaires en cas de contaminations groupées afin de rompre les chaînes de contamination, d’orienter, de suivre et d’accompagner les personnes concernées, et de faciliter le suivi épidémiologique.

Le VIII de l’article 11 de la loi du 11 mai a également prévu la mise en place d’un Comité de contrôle et de liaison Covid-19 chargé d’associer la société civile et le Parlement – il comprendra à cette fin deux députés et deux sénateurs – aux opérations de lutte contre la propagation de l’épidémie par suivi des contacts ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet. Le décret nécessaire à sa mise en place a été pris le 15 mai ([48]).

Enfin, en approuvant, le 27 mai, la déclaration du Gouvernement relative aux innovations numériques dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’Assemblée nationale a ouvert la voie à la mise en œuvre de l’application Stop-Covid à compter du 2 juin. Téléchargeable sur la base du volontariat, elle a vocation à retracer et alerter les personnes ayant été en contact avec une personne infectée. Cette application qui constitue le complément numérique du dispositif déployé devrait permettre de renforcer la stratégie globale de lutte contre l’épidémie et de prolonger les efforts consentis pour réussir le déconfinement afin de maîtriser et, in fine, stopper la propagation du virus.

IV.   LES MESURES PRISES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE POUR FAIRE FACE À LA CRISE

Face à l’ampleur de la crise et aux conséquences économiques des mesures de lutte contre la propagation de l’épidémie, en particulier le confinement et la mise à l’arrêt d’un certain nombre d’activités industrielles et commerciales, un arsenal sans précédent de mesures économiques et sociales a été mis en place.

Ces mesures, prises dans des délais très brefs, ont joué sur tous les leviers, de l’activité partielle pour les salariés aux garanties apportées aux prêts des entreprises, en passant par un fonds de solidarité pour les très petites entreprises et des primes pour certains ménages.

Elles représentent un effort budgétaire massif, visant à amortir les conséquences du recul de l’activité en 2020, alors qu’une récession de l’ordre de 11 % du PIB est anticipée.

Un plan d’urgence d’une ampleur exceptionnelle

Initialement fixé à 45 Md€, le montant du plan d’urgence a été relevé à 110 Md€ par la deuxième loi de finances rectificative, dont 42 Md€ affectant directement le solde public. Au sein de ce plan, près de 55 Md€ visent à améliorer la situation de trésorerie des entreprises – notamment par le report de charges et le remboursement anticipé de crédits d’impôts pour plus de 40 Md€ ou le fonds de solidarité pour 7 Md€ – 20 Md€ à protéger les secteurs stratégiques en permettant à l’État de monter au capital de certaines entreprises, 25 Md€ à sécuriser les relations de travail par la mise en place du dispositif d’activité partielle, 8 Md€ à assurer des dépenses additionnelles de santé, dont 4 Md€ pour financer une prime à destination des personnels soignants, ou encore près d’1 Md€ à soutenir le revenu des ménages modestes.

En outre, ces mesures sont complétées par le dispositif de prêts garantis par l’État à hauteur de 300 Md€.

Les principaux dispositifs sont brièvement présentés ci-après, dans la mesure où ils ont également fait l’objet d’un suivi attentif par les différentes commissions permanentes de l’Assemblée nationale, en particulier la commission des affaires économiques (mesures de soutien aux entreprises), la commission des affaires sociales (activité partielle) et la commission des finances (conséquences budgétaires de l’ensemble de ces mesures), qui ont chacune mené des travaux et des auditions sur ces sujets.

A.   LES MESURES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES POUR PRÉVENIR LES FAILLITES LIÉES À LA RÉDUCTION D’ACTIVITÉ

Très rapidement après la mise en place des mesures de fermeture administrative de certains établissements d’une part, et des mesures de confinement d’autre part, il est apparu indispensable d’apporter un soutien financier aux entreprises contraintes dans leur activité, et exposées à d’importantes pertes de chiffre d’affaires.

Aussi, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après dénommée « première loi de finances rectificative ») comportent plusieurs mesures de grande ampleur, progressivement complétées et adaptées au fil de l’évolution de la situation et des remontées émanant du terrain, témoignant de la réactivité du Gouvernement et des services de l’État.

1.   Le fonds de solidarité pour les très petites entreprises

L’ordonnance du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 ([49]) crée un fonds de solidarité pour une durée de trois mois prolongeable par décret pour une durée d’au plus trois mois. Ce fonds a vocation à apporter une aide financière aux entreprises éligibles ([50]) qui ont fait l’objet d’une interdiction d’accueil du public au mois de mars 2020 ou qui ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % (taux initialement fixé à 70 %) au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019.

Ce dispositif comporte deux niveaux :

 une aide de 1 500 €, ou égale à la perte de chiffre d’affaires si celle-ci est inférieure à 1 500 €, sur déclaration à la direction générale des finances publiques ;

 une aide complémentaire de 2 000 € puis de 5 000 aux entreprises qui emploient au moins un salarié, sont dans l’impossibilité de régler leurs dettes exigibles dans les trente jours et n’ont pu obtenir de prêt de trésorerie auprès d’une banque. Le décret n° 2020-552 du 12 mai 2020 a ensuite ouvert ce volet aux entreprises qui n’emploient pas de salarié.

La dotation du fonds a été portée par la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 (ci-après dénommée « deuxième loi de finances rectificative ») à 6,25 milliards d’euros (Md€) issus du budget de l’État, auxquels doivent s’ajouter 500 M€ versés par les régions et 400 M€ par les compagnies d’assurances et ses conditions d’éligibilité ont été élargies.

Ce dispositif, dont les premiers versements ont été effectués dès le 6 avril 2020, a montré son efficacité, en particulier en raison de son adaptation progressive pour répondre aux difficultés relevées sur le terrain. À la date du 27 mai 2020, le fonds a accordé 2,5 millions d’aides, pour un montant total de 3,4 Md€ (dont plus de 575 M€ aux commerces, plus de 420 M€ aux entreprises de la construction et près de 415 M€ aux entreprises de l’hébergement et de la restauration).

2.   Les prêts garantis par l’État

Parallèlement au fonds de solidarité, le Gouvernement a mis en place un dispositif de prêt garanti par l’État (PGE), de manière à soutenir la trésorerie des entreprises en difficulté.

La garantie de l’État peut être accordée aux prêts de trésorerie consentis par des établissements de crédit aux entreprises confrontées à des difficultés de financement dans le contexte de crise sanitaire, pour un encours total de garantie de 300 Md€. Ce mécanisme concerne des prêts de trésorerie conclus entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020 et s’adresse aux entreprises employant moins de 5 000 salariés ou dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 Md€ lors du dernier exercice clos ([51]). Le montant des prêts bénéficiant de la garantie de l’État est limité à 25 % du chiffre d’affaires constaté en 2019, la garantie de l’État pouvant aller jusqu’à 90 % du montant du prêt.

Ce dispositif a suscité une forte demande : une semaine après son entrée en vigueur, environ 29 000 entreprises avaient bénéficié d’un PGE. Au 12 mai 2020, le montant des garanties validées concernait un encours de 66,46 Md€, pour un total de plus de 400 000 dossiers.

De plus, face au signalement de difficultés persistantes de certaines entreprises à obtenir un crédit, le Gouvernement a mis en place deux dispositifs complémentaires intervenant de manière subsidiaire pour les entreprises n’ayant pu obtenir de PGE : le recours au fonds pour le développement économique et social (FDES), dont les crédits sont abondés pour passer de 75 M€ à 1 Md€ ; l’octroi d’avances remboursables de trésorerie et de prêts bonifiés, pour un montant total de 500 M€.

3.   Les reports de charges fiscales et sociales

Au-delà des mesures législatives et réglementaires, le Gouvernement a également décidé du report des échéances de paiement des cotisations sociales et des prélèvements fiscaux pour les mois de mars, d’avril et de mai pour un montant total estimé à 42 Md€ par la deuxième loi de finances rectificative. En outre, lors de la conférence de presse du 7 mai 2020, le ministre de l’économie et des finances a annoncé que les charges sociales seraient totalement supprimées pour les très petites entreprises (TPE) ayant été́ contraintes à une fermeture administrative.

Par ailleurs, le Gouvernement a organisé le remboursement accéléré des crédits d’impôts ainsi qu’un traitement accéléré́ des demandes de remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) par la direction générale des finances publiques.

Enfin, les charges relatives aux loyers, factures de gaz, d’eau et d’électricité ont également été reportées, de manière à limiter la cessation d’activité des très petites entreprises.

4.   Les aides spécifiques à certaines catégories d’entreprises

Au-delà des aides générales, des aides spécifiques à certaines catégories d’entreprises ont également été instaurées :

 plusieurs dispositifs de soutien à l’export déployés par Bpifrance ont été renforcés afin de sécuriser la trésorerie des entreprises exportatrices ;

 une enveloppe de 80 M€ financée par le programme d’investissements d’avenir (PIA) est destinée aux start-up et le versement des aides à l’innovation du PIA déjà attribuées a été accéléré ;

 s’agissant des entreprises dites « stratégiques », la deuxième loi de finances rectificative prévoit le versement de 20 Md€ du budget général au compte d’affectation « participations financières de l’État », ouvrant la possibilité à l’État d’intervenir au capital de sociétés en difficulté.

En outre, des aides sectorielles ont également été mises en place ou annoncées pour certains secteurs particulièrement affectés, notamment le tourisme, la culture, la construction ou encore le transport aérien. Elles ont fait l’objet d’une étude par les commissions permanentes compétentes.

B.   LES MESURES DE SOUTIEN À L’EMPLOI ET AUX SALARIÉS

Maintenir dans l’emploi, préserver les ressources des salariés, marquer la reconnaissance de l’État envers les personnels, notamment publics, particulièrement exposés durant la crise, et assurer la sécurité au travail de l’ensemble des salariés constituent l’autre volet de la réponse apportée dans l’urgence par les pouvoirs publics.

1.   L’extension du dispositif d’activité partielle

Si le dispositif d’activité partielle préexistait à la crise sanitaire, le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle et l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle l’ont considérablement étendu et simplifié.

L’État et l’Unédic prennent désormais en charge l’intégralité des indemnités afférentes aux salaires allant jusqu’à 4,5 fois le salaire minimum de croissance (SMIC). De plus, le dispositif est étendu à de nouvelles catégories de salariés jusqu’alors non couvertes, notamment les salariés employés à domicile et assistants maternels et les salariés dont le temps de travail n’est pas décompté en heures (cadres).

En outre, l’autorisation d’activité partielle peut être accordée pour une durée maximum de 12 mois (au lieu de 6 mois) et des assouplissements ont été prévus pour en faciliter la demande. L’ordonnance apporte, enfin, des garanties s’agissant de l’indemnisation des salariés à temps partiel et des salariés en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage.

Le coût du dispositif, initialement prévu par la première loi de finances rectificative à 8,5 Md€ (dont 5,5 Md€ pour l’État, le reste étant pris en charge par l’Unédic) a été réévalué par la deuxième loi de finances rectificative à 25,8 Md€ (les deux tiers étant portés par le budget de l’État).

Au 26 mai, selon les données fournies par la direction de l’animation, de la recherche et des études statistiques (DARES), le dispositif concernait 12,9 millions de salariés pour 1,04 million d’entreprises et 5,6 milliards d’heures chômées demandées (soit environ 12 semaines de 35 heures). Trois secteurs concentrent 50 % des demandes : les activités de services spécialisés scientifiques et techniques et services administratifs de soutien ; le commerce ; la construction.

Compte tenu de la reprise progressive de l’activité dans le cadre du déconfinement, le ministère du travail a annoncé, dans un communiqué du 25 mai 2020, que la prise en charge du dispositif par l’État et l’Unédic passerait de 100 % à 85 % de l’indemnité versée au salarié, dans la limite de 4,5 SMIC, au 1er juin ([52]).

2.   La reconnaissance vis-à-vis des professions exposées

Plusieurs mesures ont également été prises pour marquer la reconnaissance de l’État aux salariés particulièrement exposés pendant la crise et valoriser le surcroît de travail occasionné par la situation sanitaire.

Ainsi, la deuxième loi de finances rectificative renforce le dispositif d’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires des salariés mobilisés pendant la crise ([53]).

Des assouplissements ont également été apportés au versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat visée à l’article 7 de la loi de financement de la sécurité́ sociale pour 2020 : la date limite de versement de la prime est reportée du 30 juin au 31 août 2020 ; la prime peut être versée par toutes les entreprises dans la limite de 1 000 € ou 2 000 € pour les entreprises disposant d’un accord d’intéressement et il est possible de prendre en compte les conditions de travail liées à l’épidémie dans les critères de modulation de la prime. Plusieurs grands groupes industriels ont ainsi annoncé le versement d’une prime à leurs salariés exposés, notamment Auchan, Carrefour, Danone, les Mousquetaires et Total.

Enfin, deux primes seront versées aux agents publics mobilisés, en application de l’article 11 de la deuxième loi de finances rectificative :

 une prime versée aux agents de la fonction publique hospitalière, étudiants en médecine et apprentis relevant des établissements publics de santé ([54]), pour un montant de 1 500 € pour les personnels des 40 départements les plus touchés ainsi que pour les personnels relevant d’établissements situés dans les autres départements mais étant intervenus dans les établissements des départements les plus touchés. Le chef d’établissement pourra également relever le montant de la prime à 1 500 € pour les personnels impliqués dans la prise en charge de patients contaminés par le Covid-19, notamment dans le cadre d’un transfert de patients. Le plafond est fixé à 500 € pour les personnels des établissements situés dans les départements moins affectés par l’épidémie.

 une prime versée aux fonctionnaires et aux agents contractuels de la fonction publique d’État et territoriale particulièrement mobilisés durant l’état d’urgence sanitaire ([55]), dans un plafond de 1 000 . Le montant de cette prime pour les agents de la fonction publique d’État sera modulable, notamment en fonction de la durée de la mobilisation des agents, tandis que pour les agents de la fonction publique territoriale, les conditions d’attribution et les montants alloués doivent être définis par les collectivités. Le versement de cette prime pourrait concerner 400 000 agents de la fonction publique d’État.

Ces primes exceptionnelles sont exonérées de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu.

3.   Des enjeux de santé au travail particulièrement importants dans le cadre du déconfinement

Dès le début de la crise sanitaire, plusieurs mesures de protection de la santé au travail ont été mises en place.

Ainsi, le ministère du travail a publié des fiches pratiques détaillées, appelées « kit de lutte contre le Covid-19 », pour les secteurs ne pouvant recourir au télétravail.

En outre, les services de santé au travail ont été mobilisés dans la lutte contre le Covid-19 en orientant leurs missions vers trois priorités : diffuser des messages de prévention contre le risque de contagion ; appuyer les entreprises dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention ; accompagner les entreprises amenées, par l’effet de la crise, à accroître ou à adapter leur activité.

Dans le cadre du déconfinement, des guides pratiques de préconisations sanitaires par filière ont été rédigés par les professionnels et validés par les ministères chargés du travail et de la santé et un protocole national de déconfinement fixant un certain nombre de règles sanitaires a été publié le 9 mai.

Au regard de l’ampleur des conséquences de la catastrophe sanitaire sur l’organisation et le fonctionnement des entreprises, qu’elles soient restées en activité ou pas, et des contraintes qu’elle a occasionnées lors du confinement et du déconfinement, il sera utile que la mission utilise ses prérogatives de commission d’enquête pour examiner les réponses apportées aux besoins des entreprises tout au long de la crise.

C.   LES MESURES DE SOUTIEN AUX MÉNAGES LES PLUS MODESTES

Enfin, plusieurs mesures ont également été prises par le Gouvernement pour aider les ménages les plus modestes à faire face aux difficultés financières rencontrées dans cette période de crise.

1.   L’allocation exceptionnelle de solidarité pour les ménages modestes

Annoncée par le Président de la République lors de son allocution du 13 avril, une aide exceptionnelle de solidarité́ liée à l’urgence sanitaire, d’un montant de 150 euros, a été instituée au bénéfice des ménages les plus précaires, soit les bénéficiaires de différents minimas sociaux ([56]). À cette somme s’ajoutent 100 € supplémentaires par enfant à charge via cette allocation de solidarité ou via les aides personnalisées au logement.

Pour assurer son effectivité, cette aide exceptionnelle de solidarité́, financée par l’État et qui représente un budget de 900 M€, a été versée directement aux foyers des bénéficiaires, sans démarche de leur part, par les organismes débiteurs des diverses prestations sociales dont ils sont allocataires en un virement unique le 15 mai 2020. Elle a bénéficié à 4,1 millions de foyers, regroupant près de 5 millions d’enfants.

2.   La prolongation de la trêve hivernale

Pour limiter les risques d’expulsion pesant sur les ménages les plus modestes, le Gouvernement a décidé de prolonger la trêve hivernale, dans un premier temps jusqu’au 31 mai ([57]), puis jusqu’au 10 juillet ([58]), soit le terme actuel de l’état d’urgence sanitaire. Durant cette période, il est sursis aux mesures d’expulsion locative non exécutées. En outre, les fournisseurs de chaleur, de gaz et d’électricité ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l’interruption de leurs services en cas de non-paiement des factures.

3.   Les mesures en faveur des jeunes de moins de 25 ans

Le Premier ministre a annoncé́, le lundi 4 mai 2020, la mise en œuvre d’une aide exceptionnelle de 200 € pour 800 000 jeunes de moins de 25 ans précaires ou modestes.

Cette aide sera versée, dès le début du mois de juin, aux étudiants ayant perdu leur travail (de plus de 8 heures par semaine) ou leur stage gratifié, ainsi qu’aux étudiants originaires d’outre-mer isolés en métropole durant le confinement. Elle sera versée mi-juin pour les jeunes de moins de 25 ans (non étudiants) dans une situation précaire ou modeste, bénéficiaires des allocations personnalisées au logement.

 

 

 

 


  1  

   FICHES THÉMATIQUES

FICHE 1 : CHRONOLOGIE DES MESURES PRISES PAR LES POUVOIRS PUBLICS POUR RÉPONDRE À LA CRISE du COVID-19 ET AVIS DES AGENCES ET ORGANISMES COMPÉTENTS

Afin de faire face à l’épidémie de Covid-19, les pouvoirs publics ont activé les dispositifs de gestion de crise conventionnels complétés par plusieurs mesures spécifiques de niveaux national et régional.

Leur mise en œuvre s’est ensuite inscrite dans le cadre de la loi du 23 mars 2020 précitée et des différentes dispositions réglementaires qui en sont issues.

Les conférences de presse tenues par le Premier ministre et le ministre des Solidarités et de la santé, ainsi que les communiqués du Gouvernement ont eu pour objectif d’informer les citoyens et les principaux acteurs du domaine de la santé de l’état de l’épidémie, de son évolution, de la stratégie de gestion de crise adoptée et des ajustements apportés au fur et à mesure.

La chronologie ci-dessous recense les principales mesures ayant été prises par les pouvoirs publics en réponse à la crise du Covid-19. Elle présente également les dispositions législatives et réglementaires prises dans le domaine sanitaire ainsi que les communications significatives du Gouvernement. La chronologie comporte aussi une présentation des principaux avis rendus par les agences et organismes compétents en matière de santé, ainsi que des avis rendus par le Conseil scientifique mis en place le 11 mars 2020.

*

 

10/01/2020

Diffusion d’un message du ministère des Solidarités et de la Santé (MSS) aux Agences Régionales de Santé (ARS) sur la conduite à tenir et la définition des cas de Covid-19.

Déploiement d’un dispositif de communication à l’attention des passagers arrivant à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle.

14/01/2020

Diffusion d’un message dalerte sanitaire rapide (MARS) aux établissements de santé et d’un message DGS-Urgent aux libéraux.

21/01/2020

1er point presse du ministre des Solidarités et de la santé et du directeur général de la santé.

22/01/2020

Activation du centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) renforcé (correspondant au niveau 2 du dispositif général de gestion de crise).

25/01/2020

Mobilisation de la réserve sanitaire.

27/01/2020

Activation du Centre de Crise sanitaire au sein de la direction générale de la santé (correspondant au niveau 3 du dispositif général de gestion de crise).

30/01/2020

1ère demande dacquisition de masques FFP2 et de surblouses du ministère des Solidarités et de la Santé à Santé publique France (SPF).

01/02/2020

Activation du numéro vert du ministère des Solidarités et de la santé (MSS).

07/02/2020

2ème demande dacquisition de masques du MSS à SPF.

14/02/2020

Activation du plan Orsan REB dans lensemble des régions par le ministre des Solidarités et de la santé.

25/02/2020

Réunion interministérielle : validation du plan de réponse au Covid-19.

29/02/2020

Passage au stade 2 du plan Orsan REB avec l’objectif de freiner la propagation du virus sur le territoire.

03/03/2020

Décret du 3 mars 2020 permettant la réquisition des stocks de masques de protection et de la production en cours afin dassurer un accès prioritaire aux professionnels de santé et aux patients dans le cadre de la lutte contre le coronavirus SARS-CoV-2.

04/03/2020

Arrêté du 4 mars 2020 relatif à la mobilisation de la réserve sanitaire pour appuyer les ARS et les établissements de santé.

05/03/2020

Décret du 5 mars 2020 encadrant les prix de vente des gels hydro-alcooliques jusquau 31 mai.

6/03/2020

Déclenchement du Plan blanc. Plan destiné aux hôpitaux, il vise essentiellement à déprogrammer toutes les activités médicales non indispensables. Il a notamment pour objectif de s’assurer que chaque département comporte un hôpital pouvant accueillir des patients atteints du Covid-19.

9/03/2020

Décret du 9 mars 2020 assouplissant jusquau 30 avril les modalités de réalisation de la téléconsultation.

10/03/2020

Communiqué du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), du Conseil national de l’ordre des infirmiers (Cnoi) et de l’agence Santé publique France (SPF) appelant les médecins et infirmiers qui le peuvent à rejoindre la réserve sanitaire, alors que s’accélère encore la propagation du virus.

11/03/2020

Avis du HCSP relatif à la prise en charge des cas confirmés dinfection au coronavirus SARS-CoV-2.

11/03/2020

Installation du Conseil scientifique Covid-19 à l’Élysée.

12/03/2020

Avis n° 1 du Conseil scientifique du 12 mars 2020 établissant un bilan de lépidémie de Covid-19 en France et préconisant diverses mesures pour y répondre, dont le renforcement des mesures barrières, la limitation des déplacements, la réduction des activités non essentielles et la recommandation du télétravail.

12/03/2020

Plan blanc généralisé (niveau 2) pour tous les établissements de santé : déprogrammation France entière de tous les actes non urgents.

Plan bleu national dans tous les établissements médico-sociaux ([59]) .

13/03/2020

Diffusion par le ministère des Solidarités et de la santé de sa stratégie de gestion et dutilisation des masques de protection pour les professionnels des secteurs sanitaire, médico-social et de l’aide à domicile.

13 et 14/03/2020

Arrêtés et décrets autorisant certains établissements à produire des produits hydro-alcooliques pour pallier les risques de pénurie

14/03/2020

Passage au stade 3 du plan Orsan REB - objectif d’atténuation des effets de la vague épidémique sur le territoire. Arrêt du dépistage systématique et priorisation de la réalisation des tests virologiques pour les patients présentant un tableau clinique évocateur de Covid-19.

14/03/2020

Allocution du Premier ministre annonçant la fermeture jusquà nouvel ordre de tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays.

14/03/2020

Avis n° 2 du Conseil scientifique recommandant laccentuation des mesures de restriction de la vie sociale. Dans cet avis, le Conseil ne s’est pas opposé à la tenue du premier tour des élections municipales.

15/03/2020

Avis du HCSP dans lequel celui-ci précise les recommandations de prévention et de prise en charge pour les patients à risque de développer des formes sévères du Covid-19.

16/03/2020

Avis n° 3 du Conseil scientifique recommandant la mise en place dun confinement généralisé au niveau national. Le Conseil scientifique établit en outre des recommandations spécifiques pour les personnes les plus fragiles et insiste sur la nécessité déquiper au mieux les soignants en matériels de protection face au coronavirus.

16/03/2020

Annonce par le Président de la République du confinement pour une période de 15 jours.

16/03/2020

Fermeture des crèches, des établissements scolaires et des universités.

16/03/2020

Publication par le ministère des Solidarités et de la santé d’un « guide méthodologique » visant à préparer la phase épidémique de Covid-19, à destination des établissements de santé, de la médecine de ville et des établissements et services médico-sociaux.

17/03/2020

Activation de la Cellule Interministérielle de Crise, placée sous l’autorité du ministère de l’intérieur ; début du confinement à 12 heures.

17/03/2020

Communiqué de la CNAM indiquant que les personnes à risque élevé ne pouvant se mettre en télétravail pourront faire directement une télédéclaration d’arrêt de travail « pour une durée initiale de 21 jours et sans passer par leur employeur ni par leur médecin traitant ».

18/03/2020

Transmission par la CNAM d’une « lettre réseau » aux pharmaciens d’officine précisant les modalités de distribution des masques aux professionnels de santé prioritaires.

18/03/2020

Première opération de transfert de patients entre établissements hospitaliers. Au total, 660 patients seront transférés entre le 18 mars et le 10 avril.

19/03/2020

Décret du 19 mars 2020 instaurant le remboursement à 100 % des actes de télémédecine pour les patients atteints ou suspectés avoir contracté le Covid-19.

19/03/2020

Mise en place par Santé publique France d’un dispositif de surveillance épidémiologique des cas graves d’infection à SARS-CoV-2 admis en réanimation.

20/03/2020

Lancement de la plateforme renfort-covid par l’ARS d’Ile-de-France pour mobiliser les professionnels de santé volontaires.

22/03/2020

Lancement de l’essai Discovery en France testant plusieurs médicaments dont l’hydroxychloroquine contre le coronavirus SARS-CoV-2.

23/03/2020

Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 durgence pour faire face à lépidémie de Covid-19. Déclaration de létat durgence sanitaire pour une durée de deux mois (EUS).

Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures dordre public (cf. fiche 2).

Arrêté du 23 mars 2020 du ministère de la santé, en application de lEUS, prévoyant notamment la distribution gratuite de masques aux professionnels de santé, allongeant la durée de validité des ordonnances, encadrant la dispensation de paracétamol en pharmacie, étendant le champ des téléconsultations.

23/03/2020

Avis n° 4 du Conseil scientifique alertant sur la disponibilité des matériels de protection et limportance de la médecine de ville face à l’épidémie de coronavirus. Le Conseil scientifique considère en outre « indispensable » de prolonger et renforcer le confinement.

23/03/2020

Annonce de la reconnaissance systématique et automatique du coronavirus comme maladie professionnelle pour les soignants atteints.

24/03/2020

Installation du « Comité analyse, recherche et expertise » (CARE) par le Président de la République à l’Élysée.

25/03/2020

Décret du 25 mars 2020 permettant la prescription en milieu hospitalier de lhydroxychloroquine pour les patients atteints du Covid-19 avec des complications sévères.

25/03/2020

Lancement de l’opération militaire Résilience pour l’aide et le soutien aux populations ainsi qu’au service public face à la propagation de l’épidémie de Covid-19.

26/03/2020

Décret du 26 mars 2020 donnant la possibilité aux préfets de réquisitionner tout établissement de santé ou tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement de cet établissement.

27/03/2020

Prolongation du confinement jusquau mercredi 15 avril.

28/03/2020

Décret du 28 mars 2020 donnant la possibilité aux préfets de réquisitionner des établissements recevant du public pour répondre aux besoins dhébergement ou dentreposage pour lutter contre la crise sanitaire.

30/03/2020

Avis n° 5 du Conseil scientifique sur les EHPAD.

31/03/2020

Mise en place par Santé publique France d’un système de surveillance des cas de Covid-19 en EHPAD, recommandant notamment le confinement des résidents avec « une appréciation circonstanciée » et proposant deux modèles de prise en charge.

31/03/2020

Décret du 31 mars 2020 autorisant dans des départements et territoires doutre-mer, à titre dérogatoire durant létat durgence sanitaire, lexercice des médecins, dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires de diplômes obtenus dans un État autre que la France et non inscrits à lordre des professions concernées.

01/04/2020

Avis du comité consultatif national d’ethnique (CCNE) sur les mesures concernant les EHPAD et la place des équipes professionnelles (directeur, médecin coordinateur) dans la mise en œuvre du confinement.

01/04/2020

Prise en compte des décès survenus dans les EHPAD, dans le décompte total des décès dus à la Covid-19.

01/04/2020

Décret du 1er avril 2020 permettant aux préfets de réquisitionner des opérateurs funéraires, ainsi que des biens ou personnes nécessaires au fonctionnement des ARS, de Santé publique France et de lANSM ; prévoyant une mise en bière immédiate des défunts atteints du Covid-19 et interdisant la toilette mortuaire.

02/04/2020

Avis n° 6 du Conseil scientifique : état des lieux du confinement et critères de sortie.

02/04/2020

Dispositifs daides publiques ouverts aux professionnels libéraux de santé.

02/04/2020

Nomination de M. Jean Castex aux fonctions de coordonnateur à la stratégie nationale de déconfinement.

02/04/2020

Décret du 2 avril 2020 autorisant à lhôpital, en cas dimpossibilité dapprovisionnement en médicaments à usage humain, le recours à des spécialités vétérinaires « à même visée thérapeutique (…), de même substance active, de même dosage et de même voie dadministration » pour répondre aux besoins pendant lépidémie de Covid-19.

04/04/2020

Téléconsultations par téléphone autorisées pour améliorer le suivi médical en période de confinement.

05/04/2020

Décret du 5 avril 2020 permettant aux préfets de réquisitionner des laboratoires pour réaliser des tests PCR et de mobiliser les laboratoires vétérinaires et les laboratoires de recherche publics.

05/04/2020

Communiqué de l’Académie nationale de Médecine sur la sortie du confinement.

06/04/2020

Annonce du lancement du dépistage dans les établissements accueillant les « personnes les plus fragiles », principalement les EHPAD.

07/04/2020

10 000 décès comptabilisés en France ; pic du nombre de personnes en réanimation (plus de 7 000) ; près de 30 000 personnes hospitalisées.

08/04/2020

Avis n° 7 du Conseil scientifique sur létat de lépidémie dans les outre-mer.

09/04/2020

Première baisse du nombre de personnes en réanimation pour une infection au Covid-19.

12/04/2020

Mobilisation de professionnels de santé de la région PACA en renfort dans des établissements de santé de la région Grand-Est.

13/04/2020

Annonce par le Président de la République de la possibilité d’une fin du confinement strict au lundi 11 mai.

14/04/2020

Saisine de la Haute Autorité de la Santé (HAS) pour l’élaboration d’un cahier des charges sur les critères techniques et la pertinence des tests.

14/04/2020

Arrêté du 14 avril 2020 sur les téléconsultations, notamment la possibilité de recourir à lIVG médicamenteuse par téléconsultation.

15/04/2020

Première baisse du nombre dhospitalisations pour Covid-19

Mi-avril

Lancement du dispositif Covisan par l’AP-HP, pour identifier les personnes atteintes de façon bénigne par le Covid-19, leur proposer un accompagnement et le cas échéant un hébergement à l’hôtel.

18/04/2020

Décret du 18 avril 2020 autorisant Santé publique France à importer certains médicaments, afin dassurer lapprovisionnement des établissements de santé et pour éviter les cas de pénurie.

20/04/2020

Avis n° 8 du Conseil scientifique sur la sortie progressive de confinement : prérequis et mesures phares.

20/04/2020

Réintroduction du droit de visite encadré des personnes âgées dans les EHPAD avec respect strict des gestes barrières.

21/04/2020

Avis provisoire du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) relatif à ladaptation des mesures barrières et de distanciation sociale à mettre en œuvre en population générale, hors champ sanitaire et médico-social, pour la maîtrise de la diffusion du SARS-CoV-2.

23/04/2020 :

Décret du 23 avril 2020 prévoyant la centralisation de lachat de certains médicaments (curare et hypnotiques) par lÉtat et Santé publique France, pour assurer leur disponibilité et leur répartition entre les établissements de santé.

24/04/2020

Note n° 9 du Conseil scientifique concernant les enfants, les écoles et environnement familial dans le contexte de la crise Covid-19.

25/04/2020

Décret du 25 avril 2020 abaissant de 12 % le prix de vente maximum des gels et solutions hydro-alcooliques dans le cadre de létat durgence sanitaire.

25/04/2020

Arrêté du 25 avril incluant les masques en tissu dans la liste des marchandises dont les pharmaciens peuvent faire commerce dans leur officine.

27/04/2020

Deux avis du HCSP précisant les gestes barrières à mettre en œuvre en population générale, et en particulier parmi les personnes à risque de formes sévères de Covid-19, ainsi que des mesures environnementales pour maîtriser la diffusion du SARS-CoV-2.

27/04/2020 :

Communiqué de la DGS indiquant que les premiers résultats de lutilisation du tocilizumab chez des patients hospitalisés atteints de forme modérée à sévère du Covid-19 dans lessai français CORIMUNO sont encourageants.

28/04/2020

Note n° 10 du Conseil scientifique relative à létat durgence sanitaire dans laquelle le Conseil scientifique considère que l’ensemble des dispositifs de lutte contre l’épidémie de Covid-19, incluant ceux prévus dans la loi sur l’état d’urgence sanitaire, restent nécessaires dans la situation sanitaire actuelle.

28/04/2020

Présentation du plan de déconfinement devant l’Assemblée nationale par le Premier ministre, dans ses différents aspects.

29/04/2020

Publication par la HAS d’une note de cadrage formulant des recommandations sur lutilisation de tests sérologiques du SARSCoV2. La HAS estime qu’une stratégie de tests systématiques et exhaustifs de la totalité de la population ne semble pas pertinente et que le dépistage doit être ciblé sur certaines catégories socio-professionnelles et populations pouvant avoir été en contact avec le virus.

30/04/2020

Avis du HCSP défavorable au dépistage du Covid-19 par prise de température à l’entrée des lieux publics.

30/04/2020

Présentation d’une première carte du déconfinement, recensant les départements en rouge, orange ou vert, selon la circulation du virus et les capacités hospitalières.

2/05/2020

Décret du 2 mai 2020 plafonnant le prix de vente au détail des masques chirurgicaux à usage unique répondant à la définition de dispositifs médicaux (DM) à 95 centimes deuros toutes taxes comprises (TTC) par unité.

2/05/2020

Avis de la HAS recommandant lutilisation de tests sérologiques du SARS-CoV-2, sous prescription, à toute personne ayant présenté des symptômes, sévères ou non, évocateurs du Covid-19 et dont le diagnostic n’a pas été ou n’a pas pu être confirmé par RT-PCR, ainsi qu’à tous les soignants, au personnel travaillant dans des structures fermées et dans le cadre d’études épidémiologiques.

3/05/2020

Arrêté du 3 mai 2020 assouplissant les règles liées à la réalisation de tests du diagnostic du Covid-19.

4/05/2020

Report du déconfinement à Mayotte, l’archipel venant de passer en phase 3 de l’épidémie et dans la mesure où le coronavirus SARS-CoV-2 y circule activement.

5/05/2020

Décret du 5 mai 2020 prévoyant la prise en charge immédiate et intégrale par lassurance maladie obligatoire des frais liés aux tests PCR de détection du génome du coronavirus SARS-CoV-2.

