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N° 3354

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 septembre 2020.

 

 

RAPPORT  DINFORMATION

 

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de larticle 145-7 alinéa 1 du Règlement

 

 

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

 

 

sur
lévaluation de la loi n° 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à loubli,

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

 

M. Paul CHRISTOPHE,

 

Député.

 

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. La publication des textes prévus par la loi

A. Les décrets

1. Le décret n° 2019-1178 du 15 novembre 2019

a. Larticle 2 de la loi

b. Larticle 4 de la loi

2. Le décret n° 2020-470 du 23 avril 2020

a. LAllocation journalière de présence parentale, une prestation dun intérêt majeur pour les parents denfants malades

b. Lamélioration introduite par la loi et le contenu du décret

c. Des dispositions sans doute encore perfectibles

i. Une réforme qui a laissé des frustrations

ii. Un complément opportun apporté dans la loi de financement de la sécurité sociale

d. Lamélioration de linformation des familles

B. les rapports À remettre au parlement

1. Deux rapports à remettre après la promulgation de la loi

2. Un rapport annuel

II. la mise en application des autres dispositions de la loi

A. StratÉgie dÉcennale, recherche et prise en charge

1. Lélaboration de la stratégie

a. Les travaux en cours

b. Les préoccupations des familles

2. La recherche sur les cancers pédiatriques

a. Le point sur la recherche

b. La question de la participation des mineurs aux essais cliniques

3. Lévolution de la structuration de la prise en charge des cancers pédiatriques

B. La formation des professionnels et La prise en charge de la douleur

1. La formation générale

a. Formation initiale

b. Les nouvelles orientations définies par lAgence du développement continu

i. La prise en charge des cancers pédiatriques

ii. La douleur

2. Les structures dédiées à la prise en charge de la douleur

C. le droit À loubli

1. Ce que la loi a prévu

2. Des avancées très significatives quil convient de saluer

Travaux de la commission

liste des personnes auditionnées par le rapporteur


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   introduction

Comme son intitulé le reflète, la loi n° 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli aborde des thématiques variées. Elles n’en sont pas moins complémentaires et contribuent chacune peu ou prou à un véritable renforcement de la prise en charge des cancers pédiatriques.

Toutes les dispositions de la loi ne relèvent pas du domaine réglementaire, et, à ce stade, toutes ne sont pas au même degré d’achèvement. Leur mise en œuvre relève fréquemment d’instances diverses dans lesquelles interviennent souvent plusieurs parties prenantes dans le cadre de processus participatifs.

De ce fait, comme dans maints domaines, la crise sanitaire que notre pays traverse depuis le début de l’année a eu un réel impact sur la mise en œuvre de la loi et l’application de certains de ses articles souffrira d’un retard de plusieurs mois. Pour cette raison, il est d’autant plus remarquable de souligner qu’un an de demi après son entrée en vigueur, sur la plupart des points que la loi a souhaité traiter, de réelles avancées se sont produites.

 


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I.   La publication des textes prévus par la loi

La loi du 8 mars 2019 prévoit la publication de deux types de textes d’origine gouvernementale : des décrets, d’une part, et la remise de plusieurs rapports par le gouvernement au parlement.

A.   Les décrets

Deux décrets ont été pris par le gouvernement et publiés au Journal officiel, qui couvrent l’essentiel des dispositions de la loi.

1.   Le décret n° 2019-1178 du 15 novembre 2019

Ce premier décret contribue à la mise en application des articles 2 et 4 de la loi.

a.   L’article 2 de la loi

Cette disposition de la loi a complété l’article L. 1415-4 du code de la santé publique et prévu que le conseil d’administration de l’INCa compterait désormais deux membres titulaires supplémentaires, un député et un sénateur. Un député et un sénateur suppléants sont également prévus.

Larticle 3 du décret du 15 novembre 2019 complète en conséquence l’article D. 1415-1-4 du code de la santé publique, relatif à la durée du mandat des membres du conseil d’administration de l’Institut.

Il dispose désormais que, par exception à la durée de cinq ans renouvelable des autres membres, le mandat des députés expire avec la législature au titre de laquelle ils ont été élus, celui des sénateurs expirant lors de chaque renouvellement partiel du Sénat.

