N° 3251
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juillet 2020
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
en conclusion des travaux du Printemps social de l’évaluation
Présenté par M. Julien Borowczyk, M. Marc Delatte, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Gilles LURTON, co-président de la Mecss, M. Thomas Mesnier, rapporteur général, M. Boris Vallaud, Mme Annie VIDAL, co-présidente de la Mecss, et M. Stéphane Viry.
Députés.
——
— 1 —
SOMMAIRE
___
Pages
avant-propos du rapporteur général de la commission des affaires sociales 5
avant-propos des co-présidents de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale 7
Évaluations des rapporteurs................................. 9
Exonération de cotisations sociales salariales sur les heures supplémentaires (M. Boris Vallaud) 11
La réforme de la sécurité sociale des travailleurs indépendants (M. Gilles Lurton, co-président, et M. Stéphane Viry) 21
Nouveaux modes de financement de l’hôpital (M. Julien Borowczyk, M. Marc Delatte et Mme Audrey Dufeu Schubert) 33
La mise en place du « 100 % Santé » (M. Cyrille Isaac-Sibille)................. 43
Le financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Mme Agnès Firmin Le Bodo et Mme Annie Vidal, co‑présidente) 53
— 1 —
avant-propos du rapporteur général
de la commission des affaires sociales
Soucieuse de renforcer sa mission de contrôle et d’évaluation, la commission des affaires sociales a inauguré en 2019 à l’initiative de son rapporteur général d’alors, Olivier Véran, un nouveau « rendez-vous » dédié à la mise en œuvre des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), le « Printemps social de l’évaluation ». Le principe est simple : organiser annuellement une discussion à la fois dense et approfondie sur les dispositions les plus emblématiques votées par le Parlement dans le cadre des LFSS, en présence des directeurs d’administrations centrales et des branches de la sécurité sociale chargées de l’application de ces dispositions.
Ce premier exercice fut globalement un succès, salué comme tel par le Bureau de la commission : il a permis de nourrir des échanges riches et exigeants, à titre d’exemple, sur les compensations des réductions ou exonérations de cotisations ou contributions sociales, sur les mesures prises en faveur du pouvoir d’achat ou encore sur la mise en œuvre de l’article 51 de la LFSS pour 2018 créant un cadre pour des expérimentations organisationnelles dans le système de soins. Il avait également fait naître un besoin de meilleure association de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) ainsi qu’un travail plus approfondi en amont. Enfin, le Règlement de l’Assemblée nationale avait été modifié pour que le Printemps social de l’évaluation puisse faire l’objet, au même titre que son équivalent à la commission des Finances, d’un débat en séance publique en présence du Gouvernement.
L’exercice « 2020 » a été consolidé et, dans le même temps, fortement marqué par le contexte de la crise sanitaire.
La consolidation est venue des excellentes initiatives de la MECSS qui a assuré avec ses rapporteurs un suivi plus approfondi de certains articles, sans préjudice de questions plus générales posées à l’occasion des échanges avec les administrations présentes. Le rapporteur général souhaite d’ailleurs les remercier d’avoir été présentes, tout en constatant que l’évolution du format vers des échanges plus complets et plus précis sur des sujets donnés n’avait peut-être pas été complètement intégrée dans les réponses apportées.
La crise sanitaire, particulièrement critique de mars à mai, a néanmoins immanquablement bouleversé le calendrier qui se voulait moins serré et moins tardif. Elle a ainsi rendu difficile le plein déploiement de l’exercice, notamment au regard du souhait qu’il débouche sur un moment plus solennel dans l’hémicycle, en présence du Gouvernement. L’absence de ces échanges plus politiques et plus prospectifs peut d’ailleurs expliquer que la séquence n’ait pas encore apporté toutes les réponses attendues par les commissaires.
En espérant que le premier semestre 2021 permettra de mettre en place tout ce que le premier semestre 2020 a empêché, le rapporteur général estime que le Printemps social de l’évaluation s’appuie d’ores et déjà sur de solides acquis : un moment, permettant de faire le point en amont des débats de l’automne et, le cas échéant, d’en tirer les conséquences à cette occasion ; une méthode, reposant à la fois sur la vision globale du rapporteur général, sur le travail méticuleux de la MECSS sur quelques articles prédéfinis et sur la vigilance de l’ensemble des membres de la commission ; un cadre clair, celui des lois de financement de la sécurité sociale, dont l’examen justifie la singularité des compétences de la commission des affaires sociales, à la fois commission financière et commission spécialisée sur des politiques de fond qui engagent fortement notre pays en matière de solidarité, de justice ou d’efficacité économique.
Thomas MESNIER
avant-propos des co-présidents de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement
de la sécurité sociale
L’organisation en juin 2019 du nouvel exercice du Printemps social de l’évaluation, qui visait à examiner les principales dispositions des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) et à obtenir les éclairages des administrations centrales et des organismes de protection sociale sur leur mise en œuvre, a mis en évidence que certains thèmes pouvaient être opportunément abordés et examinés en amont par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), dans la perspective de l’exercice du Printemps en 2020.
Ce nouveau rendez-vous constitue en effet l’occasion pour la MECSS de recentrer ses travaux sur son cœur de mission : le contrôle et l’évaluation des lois de financement de la sécurité sociale. L’évaluation constitue une mission essentielle du Parlement, alors qu’aux termes de l’article 24 de la Constitution, celui-ci « vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». L’exercice de cette mission doit lui permettre d’identifier les difficultés éventuelles dans la mise en œuvre des dispositions qu’il vote, de mesurer précisément leur efficacité, leurs incidences et leurs effets de bord, qui ne sont pas toujours anticipés ou bien appréciés dès l’origine, et le cas échant, de formuler des propositions d’amélioration et d’amender les dispositifs adoptés.
Dès l’automne dernier, en étroite concertation avec le rapporteur général, la MECSS a engagé un travail de préparation de ce Printemps, en identifiant plusieurs thèmes pouvant faire l’objet de travaux : cinq articles des dernières lois de financement de la sécurité sociale ont ainsi été retenus, pour faire l’objet de travaux par plusieurs rapporteurs membres de la MECSS. Si la crise sanitaire majeure que nous traversons a bien évidemment bouleversé l’organisation de ces travaux et le calendrier du Printemps, décalé en été, il a été décidé de maintenir ce rendez-vous, tout en prenant en compte les enjeux soulevés par la crise dans les travaux conduits. Les rapporteurs ont ainsi procédé à des auditions de différents acteurs et parties prenantes concernés par les articles choisis, puis ont présenté lors du Printemps leurs premières conclusions et ont interrogé les administrations et organismes présents sur les enjeux et difficultés qu’ils ont identifiés lors de leurs travaux.
Les évaluations conduites par les rapporteurs de la MECSS s’inscrivent dans les trois thématiques autour desquelles s’est articulé le Printemps social de l’évaluation. S’agissant du financement de la sécurité sociale, deux articles de LFSS ont donné lieu à des travaux, l’un prévoyant l’exonération des heures supplémentaires de cotisations sociales salariales (article 7 de la LFSS pour 2019), confié à M. Boris Vallaud, l’autre relatif à l’adossement du régime social des indépendants (RSI) au régime général (article 15 de la LFSS pour 2018, complété par l’article 76 de la LFSS pour 2019), pris en charge par MM. Gilles Lurton et Stéphane Viry. Il s’agit de deux réformes majeures : l’une tendait à donner du pouvoir d’achat aux salariés du secteur privé comme du secteur public à compter du 1er janvier 2019, tandis que l’autre visait à résoudre les difficultés récurrentes rencontrées par le RSI, en l’adossant au régime général par étapes, entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2020.
Sur la thématique de l’offre de soins, Mme Audrey Dufeu Schubert, M. Julien Borowczyk et M. Marc Delatte ont mené des travaux sur la transformation du financement de notre système de santé, telle que proposée par les articles 37 et 38 de la LFSS pour 2019 : le premier article étend le dispositif de paiement à la qualité des établissements de santé tandis que le second prévoit un financement forfaitaire pour les pathologies chroniques. M. Cyrille Isaac-Sibille a quant à lui évalué la mise en œuvre du « reste à charge 0 » prévu par l’article 51 de la LFSS pour 2019, pour les soins dentaires, les aides auditives et l’optique. Dans ces trois domaines, le reste à charge après l’intervention des complémentaires santé reste particulièrement important, ce qui peut conduire les assurés à renoncer aux soins pour des raisons financières. La bonne mise en œuvre de ce dispositif constitue donc un important enjeu de santé publique.
Enfin, s’agissant des enjeux liés à l’autonomie, Mme Annie Vidal et Mme Agnès Firmin Le Bodo ont évalué les effets du financement exceptionnel de 50 millions d’euros apporté par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux services d’aide et d’accompagnement à domicile, en application de l’article 26 de la LFSS pour 2019, alors que la réforme du secteur de l’aide à domicile est un sujet de premier plan, notamment du fait de la situation financière dégradée de nombre de ses acteurs.
L’ensemble de ces travaux d’évaluation sont réunis dans le présent rapport d’information et ont vocation à alimenter les débats de la commission des affaires sociales lors de l’examen du prochain PLFSS, cet automne, en fournissant des éléments concrets et précis à la lumière desquels apprécier les mesures proposées par ce texte.
Annie VIDAL et Gilles LURTON
ÉVALUATIONS
DES RAPPORTEURS
— 1 —
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale
— 1 —
Notre Assemblée a adopté, au sein de la LFSS pour 2019, un dispositif d’exonération de cotisations sociales salariales sur la rémunération des heures supplémentaires. Dans la perspective de mesurer les résultats de cette désocialisation, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a confié à M. Boris Vallaud (rapporteur, Socialistes et apparentés), l’évaluation de l’article 7 de la LFSS pour 2019, portant cette exonération pour les travailleurs des secteurs privé et public.
En amont de l’audition des administrations centrales lors du Printemps de l’évaluation, le rapporteur a sollicité des organismes publics statistiques (l’INSEE, la DARES) et l’ACOSS pour établir le recours effectif aux heures supplémentaires, ainsi que le coût de cette exonération. En outre, le rapporteur a entendu les organisations patronales et syndicales, tant dans le secteur privé que dans la fonction publique, ainsi que des économistes membres d’organes indépendants tels que l’Office français de conjoncture économique (OFCE). |
LE DISPOSITIF ADOPTÉ
L’article 7 de la LFSS pour 2019 prévoyait une exonération de cotisations sociales salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires, initialement à partir du 1er septembre 2019. Cette exonération concerne autant les salariés du régime général que ceux qui relèvent du régime agricole, ainsi que les agents de la fonction publique, qu’ils soient à temps complet ou à temps partiel. Ce champ très large des personnes concernées était équilibré par un ciblage de l’exonération sur les seules cotisations de financement de la branche assurance-vieillesse, dans la limite d’un taux de 11,31 %. En ce qui concerne les agents statutaires de fonction publique, l’exonération porte sur la cotisation au régime additionnel de la fonction publique (RAFP), au taux de 5 % de la rémunération, ensuite imputée sur la cotisation du régime d’assurance vieillesse de base.
Le dispositif s’applique à des heures supplémentaires dont la définition est désormais inscrite à l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale. La majoration de rémunération qui y correspond s’inscrit donc dans la limite des taux prévus par la convention ou l’accord collectif, de branche ou d’entreprise. À défaut, les taux légaux de majoration légalement applicables dans le secteur privé dont de 25 % pour les huit premières heures supplémentaires travaillées et de 50 % au-delà. Pour ce qui est des heures complémentaires, qui sont effectuées par les salariés employés à temps partiel, cette majoration est ramenée à 10 % dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et à 25 % au-delà.
S’agissant de la fonction publique, il faut noter que les contractuels qui cotisent, pour ce qui est de leur retraite complémentaire, auprès de l’IRCANTEC peuvent bénéficier d’une exonération de cotisations sociales qui peut s’élever jusqu’à 10,1 %.
La contestation sociale auquel le Gouvernement a été confronté l’a amené à anticiper l’application de cette exonération au 1er janvier 2019, dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales ([1]), pour un coût supplémentaire d’1,3 milliard d’euros. Contrairement au dispositif initial, les rémunérations au titre des heures supplémentaires ont également été exonérées d’impôt sur le revenu.
Un décret a précisé, dès le 24 janvier 2019, les modalités d’application de l’exonération et son caractère rétroactif, au 1er janvier de la même année ([2]). Il a étendu son dispositif aux salariés du régime général, du régime agricole et des régimes spéciaux et précisé que l’application de l’ensemble des exonérations de cotisations sociales et de taux réduits ne pouvait conduire à une réduction supérieure au montant des cotisations effectivement dues, soit, dans le cas général, un taux de 11,31 %.
Il a été ensuite complété par un décret pris le 25 février 2019 d’extension du dispositif aux agents publics titulaires et non titulaires des trois versants de la fonction publique ([3]). Ce décret a notamment visé à préciser les éléments de la rémunération des agents publics qui sont éligibles à l’exonération, ainsi que les modalités de calcul du montant de la réduction. Ce dernier est le produit des cotisations versées dans le cadre du RAFP ou des régimes de retraite spéciaux, dans la limite des cotisations effectivement dues. Pour rappel, ce décret a également prévu les modalités de déclaration et donc de contrôle de la bonne recension des heures supplémentaires effectuées, par le biais de :
- la mise en œuvre par l’autorité hiérarchique de moyens de contrôle permettant de comptabiliser de façon exacte les heures supplémentaires ou le temps de travail additionnel effectivement accomplis ;
- l’établissement, par l’employeur, d’un document indiquant, pour chaque agent civil, le nombre d’heures ou le temps de travail supplémentaire effectivement accomplis, ainsi que la rémunération afférente.
La rapidité de publication de ces décrets n’a toutefois pas empêché une application rétroactive des dispositions réglementaires, en raison de l’inscription précipitée dans la loi du début du dispositif au 1er janvier.
Contrairement au principe inscrit à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale de compensation par l’État des allégements et exonérations, issu de la loi dite « Veil » de 1994, le dispositif, qui était initialement estimé à deux milliards d’euros en année pleine, est intégralement porté par les finances sociales.
Le rapporteur remarque à cet égard que le dispositif précédent comparable, issu de la loi dite « TEPA » ([4]), n’avait entraîné aucune exception dans le principe de la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations. Ce mécanisme laisse donc penser, dans un premier temps, au salarié, qu’il bénéficie d’un gain de pouvoir d’achat. C’est pourtant ce même salarié qui, en tant qu’affilié à la sécurité sociale, voit les ressources de cette dernière diminuer, et nécessairement, dans le même mouvement, ses droits sociaux.
Le coût de cette exonération s’élève finalement à 1,8 milliard d’euros en 2019, pour le total de 995 millions d’heures supplémentaires effectuées. Selon les réponses données par le Gouvernement au rapporteur, 12,7 millions de salariés ont effectué des heures supplémentaires ou complémentaires, ce qui représente 37 % des effectifs du secteur privé.
L’IMPACT DE L’EXONÉRATION : UN EFFET COMPORTEMENTAL QUASI-NUL ; UN GAIN DE POUVOIR D’ACHAT LARGEMENT INFÉRIEUR AUX PRÉVISIONS
S’agissant de la question du pouvoir d’achat, le rapporteur souhaite rappeler, à titre liminaire, que le gain permis par l’exonération de cotisations salariale est en tous les cas illusoire, à deux titres :
- en premier lieu, l’exonération revient à baisser le salaire brut, et finalement le salaire réel, versé en échange de la réalisation des heures supplémentaires ;
- ensuite, ce « gain » immédiat s’impute, comme il a été vu, sur les ressources de la sécurité sociale, et augmente donc les ressources du salarié en baissant les droits de l’assuré, créant une illusion de gain monétaire quand il s’agit en réalité, dans le meilleur des cas, d’un jeu à somme nulle.
En définitive, l’on pourrait dire que les salariés se paient d’une certaine manière eux-mêmes leurs gains de pouvoir d’achat.
Le dispositif a par ailleurs entraîné une augmentation immédiate de pouvoir d’achat bien moindre qu’anticipé, au stade de l’étude d’impact. Alors qu’il était annoncé que cette exonération devait entraîner un gain moyen de 199 euros par an par salarié du secteur privé non agricole, celui-ci n’a été que de 138 euros, soit 70 % de la cible initiale.
Ce gain moindre de pouvoir d’achat s’explique notamment par un moindre recours que ce qui était anticipé aux heures supplémentaires elles-mêmes. Alors que la rémunération moyenne d’une heure supplémentaire est proche de ce qui avait été anticipé, les salariés ayant effectué des heures supplémentaires en ont effectué 78 en moyenne sur l’année, contre une prévision de 109 heures.
