N° 3232

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 juillet 2020

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR le comitÉ d’Évaluation et de contrÔle des politiques publiques

 

sur l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur

ET PRÉSENTÉ PAR

M. RÉgis JUANICO et Mme Nathalie SARLES

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈSE

PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : LORIENTATION, LE MAILLON FAIBLE DE LACCÈS À LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

I. LACCOMPAGNEMENT À LORIENTATION : UNE ORGANISATION COMPLEXE, UNE MISE EN ŒUVRE LABORIEUSE

A. DES ÉVOLUTIONS STRUCTURELLES QUI RENFORCENT LA PLACE DE LORIENTATION

1. En 2013, lorientation inscrite dans un parcours structuré

2. En 2018, la réforme de laccès à lenseignement supérieur et de laccompagnement à lorientation

3. En 2019, la réforme des séries au lycée général

B. UNE INTERVENTION NON COORDONNÉE DES ACTEURS

1. Une organisation rénovée mais illisible

a. Les nouvelles compétences des régions

b. Les structures dinformation : les centres dinformation et dorientation (CIO) et lONISEP

2. Une évolution récente des missions des différents intervenants au sein du système scolaire

a. Le rôle clef pas toujours assumé des chefs détablissement

b. Le rôle croissant des enseignants et professeurs principaux

c. Les psychologues de léducation nationale : une profession réformée, une place à consolider

d. Linfluence du numérique et celle, critiquée, des acteurs privés et associatifs

3. Le coût de lorientation : des informations éparses, une évaluation difficile

II. LORIENTATION, MIROIR DES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES

A. LE POIDS DES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES

1. Le poids des inégalités sociales

2. Le poids des inégalités territoriales

B. LE POIDS DES « AUTOCENSURES »

1. Linfluence de lenvironnement social et scolaire

2. Lintégration des contraintes sociales et de genre

C. LIMPACT DE LA CONVERGENCE DES INÉGALITÉS

III. TRANSFORMER LORIENTATION SUBIE EN ORIENTATION CHOISIE

A. FAIRE DE LORIENTATION UNE MATIÈRE À PART ENTIÈRE

1. Une matière à part entière…

a. Un horaire daccompagnement à lorientation obligatoire dans lemploi du temps des élèves des lycées

b. Pour une évaluation du dispositif dorientation

c. Instituer un référentiel de compétences à sorienter

2. sous la responsabilité de personnels formés et valorisés

B. SINSPIRER DES BONNES PRATIQUES

1. Des initiatives réussies en France

2. Des pratiques inspirantes menées à létranger

3. Un impératif : mieux accompagner les lycéens

C. FÉDÉRER ET MIEUX IMPLIQUER LES ACTEURS POUR MIEUX INFORMER CHAQUE JEUNE

1. Coordonner et rendre lisible lécosystème de lorientation

2. Fédérer les acteurs nationaux

DEUXIÈME PARTIE : LADMISSION DANS LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : RENFORCER LA TRANSPARENCE ET LÉQUITÉ DE LA PROCÉDURE

I. MIEUX TENIR LES PROMESSES INITIALES DINFORMATION ET DE TRANSPARENCE

A. UNE INFORMATION PERFECTIBLE

1. Linformation déjà fortement enrichie sur les formations peut encore être améliorée

2. Des attendus trop imprécis pour pouvoir jouer convenablement leur rôle

B. UNE PROCÉDURE QUI PRÉSENTE ENCORE QUELQUES ANOMALIES

1. La prise en compte peu objective des différences de notation entre les lycées

2. La faible utilité du projet de formation motivé

3. Le mode de fonctionnement insatisfaisant de la procédure complémentaire

C. LA NON-PUBLICATION DES « ALGORITHMES LOCAUX » ET LE FONCTIONNEMENT DES COMMISSIONS DEXAMEN DES VŒUX (CEV)

1. Une opacité initiale dommageable

2. Des contestations fréquentes

3. Lexemple des STAPS

II. SÉCURITÉ ET PILOTAGE DE LA PLATEFORME : PÉRENNISER UN SYSTÈME FONCTIONNEL

A. QUALITÉ DU CODE, SÉCURITÉ ET PROTECTION DES DONNÉES : DES INQUIÉTUDES À APAISER

B. NORMALISER LE PILOTAGE DE LA PLATEFORME

III. REMÉDIER À CERTAINES FAIBLESSES PERSISTANTES DE LAFFECTATION

A. RENFORCER LA PERFORMANCE DE LA PLATEFORME

1. Une accélération bienvenue de la procédure

2. Un appariement dune efficacité comparable à Admission post-bac (APB)

a. Un périmètre qui interroge

b. Une performance globale similaire à Admission post-bac (APB)

B. FLUIDIFIER LACCÈS À LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR COURT POUR LES BACHELIERS PROFESSIONNELS ET TECHNOLOGIQUES

1. Un accès limité

a. Une augmentation massive des effectifs de bacheliers professionnels sans augmentation corrélative du nombre de places disponibles en STS

b. Laccueil insuffisant de bacheliers technologiques en IUT

2. Une efficacité des quotas faible en STS, relative en IUT

C. LIMITER LE RISQUE DACCROISSEMENT DES INÉGALITÉS SOCIALES DACCÈS À LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

1. Des quotas de boursiers aux effets trop limités

2. Une politique de mobilité à clarifier

3. Un entre-deux instable

TROISIÈME PARTIE : LARRIVÉE DANS LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR : POUR UN ACCOMPAGNEMENT RENOUVELÉ

I. LÉLARGISSEMENT DE LACCÈS À LUNIVERSITÉ

A. UNE POLITIQUE COMMUNE AUX PAYS DÉVELOPPÉS

B. UN FORT ESSOR DÉMOGRAPHIQUE DANS LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN FRANCE

C. LACCÈS À LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR RESTE FORTEMENT MARQUÉ PAR DES INÉGALITÉS

II. LES DIFFICULTÉS DE LENTRÉE DANS LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR IMPOSENT UN ACCOMPAGNEMENT PRÉCOCE

A. LA DEMANDE DES ÉTUDIANTS

B. LE BILAN INCOMPLET DES « OUI SI »

1. Un dispositif très critiqué par la Cour des comptes, dont limpact sur la réussite étudiante ne peut être cependant encore pleinement mesuré

2. Une image mitigée auprès des populations concernées et des syndicats

EXAMEN PAR LE COMITÉ

ANNEXE N° 1 : EXTRAIT DU RAPPORT 2019 DU MÉDIATEUR DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ANNEXE 2 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES

 


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   SYNTHÈSE

 

 


 


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   PROPOSITIONS DES RAPPORTEURS

Proposition n° 1 : Inscrire comme obligatoires dans lemploi du temps des élèves de lycées les 54 heures annuelles consacrées spécifiquement à lorientation.

Proposition n° 2 : Charger les recteurs dacadémie dévaluer la mise en œuvre de laccompagnement à lorientation dans les établissements.

Proposition n° 3 : Évaluer les compétences des élèves à sorienter selon un référentiel construit avec les experts et acteurs de terrain.

Proposition n° 4 : Généraliser les modules daccompagnement à lorientation dans la formation initiale et continue des enseignants.

Proposition n° 5 : Préparer à lorientation les élèves dès le collège, par des activités portant sur la connaissance de soi et sur la découverte des filières et des métiers.

Proposition n° 6 : Dès le collège, communiquer aux élèves et aux familles un récapitulatif des interlocuteurs compétents sur les questions dorientation (psyEN, enseignants, ressources ONISEP, CIO…), avec les modalités de prise de contact.

Proposition n° 7 : Faciliter laccès des chercheurs aux données brutes collectées par la plateforme Parcoursup.

Proposition n° 8 : Mieux informer les candidats inscrits sur Parcoursup en proposant des vidéos de témoignages danciens étudiants et en renseignant systématiquement le taux dinsertion professionnelle sur les fiches des formations.

Proposition n° 9 : Mettre en place un outil daide à lorientation fondé sur lanalyse des classements, afin de permettre aux candidats daccroître leurs chances daccéder à la formation de leur choix et de lutter contre lautocensure.

Proposition n° 10 : Anonymiser le lycée dorigine et lui substituer une mesure de lécart entre les résultats au baccalauréat et la notation au contrôle continu.

Proposition n° 11 : Prendre en compte les candidats en réorientation et en reprise détudes dans les analyses relatives à la performance de Parcoursup.

Proposition n° 12 : Mettre en place une enquête nationale permettant de mieux évaluer qualitativement les affectations via Parcoursup, en recueillant notamment les préférences relatives des candidats.

Proposition n° 13 : Créer des places supplémentaires en sections de techniciens supérieurs (STS), notamment par redéploiement de moyens résultant de la suppression des places vacantes dans les formations peu prisées.

Proposition n° 14 : Intégrer dans le dialogue de gestion Étatuniversités, sous le contrôle du recteur, une mesure de lefficacité des dispositifs daide à la réussite des étudiants.

 

 


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   INTRODUCTION

L’accès à l’enseignement supérieur cristallise les inquiétudes de nombreux lycéens et parents. En effet, les interrogations immédiates portant sur l’obtention de la formation souhaitée et l’organisation de la vie étudiante en cachent d’autres : celle de l’avenir des jeunes dans un monde incertain, celle d’un besoin croissant de spécialisation sans connaître les contraintes des métiers de demain, celle de se construire une opinion face à des préjugés parfois tenaces, celle enfin de devoir faire des choix importants sans disposer des clés, de la maturité, ni des informations suffisantes.

La loi n° 2018‑166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE), trop souvent réduite au fonctionnement de la plateforme d’affectation Parcoursup, a été mise en œuvre dans des conditions particulièrement difficiles : le mécontentement des candidats tirés au sort et une mise en demeure de la CNIL imposaient une évolution rapide du dispositif Admission post‑bac (APB).

En mettant à la disposition de tous les jeunes une information identique et détaillée quand, il y a quelques années, n’étaient informés que les lycéens en mesure de se renseigner sur place ou disposant de bons réseaux dans leur entourage, la plateforme Parcoursup constitue incontestablement un grand progrès.

Pour autant, l’ambition de la loi dite ORE, portée par son titre même, est beaucoup plus large tandis que la plateforme elle‑même peine à susciter la pleine adhésion notamment en raison d’une transparence incomplète des critères d’examen des vœux improprement appelés algorithmes.

Lors de sa réunion du 24 octobre 2018, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit à son programme de travail une évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur demandée par le groupe Socialistes et apparentés et sollicité, sur le fondement de l’article L. 132‑5 du code des juridictions financières, l’assistance de la Cour des comptes afin de disposer d’une analyse fine et robuste de données difficilement accessibles. Les rapporteurs, M. Régis Juanico (SOC) et Mme Nathalie Sarles (LaREM), ont été désignés par le Comité le 14 mars 2019.

Pour répondre à cette demande, la Cour des comptes a mobilisé d’importants moyens (expertises sur les données ministérielles, sondages…), que les équipes qui ont réalisé ce travail soient ici remerciées. Ses travaux ont été présentés au CEC le 27 février 2020 par Mme Sophie Moati, présidente de la 3ème chambre de la Cour des comptes. Il appartenait aux rapporteurs du CEC de faire leurs propres propositions, tel est l’objet du présent rapport.

Dans des conditions inhabituelles liées à la crise sanitaire, les rapporteurs ont entendu de très nombreux acteurs, observateurs et usagers qui ont dû faire face à un bouleversement de leurs conditions de travail au cours de ce printemps 2020.

Comme le deuxième semestre 2019-2020, la rentrée universitaire de 2020‑2021 s’annonce atypique et, au moment où les rapporteurs présentent leurs réflexions, elle suscite l’inquiétude des responsables des formations de l’enseignement supérieur tant les incertitudes sont nombreuses.

Tout d’abord, la prolongation de la crise sanitaire imposera probablement un protocole contraignant pour les cours en présentiel et donc une contraction de l’espace disponible dans les salles de travaux dirigés et les amphis et un recours accru à la visioconférence.

Par ailleurs, le flux des nouveaux entrants en première année sera probablement en forte croissance, du fait de la combinaison des éléments suivants :

– un nombre de néo‑bacheliers en augmentation du fait du taux exceptionnel de réussite au bac (96 % contre 88 % en 2019) soit un volume potentiel de 48 000 étudiants supplémentaires ;

– un phénomène compensé partiellement par un taux supérieur de réussite en fin de L1 qui reste à stabiliser car les rattrapages continuent de se dérouler mais qui réduira le nombre des redoublants ;

– une tendance à l’allongement des études du fait de la crise économique qui peut conduire plus de bacheliers, notamment de bacheliers professionnels, à s’inscrire dans l’enseignement supérieur.

Pour leur part, les universités anticipent 35 000 étudiants supplémentaires à la rentrée prochaine, ce qui n’est pas négligeable : à la rentrée 2019, les nouveaux entrants en première année dans les universités étaient 324 000, en légère baisse par rapport à septembre 2018 (- 0,5 %).

Parmi les réponses possibles face à cet afflux de nouveaux étudiants, un effort de créations de places supplémentaires paraît indispensable, notamment à l’université et dans les sections de techniciens supérieurs, et selon une approche diversifiée afin de répondre aux besoins des jeunes.

La contribution des personnes entendues a été très précieuse et a permis de nourrir la réflexion sur les trois volets de l’accès à l’enseignement supérieur : le processus d’orientation qui, malgré ses évolutions récentes, demeure le maillon faible du dispositif (I), le fonctionnement de la plateforme d’affectation (II), enfin, l’accompagnement des étudiants à leur arrivée dans l’enseignement supérieur (III).

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE :
LORIENTATION, LE MAILLON FAIBLE DE LACCÈS À LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Insuffisante prise en compte des aspirations des jeunes, information déficiente sur les débouchés professionnels des études, méconnaissance des outils et des lieux d’information disponibles, méconnaissance par les jeunes et par les professionnels de l’éducation du monde du travail, des métiers et des voies de formation à emprunter pour y postuler, insuffisance du nombre, de la formation et de la reconnaissance des personnels chargés de conseiller les jeunes, insuffisante coordination des acteurs de l’orientation : telles sont les faiblesses de notre système d’orientation récemment identifiées par les auteurs d’une étude pour le Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO) ([1]).

De son côté, la Cour des comptes fait état d’un nombre important d’inscrits sur Parcoursup au titre d’une réorientation : en 2019, plus de 30 % des candidats étaient non‑lycéens l’année précédente dont 17 % en réorientation, 10 % en reprise d’études et 3 % en année de transition – classes passerelles – ([2]). Elle évalue, en outre à près de 550 millions d’euros, le coût des réorientations des quelque 90 000 étudiants de 2018, pour la seule première année du supérieur.

Mais au-delà du nombre d’étudiants concernés et de leur coût, les réorientations témoignent d’une affectation acceptée par défaut, d’un renoncement à candidater, d’une insatisfaction quant au contenu des enseignements, de difficultés à suivre ou d’un changement de projet professionnel lorsqu’il existe ; autant de raisons qui, particulièrement si la réorientation nécessite de recommencer une première année d’études, sont vécues comme un échec ou, a minima, comme une perte de temps.

Or une récente étude indiquait que les changements dorientation sont plus souvent envisagés par les étudiants les moins accompagnés dans leurs choix ([3]). Mais, lorsqu’ils le sont, quels critères fondent leurs choix ? Leur aptitude à réussir ? Leurs goûts ? Les débouchés offerts par la filière proposée ?

Si l’organisation et les acteurs de l’orientation ont sensiblement évolué au cours des années récentes, la mise en œuvre et la coordination de ce dispositif d’accompagnement restent insuffisants (I), et l’orientation des élèves reflète toujours les inégalités qu’elles soient sociales, territoriales ou le fruit d’autocensures subies (II). Plusieurs évolutions paraissent donc nécessaires pour transformer l’orientation subie en orientation choisie (III).

I.   LACCOMPAGNEMENT À LORIENTATION : UNE ORGANISATION COMPLEXE, UNE MISE EN ŒUVRE LABORIEUSE

Certes les récentes réformes réorganisant tant les structures que l’intervention des acteurs, traduisent une incontestable prise de conscience de l’importance de l’accompagnement à l’orientation ; certes l’engagement d’acteurs de terrain permet l’organisation d’événements utiles aux élèves ; pour autant, la préparation à l’orientation n’a pas la place effective qu’elle devrait dans le cursus scolaire, son organisation manque de lisibilité et ses nombreux intervenants sont insuffisamment coordonnés et outillés pour répondre à cette mission fondatrice consacrée par l’article L. 313‑1 du code de l’éducation.

A.   DES ÉVOLUTIONS STRUCTURELLES QUI RENFORCENT LA PLACE DE LORIENTATION

La création, en 1970 et 1971, de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) puis du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) répondaient d’abord au besoin prioritaire d’adapter la formation des jeunes à l’emploi.

L’orientation a ensuite progressivement pris en compte la volonté des familles (lesquelles, à partir de 1968, ont intégré les structures scolaires), mais aussi des élèves. La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a, plus tard, inscrit la préparation à l’orientation dans le cadre d’un parcours – le parcours Avenir –, « de la sixième à la terminale » avec pour objectif de rendre les élèves acteurs dans la construction de leur projet d’orientation.

1.   En 2013, l’orientation inscrite dans un parcours structuré

Dans la continuité de la circulaire du 11 juillet 2008 instaurant un parcours de découverte des métiers et des formations ([4]), la loi de 2013 prévoit la construction progressive de l’orientation en suivant un parcours organisé tout au long des années de collège et de lycée.

Ainsi l’article L. 331‑7 du code de l’éducation relatif à la procédure d’orientation dans le second degré prévoit‑il que « Lorientation et les formations proposées aux élèves tiennent compte du développement de leurs aspirations et de leurs aptitudes et des perspectives professionnelles liées aux besoins prévisibles de la société, de léconomie et de laménagement du territoire. Elles favorisent la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les filières de formation.

« Afin délaborer son projet dorientation scolaire et professionnelle et déclairer ses choix dorientation, un parcours individuel dinformation, dorientation et de découverte du monde économique et professionnel est proposé à chaque élève, aux différentes étapes de sa scolarité du second degré.

« Il est défini, sous la responsabilité du chef détablissement et avec lélève, ses parents ou son responsable légal, par les conseillers dorientation-psychologues, les enseignants et les autres professionnels compétents. Les administrations concernées, les collectivités territoriales, les organisations professionnelles, les entreprises et les associations contribuent à la mise en œuvre de ce parcours. »

Un arrêté du 1er juillet 2015 précise les objectifs de ce parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique dénommé « parcours Avenir », son organisation et son référentiel :

Au lycée, il s’agit « daider les élèves à construire un parcours de formation et dorientation cohérent intégrant la préparation de laprès-bac, permettant ainsi aux élèves des trois voies de formation de réviser, daffiner et de conforter les choix détudes  y compris par la voie de lapprentissage  et les projets professionnels ».

Le parcours Avenir répond à trois objectifs : permettre à l’élève de découvrir le monde économique et professionnel ; développer son sens de l’engagement et de l’initiative ; lui permettre d’élaborer son projet d’orientation scolaire et professionnelle.

2.   En 2018, la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur et de l’accompagnement à l’orientation

Le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants constituait le volet législatif du plan Étudiants présenté par le Gouvernement en octobre 2017. Son exposé des motifs souligne la nécessité de rénover profondément la préparation à l’orientation des lycéens, en lui consacrant plus de temps et en développant les outils qui y sont consacrés. Ce texte s’appuie sur le rapport de M. Daniel Filâtre, recteur de l’académie de Versailles, intitulé « Réformer le premier cycle de lenseignement supérieur et améliorer la réussite des étudiants », synthèse d’une large concertation.

Ce rapport indiquait ainsi : « Limpréparation des jeunes lycéens à leur projet de poursuite détude et/ou dinsertion professionnelle est manifeste. Les activités de préparation à lorientation sont assez peu considérées, au profit dactivités denseignement ou daides personnalisées centrées sur les programmes disciplinaires. Par ailleurs, on constate des situations très variables entre académies et entre établissements scolaires. (…) À ces difficultés sajoute le caractère inéquitable des processus dinformation et dorientation. Dans un pays comme la France où lacquisition des diplômes dans la formation initiale est si importante, il est frappant de constater les nombreux facteurs dinégalité à lœuvre au moment où sopèrent les choix vers les filières de formation. Lorigine sociale, le lieu de résidence ou de scolarité, le sexe, le capital culturel familial, les orientations de létablissement scolaire, tout ceci joue un rôle majeur dans les choix des lycéens. Ces inégalités économiques, sociales et culturelles entre les élèves et les familles doivent donc être compensées dans laccompagnement vers linformation et lorientation. »

Dans le cadre du Plan étudiants sont donc prises deux principales mesures au titre de l’orientation : la désignation d’un second professeur principal, spécifiquement chargé de l’orientation et, dans la continuité du parcours Avenir, la consécration de deux semaines du temps scolaire pour construire ce projet :

– Depuis décembre 2017, un second professeur principal doit être nommé par les chefs d’établissement pour assurer un suivi plus individualisé des élèves et les guider dans l’élaboration de leur projet d’orientation, missions exercées en liaison avec les psychologues de l’éducation nationale et en concertation avec les familles. Ce deuxième professeur principal doit percevoir, comme le premier, la part modulable de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE). Les chefs d’établissement pourront également choisir de confier des missions de tutorat à des enseignants ou des conseillers principaux d’éducation (CPE).

– Les semaines de l’orientation : la première semaine de l’orientation permet d’aider les lycéens à préciser leur projet d’avenir, lors de la deuxième semaine, les lycéens sont accompagnés dans la formulation de leurs vœux d’orientation sur Parcoursup.

Dans son rapport pour le CEC, la Cour des comptes regrette que les 54 heures annuelles dédiées à l’orientation, dans le cadre de la réforme du lycée, ne soient plus inscrites dans la nouvelle grille horaire des enseignements obligatoires, contrairement aux heures d’accompagnement personnalisé (instaurées par la réforme de 2010 du lycée et destinées au travail sur les compétences de base, les travaux interdisciplinaires et la construction d’un parcours de formation et d’orientation). Cette organisation, regrette la Cour, revient à arbitrer entre l’orientation, les enseignements optionnels ou les dédoublements, avec le risque d’inégalités entre les établissements mobilisés autour de cette question et les autres, et « pourrait entraîner paradoxalement une régression par rapport à la situation préexistante dans la mesure où lheure dAP était inscrite dans la grille horaire et que chaque élève bénéficiait de deux heures par semaine au cours desquelles lorientation pouvait être évoquée ».

Dans les lycées professionnels, 265 heures sur trois ans, inscrites dans la grille horaire des élèves, sont dédiées à la « consolidation, laccompagnement personnalisé et la préparation à lorientation » ; mais ce créneau est parfois exclusivement utilisé pour le renforcement disciplinaire et cet accompagnement tarde à se concrétiser.

Si la loi dite « ORE » et le plan étudiant concernent les années « - 3 / + 3 », la problématique de l’orientation se pose dès la 3ème où les collégiens ont un besoin crucial d’informations sur les formations et les métiers auxquels donnent accès les voies générales, technologiques et professionnelles.

La mise en place à la rentrée 2019 d’un volume horaire annuel de 12 heures en 4ème et de 36 heures en 3ème, consacré à l’accompagnement à l’orientation souffre du même problème que le créneau de 54 heures au lycée, à savoir l’absence d’inscription dans la grille horaire obligatoire des élèves et le caractère indicatif. Or le choix des matières en fin de seconde générale puis en fin de première donne un rôle central à l’accompagnement à l’orientation.

Selon le rapport de la Cour des comptes, en 2018-2019, les semaines d’orientation ont été organisées de manière très inégale et le temps cumulé consacré à l’orientation a souvent été très inférieur à deux semaines. Ainsi, 36 % des élèves n’avaient pas bénéficié de l’intervention d’universitaires ou d’intervenants professionnels avant de procéder à leurs choix d’orientation.

On notera que le site ministériel « Eduscol » destiné à informer et accompagner les professionnels de l’éducation, précise que ces deux semaines se construisent en partenariat avec les établissements d’enseignement supérieur et les représentants de la région et doivent permettre de rencontrer des représentants d’établissements d’enseignement supérieur, d’échanger avec des acteurs du monde économique et social, d’interroger d’anciens élèves, de participer à un salon d’orientation, de s’informer et d’explorer les différentes sources d’information, de participer à des périodes d’immersion dans les formations, de se rendre aux journées portes ouvertes dans des établissements d’enseignement supérieur, de participer à des concours sur les métiers et à des semaines thématiques.

Les retours d’expérience et les réponses des élèves aux enquêtes récentes mettent en lumière un décalage substantiel entre la théorie et la pratique.

De même, si la désignation d’un second professeur principal en charge de l’orientation a été largement mise en œuvre, l’inégale implication des acteurs et l’organisation variable ont conduit près d’un tiers des élèves à ne pas bénéficier de conseils au moment de leurs choix d’orientation.

Après avoir relevé que les réformes relatives à l’orientation étaient toutes récentes et se mettaient progressivement en place, la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) a indiqué avoir diligenté, fin 2018, une première enquête qualitative de ses services d’inspection, sur la mise en œuvre des deux semaines d’orientation, laquelle a fait apparaître des résultats très inégaux tant en terme de pilotage académique que de mise en œuvre. Une deuxième enquête a été lancée en juillet 2019 auprès des académies pour évaluer l’organisation de ces semaines et identifier les bonnes pratiques. Une troisième devait être lancée en avril dernier, elle le sera à l’automne avec des données qualitatives et quantitatives.

La synthèse de la deuxième enquête, communiquée aux rapporteurs par la DGESCO, apporte quelques précisions sur la mise en œuvre des deux semaines de l’orientation en 2018-2019 : dans la plupart des académies, les actions ont été organisées en fonction des opportunités sans être forcément concentrées sur une semaine.

À titre d’exemple : dans le Gard, ce temps d’orientation a permis 700 immersions dans des formations supérieures d’élèves de terminale et les CIO ont proposé des séquences sur un projet motivé tandis que, dans les établissements de l’académie de Lille, 98 % des élèves de terminale générale et technologique et 95 % de terminale professionnelle ont bénéficié de ces deux semaines auxquelles 57 % des enseignants et 41 % des parents ont été associés. Dans l’académie de Versailles, des « speed-dating » ou « challenge hackathon » ont été organisés tandis que des établissements de l’académie de Créteil ont conçu des jeux autour de l’orientation, tels qu’un « escape game ».

Mais les académies relèvent des marges de progrès à réaliser en termes de cohérence, de progressivité et d’égalité de traitement d’un même niveau d’études ; la mise en place de ces semaines pouvant être très hétérogène entre les établissements. La concentration des actions sur deux semaines identifiées paraît, selon plusieurs académies, rendre difficile la mobilisation des partenaires, sur‑sollicités pendant ces périodes.

Pour sa part, la Cour constate de réels progrès : les élèves discutent davantage de leurs projets d’orientation avec leurs professeurs principaux dont l’avis est mieux pris en compte, mais regrette que la réforme se focalise sur la procédure d’affectation dans le supérieur lors de l’année de terminale où le besoin d’accompagnement des lycéens est particulièrement important car les dossiers des candidats doivent comporter un « projet de formation motivé » qui expose – en 1 500 caractères – la motivation de l’élève.

Autre réforme intervenue la même année que la loi « ORE », la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoit notamment un nouveau partage des compétences État/région en matière d’information sur l’orientation et crée les classes de troisième « prépa‑métiers », en remplacement des troisièmes dites « prépa-pro » et du dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), destinées à renforcer la découverte des métiers, notamment par des stages en milieu professionnel.

Ces réformes successives se sont donc efforcées de donner plus de place à l’accompagnement à l’orientation mais on relève un décalage entre les textes et la réalité ; en outre, alors que le nouveau dispositif peine à se mettre en place, la toute récente réforme du lycée suscite nombre d’interrogations.

3.   En 2019, la réforme des séries au lycée général

La proportion importante d’échecs dans le supérieur et celle d’orientations inappropriées ont conduit le ministère de l’éducation nationale à réformer le lycée ; en effet, le taux de réussite au baccalauréat général et technologique (environ 90 %) masque une autre réalité : 61 % des étudiants ne parviennent pas au terme des études dans lesquelles ils se sont engagés ([5]). En outre, le choix de série au lycée et le projet d’orientation des élèves ne sont pas toujours cohérents : 52 % des élèves du lycée général sont en série S alors que 40 % des bacheliers scientifiques ne veulent pas faire d’études scientifiques.

L’objectif de la réforme engagée en 2018 est donc notamment d’enrichir les enseignements avec de nouvelles matières et de mieux préparer les lycéens au supérieur. Dans cette perspective, elle met fin, dès la rentrée 2019, aux séries ES, L et S de la voie générale (elles sont maintenues dans la voie technologique) ; les lycéens vont donc suivre des enseignements communs, des enseignements de spécialité et des enseignements optionnels.

La nouvelle organisation des enseignements en première et terminale
du lycée général

• 16 heures seront dédiées aux enseignements communs (français – en 1e –, philosophie – en terminale –, histoire-géographie, enseignement moral et civique, deux langues vivantes, sport, sciences – intelligence artificielle, bioéthique, enjeux environnementaux –) ;

• 12 heures seront consacrées aux spécialités (trois en première et deux en terminale) choisies parmi les arts ; l’histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques ; les humanités, littérature et philosophie ; les langues ; les langues de l’Antiquité ; les mathématiques ; le numérique et l’informatique, la physique-chimie ; les sciences de la vie et de la Terre ; les sciences de l’ingénieur ; les sciences économiques et sociales et, dans les lycées agricoles, la biologie et l’écologie. Il sera donc, pour la première fois, demandé aux élèves d’éliminer une matière, ce qui nécessite que leur choix puisse, autant que faire se peut, être éclairé.

• 3 heures hebdomadaires seront consacrées à des enseignements optionnels (langues, arts, sport en première et mathématiques expertes ou complémentaires, droits et grands enjeux du monde contemporain en terminale).

La réforme du lycée, pourrait, selon la Cour, constituer une avancée significative, à la condition que ne soient pas recréées de nouvelles hiérarchies implicites parmi les spécialités proposées. Une charte qui permet de fixer des principes de non‑hiérarchisation entre les différentes spécialités a été conclue en janvier 2019 entre le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) et les principales conférences de l’enseignement supérieur. Cependant, cette dernière n’est pas contraignante et seule la transparence totale des critères de classement des candidatures pourrait permettre un choix de spécialités davantage lié au projet d’orientation qu’au prestige d’une discipline.

La Charte pour une orientation progressive et accompagnée
au service de la liberté de choix et de la réussite des lycéens

Les signataires ([6]) s’engagent notamment :

– à favoriser les échanges entre personnels de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur, avec l’investissement des acteurs de l’enseignement supérieur dans les dispositifs d’information et d’orientation des lycéens de terminale. Ces actions comprendront l’intervention directe des étudiants auprès des lycéens, et plus particulièrement des étudiants ambassadeurs identifiés via la plateforme Parcoursup (Art. 1) ;

– à promouvoir la diversité des parcours scolaires, le décloisonnement des disciplines et l’égale valeur des enseignements de spécialité et des filières d’enseignement (Art. 2) ;

– à informer les candidats que les attendus ne sont pas destinés à exiger un enseignement de spécialité ou un parcours scolaire pour pouvoir entrer dans une formation d’enseignement supérieur, ni à limiter des choix ou créer de véritables conditions d’entrée dans une formation de l’enseignement supérieur. En revanche, ils éclairent le lycéen quant aux éléments qui favorisent sa réussite dans la formation qu’il vise et l’accompagnent dans la construction d’un parcours cohérent au regard de son projet personnel et professionnel. À ce titre, ils peuvent énoncer un certain nombre d’enseignements qui, s’ils ont été suivis par le lycéen au cours de son parcours scolaire, favoriseront sa réussite dans la formation choisie (Art. 3) ;

– à informer les candidats des critères généraux d’examen des vœux en les explicitant dans les caractéristiques de chaque formation affichées sur la plateforme Parcoursup. Ces critères généraux éclairent ainsi le choix des candidats et l’appréciation portée par les professeurs et chefs d’établissement sur la Fiche Avenir (Art. 4) ;

– Les établissements d’enseignement supérieur mettent en place des dispositifs de réussite pour accompagner le parcours des lycéens motivés pour s’engager dans une voie de formation, même lorsque les études secondaires n’y conduisent pas particulièrement, et pour laquelle leur réussite ne pourra y être garantie que moyennant un soutien, notamment disciplinaire ou méthodologique (Art. 5) ;

– Les ministères chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur s’engagent à informer les présidents d’université et les directeurs d’établissement dispensant une formation d’enseignement supérieur, de la mise en place de la réforme du baccalauréat. Ils organisent des temps d’information et de formation associant les équipes de direction et les équipes pédagogiques et éducatives de l’enseignement secondaire et supérieur, pour faciliter l’information des lycéens et de leurs famille (Art. 6).

À cette charte est annexée une présentation des enseignements de spécialité.

Si la réforme permet la découverte de nouveaux enseignements, la réorganisation des séries semble avoir au moins deux conséquences immédiates sur l’orientation :

– elle impose, dès la seconde, une réflexion sur des choix plus larges de matières dont l’impact, réel ou supposé, sur leur avenir est génératrice de stress pour les lycéens et leur famille. Celui‑ci est renforcé par le manque d’informations sur l’impact de ces choix sur les critères retenus par les commissions d’examen des vœux et la crainte de se voir fermées certaines portes. Le fait de devoir abandonner une matière en terminale sans en connaître les conséquences est, en soi, très déstabilisant ;

– elle relativise la notion de classe et donc, possiblement, celle de professeur principal qui a un rôle clef dans l’orientation… or les familles et les lycéens ont plus que jamais besoin d’un référent bien identifié pour les aider à s’y retrouver dans le maquis de l’orientation.

Le nouveau baccalauréat

À partir de 2021, le bac évolue dans la continuité de la réforme des séries ; il reposera sur le contrôle continu, sur les épreuves terminales et sur l’épreuve anticipée écrite et orale de français de fin de première.

Les « règles du jeu » restent inchangées : le bac est obtenu à partir d’une moyenne générale de 10/20, il n’existe pas de note éliminatoire ou de note de plancher, le système actuel de compensation, les mentions et l’oral de rattrapage sont maintenus.

Les épreuves finales (60 % de la note)

-          Une épreuve anticipée écrite et orale de français se tient en fin de première ;

-          Quatre épreuves finales se tiennent en terminale : deux épreuves écrites sur les enseignements de spécialité (au retour des vacances de printemps), une épreuve écrite de philosophie et une épreuve orale de 20 minutes organisée autour de la présentation d’un projet préparé dès la classe de première (à la fin du mois de juin).

Le contrôle continu (40 % de la note)

Le contrôle continu repose sur des épreuves communes, organisées par les établissements, qui se tiennent aux 2ème et 3ème trimestres de l’année de première, puis au 3ème trimestre de l’année de terminale.

Les sujets de ces épreuves sont puisés dans une « banque nationale numérique de sujets » et corrigés par d’autres professeurs que ceux des élèves ; les copies sont anonymisées et les résultats harmonisés. Les bulletins scolaires sont pris en compte à hauteur de 10 % de la note finale.

La maîtrise des langues vivantes sera évaluée, à l’écrit, dans le cadre des épreuves communes ; un oral se tiendra en terminale.

Lors de son audition par les rapporteurs, M. Nabih Nejjar, directeur de lIUT de Roanne, a regretté que les réformes successives du secondaire – notamment celles des baccalauréats – mettent les établissements d’enseignement supérieur en situation de devoir s’adapter, alors que le continuum -3/+3 doit être construit selon une logique de continuité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il a également fait valoir que les épreuves finales du baccalauréat sont coûteuses et réduisent d’un mois la scolarité des lycéens alors qu’elles ne sont, par définition, pas prises en compte dans le dispositif Parcoursup.

Cet avis n’est pas partagé par les représentants des enseignants dont plusieurs ont regretté que le poids accru du contrôle continu rende l’obtention du bac plus opaque et ouvre la voie à des pressions parentales sur les enseignants.

Pour sa part, M. Alain Trouillet, vice‑président en charge de la formation de l’Université Jean Monnet de Saint‑Étienne, tout en se félicitant de l’enrichissement des matières, s’est inquiété des conséquences du nouveau bac sur le traitement des candidatures dans l’enseignement supérieur, notamment en raison d’une plus grande hétérogénéité prévisible des profils. Par ailleurs, il s’est ému de la pression pesant sur les élèves dès la seconde, dans la perspective de projets d’études forcément lointains.

Les représentants des enseignants ont, d’une part, émis la crainte que la réforme ne casse la nécessaire dynamique de classe et, d’autre part, indiqué manquer de repères quant à l’impact des choix de spécialités sur les attendus par les filières du supérieur dont ils attendent plus de précisions.

B.   UNE INTERVENTION NON COORDONNÉE DES ACTEURS

Les réformes d’organisation se sont accompagnées, sur la période récente, d’une évolution des conditions d’intervention des différents acteurs en particulier les régions. Au niveau des établissements scolaires, les chefs d’établissement font office de chefs d’orchestre, fonction inégalement assumée.

1.   Une organisation rénovée mais illisible

Quelque 8 000 structures sont dédiées à l’orientation scolaire et professionnelle. Se côtoient des réseaux rattachés à l’enseignement scolaire (ONISEP et centres d’information et d’orientation [CIO]), à l’enseignement supérieur (services universitaires ou interuniversitaires d’orientation et d’information) ou au ministère chargé de la jeunesse et un réseau d’associations régionales : les centres régionaux d’information jeunesse (CRIJ), et leurs centres et bureaux locaux ; autant de structures qui, relève le récent rapport d’inspection sur le sujet ([7]), n’assurent pas toujours une couverture homogène du territoire et s’adressent aux mêmes publics.

Cette organisation est le fruit de réformes stratifiées dont aucune n’est parvenue à créer un dispositif lisible, cohérent… et efficace.

Sur la période récente, la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle a institué un droit individuel pour toute personne à l’information, au conseil, à l’accompagnement en orientation, et un service public de l’orientation.

L’insuffisance de ce dispositif a conduit le Gouvernement, par une loi du 5 mars 2014 ([8]), à organiser un partage de compétences entre l’État et les régions, cantonnant néanmoins ces dernières à un rôle de coordination hors domaine scolaire.

Ainsi, à compter de 2015, les régions ont organisé le service public régional de l’orientation (SPRO) par la mise en réseau de l’ensemble des acteurs de l’orientation du territoire, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a transféré aux régions la compétence en matière d’information sur les métiers et les formations.

L’État définit la politique d’orientation en s’appuyant sur les centres d’information et d’orientation (CIO), les services d’orientation et d’insertion professionnelle des établissements d’enseignement supérieur (SCUIO‑IP) et l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP). Il prend les décisions d’orientation et d’affectation des élèves.

a.   Les nouvelles compétences des régions

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel charge la région d’organiser des actions d’information sur les métiers et les formations au niveau régional et au-delà ([9]).

L’article 18 de cette loi transfère aux régions « les missions exercées par les délégations régionales de lOffice national dinformation sur les enseignements et les professions en matière de diffusion de la documentation ainsi que délaboration des publications à portée régionale relatives à lorientation scolaire et professionnelle des élèves et des étudiants ».

Le décret du 21 mars 2019 relatif aux nouvelles compétences des régions en matière d’information sur les métiers et les formations précise la responsabilité confiée aux régions en terme d’organisation des actions d’information sur les métiers et les formations en direction des élèves, des étudiants et des apprentis, et modifie l’article D. 331‑26 du code de l’éducation en application duquel : « Conformément au cadre national de référence établi conjointement entre lÉtat et les régions pendant la scolarité en collège et en lycée, les régions organisent, en lien avec les services de lÉtat, des actions dinformation sur les métiers, les formations et sur la carte des formations qui y préparent. Dans le cadre de laccompagnement au choix de lorientation les psychologues de léducation nationale, les conseillers principaux déducation et les enseignants participent à la diffusion de cette information et à son appropriation par les élèves et leurs représentants légaux. »

Le cadre national de référence entre l’État et les régions, signé le 28 mai 2019 ([10]), articule les actions d’information des instances régionales avec les priorités définies par la région académique.

Au niveau local, chaque région devait, à la rentrée 2019, avoir signé une convention avec les rectorats pour définir les modalités de leurs interventions respectives.

Source : « Refonder l’orientation, un enjeu État-régions », MM. Charvet, Lugnier, Lacroix (IGEN‑IGAENR), juin 2019.

Le présent rapport n’a pas pour objet de revenir sur le maquis de l’organisation des structures nationales et locales dédiées à l’orientation, dont le rapport d’inspection précité a réalisé une analyse détaillée. Pour autant, l’existence de nombreuses structures ne peut que constituer un handicap pour l’accès des publics concernés à l’information.

Constatant que les conseils régionaux étaient devenus des acteurs clé de l’orientation, la Cour a insisté sur la nécessité de veiller à ce que leur intervention au sein des établissements s’articule bien avec celles des acteurs traditionnels compétents en matière d’orientation (activité de l’ONISEP non transférée aux régions, CIO, rectorats et personnels éducatifs), comme de veiller au maintien d’une information nationale auprès des élèves, afin d’écarter le risque que l’horizon des formations et de leurs débouchés se cantonne au strict cadre régional.

Cette préoccupation a également été formulée par plusieurs acteurs de l’orientation entendus par les rapporteurs qui se sont, en outre, inquiété du sort des personnels transférés et se sont émus de voir, dans certaines régions, apparaître des agences dévolues à l’orientation alors que le rôle des régions concerne l’information et non l’orientation elle-même.

Sollicitée pour participer à la table ronde sur l’orientation, l’association Régions de France n’a pas trouvé d’élus disponibles afin d’y faire entendre la voix des régions et ce, malgré l’organisation de ces échanges par visioconférence. C’est dommage tant les régions, par leur positionnement d’acteur du développement économique, peuvent contribuer à étoffer le parcours de découverte des métiers des lycéens. Leurs suggestions et retours d’expériences sur ce sujet auraient été précieux comme il aurait été utile de disposer d’informations concrètes sur la mise en œuvre de la réforme de 2018. Il semble, en effet, que les modalités d’intervention des régions dans le processus d’orientation peinent à être précisées et mises en place. Il est également dommage que le court questionnaire adressé à l’association Régions de France à la suite de cette défection soit resté sans réponse.

Selon les informations transmises par la DGESCO, les régions sont à un stade de mise en œuvre inégal : 3 conventions ont été signées et 9 autres, prévues ce printemps, doivent l’être prochainement. Au niveau ministériel, le recteur de région académique est responsable de l’orientation, tandis que le directeur de la région académique est l’interlocuteur des régions, ce qui assure une cohérence sur le territoire.

La DGESCO a indiqué que plusieurs régions ont créé des agences de l’orientation qui ont développé des plateformes web à destination de tous les publics sur l’offre de formation et les processus d’accompagnement pour tous les publics. Ces agences fonctionnent parfois avec des personnels de l’ONISEP.

Les conventions État-Régions précisent les missions et l’articulation de celles-ci entre les différents services, les outils d’information et les actions organisées avec des partenaires clairement identifiés. Elles sont le plus souvent signées par le président de la région concernée, le préfet de région, le recteur de région académique et l’ONISEP. Le but est de donner de la lisibilité aux familles et aux acteurs.

Les conventions transmises par les services de l’Éducation nationale, (Centre-Val de Loire, Normandie, Nouvelle-Aquitaine) font d’abord état d’objectifs partagés : ceux de veiller tout particulièrement à améliorer l’accompagnement et l’information de tous les publics, de lutter contre l’autocensure et contre les discriminations auprès des publics à profils particuliers, de prévenir le décrochage scolaire, de lutter contre les stéréotypes sexistes, de présenter dans leur diversité les mondes économique et professionnel ainsi que les voies et modalités de formations, de garantir la qualité de l’information et des prestations proposées (qualification et déontologie des intervenants, évaluations).

Les trois conventions examinées précisent les modalités d’exercice des compétences de la région, celles de l’État ainsi que les modalités de coordination de leurs actions. La convention de la région Normandie prévoit la création d’une agence régionale de l’orientation et des métiers, établissement public dont le conseil d’administration, instance de concertation et de coordination, réunit les représentants du rectorat et de la Région.

Un bilan annuel des actions mises en œuvre par l’agence sera présenté au comité technique de l’académie normande et au comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles.

Parmi les représentants des lycéens et des étudiants entendus par les rapporteurs, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) a souligné que laide à lorientation se devait dêtre de qualité équivalente sur tout le territoire – contrairement à ce qu’augure le recours au Programme d’Investissements d’Avenir pour des outils d’aide à l’orientation – et devait se poursuivre à l’université de façon à permettre des choix de masters éclairés. Des craintes analogues ont aussi été exprimées par l’Organisation internationale de la jeunesse (OIJ) quant aux compétences attribuées aux régions, dont les outils, ressources et situations économiques différentes sont de nature à créer des inégalités territoriales. Dans sa contribution adressée aux rapporteurs, le SNESup‑FSU redoute que le renforcement de la régionalisation des missions d’orientation soit source d’inégalité entre les régions mais aussi entre les familles.

b.   Les structures d’information : les centres d’information et d’orientation (CIO) et l’ONISEP

 Les centres d’information et d’orientation (CIO) dépendent du ministère de l’éducation nationale. Ils sont implantés sur l’ensemble du territoire. On en compte actuellement 476 dont 74 en Île‑de‑France, 50 en Nouvelle-Aquitaine, 48 en Auvergne-Rhône-Alpes, 42 dans la région Grand Est, 41 en Occitanie, 35 dans les Hauts-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 26 en Normandie, 23 en Bourgogne-Franche-Comté, en Bretagne et en Centre-Val de Loire, 20 dans les Pays de la Loire, 6 en Corse et 30 outre‑mer.

Chacun possède un fonds documentaire sur les enseignements et les professions, un service d’auto-documentation permettant à toute personne accueillie au CIO de consulter des documents à partir de ses intérêts et de son niveau scolaire. Outre leur directeur, ils sont composés de psychologues de l’éducation nationale et de personnels administratifs.

 L’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) est un établissement public national à caractère administratif régi par les articles L. 313‑6 et D. 313‑14 et suivants du code de l’éducation, sous la double tutelle des ministres chargés de l’éducation et de l’enseignement supérieur. L’ONISEP est constitué d’un service central implanté à Lognes et des 17 délégations régionales (DRONISEP) implantées dans chaque région académique, transférées aux régions. L’établissement est chargé d’élaborer et de diffuser la documentation relative à l’orientation scolaire et professionnelle, il participe également aux études et recherches destinées à faciliter l’orientation et améliorer la connaissance des activités professionnelles.

L’ONISEP a l’avantage d’être une référence ancienne à forte notoriété. Il gère un site principal consulté, en 2017, par près de 48 millions de visiteurs et les sites spécialisés (Cordées de la réussite, Flash métiers, Ma voie pro, etc.) par plus de 6 millions de visiteurs. En 2019, l’ONISEP a aussi diffusé 3,5 millions de guides et participé à l’organisation de 180 salons dédiés à l’orientation.

Entendue par les rapporteurs, Mme Frédérique Alexandre‑Bailly, directrice générale de l’ONISEP, a souligné le rôle important de l’établissement dans le processus Parcoursup ; c’est ainsi un service de l’ONISEP qui répond au numéro vert de la plateforme, lequel a reçu 51 000 appels la première semaine des résultats de mai dernier via le service « Mon orientation en ligne » et qui répond, par mail, tchat ou téléphone, aux interrogations des jeunes sur les parcours et l’orientation. L’ONISEP a mis en place une plateforme spécifique pour informer les élèves de terminale avant qu’ils ne s’inscrivent sur Parcoursup.

