N° 3341

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2020

RAPPORT DINFORMATION

DÉPOSÉ

en application de larticle 145-7 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE,

sur lapplication de la loi  2018-898 du 23 octobre 2018
relative à la lutte contre la fraude

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme. Émilie CARIOU et M. Éric DIARD,

Députés

——

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. État des lieux de l’application de la loi

A. La police fiscale

1. Le renforcement de la police fiscale (article 1)

2. L’alignement des prérogatives des officiers fiscaux judiciaires sur celles des officiers des douanes judiciaires (article 2)             

B. Le contrôle fiscal, social et douanier

1. Renforcement des capacités de contrôle informatique en matière douanière (article 3) 

2. Aménagement de la vérification des comptabilités informatisées (article 4)

3. Échange d’informations entre administrations à des fins de lutte contre la fraude (article 6)             

4. Obligations déclaratives pour les comptes détenus à l’étranger (article 7)

5. Aménagement du droit de communication des organismes de sécurité sociale (article 8)             

6. Aménagement du délai de reprise sur les revenus générés par des comptes détenus à l’étranger et non déclarés (article 9)             

7. Aménagement de la procédure de flagrance fiscale (article 12)

8. Aménagement du système d’indemnisation au profit des personnes qui révèlent des informations pouvant être utiles aux services fiscaux dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (article 21)             

C. Les nouveaux modes de poursuite de la fraude fiscale

1. Extension de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) à la fraude fiscale (article 24)             

2. Convention judiciaire d’intérêt public en matière de fraude fiscale (article 25)

3. Suppression du « verrou de Bercy » (article 36)

4. Services de l’administration fiscale compétents en matière de dépôt de plainte (article 37)             

D. Les dispositions spécifiques aux plateformes d’économie collaborative

1. Précision des obligations déclaratives fiscales des plateformes d’économie collaborative (article 10)             

2. Responsabilité solidaire des plateformes en ligne en matière de TVA due par les vendeurs et prestataires (article 11)             

E. Les procédures d’autorisation d’accès aux données de connexion

1. Procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’Autorité des marchés financiers (article 13)             

2. Procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’administration des douanes (article 14)             

3. Procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’administration fiscale (article 15)             

F. Les sanctions pénales et administratives

1. Sécurisation du délit douanier de blanchiment (article 5)

2. Publication des décisions de condamnation pour fraude fiscale (article 16)

3. Aménagement de la peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pour fraude fiscale (article 17)             

4. Publication des sanctions administratives appliquées aux professionnels à raison des manquements fiscaux d’une particulière gravité (article 18)             

5. Sanction à l’égard des tiers complices de graves manquements fiscaux et sociaux (article 19)             

6. Aggravation des peines d’amende encourues en cas de fraude fiscale (article 23) 

7. Aggravation des sanctions douanières en cas de refus de coopérer (article 26)

8. Rétablissement de la faculté transactionnelle de l’administration fiscale en cas de poursuites pénales (article 35)             

G. Les dispositIons spécifiques au tabac

1. Présomption de détention de tabac à des fins commerciales (article 27)

2. Renforcement des sanctions applicables en cas de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicite de tabac (article 28)             

3. Information du public sur les risques associés à l’achat et à la vente de tabac en ligne (article 29)             

4. Dispositif national de traçabilité des produits du tabac (article 30)

H. La fiscalité internationale

1. Habilitation à transposer par ordonnance la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (article 22)             

2. Élargissement de la liste des États et territoires non coopératifs (article 31)

3. Relèvement du plafond sous lequel un régime fiscal est qualifié de privilégié (article 32)             

4. Débat sur l’application au sein de l’Union européenne des bonnes pratiques en matière de fiscalité des entreprises (article 33)             

5. Interdiction pour le groupe Agence française de développement de participer au financement de projets dont l’actionnaire de contrôle est immatriculé dans un ETNC (article 34)             

I. information sur l’évasion fiscale

1. Contenu du rapport de gestion présenté à l’assemblée générale ordinaire des actionnaires (article 20)             

2. Enrichissement du document de politique transversale sur la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales (article 38)             

II. Focus : des avancées concrètes majeures dans la lutte contre la fraude fiscale permises par la loi             

A. Une nouvelle police fiscale rapidement opérationnelle

B. Le verrou de Bercy

1. Origine et contestations du « verrou de Bercy »

2. Mission d’information commune sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, dite Mission sur le « verrou de Bercy »             

3. Réforme opérée par la loi relative à la lutte contre la fraude

4. La décision QPC du 27 septembre 2019

5. La mise en œuvre par l’administration

6. Premier bilan d’application

EXAMEN EN commission

Liste des personnes auditionnées

Annexe 1 : Statistiques relatives aux condamnations pour fraude fiscale

Annexe 2 : statistiques relatives à l’action pénale en matière de contrôle fiscal 

annexe 3 : statistiques relatives à l’activité des officiers fiscaux judiciaires 

Annexe 4 : Convention judiciaire d’intérêt public – Affaire Google

Annexe 5 : CJIP affaire Swiru Holding AG  (Tribunal judiciaire de Nice)

Annexe 6 : Circulaire interministérielle du 7 mars 2019

Annexe 7 : Note explicative relative aux arrêts  n° 1174, 1175, 1176, 1177, 1178 et 1179 du 11 septembre 2019 (chambre criminelle)             


—  1  —

introduction

En application du premier alinéa de l’article 145-7 du Règlement de l’Assemblée nationale, chaque commission parlementaire s’assure que les mesures d’application des lois relevant de son champ de compétence ont bien été publiées par le Gouvernement. Pour ce faire, la commission désigne deux rapporteurs : le rapporteur de la loi en question ainsi qu’un autre rapporteur appartenant à un groupe d’opposition. Lors de sa réunion du 7 mai 2019, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a ainsi nommé Mme Émilie Cariou et M. Éric Diard rapporteurs sur l’application de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

Ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que de ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires. Il ne s’agit donc pas d’un rapport d’évaluation de la loi : cela est bien trop prématuré puisque la loi n’a pas encore pu produire ses pleins effets ; le troisième alinéa du même article 145-7 du Règlement prévoit d’ailleurs un tel exercice à l’issue d’un délai de trois ans.

Les rapporteurs ont néanmoins souhaité mesurer l’efficacité de certaines mesures prévues par cette loi en illustrant par des exemples concrets les avancées permises en matière de lutte contre la fraude fiscale.

Dans le cadre de leur mission, les rapporteurs ont auditionné le nouveau service d’enquêtes judiciaires des finances, le service du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques et la direction des affaires criminelles et des grâces. Ils se sont également déplacés dans les locaux du parquet national financier.

Pour rappel, la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a été précédée de travaux parlementaires, conduits par les rapporteurs du présent rapport d’application, dans le cadre de la mission commune d’information sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, dite mission sur le verrou de Bercy.

Cette loi comporte 38 articles : 11 étaient issus du projet de loi initial et 27 ont été ajoutés au cours de la navette parlementaire, notamment l’article portant sur la réforme du verrou de Bercy.

La loi se décompose en trois volets :

– un premier volet de 15 articles qui renforce les moyens ;

– un second volet de 20 articles qui renforce les sanctions ;

– et un troisième volet de 3 articles, inséré à l’initiative du Parlement, qui réforme les procédures de poursuite de la fraude fiscale.

 

Article

Numérotation

Intitulé

définitive

navette parlementaire

Titre I : Renforcer les moyens alloués à la lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière

1

1

Renforcement de la police fiscale

2

1 bis

Alignement des prérogatives des officiers fiscaux judiciaires sur celles des officiers des douanes judiciaires

3

2

Renforcement des capacités de contrôle informatique en matière douanière

4

2 bis A

Aménagement de la vérification des comptabilités informatisées

5

2 bis B

Sécurisation du délit douanier de blanchiment

6

3

Échange d’informations entre administrations à des fins de lutte contre la fraude

7

3 bis

Obligations déclaratives pour les comptes détenus à l’étranger

8

3 ter A

Aménagement du droit de communication des organismes de sécurité sociale

9

3 ter B

Aménagement du délai de reprise sur les revenus générés par des comptes détenus à l’étranger et non déclarés

10

4

Précision des obligations déclaratives fiscales des plateformes d’économie collaborative

11

4 ter

Responsabilité solidaire des plateformes en ligne en matière de TVA due par les vendeurs et prestataires

12

4 octies

Aménagement de la procédure de flagrance fiscale

13

4 nonies

Procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’Autorité des marchés financiers

14

4 decies

Procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’administration des douanes

15

4 undecies

Procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’administration fiscale

Titre II : Renforcement des sanctions de la fraude fiscale, sociale et douanière

16

5

Publicité des décisions de condamnation pour fraude fiscale

17

5 bis

Aménagement de la peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pour fraude fiscale

18

6

Publication des sanctions administratives appliquées aux professionnels à raison des manquements fiscaux d’une particulière gravité

19

7

Sanction à l’égard des tiers complices de graves manquements fiscaux et sociaux

20

7 bis

Contenu du rapport de gestion présenté à l’assemblée générale ordinaire des actionnaires

21

7 quater

Aménagement du système d’indemnisation au profit des personnes qui révèlent des informations pouvant être utiles aux services fiscaux dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales

22

quinquies

Habilitation à transposer par ordonnance la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal

23

8

Aggravation des peines d’amende encourues en cas de fraude fiscale

24

9

Extension de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) à la fraude fiscale

25

bis

Convention judiciaire d’intérêt public en matière de fraude fiscale

26

10

Aggravation des sanctions douanières en cas de refus de coopérer

27

10 bis

Présomption de détention de tabac à des fins commerciales

28

10 ter

Renforcement des sanctions applicables en cas de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicite de tabac

29

10 quater

Information du public sur les risques associés à l’achat et à la vente de tabac en ligne

30

10 quinquies

Dispositif national de traçabilité des produits du tabac

31

11

Élargissement de la liste des États et territoires non coopératifs

32

11 bis B

Relèvement du plafond sous lequel un régime fiscal est qualifié de privilégié

33

11 bis C

Débat sur l’application au sein de l’Union européenne des bonnes pratiques en matière de fiscalité des entreprises

34

11 bis

Interdiction pour le groupe Agence française de développement de participer au financement de projets dont l’actionnaire de contrôle est immatriculé dans un ETNC

35

12

Rétablissement de la faculté transactionnelle de l’administration fiscale en cas de poursuites pénales

Titre III : Réforme de la procédure de poursuite pénale de la fraude fiscale

36

13

Suppression du « Verrou de Bercy »

37

14

Services de l’administration fiscale compétents en matière de dépôt de plainte

38

15

Enrichissement du document de politique transversale sur la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales

La plupart de ces articles ne nécessitaient aucune mesure d’application particulière. C’est le cas, par exemple, des nouvelles modalités de poursuite de la fraude fiscale qui peut désormais faire l’objet d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou d’une convention judiciaire d’intérêt public. C’est le cas aussi de l’aménagement de diverses procédures comme celle de la vérification des comptabilités informatisées ou celle relative à la flagrance fiscale. De même, les articles qui modifiaient le régime des peines ne nécessitaient pas de mesures d’application.

En revanche, 13 dispositions nécessitaient des mesures d’application. Toutes ces mesures ont été prises à l’exception de deux. Il s’agit des articles 14 et 15 relatifs à la procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’administration des douanes et l’administration fiscale. D’après les informations transmises aux rapporteurs, une modification de ces articles sera proposée dans le prochain PLF : l’exercice de ce droit de communication serait désormais placé sous l’autorisation d’un contrôleur des demandes des données de connexion. Sous réserve de l’adoption de ces modifications par le Parlement, cela signifie donc que ces deux articles dans leur version issue de la loi relative à la lutte contre la fraude ne seront jamais effectivement appliqués.

Au final, 85 % des mesures d’application nécessaires ont été publiées et ce, dès le premier semestre 2019 pour la très grande majorité d’entre elles.