Cet écart s’est également produit dans les secteurs dont le recours aux heures supplémentaires est traditionnellement plus important. Ainsi, le gain moyen, qui avait été estimé à 250 euros par an dans le secteur de la construction ou celui des entreprises de l’information et de la communication, n’a été en réalité que de 220 euros, sur la base d’une moyenne de 121 heures supplémentaires effectuées par an. Les secteurs des industries du meuble ou des activités juridiques ont connu un écart comparable avec les prévisions initiales.
Cet écart s’est reproduit aux différents niveaux de rémunération sur lesquelles portaient les hypothèses de base, selon le tableau suivant :
Écart entre les prévisions et l’exécution de l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires pour des rémunérations de 1 et de 1,8 SMIC
Niveau de rémunération |
Gains prévus lors de l’examen du PLFSS pour 2019 |
Gains réalisés au cours de l’année 2019 |
Base de calcul du nombre d’heures supplémentaires effectuées |
1 SMIC |
155 |
111 |
78 |
1,8 SMIC |
279 |
200 |
78 |
Source : réponses au questionnaire du rapporteur
Le recours aux heures supplémentaires lui-même varie grandement en fonction de la taille des entreprises. Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, issu de données agrégées sur l’année 2019, la part des salariés effectuant des heures supplémentaires est la plus grande dans les PME comprenant entre 10 et 49 salariés (taux moyen de 45 % des salariés effectuant des heures supplémentaires). À l’inverse, si les salariés des entreprises de plus de 2 000 collaborateurs recourent, pour près de 40 % d’entre eux, aux heures supplémentaires, le gain moyen par salarié au sein de ces entreprises est le plus faible de toutes les tranches de taille d’entreprise (67 euros par salarié), amoindrissant encore pour les plus grandes entreprises le gain de pouvoir d’achat que pourraient espérer les salariés.
Répartition du nombre d’heures supplémentaires en fonction de la taille de l’entreprise
Tranche de taille d’entreprise |
Nombre de salariés bénéficiaires (en milliers) |
Nombre d’heures supplémentaires (en milliers) |
Nombre d’heures supplémentaires moyen par salarié |
Taux horaire moyen (en euros) |
Gain moyen par salarié (en euros) |
Part des salariés effectuant des heures supplémentaires |
0 à 9 |
2 108 |
211 012 |
100,1 |
15,6 |
177 |
31,9% |
10 à 19 |
1 334 |
153 426 |
115,0 |
16,5 |
214 |
45,5% |
20 à 49 |
1 827 |
193 116 |
105,7 |
16,9 |
202 |
44,7% |
50 à 99 |
1 217 |
97 895 |
80,5 |
14,9 |
136 |
40,8% |
100 à 249 |
1 422 |
100 442 |
70,6 |
15,5 |
124 |
36,3% |
250 à 499 |
862 |
57 668 |
66,9 |
14,5 |
109 |
34,7% |
500 à 1999 |
1 200 |
68 337 |
57,0 |
14,8 |
96 |
30,8% |
2 000 et plus |
2 755 |
112 881 |
41,0 |
14,4 |
67 |
38,6 % |
Total |
12 725 |
994 776 |
78,2 |
15,7 |
138 |
37,4 % |
Source : ACOSS- champ du régime général
Le recours supplémentaire aux heures supplémentaires contribue enfin à l’augmentation des inégalités de rémunération entre les hommes et les femmes. Dans le champ du régime général, les hommes représentent 62 % des salariés effectuant des heures supplémentaires, alors qu’ils ne représentent que 55 % des effectifs globaux. De plus, ils effectuent un bien plus grand nombre d’heures supplémentaires ou complémentaires : 91 heures en moyenne par salarié et par an pour les hommes, contre 58 pour les femmes. La rémunération moyenne de ces heures est également légèrement plus élevée. En conséquence, le gain moyen de pouvoir d’achat est plus important en moyenne pour un homme que pour une femme.
Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, 12,7 millions de salariés ont effectué des heures supplémentaires ou complémentaires, ce qui représente 37 % des effectifs du secteur privé. S’agissant du secteur privé agricole, 32 millions d’heures supplémentaires et complémentaires ont été effectuées en 2019 par 306 000 salariés, ou 18 % des effectifs du secteur privé agricole. Le coût pour ce secteur est de 34,2 millions d’euros.
Les données fournies par la DARES laissent apparaître une légère augmentation en 2019 du recours moyen aux heures supplémentaires, concernant les salariés à temps plein travaillant dans des entreprises de plus de 10 salariés, de 40,3 heures par salarié et par an en 2018 à 42,8 heures. Cette très légère augmentation ne laisse pas d’interroger le rapporteur, dès lors que :
- le dispositif mis en place en 2007 dans le cadre de la loi dite « TEPA », qui portait certes sur un champ plus large, avait entraîné une augmentation de 29,3 heures par salarié et par an en 2007 à 38,6 heures par salarié et par an ;
- le graphique ci-dessous montre que l’effet comportemental de recours aux heures supplémentaires pourrait être de l’ordre du conjoncturel. En effet, la comparaison entre le dernier trimestre de l’année 2019 et le dernier trimestre de l’année 2018 montre même une baisse de 0,7 %.
Nombre moyen d’heures supplémentaires trimestrielles déclarées par salarié à temps complet
Champ : France (hors Mayotte), salariés des établissements d’entreprises de 10 salariés ou plus (y compris syndicats de copropriété et associations de type loi 1901 de l’action sociale)".
Source : Dares, enquête trimestrielle Acemo.
Les données concernant l’évolution des conventions collectives depuis l’application de l’exonération demeurent relativement floues à ce stade. Le rapporteur a toutefois pu analyser le secteur de l’artisanat et des entreprises de proximité, dans lequel la plupart des conventions collectives reprennent simplement les taux de majoration de rémunération inscrits dans la loi.
Le rapporteur ne peut donc que constater que ce dispositif semble, a minima, dépourvu de pertinence dans le secteur privé, et le sera moins encore avec la dégradation très forte de la conjoncture économique en 2020 résultant de la crise de la Covid 19 (voir supra)
UN DISPOSITIF INADAPTÉ AUX ENJEUX DE LA VALORISATION DES AGENTS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET À LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE FRANÇAISE
L’extension du dispositif à l’ensemble des agents publics a entraîné, en 2019, un recours aux heures supplémentaires de 32 % des agents rémunérés au cours de l’année. Il atteint 38 % dans la fonction publique d’État et 35 % dans la fonction publique hospitalière.
Le rapporteur se fait toutefois l’écho des fortes inquiétudes des agents de la fonction publique sur les modalités de comptabilisation de ces heures supplémentaires. Il a en effet été alerté sur l’absence récurrente de leur prise en compte, et donc de la majoration salariale afférente, dans des secteurs particulièrement sollicités comme ceux de la santé, de la police et de l’enseignement. Cette situation a déjà été signalée par M. Philippe Laurent, dans son rapport sur le temps de travail dans la fonction publique, qui signalait que « l’absence de maîtrise des heures supplémentaires se traduit à l’hôpital et dans la police nationale par un stock important d’heures supplémentaires ni payées ni récupérées » ([5]). L’auteur du rapport estimait ainsi que les heures supplémentaires générées dans la police par les prolongations de services ou les retours sur repos ou les nécessités de service dans les hôpitaux, constituaient un enjeu majeur dont les administrations ne s’étaient pas pleinement saisies pour assurer leur bonne prise en compte et leur rémunération adéquate.
Il s’agit donc de s’assurer, dans l’état actuel de la législation, que chaque agent public qui effectue une heure supplémentaire puisse être indemnisé en conséquence. Il serait particulièrement inquiétant que l’État tout comme l’ensemble des organisations publiques, ne soient pas exemplaires dans la prise en compte des heures supplémentaires.
Ce recours aux heures supplémentaires est soumis à un certain nombre d’inégalités, la première d’entre elles étant entre les hommes et les femmes. Les données fournies au rapporteur pour l’année 2019 concernant les agents de l’État rémunérés par la DGFiP (Direction générale des finances publiques) dont apparaître un recours de 37 % pour les hommes contre 29 % pour les femmes. Ces données chiffrées confirment les déclarations des organisations syndicales de la fonction publique, qui avaient attiré l’attention du rapporteur sur :
- la plus grande difficulté pour les femmes de concilier le recours aux heures supplémentaires avec leur vie personnelle, entraînant nécessairement un moindre recours au dispositif d’exonération ;
- une diminution par ce biais de la part statutaire de la rémunération au profit de la part indemnitaire, qui entraîne nécessairement une plus grande inégalité entre les agents de la fonction publique.
Ces inégalités se retrouvent également en matière d’âge, puisque le recours aux heures supplémentaires augmente avec le niveau d’ancienneté. Ainsi, 18 % des moins de 30 ans en ont bénéficié contre 38 % des 45-54 ans. Ce niveau baisse ensuite pour les agents qui ont plus de 55 ans.
L’exonération de cotisations sociales salariales dans la fonction publique vient compenser, par un gain apparent de pouvoir d’achat, une politique de « gel » du point d’indice, sur lequel sont indexées les rémunérations des fonctionnaires. Ce « gel » comprime ce qui pourrait s’apparenter à une véritable augmentation des rémunérations, qui ne se fasse pas aux dépens des ressources de la sécurité sociale, pour plus de cinq millions de fonctionnaires et d’agents participant du service public depuis le 1er juillet 2010, à l’exception des années 2016 et 2017.
Le rapporteur s’inquiète également de ce que le recours aux heures supplémentaires dans la fonction publique puisse, ainsi que le lui ont signalé les organisations syndicales rencontrées, empêcher le recrutement de fonctionnaires dans des corps pourtant lourdement sollicités et subissant une situation notoire de sous-effectif. Il semble ainsi que les heures supplémentaires effectuées chaque année au sein de la fonction publique hospitalière équivalent à 50 000 ETP (équivalent temps plein). De la même manière, alors même que, dans ce domaine, la deuxième heure supplémentaire est moins bien rémunérée que la première, le volume d’heures supplémentaires effectuées au sein de l’Education nationale correspond au volume de suppression des postes. On a donc remplacé des postes d’enseignants par des heures supplémentaires. Ainsi que l’a précisé notamment la CGT, le niveau global d’heures supplémentaires effectué dans certains secteurs correspond à des besoins de création de postes permanents. La durée annuelle effective de travail serait ainsi de :
- 1 990 heures par an dans le secteur de la justice ;
- 1 825 heures par an dans le domaine des services à la personne ;
- 1 808 heures par an dans le domaine de la sécurité et de la défense.
Ces durées de travail annuelles sont bien supérieures à la limite légale du temps de travail 1 607 heures et signalent donc des besoins pressants de recrutement dans ces corps.
Au total, l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires dans la fonction publique, en plus des problématiques de diminution des ressources de la sécurité sociale qu’elle contribue à aggraver, semble particulièrement malvenue en comparaison d’une politique résolue en faveur du gain de pouvoir d’achat dans tous les pans de la fonction publique.
Le rapporteur s’est également attaché à recueillir le point de vue d’économistes et de chercheurs sur cette mesure d’exonération, afin d’en apprécier la validité économique. Il est apparu que ce dispositif aurait pu produire un effet sur l’année 2019, qui se caractérisait en particulier par une tension de recrutement dans certains secteurs, potentiellement favorable à un plus grand recours aux heures supplémentaires. L’absence de recours supplémentaire dans le secteur privé laisse toutefois entendre que ce dispositif, même dans ces conditions, n’a pas rencontré son public.
À l’inverse, en période de forte augmentation du taux de chômage, comme la France en connaît depuis le début de la crise épidémique de la Covid, l’intérêt de cette exonération disparaît complètement. Ainsi que l’ont prouvé Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, en analysant le dispositif mis en place en 2008 dans une période récessive pourtant moins forte que celle que traverse actuellement notre pays, aucune différence notable n’a été constatée pour la plupart des salariés. Ils notaient au contraire que la « défiscalisation des heures supplémentaires s’est essentiellement traduite par une optimisation fiscale, sans réel impact sur la durée du travail. ([6])»
Le maintien de ce dispositif semble donc parfaitement incompatible avec les enjeux liés à l’emploi des prochaines années. Le Gouvernement a mis en place, après le dispositif de prise en charge de l’activité partielle, dont le coût peut être estimé à plus de 35 milliards d’euros en prenant en compte la baisse de recettes de la sécurité sociale, un dispositif d’activité partielle de longue durée pour les entreprises qui demeurent confrontées à de graves difficultés économiques. Il serait a minima paradoxal, voire incohérent, de faire subventionner par la puissance publique, à hauteur d’1,8 milliard d’euros d’un côté et d’un montant au moins équivalent de l’autre, des dispositifs incitant à la fois à une réduction négociée du temps de travail et, dans le même temps, à une augmentation unilatérale du même temps de travail.
L’INEFFICACITÉ DU DISPOSITIF COMME SON COÛT PLAIDENT POUR SA SUPPRESSION
Le rapporteur estime, en conclusion de son étude sur l’application du dispositif d’exonération de cotisations sociales salariales voté au sein de la LFSS pour 2019, que ce dispositif s’est révélé inefficace, voire néfaste, pour un ensemble de raisons qui tiennent à :
- l’inefficacité du dispositif dans le secteur privé ;
- son coût pour les finances sociales ;
- l’illusion de gain de pouvoir d’achat qu’il entretient ;
- sa contribution à l’augmentation des inégalités et de la précarité au sein de la fonction publique ;
- son caractère néfaste en période de récession économique sur la création d’emplois.
Il conviendra en cohérence, à l’occasion de l’examen du PLFSS pour 2021, de supprimer cette exonération. Il faudra en effet lui préférer une véritable politique de gain de pouvoir d’achat pour les salariés et les agents de la fonction publique, reposant notamment sur une meilleure répartition des salaires au sein des entreprises pour les premiers et une augmentation de la rémunération statutaire comme des recrutements pour les seconds.
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale
Deux ans et demi après l’adoption d’un article « fleuve » réformant la protection sociale des travailleurs indépendants, la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a confié le soin à M. Gilles Lurton (co-président de la MECSS et rapporteur, Les Républicains) et à M. Stéphane Viry (rapporteur, Les Républicains) de faire le point sur la mise en œuvre de cette réforme aussi vaste que risquée, consistant notamment à ce que le premier régime de sécurité sociale, le régime général (28 millions de cotisants en 2017), « absorbe » le deuxième, celui des artisans-commerçants affiliés au régime social des indépendants (RSI) (2,8 millions de cotisants et 6,6 millions de ressortissants en 2017).
Dans le souci d’une approche globale des enjeux liés au rapprochement des régimes de sécurité sociale des travailleurs indépendants et des salariés, la MECSS a entendu évaluer non seulement l’article 15 de la LFSS pour 2018 relatif à la fin du RSI et à l’adossement du régime des artisans-commerçants au régime général mais aussi l’article 76 de la LFSS pour 2019 qui a organisé la convergence des règles en matière d’indemnités journalières maladie-maternité.
Une série d’auditions a été menée préalablement à celle des administrations centrales lors du Printemps de l’évaluation. Elle a permis de rencontrer notamment les organisations patronales les plus représentatives, les syndicats représentant les salariés de l’ex-RSI, la présidente du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI), le président du Haut conseil au financement de la protection sociale (HCFiPS) dont les travaux sont tournés depuis plusieurs mois vers la question des travailleurs indépendants ainsi que plusieurs directeurs de caisses locales de sécurité sociale, au cœur de la mise en œuvre de la réforme. |
— 1 — |
LES DISPOSITIFS ADOPTÉS
L’article 15 de la LFSS pour 2018 portait en réalité une triple réforme : une réforme de l’organisation de la sécurité sociale, une réforme de son périmètre et une expérimentation d’un nouveau mode de déclaration et de paiement des cotisations. S’y est ajoutée dans la foulée l’esquisse d’une réforme des droits, placée sous le sceau de la convergence, avec l’article 76 de la LFSS pour 2019.
1/ Une réforme de l’organisation de la sécurité sociale des travailleurs indépendants : l’adossement au régime général
L’aspect le plus important de la réforme consistait à supprimer le RSI, au profit d’un adossement au sein du régime général pour les trois risques qui étaient couverts auparavant par l’interlocuteur social unique (ISU).
Les affiliés étaient transférés au régime général selon un calendrier échelonné, reproduit ci-dessous.
