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N° 3170

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2020.

RAPPORT  DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur les propositions du groupe de travail sur lénergie
 concernant la reprise et le plan de relance après lépidémie de Covid-19

 

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, MM. Philippe BOLO et Anthony CELLIER

Députés

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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

première Partie : faire de la rénovation énergétique un des piliers de la relance

I. la crise a ralenti les chantiers de rénovation et ses effets pourraient être durables

II. Soutenir la reprise des chantiers

III. Ajuster et Optimiser les dispositifs de soutien pour entraÎner un effet massif dans le cadre de la relance

deuxième partie : promouvoir les mobilités vertes

I. les mobilités vertes, atout pour les réseaux et le climat

II. des mesures transversales pour soutenir la demande

III. des mesures sectorielles en faveur de la mobilité électrique et gaz

1. La mobilité électrique

2. La mobilité gaz

troisième PARTIE : soutenir le développement des énergies renouvelables pour accélérer la transition énergétique

I. La crise a eu de lourdes conséquences pour le développement des énergies renouvelables mais un effet sur le climat seulement temporaire

II. engager la reprise des projets dénergies renouvelables interrompus par la crise

III. accélérer le développement des énergies renouvelables dans le cadre du plan de relance

A. de manière transversale, créer un environnement favorable au développement des énergies renouvelables

B. adopter des mesures de soutien propres aux différentes filières

quatrième partie : assurer la résilience des réseaux et accroître lindépendance énergétique de la france

I. soutenir les fournisseurs dénergie pour conserver leur capacité dinvestissement

II. sécuriser et optimiser le développement des réseaux

III. développer nos capacités de stockage

IV. relocaliser les chaînes de valeur en France et en Europe pour accroître lindépendance énergétique de la France

cinquième partie : se donner les moyens de nos ambitions par un financement sécurisé

I. pérenNiser les sources de financement nationales et européennes

II. Vers un prix plancher du carbone ?

sixiÈme partie : accorder UNE JUSTE PLACE AU NUCLÉAIRE dans le cadre de la relance

I. Un risque pour lapprovisionnement à venir maîtrisé

II. II. accorder au nucléaire une place équilibrée dans la relance

liste des personnes auditionnées

Liste des contributions écrites reçues

annexe :  NOTES HEBDOMADAIRES ÉTABLIES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL


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   INTRODUCTION

Depuis le début de la crise sanitaire, le groupe de travail sur l’énergie, composé de Mme Marie-Noëlle Battistel (Socialiste), M. Philippe Bolo (Modem) et M. Anthony Cellier (LaREM) a mené un travail continu pour étudier les conséquences de l’épidémie de Covid-19 et des mesures associées (notamment le confinement) sur ce secteur, entendu au sens large. Leurs travaux et réflexions ont été construits autour de trois piliers : la gestion de la crise et la mise en place de plans de continuité d’activité par les entreprises du secteur énergétique, la préparation de la reprise et, enfin, les mesures en faveur de la relance de l’activité et de la contribution accrue des énergéticiens aux ambitions écologiques et climatiques de la France après la crise. Plusieurs sujets ont été abordés : capacité du secteur à assurer la production, la distribution et la fourniture de l’énergie nécessaire à l’activité quotidienne ; conséquences du confinement sur la consommation énergétique et répercussions sur les prix des énergies ; conséquences sur la production des énergies conventionnelles et renouvelables ; pertinence du cadre de régulation, s’agissant notamment de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) ou du soutien aux énergies renouvelables et à la rénovation énergétique ; dialogue dans l’Union européenne et réponse collective des États membres, au sein de l’Europe de l’énergie.

Ce rapport a vocation à présenter les propositions du groupe de travail dans le cadre du plan de relance de l’économie.

Vos rapporteurs soulignent que ce rapport sest construit de manière transpartisane et collective et a été approuvé dans sa totalité par chacun dentre eux. Il se base sur des constats partagés et des propositions communes. L’énergie a cette qualité de pouvoir rassembler, et ce dans l’intérêt général.

Vos rapporteurs souhaitent collectivement rappeler leur attachement à notre système énergétique, qui a, pendant cette crise, su montrer sa résilience. Ils tiennent ainsi à saluer lengagement sans faille, la disponibilité, le professionnalisme et la compétence des agents du secteur de lénergie, qui ont témoigné, par leur action, de l’excellence de la filière française, et contribué très largement à sa résilience durant la crise. Sans eux, ni le fonctionnement des hôpitaux en temps de crise, ni le développement du télétravail, ni la poursuite des activités essentielles pour la continuité économique n’auraient été possibles. Ainsi, dès l’annonce de la crise, et de manière continue, le secteur a su s’adapter pour répondre aux besoins des Français, qu’il s’agisse de la production, du transport, de la distribution, de la fourniture ou de la consommation, notamment par le déclenchement des plans de continuité de l’activité.

Il nen demeure pas moins que la crise liée à lépidémie de Covid-19 a bouleversé les équilibres du système énergétique, tant national que mondial.

La consommation a, tout dabord, considérablement chuté, en raison de la baisse d’activité industrielle, d’abord en Asie, puis en Europe, ainsi que de la mise en œuvre des mesures de confinement. Le confinement des ménages à domicile n’a pas, ou très peu, augmenté leurs consommations d’énergie, celles liées au télétravail étant faibles. Selon la note de conjoncture mensuelle du commissariat général au développement durable (CGDD), publiée en juin 2020, la consommation d’énergie primaire a ainsi reculé de 27,9 % en avril 2020 par rapport au moins d’avril 2019, sous l’effet d’un mois plein de confinement. Dans le détail, la baisse de la demande est de 41,7 % pour le pétrole (et jusqu’à 62,9 % pour les carburants routiers), 37,2 % pour le charbon, 35,2 % pour le gaz naturel et 14,9 % pour le nucléaire et les énergies renouvelables électriques. Cette baisse était majoritairement ponctuelle ([1]), mais la chute de consommation rapportée à l’ensemble de l’année 2020 n’en demeure pas moins importante. Ainsi, selon le cabinet Enerdata, sur l’ensemble de l’année 2020, la consommation mondiale d’énergie devrait diminuer de 7,5 %. En France, la demande d’énergie globale devrait reculer de 10 % et jusqu’à 14 % dans le secteur des transports. La baisse devrait être de 9 % s’agissant de l’électricité. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ([2]), la demande mondiale de gaz devrait chuter de 4 % en 2020, soit le double de la baisse observée lors de la crise financière de 2008.

Ces baisses de consommation ont entraîné des chutes considérables des prix de lénergie, loffre étant devenue surabondante. La baisse des prix a été particulièrement rapide et brutale sur les quinze premiers jours de confinement, puis s’est poursuivie tout au long des semaines suivantes. Selon l’analyse du CGDD, sur l’ensemble du mois d’avril 2020, le prix de l’électricité a chuté de 35 % par rapport au mois d’avril 2019, celui du gaz de 51 % et celui du pétrole de 16 % à 19 %, selon qu’il est mesuré en dollars ou en euros. Cette évolution à la baisse présente plusieurs risques : elle affecte les revenus des fournisseurs d’électricité et de gaz, ainsi que ceux des gestionnaires des réseaux de transport et de distribution et pourrait entraîner une réduction durable des investissements dans le secteur de lénergie. Par ailleurs, elle n’exclut pas un effet rebond, les prix étant susceptibles de connaître une hausse brutale, notamment si la production, affectée par la crise sanitaire, ne parvient plus à satisfaire une demande en hausse.

La crise a également eu des répercussions sur les activités de rénovation énergétique, interrompues en raison de l’arrêt des chantiers, sur le développement des projets d’énergies renouvelables, dont le coût s’est trouvé renchéri du fait de la baisse des prix des énergies fossiles, ou encore sur le secteur du nucléaire, pour lequel elle a entraîné une baisse de production nucléaire, le report des visites de maintenance, ou encore de la remise en cause du cadre de régulation. L’ensemble de ces conséquences sont détaillées ci-après.

Face à la gravité de la situation, le plan de relance consacré au secteur de lénergie, qui irrigue lensemble de léconomie et porte une responsabilité particulière sagissant de nos ambitions climatiques, doit être particulièrement ambitieux, mais également concret et opérationnel.

Vos rapporteurs souhaitent distinguer deux temps :

– celui de la reprise, à court terme, pour lequel des mesures rapides doivent être mises en œuvre. Bien que cette reprise soit déjà engagée, il demeure nécessaire, dans certains secteurs, de l’accompagner et de la soutenir par des dispositifs réglementaires, budgétaires ou politiques ;

– celui de la relance, à moyen et à long terme, pour lequel des réformes plus structurelles doivent être engagées. Le monde de l’après-Covid ne saurait être identique à celui qui a précédé la crise. Des leçons doivent être tirées et des mesures volontaristes engagées pour limiter notre dépendance aux énergies fossiles, pour accroître l’indépendance et la résilience de notre système énergétique, ou encore pour améliorer la qualité de vie et le pouvoir d’achat des Français tout en nous rapprochant de nos ambitions climatiques par le développement des mobilités vertes, l’accélération de la rénovation énergétique et l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique.

Vos rapporteurs ont identifié six axes de réflexion, qui leur semblent prioritaires : le renforcement et l’accélération de la rénovation énergétique ; le développement des mobilités durables ; le développement des énergies renouvelables ; la sécurisation des réseaux et le renforcement de l’indépendance énergétique de la France ; la juste place à accorder au nucléaire ; enfin l’identification de financements solides et pérennes.


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   première Partie : faire de la rénovation énergétique un des piliers de la relance

I.   la crise a ralenti les chantiers de rénovation et ses effets pourraient être durables

Le secteur de la rénovation énergétique a été particulièrement affecté par la crise, en raison de l’arrêt quasi-total des chantiers de construction et de rénovation au mois de mars. Ainsi, selon le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE), 90 % des chantiers étaient à l’arrêt fin mars, et encore 80 % fin avril, alors que 17 % des entreprises avaient une activité réduite.

S’agissant plus particulièrement des certificats d’économies d’énergie (CEE), le groupement des professionnels des CEE estime que l’activité a baissé de 70 % (en volume de CEE reçus) en mars. Cette activité a baissé de 90 % en avril s’agissant des volumes reçus et de 60 % s’agissant des chiffrages de nouveaux projets de rénovation énergétique, en raison notamment de la suspension de l’activité des bureaux de contrôle, dont la validation est indispensable pour prétendre à l’acquisition de CEE et aux aides qui y sont associées. Ils estiment la baisse d’activité à - 60 % pour le mois de mai, - 45 % pour le mois de juin et - 20 % pour le mois de septembre. La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) indique, en outre, que le volume des CEE délivrés en mars (28,4 TWhcumac) est en baisse par rapport aux mois précédents (près de 35 TWhcumac en février et 48,5 TWhcumac en janvier). Si le rythme de délivrance a retrouvé au mois d’avril (41 TWhcumac) un rythme proche d’avant-crise, le nombre de travaux engagés en avril pour l’isolation des combles, toitures et planchers connaît une forte chute, avec environ 47 000 chantiers, contre 115 000 en février.

De plus, pour ce secteur, la lenteur et l’inertie de la reprise sont autant à craindre que les effets du confinement lui-même : beaucoup d’entreprises et de fédérations professionnelles attendent un « creux de la vague » à retardement, dans les mois suivant le retour à la normale, en raison d’une réduction des commandes des particuliers pour la fin de l’année 2020 et l’année 2021.

II.   Soutenir la reprise des chantiers

La rénovation énergétique a été considérablement ralentie par la crise. S’agissant de la reprise des travaux de rénovation énergétique, deux priorités doivent être identifiées, soulignées également par le CSCEE :

– réactualiser et simplifier le guide de préconisations sanitaires du secteur du bâtiment, pour atteindre le bon équilibre entre les exigences sanitaires et l’efficacité des chantiers ; il est important que le guide évolue pour tenir compte de l’évolution des conditions du déconfinement et des retours d’expérience, et garantir la proportionnalité des mesures aux risques, de manière à limiter les surcoûts au strict nécessaire ;

– restaurer la confiance des particuliers à laisser entrer chez eux des professionnels, à des fins de réalisation de travaux ou d’études, en les rassurant sur les conditions de sécurité sanitaire et en renforçant l’information et la communication à ce sujet. À cet égard, vos rapporteurs saluent la mise en œuvre d’un nouveau volet de la campagne de communication FAIRE (faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique) portée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), en partenariat avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah), lancé mardi 16 juin.

Proposition n° 1 : restaurer la confiance des particuliers à laisser entrer chez eux des professionnels, à des fins de réalisation de travaux ou d’études, en les rassurant sur les conditions de sécurité sanitaire et en renforçant l’information et la communication à ce sujet ;

Proposition n° 2: actualiser en continu le guide de préconisations sanitaires du secteur du bâtiment pour l’ajuster à l’évolution de la situation.

Par ailleurs, le calendrier de la réforme de la rénovation énergétique a été bousculé par la crise. Ainsi, la réglementation environnementale 2020 (RE2020), qui était censée entrer en vigueur en janvier 2021, a été repoussée à l’été 2021, en raison de la crise sanitaire qui a « rendu l’organisation des concertations et consultations plus complexes ». D’autres mesures ont également été reportées : l’entrée en vigueur de l’opposabilité du diagnostic de performance énergétique, prévue pour janvier 2021, est reportée « au plus tard au 1er juillet 2021 » ; la réforme du label « reconnu garant de l’environnement » (RGE), qui devrait entrer en vigueur au 1er septembre 2020, est reportée au 1er janvier 2021 (toutefois, les mesures visant la lutte contre la fraude seront bien instaurées en septembre).

Si vos rapporteurs comprennent ces reports, qu’ils estiment nécessaires pour permettre au secteur d’aborder la reprise dans des conditions sereines, sans avoir à s’adapter à de nouvelles réglementations de manière immédiate, ils appellent à la vigilance : il convient, en effet, de garantir une application suffisamment rapide de ces dispositions, de manière à ne pas repousser nos ambitions énergétiques et à donner une visibilité et un horizon clair aux professionnels. Ainsi, alors que certains professionnels demandent une entrée en vigueur de la RE2020 échelonnée jusqu’au 1er janvier 2022, vos rapporteurs sont opposés à une telle décision, dont ils estiment qu’elle apporterait davantage de complexité.

Proposition  3 : ne pas retarder à l’excès l’entrée en vigueur des réformes de la rénovation énergétique, au-delà des reports déjà annoncés par le Gouvernement, pour conserver les ambitions et un calendrier clair.

III.   Ajuster et Optimiser les dispositifs de soutien pour entraÎner un effet massif dans le cadre de la relance

La rénovation énergétique doit, de manière unanime, constituer un pilier de la relance. En effet, elle contribue au pouvoir d’achat et à la qualité de vie des Français, soutient l’emploi non délocalisable d’artisans qualifiés, et permet d’assurer une meilleure résilience du système énergétique français, notamment en cas de crise ; surtout, elle contribue à la réduction des émissions de polluants et à l’atteinte des objectifs environnementaux de la France.

Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment représentent environ 25 % des émissions nationales et sont peu maîtrisées : le précédent budget carbone a été dépassé de 12,4 % dans ce domaine. Ce secteur est donc stratégique pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone, qui prévoit leur baisse de 49 % à horizon 2030. En outre, on dénombre plus de 20 millions de logements à rénover d’ici 2050 et plus de 7 millions de logements sont considérés comme des passoires énergétiques dans le parc résidentiel privé, dont plus de 2,5 millions occupés par des ménages modestes ([3]). La loi  2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à lénergie et au climat, ci après dénommée « loi énergie-climat », a fixé l’obligation de rénovation de ces passoires énergétiques à 2028. Enfin, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, ci après « loi de transition énergétique » a fixé un objectif de 500 000 rénovations énergétiques par an. Pour répondre aux objectifs ambitieux souscrits par la France, un effort massif de rénovation énergétique des logements existants est nécessaire, et devra s’accompagner, à terme, de l’amélioration des performances des nouvelles constructions, guidée notamment par la RE2020.

Le secteur du bâtiment devrait être concerné par le plan de relance présenté à la rentrée, s’agissant des dispositions consacrées à l’investissement (notamment pour la rénovation thermique) et aux simplifications administratives (pour accélérer les projets sans diminuer les exigences environnementales). En outre, la Commission européenne a lancé, le 11 juin 2020, une consultation publique sur son initiative « Vague de rénovation » et confirmé son intention de publier à l’automne une communication et un plan d’action comportant des mesures concrètes pour déployer des rénovations rapides.

À cet égard, plusieurs réformes plus structurelles doivent être proposées. Pour vos rapporteurs, il est, tout d’abord, indispensable d’accélérer la rénovation des bâtiments publics. Les pouvoirs publics doivent, en effet, être exemplaires en ce domaine. En outre, une telle rénovation est de nature à faire diminuer les charges de fonctionnement de la collectivité. Comme proposé par la fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), il peut être envisagé de créer un produit à taux préférentiel pour les collectivités territoriales, porté par la Banque des territoires, pour accompagner ces collectivités dans la rénovation énergétique des bâtiments publics. Il s’agit, également, de lancer rapidement des chantiers de rénovation énergétique des bâtiments stratégiques, en particulier les hôpitaux et les bâtiments d’enseignement. Enfin, l’identification, au sein de chaque direction régionale de l’environnement, de l’aménagement, et du logement (DREAL), d’un référent « rénovation énergétique » pour accompagner les collectivités est une piste à explorer.

Proposition  4 : créer un produit à taux préférentiel pour les collectivités territoriales afin d’accompagner la rénovation énergétique des bâtiments publics. Ce prêt pourrait être porté par la Banque des territoires ;

Proposition  5 : lancer des chantiers de rénovation énergétique des bâtiments publics stratégiques, notamment les bâtiments d’enseignement et hôpitaux publics ;

Proposition  6 : identifier, au sein de chaque DREAL, un référent « rénovation énergétique »

Par ailleurs, il est nécessaire d’accélérer la rénovation énergétique du parc locatif, qui accuse un retard considérable sur nos objectifs. Il apparaît nécessaire d’explorer les possibilités offertes par l’ouverture des dispositifs de soutien à la réalisation des travaux à davantage de personnes, une grande part des dispositifs de soutien à la réalisation des travaux étant aujourd’hui uniquement ouverts aux propriétaires occupants. Le parc locatif privé représente pourtant près d’une résidence principale sur quatre et est le plus énergivore. À cet égard, vos rapporteurs proposent de flécher la déductibilité des charges locatives pour les bailleurs à destination des travaux qui permettent l’amélioration de la performance énergétique du logement et concourent à une baisse des charges du locataire. La possibilité pour les locataires de réaliser eux-mêmes les travaux de rénovation énergétique, à leurs frais, doit être élargie, par lapplication du modèle mis en œuvre sagissant des travaux dadaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou à la perte dautonomie (silence du propriétaire valant acceptation, non-obligation de remise en état des lieux au départ). Il est également nécessaire de publier le décret relatif à lintégration dun critère de performance énergétique dans la définition des logements décents.

Proposition  7 : flécher la déductibilité des charges locatives pour les bailleurs qui réalisent des travaux de rénovation vers les travaux qui permettent l’amélioration de la performance énergétique et concourent à une baisse des charges du locataire ;

Proposition  8 : simplifier la possibilité pour les locataires de réaliser eux-mêmes des travaux d’économies d’énergie à leurs frais, par la duplication du modèle des travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ;

Proposition  9 : publier le décret prévu par la loi énergie-climat, devant intégrer un critère de performance énergétique dans la définition du logement décent.

S’agissant des particuliers, il demeure nécessaire d’accroître le soutien financier, pour réduire le reste à charge et donner une impulsion suffisante à la rénovation énergétique. Plusieurs propositions peuvent, à cet égard, être envisagées, non nécessairement cumulatives. Il s’agit, en particulier, d’améliorer l’efficacité et la distribution de l’éco-prêt à taux zéro, éco-PTZ, qui prendra fin au 31 décembre 2021. Cela nécessiterait un engagement beaucoup plus fort des banques privées, et vos rapporteurs tiennent à souligner l’importance de la mobilisation du secteur bancaire pour que ce dernier joue pleinement son rôle d’accompagnement des particuliers dans la réalisation de leurs projets. La distribution de l’éco-PTZ pourrait être renforcée, notamment par l’identification des bonnes pratiques et la publication de statistiques de distribution des différentes banques. Par ailleurs, il pourrait être pertinent de créer un système de banque de dernier recours, désignée par la puissance publique, pour délivrer un éco-PTZ à un ménage qui aurait fait deux demandes auprès de banques et se serait vu opposer deux refus. Ce prêt serait garanti par le fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE). Enfin, l’anticipation de la fin du dispositif de l’éco-PTZ est nécessaire. À ce titre, vos rapporteurs suggèrent de réunir les acteurs impliqués dans l’éco-PTZ pour réfléchir à un nouvel accompagnement, notamment des ménages les plus modestes, à compter du 1er janvier 2022.

En parallèle, l’augmentation des moyens financiers du dispositif Ma Prime Rénov’, venue remplacer le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) depuis le 1er janvier 2020 pour les ménages modestes, est nécessaire. Cette prime est, à ce jour, dotée d’un budget de 390 M€. Les autres ménages notamment intermédiaires qui bénéficient encore en 2020 du CITE, en seront, dès 2021, également bénéficiaires. Outre l’augmentation du budget qui découlera de l’intégration de ces ménages, il conviendra également d’augmenter de manière substantielle les investissements au bénéfice de la rénovation énergétique dans le prochain projet de loi de finances (PLF). D’ailleurs, la prime pourrait être élargie aux 9e et 10e déciles pour des travaux de rénovation globale.

Proposition  10 : renforcer la transparence sur la distribution de l’éco-PTZ, par la publication des statistiques de distribution du produit selon les différentes banques et l’identification des meilleures pratiques.

Proposition n° 11 : créer un système de banque de dernier recours, désignée par la puissance publique, pour délivrer un éco-PTZ à un ménage qui aurait fait deux demandes auprès de banques et se serait vu opposer deux refus ;

Proposition  12 : réunir les acteurs impliqués dans l’éco-PTZ pour réfléchir à un nouvel accompagnement, notamment des ménages les plus modestes, à compter du 1er janvier 2022 ;

Proposition  13 : augmenter de manière substantielle les investissements au bénéfice de la rénovation énergétique ; accroître le budget de Ma Prime Rénov’ dans le prochain PLF ;

Proposition n° 14 : ouvrir la prime forfaitaire aux ménages des 9e et 10e déciles qui réaliseraient un bouquet de travaux dont un geste dédié à l’isolation.

Au-delà du seul soutien financier, il est nécessaire de donner de la visibilité aux aides et de clarifier l’écosystème de soutien et de mise en œuvre de la rénovation énergétique, pour simplifier les démarches des particuliers. Vos rapporteurs proposent la création d’une plateforme numérique rassemblant en un lieu dématérialisé unique tous les acteurs de la rénovation énergétique, qu’il s’agisse des financeurs, des artisans labellisés ou de la maîtrise d’œuvre. De plus, la dématérialisation des procédures doit être approfondie.

Proposition  15 : créer une plateforme numérique rassemblant en un lieu dématérialisé unique tous les acteurs de la rénovation énergétique, pour leur donner davantage de visibilité et structurer l’offre ;

Proposition  16 : avancer dans la dématérialisation des procédures.