Il faut également souligner que plusieurs mesures d’application non prévues par le texte mais nécessaires au respect de l’esprit de la loi ont été publiées. C’est le cas notamment de l’article 1er qui a conduit à la création, par décret, d’un service de police fiscale spécifique : le service d’enquêtes judiciaires des finances, rattaché conjointement au directeur général des douanes et droits indirects et au directeur général des finances publiques.

Les premiers constats des rapporteurs montrent que les outils créés par la loi relative à la lutte contre la fraude sont pertinents et commencent à produire leurs effets. Le plus significatif à ce stade est celui du doublement du nombre de dossiers transmis par l’administration fiscale à l’autorité judiciaire entre 2018 et 2019.

Les rapporteurs souhaitent aussi rappeler ici que ces nouveaux outils s’articulent avec la montée en puissance du parquet national financier (PNF) dont les résultats d’activité depuis 2014 démontrent l’importance de l’existence d’une juridiction spécialisée et compétente dans les dossiers les plus complexes de fraude fiscale. Le PNF a permis, depuis sa création, de rapporter 7,7 milliards d’euros à l’État dont 5,7 milliards d’euros rien qu’en 2019.

Cependant, ces nouveaux moyens au service de la lutte contre la fraude ne doivent pas masquer les carences réelles qui existent en matière de lutte contre la délinquance financière du fait de l’insuffisance chronique des moyens alloués au contrôle fiscal au sein de l’administration fiscale. Un rapport de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances du Sénat, a notamment mis en évidence la baisse des effectifs du contrôle fiscal ces dernières années tout en regrettant l’absence de données et de suivi sur les crédits alloués au contrôle fiscal ([1]).

Ces résultats positifs en matière de lutte contre la fraude fiscale doivent aussi être mis en contraste avec certains chiffres inquiétants du contrôle fiscal, notamment ceux relatifs à la baisse des droits et pénalités dont le recouvrement a été demandé en 2019 (– 3,65 % par rapport à 2018) ([2]), et avec les constats alarmants de la Cour des comptes sur la police financière ([3]) (voir infra).

Le présent rapport propose de faire un état des lieux de l’application de la loi du 23 octobre 2018 et développe de façon plus détaillée la mise en œuvre de deux mesures majeures issues de cette loi : la naissance d’un nouveau service de police fiscale et la suppression du verrou de Bercy.

Les apports parlementaires à la loi relative à la lutte contre la fraude :
l’exemple du règlement du dossier Google ([4])

L’exemple du règlement du dossier dit « Google » intervenu en septembre 2019 est emblématique de l’importance des apports parlementaires dans le processus d’élaboration de la loi.

Le règlement de ce dossier a pu, en effet, intervenir grâce à la mise en œuvre combinée de trois dispositifs, tous issus d’amendements parlementaires directement inspirés par les travaux de la mission d’information sur les procédures de poursuites des infractions fiscales. Il a permis une rentrée de recette pour l’État d’un milliard d’euros, moins d’un an après l’entrée en vigueur de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

En premier lieu, le volet pénal de ce dossier a pu être réglé grâce à une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Celle-ci a été conclue en application de l’article 25 qui a étendu la CJIP à la fraude fiscale. L’amende d’intérêt public prévu par la CJIP s’est élevée en l’espèce à 500 millions d’euros.

En deuxième lieu, le volet fiscal du dossier « Google » a pu être traité par voie de transaction par application de l’article 35. Auparavant, il était interdit de réaliser une transaction administrative sur les pénalités quand une procédure pénale était pendante. Google s’est ainsi acquitté des impôts éludés et de pénalités pour un total de près de 500 millions d’euros.

La possibilité de régler dans le même temps laspect pénal et laspect fiscal a été déterminant pour la conclusion rapide de ce dossier.

Enfin, en troisième lieu, dans le cadre de la réforme du « verrou de Bercy » à l’article 36, le parquet national financier a pu étendre ses investigations aux faits connexes des plaintes dont il était saisi, en l’occurrence les exercices postérieurs à la plainte initiale de l’administration fiscale qui datait de 2015. Ceci a permis de majorer le montant de l’amende d’intérêt public négociée et de régler définitivement l’aspect pénal du dossier sans passer par une nouvelle saisine de la commission des infractions fiscales (CIF) qui aurait fait perdre plusieurs mois.

 


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I.   État des lieux de l’application de la loi

A.   La police fiscale

On désigne habituellement sous l’appellation « police fiscale » les agents et les services en charge spécifiquement de la recherche des infractions fiscales. La police fiscale intervient dans le cadre réglementé de la procédure d’enquête judiciaire fiscale.

Contrairement aux officiers de police judiciaire (OPJ), qui ont une compétence générale pour constater les infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves et en rechercher les auteurs, les officiers fiscaux judiciaires (OFJ) ont une compétence limitée à certaines infractions fiscales.

Ce sont des agents des services fiscaux spécialement habilités à effectuer des enquêtes judiciaires et disposant des mêmes prérogatives que les OPJ. Les règles régissant les officiers fiscaux judiciaires sont codifiées à l’article 28-2 du code de procédure pénale.

1.   Le renforcement de la police fiscale (article 1)

a.   Apport de la loi

L’article 1er a supprimé à l’article 28-2 du code de procédure pénale, la mention selon laquelle les OFJ sont placés « au sein du ministère de l’intérieur ». Autrement dit, il permet leur rattachement à d’autres ministères.

b.   Mesure d’application

L’article 1er n’impose pas la mise en œuvre d’une mesure d’application. Il se borne à autoriser l’exécutif à rattacher les OFJ à d’autres ministères, le laissant libre d’exercer ou non cette faculté.

Toutefois, l’objectif énoncé était la création d’un nouveau service à compétence nationale de police fiscale au sein de l’administration fiscale, dont l’activité serait complémentaire à celle de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF). Le décret n° 2019-460 du 16 mai 2019 a créé le 1er juillet 2019 ce nouveau service, nommé « service d’enquêtes judiciaires des finances » (SEJF), rattaché conjointement au directeur général des douanes et droits indirects et au directeur général des finances publiques ([5]) et qui remplace le service national de douane judiciaire.

 

Plusieurs textes sont venus compléter le décret de création du SEJF et préciser certaines de ses modalités de fonctionnement : l’arrêté du 16 mai 2009 relatif au service à compétence nationale dénommé « service d’enquêtes judiciaires des finances » ([6]), le décret du 17 mai 2019 portant adaptation du code de procédure pénale à la création du service d’enquêtes judiciaires des finances ([7]), l’arrêté du 21 mai 2019 portant adaptation des dispositions relatives aux modalités d’organisation de l’examen technique d’aptitude à l’exercice de certaines missions de police judiciaire par les agents des services fiscaux ([8]), l’arrêté du 28 juin 2019 relatif à l’autorisation de port d’arme par les agents des services fiscaux affectés au service d’enquêtes judiciaires des finances ([9]).

2.   L’alignement des prérogatives des officiers fiscaux judiciaires sur celles des officiers des douanes judiciaires (article 2)

a.   Apport de la loi

L’article 2 prévoit diverses dispositions de coordination afin de permettre aux OFJ de diligenter en toute autonomie les enquêtes judiciaires qui leur seront confiées par le procureur de la République ou le juge d’instruction.

Il étend les prérogatives des OFJ à celles dont bénéficient les officiers des douanes judiciaires (ODJ). Ces derniers disposent désormais :

– de la possibilité de se voir remettre à titre gratuit des biens saisis – sous les conditions prévues aux articles 41-5 et 99-2 du code de procédure pénale ;

– de la possibilité d’accéder aux fichiers des antécédents prévue sous les conditions définies à l’article 230-10 du code de procédure pénale ;

– du droit de créer des logiciels destinés à faciliter l’exploitation et le rapprochement d’informations sur les modes opératoires recueillies durant les enquêtes judiciaires, droit prévu à l’article 230-20 du code de procédure pénale ;

– et de la faculté d’échanger des informations avec des États de l’Union européenne par application de la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006, faculté prévue à l’article 695-9-31 du code de procédure pénale.

b.   Mesures d’application

L’article 2 n’impose pas la mise en œuvre de mesure d’application.

Cependant, l’arrêté du 19 février désignant les services des douanes et les services fiscaux compétents pour échanger des informations avec d’autres services des États membres de l’Union européenne est venu inclure le nouveau SEJF dans le champ des services concernés ([10]) .

Des mesures réglementaires complémentaires, permettant l’accès des officiers fiscaux aux traitements de données du ministère de l’intérieur, sont en cours de discussion.

B.   Le contrôle fiscal, social et douanier

1.   Renforcement des capacités de contrôle informatique en matière douanière (article 3)

a.   Apport de la loi

L’article 3 renforce les moyens dont disposent les agents de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) pour lutter contre les logiciels dits « permissifs », conçus pour dissimuler des recettes.

À l’instar de ce qui existe pour les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP), il instaure un droit de communication spécifique permettant aux agents des douanes de se faire communiquer par les éditeurs, concepteurs, distributeurs ou toute personne susceptible de manipuler les logiciels, le code source et la documentation des logiciels qu’ils proposent. Celui-ci est codifié, pour les contributions douanières, à l’article 65 quater du code des douanes et, pour les contributions directes, à l’article L. 96 J du livre des procédures fiscales.

Ce nouveau droit de communication est assorti d’un régime spécifique de sanction. En cas d’opposition au droit de communication, il est prévu une amende, par logiciel ou système de caisse vendu ou par client, de :

– 10 000 euros en matière de contributions indirectes ;

– et de 10 000 euros en matière douanière, sans que le total des amendes puisse être supérieur à 50 000 euros.

Il est également prévu une amende égale à 15 % du chiffre d’affaires provenant de la commercialisation de logiciels ou systèmes de caisse frauduleux.

b.   Mesures d’application

L’article 3 n’impose pas la mise en œuvre de mesure d’application.

2.   Aménagement de la vérification des comptabilités informatisées (article 4)

La procédure de vérification obéit à certaines particularités lorsque la comptabilité est tenue par l’entreprise de manière informatisée.

a.   Apport de la loi

L’article 4 vise à mettre fin aux pratiques de certaines entreprises visant à modifier ou à détruire les fichiers comptables et commerciaux, avant le commencement des opérations de contrôle.

La vérification des comptabilités informatisée permet en effet à l’administration fiscale d’effectuer deux copies de ces fichiers et de les mettre sous scellés informatiques. Une copie est remise au contribuable, l’autre est conservée par l’administration. Toutefois, il est possible de gêner l’application de cette procédure par la modification des données comptables et de gestion, une fois le contrôle inopiné́ effectué et avant la mise en œuvre par l’administration de traitements informatiques.

b.   Mesures d’application

L’article 4 n’impose pas la mise en œuvre de mesure d’application.

3.   Échange d’informations entre administrations à des fins de lutte contre la fraude (article 6)

Les échanges d’informations entre administrations sont en principe limités par le secret professionnel. Toutefois il existe de très nombreuses exceptions qui ont pour but d’améliorer la détection des fraudes.

a.   Apport de la loi

L’article 6 renforce les dispositifs d’échanges d’informations entre administrations, organismes et autorités chargées de la lutte contre la fraude.

Il ouvre un accès direct à certains fichiers (Patrim ([11]), FICOBA ([12]), FICOVIE ([13]), BNDP ([14])) de la direction générale des finances publiques (DGFiP) au profit :

– des assistants spécialisés affectés au sein des juridictions ;

– des agents des organismes sociaux, de l’inspection du travail et des agents de police judiciaire, dans le cadre de la lutte contre le travail illégal.

Il élargit l’accès au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) dans le cadre de la lutte contre la fraude sociale et contre le travail illégal.

Enfin, il étend à la fraude fiscale le dispositif d’échanges d’informations entre la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et la direction générale de la protection des risques.