Outre l’information sur les métiers et leurs voies d’accès, l’ONISEP donne des informations sur les chances d’aimer une formation, sur les taux d’insertion et la possibilité plus ou moins élevée de trouver du travail après la formation.

S’agissant de la mise en œuvre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, Mme Alexandre‑Bailly a précisé que l’ONISEP accompagne les régions pour assurer une transition satisfaisante en ce qui concerne l’information sur les formations pour les collégiens et les lycéens et est déjà signataire ou va l’être de plusieurs déclinaisons régionales du cadre national de référence.

On ne peut que souscrire aux conclusions du rapport d’inspection ([11]) qui préconise un renforcement des liens entre l’ONISEP et les structures impliquées dans l’insertion professionnelle des jeunes, dont Pôle emploi, France Stratégie, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et les branches professionnelles.

Le réseau ONISEP doit structurer son action autour de ses différents canaux dinformation (base de données, plateforme www.monorientationenligne.fr, ONISEP TV, fiches métiers et formations, ouvrages) et multiplier les partenariats (régions, branches professionnelles, les grands acteurs digitaux privés) afin de déployer des services numériques d’orientation – applications, formations et tests en ligne, plateformes spécialisées –. Il doit aussi produire des ressources de formation – aujourd’hui quasi inexistante – des professeurs principaux.

2.   Une évolution récente des missions des différents intervenants au sein du système scolaire

Les auteurs du récent rapport du CNESCO ([12]) regrettent que les textes définissant les missions des différents personnels (chefs d’établissement, enseignants, documentalistes, conseillers d’orientation-psychologues de l’éducation nationale) soient « un empilement de tâches prescrites dont la coordination est laissée à la seule bonne volonté dacteurs qui ne disposent pas des mêmes moyens de formation et dinformation, travaillent dans des lieux différents et souvent éloignés, et pour lesquels il nest prévu aucune structure de rencontre ni de temps de travail commun ». Cette situation, poursuit‑il, « constitue probablement une des difficultés majeures de la mise en œuvre dun dispositif dorientation cohérent dans le système éducatif français ».

À l’origine, les conseillers d’orientation étaient les seuls personnels en charge de l’orientation. Dépendant de l’ONISEP, ils disposaient, comme c’est encore le cas, de ses informations et de celles du CEREQ.

À partir de 1975 et surtout de la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 dite loi Jospin, des missions d’orientation ont aussi été attribuées à différents personnels des collèges et des lycées, missions précisées par la loi dite « refondation » de 2013 avec la mise en place du « parcours Avenir ».

a.   Le rôle clef pas toujours assumé des chefs d’établissement

L’orientation relève des missions des chefs d’établissement à trois titres :

– ils supervisent l’organisation du travail dans l’établissement et donc s’assurent de l’accomplissement des tâches dévolues aux enseignants ;

– ils président (ou leur adjoint) les conseils de classe lesquels se prononcent sur l’orientation ; à ce titre, ils peuvent inviter des psy‑EN et arbitrent, après discussion avec les familles, les propositions faites à ce titre ;

– ils élaborent le projet d’établissement dans le cadre duquel est organisée l’orientation ; ils sollicitent les acteurs internes (documentalistes, CPE) et les interventions extérieures (chefs d’entreprises, représentants des différentes institutions en charge de l’insertion, etc.).

Les chefs d’établissement ont donc un rôle décisif dans la place qui est donnée à la préparation à l’orientation même si 40 % d’entre eux n’y ont jamais été formés.

Dans le cadre de ses récents travaux, le CNESCO a interrogé les chefs d’établissement sur la place de l’orientation dans les établissements, l’organisation interne et l’ouverture vers l’extérieur ([13]). Cette enquête fait apparaître plusieurs faiblesses du dispositif en vigueur :

 en terme dorganisation : alors que près des trois quarts des collèges avaient formalisé le parcours Avenir, un peu plus de la moitié des proviseurs de lycées indiquaient l’avoir fait et si l’accompagnement est plus important dans les lycées, les chefs d’établissement s’estiment très peu soutenus dans sa mise en place.

L’engagement financier paraît timide : 43 % des principaux de collège et 43,8 % des proviseurs de lycée déclaraient que leur établissement allouait des moyens financiers spécifiques à l’orientation. Ces données rejoignent le constat de la Cour des comptes selon laquelle, sur les 867 millions d’euros sur cinq ans du plan étudiant, aucun crédit n’a été dédié à l’orientation.

 en terme de mobilisation et de formation des acteurs : plus de 80 % des proviseurs de lycée estiment qu’il est « très facile » ou « plutôt facile » de mobiliser leur équipe autour de l’orientation et dans la très grande majorité des établissements, les deux professeurs principaux devant être désignés en terminale l’ont été ; les trois quarts de proviseurs indiquant ne l’avoir pas fait évoquent un manque de volontaires ou de personnes disponibles.

Dans la très grande majorité des établissements, les psy‑EN sont présents au moins une demi-journée par semaine et, dans 56 % des lycées, ils assistaient aux conseils de classe où sont proposées les décisions d’orientation et/ou où sont remplies les fiches avenir ; cette proportion masque une forte différence entre les lycées généraux et technologiques (63,1 %) et les lycées professionnels (48,9 %).

Toutefois, en dépit de leur mobilisation, plus de 40 % des principaux et proviseurs indiquaient n’avoir jamais été formés à l’orientation.

 en terme dactions : en 2017-2018, 80 % des proviseurs avaient reçu de la documentation destinée aux élèves ou aux parents de la part du service académique d’information et d’orientation mais seuls 40 % proposaient une documentation papier sur les bourses et aides à la mobilité.

Cette même année, 80 % des lycées avaient organisé une réunion d’information et 40 % un forum des métiers au sein de l’établissement et ces événements sont rarement préparés et « débriefés ».

Les activités proposées par les établissements en terminale étaient le plus souvent des rencontres avec les professionnels (55,5 %), des étudiants (54 % mais seulement 47 % dans les lycées professionnels), de l’aide à la recherche d’information (50 %) ou la participation à des événements extérieurs à l’établissement (conférence, réunion, forum des métiers).

Part des chefs d’établissement de lycée ayant déclaré avoir organisé une action en association AVEC un établissement d’enseignement supérieur

(en %)

Champ : France métropolitaine + DOM, secteur public, 975 principaux de collège (dont 770 non‑REP et 205 REP ou REP+), 434 proviseurs de lycée (dont 279 de lycée général et technologique et 155 de lycée professionnel).

Source : CNESCO, Enquête « Éducation à l’orientation », 2018.

 La découverte de lentreprise :

Au collège, la découverte du monde de l’entreprise se concrétise principalement par le stage de troisième et le sondage réalisé par la Cour des comptes auprès des lycéens témoigne de son impact fort dans leur choix d’orientation. D’après l’enquête du CREDOC pour le CNESCO ([14]), le stage de 3ème est le principal outil pour tester un choix d’orientation et près d’un jeune sur deux l’a utilisé à cette fin (44 % en moyenne et 50 % dans la voie professionnelle), loin devant les échanges avec des étudiants (21 %) ou avec des professionnels de son entourage (21 %). Toutefois, les collégiens peuvent avoir des difficultés à trouver un stage et plus de 97 % le trouvent par le réseau familial.

Part des chefs d’établissement ayant déclaré avoir organisé l’action conjointe suivante, en association avec une ou des entreprise(s)

(en %)

Champ : France métropolitaine + DOM, secteur public, 975 principaux de collège (dont 770 non‑REP et 205 REP ou REP+), 434 proviseurs de lycée (dont 279 de lycée général et technologique et 155 de lycée professionnel).

Source : CNESCO, Enquête « Éducation à l’orientation », 2018.

Le dispositif « Classe en entreprise » consiste à accueillir dans une entreprise une classe, le plus souvent de troisième ou de seconde. Pendant 3 jours, les élèves alternent les cours dans les locaux de l’entreprise et des séquences de découverte du milieu professionnel.

La Cour des comptes constate que 10 % des lycées ne prévoient pas de volet « orientation » dans leur projet d’établissement, que moins de la moitié des établissements a alloué un budget spécifique à l’orientation tandis que les rectorats ne vérifient pas systématiquement la mise en œuvre effective du volet orientation du projet d’établissement, ce qui constitue un défaut de surveillance manifeste.

Dans les lycées professionnels, le récent référé de la Cour des comptes ([15]) relève que l’accompagnement tarde à se mettre en place ; or il gagnerait à être appliqué dès la seconde afin que chaque élève de cette voie dispose d’un créneau spécifique pour travailler son projet d’avenir.

Lors des échanges des rapporteurs avec plusieurs universitaires, M. Nicolas Pistolesi a souligné qu’il est nécessaire de transmettre une information individualisée aux jeunes, en fonction du cursus, des résultats scolaires, des projets… plutôt que de faire des sessions collectives desquelles les lycéens ne retiennent pas grand-chose. En outre, les dispositifs mis en place dans les lycées sont trop hétérogènes. Quant à M. Vincent Ielhé, il a regretté que l’information nécessaire aux lycéens ne soit divulguée qu’en fin de cursus scolaire alors qu’elle devrait être appropriée plus tôt par les acteurs du secondaire.

Entendu par les rapporteurs, M. Philippe Vincent, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN), a relevé que beaucoup d’initiatives étaient prises et rencontraient un écho incontestable auprès des lycéens et des familles… sans que l’ensemble des contributions des différents partenaires ne soit mesuré et que des moyens ne soient clairement dédiés à cette fonction. Il a regretté l’écart entre les efforts déployés sur le terrain et la perception que l’on peut en avoir en terme d’efficience du système.

Les deux semaines, souvent déclinées en programme annuel, reposent sur un projet d’établissement – qui n’est pas au cœur des centres d’intérêt du conseil d’administration devant lequel il est présenté – tandis que les enseignants font de leur mieux sans que l’orientation soit leur « cœur de métier » et sans que soit précisé ce que l’on attend d’eux.

En l’état, les 54 heures consacrées à l’orientation, sans financement spécifique, ne sont pas clairement définies : s’agit‑il d’un volume précis mis à disposition des enseignants et des élèves ou d’une sorte de droit de tirage à l’échelle de l’établissement ? En outre, la participation des collectivités territoriales au dispositif n’est pas précisée, il est donc très difficile de distinguer ce qui relève des régions de ce qui relève des établissements ou des CIO. M. Philippe Vincent a donc conclu que les questions relatives à la répartition des compétences de chacun et aux moyens mis à disposition des établissements constituaient des préalables pour mettre en œuvre une politique d’orientation satisfaisante.

Les rapporteurs se sont rendus dans deux établissements de Roanne et de Saint‑Étienne pour y rencontrer les équipes pédagogiques :

 À la Cité scolaire Albert Thomas de Roanne, ils ont échangé avec Mme Corinne Benucci, proviseure de la Cité scolaire, et M. François Demange, proviseur adjoint en charge du lycée général et technologique.

Il leur a été indiqué que la mise en œuvre des deux semaines d’accompagnement à l’orientation était difficile car il était nécessaire de disposer de temps dévolu au soutien scolaire.

Toutefois, un bureau est attribué au psy‑EN qui effectue des présentations dans les classes et peut recevoir individuellement ceux qui le souhaitent.

Les élèves du lycée professionnel ont tendance à choisir des formations situées à proximité, en particulier les STS proposées par l’établissement.

La désignation d’un second professeur principal chargé de l’accompagnement à l’orientation est bien perçue comme le sont les initiatives telles la Nuit de l’orientation et l’action « Dans la peau dun étudiant roannais ». Menée depuis plusieurs années, cette activité permet à un lycéen de passer une journée ou une demi‑journée dans un établissement d’enseignement supérieur afin de découvrir la vie d’un étudiant. D’une façon générale, les rapporteurs ont pu mesurer l’engagement, la créativité des enseignants engagés dans l’accompagnement à l’orientation, lesquels s’efforcent de multiplier les initiatives pour améliorer l’information concrète de leurs élèves.

Au lycée général et technologique Simone Weil de Saint-Priest-en-Jarez, ils ont échangé avec M. Abdelmadjid Benabida, proviseur du lycée, et plusieurs professeurs.

Ils ont indiqué que si les 54 heures ne sont pas effectives dans l’emploi du temps en raison de la complexité de leur mise en place, de nombreuses actions étaient réalisées en cours d’année et un créneau d’une heure d’accompagnement personnalisé par classe de terminale est prévu dès l’année prochaine. Actuellement, la lourdeur des programmes rend difficile de dégager un créneau pour l’orientation ; de fait, les enseignants sont conduits à prévoir des heures en dehors de leur emploi du temps, pour conseiller et aider les élèves dans leurs choix.

L’accompagnement consiste en la participation à des manifestations extérieures (forums, portes ouvertes...) et des manifestations internes dans le cadre desquelles des représentants de plusieurs établissements du supérieur viennent présenter leur cursus. Des réunions avec les parents sont organisées notamment pour leur présenter le fonctionnement de la plateforme Parcoursup.

Les professeurs principaux ont rencontré des difficultés pour suivre leurs élèves de première répartis dans les différentes spécialités. Ils ont relevé que l’accompagnement est efficace lorsque le professeur connaît l’élève et le voit fréquemment.

L’inscription sur Parcoursup exige un suivi constant : les professeurs doivent s’assurer qu’aucun de leurs élèves ne manque des échéances. La confirmation de vœux au fil de l’eau et dans un délai contraint nécessite de conseiller chaque élève sur ses réponses, de veiller à ce qu’il confirme ses vœux, de gérer le stress des élèves en liste d’attente ainsi que la déception de ceux qui ne sont pas retenus dans la formation souhaitée.

La réforme des séries et l’inconnue sur ses conséquences en terme de critères d’accès aux établissements d’enseignement supérieur créent une inquiétude pour les professeurs principaux qui sont chargés de conseiller leurs élèves.

Sur la plateforme elle‑même, les enseignants se sont réjouis de l’abandon du classement des vœux et de la réactivité des services de Parcoursup mais ont regretté que leur interface de la plateforme soit différente de celle des élèves, ce qui crée des difficultés, d’autant que l’outil impose un accompagnement de l’inscription jusqu’aux résultats des vœux.

Les enseignants ont par ailleurs regretté que l’accès à l’enseignement supérieur reste très stéréotypé (le bon élève fera des études longues, l’élève moyen fera un DUT, un élève moins bon fera un BTS) alors que les parcours sont beaucoup plus diversifiés aujourd’hui.

Les enseignants sont, enfin, demandeurs de formation.

b.   Le rôle croissant des enseignants et professeurs principaux

Les professeurs principaux ont vu leur rôle renforcé dans le cadre de la réforme de l’accès à l’enseignement supérieur et du rôle accru du conseil de classe de terminale : selon les termes du décret n° 2018‑120 du 20 février 2018, les deux professeurs principaux nommés pour accompagner les élèves de terminale coordonnent la préparation du conseil de classe, rédigent l’avis formulé sur les fiches d’orientation après concertation en conseil de classe, portent une appréciation après concertation avec l’équipe pédagogique, sur les fiches Avenir, réunissent les éléments qui permettent aux conseils de classe de se prononcer sur les vœux de poursuite d’études des élèves afin d’éclairer le chef d’établissement appelé à émettre un avis sur chacun de ces vœux.

Avec les psychologues de l’éducation nationale, ils donnent notamment aux élèves des informations sur les attendus des formations de l’enseignement supérieur, sur le monde professionnel, en lien avec les actions organisées par les régions. Ils participent à des actions spécifiques annuelles, notamment les semaines de l’orientation et les périodes d’observation en milieu professionnel ou les périodes d’immersion dans l’enseignement supérieur. Au lycée professionnel, le professeur principal accompagne l’élève dans la construction de la suite de son parcours, que ce soit en vue d’une insertion professionnelle immédiate ou d’une poursuite d’études.

Le rôle des professeurs principaux a été précisé par une circulaire d’octobre 2018 ([16]) aux termes de laquelle ils sont désignés, avec leur accord, par le chef d’établissement en fonction de leurs qualités pédagogiques, de leurs aptitudes aux tâches d’organisation, au travail en équipe, au dialogue quel que soit leur interlocuteur. Pour les aider à exercer leur mission, la circulaire recommande fortement le suivi de formations adaptées tandis qu’une indemnité spécifique est versée au titre de la reconnaissance financière des fonctions de professeur principal.

Les nombreuses missions des professeurs principaux

selon la circulaire du 10 octobre 2018

Au titre de leur mission de coordination et de suivi, ils doivent faire le lien entre tous les personnels qui suivent l’élève : les professeurs, les CPE, les personnels sociaux et de santé, le psychologue de l’éducation nationale et l’équipe de direction. Ils sont également l’interlocuteur privilégié de la famille.

Ils exposent, lors du conseil de classe, les résultats obtenus par les élèves et présentent une synthèse des conseils formulés par l’équipe pour leur parcours de formation. Les professeurs principaux sont ensuite un référent pour les représentants des élèves de la classe et peuvent proposer des temps de dialogue individuel.

En seconde, les professeurs principaux exploitent, avec l’équipe pédagogique, les résultats obtenus aux tests de positionnement et repèrent ainsi avec leurs collègues, pour chaque élève, les besoins les plus urgents puis suivent la composition des groupes d’accompagnement personnalisé et leur évolution en cours d’année scolaire.

Au lycée général et technologique, en seconde, en lien avec le psychologue de l’éducation nationale et l’équipe pédagogique, ils guident les élèves dans leurs choix de séries, de spécialités et d’options ; en première, toujours en lien avec le psychologue de l’éducation nationale et avec l’aide de l’équipe pédagogique sur la base des résultats obtenus et du projet d’avenir de l’élève, ils guident les élèves dans leurs choix pour la terminale.

Au lycée professionnel, en liaison avec le directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques (DDFPT) et l’ensemble de l’équipe pédagogique, les professeurs principaux assurent la coordination pédagogique entre l’enseignement général et l’enseignement professionnel et avec les périodes de formation en milieu professionnel.

Les professeurs principaux suivent l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers et participent à l’élaboration de projets personnalisés ; ils organisent et animent la vie de leur classe, notamment l’élection des délégués et le dialogue avec ces derniers.

Au titre de laccompagnement à lorientation, les professeurs principaux coordonnent pour chacun de leurs élèves l’information et la préparation progressive du choix d’orientation avec le psychologue de l’éducation nationale, contribuent à la mise en œuvre et au suivi des actions d’information organisées par l’établissement, notamment en lien avec la région dans le cadre de ses nouvelles compétences en matière d’information sur les formations et les métiers.

Au lycée, les professeurs principaux contribuent, avec les psychologues de l’éducation nationale, à donner aux élèves une information sur l’enseignement supérieur, notamment sur les attendus des formations et sur le monde professionnel, en lien avec les actions organisées par les régions. Ils participent aux semaines de l’orientation, périodes d’observation en milieu professionnel ou d’immersion dans l’enseignement supérieur.

En seconde générale et technologique, ils accompagnent les élèves dans leurs choix de série ou de spécialité.

Au lycée professionnel, ils accompagnent les élèves dans la construction de la suite de leur parcours (insertion professionnelle ou poursuite d’études). En coordination avec l’équipe pédagogique et avec le psychologue de l’éducation nationale, ils aident leurs élèves à la formalisation de leurs compétences, connaissances et motivations.

Au titre de la mise en œuvre des procédures dorientation, daffectation et dadmission, les professeurs principaux explicitent aux élèves et à leur famille les procédures d’orientation, d’affectation au lycée et d’admission dans l’enseignement supérieur et les accompagnent tout au long de l’année scolaire.

Ils élaborent les synthèses nécessaires à la formulation des avis d’orientation rendus en conseil de classe et, lors du conseil de classe, exposent les résultats scolaires obtenus par les élèves, proposent une appréciation sur leurs capacités scolaires et formulent des conseils en fonction de leur projet d’orientation de l’élève.

En seconde générale et technologique, les professeurs principaux recueillent les demandes d’orientation des élèves et des familles et leur présentent les propositions d’orientation émises par le conseil de classe.

En terminale, les deux professeurs principaux coordonnent la préparation des conseils de classe dont le rôle est renforcé, accompagnent les élèves dans leurs demandes, concernant les attendus des formations de l’enseignement supérieur, rédigent l’avis formulé sur les fiches d’orientation après concertation lors du conseil de classe au premier trimestre ou semestre, portent une appréciation après concertation avec l’équipe pédagogique sur les fiches Avenir au second trimestre et pour les lycées professionnels au premier semestre. Enfin, ils réunissent les éléments permettant aux conseils de classe de se prononcer sur les vœux de poursuite d’études des élèves afin d’éclairer le chef d’établissement appelé à émettre un avis sur chacun de ces vœux.

Ainsi que le relevait le rapport scientifique du CNESCO ([17]), « lorganisation de lorientation paraît donc pour le moins paradoxale : les personnels explicitement formés à cette fin et supposés experts en la matière apparaissent de fait auxiliaires dans le processus dorientation tel quil est décrit par les textes officiels et présenté aux parents, tandis que les enseignants, qui ne reçoivent presque aucune formation spécifique en ce sens, sont les interlocuteurs privilégiés du processus dorientation et disposent dun pouvoir explicite dinfluence sur les décisions familiales ».

Les réponses des académies au questionnaire de la DGESCO sur l’accompagnement à l’orientation en 2018-2019 font apparaître que, si 19 des 31 académies interrogées ont indiqué ne pas avoir rencontré de difficultés pour nommer un second professeur principal en terminale, 8 d’entre elles ont fait part de difficultés pour les nominations de 2019-2020, 2 pour renouveler les volontariats et 7 ont enregistré des démissions en cours d’année.

Dans le contexte d’un rôle accru du conseil de classe qui nécessite un temps de préparation important pour les professeurs principaux et un investissement parfois considéré comme insuffisamment reconnu et valorisé, plusieurs académies ont souligné le besoin d’un meilleur accompagnement des professeurs principaux et d’une meilleure connaissance des élèves en dehors de leurs résultats scolaires.

Le sondage réalisé par la Cour des comptes auprès des professeurs principaux est aussi riche d’enseignements sur les progrès à réaliser :

– Sur la mise en œuvre de la réforme (second professeur principal et semaines dédiées à l’orientation), celui-ci souligne que, si la désignation d’un second professeur principal a été largement mise en place dans les lycées (83 % des professeurs principaux de terminale déclaraient être en binôme durant l’année 2018‑2019), les modalités de constitution du binôme, l’organisation de leur travail et leur implication ont été très différentes d’un établissement à l’autre, d’une classe à l’autre, voire d’un professeur à l’autre.

La mise en place d’un second professeur principal en terminale s’est parfois heurtée à la difficulté de recruter des volontaires, faute d’un vivier suffisant. Dans la moitié des classes, la nomination des professeurs a suivi une logique de complémentarité de disciplines afin d’apporter aux élèves une information plus large sur les débouchés mais elle a été faite sans logique apparente dans l’autre moitié des cas.

– Sur le contenu de l’accompagnement à l’orientation, il faisait apparaître que les deux tiers des professeurs principaux étaient insatisfaits des salons de l’orientation et du supérieur. Une des raisons résidait dans le manque de préparation de l’événement au sein du lycée et d’association de l’équipe éducative à ces manifestations. Ainsi, près de la moitié des professeurs principaux déclaraient ne pas avoir été associée à leur mise en place.

Toutefois, 76 % des élèves ayant bénéficié d’un accompagnement à l’orientation par leur professeur principal en étaient satisfaits et 86 % des professeurs principaux avaient aidé les élèves à rédiger leur projet de formation motivé pour chacun de leurs vœux. Enfin, près d’un tiers des élèves n’avaient pas bénéficié de conseils au moment de leurs choix d’orientation.

– Sur la formation des enseignants, 24 % des professeurs principaux de terminale estimaient encore que l’orientation ne faisait pas partie de leurs attributions et 85 % des professeurs principaux déclaraient n’avoir reçu aucune formation spécifique pour exercer leur mission d’orientation, qu’il s’agisse de formation initiale ou continue. Les nouvelles formations proposées, en majorité par les services du rectorat, ont essentiellement concerné la procédure d’affectation des élèves à travers l’accompagnement des professeurs principaux à l’utilisation de la plateforme Parcoursup. Seule la moitié des professeurs principaux de terminale étaient satisfaits de la formation reçue.

Toutefois, selon le sondage du CSA pour la Cour des comptes, l’accompagnement par le professeur principal se développe : 69 % des inscrits sur Parcoursup 2019 ont bénéficié d’un accompagnement spécifique dont la moitié avec un professeur principal, l’autre moitié avec deux, ils étaient 41 % en 2017. Cet accompagnement est plébiscité : 76 % des inscrits en 2019 en ont été satisfaits ou très satisfaits, ils étaient 71 % en 2017.

Selon cette même enquête, les conseils des professeurs principaux pour le choix et la validation des vœux sont de plus en plus suivis (33 % en 2017 et 43 % en 2019) ; toutefois, en 2019, 28 % disent ne pas avoir reçu de tels conseils.

Entendus par les rapporteurs, les représentants des lycéens, des étudiants et des parents ont tous constaté une application inégale du temps dédié à l’orientation, l’horaire prévu en seconde et en première étant souvent consacré à de l’accompagnement personnel ou au rattrapage du programme.

Or, ont insisté plusieurs d’entre eux, le choix de spécialités en première, plus ouvert et encore peu renseigné en terme de contenu et de conséquences sur l’accès au supérieur, exigerait un accompagnement plus précoce, d’autant que la préparation à l’orientation est censée être au cœur de cette réforme des séries.

Plusieurs représentants des lycéens et des étudiants ont émis des réserves sur le choix des professeurs principaux comme référents alors que des personnels spécifiquement formés, les psy‑EN, ne sont pas en situation d’exercer cette fonction.

Pour l’Union nationale lycéenne (UNL), les professeurs principaux chargés de l’orientation n’en sont pas moins des professeurs avec lesquels il existe une relation hiérarchique, et il est difficile de faire abstraction de la relation existant dans le cadre de leurs enseignements... laquelle peut être mauvaise. L’UNL souhaite donc que le conseil en orientation soit émis par une instance neutre. L’UNEF a aussi plaidé pour un service public de l’orientation privilégiant le recours aux psy‑EN, sans le déléguer aux régions et aux professeurs principaux, qui n’ont pas bénéficié d’une formation adaptée. L’aide à l’orientation doit également être de qualité équivalente sur tout le territoire et doit se poursuivre à l’université de façon à permettre des choix de master éclairés.

De leur côté, les organisations de parents d’élèves ont fait valoir des points de vue différents.

Défendant l’idée de donner tôt aux jeunes les outils pour mieux se connaître et prendre leur avenir en main, l’Association de parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL) plaide pour un renforcement de l’accompagnement des lycéens en lien avec le monde professionnel et l’enseignement supérieur.

C’est aussi le point de vue de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP) qui souhaite que les informations arrivent de manière plus systémique et organisée auprès des élèves et que soient utilisés d’autres procédés de transmission telles des vidéos faites par les professionnels, des informations transmises par les cabinets de ressources humaines… l’objectif étant que les élèves puissent avoir un métier qui leur plaise et leur permette de vivre ; or le lien entre le monde de l’enseignement et celui du travail est insuffisant. Le retour d’expérience est plus important pour faire un choix que l’aide par des psy‑EN ou des professeurs principaux. Pour réduire les inégalités, la représentante de la PEEP a suggéré la constitution de groupes spécialisés qui interviendraient de la même manière dans toute l’académie.

La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) souhaite, pour sa part, ne pas limiter la mission d’orientation aux professeurs principaux, d’autres personnels pourraient ainsi suivre un groupe d’élèves pour les accompagner de la troisième jusqu’à leur accès à l’enseignement supérieur.

Devant les rapporteurs, Mme Agnès van Zanten a regretté que bien souvent, l’intervention des enseignants consiste à conseiller les élèves en fonction de leur niveau, sans leur faire découvrir réellement l’environnement de l’enseignement supérieur et les différentes possibilités qui s’offrent à eux.

Les représentants syndicaux des enseignants ont, quant à eux, souligné le nombre et la difficulté des tâches confiées aux professeurs principaux, conduisant à leur recrutement difficile dans un certain nombre d’établissements, a fortiori en terminale où deux professeurs principaux doivent être nommés dans chaque classe.

Si l’accompagnement à l’orientation par le professeur principal a l’avantage de donner aux élèves l’occasion de rencontrer fréquemment leur professeur principal, les représentants des enseignants ont souligné la lassitude voire l’épuisement de nombre d’entre eux face à l’empilement des tâches figurant dans la circulaire de 2018 citée plus haut dont les priorités ne sont pas définies ; ils ont aussi regretté l’isolement de ces enseignants, dont l’orientation n’est pas le métier et qui souffrent de ne pas pouvoir travailler en équipe en particulier avec les psychologues, en nombre insuffisant. Ils souhaiteraient en particulier pouvoir échanger avec leurs collègues et les psy‑EN en dehors du conseil de classe.

La DGESCO a fait état aux rapporteurs d’une réflexion en cours consistant à remplacer les professeurs principaux de première et de terminale, par des professeurs référents d’élèves (PRE) chargés de suivre un groupe d’une douzaine d’élèves sur ces deux années (soit environ un tiers des élèves d’une classe), la fixation du nombre plus précis étant laissée à l’appréciation du chef d’établissement. Cette configuration permettrait un suivi personnalisé des élèves sous la forme d’entretiens individualisés, parfois avec la famille, de rencontres collectives du groupe d’élèves dans le cadre des heures de vie de groupe.

La mise en place de PRE reposerait sur le volontariat des établissements qui pourraient choisir de faire coexister professeurs principaux et PRE, lesquels ne prendraient pas en charge les lourdes missions administratives dont les professeurs principaux resteraient responsables (transmissions d’informations aux élèves et aux familles, préparation des conseils de classe, animation de la vie de classe).

Une telle évolution implique plusieurs conséquences :

– la coexistence a priori des deux missions ne permet pas de rester à coûts constants en termes d’enveloppe indemnitaire ;

– la modification de l’article R. 421‑51 du code de l’éducation, du décret instituant l’ISOE et la publication d’une circulaire qui distinguerait clairement les missions confiées au professeur principal et celles confiées au professeur référent.

Ce projet pourrait faire l’objet d’une expérimentation pédagogique de 5 ans maximum.

L’objectif du ministère est de présenter fin 2020 aux instances concernées les textes relatifs à cette réforme pour une mise en œuvre à la rentrée 2021.

c.   Les psychologues de l’éducation nationale : une profession réformée, une place à consolider

Le rapport précité du CNESCO met en évidence le saisissant paradoxe des missions des psychologues de l’éducation nationale (psy‑EN), qui, avant la réforme de 1995, constituaient le corps des conseillers d’orientation puis les conseillers d’orientation psychologues jusqu’en 2017.

Dans le cadre de la modernisation des métiers de l’éducation nationale, un nouveau corps unique de psychologues de l’éducation nationale (psy‑EN) a en effet été créé à la rentrée 2017. Offrant deux spécialités, il rassemble les métiers de psychologue scolaire dans le premier degré et de conseiller d’orientation-psychologue et directeur de centre d’information et d’orientation dans le second degré.

« Désormais réservé aux étudiants ayant suivi une formation universitaire en psychologie, le concours des […] psychologues de lÉducation nationale (psyEN) comprend une dimension psychologique dominante […] et paradoxalement assez peu dexigences en matière de connaissance du marché de lemploi. »

Le décret n° 2017‑120 du 1er février 2017 portant dispositions statutaires relatives aux psychologues de l’éducation nationale précise leur positionnement : ils contribuent, par leur expertise, à la réussite scolaire de tous les élèves, à la lutte contre les effets des inégalités sociales et à laccès des jeunes à une qualification en vue de leur insertion professionnelle. Ils mobilisent leurs compétences professionnelles au service des enfants et des adolescents pour leur développement psychologique, cognitif et social. Auprès des équipes éducatives, dans lensemble des cycles denseignement, ils participent à lélaboration des dispositifs de prévention, dinclusion, daide et de remédiation. Ils interviennent notamment auprès des élèves en difficulté, des élèves en situation de handicap, des élèves en risque de décrochage ou des élèves présentant des signes de souffrance psychique. Ils concourent à linstauration dun climat scolaire bienveillant et, lorsque les circonstances lexigent, participent aux initiatives prises par lautorité académique dans le cadre de la gestion des situations de crise (art. 3).

Les psychologues de l’éducation nationale ont des missions spécifiques attachées à leur spécialité : « éducation, développement et apprentissages » ou « éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle ».

Ces derniers :

– contribuent à créer les conditions d’un équilibre psychologique des adolescents favorisant leur investissement scolaire, les conseillent dans l’élaboration de leurs projets scolaires, universitaires et professionnels,

– contribuent à la conception du volet orientation des projets d’établissement ainsi qu’à la réflexion et à l’analyse des effets des procédures d’orientation et d’affectation,

– participent aux actions de lutte contre le décrochage et au premier accueil de toute personne en recherche de solutions pour son orientation.

Les nombreuses missions des psychologues de l’éducation nationale sont précisées par une circulaire du 28 avril 2017.

Les nombreuses missions des psychologues de léducation nationale

spécialisés dans le conseil en orientation ([18])

– Ils réalisent des entretiens approfondis afin de favoriser le développement psychologique et social des adolescents, la construction d’un rapport positif aux apprentissages et une projection ambitieuse dans l’avenir ;

– Ils permettent aux jeunes, grâce à des méthodes et des outils spécifiques, de réaliser un travail sur leurs représentations des formations et des activités professionnelles, une exploration des centres d’intérêt, une prise de conscience des enjeux de l’orientation et de l’affectation ;

– Ils encouragent la mobilisation scolaire et participent au suivi des élèves rencontrant des difficultés et à besoins éducatifs particuliers ;

– Ils participent à la vie des établissements et travaillent en collaboration avec les enseignants pour sensibiliser les élèves, les étudiants et les familles aux enjeux de l’orientation, à la connaissance des milieux professionnels, des diplômes et des parcours de formation ;

– Ils contribuent sous la responsabilité du directeur de CIO à l’élaboration du projet de centre avec l’équipe et participent aux actions définies dans ce cadre ;

– Ils participent aux initiatives visant à rendre accessibles aux jeunes les dispositifs d’aide à l’orientation et d’affectation ;

– Ils contribuent aux actions de prévention, d’intervention et de remédiation du décrochage et des ruptures scolaires ;

– Ils conseillent le chef d’établissement pour l’élaboration du programme d’orientation du projet d’établissement et contribuent à l’analyse des situations éducatives et des parcours et à la mise en œuvre de dispositifs adaptés ;

– Ils contribuent à l’information et à la formation des personnels de l’éducation nationale sur les processus psychologiques et sociaux d’élaboration des projets d’avenir à l’adolescence, sur les facteurs qui les influencent et qui peuvent en réduire les ambitions et sur les procédures d’orientation et d’affectation, ainsi que sur la connaissance des métiers et des formations ;

– Ils facilitent les liaisons collèges-lycées et lycées-établissements d’enseignement supérieur ;

– Ils contribuent au service public régional de l’orientation (SPRO), en particulier en ce qui concerne l’accompagnement des jeunes sortant du système éducatif sans qualification dans le cadre du droit au retour en formation ;

– Ils mobilisent, dans le cadre de l’activité des délégations régionales de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (DRONISEP) et des services académiques d’information et d’orientation (SAIO), leurs compétences de psychologues, leurs connaissances du système éducatif et des métiers, au service de l’élaboration d’études, d’analyses et de documents adaptés aux besoins des élèves et des étudiants.

Certains psychologues de l’éducation nationale dirigent un centre d’information et d’orientation ; ils arrêtent le projet d’activités en concertation avec les chefs d’établissement et en assurent la direction et la mise en œuvre ; veillent à la cohérence des actions conduites en matière d’information, d’orientation, de conseil et d’accompagnement des parcours, au centre d’information et d’orientation et dans les établissements, et en analysent les résultats. Ils contribuent enfin aux partenariats locaux en termes d’expertise et d’animation des réseaux.

Pour autant, le rapport du CNESCO concluait : « Lessentiel du suivi de lorientation a ainsi été progressivement confié aux enseignants et aux chefs détablissement sans jamais chercher à organiser une collaboration avec les PsyEN, pourtant seuls experts en la matière ».

De son côté, la Cour des comptes constate que le faible nombre des psy‑EN (environ 1 pour 1 500 élèves) ne leur permet pas un suivi de chaque élève dans la construction de son projet alors qu’ils gagneraient à collaborer plus régulièrement avec les équipes éducatives (professeurs et proviseurs).

On notera que le faible nombre de psy‑EN est à mettre en regard de leurs nombreuses missions d’accompagnement des équipes pédagogiques, notamment des professeurs principaux : la circulaire du 10 octobre 2018 sur le rôle des professeurs principaux dans les collèges et les lycées les cite à pas moins de dix reprises au titre de leur collaboration avec ces derniers… lesquels sont présents dans toutes les classes, ce qui témoigne d’une volonté ministérielle de les voir intervenir, aux côtés des équipes pédagogiques, dans l’accompagnement des élèves.

Pour autant, malgré les multiples interventions dont la circulaire précitée les charge, le rôle des psy‑EN et leur positionnement au titre de l’accompagnement à l’orientation manquent incontestablement de clarté, ce qui a sans doute un impact sur le jugement que portent les lycéens sur leur prestation : selon le sondage réalisé à la demande de la Cour, 61 % des élèves de terminale qui ont été accompagnés par un psy‑EN en 2018 se disent insatisfaits de leur intervention. Au‑delà de leurs effectifs, il y a donc incontestablement des missions à redéfinir en fonction des besoins des lycéens au titre de l’accompagnement à l’orientation.

Pour Mme Sylvie Amici, présidente de l’Association des psychologues et de psychologie dans l’éducation nationale (APsyEN), la question de la valeur ajoutée des psy‑EN posée par la Cour doit s’apprécier sur plusieurs années car ils interviennent tant dans les lycées que dans les établissements supérieurs et les universités. Elle a déploré l’enchaînement des réformes et le flux continu d’informations relatives à l’orientation. Les centres d’information et d’orientation (CIO) permettent de réfléchir, en équipe, aux questions d’orientation, de prendre du recul par rapport aux différentes politiques menées par les établissements et d’avoir une vision à l’échelle du territoire.

Dans la cadre de l’audition des représentants des enseignants, Mme Géraldine Duriez, secrétaire nationale du groupe psy‑EN du SNES‑FSU, a regretté que les dernières réformes de l’enseignement supérieur et des lycées tendent à écarter les psy‑EN de leur mission d’accompagnement. Ils ont ainsi vocation à aider les lycéens à se projeter dans l’avenir, à construire un projet ; leur positionnement doit permettre une prise de distance avec la scolarité et un travail sur le développement psychologique des jeunes. Les recrutements, a‑t‑elle ajouté, ne comblent pas les départs en retraite.

Plusieurs représentants de lycéens et de parents ont défendu la plus‑value des psy‑EN.

L’UNL a ainsi regretté que les psy‑EN, qui ont perdu leur titre de conseillers d’orientation, soient peu présents dans les lycées car peu nombreux, que leur mission ne soit pas précisée, qu’ils aient de moins en moins de poids dans le conseil en orientation tandis que les professeurs principaux, s’ils sont fréquemment en contact avec les élèves, ne sont pas formés à cette mission.

Après avoir rappelé qu’Internet était la première source d’information pour près d’un tiers des lycéens, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) s’est émue du faible recours aux psy‑EN et a insisté sur la nécessité de déconstruire certains préjugés sur les filières de l’enseignement supérieur, notamment ceux liés aux questions de genre.

L’UNEF a aussi plaidé pour un service public de l’orientation via les psy‑EN, sans le déléguer aux régions et aux professeurs principaux, qui n’ont pas bénéficié d’une formation adaptée.

La FCPE a, pour sa part, déploré le manque de psychologues scolaires qui ne permet pas un suivi régulier des jeunes qui le souhaiteraient et pointé les conséquences de la crise sanitaire qui a mis à mal l’accompagnement des élèves.

Pour remédier au défaut d’accompagnement à l’orientation frappant particulièrement les jeunes de lycées défavorisés, Mme Agnès van Zanten plaidait, en 2018 ([19]), pour une augmentation du nombre de psy-EN, très peu nombreux en France alors qu’ils sont deux ou trois conseillers d’orientation par établissement aux États‑Unis. Devant les rapporteurs, elle a souligné l’intérêt d’un corps d’agents publics de l’orientation, vers lesquels on doit pouvoir renvoyer les jeunes qui désirent s’orienter.

Pour organiser l’accompagnement à l’orientation au plus près des établissements, les auteurs du rapport d’inspection « Refonder lorientation - Un enjeu État-régions » plaident, pour leur part, pour un redéploiement des personnels des CIO, en petites équipes, dans des lycées « têtes de réseau » ; les psy‑EN étant affectés dans les antennes du CIO départemental implantées dans les « BiblIO-Lab » ([20]) des établissements « têtes de réseau », placés sous l’autorité fonctionnelle du chef d’établissement « tête de réseau » et sous l’autorité hiérarchique du recteur et du directeur de CIO.

d.   L’influence du numérique et celle, critiquée, des acteurs privés et associatifs

D’après la récente enquête du CREDOC ([21]), 69 % des jeunes ont consulté une ressource en ligne : 39 % ont consulté un moteur de recherche, 33 % les sites web de l’ONISEP (40 % des 18‑21 ans), 26 % le site de l’Étudiant. L’application Folios du ministère de l’éducation nationale pour permettre aux élèves d’accéder à des ressources sur l’orientation, est connue de 14 % des jeunes. Par ailleurs, 18 % des jeunes déclarent avoir eu recours à un coach en orientation dont 7 % ont rencontré un coach payant et 11 % un coach gratuit ; cette pratique concerne d’avantage les jeunes de milieux favorisés puisque c’est le cas de 12 % des enfants d’employés, contre 22 % des enfants de cadres.

Plusieurs observateurs et acteurs de l’orientation se sont émus de la part croissante des acteurs privés dans l’accompagnement à l’orientation, en particulier dans le cadre d’un recours accru au numérique et aux services rémunérés de « coachs ».

Devant les rapporteurs, Mme van Zanten a souligné que les inégalités entre les lycéens étaient fortement creusées par le numérique (les mots clés utilisés par les lycéens lors de leurs recherches sur l’orientation diffèrent ainsi fortement selon les profils). Elle a aussi regretté que les déficits pointés par la Cour en matière d’orientation fassent le bonheur du marché de l’orientation qui s’est fortement développé ces dernières années. Elle a ainsi relevé que trop souvent, l’orientation dans les lycées défavorisés consiste à envoyer les élèves vers un salon, où 80 à 90 % des exposants sont des établissements privés, de qualité inégale et qui cherchent à attirer des étudiants désorientés, lesquels sont souvent issus des classes moyennes et modestes. L’espace de l’orientation est investi par des associations qui proposent des outils d’évaluation des chances ou du coaching et dont on ne connaît pas vraiment les motivations, ainsi que par des agents privés dont le contrôle est difficile. Cette multiplication des intervenants, déplore‑t‑elle, brouille l’offre et capte les publics les plus fragiles pour des services dont la qualité n’est pas garantie.

Dans le même esprit, M. Jules Donzelot a regretté qu’en France, l’État se défausse sur les associations pour mener la politique d’orientation : les informations relatives à l’orientation sont peu claires et préemptées par de nombreux acteurs sans réelle cohérence et qui sont en réalité en compétition.

Lors de son audition, la représentante de la PEEP a regretté, de son côté, que l’action du ministère manque de cadre et soit souvent sous-traitée, par exemple à des associations.

Pour les auteurs du récent rapport d’inspection consacré à l’orientation ([22]), « les sites internet, publics mais aussi privés, sont en passe de supplanter les interlocuteurs scolaires traditionnels, voire lentourage proche des jeunes ».

Cette évolution met en évidence que les lycéens ont un fort besoin d’accompagnement – a fortiori dans un contexte d’offre pléthorique de formations – et qu’ils ne trouvent pas toutes les informations dont ils ont besoin dans le cadre scolaire.

Dans son rapport, la Cour des comptes relève que le MESRI a accordé son label et une subvention de 1,8 million d’euros par an à une seule structure de droit privé, l’association Article 1 qui a mis au point le projet « Inspire », dispositif qui s’appuie sur « un algorithme dorientation postbac » et œuvre, selon son site internet, « pour légalité des chances et accompagner plus de 12 000 jeunes de lorientation à linsertion professionnelle ».

Le ministère a également accordé un accès aux données à cette association par l’entremise de sa société par action simplifiée Frateli Lab. Ce projet est le seul ayant eu l’opportunité de disposer des données de la plateforme dans un objectif d’innovation et non pas de production de connaissances.

Toujours selon la Cour, le MESRI, malgré la convention signée en février 2018 avec cette association, n’a pas assuré un suivi adéquat de l’emploi des moyens et de la mise en œuvre des objectifs, et a commandé un rapport à l’inspection générale de l’enseignement supérieur un an après. Elle remarque aussi que les composantes de l’algorithme du projet Inspire n’ont pas été publiées. Alors même que cet algorithme a été financé sur des deniers publics, il ne peut pas faire l’objet d’une contre‑expertise. Le ministère indique que le principe d’une telle publication est inscrit dans la nouvelle convention en cours de discussion avec l’association Article 1. La Cour indique enfin qu’elle sera attentive à la publication de cet algorithme, ainsi qu’aux mesures qui seront mises en œuvre pour remédier aux dysfonctionnements constatés par l’inspection générale dans son rapport.

Les rapporteurs regrettent que, malgré leurs nombreuses demandes au ministère, le rapport de lInspection générale auquel fait référence la Cour des comptes ne leur ait pas été communiqué.

Les représentants du ministère de l’enseignement supérieur ont, pour leur part, rappelé que, dans le cadre de l’action « Territoires d’innovation pédagogique » s’inscrivant dans le programme d’investissements d’avenir (PIA), l’État a lancé des appels à projets pour créer des solutions numériques innovantes pour accompagner leurs choix d’orientation. Une ancienne rectrice a été recrutée au sein de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle pour suivre toutes ces actions sur le terrain.

Les territoires dinnovation pédagogique

Dotée d’une enveloppe de 250 millions d’euros, l’action « Territoires d’innovation pédagogique » (TIP) finance des outils innovants qui, s’ils sont jugés satisfaisants, ont vocation à être déployés plus largement. Ces projets concernent l’orientation vers les études supérieures, la formation des enseignants, la dynamisation de la recherche en faveur de l’éducation et la constitution de campus des métiers et des qualifications.

Dans ce cadre, plusieurs appels à projets concernent l’aide à l’orientation :

 L’appel à projets « Dispositifs territoriaux pour l’orientation vers les études supérieures » vise à mettre à la disposition des jeunes tous les éléments d’information nécessaires sur les formations, les attendus et les débouchés professionnels. Doté de 70 millions d’euros dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir, il a retenu 8 projets portés par les universités de différentes régions.

 L’appel à projets « MOOC et solutions numériques pour l’orientation vers les études supérieures » vise à soutenir des partenariats entre les entreprises du numérique et les acteurs éducatifs pour améliorer l’information et les outils destinés aux élèves. Doté de 10 millions d’euros, cet appel à projets a retenu 12 lauréats. L’ONISEP est partie prenante à plusieurs d’entre eux :

-          Le projet Graine davenir, porté par l’entreprise Didask, dans le cadre d’un consortium intégrant l’ONISEP et l’Étudiant dont l’objet est de créer des modules pédagogiques interactifs de mise en situation permettant d’assimiler autrement les informations-clés sur les métiers et les formations et d’en déconstruire les principaux stéréotypes ;

-          Le projet Moocfolio, porté par Fun Mooc (groupement d’intérêt public), dans le cadre d’un consortium intégrant 11 universités, 2 écoles, 2 universités numériques, 1 établissement public à caractère administratif et l’ONISEP dont l’objet, comme son nom l’indique, est de créer des MOOCs pour présenter un grand nombre de filières et leurs possibles débouchés ;

-          Le projet MOSS, porté par l’ONISEP dans le cadre d’un consortium intégrant Qwant dont l’objet est de créer un moteur de recherche recensant toutes les ressources et les services d’informations dédiés à l’orientation et intégrant des critères relatifs à la qualité des contenus produits.