L’adossement ne s’est pas traduit seulement par une intégration, mais aussi par la création d’une gouvernance spécifique, incarnée par le CPSTI, chargé de veiller à la préservation des spécificités des règles « de fond » applicables aux travailleurs indépendants, et qui n’étaient pas modifiées en tant que telles par la réforme. Le Conseil est notamment chargé de déterminer les orientations générales relatives à l’action sanitaire et sociale de manière autonome par rapport à celle conduite par les caisses du régime général, et de gérer les régimes complémentaires de retraite, le régime invalidité-décès des travailleurs indépendants ainsi que les réserves de ces régimes.
Calendrier de mise en œuvre de la réforme
Source : dossier de presse du Gouvernement, 6 janvier 2020
2/ Une réforme du périmètre de la protection sociale des travailleurs non-salariés
L’adossement a été accompagné d’une mesure moins visible de périmètre puisque la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) a vu son champ d’affiliation réduit à un « cœur » d’une vingtaine de professions libérales, alors qu’elle accueillait jusqu’ici l’ensemble des professionnels libéraux, y compris en statut de micro-entrepreneur, qui ne relevaient pas d’autres caisses.
Là encore, cette évolution avait été échelonnée sur deux ans puisqu’au 1er janvier 2018 étaient transférés les nouveaux micro-entrepreneurs et au 1er janvier 2019 les autres professionnels libéraux, sous réserve de l’exercice de leur droit d’option ouvert pendant une durée de 5 ans, soit jusqu’au 1er janvier 2023.
3/ L’esquisse d’une réforme du paiement des cotisations : l’expérimentation de l’auto-modulation des prélèvements
Le XVII de l’article 15 avait également prévu l’expérimentation d’un dispositif permettant de proposer aux travailleurs indépendants d’acquitter leurs cotisations et contributions sociales sur une base mensuelle ou trimestrielle à partir des informations qu’ils communiquaient sur leur activité et leurs revenus sur la même période. Initialement prévue jusqu’au 30 juin 2019, l’expérimentation a été reconduite par l’article 22 de la LFSS pour 2019, puis par l’article 19 de la LFSS pour 2020, jusqu’au 31 décembre 2020.
4/ L’esquisse d’une réforme de la convergence des droits : le rapprochement des indemnités journalières maladie-maternité
L’article 76 de la LFSS pour 2019 a permis de faire converger certaines règles applicables aux travailleurs indépendants vers les règles applicables aux salariés en matière de prestations en espèces. Le dispositif recouvre en réalité deux mesures distinctes.
Cet article simplifie les conditions d’ouverture du droit aux indemnités journalières maladie et maternité pour les travailleurs indépendants en supprimant la condition d’être à jour des cotisations annuelles pour bénéficier du versement des indemnités journalières maladie et maternité, pour les arrêts de travail débutant après le 1er janvier 2019.
Jusqu’alors, l’article L. 622-3 du code de la sécurité sociale prévoyait une condition propre aux travailleurs indépendants pour bénéficier de ces indemnités journalières, selon laquelle l’assuré doit « être à jour de ses cotisations annuelles » à la date du constat médical de l’incapacité de travail. Lorsque des majorations de retard de versement des cotisations restaient dues, le bénéfice des indemnités journalières était suspendu dans l’attente du paiement des sommes par l’assuré, le privant ainsi de ses droits.
Désormais, comme pour les salariés, seules deux conditions s’appliquent aux indépendants pour pouvoir bénéficier du règlement des indemnités journalières au titre de l’assurance maladie et maternité :
– l’affiliation au régime d’assurance maladie-maternité depuis une durée minimale ;
– le paiement d’un montant minimal de cotisations.
Pour maintenir l’incitation au versement des cotisations par les indépendants, l’article 76 prévoit toutefois que les indemnités journalières sont calculées sur la base des revenus sur lesquels l’assuré aura effectivement payé ses cotisations. Cette disposition s’appliquera à compter du 1er janvier 2020.
Par ailleurs, aux termes de l’article 76, la pension de vieillesse pour inaptitude au travail se substitue désormais automatiquement à la pension d’invalidité des travailleurs indépendants à l’atteinte de l’âge légal de départ à la retraite, comme pour les travailleurs salariés.
Le décret n° 2019-529 du 27 mai 2019 relatif à l’amélioration de la protection sociale au titre de la maladie et de la maternité des travailleurs indépendants a permis de préciser les conditions de mise en œuvre de cet article mais aussi de prendre des mesures autonomes.
Il a ainsi modifié l’article D. 613-16 du code de la sécurité sociale ([7]), en réaffirmant la condition d’affiliation depuis au moins un an à la date du constat médical de l’incapacité de travail. Il a également défini le revenu pris en compte pour le calcul de cette prestation en modifiant à compter du 1er janvier 2020 l’article D. 613-21 du code de la sécurité sociale ([8]) : lorsque l’ensemble des cotisations dues n’aura pas été acquitté, les indemnités journalières seront rapportées au montant des cotisations effectivement acquittées.
Dans « l’esprit » de la réforme, le décret a également procédé à deux modifications indépendantes de la lettre de l’article 76 :
il a aligné la durée réglementaire d’indemnisation du congé maternité des travailleuses indépendantes sur celles des salariés, soit 112 jours au lieu de 74 jours précédemment pour le premier ou le deuxième enfant ;
il a permis le fractionnement des 30 jours supplémentaires d’indemnisation dont peut bénéficier la travailleuse indépendance en cas d’état pathologique dû à la grossesse ou à l’accouchement attesté par un certificat médical.
LES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR CES MESURES
Plusieurs séries d’engagements ou d’objectifs sous-tendaient ainsi l’ensemble de ces dispositifs :
l’amélioration de la qualité de service était évidemment au cœur de la réforme, après des années de dysfonctionnements au sein du RSI ;
le respect des spécificités des travailleurs indépendants dans cette nouvelle organisation ;
le Gouvernement avait estimé dans son étude d’impact que la réforme se ferait à coût nul ;
il s’est également engagé à ce que le transfert des personnels de l’ex-RSI se fasse dans les meilleures conditions possibles, et notamment sur le plan de la mobilité géographique ;
la convergence des indemnités journalières, adoptée en cours de discussion du PLFSS 2019, visait manifestement plus d’équité entre travailleurs indépendants et salariés.
LES CONSTATS ET INTERROGATIONS DES RAPPORTEURS DE LA MECSS
Un message de satisfaction globale se dégage au sujet de cette réforme, venant à la fois des intéressés mais aussi des organismes locaux de sécurité sociale. Pour les rapporteurs, les clés de ce relatif succès tiennent à deux années très utiles de transition et à une certaine modestie vis-à-vis des changements informatiques, les outils ayant été maintenus et améliorés plutôt que remplacés, contrairement à ce qui s’était produit pour la création du RSI en 2008. La gouvernance, incarnée par le CPSTI, semble également donner pleine satisfaction en tant qu’elle permet de veiller aux spécificités des travailleurs indépendants au sein du régime général et de prendre des initiatives fortes les concernant : ainsi, le CPSTI a mis en place une aide spécifique directe pendant la crise financée sur les réserves de l’ex-RSI, pour un montant total d’un milliard d’euros.
Cette relative réussite a été également étayée par ces chiffres issus du dossier de presse du 6 janvier 2020 et qui ont été repris par le directeur de la sécurité sociale au moment du Printemps de l’évaluation.
Les chiffres cités par le Gouvernement dans son dossier de presse du 6 janvier 2020 Hausse de 14,18 points du taux d’appels téléphoniques « décrochés » par rapport à 2017 (92,5 %) ; Baisse de 17 % des réclamations par rapport à 2017 ; 90 % des demandes de délais de paiement traitées dans les 15 jours mi-2019 ; – 1,7 jour de règlement des indemnités journalières par rapport à 2019 ; – 1,2 jour de traitement des feuilles de soins par rapport à 2019 ; + 6,36 points de pensions versées dans les délais par rapport à 2018 (74 %). 7 indépendants sur 10 considèrent que la réforme du RSI est prioritaire avec des attentes fortes sur la simplification de la gestion au quotidien de leur protection sociale. |
Les rapporteurs souhaitent apporter un nécessaire tempérament de méthode : la réforme n’est véritablement achevée que depuis le 1er janvier 2020, et nécessitera, compte tenu à la fois de ce facteur temporel et de sa nature multidimensionnelle une vigilance maintenue dans les années à venir.
Par ailleurs, ils souhaitent attirer l’attention sur plusieurs points plus précis.
1/ L’amélioration du service aux assurés : un objectif globalement atteint, qui doit inciter à revoir à la hausse les ambitions initiales
Premier paradoxe de la réforme, celle-ci a remplacé de fait un interlocuteur, le RSI, qui pour être dysfonctionnel n’en était pas moins unique, en multiples guichets, correspondant aux différentes branches/réseaux de la sécurité sociale (URSSAF, CPAM, CARSAT). Si chacun de ces réseaux semble avoir correctement intégré ces nouvelles fonctions, la réforme ne peut être considérée totalement comme un progrès sans qu’un travail complémentaire d’organisation soit conduit autour de l’accès à cette nouvelle organisation.
L’outil de cette offre complémentaire existe et consiste dans les « accueils communs », expérimentés avec succès en Gironde, qui devraient intégrer :
l’ensemble de l’offre « sécurité sociale » (y compris sur le champ « famille ») mais aussi d’autres partenaires (service des impôts, Pôle emploi, chambres consulaires) ;
une offre en accueil physique et en e-services.
Le réseau « URSSAF » qui devait porter la généralisation de ce dispositif (au moins un accueil par région, complété par des accueils intermittents dans chaque département) semble avoir été fortement entravé dans sa démarche par la crise sanitaire et a de fait pris un certain retard. Le directeur de l’ACOSS, auditionné lors du Printemps social de l’évaluation, estime néanmoins qu’il sera possible de déployer ce réseau à relativement brève échéance, une fois la crise passée. La direction de la sécurité sociale a précisé par écrit aux rapporteurs que ce déploiement généralisé pourrait être atteint à la fin octobre 2020. Les rapporteurs prennent acte de ce « rendez-vous » et ne manqueront pas de réinterroger le Gouvernement à cette échéance.
Sur le plan de l’assurance retraite, un régime complémentaire spécifique coexiste encore avec le régime de base commun avec les salariés du secteur privé. Cette coexistence a pour miroir « technique » celle de deux systèmes d’information, celui de l’ex-RSI « Azur » et celui de la CNAV, ce qui complique encore le travail des agents des CARSAT, pas toujours formés à utiliser « Azur », et le bon traitement des dossiers. Plus difficiles à gérer en raison de la nécessaire reconstitution des carrières, les prestations vieillesse semblent donc avoir été les plus difficiles à transférer au nouveau réseau, même si aucune hausse particulière des délais de traitement n’est à constater. Ceci étant, cette complexité par les systèmes d’information est en partie compensée par le fait que nombre des travailleurs indépendants transférés étaient déjà affiliés au régime général en raison d’activités professionnelles salariées antérieures ou parallèles. Interrogée par les rapporteurs, la CNAV estime pouvoir résorber ces difficultés grâce à un logiciel commun, qui ne pourra probablement pas être déployé avant 2023…
S’agissant de la simplification qu’aurait dû introduire l’automodulation expérimentée dans deux régions (Ile-de-France et Occitanie), force est de constater qu’un retard important a été pris. Engagée au 1er janvier 2018, l’expérimentation n’a concerné jusqu’ici que très peu de cotisants, en raison d’un mauvais calibrage initial ([9]). Pour les rapporteurs, il convient de mener cette expérimentation rapidement à son terme, afin d’en exploiter toutes les potentialités. Sollicitée par écrit sur ce point, la direction de la sécurité sociale a précisé aux rapporteurs qu’une extension de l’expérimentation en deux temps serait nécessaire préalablement à sa généralisation : dans un premier temps, il s’agirait d’un élargissement de 86 à 6 000 cotisants à partir de septembre 2020 puis d’une extension à l’ensemble du territoire de l’expérimentation en 2021 avant une possible généralisation au terme de cette nouvelle phase, soit au plus tôt au 1er janvier 2022. Les rapporteurs ne peuvent donc que constater que cette expérimentation prometteuse, votée en LFSS pour 2018, finira, peut-être, par donner pleinement ses fruits en 2022. Si une partie de ce retard est directement imputable au mode de calcul des cotisations des travailleurs indépendants, il est regrettable que ces obstacles et les problèmes de dimensionnement de l’expérimentation n’aient pas été identifiés dès le PLFSS 2018, ce qui aurait permis de gagner au moins un an.
S’agissant d’anomalies identifiées autour d’un double assujettissement à la contribution sociale généralisée (CSG) sur les indemnités journalières, la direction de la sécurité sociale n’a constaté aucun problème, même si elle a indiqué aux rapporteurs que des confusions pouvaient procéder du transfert du prélèvement des URSSAF avant la réforme du RSI aux CPAM après la réforme. Les rapporteurs s’étonnent d’une telle divergence, alors que le constat leur avait été remonté par des organismes de sécurité sociale ou par le HCFiPS.
2/ Les engagements du Gouvernement sur le coût de la réforme et le transfert des personnels : un bilan difficile à confirmer
Sur le plan du coût de la réforme, l’évaluation initiale d’un coût nul de la réforme a été confirmé par la direction de la sécurité sociale, qui confirme avoir « assuré un pilotage resserré de la réforme qui a permis de sécuriser l’intégration tout en rationnalisant et maîtrisant le coût des chantiers relatifs au dé-commissionnement du système d’information de l’ex-RSI et à l’adaptation de celui des caisses nationales ». Les rapporteurs regrettent cependant de ne pas avoir reçu d’éléments plus précis permettant d’étayer ce constat.
Sur le plan du transfert des personnels, des situations très contrastées ont été portées à la connaissance des rapporteurs, malgré d’excellentes initiatives portées dans les organismes locaux rencontrés.
Les engagements du Gouvernement sur la question des personnels : un bilan contrasté L’un des enjeux majeurs de la réforme était le transfert des 5 800 salariés du RSI vers le régime général, auxquels il fallait d’ailleurs ajouter 2 200 salariés issus des organismes assurant le versement des prestations maladie par délégation du RSI, en respectant les engagements précités. Or, deux récits contradictoires cohabitent à ce sujet, chacun ayant d’ailleurs probablement sa part de vérité :
De fait, outre les garanties « habituelles » tenant à la conservation de la rémunération individuelle, le Gouvernement s’était engagé à préserver la qualité et la localisation des emplois telles qu’elles existaient au sein du réseau « RSI ». Pour ce faire, un « accord de transition » devait faciliter le passage d’un réseau à l’autre, en permettant de conserver les droits issus de la convention collective du RSI. À la suite d’un premier échec des négociations, des mesures de cadrage unilatérales ont été prises par le comité exécutif prévu par la loi le 12 septembre 2018 avant que de véritables accords de transition aient été signés et agréés en avril 2019, lesquels ont permis d’aller plus loin dans la protection des salariés que les premières mesures unilatérales. Le contenu comme la mise en œuvre des engagements gouvernementaux par ces éléments de cadrage comme par la mise en œuvre concrète dans les organismes font l’objet de lectures opposées, comme l’illustre parfaitement la question des vœux d’affectation : au terme du processus, environ 90 % des salariés de l’ex-réseau RSI auraient accepté leur 1er choix d’affectation, ce que les administrations considèrent comme un succès. Certains syndicats soulignent toutefois que ce taux d’acceptation doit être lu à l’aune de la crainte d’un second choix moins satisfaisant, ou de propositions faites à quelques jours du transfert. Toujours d’après les syndicats, les motifs de refus du reliquat tenaient d’abord à la nature du poste. Des problèmes de « déqualification » ont également été identifiés, y compris par des syndicats favorables à la réforme, certains cadres du RSI ne pouvant retrouver des positions équivalentes au sein du régime général, l’objet même de la réforme étant la mutualisation. Au total, les rapporteurs estiment que ces ressentis, variables selon les syndicats et contradictoires avec ceux des administrations, s’expliquent assez facilement par le décalage entre les promesses faites et la capacité réelle à les tenir : conscientes de la difficulté de la tâche, les administrations estiment ne pas avoir démérité dans l’organisation de ce transfert périlleux. Rassurés dans un premier temps par des promesses hâtives et peut-être excessives, certains salariés, et leurs représentants, ont été déçus que ce transfert ne se passe pas aussi bien qu’annoncé. Les rapporteurs retiennent néanmoins l’absence de réponse convaincante apportée par les administrations lors du Printemps social de l’évaluation quant à la question du manque de formation et de préparation de l’intégration de ces milliers de salariés. Si le temps de préparation de la réforme a permis sur d’autres points d’optimiser sa mise en œuvre, il semblerait qu’il n’ait pas toujours été exploité de manière optimale pour assurer un accueil efficace de ces salariés transférés. La crise semble avoir également joué un rôle particulièrement prégnant, le télétravail ou la dispense d’activité n’ayant pas facilité cette mission |
Indépendamment de la question des engagements du Gouvernement vis-à-vis des salariés de l’ex-RSI et des organismes conventionnés, les rapporteurs se sont également interrogés sur les conséquences de cette absence de mobilité géographique forcée sur la répartition des effectifs transférés.