Il donne accès à des fichiers de la DGFiP qui comportent des informations essentiellement patrimoniales aux agents de plusieurs organismes de sécurité sociale et aux agents des douanes.

Il étend le domaine des échanges d’informations entre les douanes et la direction générale de la prévention des risques pour faciliter les contrôles portant sur la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Il introduit en faveur des assistants spécialisés des douanes auprès des juridictions l’accès à de nouveaux fichiers.

Il autorise les agents des douanes et les agents du ministère de l’agriculture, de FRANCEAGRIMER et d’ODEADOM à s’échanger des informations pour les besoins de leurs missions de contrôle portant sur les ressources propres de l’Union européenne et des taxes nationales.

b.   Mesures d’application

Un certain nombre de mesures d’application sont nécessaires.

 

Article 6, I, 1°

Article L134 D, livre des procédures fiscales

Modalités selon lesquelles les agents des organismes mentionnés aux articles L. 211-1, L. 212-1, L. 215-1, L. 222-1-1, L. 752-4 du code de la sécurité sociale et ceux mentionnés à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime sont individuellement désignés et dûment habilités pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement.

Décret n° 2019-659 du 27 juin 2019 (lien)

Article 6, I, 1°

Article L134 D, livre des procédures fiscales

Modalités selon lesquelles les agents des organismes mentionnés aux articles L. 212-1, L. 752-4 du code de la sécurité sociale et ceux mentionnés à l’article L. 5312-1 du code du travail et à l’article L. 724‑7 du code rural et de la pêche maritime sont individuellement désignés et dûment habilités pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement.

Décret n° 2019-659 du 27 juin 2019 (lien)

Article 6, I, 3°

Article L135 ZK, livre des procédures fiscales

Modalités selon lesquelles les agents des organismes mentionnés aux articles L. 8112-1 du code du travail, les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale et ceux mentionnés à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime sont individuellement désignés et dûment habilités pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement.

Décret n° 2019-659 du 27 juin 2019 (lien)

Article 6, I, 3°

Article L135 ZL, livre des procédures fiscales

Modalités selon lesquelles les agents des douanes sont individuellement désignés et dûment habilités pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement.

Décret n° 2019-659 du 27 juin 2019 (lien)

Article 6 III

Nouvel alinéa 5 de l’article L114-12-1, code de la sécurité sociale

Modalités selon lesquelles les agents de l’inspection du travail, les OPJ et APJ, les agents des services fiscaux et douaniers y compris ceux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires, les agents de Tracfin sont individuellement désignés et dûment habilités à accéder au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) dans le cadre de leur mission.

Décret n° 2019-704 du 4 juillet 2019 (lien)

La publication de ces décrets est accompagnée de plusieurs chantiers techniques nécessaires à l’effectivité de la mise en œuvre des mesures prévues par l’article 6. Ces modifications techniques ont été effectuées et des conventions entre les différents partenaires sont en cours de finalisation. Au regard de l’importance de ces échanges de données dans la lutte contre la fraude sociale, les rapporteurs regrettent cette entrée en vigueur effective tardive.

4.   Obligations déclaratives pour les comptes détenus à l’étranger (article 7)

a.   Apport de la loi

L’article 7 apporte une précision sur les caractéristiques des comptes à l’étranger soumis à certaines obligations déclaratives. Afin de sécuriser l’application de ces obligations déclaratives aux comptes « dormants » détenus à l’étranger, il est ajouté que, outre les comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger, les comptes détenus à l’étranger sont également concernés par ces obligations.

Le II de l’article 7 prévoit que la disposition entre en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, le 1er janvier 2019.

b.   Mesures d’application

La date d’entrée en vigueur de la disposition a été fixée au 1er janvier 2019 par le décret du 26 décembre 2018 pris pour l’application du deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts relatif à l’obligation de déclarer les comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger. Ce décret a également précisé les modalités de déclaration des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger par les particuliers, associations ou sociétés non commerciales domiciliés ou établis en France au sens de la législation fiscale ([15]).

5.   Aménagement du droit de communication des organismes de sécurité sociale (article 8)

a.   Apport de la loi

L’article 8 harmonise les conditions d’exercice du droit de communication par les organismes de sécurité sociale avec celles dont bénéficient les agents de la DGFIP.

Il instaure la possibilité de sanctionner les tiers en cas de silence et introduit une sanction en cas de refus renouvelé de déférer à la demande des organismes de sécurité sociale.

Enfin, pour améliorer le recouvrement des indus, il étend l’exercice du droit de communication aux agents des services contentieux et recouvrement des organismes de protection sociale.

b.   Mesures d’application

L’article 8 n’impose pas la mise en œuvre de mesure d’application.

6.   Aménagement du délai de reprise sur les revenus générés par des comptes détenus à l’étranger et non déclarés (article 9)

L’administration fiscale dispose d’un délai de reprise de dix ans sur les revenus générés par des comptes détenus à l’étranger et non déclarés, ramené à dix ans lorsque le solde des comptes détenus à l’étranger est inférieur à 50 000 euros.

a.   Apport de la loi

L’article 9 prévoit que le seuil de 50 000 euros s’apprécie sur l’ensemble de l’année, et non plus à la seule date du 31 décembre comme le prévoyait l’état du droit antérieur.

b.   Mesures d’application

L’article 9 n’impose pas la mise en œuvre de mesure d’application.

7.   Aménagement de la procédure de flagrance fiscale (article 12)

La procédure de flagrance fiscale permet aux agents de l’administration fiscale qui effectuent un contrôle sur place de dresser un procès-verbal pour constater soit l’exercice d’une activité non déclarée, soit l’existence d’une comptabilité non probante, soit la délivrance de factures fictives, soit un certain nombre d’infractions au droit du travail.

Ce procès-verbal emporte des conséquences importantes puisqu’il permet d’effectuer un certain nombre de saisies conservatoires et qu’il peut servir de preuves pour des rappels ultérieurs d’imposition.

La procédure de flagrance fiscale n’est cependant pas autonome puisque ce n’est qu’à l’occasion de l’exercice d’une procédure annexe (droit de visite et de saisie, contrôle inopiné préalable à une vérification de comptabilité, etc.) que l’administration fiscale, constatant une fraude en cours de réalisation, peut y avoir recours.

 

 

a.   Apport de la loi

L’article 12 a aménagé la procédure de flagrance fiscale. Il a :

– étendu le champ de la flagrance fiscale au contrôle du respect des seuils de paiement en espèces ;

– généralisé les faits constitutifs de flagrance fiscale aux cas de défaillance déclarative des principaux impôts et taxes ; auparavant, seuls les contribuables défaillants en matière de TVA pouvaient faire l’objet d’un procès-verbal de flagrance fiscale ;

– assoupli les conditions dans lesquelles les agents de l’administration dressent le procès-verbal de flagrance fiscale ; le procès-verbal pourrait être signé par le représentant du contribuable ou par toute personne recevant les agents des finances publiques, comme c’est déjà le cas notamment lors de la mise en œuvre du droit d’enquête ;

– et renforcé les garanties juridictionnelles offertes au contribuable en étendant à quinze jours le délai pour saisir le juge du référé administratif au lieu de huit actuellement.

b.   Mesures d’application

L’article 12 ne nécessite pas la mise en œuvre de mesure d’application.

8.   Aménagement du système d’indemnisation au profit des personnes qui révèlent des informations pouvant être utiles aux services fiscaux dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales (article 21)

Le système d’indemnisation au profit des personnes qui révèlent des informations pouvant être utiles aux services fiscaux dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales avait été instauré, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, par la loi de finances pour 2017.

Ce dispositif est utile pour démontrer la localisation en France de certaines activités prétendument localisées à l’étranger ou la domiciliation en France de certains contribuables. En outre, il permet de révéler des manquements aux obligations déclaratives relatives aux comptes, aux contrats d’assurance-vie et aux trusts détenus à l’étranger, dont l’utilisation constitue l’un des principaux vecteurs de la fraude fiscale.

a.   Apport de la loi

L’article 21 pérennise le dispositif dindemnisation des personnes révélant des informations utiles à la lutte contre la fraude fiscale internationale.

Initialement prévu à titre expérimental pour deux par l’article 109 de la loi de finances pour 2017, ce dispositif dit des « aviseurs fiscaux » a pour objet de permettre l’indemnisation des personnes adressant de façon spontanée et non anonyme des informations qui portent sur des faits graves et décrits avec précision à l’administration fiscale ([16]).

L’application de ce dispositif est encadrée par le décret n° 2017-601du 21 avril 2017 pris pour l’application de l’article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 et un arrêté du 21 avril 2017. Ce dernier prévoit que la décision d’attribution de l’indemnité est prise par le directeur général des finances publiques, qui en fixe le montant, sur proposition du directeur de la direction nationale d’enquêtes fiscales, par référence aux montants estimés des impôts éludés ([17]).

L’article 21 de la loi relative à la lutte contre la fraude modifie également les échéances de remise du rapport sur l’application du dispositif, qui comporte notamment le nombre de mises en œuvre de ce dispositif et le montant des indemnisations versées. Ainsi, à partir du 1er janvier 2019, ce rapport est remis tous les deux ans au Parlement et non plus chaque année, comme initialement prévu.

D’après les éléments transmis par la DGFiP, l’administration fiscale a indemnisé quatre aviseurs depuis l’entrée en vigueur du dispositif en avril 2017. Les informations transmises par ces aviseurs ont conduit au recouvrement de plus de 90 millions d’euros de droits et pénalités.

Une soixantaine de demandes d’indemnisation font actuellement l’objet d’enquêtes pour confirmer ou infirmer les éléments transmis.

b.   Mesures d’application

L’article 21 de la loi relative à la lutte contre la fraude nécessitait une modification du décret n° 2017-601 du 21 avril 2017 : le décret d’application n° 2019-459 du 15 mai 2019 a supprimé le caractère expérimental du dispositif des aviseurs fiscaux ([18]).

Suite aux recommandations de la mission d’information sur les aviseurs fiscaux rapportée par Mme Pires-Beaune ([19]), le dispositif des aviseurs fiscaux a été de nouveau modifié par l’article 175 de la loi de finances initiale pour 2020 :

– il a été codifié dans un article L. 10-0 AC du livre des procédures fiscales ;

– il a été étendu, de manière pérenne, à la lutte contre la fraude à la TVA ;

– il a été étendu, à titre expérimental, à l’indemnisation de la révélation de tout manquement grave à la législation fiscale dès lors qu’il est passible des sanctions les plus élevées et que le montant des droits éludés est supérieur à 100 000 euros.

Une mise à jour du décret n° 2017-601 et de l’arrêté du 21 avril 2017 est toujours attendue pour garantir l’application de ces mesures.

C.   Les nouveaux modes de poursuite de la fraude fiscale

1.   Extension de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) à la fraude fiscale (article 24)

a.   Apport de la loi

L’article 24 étend à la fraude fiscale la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). La CRPC, communément désignée comme un « plaider-coupable » car elle permet d’éviter un procès à une personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés et qui accepte la peine proposée par le procureur de la République, permet d’apporter une réponse pénale plus rapide.

Il modifie en ce sens l’article 495-16 du code de procédure pénale, inséré par l’article 137 de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité pour faire disparaître la mention selon laquelle les délits dont la procédure de poursuite est régie par une loi spéciale sont en dehors du champ d’application de la CRPC.

b.   Mesures d’application

L’article 24 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

2.   Convention judiciaire d’intérêt public en matière de fraude fiscale (article 25)

La convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) a été instituée par l’article 22 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « loi Sapin 2 »).