Devant ce foisonnement d’initiatives, on ne peut que rappeler le besoin prioritaire d’accompagnement humain pour aider les lycéens à décrypter les informations qu’ils recueillent sur la toile… comme il est prioritaire de proposer aux lycéens une offre de référence, labellisée et claire, la profusion d’outils disponibles pouvant générer une certaine confusion auprès des lycéens voire les décourager dans leurs recherches.

3.   Le coût de l’orientation : des informations éparses, une évaluation difficile

Le rapport de la Cour de comptes a surtout relevé plusieurs éléments qui mettent en lumière le peu de traduction financière du renforcement de la politique publique en faveur de l’orientation. Il en est ainsi de l’absence de financements dédié dans le cadre du Plan étudiants doté de 867 millions d’euros sur cinq ans ou du constat que moins de la moitié des établissements a alloué un budget spécifique à l’orientation.

La Cour déplore également le coût considérable des réorientations : 550 millions d’euros par an pour la seule première année du supérieur... que l’on peut – en partie au moins – imputer à une orientation inappropriée.

Évaluer les sommes consacrées à l’orientation est particulièrement ardu tant les intervenants sont nombreux.

Les chefs d’établissement, professeurs principaux, psy‑EN… interviennent au titre de l’orientation parmi d’autres tâches, il est donc difficile de mesurer le coût budgétaire de cette mission tandis que l’intervention des régions, récemment revue, paraît peu quantifiable à ce stade ; quant aux budgets ministériels liées à l’orientation, ils sont répartis entre plusieurs programmes.

Ainsi, au titre de la mission « Enseignement scolaire » du PLF 2020, les programmes 141 - enseignement scolaire public du second degré et 214 - Soutien de la politique de l’éducation nationale sont mis à contribution :

L’action 08 du programme 141 prévoit le financement de l’information et de l’orientation à hauteur de 332,4 millions d’euros en AE et CP ainsi répartis :

L’action 07 du programme 214 - Soutien de la politique de l’éducation nationale, indépendamment de dépenses d’équipement et de dépenses liées à la prise en charge de CIO départementaux par exemple, consacre 153,6 millions d’euros en AE et en CP pour couvrir une partie des dépenses de rémunération et de fonctionnement de cinq établissements publics nationaux dont l’ONISEP (les autres établissements sont : le réseau CANOPE, le CEREQ, le CNED, le CIEP).

Au titre de la subvention pour charge de service public, l’ONISEP bénéficiait de 29,6 millions d’euros au titre de la LFI 2019 contre 28,5 millions d’euros inscrits dans le PLF 2020. 484 emplois sous plafond étaient inscrits et 20 hors plafond dont 16 contrats aidés. Cette diminution de 1,03 million d’euros par rapport à l’exercice précédent est consécutive au transfert d’une partie des missions assurées par les DRONISEP vers les régions.

Quant aux 1 300 structures Information Jeunesse, elles bénéficient d’un soutien du MENJS.

II.   LORIENTATION, MIROIR DES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES

D’après l’enquête du CREDOC ([23]), si 85 % des diplômés du supérieur et 66 % des élèves et diplômés de l’enseignement professionnel se déclarent satisfaits de leur orientation (satisfaction favorisée par les échanges avec des professionnels, des étudiants ou les activités en lien avec les métiers), 78 % des filles et 64 % des garçons ont toutefois renoncé à leur souhait d’orientation. Les principales raisons invoquées sont le coût et la durée des études ou les résultats scolaires. 22 % des jeunes ruraux ont, pour leur part, renoncé en raison de l’éloignement des établissements.

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Les choix d’orientation, relève la Cour, sont marqués par les inégalités sociales et territoriales, constat corroboré par de nombreux travaux universitaires. Il ressort ainsi des études de plusieurs chercheurs que ces inégalités sont les conséquences de difficultés extérieures au parcours scolaire, c’est le cas des inégalités sociales et territoriales, mais aussi des inégalités inhérentes à la vie scolaire, c’est le cas des réflexes d’autocensure tant au niveau des établissements que des individus.

A.   LE POIDS DES INÉGALITÉS SOCIALES ET TERRITORIALES

1.   Le poids des inégalités sociales

La dernière note de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) sur les choix de trois spécialités en première générale à la rentrée 2019 fait apparaître des différences notables selon l’origine sociale ([24]) :

enseignements de spécialité choisis selon l’origine sociale

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Ces différences peuvent sans doute être rapprochées du constat des chercheurs entendus par les rapporteurs, lesquels portent un regard critique sur la mise en œuvre du dispositif d’accompagnement à l’orientation : d’après Mme Agnès van Zanten, il existe beaucoup de différences entre les établissements, d’une part entre le privé et le public, et d’autre part en fonction de leur composition sociale. Selon les établissements, l’anticipation de l’orientation, la mobilisation des personnels, le rôle plus ou moins fort joué par le chef d’établissement et la personnalisation des conseils sont très différents et ce sont les lycées défavorisés qui cumulent l’information tardive, le défaut de personnalisation des conseils, le manque d’engagement des proviseurs…

La récente enquête réalisée par l’Observatoire de la vie étudiante ([25]) établit, pour sa part, que ce sont les élèves des catégories populaires qui ont plus souvent saisi seuls leurs choix sur la plateforme (54 % contre 39 % des élèves de milieux favorisés) et les étudiants déclarant avoir été seuls au moment de l’inscription sur Parcoursup sont particulièrement nombreux à regretter n’avoir eu aucun entretien personnalisé (53 %) ou échange avec un professeur principal (20 %) à propos de Parcoursup.

Nombre et nature des échanges avec le(s) professeur(s) sur Parcoursup

(en %)

Source : enquête « Transition du secondaire au supérieur », OVE 2019 ;

Champ : étudiants en première année d’études supérieures (N = 4 482).

Actuellement, le processus d’orientation est souvent perçu comme complexe, source de stress, favorisant les initiés, accordant un poids très important aux résultats scolaires… et reste trop souvent déconnecté des réalités économiques (8,68 % des garçons et 5,76 % des filles de 15 à 19 ans, 22,27 % des garçons et 21,57 % des filles de 20 à 24 ans ne sont ni en emploi, ni en enseignement, ni en formation, ce qui est supérieur à la moyenne de l’OCDE et quasiment le double de l’Allemagne ([26])).

Selon l’OCDE, la France est l’un des pays où le lien entre catégorie sociale et niveau scolaire est le plus élevé. Au‑delà du nécessaire soutien aux élèves les plus défavorisés, l’orientation est trop souvent le reflet de ces inégalités.

Les auteurs d’une étude du LIEPP ([27]) soulignaient ainsi : « Linertie qui tend à enchaîner les enfants au statut social de leurs parents, alors quelle régressait avec le temps, a stagné à partir des années 1970 puis a réaugmenté à partir des années 1990 (…)Une autre cause de la reproduction sociale pourrait également se surajouter aux inerties de notre système scolaire : les enfants pourraient former des aspirations scolaires influencées par leur milieu social. »

2.   Le poids des inégalités territoriales

Les établissements d’enseignement supérieur sont nombreux mais inégalement répartis sur le territoire, ce qui ne favorise pas la mobilité sociale des jeunes, la proximité de la formation constituant un critère de choix important, en particulier pour les plus défavorisés.

Répartition des nouveaux bacheliers 2015 dans les filières de formation
Parmi ceux qui poursuivent leurs études – Rentrée 2015

Source : Géographie de l’école 2017, DEPP, MENESR, p. 87.

Ainsi, 20 % des néo-bacheliers 2015 de l’académie de Paris avaient formulé en premier vœu une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE), alors qu’ils étaient moitié moins dans les autres académies et l’on constate aussi que, en raison d’une offre plus limitée, les « petites » académies peinent à conserver leurs bacheliers ([28]).

Le sondage réalisé dans le cadre de l’évaluation de la Cour des comptes va dans le même sens : les élèves de Paris et des villes de plus de 100 000 habitants sont ainsi deux fois plus nombreux à postuler en CPGE que les élèves de communes de moins de 2 000 habitants.

Une part de l’orientation massive des élèves des lycées ruraux vers la filière courte technique s’explique aussi par le nombre important de places offertes à proximité ; en effet, les projets scolaires et professionnels des élèves de ces territoires sont souvent une conséquence des places offertes dans chaque filière.

Le rapport précité du CNESCO se réfère aux travaux de Mme Catherine Didier‑Fèvre qui explique les différences d’orientation entre lycéens urbains et ruraux, par le milieu social et par l’aptitude à la mobilité car les études supérieures peuvent être financièrement coûteuses et difficiles en terme d’isolement.

Dans le cadre de ses récents travaux sur l’accès aux services publics dans les territoires ruraux ([29]), le CEC avait relevé que, si les collégiens des zones rurales réussissaient sensiblement mieux que la moyenne nationale, près de la moitié s’orientaient vers la voie professionnelle après la 3ème (contre 41 % des urbains). Après le bac, 47 % contre 38 % des urbains choisissaient des filières courtes (DUT, BTS) tandis que la proportion titulaire d’un diplôme universitaire de 2ème ou 3ème cycle était deux fois plus faible en milieu rural très peu dense (7,3 % des 18‑29 ans) qu’en milieu urbain (15,4 %).

Parmi les explications avancées : l’attachement au territoire d’origine, l’offre de formation de proximité, l’économie du territoire, les difficultés de mobilité ou le coût, l’autocensure.

Ainsi, soulignait le rapport, la part des diplômés du supérieur chez les 30‑34 ans est plus faible dans les territoires ruraux qu’ailleurs et les deux tiers des jeunes ruraux de 18 à 29 ans sont en emploi, en apprentissage ou en stage rémunéré contre 56 % en milieu urbain.

Part des 30-34 ans diplômés du supérieur EN 2014

(en %)

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C:\Users\cflori\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.MSO\D858A864.tmp

Source : Observatoire des territoires – CGET.

Le ministère de lenseignement supérieur sest aussi penché sur limpact de loffre de formation locale sur les décisions dorientation des jeunes à lentrée dans lenseignement supérieur, en tenant compte de leur scolarité antérieure et leur origine sociale ([30]) pour constater que les souhaits de mobilité sortante sont – logiquement – plus faibles dans les grandes métropoles régionales (Lille, Strasbourg, Lyon…) dont l’offre de formation est riche et variée ; en revanche les bacheliers d’outre-mer ou des académies de Créteil et de Versailles cherchent plus fréquemment à quitter leur académie d’origine.

Le rapport d’inspection ([31]) ne dit pas autre chose en constatant que de nombreux jeunes privilégient la proximité d’une formation au détriment de son contenu en raison de freins financiers, matériels, organisationnels ou culturels. « Aussi, favoriser la mobilité qui permet de lutter contre les inégalités encore présentes entre territoires, implique-t-il impérativement un effort très attentif porté à léquité de linformation diffusée, ainsi quune aide à la mobilité lycéenne et étudiante : mobilité tant géographique que structurelle, dun établissement à lautre, mais aussi dune série à lautre à lintérieur dun même établissement, grâce aux passerelles, qui préservent le droit à une réorientation et aux changements de parcours. »

B.   LE POIDS DES « AUTOCENSURES »

1.   L’influence de l’environnement social et scolaire

Plusieurs études montrent l’impact du lycée d’origine, en particulier de sa composition sociale, sur les choix d’orientation des lycéens. Ainsi, dans ses travaux consacrés aux inégalités d’accès à l’enseignement supérieur, Mme Agnès van Zanten ([32]) relevait l’impact de la politique d’orientation menée par le lycée d’appartenance : les acteurs scolaires chargés de l’orientation font des choix, conscients ou inconscients, qui peuvent « canaliser » les aspirations des élèves.

Mme Sophie Orange ([33]), prenant l’exemple de lycées professionnels encourageant leurs élèves à suivre les formations de BTS qu’ils proposent, estime qu’il existe une prescription forte de la part des acteurs de l’institution scolaire, réduisant de fait l’éventail des formations proposées et les possibilités normalement offertes par la plateforme d’affectation.

Sur la base de travaux concernant l’enseignement supérieur dans la région Occitanie ([34]), M. Bruno Sire souligne que « les équipes pédagogiques des lycées sont souvent les premières sollicitées pour aider à choisir une orientation. Peuton vraiment leur reprocher de chercher à conserver les meilleurs élèves dans leurs établissements et donc, de souvent conseiller tel ou tel BTS ou telle ou telle CPGE ? ».

Ce système d’orientation, constate Bruno Sire, a des répercussions en chaîne car beaucoup de diplômés de BTS ou d’IUT souhaitent alors poursuivre leur cursus en L3 mais, faute de bagage nécessaire, ils sont dirigés en L2 et cette année d’étude supplémentaire peut s’avérer dissuasive pour les plus défavorisés.

L’information donnée dans le cadre du lycée est également de nature à influencer leurs choix. Un rapport du LIEPP ([35]) souligne que les écarts de connaissance sur les filières du supérieur en début de 3ème peuvent expliquer une partie des écarts des préférences d’orientation selon l’origine sociale : « La plus faible connaissance des orientations possibles dans le supérieur est à lorigine du fait que les élèves dorigine modeste ont plus souvent une absence de préférence en matière détudes supérieures ».

Enfin, dans le cadre de la présentation des formations (brochures, intervenants, témoignages d’anciens élèves…), les lycées ont tendance à favoriser une poursuite d’études dans des établissements de même statut (lycée public/établissement d’enseignement supérieur public, lycée privé/établissement d’enseignement supérieur privé).

2.   L’intégration des contraintes sociales et de genre

Entendue par les rapporteurs, Mme Agnès van Zanten a pris ses distances avec la notion très usitée d’« autocensure » : ce terme laisse entendre des blocages psychologiques et culturels, alors qu’en réalité la cause majeure du manque d’ambition de l’orientation c’est l’intériorisation par les élèves des contraintes structurelles. Spécialiste des questions de genre, Mme Françoise Vouillot ([36]) également entendue, a tout autant contesté ce concept qui, de son point de vue, relève d’avantage d’une censure du système éducatif qui ne prend pas en compte les inégalités comme il le devrait.

Quel que soit le terme employé, les données disponibles mettent en avant des parcours différenciés selon les origines sociales ou le genre qui peinent à être corrigés.

 Selon l’étude du LIEPP citée plus haut, à niveau scolaire équivalent, les jeunes issus des catégories les moins favorisées ont des aspirations moins ambitieuses, sont plus influencés par les choix d’orientation de leurs camarades de collège et tendent à s’y conformer. Il est aussi observé qu’à niveau scolaire équivalent, les élèves d’origine modeste se perçoivent comme moins bons scolairement que les élèves d’origine favorisée ; ainsi, à même niveau scolaire en début de 3ème, les élèves d’origine modeste ont une probabilité 11 % moins élevée de préférer la seconde générale et technologique que les élèves d’origine favorisée.

Dans son rapport scientifique, le CNESCO fait un constat analogue : « il y a des jeunes qui doutent deuxmêmes, et que lorientation stresse, dautres jeunes plus sûrs deux, qui savent ajuster leurs choix à leurs résultats… ou linverse » (…) ; d’autres « manifestent des difficultés à rechercher, à décoder ou à exploiter les informations ou les propos de leurs proches ou de médias, souvent peu à même de délivrer une information fiable et pertinente ».

Il conclut que, malgré plusieurs réformes, la démocratisation des formations d’élite demeure limitée en raison d’une offre territorialement inégale, d’un défaut d’information, d’un manque d’aspirations des lycéens des milieux populaires mais aussi de politiques d’ouverture sociale insuffisantes, en particulier celles de discrimination positive.

 Mais au‑delà de cette autocensure sociale, perdure une autocensure de genre qui, malgré l’évolution sociétale, reste forte et se traduit par une inégale répartition des filles et des garçons selon les filières de formation.

D’après la note d’information de la DEPP sur le sujet ([37]), près de 69 % des 386 600 élèves de première générale de 2019 ont choisi d’étudier les mathématiques (61 % des filles et 78 % des garçons), 47 % la physique-chimie (57 % chez les garçons, 39 % chez les filles), 43 % les sciences de la vie et de la Terre, 39 % les sciences économiques et sociales (SES), 35 % l’histoire-géographie et 28 % les langues, littérature et cultures étrangères et régionales.

Les enseignements « scientifiques » (sauf sciences de la vie et de la Terre) sont donc plus souvent choisis par les garçons alors que les enseignements d’humanités, littérature et philosophie (25 % des filles, 9 % des garçons), de SES, d’histoire-géographie et de langues-littérature sont davantage choisis par les filles. Ces décisions ne sont pas neutres pour l’orientation dans le supérieur et les métiers.

La récente enquête du CREDOC met également en lumière de notables différences d’orientation liées au genre :

Les critères de choix d’orientation les plus importants selon le genre

(en %)

Source : CREDOC pour le CNESCO, enquête auprès des 18-25 ans, septembre 2018.

Le programme 141 - Enseignement scolaire public du second degré - érige la mixité dans les filières professionnelles et technologiques en indicateur de performance dont les ambitions modestes témoignent néanmoins d’un souci de progresser vers plus de mixité :

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Source : Rapport annuel de performances 2019, programme 141 - Enseignement scolaire public du second degré.

Si les filles s’orientent davantage vers l’enseignement général et technologique que les garçons, elles sont moins nombreuses à s’orienter dans les filières scientifiques, cette tendance se retrouve chez les diplômés du supérieur où, en 2017, 28,1 % des ingénieurs et 40,6 % des docteurs en sciences étaient des femmes.

Dans l’enseignement professionnel, ces différences sont encore plus marquées ; ainsi, dans les domaines de la production, 15 % des élèves ou apprentis sont des filles alors qu’elles sont majoritaires (65 %) dans les services.

Lors de la table ronde consacrée à l’orientation, Mme Françoise Vouillot a rappelé qu’à tous les paliers d’orientation, il existe une très forte disparité entre les filles et les garçons. Les travaux de recherche sur cette question qu’elle a conduits ([38]) rassemblent les recommandations formulées jusqu’alors, parmi lesquelles figure la nécessaire formation des acteurs du système éducatif pour produire de l’égalité et, plus particulièrement, celle des professionnels de l’orientation.

Certains chercheurs plaident pour agir dès l’école primaire, dispenser une information aux filles sur le lien entre l’orientation et l’insertion professionnelle, revaloriser les métiers scientifiques en les associant aux problématiques d’environnement, de développement durable et de santé…

L’information, estiment-ils, ne suffit pas : il faut intégrer l’orientation à l’acte éducatif et mettre en place, de manière précoce, un travail sur les représentations, former les acteurs du système éducatif à la question de genre et ne pas se limiter à la question des filles. En effet, si ces dernières s’autocensurent en faisant des choix qu’elles savent compatibles avec les obligations familiales (tâches domestiques, éducation des enfants...), l’autocensure des garçons est toujours l’angle mort des travaux de recherches.

Pour Mme Vouillot, les impensés d’orientation sont le produit d’une fabrication éducative à laquelle l’école participe très largement. Outre la nécessité d’analyser comment les politiques d’orientation favorisent ou non l’égalité, elle propose, plutôt que de laisser les élèves et leurs familles formuler des vœux, que le conseil de classe dresse l’éventail des possibilités offertes aux élèves après le bac. Cette démarche permettrait d’éviter ce que l’on appelle improprement l’autocensure.

Les travaux de Mmes Claire Lemêtre et Sophie Orange ne disent pas autre chose ([39]) : « Apparaît clairement tout le rôle de lécole dans ce processus de modération des aspirations. Ce nest donc pas tant que les ambitions manquent, mais bien quelles sont ôtées ».

C.   LIMPACT DE LA CONVERGENCE DES INÉGALITÉS

Plusieurs travaux montrent une interaction forte entre le phénomène dit « d’autocensure » – dont la dénomination et le concept sont contestés – et l’existence d’inégalités sociales territoriales, scolaires ou de genre. C’est ce que mettent en lumière les travaux de Mmes Claire Lemêtre et Sophie Orange ([40]), au terme d’une large enquête consacrée aux parcours scolaires des jeunes ruraux ([41]).

Souvent considérés par leurs enseignants comme manquant d’ambition, les choix d’orientation de ces jeunes, au‑delà des contraintes territoriales, sont fortement conditionnés par leur environnement social et scolaire. Ainsi, au‑delà d’ambitions moindres mais contenues des lycéens ruraux, de nettes disparités apparaissent entre les territoires ruraux, en fonction de leurs caractéristiques sociales, économiques et culturelles. Ainsi, en Mayenne par exemple, 47 % des élèves urbains envisagent d’atteindre un niveau bac+5 contre 17 % des ruraux tandis que dans la Sarthe, l’écart entre ville et campagne est inexistant (47 % et 46 %).

On relèvera aussi que les territoires peu pourvus en entreprises désavantagent les élèves dans la recherche et l’obtention de stages.

Apparaissent aussi des différences marquées entre les ambitions des filles habitant en ville et celles des campagnes, plus impactées par des facteurs sociaux. Plus souvent, les filles envisagent une vie de couple et une maternité plus précoces et se caractérisent par un investissement associatif fort (elles s’engagent davantage que les jeunes urbains dans des associations à vocation sociale ou d’intérêt public comme les pompiers volontaires). L’offre scolaire et le marché du travail local conditionnent aussi l’orientation des jeunes et en particulier des filles mais l’offre scolaire, constatent Mmes Lemêtre et Orange, impacte aussi leurs projets et leur orientation.

Les récents travaux de la mission confiée par M. le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse à Mme Salomé Berlioux dont le rapport a été publié en mars dernier ([42]) confortent ce constat : « Les jeunes des zones rurales et des petites villes ont accès à trop peu dinformations, trop peu de moyens de transport, trop peu de réseaux, trop peu dopportunités. Pour leur formation, leur futur métier : le champ des possibles est réduit. Dautant plus que de puissants mécanismes dautocensure limitent leurs aspirations. Et que leurs territoires sont souvent fragiles, économiquement et socialement » écrit‑elle.

Parmi les obstacles qu’elle identifie au stade de l’orientation : les difficultés d’accès à l’information (peu de structures d’information et de psy‑EN en milieu rural), l’autocensure, la fracture numérique, la fragilité économique de certains territoires et l’accès restreint aux opportunités (culture, sports, recruteurs).

III.   TRANSFORMER LORIENTATION SUBIE EN ORIENTATION CHOISIE

Les auditions et travaux des rapporteurs ont permis de constater qu’au‑delà des nombreuses initiatives et de la bonne volonté constatées sur le terrain, le temps consacré à l’accompagnement à l’orientation doit être sanctuarisé, son organisation structurée et son contenu précisé (en valorisant les temps d’accompagnement individuel et les périodes d’immersion).

A.   FAIRE DE LORIENTATION UNE MATIÈRE À PART ENTIÈRE

1.   Une matière à part entière…

Entendu par les rapporteurs, Michel Lugnier, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), regrette qu’après cinquante ans de réformes, la « doxa » en matière d’orientation ne soit toujours pas stabilisée et que les processus mis en œuvre soient contraints de composer avec trois principales tendances :

– un grand nombre de spécialités (300 spécialités dans l’enseignement professionnel), rendant impossible la transmission d’une information exhaustive, stabilisée et fiable ;

– une convergence de la demande (les deux tiers des 310 000 jeunes qui investissent le domaine des services de la filière professionnelle se concentrent sur 3 spécialités) qui interroge sur l’accompagnement à l’orientation tel qu’il est défini par le code de l’éducation tandis que la carte des formations n’évolue que de 1 à 2 % chaque année ;

– la nécessité pour l’élève de se préparer à plusieurs métiers, et en même temps de se préparer à un métier précis.

L’accompagnement à l’orientation doit donc se construire sur la durée, dans un cadre structuré, avec des objectifs définis pour ses intervenants.

a.   Un horaire d’accompagnement à l’orientation obligatoire dans l’emploi du temps des élèves des lycées

La Cour des comptes préconise l’inscription d’un nombre d’heures annuelles consacrées à la mission d’orientation dans les obligations de service des professeurs chargés à titre principal de l’orientation, s’ajoutant aux heures d’enseignement, en contrepartie d’une augmentation de leur rémunération et d’inscrire comme obligatoires dans l’emploi du temps des élèves des lycées généraux et technologiques les 54 heures annuelles consacrées à l’orientation.

Les représentants des lycéens, des étudiants et des parents ont, pour leur part, unanimement souligné :

– l’importance décisive de l’accompagnement à l’orientation, a fortiori dans le cadre de la réforme du lycée qui laisse plus de latitude aux lycéens dans le choix de leurs matières complémentaires,

– la nécessité de donner un contenu aux horaires dédiés à l’orientation et dont la mise en œuvre est très inégale selon les établissements.

L’importance cruciale de l’accompagnement à l’orientation est aujourd’hui reconnue de tous, tout comme le levier qu’il représente pour lutter contre les inégalités. Il doit donc devenir une réalité dans tous les lycées. Les rapporteurs souscrivent donc à la proposition de la Cour des comptes sur ce sujet.

Proposition n° 1 : Inscrire comme obligatoires dans l’emploi du temps des élèves de lycées les 54 heures annuelles consacrées spécifiquement à l’orientation.

b.   Pour une évaluation du dispositif d’orientation

Entendue par les rapporteurs, Mme Frédérique Alexandre‑Bailly, directrice générale de l’ONISEP, a suggéré que les actions réalisées au titre de l’orientation (dans le cadre des 54 heures et au‑delà), soient évaluées. Or le volet « orientation » du projet d’établissement est trop peu regardé et l’on manque d’indicateurs permettant aux établissements de savoir s’ils sont sur la bonne voie pour conduire cette mission.

Concrètement, dans le cadre de la politique d’évaluation des établissements, en cours de construction, l’ONISEP suggère de mesurer la prise en compte de l’orientation dans les projets d’établissement à l’aune de trois axes :

– la mise en œuvre effective des heures dédiées à l’orientation ;

– les partenariats développés dans la mise en œuvre du projet (collectivités territoriales, entreprises, dispositifs [égalité des chances, parrainage…]) ;

– la mise en œuvre d’une démarche permettant de formaliser et de capitaliser l’expérience et les compétences acquises au titre de la construction du projet des jeunes.

Il semble logique que l’accompagnement à l’orientation, devenant une discipline à part entière, soit évalué comme telle, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Selon la Cour, « les rectorats ne vérifient pas systématiquement la mise en œuvre effective du volet orientation du projet détablissement. Cette situation constitue un défaut de surveillance manifeste ».

Les établissements devraient être mieux accompagnés dans la mise en œuvre du volet « orientation » de leur projet d’établissement et sa mise en œuvre devrait être suivie par le recteur dont c’est la fonction ([43]).

Proposition n° 2 : Charger les recteurs d’académie d’évaluer la mise en œuvre de l’accompagnement à l’orientation dans les établissements.

c.   Instituer un référentiel de compétences à s’orienter

Les auteurs du rapport d’inspection déjà cité insistent sur la nécessité d’aider les élèves à décrypter, à partir de sites à la fiabilité vérifiée, les descriptifs des formations et des métiers, informations pour lesquelles la région a un rôle à jouer. Les lycéens doivent aussi pouvoir utiliser les cours en ligne de France université numérique, pour expérimenter les formations qu’ils souhaiteraient suivre.

Dans le cadre de ses récents travaux sur la formation à l’orientation, le CNESCO ([44]) suggère de développer un cadre de référence national précisant le socle commun de compétences que les élèves doivent acquérir sur le sujet de l’orientation, des exemples d’actions qui permettent d’y parvenir et les modalités de leur évaluation.

La directrice générale de l’ONISEP suggère, pour sa part, d’étoffer la connaissance des compétences à s’orienter et les formaliser via un référentiel ad hoc qui aurait l’avantage de reconnaître l’existence d’un continuum allant bien au-delà du « -3/+3 », sans pour autant le traduire par une notation. Ces compétences regroupent les capacités à recueillir, analyser, synthétiser, organiser les informations sur les formations et les métiers mais aussi la capacité à se connaître soi-même afin d’aborder les transitions inhérentes à tout parcours individuel et professionnel.

Pour construire ce référentiel spécifique aux heures d’orientation et décliné en classes d’âge, l’ONISEP prévoit, à partir de celui du parcours Avenir, de solliciter le concours de la recherche, de l’Inspection générale et les acteurs de terrain (psychologues de l’éducation nationale, enseignants, corps d’inspection, personnels de direction) et s’appuie sur deux projets :

– le premier dans le cadre du projet d’investissement d’avenir BRIO (région Bretagne) qui a défini trois compétences transversales à s’orienter : l’ONISEP a créé des ressources pédagogiques pour les développer et les évaluer au collège, dans le cadre des heures dédiées ;

– le second consiste à créer un « module Parcoursup » pour accompagner chaque lycéen dans la construction de son parcours, de la seconde jusqu’à la validation de ses vœux sur la plateforme : il s’agit, via un portfolio, de rassembler toutes les informations permettant à l’élève, en enrichissant progressivement son parcours, de construire son projet à partir de ses compétences à s’orienter, de sa connaissance de la formation envisagée et de son adéquation avec ses compétences. Cet outil a aussi vocation à accompagner les étudiants de L1 en réorientation.

Ces initiatives, de nature à valoriser l’accompagnement à l’orientation et à l’évaluer, témoignent d’une volonté d’amener les élèves à apprendre à s’orienter plutôt que d’être orientés. En cela, elles paraissent très pertinentes et de nature à faire progresser la préparation à l’orientation.

Les élèves doivent par exemple être formés au décryptage des informations et à la connaissance des filières (un des interlocuteurs des rapporteurs a ainsi souligné que des erreurs de choix de filières étaient parfois liées à une mauvaise interprétation du contenu de certains enseignements, ainsi, une lycéenne souhaitant ouvrir une boutique de mode s’était récemment orientée vers un BTS « métiers de la mode » au lieu d’un BTS « gestion de PME »).

Pour le suivi de cet accompagnement à l’orientation, des référentiels gagneraient à être réalisés avec les acteurs de terrains et des experts – chefs d’établissement, psy‑EN, enseignants du secondaire et du supérieur, CPE, ONISEP, universitaires, représentants du monde du travail.

Proposition n° 3 : Évaluer les compétences des élèves à s’orienter selon un référentiel construit avec les experts et les acteurs de terrain.

2.   … sous la responsabilité de personnels formés et valorisés

La Cour des comptes préconise de généraliser les modules d’accompagnement à l’orientation dans la formation initiale des enseignants et de rendre obligatoires les formations continues sur ce sujet pour les professeurs chargés à titre principal de l’orientation ; enfin, de valoriser l’implication des personnels des lycées dans la mission d’orientation lors des évaluations réalisées par les inspections académiques.

Pour sa part, la synthèse du questionnaire adressé par la DGESCO aux académies sur l’accompagnement à l’orientation prévu pour l’année 2019‑2020 mentionnait différentes initiatives pour former les intervenants.

À titre d’exemple, la mission école-entreprise de l’académie de Reims devait coordonner, en lien avec la Région, des actions d’information sur les métiers (de type semaine école-entreprise), les académies de Strasbourg, Nancy‑Metz et Reims construisaient une boîte à outils numérique pour aider les établissements à élaborer leur programme d’accompagnement à l’orientation et, avec la région, un processus de mise en contact des porteurs d’offres d’information sur les métiers et les formations auprès des élèves et des enseignants. Dans l’académie de Strasbourg, l’ONISEP et les SAIO devaient proposer des activités pédagogiques d’accompagnement pour la mise en œuvre du parcours Avenir. L’académie de Guadeloupe indiquait accompagner l’élaboration et la mise en œuvre de programmes adaptés aux établissements, des psy‑EN proposant aux enseignants des formations relatives à la psychologie de l’adolescent. Dans l’académie d’Orléans-Tours étaient organisées des formations destinées aux intervenants et une cinquantaine de personnels (enseignants, personnels de direction, CPE, psy‑EN) chargés de former les enseignants. L’académie de Poitiers a signé un partenariat avec le centre « égalité des chances » de l’ESSEC, permettant notamment l’accès à des formations pour les enseignants. Dans les académies d’Amiens et de Lille, des référents pour l’insertion professionnelle et la relation école-entreprise (RIPREE) ont été nommés dans chaque établissement du secondaire afin de faciliter les relations école-entreprise et valoriser la voie professionnelle et l’apprentissage. Plusieurs académies ont indiqué travailler avec l’ONISEP pour la mise en œuvre de ces formations.

La crise sanitaire n’a pas dû faciliter la mise en œuvre de ces dispositifs mais la complexité des enjeux de l’orientation, la multiplicité des filières, le besoin d’un accompagnement personnalisé ne sauraient être organisés sans la formation des personnels en charge de ce suivi. C’est en particulier le cas des professeurs principaux en charge de l’orientation, en première ligne pour accompagner les lycéens dans la formalisation de leurs vœux.

Rappelons que la circulaire du 10 octobre 2018 sur le rôle du professeur principal recommande fortement aux services académiques de proposer des formations portant sur une ou plusieurs missions du professeur principal. Elle indique que « la mission daccompagnement à lorientation peut faire lobjet de formations dédiées car elle est transdisciplinaire et nécessite un travail de coordination avec différents partenaires de léducation nationale. Les services académiques dinformation et dorientation pourront en définir les objectifs, les contenus ainsi que les modalités dorganisation. Au niveau de chaque bassin, district ou établissement, le recours aux formations dinitiative locale doit également être envisagé ».

Si la Cour des comptes insiste particulièrement sur les questions de formation et de reconnaissance des enseignants, préoccupations auxquelles les rapporteurs ne peuvent que souscrire, celles‑ci rejoignent celles formulées dans le cadre de plusieurs travaux antérieurs sur l’accompagnement à l’orientation.

Ainsi, ceux du CNESCO selon lequel : La formation des enseignants du secondaire est sans doute un levier pour mieux conseiller les élèves dans leur orientation, diverses évaluations montrant quils sont en demande de connaissance sur les parcours post-bac et quils modifient leurs pratiques lorsquils se sentent impliqués dans un dispositif. Mais trois écueils subsistent : le peu de possibilités daccompagnement et de coordination par des spécialistes au sein des établissements, la faible reconnaissance par linstitution de lengagement des enseignants dans des actions parfois chronophages et la difficulté corrélée à les garder mobilisés sur le long terme ([45]).

Dans la continuité de ce constat, le CNESCO préconise de construire une culture commune de l’orientation pour tous les acteurs ([46]) et, par exemple, à ce titre :

– de former les équipes éducatives à l’accompagnement de l’orientation ; notamment en mettant en place un travail partenarial entre le secondaire et le supérieur autour des attendus des filières ;

– d’enrichir la formation continue des conseillers d’orientation (psy‑EN) en s’appuyant sur l’analyse d’expériences vécues sur les pratiques professionnelles ;

– de faire dialoguer le monde économique et celui de l’éducation : par exemple en organisant la découverte du monde des entreprises pour les enseignants, conseillers d’orientation (psy‑EN), au niveau local, d’identifier un pôle de « référents entreprises » regroupant enseignants, parents, psy‑EN…

Le rapport d’inspection ([47]), à l’appui de rapports antérieurs sur le sujet (Cour des comptes, 2012 ; Sénat, 2016), plaide pour une certification complémentaire et une habilitation à l’accompagnement à l’orientation par :

– la création d’une certification complémentaire d’accompagnateur et de formateur de l’éducation à l’orientation pour les professeurs et une habilitation pour les conseillers principaux d’éducation (CPE). Après l’obtention de celles‑ci, l’exercice de missions comme « référent orientation » donnerait droit à une indemnité dédiée et pourrait éventuellement être reconnu dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ;

– l’inscription de la préparation à la certification et à l’habilitation à l’accompagnement à l’orientation dans le cadre de la formation continue, et l’intégration de l’aide à l’orientation dans la formation initiale des enseignants.

En 2016, le rapport sénatorial « Une orientation réussie pour tous les élèves » préconisait d’intégrer la formation au conseil en orientation dans la formation initiale et continue des enseignants et de rendre obligatoire un stage en milieu professionnel.

Entendus par les rapporteurs, plusieurs représentants des organisations syndicales des enseignants ont souligné que les enseignants, d’abord formés pour enseigner leur matière, devaient avant tout pouvoir travailler en équipe avec les psy‑EN ; tout en convenant être insuffisamment formés, ils ont mis en garde sur les conséquences d’obligations supplémentaires sur les candidatures – déjà difficiles à trouver – à la fonction de professeur principal.

Proposition n° 4 : Généraliser les modules d’accompagnement à l’orientation dans la formation initiale et continue des enseignants.

B.   SINSPIRER DES BONNES PRATIQUES

Selon l’enquête du CSA pour la Cour des comptes, les interventions qui ont le plus satisfait les lycéens sont les retours d’expérience des anciens élèves du lycée (45 % en 2017, 52 % en 2019), les interventions des professionnels (34 % en 2017, 39 % en 2019), des universitaires (31 % en 2017, 41 % en 2019), du conseiller principal d’éducation (17 % en 2017, 24 % en 2019), du conseiller d’orientation (15 % en 2017, 24 % en 2019) ([48]).

Les récentes enquêtes sur les pratiques des usagers, leurs satisfactions et insatisfactions tout comme les nombreuses expériences conduites en France et à l’étranger constituent autant de pistes pour améliorer l’accompagnement à l’orientation.

Au‑delà de la nécessité d’inscrire dans le temps scolaire un horaire spécifiquement dédié à l’orientation et d’organiser la formation initiale et continue des enseignants, l’accompagnement des élèves, aujourd’hui très hétérogène tant dans son contenu que dans sa portée, doit être renforcé. Pour ce faire, le CNESCO ([49]) a relevé de nombreuses initiatives, en France comme à l’étranger, qui ont été bénéfiques aux élèves. Il serait bienvenu de s’inspirer prioritairement de ce qui fonctionne sur le terrain.

1.   Des initiatives réussies en France…

 pour ouvrir de nouveaux horizons :

Déjà, en 2013, un rapport du CEC consacré à la mobilité sociale des jeunes plaidait pour une découverte des métiers dès le collège ([50]). À l’appui d’expériences menées à Saint‑Étienne, les rapporteurs soulignaient l’intérêt et la faisabilité de la découverte active des métiers – en commençant par ceux exercés au collège puis en relation avec des entreprises extérieures – dès la 6e.

Plusieurs expériences bénéfiques figurent dans le rapport scientifique du CNESCO : ainsi, dans le cadre du parcours Avenir, issu de la loi dite « refondation » de 2013, une aide à l’orientation est proposée à tous les élèves du secondaire et par conséquent en amont de la 3ème. De même, un collège rural ([51]) de Nouvelle-Aquitaine a institué en 2018, pour les élèves de 4ème, des « rendezvous de lorientation » constitués d’un stage et d’une visite d’entreprise, afin de favoriser la formulation de projets plus « ambitieux » par ses élèves et d’entrer en troisième avec un pré‑projet d’orientation.

Dans le même esprit, en 2009, le rectorat d’Aix-Marseille a mis en place les « projets et ateliers sup sciences (PASS) », pour favoriser la poursuite d’études dans le domaine scientifique de collégiens et lycéens d’établissements défavorisés : il s’agit, en partenariat avec des organismes de recherche, de concrétiser des projets scientifiques (construction d’un robot, résolution d’énigmes scientifiques…). Sans incidence sur les résultats scolaires, ce dispositif conduit ses bénéficiaires à envisager de poursuivre des études universitaires en particulier dans les domaines de la santé et des sciences.

Le dispositif « Demain luniversité » porté par l’Université de Lille (2010) vise à faciliter la transition lycée-université : en première, les élèves assistent à des tables rondes avec des témoignages d’étudiants et en terminale, bénéficient de journées d’immersion à l’Université de Lille.

Les situations de mise en immersion des élèves semblent avoir des résultats encourageants sur la perception des milieux découverts, ils leur permettent de faire des choix en connaissance de cause. L’association « Tous Chercheurs » a ainsi mis en place, entre 2009 et 2012 pour les élèves de première et de terminale scientifique de quatre lycées marseillais, le dispositif « Hippocampe S » qui place les élèves en situation d’immersion dans un laboratoire conçu spécifiquement et où ils sont encadrés par des doctorants et un enseignant-chercheur. Ces élèves ont aussi bénéficié d’un suivi spécifique tout au long de l’année par leur enseignant de sciences de la vie et de la Terre (SVT) et d’un accompagnement à la construction de leur projet professionnel par des enseignants‑chercheurs, le Service universitaire d’information et d’orientation (SUIO) et des psy‑EN. Ce dispositif a favorisé les orientations dans les filières scientifiques.

L’Université Lumière Lyon 2 a, pour sa part, initié, pour les lycéens du département du Rhône, le dispositif « Pour une orientation réussie du lycée à luniversité », dans la perspective de réduire le décrochage universitaire : pour découvrir le milieu universitaire, les élèves de première suivent un cours préparé par un enseignant-chercheur ; puis, en terminale, rencontrent des étudiants qui leur présentent les études et les critères de réussite. Les bénéficiaires de cette expérience envisagent ensuite des études plus longues.

À l’Université Paris 12, le projet « Veni vedi vici » permet aux lycéens, à l’issue de deux jours d’immersion à l’université, de créer des posters, journaux ou clips pour présenter des métiers en lien avec les filières lettres, langues et sciences humaines.

Enfin, pour remédier aux préjugés de genre, des dispositifs de découverte des domaines scientifiques s’adressent spécifiquement aux filles tel le programme « Futures scientifiques » de l’académie d’Aix-Marseille qui propose, aux élèves de première et de terminale, des visites sur le terrain et des échanges avec des femmes en formation ou travaillant dans des secteurs où elles sont peu nombreuses.

Mme la rectrice de la région académique Centre-Val de Loire, lors de son audition, a présenté aux rapporteurs le projet « ambition PACES » dont l’objectif est de remédier aux phénomènes d’autocensure des bacheliers S de catégorie sociale modeste dont très peu candidatent en PACES, la faculté de médecine de Tours étant éloignée pour nombre d’entre eux. Ce projet consiste à accompagner une vingtaine d’élèves volontaires de terminale ou de première, dans le cadre des heures hebdomadaires d’accompagnement personnalisé. Sont ainsi organisés : des entraînements aux QCM, à la prise de notes…, un approfondissement des enseignements dans certaines disciplines, la découverte du fonctionnement des études de santé sous forme de capsules vidéos et de rencontres avec les étudiants ainsi que des rencontres avec des professionnels de santé.

 pour mieux informer :

Plusieurs initiatives relatées par le CNESCO ont pour objectif d’enrichir l’information transmise aux lycéens. Ainsi, dans le Limousin, c’est le Centre régional information jeunesse (CRIJ) qui a créé, en 2010, un vaste réseau pour relayer les ressources documentaires et mieux informer les jeunes ruraux.

L’Université d’Angers a, pour sa part, mis en place dès 2009 le dispositif « Développer des synergies davenir du lycée à luniversité », coordonné par un enseignant du secondaire et un enseignant-chercheur, qui permet, par exemple, aux lycéens de bénéficier d’avis circonstanciés sur leurs choix d’orientation. Cette démarche a modifié les pratiques des élèves.

Mieux informer, c’est aussi enrichir l’information des enseignants : ainsi, l’Université de Cergy-Pontoise a expérimenté un système de suivi des parcours des jeunes (« contrat de suivi ») du lycée jusqu’à leur insertion professionnelle, pour transmettre ces informations aux enseignants du secondaire afin de les aider à mieux préparer l’orientation de leurs élèves. Toutefois, ce type d’initiative, qui exige la transmission, par les jeunes, des informations qui les concernent, s’est avéré difficile à mettre en œuvre. Il serait sans doute nécessaire, d’insister régulièrement auprès des jeunes actifs sur le sens de cette démarche, en terme de solidarité à l’égard des plus jeunes.

 pour accompagner les plus défavorisés dans la construction et la réussite de leur projet :

Plusieurs expériences de tutorats par des étudiants ou des professionnels ont été menées à cette fin. Ainsi le rapport du CNESCO rapporte‑t‑il le travail de l’association ACTENSES qui propose à des élèves de seconde d’être accompagnés par un parrain issu du monde du travail et organise des ateliers et interventions pour les lycéens. Cet accompagnement doit néanmoins durer au moins deux ans pour être bénéfique et le recrutement de parrains n’est pas toujours aisé. Dans le même esprit, un lycée de Fécamp a expérimenté un accompagnement spécifique pour ses élèves de première et terminale de sciences et technologies du management et de la gestion (STMG) afin de leur faire découvrir les formations et les métiers associés à cette filière et leur donner envie de poursuivre leurs études.

Lancé en novembre 2008, le dispositif des « Cordées de la réussite » permet la mise en réseau de collèges et lycées où sont scolarisés des élèves défavorisés, avec des établissements d’enseignement supérieur (lycées à CPGE, grandes écoles ou universités).

C’est dans le cadre des Cordées de la réussite que s’inscrit le dispositif DACORES (dispositif d’aide contractualisée pour la réussite en enseignement supérieur) expérimenté à partir de 2008 auprès des élèves de terminale générale d’un lycée de Marseille classé ZEP : les jeunes concernés ont bénéficié de cours dédiés à l’orientation animés par un psy‑EN, d’interventions d’étudiants sur la vie étudiante et d’enseignants sur les attendus du supérieur ; puis, en première année de licence, d’une aide méthodologique et pédagogique et d’une aide pour les démarches administratives. Même si les effectifs concernés sont réduits, il a été constaté que les élèves concernés ont été plus nombreux à solliciter un rendez‑vous avec la conseillère d’orientation tandis que la réussite aux examens en première année de licence a été supérieure.

Les cordées de la réussite ont ensuite été complétées, en 2016, par les parcours d’excellence proposant un accompagnement dès le collège aux volontaires scolarisés en REP, des quartiers prioritaires de la ville ou issus de milieux ruraux isolés ([52]) . En s’appuyant sur des partenariats avec des universités, des grandes écoles et le monde de l’entreprise, il s’agit de mieux informer et accompagner ces élèves sur des univers dont ils n’avaient pas ou peu connaissance.

Une lettre de cadrage relative à la mise en œuvre des parcours d’excellence et des Cordées de la réussite de 2018-2019, a été adressée en février 2019 aux recteurs d’académie et aux préfets de régions.

Signée par les représentants de six ministères (Éducation nationale, Enseignement supérieur, Cohésion des territoires, Agriculture, Armées, Culture), elle invite préfets et recteurs à inscrire les Cordées de la réussite et les Parcours d’excellence dans les priorités des projets académiques, d’en densifier et diversifier le maillage territorial, d’en unifier le pilotage académique, de mieux y intégrer les élèves des filières professionnelles et technologiques afin d’encourager la poursuite d’études en STS et IUT, de mobiliser plus systématiquement les établissements supérieurs recevant des subventions ou ayant un partenariat avec l’État ainsi que les étudiants rémunérés afin de systématiser le tutorat à l’égard des jeunes issus des quartiers de la politique de la ville.

En 2019, plus de 420 cordées de la réussite (3 à 20 cordées selon les académies ([53])) ont bénéficié à près de 80 000 élèves ([54]) dans plus de 2 000 établissements du second degré permettant d’accroître le taux d’accès dans l’enseignement supérieur, notamment pour les STS et les IUT. Les rapporteurs ne peuvent qu’encourager la montée en puissance de ce dispositif.

Une fusion des cordées et des parcours d’excellence qui relèvent de la même logique d’élévation des ambitions scolaires des collégiens et lycéens issus de milieux sociaux modestes est prévue pour la rentrée 2020, afin de renforcer la logique de continuum, depuis la 4ème, en matière d’orientation.