La répartition en fonction des branches a été plutôt respectée d’après les données transmises par la direction de la sécurité sociale aux rapporteurs :
En équivalent temps plein |
Branche maladie |
Branche retraite |
Branche |
Plafond d’emploi COG |
1 120 |
1 815 |
2 100 |
État du plafond d’emploi après affectation dans la branche |
1 162 |
1 760 |
2 104 |
Écart par rapport au plafond d’emploi |
+ 42 |
– 55 |
+ 4 |
En revanche, les constats en fonction des territoires sont plus contrastés : ainsi, la CPAM des Vosges a intégré une personne, tandis que la CPAM d’Ille-et-Vilaine en a intégré 50 sans que cela ait de lien avec la proportion d’assurés transférés.
Le directeur de la sécurité sociale comme le directeur de l’ACOSS lors du Printemps de l’évaluation ont reconnu que l’engagement de ne contraindre aucun agent de l’ex-RSI à une mobilité géographique avait pu conduire à une répartition ponctuellement inégale dans les organismes locaux. Ils estiment toutefois que ces écarts sont absorbables grâce à une politique volontariste de recrutement dans les années à venir. Prenant note de ces éléments, les rapporteurs souhaitent toutefois insister sur le caractère non négligeable de ces écarts et sur la nécessité de procéder à un diagnostic plus complet et plus fin de la répartition en ressources humaines, ainsi que des éventuels déséquilibres, issus de la réforme.
3/ La convergence des droits : un chantier à peine esquissé
Enfin, sur le plan de la convergence des droits, les réformes conduites semblent n’avoir qu’effleuré les enjeux, à la fois sur les cotisations pour lesquelles l’équité des assiettes au regard des prélèvements sociaux est loin d’être atteinte et sur la persistance de certaines différences en matière de droits.
Sur le plan des cotisations, un récent sondage demandée par la SSTI montrait que deux tiers des travailleurs indépendants attendaient des réformes profondes concernant leurs cotisations et l’offre de service ([10]).
Or, la réforme de l’assiette sociale, annoncée dans l’article 21 du projet de loi instituant un système universel de retraite pour 2022, n’a pu avancer en raison de la suspension de la réforme. Interrogé sur ce point lors du Printemps social de l’évaluation, le directeur de la sécurité sociale a estimé que celle-ci était difficilement dissociable de la question du taux de 28,12 % de cotisations que la réforme entendait appliquer aux travailleurs non-salariés, comme à l’ensemble des autres assurés. Il s’agit pourtant d’un double enjeu essentiel pour les rapporteurs :
un enjeu de simplification du calcul des cotisations sociales, l’assiette nette actuelle étant marquée par la circularité (il faut connaître les cotisations pour connaître l’assiette, et inversement) ;
un enjeu d’équité puisque les travailleurs indépendants s’acquittent proportionnellement de plus de CSG et de CRDS et de moins de cotisations vieillesse que les salariés, ce qui conduit à un plus faible « retour sur prélèvement » que les salariés.
De manière plus générale, aucun travail complémentaire de la réforme du SSTI n’a été engagé pour faire évoluer la nature de l’assiette soumise à prélèvements sociaux. En effet, l’assiette de cotisations des travailleurs non-salariés en entreprise individuelle est constituée des bénéfices. Or, ces bénéfices ne correspondent pas nécessairement à l’équivalent d’un salaire pour un salarié (par exemple, si le bénéfice est laissé dans les comptes de l’entreprise comme « réserve » pour l’avenir), ce qui conduisait plusieurs organisations à proposer de revoir le contenu de l’assiette des non-salariés, en vue de la rapprocher d’un revenu effectivement touché par le travailleur indépendant. La direction de la sécurité sociale, sollicitée par écrit sur ce point, estime néanmoins qu’« un tel mécanisme permettrait de réduire de manière très avantageuse l’assiette des cotisations et de l’impôt, ce qui réduirait les droits sociaux en contrepartie, notamment les droits à retraite mais également à plus court terme, les droits à indemnités journalières. » et invite les travailleurs indépendants qui souhaiteraient mieux opérer cette distinction entre bénéfices et revenus à « constituer une forme sociale juridiquement distincte de la personne physique, ce qui permet d’imposer séparément les deux entités ». Les rapporteurs estiment que si ces inquiétudes méritent évidemment d’être prises en compte, il est inhérent au statut du travailleur indépendant de choisir non seulement son mode de rémunération, mais aussi son niveau de protection sociale, quitte à en assumer les conséquences par la suite. La présidente du CPSTI, Mme Sophie Duprez, indiquait d’ailleurs aux rapporteurs qu’une éventuelle « éviction » par la distribution de dividendes plutôt que par le versement d’un véritable revenu pour échapper aux prélèvements ne serait pas nécessairement avantageuse pour les travailleurs indépendants concernés et que le recours à ce procédé serait bien moins massif que craint par l’administration. En tout état de cause, les rapporteurs attendent avec impatience les conclusions du rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale, missionné par le Gouvernement, pour faire un point technique plus complet sur ce statut, ainsi que les suites qui pourraient lui être données en LFSS.
Toujours dans l’esprit de faciliter la déclaration des cotisations des travailleurs non-salariés, le faible recours à la procédure du « revenu estimé » créée dès la LFSS pour 2012, pourtant de nature à faciliter considérablement la tâche des travailleurs indépendants, interpelle. De nombreux interlocuteurs auditionnés par les rapporteurs soulignent que les majorations de retard prévues par l’article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale pourraient être à l’origine de ce faible recours. Cet avis n’est pas partagé par la direction de la sécurité sociale qui considère que cette sanction ne saurait être dissuasive dès lors qu’elle n’a jamais été mise en œuvre depuis sa création et qu’elle peut être écartée en excipant que les éléments en possession du cotisant justifiaient son estimation initiale ou en demandant une remise gracieuse à l’URSSAF dans les conditions de droit commun. Si les rapporteurs entendent parfaitement cette argumentation juridique, ils s’interrogent sur son appropriation par les cotisants et leurs tiers déclarants. Aussi, ils estiment nécessaire d’examiner à brève échéance, par exemple d’ici le prochain PLFSS, et sans nécessairement aller jusqu’à sa suppression totale, la piste d’un assouplissement – par exemple, en laissant l’URSSAF apprécier « la mauvaise foi » du cotisant. La réussite de ce dispositif intéressant passera par ailleurs nécessairement par une sensibilisation des intéressés et des tiers déclarants (experts-comptables, …) plus active à l’existence de cette procédure, comme cela a pu être fait dans le cadre exceptionnel de la crise de la COVID-19.
Sur le plan des droits, des distinctions persistent sans être toujours justifiées avec les salariés. Dans le prolongement de leur examen de l’article 76, les rapporteurs se contenteront de prendre la question des indemnités journalières comme exemple. Ainsi, les travailleurs indépendants sont soumis à un seuil de versement des indemnités, correspondant à 10 % du PASS (3 983 euros), en dessous duquel aucune prestation ne leur est versée, qui n’a pas d’équivalent pour les salariés, à qui est appliquée une parfaite proportionnalité. De même, les conditions d’affiliation préalable demeurent très différentes, puisqu’un travailleur indépendant doit avoir cotisé pendant un an pour avoir des indemnités journalières maladie tandis qu’un salarié doit avoir travaillé 150 heures dans les trois mois précédant l’arrêt de travail. Enfin, le plafond de remboursement est légèrement plus bas pour les travailleurs non-salariés (54,43 euros) que pour les travailleurs salariés (59,12 euros). Ces écarts ne se justifient pas par des différences de contributions, puisque les salariés ne s’acquittent plus de cotisations « maladie » depuis la LFSS 2018 et que leurs employeurs en payent très peu grâce aux allègements généraux. A contrario, les travailleurs indépendants versent encore une cotisation spécifique de 0,85 %.
L’impact de la réforme du champ d’affiliation de la CIPAV Technique en apparence et située dans le prolongement d’une mesure qui avait été prise en LFSS pour 2017, la réforme du champ d’affiliation de la CIPAV devait avoir des conséquences importantes sur la caisse puisque 80 % des professions affiliées à cette caisse étaient ainsi transférées au régime général. Interrogée par les rapporteurs sur les impacts de la réforme, la CIPAV a apporté les éclairages suivants aux rapporteurs : Tout d’abord, la caisse regrette une mise en œuvre règlementaire tardive, certains décrets importants étant parus avec retard tandis que d’autres sont toujours en attente (décret fixant les modalités de conversion des droits acquis à la CIPAV en points au régime général en annuité), même si elle n’a de fait pas retardé les transferts prévus. La CIPAV salue la bonne coopération avec l’ACOSS, tant sur les actions de communication qu’impliquaient les transferts auprès des intéressés, que sur les échanges de données ou sur l’exercice du droit d’option. La diminution du nombre d’affiliés à la CIPAV a été moins forte que prévue, notamment grâce :
Une soulte est toujours attendue par la CIPAV au 1er janvier 2022 pour compenser d’éventuels effets négatifs de la réforme sur son équilibre financier. D’après les calculs de la caisse, le coût pourrait varier de 8 milliards d’euros si le droit d’option continuait d’être aussi peu utilisé (pour les professions transférées, il resterait alors beaucoup de futurs pensionnés, sans flux d’entrants en contrepartie, puisque ces nouveaux cotisants sont automatiquement affiliés au régime général) à 300 millions d’euros s’il était utilisé à plein, ce qui ne semble pas l’hypothèse la plus probable. La CIPAV souligne l’inapplication du dispositif de cotisations réduites prévue par l’article 15 de la LFSS pour 2018 qui devait être ouvert aux nouveaux « entrants » ou pour ceux exerçant leur droit d’option en faveur du SSTI. Cette inapplication, due semble-t-il à une politique délibérée de non-communication des URSSAF, semble motivée par le caractère potentiellement préjudiciable en termes de droits de ces cotisations réduites. Il en aurait résulté une hausse de cotisations. Ce portrait de la réforme par la CIPAV oblige les rapporteurs à constater que ce volet, peu exposé, a été à la fois efficacement mis en œuvre, les nouvelles affiliations ayant pu avoir lieu à temps, et dans le même temps, curieusement pensée, qu’il s’agisse de cette mesure de cotisations réduites inappliquée ou de l’incertitude qui pèse encore sur le montant de la soulte qui devra être versée par le régime général à la CIPAV en 2022 pour « effacer » ce transfert vers la SSTI. Sans partager nécessairement à ce stade le souhait de la CIPAV de revenir sur cet aspect de la réforme – qui conduirait immanquablement à une nouvelle ingénierie de transfert dont les travailleurs indépendants n’ont pas besoin –, les rapporteurs s’interrogent comme la caisse sur sa cohérence d’ensemble, notamment au regard de la réforme des retraites projetée par le Gouvernement. |
— 1 — |
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale
Le Gouvernement a fait de la réforme du financement des établissements de santé une priorité, avec pour objectif de limiter la part de financement à l’activité, afin qu’elle ne représente plus, à terme, que la moitié de l’ensemble des financements des établissements.
C’est dans ce contexte que la MECSS a confié à M. Julien Borowczyk, M. Marc Delatte et Mme Audrey Dufeu Schubert (rapporteurs, La République en marche) l’évaluation de la mise en œuvre de deux dispositifs au cœur de cette réforme d’ampleur : l’extension du dispositif de paiement à la qualité des établissements de santé (« IFAQ ») et le financement forfaitaire de pathologies chroniques, au travers des articles 37 et 38 de la LFSS pour 2019.
Évidemment, l’application de ces réformes financières importantes pour l’hôpital a été percutée de plein fouet par la crise sanitaire. Des premiers constats peuvent cependant d’ores et déjà être tirés, car la mise en œuvre de ces deux articles avait débuté très rapidement après la publication de la LFSS.
Les rapporteurs se félicitent de cette rapidité de publication des textes d’application de ces deux articles, preuve du volontarisme politique dont a fait preuve l’exécutif sur ce sujet. Ce calendrier ambitieux a permis d’avancer très vite sur un forfait « maladies rénales chroniques » bien accueilli par les acteurs du terrain et qui porte déjà ses premiers fruits.
Dans un contexte inédit pour le monde hospitalier, ils invitent le Gouvernement à reprendre dès que possible les travaux sur les forfaits « diabète » et « dialyse », tout en tirant des leçons des premiers retours de la mise en œuvre du forfait maladies rénales chroniques : en amont, le recueil de données relatives à la prise en charge et aux besoins de soins ainsi que l’adaptation des systèmes d’information ne doivent pas être négligés.
À terme, les rapporteurs appellent de leurs vœux le déploiement de ces forfaits en ville, afin de permettre une meilleure coordination ville/hôpital. La question de la construction médico-économique de ces forfaits ainsi que l’interopérabilité des systèmes d’information et de facturation seront alors primordiales.
En amont de l’audition des administrations centrales lors du Printemps de l’évaluation, les rapporteurs ont recueilli l’avis sur la mise en œuvre de ces deux dispositifs de nombreux acteurs de terrain, au premier rang desquels les fédérations hospitalières, les associations d’usagers, les présidents de commission médicale d’établissement. Ils ont également interrogé des acteurs institutionnels (Agences régionales de santé, Agence technique de l’information sur l’hospitalisation) et des experts tels que la Société francophone de néphrologie. |
— 1 — |
L’ARTICLE 37 DE LA LFSS POUR 2019 : UNE MONTÉE EN CHARGE DU PAIEMENT A LA QUALITÉ
Le dispositif adopté
Le montant alloué au dispositif de paiement à la qualité « IFAQ » en 2019 a été de 200 M€, soit une multiplication par quatre par rapport à 2018. Pour 2020, ce montant a été porté à 400 millions d’euros, mais, en raison de la crise sanitaire qui a obéré la campagne de collecte des indicateurs, la moitié de ces financements ont été alloués au regard des résultats 2019 et l’autre moitié au prorata des bases budgétaires des établissements. Cette dotation doit progressivement augmenter pour atteindre 1 Md€ en 2022.
Parallèlement à cette montée en charge financière du dispositif, l’article 37 de la LFSS pour 2019 a modifié la structure de ce dernier, en instaurant notamment un système de bonus-malus. Ainsi, pour certains indicateurs, si un établissement n’atteint pas, pendant trois années consécutives et pour un même indicateur, un seuil minimal, il s’exposera à une pénalité financière. Ce système de bonus-malus devait entrer en vigueur en 2020, et les premières pénalités financières ne seront donc pas prononcées avant le 1er janvier 2023.
Cet article 37 a également prévu l’extension aux établissements de psychiatrie de cette dotation IFAQ au 1er janvier 2021.
Une déclinaison règlementaire rapide
Un décret ([11]) est venu préciser dès février 2019 les modalités de calcul et d’attribution de ce dispositif IFAQ rénové. Ce décret précise notamment les catégories d’indicateurs devant être pris en compte, qui sont :
– la qualité des prises en charge perçue par les patients ;
– la qualité des prises en charge cliniques ;
– la qualité des pratiques dans la prévention des infections associées aux soins ;
– la qualité de la coordination des prises en charge ;
– la performance de l’organisation des soins ;
– la qualité de vie au travail ;
– la démarche de certification.
Le montant de la dotation est calculé à la fois en fonction des résultats de l’établissement pour chaque indicateur, de l’évolution de ces mêmes résultats par rapport aux années précédentes, des résultats du « groupe de comparaison » auquel l’établissement appartient ainsi que de l’activité produite.
Lorsqu’un établissement n’obtient pas un résultat suffisant pour un indicateur donné, l’ARS peut conditionner le versement du montant de la dotation complémentaire qui doit lui être allouée au titre de l’ensemble des indicateurs à la production d’un plan d’actions assurant son engagement dans une démarche d’amélioration de ses résultats sur cet indicateur.
En revanche, contrairement à ce que prévoyait la LFSS, les modalités du « malus » n’ont pas encore été explicitées par ce décret. Selon les informations transmises par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) aux rapporteurs, ce sujet doit faire l’objet d’un décret à part, qui devrait être transmis au Conseil d’État d’ici la fin de l’année 2020.
Un arrêté du 18 juin 2019 ([12]) est venu préciser le calcul de ces indicateurs.