5/05/2020

Décret du 5 mai 2020 définissant les critères permettant didentifier les salariés vulnérables présentant un risque de développer une forme grave dinfection au virus SARS-CoV-2 et pouvant être placés en activité partielle.

5/05/2020

Présentation par le ministère des Solidarités et de la santé de la nouvelle stratégie de distribution des masques chirurgicaux et FFP2, en l’élargissant aux personnes contacts et aux personnes à très haut risque médical.

05/05/2020

Deux décrets du 5 mai 2020 encadrent à compter du 1er mai le recours au chômage partiel pour les salariés contraints de garder leur enfant et les personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave dinfection au SARS-CoV-2.

7/05/2020

Présentation de la carte de France du déconfinement : déblocage de 475 millions deuros de crédits à destination des EHPAD et mise en place d’une prime pour tous les personnels des EHPAD (ainsi que d’une prime pour les personnels du secteur médico-social et social qui sera précisée ultérieurement) ;

Explicitation de la stratégie nationale de dépistage et de son déploiement au niveau territorial et présentation d’un « arbre décisionnel » pour le suivi en ville des patients qui présenteraient des symptômes évocateurs du Covid-19 et leurs « cas contacts ».

7/05/2020

Arrêté du 7 mai 2020 relatif à lapplication du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux masques de protection et produits destinés à lhygiène corporelle adaptés à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

8/05/2020

Avis n° 11 du Conseil scientifique relatif aux réunions dinstallation des conseils municipaux et des établissements publics de coopération intercommunale.

11/05/2020

Déconfinement progressif.

11/05/2020

Loi du 11 mai 2020 prorogeant létat durgence sanitaire et complétant ses dispositions.

11/05/2020

Décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à lépidémie de Covid-19.

11/05/2020

Publication d’une fiche indiquant la doctrine dutilisation et dapprovisionnement en masques pour le secteur médico-social (personnes âgées, handicap, addiction et précarité), adaptée à la sortie du confinement.

11/05/2020

Arrêté du 11 mai 2020 élargissant « à titre expérimental aux secteurs de la santé, social et médico-social » la liste des personnes morales pouvant utiliser le téléservice FranceConnect.

11/05/2020

Décret du 11 mai 2020 précisant les conditions dans lesquelles les médecins du travail peuvent délivrer des arrêts de travail pour les salariés de droit privé atteints ou suspectés dinfection au Covid-19.

12/05/2020

Décret du 12 mai 2020 relatif aux systèmes dinformation de traçage Sidep et Contact Covid.

12/05/2020

Publication par la HAS de trois contributions destinées à fournir des recommandations aux professionnels du secteur médico-social sur les sujets de la fin de vie, des gestes barrières et de léquilibre entre protection et autonomie dans le contexte du Covid-19.

12/05/2020

Avis n° 12 du Conseil scientifique relatif au déconfinement en outre-mer et aux modalités d’entrée sur le territoire.

13/05/2020

Annonce de la publication d’une carte interactive des lieux de dépistage de l’infection à Sars-CoV-2 par la Direction générale de la santé.

14/05/2020

Décret du 14 mai 2020 relatif au versement dune prime exceptionnelle à certains personnels des établissements publics de santé, dans le cadre de la crise due à lépidémie de Covid-19.

14/05/2020

Publication par le ministère des Solidarités et de la santé d’une note « DGS-urgent » sur la stratégie de prise en charge des patients atteints de Covid-19 par les médecins de ville en phase de déconfinement.

15/05/2020

Annonce par le ministère de la santé du financement ministériel de 22 millions deuros pour 45 projets de recherche.

15/05/2020

Alerte de l’ANSM sur le risque de troubles neuropsychiatriques liés à lhydroxychloroquine et à la chloroquine.

15/05/2020

Adoption en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi « relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à dautres mesures urgentes ainsi quau retrait du Royaume-Uni de lUnion européenne. » Ce projet de loi contient des dispositions habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures concernant notamment le report de l’entrée en vigueur de certaines réformes et expérimentations, la modification de la durée de différents mandats, l’adaptation du fonctionnement de la justice et la continuité de l’exercice des missions d’exercice militaire et de service public ainsi que des mesures relatives au Brexit.

15/05/2020

Décret du 15 mai 2020 créant le comité de contrôle et de liaison Covid19.

17/05/2020

Avis du HCSP dans lequel il se déclare défavorable à la pratique du dépistage de linfection au SARS-CoV-2 par RT-PCR en regroupant les échantillons, estimant que le test individuel pour détecter le génome viral doit rester la règle.

18/05/2020

Recommandations de la HAS sur le recours aux tests sérologiques rapides.

18/05/2020

Avis n° 13 du Conseil scientifique relatif aux modalités sanitaires du processus électoral à la sortie du confinement.

19/05/2020

Annonce par le ministre des Solidarités et de la santé à l’Assemblée nationale du projet de proposer à tous les soignants à compter de la semaine suivante, de bénéficier dun test sérologique sur prescription.

20/05/2020

Avis du HCSP préconisant lusage de la visière de protection en complément du port d’un masque chirurgical ou FFP2 lorsque les professionnels de santé réalisent des actes invasifs.

21/05/2020

La HAS se prononce dans un communiqué en faveur du remboursement des tests sérologiques du Covid-19 validés par le CNR

22/05/2020

Publication par le ministère des solidarités et de la santé des résultats des tests Covid-19 du marché « virologiques ou sérologiques » validés par le Centre national de référence (CNR) pour les virus des infections respiratoires.

24/05/2020

Avis du HCSP recommandant de ne plus utiliser lhydroxychloroquine (Plaquenil) seule ou associée à un macrolide dans le Covid-19, d’évaluer son rapport bénéfices/risques dans les essais cliniques et de renforcer la régulation nationale et internationale des différents essais évaluant l’hydroxychloroquine dans le Covid-19.

26/05/2020

Communiqué de l’ANSM annonçant la suspension en France de lévaluation de lhydroxychloroquine dans les essais cliniques sur le Covid-19. Cette suspension intervient à la suite de lannonce par le directeur général de lOrganisation mondiale de la santé (OMS) le 25 mai, de la « mise en pause temporaire » de lévaluation de lhydroxychloroquine dans l’essai international Solidarity, en raison de la publication de données montrant une élévation de la mortalité chez les patients Covid-19 traités avec ce médicament.

 

 

 


  1  

FICHE 2 : ACTEURS MOBILISÉS DANS LE CADRE DE LA CRISE DU COVID19

Un dispositif de crise piloté au niveau national et une coordination entre ministères ont été mis en place pour mobiliser les administrations au premier rang desquelles les administrations et agences du secteur sanitaire, au niveau national et régional.

Le ministère des Solidarités et de la santé a été rapidement en première ligne, s’appuyant sur le réseau des Agences régionales de santé et sur lagence Santé publique France, établissement public administratif sous la tutelle du ministère, chargé entre autres dassurer une veille épidémiologique, de répondre aux menaces et crises sanitaires et de piloter la réserve sanitaire et les stocks stratégiques.

Les autorités, conseils et comités ont dûment été associés, tandis que de nouveaux organes ont été mis en place pour apporter une expertise ad hoc face à cette crise en particulier, afin d’éclairer la décision publique (Conseil scientifique Covid-19 et Comité analyse, recherche et expertise-CARE) et pour préparer la stratégie de déconfinement (M. Jean Castex, missionné spécifiquement sur ce sujet).

Un dispositif de crise piloté au niveau national a été mis en place.

Il a mis en jeu le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) dans le cadre de sa mission générale d’appui à la décision et de conseil au Premier ministre et de préparation de la Nation par la rédaction de plans interministériels, aujourd’hui au nombre de quinze. Le SGDSN a assuré également le secrétariat des conseils de défense et de sécurité nationale que préside le chef de l’État, et qui ont été réunis tout au long de la crise. ([60])

La cellule interministérielle de crise (CIC) a été activée le 17 mars par le Premier ministre, sur proposition du SGDSN son intervention s’inscrivant dans le cadre des circulaires d’organisation de la gestion de crise.

La CIC a été chargée de coordonner en temps réel l’action de tous les ministères dans la lutte contre le Covid-19, ainsi que d’assurer un lien avec les préfets et de les accompagner dans la mise en œuvre de l’état d’urgence.

I.   LES ACTEURS DE LA SANTÉ PUBLIQUE EN PREMIÈRE LIGNE

A.   LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

● Le ministère des Solidarités et de la Santé s’est naturellement trouvé en première ligne pour répondre à cette crise d’ordre sanitaire. Il a pu s’appuyer sur ses différentes directions, au premier rang desquelles la Direction générale de la santé et la Direction générale de l’offre de soins.

– Au sein de la direction générale de la santé (DGS), la réponse à la crise s’est matérialisée par la mise en place d’une veille opérationnelle, par l’activation du centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) renforcé ([61]), puis du Centre de Crise sanitaire (CCS)([62]).

L’activation du CCS, qui correspond au niveau 3 du dispositif général de gestion de crise sanitaire, constitue le pivot de la réponse ministérielle face à l’épidémie du Covid-19, tant par son rôle de pilotage que de coordination, aux niveaux national et régional. Il a également eu à assurer le déploiement de moyens humains et l’organisation et le suivi du dispositif « santé ».

Le directeur général de la santé a été, pour sa part, le pilote de ce dispositif et a assuré quotidiennement la communication envers le public et l’interface avec les autres intervenants.

– La direction générale de l’offre de soins (DGOS), chargée d’une mission générale de régulation de l’offre de soins, a assuré, en lien avec les établissements de santé et la médecine de ville, l’adaptation du système de prise en charge des soins pour faire face aux besoins nouveaux exprimés dans le contexte de la crise.

– La direction générale de la cohésion sociale (DGCS), dont la mission est de concevoir, piloter et évaluer les politiques publiques de solidarité, a été chargée de soutenir les acteurs du secteur social et médico-social et dassurer leur information. Une cellule de crise mobilisée sept jours sur sept a été créée le 27 février 2020 pour fournir un accompagnement à ces acteurs dans la gestion de la crise du Covid-19.

– La direction de la sécurité sociale (DSS), également rattachée au ministère de l’action et des comptes publics, a quant à elle été mobilisée pour répondre aux enjeux financiers de la gestion de la crise, en lien avec l’Assurance maladie.

B.   LES AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ

Les ARS ont été amenées à déployer la stratégie de gestion de crise dans les territoires et à conduire les tâches suivantes :

–  le repérage et le recensement du nombre de patients contaminés. Les ARS ont apporté un soutien à la veille épidémiologique assurée par le ministère de la santé et Santé publique France (SPF). Elles sont désormais amenées à jouer un rôle important dans la stratégie de dépistage et de recherche de cas-contacts élaborée dans le cadre du déconfinement, en lien avec l’Assurance maladie.

– l’accompagnement des établissements de santé dans la gestion de l’afflux de malades, en adaptant l’offre territoriale de soins par le soutien aux établissements dans la déprogrammation des activités non urgentes, la gestion de la capacité d’accueil en services de réanimation et le classement des hôpitaux pouvant recevoir des patients atteints du Covid-19.

– le lien avec les collectivités territoriales dans la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie de gestion de crise, afin d’adapter les modalités de la réponse à l’évolution de l’épidémie en fonction de la situation locale.

C.   L’AGENCE SANTÉ PUBLIQUE France

● L’Agence nationale de santé publique, dite Santé publique France (SPF), créée le 1er mai 2016, est issue de la fusion de trois organismes ([63]) et remplit, aux termes de l’article L. 1413-1 du code de la santé publique, cinq missions principales :

– l’observation épidémiologique et la surveillance de l’état de santé des populations ; 

– la veille sur les risques sanitaires menaçant les populations ;

– la promotion de la santé et la réduction des risques pour la santé ;

– le développement de la prévention et de l’éducation pour la santé ;

– la préparation et la réponse aux menaces, alertes et crises sanitaires ;

– le lancement de l’alerte sanitaire.

● Dans le cadre de la crise sanitaire, il revenait à SPF d’assurer l’analyse et la surveillance de l’épidémie, de réaliser des actions d’information et de prévention auprès des citoyens, d’anticiper les différents scenarii et de déployer des actions visant à prévenir la transmission du virus sur le territoire au travers de :

– la réalisation des bilans épidémiologiques, source d’informations indispensable pour les citoyens et l’ensemble des acteurs de santé ;

– la gestion du dispositif de réserve sanitaire afin de répondre aux tensions rencontrées en termes de personnels soignants et de mettre à disposition des volontaires dans les établissements de santé. Mi-avril, un peu plus de 1 000 volontaires ([64]) avaient ainsi été mobilisés dans le cadre de la réserve sanitaire.

Au titre de sa mission de préparation et de réponse aux crises sanitaires, il revient à l’agence de constituer et de gérer les stocks stratégiques nationaux en produits de santé. Compte tenu de l’évolution et de l’ampleur de l’épidémie au regard des stocks existants, SPF s’est vu attribuer par un arrêté du 30 mars dernier une dotation exceptionnelle d’un montant de 4 milliards d’euros ([65]). Cette somme est notamment destinée à financer des acquisitions de masques, de respirateurs et de médicaments.

D.   LES ORGANISMES ET AGENCES COMPÉTENTS EN MATIÈRE DE SANTÉ PUBLIQUE

Plusieurs agences et organismes ont participé à la réponse à la crise sanitaire en apportant, par leurs avis et communiqués, une aide à la décision publique ainsi qu’une information à destination des citoyens et professionnels de santé :

– le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), instance chargée d’apporter une aide à la décision au ministre de la santé sur les sujets sanitaires, a été régulièrement consulté pour éclairer la gestion de l’épidémie de Covid-19. Il s’est prononcé par plus d’une quarantaine d’avis sur des sujets tels que la prévention et la prise en charge chez les patients à risque de formes sévères, la mise en place de mesures barrières spécifiques pour les personnes à risque ou encore l’utilisation de médicaments tels que l’hydroxychloroquine.

– la Haute Autorité de la Santé (HAS), autorité indépendante chargée d’évaluer le service rendu des médicaments, des dispositifs médicaux, des actes professionnels et des prestations et technologies de santé. Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, elle a, par ses avis et fiches-réponses rapides, apporté une expertise aux pouvoirs publics et aux établissements de santé sur la manière d’organiser au mieux la prise en charge des soins dans une situation d’urgence.

– La Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) est directement concernée par les mesures d’accès aux soins, sous l’angle de la prise en charge financière notamment. Elle a donc naturellement communiqué sur ces mesures, apportant aux assurés sociaux, et plus généralement à nos concitoyens des informations concrètes sur les conditions dans lesquelles les personnes à risque peuvent se mettre en arrêt de travail, les modalités des téléconsultations ou encore la distribution des équipements de protection aux personnels prioritaires.

– L’Académie nationale de médecine, institution chargée d’apporter un éclairage en matière de politique de santé, a également contribué par ses avis à l’éclairage et l’information des pouvoirs publics, des citoyens et du personnel soignant, en particulier sur les modalités de la fourniture de soins dans le contexte du Covid-19.

II.   DE NOUVEAUX ACTEURS POUR ÉCLAIRER LA DÉCISION PUBLIQUE DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE

A.   LA CRÉATION DE CONSEILS scientifiques

La situation inédite causée par la crise de Covid-19 a mené à la création de deux conseils appelés à éclairer le Gouvernement et à fournir une expertise scientifique sur les sujets liés spécifiquement à l’épidémie.

1.   Le Conseil scientifique Covid-19

Le Conseil scientifique Covid-19 a été institué le 11 mars 2020 à la demande du Président de la République, par le ministre des Solidarités et de la santé. Il a par la suite été consacré par l’article 2 de la loi du 23 mars 2020 qui a introduit l’article L. 3131-19 du code de la santé publique. Cet article prévoit en effet qu’en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire, « un comité de scientifiques est réuni sans délai ».

Le président du comité est nommé par décret du Président de la République. Le comité comprend par ailleurs deux personnalités qualifiées nommées par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret. Le Conseil scientifique est présidé par le Professeur Jean-François Delfraissy, ancien président du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) ([66]) et comprend douze personnalités ([67]), représentant un vaste champ de disciplines scientifiques. La diversité des membres composant le conseil en fait une instance scientifique pluridisciplinaire, à même de croiser les données et les avis en présentant une approche scientifique globale des enjeux. Le Conseil est indépendant. Il peut être saisi par le ministre chargé de la santé, mais il peut également décider de s’autosaisir d’une question. Ses avis sont rendus publics et ne lient pas le Gouvernement.

Ce conseil a pour mission principale d’éclairer la décision publique dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19. Il rend périodiquement des avis « sur l’état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s’y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme, y compris celles relevant des articles L. 3131-15 à L. 3131-17 ([68]) , ainsi que sur la durée de leur application ([69]). » Le Conseil fournit un éclairage précieux et permet au Gouvernement de prendre des décisions publiques reposant sur des éléments de preuve scientifiques précis.

Aux termes de l’article L. 3131-13 du même code, le Conseil doit également émettre un avis avant que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois ne soit autorisée par la loi ; tel est également le cas avant qu’il ne soit mis fin à l’état d’urgence par décret avant l’expiration du délai fixé par la loi.

Le Conseil scientifique a ainsi tenu un rôle essentiel de conseil auprès des pouvoirs publics. À la date du 29 mai, le Conseil avait ainsi rendu 13 avis ([70]). Son éclairage a par exemple porté sur la nécessité de mettre en place un confinement de la population, sur la situation dans les EHPAD et dans les territoires ultramarins, sur les conditions indispensables pour envisager le déconfinement du pays ou encore sur les modalités de reprise des activités scolaires en classe.

2.   Le Comité analyse, recherche et expertise (CARE)

En parallèle du Conseil scientifique, le « comité analyse, recherche et expertise » (CARE) présidé par Mme Françoise Barré-Sinoussi a été installé par le Président de la République le 24 mars à l’Élysée. Il se compose de 12 chercheurs et médecins.

Le CARE a pour rôle d’éclairer le Gouvernement sur les sujets de traitements, de vaccins et de tests en présentant les principales innovations scientifiques dans ces domaines et en donnant un avis sur les suites pouvant y être données. Il doit :

– éclairer les pouvoirs publics dans des délais très courts sur les suites à donner aux propositions d’approches innovantes scientifiques, technologiques et thérapeutiques pour répondre à la crise sanitaire du Covid-19 et vérifier que les conditions de déploiement et de portage sont réunies ;

– solliciter la communauté scientifique pour faire des propositions sur des thématiques identifiées par les ministères de la santé ou de la recherche.

Le Comité a également pour mission de fournir un éclairage sur les pratiques de traçage qui permettent d’identifier les personnes en contact avec celles qui ont été infectées par le Covid-19. La mission du Care est donc complémentaire des travaux menés par le Conseil scientifique Covid-19. Deux des membres du Care appartiennent par ailleurs au Conseil scientifique.

B.   La mise en place d’une Équipe de coordination de la stratÉgie nationale de dÉconfinement

Dans la perspective d’une sortie de crise et à la demande du Président de la République, M. Jean Castex a été chargé le 2 avril de coordonner la sortie progressive du confinement mis en place depuis le 17 mars.

L’équipe de M. Jean Castex a été rattachée au Premier ministre et assure sa mission dans un cadre interministériel. Elle est constituée d’une quinzaine de personnes issues notamment du ministère de la santé et de l’administration préfectorale ([71]).

L’équipe a été chargée d’établir des propositions relatives à la sortie progressive du confinement et a joué un rôle essentiel dans la définition des conditions indispensables pour atteindre cet objectif. La plupart de ces propositions ont été présentées dans le cadre du plan de préparation à la sortie du confinement remis le 6 mai et publié le 11 mai sur le site du Gouvernement. Le déconfinement progressif de la population, amorcé le 11 mai, ainsi que la seconde étape de sortie du déconfinement annoncée pour le 2 juin ont largement reposé sur l’ensemble de ces propositions.

 

 


  1  

FICHE 3 : MISE EN ŒUVRE DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE dans les territoires

Dès le début du confinement, les préfets ont été en première ligne pour mettre en œuvre et décliner létat durgence dans les territoires en fonction des spécificités de ceux-ci, en appliquant les mesures prises au niveau national, souvent dans le sens de leur renforcement.

Linstallation du confinement dans la durée ainsi que la préparation du déconfinement ont mis en exergue limportance du binôme « maire-préfet ». La prise en compte de son efficacité dessine des pistes pour loptimisation de lintervention de lÉtat dans les territoires et de ses capacités daction quand survient une crise de grande ampleur.

1.   Décliner et renforcer l’état d’urgence sanitaire : les préfets en première ligne dans la lutte contre la propagation de l’épidémie

Par lintermédiaire dune plate-forme internet mise en place par le ministère de lintérieur, la mission a pu recenser et analyser, pendant les huit semaines de confinement, 1 021 mesures préfectorales ([72]) prises sur le fondement de larticle L. 3131-17 du code de la santé publique, qui organise les modalités dintervention des préfets dans le cadre de l’état durgence sanitaire ([73]).

En tout ce sont 2 228 arrêtés qui ont fait l’objet d’une analyse hebdomadaire.

a.   Le dispositif en matière d’ordre public : limitation des déplacements et régulation de l’accueil du public

541 mesures dordre public ont été prises dans 98 départements et collectivités doutre-mer (COM). Lessentiel de ces mesures ont été prises entre le 16 et le 29 mars 2020, soit pendant la période allant du début du confinement à la semaine suivant la déclaration de l’état durgence sanitaire. En effet, cette déclaration avait été anticipée dans de nombreux départements pour faire face, en urgence, à la propagation de l’épidémie. Ensuite, la majeure partie du dispositif en matière dordre public sest constituée dès le début de l’état durgence sanitaire.

La quasi-totalité de ces mesures (plus de 90 %) concernent, dans des proportions équivalentes, la régulation des déplacements et de lactivité des établissements recevant du public. Un nombre résiduel dactes a concerné laggravation de la limitation des rassemblements ou la mise en place des dispositifs de mise en quarantaine dans les COM.

De manière concrète, il sest agi, pour les préfets, de renforcer les dispositions prévues au niveau national en interdisant laccès aux jardins publics ou aux sites naturels, en limitant les horaires des déplacements pour exercer une activité physique, en imposant un couvre-feu des personnes ou des commerces, en interdisant les locations touristiques ou encore en prononçant la fermeture administrative de certains établissements ne respectant pas les règles imposées par l’état durgence sanitaire.

Le dispositif de l’état durgence sanitaire a reposé sur limportant relais des préfets afin d’être adapté aux caractéristiques des territoires : « les arrêtés d’interdiction sont le plus souvent cousus main » a assuré à la mission M. Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France et préfet du Nord ([74]).

Évolution du nombre d’actes prÉfectoraux pris dans le cadre
de l’État d’urgence sanitaire

Source : Mission d’information

La première semaine du déconfinement s’est caractérisée par une activité normative importante (549 mesures) qui a principalement concerné l’autorisation d’accès aux plages, aux plans d’eau et aux lacs et des activités nautiques et de plaisance : 375 arrêtés de ce type ont été pris dans 35 départements.

b.   Le recours aux réquisitions sanitaires pour faire face à la propagation de l’épidémie

480 arrêtés de réquisition ont été pris au total, dans 54 départements. 80 % de ces réquisitions ont porté sur les biens, les services ou les personnes nécessaires au fonctionnement des établissements de santé, et principalement les personnels soignants. 9% ont porté sur la réquisition de lieux dhébergement soit pour loger des personnels mobilisés, soit pour mettre à labri des personnes infectées. Les stocks de trois entreprises dans le Haut-Rhin, le Nord et le Morbihan ont été saisis afin de permettre la fabrication de masques. Des opérateurs participant au service extérieur des pompes funèbres ont également été réquisitionnés dans lEssonne et le Val-de-Marne, dont celui nécessaire au fonctionnement de la morgue installée spécialement à Rungis.

L’évolution du nombre de réquisition a suivi la courbe de la propagation du virus dans le pays. Les réquisitions sont montées en puissance à mesure que la crise sanitaire sest aggravée. Alors que le pic du nombre de personnes hospitalisées en réanimation a été atteint le 8 avril, le nombre darrêtés de réquisition, de la même manière que le nombre de nouvelles mesures dordre public, a commencé à chuter lors de la quatrième semaine d’état durgence sanitaire, soit à partir du 13 avril.

Dans la perspective du déconfinement, les réquisitions ont eu pour but principal la mobilisation des laboratoires afin daccélérer le déploiement des dispositifs de tests dans les territoires.

Mesures préfectorales de mobilisation des laboratoires ([75])

Source : Mission d’information

2.   L’affirmation d’une relation efficace entre le maire et le préfet

a.   La montée en puissance du binôme

Lors des premières semaines d’état durgence sanitaire, la question du rôle des maires en matière de renforcement des dispositifs dordre public sest posée lorsque nombre dentre eux ([76]) ont décidé dimposer des mesures de couvre-feu des personnes dans un contexte juridique et opérationnel incertain.

Dans une ordonnance rendue le 17 avril, le Conseil d’État a finalement estimé que la police spéciale instituée par la loi du 23 mars au profit des préfets faisait obstacle aux pouvoirs de police générale des maires. Une exception a néanmoins été introduite lorsque « des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent lédiction indispensable » sous réserve « de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et lefficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de lÉtat ».

Devant ces initiatives, certains préfets avaient initialement fait retirer les arrêtés quils estimaient infondés. Dans un deuxième temps, une démarche de conciliation a été engagée : des préfets ont pris eux-mêmes ce type darrêté, en concertation avec les maires ou sur demande de ceux-ci, lorsque les circonstances locales lexigeaient. Ainsi, à Perpignan, la prolongation du couvre-feu, qui avait été initialement édicté par la commune, a été décidée, le 30 mars, par le préfet des Pyrénées-Orientales.

Le nombre darrêtés de couvre-feu préfectoraux a ainsi atteint un maximum le 13 avril : 50 arrêtés ont instauré un couvre-feu partiel ou général des commerces dans 39 départements ou COM et 30 arrêtés ont instauré une telle mesure pour les personnes dans 17 collectivités.

Carte des couvre-feux prÉfectoraux au 13 avril

C:\Users\LVITRY\Desktop\couvre-feux.jpg

Source : Mission d’information

Reprenant une formule du Président le République, le Premier ministre a confirmé, à la tribune de lAssemblée nationale, que le Gouvernement sappuierait « sur les maires et sur les préfets » ([77]) pour la mise en œuvre du plan de déconfinement.

Les maires ont été particulièrement mobilisés pour la réouverture des écoles puisqu’il relevait de leur responsabilité dorganiser laccueil des élèves dans le respect des règles sanitaires, ce qui n’a pas été sans soulever des inquiétudes. Lors de leur audition par la mission dinformation le 13 mai 2020, les représentants des associations d’élus municipaux ont salué linitiative du Gouvernement, prise en amont de l’échéance du 11 mai, qui a permis aux préfets dapposer leur signature sur le protocole élaboré par les maires sous lautorité des directeurs académiques des services de l’éducation nationale permettant ainsi de renforcer la sécurité juridique de ces documents.

Comme lont fait valoir plusieurs intervenants, et notamment Mme Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, « le lien entre le maire et le préfet, ce circuit court décisionnel, a été décisif dans la gestion quotidienne et opérationnelle des problèmes que nous rencontrions » ([78]).

b.   Quelles leçons tirer en matière d’organisation territoriale de l’État ?

Laffirmation du binôme maire-préfet, qui a été en mesure de travailler efficacement et en confiance, a mis en lumière les défis de lorganisation de l’État dans les territoires.

Les auditions menées par la mission dinformation les 13 et 14 mai ont permis de soulever deux enjeux principaux. Les élus locaux ont été confrontés aux limites dun processus de décentralisation qui a pu générer des confusions ou des frustrations préjudiciables dans une telle situation de crise. Les préfets ont, quant à eux, fait face aux limites de leur autorité sur les autres administrations déconcentrées de l’État et ses Agences, élément qui a pu être préjudiciable à la construction dune mobilisation coordonnée et efficace dans les territoires.

La question de laction des administrations déconcentrées de l’État et des établissements publics a également posé celle du rôle des agences régionales de santé (ARS) non seulement dans la gestion de la crise, mais aussi dans la manière dont les questions sanitaires sont traitées dans les territoires.

Pour apprécier laction des ARS, limportance du facteur humain a été soulignée pour saluer ou, au contraire, questionner l’intervention de directeurs généraux des ARS en situation durgence ([79]). Dun département ou d’une région à lautre, les relations institutionnelles et lefficacité de la réponse à la crise a de ce fait pu varier.

Il reste que des questions plus structurelles se posent également :

– sur le rôle et les capacités d’action des ARS. Créées en 2010, les ARS n’ont pas été conçues dans la perspective de la gestion d’une crise d’une telle ampleur.

Comme l’a fait valoir M. François Baroin lors de son audition devant la mission, « la priorité au moment de la création des ARS était la maîtrise des coûts dans le cadre de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (…) Jamais elles n’ont été conçues comme des dispositifs logistiques censés assurer le bon acheminement de masques, de blouses ou d’autres équipements médicaux jusqu’au moindre recoin de la plus petite de nos communes au nom du principe d’universalité du service public à la française. » ([80])

– sur l’approche centralisée, au niveau régional, qu’ont pu donner les ARS en décalage avec les réalités et les attentes des territoires ; critique d’autant plus paradoxale que ce sont des institutions régionalisées, dotées de délégations départementales.

Pour M. Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France et préfet du Nord, « ce qui donne ce sentiment de centralisation, c’est […] sans doute le rapport au territoire, à la proximité : il conviendra de s’interroger sur la territorialisation fine des ARS » ([81]). Ainsi, le rôle des délégations départementales des ARS pourrait être redéfini et renforcé ([82]).

Cette question s’inscrit dans la perspective plus large de la territorialisation des politiques publiques, elle aussi soulevée par M. Lalande lors de son audition et : « réinvestir la proximité et le dernier kilomètre : voilà le grand enjeu de cette crise pour l’État, pour tous les ministères, mais aussi pour les collectivités locales elles-mêmes et, assurément, pour les ARS ».

Lorganisation de la réponse territorialisée à la gestion dune crise de grande ampleur est une question qui sera approfondie par les travaux de la commission denquête.

 

 


  1  

FICHE 4 : ADAPTATION DU SYSTÈME DE SOINS POUR RÉPONDRE À LURGENCE SANITAIRE

L’ensemble du système de soins (hôpitaux et établissements de santé publics, établissements privés lucratifs ou non, médecine de ville en libéral, en exercice regroupé, centres de santé, maisons de santé) a été mobilisé pour répondre à la crise du Covid-19, dans sa structuration normale dans un premier temps, puis au titre des renforts pour un bon nombre de professionnels alors que la crise s’est intensifiée. Les services de réanimation et de soins intensifs se sont retrouvés en tension dans les territoires les plus touchés, au regard du nombre important de malades développant des formes graves de la maladie.

La réorganisation des soins, la mobilisation des personnels, la déprogrammation des activités non urgentes ainsi que les transferts de patients entre régions ont permis d’assurer une continuité de la prise en charge des malades du Covid-19. L’importance des besoins en réanimation a également rendu nécessaire la mise en place d’un suivi précis des stocks disponibles de matériels et de médicaments.

I.   L’AUGMENTATION DES CAPACITÉS DE PRISE EN CHARGE DE PATIENTS ET DE PLACES EN RÉANIMATION

A.   LA RÉORGANISATION DU SYSTÈME DE SOINS

● L’offre de soins initiale repose sur près de 3 100 sites et établissements de santé, les établissements publics représentant 45 % du total, les établissements privés d’intérêt collectif 22 % et les établissements privés à but lucratif 33 %. En prenant en compte l’ensemble des établissements de santé, la France dispose d’une capacité d’accueil en hospitalisation complète de 408 245 lits ([83]).

● L’épidémie du Covid-19 a nécessité une importante adaptation du système de soins et une augmentation significative des capacités d’accueil de patients. Le plan blanc, destiné aux hôpitaux publics et privés, a été déclenché le 6 mars 2020. Il vise essentiellement à déprogrammer toutes les activités médicales non indispensables, avec pour objectif de s’assurer que chaque département comporte un hôpital pouvant accueillir des patients atteints du Covid-19. Plus de 600 établissements de santé, publics comme privés, étaient ainsi en mesure de recevoir ce type de patients au 1er avril. Le nombre de patients hospitalisés au titre du Covid-19 a atteint son niveau maximal le 14 avril, avec 32 131 personnes prises en charge. Leur nombre a progressivement décru à partir de cette date, pour concerner 15 627 patients au 27 mai 2020.

B.   L’AUGMENTATION DU NOMBRE DE LITS DE RÉANIMATION

● La crise du Covid-19 a nécessité d’augmenter les capacités d’accueil en services de réanimation. La capacité d’accueil dans ces services était de 5 000 lits au début de l’épidémie. La déprogrammation des activités médicales non urgentes, la mobilisation de l’ensemble des établissements de santé ainsi que des mesures d’adaptation des services ([84]) ont permis d’augmenter progressivement le nombre de lits disponibles en services de réanimation jusqu’à plus de 10 500 lits mi-avril ([85]). À la date du 7 avril, considérée comme le pic de l’épidémie, 7 019 patients étaient pris en charge en services de réanimation ([86]).

● La présence de foyers importants de Covid-19 dans certains territoires s’est fortement ressentie sur les capacités de réanimation de plusieurs régions (Grand-Est, de l’Île-de-France, Corse, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes). Un accroissement conséquent et rapide du nombre de lits de réanimation y a été nécessaire :

–  mi-avril, le nombre de lits disponibles avait ainsi augmenté depuis le début de la crise de 158 % dans la région Grand-Est, de 138 % en Île-de-France, de 250 % en Corse, de 121 % en Auvergne-Rhône-Alpes, de 97 % dans les Hauts-de-France et de 66 % en Bourgogne-Franche-Comté, régions les plus touchées par le Covid-19 ;

–  un hôpital de campagne, doté de 30 lits de réanimation, a par ailleurs été installé en mars 2020 dans la ville de Mulhouse en raison de l’engorgement des hôpitaux de la région.

capacitÉs en lits de rÉanimation adultes le 11 avril et Évolution depuis le dÉbut de la crise du covid-19

Source : Informations transmises par le Ministère de la santé et issues de données des ARS ; données datées du 11 avril.

● À la date du 27 mai, à l’exception de Mayotte, les indicateurs épidémiologiques de circulation du Covid-19 étaient en baisse depuis huit semaines et 1 467 patients ([87]) étaient accueillis en service de réanimation. L’objectif est de revenir peu à peu à une capacité habituelle de réanimation se situant autour de 5 000 lits, ainsi que l’a que l’a rappelé le ministre de la santé lors de la conférence de presse du 7 mai. Les régions ayant connu le plus de tensions sur leurs services de réanimation étaient à cette date dans une situation moins critique. Les régions Île-de-France et Grand-Est disposaient au 14 mai de respectivement de 305 et 239 lits de réanimation disponibles. Le taux d’occupation des lits en réanimation ne dépassait 80 % que dans les régions d’Ile-de-France et dans les Hauts de France.

C.   LES COMMANDES DE RESPIRATEURS

● Le renforcement des capacités d’accueil en services de réanimation a nécessité d’augmenter le nombre de respirateurs artificiels, nécessaires pour les soins de réanimation. Le stock de respirateurs disponibles avant la crise était estimé à environ 12 000 appareils ([88]), nombre insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins.