Entendue par les rapporteurs, Mme Agnès van Zanten a néanmoins formulé des réserves sur les politiques publiques menées en France, telles les cordées de la réussite, car elles concernent trop souvent une petite fraction d’élèves, les « pépites » des quartiers difficiles ou des classes populaires, ce qui ne constitue pas une politique publique d’orientation.

Pour M. Jules Donzelot ([55]) il est très bénéfique de cibler les jeunes susceptibles d’être en difficulté (parents peu diplômés, mauvais résultats scolaires…) et les soutenir – par exemple par une aide scolaire – tout au long de leur parcours.

Accompagner spécifiquement, dès la troisième, les élèves en difficultés, c’est la préconisation de MM. Dominique Goux, Marc Gurgand et Éric Maurin ([56]) qui soulignent que quelques rencontres entre le proviseur du collège et les familles des élèves les plus en difficulté afin de parler de leurs aspirations et leur donner des informations pertinentes permet de réduire les mauvais choix d’orientation et les abandons l’année suivante.

La Cour des comptes, si elle se réjouit des initiatives positives prises pour mieux accompagner les jeunes défavorisés, regrette leur caractère épars (dispositifs spécifiques de filières sélectives en faveur des publics défavorisés, « cordées de la réussite », campus connectés pour développer des formations à distance ; actions d’associations pour améliorer l’information des jeunes défavorisés). Outre une meilleure coordination ministérielle, elle propose de cibler les moyens en faveur des territoires et des publics les plus fragiles.

De toutes ces initiatives, il apparaît que les actions qui ont le plus d’impact pour les élèves sont celles qui créent des passerelles entre le secondaire et le supérieur et les professionnels, celles qui apportent un éclairage concret sur les réalités du terrain et celles qui sont suivies dans le temps et permettent aux jeunes de mûrir leur projet. Cet accompagnement concret est particulièrement important pour les jeunes issus de milieux défavorisés. Les parcours d’excellence et les cordées de la réussite s’inscrivent dans cette logique.

2.   Des pratiques inspirantes menées à l’étranger

Plusieurs exemples étrangers recensés par le CNESCO ([57]) plaident pour intégrer l’orientation à l’enseignement scolaire, s’appuyer sur les outils numériques, suivre spécifiquement les élèves en difficulté et faciliter les réorientations.

 Lorientation, partie intégrante de lenseignement scolaire : c’est par exemple le cas en Finlande où l’orientation est intégrée à l’enseignement dès l’école primaire puis à partir du collège où deux heures hebdomadaires sont consacrées à l’orientation : un enseignant spécialisé s’appuie sur des visites d’entreprises, des intervenants extérieurs, des films sur les métiers et organise des entretiens individuels avec l’élève et ses parents. Des intervenants extérieurs sont également sollicités dans le cadre de « journées professionnelles ».

 La prise en charge des jeunes en difficulté : aux Pays‑Bas, États‑Unis, Allemagne, Danemark ou en Irlande, les politiques d’orientation s’adressent en priorité aux élèves en échec, aux décrocheurs ou aux jeunes des zones rurales.

Depuis trente ans aux États-Unis, des enseignements sont dispensés aux élèves d’établissements scolaires défavorisés dans le cadre des Career Academies ; des partenariats avec des employeurs locaux leur permettent de suivre des expériences professionnelles et d’améliorer leur engagement dans les études.

 Des réorientations facilitées : en Suisse comme en Autriche, les élèves de lycées professionnels peuvent obtenir, outre leur diplôme professionnel, un certificat d’études secondaires, leur donnant accès aux études universitaires. Dans ce pays, un étudiant du supérieur sur quatre sort d’un lycée professionnel. En Allemagne également, les titulaires d’une qualification professionnelle peuvent de droit s’inscrire dans toutes les filières universitaires.

 Lexemple anglais pour élever les ambitions des élèves défavorisés : lors de son audition par les rapporteurs, M. Jules Donzelot ([58]) a souligné l’efficacité du programme anglais « Aimhigher » (cf. infra), qui consiste, dès le plus jeune âge, à élever les aspirations des élèves défavorisés en développant des actions partenariales avec les établissements du supérieur permettant ainsi une ouverture sociale croissante des universités britanniques.

L’exemple anglais : un accompagnement précoce, ciblé et concret ([59])

L’aide à l’orientation permet d’accompagner les élèves dans la construction de leur parcours avec l’objectif de favoriser l’élévation de leurs aspirations.

Une organisation de lenseignement basée sur une spécialisation progressive

En Angleterre, les élèves se spécialisent progressivement par le choix des matières et l’orientation consiste à les accompagner dans ce processus de spécialisation, les aider à formuler un projet personnel et choisir des matières pertinentes avec celui‑ci.

Les conseillers d’orientation sont appuyés par les universités, les entreprises, les institutions d’accès à l’emploi et, enfin, les parents d’élèves, régulièrement invités à présenter leur métier.

La sélection à l’entrée des universités repose largement sur la pertinence des matières choisies dans le secondaire (à treize ans puis à seize ans).

 Une aide à lorientation pour élever les aspirations

Un service public national d’orientation, le National Careers Service, créé en 2012, supervise l’aide à l’orientation dans les écoles. Chaque établissement secondaire doit posséder un lieu entièrement dédié à l’orientation et aux informations sur les matières et les métiers et doit élaborer puis mettre en œuvre un programme d’orientation scolaire et professionnelle. Depuis le début des années 2000, les écoles sont encouragées à organiser des événements mettant les élèves en relation avec les établissements supérieurs et les entreprises.

L’aide à l’orientation se construit autour de trois types d’actions : l’accompagnement personnel, le soutien au parcours académique, et la construction du projet professionnel.

Des conseillers d’orientation et les enseignants sont chargés de l’accompagnement personnel. Le soutien au parcours académique et la construction du projet professionnel sont adossés à des activités collectives auxquelles participent des acteurs extérieurs (entreprises, universités). De nombreuses activités sont organisées en lien avec les employeurs locaux (stages plus fréquents qu’en France, possibilité de bénéficier, dès 13 ans, d’un mentor au sein d’une entreprise, conférences de professionnels dans les écoles, journées de découverte des métiers, interventions des services d’accès à l’emploi sur les métiers disponibles localement).

En partenariat avec les autorités locales, les écoles identifient les élèves ayant des difficultés sociales et familiales pour les encourager à ne pas décrocher et proposent aux élèves identifiés comme risquant de s’autocensurer des activités en partenariat avec des établissements du supérieur.

Depuis la fin des années 1990, les activités destinées à encourager l’accès des jeunes aux études supérieures ont été largement développées en Angleterre, avec pour objectif « l’élévation des aspirations » de toute une classe d’âge d’élèves défavorisés.

Ainsi, les établissements du supérieur ont conduit, entre 2004 et 2011, un programme intitulé Aimhigher (« visez plus haut ») qui sera ensuite suivi de programmes dans le même esprit.

Un des objectifs vise à permettre aux élèves du primaire et du secondaire, ainsi qu’à leurs parents, d’être en relation avec le monde de l’enseignement supérieur et celui de l’emploi.

Dès l’école primaire, des réunions se tiennent dans les maisons de quartier où sont conviés des universitaires et des étudiants pour présenter des filières d’études à des parents souvent non-diplômés, décrire la vie sur le campus, les activités extra‑académiques, connaître les associations et autres supports d’intégration sociale. Ces échanges permettent d’informer et de rassurer les familles.

Dans le secondaire (collège), universitaires et étudiants présentent aux élèves les filières et les débouchés de l’enseignement supérieur, des activités liées à la découverte des métiers sont proposées et les élèves peuvent participer à des séjours d’immersion à l’université durant les vacances d’été (summer school).

Lors des années « lycée », il est proposé aux élèves qui envisagent de faire des études supérieures d’assister à un cours universitaire (shadowing), de suivre des cours de rattrapage (booster classes) et des stages d’apprentissage des méthodes de travail universitaires, voire des cours de perfectionnement pour prendre de l’avance sur le programme universitaire (master classes).

Ainsi, en 2014-2015, le taux d’abandon des étudiants défavorisés (8 %) était peu différent de celui des étudiants favorisés (5 %) tandis que se sont réduits les écarts d’aspirations entre les groupes sociaux.

Le succès de ce programme ne doit toutefois pas occulter les autres facteurs d’inégalité des chances telles les barrières financières.

S’appuyant sur l’exemple britannique, M. Jules Donzelot suggère d’aider les jeunes à se projeter grâce à des initiatives variées telles que :

– les rencontres organisées dans des maisons de quartier pour présenter les universités à des parents d’élèves de lycée comme d’école primaire grâce au concours d’universitaires, d’étudiants et de services de la ville ;

– le shadowing, qui consiste à suivre un étudiant ou un professionnel comme son ombre pendant une journée sans avoir de tâches ni de rapport à réaliser comme c’est le cas pour les stages ;

– les vacances apprenantes (sur ce point, l’accompagnement à l’orientation gagnerait ainsi à figurer au menu des vacances apprenantes ouvertes cet été pour rattraper le retard scolaire né de la crise sanitaire).

3.   Un impératif : mieux accompagner les lycéens

Les exemples mentionnés plus haut mettent en lumière les bénéfices d’un suivi sur le long terme des jeunes – en particulier des plus fragiles – et des découvertes de terrain.

En ce qui concerne le contenu de l’accompagnement, plusieurs travaux constatent que les étudiants bénéficiant de davantage d’informations sur les formations supérieures font les choix les plus pertinents ([60]). En outre, informer les futurs étudiants sur leurs capacités à réussir leur première année réduit le nombre d’élèves qui choisissent une formation où ils ont peu de chances de réussir.

Selon l’enquête du CREDOC, les jeunes souhaitent effectuer leur choix en fonction de leurs goûts personnels, de leurs motivations profondes ; or ils s’estiment peu accompagnés sur ce point et, pour 43 % d’entre eux, n’ont pas de projet professionnel au moment de leur orientation, ce qui, compte tenu du peu d’information dont ils disposent sur le contenu concret de nombre de métiers, n’est guère surprenant. Les jeunes sont ainsi nombreux à souhaiter que l’accompagnement soit davantage personnalisé et que plus de temps leur soit consacré.

Comme en témoigne l’importance qu’ils donnent au stage de 3ème, les lycéens souhaitent plus d’informations sur les métiers. Cette situation plaide pour développer, chaque fois que possible, ce moyen de connaître concrètement un métier, et de renforcer les partenariats avec les entreprises, par exemple avec le concours des régions, pour permettre aux élèves de tirer le meilleur profit de ces expériences.

Les éléments qui vous auraient semblé les plus importants
pour prendre une décision sur votre orientation

(en %)

Source : CREDOC pour le CNESCO, enquête auprès des 18-25 ans, septembre 2018.

Pour discuter de leur orientation, les jeunes se tournent d’abord vers leurs parents : 80 % ont évoqué la question avec leurs parents, et pour 52 % ils ont été le principal interlocuteur, mais cette proportion varie substantiellement selon la profession des parents (les parents cadres sont plus sollicités que s’ils sont au foyer ou ouvriers). En définitive, plus de 60 % disent avoir été aidés par leurs parents pour leur orientation.

L’enquête du CSA pour la Cour des comptes fait en revanche apparaître que, bien que la proportion décroisse, une majorité d’étudiants n’ont pas le sentiment d’avoir été bien orientés lorsqu’ils étaient au lycée (56 % des inscrits sur Parcoursup 2019 contre 66 % des inscrits sur APB 2017). Tandis que la récente enquête de l’Observatoire de la vie étudiante ([61]) met en lumière les écarts de satisfaction entre les bacheliers des différentes filières : 19 % des bacheliers professionnels se disent totalement insatisfaits de l’orientation obtenue, soit 4 points de plus que les bacheliers technologiques (15 %) et 10 points de plus que les bacheliers généraux.

Cette même enquête a décliné le fondement des choix des lycéens, selon le positionnement de leurs vœux :

Les raisons ayant motivé les choix d’orientation sur Parcoursup

(en %)

Source : enquête « Transition du secondaire au supérieur », OVE 2019 ;

Champ : étudiants en première année d’étude supérieure (N = 4 482) (pour la 2e colonne : étudiants ayant émis au moins 2 vœux ; pour la 3e colonne : étudiants ayant émis au moins 3 vœux).

Elle constate enfin que la solitude dans l’ensemble du processus (pas d’entretien personnalisé ni échange avec un professeur principal et saisie seul des choix sur Parcoursup) se traduit par une moindre satisfaction du résultat obtenu au terme de la procédure.

Dans le cadre de ses travaux sur l’accompagnement à l’orientation, le CNESCO ([62]), à l’issue de sa conférence internationale de novembre 2018, a formulé un certain nombre de préconisations qui, elles aussi, mettent en avant, la nécessité d’un accompagnement sur la durée favorisant une meilleure connaissance de soi et des activités propres à améliorer la découverte concrète des filières et des métiers.

  Pour donner aux élèves les connaissances et les compétences nécessaires, il propose notamment :

– de développer les ateliers de connaissance de soi (dans les collèges des réseaux d’éducation prioritaire puis dans tous les collèges puis dans les écoles primaires) ;

– de développer les activités créatives dans le cadre scolaire et de valoriser les activités extrascolaires pour aider les élèves à prendre conscience de leurs aspirations et compétences ;

– de favoriser l’estime de soi par exemple en travaillant en petits groupes pour créer la confiance, mutualiser les savoirs et développer les compétences transversales ;

– de garder une trace des réflexions et des acquis en consacrant du temps au portfolio, par exemple dans le cadre de l’accompagnement personnalisé, de travailler avec les acteurs du monde économique pour apprendre aux lycéens à valoriser leurs expériences et compétences ;

– de faire découvrir les métiers de façon concrète par exemple en demandant aux élèves d’enquêter sur la réalité quotidienne des métiers et sur les parcours des professionnels ; mais aussi, à partir d’un objet du quotidien, par exemple une tablette numérique, de connaître plusieurs métiers (la conception, le marketing…) ;

– de multiplier les périodes de découverte en 3ème (stages avec des immersions dans des milieux professionnels contrastés, visites ou périodes d’immersion collective en entreprise, visite d’ateliers) ; d’instaurer en seconde générale des « junior entreprises » puis de faire tirer aux élèves un bilan de leur stage et de travailler sur le sens du travail scolaire, le sens du travail des adultes ; de mettre en place des accompagnements, sous forme de mentorat, par des professionnels formés ;

– de créer des « antennes » dans les établissements scolaires permettant la rencontre entre les collégiens et les représentants des lycées, entre les lycéens et les représentants des établissements d’enseignement supérieur ; de généraliser les périodes de découverte ou d’immersion vers les niveaux supérieurs, d’organiser au lycée des simulations d’entretiens d’orientation entre élèves pour discuter de leurs motivations et les confronter avec les jeunes inscrits dans la filière envisagée…

– de renforcer la visibilité des sources fiables au niveau national sur les filières et les débouchés, à travers la labélisation du Conseil national de l’information statistique ; d’intégrer la recherche d’informations dans l’éducation aux médias ; d’intégrer aux outils numériques des possibilités de contact pour accompagner leur usage en semi-autonomie (forum interne, tchat d’assistance…).

  Pour lutter contre les inégalités dans les parcours d’orientation, le CNESCO préconise notamment :

– dès le primaire, de déconstruire les stéréotypes de genre en utilisant des histoires qui prennent les stéréotypes à contrepied et en présentant des témoignages de professionnel(le)s et d’étudiant(e)s… et d’intégrer la question des stéréotypes à la formation des enseignants sur l’orientation ;

– d’accompagner les élèves en situation de handicap tout au long de leur parcours ;

– pour élever les aspirations des jeunes, de prévoir des heures supplémentaires d’accompagnement à l’orientation aux élèves boursiers et dans les territoires où le taux d’accès à l’enseignement supérieur est faible, déconstruire les stéréotypes sociaux, proposer des rencontres avec les parents dans un lieu neutre (ex : CIO) et adapter les horaires de rendez‑vous avec les établissements aux contraintes des familles, s’appuyer sur les associations pour dialoguer avec les familles les plus précarisées…

– de consacrer du temps, avec les parents, pour rendre concrets des parcours éloignés de certaines familles…

Les propositions formulées lors de la conférence internationale du CNESCO concernent aussi la connaissance des spécificités du territoire, l’ouverture aux formations nationales et internationales ainsi que la construction d’une culture commune de l’orientation pour tous les acteurs.

Parmi les propositions de la mission « Orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes » confiée à Mme Salomé Berlioux
concernant plus particulièrement l’orientation :

Au titre de linformation et de lorientation :

- Placer l’orientation au coeur du projet pédagogique des collèges et lycées ruraux, grâce à des Cordées de la réussite adaptées ;

- Mieux former les équipes éducatives à l’orientation en zone rurale ;

- Dupliquer le modèle des « Mini‑entreprises » dans 100 premiers collèges ruraux (Le dispositif « Minientreprises » offre la possibilité à des classes de collèges et de lycées de concevoir un projet entrepreneurial de A à Z, à travers un parcours gradué allant dune demi-journée à une soixantaine dheures par an, en lien avec des mentors issus du monde de lentreprise) ;

- Consolider et stabiliser les équipes éducatives des établissements isolés ;

- Inciter les établissements d’enseignement supérieur à développer leur communication à destination des jeunes des territoires par un système de bonus-malus ;

- Créer un programme national de mentorat adapté aux territoires éloignés des grandes métropoles.

 Au titre du maillage territorial :

- Proposer 30 000 stages dédiés aux élèves de 3ème des zones rurales ;

- Organiser des écosystèmes pour l’orientation des jeunes ruraux au sein de leur territoire ;

- Organiser des rencontres structurées et inspirantes dans 100 premiers établissements ruraux ;

- Systématiser les immersions des jeunes ruraux dans le monde de la formation et de l’emploi ;

- Faciliter l’engagement des jeunes des territoires isolés : SNU, Service civique, engagements du quotidien ;

- Favoriser l’utilisation du numérique pour soutenir l’orientation et les aspirations des jeunes ruraux.

 Au titre de la mobilité nationale et internationale :

- Engager une réflexion multi-acteurs sur le Capital jeune (dotation financière individuelle au bénéfice des jeunes éloignés des métropoles) ;

- Systématiser l’accès au permis de conduire à 17 ans ;

- Lancer un programme expérimental « Découvre mon territoire ! » (sous la forme déchanges entre collégiens, dabord dans les collèges dotés dInternat ) ;

- Développer la fonction d’orientation des internats ;

- Intensifier les dispositifs d’accès à la culture spécifiques pour les jeunes ruraux ;

- Expérimenter des séjours de pré‑rentrée dans 30 établissements d’enseignement supérieur ;

- Mieux prendre en compte l’éloignement géographique dans le calcul des primes à l’internat et dans les critères d’attribution des bourses pour l’enseignement supérieur.

Nombre des propositions citées vont dans le bon sens : celui de l’accompagnement sur la durée, en particulier des publics les plus fragiles, et du développement d’activités concrètes pour que les élèves apprennent à se connaître et à découvrir leur environnement futur. Elles exigent néanmoins un engagement fort aussi bien des chefs d’établissement, des équipes pédagogiques formées à cette fin, des psy‑EN que la mobilisation des acteurs de l’enseignement supérieur, des étudiants et des professionnels. Il s’agit donc d’organiser, au niveau de chaque établissement, tout un « écosystème » d’accompagnement à l’orientation. Cette tâche est donc particulièrement exigeante en temps et en énergie mais elle est déterminante.

La préparation et laccompagnement à lorientation doivent donc prendre toute leur place dans lenseignement secondaire et favoriser les découvertes concrètes, dont l’expérience montre qu’elles intéressent beaucoup les élèves, en particulier ceux – nombreux – qui ont des difficultés à trouver du sens aux programmes d’enseignement scolaires, tels qu’ils sont conçus aujourd’hui.

Cet accompagnement doit favoriser les temps individuels et collectifs : journées collectives de découvertes des métiers, découvertes individuelles en suivant des professionnels durant une ou deux journées, rencontres avec les étudiants et les enseignants du supérieur dans les classes, sur place et avec les parents – en particulier les plus défavorisés. Il s’agirait également d’un cadre privilégié pour déconstruire les a priori culturels alimentant l’autocensure ainsi que les stéréotypes de genre, de même que peuvent y être conduites des actions favorisant une plus grande autonomie des élèves.

Proposition n° 5 : Préparer à l’orientation les élèves dès le collège, par des activités portant sur la connaissance de soi et sur la découverte des filières et des métiers.

C.   FÉDÉRER ET MIEUX IMPLIQUER LES ACTEURS POUR MIEUX INFORMER CHAQUE JEUNE

Améliorer l’accompagnement à l’orientation, c’est aussi faciliter l’accès aux informations et aux conseils, fédérer et coordonner les acteurs, y compris au niveau ministériel où le continuum « -3/+3 » doit trouver une traduction concrète.

1.   Coordonner et rendre lisible l’écosystème de l’orientation

La création d’un véritable « écosystème » de l’orientation, constitué d’acteurs et de ressources de différents horizons, paraît indispensable. Il faut que l’intervention de ces différents acteurs s’inscrive dans un cadre lisible et organisé, de façon à faciliter l’accès des jeunes à des informations claires et concrètes.

Le CNESCO comme le rapport d’inspection insistent sur la coordination des actions, préoccupation qui est aussi celle des rapporteurs.

Ainsi, le CNESCO préconise en particulier :

– de coordonner les actions au niveau local en cartographiant l’ensemble des acteurs et actions existantes et leurs points forts ;

– de faire dialoguer le monde économique et celui de l’éducation (identifier des référents entreprises, parrainages, tutorats) ;

– de coordonner les acteurs au niveau national et garantir l’égalité territoriale en développant un cadre de référence national précisant le socle commun de compétences que les élèves doivent acquérir au titre de l’orientation ;

– de maintenir un service national d’informations, de s’appuyer sur le numérique.

De leur côté, les inspecteurs généraux ([63]) plaident pour une action à trois niveaux :

– au niveau national, la fédération et la synergie interne aux acteurs de l’État ;

– au niveau régional, la fédération et la synergie des acteurs, lieu de la compétence partagée État-région ;

– au niveau local, la mise en place d’une véritable pédagogie de l’orientation.

La multiplication des intervenants, en particulier associatifs et privés, sur le « marché » de l’orientation, exige, plus que jamais, une présentation claire et un fonctionnement fluide de l’aide publique à l’orientation.

Les nouvelles compétences confiées aux régions ne doivent pas occulter le besoin, pour favoriser une mobilité sociale et géographique, de donner un accès égal, à tous les élèves du territoire, à l’information sur les filières et métiers et à l’accompagnement à l’orientation.

L’information disponible sur les filières doit être la même pour tous et sa diffusion par les régions régulièrement évaluée et suivie par les services ministériels. Les régions, pour leur part, doivent être en mesure d’accompagner les établissements pour organiser la découverte concrète des métiers pour tous les collégiens et lycéens.

2.   Fédérer les acteurs nationaux

Au-delà d’une meilleure coordination des structures académiques et régionales – que l’on pourrait même envisager de simplifier –, le rapport d’inspection ([64]) plaide pour une mise en cohérence des acteurs de l’administration centrale.

Pour remédier à ce que Mme van Zanten qualifie de manque de coordination criant entre le MENJS et le MESRI, la Cour des comptes préconise de structurer une fonction d’orientation commune au MENJS et au MESRI supervisant la plateforme Parcoursup et disposant de moyens pour l’action « orientation » par redéploiement de crédits de la loi ORE.

Cette proposition de la Cour, à laquelle les rapporteurs souscrivent, devrait aller de pair avec une clarification des crédits consacrés à l’orientation.

Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a toutefois indiqué aux rapporteurs que la mission de l’orientation du scolaire vers le supérieur (MOSS), créée pour piloter le « continuum », et le service chargé de la plateforme Parcoursup ont été placés sous la responsabilité du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, au sein de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP).

Cette évolution s’adresse aux lycéens mais également à l’ensemble des personnels qui participent à leur orientation. En particulier, la mobilisation des personnels des établissements placés au plus près des lycéens qui aspirent à rejoindre l’enseignement supérieur est déterminante.

Pour accompagner les personnels des lycées en charge de l’orientation, le MESRI a développé une information précise, ciblée et régulière via une lettre d’information envoyée aux chefs d’établissement en amont des grandes étapes de la procédure Parcoursup (inscription et constitution du dossier, expression des vœux…). Il leur est demandé d’organiser des séances collectives pour permettre aux lycéens de se familiariser avec la plateforme et de découvrir l’offre de formation. À cette fin, divers documents leurs sont proposés, en particulier des diaporamas qui détaillent les diverses étapes et procédures.

Par ailleurs, une animation hebdomadaire du réseau des services académiques d’information et d’orientation se tient avec le chef du projet Parcoursup, la MOSS et le service de Parcoursup.

Au-delà de ce pilotage national, il serait nécessaire qu’au niveau des établissements, les jeunes et leurs familles disposent, de manière systématique, d’une information lisible et pratique sur les interlocuteurs susceptibles de les accompagner au titre de l’orientation.

Proposition n° 6 : Dès le collège, communiquer aux élèves et aux familles un récapitulatif des interlocuteurs compétents sur les questions d’orientation (psy‑EN, enseignants, ressources ONISEP, CIO…), avec les modalités de prise de contact.

 

 


—  1  —

   DEUXIÈME PARTIE :
L’ADMISSION DANS L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR :
RENFORCER LA TRANSPARENCE ET L’ÉQUITÉ DE LA PROCÉDURE

Le dispositif Parcoursup s’insère dans la loi n° 2018‑166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE) qui définit les modalités d’admission dans l’enseignement supérieur. Il vise essentiellement à répondre à deux limites clairement identifiées de la procédure qu’il remplace, Admission post‑bac (APB).

En premier lieu, le recours au tirage au sort du dispositif APB, même s’il était limité à quelques filières en tension, était fortement contesté, que ce soit d’un point de vue juridique ou au nom de l’équité.

Le tribunal administratif de Bordeaux, dans son jugement du 16 juin 2016, avait déjà anticipé l’absence de fondement juridique de la future circulaire n° 2017‑077 du 24 avril 2017 de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche ([65]) autorisant le tirage au sort, et imposait au recteur de l’académie de Bordeaux l’inscription du requérant, dont la demande d’inscription en première année de STAPS avait été rejetée par ce procédé ([66]). Le 17 décembre 2017, le Conseil d’État confirmait le jugement, en reprochant au ministère de ne pas pouvoir « garantir que léventuel départage, par tirage au sort entre les candidats ayant obtenu le même classement, ninterviendra quà titre exceptionnel et entre un nombre limité de candidats » ([67]). Par ailleurs, la CNIL dans une décision du 30 août 2017 et la Cour des comptes, dans son rapport public thématique d’octobre 2017, incitaient fortement l’État à abandonner le recours au tirage au sort.

Régulièrement accusé d’entacher le caractère méritocratique de la procédure d’affectation dans le supérieur, ce procédé était également fortement contesté par nos concitoyens. Un sondage Ipsos réalisé en octobre 2017 indiquait ainsi que 80 % des Français considéraient le tirage au sort comme une solution profondément injuste, le total s’élevant à 81 % pour les parents de lycéens et à 87 % pour les parents d’étudiants.

En second lieu, la persistance du taux d’échec important en début de supérieur, particulièrement en licence, laissait penser que le processus d’affectation ne remplissait pas correctement son rôle. Ainsi, seulement 40 % des étudiants en licence de la session 2017 ont obtenu leur diplôme en trois ou quatre ans (seulement 28 % en trois ans). Ce taux de réussite est stable depuis le milieu des années 2000, et sa faiblesse va de pair avec l’abandon important de cette formation au bout d’une ou deux années d’étude ([68]).

Ces deux séries de contestations, juridiques et politiques, ont poussé le ministère chargé de l’enseignement supérieur à annoncer en octobre 2017 sa volonté d’abandonner le dispositif APB et de le remplacer. Parcoursup est donc né dans l’urgence, ce qui explique qu’un certain nombre de modifications aient été apportées « au fil de l’eau » au dispositif.

Parcoursup et la loi ORE modifient considérablement le fonctionnement de la procédure d’admission dans l’enseignement supérieur.

Premièrement, les vœux formulés par l’élève ne sont plus hiérarchisés, de façon à lui accorder un temps de réflexion plus important. Il peut ainsi accepter ou refuser chacune des propositions qui lui sont faites au cours de la campagne, là où avec APB les propositions étaient automatiquement acceptées ou refusées en fonction de leur place dans la hiérarchie qu’il avait initialement établie, relativement tôt dans l’année.

Deuxièmement, toutes les candidatures sont classées, même au sein des filières non sélectives, par des « commissions d’examen des vœux » (CEV) dont la composition est arrêtée par le chef d’établissement pour chaque formation ([69]). En revanche, seules les filières dites sélectives ([70]) ont le droit de refuser des candidatures, les filières dites non sélectives ayant pour leur part l’obligation de toutes les classer. À l’issue de la procédure, pour ces dernières, le candidat peut soit être inscrit, soit être admis moyennant le suivi d’un dispositif de remédiation (appelé « oui si »), soit être mis en liste d’attente.

Troisièmement, pour les filières « en tension », c’est-à-dire celles pour lesquelles « le nombre de candidatures excède les capacités daccueil ([71]) », « les inscriptions sont prononcées par le président ou le directeur de létablissement dans la limite des capacités daccueil, au regard de la cohérence entre, dune part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences et, dautre part, les caractéristiques de la formation » ([72]). Autrement dit, là où APB départageait d’abord les candidats pour les filières en tension selon leur situation géographique, leur situation familiale ou leur préférence ([73]), la loi ORE privilégie les acquis des candidats et leurs compétences, en les mettant en regard des caractéristiques de la formation demandée.

Quatrièmement, des quotas sociaux et géographiques sont appliqués a posteriori et viennent modifier les propositions d’affectation des candidats qui résultent du classement effectué par les CEV, en plus des quotas de bacheliers professionnels en STS et de bacheliers technologiques en IUT déjà prévus par la loi de juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Cinquièmement, une phase complémentaire est prévue après la phase principale pour permettre aux candidats non « admis », c’est‑à‑dire qui n’ont reçu ou accepté aucune proposition, de trouver une place dans une formation. Les CEV ne sont néanmoins pas convoquées à cette occasion, car cette phase a un fonctionnement de type « premier arrivé, premier servi » : les places sont libérées au fur et à mesure des désistements des candidats, et les premiers candidats qui les acceptent sont admis d’office.

Il faut bien garder à l’esprit que Parcoursup est avant tout une plateforme daffectation, qui concrétise des choix plus ou moins éclairés de la part des élèves qui s’orientent vers l’enseignement supérieur, et qui prend en compte les contraintes de capacité d’accueil des formations.

Au vu du contexte de sa mise en place comme des modifications importantes qu’elle apporte au processus d’affectation, la performance de la plateforme Parcoursup doit être évaluée à l’aune de critères bien précis.

Le premier objectif de Parcoursup est de faire accéder la plus grande proportion possible de candidats à lenseignement supérieur, autrement dit de permettre un bon appariement entre les demandes des candidats et loffre de formations dans le supérieur. D’un point de vue strictement quantitatif d’abord, quelle est la proportion de candidats « admis » (c’est-à-dire qui ont accepté une proposition) ? D’un point de vue plus qualitatif ensuite, l’appariement réalisé a‑t‑il permis d’améliorer l’assiduité et la réussite des étudiants lors de leurs premières années dans le supérieur ? Il sera plus difficile (voire impossible) de répondre d’ores et déjà à la seconde question, dans la mesure où le recul par rapport à la mise en œuvre de la loi ORE (deux ans) est encore insuffisant pour juger de ses effets sur les taux de réussite en licence.

Le second objectif de Parcoursup est de faire en sorte que la procédure daffectation dans le supérieur se fasse dans la plus grande transparence possible. Cette dernière revêt un caractère crucial, dans la mesure où elle permet aux candidats de faire leurs choix d’orientation de façon éclairée, et où elle garantit l’équité et l’égalité de traitement des dossiers. Une critique souvent émise à l’endroit du dispositif APB était d’ailleurs son opacité. Parcoursup permet-il aux candidats de se faire une idée précise des critères présidant à l’examen de leur candidature comme du contenu de la formation à laquelle ils postulent ?

Le troisième objectif de Parcoursup consiste à limiter les inégalités daccès et daffectation dans lenseignement supérieur, quelles soient relatives au type de baccalauréat obtenu par lélève ou à sa situation sociale. En reconduisant les quotas de bacheliers professionnels en STS et de bacheliers technologiques en IUT, et en introduisant des quotas sociaux pour les étudiants boursiers, la loi ORE entend lutter contre les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur et favoriser la réussite des étudiants. Qu’en est‑il des effets de ces quotas ? Plus largement, qu’est-il advenu des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur et de représentation des différentes catégories sociales en son sein depuis l’instauration de Parcoursup ?

I.   MIEUX TENIR LES PROMESSES INITIALES DINFORMATION ET DE TRANSPARENCE

En introduction, il convient de partager le constat dressé par les chercheurs lors de l’audition qui leur a été consacrée : l’amélioration de la transparence du processus d’accès à l’enseignement supérieur passe aussi par une meilleure communication des données relatives à Parcoursup, notamment à l’égard des chercheurs. Comme l’a indiqué M. Julien Grenet, chercheur en économie au CNRS et directeur adjoint de l’Institut des politiques publiques (IPP), les données relatives à Parcoursup sont trop difficiles à obtenir, et les indicateurs sont encore produits pour l’essentiel par le ministère lui-même. Cela ne joue pas en faveur de la clarté et de la lisibilité du dispositif. À titre d’exemple, les chercheurs ne disposent toujours pas des éléments suffisants pour pouvoir évaluer précisément les effets de deux transformations récentes : la régionalisation des formations en Île‑de‑France et le relèvement des quotas de boursiers.

Auditionné par les rapporteurs, M. Jérôme Teillard, chef de projet Parcoursup, a indiqué que des efforts avaient été faits peu après le lancement de la plateforme pour permettre aux chercheurs d’analyser les données issues de Parcoursup. Un arrêté du 23 novembre 2018 ([74]) porte ainsi « création dun traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé “Système dinformation sur lorientation dans le supérieur” (ORISUP) ». L’article 4 de l’arrêté précise que « les organismes de recherche et les chercheurs qui ont conclu une convention avec le service statistique du ministère chargé de lenseignement supérieur et de la recherche » peuvent être « destinataires, sur demande, des informations et données à caractère personnel contenues dans le traitement », « pour les seules données pertinentes au regard des finalités quils poursuivent, après application dun traitement rendant impossible lidentification directe ou indirecte des personnes concernées ».

M. Jérôme Teillard a également signalé qu’un système de plusieurs bases de données coordonnées intégrant les principales données nécessaires à la recherche a été d’abord construit pour Parcoursup 2018, et tout récemment pour Parcoursup 2019. Il s’agit des bases dites « Parcoursup’stat », auxquelles les chercheurs ayant signé des conventions ont accès. Enfin, un accès aux données primaires est possible : les chercheurs peuvent travailler directement sur les bases d’APB ou de Parcoursup, archivées de manière sécurisée au ministère. Le nombre de chercheurs concernés par cet accès spécifique (sept seulement) est cependant peu élevé, ce qui semble confirmer le constat dressé par M. Julien Grenet des difficultés d’accès aux données brutes.

En revanche, les données non anonymisées ne sont pas accessibles. Le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) mène actuellement une réflexion avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pour permettre aux chercheurs d’accéder à ces dernières, afin qu’ils puissent analyser plus avant les trajectoires des étudiants, notamment en effectuant des recoupements entre les données Parcoursup et les données d’insertion de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). Enfin, M. Jérôme Teillard a souligné que chaque nouvelle ouverture de session Parcoursup (le 22 janvier) donne lieu à la mise à disposition en open data de l’ensemble des données relatives à la session précédente.

Lancement de projets de recherches autour de Parcoursup

En décembre 2019, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a fait un pas en direction du monde de la recherche en lançant un appel à manifestation d’intérêt (AMI) portant sur des projets de recherche concernant Parcoursup, doté d’un financement de 120 000 euros, autour des axes suivants :

• Quels sont les effets de la mise en place de de la loi ORE et de Parcoursup sur l’accès à l’enseignement supérieur et la réussite ?

• Quels sont les effets de la mise en place de Parcoursup sur la mobilité sociale ?

• Quels sont les effets de la mise en place de Parcoursup sur la mobilité géographique ?

• Quels sont les effets du niveau et de l’origine scolaire des candidats (type de baccalauréat, série et mention, âge, régime d’inscription) sur les affectations, les abandons ?

• Quelles implications peut-on attendre des évolutions de la plateforme Parcoursup ?

Les lauréats ont été sélectionnés le 7 mai 2020 par un comité indépendant de 15 experts, chercheurs et membres de l’administration, spécialisés sur les questions d’enseignement scolaire et supérieur.

Les projets retenus portent sur :

– l’impact émotionnel de Parcoursup sur les conduites d’orientation ;

– la modalité « oui si », les publics qu’elle concerne, sa mise en œuvre et les effets que ses nouvelles modalités produisent sur la persévérance et la réussite des étudiants ;

– l’évaluation de la plateforme Parcoursup comme outil au service de la loi ORE selon son efficacité et son équité.

Proposition n° 7 : Faciliter l’accès des chercheurs aux données brutes collectées par la plateforme Parcoursup.

A.   UNE INFORMATION PERFECTIBLE

Le dispositif Parcoursup doit à la fois renseigner les candidats sur le contenu des formations et sur leurs débouchés potentiels, mais aussi leur indiquer la probabilité de les rejoindre et d’y réussir, en fonction de leur parcours et de leurs compétences.

1.   L’information déjà fortement enrichie sur les formations peut encore être améliorée

En premier lieu, l’élargissement progressif du périmètre des formations a été considérable puisqu’en 2020, toutes les formations reconnues par l’État sont intégrées à la plateforme. Elle offre désormais aux candidats une information exhaustive au moins sur leurs possibilités de candidature. De ce point de vue, l’évolution a été rapide et positive : 13 000 formations disponibles en 2018, 16 800 environ en 2020, soit 3 800 formations supplémentaires en 3 ans. Parmi les nouveautés de 2020, on recense les licences sélectives de Paris Dauphine, les Instituts d’études politiques (IEP), le programme bachelor de l’École polytechnique, les instituts d’administration des entreprises, les formations aux métiers de la culture, de nouvelles écoles de commerce et de management (recrutant sur concours indépendant ou via des banques de concours), les formations aux métiers de l’hôtellerie-restauration ou encore les instituts de formation aux professions paramédicales. Elles viennent s’ajouter aux nouveautés de 2019 : instituts de formation en soins infirmiers, établissements de formation en travail social, une trentaine de bachelors d’écoles de commerce ainsi que l’ensemble des formations d’écoles d’ingénieurs en 5 ans.

Il subsiste cependant encore quelques exceptions procédurales : les candidats à Sciences Po Paris ont dû créer un dossier de candidature sur le site de l’école avant le 5 janvier avant de s’inscrire sur Parcoursup ensuite, à partir du 22 janvier. En ce qui concerne les écoles d’art et du spectacle vivant, elles étaient certes visibles dans le moteur de recherche Parcoursup, mais pour la très grande majorité d’entre elles les candidatures ont dû se faire hors Parcoursup, directement auprès des établissements. Toutefois, ces procédures devraient être régularisées dès la prochaine session.

En second lieu, la plateforme a diversifié les outils de transmission de l’information : un portail unique qui regroupe l’ensemble des formations, une cartographie des formations, et depuis 2019 une carte interactive des formations. Le Comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) note à ce sujet que « la possibilité offerte aux candidats de découvrir des formations similaires lorsquils sintéressent à une filière donnée constitue notamment un progrès réel » ([75]). Enfin, au moment de la saisie des vœux, les fiches de présentation de chacune des formations indiquent notamment le contenu et l’organisation des enseignements, les connaissances et les compétences attendues ainsi que les critères généraux d’examen des vœux.

Pour permettre aux candidats de se faire une première idée de leurs chances d’intégrer une formation, la plateforme a été enrichie en 2019 par le rang du dernier appelé de l’année précédente puis en 2020 par la publication des taux minimaux de boursiers et des taux maximaux de non‑résidents pour chacune des formations. Concernant la réussite, le candidat dispose pour chaque formation du taux de passage en deuxième année et du taux de réussite selon le bac. Le taux d’insertion professionnelle n’est en revanche jamais renseigné dans l’espace qui lui est réservé.

Au total, l’information relative aux formations paraît relativement riche, et semble offrir aux candidats la possibilité de faire un « choix éclairé ». D’ailleurs, la Cour indique dans son rapport que des améliorations significatives ont été faites par rapport à APB en termes d’informations disponibles sur les différentes formations. Néanmoins, des enrichissements supplémentaires peuvent encore être apportés, qui existent déjà sur certaines plateformes à l’étranger.

La Cour cite comme exemple la plateforme d’affectation dans le supérieur du Royaume-Uni, « University Common Application System » (UCAS), qui délivre pour de nombreuses formations des informations telles que « le taux demploi ou les salaires des travailleurs ayant suivi ce cursus, ou encore des vidéos de témoignage détudiants » ([76]). Ces vidéos de témoignages semblent particulièrement pertinentes, puisque le sondage de la Cour montre que la majorité des élèves considère que les témoignages d’anciens élèves sont la modalité d’accompagnement à l’orientation la plus utile.

Proposition n° 8 : Mieux informer les candidats inscrits sur Parcoursup en proposant des vidéos de témoignages d’anciens étudiants et en renseignant systématiquement le taux d’insertion professionnelle sur les fiches des formations.

2.   Des attendus trop imprécis pour pouvoir jouer convenablement leur rôle

Pour améliorer l’information des candidats, des « attendus » sont désormais proposés par les formations. Ils sont définis par l’article 1er de la « Charte pour une mise en œuvre partagée des “attendus” des formations au service de la réussite des étudiants » ([77]). Son article 2 indique qu’ils doivent répondre à l’objectif d’« informer les lycéens des connaissances et des compétences nécessaires pour réussir dans chacune des filières de lenseignement supérieur, et leur donner les moyens de se situer par rapport aux attentes et aux exigences de chaque formation pour laquelle ils envisagent de formuler un vœu ».

Des « éléments de cadrage national des attendus pour les mentions de licence » ([78]) ainsi que des « éléments de cadrage national des attendus pour les CPGE » ([79]) ont été élaborés sous la houlette du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) et du ministère de l’éducation nationale (MEN) avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur (Conférence des présidents d’université, Conférence des grandes écoles, Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) ; ils présentent les attendus nationaux respectivement pour chacune des mentions de licence et pour chacun des parcours d’étude des CPGE proposés sur Parcoursup. Ces attendus nationaux peuvent « être complétés par les établissements dispensant des formations initiales du premier cycle de lenseignement supérieur pour prendre en compte les spécificités de leurs formations » ([80]). Mais ces compléments locaux sont en réalité plutôt rares, les établissements se contentant en général des éléments de cadrage national, qu’ils semblent considérer comme suffisamment détaillés.

Pourtant, la Cour indique que ces derniers sont trop généraux et imprécis pour jouer convenablement un rôle véritable d’aide à la décision pour les candidats ; elle met en avant le caractère parfois inutile de certaines informations, leur systématicité quelle que soit la formation ou encore leur caractère trop abstrait. Les limites des « attendus » apparaissent également dans le sondage mené par la Cour : 39,9 % des professeurs principaux jugent qu’ils sont imprécis, et 45,3 % estiment qu’ils ne donnent pas une bonne indication des chances de réussite des étudiants au sein de la formation. Lors de l’audition consacrée aux syndicats des enseignants du secondaire, M. Alexis Torchet, secrétaire national Sgen‑CFDT, ainsi que Mme Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du SNES‑FSU, ont également mis en avant le caractère insatisfaisant des attendus, dont le caractère trop général est une conséquence du manque de continuité entre les programmes du secondaire et les attentes du supérieur, qu’il conviendrait de mieux articuler.

Certaines formations vont plus loin, et proposent des « tests » d’auto‑évaluation obligatoires pour les candidats qui postulent. Ces tests, dont elles déterminent les questions, sont censés donner une indication aux candidats quant à leur aptitude à rejoindre la formation et à y réussir. La Cour s’étonne du fait que ces tests soient l’apanage de quelques formations seulement et relèvent de leur seule initiative, d’autant que les questionnaires apparaissent parfois assez éloignés de la pratique de la discipline concernée ([81]), et peuvent faire penser aux candidats qu’ils n’ont pas les prérequis nécessaires. Autrement dit, il ne faudrait pas que l’aide à la construction du choix éclairé se transforme en vecteur potentiel d’autocensure ou même, pour reprendre les termes de la Cour, en « outil de sélection déguisé » ([82]). Il semble donc nécessaire de mener une évaluation pour connaître les effets réels de ces tests, initialement institués seulement par la licence de droit avant d’être étendus en 2019 aux quatorze mentions de licence en sciences.

Plutôt que de laisser chaque formation créer le questionnaire d’auto‑évaluation de son choix, la Cour propose la mise en place d’un « outil daide à lorientation permettant danalyser les classements, afin de permettre aux candidats daccroître leur chance daccéder à la formation de leur choix et lutter contre lautocensure » ([83]). Concrètement, cet outil permettrait à chaque candidat, à l’échelle nationale, de connaître ses chances objectives de rejoindre la formation de son choix en fonction de son dossier. Au‑delà de cet aspect prédictif, l’outil pourrait permettre aux lycéens, dès la seconde, d’appréhender les compétences à acquérir et les progrès à effectuer dans les différentes disciplines en fonction de leurs souhaits d’orientation ; il viendrait donc utilement compléter les attendus.

Interrogé à ce sujet, M. Dominique Averty, animateur du réseau des vice‑présidents formation de la Conférence des présidents d’université (CPU), a souligné lors de son audition par les rapporteurs qu’un tel outil d’auto-positionnement ne pouvait avoir de sens que bien encadré par les équipes pédagogiques au lycée et en étant mis au service du projet d’orientation de l’élève. L’outil présenterait, dans ce cas de figure, un double avantage : il améliorerait l’accompagnement des élèves dans le processus d’orientation en plus de renforcer la transparence de la procédure. Dans le sondage mené par la Cour, 85 % des élèves et 71,5 % des professeurs principaux interrogés y sont favorables. M. Julien Grenet, entendu par les rapporteurs, estime que cet outil d’aide a un potentiel très intéressant pour accompagner les candidats : il constitue une vraie piste d’amélioration et d’approfondissement des attendus. Mme Orlane François, présidente de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), appelle néanmoins à se méfier des effets potentiellement contre-productifs d’un tel outil, qui pourrait renforcer une forme d’autocensure chez certains élèves. Une expérimentation pourrait être menée afin de déceler si cet effet est susceptible de se produire.

Enfin, M. Jérôme Teillard met en avant un dernier effet pervers potentiel : la prédiction d’un tel outil étant par définition imparfaite, les élèves refusés au sein d’une formation alors qu’ils avaient reçu une prédiction positive sont susceptibles de mal comprendre la décision des CEV. Plutôt que de lever toute suspicion, un tel outil peut donc au contraire créer une nouvelle confusion dans l’esprit des lycéens, qui pourraient avoir tendance à prendre de simples prévisions pour des certitudes.

« Avez-vous le profil pour réussir ? »

L’UFR STAPS de l’université de Nantes propose aux lycéens souhaitant rejoindre la formation STAPS un questionnaire leur permettant d’estimer leurs chances de réussite dans cette filière. Le questionnaire se compose de quinze questions :

• Dans quel département résidez-vous ?

• Quel sera votre vœu d’orientation sur Parcoursup ?