L’Assemblée nationale a désigné Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe membre titulaire le 12 juillet 2019, et Mme Nathalie Elimas, membre suppléant, le 23 juillet 2019. Le Sénat a nommé respectivement titulaire et suppléante Mmes Catherine Deroche et Jocelyne Guidez le 21 novembre 2019.

Elles ont participé à un premier conseil d’administration au mois de mars 2020.

b.   L’article 4 de la loi

L’article 4 de la loi a complété l’article L. 1415-7 du code de la santé publique en précisant que, dans des conditions définies par décret, l’Institut national du cancer pourrait désormais lancer des appels à projets en matière de recherche d’une durée de huit ans, en plus de ceux d’une durée de cinq ans.

Pour mémoire, l’introduction de cette disposition résultait de l’adoption d’un amendement du gouvernement qui souhaitait ainsi notamment favoriser les recherches cliniques à destination des enfants et les recherches visant à évaluer les effets secondaires des traitements à long terme. Cette possibilité permettait donc de faciliter des projets de recherche fondamentale plus ambitieux, menés par exemple par des équipes de chercheurs intégrées à des consortiums, permettant de lever des verrous technologiques importants, pour lesquelles une durée de cinq ans pouvait être dissuasive, compte tenu de la complexité des sujets.

Larticle 1er du décret du 15 novembre 2019 a introduit à cet effet un article D. 1415-1-10 au code de la santé publique qui définit les conditions de fond et de forme selon lesquelles ces projets de huit ans peuvent être lancés. Il précise ainsi que cette durée est une durée maximale qui ne peut être envisagée que pour des projets de recherche clinique ou de recherche fondamentale ne pouvant être achevés en cinq ans en raison de leur « particulière complexité ».

La décision de faire bénéficier des projets de cette durée est prise par le président de l’INCa « après avis dau moins deux évaluateurs externes choisis par le président de linstitut pour leur expertise dans le domaine concerné par le projet. ». Il est enfin précisé que le président de l’INCa rend compte annuellement au conseil d’administration de la mise en œuvre de cette disposition.

Selon les indications qui ont été communiquées aux rapporteurs, l’INCa n’a pas encore eu l’occasion de lancer de tels appels à projet.

En revanche, deux projets – l’un d’essai clinique, l’autre de recherche interventionnelle d’accompagnement de salariés malades en entreprise – sont actuellement en cours d’instruction pour une prolongation, en raison de difficultés particulières d’inclusion. Cette possibilité de prolongation, de fait transitoire, a en effet également été prévue par larticle 2 du décret selon lequel les projets de recherche d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, en cours à la publication du décret, « peuvent voir leur durée portée à huit ans maximum » dans les mêmes conditions.

2.   Le décret n° 2020-470 du 23 avril 2020

Ce deuxième décret précise les dispositions révisées par larticle 5 de la loi.

a.   L’Allocation journalière de présence parentale, une prestation d’un intérêt majeur pour les parents d’enfants malades

Pour mémoire, il faut rappeler que deux droits complémentaires sont ouverts aux parents d’un enfant malade, handicapé ou accidenté, dont l’état « dune particulière gravité » exige des soins contraignants et une présence constante.

En premier lieu, le code du travail (art. L. 1225-62) leur ouvre droit à un congé de présence parentale (CPP) de 310 jours ouvrés au maximum, sur une période de trois ans. Ce droit est ouvert par périodes reconductibles de six mois sur présentation d’un certificat médical.

À lissue de ces trois ans, en cas de rechute ou de récidive de la pathologie de l’enfant au titre de laquelle un premier congé lui a été accordé, le salarié peut à nouveau bénéficier d’un CPP, ouvrable dans les mêmes conditions.

En parallèle, le code de la sécurité sociale (arts. L. 544-1 et suiv.) a institué une allocation journalière de présence parentale (AJPP) au bénéfice des parents ayant demandé un CPP, permettant ainsi de compenser pour partie la perte de revenus due à la suspension de leur contrat de travail. Logiquement, ce droit est également ouvert dans la limite d’une durée maximale de trois ans (D. 544-1) et le nombre total dallocations auquel le parent peut prétendre est de 310 (L. 544-3), versées à raison d’un maximum de 22 par mois. Le montant moyen de cette prestation est aujourd’hui de 778 euros mensuels. En septembre 2019, elle était versée à un peu plus de 10 000 personnes et représentait en conséquence un coût mensuel de quelque 8 millions d’euros.