L’industrie française, en particulier les entreprises Air Liquide, Schneider Electric, PSA et Airbus ont été mobilisées pour fabriquer de nouveaux respirateurs. D’autres entreprises françaises ont joué un rôle important en intervenant dans les processus d’achats, à l’instar de LVMH ou de L’Oréal. Des commandes de respirateurs ont été passées dans d’autres pays mais elles sont peu nombreuses en raison d’un marché très tendu au niveau mondial.

● À la date du 6 mai, 10 141 respirateurs avaient été commandés par l’État depuis le 31 mars 2020, pour un coût total de près de 56,7 millions d’euros ([89]). Sur ces respirateurs, 1 641 sont dédiés à la réanimation pour les patients atteints de Covid-19 et 8 500, de modèle Osiris, sont destinés aux urgences et au transport de patients.

Commandes de respirateurs passées par L’ÉTAT depuis le 31 mars
(À la date du 6 mai)

Fabricant

Modèle

Quantité

Prix total

(en millions d’euros)

Air Liquide

Monnal T75

117

1,71

Monnal T60

907

10,09

Osiris 3

8 500

35,19

GE Healthcare

Carescape R860

50

1,20

MICE Group

Evone

15

0,851

Beijing Aeonmed
(via LVMH)

VG70

161

NR

Shangrila 510S

100

NR

Draeger

Savina 300

150

2,65

Philips

V60

80

1,12

Seewon tech (via L’Oréal)

SiriusMed 30 et 50

61

3,91

TOTAL

10 141

56,72

Source : données transmises par le ministère des solidarités et de la santé (6 mai 2020)

II.   LA MOBILISATION DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ ET DE LA MÉDECINE DE VILLE

A.   La MOBILISATION des Établissements de santÉ pour faire face à la crise

● L’ampleur de l’épidémie du Covid-19 a nécessité l’implication de l’ensemble des établissements de santé, publics mais aussi privés qui ont accueilli des patients atteints du Covid-19 au titre de l’hospitalisation conventionnelle ou en services de réanimation.

La part des établissements publics dans la prise en charge des hospitalisations s’avère prépondérante, mais celle des établissements privés a augmenté au cours du mois d’avril, passant de 21 % au 15 avril à 33 % au 30 avril ; ces établissements accueillaient 8 987 patients atteints du Covid-19 à cette date, tandis que le secteur public prenait en charge 18 413 malades, soit 67 %. 3 141 patients pris en charge dans les services de réanimation l’étaient dans le secteur public, contre 810 dans le secteur privé, représentant respectivement 79 % et 21 % des hospitalisations en réanimation – cette proportion est restée quasi stable par rapport au 15 avril.

Patients atteints du covid-19, pris en charge au titre de l’hospitalisation dans le secteur public et le secteur privÉ

Source : Ministère des solidarités et de la santé (données transmises le 6 mai 2020

B.   LE RÔLE DE LA MÉDECINE DE VILLE

● La médecine de ville a également été fortement sollicitée dans la gestion de la crise, pour la prise en charge des patients atteints du Covid-19 dans ses formes plus bénignes ainsi que pour assurer un premier diagnostic de la maladie. Lors de la semaine du 23 au 29 mars, près de 95 000 personnes ont consulté un médecin généraliste pour des symptômes du Covid-19 et le nombre d’actes SOS Médecins pour suspicion de Covid-19 a été supérieur à 12 000.

Évolution du nombre de consultations et de passages aux urgences
au titre du Covid 19 depuis le 9 mars

 

Du 9 au 15 mars

Du 16 au 22 mars

Du 23 au 29 mars

Du 30 mars au 5 avril

Du 6 au 12 avril

Du 13 au 19 avril

Du 20 au 26 avril

Du 26 avril au 3 mai

Du 3 mai au 10 mai

Nombre estimé de cas de Covid-19 ayant consulté un médecin généraliste

NR

51 000

94 810

28 241

2 663

2 846

4 035

2 246

2 036

Nombre d’actes SOS médecins pour suspicion de Covid-19

2 301

9 133

12 167

8 786

5 256

3 699

2 588

8 242

6 696

Nombre de passages aux urgences pour suspicion de Covid-19

5 782

15 956

32 245

27 966

19 704

13 803

10 670

5 869

4 265

Source : Mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Covid-19 sur la base des bilans épidémiologiques de Santé publique France.

● La prise en charge des patients par la médecine de ville a été possible grâce au développement massif des téléconsultations, dont les modalités d’exercice et de remboursement ont été simplifiées par voie réglementaire ([90]). 486 369 téléconsultations ont ainsi été réalisées lors de la semaine du 23 au 29 mars, alors que l’Assurance maladie comptabilisait 10 000 téléconsultations par semaine avant la première semaine de mars. Le nombre de médecins pratiquant ce type de consultations a lui-même crû de manière significative : 44 % de médecins généralistes avaient effectué une téléconsultation lors de la dernière semaine de mars ([91]).

● La réponse à l’épidémie de Covid-19 est aussi passée par la mise en place de nouvelles modalités de consultations médicales. La création de centres de consultations ambulatoires, temporaires ou adossés à des structures de santé existantes, a ainsi permis de prendre en charge des patients ayant des symptômes évocateurs du Covid-19. Dans la région Île-de-France par exemple, plus de 150 centres de ce type avaient été créés fin mars ([92]) .

III.   LES OPÉRATIONS DE TRANSFERTS DE PATIENTS

La crise du Covid-19 s’est caractérisée par d’importantes disparités régionales, certains territoires ayant été particulièrement touchés par l’épidémie. Dans les régions Île de France, Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France et Corse en particulier, les capacités d’accueil en services de réanimation ont été particulièrement sous tension. À la date du 9 avril, l’Île-de-France et le Grand-Est accueillaient à elles seules 51 % des patients hospitalisés en service de réanimation ([93]).

● Des transferts inédits de patients vers des régions où les capacités hospitalières le permettaient et où le virus circulait moins ont été organisés afin de pouvoir accueillir l’ensemble des malades nécessitant des soins en réanimation. Ces opérations ont notamment été menées avec l’appui de l’opération Résilience qui a participé à l’évacuation de patients par train médicalisé, par avion ainsi que par transports terrestres.

Entre le 13 mars et le 10 avril 2020, selon les informations transmises par le ministère des solidarités et de la santé, 660 patients ont fait l’objet d’une évacuation sanitaire à partir des régions Île de France, Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté et Corse. Parmi ceux-ci :

– 327 patients ont été transférés à partir de la région Grand-Est (dont 121 vers l’Allemagne, 88 vers la Nouvelle Aquitaine, 31 vers l’Occitanie, 28 vers la Suisse, 20 vers les Pays-de-la-Loire, 11 vers le Luxembourg et 3 en Autriche, notamment) ;

–  262 patients ont été transférés à partir d’Île-de-France (dont 76 vers la Bretagne, 47 vers la Normandie, 47 vers la Nouvelle Aquitaine, 45 vers les Pays-de-la-Loire, 27 vers le Centre-Val-de-Loire et 20 vers l’Auvergne-Rhône- Alpes,) ;

– 56 patients ont été transférés à partir de la région Bourgogne Franche Comté (dont 41 d’entre eux vers la région Auvergne Rhône-Alpes, 10 vers la région PACA et 5 vers la Suisse) ;

– 15 patients ont été transférés de la Corse (tous vers la région PACA).

Au total, 492 patients ont été transférés dans d’autres régions françaises et 168 vers d’autres pays d’Europe (Allemagne, Autriche, Suisse et Luxembourg ([94])).

● À la date du 28 mai, il n’était pas programmé de nouvelles opérations d’évacuations sanitaires en métropole. Néanmoins, des transferts réguliers de patients sont organisés entre Mayotte et la Réunion.

IV.   LA GESTION DES MÉDICAMENTS DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE

A.   DES TENSIONS FORTES SUR LE STOCK DE MÉDICAMENTS DISPONIBLES

L’épidémie de Covid-19 a généré des tensions fortes sur certains médicaments, et particulièrement ceux utilisés pour le coma artificiel et la réanimation. En mars, la demande mondiale pour plusieurs molécules, notamment les médicaments de la catégorie des curares, des hypnotiques, des anesthésiques et des sédatifs, a très fortement augmenté, dans certains cas de 2 000 %.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), compétente en matière de suivi des stocks de médicaments détenus par les laboratoires pharmaceutiques, a alerté mi-mars le centre de crise sanitaire sur les tensions pesant sur cinq produits. Il s’agissait de trois curares : cistaracurium, atracurium, rocuronium et deux hypnotiques : midazolam, propofol. Concernant les hypnotiques par exemple, au regard des stocks disponibles début avril chez les fournisseurs, seuls 8 000 patients pouvaient être traités avec les doses minimales, soit au total 10 jours seulement de traitement pour la France entière ([95]).

B.   LA MISE EN PLACE D’UN PLAN D’ACTION PERMETTANT DE RÉPONDRE À LA DEMANDE DE MÉDICAMENTS

● Un plan d’action, piloté par une cellule spécifique au sein du centre de crise, a été mis en place pour renforcer la sécurisation des approvisionnements en médicaments et répartir au mieux les stocks disponibles sur l’ensemble du territoire. Ainsi que le souligne le ministère de la santé, les tensions d’approvisionnement devraient en effet durer encore plusieurs mois.

Ce plan d’action repose sur plusieurs axes :

– la modulation de la consommation en médicaments, reposant sur la diffusion de recommandations professionnelles permettant de limiter les consommations au strict nécessaire, établies en lien avec les professionnels de santé et les sociétés savantes concernées ;

– la régulation des ressources, avec la mise en place d’un système d’information permettant de connaître quotidiennement l’état des stocks disponibles dans les établissements de santé et de procéder, en lien avec les Agences régionales de santé, à des dépannages inter-établissements ;

– l’achat par l’État des stocks disponibles auprès des laboratoires alimentant le marché français et auprès de laboratoires identifiés via le réseau des ambassades. En application du décret du 23 avril 2020 ([96]) prévoyant la centralisation de l’achat de certains médicaments, l’État a acheté l’intégralité des stocks disponibles chez les fournisseurs des cinq molécules critiques pour organiser une distribution des établissements de santé au plus près de leurs besoins.

– la production et l’internalisation de la fabrication, via l’acquisition de matières premières et leur transformation auprès de façonniers nationaux ou de pharmacies hospitalières.

● La mise en place de ce plan d’action a largement associé Santé publique France, devenue à partir du 27 avril 2020 l’acquéreur exclusif pour le compte de l’État des molécules prioritaires utilisées dans les services de réanimation traitant des patients Covid-19 et également nécessaires pour assurer la continuité des soins vitaux dans les autres secteurs de soin. Plusieurs contrats types ont été mis en œuvre par SPF afin d’assurer les approvisionnements de ces molécules par l’État :

– le premier contrat type a permis la signature de 11 marchés avec les filiales françaises qui commercialisent habituellement les spécialités associées à ces molécules en France : l’État acquiert les stocks et des productions prévues jusqu’au 31 juillet par ces 11 fournisseurs – ces derniers ont par ailleurs mobilisé les stocks d’autres pays pour les importer en France.

– le deuxième contrat type a permis la signature de 5 marchés avec des filiales françaises qui ne commercialisent habituellement pas les cinq molécules mais qui ont proposé leurs services en tant qu’importateurs.

– le troisième contrat a été signé le 7 mai 2020 avec le laboratoire Sanofi dont le rôle est de présélectionner des fournisseurs hors Union européenne pour les présenter à SPF, qui assure l’importation de ces produits en lien avec l’ANSM.

● Des mesures réglementaires ont aussi été prises pour répondre au risque de rupture d’approvisionnement de certaines molécules. Le décret n° 2020-393 du 2 avril 2020 ([97]) a ainsi rendu possible la prescription de médicaments à usage vétérinaire à même visée thérapeutique que des spécialités pharmaceutiques à usage humain. L’ANSM a ainsi autorisé la prescription de deux médicaments à usage vétérinaire contenant la même substance active, le propofol, utilisée chez l’homme (Proposure et Propovet ([98])).

 S’agissant de la distribution des stocks réquisitionnés, les établissements de santé sont approvisionnés par l’État selon une procédure de dotation nationale établie par l’ANSM qui prend notamment en compte l’état des leurs stocks disponibles. Les dotations étaient initialement calculées sur la base du nombre de patients pris en charge en réanimation. Depuis la fin du confinement, les dotations visent à répondre à deux besoins :

 les besoins du système de santé en situation normale de fonctionnement, à partir des consommations des établissements de santé en 2019 ;

 le traitement des nouveaux patients Covid en réanimation par semaine et de manière récurrente.

Selon les informations transmises par le ministère de la santé, malgré une situation tendue, le plan daction a permis déviter les ruptures sèches de médicaments pour les soins de réanimation. Toutefois, fin mai, les approvisionnements restaient encore insuffisants pour couvrir l’intégralité des besoins. Afin de garantir un modèle soutenable dans la durée, les dotations nationales des semaines suivantes devront être contingentées.

 

 


  1  

FICHE 5 : MOBILISATION DES RENFORTS DE PERSONNELS SOIGNANTS

L’afflux de patients et les durées de séjour liés au Covid-19 a contraint les établissements de santé à mobiliser les personnels de manière intense, notamment par le recours aux heures supplémentaires. L’ajustement entre services, les renforts au sein des établissements, le recours à la réserve sanitaire, l’appel au volontariat lancé par les ARS via des plateformes, des réquisitions et l’accueil de personnels d’autres régions ont constitué autant de solutions pour répondre à l’urgence.

I.   LA MOBILISATION DE LA RÉSERVE SANITAIRE

A.   UN NOMBRE DE VOLONTAIRES IMPORTANT

Dès le 25 janvier, compte tenu des premières alertes, la réserve sanitaire, dont la gestion est confiée à Santé publique France ([99]), a été mobilisée. Créée en 2007 après l’épidémie de chikungunya, la réserve sanitaire intervient en renfort, en France ou à l’étranger, en cas de situation sanitaire exceptionnelle. Elle regroupe des professionnels de santé volontaires, qu’ils soient agents du secteur public, salariés du secteur privé, ou exercent en libéral. Elle comprend également des étudiants ainsi que des retraités.

Le nombre de volontaires inscrits dans la réserve a augmenté de manière significative. Lors de la conférence de presse du 28 mars, le ministre des solidarités et de la santé a indiqué qu’au début de la crise, 21 000 personnes étaient inscrites et que la réserve s’enrichissait chaque jour d’environ 1 000 soignants supplémentaires depuis le début du mois de mars. À la date du 30 avril, SPF recensait 42 122 volontaires inscrits, regroupant des professionnels de différentes spécialités. La réserve comptait par ailleurs 2 094 étudiants et 5 454 retraités. Santé Publique France a eu pour mission d’assurer le traitement administratif des dossiers et d’organiser le déploiement des réservistes sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin à une échelle inédite dans un temps très court.

RÉpartition des inscrits de la rÉserve sanitaire selon les principales spécialitÉs recherchÉes dans le cadre de la crise du covid-19 (AU 30 avril)

Aides-soignants

2 438

Anesthésistes

503

Assistants de régulation médicale

171

Infirmiers de blocs opératoires

390

Infirmiers en anesthésie-réanimation (IADE)

681

Infirmiers en soins généraux (IDE)

11 566

Manipulateurs en électro-cardiologie médicale (MERM)

153

Médecins réanimateurs

43

Médecins urgentistes

557

Pharmaciens

1 016

Techniciens de laboratoires médical

336

Autres spécialités

24 268

Total

42 122

Source : Mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Covid-19 sur la base de données transmises par Santé publique France.

B.   UNE MOBILISATION DE PERSONNEL PLUS MODESTE

En dépit de l’importance des inscrits, le nombre de personnes effectivement mobilisées par la réserve sanitaire est demeuré très inférieur aux effectifs déployés directement par les plateformes mises en place par les ARS (voir infra). Mi-avril, un peu plus de 1 000 volontaires ([100]) de la réserve sanitaire avaient été mobilisés pour répondre aux besoins exprimés en matière de personnels soignants.

Ces chiffres s’expliquent notamment par le fait que, contrairement aux personnels des plateformes qui pouvaient être appelés pour des missions ponctuelles, en complément de leur activité, durant une demi-journée ou une journée, les volontaires mobilisés dans le cadre de la réserve sanitaire l’ont été principalement pour des missions longues ([101]), en substitution de leur activité principale. La comparaison entre le nombre de volontaires mobilisés dans le cadre des plateformes et au sein de la réserve sanitaire apparaît donc difficile à établir. Par ailleurs, le traitement des dossiers des inscrits dans le cadre de la réserve sanitaire amenait l’Agence à procéder à un filtrage selon les qualifications des volontaires en fonction des spécialités les plus recherchées. Sur les 42 000 personnes inscrites fin avril, SPF décomptait par exemple seulement 3 200 médecins généralistes, réanimateurs et urgentistes, alors que la demande pour ce type de spécialités était très forte. SPF a également dû exclure des volontaires compte tenu de leur profil à risque face à la maladie du Covid-19 ; elle a par exemple décidé que les personnels de plus de 65 ans ne pourraient pas être mobilisés.

Le soutien de la réserve sanitaire a néanmoins été important pour répondre à la crise. Entre le 26 janvier et le 20 mars 2020, la réserve sanitaire a ainsi répondu à l’ensemble des demandes de renfort qui lui ont été adressées. Par ailleurs, les missions dédiées au Covid-19 représentaient au 27 avril 2020, 9 396 jours/homme, ce qui constitue une mobilisation sans précédent pour la réserve sanitaire. À titre de comparaison, elle avait réalisé 6 709 jours/homme au titre de l’ensemble de l’année 2019.

La réserve sanitaire est intervenue en complément des renforts locaux ou régionaux et a pu apporter un appui significatif dans certains territoires. Les volontaires de la réserve ont par exemple constitué 66 % de l’ensemble des renforts en termes de personnels soignants de la région Grand-Est.

Origine des renforts en personnel soignant dans la rÉgion grand-est

C:\Users\aderoubin\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\Nouvelle Aquitaine.PNG

Source : Ministère des solidarités et de la santé, transmis le 6 mai 2020 à la mission d’information.

II.   L’USAGE DE PLATEFORMES POUR MOBILISER DES RENFORTS EN PERSONNELS SOIGNANTS

A.   LA MISE EN PLACE DE PLATEFORMES RÉGIONALES

Parallèlement à la mobilisation de la réserve sanitaire, les Agences Régionales de Santé (ARS) ont organisé les renforts en ressources humaines au niveau régional. Cette mobilisation est notamment passée par la mise en place de plateformes de mise en relation directe entre établissements de santé et personnels volontaires, à l’instar de #Renforts-Covid, la plateforme mise en place dès le 20 mars par l’ARS d’Île de France et reprise par la plupart des ARS ([102]).

Bien que les renforts engagés dans ce cadre n’ont pas fait l’objet d’une consolidation nationale par le ministère des solidarités et de la santé, les plateformes déployées par les ARS sont parvenues à mobiliser un nombre important de renforts en personnels soignants. Au 1er avril, selon les informations parues dans la presse, la plateforme #Renforts-Covid avait envoyé plus de 5 500 soignants en mission. À la date du 20 avril, l’ARS Grand-Est comptait 5 381 volontaires, dont 46 % de soignants inscrits sur sa plateforme régionale. 235 personnes avaient à la même date été mobilisées. En Île-de-France, les candidatures spontanées et les mobilisations internes aux établissements ont fourni un renfort de 500 personnes au mois de mars ([103]).

B.   LA CRÉATION D’UNE PLATEFORME NATIONALE ET LA MOBILISATION DE RENFORTS INTERRÉGIONAUX

Un système de renforts interrégionaux a également été organisé par le ministère des solidarités et de la santé pour répondre aux besoins de territoires particulièrement sous tension et en raison de la saturation de la plateforme d’inscription de la réserve sanitaire.

Un formulaire d’inscription de volontaires, opérationnel le 25 mars, a permis de recenser des renforts en personnels soignants, mis à la disposition des ARS par l’intermédiaire de la plateforme Symbiose. Le 27 mars, deux jours après le lancement de l’initiative, 9 000 personnes s’étaient inscrites et à la date du 24 avril, le nombre total d’inscrits était de 34 136 personnes dont 70,7 % avec une mobilité régionale et 29,3 % une mobilité nationale ([104]).

Le centre de crise sanitaire du ministère de la santé a également organisé un transfert de personnels soignants vers les régions les plus touchées par l’épidémie. À la date du 6 mai, une quinzaine d’opérations de transferts de personnel des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), Occitanie, Nouvelle Aquitaine, Bretagne et Auvergne-Rhône-Alpes vers les régions Grand-Est et Île-de-France avaient ainsi été organisées. Ces opérations ont permis de renforcer significativement le nombre de soignants disponibles dans ces deux régions :

– en Île de France, à la date du 18 avril, la plateforme Symbiose avait permis de mobiliser 595 volontaires, dont 70 % de personnels infirmiers ([105]), 14 % de médecins et 8 % d’aides-soignants ([106]). Les renforts provenaient majoritairement des régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et PACA ;

renforts de personnels soignants en Île-de-france

IDF

Source : Ministère des solidarités et de la santé, transmis le 6 mai à la Mission d’information.

– dans la région Grand-Est, la plateforme Symbiose a permis de mobiliser 95 volontaires venant d’autres régions, qui ont été affectés à Mulhouse, Colmar, Épinal et Strasbourg. Parmi ces volontaires, 28 % étaient médecins, 61 % appartenaient au personnel infirmier et 11 % étaient aides-soignants. 48 % de ces personnes venaient de Nouvelle-Aquitaine, 42 % de la région PACA, 9 % d’Occitanie et 2 % d’Auvergne-Rhône-Alpes.

III.   LA RÉQUISITION DE PERSONNELS SOIGNANTS

Des opérations de réquisitions de personnels ont également contribué à répondre aux tensions en matière de personnels soignants dans certaines régions. Ces opérations sont décidées par le représentant de l’État dans le territoire et s’inscrivent dans le cadre des mesures réglementaires d’application de la loi du 23 mars 2020 instituant l’état d’urgence sanitaire ([107]).

Selon les données transmises par le ministère de la santé, à la date du 21 avril 2020, 198 personnes avaient été réquisitionnées ([108]), 83 % d’entre elles l’ayant été par la région PACA et la région Île-de-France :

– 96 personnes ont été réquisitionnées le 12 avril par la région PACA au profit de l’Île-de-France. Une majorité de ces professionnels (71 %) sont des infirmiers, 13,5 % sont des aides-soignants, et 12,5 % sont des médecins ;

–  70 personnes ont par ailleurs été réquisitionnées en Île-de-France, dont 53 par le département de l’Essonne au profit des EHPAD et 17 par le département de la Seine-et-Marne au profit des secteurs sanitaire et médico-social. En Seine-et-Marne, certaines réquisitions initialement fixées à 15 jours ont été prolongées jusqu’au 10 mai inclus ;

– 32 personnes ont été réquisitionnées par les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Normandie, et Bourgogne-Franche-Comté.

rÉquisitions de personnel par régions

C:\Users\aderoubin\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\réquisitions.PNG

Source : Ministère des solidarités et de la santé, transmis le 6 mai 2020 à la mission d’information.

 

 


  1  

FICHE 6 : LES ÉQUIPEMENTS DE PROTECTION (MASQUES)

Au début de la crise, le stock national de masques de protection géré par Santé publique France se trouvait à un étiage bas, soit environ une centaine de millions de masques chirurgicaux ; le stock était inexistant pour les masques les plus protecteurs, soit les FFP2, destinés aux personnels soignants.

Pour faire face à lexplosion des besoins, l’État a fait procéder à des commandes massives de masques : au 28 mai 2020, lagence Santé publique France avait commandé 3,42 milliards d’unités, dont 2,4 milliards de masques chirurgicaux et 978 millions de masques FFP2, pour un total de 2,55 milliards d’euros. S’y ajoutent 496 millions de masques en cours de négociation par SPF, soit près de 4 milliards de masques au total, sur les 4,8 milliards demandés par le ministère de la santé.

Parallèlement à ces commandes, l’État a procédé à des réquisitions et a soutenu le développement des capacités de production nationales.

L’État a assuré la distribution de plus de 580 millions de masques entre le 24 février et le 16 mai, pour lessentiel aux établissements de santé et aux professionnels de santé.

1.   L’état des lieux au début de la crise : des stocks nationaux de masques à un étiage bas

● Lors de l’émergence d’un agent à transmission respiratoire hautement pathogène, tel que le Covid-19 ou encore le SRAS, l’usage d’un masque de protection respiratoire est préconisé pour le patient atteint et ceux qui sont à son contact, afin de prévenir la transmission de la maladie. On distingue deux catégories de masques :

– les masques anti-projections, ou masques chirurgicaux, destinés au patient atteint, afin d’éviter, lors de l’expiration de celui qui le porte, les projections de salive ou de sécrétions respiratoires des voies aériennes supérieures, par voie de gouttelettes notamment ; ils ne sont toutefois pas conçus pour protéger le porteur lors de l’inspiration, leur capacité à filtrer l’air étant insuffisante ([109]) ;

– les appareils de protection respiratoire, tels que les masques de type FFP2 (filtering facepiece particles) ou FFP3 ([110]) : il s’agit de masques filtrants qui protègent le porteur, en général celui qui est au contact du patient (donc un soignant), contre les risques d’inhalation d’agents infectieux par voie aérienne (particules en suspension dans l’air) – et a fortiori par gouttelettes.

L’usage des masques FFP2, beaucoup plus protecteurs, est préconisé pour les personnels directement exposés à un risque élevé, comme les professionnels de santé, les personnels de laboratoires, les personnels de secours, les personnels des établissements de ramassage et de traitement des déchets… ([111]).

● Dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre les épidémies, l’agence Santé publique France (qui a succédé à l’EPRUS pour cette mission, voir supra), est chargée de gérer les stocks d’État d’équipements de protection des populations en cas de crise sanitaire ([112]), parmi lesquels les masques.

Le stock de masques chirurgicaux s’élevait à un milliard d’unités avant le début de la pandémie de grippe H1N1, en 2009 ; il s’est quelque peu réduit au début des années 2010, pour se stabiliser entre 730 et 760 millions d’unités jusqu’en 2018.

Après une saisine de la DGS demandant en avril 2017 à SPF de contrôler la qualité des 613 millions de masques chirurgicaux adultes acquis entre 2003 et 2005, l’expertise menée a conclu en octobre 2018 que ces masques n’étaient plus conformes et ne pouvaient plus être utilisés. 232,9 millions de masques chirurgicaux ont été détruits en 2019, après 19,6 millions en 2018. Parallèlement, une commande de 100 millions de masques a été passée en juillet 2019, la réception de ces masques étant prévue entre octobre 2019 et mars 2020 ; 32,7 millions d’unités ont été livrées en 2019 à ce titre.

Évolution du stock de masques chirurgicaux gérés par l’EPRUS puis par SPF

(en millions d’unités)

Source : mission d’information, sur la base d’informations transmises par Santé publique France

Selon les chiffres transmis par SPF, le stock de masques chirurgicaux à la fin de l’année 2019 atteignait 534,5 millions dunités. Dans ce chiffre, étaient inclus 360 millions de masques déclarés non conformes en octobre 2018, qui avaient donc vocation à être détruits, ainsi que 72 millions de masques arrivant à péremption fin 2019. Le nombre de masques utilisables au début de l’année 2020, en incluant les masques dont la date de péremption venait juste d’être franchie, s’élevait donc à 174,5 millions, et à 102,5 millions sans les inclure.

Le stock des masques FFP2 a quant à lui décru de façon continue à partir de 2011, pour être ramené à quasiment 0 en 2016.

Évolution du stock de masques FFP2 gérés par l’EPRUS puis par SPF

(en millions d’unités)

Source : mission d’information, sur la base d’informations transmises par Santé publique France

● La diminution des stocks de masques chirurgicaux et FFP2 gérés par SPF s’inscrit dans une évolution de la doctrine de lusage des masques et des stocks détenus par lÉtat, qui a été engagée à partir de 2011.

Dans son avis sur la stratégie à adopter concernant le stock d’État de masques respiratoires du 1er juillet 2011 ([113]), le HCSP a préconisé de réserver l’usage des masques FFP2 aux personnels les plus exposés, notamment les personnels soignants ; il a également recommandé que le stock d’État soit composé de masques anti-projections et de masques FFP2 ([114]). Une instruction ministérielle du 2 novembre 2011 relative à la préparation de la réponse aux situations exceptionnelles dans le domaine de la santé a par ailleurs établi une distinction entre deux types de stocks de produits de santé, d’une part les stocks « stratégiques » détenus et gérés par l’État et l’EPRUS, et d’autre part, les moyens dits « tactiques » qui sont gérés par les établissements de santé ([115]).

Puis, le 16 mai 2013, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a publié une « Doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire » ([116]), qui renvoie aux employeurs, y compris les établissements de santé, l’obligation d’assurer la protection de leurs salariés par la fourniture de masques et de constituer des stocks à cet effet, dans le cadre de son obligation de protection générale des salariés prévue par le code du travail. Cette nouvelle doctrine a conduit à ce que le stock de masques de l’État soit désormais réservé à la protection des malades et de leurs contacts étroits, tandis que les masques destinés aux salariés, et notamment aux personnels soignants, devaient être fournis par les employeurs. Cela justifie que le stock de masques FFP2 de l’EPRUS, puis de SPF, n’ait pas été renouvelé au fur et à mesure que ces équipements arrivaient à péremption ([117]).

2.   Les mesures prises pour faire face aux besoins dans le cadre de la crise Covid‑19

Compte tenu du faible niveau des stocks de masques détenus par l’État et de la croissance exponentielle des besoins liés à l’épidémie de Covid-19, notamment dans les établissements de santé, plusieurs mesures ont été prises par les pouvoirs publics.

a.   Des mesures de réquisition et de soutien à la production nationale

● Des mesures de réquisition ont été prises par décret à partir du 3 mars ([118]), afin d’assurer un accès prioritaire des professionnels de santé aux masques. Le décret n° 2020-390 du 13 mars 2020 prévoit ainsi la réquisition jusqu’au 31 mai 2020 des stocks de masques chirurgicaux détenus par les entreprises qui en assurent la fabrication ou la distribution et des stocks de masques de type FFP2 détenus par toute personne morale de droit public ou privé ([119]).

Selon les informations transmises à la mission par SPF, le nombre total de réquisitions de stocks de masques auprès des fournisseurs français s’est élevé à 44 millions d’unités, pour un montant de 55,34 millions d’euros, au 31 mai. Une entreprise française produisant en Chine est également tombée sous le régime de la réquisition à hauteur de 58,8 millions de masques, pour 33,9 millions d’euros.

● La mobilisation des capacités de production nationales : la France fait partie des quatre pays européens disposant encore de capacités de production de masques sur son territoire. Le Gouvernement a soutenu les efforts des quatre entreprises françaises concernées pour accroître leur production, afin de faire face à l’explosion des besoins ; la fabrication hebdomadaire est passée de 3,5 millions avant la crise à 20 millions à la fin du mois de mai, l’objectif fixé étant de la faire passer à 50 millions au mois d’octobre ([120]). Le développement de capacités industrielles supplémentaires sera également soutenu, avec l’installation de nouvelles lignes de production.

Par ailleurs, le ministère de l’économie et des finances a pris des mesures pour encourager la production sur le territoire national de masques dits grand public, lavables, leur usage donnant lieu à validation par le Haut Conseil de la santé publique et le Conseil scientifique Covid-19.

b.   La passation de commandes massives, atteignant 3,9 milliards de masques

● Des commandes massives de masques de protection, qu’il s’agisse de masques chirurgicaux ou FFP2, ont été réalisées par SPF, sur la saisine du ministère de la santé, via la DGS ([121]). Au total, à compter de la première saisine du 30 janvier, et jusqu’au 19 mai, SPF a reçu 18 lettres de saisine lui demandant de réaliser des commandes de masques ([122]).

Au 28 mai dernier, le ministère des solidarités et de la santé avait demandé à SPF l’acquisition de 4,78 milliards de masques, dont 3,21 milliards de masques chirurgicaux, 1,3 milliard de masques FFP2, 200 millions de masques chirurgicaux ou FFP2, 900 000 masques FFP3 et 62,85 millions de masques pédiatriques.

À la même date, SPF avait procédé à l’acquisition de 3,42 milliards de masques, dont 2,4 milliards de masques chirurgicaux. En prenant en compte les commandes en cours de négociations, ce montant atteignait 3,92 milliards de masques, dont 2,84 milliards de masques chirurgicaux et 1,03 milliard de FFP2.

Répartition des saisines et des commandes de masques par catégories,
au 28 mai 2020

(en millions d’euros)

Note de lecture : une saisine du ministère des solidarités et de la santé portait sur 200 millions de masques chirurgicaux ou FFP2 ; par convention, cette saisine a été inscrite au titre des masques chirurgicaux dans le présent graphique. Les commandes de masques FFP3 représentaient 0,9 million, et ont été passées dans leur intégralité.

Source : mission d’information, sur la base des informations transmises par SPF

● Selon les informations transmises par SPF, l’écart entre les saisines formulées par la DGS et les commandes faites par SPF s’explique par les fortes contraintes rencontrées lors des négociations commerciales, qui conduisent à obtenir des quantités à la hausse ou à la baisse par rapport aux prévisions initiales évaluées par la cellule de crise.

De façon générale, l’explosion de la demande mondiale de masques a exercé une pression considérable sur les négociations, ce qui sest traduit également par la hausse des prix unitaires et leur très grande instabilité, d’un jour ou d’une semaine à l’autre. Autre difficulté, les normes appliquées par les autorités chinoises pour les exportations de masques ont évolué au fil du temps, et les fournisseurs chinois ont fait varier leurs offres au cours des négociations du fait des nouveaux contrôles exigés par les autorités chinoises, ce qui a un impact sur les quantités livrées et exportées. Enfin, les négociations ont parfois été interrompues, soit en raison de l’avis négatif de l’ANSM sur les certificats de conformité des produits, soit en raison de suspicion de contrefaçons de certains fournisseurs.

Les premières acquisitions avaient pu être réalisées via un grossiste répartiteur auprès duquel SPF a souscrit un accord-cadre de fourniture de produits pharmaceutiques (Alliance Healthcare), mais cet accord s’est révélé insuffisant pour répondre aux volumes des commandes attendues. SPF a donc été conduit à lancer des procédures d’achat dans des conditions dérogatoires, sans publicité ni mise en concurrence, sur le fondement de l’urgence impérieuse telle que prévue par l’article R. 2122-1 du code de la commande publique

Les règles de passation, de procédure et d’exécution des marchés publics ont par ailleurs été adaptées et assouplies par la loi précitée du 23 mars 2020 et l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 ([123]), ce qui a permis de faciliter les négociations, notamment pour le versement des avances exigées par les fournisseurs chinois pour garantir les acquisitions ([124]), dans un contexte de forte concurrence internationale.

● Les graphiques ci-après présentent les commandes de masques FFP2 et chirurgicaux qui ont été engagées à la demande du ministère de la santé à partir de la fin du mois de janvier.