Elle s’inspire du dispositif de la procédure de deferred prosecution agreement (DPA) américaine, qui a permis d’accroître significativement la répression de la délinquance économique sans subir la lourdeur d’une poursuite longue et coûteuse débouchant sur un procès à l’issue incertaine.

a.   Apport de la loi

L’article 25 autorise la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière de fraude fiscale et modifie en ce sens l’article 41-1-2 du code de procédure pénale.

b.   Mesures d’application

L’article 25 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

3.   Suppression du « verrou de Bercy » (article 36)

a.   Apport de la loi

L’article 36 modifie substantiellement le mécanisme de dépôt des plaintes pour fraude fiscale en supprimant le « verrou de Bercy ». En effet, avant la loi fraude, la poursuite des délits de fraude fiscale (tels que définie par l’article 1741 du CGI) était subordonnée à une plainte préalable de l’administration fiscale ayant recueilli un avis favorable de la commission des infractions fiscales (CIF).

L’article 21 instaure un mécanisme de transmission automatique au parquet des affaires ayant donné lieu aux pénalités administratives suivantes dès lors que les droits éludés dépassent un seuil fixé à 100 000 euros :

– la majoration de 100 % en cas d’évaluation d’office ;

– la majoration de 80 % en cas de découverte d’une activité occulte, d’abus de droit, de manœuvres frauduleuses, ou d’absence de déclaration de certaines sommes et certains actifs ;

– la majoration de 40 % lorsque la déclaration ou l’acte n’a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure, ou en cas de manquement délibéré.

L’administration fiscale conserve la faculté de déposer plainte, sur avis conforme de la CIF, pour les affaires ne répondant pas à ces critères. L’avis de la CIF, en revanche, serait supprimé pour les dossiers de présomptions caractérisées de fraude fiscale. L’administration pourra ainsi déposer plainte directement pour ces dossiers de suspicion de fraude fiscale.

L’article 36 introduit également pour le parquet la faculté de poursuivre les fraudes fiscales connexes à celles dont il est déjà saisi.

Enfin, il prévoit la levée du secret professionnel des agents des finances publiques à l’égard du procureur de la République, ce qui permet de renforcer le dialogue et la coopération entre la justice et l’administration fiscale.

b.   Mesures d’application

Le décret d’application n° 2019-567 du 7 juin 2019 a modifié les conditions de fonctionnement de la commission des infractions fiscales suite à l’entrée en vigueur de la loi fraude ([20]). Ce décret était la seule mesure d’application prévue par l’article 36.

Une circulaire du ministère de l’action et des comptes publics du 7 mars 2019 ([21]) est venue préciser les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif d’engagement des poursuites pénales pour fraude fiscale et le cadre du renforcement du dialogue et de la coordination entre les parquets et l’administration fiscale.

4.   Services de l’administration fiscale compétents en matière de dépôt de plainte (article 37)

a.   Apport de la loi

L’article 37 permet aux directions de contrôle de porter directement plainte elles-mêmes. Il modifie en ce sens l’article L. 229 du livre des procédures fiscales.

En l’état du droit antérieur, les plaintes pour fraude fiscale ne pouvaient être déposées que par « le service chargé de l’assiette ou du recouvrement de l’impôt ».

b.   Mesures d’application

L’article 37 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

D.   Les dispositions spécifiques aux plateformes d’économie collaborative

1.   Précision des obligations déclaratives fiscales des plateformes d’économie collaborative (article 10)

a.   Apport de la loi

L’article 10 clarifie et renforce les obligations déclaratives pesant sur les plateformes en ligne.

Il fusionne au sein de l’article 242 bis du code général des impôts (CGI) trois obligations déclaratives :

– celle d’informer les utilisateurs de leurs obligations fiscales et sociales ;

– celle de leur transmettre un récapitulatif annuel des transactions réalisées, qui figuraient déjà à cet article ;

– celle de transmettre à l’administration fiscale, une fois par an, un document récapitulant les éléments transmis aux utilisateurs, notamment les revenus encaissés dont l’opérateur de plateforme a connaissance.

Ces trois obligations s’appliquent à toutes les plateformes, qu’elles soient établies en France ou non.

Par ailleurs, leur non-respect entraîne l’application de sanctions :

– une amende forfaitaire fixée dans la limite d’un plafond de 50 000 euros en cas de manquement à l’information de l’utilisateur de ses obligations fiscales et sociales ;

– une amende de 5 % des sommes non déclarées auprès de l’utilisateur et de l’administration.

Par ailleurs, l’article 10 introduit un nouveau droit de communication au bénéfice de l’administration.

Par exception, l’article 10 dispense les plateformes de l’obligation de transmission à l’administration des informations relatives aux transactions réalisées lorsqu’elles sont issues d’activités dites de co-consommation (covoiturage notamment) ou lorsqu’elles résultent de la vente de certains biens meubles (tels des voitures ou du mobilier).

Dans l’exposé sommaire de son sous-amendement, le Gouvernement s’était engagé à ce que cette dispense de déclaration s’applique « dès lors que le montant annuel perçu dans l’année par un même utilisateur sur une même plateforme est inférieur à un seuil qui sera fixé par arrêté à 3 000 €, ou si le nombre d’opérations réalisées, s’appréciant lui aussi par utilisateur et par plateforme pour une même année, est inférieur à un second seuil, qui sera fixé par arrêté à 20 opérations ».

Ce dispositif s’applique aux revenus perçus à compter de 2019. Toutefois, certaines des dispositions de l’article 4 s’appliquent aux revenus perçus à compter de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté interministériel prévu à l’avant-dernier alinéa de la version proposée de l’article 242 bis du code général des impôts conditionnant l’applicabilité opérationnelle du dispositif (dans la mesure où c’est cet arrêté qui précise la nature exacte des informations qui devront être transmises par les plateformes).

Par ailleurs, l’article 10 et l’arrêté qu’il prévoit doivent être transmis à la Commission européenne en application de la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015 dite « société de l’information ». Cette transmission ouvre un délai de trois mois pendant lequel le dispositif ne sera pas opposable aux tiers. Par cohérence, il est donc prévu que l’ensemble du dispositif n’entre en vigueur qu’à compter de l’expiration du délai de trois mois, étant précisé l’arrêté ne sera publié au journal officiel qu’à l’expiration de ce délai.

b.   Mesures d’application

L’article 10 a été notifié à la Commission européenne le 25 septembre 2018.

L’arrêté conditionnant l’entrée en vigueur du dispositif a été publié le 27 décembre 2018 ([22]).

La transmission d’informations par les plateformes à l’administration a été réalisée pour la première fois en 2020, sur les revenus perçus en 2019. D’après les informations transmises par la DGFiP, au 20 avril 2020, 120 plateformes avaient effectué des dépôts de déclarations valides. 1,2 million de personnes physiques (particuliers) et 0,4 million de professionnels et autres personnes morales sont concernés par ces déclarations.

2.   Responsabilité solidaire des plateformes en ligne en matière de TVA due par les vendeurs et prestataires (article 11)

a.   Apport de la loi

L’article 11 institue, à compter du 1er janvier 2020, un système de responsabilité solidaire des plateformes en ligne en cas de non-paiement de la TVA par les vendeurs en introduisant à cet effet dans le code général des impôts (CGI) deux nouveaux articles 283 bis et 293 A ter. Ces nouveaux articles prévoient, lorsqu’existent des présomptions qu’une personne se livrant à des activités en France par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne se soustraie à ses obligations en matière de TVA, que l’administration puisse demander, puis mettre en demeure l’opérateur de la plateforme de prendre les mesures permettant à la personne en cause de régulariser sa situation. En l’absence de régularisation, la plateforme est solidairement tenue au paiement de la TVA due par cette personne.

Cet article est applicable à compter du 1er janvier 2020.

b.   Mesures d’application

L’arrêté du 30 décembre 2019 pris pour l’application des articles 283 bis et 293 A ter du code général des impôts ([23]) est venu préciser le contenu du signalement et de la mise en demeure envoyés par l’administration fiscale aux opérateurs de plateformes ainsi que des notifications transmises par ces derniers, ainsi que les mesures qui peuvent être demandées aux opérateurs de plateforme en ligne.

E.   Les procédures d’autorisation d’accès aux données de connexion

La finalité poursuivie est de concilier l’efficacité des investigations réalisées par les services d’enquêtes douaniers avec la protection du droit au respect de la vie privée, dans le respect des principes dégagés par la jurisprudence constitutionnelle (décisions n° 2015‑715 DC du 5 août 2015, n° 2017‑646‑647 QPC du 21 juillet 2017 et n°s 2017‑752 DC et 2017‑753 DC du 8 septembre 2017). La jurisprudence constitutionnelle est cohérente avec celle émanant de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans ses arrêts du 8 avril 2014 Digital Rights Ireland et du 21 décembre 2016 Tele2 Sverige et Watson.

Aux termes de ces jurisprudences, le respect de la vie privée nécessite que la communication de données de connexion aux administrations soit assortie de garanties spécifiques.

1.   Procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’Autorité des marchés financiers (article 13)

a.   Apport de la loi

L’article 13 introduit un nouvel article L. 612-10-2 dans le code monétaire et financier, afin d’établir une procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’AMF.

Cette procédure prévoit que l’AMF peut, dans le cadre d’une enquête en matière d’abus de marché (opérations d’initié, manipulations de cours ou diffusion de fausse information), demander à une entité administrative indépendante unipersonnelle dénommée « contrôleur des demandes de données de connexion », l’autorisation d’accéder aux données techniques de téléphonie et de communication, à l’exclusion de celles relatives au contenu des communications.

b.   Mesures d’application

Les dispositions réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de cette disposition ont été prises par le décret du 19 décembre 2018 relatif à la procédure de communication des données de connexion aux enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers ([24]).

2.   Procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’administration des douanes (article 14)

a.   Apport de la loi

L’article 14 devait définir le nouveau cadre juridique du recueil et de l’exploitation des données de connexion par les agents des douanes.

Les garanties suivantes étaient prévues :

– une finalité limitée à la constatation des infractions douanières les plus graves, soit les délits prévus aux articles 414, 415 et 459 du code des douanes (par exemple contrebande de produits stupéfiants ou d’armes, délit de blanchiment douanier ou violation d’un embargo financier) ;

– une mise en œuvre par des agents ayant au moins le grade de contrôleur des douanes et qui devront être spécialement habilités par le directeur de leur service d’affectation ;

– le contrôle préalable de l’autorité judiciaire, avec la subordination de la mise en œuvre du droit de communication à une autorisation du procureur de la République ;

– la rédaction d’un procès-verbal relatant la mise en œuvre du droit de communication dont une copie sera transmise au magistrat ayant autorisé le recueil des données ainsi qu’aux opérateurs de télécommunications, aux fournisseurs d’accès à internet et aux hébergeurs de sites sollicités par les enquêteurs de l’administration des douanes ;

– et la destruction des données obtenues à l’extinction de l’action pour l’application des sanctions fiscales.

b.   Mesures d’application

L’article 14 nécessitait des mesures d’application qui n’ont pas été prises. Le Gouvernement a en effet décidé de proposer, dans le prochain projet de loi de finances, une modification de la procédure prévue par larticle 14.

Ainsi, l’exercice du droit de communication dont disposent les agents des douanes auprès des opérateurs de téléphonie et de l’internet serait désormais placé sous l’autorisation d’un contrôleur des demandes des données de connexion et non du procureur de la République. Sous réserve de l’adoption de ces modifications par le Parlement, l’article 14 dans sa version issue de la loi relative à la lutte contre la fraude ne sera donc jamais effectivement appliqué.

3.   Procédure d’autorisation d’accès aux données de connexion par l’administration fiscale (article 15)

a.   Apport de la loi

L’article 15 devait limiter le droit de communication dont dispose l’administration fiscale auprès des opérateurs de la téléphonie et de l’internet à la recherche et à la constatation des manquements les plus graves, tels les activités occultes, la détention de comptes à l’étranger non déclarés, les fausses factures, les montages destinés à induire en erreur l’administration fiscale.

D’autre part, la communication des données de connexion à l’administration fiscale était subordonnée à l’autorisation préalable de l’autorité judiciaire, saisie d’une demande écrite et motivée du directeur, ou son adjoint, de la direction des finances publiques dont dépend le service en charge de la procédure.