Il convient, également, de mettre l’accent sur la rénovation globale, en ajustant à cet égard le dispositif des CEE. En effet, étant entendu que les objectifs de la 4ème période ont été fixés, et qu’un retard a été pris pour les atteindre, soutenir le développement et élargir les possibilités d’obtention de ces CEE peut se faire sans occasionner de dépenses supplémentaires, tout en conservant leur objectif premier : réaliser des économies d’énergie. Il faut, également, donner davantage de visibilité aux professionnels en organisant rapidement les concertations sur la 5ème période, la 4ème période devant s’achever au 31 décembre 2021.

Proposition  17 : inciter à la rénovation globale des logements individuels par la mise en place d’une bonification de CEE pour ces travaux :

Proposition  18 : organiser rapidement la concertation sur la 5ème période pour donner de la visibilité aux acteurs de la filière.

Enfin, s’agissant des constructions neuves, l’ambition doit être grande. Une démarche particulière doit être entreprise dans la future réglementation environnementale pour favoriser des bâtiments producteurs d’énergie renouvelable, tout en garantissant la contribution de chacun au réseau, pour préserver les mécanismes de solidarité et de péréquation auxquels vos rapporteurs restent fortement attachés.

Proposition  19 : encourager l’installation d’unités de production d’énergies renouvelables dans les bâtiments neufs et au cours des rénovations pour promouvoir l’autoconsommation, tout en garantissant la contribution au réseau, afin de préserver les mécanismes de solidarité et de péréquation.


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   deuxième partie :
promouvoir les mobilités vertes

I.   les mobilités vertes, atout pour les réseaux et le climat

Les mobilités vertes représentent un atout pour le climat, en ce qu’elles contribuent à limiter les émissions polluantes, le secteur des transports étant le premier émetteur de gaz à effet de serre avec 30 % des émissions de CO2 et 60 % des émissions d’oxyde d’azote. Ces mobilités contribuent également au pouvoir d’achat des ménages, en réduisant, à terme, leurs dépenses de carburant.

Mais elles constituent aussi un atout pour la résilience du réseau énergétique, notamment électrique. Ainsi, le Conseil général de l’économie a publié le 28 mai un rapport sur la contribution du pilotage de la demande des bâtiments et des véhicules électriques à la flexibilité du système électrique. Il estime que « le potentiel offert par le véhicule électrique (si les dispositions sont prises pour encourager la pénétration des solutions techniques pertinentes) concerne un déplacement temporel de consommation délectricité dau minimum 25 TWh/an et une pointe de consommation évitée de plus de 10 GW (par rapport à un scénario sans développement du véhicule électrique) ». Selon une étude commune de l’Association pour le développement de la mobilité électrique (Avere), RTE et Enedis, réalisée en mai 2019 sur l’hypothèse d’un scénario de 50 % de véhicules électriques en 2035, le pilotage de la recharge permettrait de diviser par deux l’adaptation du réseau à l’augmentation de la demande électrique par la mise en place un système de « vehicle to grid » (V2G). Ces véhicules représentent, ainsi, un potentiel de services au réseau encore trop peu utilisé.

C’est pourquoi, vos rapporteurs souhaitent insister sur cet axe fondamental du plan de relance. Des mesures transversales sont à promouvoir, de même que des mesures spécifiques selon les carburants utilisés.

II.   des mesures transversales pour soutenir la demande

S’agissant des mesures transversales, il apparaît nécessaire de stimuler la demande, en particulier la demande publique. À ce titre, il importe de mettre en œuvre l’article 37 de la loi de transition énergétique qui impose à l’État et aux collectivités territoriales qui gèrent un parc de plus de 20 autobus ou autocars d’acquérir, lors du renouvellement de leur parc, 50 % de véhicules à faibles émissions en 2020 puis 100 % en 2025. Il s’agit, également, de renforcer l’obligation d’acquisition de véhicules à faibles émissions par l’État et ses établissements ainsi que les collectivités, à l’occasion du renouvellement de leur parc automobile, au-delà des ambitions fixées par la loi d’orientation des mobilités (à 50 % pour l’État et 30 % pour les collectivités territoriales à partir du 1er juillet 2021).

Il est également, désormais, devenu indispensable de penser la reconversion des chaînes de production de véhicules polluants vers des chaînes de production de véhicules propres. Aussi, les aides publiques doivent être conditionnées à cette reconversion.

Proposition  20 : renforcer la commande publique en mettant en œuvre effectivement l’article 37 de la loi de transition énergétique sur le renouvellement du parc d’autobus et d’autocars. À cet égard, réduire progressivement les exemptions de TICPE sur le diesel de manière programmée dans le temps, afin d’inciter au verdissement de la flotte ;

Proposition  21 : mettre en œuvre effectivement voire rehausser les ambitions de la loi d’orientation des mobilités s’agissant de l’obligation d’acquisition de véhicules à faibles émissions par l’État et ses établissements ainsi que par les collectivités, à l’occasion du renouvellement de leur parc automobile ;

Proposition  22 : conditionner les aides publiques, budgétaires et fiscales, à la filière automobile à l’adoption d’orientations stratégiques et de plans d’investissements compatibles avec nos engagements environnementaux, notamment à la reconversion des lignes de production de voitures thermiques vers des véhicules propres.

III.   des mesures sectorielles en faveur de la mobilité électrique et gaz

1.   La mobilité électrique

S’agissant plus particulièrement de la mobilité électrique, vos rapporteurs saluent les mesures apportées par le plan de relance pour l’automobile présenté le 26 mai et en vigueur depuis le 1er juin, notamment l’objectif de 100 000 bornes de recharge avant la fin de l’année 2021, ou l’augmentation du bonus pour les particuliers de 6 000 € à 7 000 € et du bonus pour les entreprises de 3 000 € à 5 000 €. Vos rapporteurs saluent également le financement à 75 % – et non plus 40 % – du raccordement des bornes de recharge électriques par le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE).

Vos rapporteurs souhaitent, toutefois, accroître l’ambition de développement de ces véhicules. Il s’agit, en premier lieu, de promouvoir le déploiement des infrastructures de recharge, la capacité de recharge étant primordiale – ou rédhibitoire – dans la décision d’achat de véhicules électriques et hybrides rechargeables. Ceci impose de soutenir les bornes privées, à domicile ou sur le lieu de travail, utilisées à 80 % par les utilisateurs de véhicules électriques. Il convient également de remédier à la fragilité du maillage des grands axes routiers, en particulier en bornes haute puissance. En tout état de cause, il importe d’ajuster le déploiement des bornes aux besoins des territoires et d’installer les prises là où elles sont les plus efficaces, sans nécessairement mettre en place un déploiement uniforme. Un observatoire des comportements de recharge est en cours de lancement, pour mutualiser les données de syndicats d’énergie et en tirer des enseignements. Vos rapporteurs saluent cette initiative.

Proposition 23 : rendre progressivement obligatoire l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques dans les bâtiments résidentiels collectifs, en accompagnant cette mesure des soutiens financiers associés, en réduisant les délais de procédure et en clarifiant l’information en assemblée générale

Proposition  24 : accroître le montant de prise en charge des systèmes de charge des véhicules électriques pour les bâtiments résidentiels par la prime forfaitaire remplaçant le CITE ;

Proposition  25 : améliorer le maillage des grands axes routiers : soutenir la création de hubs de recharge ; combler rapidement le déficit des points de recharge sur autoroute, notamment des bornes haute puissance, en facilitant l’installation sur les aires sous‑concédées ;

Proposition  26 : créer un nouveau programme dinvestissement davenir consacré à la mobilité propre destiné à accompagner les territoires et zones non couvertes en installations de recharge pour véhicules électriques ;

Proposition  27 : développer les bornes de recharge communicantes permettant une modulation de la charge (notamment sur signal des gestionnaires de réseau).

Il est nécessaire, par ailleurs, de soutenir la demande, en particulier celle des entreprises, qui représentent encore plus de la moitié des achats de véhicules électriques neufs et permettent au public de disposer, à court terme (3 ans) d’une offre abordable de véhicules d’occasion.

Proposition  28 : rendre le dispositif des amortissements des véhicules électriques plus incitatif en relevant le plafond à 45 000 € (30 000 € aujourd’hui pour les véhicules émettant moins de 20 grammes de CO2 par km) ;

Proposition  29 : développer des solutions pour faciliter les prêts pour l’achat de véhicules électriques et hybrides rechargeables ;

Proposition  30 : défiscaliser l’avantage en nature constitué par la mise à disposition d’un véhicule électrique à un salarié, pendant un an suivant la fin de l’urgence sanitaire ;

Proposition  31 : simplifier les démarches de demande d’aides par la mise en place d’un guichet unique permettant, notamment, de simuler le reste à charge à payer en fonction de l’éligibilité aux différentes aides.

Il importe, enfin, de promouvoir les mobilités légères et électriques.

Proposition 32 : créer un crédit d’impôt pour l’installation d’une prise de recharge pour véhicules deux roues motorisés électriques ;

Proposition n° 33 : réserver aux véhicules deux roues motorisés électriques un quota de place dans les parkings deux roues, et y associer des bornes de recharge.

2.   La mobilité gaz

La mobilité gaz (GNV, GNL, bioGNV, bioGPL) comporte également de nombreux avantages économiques et écologiques et contribue à l’indépendance énergétique. Ainsi, les véhicules gaz permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % et n’émettent pratiquement pas de particules. Ces véhicules sont financièrement abordables pour tous, le coût d’un véhicule GNV étant comparable aux véhicules actuels, pour un carburant meilleur marché. En outre, la filière de construction des poids lourds GNV et d’équipementiers des stations est très largement européenne et française, la France étant devenue le 1er marché d’Europe pour les poids lourds GNV et bioGNV. Enfin, l’équipement de véhicules essence au gaz en seconde monte constitue une expertise non délocalisable dont le potentiel de développement est important. La mobilité gaz naturel représente donc une solution de transition entre véhicules thermiques essence et diesel et véhicules électriques et fonctionnant exclusivement au gaz vert.

Toutefois, plusieurs mesures doivent être prises pour renforcer la part du gaz, notamment vert, dans la mobilité. En effet, le maillage territorial des stations davitaillement est un frein au développement de ces mobilités. Certains transporteurs pourraient installer leur propre station, mais le coût dune station privative moyenne  estimé à 150 000 € environ – peut être prohibitif. Par ailleurs, il convient de stimuler la demande, en instaurant des incitations fiscales sous forme de crédits dimpôt pour les professionnels.

Proposition  34 : créer un nouveau programme d’investissement d’avenir relatif à la mobilité propre pour accompagner les zones blanches non couvertes en stations d’avitaillement GNV, prévoyant un minimum d’incorporation de bioGNV, et bioGNV ;

Proposition  35 : créer un crédit d’impôt temporaire pour la création de stations d’avitaillement privées GNV, prévoyant un minimum d’incorporation de bioGNV, et bioGNV ;

Proposition  36 : garantir la cohérence des réseaux et la stratégie d’ensemble par une planification régionale du déploiement des stations d’avitaillement GNV et bioGNV et des points de recharge électrique ;

Proposition  37 : créer un crédit d’impôt temporaire, à l’achat ou à la location d’un véhicule GNV et bioGNV de plus de 2,6 tonnes, en remplacement du dispositif de suramortissement inadapté en sortie de crise avec un avantage plus important pour les véhicules bioGNV.

Enfin, s’agissant des mobilités fonctionnant à l’hydrogène et aux biocarburants, particulièrement pertinentes pour les poids lourds, vos rapporteurs suggèrent, d’une part, de renforcer la part de l’hydrogène vert dans la mobilité électrique, notamment s’agissant de la mobilité lourde et, d’autre part, d’accélérer le remplacement du SP95 par le SP95-E10, notamment dans les 30 % de stations-service qui ne le distribuent pas encore, ainsi que de promouvoir le carburant ED95 (composé à 95 % d’éthanol) dans les flottes captives de bus, cars et poids lourds.

Proposition  38 : renforcer la part de lhydrogène vert dans la mobilité électrique, notamment s’agissant de la mobilité lourde ;

Proposition  39 : accélérer le remplacement du SP95 par le SP95-E10, et promouvoir le carburant ED95 dans les flottes captives de bus, cars et poids lourds.


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   troisième PARTIE :
soutenir le développement des énergies renouvelables pour accélérer la transition énergétique

I.   La crise a eu de lourdes conséquences pour le développement des énergies renouvelables mais un effet sur le climat seulement temporaire

La filière des énergies renouvelables (ENR) a été confrontée à de nombreuses difficultés liées à la crise sanitaire. En premier lieu, les chantiers en cours ont connu des difficultés en raison de larrêt des activités de construction, de l’expiration des autorisations administratives au cours de la période de confinement, ou encore de contraintes d’acheminement de matériaux en provenance de l’étranger. Par ailleurs, la baisse des prix des énergies fossiles renchérit le prix relatif des énergies renouvelables. Ceci érode la rentabilité des projets d’ENR et des investissements, faisant craindre des répercussions à long terme, sans action publique volontariste. Cette baisse des prix renchérit également le coût du soutien public à ces énergies, destiné à compenser l’écart entre le coût de production des ENR et le prix de vente de l’énergie sur les marchés de gros. Enfin, la baisse de consommation des produits énergétiques, notamment des carburants, conduit à une diminution des recettes fiscales associées, affectées au financement du soutien aux énergies renouvelables et à la transition énergétique : ainsi, la diminution de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) est estimée à 1,6 Md€ environ, cette taxe étant la principale source de financement du compte d’affectation spéciale « transition énergétique ». La pérennité de ce financement est mise en cause, d’autant plus que le compte d’affectation spéciale doit être supprimé au 1er janvier 2021.

En parallèle, la crise na eu quun effet temporaire sur le climat. Certes, la réduction des activités, notamment industrielles a eu un effet indéniable sur les émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, selon le Haut Conseil pour le climat, la diminution des émissions, en France, aurait atteint 30 % durant le confinement, et s’établirait entre 5 et 15 % sur l’ensemble de l’année 2020, du fait de l’arrêt forcé de l’économie. Toutefois, les gains réalisés sont très faibles par rapport à ceux qui seraient nécessaires pour atteindre les engagements climatiques visés par les budgets carbone inscrits dans la loi énergie-climat, d’ici 2030 (de l’ordre de 6 %). En outre, un effet rebond est également à craindre, comme il avait pu être observé après la crise financière de 2008. Le Haut Conseil pour le climat résume la situation : « la baisse des émissions constatée reste marginale dans la trajectoire vers la neutralité carbone. Elle nest pas durable et ses effets collatéraux sont indésirables et négatifs. Par ailleurs, elle repose entièrement sur une sobriété imposée et temporaire des déplacements et de la consommation ». En outre, « la probabilité dun effet rebond est majeure ».

C’est pourquoi, le développement des énergies renouvelables doit être au cœur de la reprise de l’activité à court terme, et de la relance à moyen terme.

II.   engager la reprise des projets d’énergies renouvelables interrompus par la crise

Les énergies renouvelables, particulièrement affectées, doivent faire l’objet d’une attention soutenue dans le cadre de la reprise. Le Gouvernement a pris plusieurs mesures en ce sens. La validité des autorisations administratives, permis et agréments expirés pendant l’état d’urgence sanitaire a été prolongée ([4]). Le Gouvernement a, en outre, accordé le gel jusqu’au 1er juillet des tarifs dachat de lélectricité pour les petits projets de solaire photovoltaïque en toiture, octroyé des délais supplémentaires pour la mise en service des installations et reporté de nombreux appels doffres. Ces mesures ont constitué une aide importante dans la période de confinement, mais doivent être accentuées pour favoriser la reprise des chantiers ENR.

À cet égard, vos rapporteurs estiment nécessaire d’accorder une attention particulière à la question des délais. En effet, la prolongation de trois mois à l’issue de l’état d’urgence sanitaire des autorisations administratives apparaît suffisante dans certains cas mais pas dans tous : une adaptation, par secteur ou type de projet, et par palier, doit pouvoir être organisée. Par ailleurs, le décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire ([5]) peut engendrer des difficultés importantes à la reprise, dans la mesure où les organismes de contrôle ou prestataires chargés de réaliser les opérations de contrôle ou de formation, qui n’ont pu intervenir durant la période de confinement, seront trop fortement mobilisés dans les prochaines semaines pour pouvoir assurer l’ensemble des contrôles nécessaire à la mise en conformité des installations avec leurs obligations réglementaires. Certaines de ces obligations ne présentent d’enjeu ni pour la sécurité, ni pour l’environnement, et doivent pouvoir être assouplies s’agissant des ENR soumises à déclaration. Ces assouplissements ne doivent, toutefois, n’avoir vocation qu’à neutraliser la période de suspension des activités liées à l’état d’urgence sanitaire, et rester strictement proportionnées aux conséquences de la crise sanitaire sur les projets d’ENR.

Proposition  40 : prolonger, par palier au regard de l’évolution de la situation, la validité des autorisations administratives échues pendant le confinement, au-delà de trois mois à l’issue de l’état d’urgence sanitaire ;

Proposition  41 : accorder une souplesse pour la réalisation de certaines obligations de suivi réglementaire s’agissant des ENR soumises à déclaration, ainsi que pour le respect de certains délais impératifs, notamment de mise en service, pour une durée raisonnable ayant vocation à neutraliser la période d’urgence sanitaire, tout en garantissant la protection de l’environnement et de la sécurité ;

Proposition  42 : prolonger le gel du tarif d’achat pour les petits projets d’énergie solaire photovoltaïque en toiture jusqu’au 1er octobre.

III.   accélérer le développement des énergies renouvelables dans le cadre du plan de relance

La crise a, plus que jamais, manifesté l’urgence de la transition énergétique. Comme l’a indiqué le Président de la République lors de son allocution du 14 juin 2020, la priorité est de « reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire » et de « créer les emplois de demain par la reconstruction écologique ». Il est, ainsi, impératif de ne pas commettre dans la définition du plan de relance, les erreurs passées. Ainsi, selon le Haut Conseil pour le climat, le plan de relance de 2008 a eu une efficacité climatique limitée : sur les 26,5 Md€ de soutien financier budgétés, « des mesures contracycliques du point de vue du climat (prime à la casse bénéficiant à des voitures thermiques, construction de routes, etc.) ont réduit lefficacité climatique réelle du plan de relance à environ 1,7 Md€ ». Aussi, vos rapporteurs proposent plusieurs mesures en faveur du développement des énergies renouvelables.

A.   de manière transversale, créer un environnement favorable au développement des énergies renouvelables

Les énergies renouvelables ont démontré leur importance et leur pertinence pendant la crise sanitaire. Ainsi, les ENR ont couvert 26,6 % de la consommation d’électricité au premier trimestre 2020 selon le panorama des énergies renouvelables élaboré par RTE et ses partenaires au 31 mars 2020. Au cours de ce trimestre, 37,6 térawattheures (TWh) d’électricité renouvelable ont été produits, soit un record trimestriel et une hausse de plus de 32 % par rapport au même trimestre de l’année 2019. Les énergies renouvelables ne sont plus un simple complément, mais bien une part essentielle du mix énergétique, notamment en période de crise ou de situation exceptionnelle. En outre, le caractère décentralisé des ENR contribue à la sécurité d’approvisionnement du pays. Toutefois, nous sommes encore bien loin des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2023. Ainsi, le taux d’atteinte de ces objectifs est de 70 % pour l’éolien et de 47 % s’agissant du solaire.

C’est pourquoi, des efforts importants doivent être engagés. Plusieurs mesures peuvent être prises pour créer un contexte plus favorable au développement des ENR, tout en garantissant la sécurité et la pertinence des projets. Ceci implique, en premier lieu, d’affirmer la poursuite des ambitions de l’accord de Paris, sans report ni baisse de ces ambitions. Il s’agit également de mettre en œuvre effectivement la loi énergie-climat, non encore pleinement entrée en vigueur en raison du retard pris dans la publication des décrets et des ordonnances, avant d’envisager de légiférer à nouveau. Il convient, enfin, d’accélérer l’instruction des projets d’ENR, alors que la France est l’un des pays où cette instruction est la plus longue, de dématérialiser les procédures, et d’y accorder les ressources humaines suffisantes, notamment pour accompagner les collectivités territoriales dans leurs projets, via les DREAL et l’Ademe. Une attention particulière doit être accordée aux projets outre-mer.

Proposition 43 : accélérer la mise en œuvre de la loi énergie-climat, notamment dans ses dispositions relatives à la fermeture des centrales à charbon ou encore à l’hydrogène ;

Proposition  44 : rappeler que la poursuite des ambitions de l’accord de Paris constitue l’aiguillon et la ligne directrice du plan de relance de l’économie française ;

Proposition 45 : accélérer l’instruction des projets en généralisant la dématérialisation, en raccourcissant les délais d’instruction des candidatures aux appels d’offres et en envisageant de paralléliser certaines étapes ;

Proposition  46 : améliorer l’accompagnement des collectivités territoriales dans le développement de leurs projets ENR, en renforçant les services dédiés de l’État en région et en homogénéisant les pratiques des DREAL ; constituer, sous l’égide de l’Ademe, un réseau de soutien technique aux élus ; mettre en place pour certaines ENR, notamment la géothermie, un animateur spécialiste par région ;

Proposition  47 : accorder une attention particulière au développement des ENR outre-mer, notamment en actualisant les PPE propres à ces territoires au regard de l’évolution de la situation locale de pénétration de ces énergies, et en assurant aux acteurs une visibilité pluriannuelle des mécanismes de soutien.

B.   adopter des mesures de soutien propres aux différentes filières

Vos rapporteurs appellent également à soutenir certaines filières, qu’ils estiment prometteuses.

Lhydroélectricité joue un rôle majeur dans léquilibre du système électrique et dans sa souveraineté, tant par les grands ouvrages que par la petite hydroélectricité. Il s’agit de la première source renouvelable électrique en France, avec plus de 25 GW de capacité installée, fournissant 60 % de la production d’ENR et couvrant plus de 13 % de la consommation flexible et stockable. Elle permet également lintégration des autres énergies renouvelables dites « variables » comme léolien ou le solaire. Son rôle est donc clé dans la transition énergétique. Une nouvelle dynamique de développement de lhydroélectricité constitue un outil majeur au service de lambition française. Le plan de relance doit ainsi intégrer lhydroélectricité, industrie proche des territoires, par lorganisation des travaux de rénovation et du renouvellement du matériel électromécanique, la mise en œuvre de la disposition de la loi énergie-climat permettant les augmentations de puissance sur des aménagements existants ainsi que la mise en œuvre de la disposition de la loi de transition énergétique permettant la prolongation des concessions sous condition de travaux. Sans se prononcer sur la pertinence de la remise en concurrence, vos rapporteurs souhaitent toutefois qu’une visibilité soit donnée aux opérateurs de la filière, l’incertitude actuelle étant particulièrement préjudiciable et de nature à bloquer des investissements nécessaires pour moderniser et développer les capacités de production.

Proposition  48 : donner aux opérateurs de la filière hydroélectrique de la visibilité quant aux modalités et au calendrier de la mise en concurrence des concessions échues, ou de leur éventuelle prolongation ;

Proposition  49 : mettre en œuvre la disposition de larticle 116 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte autorisant la prolongation des concessions sous conditions de travaux ;

Proposition  50 : accélérer la mise en œuvre des rénovations des centrales et du renouvellement de leur matériel électromécanique ;

Proposition  51: accélérer la mise en œuvre des dispositions de l’article 43 de la loi 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à lénergie et au climat, permettant des augmentations de puissance des installations concédées, sans prolongation de la durée de la concession, de nature à inciter les opérateurs à effectuer des travaux et investissements sur les aménagements hydroélectriques.