Évolution des saisines du MSS et des commandes engagées et en négociations par SPF pour les masques FFP2

(en millions de masques)

Note de lecture : aux commandes engagées et aux commandes engagées ou en négociations, s’ajoutent des dons à hauteur de 3 millions de masques FFP2.

Source : mission d’information, sur la base des données transmises par Santé publique France.

Évolution des saisines du MSS et des commandes engagées et en négociations par SPF pour les masques chirurgicaux

(en millions de masques)

Note de lecture : aux commandes engagées et de commandes engagées ou en négociations, s’ajoutent des dons à hauteur de 7 millions de masques chirurgicaux.

Source : mission d’information, sur la base des données transmises par Santé publique France.

● Les commandes engagées par SPF représentaient au 28 mai dernier un coût total de 2,55 milliards deuros au titre des commandes engagées, dont 981 millions d’euros d’avances ([125]). À ce montant, il convient d’ajouter le coût de la mise en place du pont aérien, estimé à hauteur de 300 millions d’euros et supporté par le ministère des solidarités et de la santé.

Dépenses engagéEs par SPF au titre des commandes de masques chirurgicaux, FFP2, FFP3 et pédiatriques

(en millions d’euros)

Source : mission d’information, sur la base des données transmises par Santé publique France

Le coût total estimé, en incluant les commandes en cours de négociations au 28 mai 2020 pour 496 millions de masques, s’établit à 2,8 milliards deuros :

– 1,14 milliard deuros pour les masques chirurgicaux

– et 1,63 milliard deuros pour les masques FFP2 ([126]).

Le coût unitaire moyen constaté sur les commandes engagées par SPF s’élève à 0,41 euro pour les masques chirurgicaux et à 1,56 euro pour les masques FFP2, soit des montants nettement supérieurs à ceux d’avant l’épidémie ([127]).

Enfin, outre les commandes passées par l’État par l’intermédiaire de SPF, les collectivités territoriales, notamment les régions, ont également procédé à des acquisitions de masques.

● Dans le cadre des commandes passées par SPF, 774,3 millions de masques avaient été reçus à la fin de la semaine du 18 mai ; toutefois, aux termes des dispositions contractuelles, étaient attendues à cette date des livraisons à hauteur de 1,153 milliard de masques, ce qui illustre les difficultés logistiques rencontrées, notamment en termes d’acheminement.

3.   La distribution des stocks de masques en fonction des besoins

● Comme l’a souligné le ministre des solidarités et de la santé devant la mission, le manque de masques de protection, du fait de stocks insuffisants a imposé de hiérarchiser leur distribution. L’État a privilégié les territoires dans lesquels le virus circulait le plus activement et en donnant la priorité aux professionnels de santé qui étaient au contact avec les malades dans les zones les plus actives, notamment les services d’urgence, de réanimation et de soins intensifs.

À partir du 16 mars 2020, le ministère de la santé a mis en place un dispositif logistique spécifique pour approvisionner les personnels soignants en masques, selon deux flux distincts :

– l’un vers les 136 groupements hospitaliers de territoire (GHT), chargés ensuite de doter les 14 000 établissements de santé, EHPAD et autres établissements médico-sociaux dans leur zone de responsabilité, ainsi que les services à domicile et les transporteurs sanitaires ;

– l’autre vers les 21 000 pharmacies d’officine, chargées de doter les professionnels de santé du secteur libéral (médecins, infirmiers, sages-femmes, kinésithérapeutes, etc.) et assimilés (aides à domicile, accueillants familiaux…)  ([128]).

● La quantité de masques distribués, ainsi que les types de bénéficiaires, ont évolué au cours de la crise sanitaire en fonction des ressources disponibles et de l’évolution de la situation. Jusqu’à la semaine du 30 mars, la distribution a porté sur environ 25 millions de masques par semaine, avant de s’élever à environ 40 millions de masques par semaine à compter de la première semaine davril pour atteindre enfin 100 millions de masques par semaine depuis le 11 mai 2020.

Répartition par type de bénéficiaires des masques distribués par le ministère des Solidarités et de la santé entre le 16 mars et le 24 mai 2020

(en millions)

 

Entre le 16 mars et le 6 mai

Entre le 16 mars et le 24 mai

 

Masques chirurgicaux

Masques FFP2

Masques chirurgicaux

Masques FFP2

Masques pédiatriques

Établissements de santé

110,1

28,2

187,2

44,9

0,3

Établissements dhébergement de personnes âgées dépendantes

25,2

-

44,1

-

-

Services à domicile

17,8

-

61,7

-

0,6

Autres médico-social

28,1

-

Hospitalisation à domicile

nc

nc

6,3

0,1

-

Cas suspects, confirmés, contacts

nc

nc

33,6

-

-

Personnes à très haut risque

nc

nc

53,6

nc

-

Transporteurs sanitaires

2,6

-

5,2

0,1

-

Pompiers

1,9

-

4,2

0,1

-

Dentistes

-

0,25

nc

nc

-

Prestataires de services et distributeurs de matériels

0,6

-

0,9

-

-

Établissement français du sang

0,9

-

0,9

-

-

Professionnels de santé libéraux

44,9

7,2

72,5

12,5

6,5

Urgences

nc

nc

1,8

0,6

 

Laboratoires médicaux

nc

nc

0,3

0,64

 

Total

232,1

35,7

472,1

58,6

7,4

Source : ministère des solidarités et de la santé

Avant la mise en place de ce dispositif, 36,6 millions de masques avaient été distribués entre le 24 février et le 15 mars, dont 25 millions auprès des établissements de santé de France hexagonale et 11,6 millions pour les professionnels de santé libéraux, via les pharmacies d’officine.

Par ailleurs, le nombre de masques distribués en outre-mer à l’initiative du ministère des solidarités et de la santé entre le 4 février et le 24 avril s’est élevé à 4,9 millions pour les masques chirurgicaux et 0,77 million pour les masques FFP2.

Au total, ce sont au moins 580 millions de masques qui ont été distribués entre le 24 février et le 16 mai, dont 257 millions pour les établissements de santé et 103,1 millions pour les professionnels de santé.

 

 

 

 


  1  

FICHE 7 : TESTS ET STRATÉGIE DE DÉPISTAGE

La capacité de détecter les personnes atteintes par le virus, d’une part, et celles qui seraient immunisées après avoir été malades, d’autre part, constitue un enjeu important de la gestion de la crise sanitaire.

La progression des connaissances sur les caractéristiques de la maladie au fil de l’épidémie a conduit à ladoption de doctrines de dépistages qui ont évolué en fonction de lobjectif recherché et qui ont été contraintes, en partie, par la nécessité de disposer de tests en quantité suffisante et suffisamment fiables pour pouvoir être utilisés efficacement.

1.   La détection de l’infection au SARS-CoV-2

Les tests virologiques

Les tests aujourd’hui utilisés pour diagnostiquer le SARS-CoV-2 reposent sur la technique « RT-PCR » (Reverse Transcriptase Polymerase Chain Reaction, ou « réaction en chaîne par polymérase après transcription inverse »). Cette technique consiste, à partir d’un échantillon biologique (issu par exemple d’un prélèvement nasopharyngé ou oropharyngé, ou d’un fluide de lavage bronchoalvéolaire), à multiplier à grande échelle une séquence du matériel génétique du virus de façon à en obtenir rapidement une quantité exploitable, permettant de caractériser sa présence ou son absence dans le prélèvement.

La PCR est un moyen très performant de diagnostic direct des maladies infectieuses ou parasitaires, notamment dans les phases précoces de l’infection car cette technique a des seuils de détection très bas (la présence de quelques copies de génome viral peut donner naissance en deux ou trois heures à plusieurs milliards de fragments identiques).

Depuis le début de la crise sanitaire, la capacité de dépistage des infections au SARS-CoV-2 a progressivement augmenté grâce à la commande de tests et l’augmentation de la production, la mobilisation des laboratoires et l’achat des équipements nécessaires à leur réalisation.

a.   Le suivi des tests réalisés

Le suivi précis du nombre de tests réalisés est cependant rendu difficile par un système de recensement qui ne sest construit que progressivement.

Les premières données disponibles sont celles publiées en Open-data par SPF. Elles reposent sur la remontée automatisée des données individuelles du réseau 3labos, c’est-à-dire de trois groupes de laboratoires de ville centralisateurs de prélèvements en métropole et dans les DOM (Cerba-Eurofins, Biomnis, Inovie) et des données issues des laboratoires hospitaliers, sachant que les premiers tests de diagnostic ont été disponibles à compter du 9 mars dans les laboratoires de ville. Ces données sont donc incomplètes et ne reflètent pas la capacité diagnostique réelle sur le territoire. Elles donnent cependant une idée de l’évolution du nombre de tests réalisés au cours des premières semaines de la crise.

On constate une montée en puissance de la capacité de tester du réseau pour atteindre dans la semaine du 6 avril un maximum de 125 000 tests par semaine, dont environ 90 000 sont effectués à l’hôpital et plus de 35 000 en ville (ces dernières données du réseau 3labos étant partielles), avant un reflux ensuite qui s’explique par le ralentissement de l’épidémie.

Nombre hebdomadaire de tests réalisés par les laboratoires
du réseau 3 labo sur des prélèvements de ville uniquement,
nombre de tests positifs et taux de positivité pour le SARS-CoV-2, en France, depuis le 9 mars 2020 (N : 173 989, n positifs : 25 188)

Source : Santé publique France

Le nombre hebdomadaire de tests réalisés dans les laboratoires hospitaliers a dépassé les 90 000 en semaine 13 (du 23 au 30 mars) avant de décroître ensuite pour les mêmes raisons ([129]). Au total, du 24 février au 3 mai 2020, 627 464 tests dont 20 % se sont révélés positifs pour le SARS-CoV-2 ont été réalisés dans les laboratoires hospitaliers ([130]).

Devant la nécessité de disposer des indicateurs hebdomadaires du nombre de tests réalisés par région, notamment dans la perspective d’un déconfinement au 11 mai, le ministère de la santé a mis en place dès la mi-avril un flux d’information en provenance des ARS. Les premières données issues de ce recensement montrent la croissance constante du nombre de tests effectués corrélée à l’élargissement progressif de la doctrine de dépistage.

Nombre de tests hebdomadaires (données ARS)

Semaine

Total *

Semaine 17 (20/04 au 26/04)

137 389

Semaine 18 (27/04 au 03/05)

196 887

Semaine 19 (04/05 au 10/05)

213 044

Semaine 20 (11/05 au 17/05)

294 453

* Les premières remontées étant partielles, les données de la semaine 17 sont données à titre indicatif.

Source : ministère de la solidarité et de la santé

La loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ayant autorisé la mise en place d’un système d’information, le système SI-DEP (système d’information de dépistage) destiné à effectuer un recensement de l’ensemble des patients testés en France dans les laboratoires de ville et dans les laboratoires hospitaliers a été mis en place dès le 13 mai 2020 ([131]). Ce système d’information relié directement et en temps réel aux laboratoires, privés et publics, est devenu pleinement opérationnel en semaine 21 pour une majorité de régions même si, comme le signale le ministère des solidarités et de la santé, des disparités territoriales peuvent encore exister.

Selon les premières données du SI-DEP, au cours de la semaine 21 (du 18 au 24 mai 2020) 230 781 tests de dépistage ont été réalisés, soit 33 000 tests par jour ([132]).

b.   L’augmentation des capacités de dépistage

La dimension mondiale de l’épidémie a créé des tensions fortes sur les approvisionnements en réactifs et les matériels nécessaires à la réalisation des prélèvements.

Pour disposer de réactifs et de matériel de prélèvement en quantités suffisantes, l’État a sécurisé auprès des principaux fournisseurs de réactifs un engagement de livraison de 3,8 millions de tests pour la France ([133]) et a passé commande de 11,8 millions d’écouvillons à livrer entre le mois de mai et le début du mois de juin. Ces commandes se poursuivront pour les mois de juillet et août.

En parallèle, l’État a accompagné l’entreprise Lemoine, basée dans l’Orne, qui a développé une offre française d’écouvillons.

Pour mobiliser les capacités disponibles : 9 arrêtés de réquisition de laboratoires ont été pris entre le 10 et le 24 avril et 12 arrêtés ont porté autorisation de réaliser la phase analytique des tests SARS-CoV-2.

Des équipements de protection individuels ont été commandés par l’État à destination des centres de prélèvement qui en manquaient.

Enfin, pour réaliser les tests en grand nombre, il a été procédé à l’acquisition de 21 automates, machines à haut débit, capables chacune de réaliser entre 2 000 et 2 500 tests par jour. La quasi-totalité, soit 20, a déjà été installée. Ces automates ont été acquis grâce à un marché passé par la DGS. Le coût unitaire d’un automate est de 91 050 euros HT.

Date et lieu de livraison des automates

Numéro

Ville

Date livraison

1

LYON

30/03/2020

2

MONTPELLIER

30/03/2020

3

STRASBOURG

01/04/2020

4

LILLE

01/04/2020

5

DIJON

06/04/2020

6

POITIERS

15/04/2020

7

PARIS 1

07/04/2020

8

PARIS 2

07/04/2020

9

ROUEN

15/04/2020

10

RENNES

07/04/2020

11

TOULOUSE

17/04/2020

12

NANCY

17/04/2020

13

TOURS

21/04/2020

14

MARSEILLE

29/04/2020

15

NANTES

21/04/2020

16

MEDILYS

24/04/2020

17

CERBALLIANCE CÔTE d’AZUR NICE

07/04/2020

18

CLERMONT FERRAND

30/04/2020

19

ORLÉANS

05/05/2020

20

BORDEAUX

24/04/2020

21

AMIENS

En cours

Au 24 mai, la base de la DREES recense 929 laboratoires (dont 639 laboratoires de ville) en mesure de réaliser 199 900 tests par jour (dont 66 % en laboratoire de ville).

Au 11 mai, la capacité à tester était de 149 635 tests par jour, données recueillies selon un dispositif différent, la mise en place de la plateforme de la DREES n’ayant pas eu encore lieu. La répartition régionale était la suivante :

 

Région

Capacité danalyse journalière

Auvergne-Rhône-Alpes

16 133

Bourgogne-Franche-Comté

5 879

Bretagne

6 958

Centre-Val de Loire

7 000

Corse

770

Grand Est

17 766

Guadeloupe

1 216

Guyane

502

Hauts-de-France

10 100

Île-de-France

25 700

La Réunion

1 300

Martinique

600

Mayotte

424

Normandie

5 200

Nouvelle-Aquitaine

8 287

Occitanie

19 000

Pays de la Loire

7 800

Provence-Alpes-Côte dAzur

15 000

Total

149 635

 

 


2.   La nécessité de disposer de tests sérologiques fiables

Les tests sérologiques

Les tests sérologiques reposent sur la détection des anticorps spécifiques à un virus dans l’organisme d’un individu. La présence de ces anticorps permet théoriquement d’attester que la personne a subi une infection par le virus par le passé et leur absence est censée indiquer une absence d’exposition au virus. Il s’agit du seul moyen de déterminer de manière fiable la fraction de la population infectée.

Les informations fournies par ces tests sont complémentaires de celles obtenues à partir des tests PCR, mais ne peuvent s’y substituer. Elles ne permettent en effet pas de détecter une infection active, car la production d’anticorps par l’organisme n’est pas immédiate.

Ils sont réalisés sur des prélèvements sanguins (prise de sang ou goutte de sang prélevée au bout du doigt).

On distingue au sein des tests sérologiques, les tests ELISA automatisables et les tests unitaires.

Les premiers ne peuvent être effectués qu’au sein d’un laboratoire de biologie médicale. Ils sont réalisés, généralement par prise de sang, et apportent des informations sur la présence de différents types d’anticorps (IgM et IgG le plus souvent). Les tests unitaires sont quant à eux réalisés à partir d’une goutte de sang prélevée au bout du doigt, en laboratoire, mais aussi en pharmacie, en cabinet médical ou à domicile. Le test opère la détection d’une quantité donné d’anticorps mais pas son dosage. La réponse est donc binaire : si le sang contient moins d’anticorps que le seuil minimal, le résultat est négatif ; s’il en contient plus, le résultat est positif.

La mise au point de ces tests a été progressive, sachant que leur utilisation ne peut se faire sans que leurs résultats soient suffisamment fiables.

Le 21 mai, la première liste des tests sérologiques (et virologiques) dont les performances correspondent au cahier des charges de la HAS a été publiée après évaluation par le centre national de référence des virus des infections respiratoires (CNR) de l’institut Pasteur.

L’application SI-DEP permettra un décompte en temps réel des tests sérologiques réalisés. Dans cette attente, des sondages réguliers des laboratoires via la base DREES devraient permettre prochainement de disposer d’une estimation hebdomadaire de leur nombre.

3.   Des stratégies de dépistage dépendant de l’état de la science

Le nombre de tests effectués dépend de la capacité de tester, mais il est aussi largement dépendant de la stratégie de dépistage mise en œuvre, elle-même évoluant au fil des connaissances sur le SARS-CoV-2.

L’OMS préconise, le 16 mars, le dépistage de toutes les personnes présentant des symptômes de Covid-19.

En France, dans les premières semaines de l’épidémie, le test RT-PCR n’est effectué que sur prescription médicale pour les patients symptomatiques présentant des signes de gravité nécessitant une hospitalisation, pour une liste de patients à risque (immunodéprimés, diabétiques, insuffisants rénaux, hypertendus, etc.), pour les professionnels de santé et pour les personnes fragiles vivant en structure collective (EPHAD, handicap). Ces recommandations rejoignent celles du Haut Conseil de la santé publique, qui recommandait, le 31 mars, de dépister en priorité les personnes présentant des symptômes graves, les personnes symptomatiques présentant un risque de forme grave, les personnels soignants ou personnels de structures médico-sociales (dont EHPAD), ainsi que certains publics spécifiques (donneurs d’organes, femmes enceintes symptomatiques…) ([134]).

En outre, une campagne de dépistage dans les EHPAD a été engagée à partir du 7 avril, afin de faire face aux décès liés au coronavirus dans ces établissements depuis le début de l’épidémie. Cette opération repose sur le dépistage de « tous les résidents à compter du premier cas confirmé dès l’apparition de la maladie de coronavirus au sein de l’établissement ». Selon les données fournies par le ministère des solidarités et de la santé, depuis le 7 avril, au moins 159 000 résidents et 134 000 personnels d’EHPAD ont été testés.

La réussite du déconfinement, c’est-à-dire une reprise d’activité sans retour de l’épidémie, repose sur une stratégie de dépistage systématique par tests PCR de tout sujet symptomatique ainsi que de ses contacts avec un confinement individuel pour les cas détectés. Le développement des capacités permettra de répondre aux besoins évalués au total à 700 000 tests par semaine ([135]). En effet, l’avis du Conseil scientifique du 24 avril dernier indique que la priorité doit porter sur la disponibilité à large échelle de tests RT-PCR (plutôt que de tests sérologiques), réalisés sur prescription médicale, principal outil du diagnostic d’infection et du contrôle de l’épidémie.

La faiblesse des données sur la réponse immunitaire déclenchée lors d’une infection par le virus SARS-CoV-2 est un des facteurs qui a conduit à la prudence dans l’usage de ces tests. Il est en effet possible que la présence d’anticorps ne soit pas synonyme d’immunité à une seconde infection, par exemple en cas de faible concentration d’anticorps dans le sang, ou en l’absence d’anticorps protecteurs. Un communiqué de l’OMS en date du 23 avril indiquait qu’il n’existait à cette date « aucune preuve » selon laquelle les personnes guéries du Covid-19 étaient immunisées. Des études récentes vont dans le sens de l’existence d’une immunité protectrice, mais il reste que la durée de vie des anticorps dans le sang demeure encore inconnue.

La Haute autorité de santé (HAS) a estimé le 29 avril qu’une stratégie de tests systématiques de la totalité de la population n’était pas pertinente, notamment en raison de la faible prévalence de l’épidémie ([136]) mais que le dépistage devait être ciblé sur certaines catégories socio-professionnelles et populations pouvant avoir été en contact avec le virus.

Puis, le 2 mai, la HAS a recommandé l’utilisation de tests sérologiques pour toute personne ayant présenté des symptômes, sévères ou non, évocateurs du Covid‑19 et dont le diagnostic n’a pas été ou n’a pas pu être confirmé par RT-PCR, ainsi qu’à tous les soignants, au personnel travaillant dans des structures fermées ainsi que dans le cadre d’études épidémiologiques.

Le 19 mai, le projet de proposer à tous les soignants de bénéficier d’un test sérologique sur prescription médicale à compter de la semaine suivante est annoncé.

 

 


—  1  —

FICHE 8 : ILLUSTRATION DES ENJEUX DU DÉCONFINEMENT : REPRISE DE LÉCOLE, REDÉMARRAGE DES TRANSPORTS COLLECTIFS

La réouverture des établissements scolaires et l’organisation des transports en commun constituent deux enjeux majeurs du déconfinement du point de vue sanitaire. Dans la mesure où ils conduisent au rassemblement, dans des espaces clos, d’un grand nombre de personnes et peuvent de ce fait présenter un risque sanitaire, les modalités de leur organisation ont été mises au point dans le cadre du plan de déconfinement du Gouvernement.

Grâce à la mise en œuvre d’un protocole sanitaire national et à la mobilisation des élus locaux, de nombreux établissements scolaires ont rouvert dès le début du mois de mai et l’ensemble des écoles et collèges sont appelés à ouvrir progressivement à compter du 2 juin, sur tout le territoire.

Dans les transports collectifs, le redémarrage progressif s’effectue dans le cadre de mesures sanitaires strictes et contrôlées et les niveaux d’activité demeurent, à ce stade, différenciés selon les modes de transport. L’assouplissement –  voire la disparition –  de certaines restrictions, à compter du 2 juin, va permettre un redémarrage plus large et plus généralisé.

I.   LA REPRISE DE L’ENSEIGNEMENT EN PRÉSENTIEL

Limpact de la crise sanitaire induite par lépidémie de Covid-19 sur lorganisation de lenseignement scolaire, de la maternelle au lycée, a été considérable et continue de lêtre à la date de remise du présent rapport.

● Le maintien de la continuité pédagogique

Afin de protéger les enfants de l’épidémie et de permettre l’application du confinement de la population, l’ensemble des 62 000 écoles, collèges, lycées et centres de formation dapprentis ont été fermés pendant près de deux mois, du 16 mars au 11 mai, nécessitant une adaptation radicale des modes d’enseignement et une mobilisation considérable du personnel de l’éducation nationale pour assurer la continuité pédagogique.

L’enseignement à distance a été généralisé afin de permettre aux élèves de poursuivre, de manière aussi complète que possible, les enseignements dont ils auraient bénéficié en présentiel. Outre les environnements numériques de travail, dont sont dotés la plupart des établissements, les enseignants ont eu recours à des moyens nouveaux, mis en œuvre à l’échelle nationale, notamment grâce à la mobilisation du Centre national d’enseignement à distance ([137]).

Au total, 230 000 classes ont pu se tenir virtuellement chaque jour, la plateforme mise en place à cet effet ayant permis la connexion quotidienne de 2,6 millions d’usagers.

Par ailleurs, un dispositif de transmission postale de devoirs par les enseignants a été mis en place grâce à un partenariat avec le groupe La Poste, permettant ainsi de remédier à la précarité numérique de certains élèves ; un million de pages ont été transmises sur la période, par 25 000 utilisateurs. En outre, près de 20 000 enseignants ont également été mobilisés pendant les vacances de printemps pour assurer un soutien scolaire à distance à quelque 156 000 élèves.

L’Éducation nationale a également développé le label « Nation apprenante » pour faciliter l’identification des programmes éducatifs diffusés par les médias audiovisuels et écrits, publics comme privés. L’audiovisuel public, avec les offres numériques telles que Lumni et Educ’Arte, mais aussi grâce à l’offre linéaire de la chaîne France 4, a contribué au succès de cette opération ([138]).

Pendant cette période, certains établissements ont continué d’accueillir les enfants des personnels soignants puis des personnels de la sécurité intérieure. Ce sont ainsi 30 000 enfants qui ont pu être accueillis du lundi au dimanche, grâce au concours de nombreux enseignants et agents des collectivités territoriales.

● Une réouverture progressive sur la base du volontariat et entourée de garanties

En dépit de cette remarquable mobilisation du corps enseignant, le constat a été fait que dans certains territoires, une proportion significative d’élèves a immédiatement « décroché », particulièrement dans les lycées professionnels ([139]). La réactivité des chefs d’établissements comme des enseignants a toutefois permis d’endiguer partiellement ce phénomène, qui devrait faire l’objet d’un dispositif spécifique d’identification, comme l’a annoncé le ministre de l’Éducation nationale le 28 mai dernier.

La préoccupation de ne pas creuser davantage les inégalités scolaires ainsi que des considérations sociales ont donc conduit le Gouvernement à envisager la réouverture progressive des établissements scolaires dans le cadre du plan de déconfinement.

Même si la date retenue n’était pas celle préconisée par le Conseil scientifique, cette décision a été appuyée par le corps médical, dont certains représentants, notamment des pédiatres, ont souhaité une réouverture complète des établissements scolaires, considérant que l’école ne constituait pas, en tant que telle, un lieu particulièrement sensible de propagation de l’épidémie. Des considérations liées à l’accroissement des violences intrafamiliales pendant le confinement ont aussi justifié le caractère impérieux de ce retour à l’école pour une partie des élèves.

Ainsi, à compter du 11 mai, des établissements scolaires ont pu, dans tout ou partie des départements, accueillir à nouveau les élèves de certaines classes, sur la base du volontariat et en donnant la priorité, au-delà des enfants des soignants et d’autres personnels assurant des missions de service public, aux élèves les plus en difficulté.

Au cours de la semaine du 11 mai, 40 000 écoles maternelles et élémentaires, sur l’ensemble du territoire, ont repris leurs activités, tandis que 4 000 collèges, dans les départements où la circulation du virus était faible, ont pu, à partir du 18 mai, accueillir les élèves de 6e et de 5e, la décision relative à la réouverture des autres niveaux de classes, dont les lycées, étant reportée à la fin du mois de mai compte tenu de la propagation encore rapide, au début du mois, du virus.

Au total, 80 % des écoles et 95,5 % des collèges situés en zone verte avaient rouvert leurs portes à la fin du mois de mai ; cette moyenne ne reflète cependant pas les différences qui ont pu exister d’un territoire à l’autre en raison d’une situation différente au regard de l’épidémie.

Pour assurer la sécurité sanitaire des élèves et des personnels dans le contexte d’un épisode épidémique persistant, des mesures drastiques ont été mises en œuvre pour encadrer la reprise physique des cours. Un protocole sanitaire strict a ainsi été établi au niveau national, portant tout à la fois sur la limitation des effectifs accueillis et la circulation des personnes à l’intérieur de l’établissement  indispensables au respect de la distance sociale requise pour limiter la propagation du virus , le respect des gestes barrières et le port du masque des personnels et des collégiens, ainsi que sur la désinfection régulière des locaux et des surfaces de contact (poignées, rampes, etc.).

La possibilité pratique de respecter ce protocole, qui suppose une réorganisation de l’accueil dans les écoles, des mesures de désinfection régulières et un personnel mobilisé sur des tâches nouvelles, a légitimement suscité l’inquiétude des responsables locaux, au premier rang desquels les maires.

Pour répondre à la question de la responsabilité juridique des exécutifs locaux et des chefs détablissement, le Parlement a adopté, dans le cadre de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, une disposition prévoyant que l’engagement de la responsabilité pénale au titre de l’article L. 123‑1 du code pénal devait tenir compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont les personnes disposaient dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de leurs missions ou de leurs fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur ([140]).

À compter du 2 juin, la réouverture des établissements scolaires, qui demeure soumis au protocole sanitaire national, doit connaître une forte accélération. Ainsi, toutes les écoles et classes de collège de 6e et 5e doivent rouvrir sur l’ensemble du territoire, tandis qu’en zone verte, les classes de 4e et 3e pourront également accueillir leurs élèves. Compte tenu de la limitation des effectifs susceptibles d’être accueillis, l’enjeu, pour les écoles et les collèges, sera de permettre laccueil de lensemble des élèves, dans les établissements, mais également dans le cadre dactivités culturelles et sportives – dispositif dit « Sport, santé, civisme et culture » (« 2S2C ») –, grâce à la mobilisation des acteurs territoriaux, notamment associatifs et culturels.

L’ensemble des lycées des départements « verts » doivent également rouvrir à partir du 2 juin. Ils accueilleront progressivement les élèves, sur au moins l’un des trois niveaux. En zone orange, seuls les lycées professionnels, pour l’accueil des élèves attendant leur certification professionnelle, pourront rouvrir jusqu’à nouvel ordre ; les lycées généraux et professionnels situés en zone orange pourront cependant accueillir les élèves pour assurer leur orientation professionnelle. Les épreuves orales du bac de français ont, par ailleurs, été annulées, l’évaluation devant se faire par le biais du contrôle continu des deux premiers trimestres scolaires.

Enfin, si la date des vacances d’été, fixée au 4 juillet, n’a pas été modifiée, le ministre de l’Éducation nationale a annoncé la mise en place de « vacances apprenantes » dans des établissements scolaires qui demeureraient ouverts pendant l’été, afin de remédier aux conséquences des situations de décrochage constatées pendant la période de fermeture des établissements.

II.   LE REDÉMARRAGE DES TRANSPORTS COLLECTIFS

Loffre de transport collectif a été extrêmement limitée durant le confinement, conséquence logique de l’interdiction des déplacements et également moyen de la garantir. Les niveaux de service ont été ainsi volontairement maintenus très bas, et uniquement destinés à assurer les déplacements des personnels essentiels à la vie de la Nation. En conséquence, le secteur des transports – cela concerne d’ailleurs également le transport de marchandises – a été très exposé durant cette crise et limpact économique, notamment sur les opérateurs, est considérable ([141]).

L’organisation des transports collectifs a été un des enjeux majeurs du déconfinement. Bien qu’ils soient indispensables au redémarrage de l’activité économique, ils n’en présentent pas moins des facteurs de risques, notamment en cas de fréquentation très élevée. Des mesures sanitaires très strictes ont donc été mises en place. La levée de certaines restrictions, à partir du 2 juin, va permettre un redémarrage plus large et plus généralisé.

● Le redémarrage des transports collectifs est encadré par des mesures sanitaires strictes, bien que partiellement assouplies dans la seconde phase du déconfinement.

Malgré le déconfinement, lusage des transports collectifs demeure réglementé par des mesures qui ont été notamment définies dans le décret du 11 mai ([142]) pour le premier stade, puis dans celui du 31 mai ([143]) pour la période démarrant au 2 juin.

Certaines sont communes à tous les types de transports : port du masque obligatoire pour tout usager de onze ans ou plus ; mise à disposition de gel hydroalcoolique ou d’un point d’eau avec du savon ; désinfection renforcée notamment sur les zones de contact ; affichages et rappels sonores des gestes barrières. Dans le transport aérien, la présentation d’une attestation sur lhonneur dans laquelle l’usager indique ne pas présenter de symptômes du Covid-19 est par ailleurs obligatoire et des contrôles de température sont possibles. En cas de refus de s’y soumettre, l’accès à l’aéronef peut être refusé. Dans le transport maritime, il est possible de demander aux usagers de présenter une telle attestation.

Dans les transports en commun, l’opérateur est chargé d’établir un plan de circulation afin de gérer au mieux les flux. L’accès peut être réservé, à certaines heures, aux seules personnes effectuant un déplacement pour des motifs spécifiques, qui doivent se munir d’un justificatif le prouvant. Ainsi, en Île‑de‑France, une attestation justifiant le motif du déplacement doit être présentée pour circuler dans les transports en commun aux heures de pointe. Dans les Hauts‑de-France, un système de pré-réservation obligatoire de billets par coupon a été mis en place pour les TER en direction ou en provenance de Lille.

Pour les déplacements interrégionaux, qui concernent notamment la SNCF – les réservations sont toujours obligatoires. Si elles ne sont plus limitées à 60 % de la capacité maximale des véhicules comme lors du premier stade du déconfinement, les opérateurs doivent veiller, dans la mesure du possible, à distancier les voyageurs en attribuant les places.

L’absence de respect de certaines de ces prescriptions peut conduire l’usager à se voir refuser laccès au véhicule. Des procès-verbaux (PV) peuvent également être dressés, par exemple en cas d’absence de port du masque. L’article 9 de la loi du 11 mai 2020 ([144]) a renforcé l’effectivité des contrôles en étendant aux services de sécurité des opérateurs de transport la capacité de constater les violations aux obligations édictées en matière de transport, d’interdire l’accès ou d’enjoindre aux personnes de descendre des véhicules, ou de quitter sans délai les gares ou les stations.

Près de 3 000 agents de la Surveillance générale (SUGE), police ferroviaire de la SNCF, et du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR), groupe de sûreté de la RATP, ont été mobilisés à cet effet. Au 19 mai, pour ce qui concerne la SNCF, 1 139 personnes ont été refoulées, 65 PV dressés et 14 remises à la police judiciaire en Île-de-France ont été effectuées ; 389 personnes ont été refoulées et 54 PV dressés en province. Pour la RATP, au 21 mai, 632 PV ont été dressés pour non-port du masque et 323 pour absence d’attestation aux heures de pointe ([145]).

Ce bilan devra être prolongé par la commission d’enquête et élargi aux questions plusieurs fois soulevées (comme la distribution de masques) afin d’en tirer tous les enseignements.

● La reprise dactivité des transports collectifs est progressive et la fréquentation effective reste faible, situation qui devrait évoluer à la faveur des assouplissements au 2 juin.

La stratégie du déconfinement a reposé, pour ce qui concerne sa première phase, sur une large reprise des transports du quotidien afin de permettre la réalisation des trajets domicile-travail tout en maintenant une offre basse sur les longs trajets qui, sauf motif impérieux, ont été interdits jusqu’au 2 juin. Plus particulièrement, pour les trajets du quotidien, le Gouvernement a visé l’organisation d’une offre importante par rapport à une demande que lon cherche à maintenir basse en favorisant notamment le télétravail et l’étalement des horaires.

À la SNCF, l’offre de transport a augmenté au 11 mai de manière cohérente avec la reprise des trajets du quotidien dun côté et linterdiction des trajets de plus de 100 kilomètres de lautre :

– 32 % de l’offre TGV et Intercités, contre respectivement 7 % et 8 % pendant le confinement ;

– 50 % de l’offre TER et 50 à 60 % des Transiliens, contre respectivement 15 % et 25 % pendant le confinement.

La demande quant à elle n’a que faiblement augmenté, passant de 5 à 10 % pendant le confinement à 15 à 30 % selon les réseaux depuis le 11 mai.

À compter du 2 juin, 100 % des sièges sont disponibles et, d’ici au 15 juin, tous les TGV et TER pourront circuler. Cette reprise de loffre saccorde avec la reprise de la demande attendue en raison de la fin de la limitation des déplacements sur le territoire métropolitain.

À la RATP, l’offre de transport est passée de 30 % pendant le confinement pour une demande de l’ordre de 5 %, à 75 % d’offre en moyenne au 11 mai pour une demande avoisinant les 15 à 20 %.

La spécificité de certaines lignes a été prise en compte avec des niveaux doffre plus élevés et 60 stations ont été fermées pour faciliter les filtrages et la régulation des flux. Augmentant progressivement depuis, l’offre est désormais revenue à 100 %.