La mise en œuvre pratique
Les objectifs et la philosophie de ce dispositif sont perçus positivement par les acteurs de terrain, mais des questions se posent dans l’application pratique de ce dispositif.
Un indispensable approfondissement des travaux sur les indicateurs de qualité
La première question que pose inéluctablement le paiement à la qualité est celle des indicateurs utilisés pour mesurer cette qualité. Ceux-ci doivent à la fois être fiables et pertinents.
Le choix d’indicateurs de résultats, au lieu d’indicateurs de processus comme c’était le cas auparavant, est favorablement accueilli par les professionnels.
Toutefois, la pertinence de ces indicateurs doit encore être renforcée.
Plusieurs interlocuteurs interrogés ont ainsi regretté que la mesure de « l’expérience patient » se limite aujourd’hui à « e-satis », indicateur de la satisfaction et de l’expérience des patients hospitalisés. D’autres ont souligné l’absurdité de certains indicateurs, comme « l’indicateur de Consommation des Solutions Hydro-Alcooliques ». La FEHAP a quant à elle regretté le manque de pertinence de l’indicateur de certification. Ce manque de pertinence - voire même de sens - des indicateurs explique probablement que les professionnels de santé ne s’emparent pas de ce mécanisme, souvent perçu comme trop technocratique et trop complexe.
Par ailleurs, comme l’a souligné la conférence des présidents de CME de CHU, le mécanisme de recueil des données, qui sont issues des dossiers patients et non extractibles par les équipes médico-soignantes elles-mêmes, nuit à l’appropriation des indicateurs par celles-ci. Elle souligne ainsi que « l’adaptation des systèmes d’information est essentielle à une automatisation de la démarche, qui permettrait aux acteurs un suivi périodique et d’éventuels réajustements presque en temps réel, pas au bout de deux ans d’obtention des résultats ».
La conférence des directeurs généraux d’ARS a également souligné le risque de multiplication des indicateurs de qualité, entre ceux du dispositif IFAQ, ceux des Contrat d’Amélioration de la Qualité et de l’Efficience des Soins et ceux des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens : le recueil et la vérification de ces indicateurs sont pourtant consommateurs de ressources humaines tant pour les établissements de santé que pour les ARS. Les rapporteurs souhaitent appeler l’attention de la représentation nationale sur la multiplication de tels dispositifs et l’impératif de cohérence et de lisibilité qui doit prévaloir avant tout.
Afin de garantir la pertinence des indicateurs choisis et leur pleine appropriation par les acteurs, la FHF propose d’identifier pour chaque filière de soins (urgences, oncologie, IRC, insuffisance cardiaque, etc.) les principaux risques organisationnels et de prise en charge, et de définir, sur cette base, 5 à 10 indicateurs à suivre par filière de soins répondant à leurs principaux enjeux. Les rapporteurs reprennent à leur compte cette proposition.
Ce travail sur les indicateurs de qualité devra en tout état de cause être une priorité des années à venir, car il est nécessaire au développement de nouveaux modes de financement.
Conjuguer le caractère incitatif et réactif de ce financement avec sa nécessaire prévisibilité
L’autre question qui se pose est celle de l’imprévisibilité de ce financement, désormais issu de la masse tarifaire des établissements. Cette incertitude a grandi en même temps que la surface financière du dispositif. Comme l’a indiqué la FEHAP aux rapporteurs : « quid de l’impact sur les moyens soignants par exemple, d’un financement attendu à 100 % qui serait tronqué lors de son versement en fin d’année ? ». La FHF a elle aussi indiqué que les établissements connaissent leur rémunération IFAQ annuelle trop tardivement (en fin d’exercice), au détriment de la prévisibilité budgétaire.
Cette critique doit toutefois être tempérée. Tout d’abord, parce que le financement à l’activité reste bien plus imprévisible que le financement à la qualité. Ensuite, comme la DGOS l’a indiqué aux rapporteurs, avant même la première campagne IFAQ, des simulations ont été produites et diffusées auprès des fédérations pour chaque établissement. Ces simulations ont été dans 95 % des cas confortées ensuite par les résultats réels de fin d’année. Enfin, les travaux conduits par le ministère ont permis de proposer aux acteurs un versement par 12ème de la dotation IFAQ sur la base des résultats de l’année passée et une correction de cette allocation sur le dernier 12ème au vu des résultats obtenus pour l’année en cours.
Comme l’a indiqué l’ATIH aux rapporteurs, si cette imprévisibilité apparaissait trop problématique, il pourrait être envisagé de déléguer les crédits en début d’année (mars) à partir du recueil N-1 des indicateurs, ce qui serait moins réactif mais plus sécurisant.
Enfin, les rapporteurs rappellent que l’incitation à la qualité ne pourra pas se réduire à des mécanismes financiers. Ainsi, la conférence des présidents de CME de CHU a souligné que la publication des résultats (également prévue par l’arrêté précité) semble plus incitative que des mécanismes de pénalités financières, qui risquent parfois de désintéresser les établissements ou les professionnels des démarches qualité.
L’ARTICLE 38 DE LA LFSS POUR 2019 : VERS UN FINANCEMENT FORFAITAIRE DES PATHOLOGIES CHRONIQUES ?
Le dispositif adopté
L’article 38 de la LFSS pour 2019 a créé une dérogation à la tarification à l’activité, en permettant la mise en place d’un forfait pour la prise en charge des prestations pour les patients atteints de pathologies chroniques, dans le cadre d’un parcours de soins.
La mise en place de la forfaitisation pour la prise en charge des pathologies chroniques ne concerne, à ce stade, que les établissements de santé, publics et privés, et n’inclut pas la médecine de ville.
Une déclinaison règlementaire très rapide pour les maladies rénales chroniques,
mais à l’arrêt pour le diabète
Dans un premier temps, deux types de pathologies chroniques devaient être concernées par cette mesure : le diabète et l’insuffisance rénale chronique. Si l’application a été rendue possible dès le 1er octobre 2019 pour l’insuffisance rénale chronique, ce n’est pas encore le cas pour le diabète.
Les rapporteurs se félicitent de la pertinence du ciblage de ces pathologies, qui font partie des maladies chroniques les plus courantes et qui sont intrinsèquement liées, puisque le diabète et l’hypertension artérielle sont responsables d’environ la moitié des nouveaux cas de maladie rénale chronique.
Des grands principes fixés par décret
Le décret n° 2019-977 du 23 septembre 2019 a fixé les grands principes de mise en œuvre de ce financement au forfait. Pour chaque pathologie, ces principes doivent être déclinés dans un arrêté.
Ce décret détermine notamment :
Les conditions d’éligibilité à ce mécanisme. Pour qu’un établissement soit éligible à ce financement, un nombre minimal de patients doit être pris en charge dans l’établissement pour chaque pathologie visée, sauf dérogation issue d’une proposition du directeur général de l’Agence régionale de Santé (ARS), dans la perspective de favoriser l’accessibilité territoriale à la prise en charge concernée. Les établissements éligibles à ce financement forfaitaire sont inscrits sur une liste pour une durée de trois ans renouvelables.
La mise en place d’une équipe pluri professionnelle dédiée à cette prise en charge est obligatoire.
Les modalités de calcul de la rémunération forfaitaire. Le montant annuel de la rémunération forfaitaire est lié au nombre de patients pris en charge chaque année ainsi qu’au respect de conditions de prise en charge liées au nombre et à la nature des prestations réalisées ; aux caractéristiques des patients et des prises en charge et à des indicateurs liés à la qualité de la prise en charge (qualité des prises en charge cliniques, qualité des prises en charge perçues, qualité de la coordination). Une rémunération minimale sera garantie aux établissements éligibles.
Le directeur général de l’ARS doit arrêter, deux semaines après la publication de tarifs, le montant de la rémunération forfaitaire annuelle pour chaque établissement, sur la base des données de l’année précédente.
Une déclinaison par arrêté uniquement pour les maladies rénales chroniques
L’arrêté du 25 septembre 2019 relatif aux forfaits alloués aux établissements de santé dans le cadre de la prise en charge de patients atteints de maladie rénale chronique a précisé les conditions de prise en charge pour cette pathologie. Cet arrêté a été modifié par un arrêté du 27 décembre 2019 qui a notamment précisé les conditions d’éligibilité des établissements.
Aux termes de ces deux textes, sont éligibles les patients:
– majeurs ;
– atteints d’une maladie rénale chronique aux stades 4 et 5 ;
– et dont le débit de filtration glomérulaire est inférieur à un seuil, à l’exclusion des patients dialysés, transplantés ou pris en charge par une équipe de soins palliatifs.
Pour être éligibles, les établissements doivent quant à eux prendre en charge une file active de 220 patients concernés minimum.
Les actes compris dans ce forfait sont:
– les consultations, y compris les téléconsultations et télé-expertises pour les patients de la file active, réalisées par le médecin néphrologue ;
– les soins non suivis d’une hospitalisation ;
– les interventions et les actes non médicaux réalisés par des professionnels paramédicaux, socio-éducatifs, ou tout autre professionnel mettant en œuvre notamment des actions d’éducation thérapeutique en dehors des programmes labélisés ou des actions d’activité physique adaptée ;
– certains actes médicaux non techniques.
L’équipe pluri professionnelle doit être composée de :
– un ou plusieurs médecins néphrologues ;
– un ou plusieurs infirmiers exerçant des missions de coordination ;
– un ou plusieurs diététiciens ;
– éventuellement, un ou plusieurs autres professionnels paramédicaux, socio-éducatifs ou exerçant des activités d’activité physique adaptée.
La valeur annuelle de la rémunération forfaitaire pour un patient est décrite dans le tableau ci-dessous:
|
Insuffisance rénale chronique de type 4 |
Insuffisance rénale chronique de type 5 |
Établissements de santé publics et privés non lucratifs |
375 euros / an par patient |
575 euros / an par patient |
Établissements de santé privés lucratifs |
270 euros / an par patient |
370 euros / an par patient |
Afin de percevoir l’intégralité du montant annuel de la rémunération par patient, l’établissement éligible doit impérativement :
– avoir réalisé au moins une consultation de néphrologie ;
– avoir réalisé au moins une séance avec un infirmier pour l’accompagnement du patient à la gestion de sa pathologie ;
– avoir réalisé au moins une séance avec un diététicien.
Dans le cas où le patient n’a pas bénéficié d’au moins une consultation de néphrologie durant l’année, l’établissement éligible ne percevra aucune rémunération pour la prise en charge de ce patient au titre de cette année.
Les choix opérés pour la mise en œuvre de ce forfait sont dans l’ensemble salués par les professionnels comme par les patients.
Le collège des directeurs généraux d’ARS a ainsi relevé la satisfaction des établissements à l’égard de ce nouveau forfait, qui permet de « se projeter dans un travail en profondeur sur le parcours des patients », et notamment de mettre en place des entretiens longs, dont jusque-là seuls bénéficiaient les patients dialysés ou en programme d’éducation thérapeutique pré-suppléance. Il a également souligné que cette démarche de forfaitisation permet de « mettre au premier plan les parcours de maladie, de valoriser le travail de coordination et d’éducation des infirmiers et de mener une vraie réflexion avec les praticiens sur le parcours du patient, tout en créant une véritable incitation à l’effectivité de l’éducation thérapeutique et de la prise en charge diététique ».
Cette satisfaction est partagée par les associations de patients. Renaloo s’est félicité que ce forfait permette de financer des prestations de soins qui n’était pas valorisées jusqu’alors, et France Rein a exprimé sa satisfaction sur le choix des stades 4 et 5 de la maladie retenus pour cette forfaitisation, ainsi que sur le fait que les séances d’éducation thérapeutique ne soient pas comprises dans le forfait mais bénéficient toujours d’un financement spécifique.
La Cour des comptes, en revanche, a regretté dans un rapport ([13]) que le forfait vise uniquement les deux derniers des cinq stades de la maladie rénale chronique, le troisième stade étant pourtant propice à la prévention. Interrogé à ce sujet par les rapporteurs, la présidente de la société francophone de néphrologie a souligné qu’en incluant le stade 3 dans le forfait, les prises en charge auraient été trop hétérogènes, et qu’organiser un suivi diététique et par une infirmière compétente en néphrologie serait difficile à mettre en place, notamment car les patients du stade 3 voient plus leur médecin traitant que le néphrologue. Les rapporteurs estiment toutefois que cette question devra être reposée à moyen terme, une fois la première mouture du forfait pleinement développée, afin que le paiement au forfait puisse véritablement être un vecteur de la prévention.
Les acteurs interrogés ont également mis en avant la notion d’équipe pluridisciplinaire promue par ces forfaits.
Toutefois, tant les représentants des patients que la Cour des comptes ont regretté la part encore trop faible faite au suivi par les professionnels non médicaux. La Cour des comptes a ainsi pointé que l’absence de consultation par l’infirmier ou le diététicien entraîne une simple réduction du montant du forfait, et non sa suppression, contrairement à ce qui est prévu en cas d’absence de consultation par le néphrologue, tandis que France Rein a regretté que le suivi psychologique et l’activité physique adaptée ne soient pas obligatoirement compris dans le forfait. La DGOS a souligné que cela permettait une plus grande adaptabilité aux besoins de chaque patient.
Les rapporteurs considèrent toutefois que le développement de ces prises en charge, ainsi que de l’éducation thérapeutique, doit être une priorité et que celles-ci ne doivent pas être considérées comme des « bonus ».
La perspective d’un forfait « dialyse »
Dans une seconde phase, il est prévu que la mise en place de paiements forfaitaires pour les maladies rénales chroniques passe par la création de forfaits en dialyse, avec pour objectif d’inciter à la dialyse hors centre. Cette mise en place serait reportée à 2022 du fait de la crise sanitaire.
Des négociations à l’arrêt sur le diabète
Si la mise en œuvre du forfait maladies rénales chroniques a été très rapide, des blocages ont en revanche vu le jour pour la mise en œuvre du forfait diabète, qui a été sans cesse repoussée.
Selon les acteurs interrogés par les rapporteurs, ces blocages ne sont pas liés aux objectifs de la réforme mais bien au calibrage de l’enveloppe médico-économique afférente. Lors de son audition par la commission des affaires sociales lors du Printemps de l’évaluation, la DGOS a confirmé que cet aspect médico-économique a constitué le point principal d’achoppement de ces négociations.
Ainsi, la Fédération française des diabétiques a souligné qu’un consensus a rapidement été trouvé sur la typologie des patients éligibles du financement au forfait (diabète de type 1 et diabète de type 2 mais exclusion, entre autres, du diabète gestationnel et des patients atteints de complications et comorbidités). Toutefois, l’hétérogénéité très forte des besoins des patients a rapidement posé la question de la détermination de la charge en soins nécessaire et de la gradation de ces soins.
Au-delà de cette première question primordiale de la gradation de la prise en charge, c’est l’enveloppe allouée à ce forfait qui a ensuite posé problème.
La FHF a souligné que, outre des désaccords sur la gradation de la prise en charge proposée, le blocage est principalement dû à « l’incompréhension sur les tarifs proposés par le Gouvernement ». L’enveloppe de financement pour cette activité comportait en effet des tarifs inférieurs à ceux proposés pour la maladie rénale chronique, alors même qu’ils doivent inclure des prestations d’hospitalisation.
Pour la FHP, « la principale raison des difficultés rencontrées réside dans le fait que cette nouvelle modalité de financement venait percuter une partie des financements existants (intégration de séjours courts financés sous forme de GHS) provoquant ainsi de potentiels effets revenus pour les établissements de santé ayant des pratiques actuelles parfois très hétérogènes sur le territoire national, notamment en matière de pratique d’hospitalisation ». Elle en conclut que « si cette démarche doit être relancée sur le forfait diabète, il est probablement préférable de débuter la mise en place d’un forfait diabète sans prendre en compte les prestations hospitalières, pour très probablement les intégrer dans un deuxième temps. »
La FEHAP est allée dans le même sens, considérant que les blocages proviennent à la fois des difficultés à recenser l’activité liée au diabète, à l’impossibilité de caractériser dans les bases de données l’activité de consultation externe concernée, au refus de la Task-force de prendre en compte différents profils de patients, et surtout à des tarifs ne permettant pas « l’investissement nécessaire pour la constitution d’une équipe pluridisciplinaire et pour les moyens assurant la prévention ».
Les rapporteurs souhaitent que les négociations relatives à ce forfait reprennent dès que possible.
L’application opérationnelle du forfait maladies rénales chroniques : des enseignements pour la suite ?