Par ailleurs, léolien en mer doit faire l’objet d’une attention soutenue. La crise du Covid a entraîné, en effet, la suspension ou le report des débats publics, conduisant au décalage de plusieurs mois du calendrier de ces débats, préalables à l’engagement des appels d’offres. Cette situation compromet l’atteinte des objectifs de transition énergétique fixés dans la PPE et la loi énergie-climat du 8 novembre 2019. Aussi, vos rapporteurs proposent de redémarrer dès que possible les procédures préalables au lancement des appels d’offres. De manière plus structurelle, ils appellent à déployer une stratégie industrielle et portuaire de nature à faire émerger une filière française de l’éolien flottant.

Proposition  52 : redémarrer rapidement les procédures préalables au lancement des appels d’offres prévus d’ici 2022 ; engager la saisine de la Commission nationale du débat public pour le projet Sud Atlantique et ceux en Méditerranée ;

Proposition  53 : adapter les infrastructures portuaires françaises pour pouvoir implanter des sites de construction de flotteurs ou d’assemblage et faire émerger une filière française de l’éolien flottant.

Plusieurs mesures peuvent être envisagées pour soutenir le développement de lénergie solaire. En effet, le parc solaire représente plus de 9 000 mégawatt (MW), soit une augmentation de plus de 900 MW sur l’année, mais demeure loin des objectifs fixés par la PPE (47 % de l’objectif 2023 atteint à la fin du 1er trimestre 2020). Son rythme de développement doit être accéléré. Cette énergie repose sur une ressource importante voire inépuisable, et ses effets sur l’environnement, en analyse du cycle de vie, peuvent être réduits par le développement d’une filière française, qui serait créatrice d’emplois.

Il convient, en particulier, de donner davantage de visibilité aux acteurs de la filière et de faciliter le développement des projets par une réflexion générale sur le foncier, s’agissant notamment des questions de l’artificialisation des sols, de la définition des zones humides ou encore de l’implantation en zone non agricole et non boisée. Il s’agit également de mieux soutenir les projets d’autoconsommation.

Proposition  54 : pour les appels d’offres photovoltaïques, engager une réflexion générale sur le foncier ;

Proposition  55 : s’agissant du solaire thermique, améliorer la visibilité des professionnels sur les appels à projets de l’Ademe par la mise en place d’un calendrier pluriannuel et la définition de méthodes communes d’évaluation économique ;

Proposition  56 : renforcer le soutien aux projets d’autoconsommation d’énergie solaire, en garantissant la préservation des mécanismes de solidarité et de péréquation du réseau.

La filière bois-énergie a été très affectée par la crise sanitaire. Si les problèmes d’approvisionnement – les contrôles routiers liés au confinement bloquant certaines livraisons – ont été résolus, et si les stocks se reconstituent pour la saison prochaine malgré l’arrêt temporaire des scieries, la filière est affectée par l’effondrement des prix des énergies fossiles qui pourrait avoir des conséquences sur les investissements et le fonctionnement des chaufferies. Des mesures ont déjà été prises : ainsi, les services de l’État ont annoncé, conformément à la demande des professionnels une certaine souplesse, pour permettre l’application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) y compris quand le taux d’incorporation des renouvelables tombe temporairement au-dessous de 50 %.

Ceci ne saurait toutefois être suffisant, et vos rapporteurs souhaitent aller plus loin. En effet, de manière plus large que le seul contexte de crise, la Cour des comptes ([6]) estime que les soutiens à la filière bois, évalués à 1,16 Md€ par an entre 2015 et 2018, sont importants mais trop peu efficaces pour jouer un rôle de levier. Ainsi, les soutiens existants peuvent être élargis pour être plus efficaces. À titre d’illustration, lextension de léligibilité au fonds chaleur aux technologies de séchage du bois permettrait de diminuer limportance du marché informel, le plus souvent dominé par des produits de mauvaise qualité au taux dhumidité élevé, de mettre sur le marché davantage de combustibles performants et daccélérer les investissements industriels dans les régions rurales et forestières. Par ailleurs, si 95 % du bois énergie et 63 % du bois construction proviennent des forêts françaises, le potentiel nest pas entièrement exploité.

Proposition  57 : rendre éligible au fonds chaleur les dépenses liées aux équipements de séchage de la biomasse (bois d’œuvre, sciures, bois de chauffage) ;

Proposition  58 : élargir le coup de pouce chauffage CEE aux appareils indépendants de chauffage au bois et aux chaudières biomasse venant en remplacement d’appareils équivalents anciens ;

Proposition  59 : accroître la part de la marque « Bois de France » dans le bois énergie et le bois construction ;

Proposition  60 : comme le suggère la Cour des comptes, renforcer la coopération entre ministères de lagriculture et de lénergie par la création dun collège de directeurs de la politique forêt/bois, chargé de préparer les arbitrages gouvernementaux. Ce groupe aurait également vocation à travailler à lever les barrières réglementaires et économiques et à favoriser la mobilisation de la biomasse ;

Proposition  61 : comme le suggère la Cour des comptes, créer un fonds daide au repeuplement denviron 100 M€ par an confié à un opérateur public, éventuellement alimenté par une fraction des enchères de quotas carbone européens. Ce fonds aurait vocation à financer les plantations ainsi que les travaux damélioration et dentretien des forêts.

Le biogaz, et notamment le biométhane, constitue également une filière extrêmement prometteuse, dont les atouts en termes d’emplois et de développement local sont grands. Selon les acteurs, un grand nombre de projets sont en cours, pour une puissance de 25 TWh. Vos rapporteurs saluent les mesures proposées par le Gouvernement, notamment la prolongation de sept mois du délai pour la mise en service des installations de production de biométhane pour lesquelles des contrats d’obligation d’achat ont été signés entre le 12 mars 2017 et le 12 mars 2020. Toutefois, ces mesures visent essentiellement à assouplir les conditions de la reprise, et ne constituent pas une ambition suffisante s’agissant de la relance. C’est pourquoi, vos rapporteurs souhaitent, côté demande, encourager la consommation de gaz renouvelable, et, côté offre, permettre le développement des réseaux.

Ils souhaitent également que soit engagée une réflexion sur le financement partiel des volumes par des mécanismes extrabudgétaires. À cet égard, le projet dit « méthaneuf », qui a pour objet d’inclure le biométhane dans les futurs bâtiments neufs, doit être soutenu, particulièrement quand des contraintes techniques ou financières importantes rendent difficile l’installation de panneaux photovoltaïques, par exemple. Il consiste, en effet à permettre au maître d’ouvrage soit d’équiper l’immeuble alimenté au gaz d’installations de production d’ENR intégrées à l’immeuble, soit de financer le développement de gaz renouvelable, à proximité, pour un montant équivalent. Le gaz renouvelable produit à proximité serait fléché vers la construction neuve qui l’a financé, dans une logique d’économie circulaire. Un tel projet présente l’avantage de stimuler la production et la consommation de biométhane, sans pour autant entraîner de dépense publique importante comme le ferait l’augmentation de l’objectif de biométhane dans la PPE, le soutien par le tarif de rachat étant contraint par les finances publiques.

Proposition  62 : encourager la consommation de gaz renouvelable, sans prolonger artificiellement la demande pour le gaz, mais de manière à introduire progressivement un soutien au biométhane par la demande ;

Proposition  63 : engager une réflexion sur le financement partiel des volumes par des mécanismes extrabudgétaires : soutenir les projets de type « méthaneuf » dincitation à la production et à la consommation de biométhane dans le cadre de la réglementation RE2020 sur les bâtiments neufs, dans le cas où des contraintes techniques et financières importantes rendent difficile linstallation de panneaux photovoltaïques par exemple, et dans une logique déconomie circulaire ;

Proposition  64 : adapter les réseaux à l’injection progressive de biométhane : autoriser les gestionnaires de réseaux à investir davantage en levant le plafonnement annuel d’investissement (respectivement 0,4 et 2 % des recettes annuelles des tarifs d’utilisation des réseaux de distribution et de transport) ;

Proposition  65 : créer un fonds damortissement des charges de développement des réseaux de gaz verts, éventuellement financé par une contribution des fournisseurs de gaz fossile.

Enfin, la France sest engagée, dans le cadre dune déclaration politique sur le rôle de lhydrogène dans la décarbonation du système énergétique européen diffusée en amont du conseil de l’énergie. Un plan hydrogène, prenant le relais du plan de 2018, devrait être présenté à l’automne, en même temps que le plan de relance. Pour vos rapporteurs, l’hydrogène est une hypothèse de travail sérieuse, à la condition explicite et ferme que son processus de fabrication soit vertueux. En effet, en 2016, 95 % de l’hydrogène était produit via le craquage de combustible fossile, très polluant. Le pourcentage aurait peu évolué ces quatre dernières années. À cet égard, il est nécessaire d’accorder à la recherche les moyens nécessaires, mais également de garantir que la stratégie européenne pour l’hydrogène, qui devrait être présentée début juillet, comporte une définition claire de l’hydrogène propre. Des certificats d’origine pour l’hydrogène propre devraient assurer l’information du consommateur final.

Proposition  66 : relancer le plan national hydrogène pour un soutien supérieur aux 100 M€ par an du plan de 2018, pour développer la recherche sur l’hydrogène bas carbone ;

Proposition  67 : promouvoir, auprès de l’Union européenne, une définition de l’hydrogène propre assise sur un critère chiffré d’émission de CO2 tout au long du processus de production, ainsi que la mise en place d’un système solide de garanties d’origine.

    


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   quatrième partie :
assurer la résilience des réseaux et accroître l’indépendance énergétique de la france

La crise a démontré l’importance de disposer d’un système énergétique solide et résilient, seul en mesure de permettre à la France d’assurer la continuité de fourniture des services – notamment des services essentiels comme les hôpitaux – sans dépendre d’importations. Des efforts peuvent être entrepris selon trois axes pour renforcer cette résilience : sécuriser les réseaux, renforcer nos capacités de stockage et accroître l’indépendance énergétique par la relocalisation des activités en France et en Europe. Il importe également, en sortie de crise, de soutenir les fournisseurs d’énergie pour préserver leur capacité d’investissement.

I.   soutenir les fournisseurs dénergie pour conserver leur capacité dinvestissement

Les fournisseurs d’énergie ont été lourdement affectés par la crise, en raison des baisses de consommation et de prix, mais également des mesures mises en œuvre – légitimement – par le Gouvernement : le prolongement de la trêve hivernale et le report de paiement des factures pour les entreprises et les particuliers. Ils craignent également une augmentation importante des impayés, tant de la part des particuliers que de celle des entreprises. Ainsi, selon lagence internationale de lénergie (AIE), les investissements mondiaux dans le secteur pourraient diminuer de 20 % par rapport à lannée 2019, soit environ 400 Md$, contre une estimation initiale dune augmentation de 2 % envisagée en début dannée. Cette chute des investissements – dont les effets ne seront pleinement perceptibles que dans trois ans – met en danger la sécurité dapprovisionnement en énergie mais également la transition énergétique.

Plusieurs mesures peuvent être envisagées. En effet, les fournisseurs de gaz et d’électricité sont redevables d’un certain nombre de taxes et de contributions, conformément à la directive sur les accises en matière d’énergie, sur la base de leurs livraisons aux consommateurs finals, qui apparait sur la facture de ces clients et qu’ils reversent ensuite à l’État : taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), taxes locales sur la consommation d’électricité et taxe intérieure sur la consommation de gaz nature (TICGN). Ce reversement est, aujourd’hui, devenu une lourde charge de trésorerie, en raison des étalements de factures accordés par les fournisseurs à leurs clients et du nombre croissant d’impayés. Il serait ainsi souhaitable de permettre aux fournisseurs de reporter le versement de la TICFE et de la TICGN de la même durée que celle accordée pour le report des factures de leurs clients. Par ailleurs, aucune exonération du reversement du produit des taxes en cas d’impayés n’est prévue par la directive européenne directive du 27 octobre 2003 sur la taxation des produits énergétiques et de l’électricité. En conséquence, les fournisseurs d’électricité et de gaz supportent le risque d’impayés sur l’ensemble de ces taxes. Ces dispositions doivent être assouplies afin d’aligner le fonctionnement des taxes énergétiques sur celui d’autres taxes comme la TVA.

Proposition n° 68 : organiser le report ou l’étalement du paiement des taxes intérieures de consommation d’énergie par les fournisseurs selon les mêmes conditions que celles offertes aux clients pour le règlement de leurs factures ;

Proposition n° 69 : assurer la récupération par les fournisseurs d’énergie du montant des taxes intérieures reversées sur les factures impayées, en menant une discussion au niveau européen dans le cadre de la révision de la directive du 27 octobre 2003 sur la taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

Par ailleurs, vos rapporteurs estiment également important de soutenir les industries électro-intensives, soumises à des difficultés importantes, mais qui assurent de grands services au réseau, notamment par le dispositif de linterruptibilité. Les industries électro-intensives subissent, en effet, les conséquences de la crise, comme les autres, par la réduction de leur activité, mais elles sont particulièrement touchées en raison de leur forte consommation d’énergie. Ainsi, elles continuent à devoir payer le TURPE, pour un coût fixe qui dépend de la puissance souscrite, alors même que leur chiffre d’affaires diminue. Par ailleurs, la question de la pertinence des contrats d’interruptibilité, qui leur assurent un complément de revenus, a été soulevée, dans le cadre de la baisse de consommation qui rend cet outil de gestion des pointes moins nécessaire. Enfin, les industriels s’inquiètent de l’annonce par EDF de la réduction de sa production nucléaire. Ils s’interrogent sur la sécurité d’approvisionnement, mais également sur les coûts d’approvisionnement, la hausse des coûts pouvant altérer de façon significative leur compétitivité et leur relance post-crise.

Maintenir les capacités d’interruption, même réduites, reste essentiel pour les mois à venir compte-tenu de l’annonce par EDF d’une forte réduction de sa production pour 2020 à 2022, qui pourrait rendre difficile de faire face à des pointes de consommation. Aussi, vos rapporteurs souhaitent qu’une vigilance importante soit accordée à ces entreprises pour les soutenir dans la reprise, au moment où le maintien de leur compétitivité est essentiel, mais également protéger l’atout qu’elle représente pour le réseau au travers de la flexibilité qu’elle lui offre pour ajuster l’offre à la demande. Il s’agit, notamment, d’envisager la modification du calcul du TURPE et des critères d’éligibilité aux abattements, ainsi que, le cas échéant, l’adaptation au cas par cas des contrats d’interruptibilité.

Proposition  70 : garantir aux entreprises électro-intensives un environnement favorable à leur reprise dans un contexte de compétitivité importante, en envisageant l’adaptation des modalités de calcul du TURPE et de l’abattement dit « de stabilité et d’anti-cyclicité » pour tenir compte des effets de la crise, en en aménageant au cas par cas les contrats d’interruptibilité.

 

II.   sécuriser et optimiser le développement des réseaux

Les réseaux constituent le pilier du système énergétique français et doivent, à cet égard, faire l’objet d’une vigilance particulière. Le 26 mai, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié un avis sur les infrastructures de réseaux. Il y préconise d’intégrer une nouvelle ambition dans les investissements dans les infrastructures, afin de contribuer à la relance économique. Plusieurs réformes sont à envisager pour assurer la sécurité des réseaux et l’optimisation de leur développement, et ce d’autant plus que les programmes d’investissement ont été très affectés par la crise et que certains gestionnaires de réseau ont pris du retard dans la réalisation de ces investissements, qu’il s’agit aujourd’hui de rattraper.

Proposition  71 : garantir un apport exceptionnel de 100 M€ au compte d’affectation spécial « financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (CAS-FACE) dans le prochain PLF, lissé sur 2 ans, pour sécuriser les réseaux de distribution d’électricité ;

Proposition  72 : développer une filière industrielle autour des smart grids ;

Proposition  73 : développer rapidement des schémas directeurs multi-énergie intégrant les énergies de réseaux (réseaux de chaleur, de froid, de gaz et d’électricité) et hors réseaux, tels que recommandés par l’Ademe ;

Proposition  74 : comme le suggère le CESE, missionner l’une des instances existantes placées auprès du Premier ministre pour préparer et coordonner une stratégie en matière de réseaux, multisectorielle (réseaux d’énergie et de communication) et pluriannuelle.

III.   développer nos capacités de stockage

Au côté de la sécurisation et du développement des réseaux, il est important de promouvoir le développement des moyens de stockage, en particulier lorsqu’ils représentent la meilleure option pour le système électrique dans lequel ils s’insèrent. Pourtant, les conditions de marché ne permettent pas, dans l’ensemble, de rémunérer ces moyens de stockage (même existants), dont le développement dépendra fortement de l’évolution de ces conditions de marché (état du système électrique, coût des moyens de stockage, prix révélés sur les marchés et modèles de régulation).

À l’heure actuelle, les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) sont le principal moyen de stockage de l’électricité dans le monde avec 162 gigawatts (GW) sur 170 GW. Il s’agit d’un moyen fiable et efficace, avec 80 % de rendement global, notamment pour faire face à la variabilité du système sur temps longs qui devrait augmenter, comme l’indique RTE dans ses bilans prévisionnels : ils sécurisent l’équilibre offre-demande, indispensable aux objectifs d’autonomie énergétique et de mix intégralement renouvelable, et favorisent l’insertion des énergies renouvelables variables. Pour autant, le cadre économique et réglementaire actuel n’est pas aujourd’hui suffisamment favorable, ce qui compromet le développement de ce type de centrales et dégrade fortement l’équilibre économique des installations existantes. Il est donc nécessaire que l’État promeuve et soutienne les STEP pour accélérer le lancement des projets afin datteindre lobjectif de 1,5 GW fixé par la PPE, qui augmenterait la résilience du système électrique dans les périodes de crise.

Il s’agit, en particulier, d’alléger les charges et la fiscalité pesant sur les STEP, notamment liées au TURPE et à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), dans la mesure où il ne s’agit pas d’unités de production, mais d’une assurance pour le système électrique au titre de la réserve de puissance qu’elles représentent. D’éventuelles exonérations ne pourront, toutefois, se faire au détriment des ressources des collectivités territoriales, dont il faudrait compenser une potentielle perte de recette.

Proposition  75 : favoriser le développement des stations de transferts dénergie par pompage : accélérer le lancement des projets de STEP afin datteindre lobjectif de 1,5 GW ; mener une réflexion sur l’allègement des charges et de la fiscalité pesant sur les STEP, en envisageant plusieurs possibilités (TURPE, IFER), sans toutefois réduire les ressources des collectivités territoriales.

IV.   relocaliser les chaînes de valeur en France et en Europe pour accroître l’indépendance énergétique de la France

La crise a témoigné des fragilités engendrées par la mondialisation et des conséquences en cascade de la défaillance de l’un des maillons de la chaîne.

À cet égard, vos rapporteurs estiment souhaitable de réfléchir à la relocalisation – ou à la localisation – d’un certain nombre d’activités en France ou en Europe, notamment s’agissant d’activités d’avenir, comme celles liées aux énergies renouvelables. Ces relocalisations présenteraient des avantages économiques et sociaux majeurs. Ainsi, selon le syndicat des énergies renouvelables (SER), 80 % de la valeur ajoutée créée par le développement des énergies renouvelables profite à l’économie nationale, bien qu’une marge de progression soit encore réalisable. En outre, les employés sont les premiers bénéficiaires de cette activité économique, les salaires correspondant à environ 50 % de la valeur ajoutée créée. Les énergies renouvelables pourraient représenter 236 000 emplois directs et indirects en 2028.

Les pouvoirs publics semblent avoir déjà pris conscience de cet enjeu. Ainsi, un dialogue soutenu a été noué entre l’État et les entreprises, au sein du comité stratégique de filière, qui s’est traduit notamment dans le Pacte productif, visant à accélérer le développement de secteurs industriels clés, combinant « décarbonation et production », « emplois et climat ». Vos rapporteurs saluent également la nouvelle alliance européenne qui verra le jour sur les batteries, qui permettra à l’union européenne de progresser vers l’autosuffisance dans l’industrie du lithium.

Dans ce contexte, vos rapporteurs émettent plusieurs propositions, ayant vocation à sécuriser les investissements industriels par une meilleure visibilité sur la stratégie publique, à faciliter l’implantation de nouveaux acteurs industriels par un environnement favorable, à valoriser la production en France par l’utilisation d’un critère carbone différenciant, à renforcer la structuration de filière et à développer une offre de formation correspondant aux besoins à venir.

Proposition n° 76 : préserver les outils industriels existants ;

Proposition 77 : garantir que les trajectoires fixées par la PPE et le calendrier des appels d’offres soient tenus, pour donner de la visibilité aux acteurs industriels ;

Proposition 78 : créer un environnement favorable à l’implantation de nouveaux acteurs industriels de l’énergie d’avenir dans les territoires en se concentrant sur des mesures de simplification administrative et d’allègement de la pression fiscale ;

Proposition 79 : valoriser et accompagner les implantations industrielles en France par la mise en place d’un critère carbone suffisamment différenciant dans les appels d’offres ;

Proposition n° 80 : renforcer la structuration de la filière, pour renforcer le tissu des fournisseurs de biens et services ;

Proposition n° 81 : développer une offre de formation initiale et continue de nature à répondre aux besoins en compétences et à leur maintien.

En parallèle, il faut accompagner le développement des entreprises françaises, éventuellement réimplantées sur nos territoires, à l’international. En effet, nos entreprises de l’énergie ont une excellence et un savoir-faire à exporter. Leur développement à l’international contribuera à renforcer leur solidité. Plusieurs mesures peuvent être proposées en ce sens, qui doivent contribuer à créer une taskforce à l’export pour le secteur des énergies renouvelables. Il s’agit, pour cela, de soutenir l’internationalisation des projets d’énergie renouvelables par des outils de financement et de garanties à l’export adaptés, et de favoriser l’offre à l’international de projets intégrant la question des systèmes (réseaux intelligents, stockage, autoconsommation). Il est également souhaitable de continuer à valoriser et à multiplier les actions du fédérateur export énergies renouvelables, pour accompagner la structuration de la filière – notamment la coordination entre petites entreprises et grands groupes – et organiser sa promotion, en lien avec le comité stratégique de filière « nouveaux systèmes énergétiques », dans son volet international.

Proposition n° 82 : soutenir l’export et l’internationalisation des projets d’énergie renouvelables par des outils de financement et de garanties à l’export adaptés ;

Proposition n° 83 : soutenir la promotion à l’international d’offres françaises intégrant la dimension « systèmes », s’agissant notamment des réseaux intelligents, du stockage ou de l’autoconsommation.

Proposition n° 84 : valoriser et multiplier les actions du fédérateur export énergies renouvelables, pour accompagner la structuration de la filière et organiser sa promotion, en lien avec le comité stratégique de filière « nouveaux systèmes énergétiques », dans son volet international.


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   cinquième partie :
se donner les moyens de nos ambitions par un financement sécurisé

I.   pérenNiser les sources de financement nationales et européennes

Le secteur de l’énergie présente, du point de vue de son financement, un paradoxe. En effet, une partie des mesures, notamment de soutien aux énergies renouvelables, est financée par les recettes de la fiscalité sur l’énergie et les activités polluantes, dont l’objectif est, toutefois, d’entraîner une baisse de consommation de l’énergie et une diminution des activités polluantes, donc une réduction de l’assiette de prélèvement et, in fine, une diminution de ces recettes. Le besoin de financement ne doit pas conduire à revenir sur cet objectif de fiscalité incitative, ni conduire à taxer plus largement ou plus lourdement des activités vertueuses.