En outre, au-delà de la durée maximum de trois ans, le droit à l’AJPP peut être également rouvert en cas de rechute ou de récidive de la pathologie au titre de laquelle le premier droit a été ouvert, lorsque les conditions, notamment de l’article L. 544-2, sont remplies. Concrètement, le droit à l’AJPP est réexaminé dans les conditions suivantes :

● En cas de traitement dune durée prévisible supérieure à six mois : le droit à l’AJPP étant ouvert pour une première période de six mois sur présentation d’un certificat médical et réexaminé pour renouvellement dans les mêmes conditions à l’issue de cette période (D. 544-2) ;

● En cas de rechute au cours de la période de trois ans : le droit peut alors être rouvert, dans les mêmes conditions, pour la durée restant jusqu’au terme des trois ans et en tenant compte du nombre d’AJPP déjà versées (D. 544-3) ;

● En cas de nouvelle pathologie : un nouveau droit est ouvert dans les conditions de droit commun (D. 544-5).

b.   L’amélioration introduite par la loi et le contenu du décret

La loi du 8 mars 2019 a permis d’améliorer la prestation de deux façons :

● En simplifiant le dispositif : le certificat médical précise désormais la durée prévisible du traitement et porte le réexamen de la situation à un an au maximum, au lieu de six mois antérieurement (L. 544-2) ;

 En ajoutant aux deux situations initiales – rechute ou récidive – permettant la réouverture du droit au-delà de la durée maximale de trois ans, celle dans laquelle la gravité de la pathologie justifie toujours une présence soutenue des parents auprès de lenfant et des soins contraignants (L. 544-3).

En application de ces dispositions législatives, le décret du 23 avril 2020 remplace notamment les articles D. 544-2 et D. 544-3 du code de la sécurité sociale.

L’article 1er du décret propose ainsi un nouvel article D. 544-2 qui précise les conditions de réexamen de la durée prévisible de traitement demandée au médecin et indique que lorsque celui-ci fixe une nouvelle durée prévisible du traitement, au plus tard à l’issue de la durée d’un an, le droit à lAJPP est renouvelé, dans la limite de la durée maximale restant à courir et du nombre d’AJPP déjà versées.

L’article 2 du décret réécrit l’article D. 544-3. Désormais, au cours de la période de trois ans à dater de l’ouverture du droit à l’AJPP et à condition que le nombre maximal dAJPP (310), nait pas été utilisé, le droit peut être ouvert « à nouveau en cas de rechute de la pathologie au titre de laquelle le droit avait été ouvert », lorsque les conditions sont remplies.

En outre, au-delà de la durée maximale de trois ans mentionnée à l’article D. 544-1, qui reste inchangé, lorsque le droit est de nouveau ouvert en application de l’article L. 544-3 – rechute, récidive ou présence soutenue et soins contraignants toujours nécessaires – l’AJPP est versée dans la limite d’une nouvelle application de la durée maximale mentionnée à l’article D. 544-1.

Enfin, le troisième article du décret modifie l’article D. 1225-17 du code du travail pour le mettre en cohérence avec les nouvelles dispositions du code de la sécurité sociale. Il prévoit notamment que la durée initiale de la période au cours de laquelle le salarié bénéficie du droit à congé de présence parentale est réexaminée dans les conditions prévues à l’article D. 544-2 du code de la sécurité sociale.

c.   Des dispositions sans doute encore perfectibles

i.   Une réforme qui a laissé des frustrations

Pour positives qu’elles soient, votre rapporteur ne peut passer sous silence la frustration dans laquelle ces nouvelles dispositions ont laissé les familles d’enfants malades. Pour nombre d’entre elles en effet, la réforme du dispositif a changé peu de choses dans la mesure où le temps de l’indemnisation n’a pas été réévalué et que le nombre maximum d’AJPP reste fixé à 310.

Telle qu’elle avait été déposée, la proposition de loi visait à relier l’AJPP à la durée réelle de la maladie de l’enfant pour être en parfaite adéquation avec les besoins de ses parents. Elle proposait en conséquence que le plafond de 310 jours ne s’applique pas en cas de cancer.