Au-delà du consensus global sur ce forfait et des critiques qui ont pu être formulées sur certains choix opérés par l’arrêté permettant son application, sa mise en œuvre sur le terrain est également riche d’enseignements. Des leçons devront en être tirées pour d’éventuels ajustements mais également pour les futurs forfaits diabète et dialyse.
Tout d’abord, les rapporteurs se réjouissent de l’impact déjà visible de cette réforme du financement sur la constitution d’équipes pluri professionnelles. Ainsi, les néphrologues interrogés par la société francophone de néphrologie ont déjà obtenu pour la moitié d’entre eux le nombre d’infirmiers recommandés, et pour un tiers le nombre de diététiciens recommandés. Dans certaines structures, le forfait a déjà permis la création de postes pour des prestations non obligatoires pour le versement du forfait : infirmiers de consultation d’annonce, d’éducation thérapeutique, plus rarement psychologue ou assistant social, voire atelier d’activité physique adaptée.
Toutefois, le besoin de données sur les prises en charge reste important et inachevé. Ainsi, le recueil des éléments nécessaires à l’élaboration d’indicateurs de résultats et d’expériences prévu par le décret devait avoir lieu en 2020, mais a été reporté d’un an du fait de la crise. Ces résultats devraient permettre de moduler les forfaits à partir de 2022 seulement.
Ce manque de données concerne également les files actives de patients pris en charge par chaque établissement. Plusieurs interlocuteurs ont souligné que les établissements éligibles au forfait le sont d’après une auto-déclaration de leur file active qui serait parfois assez discordante avec la réalité, en l’absence de données antérieures sur ce type de prise en charge. La DGOS a indiqué aux rapporteurs que ces données seront corroborées d’ici fin juillet avec les données réelles de 2019 et donneront ainsi lieu à des ajustements si besoin.
Surtout, les deux critiques principales sur la mise en œuvre sur le terrain de ce forfait portent sur l’inadaptation des systèmes d’information - probablement du fait de la mise en œuvre très rapide du dispositif - et la lourdeur du recueil de données, unanimement regrettée par les acteurs. ([14])
L’ATIH a souligné que le calendrier extrêmement resserré de ce forfait avait empêché de considérer ces difficultés liées au recueil de données et aux systèmes d’information.
Si ces considérations peuvent sembler très techniques, les rapporteurs soulignent l’importance pour la réussite de l’ensemble de ces réformes de la modernisation des systèmes d’information hospitaliers, qui doivent faire l’objet d’un véritable investissement et qui seront la clé de voûte de toute réforme tarifaire réussie. C’est notamment le cas pour le secteur des consultations externes, qui est à la fois le principal secteur concerné par le forfait maladies rénales chroniques et l’un des secteurs de l’hôpital où les systèmes d’information sont le moins développés.
À terme, les rapporteurs appellent de leurs vœux le déploiement de forfaits communs entre la ville et l’hôpital, afin de permettre une meilleure coordination des parcours : la question des systèmes d’information et de leur interopérabilité sera alors cruciale.
— 1 —
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale
Afin d’améliorer l’accès aux soins, l’article 51 de la LFSS pour 2019 permet à tous les assurés d’accéder à un panier de soins et d’équipements sans reste à charge dans trois domaines : l’optique, les aides auditives et les soins prothétiques dentaires, trois secteurs traditionnellement caractérisés par des restes à charge après intervention de l’assurance maladie complémentaire particulièrement élevés.
La MECSS a confié le soin à M. Cyrille Isaac-Sibille (rapporteur, Mouvement démocrate et apparentés) de faire le point sur les premiers mois de mise en œuvre de cette réforme essentielle, dite « 100 % Santé ». Le rapporteur estime que cette évaluation doit être menée tous les six mois, afin de mesurer les conséquences de la réforme sur la diminution du reste à charge des assurés.
Une série de tables rondes et d’auditions ont été menées préalablement à celle des administrations centrales lors du Printemps de l’évaluation. Le rapporteur a ainsi rencontré les différents syndicats d’opticiens, de chirurgiens-dentistes et d’audioprothésistes, les principaux représentants des industriels, la Caisse nationale d’assurance maladie, les organismes d’assurance complémentaire (la Mutualité française, la Fédération française de l’assurance et le Centre technique des institutions de prévoyance), ainsi que l’association France Assos Santé représentant les usagers du système de santé. |
Si la France est l’un des pays de l’OCDE où le reste à charge des ménages est parmi les plus faibles, de l’ordre de 7 % des dépenses de santé, il demeure néanmoins très important dans trois domaines : l’optique, les prothèses dentaires et les aides auditives, où il représentait en 2018 respectivement 21 %, 25 % et 56 % des dépenses après intervention de l’assurance maladie complémentaire ([15]).
L’existence de restes à charge élevés a pour conséquence des taux de renoncement aux soins pour raisons financières particulièrement importants, estimés en 2014 à 16,8 % pour les soins dentaires et à 10 % pour l’optique ([16]). Le taux d’équipement des personnes ayant une déficience auditive était quant à lui de seulement 32,5 % en 2018.
Dans ce contexte, la mise en place de la réforme du « 100 % Santé » revêt une importance cruciale pour améliorer l’accès aux soins de l’ensemble des Français, à côté des réformes engagées pour lutter contre les déserts médicaux.
Le panier de soins et d’équipements « 100 % Santé » est accessible à tous les assurés grâce à un triple mécanisme :
Les décrets d’application nécessaires à la mise en œuvre de la réforme ont été pris rapidement :
- dès le 11 janvier 2019, un décret a fixé les niveaux de prise en charge des organismes complémentaires de façon à garantir un accès sans reste à charge dans les trois secteurs concernés ([17]) ;
- fin février 2019, un second décret a précisé les conditions de disponibilité, de présentation et de distribution des produits et prestations du panier « 100 % Santé », ainsi que les modalités d’information des assurés sociaux ([18]).
La réforme du « 100 % Santé » s’est accompagnée d’un investissement important dans la prévention et d’une revalorisation des soins conservateurs dentaires, c’est-à-dire des soins bucco-dentaires fréquents, dont la régularité permet d’éviter à terme la pose de prothèses dentaires. Pourtant, la pose de prothèses a longtemps été financièrement plus intéressante, pour les dentistes, que les actes de prévention, alors que la vocation première des soins bucco-dentaires est de conserver et soigner les dents. Ainsi, avant la réforme, les soins conservateurs des dentistes représentaient environ les deux tiers de leur activité mais seulement un tiers de leurs revenus, alors que les soins prothétiques représentaient, à l’inverse, un tiers de leur activité et les deux tiers de leurs revenus ([19]).
La réforme engagée doit permettre de rééquilibrer ce modèle médico-économique qui, selon le directeur général de la CNAM, « à la faveur de la liberté tarifaire sur le prothétique, a dérivé vers un modèle économique où, pour dire les choses d’une manière qui n’est pas caricaturale, un chirurgien-dentiste perd de l’argent quand il soigne et n’en gagne que quand il réalise des prothèses » ([20]). Le rapporteur partage pleinement ce constat et se félicite des mesures prévues dans la dernière convention nationale des chirurgiens-dentistes, approuvée par arrêté le 20 août 2018. La forte revalorisation des tarifs des soins dentaires courants (de 20 à 144 % selon les actes) doit permettre de rééquilibrer dans la durée l’activité des chirurgiens-dentistes, ces derniers n’étant désormais plus économiquement dépendants d’actes prothétiques qui sont évidemment beaucoup plus mutilants pour les patients que les actes de prévention.
De même, en permettant à tous les Français de bénéficier d’un appareil auditif de qualité sans reste à charge, la réforme du « 100 % Santé » évite des retards de prise en charge qui se traduisent ensuite par des lésions parfois irréversibles. L’accès aux dispositifs médicaux du panier « 100 % Santé » répond ainsi à une exigence sanitaire et sociale, puisqu’un appareillage auditif correct permet à la fois d’éviter le développement de troubles cognitifs et de lutter contre la désinsertion sociale des personnes âgées.
La mise en place du « 100 % Santé » a été précédée d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.
Les négociations, menées à partir de janvier 2018, ont abouti à la signature d’accords dès juin 2018 :
les deux principaux syndicats de chirurgiens-dentistes, la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) et l’Union dentaire, représentant 60 % de la profession, ont conclu avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie (UNOCAM) une nouvelle convention nationale le 21 juin 2018 ;
en matière d’optique, un protocole d’accord a été signé le 13 juin 2018 par deux des trois syndicats d’opticiens, le Rassemblement des opticiens de France (ROF) et le Syndicat national des centres d’optique mutualistes (SYNOM), représentant plus de 80 % de la profession ;
enfin, l’ensemble des syndicats d’audioprothésistes – le Syndicat national des entreprises de l’audition (SYNEA), le Syndicat national des audioprothésistes (UNSAF) et le Syndicat national des centres audition mutualiste (SYNAM), ainsi que le Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (SNITEM), représentant les industriels, sont également parvenus à un protocole d’accord le 13 juin 2018.
Chaque accord a donné lieu à la définition d’un panier d’équipements « 100 % Santé », qui doivent faire l’objet d’une prise en charge intégrale par les assurances maladies obligatoire et complémentaire d’ici 2021.
L’entrée en vigueur de la réforme est en effet progressive, échelonnée sur trois ans. D’ailleurs, la totalité des dispositions ne sont pas encore applicables : dans le secteur de l’optique, la réforme est entièrement entrée en vigueur le 1er janvier 2020, alors qu’elle ne sera pleinement effective que le 1er janvier 2021 en ce qui concerne les aides auditives et les prothèses dentaires.
2019 |
- Abaissement puis plafonnement progressif des tarifs des équipements du panier « 100 % Santé » en dentaire et en audiologie ; - Augmentation de 100 euros du remboursement des aides auditives par l’assurance maladie et les complémentaires ; |
2020 |
- Panier « 100 % Santé » en optique (lunettes + verres) garanti sans reste à charge ; - Panier « 100 % Santé » en dentaire garanti sans reste à charge pour certains soins prothétiques (couronnes et bridges) ; - Nouvelle baisse du plafond tarifaire (de 200 euros) et augmentation du remboursement de 50 euros des audioprothèses ; |
2021 |
- Panier « 100 % Santé » en dentaire garanti sans reste à charge pour l’ensemble des prothèses concernées (y compris amovibles) ; - Panier « 100 % Santé » en audiologie garanti sans reste à charge. |
Encore aujourd’hui, des points d’étapes réguliers associent les différents acteurs concernés.
Cette méthode privilégiant la négociation et la concertation explique peut-être que les premiers mois de mise en œuvre de la réforme se soient globalement bien passés.
D’après une enquête réalisée fin février 2020 ([21]), soit deux mois après le début de l’entrée en vigueur partielle de la réforme, les premières données disponibles montrent que les objectifs attendus ont été atteints dans les trois secteurs concernés.
Les équipements optiques :
12 % des lunettes facturées intègrent au moins partiellement le « 100 % Santé ». Plus précisément, 6 % des équipements facturés en janvier 2020 sont intégralement composés d’éléments relevant du « 100 % Santé », c’est-à-dire tant au niveau des verres que des montures, et 6 % des équipements facturés sont « mixtes », c’est-à-dire qu’ils comprennent une monture « 100 % Santé » et des verres à tarifs libres (dans 1/3 des cas) ou l’inverse (dans 2/3 des cas). La DSS a indiqué au rapporteur que 250 000 assurés ont acquis un équipement d’optique dont au moins les verres ou la monture appartiennent au panier « 100 % Santé » entre le 1er janvier et le 29 février 2020.
Les prothèses dentaires :
Une nouvelle nomenclature des actes permettant de les répartir en trois catégories (panier « 100 % Santé », panier des restes à charge modérés et panier à tarifs libres) avait été introduite dès avril 2019. Depuis le 1er janvier 2020, les contrats responsables de complémentaire santé ont l’obligation de prendre intégralement en charge le coût non remboursé par la Sécurité sociale des actes du panier « 100 % Santé ».
L’introduction de ces remboursements bonifiés par les complémentaires santé depuis le début de cette année s’est traduite par une forte augmentation du nombre d’actes devisés appartenant au panier « 100 % Santé », qui a bondi de 12 points en janvier 2020 (44 %) par rapport à ce qui était constaté d’avril à fin décembre 2019 (32 %). La fréquence des propositions faites dans le panier à tarifs libres a quant à elle baissé de 15 points (passant de 51 % à 36 % des devis), tandis que celle du panier avec restes à charge modérés » a crû de 3 points (de 17 % à 20 % des devis).
Selon les chiffres communiqués par le directeur général de la CNAM, en avril 2019, en ce qui concerne les couronnes fixes pour lesquelles l’entrée en vigueur de la réforme est aujourd’hui totale, 26 % des actes appartenaient au panier « 100 % Santé », 14 % au panier à restes à charge modérés et 59 % au panier à tarifs libres. En février 2020, ces chiffres étaient de respectivement 47 %, 19 % et 36 % des actes.
Avec près de la moitié des actes prothétiques réalisés sans reste à charge, l’objectif initial de la réforme est d’ores et déjà atteint.
Les aides auditives :
La répartition entre un panier I, qui correspond au « 100 % Santé », et un panier II, où les tarifs restent libres, a été instaurée dès janvier 2019, mais l’obligation faite aux complémentaires santé de prendre en charge l’intégralité du coût non remboursé par la Sécurité sociale pour les appareils de classe I ne sera applicable qu’à partir du 1er janvier 2021. Pourtant, la baisse par palier du prix limite de vente pour ces appareils (1100 euros depuis le 1er janvier) conjuguée à l’augmentation progressive de leur base de remboursement par la Sécurité sociale aboutissent à ce que les propositions de classe I ont presque triplé en fréquence dans les devis des professionnels au cours du mois de janvier 2020 par rapport à 2019, pour atteindre 29 % des devis.
Le directeur de la sécurité sociale a indiqué lors son audition devant la commission des affaires sociales qu’environ 13 % des audioprothèses effectivement facturées appartenaient au panier.
Entre le 1er janvier et le 30 avril 2020, près de 12 000 assurés ont acquis une ou deux aides auditives appartenant à ce panier.
Ces résultats sont d’autant plus encourageants que l’entrée en vigueur de la réforme n’est encore que partielle dans les secteurs dentaire et de l’audiologie.
Les syndicats auditionnés ont par ailleurs noté que des patients qui jusqu’alors renonçaient aux soins sont retournés consulter leur dentiste, leur ophtalmologue ou leur ORL.
La mise en œuvre de la réforme a toutefois été fortement ralentie dès la mi-mars, en raison de la limitation de l’activité des dentistes et des audioprothésistes aux seuls soins urgents et de la fermeture de la grande majorité des centres d’optique pendant la crise sanitaire. Cette situation exceptionnelle explique que les données concernant l’évolution des produits et équipements du panier « 100 % Santé » en mars et en avril 2020 ne puissent être exploitées pour évaluer l’efficacité de la réforme.
La mise en œuvre de la réforme se déroule de manière globalement satisfaisante. Le rapporteur souhaite toutefois attirer l’attention sur plusieurs points, soulevés lors des auditions :
Au moment de son adoption, le coût de la réforme était estimé à 755 millions d’euros par an pour l’assurance maladie, d’après l’étude d’impact annexée au PLFSS pour 2019. La Mutualité française évalue quant à elle le coût de la réforme pour les assurances complémentaires à près de 150 millions d’euros par an.
Pour le directeur de la DSS comme pour le directeur général de la CNAM, il est encore trop tôt pour disposer de données relatives au coût de la réforme.
Le rapporteur souhaite que l’enveloppe globale dédiée à la prise en charge des produits du panier « 100 % Santé », ainsi que la répartition au sein de cette enveloppe entre l’assurance maladie et les complémentaires santé, soient connues rapidement et actualisées régulièrement.
Plusieurs pistes permettraient de garantir un meilleur accès à des soins et équipements sans reste à charge.
Les devis doivent s’accompagner d’explications pédagogiques délivrées par le professionnel de santé.
Chaque profession dispose désormais d’un devis-type. Depuis le 1er janvier 2020, les opticiens et les audioprothésistes ont en effet l’obligation de présenter un devis normé comportant a minima un équipement du panier « 100 % Santé ». Ce document doit également comporter des explications sur la réforme ainsi que sur les différentes garanties attachées aux lunettes ou aux aides auditives. Les chirurgiens-dentistes doivent quant à eux systématiquement mentionner dans leur devis un plan de traitement « 100 % Santé » quand il existe. S’ils proposent des actes avec un reste à charge, ils doivent obligatoirement faire figurer dans la partie « information thérapeutique alternative » du devis les actes réalisables sans reste à charge ou, à défaut, avec un reste à charge maîtrisé, quand ils existent.