Aussi, et face également à la réduction des recettes liées aux baisses de consommation énergétique pendant le confinement (- 1,6 Md€ pour la TICPE selon le 3ème projet de loi de finances rectificative pour 2020), des sources de financement alternatives doivent être envisagées. C’est d’autant plus nécessaire que les charges de service public de l’électricité (CSPE), corrélées aux dispositifs de soutien public aux énergies renouvelables, ont été estimés à partir d’un prix de l’électricité très largement supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. Ainsi, dans son rapport sur l’exécution budgétaire 2019 des crédits de la mission « écologie », le rapporteur spécial Julien Aubert anticipe une hausse de 1,327 Md€ de CSPE en 2021. La Commission européenne, elle, estime à 470 Md€ par an les besoins d’investissement annuels pour assurer la transition énergétique à l’issue de la crise.

En tout état de cause, il apparaît indispensable de garantir que la crise sanitaire puis économique n’entraîne pas de conséquences sur le financement de la PPE, ainsi que d’anticiper la diminution des recettes liées à la diminution de la consommation d’énergies fossiles pour adapter et poursuivre le financement du soutien à la transition énergétique de manière suffisante pour atteindre nos objectifs. À cet égard, il serait pertinent de développer un outil de mesure des recettes et des dépenses publiques en matière d’énergie, pour avoir une connaissance plus fine des flux financiers associés. En complément, vos rapporteurs suggèrent de veiller à faire bénéficier les territoires et les entreprises françaises des dispositifs de soutien envisagés dans le cadre du plan de relance et du Pacte vert européens. Ainsi doit-il en être, notamment, du fonds pour une transition juste de l’Union européenne, qui a vocation à soutenir tout particulièrement les régions ou secteurs les plus affectés par la transition en raison de leur dépendance aux combustibles fossiles ou aux processus à forte intensité en carbone. Par ailleurs, il apparaît nécessaire de remettre la fiscalité de l’énergie à plat à mesure du développement de nouvelles sources d’énergie et de la modification de la part des énergies consommées, notamment s’agissant du parc roulant. Il s’agit de conserver le principe pollueur-payeur tout en l’adaptant à l’évolution du mix énergétique, pour taxer davantage ceux qui polluent davantage.

Proposition n° 85 : garantir que la crise sanitaire puis économique n’entraîne pas de conséquence sur le financement de la PPE ;

Proposition n° 86 : anticiper la diminution des recettes liées à la consommation d’énergies fossiles pour poursuivre le financement du soutien à la transition énergétique de manière suffisante pour atteindre nos objectifs ;

Proposition n° 87 : développer un outil de mesure des recettes et des dépenses publiques en matière d’énergie, pour avoir une connaissance plus fine des flux financiers associés ;

Proposition n° 88 : veiller à faire bénéficier les territoires et les entreprises françaises des dispositifs de soutien du plan de relance et du Pacte vert européens en les accompagnant dans les démarches à accomplir ;

Proposition 89 : remettre la fiscalité de l’énergie à plat à mesure du développement de nouvelles sources et de la modification de la part des énergies consommées : conserver le principe pollueur-payeur pour taxer davantage ceux qui polluent davantage.

II.   Vers un prix plancher du carbone ?

L’attribution au carbone d’un prix plancher permettrait, en plus d’avoir un effet désincitatif sur les émissions et de doter le carbone d’un signal prix qui reflète son coût environnemental, de lever des recettes nécessaires pour soutenir les énergies renouvelables. Plusieurs solutions sont, à ce titre, envisageables.

 Instaurer un mécanisme dajustement carbone aux frontières de lUnion européenne, qui permettrait de réduire les écarts de compétitivité entre des produits importés fabriqués à l’étranger dans des conditions environnementales moins strictes et des produits européens. La présidente de la Commission européenne a confirmé envisager l’institution d’un tel mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne (sous forme d’un droit de douane qui frapperait les produits les plus carbonés), lors de la présentation du plan de relance européen le 27 mai 2020. Vos rapporteurs appellent à soutenir cette initiative qui relève, cependant, de l’échelle européenne ;

 Instaurer un prix plancher pour le carbone dans le cadre du système européen déchange démissions de CO2 (EU-ETS). Le Président de la République et la Chancelière allemande ont plaidé en ce sens dans le cadre de l’initiative franco-allemande du 18 mai 2020. En effet, à l’échelle européenne, le prix de la tonne de CO2 est passé de 23 € au début du mois de mars à 15,45 € le 23 mars, pour atteindre finalement 20 € mi-avril : le signal-prix associé aux énergies fossiles, destiné à inciter à la transition énergétique, ne remplit plus son rôle. L’Allemagne, qui prendra la tête du conseil de l’Union européenne le 1er juillet, devrait soutenir l’organisation d’une discussion sur « l’introduction d’un prix minimum du CO2 dans le cadre de l’EU-ETS ». Le Haut Conseil pour le climat demande également à « conclure au plus vite à Bruxelles » l’adoption d’un prix plancher du carbone, pour compenser la chute du prix des quotas de CO2 sur le marché européen du carbone, lié à la baisse de l’activité industrielle en Europe. Il indique en effet qu’à l’heure actuelle, ce mécanisme a « les défauts dun instrument conjoncturel pour répondre à un problème structurel, qui néclaire pas suffisamment les décisions dinvestissement des acteurs économiques ». Vos rapporteurs, qui souhaitent que cette possibilité soit étudiée, appellent toutefois à la vigilance quant aux conséquences d’une telle mesure sur les industries électro-intensives ou grandes consommatrices d’énergies : celles-ci devraient être soutenues par une fiscalité adaptée ;

 Renforcer lefficacité de la fiscalité énergétique en limitant les exonérations. Une hausse de la composante carbone de la fiscalité énergétique (ou taxe carbone, ou encore contribution climat énergie) ne peut que difficilement être envisagée dans un contexte de crise économique, d’autant plus qu’elle affecterait majoritairement les ménages les plus précaires. Toutefois, cette fiscalité peut être rendue plus lisible et plus efficace. En effet, le CGDD pointe avec raison, dans une récente note ([7]), que « la fiscalité carbone de la France nest pas alignée sur son ambition climatique ». Le CGDD estime que « 10 % des émissions ne sont associées à aucune tarification », 39 % sont tarifées moins de 30  par tonne de CO2 (€/tCO2), et 62 % sont tarifées moins de 100 €/tCO2. Si la tarification du carbone ne doit pas être « le seul instrument mobilisé pour la réduction des émissions », il apparaît toutefois nécessaire dapprofondir le sujet pour associer au carbone un coût qui reflète ses conséquences environnementales et orienter les comportements des ménages comme des entreprises vers des énergies moins polluantes. À cet égard, un travail peut être mené sur les exonérations à la fiscalité des activités ou produits polluants, qui génèrent des dépenses publiques importantes, croissantes, et incohérentes avec les objectifs climatiques français. Les dépenses associées à ces exonérations seraient de 6,9 Md€ en 2018, soit une hausse de 15 % par rapport à 2017. Réduire le nombre d’exonérations est nécessaire à la mise en œuvre d’une fiscalité énergétique cohérente sur le plan environnemental et en termes d’équilibre budgétaire. La suppression progressive de ces exonérations doit être accompagnée par la mise en place conjointe de mesures d’accompagnement des secteurs visés.

Proposition  90 : réduire le nombre d’exonérations à la fiscalité énergétique, en mettant en place conjointement des mesures d’accompagnement des secteurs visés.


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   sixiÈme partie :
accorder UNE JUSTE PLACE AU NUCLÉAIRE dans le cadre de la relance

I.   Un risque pour l’approvisionnement à venir maîtrisé

La crise de Covid-19 a entraîné une réduction de la production nucléaire. Ainsi, la production nucléaire a baissé de 22 % au mois de mai par rapport au mois de mai 2019, après une baisse de 15,5 % en avril et de 13,8 % en mars selon les données publiées par EDF. Ce fort recul s’explique par les baisses de consommation et la prolongation ou le report des arrêts causée par la crise sanitaire. Au total, EDF a réduit son hypothèse de production pour l’année 2020, à 300 TWh, contre 390 TWh estimés initialement.

Cette situation pourrait poser des difficultés pour les hivers à venir. Ainsi, un certain nombre de travaux de maintenance et certaines visites d’inspection de la 4ème visite décennale (VD4) n’ont pas pu être organisés selon le calendrier fixé : il importe désormais de les organiser de manière à éviter la concentration des travaux au cours de l’hiver à venir, lorsque la demande d’électricité sera forte. C’est pourquoi, le groupe EDF s’est attelé à reprogrammer le calendrier des arrêts de réacteurs, dans le respect des exigences de sûreté, afin de renforcer la continuité d’approvisionnement pour l’hiver. Pour permettre ces reports d’arrêts, certaines centrales nucléaires seront arrêtées pendant l’été pour économiser du combustible et limiter les arrêts pour rechargement l’hiver prochain sur les périodes critiques.

RTE estime ainsi que la situation pour l’hiver prochain doit faire l’objet d’une vigilance particulière. Toutefois, les actions d’optimisation du calendrier proposées par EDF permettent d’améliorer sensiblement la situation en maximisant la disponibilité du parc nucléaire sur les périodes critiques. Ainsi, le réaménagement du programme d’arrêt de tranches aurait permis de gagner 7 GW de marges entre novembre et décembre et presque 3 GW en janvier 2021. Sans ce réaménagement, le déficit de capacité aurait pu atteindre jusqu’à 15 GW certaines semaines. Selon RTE, le risque de faire appel aux moyens dits « post-marché » (interruptibilité, baisse de la tension, délestage), n’interviendrait que pour des températures inférieures de 3 à 7 degrés aux normales de saison. Lété devra également faire lobjet dune vigilance renforcée : les arrêts pour économie de combustible rendront le parc nucléaire moins disponible au cours de lété, alors que la demande dénergie pourrait être forte, notamment en cas de canicule (climatiseurs). La probabilité que la France soit en situation dimport cet été est « significativement plus élevée que les années précédentes ».

Pour vos rapporteurs, la vigilance est impérative, car toute tension sur la production, couplée au retard potentiel de la mise en service de la centrale à cycle combiné gaz de Landivisiau et des interconnexions avec plusieurs États européens pourrait engendrer des tensions importantes sur le réseau jusqu’à l’hiver 2022 et, éventuellement, retarder l’arrêt de la centrale à charbon de Cordemais. Ceci pourrait, par ailleurs, être également préjudiciable à la compétitivité et à la reprise post-crise des industries électro-intensives, si cela venait à entraîner une augmentation des prix de l’énergie. Aussi, vos rapporteurs souhaitent demander à EDF et à l’ASN de présenter et de valider rapidement un nouveau calendrier des arrêts de tranche pour la VD4.

Proposition  91 : demander à EDF et à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de présenter et valider rapidement un nouveau calendrier des arrêts de tranches pour la VD4.

II.   II. accorder au nucléaire une place équilibrée dans la relance

Si le nucléaire est, de manière fréquente, décrié, il n’en demeure pas moins un atout considérable en période de crise comme celle que la France a traversée, qui permet la stabilité de l’approvisionnement énergétique, pour des coûts marginaux faibles, tout en rendant même possible une certaine flexibilité, comme l’ont démontré les arrêts temporaires de certains réacteurs face aux baisses épisodiques de consommation. En outre, la production nucléaire – qui représente encore plus de 70 % de la production d’électricité – peu émettrice de gaz à effet de serre, demeure un atout importance pour atteindre nos objectifs climatiques.

Sur ce sujet, si vos rapporteurs ne remettent pas en cause l’objectif d’un taux de 50 % d’électricité d’origine nucléaire à horizon 2035, ils formulent plusieurs propositions pour assurer à la filière la stabilité et la visibilité dont elle a besoin :

– déployer des formations adaptées au secteur nucléaire pour assurer son avenir. En effet, dans son rapport annuel 2019, l’ASN s’inquiète d’une saturation des capacités d’ingénierie d’EDF, tant au niveau central qu’au niveau des sites, et s’interroge sur la capacité du groupe à assurer avec succès et dans des calendriers réalistes les réexamens de sûreté ;

– anticiper les besoins de moyen et de long terme, tant en compétences qu’en moyens, s’agissant notamment de la gestion des déchets à très faible activité, de celle des combustibles usés, ainsi que du démantèlement des installations. Il est, notamment, nécessaire de déployer des capacités d’entreposage des combustibles usés plus importantes, pour remédier à la situation observée après le court arrêt de l’usine de retraitement de La Hague au début de la période de confinement : si le retraitement avait dû être arrêté pendant une période plus longue, des difficultés d’entreposage auraient été constatées ;

– revoir rapidement le cadre de régulation du secteur nucléaire et relancer, dès que possible, les discussions en France et avec la Commission européenne : réformer le dispositif de l’Arenh, dont la crise a montré l’obsolescence, en réinterrogeant plus largement la question de la concurrence face à la pertinence du service public de l’électricité ; donner aux acteurs une visibilité sur le calendrier d’application de la nouvelle régulation proposée et prévoir une période de transition adaptée ;

– dans l’éventualité d’une reprise des travaux sur la réorganisation d’EDF au travers du plan dit « Hercule », veiller à prévoir une place spécifique au réseau de distribution via Enedis tout en s’assurant de la pérennité du service public de l’électricité, dont la crise a montré le caractère pertinent et indispensable.

S’agissant de l’opportunité de lancer un programme d’EPR nouveau, vos rapporteurs estiment nécessaire d’approfondir les travaux avant de prendre une décision. Il s’agit d’une hypothèse de travail à étudier, parmi d’autres. Certes, la construction d’un EPR représenterait 8 000 emplois pendant la phase d’étude et de construction, puis 10 600 emplois pendant la phase d’exploitation, autour de 3 000 entreprises. Toutefois, le programme du « Grand carénage » représente déjà un investissement élevé dans la maintenance des centrales existantes, qui assure le dynamisme des territoires et l’emploi local (1 000 entreprises prestataires et 4 Md€ d’investissement annuel).

Proposition  92 : assurer l’avenir de la filière nucléaire, qui contribue à la stabilité du système énergétique français, par le développement de formations et le maintien des compétences adaptées aux enjeux de demain ;

Proposition  93 : mettre en place des capacités supplémentaires d’entreposage de combustibles nucléaires usés en France ; anticiper les besoins en moyens humains, financiers et matériels pour la gestion des déchets à très faible activité et le démantèlement des installations anciennes ;

Proposition  94 : revoir le cadre de régulation du secteur nucléaire et relancer, dès que possible, les discussions en France et avec la Commission européenne : réformer rapidement le dispositif de l’Arenh ; donner aux acteurs une visibilité sur le calendrier d’application de la nouvelle régulation proposée et prévoir une période de transition adaptée ;  

Proposition  95 : dans l’éventualité d’une reprise des travaux sur la réorganisation d’EDF au travers du plan dit « Hercule », veiller à prévoir une place spécifique au réseau de distribution et à la préservation du service public, dont la crise a montré la pertinence et le caractère indispensable ; associer le Parlement à ces travaux, en particulier les commissions des affaires économiques des deux assemblées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La question de lArenh

En raison de la baisse du cours de lélectricité, les fournisseurs alternatifs ont invoqué la clause de force majeure pour se soustraire aux engagements dachat délectricité nucléaire produite par EDF au coût de 42 €/MWh. En effet, d’une part, ils pourraient se fournir mois cher sur les marchés de gros ; d’autre part, en raison de la baisse de la consommation d’électricité, ils se trouvent avec un excédent qu’ils doivent revendre à un prix supérieur au prix auquel ils l’ont acheté.

La Commission de régulation de lénergie (CRE) a estimé, dans sa délibération du 26 mars 2020, que les conditions de la force majeure nétaient pas, à son sens, réunies, sauf si l’acheteur parvient à démontrer que sa situation économique rend impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’Arenh. Elle a toutefois demandé aux gestionnaires de réseaux et à EDF d’accorder aux fournisseurs des facilités de paiement des factures ARENH et rappelé qu’il n’était pas en son pouvoir de décider de l’application des relations contractuelles entre EDF et les fournisseurs alternatifs, du ressort du tribunal de commerce.

Les fournisseurs alternatifs ont déposé un recours devant le Conseil dÉtat à lencontre de cette délibération, en estimant qu’elle constituait « une véritable prise de position de la CRE », sur laquelle se fonde EDF pour leur dénier le droit de suspendre les contrats. Dans sa décision du 17 avril 2020, le Conseil dÉtat, donne raison à la CRE et estime que la délibération de la CRE ne rend pas impossible de manière « générale et définitive » la suspension des contrats dArenh, mais seulement le report de cette mise en œuvre. Il rappelle que le juge compétent pour trancher le litige est le tribunal de commerce de Paris, déjà saisi par certains des fournisseurs intéressés.

Par plusieurs décisions des 20, 26 et 27 mai, le tribunal de commerce de Paris donne raison à Total Direct Energie, Gazel Energie et Alpiq, qui avaient demandé la suspension du contrat. Le tribunal a estimé la « force majeure » prévue par le contrat signé avec EDF pouvait être invoquée, lépidémie étant manifestement extérieure aux parties, irrésistible et imprévisible. Le tribunal relève que la notion de « conditions économiques raisonnables », autre critère pour invoquer la force majeure, « ne fait lobjet daucune définition ». Le tribunal de commerce estime qu« EDF contribue à lexistence dun trouble manifestement illicite » en refusant de suspendre le contrat.

Le 2 juin au soir, EDF a annoncé résilier les contrats dARENH dse trois fournisseurs, à la suite de leur recours pour la suspension de leur contrat dARENH. EDF fait valoir que la suspension des contrats au-delà dune période de deux mois permet leur résiliation. En parallèle, le groupe a fait appel des trois décisions de justice.


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   liste des personnes auditionnées

Commission de régulation de lénergie (CRE)

M. Jean-François Carenco, président

 

GRTgaz *

M. Thierry Trouvé, directeur général

 

RTE *

M. François Brottes, président du directoire

 

GRDF *

M. Edouard Sauvage, directeur général

Mme Catherine Leboul-Proust, directrice de la stratégie

M. Alexis Masse, délégué stratégie,

 

Enedis *

Mme Marianne Laigneau, directrice générale

M. Pierre Guelman, directeur des affaires publiques

 

EDF *

M. Jean-Bernard Lévy, président directeur-général

M. Paul-Marie Dubee, directeur en charge de la coordination exécutive et des relations gouvernementales

M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

 

ENGIE *

Mme Claire Waysand, directrice générale par intérim

M. Jean-Baptiste Séjourné, directeur de la régulation

M. Martin Jahan, en charge du comité France pour le Covid.

 

Table ronde sur la rénovation énergétique

GeoPLC

Mme Marina Offel de Villecourt, responsable des affaires publiques et juridiques

Groupement des professionnels des certificats déconomie dénergie

Mme Virginie Létard, présidente

Union française de lélectricité *

M. Matthias Lafont, directeur économie et mobilité

M. Rudy Cluzel, responsable des relations institutionnelles 

Effy *

M. Frédéric Utzmann, président

Mme Audrey Zermati, directrice de la stratégie

Fédération française du bâtiment

M. Olivier Salleron, vice-président

Monsieur Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

Confédération de lartisanat et des petites entreprises du bâtiment

Mme Sabine Basili, vice-présidente

M. Alain Chouguiat, pôle économique

M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes

 

Table ronde sur les biocarburants

Syndicat national des producteurs dalcool agricole *

M. Jérôme Bignon, président

Mme Valérie Corre, vice-présidente

M. Sylvain Demoures, secrétaire général

M. Nicolas Kurstoglou, ingénieur responsable carburants

M. Fred Guillo, consultant pour le SNPAA

Association générale des producteurs de maïs / association générale des producteurs de blé *

M. Gildas Cotten, responsable nouveaux débouchés

Confédération générale des planteurs de betterave *

M. Nicolas Rialland, directeur des affaires publiques

Syndicat des énergies renouvelables *

M. Jean-Louis Bal, président

M. Alexandre Roesch, délégué général

Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique

Mme Johanna Flajollet-Milan, responsable des filières bioénergies

M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P

 

The Shift Project *

M. Matthieu Auzanneau, directeur

 

Carbone 4

M. Jean-Marc Jancovici, président

 

Société française dénergie nucléaire *

Mme Valérie Faudon, déléguée générale

 

Orano *

M. Philippe Knoche, directeur général

 

Avere *

M. Joseph Beretta, président

M. Clément Molizon, responsable des relations institutionnelles

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


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   Liste des contributions écrites reçues

 

Association française de l’électricité et du gaz (Afieg)

Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode)

Boralex

Collectif Rénovons

Commission de régulation de l’énergie

Effy

Enedis

Engie

Fédération des services énergie environnement (Fedene)

France énergie éolienne

France gaz renouvelable

France Hydroélectricité

Gaz européen

GéoPLC

GRDF

Groupement des professionnels des certificats d’économies d’énergie (GPCEE)

GRTgaz

Orano

RTE

Société d’hydroélectricité du midi (SHEM)

Syndicat des énergies renouvelables

Total

Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden)

Union française de l’électricité (UFE)

Union nationale des entreprises locales d’électricité et de gaz (UNELEG)

Vattenfall

Vermillion

 


   annexe :
NOTES HEBDOMADAIRES ÉTABLIES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL

LOGOBLEU

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

 GT SUIVI DU SECTEUR ÉNERGIE

 Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bolo, M. Anthony Cellier    

 

NA

 

Paris, le 6 avril 2020

 

 

Groupe de travail Énergie :

 

MM. Philippe Bolo et Anthony Cellier et Mme Marie-Noëlle Battistel

 

 

Objet : Point sur la situation du secteur du Energie dans le contexte de la crise sanitaire

 

 

  1. Une continuité de production et d’approvisionnement assurée

 

La ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, a reçu le vendredi 13 mars les entreprises du secteur de l’énergie pour faire un point de situation sur les mesures prises pour assurer la continuité du service face à l’épidémie de Covid-19. Il en ressort que tous les opérateurs sont dotés de plans de continuité d’activité (PCA) ou d’équivalents pour assurer la fourniture d’énergie indispensable en cas de crise.

 

-          EDF a engagé son plan « pandémie », établi en 2006 et actualisé à la suite des épidémies de H1N1 en 2009 et de SRAS en 2013. Ce plan lui permet de fonctionner pendant douze semaines avec 75 % du personnel et, le cas échéant, pendant deux à trois semaines avec 60 % du personnel. La phase 2 de ce plan a été déclenchée sur le site de Flamanville le lundi 15 mars, se traduisant par l’arrêt des travaux de maintenance sur les réacteurs 1 et 2 : seules les équipes de conduite des réacteurs, de protection du site ainsi que les ingénieurs de la sûreté et le personnel en charge de la surveillance de l’environnement restent présents. Ce plan a également été mis en place à la centrale nucléaire de Gravelines le 30 mars.

S’agissant des services aux clients particuliers, les activités essentielles que sont la mise en service, la résiliation de contrat et les activités de facturation sont assurées. S’agissant des services aux entreprises, EDF met en place les dispositifs de maintien de fourniture et d’étalement des paiements des factures définis par l’ordonnance du 25 mars 2020 (cf. infra). Le groupe s’engage, également, à régler sans délai les factures dues à ses fournisseurs TPE et PME.