Telle n’a finalement pas été la volonté du législateur et aucune disposition législative ou réglementaire ne permet aujourdhui un déplafonnement des 310 jours dAJPP, que ce soit dans la période des trois ans initiale ou en cas de renouvellement. Comme on l’a vu, le décret (article D. 544-3) prend d’ailleurs soin de préciser que l’éventuelle réouverture du droit au sein d’une même période se fait en tenant compte du nombre de jours dAJPP déjà utilisés. Concrètement, une période de 310 jours d’AJPP n’est désormais de nouveau possible sur une nouvelle période de trois ans qu’en cas de rechute, de récidive ou lorsque la gravité de la pathologie nécessite toujours une présence soutenue et des soins contraignants.

Pour autant, on ne peut manquer de rappeler aussi que, lors du débat à l’Assemblée nationale, telle semblait pourtant être l’intention du gouvernement, la ministre Agnès Buzyn déclarant en défense de l’amendement qu’elle présentait : « (…) Ce droit à 310 jours dAJPP peut être renouvelé en cas de rechute, de récidive ou de complication de la maladie. Il arrive cependant que la maladie se poursuive sans interruption, de façon continue, et nécessite toujours une présence et des soins contraignants sans que lon soit dans le cas dune récidive ou dune rechute. Pour répondre à ces situations qui peuvent notamment concerner les familles dont les enfants sont atteints de cancer, lamendement prévoit de permettre le renouvellement de lallocation au-delà du plafond des 310 jours. » ([1])

Votre rapporteur invite en conséquence le gouvernement à examiner les possibilités d’assouplissement qui pourraient être introduites en ce sens, d’autant qu’il convient de rappeler que le plafond de 310 jours est en pratique rarement atteint, la prestation étant versée en moyenne sur 173 jours en trois ans, seuls 6 % des bénéficiaires atteignant le plafond.

ii.   Un complément opportun apporté dans la loi de financement de la sécurité sociale

Comme il a été rappelé, la révision du dispositif de soutien aux parents d’enfants malades qui est intervenue dans le cadre du vote de la loi du 8 mars 2019 a essentiellement touché le code du travail et le code de la santé publique.

Il est utile de remarquer que cette architecture a été précisée à l’initiative du gouvernement par une disposition adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 dont larticle 69 a tout d’abord complété l’article L. 544.6 du code de la sécurité sociale par un alinéa aux termes duquel les montants de l’AJPP peuvent être modulés lorsque le bénéficiaire du congé de présence parentale le fractionne ou le transforme en périodes dactivité à temps partiel.

La LFSS a logiquement révisé dans le même temps l’article L.1225-62 du code du travail pour ouvrir la possibilité de fractionnement ou de transformation du congé de présence parentale en période d’activité à temps partiel, et d’autre part, les articles des lois portant dispositions statutaires relatives aux trois fonctions publiques, de l’État, territoriale et hospitalière ([2]). Ces dispositions entreront en vigueur au plus tard le 30 septembre 2020.

d.   L’amélioration de l’information des familles

Le IV de l’article 5 de la loi du 8 mars 2019 a introduit un article L. 544-10 au code de la sécurité sociale relatif à lobligation dinformation à la charge de l’organisme débiteur des prestations familiales quant aux critères et conditions d’attribution de l’AJPP, aux modalités de demande de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap.

Selon les indications données par la Caisse nationale d’allocations familiales à votre rapporteur, la communication est aujourd’hui ciblée en direction des personnes concernées, et l’information leur est donnée directement sur leur compte personnel, dans une logique « daller vers » qui est désormais mise en œuvre. La croissance actuelle de la prestation, +7 % de bénéficiaires en 2019 par rapport à 2018, peut également s’expliquer par une meilleure information donnée sur le site qui a été actualisé ces derniers mois.

En outre, les procédures sont en voie d’allègement pour les familles. La dématérialisation qui est progressivement mise en place contribuera à raccourcir les paiements encore parfois tardifs dus au circuit triangulaire de la procédure, entre l’allocataire, son employeur et la CAF.