En outre, après autorisation délivrée par le procureur de la République, le droit de communication ne pouvait être mis en œuvre que par des agents individuellement habilités à cet effet.

Un encadrement de la conservation des données ainsi recueillies était également prévu, comportant une obligation de destruction au plus tard dans un délai d’un an, à l’exception de celles utilisées dans le cadre d’une procédure de contrôle, compte tenu du droit du contribuable d’en obtenir communication.

b.   Mesures d’application

L’article 15 nécessitait des mesures d’application qui n’ont pas été prises. De façon corollaire à ce qui est envisagé pour l’article 14, le Gouvernement a décidé de proposer, dans le prochain projet de loi de finances, une modification de la procédure prévue par larticle 15. Ainsi, l’accès de l’administration fiscale aux données de connexion serait désormais placé sous l’autorisation d’un contrôleur des demandes des données de connexion et non du procureur de la République. Sous réserve de l’adoption de ces modifications par le Parlement, l’article 15 dans sa version issue de la loi relative à la lutte contre la fraude ne sera donc jamais effectivement appliqué.

F.   Les sanctions pénales et administratives

1.   Sécurisation du délit douanier de blanchiment (article 5)

a.   Apport de la loi

L’article 5 clarifie le régime de répression du délit douanier de blanchiment en prévoyant que celui-ci est puni de dix ans d’emprisonnement, au lieu de « deux à dix ans demprisonnement ». Il a modifié en ce sens l’article 415 du code des douanes en supprimant le minimum de deux ans d’emprisonnement.

b.   Mesures d’application

L’article 5 n’impose pas la mise en œuvre de mesure d’application.

2.   Publication des décisions de condamnation pour fraude fiscale (article 16)

a.   Apport de la loi

L’article 16 prévoit une publication par défaut mais non automatique de la peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pénales pour fraude fiscale. Le juge peut déroger à au prononcé de cette peine complémentaire sur décision motivée.

Prévue à l’article 1741 du code général des impôts (CGI), qui régit le délit de fraude fiscale, la sanction complémentaire d’affichage et de diffusion des décisions de justice était, auparavant, prononcée à titre facultatif et laissée à la libre appréciation du juge.

En 2018, 6 % des condamnations prononcées ont été assorties d’une peine complémentaire d’affichage et/ou de diffusion, contre 5 % en 2016 et 6 % en 2017. Conformément au principe de non-rétroactivité de la loi pénale ([25]), le dispositif prévu par l’article 16 s’applique aux infractions commises à compter de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 25 octobre 2018. L’impact de cette nouvelle mesure est donc difficilement mesurable actuellement.

b.   Mesures d’application

L’article 16 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

3.   Aménagement de la peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pour fraude fiscale (article 17)

a.   Apport de la loi

L’article 17 étend la sanction de publication par défaut et de diffusion de la décision de condamnation pour les peines relatives aux violations des embargos économiques et financiers, prévues par le 1 bis de l’article 459 du code des douanes.

b.   Mesures d’application

L’article 17 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

4.   Publication des sanctions administratives appliquées aux professionnels à raison des manquements fiscaux d’une particulière gravité (article 18)

a.   Apport de la loi

L’article 18 a créé une sanction administrative complémentaire visant à rendre publiques les infractions les plus graves commises par les professionnels. La décision de publication est soumise à l’avis conforme d’une commission spécialement créée. Elle peut faire l’objet d’un recours du contribuable concerné dans un délai de soixante jours.

b.   Mesures d’application

Les dispositions réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de cette disposition ont été prises par le décret du 7 juin 2019 relatif à la procédure applicable devant la commission des infractions fiscales et aux modalités de sa saisine ([26]).

5.   Sanction à l’égard des tiers complices de graves manquements fiscaux et sociaux (article 19)

a.   Apport de la loi

L’article 19 a introduit une sanction, sous la forme d’une amende, contre les personnes complices de fraude fiscale ou sociale, de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit à travers la fourniture intentionnelle à un contribuable d’une prestation ayant directement permis les agissements sanctionnés, l’objet des prestations en cause étant précisé de façon non exhaustive.

Cette sanction s’applique dès que le contribuable conseillé voit prononcée à son encontre par l’administration une majoration de 80 % fondée sur les agissements précédemment décrits.

Elle consiste en une amende correspondant à 50 % des gains tirés de la prestation ainsi fournie, sans pouvoir être inférieure à 10 000 euros.

Les garanties offertes au contribuable redressé sont étendues au conseil complice. Par ailleurs, la remise en cause du bien-fondé des majorations prononcées contre le contribuable entraîne celle de l’amende prononcée contre le complice. Enfin, le complice ainsi sanctionné ne peut siéger dans les différents comités et commissions intervenant en matière fiscale.

b.   Mesures d’application

L’article 19 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

6.   Aggravation des peines d’amende encourues en cas de fraude fiscale (article 23)

a.   Apport de la loi

L’article 23 renforce la répression pénale des délits de fraude fiscale et de fraude fiscale aggravée, définis à l’article 1741 du CGI, en prévoyant que le montant des amendes puisse être porté au double du produit tiré de l’infraction pour les personnes physiques, et, par voie de conséquence, au décuple pour les personnes morales, lorsque le montant du produit tiré de l’infraction est supérieur aux plafonds fixés par la loi (soit 500 000 euros en cas de fraude fiscale et 3 millions d’euros en cas de fraude aggravée).

b.   Mesures d’application

L’article 23 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

7.   Aggravation des sanctions douanières en cas de refus de coopérer (article 26)

a.   Apport de la loi

L’article 26 renforce les sanctions douanières applicables en cas de refus de coopérer avec les agents des douanes. Il prévoit de porter à 3 000 euros le montant maximum de l’amende prévue à l’article 413 bis du code des douanes et de multiplier par dix le montant de l’astreinte prévue à l’article 431 du même code.

b.   Mesures d’application

L’article 26 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

8.   Rétablissement de la faculté transactionnelle de l’administration fiscale en cas de poursuites pénales (article 35)

a.   Apport de la loi

L’article 35 rétablit la faculté pour l’administration de procéder à des transactions sur les pénalités administratives, y compris dans les cas où des poursuites pénales seraient engagées, comme elle pouvait le faire avant 2013. Il modifie en ce sens l’article L. 247 du livre des procédures fiscales.

Par ailleurs, il complète le contenu du rapport annuel du ministre chargé du budget sur les transactions fiscales en prévoyant que celui-ci mentionne le nombre, le montant total et le montant moyen des remises accordées, répartis par type de remise accordée et par imposition concernée, pour les personnes morales et pour les personnes physiques.

b.   Mesures d’application

L’article 35 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

G.   Les dispositIons spécifiques au tabac

1.   Présomption de détention de tabac à des fins commerciales (article 27)

a.   Apport de la loi

L’article 27 crée une présomption de détention de produits du tabac manufacturé à des fins commerciales dès lors que les seuils définis à l’article 32 de la directive 2008/118/CE sont dépassés. Ces dispositions s’appliquent également à toute personne qui transporte ces quantités à bord d’un moyen collectif de transport.

Lors d’un contrôle, il appartiendra donc à la personne contrôlée d’apporter la preuve que l’ensemble des produits du tabac qu’elle transporte est détenu pour son usage personnel. À défaut, elle devra s’acquitter des droits exigibles sur le territoire français.

b.   Mesures d’application

L’article 27 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

2.   Renforcement des sanctions applicables en cas de fabrication, de détention, de vente ou de transport illicite de tabac (article 28)

a.   Apport de la loi

L’article 28 double le montant minimal de l’amende applicable en cas de fabrication, détention, vente et au transport illicite de tabac. Ainsi, il porte ce montant de 1 000 euros à 5 000 euros.

b.   Mesures d’application

L’article 28 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

3.   Information du public sur les risques associés à l’achat et à la vente de tabac en ligne (article 29)

a.   Apport de la loi

L’article 29 introduit une obligation pour les fournisseurs d’accès à Internet d’informer les visiteurs de l’illégalité et des risques encourus pour l’achat de tabac en ligne.

b.   Mesures d’application

L’article 29 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

4.   Dispositif national de traçabilité des produits du tabac (article 30)

a.   Apport de la loi

L’article 30 précise le dispositif national de traçabilité des produits du tabac mis en place, conformément et en application de la directive n° 2014/40/UE du Parlement et du Conseil du 3 avril 2014 relative à la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac.

b.   Mesures d’application

Les mesures d’application nécessaires ont été prises par le décret du 13 mars 2019 relatif au dispositif de traçabilité des produits du tabac ([27]).

H.   La fiscalité internationale

1.   Habilitation à transposer par ordonnance la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (article 22)

a.   Apport de la loi

L’article 22 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures relevant du domaine de la loi propres à transposer la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration.

Cette directive prévoit que les intermédiaires (avocats, notaires, experts‑comptables, etc.) qui mettent en place des montages, ou à défaut le contribuable lui-même, devront les déclarer à l’administration fiscale.

Elle vient s’ajouter à tout l’arsenal législatif adopté au niveau européen ces dernières années : échanges automatiques sur certaines catégories de revenus, échanges automatiques sur les comptes financiers, création d’un registre européen sur les rulings délivrés par les administrations fiscales, obligations déclaratives des plus grandes entreprises sur leurs implantations internationales (déclaration dite pays-par-pays), accès des administrations fiscales aux informations détenues par les personnes soumises à des obligations en matière de lutte contre le blanchiment.

La transposition doit intervenir au plus tard avant le 31 décembre 2019, et nécessite des mesures d’ordre législatif comme réglementaire.

b.   Mesures d’application

L’ordonnance n° 2019-1068 du 21 octobre 2019 relative à l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ([28]) est venue transposer la directive dite « DAC 6 » susmentionnée. Un projet de loi de ratification de cette ordonnance a été déposé le 15 janvier 2020 à l’Assemblée nationale ([29]) mais l’ordonnance n’a toujours pas été ratifiée à ce jour.

Suite à la crise sanitaire, une directive du 24 juin 2020 a donné la possibilité aux États membres de l’Union européenne de reporter de quelques mois la date d’entrée en vigueur des différentes obligations de déclaration. L’article 53 de la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 ([30]) a donc modifié l’ordonnance du 21 octobre 2019 pour décaler la date d’entrée en vigueur des dispositions mentionnées.

Les rapporteurs déplorent le report de l’entrée en vigueur de ces dispositions, qui ont été longuement négociées, ce qui aurait dû laisser suffisamment de temps aux acteurs concernés pour se mettre en conformité avec la directive « DAC 6 ».

2.   Élargissement de la liste des États et territoires non coopératifs (article 31)

a.   Apport de la loi

L’article 31 ajoute à la liste française des États et territoires non coopératifs (ETNC) prévue à l’article 238-0 A du code général des impôts (CGI) les États et territoires qui figurent sur la liste commune européenne des juridictions non coopératives.

Il introduit une modulation dans l’application des contre-mesures prévues par le droit français à l’encontre des opérations impliquant un ETNC et inclut dans les contre-mesures qui en étaient dépourvues une clause de sauvegarde.

Il met un terme à l’exclusion de principe des États membres de l’Union européenne de la liste des ETNC au regard des critères français.

Il prévoit une « clause de revoyure » à travers un mécanisme d’information de l’évolution de la liste des ETNC des commissions permanentes des deux assemblées compétentes en matière de finances et d’affaires étrangères. Cette information peut fait l’objet d’un débat.

b.   Mesures d’application

L’article 31 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

Il faut cependant souligner que l’information relative à l’évolution de la liste des ETNC n’a pas fait l’objet d’une transmission officielle aux commissions concernées en 2019.

3.   Relèvement du plafond sous lequel un régime fiscal est qualifié de privilégié (article 32)

a.   Apport de la loi

L’article 32 fixe un nouveau plafond établi à 60 % de l’IS français en prévoyant la reconnaissance d’un régime fiscal privilégié dès lors que l’impôt étranger est « inférieur de 40 % ou plus » à l’IS français.