De manière générale, le groupe indique disposer des moyens « opérationnels et financiers pour assurer la production d’électricité nécessaire en France dans tous les scénarios actuellement envisagés ».

-          RTE a mis en place son PCA à compter du 15 mars 2020, et se tient prêt à le faire évoluer au jour le jour, selon l’évolution de la situation. Seules les activités indispensables au bon fonctionnement du réseau électrique et à l’approvisionnement en électricité restent maintenues en présentiel, les autres activités étant réalisées en télétravail. Le réseau d’électricité français étant interconnecté avec ceux de ses voisins limitrophes, RTE est en contact permanent avec les autorités, les producteurs d’électricité et les gestionnaires des réseaux européens.

-          Orano assure également la continuité du cycle du combustible, indispensable à la production électrique française. Les conditions de travail ont été adaptées, notamment au sein de l’usine Melox qui assure le retraitement du combustible usagé et sur le site du Tricastin (présence de 30 % des effectifs environ).

-          ENGIE a mis en œuvre un « plan d’adaptation ». Le télétravail a été étendu à tous les employés dont la fonction le permet, tandis que les équipes de terrain continuent d’assurer les missions essentielles au maintien de l’approvisionnement et des services énergétiques. L’entreprise a mis en chômage partiel environ 10 000 salariés travaillant dans ses métiers de service.

-          GRTgaz, gestionnaire du réseau de transport de gaz, a déclenché son PCA en mars. Les salles de contrôle national et régional du réseau continuent à fonctionner 24 heures sur 24. Le télétravail a été rendu obligatoire pour tous les salariés, à l’exception de ceux dont les activités ont un effet sur la disponibilité ou sur la sécurité du réseau.

-          GRDF, gestionnaire du réseau de distribution de gaz, annonce se concentrer sur les tâches essentielles : il suspend notamment la pose des compteurs communicants. Des rotations d’effectifs opérationnels sont mises en place en région.

-          Enedis a également déclenché son PCA à partir du lundi 16 mars. Les activités essentielles sont assurées (conduite des réseaux, dépannage 7 jours sur 7, urgences vitales, continuité d’alimentation des sites sensibles) dans une organisation de travail adaptée. L’entreprise a généralisé le télétravail pour les missions pouvant être réalisées à distance. En outre, Enedis accélère le paiement des factures dues aux petites entreprises, notamment pour les missions d’élagage, pour un montant total de 115 millions d’euros (M€), réglées au plus tard le 20 avril 2020.

-          EDF, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la société hydroélectrique du midi (SHEM) ont également pris des mesures pour assurer la continuité de la production hydroélectrique, en réduisant leurs équipes sur place et en prévoyant des rotations de personnel. Les équipes responsables de la gestion des sites fonctionnent désormais, le plus souvent, en deux équipes assurant 12 heures de quart chacune, contre trois équipes assurant 8 heures de quart traditionnellement. Les chantiers non prioritaires ont été suspendus, seules les interventions nécessaires pour mettre fin à une avarie étant maintenues. La flexibilité de cette production est, plus que jamais, nécessaire pour assurer le pilotage de la « pointe » de consommation, et garantir, à chaque instant, une adéquation entre l’offre et la demande.

 

S’agissant du pétrole, aucune difficulté d’approvisionnement n’est envisagée. Selon l’Union française des industries pétrolières, le carburant se stocke, les frontières ne sont pas fermées aux marchandises, et aucun problème d’approvisionnement n’a été observé en Italie.

 

  1. Les conséquences de l’épidémie de Covid-19 sur le secteur de l’énergie

 

  1. Une baisse importante des prix des matières premières énergétiques qui affecte les acteurs de l’énergie

 

La Chine étant le premier importateur de pétrole brut (15,5 % des importations mondiales en 2018), la réduction de l’activité industrielle a entrainé une importante baisse de la demande qui, conjuguée aux incertitudes des marchés, a poussé le prix du baril de pétrole à la baisse. Les principaux exportateurs de pétrole ont tenté de trouver un compromis pour réduire la production à due concurrence et maintenir des prix stables : des négociations entre l’OPEP et la Russie ont eu lieu début mars mais ont échoué. En conséquence, l’accord précédent sur la réduction de la production de 2,1 millions de barils par jour a expiré fin mars, laissant envisager une possible période de concurrence agressive. Le 27 mars, l’indicateur du prix du baril était au plus bas depuis 2003, oscillant autour de 25 dollars ($). Toutefois, les 3 et 4 avril, le pétrole a enregistré deux séances consécutives de hausse (pour s’établir autour de 32 $), les investisseurs anticipant des coupes importantes de la production mondiale après l’annonce par la Russie d’une possible réduction de sa production et d’une éventuelle coopération avec l’OPEP. Une nouvelle réunion de négociations aura lieu le 6 avril.

 

Évolution des prix du baril de pétrole (en dollars)

Source : Révolution énergétique

 

La Chine étant également le premier importateur de gaz naturel (9,8 % des importations mondiales en 2018), la baisse de la demande chinoise, puis les mesures de confinement mises en œuvre dans plusieurs pays ont conduit la consommation mondiale à baisser fortement. Les prix atteignent également des montants historiquement bas, les cours s’étant effondrés de 42 % au mois de mars et de 25 % depuis janvier.

 

Évolution des prix du gaz depuis un an (en € par MWh)

   

Source : EEX, mars 2020

 

Le confinement en Europe a également entrainé une baisse de la consommation d’électricité, notamment par la mise à l’arrêt d’un certain nombre de sites industriels et la réduction du trafic ferroviaire, poussant les prix de marché de gros à la baisse. Depuis la fin février, le prix du mégawattheure (MWh) a baissé de 40 % en France, sur la bourse européenne de l’électricité (Epex Spot), la consommation ayant été réduite d’environ 15 % mi-mars, selon RTE. En outre, les prix ont aussi baissé pour les contrats à terme en 2021 et 2022, le marché anticipant visiblement une crise longue. Cette baisse est accentuée par l’augmentation des températures et la priorité donnée aux énergies renouvelables sur le réseau.

 

Évolution des prix de l’électricité depuis un an (en € par MWh)

Source : EEX, mars 2020

 

Des conséquences économiques lourdes sont à attendre pour les entreprises du secteur de l’énergie

-          La chute des prix va affecter les revenus des fournisseurs d’électricité et de gaz. À terme, la situation pourrait donner lieu à des faillites pour les opérateurs les plus fragiles, ou à un mouvement de fusions et d’acquisitions.

En France, la forte baisse des prix de l’électricité sur les marchés de gros est susceptible d’avoir un impact significatif sur le ratio d’endettement d’EDF. Des reports de certains investissements de rénovation dans le nucléaire ou la réduction des investissements dans de nouveaux projets (énergies renouvelables notamment) sont à envisager.

En outre, l’appel des centrales sur le réseau se faisant par ordre de coût marginal croissant, les centrales thermiques fonctionnant au gaz ou au charbon, dont le coût marginal de production est plus élevé, sont les plus susceptibles d’être affectées par la diminution de la consommation et des prix.

-          La chute des prix du pétrole entraine également des conséquences sur les entreprises du secteur pétrolier. Total a annoncé, le 23 mars, réduire de 20 % ses investissements pour l’année 2020 (soit une réduction de 3,3 Md€), geler ses recrutements à l’exception des secteurs du renouvelable et du digital et mettre fin à son programme de rachat d’actions pour 1,5 Md€. En revanche, le groupe ne souhaite pas recourir au dispositif du chômage partiel.

-          La chute des prix remet en cause l’équilibre financier du secteur des énergies renouvelables, du fait d’un renchérissement relatif de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, d’une moindre capacité d’investissement des acteurs du secteur, et d’une réduction de la consommation qui rend la production déjà excédentaire. Elle pourrait en freiner le développement.

 

Cette baisse de la consommation et des prix entraine également une perte de recettes pour l’État :

-          diminution des recettes des entreprises dont l’État détient une part de capital et annulation du versement du dividende 2019 aux actionnaires, notamment par Engie et EDF (pour Engie, dont il détient 23,6 %, cela représente un manque à gagner d’environ 460 M€. S’agissant d’EDF, l’État s’était engagé en 2019 à recevoir les dividendes des années 2019 et 2020 sous forme de titres nouveaux) ;

-          diminution des recettes publiques liées à la vente de quotas de carbone (cf. infra) ;

-          diminution de la perception des taxes sur la consommation d’énergie (essentiellement taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, mais également taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel, taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, ainsi que TVA sur la vente de produits énergétiques) liée notamment à la réduction des déplacements en voiture. L’effet, non encore quantifiable, portera sur l’État et sur les régions, bénéficiaires des produits de la TICPE.

 

Rendement fiscal du SP95 et du gazole depuis janvier 2020 (base 100 au 3 janvier 2020)

Source : commission des finances du Sénat

 

La baisse des prix est partiellement ressentie par les particuliers

La baisse des cours du gaz a contribué à l’abaissement des tarifs réglementés du gaz de 4,4 % au 1er avril 2020. S’agissant des cours du pétrole, si la baisse se confirmait, elle devrait être ressentie avec un écart temporel sur les prix à la pompe acquittés par les automobilistes.

 

Les effets de cette crise sur les entreprises électro-intensives, non encore précisément mesurables, devront faire l’objet d’une étude approfondie dans les semaines à venir, de même que ses conséquences sur le dispositif d’interruptibilité des clients industriels.

 

  1. Des conséquences multiples dans le secteur de l’électricité

 

  1. Une réduction de la production nucléaire

 

EDF diminue sa production nucléaire face aux baisses de consommation ponctuelles.

Si EDF a la capacité de continuer à produire, l’entreprise adapte sa production, notamment nucléaire, à la réduction de consommation, l’électricité produite ne pouvant que difficilement être stockée. Ainsi, le week-end du 21 et 22 mars, plusieurs unités de la centrale de Blayais ont été mises à l’arrêt pour tenir compte de la faible demande ponctuelle d’électricité, avant d’être reconnectées au réseau le lundi 23 mars.

 

Par ailleurs, la suspension d’opérations de maintenance des installations de production nucléaires due au confinement conduit à ce que l’hypothèse de production nucléaire en France pour 2020 (375-390 terawattheures) soit réexaminée et ajustée à la baisse.

Les effets pour 2021 ne peuvent pas encore être précisés.

 

  1. Une adaptation permanente opérée par RTE pour assurer l’équilibre du réseau

 

RTE, gestionnaire du réseau de transport, doit adapter son modèle au nouveau profil de consommation.

Pour garantir l’équilibre du réseau et intégrer les conséquences du confinement et de la baisse d’activité, RTE doit adapter son modèle quasiment quotidiennement. Alors que, depuis quelques années, la consommation est stable (les grandes industries représentant environ 17 % de la consommation en 2019, le secteur des entreprises et des professionnels 47 %, les besoins résidentiels 36 %), l’entrée en vigueur du confinement modifie le profil de consommation, qui repose désormais majoritairement sur les besoins du secteur résidentiel. De plus, depuis le 16 mars, les habitudes relativement prévisibles des ménages sont bousculées (la consommation, qui connaissait traditionnellement deux pics en début de matinée et en fin de journée, étant désormais croissante jusqu’à la mi-journée).

 

La Commission de régulation de l’énergie demande à EDF et RTE de ne plus appliquer le recours aux effacements tarifaires pour limiter les pointes de consommation (application par RTE et EDF de tarifs plus élevés sur les « jours rouges », où la consommation est la plus importante), mécanisme qui apparaît désormais peu utile et pourrait entraîner une augmentation des factures des consommateurs concernés

 

  1. Une remise en question de l’ARENH

 

La réduction des prix de l’électricité sur les marchés de gros (pour des montants inférieurs à 30 €/MWh) conduit certains fournisseurs alternatifs ayant souscrit un volume d’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) à 42 €/MWh à demander l’application de la clause de « force majeure », leur permettant de remettre en cause les contrats conclus et de s’exonérer de leurs engagements, pour se fournir à moindre prix sur le marché.

 

La commission de régulation de l’énergie (CRE) estime, dans une délibération en date du 26 mars 2020, que les conditions de la force majeure ne sont, à son sens, pas réunies. La CRE considère que la force majeure ne trouverait à s’appliquer que si l’acheteur parvenait à démontrer que sa situation économique rend totalement impossible l’exécution de l’obligation de paiement de l’ARENH. Elle indique également que les conséquences d’une suspension totale des contrats ARENH en raison de l’application des clauses de force majeure serait disproportionnée et créerait un effet d’aubaine pour les fournisseurs, au détriment d’EDF, qui serait contraire aux principes du dispositif qui repose sur un engagement ferme des parties sur une période d’un an.

Toutefois, seul un juge, s’il était saisi, pourrait décider de l’application ou non de la clause de force majeure, qui lie EDF à ses fournisseurs.

 

Dans sa délibération, la CRE demande néanmoins aux gestionnaires de réseaux et à EDF d’accorder aux fournisseurs qui en feront la demande, les facilités de paiement octroyées aux entreprises par ordonnance (cf. infra). Elle invite EDF à accorder à certains fournisseurs dont la situation le justifie des facilités de paiement supplémentaires.

Par ailleurs, la CRE indique que les fournisseurs alternatifs qui avaient souscrit des volumes d’ARENH à hauteur de leur besoin prévisionnel pour l’année 2020 et se retrouvent avec un excédent de volume du fait de la réduction de la consommation, susceptible d’occasionner a posteriori le paiement d’une pénalité pour demande excessive d’ARENH (le complément de prix CP2) ne sauraient être considérés comme responsables de ces excédents. Aussi, elle supprime les compléments de prix CP2 pour l’année 2020. 

 

  1. Des conséquences sur la rénovation énergétique

 

Les deux premières semaines de confinement ont eu des effets significatifs sur le secteur de la construction, dont l’activité a été réduite de 90 %, se répercutant sur le secteur la rénovation énergétique. Un grand nombre de chantiers ont, en effet, été gelés dans l’attente de consignes sanitaires pour protéger les artisans des risques de contamination. Par ailleurs, dans la mesure où la rémunération des artisans est liée en grande partie au bon fonctionnement du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) et de sa prime « coup de pouce », le ralentissement de celui-ci (du fait de la réduction de l’activité des bureaux de contrôle et du ralentissement de l’instruction) fait craindre aux artisans qui poursuivraient des chantiers de s’exposer à de trop lourdes avances de trésorerie. Enfin, le risque d’une possible pénurie de matériaux est pris en compte, la visibilité sur les stocks étant faible. Il en résulte des gisements de certificats d’économies d’énergie importants, difficiles à quantifier à ce stade.

 

En conséquence, le Gouvernement a adopté plusieurs mesures, par deux arrêtés du 25 mars 2020 : 

-          prolongation jusqu’à la fin de l’année 2021 du dispositif CEE « coup de pouce » pour les travaux d’isolation et de changement de chaudière (qui devait s’arrêter au 30 décembre 2020). L’objectif est de donner de la visibilité sur le moyen et le long terme aux professionnels du bâtiment ;

-          création d’un dispositif CEE « coup de pouce » pour accompagner changement de chaudière fioul par les copropriétés dans le cadre d’une rénovation performante ;

-          allongement de six mois du délai pour déposer des demandes de CEE, pour les opérations d’économies d’énergie achevées entre le 1er mars 2019 et le 31 août 2019 (délai porté à 18 mois au lieu de 12) ;

-          possibilité, de manière temporaire, de réaliser des transferts de CEE par voie dématérialisée ;

-          prolongation des appels à manifestation d’intérêts pour le financement de nouveaux programmes de CEE.

 

En outre, la ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé la préparation, pour une mise en place au 1er juillet 2020, d’un dispositif CEE « coup de pouce » pour accompagner le changement de chaudière fioul dans le secteur tertiaire, notamment au profit des solutions de chaleur renouvelable. Un projet d’arrêté fait l’objet d’une concertation du 2 au 15 avril, et sera soumis à l’avis du Conseil supérieur de l’énergie le 28 avril.

 

La direction générale de l’énergie et du climat précise que « de manière générale, les adaptations nécessaires au maintien de l’activité seront étudiées et mises en œuvre en proportion avec les difficultés rencontrées par les acteurs des CEE dans les prochaines semaines. Il s’agit d’être prêt pour que, dès la fin de crise, le dispositif des CEE soit un des moteurs du plan de relance et que la France puisse atteindre ses objectifs climatiques ».

 

  1. Des effets significatifs à l’échelle de l’Union européenne

 

Depuis l’instauration des mesures de confinement, tous les États membres de l’Union européenne ont enregistré une baisse de la demande en électricité.

L’Italie, l’Espagne et la France seraient deux fois plus touchées que les autres États.

En Italie, la baisse de la demande en électricité a dépassé 20 % ces deux dernières semaines. En Belgique, le gestionnaire du réseau de transport, Elia, a enregistré le lundi 23 mars un niveau de charge sur le réseau de 25 % inférieur à la moyenne des 5 lundis précédents.

En Allemagne, où l’industrie contribue pour 50 % à la consommation d’électricité, la chute de la consommation est également forte. 

 

L’une des premières conséquences constatées, à l’échelle de l’Union européenne, est la réduction drastique du prix de la tonne de carbone, en raison du surplus de quotas d’émissions de CO2 disponibles, lié à la mise à l’arrêt d’un grand nombre d’industries européennes. Ainsi, le prix de la tonne de CO2 est passé de 23 € au début du mois de mars à 15,45 € le 23 mars. Ce prix ne devrait pas connaître de forte hausse en 2020, en raison de l’incertitude économique provoquée par la pandémie.

Ceci pourrait conduire à une réduction des recettes publiques provenant des ventes de quotas d’émissions (employées, en France, à la rénovation thermique des logements dans le cadre du programme « Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat) et à un ralentissement des investissements dans des projets faibles en carbone.

 

L’interconnexion du réseau de la France avec ses voisins européens entraine deux conséquences :

-          un renforcement de la baisse des prix de gros du fait des interconnexions entre la France et les États d’Europe de l’Ouest plus émetteurs de C02 ;

-          une hausse des exportations françaises du « trop plein » d’électricité lié à la baisse de la demande intérieure, en particulier vers l’Espagne et l’Allemagne, « à un niveau élevé » pour le mois de mars selon RTE.

 

  1. La solidarité des acteurs de l’énergie

 

Plusieurs acteurs de l’énergie ont engagé des actions de solidarité, au profit notamment des personnels soignants.

-          la Compagnie nationale du Rhône a fait don de 23 000 masques chirurgicaux à l’Agence régionale de santé d’Auvergne-Rhône-Alpes et instauré la gratuité du corridor électrique (27 stations et 54 bornes de recharge) de la vallée du Rhône, pour les personnels obligés d’utiliser leur véhicule pour aller travailler pendant la période de confinement ;

-          à Marseille, Enedis fabrique, grâce à des imprimantes 3 D, des visières de protection pour le personnel soignant. Une vingtaine de prototypes différents ont été testés et un modèle a été validé par l’Assistance publique – hôpitaux de Marseille (AP-HM). Enedis est désormais en capacité de produire entre 25 et 30 visières par jour ;

-          le Groupe Total a annoncé le 23 mars 2020 avoir mis à disposition des établissements hospitaliers de France et des EHPAD des bons d’essence utilisables dans les stations Total pour un montant pouvant aller jusqu’à 50 M€ ;

-          le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) s’est organisé, dès le 17 mars, pour distribuer ses stocks de masques et d’équipements de protection individuelle (gants, tenues). Près de 185 000 masques FFP2 et plus de 810 000 masques chirurgicaux ont été donnés par les neuf centres CEA à des établissements de soins, organismes de recherche, communes ou préfectures voisins ;

-          Orano a fourni des masques de protection aux hôpitaux proches de ses principaux sites industriels (La Hague, Malvési, Tricastin, Melox) ;

-          la fondation du groupe EDF a créé un fonds d’urgence et de solidarité doté de 2 M€. Ce fonds a vocation à agir en France et à l’international : 1 M€ seront consacrés à l’aide d’urgence au personnel soignant et aux plus démunis ; 1 M€ seront employés en faveur des plus démunis à l’issue de la crise sanitaire.

 

  1. Les mesures adoptées et annoncées par le Gouvernement

 

  1. Les deux ordonnances publiées

 

En matière énergétique, le Gouvernement publié deux ordonnances, l’une concernant les particuliers, l’autre concernant les entreprises.

 

L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19

Jusqu’à la fin de la période d’état d’urgence sanitaire, les fournisseurs d’électricité et de gaz ne pourront procéder à la suspension, à l’interruption ou à la réduction, y compris par la résiliation du contrat, de la fourniture d’électricité et de gaz en cas de non-paiement de leurs factures par les entreprises éligibles au fonds de solidarité ainsi que celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Les fournisseurs d’électricité ne pourront pas davantage procéder à une réduction de la puissance distribuée aux personnes concernées.

De plus, pendant la même période, les fournisseurs d’électricité et de gaz alimentant plus de 100 000 clients, les fournisseurs d’électricité qui interviennent dans les zones non‑interconnectées au réseau métropolitain continental et les entreprises locales de distribution seront tenus, à la demande des entreprises éligibles, de leur accorder le report des échéances de paiement des factures exigibles entre le 12 mars 2020 et la date de fin de l’état d’urgence sanitaire. Ce report ne pourra donner lieu à des pénalités financières. Le paiement des échéances reportées sera réparti de manière égale sur les échéances des factures postérieures à l’état d’urgence sanitaire, sur une durée ne pouvant être inférieure à six mois.

 

L’ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale.

Cette ordonnance prolonge la trêve hivernale de deux mois, jusqu’au 31 mai. Les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz ne pourront procéder, jusqu’à cette date, à l’interruption de la fourniture d’électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles concernées pour nonpaiement des factures, y compris par résiliation du contrat. Ils pourront néanmoins procéder à une réduction de puissance, sauf pour les titulaires du chèque énergie[8].

Il importera de réaliser un suivi des conséquences financières de ces deux ordonnances pour les opérateurs du secteur de l’énergie.

 

  1. Les mesures annoncées par la ministre de la transition écologique et solidaire

 

La ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé plusieurs mesures complémentaires destinées à soutenir le secteur des énergies renouvelables et du biogaz.

 

S’agissant du secteur du biogaz, afin d’accompagner les porteurs de projets de production de biogaz actuellement confrontés à des difficultés pour finaliser les projets en cours de construction, la ministre a annoncé :

-          des délais additionnels octroyés pour la mise en service des installations de production de biogaz en chantier afin de ne pas pénaliser les projets retardés du fait de la crise sanitaire ;

-          une suspension temporaire du contrat d’achat de biogaz pour les installations de production rencontrant des difficultés de fonctionnement, notamment en raison du manque d’intrants.

 

S’agissant du secteur des énergies renouvelables, afin de soutenir les projets, la ministre a annoncé :

-          des délais additionnels pour la mise en service des installations d’énergie renouvelable, afin de ne pas pénaliser les retards liés à la crise. Pour chacune des filières, un délai forfaitaire sera défini quand la situation sanitaire sera stabilisée, afin de s’adapter au mieux aux situations rencontrées ;

-          le maintien des tarifs d’achat de l’électricité pour les petits projets solaire photovoltaïque en toiture, qui devaient baisser au 1er avril 2020 : ils seront gelés pour trois mois ;

-          le décalage total ou partiel des calendriers pour les prochains appels d’offres du ministère.