À noter qu’alors que moins de 500 000 voyageurs étaient transportés par la RATP durant le confinement, ce chiffre est remonté à 750 000 la première semaine de déconfinement et à environ 1 million à la fin du mois de mai. Ceci ne représente toutefois que 20 % de la fréquentation habituelle.

En dehors de l’Île-de-France, le trafic de bus interurbains au sein des principales villes françaises s’établissait autour de 10 à 20 % durant le confinement. Au cours de la première semaine de déconfinement, près de 70 % de l’offre a été rouverte dans les grands centres urbains et 50 % sur le reste du territoire.

Les transports scolaires reprennent quant à eux progressivement, corrélativement à la réouverture des classes. Sur les 4 millions d’élèves à transporter en temps normal, seuls 300 000 l’ont été le 11 mai.

Enfin, le déconfinement na pas eu, dans sa première phase, dimpact significatif sur le transport aérien commercial compte tenu de la limitation des déplacements de plus de 100 kilomètres, mais également de la fermeture des frontières intérieures et extérieures de l’Union européenne. Le trafic a été réduit – aussi bien pour les liaisons intérieures que pour les liaisons internationales – de 95 % par la crise. Durant le confinement, un nombre minimal de vols domestiques a été maintenu et, au début du déconfinement, quelques liaisons domestiques supplémentaires ont été rouvertes par la compagnie Air France.

Cette situation devrait évoluer au cours du mois de juin avec la fin de la limite de déplacement de 100 kilomètres. De plus, le Premier ministre a également mentionné, lors de sa conférence de presse du 28 mai, que la France était favorable à la réouverture des frontières intérieures de lUnion européenne à partir du 15 juin. À cette même date sera évaluée, en concertation avec l’ensemble des pays européens, lopportunité de rouvrir, ou non, les frontières extérieures de lEurope (avec, très probablement, des mesures de quatorzaine et des décisions différenciées selon les zones de provenance des ressortissants en fonction de la circulation mondiale du virus). Ces évolutions auront, le cas échéant, un fort impact sur la reprise du trafic aérien. Ainsi, exemple symbolique, le président-directeur général du groupe ADP a annoncé que l’aéroport de Paris-Orly ouvrirait de nouveau le 26 juin. La reprise sera toutefois très graduelle et, selon l’Association internationale du transport aérien (AITA), le retour au niveau de trafic d’avant-crise ne devrait pas intervenir avant 2023, avec un niveau intermédiaire du trafic s’établissant entre 66 % et 76 % en 2021.

 

 

 


—  1  —

   Restitution des travaux des commissions

RÉUNION DU MARDI 26 MAI 2020

La mission d’information procède à la restitution, par les co-rapporteurs des travaux des commissions permanentes sur l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de Covid-19.

 

M. le président Richard Ferrand, président de la mission, rapporteur général. Mes chers collègues, nous allons entendre aujourd’hui les huit co-rapporteurs faire le point sur les travaux que les commissions permanentes qu’ils président ont menés.

Dans un premier temps, notre mission d’information a effectué un contrôle de l’état d’urgence sanitaire, notamment à travers le suivi hebdomadaire des mesures réglementaires restreignant les libertés publiques prises pour freiner la propagation de l’épidémie, parmi lesquelles les arrêtés préfectoraux qui ont adapté et souvent, localement, renforcé les mesures nationales.

Elle s’est ensuite intéressée directement à la gestion de la crise en métropole et outre-mer, aux réponses du système de soins ainsi qu’à la stratégie et aux modalités du déconfinement.

Les commissions permanentes ont, quant à elles, assuré le suivi de la crise et des mesures destinées à y faire face, en particulier les ordonnances prises en application des habilitations votées dans le cadre des différents projets de loi d’urgence. C’est grâce à ce travail de fond, mené en temps réel, qu’ont pu être abordées les multiples conséquences sociales, économiques, financières, environnementales sans oublier les enjeux en matière de sécurité, de libertés individuelles, d’organisation de notre dispositif de crise et de coopération internationale et européenne.

Si nous pouvons nous féliciter de certains signes rassurants de ralentissement de l’épidémie, à la suite du confinement, nous devons constater que la crise est loin d’être terminée. Des conséquences de toute nature vont se faire sentir pendant de longs mois et rendront nécessaires des mesures fortes, à l’instar de celles déjà mises en place pour venir en soutien à l’activité économique. S’ouvre la période des bilans et des projets de réforme. Après la gestion quotidienne de l’urgence vient le temps des recommandations afin de nous permettre de faire face, mieux et plus vite, à une future catastrophe sanitaire. Il convient de tirer les enseignements des réponses apportées par les pouvoirs publics en France. C’est la deuxième phase de nos travaux que nous aborderons dans les semaines à venir après la présentation du rapport d’étape de la mission.

Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales, co-rapporteure. S’il est une commission permanente dont les compétences se situent au cœur de la crise sanitaire, c’est bien la commission des affaires sociales, en charge notamment de la santé, de l’hébergement des personnes âgées, du travail, de l’emploi et des comptes sociaux.

Fort logiquement, la mission d’information a souhaité se saisir d’emblée de la plupart de ces thèmes et, conformément à la répartition des tâches convenue avec les commissions permanentes, elle a d’abord travaillé seule sur ces sujets. Notre commission n’a toutefois pas tardé à reprendre ses activités, consacrant sa première réunion aux témoignages des collègues médecins, infirmiers, aides-soignants, pharmaciens ou biologistes ayant « repris la blouse ». Son bureau a mis sur pied un dispositif de suivi de la crise sanitaire autour de six thématiques : sécurité sociale ; santé ; secteur médico-social ; handicap et famille ; solidarités ; travail et emploi.

Chacune d’elles a été confiée à deux référents – l’un de la majorité, l’autre de l’opposition – auxquels ont été assignées trois missions.

La première a consisté à analyser les ordonnances prises sur le fondement de la loi du 23 mars 2020. L’importance de la délégation consentie au pouvoir exécutif, si justifiée et indispensable qu’elle ait été, exigeait que notre commission examine de près ces dispositions de nature législative.

Pour la deuxième, il s’agissait de procéder à un tour d’horizon de la thématique au moyen d’auditions et de questionnaires. Il m’est malheureusement impossible de rendre compte dans le temps qui m’est imparti de la richesse des soixante-dix-neuf auditions complétées par plus de soixante contributions écrites.

Il y a quelque chose de frustrant à devoir évoquer si rapidement chacune des thématiques mais je m’en voudrais de ne pas les mentionner toutes, d’autant que les choix de nos référents se sont révélés pertinents alors même que la crise venait juste de commencer.

Annie Vidal et Marine Brenier, après avoir cerné les incidences de la crise sur les recettes, les dépenses et l’équilibre général de la sécurité sociale, se sont efforcées de mesurer l’impact des mesures gouvernementales destinées à soutenir les entreprises, à assurer le financement des prestations et à accompagner les besoins dans les secteurs de la maladie et du médico-social. Elles doutent fortement de l’opportunité d’une loi de financement rectificative. Les prévisions de recettes et de dépenses risquent en effet d’être très aléatoires et rapidement obsolètes, d’autant qu’il est peu probable que de meilleurs éléments de prévision soient disponibles d’ici à l’été. Enfin, elles ont posé les enjeux attachés à la prise en charge de la dette liée l’épidémie, par la seule sécurité sociale ou bien par l’État, débat que le Parlement sera prochainement appelé à trancher.

Audrey Dufeu Schubert et Gisèle Biémouret ont axé leurs travaux autour d’une question capitale : l’accès aux soins des patients atteints d’autres pathologies que le Covid-19. Elles ont mis en évidence l’effondrement des consultations en ville et la baisse d’activité des établissements de santé, à la suite de l’annulation des soins programmés. Ces phénomènes trouvent leur explication dans le recentrage sur les soins urgents, la pénurie d’équipements de protection individuelle, l’absence de coopération entre la ville et l’hôpital et l’indisponibilité de certains professionnels de santé. En conséquence, le renoncement aux soins ne fait pas de doute et, malgré les mesures prises par les acteurs de la santé, des pertes de chances entraînées par les retards de diagnostic et de prise en charge sont fortement à craindre.

Monique Iborra et Caroline Fiat ont eu une tâche cruciale, puisque le secteur médico-social qui leur était dévolu incluait les EHPAD, douloureux enjeu dont la mission d’information a très tôt souhaité que nous saisissions, consciente qu’elle était de son caractère très sensible. Avec votre accord, monsieur le président, nous avons donc décidé que les membres du bureau et les référentes procéderaient à une importante série d’auditions publiques. Remarquablement éclairantes, elles ont permis d’entendre l’ensemble des acteurs – Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), départements, personnels, médecins coordonnateurs, directeurs d’EHPAD, fédérations d’établissements et agences régionales de santé (ARS). Les référentes estiment que les défauts d’approvisionnement ont généré, dans un premier temps, une pénurie de ressources, matérielles et humaines, dans les établissements médico-sociaux et que l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie à domicile s’est avéré nettement insuffisant. Elles mettent également en valeur les réponses institutionnelles et les expériences organisationnelles novatrices mises en place pour protéger les personnes âgées.

Agnès Firmin Le Bodo et Jeanine Dubié se sont penchées sur la situation des familles et des personnes handicapées et ont tracé des perspectives en matière d’accompagnement pendant la phase de sortie du confinement. Elles ont fait apparaître les difficultés spécifiques rencontrées par les familles en période de confinement : gardes des enfants, augmentation des violences intrafamiliales, organisation de la garde alternée ou des services funéraires. Les mesures se sont orientées vers la facilitation des modes de garde et l’amélioration de l’information des familles ainsi que vers un soutien monétaire et un plan d’aide alimentaire. L’épidémie a par ailleurs entraîné une dégradation de la situation des personnes handicapées et de leurs aidants que les aides financières et la mobilisation du monde associatif et des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont tenté d’atténuer.

Michèle de Vaucouleurs et Pierre Dharréville ont constaté une exacerbation de la pauvreté et de la précarité consécutive au confinement. Ils ont étudié la réponse de court terme apportée par le Gouvernement comme par les associations mais aussi réfléchi à la manière de compenser les surcoûts liés à la crise et de mieux accompagner la sortie de crise. Ils se sont concentrés sur les difficultés rencontrées par l’aide sociale à l’enfance, sujet qui m’est cher. Celles-ci ne manquent pas, comme chacun a pu le constater sur son territoire : accès insuffisant aux outils numériques dans les établissements, problèmes liés aux interventions à domicile et aux droits de visite, situation des mineurs non accompagnés.

Enfin, Fadila Khattabi et Stéphane Viry ont montré comment l’activité partielle conjuguée à la mobilisation sans relâche des opérateurs ont contribué à sauver l’emploi « quoi qu’il en coûte ». Ils ont constaté que si les modalités du dialogue social ou de la négociation collective avaient été assouplies pour plus de réactivité, la dynamique était très semblable à celle observée avant la crise. Ils ont tout spécialement regretté que la médecine du travail n’ait pas semblé remplir sa mission et ont insisté sur la nécessité de sauver la formation professionnelle et l’apprentissage.

Troisième et dernière mission confiée à nos six équipes de référents : faire remonter les informations du terrain, y compris par l’intermédiaire de leurs collègues. Là aussi, chacun a joué le jeu et les contributions locales ont utilement nourri les travaux. Pour les EHPAD, bon nombre d’entre nous ont régulièrement procédé à un reporting directement auprès des établissements de leur circonscription.

En très peu de temps, la commission, grâce au travail des référents et à la mobilisation de ses membres, que je tiens à remercier, a non seulement pu poursuivre son activité mais aussi l’adapter aux contraintes et aux enjeux de la crise sanitaire. L’ensemble de ces restitutions est d’ores et déjà en ligne sur le site de l’Assemblée. Je me réjouis qu’elles puissent également contribuer aux travaux de notre mission d’information.

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, co-rapporteure. C’est à la commission des lois qu’ont été renvoyés les trois textes relatifs à l’état d’urgence sanitaire adoptés pendant le confinement : les deux lois dites « d’urgence » du 23 et du 30 mars 2020 et la loi du 11 mai prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Notre commission a donc d’emblée été invitée à mesurer les conséquences de la pandémie, à appréhender les mesures qui devraient être prises pour y faire face et à expérimenter des méthodes de travail adaptées au contexte épidémiologique.

En confiant aux huit présidents de commission la fonction de co-rapporteur, la mission d’information a souhaité assurer une articulation cohérente de ses travaux avec ceux des autres organes de l’Assemblée nationale. Cela répondait à une nécessité car il n’était pas non plus concevable que les commissions baissent la garde : leurs travaux répondent aussi à des exigences démocratiques.

Les contours de l’intervention de la commission des lois ont été définis par son bureau, réuni le jeudi 2 avril. Notre travail s’est déployé, en visioconférence, tout au long du mois d’avril et dans la première partie du mois de mai autour de cinq séquences thématiques qui n’ont été interrompues que pour mener à bien des activités législatives. Alimentées par l’audition d’une trentaine de personnalités, elles ont porté successivement sur l’utilisation des innovations numériques pour lutter contre l’épidémie, les risques en milieu carcéral, les enjeux de la sécurité, le rôle des collectivités territoriales et le fonctionnement de la justice. Chacune a donné lieu à une synthèse restituée aux membres de la commission des lois et à la mission d’information.

Je vais revenir, de façon nécessairement synthétique, sur leurs conclusions qui ont fait apparaître – c’est le propre du contrôle – des points positifs, et d’autres qui l’étaient moins. Mais je voudrais dire que cette présentation n’épuise pas le champ du travail accompli puisque, conformément aux décisions du 2 avril, a également été mis en place un dispositif de suivi des vingt ordonnances prises en application de la loi du 23 mars 2020 qui touchent aux compétences de la commission des lois et un recensement des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dont le régime a été modifié par la loi organique du même jour. Y correspondent deux fascicules annexés à la synthèse écrite.

Quand nous nous sommes penchés sur l’utilisation des innovations numériques pour lutter contre l’épidémie, nous avons longuement débattu de l’opportunité de développer l’application StopCovid, pour le tracing des personnes ayant été en contact avec une personne contaminée. La problématique centrale est celle du respect des libertés individuelles au regard des impératifs sanitaires. La présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a présenté le cadre européen et national, un épidémiologiste est intervenu sur l’opportunité de remonter les chaînes de contamination, dans le cas d’une épidémie. Nous avons été convaincus qu’on ne pouvait plus se battre contre la propagation des virus dans les populations humaines comme on le faisait jadis. Explorer cette voie est donc un point positif.

Le secrétaire d’État chargé du numérique, après avoir exprimé ses doutes et ses interrogations, nous a présenté le cadre protecteur auquel il entendait soumettre l’utilisation de ces technologies. L’enjeu n’est pas négligeable, ni sur le plan sanitaire, ni sur le plan des libertés. C’est la raison pour laquelle nous nous réjouissons de prendre toute notre part au débat suivi d’un vote qui aura lieu demain en séance publique.

Engagée depuis le début de la législature sur la question de la détention, la commission des lois a fait le choix de lui consacrer deux séquences de travail de huit heures au total. Le milieu carcéral, appelé par vocation à réunir un grand nombre de personnes dans des conditions de proximité et de promiscuité, a été d’emblée identifié comme un environnement à risque épidémiologique, d’autant que l’accompagnement médical des détenus n’est pas dimensionné pour la prise en charge d’une épidémie.

Le directeur de l’administration pénitentiaire a dressé un tableau général de l’action des pouvoirs publics. Nous avons également auditionné le directeur de la maison d’arrêt de Fresnes afin d’avoir un éclairage plus proche du terrain. L’action résolue des magistrats, procureurs et juges d’application des peines a permis l’abaissement du taux d’occupation de l’ensemble des établissements pénitentiaires, ce qui a évidemment joué un rôle important dans la maîtrise de la situation sanitaire en leur sein. Au total, il y a eu 13 500 personnes écrouées en moins. Bien évidemment, les autorités ont exercé la plus grande vigilance lors de l’examen de chaque dossier.

La commission des lois souhaite que soit garanti de façon pérenne ce taux d’occupation inférieur à 100 % des établissements pénitentiaires, seul à même de permettre à l’administration pénitentiaire d’assurer l’ensemble de ses missions.

Par ailleurs, au cours de cette séquence, a été abordée avec circonspection la décision prise par ordonnance d’autoriser la prolongation sans débat des détentions provisoires. Nos travaux ont pesé sur le libellé de l’article 1er de la loi du 11 mai 2020 et depuis cette même date ces prolongations requièrent de nouveau une décision de la juridiction compétente après débat contradictoire, je m’en réjouis. La Cour de cassation vient de rendre aujourd’hui deux arrêts qui rappellent l’importance de l’intervention du juge judiciaire dès lors qu’il est question de privation de liberté. Le Conseil constitutionnel aura également à se prononcer sur les QPC qui lui ont été transmises.

Sur les enjeux de la sécurité, disons-le, le confinement a été globalement bien respecté. La police et la gendarmerie se sont mobilisées de façon exceptionnelle pour faire respecter le confinement, et avec discernement ont géré plus de 20 millions de contrôles, qui ont donné lieu à 1,1 million de contraventions.

Une réserve néanmoins, évoquée au fil des auditions : les violences intrafamiliales, dont la recrudescence n’a pu manquer de nous interpeller. Les acteurs concernés sont restés mobilisés pour faire face à cette forme de délinquance inadmissible et, dans sa circulaire du 5 mai 2020 consacrée à la reprise des activités juridictionnelles, la ministre de la justice, entendue bien sûr par la commission, a fait opportunément figurer ces violences parmi les affaires prioritaires.

Par ailleurs, les intervenants ont souligné l’importance de la coopération entre tous les acteurs de la sécurité. Les représentants des polices municipales et de la sécurité privée auraient souhaité être davantage associés à la mise en œuvre du confinement. La commission des lois est très attachée au continuum de sécurité, qui fait l’objet du livre blanc de la sécurité intérieure en cours de finalisation. Il conviendra de veiller davantage encore à l’articulation des actions mises en œuvre par tous ceux qui œuvrent dans le domaine de la sécurité et de la sûreté.

Avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, avec l’Assemblée des départements de France, avec Régions de France, nous avons évoqué la situation des collectivités locales et leur implication dans la gestion de la crise sanitaire. Je soulignerai seulement que dans une telle période, il est plus que jamais nécessaire que les collectivités territoriales et l’État articulent leurs actions avec le plus de cohésion et de cohérence possibles. Rappelons qu’au début de l’état d’urgence sanitaire, des points de friction ont été identifiés : absence de concertation préalable ; initiatives de certains maires dans l’exercice de leurs pouvoirs de police en contradiction avec les instructions données au niveau national ; « guerre des masques », etc.

Enfin, la situation de la justice devait être évaluée, toute la justice, car là aussi nous pourrions parler de continuum ! En avril 2020, le nombre de dossiers enregistrés par les huissiers de justice ne représentait que 10 % d’un mois normal ; 41 % des avocats individuels ont totalement arrêté leurs activités depuis le début du confinement et 80 % ont connu une baisse de leur chiffre d’affaires de plus de 50 % ; pour les notaires, le nombre d’actes établis a diminué de 80 %. Je remercie la présidente du Conseil national des barreaux, le président du Conseil supérieur du notariat et le président de la Chambre nationale des commissaires de justice pour leurs explications, comme je remercie le président du tribunal judiciaire de Paris et le procureur de la République qui nous ont aidés à apprécier le travail des magistrats.

La reprise de l’activité des juridictions doit aujourd’hui être favorisée. Alors que le confinement a conduit au report de nombreuses audiences pénales, le Gouvernement a fait adopter, dans le cadre du projet de loi, en cours d’examen, relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, la possibilité pour le président du tribunal judiciaire de renvoyer une procédure engagée avant la publication de la loi et pour laquelle l’audience sur le fond n’est pas encore intervenue au ministère public afin que celui-ci apprécie à nouveau la suite à lui donner. C’est une bonne chose : il est opportun de faire confiance aux magistrats !

Il ressort cependant de nos travaux que des progrès considérables sont encore possibles en ce qui concerne l'équipement informatique. Les greffes, notamment, qui étaient confinés, ne disposaient pas suffisamment d’ordinateurs ultra-portables, et les applications informatiques de l’institution judiciaire ne sont pas toujours consultables à distance. C’est un vrai sujet de préoccupation car cela a provoqué une situation de tension. Les greffiers ont à résorber le stock des décisions rendues, tâche dont nous aurions pu faire l’économie s’il n’y avait pas eu un écart aussi important entre la situation des magistrats qui ont pu travailler à leur domicile et celle des fonctionnaires de justice qui n’ont pas été en mesure de télétravailler pour la plupart.

Tous ces sujets ont donc été abordés et au fil des auditions les membres de la commission n’ont pas manqué de rendre hommage, de façon unanime, à l’engagement de ceux qui se sont investis pour assurer la continuité de la vie de la nation. Je pense, en particulier, aux forces de l’ordre, aux personnels de l’administration pénitentiaire, aux acteurs de la justice.

Par cet hommage ainsi réitéré s’achève, pour la commission des lois, une restitution qui intervient au moment où s’organise la reprise progressive de l’activité parlementaire. Un retour à la normale qui est bien sûr lié, dans ses modalités, à une atténuation de la menace épidémiologique, et qui est donc, pour des raisons sanitaires et démocratiques, infiniment souhaitable.

M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, co-rapporteur. La commission des finances a fait partie des commissions permanentes qui, au cœur du confinement, ont eu à examiner des textes législatifs déposés et examinés dans des délais particulièrement brefs, afin d’apporter une réponse rapide à l’ampleur de la crise, d’abord sanitaire, puis économique.

Les deux projets de loi de finances rectificative (PLFR) ont chacun retracé une dégradation brutale des finances publiques, résultant de la combinaison d’une hausse des dépenses et d’une révision à la baisse des recettes. Les prévisions du premier PLFR étaient manifestement trop optimistes par rapport à la situation qui prévalait au moment de leur élaboration. Si le deuxième PLFR a été plus réaliste, il n’est pas exclu qu’une nouvelle révision ne se fonde sur des évaluations encore plus inquiétantes du déficit public ou du niveau de l’endettement public, qui devrait dépasser à la fin de l’année 115 % du PIB.

Ces collectifs ont permis de prendre des mesures d’urgence majeures : financement d’un dispositif de chômage partiel élargi, pour 24 milliards d’euros ; création d’un fonds de solidarité pour les très petites entreprises, pour 7 milliards d’euros ; instauration d’une garantie de l’État sur des prêts de trésorerie aux entreprises ; versement de 20 milliards d’euros afin de permettre à l’État d’intervenir au capital de sociétés dont la situation financière le nécessiterait.

Pour certaines mesures, le Gouvernement n’est pas passé par la voie législative. Citons les remboursements accélérés de créances fiscales, les reports d’impositions dues par les entreprises, pour 7 milliards d’euros, et les reports de charges sociales, pour 22 milliards d’euros, montants particulièrement élevés. Si ces mesures sont transitoires, on ne peut toutefois exclure qu’assez rapidement se posera la difficile question de leur mise en extinction, d’autant plus difficile à trancher si la reprise économique est lente ou faible. Les ministres ont d’ores et déjà annoncé des annulations portant sur les mesures relatives aux cotisations sociales mais pas aux impositions pour lesquelles un étalement sur plusieurs années a été retenu.

Plusieurs des apports proposés par les membres de la commission des finances ont été intégrés aux lois de finances rectificatives. Je pense à l’instauration d’un comité de suivi des dispositifs de soutien à l’économie, dont les documents, avons-nous précisé, devront être transmis aux commissions des finances des deux assemblées. Il s’agit là d’un instrument fondamental de suivi et de contrôle des dépenses engagées pour lutter contre la crise, dont la présidence a été confiée à Benoît Cœuré.

À côté de ce travail législatif, habituel mais accompli dans des conditions extraordinaires, la commission a décidé dès le 2 avril de conduire un programme d’auditions : principaux responsables politiques et administratifs en matière de finances publiques, afin de suivre la conjoncture, la mise en œuvre des mesures votées et la gestion de la crise par les administrations ; régulateurs et représentants du secteur financier – banques, assurances, Autorité des marchés financiers (AMF), Banque de France – afin d’évoquer leur action et d’apprécier la résistance de notre système financier, fondamentale dans le contexte actuel.

Les personnes auditionnées s’accordent pour dire que les conséquences économiques de la crise sanitaire ont été brutales et d’une ampleur considérable et que les solutions d’urgence mises en place, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle européenne, dès le mois de mars, ont joué un rôle fondamental d’amortisseur. Certaines de ces solutions ont dû être complétées ou corrigées, notamment à l’occasion de l’examen du deuxième collectif budgétaire, afin de mieux répondre à la réalité des enjeux.

Le secteur financier, marqué par une forte résilience, a pris des mesures efficaces pour contribuer au soutien de l’économie. À côté de la mise en œuvre du prêt garanti par l’État (PGE), pour lequel les demandes ont dépassé, à la mi-mai, les 100 milliards d’euros sur une enveloppe totale de 300 milliards, signe d’un rythme soutenu, les banques ont accepté d’appliquer un moratoire de six mois sur le remboursement des prêts en cours des entreprises en faisant la demande. Les données de la médiation du crédit présentées par le gouverneur de la Banque de France, M. François Villeroy de Galhau, attestent que les banques appliquent le moratoire sur les crédits en cours et distribuent largement le PGE, dans la majorité des cas au bénéfice des TPE et PME. Le niveau de l’épargne des ménages, a-t-il également souligné, a considérablement augmenté ; son utilisation reste une inconnue.

M. Frédéric Oudéa, président de la Fédération bancaire française (FBF), nous a indiqué que les banques pourront contribuer à la sortie de crise en élaborant de nouveaux produits de financement sous forme, non de prêts pour ne pas saturer les capacités d’endettement des entreprises, mais de renforcement des fonds propres, sous réserve qu’elles ne soient pas exposées à une transposition trop contraignante de l’accord dit de Bâle III qui renchérirait le coût des apports en capital.

La Fédération française de l’assurance (FFA) a souligné que le risque pandémique était un risque systémique qui ne saurait être couvert par les assureurs. Elle a défendu la thèse des compagnies d’assurances selon laquelle les pertes d’exploitation résultant des mesures de confinement ne pourraient être prises en charge, même dans le cadre d’une assurance contre les pertes d’exploitation. Les assureurs, de façon un peu dispersée, se sont toutefois engagés à abonder le fonds de solidarité en faveur des petites entreprises à hauteur de 400 millions d’euros, ainsi qu’à aménager certaines clauses des contrats d’assurance des entreprises et des particuliers pendant la période de confinement. A également été confirmé le fait que le secteur travaille avec le Gouvernement à l’élaboration d’un nouveau régime d’« assurance pandémie », qui pourrait être similaire à celui existant pour les catastrophes naturelles.

L’accroissement brutal du besoin de financement public résultant de la crise et des dépenses engagées en urgence pour y répondre, de l’ordre de 90 milliards d’euros, n’a pas empêché l’Agence France Trésor de garantir la continuité du financement de l’État. La durée de vie moyenne de la dette a été légèrement raccourcie et la part du financement de court terme de celle-ci accrue. Le directeur général de l’Agence France Trésor a souligné que cette augmentation du financement de court terme avait été rendue possible par la reconstitution de marges de manœuvre, après la précédente période de crise, les émissions de court terme ayant atteint, avant que ne débute la crise actuelle, leur plus bas niveau, avec 5 % de l’encours total. Les conditions de taux sont demeurées extrêmement favorables et devraient le rester. Toutefois, l’enjeu à moyen terme serait de maîtriser la trajectoire d’endettement et de la replacer sur une pente descendante, afin de conserver la confiance des investisseurs.

Il convient également d’évoquer brièvement les risques qui pèsent sur l’équilibre des finances locales. Gérald Darmanin et Olivier Dussopt ont signalé que, si les finances des collectivités sont moins dégradées que celles de l’État par la crise, les recettes des départements, des communes touristiques et des communes ultramarines sont cependant fragilisées par la conjoncture. En outre, il est possible qu’un effet retard conduise à une baisse sensible des recettes locales en 2021, notamment pour les impôts de production. La solidité des collectivités locales et leurs capacités d’investissement jouent bien évidemment un rôle majeur dans la reprise de l’activité.

Cette question des effets retard doit appeler notre attention sur l’évolution de la situation à relativement court terme aussi bien qu’à moyen terme. Les statisticiens de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), de la Banque de France et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) nous ont alertés sur la difficulté de l’exercice de prévision.

La question majeure qui se pose désormais est celle des conditions dans lesquelles peut s’opérer une reprise économique efficace et de la manière dont devra être mis en œuvre un plan de relance pour soutenir celle-ci, non seulement à l’échelle européenne, comme M. Bruno Le Maire a eu l’occasion de l’exposer devant nous, mais aussi à l’échelle nationale.

La commission des finances poursuit son travail d’évaluation et de contrôle de la crise économique que nous traversons, de deux manières : d’une part, les rapporteurs spéciaux ont réorienté leurs travaux dans le cadre du Printemps de l’évaluation pour étudier l’impact de la crise en termes de mobilisation des crédits budgétaires et de déploiement des politiques publiques ; d’autre part, nous poursuivons nos auditions.

Activité législative, travaux d’évaluation et de contrôle ont donc été menés de front par notre commission en cette période particulière où les déficits publics et la récession n‘ont jamais été aussi élevés et les menaces économiques et sociales aussi réelles. Notre activité ne faiblira pas au mois de juin, où nous aurons très probablement à nous pencher sur un troisième projet de loi de finances rectificative.

M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur. La commission des affaires économiques, consciente qu’une crise économique d’ampleur exceptionnelle se profilait, s’est réunie dès le début du mois d’avril en poursuivant trois objectifs principaux : s’assurer du bon fonctionnement des dispositifs d’urgence ; suggérer des correctifs à partir des constats remontés du terrain ; commencer à préparer l’avenir en contribuant à la réflexion sur les plans d’urgence sectoriels et plus largement sur le plan de relance.

Son activité a reposé sur deux axes : d’une part, l’organisation d’auditions des acteurs essentiels de la gestion du volet économique de cette crise, qu’il s’agisse des ministres – Bruno Le Maire, Élisabeth Borne, Didier Guillaume, Julien Denormandie, Agnès Pannier-Runacher, Jean-Baptiste Lemoyne, Cédric O – ou d’acteurs économiques – La Poste, Banque publique d’investissement, France Industrie, partenaires sociaux ; d’autre part, un suivi sectoriel de la crise par six groupes de travail mis en place dès le 3 avril – agriculture, alimentation et pêche ; communications électroniques, postes et économie numérique ; énergie ; entreprises ; logement ; tourisme. Pour préserver une certaine souplesse, nous avons retenu un format resserré et veillé à ce que tous les groupes politiques soient représentés en conservant la faculté d’associer d’autres commissaires soucieux de s’investir. Ces groupes ont été chargés de centraliser les informations, les bonnes pratiques ainsi que les demandes et critiques transmises par les membres de la commission dans chacun des secteurs concernés pour les faire remonter à l’exécutif en vue d’aménager le cas échéant les dispositifs. Ils ont procédé à cent deux auditions, présenté quarante-six notes hebdomadaires, d’ores et déjà disponibles dans un rapport de synthèse, et émis soixante-trois recommandations

Une diminution du PIB de plus de 8 % est prévue pour l’année 2020. L’économie française a tourné à mi-régime au mois de mars et d’avril et il y a eu un fort recours aux dispositifs d’urgence. Le fonds de solidarité mis en place pour aider les petites entreprises a déjà attribué 2,4 millions d’aides pour un montant de 3,4 milliards d’euros. Quelque 100 milliards d’euros de prêts garantis par l’État ont été demandés par plus de 500 000 entreprises. Le chômage partiel concernait, à la mi-mai, 1 million d’entreprises et plus de 8 millions de salariés, à comparer aux 40 millions de salariés à l’échelle européenne. À partir du 17 mars, 93 % des chantiers de construction ont été interrompus. Les premières mesures visant à soutenir l’emploi et la trésorerie des entreprises ont donc bien rempli leur office même s’il a fallu procéder à des adaptations, notamment pour le tourisme et les seuils d’éligibilité du fonds de solidarité. Nous avons, comme la commission des finances, alerté l’exécutif sur l’insuffisante mobilisation des assurances en faveur des entreprises, qui ont eu l’impression d’être assurées contre la pluie mais seulement par beau temps.

Nous avons commencé à formuler des recommandations, dont voici les plus importantes.

Le groupe de travail « Entreprises » s’est prononcé sur le principe, énoncé assez tôt dans la crise par Bruno Le Maire, selon lequel à une baisse des revenus doit correspondre une baisse proportionnelle des charges pour les entreprises. Il propose d’effacer les charges fiscales et les cotisations sociales pour les entreprises les plus en difficulté et non pas uniquement pour les TPE ayant fait l’objet d’une fermeture administrative pendant le confinement. Il suggère de rendre les renégociations des marchés publics plus systématiques de manière que les entreprises de travaux publics puissent intégrer dans leurs tarifs l’augmentation des coûts engendrée par les mesures sanitaires. Une autre préconisation porte sur le plafonnement du taux d’intérêt du PGE à 0,5 %. À titre personnel, j’ajouterai qu’il serait souhaitable de ne plus conditionner l’accès au « deuxième étage » du fonds de solidarité au refus d’un prêt de trésorerie par les banques.

Autre recommandation, que je ne partage pas car j’ai des doutes sur son rapport coûts-bénéfices : faire passer le taux réduit de TVA sur l’hôtellerie et la restauration de 10 à 5,5 %.

Citons encore la mise en place d’un plan de soutien spécifique pour les filières agricoles les plus pénalisées par la crise, malheureusement nombreuses, ou l’instauration d’un mécanisme de péréquation destiné à faire contribuer davantage aux efforts de solidarité nationale certains secteurs moins affectés par la crise – « GAFAM » – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft –, grande distribution, grandes foncières et groupes pharmaceutiques.

Nombre de recommandations visent à préparer l’avenir et le bureau a décidé que les groupes continueraient à travailler au sein de la commission cet été pour aider le Gouvernement à préparer un plan de relance ambitieux, ce qui nous conduira sans doute à mettre de côté quelques missions d’information lancées avant la crise. Nous proposons d’accélérer la reprise du secteur de la rénovation énergétique, de réfléchir à un projet de relance de la construction, ciblé sur des publics phares, en particulier le logement social et le logement étudiant, de préparer l’avenir dans l’agriculture en veillant à l’installation des jeunes agriculteurs, et de soutenir la reprise rapide des déploiements fixe et mobile pour respecter les engagements pris dans le cadre du plan France Très Haut Débit et du New Deal mobile.

Comme la future commission d’enquête aura probablement à revenir sur la gestion de la crise, les commissions permanentes pourront davantage se projeter vers l’avenir en contribuant au plan de relance économique qui devra être extrêmement bien calibré pour ne point trop inquiéter le président de la commission des finances sur l’évolution de la dette.

Mme Barbara Pompili, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, co-rapporteure.