Il ressort toutefois des auditions réalisées par le rapporteur que les devis restent complexes à remplir pour les professionnels et ne sont pas toujours lisibles pour les assurés.
Il semblerait que les premières difficultés d’élaboration des devis par les professionnels, liées à la nécessité de bien paramétrer leurs logiciels, soient désormais résolues. Le Rassemblement des opticiens de France (ROF) estime néanmoins que « l’objectif de normalisation a comme conséquence paradoxale d’aboutir à un devis peu lisible et compréhensible » et que « les informations essentielles : description des offres, prix et remboursements ne sont pas forcément très accessibles à la lecture » ([22]).
C’est pourquoi le rapporteur estime que les devis, pour être lisibles par tous les assurés, doivent s’accompagner d’explications complémentaires et pédagogiques délivrées par l’opticien, l’audioprothésiste ou le dentiste.
En optique, les produits du panier « 100 % Santé » pourraient être mieux identifiés.
Un manque d’information et de visibilité concernant les produits « 100 % Santé » a été déploré, de nombreuses offres commerciales pouvant prêter à confusion ayant foisonné dans les semaines précédant la mise en œuvre de la réforme.
L’ajout « par obligation » d’une offre « 100 % Santé » dans les devis adressés à des personnes ayant été orientées vers les autres offres a également pu être constaté par l’association France Assos santé.
Les produits du panier sans reste à charge doivent correspondre à ceux proposés par les chirurgiens-dentistes.
Le Syndicat des chirurgiens-dentistes de France a indiqué au rapporteur que de nombreux dentistes ne proposent plus, parfois depuis plusieurs années, certains produits du panier « 100 % Santé », en particulier les prothèses en métal.
Le directeur général de la CNAM a en effet précisé lors de son audition par la commission des affaires sociales que les couronnes figurant dans le panier sans reste à charge étaient ‑ uniquement pour les molaires – des couronnes métalliques, qui représentent 20 % des couronnes posées sur les molaires. Il a reconnu que ce choix constituait un point de faiblesse de la réforme du « 100 % Santé », les négociations avec les complémentaires santé n’ayant pas permis d’aboutir à une offre plus intéressante.
Le directeur général a toutefois utilement rappelé que la réforme a prévu une alternative aux couronnes métalliques, puisque des prothèses constituées d’un nouveau matériau à base de zircone figurent dans le panier à reste à charge maîtrisé, ce dernier étant d’environ 40 euros.
Enfin, il a noté que d’une manière générale, 95 % des chirurgiens-dentistes ont pratiqué des tarifs sans reste à charge en février 2020. À peine deux mois après sa mise en œuvre partielle, la mise en œuvre de la réforme est donc largement satisfaisante.
Le rapporteur tient à saluer les efforts réalisés par les complémentaires santé, que ce soit en matière de financement de la réforme du « 100 % Santé » ou d’adaptation de leurs contrats et de leurs systèmes d’information. Plusieurs difficultés, de nature différente, ont néanmoins été mises en avant par les personnes auditionnées par le rapporteur.
Le litige autour de la transmission des « codes regroupés »
Des refus initiaux de prise en charge des produits du panier « 100 % Santé » par les complémentaires ont été observés, celles-ci considérant que les informations transmises par les professionnels n’étaient pas assez détaillées. Ces derniers considèrent au contraire que la transmission de codes dit « regroupés », par opposition à des « codes affinés », était suffisante pour permettre une prise en charge par les complémentaires. Lors de leur audition, les syndicats d’opticiens se sont particulièrement émus de cette situation.
Ce point de litige a été partiellement tranché par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Dans un courrier adressé au directeur général de la CNAM le 20 avril 2020, elle liste les principes à respecter pour la transmission des codes aux complémentaires santé, au regard de la réglementation sur la protection des données à caractère personnel.
Après des échanges avec les organismes complémentaires et les professionnels de santé et tout en indiquant avoir rencontré « d’importantes difficultés à obtenir l’ensemble des informations nécessaires à une évaluation objective de la situation », elle a conclu que « le principe de minimisation des données, prévu par l’article 5-1-c) du Règlement général sur la protection des données (RGPD), doit s’appliquer de manière stricte pour identifier la granularité des données de santé à caractère personnel susceptibles d’être transmises aux OCAM ».
Ainsi, pour le panier « 100 % Santé », la CNIL a confirmé sur la base de ce principe que la transmission des codes regroupés « semble suffisante » pour permettre aux complémentaires santé de liquider les dépenses de santé. Elle a cependant précisé dans son courrier que quelques ajustements, auxquels la CNAM a indiqué pouvoir rapidement procéder pour l’audiologie avec la création prochaine de deux codes de regroupement supplémentaires, restent encore nécessaires.
Lors des auditions menées par la commission des affaires sociales, le directeur général de la CNAM a toutefois indiqué que, depuis l’avis rendu par la CNIL en avril dernier, les travaux avec les assurances complémentaires n’avaient pas repris sur ce point.
Le rapporteur veillera à ce qu’un compromis satisfaisant puisse être trouvé rapidement, permettant à la fois un remboursement effectif des dépenses de santé par les complémentaires et une protection suffisante des données de santé des patients.
Le déremboursement des produits qui ne figurent pas dans le panier « 100 % Santé »
Les niveaux de remboursement par certaines complémentaires des produits ne figurant pas dans le panier « 100 % Santé » ont diminué, voire sont devenus quasiment nuls, ce qui pose un problème de libre choix des produits pour les assurés.
La Mutualité française a confirmé lors de son audition que certaines mutuelles, notamment la mutuelle nationale territoriale (MNT), avaient diminué leurs niveaux de remboursement sur ces produits et équipements.
Les comités de suivi de la réforme, qui se réunissent régulièrement, pourraient se pencher sur cette question. Des indicateurs permettant d’évaluer l’évolution des niveaux de remboursement des produits et équipements n’appartenant pas au panier « 100 % Santé » pourraient en particulier être mis en place.
La lisibilité des contrats proposés par les complémentaires santé
Des engagements récents ont été pris afin d’améliorer la lisibilité des contrats des complémentaires santé.
Ainsi, les trois principales fédérations d’organismes complémentaires (la FNMF, la FFA et le CTIP) et l’UNOCAM ont signé un « engagement pour la lisibilité des garanties de complémentaire santé » le 14 février 2019, en présence de la ministre des Solidarités et de la Santé. La signature de cet engagement a eu lieu lors de la première réunion plénière du comité de suivi de la réforme du « 100 % Santé ».
Concrètement, l’UNOCAM et les fédérations se sont engagées à demander aux organismes complémentaires d’harmoniser les principaux intitulés dans leurs tableaux de garanties, qui doivent figurer sur l’ensemble des supports destinés aux assurés. Ces intitulés sont précisés dans une notice accompagnant l’accord. Dix-neuf postes de dépenses sont ainsi définis, répartis en cinq grandes rubriques (hospitalisation, dentaire, soins courants, aides auditives et optique). À ces cinq rubriques s’ajoutent cinq « grands postes de remboursements » dont le choix est laissé aux opérateurs. Afin que les assurés ne se perdent plus avec des termes non connus du grand public, comme le pourcentage de la BRSS (base de remboursement de la sécurité sociale) ou du PMSS (plafond mensuel de la sécurité sociale), les libellés doivent en outre être donnés en euros pour chaque poste. La mise à disposition de l’information doit enfin se faire « de préférence sous forme dématérialisée », ce qui signifie que les organismes complémentaires doivent mettre en place des simulateurs en ligne.
Par ailleurs, la loi du 14 juillet 2019 relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé permet aux assurés de résilier leurs contrats à tout moment. Son entrée en vigueur, prévue au plus tard le 1er décembre 2020, ne doit pas être décalée.
Lors de son audition, France Assos Santé a toutefois estimé que les avancées en matière de transparence des contrats des complémentaires restaient trop timides, dans un secteur où les litiges portant sur le montant des indemnisations des complémentaires santé représentent, à eux seuls, près d’un tiers des réclamations de l’ensemble du secteur de l’assurance ([23]). Pour l’association représentant les patients et les usagers du système de santé, le premier point de difficulté concerne l’accessibilité des informations : en fonction de chaque organisme, il peut être très difficile de trouver les tableaux de garantie des contrats sur leur site internet. Concernant l’harmonisation des libellés de garanties et les exemples en euros, France Assos santé note que les cinq postes de soins choisis étaient déjà largement utilisés dans beaucoup de contrats. Si des libellés identiques de postes de soins, de sous rubriques et d’exemples communs sont nécessaires, le fait que les organismes aient la liberté de les présenter dans un ordre aléatoire, avec des rubriques et sous-rubriques facultatives de leurs choix, ne permet pas de comparer aisément les différentes offres. Par ailleurs, les termes utilisés dans les exemples ne sont pas forcément toujours les mêmes que dans les tableaux de garanties correspondant au même contrat, ce qui entraine de vraies difficultés de compréhension.
Aussi, il conviendrait aujourd’hui d’aller plus loin dans l’exigence de clarté et de lisibilité des contrats, de manière à permettre aux consommateurs de comparer les différentes offres. Par exemple, il pourrait être envisagé de demander aux complémentaires santé :
– que les rubriques et les sous-rubriques obligatoires des tableaux de garanties soient classées dans le même ordre ;
– que tous les exemples reprennent exactement les termes de ces tableaux et qu’ils incluent tous la base de remboursement de la sécurité sociale ;
– que ces tableaux et ces exemples soient facilement et directement accessibles sur le site internet des organismes complémentaires.
À cet égard, la DSS a indiqué que, dans le cadre d’un groupe de travail du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) dédié à la lisibilité des garanties, des travaux d’harmonisation des tableaux des exemples de remboursement et de garanties ont démarré le 9 juin dernier, afin de compléter l’accord du 14 février 2019 précité. Ils visent notamment à harmoniser les principaux actes présentés dans les tableaux d’exemples et ceux présents dans les tableaux de garanties qui peuvent aujourd’hui être différents. Le rapporteur suivra avec attention les conclusions de ces travaux, de nouveaux engagements des organismes complémentaires étant selon lui nécessaires pour améliorer la lisibilité des contrats.
— 1 —
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale
Il est désormais de notoriété publique que la situation financière des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), qui interviennent auprès des personnes âgées en perte d’autonomie ou des personnes en situation de handicap, est très précaire, pour ne pas dire souvent déficitaire. Face à l’augmentation structurelle des besoins liée au vieillissement de la population, le Gouvernement a décidé d’engager une réforme de la tarification des SAAD dont la préfiguration s’est traduite par l’ouverture d’une enveloppe de 100 millions d’euros en deux temps : la première moitié en LFSS pour 2019 et la seconde moitié en LFSS pour 2020. À cela s’ajoutent désormais 20 millions d’euros.
C’est dans ce contexte que la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a confié à Mme Annie Vidal (co-présidente de la MECSS, La République en Marche) et à Mme Agnès Firmin Le Bodo (rapporteure, Agir ensemble) le soin de faire le point sur l’utilisation des 50 millions d’euros ouverts en 2019 par l’article 26 de la LFSS pour 2019.
En amont de la table ronde organisée le 1er juillet avec les interlocuteurs institutionnels dans le cadre du Printemps de l’évaluation (Direction de la sécurité sociale, Direction générale de la cohésion sociale, Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), les co-rapporteures se sont entretenues avec l’Association des départements de France (ADF) et l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), mais aussi avec des représentants associatifs (APAJH, APF France handicap, Autisme France) ainsi qu’avec plusieurs fédérations d’aide à domicile (ADEDOM, ADMR, FEDESAP, FEPEM, SYNERPA domicile, UNA, UNIOPSS) lors de tables rondes organisées en visioconférence les 28 et 29 mai derniers. Elles ont pu constater que le décret d’application était très contesté par les acteurs du secteur qui ont dénoncé un « saupoudrage » des crédits qui n’aurait pas permis de faire émerger jusqu’à présent un nouveau modèle de financement. Il apparaît toutefois prématuré de tirer des conclusions définitives compte tenu du manque de données quantitatives, la crise sanitaire ayant retardé la mise en œuvre du dispositif dans plusieurs départements. L’économie générale du dispositif pour 2019 devrait toutefois être reconduite dans le décret qui précisera les modalités de répartition des 70 millions d’euros de crédits pour 2020. |
— 1 —
UN FINANCEMENT VISANT À PRÉFIGURER LA RÉFORME DES SAAD
Le législateur a engagé à l’automne 2018 une démarche visant à préparer la réforme de la tarification des SAAD.
Le IX de l’article 26 de la LFSS pour 2019 a prévu un financement exceptionnel de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de 50 millions d’euros aux services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Cette mesure a été renouvelée dans la LFSS pour 2020 (article 25) à hauteur de 50 millions d’euros également. À ces 100 millions d’euros s’ajoutent désormais 20 millions d’euros annoncés par le ministre des Solidarités et de la Santé en février dernier (cf. infra).
Ces financements s’inscrivent dans la continuité des travaux menés depuis deux ans par la CNSA et la DGCS avec les fédérations et une quarantaine de conseils départementaux en vue d’apporter une réponse pérenne aux déficits récurrents enregistrés par le secteur du soin à domicile ([24]) et aux défis posés par la hausse tendancielle de la demande liée au vieillissement de la population et le souhait de la plupart des Français de vivre le plus longtemps possible à leur domicile.
À la différence de fonds d’appui qui ont été mis en place ces dernières années (cf. encadré), ces enveloppes visent à aider les conseils départementaux à préfigurer un nouveau schéma de financement des services à domicile repris notamment par le rapport de la concertation Grand âge et autonomie menée par Dominique Libault ([25]).
Le nouveau modèle doit reposer sur cinq objectifs : assurer l’accessibilité financière et géographique des SAAD, permettre une plus grande équité de traitement pour les usagers, rendre l’offre plus lisible, assurer une meilleure transparence tarifaire et mieux maîtriser les restes à charge.
Plus concrètement, le modèle tarifaire rénové proposé repose sur :
- un tarif de référence national pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH), applicable à tous les services ;
- un complément de financement, appelé « modulation positive » ou « dotation complémentaire », attribué aux services dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) avec le département. Les engagements portent notamment sur le profil des personnes accompagnées, les caractéristiques du territoire couvert et l’amplitude d’intervention.
Les enveloppes ouvertes pour 2019 et 2020 visent à soutenir les départements volontaires pour mettre en œuvre la modulation positive.
Les aides financières aux services à domicile depuis 2012
Les financements exceptionnels en faveur des SAAD en 2019 et 2020 ne constituent pas une nouveauté en soi. Depuis 2012, l’État verse régulièrement des aides ponctuelles afin de soutenir un secteur qui connaît des déficits structurels. Entre 2012 et 2016, 155 millions d’euros ont été attribués à plus de 2 000 SAAD, dont 451 en 2016. Les services ayant bénéficié du fonds en 2016 représentaient 48 500 emplois et 51,6 millions d’heures d’intervention auprès des publics fragiles.
Les aides octroyées en 2012, qui avaient pour objectifs d’accroître l’efficience et la qualité de l’offre des structures, ont permis d’augmenter ponctuellement les fonds propres des SAAD mais leur situation financière est restée fragile.
Le fond d’appui prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 visait davantage à accompagner les conseils départementaux dans la définition d’une stratégie territoriale et soutenir les bonnes pratiques tout en conservant une partie des crédits pour l’aide à la restructuration des SAAD. Ce fonds a permis d’amorcer une logique de développement de la contractualisation (CPOM) entre les départements et les SAAD.
Source : Direction générale de la cohésion sociale
60 conseils départementaux se sont engagés dans la démarche en 2019.
Par décret du 15 mai 2019 ([26]), le ministère des Solidarités et de la Santé a précisé les modalités de répartition des crédits précités prévus par la LFSS pour 2019.
Dans un premier temps, la CNSA devait verser avant le 30 juin 2019 les 50 millions d’euros de crédits aux conseils départementaux au prorata du nombre d’heures d’aide humaine réalisées sur leur territoire en 2017 dès lors qu’ils fournissaient cette donnée. 60 départements sur les 66 qui avaient initialement répondu à la sollicitation de la CNSA se sont engagés ([27]). Dans un second temps, les conseils départementaux devaient sélectionner les SAAD dans le cadre d’appels à candidature sur la base de critères prévus par le décret – profil des personnes prises en charge, amplitude horaire d’intervention, caractéristiques du territoire d’intervention. Le versement des crédits aux SAAD était néanmoins conditionné à des engagements sur des objectifs définis au regard des critères de sélection et à la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) ou d’un avenant à un CPOM.