 

  1. Les mesures annoncées par l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME)

 

L’ADEME a également annoncé des mesures pour amortir les conséquences économiques de l’épidémie de Covid-19 pour les entreprises engagées dans la transition écologique :

-          l’octroi d’une avance de 20 % sur les aides aux entreprises et aux associations, pour répondre aux besoins de trésorerie et faire face aux premières dépenses des projets engagés. Cette avance sera accordée pour la durée de l’opération et récupérée sur le dernier versement. Les entreprises lauréates du programme d’investissements d’avenir (PIA) bénéficieront de dispositions spécifiques (avances, simplifications dans les conditions d’aides, aménagement des modalités de remboursements des avances remboursables) ;

-          le maintien de la programmation d’achats et la simplification de la contractualisation de façon dématérialisée. Une avance de 20 % sera également systématiquement versée sur toute commande ou marché engagé auprès d’entreprises petites, moyennes ou de taille intermédiaire. Les grandes entreprises pourront bénéficier d’une avance sur demande.

-          le prolongement des dates de dépôts de certains appels à projets du PIA, notamment « démonstrateurs de territoires de grande ambition », prolongé jusqu’au 20 janvier 2021. 

 


 


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Focus 1 : précisions relatives aux effets de la crise sanitaire sur le fonctionnement du système électrique français

 

RTE a publié mercredi 8 avril une analyse de l’impact de la crise sanitaire liée au virus covid-19 sur le fonctionnement du système électrique.

 

Les trois premières semaines de confinement ont entraîné une diminution de la consommation d’électricité de 15 à 20 % (à conditions météorologiques équivalentes). La baisse a atteint 15 % à la fin de la première semaine, puis entre 15 et 20 % sur la seconde semaine par rapport à la normale. Les week-ends, la réduction de la consommation est moindre, de l’ordre de 10 %. Une telle variation de la consommation d’électricité sur une durée aussi courte est inédite : lors de la crise de 2008-2009, la contraction de la demande s’était étalée sur le temps long et avait atteint au maximum -5 % d’une année sur l’autre.

 

 

RTE observe une baisse particulièrement marquée de la consommation s’agissant de la grande industrie manufacturière (- 27 % par rapport à la période d’avant crise) et du transport ferroviaire (- 57 % par rapport à la période d’avant-crise). Une légère surconsommation dans le secteur résidentiel est constatée par rapport à la normale, qui n’est pas majoritairement due à l’utilisation accrue des technologies numériques (notamment parce qu’une partie importante de la consommation correspond aux plus grands serveurs qui ne se situent pas en France et parce que la majorité des salariés en télétravail utilisent le wifi, qui consomme peu).

 

Le profil de consommation durant le confinement présente des caractéristiques proches de celles d’un jour férié. La montée en charge du matin est plus lente que d’habitude et aboutit à une pointe à l’heure du déjeuner (au lieu d’une pointe entre 8h et 10h). Ceci s’explique par une modification des comportements (réveils plus tardifs), une utilisation réduite des transports en commun et un non-démarrage de l’activité dans certaines entreprises.

L’évolution de la consommation d’électricité en France suit une trajectoire similaire à celle de l’Italie (-30 % par rapport à début mars), avec une diminution plus marquée que ce qui a été observé en Espagne (-15 % par rapport à début mars). Les données disponibles pour le Royaume-Uni montrent une diminution rapide de la consommation au cours de la semaine du 23 au 30 mars. Les données disponibles pour l’Allemagne semblent montrer une diminution plus faible (- 7 % selon l’INSEE).  

 

Le système électrique fonctionne correctement. Sur la fin de la troisième semaine de confinement, aucun moyen thermique n’était démarré (hors cogénérations) du fait des conditions de marché (prix de l’électricité faibles) alors que les centrales sont fréquemment sollicitées en temps normal à cette période de l’année. Le fonctionnement repose donc sur le nucléaire et une proportion plus forte d’énergies renouvelables d’origine hydraulique, éolienne et solaire.

 

S’agissant des échanges aux frontières, la crise sanitaire contribue à accentuer les exportations françaises. En effet, la baisse de la demande en Europe conduit à diminuer en priorité la production des centrales thermiques fossiles, or la France en est peu pourvue, l’essentiel de son parc de production étant constitué de centrales nucléaires et hydrauliques. Son mix énergétique bénéficie des prix marginaux parmi les plus faibles, entrainant une hausse des exportations. RTE estime que, pour la France, une baisse de 15 % de la consommation en Europe sur l’ensemble du mois d’avril se traduirait par une augmentation des exports de l’ordre de 3 TWh.

 

Le prix de l’électricité sur les marchés a atteint un niveau particulièrement faible depuis le début des mesures de confinement. Ce mouvement s’observe sur les marchés à terme, dont les prix ont chuté lors de la première semaine de confinement, particulièrement sur les échéances les plus proches (mois d’avril et deuxième trimestre). Le 26 mars, les prix à terme de l’échéance avril 2020 sur le marché français étaient au plus bas depuis 2002.

Sur les marchés journaliers (prix spot), les prix sont également très bas, avec des moyennes journalières autour de 20€/MWh et des niveaux très faibles notamment le week-end (le dimanche 5 avril, en raison notamment de températures clémentes, le prix du MWh en France s’est établi en territoire négatif, à – 21€, pendant quelques heures, sur le marché Epex Spot).

La baisse atteint environ 40 % entre le début du mois de février et la fin du mois de mars sur le marché français.

 

 

 

 

Focus 2 : recours déposé devant le Conseil d’État s’agissant de l’ARENH

 

En raison de la baisse combinée de la consommation et des prix de marché, les fournisseurs alternatifs souhaitent invoquer la clause de force majeure pour se soustraire aux engagements d’achat d’électricité nucléaire dans le cadre de l’ARENH. Ce dispositif leur permet de racheter une partie de la production nucléaire d’EDF à un prix fixe (42€ par MWh), aujourd’hui très supérieur au prix du marché. En outre, dans la mesure où ces fournisseurs ne peuvent pas ajuster le volume d’achat souscrit et sont confrontés à une baisse de la demande qui leur est adressée, ils sont contraints de revendre l’excédent, qu’ils ne peuvent conserver, à un prix inférieur au prix d’achat (20 € environ). Ces fournisseurs accusent des pertes de plusieurs millions d’euros.

 

Après le refus par EDF d’activer la clause contractuelle de force majeure, les fournisseurs alternatifs se sont tournés vers la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Dans salibération du 26 avril, la CRE estime que les conditions d’activation de la force majeure ne sont pas réunies et juge « disproportionnées » les conséquences d’une suspension totale des contrats ARENH. Elle indique donc qu’elle « ne transmettra pas à RTE une évolution des volumes d’ARENH livrés par EDF aux fournisseurs concernés liée à une demande d’activation de la clause de force majeure ». Dans sa délibération, la CRE demande toutefois aux gestionnaires de réseaux et à EDF d’accorder aux fournisseurs qui en feront la demande, les facilités de paiement octroyées aux entreprises. Elle souligne que, compte-tenu des circonstances particulières, « la situation individuelle des fournisseurs, particulièrement s’ils sont de petite taille et en situation de fragilité, doit être prise en considération ». Elle décide également de la suppression des pénalités normalement infligées aux fournisseurs ayant acheté trop d’électricité via ce mécanisme au cours d’une année.

 

Les associations de fournisseurs alternatifs Anode (association nationale des opérateurs détaillants en énergie) et AFIEG (association des fournisseurs indépendants d’électricité et de gaz) ont déposé au Conseil d’État un recours en référé contre la délibération de la CRE. Selon l’AFIEG, la situation actuelle ne permet plus aux fournisseurs de souscrire des volumes d’ARENH dans des conditions économiques raisonnables : les fournisseurs alternatifs subiront une perte liée à la différence entre leur prix d’achat des volumes d’ARENH souscrits et le prix de marché auquel ils pourront être revendus, cette perte pouvant remettre en cause l’existence même de certains fournisseurs alternatifs. Outre l’application de la clause de force majeure, l’AFIEG demande un aménagement de la clause de monotonie prévue par l’article R. 336-16 du code de l’énergie, de manière à ce qu’une baisse de la demande de 30 % sur le deuxième semestre 2020 (guichet du 20 mai) ne soit pas un obstacle à une remontée de la demande au premier semestre 2021 (guichet du 20 novembre). Elle demande également qu’une symétrie soit appliquée sur la clause de complément de prix CP1 (dans la mesure où les fournisseurs alternatifs doivent compenser EDF pour leur demande excédant leurs besoins, qu’ils revendent à un prix supérieur au coût de l’ARENH, ils souhaitent être compensés pour cette demande excédentaire revendue à un prix inférieur au coût de l’ARENH).

 

Par ailleurs, la CRE a précisé dans une délibération publiée le 9 avril les critères permettant aux fournisseurs de bénéficier de certains aménagements de leurs paiements d’ARENH. Elle définit ainsi comme « de petite taille et en situation de fragilité » tout fournisseur d’électricité s’étant vu notifier à l’issue du guichet ARENH de novembre 2019 un volume d’ARENH inférieur à 125 MW et produisant une attestation sur l’honneur que la crise sanitaire actuelle menace la pérennité de son activité.

Focus 3 : négociations relatives au prix du baril de pétrole

 

La crise sanitaire a entrainé une réduction de la consommation mondiale de pétrole (-27 millions de barils par jour), provoquant, fin mars, une chute des prix du baril au point le plus bas depuis 18 ans (22 $). Les analystes estiment que, sans réduction de la production, les capacités de stockage pourraient se trouver pleines en un à deux mois.

 

Les pays de l’OPEP+ (13 pays de l’OPEP et 10 pays partenaires) se sont accordés, le 12 avril, sur une réduction de la production de pétrole. L’accord prévoit une réduction de 23 % de la production de pétrole pour chaque pays partie, par rapport à la production d’octobre 2018, soit une réduction de 9,7 millions de barils par jour. Par exception, l’Arabie saoudite et la Russie voient leur base de référence fixée à 11 millions de barils par jour et s’engagent donc à une réduction de 2,5 millions de barils par jour chacun. Le Mexique, lui, ne réduira sa production que de 100 000 barils par jour (alors que l’application mécanique du taux de 23 % sur la période de référence d’octobre 2018 aurait dû le conduire à réduire cette production de 400 000 barils par jour). L’Iran, le Venezuela et la Libye sont exemptés.

 

Des coupes supplémentaires volontaires de pays membres (Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Koweït) viendraient augmenter l’effort de 2 millions de barils par jour. Par ailleurs, des baisses de production, volontaires ou non, du Brésil, du Canada et des États-Unis sont annoncées pour environ 3,7 millions de barils par jour. Au total, entre le 1er mai et la fin du mois de juin (soit une période initiale de deux mois), 14,5 millions de barils par jour devraient être retirés du marché par l’OPEP+. Enfin, des pays producteurs non membres de l’OPEP (Norvège et pays de l’association des producteurs de pétrole africains) travaillent à une proposition de réduction de leur production.

 

Focus 4 : plan de relance verte demandé par certains États et ONG

 

Treize ministres européens de l’environnement, dont la ministre française, ont appelé la Commission européenne à faire du Green Deal le pilier de la relance. Ce « Pacte vert », présenté par la Présidente Ursula von der Leyen dès décembre 2019, prévoit d’inscrire la neutralité carbone de l’Europe d’ici 2050 dans un règlement européen et de « verdir » tous les secteurs de l’économie. Il s’accompagne d’un plan d’investissement qui devrait mobiliser jusqu’à 1000 milliards d’euros pour les dix prochaines années.

 

Les signataires appellent à une réponse européenne commune dans le cadre de ce Green deal européen, et notamment à accroître les investissements dans les domaines de la mobilité durable, de l’énergie renouvelable, de la rénovation énergétique des bâtiments, de la recherche et l’innovation, de la biodiversité et de l’économie circulaire. Ils alertent sur les tentations réponses de court terme à la crise sanitaire et économique, qui risquent d’enfermer l’Union européenne (UE) dans une économie dépendante des combustibles fossiles pour les décennies à venir. Ils souhaitent que les objectifs 2030 de réduction des émissions de CO2 soient renforcés avant la fin de l’année 2020. Ils appellent également à renforcer le marché européen du carbone (ETS).

 

Cet appel intervient alors que d’autres États mettent en avant la crise pour demander une pause dans la mise en œuvre des ambitions climatiques de l’UE. Le premier ministre tchèque a ainsi appelé l’UE à « oublier le Green Deal pour se focaliser sur la lutte contre coronavirus ». La Pologne a estimé qu’il faudrait supprimer l’ETS dès 2021.



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  1. Focus : pertes de recettes issues de l’énergie pour l’État

 

Le projet de loi de finances rectificative présenté en conseil des ministres le 15 avril prévoit une baisse des recettes de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) affectées à l’État de 1,5 Md€ en 2020 (-10 % par rapport à la prévision en loi de finances initiale).

 

Par ailleurs, la baisse des recettes non fiscales est désormais estimée à - 2,2 Md€, par rapport à la 1ère loi de finances rectificative. Ceci tient notamment compte de :

-          la diminution anticipée des dividendes versés par les entreprises non financières (1,2 Md€ au total, incluant les entreprises du secteur de l’énergie) ;

-          la baisse prévisionnelle des recettes d’enchères sur les quotas carbone, qui ne devrait pas permettre de versement à l’État (- 0,5 Md€).

 

La perte de recettes de TICPE concernera également les régions, mais de manière moins significative. En effet, une partie de la TICPE affectée aux régions résulte de transferts de compétences : une garantie prévoit que, lorsque le produit ne permet pas de couvrir le droit à la compensation, l’État procède à l’attribution d’une fraction supplémentaire de TICPE. La baisse de TICPE devrait ainsi uniquement concerner la part dite « Grenelle » (majoration pour le financement des infrastructures de transport durable) ainsi que la majoration en Île-de-France destinée à Île-de-France Mobilités : ces parts varient en fonction du produit total de la TICPE. La baisse de la part « Grenelle » devrait être, selon Régions de France, comprise entre 23 et 87 M€ (sur un montant initialement estimé à 593 M€).

 

  1. Retard dans la mise en œuvre de la politique publique de l’énergie

 

L’article 14 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 prolonge de quatre mois l’ensemble des habilitations à légiférer par ordonnance. Ainsi, alors que la loi énergie-climat prévoyait la publication des ordonnances sur les centrales à charbon et la réforme de la CRE en mai, et celles sur l’entrée en vigueur du paquet européen « énergie propre », sur l’hydrogène et sur l’harmonisation du code de l’énergie avec le code de la construction en novembre, la publication de ces ordonnances sera repoussée. La ministre Élisabeth Borne a indiqué, au Sénat, que l’application du volet relatif à l’hydrogène serait retardée de quelques mois. Les dispositions nécessaires pour accompagner les fermetures des centrales à charbon devraient être publiées avant l’été.

 

Par ailleurs, la CRE prolonge les délais de quatre consultations publiques :

 

-          la consultation publique sur la fixation de la composante de soutirage du tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE 6) est prolongée jusqu’au 15 juin 2020 ;

-          la consultation publique sur le schéma décennal de développement du réseau de transport de RTE 2019 est prolongée jusqu’au 8 juin 2020 ;

-          les consultations relatives à la tarification des prestations annexes réalisées par RTE et par les gestionnaires de réseau de distribution de gaz sont prolongées jusqu’au 4 juillet 2020.

 

Enfin, la crise sanitaire aura un impact sur la mise en œuvre du programme de travail de la Commission européenne pour 2020, notamment s’agissant du Green Deal. Ainsi, la stratégie climat 2030 – feuille de route encadrant la loi climat – pourrait se voir accorder un délai supplémentaire pour l’élaboration de nouveaux objectifs, et n’être pas publiée au troisième trimestre 2020 comme prévu. En effet, le report de la COP26 initialement fixée en novembre à Glasgow, pourrait « permettre de consacrer plus de temps à un exercice d’analyse complexe », selon un document de la Commission européenne.


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LOGOBLEU

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

 GT SUIVI DU SECTEUR ÉNERGIE

 Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bolo, M. Anthony Cellier    

 

 

Paris, le 27 avril 2020

 

Groupe de travail Énergie :

 

Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bolo et M. Anthony Cellier

 

  1. Effets de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 sur le secteur de la rénovation énergétique

 

Les activités de rénovation énergétique ont été mises à l’arrêt à la suite des mesures de confinement

 

-          En raison de la mise en œuvre des mesures de confinement, la quasi-totalité des chantiers ont été mis à l’arrêt à la fin du mois de mars. À partir de la publication du guide de préconisations sanitaires pour la continuité des activités de construction le 2 avril 2020, environ 10 % des chantiers ont repris. Les professionnels espèrent porter ce taux à 45 % dans le courant du mois de mai.

 

-          En conséquence, la production de certificats d’économie d’énergie (CEE) a considérablement décru depuis le début de la crise. La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) estime toutefois que le volume de CEE déposés a dépassé 50 TWhcumac en mars 2020 (pour respecter les objectifs de la quatrième période des CEE, une production mensuelle de 44 TWhcumac est nécessaire).

 

-          Ainsi, le groupement des délégataires de CEE[9] estime que leur activité a baissé de 70 % (en volume de CEE reçus) en mars. Cette activité a baissé de 90 % en avril s’agissant des volumes reçus et de 60 % s’agissant des chiffrages de nouveaux projets de rénovation énergétique. Ils estiment la baisse d’activité à - 60% pour le mois de mai, - 45 % pour le mois de juin et - 20% pour le mois de septembre.

 

-          Ce ralentissement progressif de l’activité a contraint la plupart des acteurs à mettre une partie de leurs effectifs en chômage partiel (en moyenne 2 à 3 jours chômés par semaine pour les fonctions opérationnelles, et 1 à 2 jours chômés par semaine pour les fonctions supports, hors équipes de directions). S’agissant en particulier des délégataires de CEE, la crainte est que ce chômage partiel se prolonge, dans la mesure où leur activité s’exerce une fois les travaux achevés, et est ainsi soumise à un effet d’inertie.

 

Deux difficultés principales sont identifiées depuis la reprise progressive des chantiers :

 

-          la suspension de l’activité des acteurs intermédiaires, en particulier des bureaux de contrôle (le passage des bureaux de contrôle conditionnant la valorisation des chantiers de rénovation énergétique et leur financement). Selon GéoPLC, acteur important du secteur des CEE, le stock de chantiers à faire auditer s’élève aujourd’hui à 2000 (représentant 400 GWhcumac), soit environ 200 visites à réaliser. GéoPLC précise qu’en temps normal, un ordre de service est envoyé toutes les semaines pour un volume de 600 à 800 chantiers : chaque semaine représente donc une accumulation importante de retard ;

 

-          les retards pris dans l’instruction et la délivrance des CEE, malgré la mobilisation de l’administration qui s’est organisée pour que le rythme de délivrance soit, progressivement au cours du mois d’avril, proche de celui d’avant-crise. La capacité d’instruction a, en effet, été significativement réduite au début de la crise sanitaire. Ceci pèse sur la trésorerie avancée par les artisans pour la reprise des chantiers et leur fait courir un risque de faillite.

 

Plusieurs mesures ont été mises en œuvre par le Gouvernement, par deux arrêtés du 25 mars 2020 : 

 

-          prolongation jusqu’à la fin de l’année 2021 du dispositif CEE « coup de pouce » pour les travaux d’isolation et de changement de chaudière (qui devait s’arrêter au 30 décembre 2020) ;

 

-          création d’un dispositif CEE « coup de pouce » pour accompagner le changement de chaudière fioul par les copropriétés dans le cadre d’une rénovation performante ;

 

-          allongement de six mois du délai pour déposer des demandes de CEE, pour les opérations d’économies d’énergie achevées entre le 1er mars 2019 et le 31 août 2019 (délai porté à 18 mois au lieu de 12) ;

 

-          possibilité, de manière temporaire, de réaliser des transferts de CEE par voie dématérialisée ;

 

-          prolongation des appels à manifestation d’intérêts pour le financement de nouveaux programmes de CEE ;

 

-          priorité donnée à l’instruction des dossiers CEE, et non plus aux autres missions du pôle national des CEE. Plusieurs délégations de signature ont été opérées au sein du ministère de la transition écologique et solidaire pour accélérer le processus.

 

En outre, la ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé la préparation, pour une mise en place au 1er juillet 2020, d’un dispositif CEE « coup de pouce » pour accompagner le changement de chaudière fioul dans le secteur tertiaire au profit des solutions de chaleur renouvelable ainsi qu’un renforcement de la bonification CEE pour les opérations réalisées dans le cadre de contrats de performance énergétique (CPE) pour les bâtiments tertiaires. Un projet d’arrêté a été soumis à l’avis du Conseil supérieur de l’énergie le 28 avril.

 

La DGEC précise que « de manière générale, les adaptations nécessaires au maintien de l’activité seront étudiées et mises en œuvre en proportion avec les difficultés rencontrées par les acteurs des CEE dans les prochaines semaines. Il s’agit d’être prêt pour que, dès la fin de crise, le dispositif des CEE soit un des moteurs du plan de relance et que la France puisse atteindre ses objectifs climatiques ».

Les professionnels recommandent plusieurs mesures pour aller plus loin.

Les professionnels soulignent l’avantage de s’appuyer sur les CEE pour la reprise : leur niveau d’objectif étant déjà fixé jusqu’en 2021, et ne pouvant vraisemblablement pas être atteint compte tenu du retard pris sur les chantiers et opérations d’efficacité énergétique, augmenter les possibilités d’utilisation des CEE n’occasionnera pas de dépense supplémentaire.

 

L’Union française de l’électricité ainsi que les fournisseurs d’énergie (les « obligés ») du dispositif des CEE (AFIEG, AFG, UFIP, UIP, AIP, FFPI, Anode, Fedene) et les fédérations du bâtiment proposent la création d’un fonds d’urgence destiné à l’activité des travaux d’économies d’énergie à l’issue de la crise du coronavirus, pour soutenir les TPE et PME actives dans ce domaine et limiter les faillites.

Ce fonds, à destination exclusive des TPE et PME du bâtiment disposant du label « reconnu garant de l’environnement » (RGE) et en grande difficulté en raison de la crise, serait géré par les services de l’État mais alimenté financièrement par les obligés fournisseurs d’énergie en échange de CEE (le volume de CEE qui y serait dédié n’est pas précisé).

 

Ce fonds présenterait un triple intérêt :

-          assurer la survie des entreprises en difficulté et relancer rapidement la dynamique de travaux de rénovation énergétique, grâce à une ressource rapidement disponible ;

-          appuyer la réforme en cours du dispositif des CEE notamment pour lutter contre la fraude, en ciblant l’utilisation de ce fonds vers les TPE et PME présentant des garanties suffisantes quant au respect des règles en vigueur ;

-          éviter, grâce à la délivrance de CEE, d’accroître la tension potentielle sur les prix des CEE qui résulterait de l’arrêt de leur production.

 

Toutefois, le groupement des professionnels des CEE (GPCEE, qui regroupe des délégataires de CEE) estime que le fonds devrait être créé sans contrepartie de délivrance de CEE et abondé par les demandeurs de CEE volontaires, qu’ils soient acteurs obligés ou délégataires. Selon ce groupement, les CEE ne doivent servir qu’à financer les travaux d’efficacité énergétique, au risque, en cas contraire, d’éloigner le dispositif des engagements européens en matière d’efficacité énergétique.