• Dans quelle série de baccalauréat êtes-vous ou étiez-vous inscrit.e ?

• Quelle était votre moyenne générale annuelle en classe de première ?

• Avez-vous suivi un enseignement de sciences biologiques (ex : SVT) en classe de première ou de terminale ?

• Quelle était votre moyenne annuelle en EPS en classe de première ?

• Quelle note avez-vous obtenue à l’écrit à l’épreuve de Français du baccalauréat ?

• En moyenne, combien d’heures par semaine consacrez-vous à vos études en dehors de vos cours ?

• Avez-vous choisi l’option facultative EPS au baccalauréat ?

• Avez-sous suivi l’enseignement « EPS de complément » au lycée ?

• Depuis le collège, combien d’années avez-vous été licencié.e dans un club sportif ?

• Depuis le collège, combien d’années avez-vous été licencié.e à l’Association sportive de votre établissement ?

• En considérant 4 niveaux de pratique (débutant, débrouillé, confirmé, expert), dans combien d’activités sportives différentes vous estimez-vous au moins confirmé.e ?

• En dehors des cours d’EPS obligatoires, quel volume d’heures consacrez-vous par semaine à faire du sport (entraînement + matchs) ?

• Connaissez-vous les différentes filières de formation en STAPS ?

À l’issue du questionnaire, le lycéen obtient des informations relatives au succès des candidats présentant le même profil que lui dans la filière, aux efforts qu’il lui faudra fournir du fait de son parcours scolaire et à ses chances de pouvoir être au niveau sportivement en fonction de son parcours sportif.

En conclusion, le candidat reçoit un « avis » de l’UFR, qui lui conseille ou lui déconseille de s’inscrire en STAPS.

Proposition n° 9 : Mettre en place un outil d’aide à l’orientation fondé sur l’analyse des classements, afin de permettre aux candidats d’accroître leurs chances d’accéder à la formation de leur choix et de lutter contre l’autocensure.

B.   UNE PROCÉDURE QUI PRÉSENTE ENCORE QUELQUES ANOMALIES

La loi ORE met en place, au sein de chaque formation (sélective comme non sélective), des commissions d’examen des vœux (CEV), chargées d’étudier les dossiers des candidats et de les classer. Leur composition relève de la responsabilité de chaque établissement. Ces CEV doivent ordonner toutes les candidatures reçues sur la base de critères qu’elles définissent ([84]), et qui sont censés être cohérents au regard des « attendus » de la formation. Les CEV de toutes les formations doivent classer tous les dossiers, sauf pour les formations non sélectives pour lesquelles « les statistiques des années précédentes permettent destimer que le nombre détudiants finalement inscrits dans une formation sera inférieur à la capacité daccueil de cette formation » ([85]). Dans ce dernier cas, « le recteur dacadémie peut répondre favorablement à la demande du chef détablissement de ne pas ordonner les candidatures sous réserve que ce dernier sengage en conséquence à accueillir effectivement la totalité des candidats » ([86]). Les CEV peuvent, si elles le souhaitent, bénéficier de l’outil d’aide à la décision (OAD) mis à disposition par le MESRI, qui correspond en réalité à un tableur proposant trois colonnes : les données scolaires chiffrées, la fiche avenir et l’appréciation qualitative.

Alors que la loi oblige explicitement à l’examen individuel des dossiers des candidats, et interdit donc l’automaticité, la Cour constate « un mouvement massif dautomatisation intervenu dans le cadre de la transition dAPB à Parcoursup » ([87]). Entre 2017 et 2019, « le nombre de candidats triés dans le cadre de lOAD a ainsi augmenté de 74 % » ([88]). Au total, 33 % des formations utilisent l’OAD du MESRI, et 66 % des candidatures sont traitées avec lui ([89]). Mais pour M. Nicolas Pistolesi, enseignant chercheur en économie à l’université Toulouse 1 Capitole et à la Toulouse School of Economics (TSE), auditionné par les rapporteurs, il est absolument impossible de procéder autrement, les CEV ne pouvant pas traiter chaque cas « à la main » du fait d’un manque de temps évident. Comme le conclut la Cour, « le temps est donc très limité et les CEV ne peuvent déroger aux contraintes calendaires imposées par lensemble de la procédure » ([90]).

Le fonctionnement des commissions d’examen des vœux
au sein d’une formation sélective : l’exemple de Louis‑le‑Grand

L’automatisation croissante de l’examen des dossiers pointée par la Cour vaut largement pour les formations non sélectives, mais se révèle moins prégnante au sein des formations sélectives, qui ont un temps plus conséquent à lui accorder et sont habituées à cet exercice.

Le lycée Louis‑le‑Grand compte 450 places en classe préparatoire, pour un total de 15 000 candidatures. Malgré cette forte affluence, les CEV sont capables d’examiner l’ensemble des dossiers lors de la période des concours (entre le 8 avril et le 8 mai environ), au cours de laquelle les équipes enseignantes sont pleinement disponibles pour cette tâche, puisqu’elles n’ont plus de cours à assurer. Elles sont organisées en binômes (plus rarement en trinômes) ; chaque dossier est traité successivement par deux binômes. Pour les filières qui concentrent le plus grand nombre de candidatures (par exemple les ECS), un premier classement est effectué informatiquement, à partir des résultats scolaires des candidats. Néanmoins, aucun dossier n’est éliminé sans avoir été consulté par les CEV : M. Jean Bastianelli, proviseur de Louis‑le‑Grand, a en effet indiqué lors de son audition par les rapporteurs que le traitement informatique, en uniformisant les critères d’examen des candidatures, pourrait parfois conduire à éliminer des candidats que les CEV sélectionneraient par ailleurs. D’où l’examen manuel de chaque dossier, le cas échéant après un pré-classement non éliminatoire.

Au‑delà de cet accroissement de l’automatisation, qui peut susciter des inquiétudes quant à l’équité de la procédure, cette dernière présente encore quelques anomalies ou imperfections qui pourraient être corrigées.

1.   La prise en compte peu objective des différences de notation entre les lycées

Saisi de plusieurs requêtes sur l’absence de transparence de la procédure d’affectation et du caractère potentiellement discriminatoire de certains critères utilisés (lieu de résidence, situation sociale), le Défenseur des droits a rappelé ([91]) que le recours au critère du lycée d’origine pour départager les candidats en favorisant certains candidats ou en en défavorisant d’autres en fonction du lieu dans lequel l’établissement est situé peut être assimilé à une pratique discriminatoire, s’il aboutit à exclure des candidats sur ce fondement. Si certaines modifications ont été apportées en 2019, comme l’anonymisation des nom, prénom, genre et adresse des candidats (à part pour les formations accessibles sur épreuves écrites, les formations en apprentissage et les formations avec internat), le nom du lycée d’origine continue d’être communiqué aux établissements.

Or, la Cour relève que « les paramétrages des CEV peuvent parfois intégrer des éléments non directement liés au cadrage national et/ou local » ([92]) des « attendus » : parmi ces éléments, la pondération du critère du lycée d’origine, « sur la base de critères plus ou moins aléatoires, tels celui lié à sa réputation, ou celui, plus objectif, du pourcentage de réussite au baccalauréat » ([93]), qui pose un réel problème d’équité sociale. En effet, « jusquà 20 % des CEV des filières non sélectives les plus en tension utilisent le critère du lycée dorigine en 2019 » ([94]). Il existe certes une tendance générale qui voit les lycées de bon niveau sous-noter leurs élèves, et les lycées de faible niveau les sur-noter. Mais cette tendance n’est pas stricte, pour reprendre un terme employé par la Cour. Autrement dit, lorsque les CEV réajustent les notes en les pondérant par le critère du lycée d’origine, elles ne font que des suppositions statistiques, lesquelles peuvent fortement avantager certains élèves au détriment d’autres et inversement. D’où la préconisation 4 du Comité de suivi de la loi, qui demande à ce que les recteurs engagent, avec les acteurs de terrain, une réflexion sur les écarts de notation effectivement constatés entre les lycées et sur la manière dont ces écarts sont pris en compte concrètement par les CEV.

La Cour répond en partie à l’interrogation du Comité de suivi, en proposant d’anonymiser le lycée dans la procédure, et de supprimer la pondération aléatoire opérée par les établissements supérieurs pour la remplacer par un critère objectif, qui permettrait de déterminer réellement si un lycée sous-note ou sur‑note ses élèves, en l’occurrence «  lécart de notation entre la moyenne des élèves au contrôle continu et leurs résultats au baccalauréat » ([95]). L’attribution du baccalauréat au contrôle continu du fait de l’épidémie de Covid‑19 a pu permettre d’opérer un premier « test » de l’anonymisation des lycées : en effet, conformément à l’article 4 du décret n° 2020‑641 du 27 mai 2020 relatif aux modalités de délivrance du baccalauréat général et technologique pour la session 2020, le jury disposait des « informations administratives disponibles sur létablissement dorigine du candidat, notamment les taux de réussite et de mentions attribuées lors des trois dernières sessions du baccalauréat général et technologique ». Il pouvait « procéder à une revalorisation des notes de contrôle continu du candidat, compte tenu notamment des informations dont il dispose ». Même si la proposition de la Cour est plus ambitieuse, cette possibilité offerte aux jurys du bac constitue bien une première étape vers une prise en compte plus objective des différences de niveau entre les lycées.

Néanmoins, la compatibilité de la proposition de la Cour avec la réforme du baccalauréat prévue pour 2021 pose question, dans la mesure où cette dernière introduit une dose de contrôle continu non négligeable dans la note finale (10 % pour les bulletins, 30 % pour les épreuves communes de contrôle continu ([96]), organisées au cours de l’année scolaire au même moment sur tout le territoire, mais dont les sujets sont déterminés par l’établissement, et qui sont la plupart du temps corrigées par les professeurs du lycée de l’élève) ([97]).

Enfin, certains acteurs auditionnés par les rapporteurs ont fait état de leurs réserves vis‑à‑vis de cette proposition. Pour Mme Katia Béguin, présidente de la Conférence des recteurs, et rectrice de l’académie d’Orléans-Tours, la sur-notation est un moyen, pour certains lycées, de donner confiance aux élèves et de les aider à accéder à l’enseignement supérieur ; en rééquilibrant trop les notes, on augmente les risques de décrochage et de « catastrophes sociales » chez ces élèves. M. Jean Bastianelli, proviseur du lycée Louis‑le‑Grand, est opposé à l’anonymisation des lycées parce qu’elle viendrait, par un effet pervers, limiter l’ouverture sociale des meilleurs établissements. Lors de son audition, il a souligné à quel point les relations de confiance nouées avec les lycées comptaient dans la sélection des candidats, et permettaient aux CEV de recruter des élèves qu’elles n’auraient pas repérés en l’absence du nom du lycée d’origine. Le lycée Louis‑le‑Grand compte ainsi de nombreux lycées partenaires, via des conventions bilatérales ou des programmes de type « Cordées de la réussite », au sein desquels des jeunes défavorisés sont régulièrement sélectionnés, parce que ces lycées peuvent attester de leurs capacités à réussir. De fait, l’anonymisation du lycée d’origine et son remplacement par un critère objectif conduirait certainement les CEV à être plus prudentes dans leur recrutement, et à ne plus laisser leur chance à des candidats au profil atypique. Au total, M. Jean Bastianelli considère que dans le cas des filières sélectives, l’information du lycée d’origine est nécessaire à la meilleure connaissance possible des candidats, qui est elle-même une condition sine qua non à l’ouverture sociale comme géographique du recrutement.

Malgré ces objections, les rapporteurs considèrent que le remplacement du lycée d’origine par un critère objectif répond aux deux impératifs de transparence et d’équité auxquels doit répondre la loi ORE.

Proposition n° 10 : Anonymiser le lycée d’origine et lui substituer une mesure de l’écart entre les résultats au baccalauréat et la notation au contrôle continu.

2.   La faible utilité du projet de formation motivé

Pour chacun des vœux qu’il formule sur la plateforme, le candidat doit présenter un « projet de formation motivé », c’est‑à‑dire concrètement une lettre de motivation dans laquelle il décrit ce qui motive son souhait de rejoindre la formation demandée ainsi que ses atouts pour y réussir.

Le comité de suivi de la loi ORE indique que ce projet est perçu plutôt positivement par les équipes pédagogiques du secondaire, qui le considèrent comme un acte important de la réflexion des élèves sur leur projet. En revanche, les commissions d’examen des vœux en font en général peu de cas, et son influence sur le classement final des candidats est négligeable, voire nulle. Les analyses de la Cour montrent en effet que le poids estimé du critère « motivation » (objectivé par le projet de formation motivé) dans le classement des candidats effectué par les CEV est quasi nul, en moyenne, tant pour les licences non-sélectives en tension que pour les CPGE en tension ([98]). Ainsi, même obligatoire, le projet de formation motivé n’est que très marginalement pris en compte par les formations pour ordonner les dossiers des candidats. Interrogé à ce sujet lors de l’audition consacrée aux acteurs de l’enseignement supérieur, M. Aurélien Pichon, président de la Conférence des directeurs et doyens STAPS, a indiqué que les projets de formation motivés n’étaient pas lus et par conséquent jamais pris en compte par les CEV, par manque de temps mais aussi d’intérêt pour un exercice jugé trop formel et par conséquent peu à même de révéler réellement les motivations des candidats. A contrario, les STAPS prévoient un espace spécifique permettant au candidat de renseigner précisément ses engagements associatifs, citoyens et sportifs, lesquels sont objectivés quantitativement (plus le niveau d’engagement est élevé, plus le candidat remporte de points) et directement pris en compte dans la note finale attribuée au dossier.

Les rapporteurs regrettent que de nombreuses CEV n’accordent pas plus d’attention aux projets de formation motivés des candidats. Ils estiment néanmoins que cet exercice garde une forte utilité car il permet de cristalliser la réflexion des lycéens sur leur orientation. La rédaction d’un document personnel est pour certains d’entre eux une tâche difficile mais elle demeure irremplaçable comme support des aspirations et des attentes vis‑à‑vis des formations demandées.

3.   Le mode de fonctionnement insatisfaisant de la procédure complémentaire

La phase complémentaire s’adresse aux candidats qui n’ont pas eu de réponse positive, ou qui n’ont accepté aucune des propositions qui leur ont été faites. En 2020, elle sera ouverte du 16 juin, soit environ un mois avant la fermeture de la phase principale (17 juillet), au 10 septembre. Seules peuvent participer à la phase complémentaire les formations à qui il reste des places disponibles après épuisement des vœux formulés en phase principale. La liste est mise à jour quotidiennement sur la plateforme. Les candidats peuvent formuler jusqu’à 10 vœux, soit via la plateforme, soit via la saisine des commissions d’accès à l’enseignement supérieur (CAES) ([99]). En 2019, 115 000 candidats se sont inscrits à la phase complémentaire. 70 % de ceux qui ont formulé au moins un vœu lors de cette phase ont reçu une proposition d’admission.

Le fonctionnement de la phase complémentaire demeure profondément insatisfaisant. En effet, dans la mesure où les commissions d’examen des vœux ne se réunissent pas une seconde fois au cours de l’été pour examiner les nouvelles candidatures, les candidats obtiennent de façon mécanique, dans l’ordre d’arrivée, les places restantes pour remplir les formations (« premier arrivé, premier servi »). Cette procédure souffre d’un manque d’équité évident, puisque ce sont les étudiants qui répondent le plus rapidement qui sont les plus susceptibles d’obtenir les meilleures places restantes. De plus, elle incite les candidats à se précipiter sur les formations proposées de peur de se retrouver sans affectation, quitte à accepter des propositions moins adaptées à leur projet d’orientation. M. Alain Trouillet, vice‑président en charge des formations de l’université Jean Monnet de Saint‑Étienne, a décrit lors de son audition l’exemple de la LEA anglais-allemand proposée par son université, qui illustre bien cet effet pervers. En effet, lors de la session 2018, première année de Parcoursup et année de mise en place de cette LEA, l’équipe enseignante a été surprise de constater que la grande majorité des étudiants inscrits n’avait jamais pratiqué l’allemand au lycée. En fait, la licence avait recruté massivement via la procédure complémentaire, et les candidats avaient accepté cette proposition de peur de n’être affectés nulle part, et en espérant pouvoir contourner le système l’année suivante et rejoindre une autre formation, plus appropriée à leur souhait initial.

Pour améliorer le fonctionnement de la procédure complémentaire, M. Julien Grenet propose une solution alternative, qui nécessiterait néanmoins que les CEV se réunissent à nouveau à la fin de la procédure principale. Dans un premier temps, il conviendrait de demander aux candidats n’ayant pas encore accepté de proposition en procédure principale de hiérarchiser, à la fin de cette dernière, l’ensemble de leurs vœux en attente. Parallèlement, une « session de la deuxième chance » serait ouverte, pour permettre à ces candidats ainsi qu’aux candidats sans affectation de formuler de nouveaux vœux, eux aussi hiérarchisés, pour les places vacantes. Les CEV seraient alors invitées à se réunir une seconde fois pour classer ces candidats ; une fois les classements effectués, la gestion automatisée des affectations pour les places vacantes et pour les places libérées par les démissions pourrait être mise en œuvre pendant l’été. La hiérarchisation des vœux permet de limiter la durée de cette nouvelle procédure complémentaire et d’assurer une plus grande équité de traitement entre les candidats.

Invité à réagir, M. Jérôme Teillard a d’abord tenu à rappeler le caractère « résiduel » de cette phase, notamment lorsqu’on la compare à la phase principale. Ainsi, en 2019, 18 400 néo‑bacheliers ont été affectés via la procédure complémentaire, contre 442 300 pour la procédure principale. De fait, la procédure complémentaire a été pensée pour apporter des modifications à la marge : donner une seconde chance aux candidats non affectés à l’issue de la procédure principale, et permettre à ceux qui ne sont pas satisfaits de leurs propositions de postuler à de nouvelles formations. De plus, seules les formations non sélectives adoptent ce mode de fonctionnement (« premier arrivé, premier servi »). Dans ce contexte, et malgré la qualité théorique de la proposition de M. Julien Grenet, l’effort qu’il faudrait fournir pour réunir à nouveau les CEV à la fin du mois de juillet semble bien trop important au vu des améliorations que cette innovation apporterait à la procédure.

C.   LA NON-PUBLICATION DES « ALGORITHMES LOCAUX » ET LE FONCTIONNEMENT DES COMMISSIONS DEXAMEN DES VŒUX (CEV)

1.   Une opacité initiale dommageable

Les algorithmes locaux désignent en réalité les critères qui servent à pré-ordonner les dossiers des candidats, souvent par le biais de simples tableurs, avant que les CEV ne les examinent conformément à la loi qui interdit l’automaticité. Néanmoins, du fait de l’automatisation croissante de la procédure, et du poids important des critères que la Cour qualifie de « facilement automatisables » (résultats scolaires et profil du candidat pour l’essentiel) ([100]), ce « préclassement » exerce un rôle déterminant dans la décision finale des CEV. Or, les critères employés pour construire les algorithmes locaux ne sont pas tous connus des candidats au moment de la formulation de leurs vœux. Il s’agit d’une limite à la transparence de la procédure de classement, d’autant plus que les critères employés ne correspondent pas toujours aux attendus explicités par les formations. En effet, alors que la « Charte pour une mise en œuvre partagée des “attendus” des formations au service de la réussite des étudiants » dispose que « les attendus permettent aux établissements dispensant des formations denseignement supérieur dexpliciter les éléments pris en compte lors de lexamen des vœux des lycéens », l’analyse des classements opérés par les CEV menée par la Cour montre que certaines d’entre elles prennent en compte des critères qui ne sont pas directement énoncés dans les attendus de la formation au moment de classer les candidats (par exemple leur moyenne en mathématiques). Autrement dit, les dossiers des candidats peuvent être examinés à partir d’éléments qui ne sont pas explicités dans les caractéristiques des formations disponibles sur la plateforme, et dont ils n’ont pas connaissance a priori.

Le décret n° 2019‑231 du 26 mars 2019, qui oblige les formations à publier les « critères généraux » encadrant l’examen des candidatures, a toutefois constitué un premier progrès. Il doit permettre de garantir la correspondance entre les attendus et les critères finalement pris en compte par les CEV pour ordonner les candidatures. Les formations indiquent désormais aux candidats, via la publication de ces critères généraux, les éléments qu’elles prennent en compte dans le dossier, par ordre de priorité.

Se pose logiquement la question de la publication préalable des critères présidant au classement des candidatures qui présenterait des avantages évidents : d’une part, la transparence ex ante des critères détaillés permettrait d’augmenter la confiance que les acteurs accordent au système, et donc de limiter la place accordée au doute et à la suspicion ; d’autre part, elle offrirait à chacun la possibilité de connaître l’intégralité des règles du jeu avant d’y participer.

La Cour se positionne clairement en faveur de la publication des algorithmes locaux : « il serait donc souhaitable de modifier larticle 1er de la loi ORE, et dabroger les dispositions du cinquième alinéa de larticle L. 61231 du code de léducation ([101]). À défaut et à tout le moins, il faudrait obtenir des universités, des écoles et des lycées quils recourent eux-mêmes à cette publication ([102]) ». Elle recommande finalement de « rendre publics les “algorithmes locaux” utilisés par les commissions dexamen des vœux pour lensemble des formations proposées » ([103]). En cela, elle rejoint de nombreux acteurs de l’enseignement supérieur, au premier rang desquels les étudiants. En effet, les syndicats étudiants et de lycéens (comme les associations de parents d’élèves d’ailleurs) s’accordaient tous, lors de l’audition qui leur a été consacrée, sur la nécessité de la publication des critères de sélection utilisés par les formations, qu’elles soient sélectives ou non sélectives. Cette publication est souhaitée par une grande majorité des candidats interrogés par la Cour dans le cadre de son sondage : 64 % d’entre eux y sont favorables.

À l’inverse, le MESRI se prononce clairement en défaveur de la publication ex ante des « algorithmes locaux ». Il estime que « la publication obligatoire des algorithmes locaux risquerait dentretenir tant auprès des candidats que du public, une confusion sur la finalité de ces outils, en laissant croire que les décisions dadmission sont prises sur le seul fondement de ces derniers » ([104]). Or, comme l’a indiqué Mme Anne-Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, lors de son audition, les CEV ne se contentent jamais d’ordonner l’ensemble des candidatures à partir d’« algorithmes locaux » ([105]). Elles fonctionnent comme des jurys, dans le sens où elles examinent les dossiers de manière qualitative et non automatisée, le cas échéant après un pré‑classement effectué informatiquement. Surtout, le fait de publier un barème unique en amont de la procédure rendrait la mission des CEV caduque : elles n’auraient plus aucune marge de manœuvre pour classer les dossiers selon des critères manuels.

Mme Katia Béguin, présidente de la Conférence des recteurs, est également opposée à une publication ex ante. Pour elle, les formations ne peuvent jamais prévoir l’extrême diversité des profils des candidats, et par conséquent ne peuvent déterminer complètement a priori la façon dont elles traiteront les différents dossiers. De plus, à la différence des examens, les candidats ne passent pas tous les mêmes épreuves : les dossiers des candidats peuvent différer entre eux sur plusieurs points. Concrètement, le barème unique qu’il faudrait publier en amont n’existe pas. De ce fait, la publication ex post des critères de classement lui paraît plus pertinente.

M. Philippe Raimbault, président de la commission juridique de la Conférence des présidents d’université (CPU), est également favorable à un éclairage ex post des candidats, qui permet d’améliorer la transparence de la procédure sans supprimer la marge de manœuvre dont disposent les CEV pour classer les candidatures. Cette dernière se révèle absolument nécessaire pour que l’affectation dans l’enseignement supérieur ne se fasse pas sous la forme d’un système automatisé de décision. Enfin, la CPU souligne que de nombreuses informations sont d’ores et déjà mises à disposition des candidats : les attendus leur permettent de savoir s’ils ont le profil pour réussir dans la formation, et les « critères généraux » encadrant l’examen de la candidature, dont la publication a été rendue obligatoire par le décret n° 2019‑231 du 26 mars 2019, leur permettent de connaître les principes généraux qui guident l’examen de leur candidature. Enfin, les établissements ont l’obligation de donner des réponses circonstanciées aux candidats refusés lorsque ceux-ci les interrogent à propos de l’examen de leur candidature ([106]). Par conséquent, le supplément d’information apporté par la publication ex ante des critères apparaît faible par rapport aux risques qu’elle fait peser sur la flexibilité et l’efficacité de la procédure d’examen des dossiers. Dans ce cadre, la CPU se félicite de la décision n° 2020‑834 du 3 avril 2020 du Conseil constitutionnel ([107]), qui oblige les universités à communiquer ex post dans un rapport d’ensemble les critères à partir desquels les jurys ont pris leurs décisions, permettant selon elle d’atteindre le bon équilibre entre l’exigence de transparence et le maintien des principes généraux qui régissent le fonctionnement des universités et leur recrutement dans le cadre de Parcoursup.

Une note de cadrage communiquée par le MENJ et le MESRI en juin 2020 permet de mieux appréhender quelle sera la nature de ce rapport, publié à l’issue des résultats de la procédure par « chaque formation initiale, publique ou privée, sélective ou non sélective, inscrite sur la plateforme nationale de préinscription Parcoursup » ([108]), et qui sera accessible via la page de la formation concernée sur Parcoursup. Il sera précisé, en introduction, si la commission a éventuellement eu recours « à des traitements algorithmiques ». Le corps du rapport se composera d’un tableau qui renseignera les candidats sur « les critères dexamen des vœux définis par la commission pour lexamen des dossiers », autrement dit les critères généraux d’examen « effectivement retenus et appliqués par la commission », les « éléments matériels pris en compte lors de lexamen pour évaluer lesdits critères », ainsi que le « degré dimportance accordé à chaque critère, par défaut et par ordre décroissant dimportance (essentiel, très important, important ou complémentaire) ». Les formations sont libres d’être plus précises et de remplacer ces degrés par des coefficients ou des pourcentages.

Mme Anne‑Sophie Barthez a souligné lors de son audition que la publication de ce rapport doit permettre d’éclairer et de tranquilliser les candidats, en leur fournissant de nouvelles explications relatives aux choix parfois mal acceptés opérés par les CEV ([109]). Lors de la même audition, M. Jérôme Teillard a rappelé la situation qui prévalait sous APB, où aucun critère n’était indiqué aux candidats.

Après avoir entendu les différentes parties prenantes, les rapporteurs considèrent que les avancées récentes favorisant une plus grande transparence sur le fonctionnement des CEV (décret de mars 2019 sur les critères généraux et rapport ex post imposé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel d’avril 2020), permettent d’atteindre un équilibre satisfaisant. Aller plus loin et exiger la publication ex ante d’un barème constitué de l’intégralité des critères d’examen des candidatures, détaillés et pondérés, risquerait de conduire à un traitement totalement automatisé des dossiers, ce qui doit être absolument évité. Seule l’intervention humaine permet en effet d’envisager la diversité des profils des candidats et d’aboutir à la véritable équité de traitement, à partir du moment où la transparence déjà atteinte par les règles récentes, la collégialité et l’esprit de responsabilité des membres composant les CEV écartent, avec une assurance plus que raisonnable, le risque d’arbitraire ou de favoritisme.

2.   Des contestations fréquentes

La question de la publication ex ante des critères présidant à l’examen des dossiers, et plus largement de la transparence du classement effectué par les CEV, a fait l’objet de plusieurs débats juridiques.

En juin 2018, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) a demandé à l’université des Antilles de lui communiquer les documents informatiques qu’elle utilisait pour l’examen des candidatures présentées via la plateforme Parcoursup. L’université ayant refusé, l’UNEF a contesté ce refus devant le tribunal administratif de la Guadeloupe. Par un jugement du 4 février 2019, le tribunal administratif a jugé ([110]) que l’université devait délivrer à l’UNEF les documents demandés. L’université s’est pourvue en cassation contre ce jugement devant le Conseil d’État.

Celui-ci a considéré, par une décision du 12 juin 2019, que la loi du 8 mars 2018 a prévu que, lorsqu’un établissement reçoit des demandes supérieures à ses capacités d’accueil et met en place une sélection des candidatures, il est seulement tenu d’informer les candidats qui en font la demande des critères et modalités d’examen de leur candidature ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise à leur égard. Par conséquent, le Conseil d’État a jugé que l’université des Antilles pouvait légalement refuser de communiquer au syndicat étudiant, qui n’était pas un candidat, les informations relatives à sa procédure informatique de sélection qu’il demandait. Il a toutefois rappelé qu’il était toujours possible pour l’université, si elle le décidait, de communiquer ou de publier en ligne de telles informations.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 16 janvier 2020 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), engagée par l’UNEF et relative à la conformité à la Constitution (qui garantit le droit d’accès aux documents administratifs) du dernier alinéa du I de l’article L. 612‑3 du code de l’éducation ([111]) selon lequel, si les candidats peuvent obtenir la communication des critères, modalités d’examen et motifs pédagogiques justifiant la décision prise à leur égard, la communication des algorithmes utilisés est réservée aux seuls candidats qui en font la demande, une fois la décision prise, et pour la seule décision les concernant.

Par sa décision n° 2020-834 du 3 avril 2020, le Conseil constitutionnel a reconnu au législateur le droit de limiter l’accès aux documents administratifs garanti par l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (« la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ») en raison d’exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition toutefois qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Dans le cas présent, le Conseil constitutionnel a relevé :

– que le législateur, considérant que le traitement algorithmique des candidatures n’était pas dissociable de l’appréciation portée sur celles‑ci, a restreint l’accès à ces documents pour protéger le secret des délibérations des équipes pédagogiques et donc leur indépendance et l’autorité de leurs décisions. Il a donc poursuivi un objectif d’intérêt général ;

– que l’examen des vœux par les établissements n’était pas entièrement automatisé : la décision nécessite une appréciation des mérites des candidatures par la commission d’examen des vœux, puis par le chef d’établissement ;

– que les candidats ont accès aux informations relatives aux compétences attendues pour la réussite dans la formation ainsi qu’aux critères généraux encadrant l’examen des candidatures par les commissions d’examen des vœux ;

– qu’une fois la décision prise à leur égard, les candidats peuvent avoir communication des informations relatives aux critères (hiérarchisation, pondération), aux modalités d’examen de leur candidature et aux motifs pédagogiques justifiant le refus.

Au total, l’alinéa contesté a été déclaré conforme à la Constitution, dès lors qu’il ne dispense pas « chaque établissement de publier, à lissue de la procédure nationale de préinscription et dans le respect de la vie privée des candidats, le cas échéant sous la forme dun rapport, les critères en fonction desquels les candidatures ont été examinées et précisant, le cas échéant, dans quelle mesure des traitements algorithmiques ont été utilisés pour procéder à cet examen » ([112]). Par sa décision, le Conseil constitutionnel se prononce donc en faveur d’une plus grande transparence ex post des processus de classement dans le cadre de Parcoursup, « le cas échéant sous la forme dun rapport », mais ne tranche pas en faveur de la publication ex ante des critères de classement.

La CNIL a également apporté plusieurs précisions sur la loi et sa mise en œuvre. D’abord, elle considère que les établissements d’enseignement supérieur qui utilisent un algorithme ou un outil d’aide à la décision pour classer les candidatures ne sont pas tenus de publier en ligne les règles définissant ces traitements. En effet, l’obligation prévue par l’article L. 312‑1‑3 ([113]) du code des relations entre le public et l’administration est réputée satisfaite, selon la loi ([114]), dès lors que les candidats sont informés par les établissements d’enseignement supérieur du fait qu’ils peuvent obtenir, s’ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise. Or, les candidats qui en font la demande ont bien accès à ces informations sur le fondement de l’article L. 612‑3 du code de l’éducation. En revanche, la CNIL rappelle que chaque établissement est tenu de publier les critères généraux encadrant l’examen des candidatures par les commissions d’examen des vœux, en application de l’article D. 612‑1‑5 du code de l’éducation ([115]).

Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) ([116]) n’impose pas non plus aux établissements qui ont recours à un traitement automatisé – dès lors que la décision n’est pas entièrement automatisée – de fournir les informations concernant la logique sous-jacente de l’algorithme, l’importance et les conséquences prévues de cet algorithme.

Enfin, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) s’est également prononcée sur les algorithmes utilisés par les établissements d’enseignement supérieur.

Dans son avis  20182093 du 6 septembre 2018 (suivant une demande de publication en ligne d’éléments sur le fonctionnement de Parcoursup : le code source, les algorithmes « locaux » et le cahier des charges), la CADA avait considéré que, compte tenu du grand nombre d’établissements d’enseignement supérieur, la demande était trop imprécise et que le requérant devait saisir directement les établissements dont il souhaitait connaître les algorithmes.

Dans son avis  20184400 du 10 janvier 2019 (après refus, par le président de l’Université d’Aix‑Marseille, de communiquer les procédés algorithmiques utilisés pour le traitement des candidatures via Parcoursup ainsi que leurs codes sources), elle a rappelé, pour ce qui est de l’examen des candidatures par les établissements d’enseignement supérieur, que les obligations du code des relations entre le public et l’administration sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité d’obtenir, s’ils en font la demande, les informations sur les critères, modalités d’examen et motifs pédagogiques justifiant la décision prise les concernant.

En conclusion, même si la loi permet aux CEV de ne pas publier ses critères de sélection, afin de « garantir la nécessaire protection du secret des délibérations » ([117]), aucun obstacle juridique ne s’oppose à une telle publication, même ex ante.

3.   L’exemple des STAPS

Les filières STAPS représentent une exception à la règle de la non‑publication des critères de classement. En effet, à l’initiative de la Conférence des directeurs et doyens STAPS (la C3D), une réflexion commune a été élaborée dès 2018 afin d’élaborer un outil d’aide à la décision propre à la formation. Or, comme le signale la Cour, « loutil utilisé a fait lobjet dune publication en libre accès sur internet, et chacun peut évaluer la manière dont les dossiers sont classés par les commissions locales » ([118]). D’ailleurs, « de manière assez étonnante, cette pratique na pas amené de commentaires particuliers, alors quelle constitue le contre-pied de la position de principe adoptée par les universités qui consiste […] à ne divulguer aucun détail lié aux éléments de pondération utilisés sur le plan local. ([119]) »

Un exemple de publication des modalités d’examen des candidatures

L’Université Jean Monnet à Saint‑Étienne prépare à la licence Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), formation pour laquelle 300 places sont ouvertes en 2020 (chiffre indicatif) avec un taux d’accès de 78 %.

La page de cette formation universitaire en tension présente les critères généraux d’examen des vœux ; certains concernent les résultats scolaires, d’autres, des expériences et pratiques extra-scolaires. Le dossier du candidat se voit  attribuer un total sur 150 points. Le niveau dans chacun des 4 domaines de compétence est évalué sur 30 points, en fonction des résultats scolaires, des niveaux de pratique ou d’engagement. L’avis du conseil de classe (fiche Avenir) est pris en compte à hauteur de 30 points.

Le domaine des compétences scientifiques comprend les notes dans les matières scientifiques de la série du baccalauréat (mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre…) en première et terminale.

Le domaine des compétences littéraires et argumentaires comprend les notes aux épreuves anticipées de français du baccalauréat et les notes dans les matières littéraires de la série du baccalauréat (français, philosophie, histoire, sciences économiques et sociales...) en première et terminale.

Le domaine des compétences sportives comprend les pratiques sportives et culturelles scolaires (dans le cadre des associations sportives scolaires, du foyer socio-éducatif ou de l’établissement hors compétition sportive, enseignement complémentaire EPS, inscription dans une section sportive scolaire, notes à l’épreuve facultative EPS au bac et en EPS en première et terminale) et extra-scolaires (pratiques de loisirs, fédérales, résultats sportifs (niveau de pratique, inscription dans un centre de formation...), pratiques artistiques, pratiques de bon niveau en activités non compétitives).

Le domaine de l’investissement associatif et des responsabilités collectives comprend les compétences méthodologiques et collaboratives (selon la série du bac : option pratiques sociales et culturelles, TPE, activités interdisciplinaires, projet technologique, étude de gestion, projet en enseignement spécifique de la spécialité, projet en design et arts appliqués, réalisation d’un projet technique), l’investissement associatif et citoyen (qualifications d’animation et d’encadrement, en arbitrage, jeune juge, en secourisme et sauvetage ; expériences et compétences civiques, citoyennes, défense, protection civile, engagement associatif ; mandats dans les conseils des établissements scolaires).

L’exemple des STAPS prouve qu’il est possible pour les formations d’indiquer clairement aux candidats quels sont les critères pondérés effectivement pris en compte par les CEV. Les rapporteurs ne peuvent qu’encourager les différentes conférences disciplinaires à harmoniser les règles applicables pour une même discipline sur l’ensemble du territoire national et à publier ex ante le maximum d’informations compatibles avec un traitement humain des candidatures.

II.   SÉCURITÉ ET PILOTAGE DE LA PLATEFORME : PÉRENNISER UN SYSTÈME FONCTIONNEL

Dans son rapport, la Cour se montre sévère vis‑à‑vis du code de la plateforme Parcoursup ([120]) ainsi que de sa sécurité. Ne disposant pas de l’expertise requise pour évaluer ces éléments, les rapporteurs tiennent tout de même à évoquer les failles mises en avant ainsi que les réponses apportées par le MESRI ([121]). Enfin, la Cour souligne les limites du pilotage en mode projet du programme, initialement conçu pour être flexible et adaptable dans un contexte d’urgence, et qui peine à se normaliser. Le MESRI a également tenu à répondre aux interrogations de la Cour sur ce point.

A.   QUALITÉ DU CODE, SÉCURITÉ ET PROTECTION DES DONNÉES : DES INQUIÉTUDES À APAISER

Selon la Cour, les résultats obtenus par les sociétés spécialisées à l’issue de leur audit « suggèrent que lapplication Parcoursup présente une qualité médiocre, avec un niveau de risque élevé et de nombreuses violations critiques identifiées. Parcoursup se situe à un niveau de qualité plus faible que dautres logiciels dancienneté similaire. Plus précisément, les indices defficience et de sécurité ainsi évalués montrent que le risque de rupture du fonctionnement normal de Parcoursup est élevé ». Elle ajoute que « le code de Parcoursup présente un niveau de complexité anormalement élevé […]. Pour la Cour, le code source devrait être restructuré afin de réduire le nombre de ses composantes complexes ». Enfin, « à un niveau global, larchitecture du système dinformation (SI) de Parcoursup présente un risque élevé […] Le MESRI devrait veiller à renforcer les moyens humains du service à compétence nationale (SCN) pour gagner en compétence et moderniser, voire redévelopper, le code source de lapplication suivant les meilleurs standards de lindustrie du logiciel pour pallier les multiples risques constatés ».

Le MESRI répond que « léchange sur laudit de code réalisé par la société a permis de mieux comprendre la nature du travail réalisé et didentifier certaines limites ». Ainsi, « cette analyse du code a été réalisée de manière purement automatique, cestàdire sur la forme du code, sans intervention dun expert pour analyser le code sur le fond ». Or, dans ce type d’analyse, « la même erreur peut se trouver reproduite dans de nombreuses lignes de code. Une correction peut ainsi faire diminuer nettement le nombre de violations critiques et améliorer sensiblement lappréciation sur la sécurité ». Concernant la recommandation de la Cour de réécrire le code source, un échange avec cette dernière et la société mandatée a permis d’en « identifier les limites ». Le MESRI, qui ne nie pas la nécessaire modernisation du code, penche plutôt, de manière convergente avec la « société experte », vers une « réécriture progressive, par module, qui sera étalée en fonction de la criticité des modules et des demandes dévolutions portant sur ces modules ».

Concernant les « risques élevés, le MESRI conteste cette appréciation », et souligne que « le code Parcoursup intègre dores et déjà des mécanismes de vérification à lexécution qui donne un niveau de confiance très élevé », fait qui ne lui « paraît pas avoir été pris en compte par la Cour ». De plus, « à la suite de lavis du CESP de janvier 2019, le MESRI a initié une démarche de certification du code Parcoursup avec les équipes de recherche du Laboratoire de recherche informatique (LRI) de Saclay et du LaBRI de Bordeaux ». Le MESRI insiste sur le fait que « Parcoursup, son code information comme son architecture, est évidemment une plateforme sécurisée », comme en témoigne « lexpérience de plus de deux années de fonctionnement sans difficulté ». Il tient à rappeler que « lautorisation douverture de lapplication a été donnée par la CNIL sur la base dun dossier comportant un volet sécurité important ». Enfin, « la plateforme Parcoursup est qualifiée par lAgence nationale de la sécurité des systèmes dinformation (ANSSI) depuis fin 2018 dopérateur de service essentiel de lÉtat. Le ministère a engagé dès 2019 les ajustements en termes techniques comme de ressources humaines induits par le cahier des charges applicable à ces services essentiels. Cela permet de sécuriser la plateforme et de renforcer encore en 2020 sa performance technique ».

La Cour qualifie d’« incertaine » la conformité de Parcoursup au règlement général sur la protection des données (RGPD). Elle met en avant « deux risques potentiels de nonconformité majeure ».

Premièrement, « lancienneté des données de scolarité disponibles sur la base active de Parcoursup excède largement les besoins déclarés par le MESRI concernant la finalité du traitement des données à caractère personnel ». Ainsi, « il est possible », en pratique, « de connaître avec précision la trajectoire scolaire de la plupart des néobacheliers à partir de la classe de cinquième », alors que ces données ne sont pas nécessaires au fonctionnement de la plateforme. Ce stockage d’informations « estil conforme au regard du principe de minimisation des données défini à larticle 5c du RGPD ? »

Deuxièmement, la Cour s’interroge à propos du bien-fondé du « simulateur spécifique » développé par le SCN à destination des candidats qui souhaitent évaluer leurs chances d’obtenir une bourse du supérieur. Pour bénéficier d’une simulation, les candidats doivent renseigner trois données personnelles : « le revenu brut global n2 du foyer fiscal de rattachement, le nombre total de frères et sœurs, ainsi que le nombre de frères et sœurs poursuivant des études supérieures ». La Cour estime que le fondement de ce simulateur, très utilisé par les candidats, « doit être réinterrogé à laune du RGPD et de la finalité du traitement “Parcoursup”, dont la vocation première est laffectation dans le supérieur, et non pas le calcul de bourses qui relève du centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) ».

Le MESRI conteste le constat établi par la Cour. Il indique que « la CNIL a examiné à deux reprises la conformité de Parcoursup à la réglementation applicable en matière de droit des données à caractère personnel », et qu’elle a « abouti à une conclusion radicalement différente », que ce soit en janvier 2018, dans le cadre de la mise en œuvre provisoire du traitement ([122]), ou en mars 2018, après la promulgation de la loi du 8 mars 2018 ([123]). Dans les deux cas, elle a estimé que « les données collectées étaient adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités du traitement et a conclu à la conformité de lapplication aux exigences du RGPD ». De plus, « le ministère est engagé avec la CNIL dans la production danalyses dimpact pour la protection des données (AIPD) », qui seront finalisées « pour la fin dannée 2020 ».

Au sujet des deux risques spécifiques pointés par la Cour, le MESRI apporte les réponses suivantes.

« Sagissant de la conservation des données scolaires des candidats, seules les données relatives au parcours scolaire des élèves (établissements fréquentés, niveaux de scolarité, etc.) font lobjet dune collecte sur cinq ans. Les notes des élèves ne sont collectées que pour les classes de première et de terminale (en cas de redoublement en classe de première, seules les notes de la dernière première sont demandées). Ces dernières étant lun des paramètres de ladmission dans les établissements denseignement supérieur, leur conservation est ainsi proportionnée à la finalité du traitement ».

S’agissant du simulateur de bourses de l’enseignement supérieur, le MESRI précise qu’il « a été intégré à la plateforme à la demande des candidats eux-mêmes », et que « la collecte des données est purement facultative », leur recueil reposant « sur le consentement des personnes concernées ». De surcroît, « au regard des éléments présentés par le ministère », la CNIL « na donné aucune suite » à une plainte reçue par le ministère au sujet de « la conservation dans Parcoursup de données collectées via ce simulateur ».

B.   NORMALISER LE PILOTAGE DE LA PLATEFORME

La Cour indique que la gouvernance de Parcoursup « est installée de manière “agile”, principalement autour de quelques personnes, dans un objectif de “pragmatisme” affiché ([124]). Il en ressort une organisation resserrée dont la vocation a été de fonctionner en mode projet ». Elle pointe également le rôle fondamental joué par le chef de projet, en l’occurrence M. Jérôme Teillard, tellement mis à contribution qu’il en a fini par « incarner Parcoursup » ; or, « les structures qui dépendent, pour leur bon fonctionnement, de quelques personnes, voire dune seule – et quels que soient leurs éminents mérites – sont en situation de fragilité ». Par conséquent, « si le pilotage “en mode projet” se justifiait au commencement du dispositif à des fins defficacité et pour assurer une communication, par ailleurs étroitement maîtrisée par le cabinet du MESRI, une autre organisation doit être retenue après deux années dexistence. En effet, le passage à une structuration mieux établie et installée apporterait les garanties dun fonctionnement pérenne et assurerait en toutes circonstances la bonne continuité du dispositif ».

Le MESRI répond que « lorganisation en mode projet a été et est efficace pour la mise en place dune réforme de cette ampleur. Elle a aussi montré son caractère indispensable et son efficacité pendant la crise COVID19 ». En revanche, « il na jamais été question den faire un principe pérenne ». D’ailleurs, « la direction générale de lenseignement supérieur et de linsertion professionnelle (DGESIP) prépare depuis 2019 un dispositif de transition qui doit permettre dassurer une gestion pérenne du dispositif » : une mission de l’orientation du scolaire vers le supérieur (MOSS) a été créée au sein de la DGESIP à l’été 2019, et un ancien vice‑président d’université, « expert de Parcoursup », a été recruté à l’été 2020.

Les rapporteurs prennent acte de ces réponses et engagements du MESRI et constatent que la plateforme a pu absorber des augmentations significatives de périmètre depuis sa création tout en affrontant des tentatives d’intrusion sans incident majeur.

III.   REMÉDIER À CERTAINES FAIBLESSES PERSISTANTES DE LAFFECTATION

En tant que plateforme d’affectation dans l’enseignement supérieur, Parcoursup concrétise les choix plus ou moins éclairés des élèves, en prenant en compte les contraintes de capacité d’accueil des formations. De ce fait, certaines faiblesses persistantes de l’affectation ne sont pas seulement dues aux défauts de la plateforme, mais résultent d’un ensemble de facteurs qui se situent en amont comme en aval du processus. En amont, on peut citer les inégalités scolaires et les inégalités d’orientation ; en aval, on peut évoquer le manque de places dans certaines filières de l’enseignement supérieur, ou la mauvaise allocation de certaines d’entre elles. Pour pouvoir évaluer la qualité de l’affectation des candidats, il faut donc prendre en compte l’ensemble du « continuum -3 / + 3 » que la loi ORE souhaite réaliser.

Cependant, la plateforme Parcoursup n’est pas une simple « caisse enregistreuse » des choix des étudiants ; elle oriente l’affectation en privilégiant certains critères au détriment d’autres. Ainsi, comme le fait remarquer la Cour, là où la procédure APB était avant tout fondée sur la géographie, le rang du vœu et parfois même le tirage au sort (pour les filières non sélectives en tension), Parcoursup se fonde d’abord sur l’examen du dossier scolaire de chaque candidat par les CEV instituées dans chaque établissement d’enseignement supérieur.

En augmentant de la sorte le poids relatif du dossier scolaire dans les critères de classement, notamment par rapport au critère géographique, Parcoursup introduit le risque d’une segmentation accrue de l’enseignement supérieur. C’est en partie pour le limiter que la loi ORE institue des quotas de boursiers du secondaire ainsi que des quotas de non-résidents au sein de chacune des formations, tout en conservant les quotas de bacheliers technologiques et professionnels respectivement dans les instituts universitaires de technologie (IUT) et les sections de techniciens supérieurs (STS), initialement institués par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche.