Durant ces deux mois, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a souhaité écouter les acteurs de terrain et analyser la réponse des pouvoirs publics dans les secteurs relevant de sa compétence. Pour ce faire, elle a choisi une démarche collective associant l’ensemble des commissaires et organisé de nombreuses auditions, seule ou en lien avec la commission des affaires économiques et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Nous nous sommes concentrés sur la gestion de crise et l’analyse de ses conséquences immédiates, mais avons aussi souhaité comprendre comment on en était arrivé là. L’audition de chercheurs du CNRS et de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) a confirmé les liens de causalité entre atteintes humaines aux écosystèmes – la déforestation, notamment –, zoonoses et épidémies. J’y insiste, car cela devra nous guider pour penser l’après-crise.

Notre commission s’est assurée, premièrement, que les services indispensables à la vie de la nation et entrant dans son champ de compétences continuaient d’être accessibles et qu’ils l’étaient de la même manière dans tout le territoire.

Nous avons entendu la ministre de la transition écologique et solidaire, Mme Élisabeth Borne, et de nombreux représentants d’élus locaux : Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), Association des maires ruraux de France (AMRF), Régions de France, Assemblée des départements de France (ADF), Assemblée des communautés de France (AdCF). Ces auditions nous ont montré que les services publics de l’assainissement, de la fourniture d’eau potable, de la collecte et du traitement des déchets ont globalement bien tenu, en particulier grâce aux élus locaux et aux agents du service public, qui doivent être salués. La fermeture, en période de confinement, de nombreux centres de tri et de déchetteries a, dans un premier temps, pénalisé le tri sélectif, mais la situation s’est largement améliorée.

Le secteur des transports a été particulièrement exposé à la crise, comme l’a confirmé le secrétaire d’État, M. Jean-Baptiste Djebbari. Dès la reprise de nos travaux, nous avons souhaité entendre des représentants du transport routier de marchandises. Il en ressort que les pouvoirs publics ont su prendre des mesures pour adapter les conditions d’activité et assurer le maintien de chaînes logistiques profondément bouleversées. Mais les plus petites entreprises ont évidemment souffert de la baisse de leur activité.

L’arrêt presque complet du transport aérien de voyageurs a causé des pertes importantes pour les compagnies aériennes. Nous avons décidé, en PLFR, d’un soutien public à Air France, assorti de contreparties environnementales : la division par deux des émissions par passager et par kilomètre en 2030 par rapport à 2005, la diminution par deux des émissions des vols métropolitains d’ici la fin de l’année 2024. Le Gouvernement a aussi annoncé qu’il faudrait renoncer aux trajets de moins de deux heures trente, lorsqu’une desserte ferroviaire existe. Notre commission veillera au respect de ces exigences. La crise sanitaire ne doit pas faire oublier l’urgence climatique : il ne faut pas baisser la garde.

L’audition du PDG de la SNCF, M. Jean-Pierre Farandou, a permis de mesurer l’impact économique subi par l’opérateur – ses pertes sont estimées à 2 milliards. Les mesures sanitaires en vigueur, qui limitent l’occupation des trains et le nombre de TGV en circulation, continuent de fragiliser la SNCF. Il faudra donc revoir sa trajectoire financière : la question d’un soutien de l’État est désormais posée. Nous devrons veiller au maintien des investissements dans les petites lignes, cruciales pour les transports du quotidien, et soutenir le fret ferroviaire, essentiel pour la transition écologique du transport de marchandises.

En matière d’aménagement du territoire, l’audition des représentants des élus locaux a montré que les territoires ne sont pas égaux face à la crise et la Fédération française des télécoms a reconnu que la crise avait aggravé la fracture numérique. Les avancées évidentes que représentent le développement du télétravail, les cours en ligne ou la télémédecine ne doivent pas faire oublier que de nombreux foyers ont encore des problèmes de connexion ou un débit trop faible. Parce que cette période a amplifié les inégalités d’accès au numérique, nous devons accélérer le déploiement de la 4G et de la fibre optique, d’autant plus que la situation sanitaire a freiné les chantiers.

Il faut saluer l’engagement des élus locaux qui ont dû faire face, durant le confinement, à une double nécessité : assurer la continuité des services publics et exercer des missions régaliennes comme la tenue des registres d’état civil ou la participation au contrôle du respect du confinement grâce à la police municipale. Les associations d’élus ont elles-mêmes pris des initiatives très utiles, en diffusant les bonnes pratiques et les initiatives locales efficaces pour lutter contre la crise.

L’appui des préfets a dans l’ensemble été apprécié par les maires, gestionnaires directs de la crise au quotidien, mais la résorption des inégalités entre territoires est un enjeu pressant. Sur le plan financier, les ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu ont confirmé que les années 2020 et 2021 s’annoncent difficiles pour les collectivités, puisque la crise a dégradé leurs recettes – versement mobilité, droits de mutation à titre onéreux (DMTO) – et qu’elle va alourdir leurs dépenses. Cette question devra à l’évidence être traitée dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Notre commission a veillé, deuxièmement, à ce que les adaptations et les assouplissements apportés aux procédures environnementales demeurent strictement proportionnés. L’audition de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de la Direction générale de la prévention des risques a montré qu’un minimum de contrôle a pu avoir lieu dans les installations classées et les installations nucléaires qui représentaient le plus de risque.

S’agissant des activités nucléaires, le choix a été fait de mettre à l’arrêt et de placer dans un état sûr les installations dont le fonctionnement n’était pas indispensable à la production d’électricité : installations de recherche du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), opérations de démantèlement en cours, centres de stockage des déchets. Les contrôles de l’ASN se sont concentrés sur un nombre restreint d’installations, principalement les centres nucléaires de production d’électricité, et généralement à distance.

Nous avons été alertés sur les conditions de travail des sous-traitants. La sûreté des installations qui redémarrent est un enjeu important et nous veillerons à ce que les contrôles qui ont dû être repoussés aient lieu rapidement. Lors de son audition, l’ASN a évoqué une « reprogrammation substantielle des arrêts » à venir chez EDF, rendue indispensable par les reports et les retards cumulés des arrêts de tranche du fait de la crise sanitaire. Notre commission veillera à ce que ce programme assure à la fois la sécurité de l’alimentation électrique et la sûreté des installations.

Enfin, l’audition de l’Autorité environnementale nous a alertés sur les assouplissements, en période d’état d’urgence sanitaire, des règles de consultation et de participation du public pour les projets ayant une incidence sur l’environnement. Ne cédons pas à la facilité ! Il est certain que l’action publique doit être réactive en temps de crise, mais la démocratie environnementale n’est pas un luxe inutile : elle détermine l’acceptabilité des décisions publiques, qui est essentielle à la cohésion de notre société, en particulier en période de crise. Déroger à certaines procédures jugées chronophages n’est pas le meilleur choix sur le moyen et le long termes.

N’oublions pas que cette crise sanitaire est liée à la crise écologique. Notre commission a entendu M. Pascal Canfin, président de la commission chargée de l’environnement au Parlement européen : les institutions européennes ont, elles aussi, cette préoccupation à l’esprit. C’est donc sur les modalités d’une relance verte que notre commission va désormais axer ses travaux, pour contribuer à la réflexion commune sur notre modèle d’après-crise.

M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, co-rapporteur. Je suis heureux de rendre compte des travaux que la commission des affaires culturelles et de l’éducation a menés sur les effets de la crise sanitaire dans les secteurs relevant de sa compétence, à savoir l’enseignement scolaire, l’enseignement supérieur, la recherche, la culture, les médias et les industries culturelles, le sport et la vie associative.

Tous ces secteurs ont été violemment touchés par la crise sanitaire et par la mesure générale de confinement. Mais ils se sont aussi pleinement impliqués dans la lutte contre le Covid-19 – je pense à la mobilisation exceptionnelle de la recherche française – et contre ses effets sur la société française – saluons les acteurs de l’éducation, de la culture, des médias ou du monde associatif. Au total, cent vingt auditions et tables rondes ont été réalisées en groupe de travail et en commission en un mois afin d’identifier, pour chacun de ces secteurs, l’impact et les conséquences de la crise sanitaire, les mesures pour y faire face et les difficultés persistantes et à venir. Je remercie tous les collègues qui y ont pris part, ainsi que les administrateurs qui, dans des conditions parfois délicates, ont assuré la continuité de notre mission. Je vous renvoie, sur les deux premiers points, à la synthèse mise en ligne sur la page de la commission.

Je salue la réactivité des acteurs et des opérateurs publics des différents secteurs, ainsi que l’efficacité des mesures de soutien générales et sectorielles extrêmement volontaristes décidées par l’État et les collectivités territoriales. Même s’ils n’ont pas réglé toutes les difficultés individuelles, ces dispositifs ont permis de répondre aux urgences et d’éviter de nombreux drames économiques et sociaux.

La crise sanitaire, ainsi que le confinement destiné à l’endiguer, ont créé des difficultés, mais aussi révélé des fragilités : ce sont autant de points sur lesquels nous devrons nous montrer vigilants.

S’agissant de l’enseignement scolaire – sur lequel M. Alexandre Freschi et Mme Béatrice Descamps ont particulièrement travaillé – la rentrée 2020 constitue un premier défi. Nous ne savons pas ce que sera la situation sanitaire au mois de septembre et nous risquons de rencontrer les mêmes difficultés qu’aujourd’hui, avec la reprise progressive et partielle des cours – dont je me réjouis.

Comment faire respecter les consignes sanitaires et les gestes barrières dans des locaux inadaptés, par des élèves trop petits ou des adolescents rétifs aux consignes, avec des personnels en nombre insuffisant et des transports scolaires en difficulté ? Comment garantir la santé des élèves et des enseignants, alors que la médecine scolaire et la médecine de prévention des personnels de l’éducation nationale sont structurellement insuffisantes ? Comment préparer les emplois du temps et les répartitions de services, alors que les candidats aux concours internes, pour la plupart contractuels de l’éducation nationale, passeront leurs oraux en septembre ou en octobre ?

Le deuxième défi est lui aussi de taille : malgré l’engagement et la créativité des équipes enseignantes, la continuité pédagogique n’a pas pu être assurée partout ni pour tous les élèves. Les décrocheurs, qui représentent 5 à 8 % d’entre eux, ne sont pas également présents dans tous les territoires, ni dans toutes les filières. Nous avons besoin de données statistiques précises et d’une cartographie nationale du décrochage pour envisager l’avenir de l’enseignement à distance, qui nécessitera également une formation adaptée des enseignants. Cette situation démontre en tout cas le caractère irremplaçable de l’enseignement « en présentiel », qui seul permet une interaction sensible entre l’enseignant et ses élèves, particulièrement les plus fragiles.

Le troisième défi, c’est l’introduction d’un numérique éducatif véritablement national, garant d’une égalité entre tous les élèves. La continuité pédagogique s’est heurtée aux insuffisances d’équipement informatique et de connexion des élèves mais aussi, pour de nombreuses familles, à une fracture numérique qui dépasse les seuls problèmes matériels. Quant aux enseignants, l’urgence de la crise les a souvent conduits, pour pallier les manques et les insuffisances des espaces numériques de travail (ENT) mis à leur disposition, à utiliser des modes de communication dérivés et des outils commerciaux mal sécurisés, essentiellement anglo-saxons, pour communiquer avec les élèves et leurs familles. Il me semble primordial que la structure sur laquelle s’appuiera la stratégie nationale du numérique éducatif soit pensée et organisée par la République : c’est une question de souveraineté.

Toutes ces remarques valent également pour l’enseignement supérieur – sur lequel ont travaillé M. Pierre Henriet et Mme Muriel Ressiguier.

L’impact de la crise sanitaire a été particulièrement violent pour les étudiants les plus fragiles et ses effets vont se prolonger, à la fois sur le plan économique – avec la quasi-disparition des jobs d’été et des stages –, mais aussi sur la poursuite de leurs études – le décrochage existe également à l’université – ou leur insertion sur le marché du travail. J’appelle votre attention sur plusieurs points : la situation budgétaire du réseau des CROUS, qui a été très sollicité depuis la fermeture des établissements ; le maquis des aides et des dispositifs de soutien, dans lequel les étudiants peinent à se retrouver et à exercer leurs droits ; la situation particulière des étudiants ultramarins, enfin, qui souffrent d’un grand isolement et souvent de précarité.

S’agissant de la recherche – sur laquelle ont travaillé M. Philippe Berta et Mme Sandrine Josso – et dans la perspective de la loi de programmation pluriannuelle qui s’impose plus que jamais, deux enjeux primordiaux doivent retenir notre attention.

Il importe, premièrement, d’inscrire la recherche sur les virus dans le temps long pour mieux anticiper et être capable de réagir plus rapidement lors de la survenue d’une épidémie. Il est impératif de mettre en place des dispositifs de soutien aux laboratoires de recherche sanitaire et scientifique et de les faire travailler de manière coordonnée sous l’autorité de leurs tutelles. Notre pays doit consolider son pilotage stratégique de la lutte contre les maladies infectieuses, notamment virales, comme il a su le faire pour le sida.

Il convient, deuxièmement, de valoriser la recherche fondamentale et de conforter son articulation avec l’industrie pharmaceutique. Malgré une recherche de qualité exceptionnelle, la France ne participe pas à la production de médicaments antiviraux. C’est un enjeu économique, mais aussi de souveraineté, puisqu’il y va de notre accès aux médicaments et, plus largement, aux produits de santé.

La culture, à laquelle se sont intéressées Mmes Aurore Bergé et Constance Le Grip, est l’un des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, à côté des hôtels et des restaurants, puisque les musées et lieux de spectacle sont fermés depuis la mi-mars.

La situation des auteurs est particulièrement difficile car ils ne bénéficient pas, à la différence des intermittents du spectacle, d’une assurance chômage – dont le régime a été adapté à la situation de crise. Leurs ressources sont liées aux droits qu’ils perçoivent, et donc à la production de leurs œuvres. La piste d’un statut des artistes-auteurs, proposée par M. Bruno Racine dans le rapport qu’il a remis au ministre de la Culture, reste donc à creuser.

Les structures les plus menacées sont celles qui se financent principalement par des ressources propres – billetterie et mécénat –, à savoir les festivals, les théâtres, les grands musées et les monuments. L’ensemble du secteur culturel souffre de l’incertitude qui plane, tant sur la date que sur les conditions de la reprise de l’activité. Je salue, à cet égard, les annonces faites aujourd’hui par le ministre sur la réouverture des salles de spectacle.

Au-delà des mesures de soutien à la trésorerie et des dispositifs de relance, cette crise pourrait être l’occasion de clarifier la politique publique de soutien au spectacle vivant. Le modèle économique des grands musées et expositions, qui s’appuie sur l’affluence du public, en grande partie étranger, pourrait également être repensé dans une perspective de long terme.

Sur les médias et les industries culturelles, Mmes Florence Provendier et Elsa Faucillon ont mené un grand nombre d’auditions, qui ont mis au jour la situation paradoxale de ce secteur. Si ses pertes économiques sont très importantes, c’est aussi un secteur vers lequel les Français se sont massivement tournés dès le début du confinement, mais en modifiant leurs modes de consommation. Le Président de la République a d’ailleurs souligné le risque de voir arriver des prédateurs, susceptibles de mettre à mal notre exception culturelle – notamment les plateformes américaines. Comme pour les acteurs de la culture, la principale difficulté du secteur réside dans l’incertitude de la date de reprise des activités de production et d’exploitation.

Nous devrons être vigilants sur plusieurs points. La santé de l’ensemble de la filière audiovisuelle et cinématographique, du fait des mécanismes de contribution financière des diffuseurs, est suspendue au retour des annonceurs publicitaires, pour le moment très attentistes. La situation financière du Centre national de la musique, nouvellement créé et très sollicité depuis le début de la crise, devra faire l’objet d’une attention particulière. La situation des librairies, structurellement fragilisées par le développement des GAFA, devenus quasi hégémoniques, pourrait justifier un accompagnement spécifique. Il permettrait aux plus fragiles de traverser la crise et soutiendrait la demande de livres, qu’elle émane des particuliers ou des acheteurs publics que sont les collectivités territoriales.

L’avenir de la distribution de la presse, enfin, reste suspendu à celui de Presstalis. Déjà en grande difficulté financière avant le début de la crise, la société est désormais en cessation de paiement : il est plus urgent que jamais de trouver une solution réaliste et durable pour l’avenir de la filière.

S’agissant du sport et de la vie associative, sur lesquels se sont penchés Mme Fabienne Colboc et M. Régis Juanico, la reprise de l’activité des associations dépendra des consignes sanitaires à appliquer, des moyens matériels dont elles disposeront pour les faire respecter et du retour des bénévoles, dont les effectifs, qui comptent de nombreuses personnes de plus de 60 ans, ont fondu depuis le mois de mars.

Les conséquences de la crise sanitaire dans le domaine éducatif devraient nous inciter à porter une attention particulière, d’une part au secteur de l’éducation populaire et de l’accueil des jeunes en séjour collectif de loisir, d’autre part, à l’intervention des associations dans le cadre des activités scolaires dites « 2S2C » (Sport, santé, culture et civisme) et du temps périscolaire. Les établissements scolaires ne peuvent pas rester fermés cent cinquante jours par an.

Concernant le sport professionnel, la clôture de la saison sportive 2019-2020, fortement contestée, aura des effets importants sur le plan sportif – qualifications dans les compétitions internationales, accès aux divisions supérieures ou relégation – mais également des conséquences économiques sur les clubs, sur les fédérations et, indirectement, sur les médias, qui mériteraient une analyse à moyen terme. N’oublions pas qu’une partie des recettes que les chaînes tirent de la retransmission des matchs de football finance le cinéma et les séries de l’audiovisuel français.

Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères, co-rapporteure. L’épidémie est mondiale. La crise qu’elle a entraînée est globale. Ses conséquences sur l’équilibre du monde sont considérables.

Le 13 janvier, le premier cas de Covid-19, détecté hors de Chine, en Thaïlande, était signalé à l’OMS. Le 11 mars, l’OMS qualifiait officiellement le phénomène de pandémie. Depuis, le virus n’a cessé de se diffuser, gagnant progressivement tous les continents, chacun en devenant, à tour de rôle, l’épicentre.

Cette crise est globale. Elle aura des conséquences majeures dans tous les secteurs : pas seulement sanitaire, mais aussi économique, social et, enfin, géopolitique. Cette crise a d’emblée mis à l’épreuve la solidarité et la coopération, à l’échelle internationale et à l’échelon européen. Elle aura une portée géopolitique considérable, que la France et l’Union européenne ne doivent pas sous-estimer. C’est autour de ces constats que la commission des affaires étrangères a orienté ses travaux depuis le début de l’état d’urgence sanitaire. Je vous en ferai parvenir demain un état des lieux exhaustif : si vous pouvez le joindre à votre rapport d’étape du 3 juin, ce sera très bien pour les parlementaires de cette commission, et pour nous tous.

En deux mois, notre commission a auditionné près d’une centaine de personnalités et adressé des questionnaires à différents organismes, parmi lesquels l’OMS, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), l’Union africaine, la Commission européenne et ses différentes directions, de nombreux postes diplomatiques, des groupes d’experts internationaux, ou encore des organisations non gouvernementales.

Afin d’assurer un suivi de l’action menée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères durant cette période de crise, nous avons créé trois groupes de travail thématiques : le premier sur le réseau diplomatique consulaire et d’influence, le deuxième sur l’aide publique au développement, le troisième sur l’action économique extérieure. Sur chacun de ces thèmes, notre commission a déjà fait et continuera de faire des recommandations au ministère, avec un principe simple : les politiques publiques conduites doivent prendre en compte les situations nouvelles créées par la crise et tenter de répondre aux difficultés qui préexistaient.

Cette crise est mondiale, mais elle a suscité des réactions très variées. C’est pourquoi il nous a semblé important d’intégrer dans nos travaux une dimension comparative, nationale et régionale, afin de mieux prendre la mesure de ce qui a bien fonctionné et de ce qui, au contraire, a révélé nos limites. Dans l’ensemble, les pays asiatiques, forts de leurs expériences passées face à de semblables épidémies, ont su se montrer réactifs. L’Asie a elle-même compté plusieurs modèles de gestion de la crise, qu’il convient de distinguer. Des États aux systèmes politiques aussi différents que le Vietnam et la Corée du Sud ont su apporter des réponses satisfaisantes à l’épidémie de Covid-19.

Par contraste, l’Europe, les États-Unis, et d’une façon plus générale, les pays occidentaux, ont fait montre d’un manque d’anticipation que nous devrons décrypter, avant d’en tirer des leçons pour l’avenir. Pourquoi nos sociétés ne sont-elles pas mieux préparées au risque ? Pourquoi leurs capacités d’anticipation sont-elles aussi faibles ? Pourquoi la prise en compte du long terme leur est-elle étrangère ? Autant de questions auxquelles nous devrons répondre pour changer ce qui doit l’être.

Notre pays a fait l’expérience de la difficulté à prévoir et à préparer la société à ce type de risques. Mais il n’est pas le seul : les États-Unis, les pays d’Amérique latine et de nombreux pays européens ont fait la même expérience. C’est la structure même d’un certain nombre de nos sociétés et leur mode de fonctionnement que nous devons interroger.

En Europe, après une difficulté à réagir collectivement en début de crise, une forme de solidarité s’est progressivement installée. Je pense aux transferts de patients d’un État à l’autre, aux dons d’équipement et de matériel médicaux, au plan adopté par l’Eurogroupe, à hauteur de 540 milliards, et à l’activation du Mécanisme européen de protection civile pour organiser le retour des ressortissants européens bloqués à l’étranger. La crise a posé deux questions à l’Europe : celle de sa vocation, avec la nécessité de créer une véritable solidarité européenne, et celle de son autonomie stratégique, qui devra servir de ligne directrice à notre engagement.

L’annonce d’orientations nouvelles exprimées lors du sommet franco-allemand constitue de ce point de vue une étape essentielle. L’émergence d’une véritable autonomie stratégique européenne, qui ne devra pas se limiter au seul domaine de la santé, la capacité d’emprunt de la Commission mise au service d’investissements d’avenir, l’adaptation nécessaire du droit européen de la concurrence, la nécessité d’un nouveau cahier des charges pour le commerce international, la construction d’une nouvelle politique de voisinage, en particulier avec les pays de la Méditerranée, l’affirmation de notre unité politique sur les grands enjeux de politique étrangère : ce sont autant de pistes qui, sans être exclusives, nous permettront de faire enfin de l’Europe une puissance respectée. Dans un contexte qui voit s’exacerber la rivalité stratégique entre la Chine et les États-Unis, c’est bien la capacité de l’Europe à constituer une voie d’équilibre qui est attendue.

Cette solidarité, nous devons aussi en faire preuve avec les pays les plus vulnérables. Dans les zones de crise, de conflit, mais aussi dans les États dont les systèmes sanitaires sont fragiles, la pandémie est de nature à aggraver les crises préexistantes. La France a été en première ligne sur ces sujets, puisqu’elle a rapidement pris la décision de réorienter une partie de son aide publique au développement vers la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Le continent africain a fait l’objet d’une attention particulière de la part de notre commission. Si l’Afrique reste relativement épargnée à ce stade d’un point de vue sanitaire, elle n’en est pas moins un sujet d’inquiétudes du fait de la fragilité de ses systèmes de santé et des conséquences inévitables qu’aura la crise sanitaire sur son économie, avec à la clef une augmentation de la pauvreté et des inégalités. Notre pays a contribué à obtenir un moratoire sur les dettes africaines et a plaidé pour que l’aide bilatérale européenne bénéficie en priorité à l’Afrique. D’autres zones vulnérables doivent faire l’objet d’une attention particulière, à commencer par les zones de conflit, où les besoins humanitaires sont très importants.

Enfin, la pandémie de Covid-19 a mis à l’épreuve le multilatéralisme tel que nous le connaissons. À plusieurs égards, elle en a même accentué les fragilités. Je pense au Conseil de sécurité des Nations unies, qui n’a pas été en mesure, jusqu’à présent, d’adopter une résolution sur la pandémie. Au-delà, l’ensemble du système multilatéral est concerné. L’exemple le plus frappant est celui de la gouvernance sanitaire internationale, à commencer par l’Organisation mondiale de la santé. L’OMS a déjà connu des réformes à la suite des dernières crises sanitaires mondiales – le SRAS en 2003 et Ebola en 2014-2016 – et l’épreuve de la pandémie de Covid-19 ne devra pas faire exception. La France devra être au rendez-vous de cette réforme. Notre commission fera un certain nombre de propositions pour renforcer l’indépendance et les pouvoirs d’investigation de l’OMS.

En matière de coopération internationale, la France a participé au lancement de l’initiative « ACT-A » (Acces to COVID-19 Tools Accelerator) pour accélérer la lutte contre le Covid-19. Une levée de fonds organisée par la Commission européenne a permis de recueillir plus de 7 milliards de promesses de dons. Nous devrons veiller – c’est un objectif essentiel – à ce que tout traitement ou tout vaccin qui serait mis au point puisse être utilisé et distribué équitablement dans le monde, à commencer par les pays les plus vulnérables.

Le monde de demain doit être celui d’un nouveau multilatéralisme, appuyé sur une exigence renouvelée de coopération et de solidarité et sur la préservation des biens communs : la santé, mais aussi l’environnement, qui sont étroitement liés, nous le savons tous. Il s’agit d’une exigence absolument vitale, que nous devons préparer dès aujourd’hui. Tous les travaux menés par la commission des affaires étrangères, tant pour approfondir l’état des lieux d’une crise qui n’est pas terminée, que pour enrichir ses propositions sur ce que devrait être le « monde d’après » seront bien sûr poursuivis et feront l’objet d’une publication d’ici la fin de l’année.

Chers collègues, je crois que les crises majeures doivent être l’occasion d’une prise de conscience collective. Elles doivent aussi être une occasion de prendre de nouvelles orientations et d’adopter de nouvelles perspectives.

M. le président Richard Ferrand, président de la mission, rapporteur général. Avant l’intervention de notre collègue Françoise Dumas, je veux souligner la richesse du travail effectué par l’ensemble des commissions, malgré la situation exceptionnelle. On a le sentiment que l’Assemblée nationale n’a pas été confinée ! Les députés, en tout cas, n’ont pas baissé la garde

M. Jean-Pierre Door. Sur la mission d’information, j’ai une critique et trois regrets. Ma critique, d’abord : les personnes auditionnées ont toutes fait des exposés très, trop longs – parfois jusqu’à une heure –, ce qui a réduit le temps de la discussion.

J’en viens aux regrets. Premièrement, compte tenu de l’impact financier considérable de cette crise, il aurait été souhaitable que notre mission d’information auditionne le ministre de l’action et des comptes publics, afin qu’il nous indique le tribut que représente cette crise pour la sécurité sociale. Deuxièmement, le monde sportif ayant été totalement chamboulé, dans son organisation comme dans son financement, au niveau national comme au niveau local, peut-être aurions-nous pu recevoir la ministre des sports. Je pense enfin, comme Mme Marielle de Sarnez, que nous aurions dû auditionner un représentant de l’OMS, comme nous l’avions fait dans le cadre de la mission d’information sur la grippe aviaire, dont j’étais le rapporteur.

M. le président Richard Ferrand, président de la mission, rapporteur général. Je partage totalement votre première observation et je crois que le fonctionnement par visioconférence n’a pas facilité les choses.

J’entends vos regrets, mais nous avions souhaité que les commissions permanentes contribuent aussi aux travaux de la mission, en évitant les doublons. Il nous a semblé que c’était le moyen d’associer le plus grand nombre de députés – puisque la mission ne comptait que trente-neuf membres. Le ministre de l’action et des comptes publics a passé presque tout le mois d’avril à l’Assemblée nationale, puisqu’il a été auditionné à plusieurs reprises et qu’il a pris part à l’examen des deux projets de loi de finances rectificative. J’ajoute, enfin, que nos travaux ne sont pas terminés et que les regrets que vous formulez, au sujet des sports ou de l’OMS, par exemple, peuvent devenir des désirs partagés.

Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères, co-rapporteure. Je voudrais ajouter que dès le début de la crise, j’ai invité un représentant de l’OMS à venir s’exprimer devant la commission. Dans un premier temps l’OMS a donné son assentiment, puis, après deux à trois semaines, m’a transmis une réponse écrite indiquant qu’ils ne pouvaient être entendus. En tout état de cause, j’ai fait parvenir un questionnaire très détaillé à l’OMS et attends avec intérêt leurs réponses.

Mme Françoise Dumas, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, co-rapporteure. Au cours des deux derniers mois, la commission de la défense nationale et des forces armées a procédé à près de quinze auditions, entendant la ministre des armées et sa secrétaire d’État à plusieurs reprises, les principaux responsables civils et militaires du ministère, ainsi que les représentants de la base industrielle et technologique de défense (BITD), au travers des groupements industriels. J’ai moi-même eu de très nombreux entretiens bilatéraux avec ces mêmes personnes et les dirigeants des principales entreprises industrielles, car il me semblait primordial de suivre l’évolution de la situation afin, d’une part, d’apprécier la capacité de ces entreprises à remplir leurs engagements à l’égard des armées, d’autre part, d’identifier leurs besoins pour qu’elles soient en capacité d’honorer ces engagements.

Tous ces travaux seront synthétisés dans un rapport spécifique de la commission consacré à la crise du Covid-19. Aussi mon propos de ce jour se limitera-t-il à en rappeler les principales conclusions.

Premièrement, les armées ont été fortement mobilisées dans la lutte contre l’épidémie, et ce dès avant le lancement de l’opération Résilience, annoncé par le Président de la République le 25 mars, puisqu’elles avaient déjà rapatrié près de deux cents de nos compatriotes depuis Wuhan. Elles ont continué, depuis lors, à apporter une aide importante à la lutte contre le coronavirus, notamment dans le cadre du volet sanitaire de l’opération Résilience.

Les différentes armées ont mené des opérations de transferts de patients pour soulager les régions particulièrement touchées : 90 patients ont ainsi été évacués par voie aérienne pour soulager la région Grand Est. Le déploiement d’un élément militaire de réanimation (EMR) auprès de l’hôpital de Mulhouse a augmenté de 50 % la capacité de ce centre hospitalier et 47 patients y ont reçu des soins de réanimation. La mobilisation des six hôpitaux d’instruction des armées dotés d’éléments de réanimation a permis de tripler leur capacité, qui est passée, au total, de 57 à 166 lits de réanimation. Enfin, la mobilisation des unités NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique) a permis de procéder à la décontamination de nombreux bâtiments, notamment du Palais-Bourbon.

La contribution tous azimuts des armées à la lutte contre l’épidémie, en métropole comme outre-mer – puisqu’il ne faut pas oublier les volets « logistique » et « protection » de l’opération Résilience – a mis en lumière, premièrement, l’expertise du service de santé des armées (SSA), largement méconnu. S’il a été affaibli par une période de déflation, qui lui a fait perdre 10 % de ses effectifs en quatre ans, l’actuelle loi de programmation militaire prévoit une remontée de ses personnels. Cette tendance doit être confortée.

Elle a mis en lumière, ensuite, la pertinence de l’organisation territoriale interarmées de défense. Chacun a pu mesurer la robustesse et l’efficacité de cette chaîne qui concilie la centralisation des directives et la déconcentration de leurs applications. Il demeure important de maintenir et d’approfondir ce dialogue entre autorités militaires et civiles, à tous les niveaux.

Elle a également mis en lumière l’apport opérationnel des moyens exceptionnels dont disposent nos forces, à l’instar des porte-hélicoptères amphibies, des A400M ou des A330 MRTT Phénix, et enfin, l’extrême réactivité et inventivité des armées. Dans le même temps, l’opération Résilience a conforté la nécessité d’une remontée en puissance du modèle national d’armée et celle d’un modèle suffisamment complet pour être à même d’absorber la mobilisation des moyens en cas de crise ultime.

Le succès de Résilience a également reposé sur l’engagement des acteurs industriels, en lien avec la direction générale de l’armement et l’Agence de l’innovation de défense.

Deuxième point d’attention, les armées ont été elles-mêmes touchées par l’épidémie. D’abord, de nombreux militaires sont tombés malades. Au-delà du cas emblématique du Charles de Gaulle, des personnels ont été atteints par le virus, en opérations extérieures comme sur le territoire. Au total, selon les informations données par la ministre devant la commission, le 11 mai, 1 771 cas de militaires atteints du Covid-19 avaient été confirmés, dont plus de la moitié sur le groupe aéronaval, et 5 400 cas de contamination étaient jugés probables.

En outre, les mesures de confinement et de protection sanitaire ont eu des conséquences sur l’organisation des armées. Je pense en particulier aux quatorzaines en amont et en aval d’un engagement opérationnel, ou au décalage des relèves.

Les incertitudes quant à l’évolution de la situation épidémique suscitent une certaine inquiétude à laquelle il est nécessaire de répondre à l’approche du plan annuel de mutation, alors qu’environ 24 000 militaires vont devoir déménager.

Troisièmement, la crise épidémique n’a pas interrompu les opérations en cours. Les armées ont maintenu et maintiennent leur engagement au quotidien, tant sur le territoire national, notamment dans Sentinelle, qu’en opérations extérieures, essentiellement au Sahel et au Levant. La continuité de l’engagement des forces est un gage de crédibilité : les menaces n’ont pas disparu malgré la crise, et la situation stratégique est particulièrement mouvante.

L’activité des dernières semaines a d’ailleurs été très intense. Un seul exemple : les 14 et 15 mai, la force Barkhane a conduit une opération d’ampleur contre des combattants de l’État islamique au grand Sahara, dans le sud du Gourma malien, mobilisant un drone Reaper, deux Mirage 2000D, trois hélicoptères Tigre, ainsi qu’un sous-groupement tactique désert.

Pour être en mesure d’intervenir à l’avenir, il faudra continuer à recruter et à former les jeunes, conserver un niveau de préparation opérationnelle et de maintien en condition opérationnelle des matériels satisfaisant. Durant ces deux mois, les armées ont dû constamment se maintenir sur une ligne de crête : protéger les soldats contre le virus et continuer de préparer les opérations.

En outre, les mesures de confinement ont mis en pause les recrutements et limité les possibilités d’entraînement et de formation, contribuant à creuser la dette organique des armées. À titre d’exemple, pour l’armée de terre, chaque mois qui passe sans recrutement, c’est un régiment qui manque à l’appel. Aujourd’hui, heureusement, les recrutements et les formations reprennent progressivement.

Quatrième observation : la défense doit être au cœur du futur plan de relance. C’est d’abord une question de sécurité de la France et des Français. Ensuite, la préservation de la base industrielle et technologique de défense (BITD) est l’une des conditions du maintien de l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe. Les appétits des puissances étrangères, dont certaines font figure d’alliés, imposent de la vigilance face aux tentatives d’accaparement d’acteurs stratégiques.

Enfin, pour la période de récession qui s’annonce, l’industrie française de la défense constitue un outil précieux pour relancer l’économie, non seulement parce que la défense est l’un des secteurs dans lesquels un euro investi par l’État rapporte le plus d’activités et d’emplois sur le territoire national, en raison de l’implantation de cette industrie en France, mais aussi parce que ces investissements contribuent à l’innovation et à la technologie de pointe qui irriguent par la suite l’ensemble de l’économie. Les efforts engagés par la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 devront donc être confortés.

La vigueur du lien entre la nation et son armée doit être réaffirmée. Les mesures de confinement et la limitation des contacts physiques ont conduit à réduire l’ampleur des commémorations mémorielles ; nous l’avons vu à l’occasion du 75e anniversaire du 8 mai 1945 ou encore des événements en l’honneur du général de Gaulle. Les journées de défense et de citoyenneté ont été suspendues et le calendrier de l’expérimentation du service national universel bouleversé.