 

D’autres mesures sont proposées par certains acteurs du secteur des CEE, notamment l’entreprise GéoPLC :

 

-          exempter temporairement du passage des bureaux de contrôle pour les opérations « coup de pouce » et instaurer un contrôle a posteriori à la reprise de l’activité de ces bureaux de contrôle, faute de quoi aucune demande de CEE ne pourrait avoir lieu pour ces opérations ; 

 

-          suspendre temporairement l’obligation de passage des bureaux de contrôle à compter du 1er septembre prochain pour les opérations d’isolation, afin de leur permettre de récupérer le retard qui aura été accumulé ;

 

-          donner les moyens humains et procéduraux aux instructeurs du Pôle national des CEE pour instruire et délivrer rapidement les CEE afin de permettre aux acteurs CEE de continuer à engager leur trésorerie et de payer les entreprises de travaux ;

 

-          être vigilants sur le report des concertations sur la 5ème période des CEE, l’annonce des volumes d’obligations de cette 5ème période devant être faite le plus rapidement possible pour permettre à tous les acteurs CEE de relancer l’activité avec la visibilité suffisante (la 4ème période s’achevant le 31 décembre 2021). Selon la DGEC, cette concertation devrait être engagée dans les prochaines semaines, sous la forme d’un « webinaire ».



 





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  1. Conséquences de la crise sur la production nucléaire

 

La suspension d’opérations de maintenance des installations de production nucléaire due au confinement et la baisse des consommations d’électricité obèrent les capacités de production nucléaire de la France : sur le mois de mars 2020, la production s’est établie à 30,6 terawatts-heure (TWh), en baisse de 13,8 % par rapport à celle du mois de mars 2019. Depuis le début de l’année, la production cumulée est de 101,2 TWh, en baisse de 9,5 % par rapport à la même période de 2019.

 

En conséquence, EDF a révisé son hypothèse de production d’électricité nucléaire pour 2020 à environ 300 TWh contre une précédente estimation de 375-390 TWh (-21 % par rapport à 2019), plus bas niveau historique depuis 30 ans. Le groupe estime que cette production sera comprise entre 330 et 360 TWh chaque année en 2021 et en 2022.

 

Pour sécuriser l’approvisionnement pour l’hiver 2020-2021, EDF prévoit plusieurs mesures :

-          le report de quelques mois de certains arrêts de tranche : le ministère de la transition écologique et solidaire travaille avec EDF, en lien avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), sur les adaptations qui peuvent être apportées au programme d’arrêt de tranche afin d’assurer une bonne disponibilité des capacités nucléaires pour l’hiver prochain, sans menace sur la sûreté ;

-          la mise à l’arrêt de certains réacteurs pour économiser le combustible et éviter les arrêts pour rechargement l’hiver prochain : ainsi, le réacteur de Dampierre 1 a été arrêté le 25 avril à minuit et le sera pour au moins 32 semaines d’ici juin 2021. Le réacteur de Cruas 1 a été arrêté le 24 avril et le sera pour au moins deux semaines d’ici à son arrêt pour maintenance, en février 2021. Le réacteur de Saint-Laurent 2 sera à l’arrêt au moins trois mois d’ici 2021, celui de Chooz 2 au moins dix semaines d’ici la mi-février 2021 et celui de Civaux 2 pour dix semaines d’ici février 2021. Le placement de ces semaines de modulation est provisoire, et sera réévalué au fur et à mesure.

 

S’agissant du secteur nucléaire dans son ensemble, l’ASN souligne plusieurs points de vigilance :

-          la crainte que les marges de capacité prévues soient trop justes pour passer l’hiver en cas d’événements obligeant la mise à l’arrêt ponctuelle ou générique de réacteurs, au risque d’un conflit entre la sécurité d’approvisionnement et la sûreté d’exploitation des centrales ;

-          la nécessité d’apporter une attention particulière à la reprise des activités au sein des centrales : les risques liés à des facteurs organisationnels et humains seront le « point de vigilance premier » de l’ASN, qui évoque des équipes « fatiguées » ou « stressées » ;

-          la nécessité urgente de mettre en place des capacités supplémentaires d’entreposage de combustibles nucléaires usés en France, en particulier après le court arrêt de l’usine de retraitement de La Hague au début de la période de confinement pour des raisons syndicales : si le retraitement avait dû être arrêté pendant une période plus longue, des difficultés d’entreposage auraient été constatées.

 

Si la date limite fixée à EDF au 30 juin 2020 pour mettre en service des diesels d’ultime secours dans les centrales françaises – mesure décidée après l’accident de Fukushima – est reportée de cinq mois du fait de la défaillance du prestataire américain Westinghouse, la décision sur l’éventuelle prolongation de l’exploitation des réacteurs de 900 MW reste fixée à la fin de l’année 2020.

  1. Effets de la crise sur les entreprises électro-intensives

 

Les industries fortement consommatrices d’énergie, représentées par l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), subissent les conséquences de la crise, en premier lieu, par la réduction de leur activité, en particulier s’agissant des secteurs de l’automobile et de la construction. Elles pointent également plusieurs sujets d’attention propre à leur caractère fortement consommateur d’énergie.

 

S’agissant du tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE)

Les industriels électro-intensifs, dont les activités et le chiffre d’affaires sont réduits, restent contraints de payer les coûts fixes du réseau, à concurrence de la puissance souscrite. Pour ne pas alourdir leurs charges fixes, l’UNIDEN sollicite plusieurs aménagements :

-          la possibilité, face à la baisse de la consommation d’électricité, de revoir à la baisse la puissance souscrite du site, sans application de la clause de pérennité sur 12 mois ;

-          la possibilité pour les industriels qui souffrent d’une réelle difficulté de liquidité à court terme de demander des facilités de paiement à RTE ou Enedis ;

-          la révision du mode de calcul des critères d’éligibilité à l’abattement de TURPE dit « de stabilité et d’anti-cyclicité » pour tenir compte des effets de la crise ;

-          la neutralisation de l’année 2020 pour le calcul du TURPE de 2021 (qui, en cas contraire, augmentera en 2021 en raison des moindres recettes des réseaux en 2020).

Des réflexions sont en cours avec la direction générale de l’énergie et du climat, toutefois, ces mécanismes étant encadrés au niveau européen, les marges de manœuvre sont limitées.

 

S’agissant du mécanisme d’interruptibilité[10]

En raison de la baisse de consommation, RTE a proposé l’application de la clause de force majeure pour suspendre l’exécution des contrats d’interruptibilité, devenus moins nécessaires. Certains industriels ont accepté cette proposition. 

Toutefois, un certain nombre d’industriels restent en mesure d’assurer le service d’interruptibilité au réseau, pour une part significative de leur capacité. L’UNIDEN estime que maintenir ces capacités d’interruption, même réduites, pour les mois à venir est essentiel compte-tenu de l’annonce par EDF d’une forte réduction de sa production pour 2020 à 2022, qui pourrait rendre difficile de faire face à des pointes de consommation.

C’est pourquoi, l’UNIDEN demande à ce que le contrat d’interruptibilité soit aménagé au cas par cas, en fonction des engagements que pourront prendre les industriels afin de rémunérer le plus justement possible le service qu’ils rendent. Des discussions sont en cours avec RTE.

 

S’agissant des capacités de production, notamment nucléaire

Les industriels électro-intensifs s’inquiètent de l’annonce par EDF de la réduction de sa production nucléaire, qui a conduit les prix du marché de gros de l’électricité pour 2021 et 2022 à augmenter, notamment en comparaison avec l’Allemagne (+9€/MWh par rapport à l’Allemagne). L’UNIDEN s’interroge sur la sécurité d’approvisionnement, mais également sur les coûts d’approvisionnement en énergie électrique des industriels, la hausse des coûts pouvant altérer de façon significative leur compétitivité et leur relance post-crise. L’UNIDEN souhaite engager rapidement une discussion avec EDF.

 


LOGOBLEU

 

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

 GT SUIVI DU SECTEUR ÉNERGIE

 Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bolo, M. Anthony Cellier    

 

 

 

 

TABLEAU DE BORD DES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE LIÉE À L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19

SUR LE SECTEUR DE L’ÉNERGIE – SEMAINE DU 11 MAI 2020

 

Plans de déconfinement des entreprises et vision stratégique du contenu du plan de relance

 

 

Entreprise

Éléments sur le déconfinement

Éléments sur la relance

EDF

L’activité d’EDF s’est poursuivie tout au long de la crise, au travers du plan de continuité d’activité, à l’exception d’un certain nombre de chantiers mis à l’arrêt. Ces chantiers ont été, pour certains, repris au tout début du mois de mai, de manière prudente, et après un dialogue social décentralisé. L’ensemble des activités qui peuvent rester en télétravail le seront encore quelque temps.

 

Le groupe estime que le retour à la normal, qui sera progressif, pourrait prendre plusieurs mois, pour s’achever au 1er septembre. La production restera toutefois moindre que ce qu’elle pourrait être pour disposer d’un maximum de capacités de production au cours de l’hiver.

 

Le groupe pointe une difficulté particulière : celle de faire revenir en France des salariés ou collaborateurs étrangers non communautaires (notamment des experts, rentrés chez eux à la mise en place du confinement).

 

Le groupe importe des masques chirurgicaux depuis plusieurs semaines. Il imposera le port du masque dans les lieux où les personnels circulent, et le recommandera partout ailleurs.

La reconstruction post crise sanitaire est l’occasion pour EDF de s’inscrire dans le Green Deal européen et dans la stratégie climatique du Gouvernement, qui s’est consolidée via la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pendant le confinement. M. Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF s’est exprimé publiquement dans une tribune commune à plusieurs dirigeants français et européens (cf. infra : RTE) pour affirmer qu’il était nécessaire que le plan de relance s’inscrive dans la transition énergétique et que le redémarrage de l’économie soit vertueux sur le plan climatique. Le groupe a proposé plusieurs projets concrets pour l’ambition climatique, notamment au sein du comité stratégique de la filière nucléaire. Ceux-ci concernent notamment le développement des véhicules électriques.

 

Le groupe souligne la nécessité de réformer le mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), dont la crise a montré la désuétude et l’inadéquation au monde actuel. Plus largement, il estime que cette réforme doit interroger sur le « dogme » de la concurrence en Europe, au moment où le service public de l’électricité a montré toute sa pertinence et son efficacité et où d’autres préoccupations comme la résilience, l’emploi et la souveraineté prennent de l’ampleur.

Enedis

 

 

La reprise est préparée depuis plusieurs semaines et a fait l’objet d’une concertation sociale, qui vient de s’achever. Le plan de reprise de l’activité a débuté fin avril, par la mise en œuvre de quelques chantiers urgents préalablement concertés avec les préfectures, en ciblant prioritairement des demandes de raccordement (reprise de 85 chantiers la 3ème semaine d’avril et de 200 chantiers la dernière semaine d’avril). Ceci permet un premier retour d’expérience sur les plans de reprise.

 

La reprise sera progressive : alors qu’aujourd'hui, 15 à 20 % des activités opérationnelles sont assurées, l’objectif est de passer à 30 % au 15 mai, 75 % au                 15 juillet et 100 % au 15 septembre. La reprise sera différenciée selon les régions. S’agissant du télétravail, le groupe estime qu’il ne faudra pas revenir à la situation précédant la crise (la prise de travail à distance des techniciens constitue notamment une avancée à conserver). 

Certains chantiers devront être priorisés : les raccordements des clients (entreprises, producteurs,  particuliers) ; la maintenance (postes sources, élagage,  chaînes communicantes) ; les accès au réseau pour les partenaires ; les projets clés d’Enedis, notamment le compteur communiquant Linky (le groupe estime qu’il faudra environ 1 mois et demi pour retrouver le rythme de pose antérieur à la crise, qui a, toutefois, montré l’intérêt des compteurs communicants notamment pour la télémaintenance).

 

Le groupe identifie cinq facteurs clé de la réussite de la reprise :

-          l’extrême attention à la protection sanitaire des salariés et des prestataires : le groupe a contribué à la rédaction d’un guide sanitaire pour les entreprises de réseaux et d’infrastructures du secteur de l’énergie, actuellement en cours d’examen par le ministère du travail (sur le modèle du guide élaboré pour le secteur du bâtiment) ;

-          la concertation avec les collectivités territoriales, pour prioriser avec elles les chantiers qui leur paraissent le plus important ;

-          la définition d’un cadre juridique adapté à la relance des activités (ex : prolonger les autorisations obtenues avant le 12 mars, faire bénéficier certains travaux de dérogations pour accélérer la reprise, remplacer les consultations physiques par des consultations dématérialisées) ;

-          l’adhésion du corps social de l’entreprise ;

-          la disponibilité des prestataires (98 % des achats d’Enedis sont locaux, dont 50 % auprès de TPE et PME). À cet égard, Enedis fait bénéficier ses prestataires de ses conditions d’achats de masques.

Enedis insiste sur la place du service public et de la qualité des infrastructures pour la qualité de vie des citoyens et la résilience du système énergétique. Le groupe estime que cela peut conduire à mener une réflexion, en parallèle de celle sur la transition énergétique, sur la frontière entre le marché et le service public : comment conforter le service public industriel de demain ? En particulier, il faut que la dimension de service public ait toute sa place dans la mise en œuvre éventuelle du projet « Hercule » de refonte d’EDF.

 

Le groupe pointe également plusieurs grands chantiers à mener :

-          développer une filière industrielle autour des smart grids ;

-          traiter l’augmentation de la précarité ;

-          accélérer le déploiement de la mobilité électrique ;

-          mieux utiliser les compteurs Linky tout en respectant la protection des données ;

-          développer les innovations techniques, l’intelligence artificielle, la maintenance prédictive.

 

RTE

RTE indique d’une réflexion doit être menée sur la re-priorisation des chantiers post-crise, dans un contexte où beaucoup d’industriels, de sous-traitants, seront requis en même temps.

Le réseau identifie deux priorités :

-          raccordements des projets d’ENR ; 

-          sécurisation de l’alimentation, dans un contexte où des travaux/chantiers ont pris du retard, notamment s’agissant des interconnexions.

RTE souhaite mener une réflexion générale sur la régulation du secteur de l’énergie, le « monde d’après » ne pouvant être régulé de la même manière que le « monde d’avant ».

M. François Brottes, président de RTE, a par ailleurs contribué à la tribune de plusieurs dirigeants d’entreprises appelant à une mobilisation collective pour faire de la relance économique un accélérateur de la transition écologique. Ces dirigeants proposent trois axes :

-          un soutien renforcé à court et moyen terme aux secteurs qui permettent de mobiliser des emplois et contribuent à la préservation de l’environnement : rénovation énergétique des bâtiments ; développement des mobilités décarbonées et des transports en commun ; expansion et stockage des énergies renouvelables et décarbonées. Dans ces secteurs, tout effort financier public est un puissant levier pour l’investissement privé, ce qui en fait les meilleurs candidats pour une relance précoce ;

-          rendre les outils industriels en Europe plus résilients, les décarboner et réduire leur empreinte carbone ;

-          démultiplier les efforts de recherche, d’innovation, de démonstrateurs industriels et d’industrialisation de solutions d’avenir. Sont notamment cités la bioéconomie et l’hydrogène et leurs usages pour les transports terrestre et aérien ainsi que la réutilisation de gaz carbonique.

ENGIE

Deux plans seront mis en place : un plan de sortie du confinement qui couvrira les deux ou trois premières semaines ainsi qu’un plan de continuité, qui consiste à considérer que le groupe pourrait être amené à travailler en situation de pandémie pendant plusieurs mois.

 

Le groupe estime que 20 % de ses effectifs reprendront leur travail en présentiel le    11 mai, sur une base volontaire compte tenu de la situation familiale, de la prise de transport et du stress. L’objectif est d’atteindre un retour à la normale à la fin de l’été.

 

La question des masques ne pose plus de difficulté.

 

ENGIE pointe plusieurs pistes de réflexion :

-          accélérer l’amélioration de l’efficacité énergétique. ENGIE estime que la France est très en retard sur le sujet et va développer des propositions pour accélérer la rénovation des bâtiments et les programmes urbains bas-carbone ;

-          accélérer le développement des énergies renouvelables (ENR), électriques mais aussi gazières (le groupe évoque notamment le biométhane et l’hydrogène vert). Face au renchérissement relatif des ENR par rapport aux énergies fossiles dont les prix chutent, il faudra maintenir les dispositifs de soutien pour qu’elles continuent à se développer.

-          développer de nouvelles incitations pour limiter les consommations excessives. La chute des prix de l’énergie sur le marché donne davantage de marges de manœuvre pour évoquer des sujets comme l’augmentation de l’obligation d’incorporation de biométhane dans le gaz naturel ou la taxe carbone, pour compenser la baisse des prix des énergies fossiles si celle-ci était amenée à durer.

GRTgaz

 

 

La reprise de l’activité se fera en trois temps, comme le dispose le plan de reprise de l’activité (PRA) élaboré conjointement par plusieurs directions de l’entreprise (différentes directions opérationnelles, direction de la prévention et de la maîtrise des risques, et la médecine du travail) :

-          phase 1 jusqu’au 11 mai : reprise progressive d’un certain nombre d’activités de terrain non essentielles qui étaient suspendues pendant le confinement, pour préparer la phase 2

-          phase 2, du 11 mai à une date indéterminée : redémarrage de l’essentiel des activités de terrain, tout en gardant en télétravail tout ce qui peut l’être

-          phase 3 : retour à la normale

 

Des masques ont commencé à être livrés, à un rythme qui correspond à la trajectoire de redémarrage de l’activité (mais qui n’aurait pas permis un redémarrage quinze jours plus tôt). GRTgaz ne peut toutefois pas prendre en charge les masques de ses entreprises prestataires.

 

GRTgaz a contribué à la rédaction du guide sanitaire pour les entreprises de réseaux et d’infrastructures du secteur de l’énergie, actuellement en cours d’examen par le ministère du travail.

GRTgaz insiste sur la nécessité de faire en sorte que la relance soit compatible avec les objectifs du verdissement de l’économie et avec le Green Deal européen. Plusieurs propositions sont émises en faveur du verdissement du gaz naturel et du développement du biométhane et de l’hydrogène vert, qui remplissent un certain nombre de critères devenus désormais plus importants qu’avant la crise : économie locale, résilience, indépendance vis à vis d’États tiers.

 

GRTgaz estime à ce titre que l’ambition gazière de la PPE est trop faible et rappelle qu’il y a un certain nombre de projets de biométhane en attente de raccordement, qui représentent 20 TWh de capacité. L’entreprise propose que la France notifie le tarif actuel du biométhane à la commission européenne pour ôter tout risque juridique

 

GRDF

GRDF prévoit une reprise progressive de l’activité, notamment par le redémarrage des chantiers. La pose de compteurs communicants Gazpar, de même que les visites annuelles de maintenance des chaudières, reprendront également, lorsque les prestataires seront prêts à reprendre leur activité et lorsque les particuliers seront en confiance pour laisser entrer un technicien dans leur domicile (alors que le calendrier de pose des compteurs prévoyait des dates butoirs GRDF demande qu’aucune pénalité ne lui soit imposée pour le non-respect du calendrier).

Des mesures seront prises pour garantir que tous les salariés qui reprennent leur activité aient bien intégré les consignes sanitaires.

 

GRDF souligne que la reprise des activités une fois les mesures sanitaires levées sera conditionnée à trois éléments : la reprise d’activité des entreprises sous-traitantes, en particulier dans le domaine des travaux publics et des services ; la reprise d’activité des fournisseurs de matériel, certains étant parfois situés dans d’autres pays de l’UE ; les autorisations administratives nécessaires à ces activités.

 

GRDF a contribué à la rédaction du guide sanitaire commun aux entreprises de réseau et d’infrastructures du secteur de l’énergie. L’entreprise indique que l’aboutissement de cette démarche est un élément important pour la reprise d’activité dans des conditions sereines.

 

GRDF indique n’avoir pas eu de difficulté à se procurer de masques. S’ils n’en fournissent pas à leurs prestataires, ils leur permettent d’accéder à leurs conditions d’achat (même fournisseurs, achats groupés, etc.)

GRDF indique que la crise sanitaire est une fenêtre d’opportunité pour accélérer les ambitions au-delà de la PPE et suggère plusieurs mesures : 

-          doubler l’ambition de production de biométhane à horizon 2023, pour passer à une cible de 12 TWh, crédible au regard des plus de 20 TWh de projets en cours en 2019 : l’objectif en matière de biométhane de la PPE doit être vu comme un plancher et non comme un plafond. Le développement du biométhane aurait un effet positif sur la filière des travaux publics, sur la relocalisation d’activités (le gaz renouvelable se substituant à des importations), tout en participant à l’ambition de transition énergétique ;

-          accélérer la transition vers des véhicules moins polluants, notamment via la filière gaz naturel pour véhicules (GNV), qui permettrait de pourvoir des emplois en France et en Europe, améliorerait le bilan carbone du transport et permettrait également de favoriser la résilience des filières de transport de personnes et de marchandises à la volatilité des prix du pétrole : cela passerait par des crédits d’impôt pour l’achat de véhicules GNV et la mise en place de stations d’avitaillement ;

-          reporter à 2023 l’entrée en vigueur de la réglementation énergétique 2020, qui se substitue à la réglementation thermique 2012 : GRDF estime que la RT2012 est déjà très exigeante et que cette réglementation entraine un renchérissement des coûts de construction pour la filière bâtiment à un moment inopportun (alors que l’enjeu porte davantage sur la rénovation de l’ancien que sur la construction de neuf). Il propose en revanche la mise en place d’un label volontaire pour permettre aux professionnels qui le souhaitent d’expérimenter le nouveau référentiel avant son entrée en vigueur.

FNCCR

(fédération nationale des collectivités concédantes et régies)

La FNCCR indique que les mesures de télétravail et les réunions à distance se poursuivront au-delà du 11 mai.

La continuité d’activité des autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE) a été garantie par la loi d’urgence sanitaire, qui dispose que les présidents et vice-présidents des syndicats d’énergie restent en place jusqu’à la fin du processus électoral en cours : les commissions d’appel d’offres pourront donc continuer à fonctionner, ce qui sera utile pour la contribution des AODE au plan de relance.

La FNCCR fait plusieurs propositions pour le plan de relance :

-          accélérer la sécurisation des réseaux garantissant la disponibilité et la qualité de l’électricité distribuée (notamment au travers d’un programme exceptionnel du fonds d’amortissement des charges d’électrification sur 2 ans pour réduire le stock de fils nus et réaliser les renforcements nécessaires) ;

-          réviser à la hausse les objectifs de biométhane dans la PPE, ce qui permettrait un soutien à la profession agricole ;

-          mettre en place un fonds de développement des stations bioGNV ;

-          favoriser l’approvisionnement des nouvelles constructions en biométhane par le préfinancement de projets de méthaniseurs locaux ;

-          dans le cas des ENR, mettre en place de procédures de mise à l’abri des risques de dépassements des délais et des échéances ;

-          émettre de nouvelles obligations de CEE ;

-          reconnaître la fonction de maîtrise d’ouvrage aux AODE en raison de leurs compétences et expériences sur les territoires.