B.   les rapports À remettre au parlement

1.   Deux rapports à remettre après la promulgation de la loi

Deux articles de la loi du 8 mars 2019 prévoient la remise au parlement par le gouvernement de rapports, « au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi ».

Le rapport prévu à larticle 6 est relatif à la prise en charge de la douleur, en particulier par les centres d’oncologie pédiatrique. Il porte notamment sur « les moyens mis en œuvre pour le dépistage et le traitement de la douleur des enfants dans le cadre des soins quils reçoivent. Il dresse un état des lieux de la formation spécifique, initiale et continue, des professionnels de santé qui interviennent en oncologie pédiatrique ainsi que des centres dédiés à la douleur dans notre pays et des effectifs qui sy consacrent. Il étudie laccès des enfants et des adolescents atteints de cancer à des médicaments et des traitements adaptés et la mise à disposition de formules pédiatriques spécifiques. Enfin, il étudie lopportunité de mettre en place un quatrième "plan douleur" ».

Le second rapport est prévu à larticle 8 de la loi. Il est relatif à l’application de la convention dite "AERAS" et à l’accès au crédit des personnes présentant un problème grave de santé et notamment celles ayant souffert d’un cancer pédiatrique. Ce rapport doit notamment préciser les possibilités d’évolution du dispositif s’agissant de la prise en compte des pathologies survenues avant l’âge de 21 ans.

À la date de rédaction du présent rapport, aucun de ces deux rapports n’a été remis au parlement. Pour autant, de réelles avancées se sont produites sur ces problématiques, comme votre rapporteur le montrera plus loin.

2.   Un rapport annuel

Larticle 9 de la loi prévoit enfin que le gouvernement remet un rapport annuel, relatif à l’ensemble des financements publics alloués à la recherche sur les cancers pédiatriques, précisant les volumes financiers annuels et pluriannuels dédiés aux programmes de recherche sur les cancers de l’enfant et de l’adolescent, les avancées obtenues ainsi que les projets scientifiques engagés en la matière.

À la date de rédaction de ce rapport, le premier de ces rapports annuels n’a pas non plus été remis au parlement.

 


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II.   la mise en application des autres dispositions de la loi

Indépendamment de la publication des textes prévus et de la remise des rapports du gouvernement, votre rapporteur souhaite également présenter la manière dont les diverses dispositions de la loi sont mises en application, hors de toute exigence de texte.

A.   StratÉgie dÉcennale, recherche et prise en charge

1.   L’élaboration de la stratégie

a.   Les travaux en cours

Larticle 1er de la loi a complété l’article L. 1415-2 du code de la santé publique par l’insertion d’un alinéa aux termes duquel l’INCa a également pour mission de proposer, en coordination avec ses partenaires – organismes de recherche, opérateurs publics et privés en cancérologie, professionnels de santé, usagers du système de santé et autres personnes concernées – une stratégie décennale de lutte contre le cancer, qui « définit les axes de la recherche en cancérologie et laffectation des moyens correspondants et précise notamment la part des crédits publics affectés à la recherche en cancérologie pédiatrique. ». La stratégie proposée est ensuite arrêtée par décret et l’INCa en assure la mise en œuvre. Il est également précisé que le conseil scientifique de l’institut se prononce sur la stratégie et en réévalue la pertinence à mi-parcours.

Selon les indications qui avaient été données à la fin de l’année dernière à votre rapporteur lors de leurs auditions, l’INCa s’est très vite rapproché des acteurs et une réflexion a été engagée au sein du groupe de travail chargé d’évaluer le troisième plan cancer et de proposer les orientations pour la prochaine politique contre le cancer selon les axes fixés par la ministre de la santé :

● Prévention : 40 % des cancers sont évitables ;

● Réduction des séquelles : Depuis les années 1960, d’importants progrès ont eu lieu, qui se traduisent en termes de survie et de meilleure qualité de vie après la maladie, mais les deux-tiers des patients ont toujours des séquelles après cinq ans ;

● Lutte contre les cancers de mauvais pronostic, dont font partie les cancers pédiatriques : Sans impulsion de la recherche sur ces cancers, il y aura peu de progrès importants.

Sur ces bases, l’INCa et ses partenaires devaient identifier les actions à mener et élaborer un projet de stratégie pour la fin du premier semestre 2020, une concertation publique étant envisagée pour la fin du premier trimestre.