Je voudrais, pour terminer, faire un gros plan sur deux auditions, un peu en marge de l’activité de nos armées.

Celle de la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale, tout d’abord, a permis notamment de faire un point sur le document publié en 2013 par le secrétariat général relatif à la « nouvelle doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire ». La secrétaire générale a expliqué que ce document avait vocation à affirmer, à la suite d’un avis du Haut conseil de la santé publique de 2011, un nouvel usage du masque FFP2 par rapport au masque chirurgical, le premier protégeant son porteur des virus, le second l’empêchant de projeter des gouttelettes sur les autres, mais qu’il ne constituait en aucun cas une rupture d’appréciation du dimensionnement des stocks stratégiques de produits de santé. C’est à prendre en considération, dans la suite de nos travaux.

L’audition du directeur général de la gendarmerie nationale a quant à elle permis de dresser un premier bilan très positif et unanimement salué de l’opération « Répondre présent » visant à assurer une action de proximité, notamment auprès des personnes les plus vulnérables, en lien avec les collectivités territoriales, les associations et les services déconcentrés de l’État.

Pour conclure, je retiens de l’ensemble de nos travaux que le retour d’expérience de la crise implique de s’interroger sur les concepts de résilience, de souveraineté, d’autonomie stratégique, et sur la relocalisation sur le sol national des certaines capacités productives. Ce sont ces sujets qui doivent, me semble-t-il, constituer les axes prioritaires de nos futurs travaux.

Et je ne voudrais pas terminer sans rendre hommage aux quatre soldats morts en opérations ou à l’entraînement durant la période de confinement. Cet hommage ne retire bien sûr rien à celui, légitime, dû également à nos personnels soignants ainsi qu’à tous ceux qui ont assuré des missions de service public.

*

M. le président Richard Ferrand, rapporteur général. La Conférence des présidents du 17 mars qui a créé la mission d’information sur l’épidémie de Covid-19 avait décidé que celle-ci, le moment venu, demanderait à se doter des prérogatives d’une commission d’enquête.

J’ai été saisi en ce sens d’une demande du président du groupe Les républicains Damien Abad, à qui je cède la parole pour la présenter.

M. Damien Abad, président du groupe les Républicains. Je souhaite en effet vous faire part du souhait de notre groupe de transformer cette mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de Covid-19 en commission d’enquête, au titre de l’article 5 ter de l’ordonnance de 1958.

Il nous paraît en effet essentiel de doter dès que possible cette mission d’information des prérogatives d’une commission d’enquête. Il appartient, en effet, aux parlementaires de mettre en place les moyens d’investigation nécessaires pour contrôler les mesures prises par le gouvernement dans cette période de crise et d’en tirer toutes les conséquences. Cette commission d’enquête devra notamment nous éclairer sur la protection apportée aux Français, avec par exemple la question des masques. Elle devra également se pencher sur la stratégie du gouvernement en matière de dépistage ainsi que sur la gestion de l’épidémie dans les EHPAD, qui a révélé des failles importantes.

C’est pourquoi, selon l’article 145-1 du Règlement de l’Assemblée nationale, le groupe LR propose que la mission dispose des prérogatives commission d’enquête afin de mener des investigations dans le périmètre suivant :

– la stratégie de prévention, avec tout ce qui concerne le système de surveillance épidémiologique, la gestion des stocks stratégiques, le calendrier de la réaction des pouvoirs publics ;

– la gestion de la crise sanitaire pendant le confinement, avec la question des équipements de protection individuelle, dont les masques pour les personnels de santé et le grand public, la disponibilité des médicaments et des produits de réanimation, la stratégie de dépistages et de tests, l’appel aux différents laboratoires, les traitements, vaccins et soutiens à la recherche, les contours et l’efficacité des mesures d’ordre public contre la propagation de l’épidémie, ou encore le bilan des réquisitions ;

– la réponse du système de soins et sa réorganisation pour faire face à l’épidémie, la mise en œuvre du plan blanc, la réorganisation de la prise en charge hospitalière publique et privée par l’augmentation des capacités en réanimation et le transfert de patients, les renforts hospitaliers par les ARS, la réserve sanitaire, les réquisitions de personnel soignant, l’activité de la médecine de ville, les EHPAD et les établissements médico-sociaux, ou encore le besoin des hôpitaux ;

– l’organisation territoriale et la gestion de crise, avec le rôle et les pouvoirs des élus locaux, les capacités de réaction des préfets et services déconcentrés, l’organisation régionale de la santé, le rôle et les moyens des ARS ;

– la situation en outre-mer, avec une chronologie différente de l’épidémie, des fragilités particulières et la réponse sanitaire qui a été apportée dans ces territoires.

– la stratégie de déconfinement, avec les questions du calendrier, de la méthode et des indicateurs retenus, des capacités de dépistage, du suivi des personnes infectées, des dispositifs de traçage des cas de contact, la question également des écoles, des transports collectifs et de la protection des salariés.

– et enfin, les conséquences économiques et budgétaires de la crise sanitaire, avec l’évaluation des mesures budgétaires, législatives et réglementaires, l’impact du Covid-19 sur la croissance et les comptes publics, et l’influence du confinement sur l’emploi.

Nous avons une responsabilité collective. L’objectif de cette commission d’enquête est aussi de tirer ensemble les leçons de cette crise inédite en faisant des préconisations claires et précises pour que notre pays ne se retrouve plus jamais dans une telle situation.

M. Stéphane Peu. Sur la crise que nous venons de traverser, il existe, au-delà du contrôle par notre assemblée de l’exécutif, qui n’est pas satisfaisant selon nous, un accord entre nous pour qu’une commission d’enquête permette à la fois à notre assemblée et au pays de comprendre ce qui s’est passé, de savoir ce qui a bien et moins bien fonctionné, ce qui aurait pu ou dû être anticipé, ce qui ne l’a pas été, bref d’armer notre pays par l’investigation et la compréhension pour en tirer toutes les conclusions.

C’est la raison pour laquelle notre groupe a, dès le 8 avril, fait valoir son droit de tirage pour créer une commission d’enquête sur un périmètre semblable à celui énoncé à l’instant par M. Damien Abad. Le 14 avril, la Conférence des présidents déclarait notre résolution recevable. Celle-ci a été adressée à la garde des sceaux, qui nous a répondu en précisant, comme c’est l’usage pour les commissions d’enquête, elle n’y voyait pas d’opposition en dehors des objets de poursuites judiciaires. Aussi, notre demande est à l’ordre du jour de la réunion de la commission des affaires sociales de demain matin.

Pourquoi, dès lors, deux commissions d’enquête ? Car je confirme notre souhait de voir notre demande aboutir. C’est le droit de tirage de notre groupe, un droit constitutionnel pour les groupes parlementaires.

M. le président Richard Ferrand, rapporteur général. Je voudrais simplement observer que votre question vaut toutes les réponses : « pourquoi deux ? », alors que, précisément, ainsi que je l’ai indiqué, le 17 mars, il avait été décidé à l’unanimité de la Conférence des présidents, après que nos collègues du groupe Les Républicains aient envisagé la création d’une commission d’enquête pour plus tard, car nous étions alors en plein pic épidémique que, d’une part, on créerait la présente mission d’information et que, d’autre part, lorsque le groupe Les Républicains demanderait de voir la mission d’information se doter des prérogatives d’une commission d’enquête, il serait fait droit à cette demande. Il avait aussi été entendu que le rapporteur à venir émanerait des rangs du groupe Les Républicains. L’accord étant unanime, il faut l’appliquer. Pour le reste, la commission des affaires sociales nommera un rapporteur sur la recevabilité de votre demande et répondra à votre question « pourquoi deux ? ».

M. Stéphane Peu. Cette commission d’enquête demandée par le groupe Les Républicains s’inscrit-elle dans le cadre du droit de tirage de ce groupe ?

M. le président Richard Ferrand, rapporteur général. Non. Une mission d’information peut décider, à tout moment, de se doter des pouvoirs d’une commission d’enquête. En amont de la demande du groupe GDR, à l’initiative de la Conférence des présidents, il avait été décidé de ne pas ouvrir immédiatement un processus de constitution de commission d’enquête, pour des raisons évidentes, mais il était convenu que la mission d’information servirait de socle à ce travail d’enquête lorsque le groupe Les Républicains le demanderait.

Mme Anne Genetet. Je voudrais saluer la qualité des travaux menés par notre mission d’information depuis le 1er avril. Dans ce premier temps, nous avons bien atteint l’objectif que nous nous étions fixé d’assurer un contrôle des mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire. Nous avons procédé à de très nombreuses auditions, qui ont été fort éclairantes.

Je salue, monsieur le président, le climat apaisé et constructif que vous avez su instaurer, à l’instar des autres personnes qui ont présidé cette mission, mais également votre infinie patience dans les conditions que vous avez rappelées.

Les restitutions des travaux des commissions qui nous sont aujourd’hui présentées montrent que les commissions permanentes ont pleinement joué leur rôle, chacune dans son dans son champ de compétences. Je salue notamment les travaux de la commission des affaires étrangères, à laquelle j’appartiens.

À l’issue du premier rapport d’étape de la mission, nous pourrons désormais entrer dans une seconde phase, dans une cohérence et une logique de continuité qui n’auront échappé à personne. Comme cela avait envisagé dès le départ, il est temps d’élargir les travaux de la mission à l’évaluation de la crise, l’analyse de ses fondements, l’étude de ses conséquences. Nous pouvons à présent envisager que notre mission se voie confier comme prévu les prérogatives d’une commission d’enquête, en vue de disposer des informations dont nous avons besoin, sous tous les aspects qu’a rappelés le président Damien Abad.

Notre mission d’information demeure selon nous le bon périmètre. L’esprit de responsabilité doit perdurer, nul besoin de créer une nouvelle commission d’enquête pour mener ce travail d’évaluation, nous disposons déjà de l’outil adéquat pour mettre en évidence les enseignements à tirer pour l’avenir, et je crois que nos concitoyens l’attendent.

M. Éric Ciotti. Comme un consensus semble se dégager sur la transformation de notre mission d’information en commission d’enquête, je vous adresserai, monsieur le président, à titre non pas de président de la mission mais de président de l’Assemblée nationale, et en ma qualité de vice-président de notre mission d’information, une demande officielle émanant de notre mission, conformément à ce que la Conférence des présidents avait convenu et que vous avez rappelé, afin de lui reconnaître pour une durée de six mois les prérogatives d’une commission d’enquête conformément à l’article 5 ter de l’ordonnance du 17 novembre 1958.

M. le président Richard Ferrand, rapporteur général. Je remercie à mon tour les quatre vice-présidents de la mission d’information, Éric Ciotti ici présent, Boris Vallaud, Patrick Mignola et Gilles Legendre, qui ont tour à tour présidé les différentes auditions de la mission.

Je vais à présent mettre aux voix la demande tendant à ce que la mission se voit attribuer les prérogatives d’une commission d’enquête dans les conditions et limites prévues par l’article 6 de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 en vue de disposer des informations que la mission jugera nécessaire sur la crise liée à l’épidémie de Covid-19 en ce qui concerne la prévention sanitaire, la gestion de la crise sanitaire et l’adaptation du système de soins, l’organisation territoriale face à la crise, la stratégie de déconfinement, les réponses apportées dans les territoires, en métropole et outre-mer, et les conséquences économiques et budgétaires de la crise.

Les membres de la mission d’information donnent un avis favorable à la demande.

M. le président Richard Ferrand, rapporteur général. Conformément à l’article 145-3 du Règlement, cette demande sera notifiée aux présidents de commission et présidents de groupe. Elle sera considérée comme adoptée si, avant la deuxième séance qui suit cette notification, aucune opposition n’a été présentée par le gouvernement, le président d’une commission ou le président d’un groupe.

 

*

*     *

TRAVAUX DES COMMISSIONS PERMANENTES SUR LE SITE DE L’ASSemblÉe nationale

Commission des affaires culturelles et de l'éducation

 

Commission des affaires économiques - Groupes de suivi

 

Commission des affaires économiques - Réunions de suivi

 

Commission des affaires étrangères

 

Commission des affaires sociales

 

Commission de la défense

 

Commission du développement durable

 

Commission des finances

 

Commission des lois - Restitution des travaux

 

Commission des lois - Suivi des ordonnances

 

Commission des lois - Suivi des QPC

 

Commission des lois - Auditions

 

 


—  1  —

   examen par la mission d’INFORMATION

Au cours de la réunion du mercredi 3 juin 2020, les membres de la mission ont adopté le présent rapport.

Suivre ce lien pour accéder au compte-rendu de cette réunion.

 

 


—  1  —

   CONTRIBUTIONS DES GROUPES ET CONTRIBUTIONS INDIVIDUELLES

 

Contribution de

-          David HABIB, membre de la mission d’information

-          Boris VALLAUD, vice-président de la mission d’information

-          Valérie RABAULT, membre associée de la mission d’information

 

au nom du groupe Socialistes et apparentés

Rapport d’information de la mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid-19

 

Lors de sa création par la Conférence des Présidents du 17 mars 2020, la mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid-19 s’était donnée pour objectif d’éclairer notre Assemblée, et à travers elle, l’ensemble des Français, sur la gestion de la crise sanitaire et les mesures prises dans le cadre de l’urgence sanitaire, afin de pouvoir en tirer les enseignements nécessaires à l’avenir.

Dans cette optique, le groupe Socialistes et apparentés souhaite par la présente contribution apporter un certain nombre de précisions et d’éléments complémentaires par rapport aux conclusions de ce rapport.

  1. Sur la gestion de la crise sanitaire
  1. Sur l’anticipation de la crise

Le rapport estime que « la menace sanitaire a été prise en compte dès le début, par la mobilisation sans délai des différents acteurs, par l’activation des dispositifs prévus en cas de crise et par la diffusion d’informations auprès des professionnels de santé et du grand public ».

Nous ne souscrivons pas à cette analyse. Au contraire, l’étude des faits et des déclarations de certains membres de l'exécutif nous amène à conclure que la prise en compte de la menace sanitaire par la totalité de l'exécutif a été tardive ce qui a obéré la capacité de réaction de notre pays face au virus.

Ainsi, le 24 janvier 2020, la Ministre des Solidarités et de la Santé affirmait lors d’une conférence de presse que « les risques de propagation du virus dans la population [française] sont très faibles ».

Le 6 mars 2020, le Président de la République considérait encore, selon des propos rapportés, que « la vie continue. Il n’y a aucune raison, mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de sortie ».

Ces déclarations publiques révèlent une prise de conscience tardive de l'épidémie.

Elles reflètent par conséquent un manque d’anticipation de l’Etat dans la gestion de l’épidémie, qui ne peut se résumer à la seule incertitude quant aux caractéristiques du virus et ses modalités de transmission, comme le laisse supposer le rapport.

Les actions engagées par le Gouvernement prouvent également le retard dans la prise en compte de l’épidémie. Dès le 30 janvier 2020, l’OMS déclarait « l’urgence de santé publique de portée internationale » concernant l’épidémie de Covid-19. Le 18 février 2020, le Ministre des Solidarités et de la Santé indiquait que « la France est prête face au risque pandémique ». Pourtant, il faudra attendre le 11 mars pour que le Gouvernement décide de la mise en place du Conseil scientifique Covid-19, soit 6 jours avant le début du confinement. Ainsi, il est erroné d’évoquer une « mise en place précoce d’un appui scientifique au pilotage de la crise », comme le fait le rapport.

L’impréparation du Gouvernement est également révélée par la gestion des stocks de masques et la politique de dépistage.

En conclusion, nous estimons indispensable que la commission d'enquête récemment créée puisse établir une chronologie précise :

Il est évident que l'appréciation de la réactivité gouvernementale ne peut s'établir qu'à l'aune de ces informations.

  1. Sur la gestion du stock de masques

Le rapport pointe « l’insuffisance des stocks stratégiques d’équipements de protection » pour expliquer les difficultés d’approvisionnement constatées au plus fort de l’épidémie, relevant notamment que cette impréparation est liée à « une évolution de doctrine et de décisions intervenues à partir de 2011 ».

Nous soutenons au contraire que l’insuffisance des stocks de masques chirurgicaux relève de la seule responsabilité du Gouvernement actuel. En effet, les stocks de l’Etat s’élevaient à 714 millions de masques chirurgicaux à la fin du quinquennat précédent, comme l’a confirmé le Ministre des Solidarités et de la Santé sur RMC et BFMTV le 11 mai 2020. Ceux-ci n’étaient plus que de 117 millions au début de l’épidémie, comme l’a confirmé le Premier ministre lors de sa conférence de presse du 19 avril 2020.

Cette insuffisance des stocks a toutefois été écartée par la Ministre des Solidarités et de la Santé, qui a indiqué le 26 janvier 2020 que « des dizaines de millions de masques [sont] en stock, en cas d’urgence », « tout cela est parfaitement géré par les autorités ». « Et si un jour il fallait porter un masque, nous distribuerions le masque, il n’y a absolument aucune raison d’aller en acheter ».

Dans ce prolongement, son successeur affirmait le 24 février 2020 que « la France dispose de stocks massifs de masques chirurgicaux si nous avions besoin d’en distribuer. Nous avons lancé des commandes pour des millions de masques FFP2, à haut niveau de technicité pour les seuls professionnels en contact avec les malades confirmés […] La commande permettra de répondre à la totalité des besoins qui pourraient se faire ressentir, quelles que soient les situations que la France pourrait connaître du point de vue de la menace épidémique ».

Pourtant, dans son allocution du 13 avril 2020, le Président de la République reconnaissait que « nous n'avons pas pu distribuer autant de masques que nous l'aurions voulu pour nos soignants, pour les personnels s'occupant de nos aînés, pour les infirmières et les aides à domicile ».

Il apparaît donc que la mission d'information n'a pas apporté de réponses satisfaisantes aux questions que se posent légitimement les Français sur les masques.

Aussi, nous formulons le souhait que la commission d'enquête puisse :

  1. Sur les capacités de tests de dépistage

Le rapport relève que « les tensions nationales constatées sur la disponibilité des tests de dépistage résultent largement de la demande soudaine et mondiale de produits réactifs ».

Si nous ne nions pas ces difficultés, nous soulignons toutefois que cette tension sur les capacités de tests n’a été prise en compte que très tardivement par les autorités publiques.

Le 27 janvier 2020, le Directeur général de la santé indiquait que « nous bénéficions en France d’un test rapide qui va être disponible de plus en plus largement sur le territoire dans les prochains jours ».

Le 23 février 2020, le Ministre des Solidarités et de la Santé affirmait que « dans les hôpitaux de Paris, nous allons pouvoir être largement en mesure de répondre aux demandes, quelles qu’elles soient, de réalisation de tests ».

Ce n’est que le 21 mars 2020 que le Ministre des Solidarités et de la Santé reconnaissait que la France devait se préparer à « faire évoluer rapidement sa stratégie de dépistage » afin d'être « en mesure de multiplier nos capacités de tests ».

Cette prise en compte tardive a induit un retard important de nos capacités de tests par rapport à nos voisins européens. Ainsi début avril, la France disposait d’une capacité maximum de 125 000 tests par semaine, ainsi que l’indique le rapport, lorsqu’à la même période, l’Allemagne effectuait entre 400 000 et 500 000 tests hebdomadaires.

Surtout, ce retard dans l’élaboration d’une capacité de tests conséquente a joué un rôle important dans la gestion de la crise sanitaire. Le professeur Jean-François Delfraissy, Président du Conseil scientifique Covid-19, a reconnu le 12 avril 2020 que la faible capacité de tests a influé les recommandations du Conseil scientifique en matière de confinement : « Si on avait eu une capacité de 100 000 tests par jour [au lieu de 3 000 en France à cette date], peut être que j’aurais proposé les choses différemment […] le confinement n’était pas la meilleure solution. C’était la moins pire […] Le déficit initial [de tests] a dicté le choix du confinement et pèse toujours dans sa durée ».

En conclusion, il apparaît que la mission d'information n'a pas été en capacité d'expliquer pourquoi la France a eu une capacité de tests inférieure à celle de ses voisins, et notamment l'Allemagne.

Par conséquent, la commission d'enquête devra :

  1. Sur la gestion de la crise dans les EHPAD

Le rapport juge que « le suivi de la situation dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) s’est avéré insuffisant au début de la crise », se limitant à souligner que « l’organisation des remontées d’informations sur les décès survenus dans les EHPAD n’a pas été structurée au début de la crise et n’est devenue effective que tardivement ».

Ainsi, le rapport mentionne les difficultés rencontrées quant au suivi des décès dans les EHPAD mais n’aborde pas la stratégie du Gouvernement quant à la prise en charge des patients Covid-19 au sein des EHPAD. Or d’après les remontées de terrain, de nombreux EHPAD ont fait état que lorsque certains de leurs résidents tombaient malades et nécessitaient une hospitalisation, leurs demandes de prises en charges étaient refusées, y compris dans les régions qui ne connaissaient pas de saturation de leurs capacités hospitalières. Aussi, il apparaît que l’absence de clarification du Gouvernement, au plus fort de la crise, quant à sa doctrine de prise en charge des patients Covid-19 dans les EHPAD, a pu nuire à la prise en charge optimale de ces patients.

Le 27 mars 2020, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont publié une tribune avec 3 demandes :

Le Gouvernement a finalement repris à son compte ces demandes. Il conviendra que la commission d'enquête établisse précisément dans quelle mesure elles ont été mises en œuvre.

  1. Sur l’efficacité du contrôle parlementaire de l’état d’urgence sanitaire

Le rapport semble se satisfaire de la célérité (4 jours) avec laquelle la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a été adoptée par le Parlement. Nous regrettons cependant que le débat sur l’instauration de l’état d’urgence sanitaire ait été dilué par la présence dans le même projet de loi des dispositions relatives au report du second tour des élections municipales, qui ont accaparé la majeure partie des débats.

Le rapport loue ensuite la qualité du contrôle parlementaire exercé dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : « l’Assemblée nationale a mis en place un contrôle renforcé dans la lignée de celui instauré sur la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ».

Il convient toutefois de rappeler qu’aucun contrôle parlementaire n’était initialement prévu par le Gouvernement dans le projet de loi qu’il a déposé sur le bureau du Sénat. L’introduction du contrôle parlementaire tel qu’il existe dans la loi du 23 mars 2020 résulte donc de l’action du Sénat et des groupes d’opposition.

Nous regrettons cependant que le Gouvernement n’ait pas souhaité introduire un contrôle parlementaire équivalent à celui prévu dans le cadre de l’état d’urgence de la loi de 1955, révisée en 2017. A ce titre, il est inexact d’affirmer, comme le fait le rapport, que ce contrôle parlementaire s’inscrit dans la lignée de celui de l’état d’urgence de la loi de 1955.

En effet, contrairement à la loi de 1955 relative à l'état d'urgence, les autorités administratives concernées ne sont pas tenues de transmettre sans délai copie des actes qu'elles prennent en application de l’état d’urgence sanitaire.

Nous regrettons par ailleurs que les auditions de la présente mission d’information n’aient pas eu lieu dans le cadre d'une commission d'enquête, comme cela avait été le cas dès le début du contrôle parlementaire de l'état d'urgence décrété pour lutter contre la menace terroriste, ce qui aurait très probablement permis un niveau d'information plus élevé de l'Assemblée.

Enfin, il conviendra que puisse s’opérer au sein de la commission d’enquête un assouplissement de la règle des 2 minutes en matière de prise de parole afin qu’un intervenant puisse reprendre la parole, s’il l’estime nécessaire, pour obtenir des précisions complémentaires à ses questions, là encore dans le but de garantir le meilleur niveau d’information possible de l’Assemblée.

  1. Sur l’impact de l’état d’urgence sanitaire sur les libertés publiques

Le rapport estime que les restrictions en matière de libertés publiques induites par l’état d’urgence sanitaire, qui « ont eu un impact important et immédiat sur la vie quotidienne des Français, n’en ont pas moins été strictement encadrées par le législateur ».

Le rapport omet toutefois de préciser qu’un certain nombre de ces encadrements relèvent soit de l’initiative de l’opposition, soit de l’initiative du Conseil constitutionnel suite à sa saisine par les groupes d’opposition dont le groupe Socialistes et apparentés.

C’est ainsi à l’initiative des groupes d’opposition et en particulier du groupe Socialistes et apparentés qu’un certain nombre de garde-fous ont été instaurés dans le cadre de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, concernant la mise en place du fichier informatique de traçage destiné à identifier les personnes atteintes du covid-19 ainsi que les personnes avec lesquelles elles ont été en contact :

 

 

 


—  1  —

Contribution du groupe Libertés et Territoires

Rapport d’étape de la mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de Covid-19

 

Le groupe Libertés et Territoires considère que la mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de Covid-19 créée par la Conférence des présidents était une première étape indispensable. Pour autant, il est aujourd’hui nécessaire d’aller plus loin dans le contrôle de l’action du Gouvernement par le Parlement, en dotant cette mission d’information des prérogatives d’une commission d’enquête.

C’est en effet la plus grande crise sanitaire que nous connaissons depuis un siècle, avec près de 30 000 morts à l’heure actuelle. C’est également une crise économique sans précédent, qui nous fait anticiper une prévision de récession de 11%. C’est enfin une crise sociale d’ampleur qui s’annonce, avec 840 000 demandeurs d’emploi supplémentaires pour le seul mois d’avril. Surtout, cette crise qui a mis à rude épreuve notre système de santé ne sera pas la dernière, et il faut d’ores et déjà anticiper que de nouvelles crises sont à venir.

Dans ce contexte, il est plus que jamais indispensable que le Parlement mène à bien son rôle de contrôle de l’action du Gouvernement, guidé par des impératifs d’efficacité et de transparence. Au nom de la confiance que nous devons à nos concitoyens, nous devons faire toute la lumière sur la gestion de cette crise et les éventuels dysfonctionnements, ce qui signifie que nous puissions être en mesure d’établir les faits, comprendre les processus de décisions, et tirer les leçons.

Nous avons d’ores et déjà pointé un certain nombre de questions que nous devons approfondir. Parmi elles, le sujet de la logistique et de l’approvisionnement en matériel de protection, comme les masques, les blouses, les surblouses …  La doctrine sur les tests de dépistage, aussi bien virologiques que sérologiques, mérite notre plus grande attention. Il en va de même pour la disponibilité des médicaments, en particulier dans les services de réanimation (comme le curare). La question de l’efficacité des Agences Régionales de Santé (ARS), en particulier en période de crise sanitaire, doit être creusée. Leurs décisions ont parfois suscité beaucoup d’incompréhensions, et exacerbé leur image de structures technocratiques, éloignées des besoins et des réalités des territoires.

La conduite de la mission d’information est révélatrice de la perte de pouvoir du Parlement, que nous ne cessons de dénoncer, et qui s’est accélérée ces dernières années. Les prises de paroles des orateurs, limitées à 2 minutes, puis à 1 minute, regroupées de surcroît par séries de 4 questions, n’ont pas permis de garantir suffisamment de fluidité et de précisions dans nos échanges. Il est impératif que la commission d’enquête adopte un format plus dynamique, permettant de limiter les propos liminaires et d’octroyer un droit de réplique à ses membres.

 

Si nous comprenons les choix de la mission d’information, en raison du contexte particulier imposé par le confinement, l’heure est aujourd’hui à l’approfondissement sans concession. L’exigence qui avait prévalu lors de la commission d’enquête sur la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) doit être la règle. Cette exigence de vérité est nécessaire pour garantir la confiance dans l’action publique. 

De manière générale, l’épidémie de Covid-19 doit nous interroger collectivement sur le poids, la rigidité et la lenteur de l’administration et son incapacité à anticiper les situations de crise, prendre rapidement les décisions qui s’imposent, et s’assurer de leur mise en œuvre sur le terrain. Il ne s’agit pas de désigner des coupables, mais bien de reconstituer un processus de décision qui manifestement s’est révélé parfois inefficace en pleine épidémie et d’améliorer notre capacité à répondre à de futures crises sanitaires.

Sur cet aspect, nous pouvons nous interroger sur le rôle du conseil scientifique et le poids de ses avis dans la prise des décisions. Surtout, la concentration des décisions aux seules mains du président de la République doit être questionnée, et mise en perspective avec l’action des collectivités locales plus agiles que l’Etat. Ces constats doivent nous inciter à procéder à une indispensable décentralisation de nos politiques publiques pour les rendre davantage efficaces.

Enfin, la commission d’enquête parlementaire doit nous conduire à élaborer une transformation de notre système de santé. Ce dernier a tenu grâce à l’engagement exceptionnel de la communauté médicale. Les Français et Françaises ne s’y sont pas trompés en les applaudissant tous les soirs. Il faut maintenant poser les fondations d’un nouveau système de santé.

 

 

 

 


—  1  —

Contribution du groupe La France Insoumise

 

Rapport d’étape de la mission d’information « Impact, gestion et conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid19 »

 

 

La crise sanitaire du Covid-19 interroge notre organisation de la société en profondeur. Jamais nous n’avions été confrontés dans le passé à une crise avec plus de la moitié de l’humanité confinée. Jamais, depuis la deuxième guerre mondiale, nous n’avions eu à faire face à une réorganisation forcée aussi brutale à l’échelle internationale.

 

Dès les premiers jours de l’épidémie, l’état d’impréparation du pays est apparu aux yeux de tous. L’improvisation a fait office de politique, là où une véritable planification de la mobilisation sanitaire aurait été nécessaire. Les erreurs et les mensonges, qui ont coûté des vies, ont semé le doute sur les mesures décidées par le pouvoir. Au moment où la mobilisation populaire et la démocratie étaient pourtant essentielles pour établir une unité d’action dans le pays, le président de la République et le gouvernement ont décidé de concentrer encore plus de pouvoir et de décider seuls : l’état d’urgence sanitaire donne des pouvoirs exorbitants à l’exécutif, contourne le Parlement et piétine nos libertés individuelles. Pourtant, même pendant la première guerre mondiale, un comité de suivi parlementaire continuait de contrôler l’action du gouvernement et maintenait ainsi la séparation des pouvoirs.

 

Le contrôle de l’action gouvernementale a été réduit à des questions au gouvernement 2 heures par semaine et à une mission d’information qui s’est apparentée à une véritable mascarade. La mission d’information « Impact, gestion et conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19 » a été créée par la Conférence des présidents du 17 mars 2020. Au plus fort de la crise, sous la houlette de Richard Ferrand, député LREM devenu président de l’Assemblée nationale, « l’information » s’est réduite à 1 minute de temps de parole seulement pour questionner des ministres invités au moment opportun afin de faire le service après-vente des décisions du gouvernement. Et bien entendu, aucun pouvoir d’enquête.

 

Mais le Parlement n’est pas le seul à se faire piétiner : la démocratie sociale, pourtant si importante pour permettre aux salariés de définir les mesures sanitaires à prendre dans l’entreprise, a été complètement bafouée. Le gouvernement a là aussi refusé de décider avec les syndicats et les travailleurs et travailleuses de ce pays des questions essentielles. La réquisition et la nationalisation d’entreprises stratégiques, ou la distinction entre les secteurs économiques essentiels et ceux qui mettent inutilement en danger la vie des salariés ont été balayées.

 

Résolus à ne pas laisser le monopole de l’information au seul gouvernement, les groupes parlementaires de la France insoumise (à l’Assemblée nationale et au Parlement européen) ont donc lancé une commission d’enquête relative au Covid-19 dès le 30 mars 2020. Nous étions certes toutes et tous confinés, mais la politique et la réflexion se devaient d’être déconfinées.

 


Cette commission d’enquête a été coordonnée par Mathilde Panot, vice-présidente du groupe LFI à l’Assemblée, Manuel Bompard, chef de la délégation LFI au Parlement Européen et Éric Coquerel, député LFI à l’Assemblée. Elle s’est donnée trois objectifs principaux.

 

Premièrement, enquêter sur les responsabilités de la situation. À travers l’examen de toutes les fautes commises pendant ces mois, on constate la répétition d’un même schéma. Les principes d’actions centraux du néolibéralisme ont été toujours des freins pour faire face à la pandémie et ses conséquences. La boîte à outils néolibérale est si obsolète face au danger qu’elle en devient dangereuse pour la survie de notre espèce. L’abandon de toute planification industrielle et le déficit de souveraineté sont pointés partout, qu’il s’agisse des médicaments, de l’industrie, des droits des travailleurs, du numérique ou de l’impuissance de l’Union européenne.

 

Deuxièmement, de contrôler le gouvernement dans la gestion de la pandémie. On découvre un confinement parsemé d’erreurs, de mensonges et de fiascos, et on voit poindre, dès le mois de mai, les risques d’un déconfinement hasardeux. 10 points ont ainsi été éclairés par notre commission d’enquête. Sur le plan sanitaire, une technocratie débordée, des soignants au front, méprisés et sans armes, le fiasco des masques, le fiasco des tests ainsi qu’une pénurie de médicaments. Sur le plan économique, des travailleurs sacrifiés sur l’autel de la continuité économique alors que certains secteurs bénéficiaient d’un certain favoritisme. Sur le plan social, un droit du travail attaqué en catimini et un état de droit confiné, tandis que le désastre silencieux du confinement faisait plonger des milliers de citoyennes et citoyens déjà précaires, notamment des quartiers populaires et des outremers, dans la misère.

 

Ce rapport fait le recensement, point par point, de tous les mécanismes qui nous ont conduit dans le mur sanitaire, économique et social. Il s’appuie pour cela sur les témoignages et les analyses de ceux qui connaissent le mieux, par leur expérience, les domaines sur lesquels ils s’expriment : des syndicalistes, des chercheurs, des professionnels, des associatifs. Près de 105 auditions ont permis de les entendre et de faire émerger les orientations d’une profonde bifurcation politique. L’intergroupe parlementaire de la France Insoumise a ainsi contribué à l’intérêt général par ses critiques mais aussi par ses propositions opérationnelles de sortie de crise. Il s’y dessine clairement ce qu’aurait pu faire un gouvernement populaire depuis janvier à la place du tâtonnement hasardeux et du verrouillage anti-démocratique opéré par le gouvernement.

 

Ce rapport a été rendu public fin mai, à l’heure où la majorité envisageait seulement de transformer la mission d’information en commission d’enquête. Lors du débat du 2 juin, Éric Ciotti, a indiqué les objectifs de la future commission d’enquête dont il est le co-rapporteur : « Identifier les fautes, failles, défaillances et dysfonctionnements, nombreux et majeurs », non pour établir « un procès en responsabilité » mais pour que « ceci ne se reproduise plus ». Nous déclarons d’ores et déjà que le monde dont nous avons besoin ne peut pas être organisé pour le profit de quelques-uns mais autour des communs et de l’aspiration à une vie digne pour chacun. C’est le sens des causes communes qui ont émergé de notre propre commission d’enquête. Il ne peut y avoir de retour à la normale. Ou plutôt à l’anormal. C’est avec la mobilisation et l’énergie populaires que nous devons dire « Plus jamais ça » et inventer le futur.