UNELEG

(union nationale des entreprises locales d’électricité et de gaz)

L’UNELEG, qui représente les entreprises locales d’électricité et de gaz, a engagé des travaux pour identifier quelles activités prioriser en limitant les engorgements potentiels. L’UNELEG s’attend, en effet, à un engorgement de certaines activités et à une priorisation à organiser (reprise des mises en service, raccordement, recouvrement). Parmi les facteurs clé de la reprise figurent la disponibilité des matériels, dans les entreprises comme chez les sous-traitants, la disponibilité de la chaîne logistique, ainsi que celle des personnels des sociétés de nettoyage (pour assurer la sécurité et faciliter l’acceptabilité sociale de la reprise), qui risquent d’être fortement sollicités.

L’UNELEG prévoit une montée en charge progressive pour assurer l’acceptabilité sociale et l’appropriation par les salariés de leur nouvel environnement de travail. La vitesse de reprise de l’activité sera liée au niveau de reprise réelle de l’activité économique et à la réouverture des écoles.

Concernant les masques, les entreprises locales de distribution (ELD) ont bénéficié d’une dotation d’urgence du groupe EDF qui a été organisée par l’UNELEG avec l’intermédiaire d’Electricité de Strasbourg. Les ELD, dans leur ensemble, se sont structurées pour assurer un approvisionnement à moyen terme fiable en masques chirurgicaux avec l’appui de la DGEC et de la DGE. Deux commandes fermes totalisant 200 000 masques chirurgicaux ont été passées et devaient être livrées début mai. Gel hydroalcoolique et lingettes sont également disponibles. L’UNELEG souhaiterait toutefois que la nature des protections adaptées à chaque usage / chaque action professionnelle soit précisée par les pouvoirs publics (pour faciliter l’acceptation de la reprise par les salariés).

 

AFGNV

(association française du gaz naturel pour véhicules)

 

Dans un communiqué du 29 avril, l’Association française du gaz naturel véhicules a proposé quatre mesures à insérer au plan de relance pour favoriser la mutation des flottes d’entreprises vers le GNV carburant.

-          remplacer le suramortissement actuel sur les véhicules GNV, inopérant en temps de crise, par un crédit d’impôt à l’achat ou à la location d’un véhicule supérieur à 2,6 tonnes à hauteur de 20 % de la valeur d’achat pour les véhicules inférieurs à 3,5 tonnes et de 25 % pour ceux supérieurs à ce poids. Cela nécessiterait une enveloppe de 30 M€ par an jusqu’à 2022 ;

-          étendre ce crédit d’impôt aux véhicules inférieurs à 2,6 tonnes pour les TPE et les artisans. Une enveloppe de 10 M€ sur 3 ans serait allouée à cette proposition ;

-          apporter une aide à l’investissement pour les stations GNV/bioGNV privatives sous forme de crédit d’impôt pour les professionnels. Celle-ci serait équivalente à 10 % du coût de la station avec un plafond fixé à 100 000 € par station ;

-          orienter une partie du plan de relance vers les autorités organisatrices de la mobilité (AOM).

 

 

 

 


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LOGOBLEU

 

 

 

R É P U B L I Q U E   F R A N Ç A I S E

LIBERTÉ – ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

 GT SUIVI DU SECTEUR ÉNERGIE

     

 

Paris, le 18 mai 2020

 

Groupe de travail Énergie :

M. Philippe Bolo, Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Anthony Cellier

 

  1. Point d’étape sur la consommation et la production d’énergie en France

 

  1. Électricité : une réduction de la consommation et de la production qui se confirme

 

a)     Une réduction globale de la consommation d’électricité mais une légère augmentation s’agissant de la consommation des ménages

 

Selon les données de RTE, la consommation totale pendant la période du 23 mars au 26 avril 2020 est inférieure de 14 % à celle d’une période normale.

 

Dans le détail :

-          La consommation des entreprises directement raccordées à RTE (pour la plupart de gros industriels) est inférieure de 24 % par rapport à une période « normale » ;

 

-          La consommation des entreprises non raccordées à RTE et du secteur public est inférieure d’environ 27 %.  La baisse de consommation est particulièrement marquée dans le secteur des services de transport et de l’entreposage (- 58 %). À l’inverse, les industries extractives et le secteur de l’information et de la communication présentent une consommation d’électricité quasi stable ;

 

-          La consommation des ménages est supérieure d’environ 4 % à la normale. Différents facteurs jouent à la hausse et à la baisse, mais l’effet à la hausse l’emporte globalement :

 

Lundi 11 mai, premier jour de déconfinement, le profil journalier de la consommation d’électricité n’a pas évolué par rapport aux lundis précédents. Toutefois, la consommation a été un peu plus importante, la puissance appelée au moment de la pointe, à 12h45, ayant atteint 51 244 mégawatt (MW) contre des niveaux généralement inférieurs à 50 000 MW.

b)     Une production d’électricité, en particulier nucléaire, en baisse

 

Entre le 23 mars et le 26 avril, hors effet du climat et des jours ouvrés, la production d’électricité était en moyenne de 12 % inférieure à une période « normale » d’activité.

 

En particulier, la production d’électricité nucléaire au mois d’avril s’établit à 26,9 térawatt-heure (TWh), en baisse de 15,5 % (soit 4,9 TWh de moins) par rapport à la même période de 2019. Depuis le début de l’année, la production cumulée est de 128,1 TWh, en recul de 10,7 % (- 15,4 TWh) par rapport à la même période de 2019. Pour rappel, EDF a révisé mi-avril son estimation de production nucléaire annuelle à autour de 300 TWh en 2020, soit en baisse de 21 % par rapport à la production de 2019.

 

Toutefois, au premier trimestre, la crise sanitaire liée au covid-19 a eu un impact négatif limité sur le chiffre d’affaires d’EDF, estimé à - 247 millions d’euros (M€), en lien notamment avec une baisse de la demande en électricité, en gaz et sur les services. Le chiffre d’affaires d’EDF a très légèrement reculé de 1 % par rapport à la même période de 2019, à 20,695 milliards d’euros (Md€).

 

  1. Gaz : une légère reprise de la consommation industrielle et une activité abondante des terminaux méthaniers qui conduit à un fort remplissage des capacités de stockage

 

a)     La consommation de gaz repart légèrement dans le secteur industriel

 

Selon GRTgaz, les effets de la crise se sont légèrement atténués sur la consommation industrielle en avril : après une baisse de la consommation industrielle de 20 % environ au début du mois d’avril, la baisse enregistrée à la fin du mois est plutôt de l’ordre de 10 %. L’impact moyen pour le mois d’avril est de l’ordre de 15 %. Ceci serait lié à la reprise d’activité, totale ou partielle, de la majorité des sites industriels raccordés au réseau qui s’étaient arrêtés mi-mars.

 

En revanche, les centrales électriques à cycle combiné gaz sont pratiquement toutes restées à l’arrêt en raison de la baisse de la demande d’électricité.

 

b)     L’activité importante des terminaux méthaniers conduit à un stockage et à des exportations élevés

 

Le niveau d’émission des terminaux méthaniers vers le réseau de GRTgaz est très élevé (environ 900 GWh/j en moyenne sur la deuxième quinzaine d’avril).

 

On observe de très fortes injections dans les stockages depuis début avril : plus de 26,5 TWh d’injection. Il s’agit d’un niveau record historique mensuel.

 

Les exports de gaz sont proches du maximum à Oltingue (vers la Suisse et l’Italie) mais plus modérés vers l’Espagne.

 

  1. Actualité réglementaire : report de mesures liées à la rénovation énergétique

 

Le calendrier de la réglementation environnementale 2020 (RE 2020), qui était censée entrer en vigueur en janvier 2021, est repoussé à l’été 2021, en raison de la crise sanitaire qui a « rendu l’organisation des concertations et consultations plus complexes ». Les concertations se poursuivront pendant l’été 2020 et la publication des textes réglementaires interviendra fin 2020 ou au plus tard au tout début de l’année 2021, de manière à permettre à l’ensemble des acteurs de bénéficier d’une période de plusieurs mois pour poursuivre l’appropriation des règles, entre leur officialisation et leur entrée en vigueur. Ceci apporte satisfaction à plusieurs représentants du secteur de la construction et de l’énergie, qui estiment que la réglementation en vigueur (RT 2012) est suffisamment exigeante et que la RE 2020 entraînerait un renchérissement des coûts de construction pour la filière du bâtiment à un moment inopportun.

 

La secrétaire d’État Emmanuelle Wargon a également annoncé d’autres reports :

-          la publication des arrêtés complémentaires à l’arrêté « bâtiment tertiaire », précisant les modalités de mise en œuvre d’actions de réduction de la consommation énergétique des bâtiments à usage tertiaire, est reportée à septembre 2020 et fin 2020 ;

-          l’entrée en vigueur de l’opposabilité du diagnostic de performance énergétique, prévue pour janvier 2021, est reportée « au plus tard au 1er juillet 2021 » ;

-          la réforme du label « reconnu garant de l’environnement » (RGE), qui devrait entrer en vigueur au 1er septembre 2020, est reportée au 1er janvier 2021 (mais les mesures visant la lutte contre la fraude seront bien instaurées en septembre).

 

  1. La relance verte à l’échelle européenne : une articulation entre Green Deal et plan de relance à préciser

 

  1. Le Green Deal, dont certains éléments sont reportés, commence à être mis en œuvre

 

a)     Le Green Deal : plan européen pour la neutralité carbone en 2050

 

Le Green Deal ou Pacte vert a été présenté par la Commission européenne en décembre 2019. Il a pour objet de faire de l’Union européenne (UE) une zone neutre en carbone à horizon 2050. Il propose un certain nombre de mesures, dont le calendrier initial était le suivant (liste non exhaustive) :

-          proposition relative à une « législation européenne sur le climat » consacrant l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 : mars 2020 ;

-          lancement du pacte européen pour le climat : mars 2020 ; 

-          évaluation des plans nationaux définitifs en matière d’énergie et de climat : juin 2020 ;

-          stratégie pour une intégration intelligente des secteurs : juin 2020 ;

-          plan global visant à porter les objectifs climatiques de l’UE à au moins 50 %, et si possible à 55 %, de façon responsable : été 2020 ;

-          stratégie relative à l’éolien en mer : 2020 ;

-          initiative « vague de rénovations » pour le secteur de la construction : 2020 ;

-          évaluation et révision du règlement sur le réseau transeuropéen d’énergie : 2020 ;

-          proposition de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières : 2021 ;

-          appel de fonds pour soutenir le déploiement de points de recharge et de ravitaillement publics dans le cadre d’une infrastructure pour carburants alternatifs : à partir de 2020.

 

Ces mesures doivent être financées par le « plan d’investissement pour une Europe durable », destiné à répondre aux besoins de financements supplémentaires pour atteindre les objectifs en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 (estimés à 1,5 % du PIB de 2018 soit 260 Md€). Au sein de ce plan d’investissement, un « fonds pour une transition juste » cible les régions et les secteurs les plus affectés par la transition du fait de leur dépendance aux combustibles fossiles ou aux processus à forte intensité de carbone.

 

Ces mécanismes financiers ont été présentés en janvier 2020 :

-          le plan d’investissement pour une Europe durable mobilisera au moins 1000 Md€ d’investissements durable sur les 10 prochaines années. Ce montant sera assuré par des dépenses du budget de l’Union (dont 25 % seront consacrés à des objectifs liés au climat et 39 Md€ à l’environnement) ainsi que par des financements privés sollicités via le mécanisme de garantie du programme InvestUE, successeur du Plan dit « Juncker » (qui devraient mobiliser 300 Md€ d’investissements financiers privés) ;

-          le mécanisme de transition juste devrait mobiliser 100 Md€ sur 7 ans (2021-2027) au travers de trois instruments : le fonds pour une transition juste (50 Md€), un dispositif de soutien spécifique (InvestUE) et la mobilisation d’investissements durables supplémentaires par la Banque européenne d’investissement.

 

Source : Commission européenne

 

b)     Un projet menacé puis relancé dans le cadre de la réponse à la crise sanitaire

 

Plusieurs projets ont été suspendus ou retardés en raison de la crise :

-          cinq plans nationaux énergie-climat (PNEC) sont toujours attendus (Allemagne, Irlande, Luxembourg, Roumanie, Royaume-Uni). Les conclusions sur les PNEC ne pourront donc pas être adoptées lors du Conseil « énergie » programmé en juin ;

-          de même, l’étude d’impact sur les objectifs climatiques de l’UE revus à la hausse pour 2030, qui devait être finalisée au mois de septembre, pourrait se voir accorder un délai supplémentaire : en effet, le report de la COP26 initialement fixée en novembre à Glasgow, pourrait « permettre de consacrer plus de temps à un exercice d’analyse complexe », selon un document de la Commission européenne.

 

En outre, certains États (Pologne, République tchèque) ont mis en avant la crise pour demander une pause dans la mise en œuvre des ambitions climatiques de l’UE. Le premier ministre tchèque a ainsi appelé l’UE à « oublier le Green Deal pour se focaliser sur la lutte contre coronavirus ».

 

Toutefois, treize ministres européens de l’environnement, dont la ministre française, ont appelé la Commission européenne à faire du Green Deal le pilier de la relance et la majorité des ministres de l’économie et de l’énergie ont invité la Commission a poursuivre ses travaux sur le Green Deal, particulièrement en ce qui concerne la stratégie d’intégration sectorielle, la rénovation énergétique et l’éolien offshore.

 

Certains sujets devraient donc avancer prochainement, en parallèle du plan de relance :

-          la proposition de règlement établissant un fonds pour une transition juste est en cours de discussion au Parlement européen ;

-          le projet de loi « climat » sur la neutralité carbone devrait être examiné au Parlement européen, en commission de l’environnement, le 27 mai prochain ;

-          l’exécutif européen a lancé le 31 mars une consultation publique sur l’augmentation de l’objectif climatique de l’UE pour 2030 ;

-          la stratégie pour l’intégration sectorielle reste programmée pour le mois de juin. Elle visera à créer davantage de liens entre les secteurs du gaz, de l’électricité, des transports, du bâtiment et de l’industrie et à accélérer la transition vers un système énergétique largement fondé sur l’électrification et les carburants et gaz renouvelables et décarbonés. Cette stratégie devrait faire une place centrale à l’hydrogène. Elle visera aussi à une plus grande numérisation des infrastructures énergétiques. Une consultation a été ouverte par la Commission européenne et se tiendra jusqu’au 8 juin ;

-          la stratégie pour l’éolien offshore est désormais programmée pour « après l’été » ;

-          s’agissant de l’initiative « vague de rénovation », la commission indique étudier les moyens de mobiliser davantage de ressources en utilisant les fonds structurels, la Banque européenne d’investissement (BEI) et InvestEU et, éventuellement, de développer des produits financiers dédiés à la rénovation des bâtiments. Cette initiative visera également à « minimiser les barrières règlementaires ». Elle ciblera en particulier le résidentiel, les écoles, les hôpitaux et les PME. Elle est annoncée pour septembre ;

-          une proposition de révision de la réglementation sur le réseau transeuropéen d’énergie devrait être discutée avant la fin de l’année 2020 ;

-          les travaux sur le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières se poursuivent, la commission travaillant, à ce stade, sur une étude d’impact et l’identification des secteurs pilotes où un tel mécanisme pourrait être utile.

 

  1. Le plan de relance de la Commission fait une large place à l’énergie

 

La présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, a présenté, le 13 mai, les contours du plan de relance européen, qui devrait être détaillé le 27 mai, en complément d’un budget révisé pour la période 2021-2027.

 

S’il n’est pas envisagé de consacrer un certain montant du plan de relance aux industries du secteur de l’énergie, contrairement à ce qui a été promis au secteur du tourisme, le plan fait toutefois une large place à la question climatique et énergétique.

 

Il sera constitué autour de trois piliers :

-          le premier pilier, qui concentrera l’essentiel des fonds, soutiendra les réformes et l’investissement public via un nouvel instrument (enveloppe complémentaire) de la politique de cohésion axé sur les régions les plus touchées et où les besoins sont les plus criants. Il servira à financer des réformes et des investissements publics dans les grandes priorités de l’UE que sont la transition climatique et numérique ;

-          le second pilier épaulera le secteur privé à travers un renforcement du programme InvestEU dans les secteurs clé comme l’hydrogène propre et les renouvelables offshore. Ce pilier servira à favoriser les investissements dans les chaînes de valeur essentielles. Il comprendra également un nouvel instrument qui aidera à couvrir les besoins de recapitalisation des entreprises saines qui ont souffert en raison de l’arrêt de l’économie ;

-          le troisième pilier consistera à renforcer les programmes « qui ont fait leurs preuves pendant la crise », notamment le programme de recherche et innovation Horizon Europe qui comprendra un cluster consacré à l’énergie, au climat et à la mobilité.

 

Par ailleurs, dans le cadre des plans de relance nationaux, la Commission européenne encourage la « conditionnalité verte » des aides d’État.

Si la Commission ne peut pas imposer elle-même ces obligations de conditionnalité, elle incite les États membres à le faire. Ainsi, dans la nouvelle version du cadre temporaire pour les aides d’État, adopté le 19 mars, la Commission européenne prône désormais « une application ciblée et proportionnée du contrôle des aides d’État […] en gardant à l’esprit l’importance de mener à bien la double transition écologique et numérique conformément aux objectifs de l’Union ».

La commissaire européenne à la concurrence, Mme Margrethe Vestager a également indiqué, le 8 mai, que les grandes entreprises devaient rendre compte de « l’utilisation des aides reçues et du respect de leurs responsabilités liées aux transitions verte et numérique ».

La Commission européenne a, le 4 mai, validé l’aide de l’État français à l’entreprise Air France, pour un montant de 7 Md€, conditionnée à un certain nombre d’objectifs écologiques (dont la réduction de 50 % des émissions de CO2 à horizon 2024 pour les vols domestiques).

 

  1. Les demandes des États membres : rénovation énergétique, prix plancher du carbone et hydrogène

 

À l’issue du Conseil informel « Énergie » du 28 avril, les ministres de l’énergie de l’Union européenne ont appelé à axer le plan de relance sur l’investissement dans l’efficacité énergétique des bâtiments, les renouvelables et les « technologies innovantes d’énergie propre ».

 

En amont de cette rencontre, la France avait adressé une note à ses homologues appelant les États européens à fixer un prix plancher du carbone, estimant que la crise sanitaire a conduit à des prix des combustibles fossiles extrêmement bas qui ne reflètent pas leur véritable coût pour le climat. Ce prix plancher pourrait être établi « soit dans le cadre de la directive sur la taxation de l’énergie, soit dans le cadre d’un renforcement du système ETS (système européen d’échange des droits d’émission), soit à travers une combinaison de ces deux politiques ». La note française insiste également sur la mise en place « rapide » d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

La Commission européenne prévoit des annonces sur la réforme du marché du carbone « après l’été » : la liste des propositions législatives pour juin 2021 sera présentée en septembre. Les grandes lignes des efforts qui seront demandés au secteur de l’électricité, du bâtiment ou de l’industrie y figureront, de même que l’éventuelle intégration des secteurs de l’aviation et du transport maritime.

 

Par ailleurs, plusieurs États européens (France, Benelux, Autriche, Allemagne et Italie) s’apprêtent à demander, avant la fin du mois de mai, un plan d’action pour l’hydrogène. Leur objectif est de soutenir la production d’hydrogène vert (via l'électricité issue de renouvelables) et bleu (à partir de gaz avec captage de CO2), d’assurer un réseau de transport à travers l’ensemble du continent et de fixer des objectifs de demande. La présidence allemande du Conseil de l’UE puis celle du Portugal, deux États ambitieux sur l’hydrogène, devraient permettre d’avancer sur le sujet.

 

  1. Les suggestions des filières ENR pour le plan de relance européen

 

Plusieurs filières ont transmis leurs propositions de mesures à intégrer au plan de relance européen, pour en faire un instrument de la transition écologique et énergétique (en complément de propositions de mesures nationales) :

 

-          accélérer le développement de l’éolien, en particulier en mer : la filière éolienne, représentée par France énergie éolienne, demande un « Wind Deal » dans le cadre du Green Deal européen, avançant que l’énergie éolienne permet une relance économique vertueuse, créatrice d’emplois (4 par jour en France), contribuant à une électricité propre, à la baisse des émissions de CO2 et à la sécurité d’approvisionnement énergétique de la France et de l’Europe. Elle formule plusieurs propositions à cet égard :

 

-          renforcer le développement de l’énergie solaire : le syndicat de la filière solaire identifie plusieurs points pour renforcer le développement de l’énergie solaire, créatrice d’emplois et nécessaire à l’atteinte des ambitions climatiques : 

 

-          accélérer la mobilité propre : quatre associations représentant l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement automobile de l’Union européenne ont publié, le 5 mai, 25 recommandations dans le cadre du plan de relance européen, soulignant que 6,1 % de tous les emplois de l’UE, 11,4 % des emplois manufacturés, 7 % du PIB de l’UE en chiffre d’affaires et 28 % des dépenses totales de recherche et développement (avec 57,4 Md€ par an) se font dans le secteur automobile :

établir rapidement un pacte de compétences sectoriel pour le secteur automobile.


([1]) À titre d’illustration, sur la première semaine de déconfinement, la consommation d’électricité globale s’est établie en baisse de 9 % par rapport à la situation normale. La consommation d’électricité dans le secteur de l’industrie manufacturière a retrouvé son niveau d’avant crise (après avoir, au plus fort de la crise, connu une baisse de 25 %.

([2]) Communiqué du mercredi 10 juin présentant le rapport annuel sur le marché du gaz

([3]) Selon le collectif Rénovons

([4]) L’article 3 de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire, modifié par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 et par lordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire prolonge d’un délai de 3 mois à l’issue de l’expiration de l’état d’urgence la validité des autorisations administratives, permis et agréments expirés pendant cette période.

([5]) Ce décret précise que, par dérogation à l’ordonnance  2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période sanitaire, les délais applicables aux mesures, contrôles, analyses et surveillance des installations classées pour la protection de l’environnement et ouvrages hydroélectriques, ayant notamment pour objet la sécurité, la protection de la santé publique, et la préservation de l’environnement, recommencent à courir à compter du 3 avril 2020.

([6]) https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-05/20200525-rapport-58-2-structuration-filiere-foret-bois.pdf

([7]) https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Thema%20-

%20La%20tarification%20du%20carbone.pdf

[8] S’agissant du chèque énergie, il est à noter que l’envoi des chèques a débuté début avril 2020 et se poursuivra pendant le mois de mai. Compte-tenu de l’état d’urgence sanitaire, la distribution pourrait prendre davantage de temps qu’habituellement, les délais d’acheminement étant rallongés du fait de la réduction du service de La Poste.

 

[9] Les délégataires de CEE identifient des gisements d’économies d’énergie éligibles aux CEE, conseillent les bénéficiaires dans la réalisation de ces actions et leur achètent le droit de transformer leurs économies d’énergie en CEE. Cet achat de CEE se fait en contrepartie d’une prime versée directement aux bénéficiaires ou indirectement via les artisans (qui déduisent alors la prime de leur devis).

[10] L’interruptibilité consiste à réduire de manière immédiate (en moins de 30 secondes, et pour une durée comprise entre 15 minutes et une heure, et un total annuel de disponibilité compris entre 4500 et 7500 heures) la puissance perçue d’un site rattaché au réseau électrique, en particulier des sites très énergivores : cela permet à RTE d’injecter ou soutirer de l’électricité pour rectifier les déséquilibres du réseau électrique. Les sites industriels qui souscrivent un tel contrat bénéficient d’une compensation financière.