A.   RENFORCER LA PERFORMANCE DE LA PLATEFORME

Le premier objectif de Parcoursup consiste à permettre au plus grand nombre d’accéder à l’enseignement supérieur, en priorité dans les formations les plus désirées par les candidats. Dans quelle mesure la plateforme remplit‑elle sa mission ?

1.   Une accélération bienvenue de la procédure

L’introduction de la non-hiérarchisation des vœux permet à chaque candidat de mieux mûrir son projet d’orientation. En effet, les candidats peuvent désormais choisir, au sein des propositions reçues, celle qui leur convient le mieux, là où ils devaient auparavant hiérarchiser leurs vœux et donc faire leur choix définitif dès le moment de l’émission de leurs vœux. Cependant, cette non‑hiérarchisation a également eu pour effet de ralentir la convergence de la procédure, et donc d’allonger le processus d’affectation dans l’enseignement supérieur. Cet allongement a pu être mal vécu par les candidats, déjà fortement anxieux : 70 % des candidats interrogés par la Cour dans le cadre de son sondage répondent « oui » lorsqu’il leur est demandé s’ils trouvent la procédure d’affectation « particulièrement anxiogène ».

Conséquences et risques de la non-hiérarchisation des vœux

Au-delà du simple allongement de la procédure qu’elle implique nécessairement, la non-hiérarchisation des vœux présente au moins deux inconvénients.

D’une part, elle présente un risque du point de vue de l’équité de la procédure, en introduisant un biais social et territorial. En effet, les candidats qui doivent régler des questions matérielles avant l’été (mobilité géographique, recherche de logement...) sont désavantagés par rapport à ceux qui peuvent se permettre de régler ces questions plus tard, parce qu’ils poursuivent leurs études à proximité du domicile parental ou que leurs parents ont des moyens financiers importants et peuvent supporter un surcoût supplémentaire dû à un délai d’attente plus important. Ces derniers peuvent attendre plus longtemps avant d’accepter définitivement une proposition, et ont donc plus de chances d’être en capacité d’accepter leur « premier vœu ».

D’autre part, la non‑hiérarchisation des vœux met en péril l’équité du processus de réattribution des places libérées du fait des démissions qui interviennent pendant l’été. En effet, en l’absence de hiérarchisation des vœux, ces places ne peuvent être réallouées de manière rapide et automatisée aux candidats les mieux classés dans les listes d’attente. La réallocation se fait donc en pratique de manière manuelle, en contactant individuellement les candidats. Les premiers à répondre obtiennent alors les places restantes ([125]).

En 2018, la phase principale s’est étendue du 22 mai au 5 septembre, et de nombreux candidats ont reçu leurs propositions fort tardivement. Cette lenteur de la procédure était due à plusieurs facteurs : un calendrier trop élargi, une phase de réflexion trop importante laissée aux candidats, le maintien de certains vœux de leur part alors qu’ils savaient déjà pour lequel ils optaient… 49 % seulement des répondants au sondage de la Cour trouvaient que la procédure d’affectation avait été suffisamment rapide en 2018. De fait, 102 606 candidats n’avaient encore reçu aucune proposition le 17 juillet, contre 87 000 à la même période avec APB ([126]).

Comme l’indique le CESP, plusieurs mesures ont été prises en 2019 pour améliorer la vitesse de convergence de la procédure. D’abord, la phase principale a été raccourcie : elle s’est déroulée du 15 mai au 19 juillet (et du 19 mai au 17 juillet en 2020). Ensuite, le délai de réflexion laissé aux candidats pour répondre aux propositions a été réduit : alors qu’il décroissait de 7 à 2 jours au fil de la phase principale en 2018, le délai initial a été réduit à 5 jours. Enfin, des innovations ont permis d’améliorer la convergence en incitant et en permettant aux candidats de répondre plus rapidement à leurs propositions.

La mise en place d’un « répondeur automatique » permet ainsi aux candidats d’organiser par ordre de préférence tous les vœux en attente qu’ils ont confirmés. Une fois la hiérarchisation de leurs vœux effectuée, le « répondeur automatique » se charge d’accepter les propositions en fonction de leur place dans la hiérarchie fixée. « Dès quune proposition leur est faite, le répondeur automatique laccepte à leur place, selon lordre quils ont établi » ([127]). Lorsqu’une proposition est acceptée, les candidats « en sont informés par une alerte sur leur messagerie Parcoursup, leur messagerie personnelle, sur leur portable par SMS et via lapplication Parcoursup » ([128]). L’instauration de points d’étapes, quant à elle, oblige les candidats à confirmer leurs vœux à échéance régulière sous peine de suppression de ces derniers de la plateforme. Enfin, la pratique du « surbooking » permet aux formations de faire plus de propositions qu’elles n’ont de places en anticipant les refus et désistements potentiels.

Ces innovations semblent avoir eu les effets escomptés. « Dès le 15 mai, 59 % des candidats avaient reçu au moins une proposition dadmission et 28 % accepteront au final lune dentre elles (comme en 2018). Avant les épreuves écrites du baccalauréat, ce sont 87 % des candidats qui ont reçu au moins une proposition (85 % en 2018) et 68 % qui accepteront définitivement lune de cellesci (contre 61 % en 2018). » ([129]) D’ailleurs, la proportion de répondants au sondage de la Cour se déclarant satisfaits de la rapidité de la procédure d’affectation augmente légèrement de 2018 à 2019 : elle passe de 49 % à 52 %.

En fin de compte, les mesures prises en faveur de l’accélération de la procédure ont eu un impact positif sur la rapidité de la convergence, sans dégrader trop fortement le délai de réflexion des futurs étudiants. Pour reprendre les termes du CESP : « il semble que lon soit proche de lasymptote en termes de compromis entre délai de réflexion et rapidité, et que de nouvelles améliorations risqueraient dêtre complexes pour un bénéfice faible » ([130]).

2.   Un appariement d’une efficacité comparable à Admission post-bac (APB)

a.   Un périmètre qui interroge

Le CESP comme le MESRI se réjouissent d’une amélioration de l’appariement entre candidats néo-bacheliers et formations. On peut en effet noter que le pourcentage de nouveaux bacheliers ayant quitté la plateforme sans avoir d’affectation est passé de 25 % en 2017 à 20 % en 2019. De plus, là où 16 % de ces candidats néo-bacheliers finissaient par quitter la plateforme alors même qu’ils avaient reçu une proposition en 2018 (19 % pour la totalité des candidats), ils n’étaient plus que 10 % en 2019 (13 % pour la totalité des candidats) ([131]). Ces améliorations se sont réalisées malgré une augmentation importante du nombre de candidats (+ 150 000 environ entre 2017 et 2020) et de formations (+ 4 500 entre 2017 et 2020) sur la plateforme.

Le MESRI accorde une large priorité aux néo‑bacheliers pour juger de la performance de Parcoursup. Ainsi, dans ses notes relatives à Parcoursup, le SIES ne prend jamais en compte les candidats en réorientation ou en reprise d’études, pour ne s’intéresser systématiquement qu’aux néo-bacheliers. M. Jérôme Teillard a cependant indiqué lors de son audition que le SIES envisageait à l’avenir de suivre également les résultats des candidats non-lycéens dans ses notes, ce dont les rapporteurs se réjouissent.

Le choix de retraiter ces deux catégories de candidats des bilans de performance de la plateforme est d’autant plus étonnant que leurs effectifs ne cessent d’augmenter, et représentent une part de plus en plus importante des candidats inscrits. Alors qu’ils représentaient 24 % des candidats en 2018, cette part est montée à 29 % en 2019, et a atteint 30,3 % en 2020 (288 000 candidats sur 950 000) ([132]).

Évolution du nombre de formations et d’inscrits de 2017 à 2020 ([133])

 

APB

Parcoursup

Évolution en absolu (20172020)

Évolution en pourcentage (20172020)

2017

2018

2019

2020

Nombre de formations

12 350

13 000

14 500

16 800

+ 4 450

+ 36 %

Nombre de candidats inscrits ayant confirmé au moins un vœu

809 000

811 000

898 000

950 000

+ 141 000

+ 17,4 %

dont candidats lycéens

595 000

630 000

640 000

662 000

+ 67 000

+ 11,3 %

dont candidats en réorientation, en reprise d’études, scolarisés à l’étranger, en remise à niveau ou autres

214 000

181 000

258 000

288 000 ([134])

+ 74 000

+ 34,5 %

Or, l’évolution du taux d’acceptation de ces catégories est beaucoup moins positive : entre 2017 et 2019, selon les chiffres de la Cour ([135]), les étudiants en réorientation et les candidats en reprise d’études ont vu leurs taux d’acceptation diminuer respectivement de 2 (de 46 % à 44 %) et 8 points (de 47 % à 39 %) ([136]). Ces chiffres confirment le fait que Parcoursup a été conçu avant tout pour les néo‑bacheliers, dont le taux d’acceptation a au contraire augmenté de 3 points sur la même période ([137]).

Taux d’affectation des candidats ([138])

 

APB

Parcoursup

 

2017

2018

2019

Taux d’affectation global

(candidats affectés / total des candidats)

64 %

64 %

63 %

Taux d’affectation des néo‑bacheliers

Cour : 67 %

SIES : 75 %

Cour : 68 %

SIES : 79 %

Cour : 70 %

SIES : 80 %

Taux d’affectation des réorientés du supérieur

46 %

45 %

44 %

Taux d’affectation des candidats en reprise d’études

47 %

45 %

39 %

M. Jérôme Teillard assume ce choix, au motif que plus des trois quarts des candidats sont néo-bacheliers et que l’accès à l’enseignement supérieur constitue la continuité logique et nécessaire de leur parcours, contrairement par exemple aux salariés en reprise d’études. Il n’est pas anormal que la plateforme soit conçue prioritairement pour les candidats lycéens, et que les analyses du ministère se concentrent davantage sur ce public. Par ailleurs, les candidats en reprise d’études comme les candidats en réorientation ne sont pas ignorés par le ministère, qui calcule aussi leur taux d’affectation. Selon M. Jérôme Teillard, le choix effectué par la Cour de comparer APB et Parcoursup sur la base de l’ensemble des candidats inscrits est fortement contestable, dans la mesure où le public d’APB se composait quasi exclusivement de lycéens, tandis que Parcoursup attire des candidats beaucoup plus diversifiés, et parfois moins logiquement destinés à accéder à l’enseignement supérieur. Dans ce contexte, est‑il bien pertinent de comparer les performances des deux plateformes sans harmoniser leurs périmètres ?

Les rapporteurs considèrent cependant que le ministère doit s’efforcer de mieux prendre en compte les réorientés et les candidats en reprise d’études, appelés à devenir de plus en plus nombreux, d’autant que leur profil ne diffère parfois pas sensiblement de celui des candidats lycéens (loin de l’image d’Épinal du salarié reprenant ses études après des années de carrière) : ils sont en général à peine plus âgés, au moins pour les premiers. Ainsi, selon la Cour, la moyenne d’âge des candidats en réorientation inscrits sur Parcoursup s’élevait en 2019 à 19,4 années, et la médiane à 19 années. 90 % d’entre eux ont moins de 21 ans. Pour les candidats en reprise d’études, la moyenne s’élève à 22,5 années, et la médiane à 21 années. 75 % d’entre eux ont moins de 23 ans.

Une première étape a peut-être été réalisée en ce qui concerne les candidats en reprise d’études avec le module Parcours+, mis en place pour la première fois lors de la session 2020, qui s’adresse aux personnes en reprise d’études qui ne sont pas des lycéens ni des étudiants en réorientation, et qui ont leur baccalauréat depuis au moins quatre ans. L’objectif du module est de proposer à ces personnes une « offre spécifique dinformation et dorientation vers des formations ou services destinés aux personnes en reprise détudes » ([139]). Comme l’indique le CESP, « un nouvel écran apparaîtra alors afin de les [les candidats en reprise détudes] orienter vers les bons interlocuteurs tels que des conseils en évolution professionnelle et vers des offres spécifiques (régions, APEC…). Cependant, si le candidat le souhaite, il pourra maintenir sa candidature dans la plate-forme Parcoursup. ([140]) » Si la création d’une offre spécifique à destination des personnes en reprise d’études est une intention louable, le fait qu’elle s’adresse aux candidats ayant eu leur baccalauréat depuis plus de quatre ans interroge, dans la mesure où plus de la moitié des candidats en reprise d’études a moins de 21 ans. De fait en 2020, 42 840 candidats en reprise d’études sur 93 000 ont consulté l’offre de formation rassemblée sur le module, soit seulement 46 % d’entre eux.

Proposition n° 11 : Prendre en compte les candidats en réorientation et en reprise d’études dans les analyses relatives à la performance de Parcoursup.

b.   Une performance globale similaire à Admission post-bac (APB)

La Cour évalue la performance globale de la loi ORE, et à travers elle du service public d’accès au premier cycle de l’enseignement supérieur, à travers une batterie de quatre indicateurs :

«  P1 : la part de candidats ayant accepté une proposition obtenue sur les bases de calcul du MESRI, en rapportant le nombre daffecté sur le nombre dinscrits ;

 P2 : la part des inscrits à la rentrée parmi ceux ayant accepté une proposition, soit une mesure qui prend en compte la satisfaction des candidats ;

 P3 : le taux de réussite parmi les inscrits à la rentrée, estimée à partir des premiers éléments transmis par les universités et les étudiants euxmêmes ;

 P4 : la part des nonréorientés parmi les candidats ayant accepté une proposition, en calculant la part des candidats affectés dans le supérieur qui ne se seront pas réorientés au cours de lannée suivante » ([141]).

En faisant le produit de ces quatre indicateurs, elle obtient une « performance globale » de 32 à 37 % pour l’ensemble des formations proposées sur Parcoursup en 2018 ([142]), contre 32 à 35 % pour APB en 2017. « Au total, pour trois candidats utilisant la plateforme au niveau national, un seul y a trouvé sa filière délection, y a été affecté, y a réussi et y est resté » ([143]). Pour les universités, la performance globale serait passée de 10 % sous APB à 12 % sous Parcoursup en 2018.

Il est trop tôt pour tirer de véritables conclusions de cette performance globale. La première session de Parcoursup s’est déroulée en 2018, soit il y a à peine deux ans : les effets de la loi ORE mettront certainement plus de temps à se faire sentir. De plus, il convient de rappeler que les publics que la Cour compare ne sont pas les mêmes, Parcoursup intégrant une proportion bien plus importante de candidats non-lycéens.

Les rapporteurs s’étonnent du fait que la Cour, même si elle affirme évaluer la loi ORE dans son ensemble, semble en réalité juger de l’efficacité de la seule plateforme Parcoursup ([144]) via cet indice de performance globale. Ils rappellent que la plateforme Parcoursup n’est pas responsable à elle seule de la qualité de l’accès à l’enseignement supérieur ou de la réussite étudiante. Le taux de réussite parmi les inscrits à la rentrée (P3) ainsi que la part des non‑réorientés parmi les candidats ayant accepté une proposition (P4) résultent de la politique d’orientation menée en amont et de la politique de réussite dans l’enseignement supérieur menée en aval de la procédure.

La qualité intrinsèque de la plateforme et sa capacité à affecter le plus de candidats possibles dans l’enseignement supérieur doivent être évaluées à partir des deux premiers indicateurs seulement, P1 et P2. Leur produit est compris entre 47 et 51 % en 2017, et entre 47 % et 54 % en 2018. Autrement dit, le dispositif Parcoursup semble aussi performant que le dispositif APB dans sa capacité à affecter les candidats dans l’enseignement supérieur, que l’on prenne en compte les indicateurs les plus directement reliés à l’affectation ou des indicateurs plus larges prenant en compte l’ensemble du processus -3/+3. Ce résultat constitue en lui-même une performance appréciable du fait de l’élargissement de périmètre constaté entre les deux plateformes.

Pour finir, les rapporteurs tiennent néanmoins à indiquer qu’il est difficile de comparer réellement APB et Parcoursup en termes d’efficacité d’affectation, dans la mesure où l’abandon de la hiérarchisation des vœux rend impossible la comparaison des capacités des deux plateformes à satisfaire les préférences réelles des candidats. Ainsi, alors que l’on pouvait calculer avec APB la proportion de candidats qui avaient obtenu leur premier vœu, cela n’est par définition plus possible avec Parcoursup. Pour combler cette lacune et pouvoir juger de la capacité de la plateforme à satisfaire réellement les désirs des candidats, il serait souhaitable de mener une enquête nationale permettant de recueillir au moins leur « premier vœu », voire la hiérarchisation implicite de leur liste de vœux. Dans le sondage mené par la Cour, le taux de candidats qui affirment avoir obtenu leur premier choix passe ainsi de 56 % en 2017 sous APB à 48 % en 2019 sous Parcoursup. La tendance dessinée par ces réponses doit inciter le ministère à instaurer un protocole d’enquête précis permettant de pouvoir comparer les affectations d’une année sur l’autre d’un point de vue qualitatif, c’est-à-dire en fonction de leur capacité à répondre aux préférences des candidats.

Proposition n° 12 : Mettre en place une enquête nationale permettant de mieux évaluer qualitativement les affectations via Parcoursup, en recueillant notamment les préférences relatives des candidats.

B.   FLUIDIFIER LACCÈS À LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR COURT POUR LES BACHELIERS PROFESSIONNELS ET TECHNOLOGIQUES

En 2019, les bacheliers généraux représentent 60 % des candidats néo‑bacheliers, et 65 % de ceux qui ont reçu une affectation. Les bacheliers technologiques représentent 23 % des candidats et 22 % de ceux qui ont reçu une affectation (et 30 % de ceux qui n’ont reçu aucune proposition). Les bacheliers professionnels, enfin, sont ceux qui connaissent le plus de difficultés : ils représentent 17 % des candidats et 13 % de ceux qui ont reçu une affectation (et 48 % de ceux qui n’ont reçu aucune proposition). Les bacheliers professionnels et les bacheliers technologiques sont proportionnellement moins nombreux que les bacheliers généraux à rejoindre l’enseignement supérieur. Si les bacheliers professionnels qui poursuivent des études représentent toujours une minorité, ils sont néanmoins de plus en plus nombreux, et le mouvement devrait s’amplifier au cours des prochaines années. 38,6 % d’entre eux se sont inscrits dans l’enseignement supérieur en 2018 ([145]), contre seulement 17,1 % en 2000 ([146]). Les bacheliers technologiques sont 77,9 % à s’être inscrits dans l’enseignement supérieur en 2018, un taux à peu près stable depuis 2000. Quant aux bacheliers généraux, ils poursuivent leurs études pour 94,1 % d’entre eux.

Instituts universitaires de technologie (IUT)
et sections de techniciens supérieurs (STS)

Les STS et les IUT sont souvent assimilés parce qu’ils préparent tous les deux à des diplômes (BTS et DUT) sanctionnant la réussite dans l’enseignement supérieur court. Néanmoins, de larges différences existent entre les deux formations, qui ne sont par conséquent pas tout à fait confrontées aux mêmes problématiques :

• le BTS est un diplôme national délivré après examen final, alors que le DUT est un diplôme universitaire délivré sur la base du contrôle continu ;

• la formation proposée en STS est plus spécialisée et les spécialités y sont plus nombreuses qu’en IUT (plus d’une centaine contre une trentaine), où la formation est plus généraliste ;

• le BTS est bien plus professionnalisant que le DUT : environ 50 % des titulaires d’un BTS poursuivent leurs études, contre 90 % pour les titulaires d’un DUT (dont les deux tiers jusqu’à bac +4 ou +5) ;

• les populations des deux formations diffèrent tant du point de vue social que scolaire, même si, de manière générale, elles accueillent plus d’étudiants issus des classes populaires que les autres formations du supérieur  :

- 54,6 % des étudiants en STS sont boursiers du supérieur, contre 44,8 % en IUT ;

- les bacheliers généraux sont en minorité dans les STS, où ils représentent 18,6 % des effectifs, alors qu’ils sont en majorité en IUT, où ils représentent 63,2 % des effectifs.

1.   Un accès limité

a.   Une augmentation massive des effectifs de bacheliers professionnels sans augmentation corrélative du nombre de places disponibles en STS

Le principal outil de la seconde vague de la massification scolaire, qui a débuté dans les années 1990, est le baccalauréat professionnel. Ainsi, entre 2000 et 2017, le nombre de bacheliers professionnels est passé de 92 617 à 177 570 (+ 85 000), soit une augmentation des effectifs de 91,7 %. Par comparaison, dans le même temps, le nombre de bacheliers généraux est passé de 271 155 à 337 714 (+ 66 000), soit une augmentation de 24,5 % ([147]). Or, au cours de la même période, seulement 18 000 places supplémentaires ont été créées en STS, soit une augmentation de seulement 7 %, alors que la plupart des nouvelles places créées dans l’enseignement supérieur l’ont été en licence générale ([148]).

nombre de places créées dans l’enseignement supérieur entre 2000 et 2017 par filière

Source : Cour des comptes d’après les données de la DEPP.

Cette faible création de places vient s’ajouter à une mauvaise allocation des ressources déjà existantes. La Cour montre en effet dans son rapport qu’il y avait 18 000 places vacantes en STS en 2018 (soit un taux de vacance d’environ 6,5 %), et qu’environ 250 de ces formations affichent un taux de remplissage inférieur à 50 %. Pour expliquer ce taux de vacance conséquent, M. Jérôme Teillard a mis en avant plusieurs facteurs lors de son audition par les rapporteurs. D’abord, l’inadéquation entre la demande des candidats et l’offre des formations proposées crée des déséquilibres structurels. Ainsi, la demande est plus importante dans les services tandis que l’offre se concentre davantage dans la production. Le rééquilibrage prend du temps, car l’offre est moins souple et adaptable que la demande. Ensuite, dans la mesure où les BTS sont portés par des lycées, ils se situent parfois sur des territoires où l’accueil des étudiants est moins aisé que dans les grandes villes. Enfin, certains secteurs peinent à attirer des candidats, notamment dans l’enseignement agricole, et ce depuis de nombreuses années désormais.

Pour répondre à ces difficultés, M. Jérôme Teillard évoque la création d’outils, développés à partir de l’analyse statistique des données fournies par la plateforme, mis à disposition des rectorats et des services d’orientation. L’objectif est de mieux identifier les enjeux de créations de places afin de limiter le taux de vacance. Les places vacantes sont parfois la conséquence de la non‑inscription des jeunes dans leur filière d’accueil à la rentrée ou de leur abandon précoce au cours de l’année. Dans ce contexte, mieux accompagner les jeunes dans leur entrée dans le supérieur court et leur permettre d’y réussir constitue donc également une manière de lutter contre le taux de vacance.

La Cour indique également que « le dispositif des classes passerelles ([149]) créé en 2018 pour accueillir les bacheliers professionnels apparaît peu attractif aux yeux des lycéens compte tenu du faible taux de remplissage de ces classes » ([150]). Le constat paraît sévère, alors que le dispositif n’en est qu’à ses débuts. Les classes passerelles ont été mises en place une année après l’expérimentation installée en 2017 ([151]) dans trois régions (Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France et Île-de-France) qui visait à accorder de droit l’accès à une STS aux bacheliers professionnels ayant obtenu un avis favorable de leur conseil de classe lors du premier ou du deuxième semestre de l’année de terminale professionnelle. Elles devaient permettre aux élèves ayant reçu un avis favorable de la part du conseil, mais qui ne pouvaient pas rejoindre une STS faute de places disponibles, de consolider leurs acquis en vue de l’intégration d’une STS l’année suivante. De fait, ces élèves bénéficient bien d’une priorité par rapport aux autres élèves. M. Jérôme Teillard a précisé que selon les dernières données fournies par les rectorats, 90 % d’entre eux ont reçu au moins une proposition l’an dernier, et que 70 % en ont accepté une. Les classes passerelles ne se limitent cependant pas à l’accueil des élèves concernés par l’expérimentation débutée en 2017 : elles existent sur l’ensemble du territoire et peuvent également accueillir des bacheliers professionnels (rarement technologiques) qui n’ont pu rejoindre une STS du fait d’un niveau encore insuffisant, et qui souhaitent renforcer leurs compétences en vue d’en intégrer une l’année suivante. Enfin, les élèves intégrés dans les classes passerelles à la rentrée de septembre peuvent intégrer une STS dès Noël pour remplacer les étudiants qui ont quitté la formation entre-temps.

Le « faible taux de remplissage de ces classes » pointé par la Cour semble peu surprenant, dans la mesure où l’année passée en classe passerelle ne constitue qu’une propédeutique à la STS, c’est‑à‑dire à la préparation du BTS. Lors de l’audition consacrée aux syndicats étudiants, Mme Orlane François, présidente de la FAGE, soulignait que les années propédeutiques mises en place dans certaines universités, au cours desquelles les étudiants ne valident pas d’UE mais sont seulement accompagnés à leur entrée dans le supérieur, sont globalement inefficaces, faute de motivation du côté des étudiants, qui ne se sentent pas impliqués dans la promotion et ressentent une forme de stigmatisation. Une évaluation de l’efficacité pédagogique de ce dispositif devra être menée car il peut peut‑être aussi répondre aux besoins de certains étudiants qui hésitent sur leur orientation ou qui ressentent la nécessité d’un accompagnement méthodologique avant d’entamer leur cursus.

Ce déséquilibre global entre l’augmentation massive de la demande et la relative stagnation des places en STS porte fortement préjudice aux bacheliers professionnels, dans la mesure où ils souhaitent très majoritairement s’y orienter. Ainsi, lors de la campagne 2020 de Parcoursup, 76 % des vœux des bacheliers professionnels se sont portés sur des STS (6 % seulement en licence), contre 9 % pour les bacheliers généraux, et 88,6 % des bacheliers professionnels ont effectué au moins une candidature en BTS (16,9 % seulement en licence) ([152]). Autrement dit, les STS sont le débouché le plus prisé par les bacheliers professionnels qui souhaitent s’orienter vers l’enseignement supérieur.

Elles constituent également une aide précieuse pour l’insertion des diplômés sur le marché du travail. En effet, les bacheliers professionnels qui renoncent à l’enseignement supérieur faute de proposition en STS ont une probabilité d’emploi moins élevée que leurs homologues ayant poursuivi des études supérieures : 54 % contre 64 % lorsque ces derniers sont diplômés d’un BTS ([153]).

Les bacheliers professionnels qui souhaitent poursuivre leurs études dans l’enseignement supérieur malgré leur non-sélection en BTS n’ont d’autre choix que de se rendre à l’université, qui endosse alors le rôle d’« orientation par défaut » ([154]). De fait, en 2016 (sous APB), 7 000 bacheliers professionnels ont été orientés par défaut en licence. L’absence de hiérarchisation des vœux qui prévaut sous Parcoursup empêche de disposer de chiffres aussi précis. Néanmoins, en prenant un « taux dorientation par défaut » ([155]) de 50 %, la Cour estime leur nombre à 5 000 en 2018. Or, le taux de réussite des bacheliers professionnels en licence est extrêmement faible : 2,5 % en trois ans et 6 % seulement en 4 ans pour les étudiants inscrits pour la première fois en L1 en 2013 ([156]). Et l’échec est d’autant plus probable en cas d’orientation par défaut : pour la génération des bacheliers 2010 suivie par le CEREQ, le risque de sortie sans diplôme de l’université augmente de 14 % lorsque le premier vœu formulé était un BTS et qu’il n’a pas été concrétisé ([157]). Lorsque les étudiants touchés sont des bacheliers professionnels, ils ont 50 % de chances en moins de revenir aux études après le décrochage que les bacheliers généraux, et deux fois plus de chances qu’eux de suivre une trajectoire de « neet » ([158]).

Proposition n° 13 : Créer des places supplémentaires en sections de techniciens supérieurs (STS), notamment par redéploiement de moyens résultant de la suppression des places vacantes dans les formations peu prisées.

b.   L’accueil insuffisant de bacheliers technologiques en IUT

Parmi les nouveaux entrants en IUT en 2019, la part des titulaires d’un bac technologique atteint 32,8 %, contre 63,2 % pour les bacheliers généraux ([159]), alors même que les IUT sont censés constituer l’une des voies privilégiées au sein de l’enseignement supérieur pour les bacheliers technologiques (en complément des STS, très demandées également par ces derniers). Les écarts en termes de réussite sont nettement moins prononcés en DUT qu’en licence : 63 % des bacheliers technologiques obtiennent leur DUT en deux ou trois ans (ils sont 17 % en licence), contre 83 % des bacheliers généraux (ils sont 49 % en licence).

Les stratégies de contournement mises en place par certains bacheliers généraux, qui rejoignent l’IUT pour pouvoir effectuer des études longues sans passer par une licence ou une CPGE, sont souvent mises en avant pour expliquer le faible taux de bacheliers technologiques en IUT ([160]). Ces stratégies font perdre au DUT sa vocation première : former des cadres intermédiaires et des techniciens supérieurs, susceptibles de rejoindre rapidement le marché du travail. Les bacheliers généraux sont d’ailleurs ensuite les plus nombreux à intégrer la licence professionnelle à la sortie du DUT, alors même que cette dernière est censée constituer un débouché privilégié pour les bacheliers technologiques ; surtout, ils constituent la grande majorité des diplômés de DUT qui poursuivent leurs études au niveau master, soit à l’université, soit en intégrant des écoles de commerce ou d’ingénieurs via les concours spécifiques mis en place pour les étudiants qui n’ont pas suivi de cursus en classe préparatoire. Au total, un effet d’éviction se met en place : certains bacheliers technologiques se voient refuser l’accès à l’IUT, et risquent de s’orienter par défaut à l’université, où leur taux de réussite est bien plus faible.

Si ces stratégies de contournement existent, elles concernent dans les faits une minorité d’étudiants, et sont bien loin d’expliquer à elles seules la faiblesse des effectifs de bacheliers technologiques en IUT. Auditionné par les rapporteurs, M. Laurent Gadessaud, vice‑président de l’Assemblée des directeurs d’IUT, appelle d’ailleurs à relativiser le phénomène de l’orientation par défaut, qui ne présente pas la même acuité que pour les bacheliers professionnels en STS. Le problème se situe aussi du côté de la demande : les IUT peinent en réalité à attirer les bacheliers technologiques, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, les IUT sont loin d’être les vœux les plus « naturels » pour ces derniers. Ils sont largement supplantés par les STS, qui représentent 50 % des vœux exprimés par les bacheliers technologiques, contre 17 % pour les IUT ([161]). Cette préférence pour les STS (dont un effet collatéral est l’éviction de certains candidats bacheliers professionnels de ces STS) s’explique par le fait qu’ils sont jugés plus accessibles, notamment par les professeurs du secondaire eux‑mêmes (qui exercent une forte influence sur les choix d’orientation des candidats), et surtout qu’ils représentent souvent une solution de proximité, du fait de leur meilleure implantation sur l’ensemble du territoire. Enfin, même si elle est minoritaire, il existe une volonté de captation des meilleurs bacheliers technologiques de la part de certains professeurs du secondaire au sein des lycées qui comptent des STS.

M. Laurent Gadessaud a également mis en exergue la tendance persistante de certains bacheliers technologiques à souhaiter rejoindre une licence générale plutôt qu’un IUT. Lors des dernières années d’APB, qui permettait de connaître la hiérarchie des souhaits des élèves, on remarquait en effet que les bacheliers technologiques émettaient autant de premiers vœux en licence qu’en IUT. Sur Parcoursup, on remarque que leurs listes de vœux sont composées de 15 % de vœux en licence et de 17 % de vœux en IUT en 2020 ([162]). Autrement dit, l’orientation par défaut ne suffit pas à expliquer la présence importante de bacheliers technologiques à l’université (à la rentrée 2018‑2019, 50 000 bacheliers technologiques sont entrés à l’université, soit 15,5 % des nouveaux entrants ([163])), où ils ont pourtant de fortes chances d’échouer (leur taux de réussite est de 9,5 % en trois ans et de 7,1 % en quatre ans, pour un total de 16,6 % de réussite cumulée en quatre ans). Il existe certainement une forte volonté chez ces bacheliers de ne pas rester cantonnés dans les filières techniques, et de rejoindre des formations plus générales, en partie parce que ces dernières sont socialement mieux valorisées.

Le problème réside donc plus largement dans la désaffection de ces élèves pour les filières considérées comme plus techniques, qu’il s’agit dès lors de revaloriser. Finalement, l’« orientation par défaut » décrit peut‑être moins le phénomène des bacheliers technologiques rejoignant les bancs de l’université que celui des élèves de seconde dirigés vers la filière technologique, souvent du fait de leurs mauvais résultats scolaires. C’est un travail de fond de revalorisation des filières techniques qu’il faut engager.

M. Laurent Gadessaud a également indiqué que de nombreux départements en IUT nécessitent des compétences scientifiques, que possèdent les titulaires d’un bac STL (Sciences et technologies de laboratoire). Or, ce baccalauréat technologique est relativement pauvre en effectifs. Il existe donc une inadéquation entre les spécialités enseignées dans certains départements en IUT et les bacheliers technologiques candidats. Cet exemple mène au constat plus général de l’absence de continuité, et parfois même de compréhension, entre le secondaire technologique et les IUT, qui peut constituer un véritable obstacle à la fois à l’accès et à la réussite des bacheliers technologiques dans le supérieur. Ainsi certains professeurs, mal renseignés sur les attentes des IUT, déconseillent à leurs élèves de se porter candidats sous prétexte qu’ils ne disposeraient pas des compétences nécessaires pour y réussir. Enfin, concernant la réussite des bacheliers technologiques en IUT, la coupure entre le secondaire et le supérieur empêche la co-construction des programmes au lycée, et oblige les enseignants du supérieur à s’adapter a posteriori au profil des élèves inscrits. Ces observations ne peuvent que plaider pour un renforcement du « continuum -3 / +3 ».

La refonte des DUT prévue à la rentrée 2021 doit permettre d’augmenter la part de bacheliers technologiques poursuivant en DUT, puisque la réforme prévoit l’accueil d’au moins 50 % de bacheliers technologiques dans le nouveau bachelor qu’elle met en place, le Bachelor universitaire de technologie (BUT), que les étudiants prépareront en trois ans. Ce taux constitue avant tout un signal politique, puisqu’il ne sera probablement jamais atteint faute d’effectifs suffisants ([164]), mais il peut avoir pour effet d’inciter davantage de bacheliers technologiques à se porter candidats pour rejoindre les IUT.

Comme l’a indiqué M. Laurent Gadessaud, la réforme devrait également permettre de tracer un parcours plus sécurisé, notamment à destination des bacheliers technologiques, qui n’auront plus à bifurquer vers une licence professionnelle, mais dont le parcours en trois ans sera de fait assuré par le BUT. L’accompagnement des étudiants, et notamment des bacheliers technologiques, devrait être amélioré, du fait de la moindre densité du parcours. Enfin, la réforme doit permettre aux IUT de retrouver l’une de leurs missions originelles : former des cadres intermédiaires aptes à rejoindre directement le marché du travail une fois leur diplôme en poche. L’objectif est de 50 % de diplômés insérés directement sur le marché du travail ; cette volonté de renouer avec la mission initiale des IUT devrait favoriser elle aussi l’accès des bacheliers technologiques à la formation.

Toutefois, il faudra veiller au bon équilibre des BUT. En effet, il existe un risque de polarisation du niveau des étudiants (déjà remarqué cette année par M. Laurent Gadessaud notamment), dans la mesure où les bacheliers généraux seront recrutés de manière plus sélective qu’auparavant, alors que les exigences seront abaissées pour les bacheliers technologiques, qui réussissent pourtant déjà moins bien actuellement. Pour éviter un différentiel de niveau trop important, et permettre aux bacheliers technologiques de réussir en BUT, un renouvellement de la pédagogie sera sans doute nécessaire. Certains IUT ont déjà mis en place des dispositifs de remédiation visant à soutenir les étudiants en difficulté en début de cursus, souvent titulaires d’un baccalauréat technologique. Auditionné par les rapporteurs, M. Nabih Nejjar, directeur de l’IUT de Roanne, a mis en avant l’existence de séquences de soutien au sein de plusieurs départements de son IUT : les étudiants qui suivent ces séquences sont récompensés en ayant le droit de repasser les modules de novembre en janvier, afin d’améliorer leurs résultats. Ce système a permis de diminuer significativement le taux de démission au premier semestre, qui est passé de 10 % à quasi 0 %.

2.   Une efficacité des quotas faible en STS, relative en IUT

Comme l’indique le rapport rendu par l’Inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) en février 2015, intitulé « Affectation des bacheliers technologiques et professionnels dans les instituts universitaires de technologie et les sections de techniciens supérieurs », l’accès à l’enseignement supérieur court pour les bacheliers professionnels et technologiques est une question de longue date, qui est la conséquence de l’augmentation de leurs effectifs. La priorité du passage des bacheliers professionnels en STS s’est traduite pour la première fois au plan réglementaire par l’admission de droit en STS des élèves et apprentis ayant obtenu une mention « très bien » ou « bien » au bac professionnel, et dont le champ professionnel correspond à celui de la section STS demandée (décret n° 2005‑1037 du 26 août 2005). Le décret n° 2007‑540 du 11 avril 2007 a ensuite étendu ce dispositif aux bacheliers technologiques ([165]), et ainsi confirmé la priorité d’affectation en STS dont ces élèves peuvent faire l’objet. Ce dispositif a ensuite été étendu aux IUT : le décret n° 2008‑265 du 17 mars 2008 entérine ainsi l’admission de droit en IUT des élèves ayant obtenu une mention « très bien » ou « bien » au baccalauréat technologique et dont le champ professionnel est en cohérence avec le département d’IUT demandé.

La loi n° 2013‑660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui institue des quotas de bacheliers professionnels en STS et de bacheliers technologiques en IUT, s’inscrit donc dans un mouvement de longue date ; en revanche, c’est la première fois qu’est posé au niveau législatif le principe de fixation de seuils. La loi ORE reconduit ce dispositif.

Les quotas de bacheliers professionnels et technologiques prévus par la loi ORE

Article L. 612-3 du code de l’éducation :

« En tenant compte de la spécialité du diplôme préparé et des demandes enregistrées dans le cadre de la procédure de préinscription prévue au deuxième alinéa du I, lautorité académique prévoit, pour laccès aux sections de techniciens supérieurs et aux instituts universitaires de technologie, respectivement un pourcentage minimal de bacheliers professionnels retenus et un pourcentage minimal de bacheliers technologiques retenus ainsi que les modalités permettant de garantir la cohérence entre les acquis de la formation antérieure du candidat et les caractéristiques de la formation demandée. Ces pourcentages et ces modalités sont fixés en concertation avec les présidents duniversité, les directeurs des instituts universitaires de technologie, les directeurs des centres de formation dapprentis et les proviseurs des lycées ayant des sections de techniciens supérieurs, chacun pour ce qui le concerne. »

Pour l’année 2019, l’objectif académique au niveau national est de 37 % pour les bacheliers professionnels en BTS et de 26 % pour les bacheliers technologiques en DUT.

Le quota de bacheliers professionnels en STS n’a pas eu les effets escomptés. En effet, leur part dans les effectifs est restée stable entre 2017 et 2018 (30,2 % en 2017 et 29,8 % en 2018 ([166]), les chiffres de 2019 ne sont pas encore stabilisés). La Cour et le CESP constatent tous les deux que cette situation décevante est due pour une large part à un « volontarisme insuffisant pour appliquer les quotas » ([167]). De fait, parmi les 4 000 STS d’une capacité supérieure à 10 places qui appliquent un quota de bacheliers professionnels, le CESP relève que 23 % ont un quota inférieur au pourcentage de bacheliers professionnels parmi les candidats, dont 14 % de moins de 5 points ([168]). Il semble que les STS privées, qui ne sont pas strictement soumises comme les STS publiques à la règle des quotas, portent une responsabilité importante dans ce manque de volontarisme. D’une part, plusieurs d’entre elles n’appliquent tout simplement pas de quotas ([169]). D’autre part, parmi celles qui ont un quota, un tiers appliquent au taux inférieur au pourcentage de bacheliers professionnels parmi les candidats.

À l’inverse, la part des bacheliers technologiques admis en IUT est passée de 30,2 % à 32,5 % de l’effectif total de la rentrée 2017 à la rentrée 2018, et a atteint 32,8 % en 2019 ([170]), soit une augmentation d’un peu plus de deux points entre 2017 et 2019. Néanmoins, le CESP indique là aussi que les formations n’ont pas toutes joué le jeu : 24 % d’entre elles avaient un quota de bacheliers technologiques inférieur au pourcentage de bacheliers parmi les candidats, dont 12 % de moins de 5 points.

De toute évidence, les quotas constituent seulement un moyen, par définition imparfait et insuffisant, et nullement une fin en soi. Les difficultés des IUT à recruter des bacheliers technologiques sont dues à plusieurs facteurs structurels, déjà mis en évidence, que les seuls quotas, si ambitieux soient‑ils, ne sauraient corriger à eux seuls. L’éviction des bacheliers technologiques devrait enfin être limitée par la création récente de places supplémentaires en IUT : alors que les effectifs avaient stagné entre 2000 et 2017, 3 300 places ont été créées à la rentrée 2018, et la tendance se poursuit en 2019 ([171]), avec la création de 1 093 places supplémentaires (pour environ 120 000 étudiants inscrits en IUT en 2018‑2019).

Dans le sillage de l’ambition d’un meilleur accès des bacheliers professionnels et technologiques aux filières courtes apparaît enfin un nouvel enjeu : celui de la réussite de ces bacheliers au sein de filières qui, si elles leur sont prioritairement destinées, se sont habituées au fil des années à recevoir principalement des bacheliers généraux, et ont adapté leurs programmes et leur pédagogie à cette situation.

C.   LIMITER LE RISQUE DACCROISSEMENT DES INÉGALITÉS SOCIALES DACCÈS À LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Il existe de fortes inégalités de répartition des lycéens au sein des différentes filières de l’enseignement supérieur en fonction de leur origine sociale. Le taux de boursiers du secondaire dans chacune de ces filières donne une bonne idée de ces inégalités : le taux de boursiers du secondaire en BTS (ou BTSA) est de 22 % en 2019, contre 13 % en licence et 12 % en CPGE, et même 5 % en formations d’ingénieurs.

Dans la mesure où inégalités sociales et différences de niveau scolaire sont fortement corrélées, et où la loi ORE met l’accent sur le dossier scolaire au détriment des critères propres à la géographie ou au souhait de l’étudiant, elle risque d’accentuer encore cette inégalité de répartition. Afin de limiter ce risque, le législateur a décidé d’instaurer des quotas sociaux dont les effets sont très limités, contrairement aux quotas géographiques, qui limitent fortement la mobilité des étudiants au sein de l’enseignement supérieur.

1.   Des quotas de boursiers aux effets trop limités

La loi ORE innove en instituant des quotas de bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée dans les formations de l’enseignement supérieur, afin de lutter contre les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur en fonction de l’origine sociale.

Les quotas de boursiers prévus par la loi ORE

Article L. 612-3 du code de l’éducation :

« Pour laccès aux formations autres que celles mentionnées au VI [les formations non sélectives], lorsque le nombre de candidatures excède les capacités daccueil dune formation, lautorité académique fixe un pourcentage minimal de bacheliers retenus bénéficiaires dune bourse nationale de lycée, en fonction du rapport entre le nombre de ces bacheliers boursiers candidats à laccès à cette formation et le nombre total de demandes dinscription dans cette formation enregistrées dans le cadre de la procédure de préinscription prévue au deuxième alinéa du I. […]

Pour laccès aux formations mentionnées au premier alinéa du présent VI [les formations sélectives], lautorité académique fixe un pourcentage minimal de bacheliers retenus bénéficiaires dune bourse nationale de lycée. »

Les taux sont fixés après concertation entre les présidents d’université ou les chefs d’établissement concernés et le recteur d’académie. Ils sont ensuite publiés dans un arrêté pour chacune des académies.

Le plancher a été fixé à 5 % pour toutes les formations dont la part de lycéens boursiers parmi les candidats était inférieure à ce chiffre. Pour les autres, le taux minimum est égal à la part de candidats bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée, chiffre auquel s’ajoutent systématiquement deux points.

Ces quotas ont été étendus en 2019 aux formations des autres ministères que le MESRI et aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG) ainsi qu’aux formations privées hors STS et CPGE. Ces dernières ont finalement été intégrées en 2020.

En revanche, seuls les bacheliers sont concernés par cette mesure. Les candidats en réorientation ou en reprise d’études ne sont pas pris en compte. Cela interroge, dans la mesure où ils représentent 288 000 candidats sur 950 400 en 2020 ([172]), soit 30,3 % des effectifs, et où certains d’entre eux connaissent de réelles difficultés économiques et sociales.

On peut se réjouir, dans un premier temps, de la meilleure application des quotas de boursiers de la part des formations de l’enseignement supérieur, mise en avant par le CESP dans son rapport de 2020 ([173]). Ainsi, en 2018, 51 % des formations avaient appliqué un quota de boursiers inférieur à la proportion de boursiers parmi les candidats. La recommandation du ministère, instituée pour la session 2019, a porté ses fruits : seulement 2 % des formations ont appliqué un quota inférieur à la proportion de boursiers parmi les candidats en 2019, dont la moitié se situe en outre-mer, où la proportion de boursiers parmi les candidats est très importante. De plus, 86 % des formations ont suivi la recommandation du ministère à la lettre en ajoutant deux points ou plus à la part des boursiers parmi les candidats.

En dépit de cette amélioration, les analyses menées par la Cour montrent que les quotas de boursiers du secondaire ont eu un effet statistique très faible, voire quasi nul, sur le taux de boursiers du secondaire dans l’ensemble des formations ([174]), à l’exception des BTS, où le taux de boursiers est déjà le plus important. De fait, les taux de boursiers dans chacune des formations ne varient pas significativement entre APB et Parcoursup, ni entre la session 2018 et la session 2019 de Parcoursup, alors que les taux ont été relevés et mieux respectés.

proportion de boursiers du secondaire dans les principales filières
de l’enseignement supérieur entre 2017 et 2019

Source : Cour des comptes à partir des données APB 2017 et Parcoursup 2018 et 2019.

La répartition des boursiers du supérieur

Les quotas de boursiers instaurés par la loi ORE concernent les boursiers du secondaire, considérés comme plus représentatifs de la situation sociale des candidats concernés, les bourses du supérieur étant accordées sur des critères plus larges. Cependant, les données relatives aux taux de boursiers du supérieur au sein des différentes filières offrent la même image de la segmentation de l’enseignement supérieur, malgré des effectifs plus importants en absolu (1). Ils sont en effet toujours les plus nombreux en STS, où ils représentent plus de la moitié des étudiants. Les DUT et l’université arrivent en deuxième et en troisième position. Les écoles de commerce et les formations d’ingénieurs hors université sont les filières où les taux de boursiers du supérieur sont les plus faibles. Au total, environ 38 % des étudiants sont boursiers du supérieur, que ce soit en 2017, en 2018 ou en 2019. Pour les lycéens, les taux de boursiers sont de 25 % en 2018 et 25,5 % en 2019 (2).

(1) Données issues des notes flash du SIES relatives aux boursiers sur critères sociaux en 2016‑2017, 2017‑2018 et 2018-2019.

(2) Repères et références statistiques, DEPP, 2019.

Le faible impact des quotas de boursiers peut s’expliquer par plusieurs facteurs.

D’abord, ces quotas ne peuvent par définition jouer que dans les formations en tension, c’est-à-dire les formations où le nombre de candidats dépasse le nombre de places disponibles. Or, près du tiers des formations auxquelles Parcoursup donne accès ne sont pas en tension : les quotas n’y ont aucun effet. Il faut également rappeler ici que les formations privées en STS et en CPGE n’étaient jusqu’à présent pas soumises à la logique des quotas ; suite à des discussions avec le ministère, elles devraient les appliquer en 2020.