 

 

 

 


—  1  —

 

Contribution du groupe GDR

Rapport d’étape de la mission d’information sur l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de Covid-19

 

La mission dinformation mise en place par lAssemblée nationale sous l’égide de son Président pour assurer le suivi de la gestion de la crise pendant la période de l’état durgence sanitaire aurait pu être utile. En réalité, elle aura principalement consisté à mettre en scène la parole gouvernementale par lorganisation dun défilé de ministres. Il y aura eu beaucoup de questions et peu de réponses. Elle aurait pu permettre de faire entendre dans ce moment d’étouffement démocratique, la société aux prises avec les difficultés du réel, cela est venu bien trop tard et bien trop peu pour donner de lampleur et de la force au travail de la mission.

En définitive, le rapport présenté établit le récit tranquille, sans distance, de laction du gouvernement, aplanissant les sujets qui fâchent pour la part incontournable au regard de son fracas médiatique et écartant le reste. Nous ny retrouvons pas trace de lesprit de nos interrogations et interpellations.

Nul ne méconnaît le caractère inédit, la gravité et lampleur de la crise qui a surgi. Face à cette crise majeure, la conduite à suivre n’était pas toujours d’évidence et la tension était prégnante. Raison de plus pour ne pas éteindre le Parlement et la démocratie. La mission d’information correspondait à une forme d’expression minimale du rôle du Parlement dans cet état d’urgence sanitaire créé de toutes pièces pour l’occasion.

Si nombre de décisions prises étaient justes et nécessaires, elles l’étaient parfois avec retard et souvent au compte-gouttes, donnant le sentiment à chacune et chacun d’avancer le nez sur le pare-brise, sans aucune visibilité. Une pratique du pouvoir verticale s’est installée, centrée sur le Président de la République, délivrant paternellement ses sentences dans de grands rendez-vous à la télévision. Cette stratégie face à la crise n’était pas la seule voie possible. Elle a été marquée par le choix du registre guerrier, du recours à des politiques de contrôle et de surveillance. Cela n’a pas empêché la communication gouvernementale d’être marquée par ses zigzags et ses incohérences… Le gouvernement a donné le sentiment durant longtemps de vivre au jour le jour sans anticiper, sans préparer, sans organiser la sortie de crise. Car pour aller de l’avant, il fallait s’en donner les moyens.

Tout cela a rendu difficile la pleine mobilisation de la société face au danger et pu parfois accroître les risques, notamment pour ce qui concerne la continuation de l’activité pendant la période de pic épidémique, mais également concernant la pratique à adopter en matière de port du masque.

La période a été marquée par les pénuries multiples et durables, sur lesquelles l’exécutif a rendu peu de comptes. Comment nous en sommes arrivés à être autant démunis ? Pourquoi n’avoir pas réagi plus tôt ? Pourquoi le temps de latence a-t-il été si long entre l’annonce de la commande et son arrivée ? Pourquoi la commande publique n’a-t-elle pas été mieux organisée ?

Les pénuries ont également touché d’autres produits de protection, les respirateurs, des médicaments, certains produits de santé… La stratégie de tests a paru incohérente et marquée par des insuffisances ne permettant pas d’appréhender suffisamment l’état de la situation. L’action du gouvernement pour mobiliser les unités de production disponibles et les protéger n’est pas apparue clairement.

Quant à l’action menée en faveur de la recherche sur les traitements et vaccins, elle demeure source de controverses que le gouvernement ne s’est pas donné les moyens de résoudre et elle mérite des éclaircissements.

Enfin, l’hôpital public a affronté les événements dans des conditions difficiles et avec des épées de Damoclès suspendues au-dessus de la tête, tandis que les EHPAD faisaient face eux aussi péniblement.

La gestion du confinement, la préparation du déconfinement méritent elles aussi un regard critique afin d’en tirer toutes les leçons. Le dispositif d’activité partielle était nécessaire, mais le gouvernement, qui avait dans un premier temps gardé le pied sur le frein, ne s’est en réalité que peu soucié de fixer des règles élémentaires. Il y a eu des abus et il est indécent que des entreprises aient versé des dividendes pendant qu’elles bénéficiaient des dispositifs de soutien. On ne peut que s’interroger sur le maintien de certaines activités pendant le pic épidémique et s’indigner que l’inspection du travail ait été appelée à la modération.

Du côté de l’école, la continuité pédagogique ne s’est pas révélée assurer une équivalence, ce que l’on peut aisément comprendre mais ne pas l’admettre a constitué un problème pour les personnels comme pour les élèves.

La pauvreté a frappé deux fois plus fort, et il a fallu du temps pour faire admettre que la situation des jeunes était intenable. Les aides éphémères n’ont été programmées que pour le mois de juin. Le gouvernement a refusé de renoncer à la réforme de l’assurance-chômage.

La situation des demandeurs d’asile s’est elle aussi dégradée sans que le gouvernement ne prenne en compte réellement le choc supplémentaire de la crise pour ces femmes et ces hommes.

Le monde de la culture a particulièrement souffert et les appels à “enfourcher le tigre” n’ont ébloui personne.

On pourrait également parler de la relance, que le gouvernement a préparée seul, comme si le moment n’appelait pas un minimum de réflexion si ce n’est d’introspection.

À faire le tour des questions posées, on mesure l’ampleur de la tâche, l’ampleur des dégâts, l’ampleur du traumatisme. Mais à vrai dire, on le ressent trop peu dans le récit d’une majorité appliquée à justifier sa politique, pourtant bien malmenée par les événements. En définitive, des décisions prises dans le feu de l’exception justifieraient de véritables remises en cause.

Cette période a révélé combien la démocratie est essentielle, parce qu’elle nous a tant fait défaut.

La crise a bousculé les certitudes, elle est venue nous interroger sur la course folle dans laquelle nous sommes engagés. Nombre de femmes et d’hommes manifestent le désir d’en tirer des leçons pour leurs vies personnelles et pour la nôtre commune. Le virus a passé notre société au révélateur, il a fait apparaître la nocivité du capitalisme. Les politiques néolibérales ont affaibli notre capacité à faire face, et dans les faits, le gouvernement a eu toutes les peines du monde à en sortir dans la gestion de la crise.

Mais cette crise, si elle peut constituer un moment fondateur pour réorienter le cours des choses, va laisser des traces douloureuses.

Nous avons dû affronter, et ce n’est pas fini, à un choc majeur. Si l’on comprend que la situation ait donné au gouvernement du fil à retordre, minimiser les insuffisances n’est pas la bonne voie pour rebondir.

Enfin, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine réaffirme qu’il eût fallu enquêter plus tôt sur les dysfonctionnements dans la gestion sanitaire de la crise et s’inquiète de voir la mission d’information se transformer en commission d’enquête sur un champ d’investigation infini, mais il attend de cette commission d’enquête qu’elle s’attache à regarder la réalité en face et à aller bien au-delà de ce premier récit.

 

 

 


—  1  —

 

 

Contribution de M. Jean-Pierre Door,

député du Loiret, Vice-président de la commission des affaires sociales

 

Mission d’information

sur limpact, la gestion et les conséquences

dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19

 

La mission d’information sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid19 a été créée par la Conférence des présidents du 17 mars 2020 tenue sous la forme d’une conférence téléphonique. Cette semaine-là, l’Assemblée nationale reprenait ses travaux en les aménageant « dans un format restreint garantissant le respect des règles sanitaires et la représentation de l’ensemble des sensibilités politiques ». Il s’agissait d’assurer dans le contexte de l’urgence sanitaire l’exercice des deux missions principales du Parlement conformément à l’article 24 de la Constitution, le vote de la loi et le contrôle du gouvernement. Selon le Conseil constitutionnel le rôle d’information des commissions permanentes ou spéciales vise à « permettre à l’Assemblée d’exercer, pendant les sessions ordinaires et extraordinaires, son contrôle sur la politique du Gouvernement dans les conditions prévues par la Constitution ». L’objectif de cette mission d’information était donc d'assurer un suivi renforcé de la gestion de la crise sanitaire et des mesures prises dans le cadre de l’urgence sanitaire conformément aux dispositions de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. La mission devait aussi élargir ses travaux à l’évaluation de la gestion de la crise et à ses conséquences. Aux termes de la loi du 23 mars 2020 « L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence sanitaire. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures. » Il est à noter que néanmoins cette obligation d’information est moins stricte que celle issue de l’article 4-1 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dont l’article 4-1 dispose que « les autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application de la présente loi. »

 

La mission d’information qui se voulait transversale n’avait certes pas pour objet de faire de procès à un exécutif sans cesse sur la défensive face aux critiques de sa gestion de la crise mais de tirer les enseignements de cette situation. Il convenait de discerner ce qui a fonctionné, par exemple, l’extraordinaire mobilisation et  le dévouement des soignants et la coopération entre les médecins généralistes en première ligne et les services d’urgence ; et les défaillances et dysfonctionnements : par exemple, la gestion des masques et des matériels de protection, le nombre insuffisant de respirateurs puis leur mauvaise gestion logistique, l’absence de dépistage massif en phase ascendante de l’épidémie, les pénuries d’approvisionnement de médicaments et de produits anesthésiants, le dialogue difficile entre les directeurs généraux d’ARS et les maires.

 

Force est de constater qu’en limitant essentiellement ses travaux à des auditions la mission n’a obtenu que des informations partielles, imprécises et insuffisantes. Le bilan tragique des victimes dans les EHPAD n’a été établi que tardivement et nous n’avons pas du tout obtenu d’information officielle relative aux décès à domicile. En décembre 2009, la France détenait un stock de 1 milliard de masques chirurgicaux et de 723 millions de masques de protection FFP2. Les auditions se sont souvent traduites, à l’exception des très intéressantes tables-rondes, par des exposés trop longs, très cadrés et assez convenus laissant peu de place à la discussion. Or il était nécessaire de laisser une durée plus longue aux questions afin de comprendre les décisions prises par le gouvernement et les autorités sanitaires pour faire face à l’épidémie. Il est également regrettable d’avoir omis d’entendre certaines personnalités telles que le Ministre de l’action et des comptes publics. Nous n’avons pas pu non plus entendre la Ministre des sports sur les conséquences de l’arrêt des compétitions sportives, ni sur l’impact du match OL – Juventus de Turin à Lyon le 26 février et celui de 8e de finale retour de Ligue des champions du 11 mars où plusieurs milliers de fans se sont mêlés en pleine épidémie. Le sort de la culture n’a guère été considéré. L’audition d’un directeur général d’ARS eût aussi été utile. Et nous n’avons pas entendu un représentant de l’OMS comme nous lavions fait dans le cadre de la mission dinformation sur la grippe aviaire, dont j’étais le rapporteur.

 

La mission d’information n’a donc pas été suffisamment éclairée sur des questions fondamentales. Dès le 31 décembre 2019 le réseau international des agences sanitaires avait été alerté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par la notification de l’existence d’un foyer de pneumonie à Wuhan et l’alerte avait commencé pour Santé Publique France ce 10 janvier. Or le gouvernement a tardé à réagir à chaque étape de l’épidémie alors que des responsables politiques italiens nous imploraient d’« éviter le risque de perdre du temps ». A la différence de l’Allemagne nous n’avons pas procédé à un dépistage massif afin d’identifier au plus tôt les porteurs du virus et de limiter le nombre de victimes, Nous n’avons pas reçu d’éclaircissements sur l’absence dramatique de renouvellement des stocks d’Etat de masques composés en décembre 2009 de 1 milliard de masques chirurgicaux et de 723 millions de masques de protection FFP2. Nous n’avons pas protégé assez tôt les résidents et les personnels des EHPAD. Les décisions concernant l’Education nationale ont varié au fil des jours. Les Français ont été soumis à de multiples injonctions contradictoires aggravant leur angoisse et leur défiance.

 

Pour toutes ces raisons nous devons sérieusement enquêter sur la gestion de la crise de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19.

 

 

 

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

M. Édouard Philippe, Premier ministre

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice

M. Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur

Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer

M. Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique Covid-19

Mme Geneviève Chêne, directrice de Santé publique France

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

M. Jérôme Salomon, directeur général de la santé

Mme Katia Julienne, directrice de l’offre de soins

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Mme Françoise Barré-Sinoussi, présidente du Conseil analyse, recherche et expertise (Care)

M. Bruno Lina, virologue et Professeur au CHU de Lyon, chef d’équipe au Centre international de recherche en infectiologie (CIRI)

Mme Florence Ader, infectiologue au CHU de Lyon et au CIRI

M. Christophe d’Enfert, directeur scientifique de l’Institut Pasteur

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État chargé des transports

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

M. Jean Castex, coordinateur national à la stratégie de déconfinement

M. François Baroin, président de l’Association des maires de France (AMF)

M. Dominique Dhumeaux vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF)

M. Jean-Luc Moudenc, président de France Urbaine

Mme Caroline Cayeux, présidente de Villes de France

M. Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord

M. Laurent Touvet, préfet du Haut-Rhin

M. Bertrand Gaume, préfet du Vaucluse

M. Laurent Berger, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

M. Francis Orosco, vice-président confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Mme Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la Confédération générale du travail (CGT)

M. Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière (FO)

M. Gérard Mardiné, secrétaire général de la Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

M. Geoffroy Roux de Bézieux, Président du MEDEF

M. Alain Griset, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P)

M. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

 

 


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) Chiffres de l’Université de médecine John Hopkins ; https://coronavirus.jhu.edu/map.html - sachant que les modalités de décompte et l’exhaustivité des données peuvent varier selon les pays.

([3]) Audition de M. Édouard Philippe, Premier ministre, et de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, le mercredi 1er avril 2020.

([4]) Arrêté du 4 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

([5]) Arrêté du 9 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

([6]) Arrêté du 13 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.

([7]) https://www.gouvernement.fr/risques/le-processus-de-gestion-de-crise

([8]) Au 24 février, plus de 150 cas positifs avaient été identifiés en Lombardie et en Vénétie.

([9]) Le taux de reproduction d’un virus, ou R0, correspond au nombre de personnes contaminées par une personne infectée. Avant la mesure de confinement, le R0 de la Covid-19 était estimé à 3,3.

([10]) Article D. 1421-4 du code de la santé publique.

([11]) Article L. 1413-1 du code de la santé publique.

([12]) Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([13]) Arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([14]) Décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([15]) Décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 portant création d’une contravention réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population.

([16]) Ce montant a été forfaitisé par le décret n° 2020-357 du 28 mars 2020 relatif à la forfaitisation de la contravention de la 5e classe réprimant la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration de l’état d’urgence sanitaire.

([17]) Le rapport sur la mobilité effectué par Google à partir de données anonymisées au 13 avril fait état d’une baisse de 86 % des déplacements vers les commerces et les espaces de loisirs, de 79 % vers les stations de transport en commun et de 55 % vers les lieux de travail.

([18]) Décret n° 2020619 du 22 mai 2020 complétant le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([19]) Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([20]) Ces analyses hebdomadaires sont disponibles sur la page internet de la mission : http://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/impact-gestion-et-consequences-dans-toutes-ses-dimensions-de-l-epidemie-de-coronavirus-Covid-19/(block)/69039.

([21]) Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

([22]) Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 et loi  2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

([23]) Contre 6 709 journées/homme réalisées pour l’ensemble de l’année 2019, selon les informations transmises par SPF.

([24]) Bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France, publié le 9 avril 2020.

([25]) One-month impact of the French lockdown on the epidemic burden, étude de l’École des hautes études en santé publique et du CHU de Rouen, 22 avril 2020.

([26]) Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France, étude de séroprévalence en population générale réalisée par l’Institut Pasteur, de la DREES et de l’Inserm, 21 avril 2020.

([27]) Par arrêté du 30 mars, une dotation exceptionnelle de 4 milliards d’euros a été allouée à Santé publique France au titre de la prévention épidémique et de la constitution de stocks stratégiques, afin de financer l’acquisition d’équipements de protection, de respirateurs et de médicaments.

([28]) À ces montants, s’ajoutaient des commandes en cours de négociation de 496 millions de masques, dont 446 millions de masques chirurgicaux et 50 millions de masques FFP2. Au total, les commandes engagées ou en cours au 28 mai 2020 atteignaient 3,9 milliards, dont 2,84 milliards de masques chirurgicaux, 1,03 milliard de masques FFP2 et 46,5 millions de masques pédiatriques.

([29]) Comme l’a indiqué Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, en séance à l’Assemblée nationale le mercredi 20 mai, seuls quatre pays européens produisent des masques FFP2, dont la France.

([30]) Ibid.

([31]) Le coût unitaire à la charge de SPF s’établit ainsi à 0,41 euro pour les masques chirurgicaux, contre 0,03 euro en juillet 2019, et à 1,56 euro pour les masques FFP2.

([32]) Audition du professeur Bruno Lina, virologue et Professeur au CHU de Lyon, le 29 avril dernier, lors d’une table ronde réunissant également, par visioconférence, le professeur Françoise Barré-Sinoussi, présidente du comité analyse, recherche et expertise (CARE), le professeur Florence Ader, infectiologue au CHU de Lyon et au CIRI, et le professeur Christophe d’Enfert, directeur scientifique de l’institut Pasteur.

([33]) Objectif national des dépenses d’assurance maladie.

([34]) Loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.

([35]) Cette interdiction a été revue à partir du 20 avril, alors que l’épidémie commençait à refluer, pour permettre les visites de façon limitée et encadrée.

([36]) Selon les chiffres transmis par le ministère des solidarités et de la santé le 28 mai dernier, depuis le 7 avril, au moins 159 000 résidents et 134 000 personnels d’EHPAD ont été testés.

([37]) 3 558 résidents d’EHPAD sont par ailleurs décédés à l’hôpital sur cette même période.

([38]) Les certificats électroniques de décès, qui mentionnent le lieu du décès, auraient pu permettre d’assurer un tel suivi actualisé, mais ils restent insuffisamment utilisés, dans les EHPAD comme ailleurs. La certification électronique n’enregistrait que 20 % de la mortalité nationale au début de l’année 2020.

([39]) Aux termes duquel en matière de santé publique, « l’action de l’Union complète les politiques nationales ».

([40]) Audition de Mme Françoise Barré-Sinoussi, présidente du comité analyse, recherche et expertise (CARE), Mme Florence Ader, infectiologue au CHU de Lyon et au CIRI, de M. Bruno Lina, virologue et professeur au CHU de Lyon, et M. Christophe d’Enfert, directeur scientifique de l’institut Pasteur, le 29 avril 2020.

([41]) Il a ainsi été constaté que l’état de patients pouvait s’aggraver non pas du fait de la multiplication du virus, mais de l’emballement de la réponse immunitaire (« orage immunitaire ») face à l’infection.

([42]) Selon une démarche pluridisciplinaire, le réseau REACTing a pour missions de préparer et de coordonner la recherche pour faire face à des crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes. Il est chargé d’améliorer la préparation de la recherche en période d’intercrise et de coordonner, financer et mettre en place des projets de recherche lors d’une crise épidémique Il a par exemple été mobilisé à l’été 2014 dans la coordination de la lutte contre le virus Ebola, puis, fin 2015, contre le virus Zika.

([43]) Parmi les thématiques retenues, figurent les mesures de prévention ; les traitements, incluant les vaccins ; les tests grande échelle ; les études de séroprévalence ; les rebonds épidémiologiques ; les stratégies de déconfinement et leur mise en œuvre ; la sortie de crise au niveau sanitaire, économique, environnemental, des relations interpersonnelles, ou des changements sociaux et impacts économiques…

([44]) Discovery est un essai clinique à cinq bras, avec cinq types de traitements : les soins standards ; ces soins standards associés au remdesivir, antiviral développé sans succès durant l’épidémie d’Ebola ; les soins standards associés à une combinaison de deux antiviraux, le lopinavir/ritonavir ou Kaletra utilisé contre le VIH ; cette même association soins standards + lopinavir/ritonavir, avec en plus l’interféron Bêta ; les soins standards plus l’hydroxy-chloroquine.

([45]) Un essai clinique comporte en général trois phases : la première permet de tester la tolérance de l’organisme à la substance concernée, d’évaluer la réponse du système immunitaire et de surveiller les effets indésirables. La deuxième phase se déroule généralement dans une zone touchée par la maladie et inclut plusieurs centaines de participants, dont une partie appartient à des groupes dits à risques (maladies respiratoires, diabètes…). Enfin, la troisième phase examine l’efficacité du vaccin chez plusieurs milliers de personnes au profil sanitaire large.

([46]) Décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d’information mentionnés à l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

([47]) Dans sa décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel a néanmoins censuré la disposition visant à permettre aux organismes qui assurent l’accompagnement social des personnes contaminées dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie de recevoir les données strictement nécessaires à l’exercice de leur mission.

([48]) Décret n° 2020-572 du 15 mai 2020 relatif au Comité de contrôle et de liaison Covid-19.

([49]) Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([50]) Sont éligibles les personnes physiques et morales de droit privé ayant débuté leur activité avant le 1er février 2020, dont l’effectif est inférieur à 10 salariés, le chiffre d’affaires hors taxes inférieur à 1 M€ et le bénéfice imposable inférieur à 60 000 € en année pleine, qui ne sont pas en cessation de paiements au 1er mars ni en difficulté au 31 décembre 2019 au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651-2014 de la Commission européenne du 17 juin 2014 relatif aux aides d’État.

([51]) Pour les groupes affichant un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 Md€ et de plus de 5 000 salariés, les garanties sont octroyées par décisions individuelles du ministre en charge de l’économie par arrêté́.

([52]) Les secteurs faisant l’objet de restrictions législatives ou réglementaires particulières en raison de la crise sanitaire, notamment dans le domaine du tourisme, continueront toutefois à bénéficier d’une prise en charge à 100 %.

([53]) L’exonération, jusqu’alors limitée par un plafond annuel de 5 000 €, peut aller jusqu’à 7 500  lorsque les heures supplémentaires et complémentaires réalisées entre le 16 mars 2020 et le dernier jour de l’état d’urgence sanitaire entrainent le dépassement de la limite annuelle de 5 000 €.

([54]) Décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 relatif au versement d'une prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents civils et militaires du ministère des armées et de l'Institution nationale des invalides dans le cadre de l'épidémie de Covid-19.

([55]) Décret n° 2020-570 du 14 mai 2020 relatif au versement d'une prime exceptionnelle à certains agents civils et militaires de la fonction publique de l'État et de la fonction publique territoriale soumis à des sujétions exceptionnelles pour assurer la continuité des services publics dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

([56]) Décret n° 2020-519 du 5 mai 2020 portant attribution d'une aide exceptionnelle de solidarité liée à l'urgence sanitaire aux ménages les plus précaires.

([57]) Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale.

([58]) Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

([59])  Le plan bleu repose sur différentes mesures visant à protéger particulièrement les personnes âgées, telles que l’interdiction des visites, l’isolement des patients en chambre si nécessaire et la surveillance particulière de la propagation du virus dans ces établissements, en lien avec les agences régionales de santé.

([60])  Sur les différentes actions du SGDSN dans la crise du COVID-19 les travaux de la commission de la défense : audition de Mme Claire Landais, secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale, jeudi 30 avril 2020.

([61]) Le 22 janvier 2020.

([62]) Le 27 janvier 2020.

([63]) Il s’agit de l’Institut de veille sanitaire (InVS), de l’Institut national d’éducation et de prévention pour la santé (INPES) et de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).

([64])  Chiffres issus du site de SPF, mis à jour le 23 avril 2020.

([65])  Un premier arrêté du 11 mars 2020 lui avait attribué une dotation de 260 millions d’euros ; ce montant a été porté à 860 millions d’euros par un arrêté du 22 mars 2020, puis à 4 milliards par l’arrêté du 30 mars 2020.

([66]) Le professeur Delfraissy a également été coordinateur interministériel de la lutte contre l’épidémie d’Ebola en France et en Afrique de l’Ouest de 2014 à 2015 ; il a dirigé l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales et parallèlement, de 2008 à 2017, l’institut de microbiologie et maladies infectieuses de l’Inserm.

([67])  Nommées par le décret du 3 avril 2020 portant nomination des membres du comité de scientifiques constitué au titre de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

([68]) Il s’agit des décrets pris par le Premier ministre, des arrêtés du ministre de la santé relatifs à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé et des mesures prises par les représentants de l’État territorialement compétents lorsqu’ils y sont habilités par le Premier ministre ou le ministre de la santé.

([69])  Article L. 3131-19 du code de la santé publique

([70])  Onze avis et deux notes.

([71]) L’équipe est notamment composée de deux anciens directeurs généraux de la santé, d’un ancien préfet et d’un directeur général de centre hospitalo-universitaire.

([72]) Les arrêtés relatifs à la réouverture des marchés alimentaires, au nombre de 4 457 selon les informations transmises par le Premier ministre, n’ont pas été pris en compte.

([73]) L’analyse des mesures préfectorales prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire a fait l’objet d’une publication hebdomadaire sur la page internet de la mission : http://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/impact-gestion-et-consequences-dans-toutes-ses-dimensions-de-l-epidemie-de-coronavirus-covid-19/(block)/69039

([74]) Audition du jeudi 14 mai 2020.

([75])  En application du VII de l’article 101 du décret du 23 mars, les préfets ont pu ordonner la réquisition de laboratoires, d’équipements ou de personnels nécessaires à la réalisation des tests par PCR. Le I de l’article 10-3 de l’arrêté du 23 mars leur a également permis d’autoriser, à titre dérogatoire, les laboratoires utilisant des équipements et des techniques de biologie moléculaire à réaliser la phase analytique de l’examen de détection du virus par PCR.

([76]) 210 selon les informations transmises par le Premier ministre.

([77]) Séance du mardi 28 avril 2020.

([78]) Audition du mercredi 13 mai 2020.

([79]) Le conseil des ministres du 8 avril 2020 a notamment mis fin aux fonctions du directeur général de l’ARS du Grand Est.

([80]) Audition du mercredi 13 mai 2020.

([81]) Audition du jeudi 14 mai 2020.

([82]) M. Laurent Touvet, préfet du Haut-Rhin, a affirmé, lors de son audition du jeudi 14 mai 2020, avoir eu « l’impression que la délégation départementale du Haut-Rhin avait été un peu abandonnée par sa direction régionale ».

([83])  Chiffres clés de l’offre de soins, ministère de la santé, édition 2018.

([84])  Des blocs opératoires ont par exemple été transformés en unités de réanimation.

([85])  Selon les données transmises par le ministère des solidarités et de la santé, à la date du 11 avril, la France disposait d’une capacité de 10 571 lits de réanimation.

([86])  Point épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France du 9 avril 2020.

([87]) Données issues du point épidémiologique hebdomadaire de Santé publique France, 21 mai 2020.

([88]) Informations transmises par le Ministère de la Santé à la Mission d’information, à la date du 6 mai 2020.

([89])  Informations transmises par le Ministère de la Santé à la Mission d’information, à la date du 6 mai 2020.

([90])  Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces dassurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au Covid19 ; décret n° 2020-277 du 19 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus et décret n° 2020-459 du 21 avril 2020 modifiant le décret no 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus.

([91]) Communiqué de la Caisse nationale d’assurance maladie du 31 mars.

([92])  Communiqué de l’Agence Régionale d’Île de France du 30 mars 2020 : https://www.iledefrance.ars.sante.fr/covid19-ouverture-de-centres-de-consultations-ambulatoires

([93])  Point épidémiologique hebdomadaire du 9 avril, Santé publique France

([94]) Informations transmises par le ministère des solidarités et de la santé le 28 mai 2020.

([95])  Données communiquées par le ministère des solidarités et de la santé à la date du 6 mai.

([96])  Décret n° 2020-466 du 23 avril 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([97])  Décret n° 2020-393 du 2 avril 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

([98]) Liste des spécialités vétérinaires pouvant être utilisées chez l’homme dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (Communiqué de ANSM03/04/2020).

([99]) Les modalités du recours à la réserve sanitaire ont été précisées par l’arrêté du 4 mars 2020 relatif à la mobilisation de la réserve sanitaire.

([100]) Chiffres issus du site de SPF, mis à jour le 23 avril 2020.

([101]) Allant parfois jusqu’à trois semaines.

([102]) Notamment les ARS des régions Hauts-de-France, Bretagne, Occitanie, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Normandie et Corse.

([103]) Données transmises par le ministère des solidarités et de la santé, 6 mai 2020.

([104]) Données transmises par le ministère des solidarités et de la santé à la date du 6 mai 2020.

([105]) Infirmiers diplômés d’État (IDE), infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IAED) et infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État (IBODE).

([106]) Données transmises par le ministère des solidarités et de la santé à la date du 6 mai.

([107]) Ces réquisitions sont notamment prévues par l’article 1er du décret n° 2020-337 du 26 mars 2020, modifiant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, donnant la possibilité aux préfets de réquisitionner tout établissement de santé ou tout bien, service ou personne nécessaire au fonctionnement de cet établissement et par l’article 18 du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([108]) Le ministère des solidarités et de la santé a néanmoins indiqué que ces données ne recensent que les personnels soignants ayant fait l’objet de mesures de réquisitions. D’autres types de personnels ont également été concernés par les mesures de réquisition, comme les personnels en charge de la logistique, à l’instar des pilotes mobilisés dans le cadre du pont aérien avec la Chine et de la liaison entre la Réunion et Mayotte ou encore les personnels mobilisés pour faire face aux besoins en termes de services funéraires.

([109]) Ainsi que l’indique l’Institut national de recherche et sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (Inrs), il protège celui qui le porte contre les projections de gouttelettes émises par une personne en vis-à-vis, mais il ne protège pas contre l’inhalation de très petites particules en suspension dans l’air.

([110]) Les capacités filtrantes des masques FFP3 sont plus élevées : les masques FFP2 filtrent au moins 94 % des aérosols de taille moyenne, contre 99 % pour les masques FFP3.

([111]) Avis du Haut conseil de la santé publique (HCSP) du 2 juillet 2011 relatif à la stratégie à adopter concernant le stock État des masques respiratoires.

([112]) Aux termes de l’article L. 1413-4 du code de la santé publique, « à la demande du ministre chargé de la santé, lagence procède à lacquisition, la fabrication, limportation, le stockage, le transport, la distribution et lexportation des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves ».

([113])  https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=234

([114]) L’avis préconise également la constitution d’un stock tournant, impliquant la libération (par exemple vers les hôpitaux pour l’usage en soins courants) et la reconstitution régulière d’une partie de ce stock, compte tenu des durées de conservation de ces masques.

([115]) Selon le rapport sénatorial de M. Francis Delattre relatif à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, publié en juillet 2015, qui détaille les dispositions de cette circulaire, celle-ci prévoit que les stocks stratégiques doivent permettre à l’État de maintenir une capacité d’intervention pour répondre à des menaces épidémiques et terroristes en renfort des moyens conventionnels et tactiques, tandis que les moyens dits « tactiques » sont des produits et équipements situés dans les établissements de santé qui doivent permettre d’assurer une réponse précoce, dans l’attente de la mobilisation, le cas échéant, des stocks stratégiques.

([116]https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/hfds/Documents/doctrine_de_protection_des_travailleurs_face_aux_maladies_hautement_pathogenes_a_transmission_respiratoire.pdf  

([117]) Le délai de péremption des masques FFP2 est fixé à cinq ans par les fabricants, en raison de l’affaiblissement progressif de la charge électrostatique qui contribue à l’effet de filtration de ce type de masque. Les masques chirurgicaux ont généralement une durée plus longue de conservation.

([118]) Décret n° 2020-190 du 3 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus Covid-19 ; décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus Covid-19 ; décret n° 2020-281 du 20 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus Covid-19 ; article 12 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([119])  Le décret du 20 mars 2020 autorise toutefois les importations inférieures à cinq millions de masques par personne morale (sur une durée glissante de 3 mois), dans un souci de fluidifier les circuits d’approvisionnement des masques, selon le ministère de la santé. Les importations supérieures à 5 millions sont soumises à une déclaration obligatoire à l’État, avec possibilité d’une réquisition totale ou partielle.

([120]) Comme l’a indiqué Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, en séance à l’Assemblée nationale le mercredi 20 mai.

([121]) La DGS a également procédé directement à l’acquisition de 71 millions de masques, dont 32 millions de masques chirurgicaux et 39 millions de masques FFP2.

([122]) Dans sa lettre de saisine du 24 mars, le ministre des solidarités et de la santé indiquait à l’Agence qu’elle avait toute latitude pour acquérir des volumes supplémentaires sur la période d’avril et de mai, sous réserve d’adresser une demande de saisine complémentaire au ministère. La lettre de saisine du 26 mars demandait à SPF de privilégier les fournisseurs pouvant proposer les plus gros volumes dans les délais les plus courts.

([123])  Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de Covid-19.

([124]) L’article 5 de l’ordonnance précitée prévoit notamment que les acheteurs peuvent accorder des avances d’un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande et qu’ils ne sont pas tenus d’exiger la constitution d’une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché.

([125]) Selon les contrats, les avances versées sont comprises entre 0 % et 60 %.

([126]) Le coût afférent aux commandes de masques FFP3 atteint 1,14 million d’euros, et celui pour les masques pédiatriques 27,2 millions d’euros.

([127]) Environ 3 centimes d’euros pour un masque chirurgical avant la crise.

([128])  L’article 3 de l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire prévoit que des boîtes de masques de protection issues du stock national peuvent être distribuées gratuitement par les pharmacies d’officine à différentes catégories de professionnels de santé.

([129])  https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-7-mai-2020

([130]) https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-7-mai-2020

([131])  Actuellement, les données transmises portent sur les seuls tests RT-PCR.

([132]) Le tassement du nombre observé entre la semaine 21 et la semaine 20 s’explique par l’effet combiné du jour férié et du week-end, qui a conduit à une réduction de l’activité sur 4 jours.

([133]) Le souci d’approvisionner le marché français a conduit à réserver des tests auprès des fournisseurs. L’usine de Verniole (bioMérieux), par exemple, qui produit des tests PCR depuis la mi-mars fournit en priorité les laboratoires français.

([134]) https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=790

([135]) Ce chiffre de 700 000 tests se fondait sur les modèles épidémiologiques prévoyant entre 1 000 et 3 000 nouveaux cas par jour à partir du 11 mai, ce qui se traduirait en moyenne, par le test d’au moins 20 à 25 personnes ayant croisé ces personnes dans les jours précédents, soit 525 000 tests par semaine ; le différentiel de 175 000 correspond à la marge permettant de mener des campagnes de dépistage, comme dans les EHPAD. Il semble toutefois que le nombre de nouveaux cas identifiés par jour depuis le 11 mai est inférieur aux prévisions qui avaient été réalisées lors de la préparation du déconfinement.

([136]) Par définition, la Valeur Prédictive Positive (VPP) c’est-à-dire probabilité que le sujet soit malade si le test est positif est très dépendante de la prévalence de l’infection. Ainsi, même en disposant d’un test sérologique rapide et performant, la VPP sera faible en situation de faible prévalence de la maladie Covid-19 rendant l’intérêt de tester systématiquement un groupe de sujets, en l’occurrence l’ensemble de la population, inexistant.

([137]) Cf. Synthèse des travaux de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation.

([138]) Cf. Synthèse des travaux de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation.

([139]) Cf. Synthèse des travaux de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation.

([140]) Article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

([141]) Sur ce sujet, voir les travaux de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

([142]) Décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([143]) Décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([144]) Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

([145]) Sauf mention contraire, l’ensemble des chiffres proviennent d’éléments actualisés apportés par le secrétariat d’État aux transports à la mission le 26 mai.