En effet, dans le cadre de la baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés, l’effectivité du plafond de 50 % de l’impôt sur les bénéfices acquittés en deçà duquel une entreprise était réputée être soumise à un régime fiscal privilégié dans le droit antérieur était remise en cause.

L’application du dispositif est prévue à compter de 2020.

b.   Mesures d’application

L’article 32 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

4.   Débat sur l’application au sein de l’Union européenne des bonnes pratiques en matière de fiscalité des entreprises (article 33)

a.   Apport de la loi

L’article 33 complète le débat annuel portant sur la liste des États et territoires coopératifs, prévu par l’article 6 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, qui doit avoir lieu chaque année devant les commissions des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il précise ainsi que ce débat portera également sur :

– l’application du Code de conduite de 1997 sur la fiscalité des entreprises, qui vise notamment à prévenir de la part des États membres les pratiques fiscales dommageables ;

– et les recommandations formulées par la Commission européenne à l’occasion de son analyse de la situation économique et sociale des États membres réalisée dans le cadre du semestre européen.

Ce débat n’a jamais formellement eu lieu.

b.   Mesures d’application

L’article 33 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

5.   Interdiction pour le groupe Agence française de développement de participer au financement de projets dont l’actionnaire de contrôle est immatriculé dans un ETNC (article 34)

a.   Apport de la loi

L’article 34 interdit à l’Agence française de développement de participer au financement de projets dont l’actionnaire de contrôle est immatriculé dans un ETNC. Il prévoit une clause de sauvegarde lorsque l’implantation de l’actionnaire obéit à des considérations économiques réelles.

b.   Mesures d’application

L’article 34 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

I.   information sur l’évasion fiscale

1.   Contenu du rapport de gestion présenté à l’assemblée générale ordinaire des actionnaires (article 20)

a.   Apport de la loi

L’article 20 intègre dans la déclaration de performance extra-financière (qui est insérée dans le rapport de gestion présenté à l’assemblée générale ordinaire des actionnaires) des informations sur les effets de son activité quant à la lutte contre l’évasion fiscale.

b.   Mesures d’application

L’article 34 n’impose pas la mise en œuvre de mesures d’application.

2.   Enrichissement du document de politique transversale sur la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales (article 38)

a.   Apport de la loi

L’article 38 enrichit le contenu du document de politique transversale sur la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales en prévoyant :

– la description des outils fiscaux existants, en précisant notamment pour chacun d’entre eux leur contenu, leur utilisation et leur rendement ;

– les perspectives d’évolution de ces outils, dans le souci d’une plus grande efficacité ;

– et la présentation des moyens humains et techniques dédiés à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

b.   Mesures d’application

Le DPT complété a été annexé au projet de loi de finances pour 2020.


II.   Focus : des avancées concrètes majeures dans la lutte contre la fraude fiscale permises par la loi

La loi du 23 octobre 2018 relative à la fraude a créé deux nouveaux outils efficaces dans la lutte contre la fraude fiscale :

–  d’une part, elle a ouvert la possibilité de créer une nouvelle police fiscale dédiée aux affaires de présomption de fraude fiscale aggravée et de blanchiment en fraude fiscale ;

– d’autre part, elle a supprimé le verrou de Bercy, entraînant, de fait, le doublement du nombre de dossiers transmis à l’autorité judiciaire.

A.   Une nouvelle police fiscale rapidement opérationnelle

La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a renforcé la procédure judiciaire d’enquête fiscale en permettant d’affecter des agents des services fiscaux, les officiers fiscaux judiciaires (OFJ), au sein d’autres ministères que celui de l’intérieur. Ainsi, le décret n° 2019-460 du 16 mai 2019 a prévu la création, au 1er juillet 2019, d’un service à compétence nationale, le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), issu de la transformation du service national de douane judiciaire (SNJD) et placé au sein du ministère chargé du budget. Il dispose d’un service central et de dix unités locales. ([31])

Rattaché conjointement au directeur général des douanes et droits indirects et au directeur général des finances publiques, ce service est dirigé par un magistrat de l’ordre judiciaire. Il est composé de 267 enquêteurs habilités dont 241 officiers de douane judiciaire (ODJ) et 25 officiers fiscaux judiciaires. 14 agents de la DGFiP sont également en formation à l’École nationale des douanes pour préparer l’examen qualifiant d’OFJ. Cette formation a été revue pour la rendre commune aux ODJ et aux OFJ, l’objectif étant de partager les bonnes pratiques et favoriser la mise en commun de la culture douanière et fiscale.

La mise en place de ce nouveau service a été très rapide grâce à l’anticipation de sa création très en amont du décret du 16 mai 2019 précité et à la mobilisation des moyens de la direction générale des douanes. Dès le mois de novembre 2018, des entretiens ont été réalisés pour identifier les enquêteurs intéressés pour devenir des OFJ. Leur formation, à l’École nationale des douanes, a débuté en janvier 2019.

Implanté à Ivry-sur-Seine, le SEJF est composé de deux pôles :

– le premier correspond à l’ancien service national de la douane judiciaire et permet aux ODJ de mener des enquêtes judiciaires sur les grands trafics en disposant des pouvoirs d’investigation définis par le code de procédure pénale ;

– le second, dénommé pôle d’investigations fiscales, regroupe les enquêteurs OFJ chargés des enquêtes judiciaires fiscales.

Dans ce cadre, la mission des OFJ consiste plus spécialement en la recherche et la constatation, sur l’ensemble du territoire, du délit de fraude fiscale « complexe » (fraude réalisée via les paradis fiscaux ; fraude recourant au faux ou à la falsification ; fraude utilisant les domiciliations fiscales fictives ou artificielles). Ces agents sont spécialement habilités à exercer des missions de police judiciaire et disposent de l’ensemble des prérogatives mises à leur disposition par le code de procédure pénale.

Les OFJ peuvent être saisis par un magistrat suite à une plainte de l’administration fiscale concernant des dossiers de présomption de fraude fiscale aggravée (II de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales) ou sans plainte préalable de l’administration fiscale, sur des dossiers de blanchiment en fraude fiscale. Dans ce second cas, la saisine peut avoir pour origine une dénonciation obligatoire (I de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales), le signalement obligatoire, pour toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire, des crimes ou délits dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions (article 40 du code de procédure pénale) ou d’autres signalements variés (initiative du magistrat, signalement Tracfin, etc.). Les OFJ sont majoritairement saisis par le PNF (70 % des affaires en cours).

Au 31 août 2020, 47 dossiers sont en cours d’examen par les OFJ, dont 12 sont traités conjointement avec un officier de douane judiciaire. Plus de la moitié des dossiers confiés aux OFJ portent sur une plainte préalable de l’administration fiscale pour présomption de fraude fiscale et un tiers sur des saisines diverses en blanchiment de présomption de fraude fiscale, sans plainte préalable de l’administration fiscale ([32]).

Type d’affaires en cours

Répartition des affaires par type de fraudes

Aucun résultat financier significatif n’a été enregistré sur les quatre dossiers clos par les OFJ, ce qui s’explique par la complexité des dossiers à forts enjeux et la naissance relativement récente de cette nouvelle police fiscale. Ces premiers chiffres devront donc être complétés par un nouveau bilan d’étape dans les années qui viennent.

Le SEJF complète utilement l’action de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), rattachée au ministère de l’intérieur, qui intervient sur un champ d’action plus large, avec une priorité donnée aux affaires dans lesquelles la fraude fiscale est mêlée à d’autres infractions. Le SEJF est quant à lui spécialisé sur les dossiers les plus complexes de fraude douanière, fiscale et financière.

Les rapporteurs souhaitent rappeler que le SEJF n’est qu’un maillon de la chaîne dans la lutte contre la fraude fiscale. Si la création de cette police fiscale spécialisée est un bon exemple des moyens à mettre en place pour lutter contre la délinquance financière, il ne faut pas oublier que des réformes structurelles sont nécessaires dans tous les services concernés par la lutte contre la fraude fiscale, de ceux chargés du contrôle fiscal aux juridictions chargées de la répression de la fraude, en passant par les services d’enquête.

La Cour des comptes a en effet souligné, dans un référé du 12 décembre 2018, que « l’organisation et les moyens consacrés par les ministères de l’intérieur et de la justice à la lutte contre la délinquance économique et financière font apparaître des faiblesses qui contribuent à expliquer le caractère partiel et tardif de la réponse pénale » ([33]). La Cour pointe notamment le manque de spécialisation des services d’enquête, des juridictions et des différents acteurs traitant la plus grande partie des dossiers relatifs à la délinquance financière, la saturation des services spécialisés en la matière et le manque de suivi et de fléchage des moyens humains déployés dans les services d’enquête.

Les rapporteurs souscrivent aux recommandations de la Cour d’infléchir notamment la politique de ressources humaines des ministères de la justice et de l’intérieur « pour mieux répondre aux besoins en compétences spécialisées en structurant de véritables filières économiques et financières au sein de la magistrature comme des forces de sécurité ([34]) » et « remobiliser l’intérêt des enquêteurs et magistrats pour lutter contre une délinquance qui préoccupe légitimement nos concitoyens. ([35]) »

Dans le contexte du manque de moyens chronique au sein du ministère de la justice, les moyens significatifs attribués au SEJF sont le signe encourageant d’une prise en compte de l’importance de la lutte contre la fraude fiscale en France. Les rapporteurs considèrent quune réflexion doit être engagée sur lélargissement du champ de compétence des officiers fiscaux judiciaires afin de favoriser le désengorgement les parquets. Il pourrait ainsi être envisagé d’élargir leur compétence à la fraude fiscale aggravée, pour les dossiers les plus complexes et les plus sensibles.


B.   Le verrou de Bercy

Le « verrou de Bercy » a longtemps constitué une exception au libre exercice de laction publique par le parquet. Il consistait à subordonner le déclenchement d’éventuelles poursuites pénales pour fraude fiscale par le procureur de la République au dépôt d’une plainte de l’administration fiscale et à un avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF).

L’un des apports majeurs de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude est précisément d’avoir mis fin à ce verrou.

Cela a contribué à transformer profondément les méthodes de sélection des dossiers devant faire l’objet de poursuites pénales pour fraude fiscale.

1.   Origine et contestations du « verrou de Bercy »

L’origine de cette exception aux prérogatives du procureur de la République remonte à la création du délit général de fraude fiscale en 1920. L’article 112 de la loi du 25 juin 1920 prévoyait ainsi que « les poursuites seront engagées à la requête de l’administration compétente ». Cette disposition a été codifiée ultérieurement au sein du code général des impôts.

Le principe légal du « verrou de Bercy » était donc posé dans notre législation depuis près dun siècle lorsqu’il a été supprimé par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. Outre la plainte préalable de l’administration, le déclenchement des poursuites pour fraude fiscale nécessitait également, depuis 1977, un avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF).

Le « verrou de Bercy » était donc, en réalité, un double verrou, le premier à la main de l’administration, le second relevant d’une autorité indépendante.

À l’origine, ce second verrou avait été conçu comme une garantie en faveur des contribuables. Il s’agissait de les protéger contre ce qui était perçu comme des potentiels abus de l’administration fiscale. À l’époque, les modes de paiement scripturaux étaient moins développés et la fraude fiscale consistait principalement en de la dissimulation de chiffre d’affaires. On redoutait des plaintes trop nombreuses de l’administration dans des affaires de reconstitutions de recettes qui concernaient des commerçants et artisans.

La sensibilité de l’opinion publique a par la suite évolué. La question de la fraude aux impôts a été placée au centre des débats sur les finances publiques en raison de l’aggravation continue des déficits et la montée parallèle du phénomène de l’évasion fiscale par des grands groupes ou des personnes fortunées.