Ensuite, les quotas de boursiers sont des quotas d’appel, et non des quotas d’admis. Autrement dit, il n’existe pas de places réservées aux boursiers au sein des formations. Les quotas ne peuvent par conséquent influencer la proportion de boursiers parmi les admis à une formation que d’une manière indirecte, en modifiant l’ordre dans lequel les propositions sont faites aux candidats boursiers et non boursiers, sans garantir que le quota sera in fine vérifié parmi les admis. En effet, même si le nombre de propositions à destination des candidats boursiers augmente, rien n’indique que ces derniers les accepteront davantage. C’est pourquoi la lutte contre l’autocensure revêt une dimension aussi importante, l’instauration de quotas d’appel ne suffisant pas à elle seule à augmenter la part de candidats bénéficiaires d’une bourse du secondaire.

Enfin, les taux planchers sont trop peu ambitieux pour espérer augmenter de manière significative la part des boursiers admis dans les formations sélectives ou en tension. Fixer le taux en référence à la part de boursiers parmi les candidats ne peut que produire des effets négligeables sur le recrutement social des filières, notamment les plus prestigieuses d’entre elles.

Encore une fois, les rapporteurs soulignent que si les quotas peuvent permettre de limiter les inégalités sociales dans l’enseignement supérieur, ils ne sauraient représenter le meilleur moyen d’y remédier. L’amélioration de l’accès à l’enseignement supérieur, et notamment à ses filières les plus prestigieuses, des élèves socialement les plus défavorisés, passe forcément par des politiques ambitieuses d’orientation active, de lutte contre l’autocensure, d’aide à la réussite lors des premières années de l’enseignement supérieur… Ce constat nécessite d’autant plus d’être mis en avant que cette politique de discrimination positive est parfois mal acceptée par les candidats et leurs familles ; M. Alain Trouillet faisait ainsi remarquer lors de son audition que la plupart des incompréhensions relatives aux classements des dossiers (entraînant parfois des recours) provenait en réalité de lapplication des quotas de boursiers, qui peut parfois faire perdre plusieurs centaines de places à certains candidats. Comme le souligne Mme Agnès van Zanten ([175]) dans un article consacré aux « Conventions éducation prioritaire » de Sciences Po, ces pratiques de discrimination positive sont assez peu consensuelles en France, parce qu’elles « dérogent en matière de sélection » à un principe majeur « au fondement des sociétés démocratiques contemporaines : le principe méritocratique selon lequel le candidat le plus qualifié devrait être systématiquement retenu ».

2.   Une politique de mobilité à clarifier

Le dernier quota mis en place par la loi ORE est un quota de type géographique : il réserve une partie de l’accès aux formations non sélectives de l’académie aux candidats résidant dans cette dernière.

Les quotas de non-résidents prévus par la loi ORE

Article L. 612-3 du code de l’éducation :

« Pour laccès à ces mêmes formations [non sélectives] et compte tenu du nombre de candidats à ces formations résidant dans lacadémie, lautorité académique fixe également, afin de faciliter laccès des bacheliers qui le souhaitent aux formations denseignement supérieur situées dans lacadémie où ils résident, un pourcentage maximal de bacheliers retenus résidant dans une académie autre que celle dans laquelle est situé létablissement. […]

Les pourcentages prévus aux premier et deuxième alinéas du présent V sont fixés en concertation avec les présidents duniversité concernés. Seule lobligation de respecter le pourcentage minimal de bacheliers boursiers retenus peut conduire à déroger au pourcentage maximal de bacheliers retenus résidant dans une autre académie.

Pour les formations dont le bassin de recrutement diffère du périmètre de lacadémie, le ministre chargé de lenseignement supérieur détermine par arrêté la zone géographique de résidence des candidats prise en compte en lieu et place de lacadémie pour la mise en œuvre des dispositions du même deuxième alinéa. »

En 2019, le MESRI a demandé aux rectorats de respecter un seuil « plancher » de 5 %, afin de lutter contre la fixation de seuils trop bas qui réservaient complètement l’accès à l’enseignement supérieur aux résidents du secteur, contre l’esprit de la loi.

Ce quota maximal de non‑résidents est le plus influent des trois quotas mis en place par la loi ORE sur les classements finaux des candidats. La Cour affirme clairement que sans lui, « un certain nombre de candidats non-résidents auraient pris la place de candidats résidents » ([176]). En revanche, il ne s’applique qu’aux licences non-sélectives en tension. De plus, des effets croisés existent probablement entre les différents types de quotas : comme l’indique la Cour, il est ainsi possible que « les quotas géographiques aient un effet indirect en favorisant les bacheliers technologiques et professionnels de lacadémie par rapport aux bacheliers généraux résidant dans une autre académie que celle de la formation non sélective demandée » ([177]). Au total, la mise en place de quotas géographiques semble donc avoir permis de contenir les risques d’accroissement de la segmentation de l’enseignement supérieur que portait la loi ORE, en laissant une place au critère géographique, prééminent sous APB.

Néanmoins, les ambitions de la loi ORE sur le plan de la mobilité restent à clarifier pour pouvoir juger réellement de l’aspect positif de ce quota, comme le relève d’ailleurs le Comité de suivi de la loi :

Le CESP montre que les décisions prises en 2019 en termes de quotas géographiques sont allées plus loin dans le sens de la mobilité qu’en 2018. Les quotas maximum de non‑résidents ont en effet significativement augmenté sur l’ensemble du territoire : tandis qu’en 2018, 63 % des quotas étaient inférieurs à 10 % et 5 % au moins égaux à 50 %, en 2019 28 % seulement étaient inférieurs à 10 % et 43 % au moins égaux à 50 % ([178]). Si de nombreuses licences ultra spécialisées (notamment en langues étrangères) font le choix de la mobilité et de l’ouverture par nécessité, on ne note pas de corrélation, pour les autres, entre quotas « ouverts » et faible attractivité. Autrement dit, les formations généralistes qui ont adopté ces quotas importants ont simplement fait le choix de la mobilité. Finalement, 13 000 lycéens de plus qu’en 2018 ont accepté en 2019 une proposition dans une autre académie que leur académie de résidence (+12 %, pour un total de 123 000 candidats en mobilité) ([179]). La tendance à l’augmentation du désir de mobilité est confirmée côté candidats par les vœux effectués lors de la session 2019‑2020 : 69 % d’entre eux ont émis au moins un vœu hors de leur académie de résidence, contre 66 % lors de la session 2018‑2019 ([180]), soit une augmentation de 3 points. La tendance est plus marquée chez les lycéens de la filière générale que chez les autres : 76 % d’entre eux ont fait au moins un vœu hors de leur académie de résidence, contre 66 % des lycéens de la série technologique et 51 % de la série professionnelle ([181]).

Même s’il s’agit d’un exemple particulier, la désectorisation des licences de la région Île-de-France met en évidence les effets potentiels d’une augmentation de la mobilité en termes de segmentation de l’enseignement supérieur. La région bénéficiait déjà d’un statut particulier en 2018 : 30 % des licences franciliennes environ avaient été régionalisées. Mais cette régionalisation a été étendue à l’ensemble des formations non sélectives en 2019 : l’Île‑de‑France est désormais le secteur de référence pour la mise en place des quotas géographiques. Autrement dit, un candidat du secteur de l’académie de Paris est traité de la même façon qu’un candidat de l’académie de Créteil ou de Versailles et ne peut plus bénéficier d’un quota protecteur, qui s’applique désormais à l’ensemble de la région.

Si cette régionalisation permet aux meilleurs élèves de la banlieue parisienne de rejoindre les meilleures formations de Paris intra-muros, elle risque a contrario de vider les universités des académies de Créteil et de Versailles de leurs meilleurs éléments. Le taux de bacheliers mention « très bien » ou « bien » en première année de licence à Paris est ainsi passé de 29 % en 2017‑2018 à 40 % en 2018‑2019 ([182]), alors même que toutes les formations n’avaient pas encore été régionalisées. Dans le même temps, ces taux ont paradoxalement également augmenté dans les académies de Versailles et de Créteil, probablement parce que les formations non sélectives de ces académies ont répondu en augmentant leurs quotas, et donc en attirant les candidats de province. On perçoit aisément le risque de hiérarchisation des filières non sélectives que porte en elle une augmentation de la mobilité favorisée par la loi ORE. Lors de l’audition consacrée aux chercheurs, M. Julien Grenet regrettait que les économistes n’aient pas encore pu évaluer l’effet propre de la régionalisation du secteur Île-de-France sur le niveau des étudiants dans la région.

Plus généralement, il conviendra de veiller à ce que la loi ORE ne provoque pas l’émergence d’un « système universitaire à deux vitesses » ([183]), pour reprendre l’expression utilisée par la Cour.

3.   Un entre-deux instable

La loi ORE distingue les formations sélectives des formations non sélectives. Les premières se composent des STS, des CPGE, des DUT et d’autres formations post-bac, comme les cycles préparatoires intégrés, les « grands établissements » ainsi que « tous établissements où ladmission est subordonnée à un concours national ou à un concours de recrutement de la fonction publique » ([184]). Les secondes se composent essentiellement des licences universitaires. Alors que les formations sélectives ont le droit de refuser des candidats et ne sont pas soumises au quota géographique, les formations non sélectives doivent se contenter de classer les candidatures, et le cas échéant de ne pas accueillir les candidats qui se classent au-delà des capacités d’accueil, et sont soumises au quota géographique.

Théoriquement, les deux types de formations se distinguent donc par le degré de liberté qui leur est accordé pour sélectionner ou pas leurs futurs étudiants. Seulement, cette distinction semble peu opérante dans la pratique. En effet, dès lors qu’une formation non sélective reçoit plus de candidatures qu’elle n’a de places à accorder, elle devient « en tension », et doit sélectionner ses futurs étudiants parmi l’ensemble des candidats. Les principales modifications apportées par la loi ORE à l’accès à l’enseignement supérieur concernent les modalités de sélection des candidats par ces formations non sélectives en tension. D’un côté, cette sélection est désormais effectuée à partir de « la cohérence entre, dune part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences et, dautre part, les caractéristiques de la formation » ([185]), autrement dit à la capacité du candidat, évaluée par les CEV, à rejoindre la formation et à y réussir, et non plus à partir de sa situation géographique et familiale et de ses préférences. De l’autre, cette sélection est  encadrée par les quotas sociaux et surtout géographiques, qui viennent limiter la segmentation du système universitaire qui découlerait nécessairement de l’assimilation juridique des formations non sélectives en tension à des formations sélectives ([186]).

La loi ORE a tenté de concilier deux injonctions contradictoires, à savoir augmenter la réussite des étudiants dans l’enseignement supérieur sans en limiter l’accès. Cet équilibre tend à devenir de plus en plus instable du fait de l’augmentation des formations non-sélectives en tension, qui étaient un peu moins de 1 500 en 2018, et qui sont plus de 1 750 en 2019 (+ 300 environ) ([187]), et ce malgré la création de places supplémentaires en licence universitaire en 2019. Cette tendance semble durable pour au moins trois raisons : l’augmentation des candidats dans les prochaines années, due au baby-boom des années 2000 et au taux d’obtention du baccalauréat ; la concentration importante de la demande des candidats, dont les vœux s’orientent en réalité vers un nombre réduit de formations du supérieur ; l’insuffisante augmentation relative des capacités des formations dans leur ensemble (le nombre moyen de places par candidat est passé de 0,81 à 0,77 entre 2018 et 2019 ([188])). Sur ce dernier point, il existe un risque que la loi ORE amplifie l’augmentation du taux de pression par un mécanisme de réduction compétitive des capacités d’accueil de la part des formations non-sélectives. En effet, comme le souligne la Cour, « dans une logique dattractivité, certaines formations pourraient utiliser la variable de la capacité daccueil afin daugmenter leur sélectivité et accroître ainsi leur taux de réussite, en attirant les meilleurs candidats » ([189]). Interrogés à ce sujet lors des auditions qui leur ont été consacrées, M. Alain Trouillet comme M. Philippe Raimbault ont relativisé ce risque, objectant l’autonomie toute relative des universités concernant la fixation des capacités d’accueil, fortement encadrée par les rectorats, ainsi que leur volonté d’accueillir le maximum d’étudiants en tant que service public de l’enseignement supérieur. Néanmoins, il s’agira de surveiller l’évolution des capacités d’accueil dans les formations les plus en tension, afin de vérifier qu’elles ne se transforment pas en variable d’attractivité pour les meilleurs candidats.

En substituant, pour les formations non-sélectives, les résultats scolaires et les compétences des candidats à leur situation géographique et sociale (désormais pris en compte par le biais des quotas), ainsi qu’à leurs préférences, la loi ORE a tenté d’augmenter la réussite étudiante sans limiter trop fortement l’accès à l’enseignement supérieur des élèves dont la réussite paraît moins probable au vu de leurs résultats dans le secondaire. Cette solution à mi‑chemin, si elle semble jusqu’à présent plutôt satisfaisante du point de vue des candidats ([190]), pourrait cependant rapidement générer une forme de frustration chez ces derniers, déjà perceptible dans certaines incompréhensions relatives aux conséquences des quotas sur leur classement final.

L’augmentation du nombre de formations non-sélectives sous tension, phénomène durable, risque d’accélérer et d’amplifier le phénomène. Ce constat renforce plus que jamais la pertinence dune action politique menée à léchelle « -3/+3 » : l’orientation active dès le lycée (afin de limiter les « orientations par défaut » et de déconcentrer la demande), l’amélioration de la continuité pédagogique et administrative entre le secondaire et le supérieur (afin de limiter la probabilité d’échec des étudiants lors de leurs premières années dans le supérieur) ainsi que la fixation de capacités d’accueil adaptées à la fois à la demande des candidats et aux perspectives d’insertion professionnelle des futurs diplômés (afin de contenir l’augmentation du taux de pression et du nombre de formations non-sélectives en tension, et de permettre au plus grand nombre de rejoindre l’enseignement supérieur), constituent les réponses de long terme les plus appropriées aux défis que l’enseignement supérieur français doit affronter.

 

 


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   TROISIÈME PARTIE :
LARRIVÉE DANS LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR :
POUR UN ACCOMPAGNEMENT RENOUVELÉ

Comme l’ensemble des pays développés, la France a connu depuis 50 ans un fort accroissement du nombre de jeunes souhaitant s’inscrire dans l’enseignement supérieur. Le passage d’une conception élitiste des études supérieures à la gestion de promotions beaucoup plus nombreuses a fait surgir des constats concomitants d’inégalité ou d’inéquité d’accès de ces nouveaux bacheliers aux études proposées, ainsi que la nécessité de politiques d’accompagnement des nouveaux étudiants.

I.   LÉLARGISSEMENT DE LACCÈS À LUNIVERSITÉ

A.   UNE POLITIQUE COMMUNE AUX PAYS DÉVELOPPÉS

Depuis le début des années 1960, les pays de l’OCDE partagent l’objectif d’accroître la proportion de leur population accédant à l’enseignement supérieur.

L’égalité (ou l’équité) d’accès à l’enseignement supérieur a émergé comme un problème politique sensible et commun à tous les pays : la Banque mondiale a produit un classement des performances des systèmes d’éducation en matière d’équité d’accès. Élaboré par l’université de Newcastle d’Australie en 2016, le rapport Charting Equity in Higher education : a global access map a recensé les données disponibles dans le monde sur la participation à l’enseignement supérieur selon le milieu social, pour établir que l’accès à l’enseignement supérieur est inégal dans 90 % des pays du monde. Les indicateurs de l’Unesco : World inequality Database on education rappellent que seulement 1 % des 25‑29 ans issus des 20 % des familles les plus pauvres ont un diplôme sanctionnant quatre années d’études supérieures, contre 20 % des jeunes issus des 20 % des familles les plus aisées.

Tous les pays de l’OCDE ont donc engagé des politiques visant à renforcer la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, à lutter contre les inégalités, avec un engagement important des pays anglo‑saxons comme l’Australie et les États‑Unis, l’Angleterre ou l’Ecosse, et des financements comme des résultats hétérogènes.

La France affiche l’objectif d’atteindre le taux de 50 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans la population des 25‑64 ans depuis la loi pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005, mais n’atteint actuellement que le taux de 35%. Ce même objectif est quasiment atteint par le Canada, tandis qu’un groupe de pays se situe entre 35 et 40 % (Japon, USA, Nouvelle‑Zélande, Finlande, Danemark, Australie, Corée et Norvège). L’impact sur la tranche d’âge des Français de 25‑49 ans est plus affirmé car 40 % d’entre eux étaient diplômés de l’enseignement supérieur en 2015 contre 27 % en 2005.

S’agissant de la génération de jeunes Français de 17 à 33 ans, l’accroissement de l’indicateur est tout aussi notable puisqu’il est passé de 42,8 % en 2008 à 51 % en 2017, voire 52,9 % en 2018 d’après le projet annuel de performance de la mission budgétaire Recherche et Enseignement supérieur pour 2020, soit une hausse du niveau d’études de la population de 10 points en 10 ans, dont 3 points sont imputables au BTS, 3 points aux licences et 1 point aux diplômes paramédicaux.

Grâce à l’allongement des études et au développement important des effectifs étudiants des années 1990, les jeunes de 25 à 34 ans sont désormais davantage diplômés de l’enseignement supérieur en France que la moyenne de l’OCDE : 45 % contre 41 %. Toutefois le MESRI reconnaît que l’avance française des années 2000 en terme de population titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur a progressivement disparu, alors même que les plans étudiants et les lois en faveur de l’enseignement supérieur se sont succédés depuis les années 2000.

Plus précisément, la France compte, pour les générations de 25 à 34 ans, proportionnellement moins de diplômés d’une licence, d’une maîtrise ou équivalent (24ème rang sur 31 pays développés, en 2014). Cette population de diplômés compte proportionnellement plus de jeunes diplômés de formations courtes professionnelles et paramédicales (3ème rang) et davantage de titulaires de masters, diplômes d’ingénieurs, d’écoles de commerce, de doctorats de santé et de recherche (11ème rang).

En ce qui concerne la dépense nationale en faveur de l’enseignement supérieur, la France se situe dans une position moyenne au sein de l’OCDE avec 1,4 % du PIB consacré à l’enseignement supérieur, devant l’Allemagne, mais derrière le Royaume‑Uni (1,87 %) et les Pays‑Bas (1,73 %) et loin derrière l’Australie (2 %), les États‑Unis (2,58 %) ou le Canada (2,45 %).  La collectivité nationale (État, collectivités locales, autres administrations publiques, ménages et entreprises) a consacré 31,8 milliards d’euros à l’enseignement supérieur en 2018, soit 1,4 fois plus qu’en 1980, avec un financement de l’État de 67,6 % et un coût moyen de l’étudiant de 11 470 euros (15 890 euros pour les CPGE). La dépense par étudiant a atteint en 2018 son plus bas niveau depuis 2007.

B.   UN FORT ESSOR DÉMOGRAPHIQUE DANS LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN FRANCE

D’après les statistiques du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, le nombre d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur a été multiplié par 7,4 en 50 ans. Le tableau ci‑dessous retrace cette progression. Les 310 000 étudiants inscrits en 1960 sont ainsi passés à 2 299 000 en 2010, puis 2 679 000 en 2018, tandis que le ministère prévoit 2 808 000 étudiants en 2028. Un nouvel accroissement de la proportion de bacheliers dans une génération ou des taux de poursuite dans l’enseignement supérieur pourrait encore amplifier cette progression du nombre des étudiants.

Étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur depuis 1960 [1]

(en milliers)

[1] Hors doubles inscriptions Licence-CPGE en 2010, 2018 et en 2028.

Champ : France métropolitaine + DOM.

Source : MESRI-DGESIP/DGRI-SIES, données extraites de la publication État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France n° 13, https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/
EESR13_ES_09/les_etudiants_dans_les_filieres_de_formation_depuis_50_ans/

La hausse du nombre d’étudiants inscrits a été dans un premier temps portée principalement par le dynamisme démographique des années 1950 et 1960. L’accès élargi au baccalauréat a ensuite été un moteur déterminant, particulièrement entre 1987 et 1995, période durant laquelle la proportion de bacheliers dans une génération est passée de 33 % à 63 %. Après une période de stabilité, cette proportion a augmenté fortement récemment, passant de 62 % en 2008 à 79 % en 2016. En 2018, 74 % des jeunes âgés de 20 à 24 ans ont le baccalauréat, tous milieux sociaux confondus. 64 % des enfants douvriers ou demployés âgés de 20 à 24 ans ont le baccalauréat, alors que ce pourcentage n’est que de 40 % pour les enfants d’ouvriers ou d’employés âgés aujourd’hui de 45 à 49 ans. Il est vrai que 85 % des enfants de cadres, de professions intermédiaires ou indépendants ont le baccalauréat, soit un pourcentage encore supérieur de 20 points.

Ce développement de l’accès au baccalauréat est dû à une diversification de l’offre, avec dans un premier temps la création du baccalauréat technologique (1968), suivie de celle du baccalauréat professionnel (1985). C’est le baccalauréat professionnel qui a contribué pour l’essentiel à l’augmentation récente de la proportion de bacheliers dans une génération, ainsi qu’à l’aspiration concomitante des jeunes et de leurs familles à un diplôme de l’enseignement supérieur.

Au cours des années 1960, ce sont les filières longues de l’université qui ont porté le développement de l’enseignement supérieur : leur part est passée de 69 % en 1960 à 75 % en 1970 (hors préparations au DUT). Durant les années 1970 et 1980, les préparations au DUT et surtout les STS ont porté l’essentiel de la croissance de l’enseignement supérieur, en lien avec la forte progression du nombre de bacheliers. Entre 1970 et 2018, la part des étudiants des « autres établissements et formations » est passée de 15 % à 26,7 %, traduisant une diversification des filières d’accès à l’enseignement supérieur.

La croissance des inscriptions de l’enseignement supérieur français sur les 15 dernières années s’explique aussi en grande partie par l’accroissement du nombre d’étudiants étrangers : ceux‑ci représentent désormais 12,1 % des inscrits contre 8,1 % en 2000.

L’élargissement massif de l’accès des bacheliers à l’université est donc le marqueur des politiques de l’enseignement supérieur depuis les années 80. La France a choisi de favoriser la professionnalisation des diplômes pour accompagner l’expansion scolaire, avec la création des BTS, DUT et DESS, puis celle des licences professionnelles dans les années 2000.

En 2012-2013, la répartition par bac des entrants dans l’enseignement supérieur était de 72 % de bacs généraux, 15 % de bacs technologiques, 7 % de bacs professionnels et 6 % de dispensés, essentiellement des étrangers, selon les données de l’ouvrage annuel Repères et références statistiques (RERS) de 2014. En 2017‑2018, cette répartition des bacheliers est respectivement de 65 % de bacs généraux, 19 % de bacs technologiques, 12 % de bacs professionnels et 6 % de bacs étrangers. La part des bacs généraux est donc en voie de régression relative.

Le poids de la filière professionnelle et technologique dans les effectifs de bacheliers a doublé en vingt ans (de 14 % en 1995 à 29 % en 2015) et le taux de poursuite dans le supérieur des étudiants issus de cette filière a également doublé (de 16 % en 1995 à 34 % en 2014) ([191]). En audition M. Jérôme Teillard, chef du Projet réforme de l’enseignement supérieur, a rappelé que sur les 20 000 lycéens supplémentaires candidats au bac 2020, 10 000 sont des lycéens professionnels.

Or le taux de réussite moyen de ces différents bacheliers est hétérogène, si bien que le taux des étudiants sortant sans diplôme tend à s’accroître toutes choses égales par ailleurs. Alors que 36,3 % des bacheliers généraux inscrits à l’université obtiennent leur diplôme de licence en trois ans, ceux issus de baccalauréats technologiques ou professionnels n’y parviennent que plus rarement (respectivement 9,1 % et 3,5 %) ([192]).

C.   LACCÈS À LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR RESTE FORTEMENT MARQUÉ PAR DES INÉGALITÉS

L’origine sociale des étudiants de nationalité française évolue très peu d’une année sur l’autre ([193]). En 2018-2019, les étudiants des catégories sociales les plus favorisées continuent à être fortement surreprésentés à l’université, par rapport aux jeunes de catégories sociales plus modestes : toutes formations confondues, 34 % des étudiants ont des parents cadres ou exerçant une profession intellectuelle supérieure tandis que 17 % sont des enfants d’employés, 12 % sont des enfants d’ouvriers, 11,1 % sont des enfants d’agriculteurs, artisans, commerçants et chefs d’entreprise et 13,8 % sont des enfants de parents exerçant des professions intermédiaires. Les enfants de cadres représentent plus de la moitié des étudiants dans les écoles normales supérieures (ENS), en classe préparatoire, ainsi que dans les formations d’ingénieurs, les écoles de commerce, gestion et comptabilité. En revanche, ils sont peu nombreux en STS (15,6 %).

Les enfants d’ouvriers sont sous‑représentés dans la plupart des filières de l’enseignement supérieur, sauf en STS, qui constituent, selon la chercheure Sophie Orange une sorte de débouché privilégié. En s’appuyant sur le fichier des vœux d’orientation des 11 265 élèves de terminale de l’académie de Poitiers en 2008, sur une enquête statistique effectuée auprès de 892 étudiants de première de STS de la même académie (Enquête Parcours STS) ainsi que sur une enquête ethnographique effectuée au sein d’un lycée de la Vienne accueillant cinq sections de technicien supérieur, Mme Orange tend à démontrer comment l’institution scolaire participe à cette « logique de prédilection scolaire, ce qui conduit les bacheliers à se projeter en STS plus qu’ailleurs. » ([194])

« Ce qui semble plus intéressant encore, cest que certains ne se voient dailleurs que là. En effet, si lon prête attention à la structure des demandes dorientation post-baccalauréat, en distinguant notamment les candidatures homogènes, pour un seul type de formation, et les candidatures hétérogènes, visant plusieurs types de formation, on remarque que 21,2 % des aspirants à la poursuite détudes après le Bac, (2 395 élèves de terminale) ne se projettent quen STS. Ainsi, non seulement les STS concentrent plus des deux tiers des vœux dorientation après le Baccalauréat (35,9 % de lensemble des vœux, 33,3 % des premiers vœux, mais encore elles détiennent lexclusivité des candidatures dune fraction importante des élèves de terminale. En cela, il semble que ces formations occupent une position tout à fait singulière au sein de lenseignement supérieur. Une majorité des bacheliers articulent dans leurs vœux luniversité et les CPGE, lIUT et la fac, les CPGE, lIUT et luniversité, etc., cestà-dire quils envisagent les différents possibles ensemble et les hiérarchisent. À linverse, pour un grand nombre détudiants, les STS ne sont mises en concurrence quentre elles, et semblent devenues les “ terres de prédilection des enfants des classes populaires” ».

En ce qui concerne l’inégalité liée à l’origine géographique, le rapport du CNESCO de juillet 2019 remarque que les bacheliers éloignés des principales aires urbaines demandent plus de BTS et de STAPS, et moins de CPGE ou de formations d’ingénieur en premier vœu, la proximité ou l’éloignement vis‑à‑vis de l’offre de formation conditionnant les choix des bacheliers.

L’engouement pour ces filières courtes serait à interpréter comme le corollaire d’une incapacité de l’université à accueillir et à diplômer ces nouvelles populations étudiantes et pourrait s’interpréter comme un contournement stratégique du premier cycle universitaire.

La part des enfants d’artisans, commerçants, chefs d’entreprise ou exploitants agricoles est plus élevée parmi les étudiants des écoles de commerce (19,5 %). À l’université, les enfants de cadres et de professions intellectuelles supérieures représentent 33,3 % des effectifs et ils prédominent dans les disciplines de santé (47,8 %). Leur effectif passe de 29,5 % en cursus licence à 41 % en doctorat. Inversement, les enfants d’ouvriers représentent 12,7 % des étudiants inscrits en licence et 6,2 % en cursus doctorat ([195]). Enfin, les enfants issus de milieu moins aisé quittent plus souvent l’enseignement supérieur sans avoir obtenu un diplôme. En 20152017, parmi les jeunes âgés de 25 à 29 ans ayant étudié dans le supérieur, cest le cas de 11 % des enfants de cadres, professions intermédiaires ou indépendants contre 20 % des enfants douvriers ou demployés.

En STS par exemple, ces inégalités se maintiennent car les enfants issus de catégories sociales favorisées sont minoritaires mais réussissent mieux.

Les étudiants inscrits en 1ère année de STS en 2016 dont le parent référent est de profession et catégorie socio‑professionnelle (PCS) « favorisée » sont minoritaires (16,4 % des inscrits). Ils sont néanmoins ceux qui réussissent le mieux, en lien aussi avec leur meilleur résultat au baccalauréat : 72,1 % d’entre eux obtiennent leur diplôme en deux ans, 75 % en deux ou trois ans. Ainsi, avec 68,3 % de réussite en deux ans, les enfants de parent dont la PCS est qualifiée de « favorisée » devancent de 2,9 points ceux de parent dont la PCS est « assez défavorisée ». Cette différence s’élève à 2,7 points pour la réussite en deux ou trois ans. Par ailleurs 58,9 % des étudiants dont le parent a une PCS « défavorisée » obtiennent leur diplôme en deux ans. Ils sont un peu plus du tiers à l’obtenir après deux ou trois ans (68 %) ([196]).

En BTS par contre, le taux de succès des femmes est plus élevé dans la quasi-totalité des domaines.

Si quasiment autant d’hommes que de femmes obtiennent leur diplôme à la session 2019 (respectivement 50,5 % et 49,5 %), le taux de réussite des femmes est supérieur de plus de 3 points à celui des hommes. En effet, tous BTS confondus, 76,6 % des candidates obtiennent leur diplôme contre 73,5 % des candidats. Les femmes réussissent mieux l’examen que les hommes, quel que soit le domaine de spécialité, hormis celui des services à la collectivité où 72,5 % de femmes réussissent leur examen contre 75,9 % des hommes. Cet écart de réussite est plus prégnant encore pour l’ensemble des BTS de la production, où la part des femmes parmi les présents est largement minoritaire (20 %) mais dont le taux de succès est de 9 points supérieur à celui de leurs homologues hommes : 85,2 % d’entre elles obtiennent leur diplôme contre 76,2 % des hommes. Les taux de succès des hommes et des femmes sont plus proches dans le domaine des services, où 71 % des candidats hommes présents obtiennent leur diplôme, alors que ce taux s’élève à 75,4 % pour les femmes. Cependant le taux de succès des femmes au niveau global diminue cette année de 0,2 point lorsque celui des hommes augmente de 1,2 point ([197]).

II.   LES DIFFICULTÉS DE LENTRÉE DANS LENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR IMPOSENT UN ACCOMPAGNEMENT PRÉCOCE

La nouvelle démographie des étudiants s’est accompagnée d’une différenciation plus marquée des parcours et d’une intégration difficile de certains néo‑bacheliers à leur arrivée dans l’enseignement supérieur.

A.   LA DEMANDE DES ÉTUDIANTS

Tout en revendiquant une recherche d’autonomie (notamment vis‑à‑vis de l’environnement familial, dans une période charnière de passage à l’âge adulte), les nouveaux étudiants déplorent trop souvent le manque d’encadrement à l’université. En fait, ils aimeraient être davantage accompagnés dans l’acquisition de leur autonomie.

En audition, les organisations étudiantes ont souligné la dégradation du taux d’encadrement, passé de 9,8 professeurs pour 1 000 étudiants en 2013 à 8,9 pour 1 000 aujourd’hui. Un meilleur accompagnement des étudiants, notamment des étudiants les plus en difficulté, passe donc par un investissement à long terme dans les personnels d’encadrement dans l’enseignement supérieur.

Trois facteurs accentuent ce décalage entre les attentes des étudiants (être accompagnés dans l’autonomie) et l’institution (plus centrée sur les apprentissages académiques et l’accès au diplôme) :

 l’injonction à l’auto-organisation : l’absence d’obligation de présence est une liberté « dangereuse », d’autant plus que les étudiants ont très peu de temps pour s’y habituer ;

 la pédagogie de masse : les étudiants sont pour une large part d’entre eux favorables aux contrôles continus, et regrettent le manque de suivi continu au cours du semestre ;

 des services administratifs perçus comme étant éloignés des préoccupations des nouveaux arrivants.

Les pistes pour améliorer l’accueil des étudiants à l’université ([198]) sont connues, il s’agit notamment de :

 mieux accompagner l’étudiant vers l’acquisition progressive d’autonomie dès son inscription à l’université ; pour cela il est nécessaire de renforcer le maillage entre les acteurs institutionnels internes et externes (meilleure synergie Crous/université, mise en place d’un accueil centralisé qui n’émiette pas les démarches administratives et pédagogiques des étudiants…) ;

 valoriser les compétences acquises à l’université quelle que soit la durée du parcours. Certains dispositifs allant dans ce sens, comme le portefeuille d’expériences et de compétences, ont déjà été expérimentés par les universités, mais leur portée reste limitée en raison d’une faible adhésion des étudiants comme des professionnels ;

 créer ou renforcer le tutorat pour les entrants avec les étudiants plus âgés, multiplier les sorties entre élèves comme les activités associatives, pour renforcer la cohésion de la communauté étudiante dans les universités.

B.   LE BILAN INCOMPLET DES « OUI SI »

Une des innovations de la loi ORE est la création d’un nouveau dispositif d’aide à la réussite dit « oui si » qui constitue la contrepartie d’une admission conditionnelle à certaines formations pour certains bacheliers dont les faiblesses sont identifiées par les commissions d’examen des vœux.

L’article premier de la loi (désormais article L. 612‑3 du code de l’éducation) est ainsi rédigé :

« I.- Le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat et à ceux qui ont obtenu léquivalence ou la dispense de ce grade en justifiant dune qualification ou dune expérience jugées suffisantes conformément au premier alinéa de larticle L. 6135. Afin de favoriser la réussite de tous les étudiants, des dispositifs daccompagnement pédagogique et des parcours de formation personnalisés tenant compte de la diversité et des spécificités des publics étudiants accueillis sont mis en place au cours du premier cycle par les établissements dispensant une formation denseignement supérieur. Les établissements communiquent chaque année au ministre chargé de lenseignement supérieur des statistiques, qui sont rendues publiques, sur le suivi et la validation de ces parcours et de ces dispositifs. »

1.   Un dispositif très critiqué par la Cour des comptes, dont l’impact sur la réussite étudiante ne peut être cependant encore pleinement mesuré

Selon la Cour des comptes, le coût du dispositif s’élève à 25,8 millions d’euros en 2019 et à 30,8 millions d’euros en 2020, soit de l’ordre du quart du total des crédits résultant de l’application de la loi ORE, les créations de capacité d’accueil dans les filières déficitaires en représentant de l’ordre de la moitié.

La Cour estime que le pilotage du dispositif est défaillant car les crédits sont attribués sur demande des universités et bénéficient donc surtout à celles qui sont déjà les plus attentives à la réussite de leurs étudiants et qui avaient déjà déployé des modules de remédiation (effets d’aubaine), qu’ils sont reconduits d’une année sur l’autre, même en l’absence de bilan établi par les universités bénéficiaires, ou de mise en place du dispositif.

En réponse à cette observation, la DGESIP a répondu par écrit aux rapporteurs que « Sagissant notamment du dispositif oui si”, la Cour note que certaines universités ont uniquement reconduit des dispositifs de remédiation qui existaient déjà car créés dans le cadre de plans ministériels précédents, et qui étaient donc préalablement financés et que les crédits oui si ont parfois été reconduits en 201920 alors quils navaient pas été utilisés par luniversité.

Pour lexercice 2020, lattribution des moyens nouveaux tient compte de la réalisation des engagements souscrits par les établissements lors de la campagne précédente. Le ministère a ainsi repris des moyens attribués en 2019 à certains établissements, lorsque les places supplémentaires (mesurées à travers le nombre dadmis dans Parcoursup) nont pas été créées à la hauteur du financement obtenu ».

Lors de son audition, Mme Anne‑Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, a vivement contesté cette affirmation de la Cour en observant que le dialogue stratégique et de gestion se menait systématiquement chaque année en deux phases, à l’automne avec les recteurs au plus près du terrain puis en février au niveau de la direction générale, et que le pilotage, reposant notamment sur des documents de reporting remplis par les formations et des échanges nourris avec les vice‑présidents formation des universités, était très étroit, notamment en comparaison des pratiques du passé. Elle a affirmé que les formations n’ayant pas déployé de dispositif ou n’ayant pas remédié aux défauts constatés l’année précédente ne se voyaient pas reconduire leurs crédits, qu’il ne s’agissait en aucun cas de sanctionner l’échec mais plutôt le manque de correctif aux défauts constatés l’année précédente.

Les rapporteurs prennent acte de cet engagement et ne peuvent que soutenir le resserrement du pilotage décrit à partir de 2019.

La Cour estime, sur la base d’une enquête qu’elle a menée en 2019, que « le déploiement des dispositifs de remédiation a nettement progressé depuis la loi ORE puisque 94 % des universités ont déclaré en avoir déployé un alors quelles étaient moins de la moitié lannée précédente… à léchelle de la formation, seules 55 % dentre elles ont déployé un dispositif daide à la réussite en 20182019 (contre 27 % lannée précédente ».

S’agissant plus spécifiquement du « oui si », la Cour relève que 807 formations, soit un tiers des formations en licence sur Parcoursup, ont proposé à 172 200 candidats une proposition d’admission, à condition de suivre un dispositif « oui si » en 2019-2020 et que seuls 22 200 candidats ont accepté cette proposition dans 771 formations soit un taux d’acceptation de 13 %.

Pour la DGESIP, les chiffres sont différents puisqu’elle évoque 101 400 propositions et 30 400 acceptations, soit un taux d’acceptation de 30 %.

Si l’on retient ce chiffre de 30 400 candidats ayant accepté une formation sous réserve de suivre un module d’accompagnement à la rentrée universitaire de 2019, on peut considérer que le dispositif commence à devenir statistiquement significatif. Si on le rapporte en effet aux effectifs de nouveaux entrants en première année dans les universités en disciplines générales (hors IUT et hors PACES), soit 230 000 étudiants, on obtient une proportion non négligeable de 13 %.

La mesure des étudiants ayant effectivement suivi ce type d’accompagnement est plus difficile. Selon la Cour, les étudiants se sont montrés peu assidus, alléguant des horaires tardifs ou l’éloignement géographique et de nombreuses universités ne les ont pas sanctionnés pour autant. En somme, le contrôle de l’assiduité, l’accompagnement et le tutorat particulièrement nécessaires à ces étudiants ne sont pas véritablement assurés si ces derniers ne le souhaitent pas.

Pour sa part, la DGESIP a reconnu connaître le nombre des propositions de « oui si » acceptées par les candidats sur Parcoursup mais pas les chiffres précis des étudiants à qui ce dispositif était proposé dans un second temps, peu après leur arrivée effective dans la formation universitaire à l’automne.

La mesure de l’impact de ce type d’accompagnement sur la réussite étudiante est encore plus difficile.

Le diagnostic de la Cour sur ce point : « Pour que lefficacité des dispositifs oui si déployés puisse être mesurée, les universités doivent identifier leurs étudiants oui si en fonction du type de dispositif suivi et de leur profil. Mais cet objectif apparaît difficile à atteindre en raison doutils de mesure de la réussite, telle que définie actuellement, inefficaces dans la plupart des universités car inadaptés ou non utilisés. », paraît toujours d’actualité.

Les difficultés méthodologiques rencontrées, le manque de recul par rapport à l’entrée en vigueur de la mesure et la faiblesse quantitative des échantillons statistiques compliquent encore l’exercice.

Interrogé par les rapporteurs, le ministère observe ainsi que « En 2018 et en 2019, aucun indicateur fiable ne permettait encore de mesurer limpact des moyens nouveaux sur la réussite étudiante. La mesure de la réussite étudiante nécessitait en effet de :

 disposer dun recul suffisant dau moins une année complète pour que les premiers résultats soient visibles ;

 mettre en place de nouveaux outils de mesure, reposant en particulier sur une évolution des systèmes dinformation ».

Les tentatives de mesure d’impact du « oui si » ont mis en évidence l’absence de mesure harmonisée de la réussite étudiante dans les universités françaises, comme l’a regretté Mme Anne‑Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, devant les rapporteurs : « Il sagit dun chantier majeur : la mesure de la réussite. Le travail a été engagé il y a un an avec lInspection générale, envoyée sur le terrain pour une mission flash conduite auprès dune dizaine détablissements, pour savoir si les dispositifs de remédiation étaient efficaces. Les résultats ont été très décevants… parce quils nexistaient pas. Il ny avait quun ou deux établissements capables de donner des éléments ; il a fallu accompagner les autres ; une partie a même été incapable de faire remonter la moindre donnée.

On a donc demandé à lInspection générale de poursuivre la mission et de létendre à 30 établissements. LInspection a identifié trois indicateurs :

 le taux de présence aux examens. Il y avait autant de conceptions que duniversités ou de formations ; apparemment cela navait jamais été un sujet. Pour certains, le candidat présent cest celui qui signe, pour dautres celui qui a plus de 3, pour dautres encore celui qui a rendu la copie… Chacun a modélisé la présence aux examens de manière différente. Donc lInspection générale a posé une définition ;

 la validation de 60 ECTS, soit une année de licence qui en totalise 180 ;

 la validation de 50 % des ECTS, parce que lorsque lon valide la moitié de ses ECTS en général on réussit à la fin ».

Les premiers résultats sur cette trentaine d’universités sont remontés par l’inspection générale en février 2020 et le service des systèmes d’information et des études statistiques (SIES) s’est vu désormais confier la mission de recueillir chaque année ces données pour l’ensemble des formations.

Cette nouvelle approche des indicateurs de réussite fondée sur les crédits européens ou European Credit Transfert Scale (ECTS) a donné lieu à la publication le 30 juin 2020 d’une note d’information du SIES sur les effets des dispositifs pédagogiques spécifiques créés par la loi ORE.

« Pour disposer de premiers résultats sur leffet des dispositifs pédagogiques spécifiques créés par la loi ORE, une enquête flash a été menée en septembre 2019 auprès des établissements pour collecter les crédits obtenus par les étudiants bénéficiaires de ces dispositifs. Le bilan de cette enquête porte sur 46 des 48 établissements ayant déclaré, en 20182019, avoir mis en place des aménagements spécifiques en lien avec la loi ORE.

Au 15 janvier 2019, 15 150 inscriptions avec aménagement ont été remontées, 99 % pour des étudiants en licence, les autres étant inscrits en Première année commune aux études de santé (PACES) ; ces inscriptions correspondaient, pour 80 % dentre elles, à des étudiants ayant accepté une proposition oui si dans Parcoursup. La situation en fin de L1 ou de L0 nous a été remontée pour près de 14 500 étudiants.

Les aménagements mis en place par les établissements ont pris deux formes principales : un allongement de la licence, souvent par un dédoublement de la première année, avec une année L0 liminaire permettant une mise à niveau de létudiant ; ou une licence à la durée maintenue à trois ans mais avec des accompagnements pédagogiques spécifiques parallèlement aux enseignements.

Le choix dinstaurer lun ou lautre ou lensemble de ces dispositifs est disparate au sein des établissements. Les aménagements offerts en 2018 sont exclusivement des enseignements complémentaires dans 12 universités et exclusivement un allongement de la licence dans 7 universités…

Un peu plus des deux tiers des aménagements instaurés en 20182019 au sein des universités sont des aménagements pédagogiques, parallèlement à une licence en trois ans… Lanalyse réalisée ici se concentre sur les étudiants bénéficiant de renforcement pédagogique pour leur licence…

La distribution des ECTS obtenus par les néo-bacheliers bénéficiant en 201819 des dispositifs pédagogiques (aménagements parallèles) de la loi ORE est représentée sur la figure [ci-après].

Comparaison des ECTS obtenus par les néo-bacheliers bénéficiaires
des dispositifs pédagogiques de la loi ORE en 2018-19
avec un contrefactuel construit à partir des résultats en 2016-17

Champ : France métropolitaine et DOM.

Source : MESRI-SIES, Système d’information SISE.

Pour comparer ce profil et évaluer lefficacité de ces dispositifs sur la base de premiers résultats non définitifs, nous construisons un contrefactuel à partir des résultats observés en 201617 pour les néobacheliers selon les caractéristiques de leur baccalauréat (type de baccalauréat, mention obtenue, âge), en faisant lhypothèse que la distribution des résultats est stable dans le temps. Nous ajoutons également une variable mesurant la présence aux examens. Cette variable est indicative et mesure seulement lobtention dau moins une note strictement positive au cours de lannée.

Leffet visible de la loi ORE après cette première année semble à première vue porter surtout sur lassiduité : les étudiants sont davantage présents. Ils apparaissent également ici réussir légèrement mieux que les étudiants de la population de référence : ils sont relativement moins nombreux à avoir des crédits entre 1 et 59, un peu plus nombreux à valider complètement les 60 crédits de la L1 ; ils sont aussi plus nombreux à navoir aucun crédit. Ces résultats demandent toutefois à être confirmés. En effet, à la date de lenquête, les crédits ne sont potentiellement pas tous saisis dans les établissements, ce qui pourrait biaiser lanalyse en grossissant à tort le nombre détudiants sans aucun crédit. »

Dans le prolongement de cette première étude, le MESRI estime dans ses réponses écrites que « Les OUI SI sous forme de modules complémentaires sont plus efficaces que ceux reposant sur lallongement de la durée des études : ils profitent particulièrement à la réussite des o-bacheliers technologiques et professionnels qui les suivent. Le MESRI concentrera désormais son soutien financier à la mise en place de cette modalité ».

En audition, Mme Katia Béguin, rectrice de l’académie d’Orléans‑Tours et présidente de la Conférence des recteurs, a présenté quelques données parcellaires dans les termes suivants : « La mise en place de parcours personnalisés pour les néobacheliers tend à progresser dans les universités : il y avait 1 000 étudiants concernés en 2018, 7 000 en 2019. À lorigine les universités étaient réticentes, tout comme les candidats dailleurs qui préféraient les propositions non conditionnelles. Les retours actuels des universités constatent que lesoui si proposant seulement des modules supplémentaires en cours dannée sont préférés par les étudiants et plus efficaces que les dispositifs proposant un allongement de la durée détudes. Enfin, grâce à loutil Compère, luniversité peut suivre, étudiant par étudiant, quels dispositifs ont été choisis.

Le Contrat pédagogique obligatoire, signé entre létudiant et luniversité depuis 2018, permet aussi de contrôler lassiduité des étudiants, même si celleci décline en général du premier au second semestre.

En Corse, la licence Sciences de lingénieur présente 25 % de réussite en L1, le taux est monté à 40 % en 2019 en parcours classique, il est de 30 % pour le parcours de réussite. En Bretagne, avec 56 dispositifs de réussite dans les quatre universités, 300 oui si ont été acceptés, pour 7 000 propositions envoyées. À Rennes 1, sur 91 étudiants, 70 ont réussi lannée, 16 se sont réorientés et 5 ont abandonné parce quils ont trouvé un emploi. Lobjectif semble avoir été atteint. À Strasbourg, les licences de psychologie et de sciences sociales étaient hostiles à ces parcours au départ. Elles les ont finalement mis en place : pour 610 oui si proposés, 73 ont été acceptés et 57 étudiants se sont effectivement inscrits à la rentrée, ce qui représente 10 %, contre 20 % dacceptation des vœux en général pour cette université.

Dans le Grand Est, le taux de présence des oui si est de 72 %, contre 73 % pour ceux qui ne suivent pas de dispositif daccompagnement. Le taux de réussite en sciences sociales est de 31 %, contre 24 % pour les étudiants qui bénéficient de parcours daccompagnement.