Selon la CNSA, plusieurs raisons ont conduit 41 départements à ne pas s’engager en 2019. L’une d’entre elles est relative aux contraintes budgétaires qui s’exercent sur les conseils départementaux : plusieurs d’entre eux ont mis en avant le risque de sortir du cadre budgétaire fixé par le « Pacte de Cahors » ([28]), c’est-à-dire de dépasser le plafond de 1,2 % qui limite l’augmentation des dépenses de fonctionnement des départements notamment. Par ailleurs, alors que la conclusion d’un CPOM, rendue obligatoire par le décret, engage les parties prenantes sur plusieurs années, des départements ont pu être réticents à se lancer dans un tel dispositif dès lors qu’ils ne disposaient d’aucune visibilité sur la pérennité des financements accordés par la CNSA au-delà de 2019. Par prudence, certains départements ont donc préféré attendre d’obtenir des retours d’expérience avant de s’engager. Enfin, des départements ont pu privilégier en 2019 d’autres projets jugés davantage prioritaires.
Les appels à candidature lancés par les conseils départementaux imposaient un certain nombre de critères pour que les services à domicile puissent bénéficier des crédits supplémentaires prévus par la LFSS pour 2019. L’article 3 du décret du 15 mai 2019 prévoyait que la sélection des SAAD devait être opérée sur la base de critères portant notamment sur les trois thèmes suivants : le profil des personnes prises en charge, l’amplitude horaire d’intervention et les caractéristiques du territoire d’intervention.
Les éléments recueillis auprès de la CNSA permettent d’avoir une première vision des critères utilisés par les conseils départementaux. Outre la nécessité de disposer d’une autorisation pour exercer sur le territoire départemental, de remplir leurs obligations fiscales et sociales et de ne pas être en procédure de redressement, les SAAD candidats devaient en général disposer d’un système de télégestion et exister depuis au moins quatre ans en moyenne, cette durée pouvant varier d’un à dix ans selon les départements. Par ailleurs, était requise une activité minimale auprès des bénéficiaires de l’APA et de la PCH : les SAAD devaient réaliser en moyenne 30 000 heures au titre de l’APA ou de la PCH, cette durée pouvant varier entre 10 000 et 100 000 heures selon les départements. Cette activité APA/PCH devait constituer en moyenne 44 % de l’activité totale du SAAD. La CNSA relève enfin que dans la majeure partie des départements, l’habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale ne semble pas avoir constitué un critère de sélection.
Les services à domicile sélectionnés ont conclu des CPOM pour une durée de deux ans environ en moyenne, cette durée allant d’un an à cinq ans s’agissant des 49 départements pour lesquels la CNSA dispose d’un retour.
UN PREMIER BILAN JUGÉ MITIGÉ
La crise sanitaire a conduit le Gouvernement à reporter la date avant laquelle les départements devaient remonter les données relatives à l’utilisation des crédits pour 2019. Initialement fixée au 30 juin 2019, celle-ci a été décalée au 15 septembre prochain. En l’absence de données quantitatives consolidées, seul un bilan provisoire peut être dressé à ce stade, sans qu’il ne soit possible de mesurer les effets du dispositif sur les SAAD.
La démarche de contractualisation qui a été engagée aurait permis d’instaurer un dialogue de gestion entre les services et les départements, parfois de manière inédite, ce qui permet de prendre en compte les différentes situations économiques des structures. Les CPOM doivent permettre de déterminer des modalités de financements plus objectives entre les services et les accompagner sur l’atteinte d’indicateurs cibles. Ainsi que l’a rappelé Virginie Magnant, directrice de la CNSA, pendant la table ronde consacrée à l’autonomie qui s’est tenue le 1er juillet, les CPOM constituent un nouveau levier pour les conseils départementaux afin d’organiser l’offre de services à domicile sur leur territoire. Le recours à un tarif départemental de référence permettrait de rendre plus équitable et homogène le reste à charge sur un même territoire.
Le dispositif s’est toutefois heurté à des difficultés. Dans ses réponses au questionnaire de la MECSS, la CNSA souligne que la mise en place du nouveau modèle de financement génère des surcoûts liés notamment à la reprise des déficits antérieurs qui sont à la charge des départements, hors subventions accordées par la CNSA : « Afin de repartir sur de nouvelles bases et en adéquation avec les modalités de financement prévues par la préfiguration, plusieurs départements ont fait le choix de financer, par le biais d’une subvention, la prise en charge de ces déficits passés ».
La crise sanitaire a pu retarder la conclusion des CPOM. Au moins 24 départements n’avaient pas engagé la contractualisation dans les délais initialement prévus. Par ailleurs, les départements doivent désormais coordonner la préfiguration de la réforme du financement des SAAD avec la mise en œuvre des mécanismes de compensation financière de la crise, telles que prévues par le décret n°2020-822 du 29 juin 2020 ([29]). C’est pourquoi, la date-butoir pour la signature des CPOM a été décalée du 31 mars au 30 août 2020.
De leurs côtés, les fédérations auditionnées par les co-rapporteures se sont accordées sur le fait que les modalités de financement retenues ne permettent pas de préfigurer un nouveau modèle de financement des SAAD.
Les fédérations ont pointé plusieurs faiblesses ou difficultés posées par ce financement exceptionnel. Tout d’abord, le montant relativement modeste des sommes en jeu et la possibilité offerte à l’ensemble des départements de bénéficier d’une partie de l’enveloppe ouverte en 2019 ont conduit à un « saupoudrage » des crédits. Les sommes réparties entre les départements – en moyenne moins d’un million d’euros par département – apparaissent relativement faibles et n’ont qu’un impact limité sur les services à domicile. Certaines fédérations comme Adédom regrettent que la préfiguration n’ait pas pris la forme d’une expérimentation avec quelques départements seulement qui auraient ainsi pu bénéficier d’un effet levier plus important sur le financement des services à domicile. Une telle option aurait peut-être permis de faire émerger plus rapidement de nouveaux modèles de financement.
Ensuite, les appels à candidature et les CPOM ont pu apparaître complexes pour certaines structures, notamment au regard des enjeux financiers. La CNSA tient à rappeler que les conseils départementaux ont largement repris les outils, en particulier l’appel à candidature-type et le CPOM-type, élaborés en lien avec les fédérations d’aide à domicile. Ces documents devaient faciliter l’appropriation du dispositif par les SAAD. Toutefois, certaines fédérations ont pu observer que les CPOM n’étaient pas toujours conçus comme un outil de dialogue mais plutôt comme un moyen pour les départements d’imposer unilatéralement de nouvelles règles.
Les marges de manœuvre laissées aux départements dans le cadre de la préfiguration ont conduit à des pratiques très diverses. Ces disparités se sont manifestées notamment dans le choix des critères de sélection figurant dans les appels à candidature, qui ont pu s’avérer trop sélectifs aux yeux de certains services à domicile. D’après l’UNA, plusieurs appels à candidature lancés par les départements n’étaient en outre pas conformes à la réglementation ([30]). D’autres fédérations, comme le Synerpa, relèvent que l’hétérogénéité des décisions prises par les départements ne permettra pas d’appréhender les bases d’un nouveau système de tarification et de financement.
Au final, il semblerait que la démarche, qui a pu être assimilée à un nouveau fonds d’appui, n’ait pas été bien comprise par l’ensemble des acteurs.
UN SCHÉMA A PRIORI RECONDUIT POUR 2020
La crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 a retardé la mise en œuvre de l’article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
Lors de la table ronde organisée dans le cadre du Printemps de l’évaluation, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a indiqué que des réflexions ont été lancées en début d’année afin de définir le dispositif du décret devant être pris en 2020, qui doit faire l’objet d’une concertation avec les fédérations de l’aide à domicile et les conseils départementaux. Toutefois, ces travaux ont dû être suspendus en raison de la crise sanitaire. Le travail de préparation du décret a été relancé et un premier projet de texte serait en cours d’élaboration. La DGCS précise qu’elle envisage de publier ce décret d’ici l’automne prochain.
Selon les éléments communiqués par la DGCS à la MECSS, « les modalités d’utilisation des crédits 2020 devront permettre à la fois de garantir une cohérence avec celles retenues en 2019 mais aussi de consolider l’engagement des départements et des services qui se sont engagés dans cette démarche ». L’économie générale du dispositif pour 2019 – modalités de répartition des crédits, appels à candidature, contractualisation et allocation des crédits sous forme de dotation complémentaire – seraient a priori reconduits. Le décret devra s’articuler avec la réforme du financement des SAAD qui est envisagée dans le cadre du futur projet de loi sur l’autonomie.
Les 60 départements qui se sont engagés en 2019 devraient pouvoir utiliser les crédits au titre de l’année 2020 dans le cadre des CPOM conclus dans le cadre de l’enveloppe de 2019, ce qui allégera les démarches administratives à accomplir par les acteurs locaux. Cette faculté n’empêchera pas les départements de lancer de nouveaux appels à candidature pour sélectionner des services à domicile qui ne se seraient pas manifestés en 2019. Les crédits pour 2020 ne seraient pas réservés uniquement aux départements qui se sont engagés en 2019.
Même si des contraintes budgétaires (cf. supra) peuvent freiner certains départements, plusieurs facteurs pourraient inciter de nouveaux départements à s’associer à la démarche en 2020 :
– la possibilité de bénéficier de retours d’expérience de la part de départements engagés en 2019 ;
– l’augmentation de 20 millions d’euros de l’enveloppe prévue initialement, conformément aux annonces faites par le Ministre des Solidarités et de la Santé en février dernier. La DGCS a précisé à la MECSS que cette rallonge budgétaire sera utilisée selon les mêmes modalités ;
– la perspective de la création de la cinquième branche de la sécurité sociale et d’une réforme de la tarification des SAAD dans le cadre de la loi sur l’autonomie dont l’échéance se précise.
Afin de pouvoir bénéficier d’une partie des crédits prévus pour 2020, les départements devraient quoi qu’il en soit transmettre de nouveau le nombre d’heures d’aide humaine réalisées sur leur territoire.
La création de la cinquième branche de la sécurité sociale
Lors de la table ronde organisée le 1er juillet dernier, le directeur de la écurité sociale, M. Franck Von Lennep, a été interrogé par plusieurs membres de la commission des affaires sociales sur la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, qui doit être amorcée par les projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie, en cours d’examen au Parlement.
M. Von Lennep a rappelé que le Gouvernement a demandé à la fin du mois de juin à M. Laurent Vachey, inspecteur général des finances, de lancer une concertation avec les acteurs du secteur du grand âge et du handicap en vue de formuler des recommandations sur les principes, l’architecture, la gouvernance et le financement de la nouvelle branche autonomie. Les conclusions de la mission feront l’objet d’un rapport remis au Parlement au plus tard le 15 septembre prochain.
Au-delà de la réforme de la tarification des SAAD, d’autres solutions pourraient contribuer à soutenir le secteur de l’aide à domicile. Virginie Magnant a ainsi rappelé au cours des échanges avec les membres de la commission des affaires sociales que la transformation de l’organisation des services d’aide à domicile pourrait passer par d’autres voies comme une évolution vers le modèle Buurtzorg. Originaire des Pays-Bas, ce modèle repose sur une approche qui privilégie l’autonomie des intervenants à domicile et sur un accompagnement de proximité davantage individualisé. Compte tenu de son succès à l’étranger, la CNSA a lancé au printemps dernier un marché afin d’évaluer les premières expérimentations qui ont lieu en France.
([1]) Loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales.
([2]) Décret n° 2019-40 du 24 janvier 2019 relatif à l’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires et complémentaires.
([3]) Décret n° 2019-133 du 25 février 2019 portant application aux agents publics de la réduction de cotisations salariales et de l’exonération d’impôt sur le revenu au titre des rémunérations des heures supplémentaires ou du temps de travail additionnel effectif.
([4]) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.
([5]) Rapport sur le temps de travail dans la fonction publique, établi par Philippe Laurent, mai 2016.
([6]) Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, « La défiscalisation des heures supplémentaires : les enseignements de l’expérience française », 7 décembre 2010.
([7]) Transféré à l’article D. 622-1 du même code par un décret du 22 mai 2020.
([8]) Transféré à l’article D. 622-7 du même code par un décret du 22 mai 2020.
([9]) Les cotisations des travailleurs indépendants étant dues avec un voire deux ans de décalage, il était en effet impossible que l’expérimentation puisse donner des conclusions moins de deux après sa mise en œuvre. C’est donc assez logiquement qu’elle a été finalement prolongée jusqu’au 31 décembre 2020, alors qu’elle a commencé le 1er janvier 2018.
([10]) Baromètre BVA – Sécurité sociale pour les indépendants « Questionnaire de satisfaction pour l’année 2019 », 10/2019. Chiffre cité dans une note transmise par le CPSTI aux rapporteurs.
([11]) Décret n° 2019-121 du 21 février 2019 portant modification de dispositions réglementaires du code de la sécurité sociale relatives à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.
([12]) Arrêté du 18 juin 2019 fixant les modalités de calcul du montant de la dotation allouée aux établissements de santé en application de l’article L. 162-23-15, la liste des indicateurs obligatoires pour l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et les conditions de mise à disposition du public de certains résultats par l’établissement de santé.
([13]) Rapport public annuel 2020, février 2020, L’insuffisance rénale chronique terminale : une prise en charge à réformer au bénéfice des patients.
([14]) La société française de néphrologie a ainsi déploré que la saisie des variables comporte 50 items en sus de la saisie des consultations réalisées dans le cadre du forfait, s’interrogeant sur la pertinence et la finalité de ces variables « sans intérêt clinique évident ».
([15]) Panoramas de la DREES, « Les dépenses de santé en 2018 », édition 2019.
([16]) D’après l’enquête « Santé et protection sociale » de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDSE).
([17]) Décret n° 2019-21 du 11 janvier 2019.
([18]) Décret n° 2019-147 du 27 février 2019.
([19]) Selon la Mutualité française (audition du 4 mars 2020).
([20]) Audition devant la commission des affaires sociales, le 30 juin 2020.
([21]) Enquête de Santé Clair, 27 février 2020.
([22]) Réponse du ROF au questionnaire écrit, le 3 mars 2020.
([23]) Conférence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), 23 novembre 2018.
([24]) Le coût complet moyen d’un SAAD était de 24,15 €/h en 2018 selon le référentiel ARGOS de l’UNA et de 22,90 €/h selon l’étude menée par EY pour la Fédésap (janvier 2020), soit des montants supérieurs aux tarifs arrêtés par de nombreux conseils départementaux. Les deux études démontrent que la rentabilité des SAAD se dégrade et est même négative, respectivement - 0,25 % et - 1 % d’après chacune des deux études, compte tenu d’une augmentation des coûts plus importante que celle des produits.
([25]) Le rapport de M. Dominique Libault (publié en mars 2019) propose de mettre en place un tarif plancher de 21 euros de l’heure en mode prestataire et une dotation forfaitaire de 3 euros par heure de prestation pour couvrir des temps aujourd’hui non rémunérés (déplacements, coordination, etc.). Le rapport évalue à 550 millions d’euros le coût des besoins supplémentaires.
([26]) Décret n° 2019-457 du 15 mai 2019 relatif à la répartition et l’utilisation des crédits mentionnés au IX de l’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 visant à la préfiguration d’un nouveau modèle de financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile.
([27]) En effet, six départements se sont retirés. Il s’agit du Cantal, de la Loire-Atlantique, du Pas-de-Calais, du Rhône, des Deux-Sèvres et du Territoire de Belfort.
([28]) Le « Pacte de Cahors » fait référence à un accord conclu entre l’Etat et les plus grandes collectivités territoriales lors de la Conférence nationale des territoires qui s’est tenue à Cahors en décembre 2017. Il a été traduit dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 qui plafonne à 1,2 % l’évolution des dépenses de fonctionnement des 340 plus grandes collectivités territoriales – celles ayant un budget annuel s upérieur à 60 millions d’euros – signataires d’un contrat avec l’État en contrepartie d’une stabilisation du niveau des dotations de l’État.
([29]) Décret n° 2020-822 du 29 juin 2020 précisant les modalités de financement des services d’aide et d’accompagnement à domicile dans le cadre de l’épidémie de covid-19.
([30]) 9 des 24 appels à candidature recensés entre juillet et novembre 2019 et analysés par l’UNA ne seraient pas conformes au décret ou à la réglementation. A contrario, seul un appel à candidature a été jugé de bonne qualité au regard du respect du cadre réglementaire, de sa précision quant aux objectifs poursuivis dans la préfiguration, de l’analyse des besoins territoriaux et de la précision du cadrage financier proposé.