Depuis environ une décennie, les critiques à l’encontre du « verrou de Bercy » se sont multipliées. Il a été régulièrement présenté comme une atteinte à légalité entre les citoyens et les justiciables, à la séparation des pouvoirs et à la liberté de poursuite des parquets. Plus grave, il pouvait conduire à ce que l’administration fiscale soit suspectée de ne pas transmettre à la justice certains dossiers pour des raisons politiques ou économiques, ou encore d’user de son monopole pour faire pression sur le contribuable lors des opérations de contrôle.

La question de la pertinence du « verrou de Bercy » a bénéficié d’une caisse de résonance importante avec le choc de laffaire Cahuzac, en 2013, et la découverte d’une fraude fiscale par un ministre du budget en exercice. Elle a été reposée dès le début de la législature à l’occasion des débats parlementaires sur le projet de loi pour la confiance dans la vie politique. C’est dans ce contexte qu’a été créée, le 11 octobre 2017, une mission d’information commune à la commission des finances et la commission des lois en charge d’étudier les procédures de poursuite des infractions fiscales.

2.   Mission d’information commune sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, dite Mission sur le « verrou de Bercy »

La mission sur le « verrou de Bercy » a rendu son rapport le 24 mai 2018, après avoir auditionné tous les acteurs concernés et étudié les systèmes étrangers.

Ses recommandations ont été approuvées à l’unanimité des groupes politiques. Elles ne sont pas limitées à la question du « verrou de Bercy » puisqu’elles ont porté sur l’ensemble de la chaîne pénale relative à la fraude fiscale, de la constatation de l’infraction jusqu’à la sanction, en passant par les différentes modalités de poursuites. La mission a par exemple recommandé d’étendre les modalités de poursuite de la fraude fiscale en permettant le recours à la CRPC et à la CJIP.

Mais c’est sur la question du « verrou de Bercy » que ses conclusions étaient le plus attendues.

Dans le cadre de ses travaux, la mission avait constaté qu’une certaine routine s’était installée qui aboutissait à ce que seuls les dossiers les plus simples soient orientés au pénal. Les dossiers les plus complexes étaient prioritairement réglés par voie administrative par crainte d’un échec de la procédure pénale. Paradoxalement, les délinquants les plus astucieux, les fraudes les plus sophistiquées échappaient le plus souvent à la voie pénale.

De façon novatrice, plutôt qu’une suppression sèche du « verrou de Bercy » qui aurait conduit à désengager l’administration fiscale du volet pénal des dossiers, la mission a proposé d’adjoindre à la procédure existante un mécanisme de transmission automatique au parquet des dossiers réunissant certains critères de gravité constatés à l’issue d’un contrôle fiscal.

La transmission automatique ne signifie pas poursuites automatiques. Le but recherché par la mission était daccroître le vivier de dossiers à partir duquel les parquets pourraient exercer leurs prérogatives d’appréciation de l’opportunité des poursuites.

Autrement dit, il s’agissait de soumettre systématiquement au procureur de la République, aux fins d’éventuelles poursuites pénales, les faits de fraude fiscale les plus graves dont a connaissance l’administration. Un tel système nécessite un dialogue entre l’administration fiscale et le parquet dans la sélection des dossiers méritant des poursuites pénales, comme cela se pratique dans plusieurs pays.

Dans le même temps, la mission a également recommandé d’étendre le pouvoir d’initiative du parquet à tous les faits connexes aux dossiers transmis.

Ces recommandations ont été intégrées dans une série damendements de la rapporteure adoptés par l’Assemblée nationale en première lecture de l’examen du projet de loi relative à la lutte contre la fraude.

3.   Réforme opérée par la loi relative à la lutte contre la fraude

L’article 36 de la loi relative à la lutte contre la fraude a réformé profondément les modalités de poursuites de la fraude fiscale.

Il existe désormais deux voies par lesquelles le parquet peut être saisi d’un dossier :

– le mécanisme de dénonciation obligatoire pour les dossiers qui présentent une certaine gravité à l’issue d’un contrôle fiscal ;

– et le dépôt dune plainte préalable pour les autres dossiers, avec avis conforme de la CIF, ou sans avis de la CIF lorsquil existe des présomptions caractérisées avec un risque de dépérissement des preuves.

a.   Le mécanisme de dénonciation obligatoire

La dénonciation obligatoire au parquet intervient pour les affaires dont les droits éludés dépassent un seuil fixé à 100 000 euros – 50 000 euros pour les contribuables soumis à des obligations déclaratives auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie politique (HATVP) – et ayant donné lieu à l’application de pénalités administratives révélant un caractère intentionnel dans le manquement du contribuable.

Il s’agit de pénalités de 100 %, 80 % ou 40 % qui couvrent les cas suivants : l’opposition à contrôle fiscal ; la découverte d’une activité occulte faisant suite à une omission déclarative ; l’abus de droit ou les manœuvres frauduleuses ; le défaut de déclaration d’avoir financiers détenus à l’étranger ; la taxation forfaitaire à partir des éléments du train de vie en lien avec des trafics illicites ou le défaut de déclaration dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure et le manquement délibéré.

 

Toutefois, pour les pénalités de 40 % – manquement délibéré et défaut de déclaration dans les trente jours suivant la réception d’une mise en demeure – la transmission automatique n’intervient qu’en cas de réitération de manquements par le contribuable au cours des six années civiles précédentes.

À noter que la transmission automatique ne s’applique pas non plus aux contribuables ayant déposé spontanément une déclaration rectificative, ce qui les incite fortement à régulariser leur situation en cas de manquements passés.

En 2019, 965 dossiers ont fait l’objet d’une transmission obligatoire au parquet.

b.   Les plaintes pour présomptions caractérisées

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, lavis de la CIF nest plus requis pour le dépôt de plainte pour présomption caractérisée de fraude fiscale.

À ce titre, 5 plaintes pour présomptions caractérisées ont été déposées par la DGFiP auprès du parquet compétent en 2018 et 41 en 2019.

4.   La décision QPC du 27 septembre 2019

Le mécanisme de dénonciation obligatoire a été mis en cause par une question prioritaire de constitutionnalité. Dans sa décision n° 2019-804 QPC du 27 septembre 2019, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait établi des critères, objectifs et rationnels, ne créant aucune discrimination injustifiée entre les contribuables. Il a également estimé que l’absence d’avis conforme de la commission des infractions fiscales ne privait les contribuables d’aucune garantie.

La constitutionnalité du dispositif proposé par la mission d’information a ainsi été expressément validée ce dont les rapporteurs n’avaient guère de doute.

En effet, la dénonciation obligatoire des infractions par l’administration est un principe bien établi dans notre droit positif. L’article 40 du code de procédure pénale commande déjà à toute autorité administrative d’aviser sans délai le procureur de la République des infractions dont elle a connaissance. Dans ces conditions, le mécanisme de transmission obligatoire créé par la loi relative à la lutte contre la fraude peut s’apparenter comme un aménagement de l’article 40 du code de procédure pénale appliqué à la fraude fiscale.

 

5.   La mise en œuvre par l’administration

Une circulaire du ministère de l’action et des comptes publics du 7 mars 2019 ([36]) est venue préciser les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif d’engagement des poursuites pénales pour fraude fiscale et le cadre du renforcement du dialogue et de la coordination entre les parquets et l’administration fiscale.

Dans le cadre du mécanisme de dénonciation obligatoire, sont communiqués au procureur de la République :

– un courrier précisant la nature de l’infraction, l’impôt concerné, le montant des droits éludés, la base légale de la majoration fiscale ainsi que son taux et son montant, les antécédents fiscaux en cas d’application d’une majoration au taux de 40 %, et, le cas échéant, la qualité de contribuable soumis à une obligation de déclaration auprès de la HATVP ainsi que l’indication de la conclusion d’une transaction ;

– la proposition de rectifications adressée au contribuable décrivant les faits, précisant les motifs de droit ayant conduit l’administration à procéder à des rehaussements d’impôts, et les motivations pour l’application de pénalités, ainsi que leurs conséquences financières ;

– la réponse aux observations du contribuable.

La transmission de ces éléments s’effectue exclusivement par voie dématérialisée.

Localement, la division chargée du contrôle fiscal, au sein de la direction ayant effectué le contrôle fiscal, assure l’identification et le suivi des dossiers relevant de la dénonciation obligatoire.

Chaque trimestre, la direction adresse par voie dématérialisée (via l’application Escale), au procureur de la République compétent, les courriers de transmission signés du directeur (ou son adjoint), accompagnés des propositions de rectifications et des réponses aux observations du contribuable afférentes aux contrôles concernés.

Sagissant des plaintes pour fraude fiscale, une nouvelle étape dans la déconcentration de laction pénale a été mise en œuvre en 2019.

Cette déconcentration avait fait l’objet d’une recommandation par la mission sur le « verrou de Bercy » qui proposait de « définir par voie réglementaire les modalités de l’examen conjoint par l’administration fiscale et le Parquet selon un rythme trimestriel au niveau déconcentré avec les Parquets localement compétents ([37]) » afin d’éviter la suspicion d’une prise de décision au niveau du ministère

Désormais, les pôles pénaux des directions spécialisées du contrôle fiscal (DIRCOFI) progressivement mis en place depuis 2016 (dont celui de la DIRCOFI Ile-de-France créé le 1er octobre 2019) ont la charge de la totalité des propositions de plaintes pour fraude fiscale de leur interrégion ainsi que la saisine directe de la Commission des infractions fiscales (CIF).

Les directions nationales (DVNI, DNVSF et DNEF) peuvent également saisir directement la CIF de propositions de plainte pour fraude fiscale.

6.   Premier bilan d’application

La suppression du « verrou de Bercy » a permis d’atteindre au moins trois grands changements qui étaient tous les trois recherchés.

En premier lieu, elle a transformé le rôle du parquet. Auparavant, le parquet était passif. Il se bornait à saisir un tribunal correctionnel pour tous les dossiers qui lui étaient transmis, sans réaliser de véritables actes d’enquête complémentaire. La plus-value des procureurs était très faible voire inexistante en matière de répression de la fraude fiscale. De passif, le parquet est devenu un véritable acteur qui joue un rôle dans la sélection des dossiers mais aussi dans leur orientation puisqu’il dispose désormais de la possibilité de réaliser des CRPC et des CJIP.

Le vivier de dossiers transmis au parquet a également augmenté. D’un peu moins d’un millier, il a doublé pour passer à près de deux mille en 2019.

dossiers transmis par l’administration fiscale à l’autorité judiciaire

 

2017

2018

2019

Nombre de dénonciations obligatoires au parquet

 

 

965

Plaintes pour fraude fiscale

879

806

672

Dossiers transmis à la police fiscale

44

10

41

Plaintes pour escroquerie

141

119

127

Procédures d’opposition à fonction

31

21

21

Total

1 095

958

1 826

Source : rapport d’activité de la DGFiP, 2019.

En deuxième lieu, cela a complètement modifié le rapport de force dans les discussions entre les vérificateurs et les grandes entreprises contrôlées. Auparavant, les dossiers des grandes entreprises aboutissaient sur des redressements complexes avec très souvent des chefs de redressement internationaux qui n’allaient jamais au pénal. Aujourd’hui, avec la transmission automatique, et dans le doute de la décision qui sera prise par le parquet, les conseils des entreprises font tout pour se mettre en conformité avec l’administration et aboutir à un règlement du dossier. De plus, les entreprises cherchent à éviter la réitération de manquements délibérés qui aboutiraient à la transmission automatique au parquet du dossier. La loi atteint ainsi son objectif de renforcer le caractère dissuasif de la répression de la fraude fiscale.

Enfin et surtout, la réforme a incité ladministration fiscale et les procureurs à davantage dialoguer, à échanger plus d’informations. Nous sommes passés d’un fonctionnement en silo à une véritable collaboration entre les deux institutions, comme cela se passe en Allemagne, pays dont la mission d’information sur le « verrou de Bercy » avait étudié le système dans le cadre de ses travaux.