De plus les universités nutilisent pas des données homogènes. Ainsi, certaines calculent le taux de réussite en fonction du nombre dinscrits, dautres en fonction du nombre de présents à lexamen. Entre 95 et 98 % des étudiants qui suivent les parcours daccompagnement de catégorie 1 se présentent aux examens, leur taux de réussite est beaucoup plus élevé que celui des étudiants en oui si avec année supplémentaire. »

OUI SI ET DISPOSITIFS D’ACCOMPAGNEMENT À LA RÉUSSITE

Établissement

Oui si ou parcours d’accompagnement

Taux de présence aux examens

Taux de réussite en L1 (oui si ou parcours)

Taux de réussite général en L1

(2019)

Remarques

U. Bordeaux

parcours

94,8 % parcours/

91,7 % ensemble L1

35,40 %

46,70 %

 

U. Bordeaux-Montaigne

oui si et parcours

84,8 % oui si/

98 % parcours/

86,9 % L1

15,2 % oui si/

47,5 % parcours

42,50 %

 

U. Limoges

oui si

80 % oui si/

83,4 % L1

23,90 %

56,50 %

 

U. Pau et pays de l’Adour

parcours

98 %/

92 %

51 %

46 %

 

U. La Rochelle

-

72,1 % en L1

-

77,50 %

calcul sur les seuls présents

U. de Corse

parcours de réussite sciences de l’ingénieur

 

30 %

40 %

taux de réussite en L1 = 25 % en  2018

U. de Strasbourg

parcours réussir sa L1 en sciences sociales

72 %/

73 %

24 %

31 %

 

U. de Strasbourg

oui si (psychologie)

73 %/

66 %

14 %

24 %

 

Source : Mme Katia Béguin, présidente de la Conférence des recteurs.

Pour sa part, la Conférence des présidents d’université remarquait également en audition le manque de recul sur l’impact réel de ces dispositifs sur la réussite étudiante, bien que des premières tendances se dégagent, notamment une amélioration de l’assiduité et une baisse de l’abandon en cours de première année : « Les seuls chiffres consolidés dont nous disposons au niveau national concernent la filière STAPS : avec un taux de réussite en 1ère année de 54 % environ en 20182019 soit +11,7 points par rapport à lannée dernière.

La mesure de la réussite nécessite de sinterroger sur la notion même de réussite. Il convient donc de rester prudent sur toute conclusion hâtive de limpact direct de ces dispositifs sur la réussite étudiante. On constate néanmoins une poursuite du déploiement du dispositif oui si : plus de 100 000 propositions dadmission en 2019 soit +72 % par rapport à 2018 et près de 30 300 propositions acceptées. Cette année encore, les universités ont pu améliorer la construction/lélaboration de ces parcours personnalisés. Globalement, on constate aussi une forte généralisation des tests de positionnement à lentrée, des tuteurs étudiants, des programmes de réorientation renforcés… »

Le Comité de suivi de la loi ORE a évalué un dispositif « oui si » proposé par la faculté de sciences sociales à l’université de Strasbourg. Ce dispositif a été proposé à 118 étudiants, pour finalement 105 inscrits ; il semble avoir été efficace car si les résultats des étudiants ayant effectivement suivi le dispositif sont légèrement en-deçà de ceux de l’ensemble de la promotion, l’écart constaté de 1,12 point semble très faible au regard des lacunes initialement détectées. De plus, parmi les 21 étudiants ayant obtenu plus de 11/20 et ayant la possibilité de quitter le dispositif, 18 ont exprimé le souhait d’y rester, ce qui fait état d’une adhésion importante des étudiants. Comme la Cour des Comptes, le Comité de suivi regrette la quasiabsence dinstruments de suivi du dispositif de la part du ministère et demande un premier bilan des « oui si » qui porterait sur :

– les différentes modalités d’entrée et de sortie du dispositif ;

– les modalités différenciées de mise en œuvre par les établissements ;

– la perception du dispositif par les candidats à qui il est proposé et le degré de satisfaction des étudiants en ayant bénéficié ;

– les effets des « oui si » sur le devenir des étudiants, à plus long terme ;

– les effets du dispositif sur la transformation de l’offre de formation, et ses limites éventuelles dans le « processus de flexibilisation des cursus et personnalisation des parcours étudiants ».

Lorsqu’une université déploie des propositions de parcours « oui si » sur des projets construits et adaptés au public identifié, l’expérience est positive.

Luniversité Jean Monnet de SaintÉtienne se propose ainsi de faire réussir en deux ans les bacheliers technologiques comme les scientifiques qui ne pourraient assurer la première année en un an, grâce à des cours de méthodologie, de l’accompagnement et des TD spécifiques pendant l’année commune menant aux licences de mathématiques, d’informatique, de sciences pour l’ingénieur et de chimie. Les étudiants inscrits dans cette première année de licence en « oui si » étaient environ 80, l’assiduité comme le taux de réussite sont satisfaisants.

Les résultats sont encore provisoires car la première promotion prendra fin à l’issue des rattrapages de l’année universitaire 2019‑2020, reportés à la fin du mois d’août. Les résultats anticipés à mi‑parcours (fin de la L1a) donnent environ 30 % de passage à l’année suivante sur l’ensemble de la promotion.

Si l’on regarde de façon plus attentive les bacheliers S du dispositif, des résultats positifs apparaissent : les étudiants étant allés au bout du dispositif ont presque tous pu passer dans l’année suivante. Les commentaires de l’équipe pédagogique de l’université de Saint‑Étienne, ci‑après, visent à renforcer l’accompagnement des étudiants :

« – cibler le public pour lequel une aide conséquente peut faire la différence entre un échec et une réussite ;

 donner aux étudiants présents dans le dispositif le sentiment que celuici représente une chance ou une opportunité, et non une sanction : le dispositif ne doit pas apparaître comme une formation dévaluée ; le mélange accompagnement individuel/accompagnement sur les méthodes de travail étudiant et la motivation/renforcement disciplinaire semble avoir eu un effet positif sur certains étudiants. »

L’université de Saint‑Étienne fait partie des universités les plus attentives à la réussite de ses étudiants, puisque la Cour des comptes lui décerne le troisième score quant à sa valeur ajoutée, sur les dix universités au montant « oui si » le plus élevé par étudiant.

Devant cet état des lieux encore très lacunaire, les rapporteurs ne peuvent que partager la préconisation de la Cour des comptes consistant à intégrer dans le dialogue de gestion entre les universités et les recteurs, une mesure de l’efficacité de ce dispositif d’aide à la réussite. Il semblerait que le MESRI s’engage dans cette direction avec des premiers résultats remontés au printemps 2020 qui demandent à être consolidés, ainsi qu’avec l’étude confiée à l’Université Lyon 2 le 7 mai 2020 portant sur « la modalité oui si, les publics quelle concerne, sa mise en œuvre et ses effets sur la persévérance et la réussite des étudiants ».

Proposition n° 14: Intégrer dans le dialogue de gestion État-universités, sous le contrôle du recteur, une mesure de l’efficacité des dispositifs d’aide à la réussite des étudiants.

2.   Une image mitigée auprès des populations concernées et des syndicats

En audition, certaines fédérations de parents d’élèves ont porté une appréciation positive sur les dispositifs de remédiation, constatant que ceux‑ci constituent une chance offerte aux étudiants.

En revanche, les syndicats d’étudiants se sont montrés dubitatifs devant l’utilité de l’allongement du temps proposé pour obtenir la licence, et surtout critiques à l’encontre du défaut d’encadrement et de suivi des élèves en difficulté, ce qui corroborerait les observations de la Cour des comptes. L’UNEF réclame la mise en place d’un tutorat et un accompagnement individuel par les universités et une organisation de la première année plus « pédagogique » pour des étudiants mieux encadrés, tout en pointant la question sociale, qui ne peut pas être dissociée de celle de la réussite des étudiants : le fait qu’un étudiant sur deux soit salarié pendant ses études ne favorise pas la réussite.

Pour la FAGE, la mise en place du dispositif « oui si » a été chaotique. Il y a autant de dispositifs proposés aux lycéens que de formations ; le lycéen ne sait donc pas forcément, au moment de son inscription en « oui si », en quoi le dispositif de remédiation va précisément consister. Cette organisation a suggéré que l’étudiant en « oui si » puisse valider des UE dès la première année, afin qu’il ne soit pas psychologiquement mis à l’écart des autres étudiants.

La réaction du syndicat SNESup‑FSU sur les classes « oui si » est également intéressante : « Proposer un test de positionnement au moment de la candidature sur Parcoursup nous semble prématuré. Létudiant a besoin dêtre confronté aux difficultés du savoir universitaire. Proposer des dispositifs daide à la réussite après une première évaluation universitaire serait une meilleure solution. Cela permettrait aux étudiants de ne pas se sentir stigmatisés, et mis à lécart dès le début des enseignements universitaires, sentiment que favorise le terme “oui si” dévalorisant. Un bilan sur les parcours “oui si” est très discutable quantitativement, tant les dispositifs sont diversifiés et les profils des étudiants concernés très différents. Néanmoins le bilan très provisoire entrepris par le SNESupFSU montre que ces dispositifs “oui si” permettent aux étudiants dacquérir de la confiance en soi et donc de la motivation. Le SNESupFSU se pose la question de la pertinence des parcours “oui si” dun ou deux ans où les étudiants sont séparés des autres étudiants. Lapprentissage par niveaux nest pas forcément synonyme de “tirer” ces étudiants en difficulté vers plus de réussite. La mixité entre étudiants de différents niveaux peut aider les étudiants en difficulté à améliorer leur réussite, grâce à laide entre pairs pendant les enseignements en “présentiel”. Cette entraide peut être également source de motivation. »

Les rapporteurs estiment que les dispositifs « oui si » ne doivent pas être vécus comme une sanction, mais comme une opportunité supplémentaire de réussite et il leur semble que les ambassadeurs étudiants des premières promotions ayant bénéficié de ce type de dispositif ont un rôle important à jouer dans cette prise de conscience.

 

 


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   EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité a procédé à l’examen du présent rapport d’information lors de sa réunion du mercredi 22 juillet 2020 et a autorisé sa publication.

Les débats qui ont eu lieu au cours de cette réunion sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9384461_5f182f2f73f6b.cec--evaluation-de-l-acces-a-l-enseignement-superieur--rapport-de-m-regis-juanico-et-de-mme-natha-22-juillet-2020

 

 


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   ANNEXE N° 1 :
EXTRAIT DU RAPPORT 2019 DU MÉDIATEUR DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

PARCOURSUP : UN DESIGN DONT POURRAIENT S’INSPIRER
TOUS LES SERVICES EN LIGNE DE NOS MINISTÈRES

Depuis la publication de la loi ORE ([199]) en 2018 ayant conduit au remplacement de la plateforme APB ([200]) par la plateforme Parcoursup, le nombre de saisines du médiateur relatives aux admissions post‑bac est en baisse et revient au niveau des années 2015 et 2016. (On est passé de plus de 300 saisines en 2017 à 150 saisines en 2019 sur toute la France). Ce constat est corroboré par la direction des affaires juridiques qui constatait, dès 2018, une diminution sensible de la part des recours contentieux relatifs à l’inscription en première année universitaire.

L’adaptabilité de la plateforme Parcoursup et la réactivité des équipes ont très certainement joué un rôle important dans cette évolution.

Après deux campagnes d’admission postbac, on peut faire le bilan suivant :

→ un outil et des équipes qui s’adaptent rapidement au contexte (exemple : des places réservées jusqu’à la fin du processus pour prendre en compte les contestations de résultats du baccalauréat suite au mouvement de grève des correcteurs en juin 2019) ;

→ un outil délivrant aux candidats des informations lisibles et de plus en plus transparentes (calendrier détaillé des étapes de la procédure, affichage des attendus des formations, etc.), même s’il reste toujours des marges de progrès en matière d’accessibilité, qui sont sans cesse améliorées ;

→ un outil qui indique en page d’accueil un numéro vert actif pendant toute la période d’ouverture du serveur ;

→ un outil comportant une rubrique contact permettant à chaque candidat de poser des questions et d’obtenir des réponses précises dans les 48 heures ;

→ un outil qui sait traiter de façon plus individualisée les situations de ses usagers : après l’abandon du classement des vœux par les candidats, il revient désormais aux enseignants du supérieur et du second degré de vérifier la pertinence des choix des élèves par rapport à leur parcours dans le second degré et les attendus des formations de l’enseignement supérieur prévus par un cadrage national. Ce cadrage est porté à la connaissance de tous et chaque candidature est traitée individuellement ; toutefois, des outils d’aide à la décision sont utilisés pour faciliter le travail des équipes pédagogiques et permettre d’intégrer les pourcentages minimaux et maximaux de candidats boursiers et de candidats hors secteur géographique ;

→ un outil auquel est adossé une commission d’accès à l’enseignement supérieur (CAES) dans chaque rectorat, qui peut être saisie pour proposer, pendant toute la procédure, au futur néo‑bachelier une formation en adéquation avec ses vœux et son parcours, dans l’hypothèse où il n’arriverait pas à obtenir une proposition d’admission via la plateforme, et qui prend en compte les situations particulières liées au handicap, à la santé ou à la situation familiale du candidat.

Ce bilan positif est l’occasion pour la médiation de rappeler les recommandations formulées dans le rapport précédent, relatives aux nouveaux processus de décision administrative fondés sur des algorithmes (voir ci‑après, dans la cinquième partie, chapitre 2, p. 181 (Remedia 18‑6), le suivi des recommandations sur ce sujet). Elle préconise, en s’inspirant de l’organisation retenue pour Parcoursup, que soit mis en place pour chaque plateforme de service public un comité pouvant en auditer le fonctionnement et prendre en compte les situations particulières, afin de vérifier que l’application de ces algorithmes ne génère pas de biais ou d’effets inattendus.

 

 

 


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   ANNEXE 2 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Tables rondes :

        M. Jules Donzelot, sociologue, chercheur en éducation associé au Centre Émile Durkheim de Bordeaux ;

        M. Julien Grenet, chercheur en économie au CNRS et à la Paris School of Economics (PSE), directeur adjoint de l’Institut des politiques publiques (IPP) ;

        M. Vincent Ielhé, professeur d’économie à l’université de Rouen et chercheur associé au Centre d’économie de la Sorbonne ;

        M. Nicolas Pistolesi, enseignant-chercheur en économie à l’université Toulouse 1 Capitole et à la Toulouse School of Economics (TSE) ;

        Mme Agnès van Zanten, sociologue de l’éducation, directrice de recherche au CNRS, membre de l’Observatoire du changement à Sciences Po.

        Mme Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ;

        Mme Sylvie Amici, présidente de l’Association des psychologues et de psychologie dans l’éducation nationale (APsyEN) ;

        M. Michel Lugnier, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, co‑auteur du rapport « Refonder lorientation : un enjeu État-régions » ;

        M. Philippe Vincent, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN) ;

        Mme Françoise Vouillot, ancienne maîtresse de conférences en psychologie de l’orientation au CNAM-INETOP, ancienne présidente de la commission « Lutte contre les stéréotypes et rôles sociaux » du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE F/H), auteure de « Orientation scolaire et discrimination. Quand les différences de sexe masquent les inégalités ».

        M. Majdi Chaarana, vice-président de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) *, en charge des questions universitaires et de jeunesse ;

        Mme Alexia Desdevises, présidente d’Avenir lycéen, représentante des lycéens au Conseil supérieur de l’éducation ;

        Mme Clairanne Dufour, directrice nationale de l’Organisation internationale de la jeunesse (OIJ) ;

        Mmes Orlane François, présidente, et Marine Ribals, vice‑présidente en charge des affaires académiques, Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) * ;

        M. Camille Galvaire, membre de Lycéens au centre, élu lycéen au Conseil supérieur de l’éducation ;

        Mme Héloïse Moreau, présidente de l’Union nationale lycéenne (UNL).

        M. Christophe Abraham, secrétaire général adjoint, responsable des relations politiques, et Mme Violaine Bigot, membre du Bureau national, responsable du groupe de travail bac -3 bac +3, Association de parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL) ;

        Mme Carla Dugault, coprésidente de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) ;

        Mme Cécile Frattaroli, administratrice et porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP).

        M. Jean Bastianelli, président de l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles (APLCPGE) ;

        Mme Katia Béguin, présidente de la Conférence des recteurs ;

        M. Laurent Champaney, vice-président de la Conférence des grandes écoles (CGE) * ;

        MM. Jacques Fayolle, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), et Philippe Depincé, président de la commission Formation et société ;

        M. Aurélien Pichon, président de la Conférence des directeurs et doyens STAPS (C3D STAPS).

        M. Laurent Gadessaud, vice-président de l’Assemblée des directeurs d’IUT (ADIUT), en charge des relations avec les organisations du réseau ;

        M. Jérôme Teillard, chef de projet Réforme de l’accès à l’enseignement supérieur auprès de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

        M. Norman Gourrier, secrétaire général du Syndicat national des collèges et des lycées (SNCL) ;

        M. Thierry Patinaux, conseiller national du Syndicat des enseignants de l’UNSA (SE‑UNSA) ;

        M. Alexis Torchet, secrétaire national du Syndicat général de l’éducation nationale de la CFDT (SGEN-CFDT) ;

        M. Jean-Christophe Vayssette, secrétaire national du Syndicat national Force Ouvrière lycées collèges (SNFOLC) ;

        Mmes Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du Syndicat national des enseignements de second degré de la FSU (SNES-FSU), et Géraldine Duriez, secrétaire nationale du groupe PsyEN du SNES-FSU.

2. Auditions :

        MM. Philippe Raimbault, président de l’université fédérale de Toulouse et président de la commission juridique de la Conférence des présidents d’université (CPU) *, et Dominique Averty, vice-président formation de l’université de Nantes et animateur du réseau des vice-présidents formation de la CPU (18 juin 2020)

        M. Nabih Nejjar, directeur de l’IUT de Roanne (24 juin 2020)

        M. Alain Trouillet, viceprésident Formation de luniversité Jean Monnet de SaintÉtienne (24 juin 2020)

        Mme Anne-Sophie Barthez, directrice générale de lenseignement supérieur et de linsertion professionnelle (DGESIP), et M. Jérôme Teillard, chef de projet Réforme de laccès à lenseignement supérieur auprès de la ministre de lenseignement supérieur, de la recherche et de linnovation (2 juillet 2020)

        Mme Rachel-Marie Pradeilles-Duval, cheffe du service de linstruction publique et de laction pédagogique à la direction générale de lenseignement scolaire (DGESCO), ministère de léducation nationale, de la jeunesse et des sports (2 juillet 2020)

3. Déplacements :

        Mme Corinne Benucci, proviseure de la Cité scolaire Albert Thomas, et M. François Demange, proviseur adjoint en charge du lycée général et technologique

        M. Abdelmadjid Benabida, proviseur du lycée Simone Weil, accompagné de Mme Christine Grange, professeur documentaliste, Mme Catherine Kakmeni Nitcheu, professeur de sciences économiques et sociales, et M. Jean‑François Valla, professeur d’économie-gestion, professeurs principaux

4. Contributions écrites :

        Syndicat général de l’éducation nationale de la CFDT (SGEN‑CFDT)

        Syndicat national de l’enseignement supérieur de la FSU (SNESup‑FSU)

 

 

* Ces organismes ont procédé à leur enregistrement au répertoire des représentants dintérêts géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 


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   CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES

Cette contribution peut être consultée sur le site de la Cour des comptes à l’adresse suivante :

https://www.ccomptes.fr/fr/publications/acces-lenseignement-superieur-premier-bilan-de-la-loi-orientation-et-reussite-des

 

 


([1]) Politiques et dispositifs d’orientation, Un bilan international, Yves Dutercq, Christophe Michaut, Vincent Troger, CREN, Université de Nantes, décembre 2018, p. 30, CNESCO.

([2]) Rapport de la Cour des Comptes, p. 48.

([3]) Observatoire national de la vie étudiante - OVE info n° 39 - L’orientation étudiante à l’heure de Parcoursup : des stratégies et des jugements socialement différenciés, septembre 2019.

([4]) Circulaire n° 2008-092 du 11 juillet 2008, orientation – parcours de découverte des métiers et des formations.

([5]) Chiffre figurant sur la page de présentation du nouveau bac 2021 du site du ministère de l’éducation nationale.

([6]) La Conférence des présidents d’université, la Conférence des grandes écoles, la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs, l’Association des proviseurs de lycées à classes préparatoires aux grandes écoles, et les ministres de l’éducation nationale et de la jeunesse et de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

([7]) « Refonder l’orientation, un enjeu État-régions », MM. Charvet, Lugnier, Lacroix (IGEN‑IGAENR), juin 2019.

([8]) Loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([9]) Article L. 6111-3 du code du travail.

([10])  Cadre national de référence relatif à la mise en œuvre des compétences de l’État et des régions en matière d’information et d’orientation pour les publics scolaire, étudiant et apprenti.

([11]) « Refonder l’orientation, un enjeu État-régions », MM. Charvet, Lugnier, Lacroix (IGEN‑IGAENR), juin 2019.

([12]) Politiques et dispositifs d’orientation, Un bilan international, Yves Dutercq, Christophe Michaut, Vincent Troger, CREN, Université de Nantes, décembre 2018, p. 25, CNESCO.

([13]) L’accompagnement de l’orientation dans les établissements : enquête nationale (menée en juillet 2018) auprès des chefs d’établissement, Claire Margaria, Nolwënn Piquet, décembre 2018.

([14]) Aider les jeunes à mieux identifier leurs goûts et motivations personnelles, un levier pour améliorer l’orientation, enquête sur l’orientation auprès des 18‑25 ans, Sandra Hoibian, Charlotte Millot ; CREDOC, décembre 2018.

([15]) Cour des comptes, référé S 2019-3200 le lycée professionnel, 10 janvier 2020.

([16]) Circulaire n° 2018-108 du 10 octobre 2018 publiée au B.O. du 11 octobre 2018.

([17]) Politiques et dispositifs d’orientation, Un bilan international Yves Duterq, Christophe Michaut, Vincent Troger, CREN, Université de Nantes, décembre 2018, CNESCO.

([18]) Circulaire n° 2017-079 du 28 avril 2017 relative aux psychologues de l’éducation nationale.

([19]) Entretien publié dans le Journal du CNRS, réalisé par Philippe Testard-Vaillant, 27 août 2018.

([20]) Les auteurs suggèrent de repenser les CdI actuels BiblIO-Lab (centres de documentation, d’information et d’orientation), espaces communs de collaboration entre psy‑EN, professeurs et éducateurs impliqués dans l’accompagnement à l’orientation, voire lieu d’animation, d’exposition et de rencontre sur le sujet.

([21]) Enquête du CREDOC pour le CNESCO sur l’orientation auprès des 18-25 ans (décembre 2018).

([22]) « Refonder lorientation, un enjeu État-régions », MM. Charvet, Lugnier, Lacroix (IGENIGAENR), juin 2019.

([23]) Enquête du CREDOC pour le CNESCO sur l’orientation auprès des 18-25 ans (décembre 2018).

([24]) DEPP, Note d’information n° 19.48, novembre 2019.

([25]) Observatoire national de la vie étudiante - OVE info n° 39 - L’orientation étudiante à l’heure de Parcoursup : des stratégies et des jugements socialement différenciés, septembre 2019.

([26]) « Refonder lorientation, un enjeu État-régions », MM. Charvet, Lugnier, Lacroix (IGENIGAENR), juin 2019.

([27]) Elise Huillery et Nina Guyon dans « Choix d’orientation et origine sociale : mesurer et comprendre l’autocensure scolaire », rapport du LIEPP, 2014.

([28]) Politiques et dispositifs d’orientation, un bilan international, Yves Dutercq, Christophe Michaut, Vincent Troger, CREN, Université de Nantes, décembre 2018, CNESCO.

([29]) Rapport d’information n° 2297 sur l’évaluation de l’accès aux services publics dans les territoires ruraux, MM. Jean-Paul Dufrègne et Jean-Paul Mattei, octobre 2019.

([30]) Politiques et dispositifs d’orientation, un bilan international, Yves Dutercq, Christophe Michaut, Vincent Troger, CREN, Université de Nantes, décembre 2018, CNESCO.

([31]) « Refonder lorientation, un enjeu État-régions », MM. Charvet, Lugnier, Lacroix (IGENIGAENR), juin 2019.

([32]) « Les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur », Agnès van Zanten, Regards croisés sur l’économie 2015/1 n° 16.

([33]) « Le choix du BTS », Sophie Orange, 2013 dans « Actes de la recherche en sciences sociales » 2010, n° 183.

([34]) « L’égalité des chances d’accès à l’enseignement supérieur - l’exemple de la région Occitanie », Bruno Sire, dans « Une vision des ressources humaines sans frontières », mélanges en l’honneur de Jacques Igalens, éditions EMS Management et société, collection « Questions de société », octobre 2018.

([35]) Elise Huillery et Nina Guyon dans « Choix d’orientation et origine sociale : mesurer et comprendre l’autocensure scolaire », rapport du LIEPP, 2014.

([36]) Ex‑maîtresse de conférence en psychologie et ancienne directrice-adjointe de l’Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (INETOP).

([37]) Note n° 19.48 de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, novembre 2019.

([38]) Orientation scolaire et discrimination, quand les différences de sexe masquent les inégalités, sous la direction de Françoise Vouillot - Joëlle Mezza, Marie-Laure Steinbruckner, Laurence Thiénot, Études et recherches, La Documentation française, 2011.

([39]) Les ambitions scolaires et sociales des lycéens ruraux, Claire Lemêtre, Sophie Orange, Editions du Croquant ,« Savoir/Agir », 2016/3 N° 37, pages 63 à 69.

([40]) Les ambitions scolaires et sociales des lycéens ruraux, Claire Lemêtre, Sophie Orange.

([41]) Leurs conclusions s’appuient sur le dépouillement de 4 533 questionnaires adressés à des élèves de terminale des Pays de la Loire, 43 entretiens réalisés avec certains d’entre eux et sur des observations effectuées dans des lycées, entre septembre 2014 et juin 2015.

([42])  Mission orientation et égalité des chances dans la France des zones rurales et des petites villes – Restaurer la promesse républicaine – Salomé Berlioux, présidente de l’association Chemins d’avenirs, mars 2020.

([43]) Les recteurs d’académie ont pour mission de veiller à l’application de toutes les dispositions législatives et réglementaires se rapportant à l’Éducation nationale, de définir la stratégie académique d’application de la politique éducative nationale, d’assurer la gestion des personnels et des établissements, de développer des relations avec les autres services de l’État intervenant dans l’académie, les milieux politiques, économiques, socio‑professionnels et notamment avec les collectivités territoriales, de mettre en œuvre le programme régional de formation conduit par le conseil régional, de rendre compte au ministre du fonctionnement du service public de l’éducation nationale dans l’académie qu’il dirige.

([44]) Conférence de comparaisons internationales, préconisations pour aider les élèves à construire leur orientation, CNESCO, novembre 2018.

([45]) Politiques et dispositifs d’orientation, Un bilan international, Yves Dutercq, Christophe Michaut, Vincent Troger, CREN, Université de Nantes, décembre 2018, p. 40, CNESCO.

([46]) Conférence de comparaisons internationales, préconisations pour aider les élèves à construire leur orientation, CNESCO, novembre 2018.

([47]) « Refonder lorientation, un enjeu État-régions », MM. Charvet, Lugnier, Lacroix (IGENIGAENR), juin 2019.

([48]) Une seule réponse était possible.

([49]) Politiques et dispositifs d’orientation, Un bilan international, Yves Dutercq, Christophe Michaut, Vincent Troger, CREN, Université de Nantes, décembre 2018, CNESCO.

([50]) Rapport de MM. Régis Juanico et Jean-Frédéric Poisson au nom du CEC sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes, décembre 2013, p. 170.

([51]) Le collège Jean Monnet à Bénévent-l’Abbaye, cité par le rapport précité du CNESCO.

([52]) En 2016, 203 collèges de REP+, soit 55 % des collèges de REP+, ont mis en place un parcours dexcellence.

([53]) Chaque réseau met en relation une dizaine d’établissements du secondaire avec une dizaine d’établissements du supérieur. Au total, plus de 1 000 collèges et 1 500 lycées sont impliqués dans le dispositif.

([54]) 28 000 collégiens dont 12 000 en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et 48 000 lycéens dont 36 000 en QPV.

([55]) « Parcoursup ouvre la question de la démocratisation des études post-secondaires », Jules Donzelot, Le Monde, 28 juin 2018.

([56]) Aspirations scolaires et lutte contre le décrochage : accompagner les parents, Dominique Goux, Marc Gurgand et Éric Maurin, IPP, retour d’expérience n° 2, novembre 2014.

([57]) Politiques et dispositifs d’orientation, Un bilan international, Yves Dutercq, Christophe Michaut, Vincent Troger, CREN, Université de Nantes, décembre 2018, CNESCO.

([58]) « L’égalité des chances en Angleterre », Jules Donzelot, La Vie des idées, septembre 2011.

([59]) D’après la note de synthèse de M. Jules Donzelot : « Le rôle de l’aide à l’orientation dans les programmes anglo-saxons d’égalité des chances d’accès aux études supérieures : l’exemple de l’Angleterre ».

([60]) « L’orientation active : une aide efficace pour choisir ses études ? », Nicolas Pistolesi, 2015, Regards croisés sur l’économie.

([61]) OVE infos n° 39 - L’orientation étudiante à l’heure de Parcoursup : des stratégies et des jugements socialement différenciés, septembre 2019.

([62]) Les préconisations du CNESCO pour aider les élèves à construire leur parcours d’orientation, Conférence de comparaisons internationales, novembre 2018.

([63]) « Refonder lorientation, un enjeu État-régions », MM. Charvet, Lugnier, Lacroix (IGENIGAENR), juin 2019.

([64]) Ibidem.

([65]) Qui prévoyait le procédé suivant : « Si à lissue du classement établi par application des critères mentionnés ci-dessus, il est nécessaire, compte-tenu de la capacité daccueil dans la formation de létablissement considéré, darrêter un choix entre des candidats ayant un même ordre de priorité, il est recouru à un tirage au sort entre ceuxci. »

([66]) http://bordeaux.tribunal-administratif.fr/content/download/64378/581019/version/2/file/1504236.pdf

([67]) https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/dernieres-decisions-importantes/conseil-d-etat-22-decembre-2017-associations-sos-education-promotion-et-defense-des-etudiants-et-droits-des-lyceens

([68]) Repères et références statistiques, DEPP, 2019.

([69]) https://services.dgesip.fr/fichiers/FichesCommissionTraitementVoeux.pdf

([70]) Définies par l’article L. 612‑3 du code de l’éducation : « Une sélection peut être opérée, selon des modalités fixées par le ministre chargé de lenseignement supérieur, pour laccès aux sections de techniciens supérieurs, instituts, écoles et préparations à celles-ci, grands établissements au sens du chapitre VII du titre Ier du livre VII de la troisième partie et tous établissements où ladmission est subordonnée à un concours national ou à un concours de recrutement de la fonction publique, ainsi que pour laccès aux formations de lenseignement supérieur dispensées dans les lycées, aux cycles préparatoires intégrés, aux formations préparant au diplôme de comptabilité et de gestion ou aux diplômes détudes universitaires scientifiques et techniques et aux formations de lenseignement supérieur conduisant à la délivrance dun double diplôme. »

([71]) Article L. 612‑3 du code de l’éducation.

([72]) Article L. 612‑3 du code de l’éducation.

([73]) Avant le vote de la loi ORE, l’article L. 612‑3 du code de l’éducation disposait : « Tout candidat est libre de sinscrire dans létablissement de son choix, sous réserve davoir, au préalable, sollicité une préinscription lui permettant de bénéficier du dispositif dinformation et dorientation dudit établissement, qui doit être établi en concertation avec les lycées. Il doit pouvoir, sil le désire, être inscrit en fonction des formations existantes lors de cette inscription dans un établissement ayant son siège dans le ressort de lacadémie où il a obtenu le baccalauréat ou son équivalent ou dans lacadémie où est située sa résidence. Lorsque leffectif des candidatures excède les capacités daccueil dun établissement, constatées par lautorité administrative, les inscriptions sont prononcées, après avis du président de cet établissement, par le recteur chancelier, selon la réglementation établie par le ministre chargé de lenseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celuici. »

([74]) Accessible ici :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037865990&categorieLien=id

([75]) Rapport du CESP, p. 11.

([76]) Rapport de la Cour des comptes, p. 21.

([77]) Signée le 6 décembre 2017 par le MESRI, le MEN, la CPU, la CGE et la CDEFI, et accessible ici : https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Plan_etudiant/79/2/Charte_attendus_862792.pdf

([78]) Accessibles ici : https://cache.media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/Actus/16/8/AttendusLicence-_12-12-2017_867168.pdf

([79]) Accessibles ici : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid125090/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid125090/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid125090/elements-de-cadrage-national-des-attendus-pour-les-mentions-de-licence-et-les-c.p.g.e.html

([80]) Article D. 612-1-6 du code de l’éducation.

([81]) La Cour prend l’exemple du questionnaire de droit. Question n° 12 : « Quentin a quatre garçons, qui ont chacun une sœur. Combien a‑t‑il d’enfants ? ». Question n° 11 : « Tous les enfants sont honnêtes. Mathieu est honnête. De là que peut‑on affirmer ? ».

([82]) Rapport de la Cour, p. 61.

([83]) Rapport de la Cour, p. 88.

([84]) Article D. 612-1-13 du code de l’éducation.

([85]) Idem.

([86]) Ibidem.

([87]) Annexe n° 11 du rapport de la Cour des comptes.

([88]) Idem.

([89]) Ibidem.

([90]) Rapport de la Cour, p. 65.

([91]) Décision n° 2019-021 du 18 janvier 2019.

([92]) Rapport de la Cour, p. 64.

([93]) Idem.

([94]) Ibidem.

([95]) Annexe n° 9 du rapport de la Cour.

([96]) Le ministère de l’éducation nationale a annoncé le 2 juillet 2020 sa volonté de réformer ces épreuves en vue de la rentrée 2021. Désormais nommées « évaluations communes », elles se rapprocheront un peu plus du contrôle continu : le périmètre du cadrage national des conditions du passage de l’examen est réduit.

([97]) La Cour évoque le problème mais l’évacue rapidement : « la variable proposée par la Cour pourra sadapter à cette situation car il subsistera des épreuves terminales du baccalauréat » (Annexe n° 9 du rapport).

([98]) Tableau n° 5 du rapport de la Cour, qui concerne les 10 % des formations accueillant le plus d’étudiants.

([99]) Article D. 612-1-19 du code de l’éducation : « Pour remplir la mission qui lui incombe en application des VIII et IX de larticle L. 612-3, le recteur dacadémie met en place une commission académique daccès à lenseignement supérieur. Elle a pour fonction de le conseiller pour linstruction des dossiers des candidats ayant obtenu, au cours de lannée scolaire ou dans les quatre années scolaires précédant la procédure de préinscription en cours, le baccalauréat ou un diplôme équivalent et qui sont domiciliés dans son académie ou assimilés à des candidats résidant dans son académie en application de larticle D. 612111 qui nont reçu aucune proposition dadmission dans le cadre de la procédure nationale de préinscription. »

([100]) Qui représentent 98 % des critères pris en compte pour l’examen des candidatures au sein des 10 % des formations « accueillant un grand nombre de candidats et où le niveau de pression est le plus élevé », selon la Cour (Rapport de la Cour, p. 76).

([101]) Lequel permet aux commissions de ne pas communiquer a priori leurs critères de classement, cf. infra.

([102]) Rapport de la Cour, p. 70.

([103]) Proposition n° 11.

([104]) Rapport de la Cour, p. 70.

([105]) Les rapporteurs tiennent ici à indiquer qu’ils en ont eu la confirmation au gré de leurs auditions.

([106]) Article L. 612-3-1 du code de l’éducation : « les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 31213 du code des relations entre le public et ladministration sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité dobtenir, sils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités dexamen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise. »

([107]) Cf. infra.

([108]) Note de cadrage des MENJ et MESRI relative au rapport public d’examen des vœux, juin 2020.

([109]) « Certains candidats sont parfois étonnés de ne pas être sélectionnés par des formations alors même quils ont obtenu de meilleurs résultats scolaires que leurs camarades sélectionnés au cours de lannée : le rapport permettra de leur fournir une explication, en explicitant les autres critères pris en compte, parfois de manière conséquente (avis du conseil de classe, activités extra-scolaires…). »

([110]) TA Guadeloupe, 4 févr. 2019, n° 1801094.

([111]) « Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de lexamen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public et ladministration sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité dobtenir, sils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités dexamen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise. »

([112]) Paragraphe 17 de la décision.

([113]) « Sous réserve des secrets protégés en application du 2° de larticle L. 311-5, les administrations mentionnées au premier alinéa de larticle L. 300-2, à lexception des personnes morales dont le nombre dagents ou de salariés est inférieur à un seuil fixé par décret, publient en ligne les règles définissant les principaux traitements algorithmiques utilisés dans laccomplissement de leurs missions lorsquils fondent des décisions individuelles. »

([114]) Article L. 612-3 du code de l’éducation : « Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de lexamen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 31131 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public et ladministration sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité dobtenir, sils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités dexamen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise. »

([115]) Qui dispose : les « caractéristiques des formations proposées sur la plateforme Parcoursup sont portées à la connaissance des candidats. Elles comprennent notamment : […] les critères généraux encadrant lexamen des candidatures par les commissions dexamen des vœux mentionnées à larticle D. 612113 ».

([116]) Article 15.1.h du RGPD.

([117]) Article L. 612-3 du code de l’éducation.

([118]) Page 69 du rapport de la Cour.

([119]) Idem.

([120]) La Cour a fait procéder à un audit du code Parcoursup par des sociétés spécialisées.

([121]) À la demande des rapporteurs, M. Teillard a apporté des réponses précises aux interrogations de la Cour à l’issue de son audition.

([122]) Délibération n° 2018-011 du 18 janvier 2018.

([123]) Délibération n° 2018-119 du 22 mars 2018.

([124]) Les termes entre guillemets sont issus de la note « Gouvernance Parcoursup » communiquée par le MESRI.

([125]) Cf. la proposition de procédure complémentaire supra.

([126]) « L’extrême lenteur de Parcoursup inquiète établissements et futurs étudiants », Le Monde, juillet 2018.

([127]) « Le répondeur automatique sur Parcoursup : comment ça marche ? », Parcoursup.fr.

([128]) Idem.

([129]) « Parcoursup 2019 : les propositions d’admission dans l’enseignement supérieur », Note Flash du SIES, octobre 2019 (à noter que le SIES ne prend en compte que les candidats néo-bacheliers).

([130]) Rapport du CESP, p. 21.

([131]) Données du SIES.

([132]) Données du MESRI (tableaux de bord, notes flash du SIES et informations complémentaires). Les rapporteurs précisent que les définitions retenues par les différents services sont peu harmonisées.

([133]) Idem.

([134])  En 2020, les candidats non lycéens se répartissent comme suit : 195 000 candidats en réorientation, scolarisés à l’étranger ou en mise à niveau et 93 000 candidats en reprise d’études ou autres.

([135]) Dans la mesure où le MESRI et le SIES n’ont pas transmis d’informations relatives au taux d’affectation des candidats en réorientation et des candidats en reprise d’études, les rapporteurs ont utilisé les données fournies par la Cour pour pouvoir appréhender son évolution sur les trois dernières années.

([136]) Rapport de la Cour, annexe n° 8, tableau 22.

([137]) Idem.

([138]) Les données sont pour l’essentiel issues du rapport de la Cour (annexe n° 8, p. 164‑165). Pour le taux d’affectation des néo‑bacheliers, les calculs de la Cour diffèrent de ceux du SIES, même si les évolutions relatives sont concordantes. Le choix a donc été fait d’indiquer les données fournies par les deux sources.

([139]) « Tout savoir sur ParcoursPlus », Fiche Parcoursup.

([140]) Rapport du CESP, p. 21.

([141]) Rapport de la Cour, p. 49 et 50.

([142]) Certaines données relatives à 2019 n’étant pas accessibles, il n’est pas possible de calculer la « performance globale » pour cette année.

([143]) Rapport de la Cour, p. 52.

([144]) Le calcul par la Cour de la « performance globale » se situe dans la deuxième partie de son rapport, intitulée « Parcoursup : une transition assurée, un système perfectible », consacrée à la plateforme Parcoursup.

([145]) « Les nouveaux bacheliers et leur entrée dans les filières de l’enseignement supérieur », dans État de lEnseignement supérieur, de la Recherche et de lInnovation en France n° 13, 2019.

([146]) Repères et références statistiques, DEPP, 2019.

([147]) « Les nouveaux bacheliers et leur entrée dans les filières de l’enseignement supérieur », Publication du MESRI.

([148]) Rapport de la Cour, tableau n° 12, p. 101.

([149]) La circulaire n° 2018‑089 du 18 juillet 2018 définit le dispositif comme suit : « La classe passerelle est destinée aux bacheliers professionnels de lannée. Dune durée dune année scolaire, elle vise la consolidation des acquis afin de permettre à ces élèves de réussir leurs études supérieures au regard des attendus des différentes spécialités de STS. La classe passerelle ne constitue pas une année de préparation du BTS mais une année de préparation à lentrée en STS. […] Les élèves concernés sont ceux qui nont eu aucune proposition dadmission en STS, bien quayant reçu en terminale un avis favorable du conseil de classe (lorsquils sont issus dune terminale professionnelle et appartiennent à une académie qui met en place lexpérimentation issue de larticle 40 de la loi relative à légalité et à la citoyenneté) ou du chef détablissement dans les autres académies ».

([150]) Rapport de la Cour, p. 102.

([151]) L’expérimentation est introduite par la loi n° 2017‑86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté (article 40). Ses conditions sont déterminées par le décret n° 2017‑515 du 10 avril 2017 portant expérimentation de modalités d’admission dans une section de techniciens supérieurs pour les titulaires d’un baccalauréat professionnel.

([152]) « Parcoursup 2020 : Les vœux d’orientation des lycéens pour la rentrée », Note flash n° 6 du SIES, avril 2020.

([153]) « Le devenir des bacheliers professionnels qui poursuivent des études », Note d’information du SIES, avril 2019.

([154]) « Peut-on décrocher de l’université ? Retour sur la construction d’un problème social », F. Sarfati, Agora Débats/Jeunesses, 2013.

([155]) Rapport de la Cour, p. 102.

([156]) Repères et références statistiques, DEPP, 2019.

([157]) « Décrochage en BTS, DUT et licence : le rôle du bac », B. Ménard dans Parcours détudes et insertion des diplômés du supérieur : le rôle des baccalauréats et des formations bac +2, P. Lemistre et F. Merlin (dir), Paris, CNESCO, 2019.

([158]) « Not in Education, Employment or Training » (ni étudiant, ni employé, ni stagiaire).

([159]) « Les effectifs en IUT en 2019-2020 », Note flash du SIES, juin 2020.

([160]) « Échec en BTS, DUT et licence : profil social et insertion selon le type de bac », P. Lemistre, dans  Parcours détudes et insertion des diplômés du supérieur : le rôle des baccalauréats et des formations bac +2, P. Lemistre et F. Merlin (dir), Paris, CNESCO, 2019.

([161]) « Parcoursup 2020 : Les vœux d’orientation des lycéens pour la rentrée », Note flash du SIES, avril 2020.

([162]) « Parcoursup 2020 : Les vœux d’orientation des lycéens pour la rentrée », Note flash du SIES, avril 2020.

([163]) Repères et références statistiques, DEPP, 2019.

([164]) Même en prenant l’ensemble des bacheliers STL en France, la filière technologique la plus adaptée à la poursuite d’un IUT filière production, le taux de 50 % ne serait pas atteint.

([165]) Article 3 : « Ladmission des bacheliers technologiques dans une section de technicien supérieur fait lobjet dun examen prioritaire ».

([166]) « Les étudiants en sections de technicien supérieur en 2017-2018 » et « Les étudiants en sections de technicien supérieur en 2018-2019 », Notes flash du SIES, décembre 2017 et février 2019. La DEPP indique un chiffre de 31 % pour la rentrée 2018, parce qu’elle prend en compte les bacheliers professionnels en classes passerelles.

([167]) Rapport de la Cour, p. 102.

([168]) Rapport du CESP, p. 26.

([169]) À titre d’exemple, aucune STS privée n’a appliqué de quota en Île-de-France en 2019 (rapport du CESP, p. 26).

([170]) « Les effectifs en IUT en 2018-2019 » et « Les effectifs en IUT en 2019-2020 », Notes flash du SIES, juin 2019 et juin 2020.

([171]) Repères et références statistiques, DEPP, 2018 et 2019.

([172]) Site du MESRI.

([173]) Rapport du CESP, p. 24.

([174]) Les corrélations de rang de Spearman calculées par la Cour dans l’annexe n° 12 (tableau 31) sont très faibles, et ne sont même pas significatives pour les IUT publics en tension et les CPGE publiques en tension. Cela signifie que la présence de boursiers du secondaire parmi les différentes filières de l’enseignement supérieur n’aurait pas été sensiblement différente sans les quotas, et donc que ces derniers ont eu très peu d’effets. Les poids estimés par la Cour des « critères sociaux » objectivés par les quotas de boursiers dans le classement final des licences non sélectives en tension et des CPGE en tension sont respectivement de 1 et 0, ce qui vient confirmer ce constat.

([175]) « Discrimination positive, méritocratie et l’inclusion en tension : les “Conventions éducation prioritaire” de Sciences Po », A. van Zanten, G. Fernandez-Vavrik et F. Pirone, Raisons éducatives, 2018.

([176]) Rapport de la Cour, p. 82.

([177]) Rapport de la Cour, p. 83.

([178]) Selon le CESP.

([179]) Idem.

([180]) « Parcoursup 2020. Les vœux d’orientation des lycéens pour la rentrée », Note flash du SIES, avril 2020.

([181]) Idem.

([182]) « Sur Parcoursup, la fin de la sectorisation académique en Île-de-France dès 2019 », Le Monde, janvier 2019.

([183]) Rapport de la Cour, p. 116.

([184]) Article L. 612‑3 du code de l’éducation.

([185]) Article L. 612‑3 du code de l’éducation.

([186]) Laquelle leur permettrait de refuser des dossiers et de se soustraire à l’obligation du taux maximum de non‑résidents.

([187]) Annexe n° 15 du rapport de la Cour, p. 193.

([188]) Annexe n° 15 du rapport de la Cour, p. 192.

([189]) Rapport de la Cour, p. 116.

([190]) 62 % des candidats interrogés dans le cadre du sondage mené par la Cour se disent satisfaits à l’égard de Parcoursup en 2019, contre 55 % pour APB en 2017.

([191]) Rapport France Stratégie 2017, La transition lycée-enseignement supérieur 2017/2027.

([192]) Projet annuel de performances, Mission Recherche et enseignement supérieur, Projet de loi de finances pour 2020.

([193]) Note du SIES, 2 janvier 2020, MESRI, Les effectifs étudiants dans le supérieur en 2018/2019 en progression constante.

([194]) Le choix du BTS, Entre construction et encadrement des aspirations des bacheliers d’origine populaire, Sophie Orange, Le Seuil « Actes de la recherche en sciences sociales », 2010/3 n° 183, p. 32 à 47.

([195]) Note du SIES précitée du 2 janvier 2020.

([196]) Note du SIES de juin 2020.

([197]) Note du SIES de juin 2020.

([198])« Le décrochage à l’université : un processus d’ajustement progressif ? », Sylvie David et Ekaterina Melnik‑Olive, Formation Emploi, 2014.

([199]) Loi du 8 mars 2018 relative à lorientation et à la réussite des étudiants.

([200]) Plateforme Admission post‑bac.