Les rapporteurs estiment quun équilibre doit encore être trouvé pour que ces échanges soient pertinents : une modification du format et du contenu des notes accompagnant les transmissions, réalisée de façon concertée entre ladministration fiscale et le ministère de la justice, pourrait utilement éviter des demandes de compléments ou danalyses trop nombreuses et chronophages.

Sous cette réserve, le suivi de l’application de cette loi démontre que le Parlement peut réussir des réformes importantes, à condition que celles-ci soient préparées par un important travail en amont.

Le rôle indispensable du parquet national financier (PNF) dans la lutte contre la fraude fiscale

Créé le 1er février 2014 ([38]), le parquet national financier est un parquet à compétence nationale, spécialisé sur les enquêtes pénales les plus complexes dans le domaine de la délinquance économique et financière qui touchent plus particulièrement aux atteintes à la probité, aux finances publiques et au bon fonctionnement des marchés financiers.

Plus de six ans après sa création, le PNF a indéniablement démontré la pertinence de son action et de sa compétence en matière de délits financiers et de fraude fiscale. Son rapport d’activité de 2019 montre qu’il a permis de rapporter à l’État plus de 7,7 milliards d’euros depuis sa création (amendes, confiscations, dommages et intérêts, sommes issues des contrôles fiscaux). Par exemple, la banque UBS a été condamnée à verser 3,7 milliards d’euros d’amende et 800 millions d’euros de dommages et intérêts à l’État pour des faits de blanchiment de fraude fiscale et de démarchage bancaire illicite. Une première affaire du PNF a conduit en septembre 2019 à l’homologation d’une CRPC contre un prévenu qui a été soumis à une peine d’emprisonnement de 9 mois assortie du sursis et à une amende de 150 000 euros. Deux CJIP ont été validées en 2019 : la CJIP Carmignac et la CJIP Google ([39]).

 

 


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   Travaux de la commission

La commission examine, lors de sa réunion du mercredi 16 septembre 2020, le rapport d’information sur l’application de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

En application de l’article 145-7 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’information sur l’application de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

 

Le compte rendu audiovisuel de cette réunion peut être consulté sur le site de l'Assemblée nationale.

 

 


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Liste des personnes auditionnées

Service d’enquêtes judiciaires des finances : Mme Nathalie Bécache, directrice ;

Direction générale des finances publiques : M. Frédéric Iannucci, chef du service du contrôle fiscal, M. Stéphane Créange, sous-directeur du service du contrôle fiscal, M. Olivier Vizet, chef du bureau de l’action pénale ;

Parquet national financier : M. Jean-François Bohnert, procureur de la République financier ;

Direction des affaires criminelles et des grâces : Mme Catherine Pignon, directrice, Mme Marie-Sophie Dupont-Lieb, administratrice des finances publiques Mme Sophie Lacote, cheffe du bureau du droit économique, financier et social, de l’environnement et de la santé publique, M. Smaël Coulaud, magistrat, rédacteur au bureau du droit économique, financier et social, de l’environnement et de la santé publique.

 

 


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Annexe 1 : Statistiques relatives aux condamnations pour fraude fiscale

Condamnations pour fraude fiscale*

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Nombre de décisions de justice recensées

972

869

883

886

770

848

624

Nombre de personnes condamnées

1 130

1 004

1 027

1 024

939

1 007

760

Dont Condamnations définitives ([40])

564

472

514

507

430

481

376

Peine d’emprisonnement ferme

– nombre ([41])

– % des condamnations définitives comprenant une peine d’emprisonnement ferme

 

75

13,3 %

 

56

11,9 %

 

73

14,2 %

 

68

13,4 %

 

68

16 %

 

85

17,6 %

 

65

17 %

Peine d’emprisonnement avec sursis

– nombre

– % des condamnations définitives comprenant une peine d’emprisonnement avec sursis

 

412

73 %

 

357

76 %

 

373

73 %

 

358

71 %

 

292

68 %

 

329

68 %

 

257

68 %

Peine d’amende ferme

– nombre ([42])

– % des condamnations définitives comprenant une peine d’amende ferme

 

164

29 %

 

133

28 %

 

150

29 %

 

189

37 %

 

121

28 %

 

148

30 %

 

122

32 %

Peine d’amende avec sursis

– nombre

– % des condamnations définitives comprenant une peine d’amende avec sursis

 

10

1,7 %

 

17

3,6 %

 

21

2,4 %

 

12

2,4 %

 

10

2 %

 

14

3 %

 

12

3 %

Peine d’interdiction d’exercer

– nombre

– % des condamnations définitives comprenant une peine d’interdiction d’exercer

 

74

13,1 %

 

84

17,8 %

 

101

20 %

 

118

23 %

 

136

31 %

 

158

33 %

 

137

36 %

Source : DGFiP, réponses aux questionnaires envoyés.

*Les chiffres pour 2019 seront disponibles dans quelques semaines.

 

Peines complémentaires d’affichage et de diffusion*

 

2014

2015

2016

2017

2018

Nombre de personnes condamnées

1 027

1 024

939

1 007

760

Nombre de condamnations définitives

514

507

430

481

376

Nombre de condamnations à une peine daffichage et/ou de diffusion ([43])

69

52

47

61

47

– dont définitives

35

26

16

29

18

– dont non définitives

34

26

31

32

29

Nombre de peines prononcées

 

 

 

 

 

– Affichage

33

20

24

35

24

– Diffusion

64

46

41

43

34

Source : DGFiP, réponses aux questionnaires envoyés.

*Les chiffres pour 2019 seront disponibles dans quelques semaines.

 


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Annexe 2 : statistiques relatives à l’action pénale en matière de contrôle fiscal

dossiers transmis par l’administration fiscale à l’autorité judiciaire

 

 

2017

2018

2019

Nombre de dénonciations obligatoires au parquet

 

 

965

Plaintes pour fraude fiscale

879

806

672

Dossiers transmis à la police fiscale

44

10

41

Plaintes pour escroquerie

141

119

127

Procédures d’opposition à fonction

31

21

21

Total

1 095

958

1 826

Source : rapport d’activité de la DGFiP, 2019.

nombre de CJIP et CRPC relatives à la fraude fiscale depuis l’entrée en vigueur de la loi relative à la lutte contre la fraude

 

 

2017

2018

2019

Nombre de CJIP relatives à la fraude fiscale

 

 

2

Nombre de CRPC relatives à la fraude fiscale

 

 

13

Source : rapport d’activité de la DGFiP, 2019.

 

 


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annexe 3 : statistiques relatives à l’activité des officiers fiscaux judiciaires


suivi par type d’affaires

Source : SEJF, réponses au questionnaire.


répartition des affaires par type de fraude

Source : SEJF, réponses au questionnaire.

 


répartition des affaires par parquet

Source : SEJF, réponses au questionnaire.

 


répartition géographique des affaires par domicile du principal
mis en cause

Source : SEJF, réponses au questionnaire.

 

 


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Annexe 4 : Convention judiciaire d’intérêt public – Affaire Google


Annexe 5 : CJIP affaire Swiru Holding AG
(Tribunal judiciaire de Nice)

 









Annexe 6 : Circulaire interministérielle du 7 mars 2019







Annexe 7 : Note explicative relative aux arrêts
n° 1174, 1175, 1176, 1177, 1178 et 1179 du 11 septembre 2019 (chambre criminelle)














([1]) MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC, rapport d'information n° 668, commission des finances du Sénat, 22 juillet 2020, pp. 42 à 48.

([2]) DGFiP, rapport d’activité, cahier statistiques 2019, juillet 2020., p. 54.

([3]) Cour des comptes, référé S2018-3520 « Les moyens consacrés à la lutte contre la délinquance économique et financière », 12 décembre 2018.

([4]) Voir annexe 4.

([5])  Décret n° 2019-460 du 16 mai 2019 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « service d'enquêtes judiciaires des finances ».

([6])  Arrêté du 16 mai 2019 relatif au service à compétence nationale dénommé « service d'enquêtes judiciaires des finances ».

([7])  Décret n° 2019-464 du 17 mai 2019 portant adaptation du code de procédure pénale à la création du service d'enquêtes judiciaires des finances

([8])  Arrêté du 21 mai 2019 portant adaptation des dispositions relatives aux modalités d'organisation de l'examen technique d'aptitude à l'exercice de certaines missions de police judiciaire par les agents des services fiscaux

([9])  Arrêté du 28 juin 2019 relatif à l'autorisation de port d'arme par les agents des services fiscaux affectés au service d'enquêtes judiciaires des finances

([10])  Arrêté du 19 février 2020 désignant les services des douanes et les services fiscaux compétents pour échanger des informations avec d'autres services des États membres de l'Union européenne

([11]) Patrim recense les informations relatives aux ventes de biens immobiliers.

([12])  FICOBA est le fichier des comptes bancaires qui recense l’ensemble des comptes bancaires ouverts en France.

([13]) FICOVIE est le fichier des contrats de capitalisation et d’assurance vie.

([14]) BNDP est la base nationale des données patrimoniales.

([15])  Décret du 26 décembre 2018 pris pour l’application du deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts relatif à l’obligation de déclarer les comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger. Ce décret a également précisé les modalités de déclaration des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger par les particuliers, associations ou sociétés non commerciales domiciliés ou établis en France au sens de la législation fiscale

([16])  Décret n° 2017-601 du 21 avril 2017 pris pour l'application de l'article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

([17])  Arrêté du 21 avril 2017 pris pour l'application de l'article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([18])  Décret n° 2019-459 du 15 mai 2019 modifiant le décret n° 2017-601 du 21 avril 2017 pris pour l'application de l'article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([19]) Mme Christine Pires-Beaune, rapport d’information n° 1991 sur les aviseurs fiscaux, commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, 5 juin 2019.

([20])  Décret n° 2019-567du 7 juin 2019 relatif à la procédure applicable devant la commission des infractions fiscales et aux modalités de sa saisine

([21]) Voir annexe 5.

([22]) Arrêté du 27 décembre 2018 pris pour l'application de l'article 242 bis du code général des impôts.

([23]) Arrêté du 30 décembre 2019 pris pour l'application des articles 283 bis et 293 A ter du code général des impôts.

([24])  Décret n° 2018-1188 du 19 décembre 2018 relatif à la procédure de communication des données de connexion aux enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers

([25]) voir annexe 1.

([26])  Décret n° 2019-567 du 7 juin 2019 relatif à la procédure applicable devant la commission des infractions fiscales et aux modalités de sa saisine.

([27]) Décret n° 2019 187 du 13 mars 2019 relatif au dispositif de traçabilité des produits du tabac.

([28])  Ordonnance n° 2019-1068 du 21 octobre 2019 relative à l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration

([29])  Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-1068 du 21 octobre 2019 relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, n° 2586, déposé(e) le mercredi 15 janvier 2020 et renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

([30])  Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([31]) Le siège de chacune de ces unités locales est situé à Bordeaux, Fort-de-France, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Nantes, Paris et Toulouse. Deux unités locales sont implantées à Paris.

([32]) Pour plus de précisions sur l’activité des OFJ, se reporter à l’annexe 3.

([33])  Cour des comptes, référé S2018-3520 « Les moyens consacrés à la lutte contre la délinquance économique et financière », 12 décembre 2018, p. 1.

([34])  Ibid, p. 10.

([35])  Ibid.

([36]) Voir annexe 5.

([37]) Mme Émilie Cariou, M. Éric Diard, Rapport d’information par la mission commune sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, 23 mai 2018, p. 15.

([38])  Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

([39]) voir annexe 4.

([40]) Les condamnations par défaut ne sont pas considérées comme définitives.

([41]) Y compris les condamnations prononçant à la fois une peine d’emprisonnement ferme et avec sursis.

([42]) Y compris les condamnations prononçant à la fois une peine d’amende ferme et avec sursis.

([43]) Sachant qu’un condamné peut l’être à l’une ou l’autre de ces deux peines, voire aux deux.