La crise du covid-19 a évidemment eu un impact sur le schéma initialement prévu et selon les informations qui ont été fournies à votre rapporteur, le calendrier d’adoption de la proposition de stratégie a dû être retardé, dans la mesure où les deux ministères de tutelle ont été totalement absorbés par la gestion de la crise. De sorte qu’il est désormais prévu que la proposition de stratégie soit présentée lors d’un conseil d’administration exceptionnel de l’INCa le 27 novembre prochain pour ensuite être transmise formellement au gouvernement qui devrait la rendre officielle le 4 février 2021, journée de lutte internationale contre les cancers.

D’ici là, l’INCa continuera de nourrir sa réflexion des échanges avec les services des ministères, avec les membres de son conseil scientifique. Une consultation publique est également prévue pour le mois de septembre qui permettra de recueillir les avis des parties prenantes sur les propositions. En parallèle, l’INCa travaille également à l’élaboration d’une feuille de route précisant la programmation de la mise en œuvre de la stratégie pour les cinq premières années.

b.   Les préoccupations des familles

Votre rapporteur ne peut cependant omettre de mentionner ici la forte inquiétude que les associations de parents ont tenu à exprimer quant à cet article et à sa mise en œuvre.

Elles sont en effet unanimes à considérer que la durée de dix ans fixée à la stratégie, qui résulte d’un amendement adopté en commission, est beaucoup trop longue. Elles estiment que les spécificités des cancers pédiatriques et la rapidité de la recherche plaident au contraire en faveur de plans quinquennaux, comme le texte initial de la proposition de loi le prévoyait, sauf à perdre en cohérence. En ce sens, elles considèrent que les deux premiers plans cancer – 2003-2007 et 2007‑2013 – identifiaient de façon plus efficace les besoins des jeunes patients et de leurs familles.

2.   La recherche sur les cancers pédiatriques

L’INCa a remis au Président de la République son 6e rapport d’exécution du plan cancer 2014-2019 ([3]) et, même si elles ne sont pas à strictement parler en lien étroit avec la loi du 8 mars 2019, il n’est pas inutile de mentionner ici les actions que l’institut et ses partenaires mettent spécifiquement en œuvre contre les cancers pédiatriques et de faire le point sur les 5 millions deuros alloués à la recherche en oncopédiatrie par la ministre de la recherche l’an dernier.

a.   Le point sur la recherche

S’agissant de la recherche, seize centres investigateurs spécialisés dans les essais précoces de nouveaux médicaments, CLIP², ont été labellisés par l’INCa en 2019 pour cinq ans, dont sept concernent également les enfants. Financés par l’ARC et l’INCa, ils permettent de développer des programmes hospitaliers de recherche clinique.

Le rapport rappelle surtout loctroi à lINCa de 5 millions deuros supplémentaires dédiés à la recherche en oncopédiatrie dans la loi de finances pour 2019. Cette dotation s’est ajoutée aux financements des recherches sur les cancers pédiatriques effectués au travers des appels à candidatures récurrents pour un montant annuel de 70 millions d’euros environ. Le ministère a confié à l’INCa la coordination d’une task force à laquelle participent les organismes de recherche et les associations, notamment de parents – Grandir sans cancer, Gravir et UNAPECLE  pour définir des propositions de travaux à engager dès 2019 permettant d’accélérer la recherche fondamentale sur les cancers de l’enfant. Ont été décidés dans ce cadre :

● La réalisation d’une cartographie de l’état de la recherche en cancérologie pédiatrique ou dans des champs qui pourraient avoir des applications en cancérologie pédiatrique ;

● L’organisation d’une série de séminaires interdisciplinaires permettant la rencontre de scientifiques issus de mondes très différents et la confrontation de leurs outils et disciplines afin de déterminer les apports possibles à la cancérologie pédiatrique ;

● La formation et attraction de jeunes chercheurs, via des appels à projets compétitifs.

Un appel à candidatures a également été lancé pour favoriser la mobilité internationale des jeunes chercheurs travaillant en cancérologie pédiatrique, quel que soit le secteur de recherche.

Deux appels à projets ambitieux et innovants ont été lancés, pour améliorer la connaissance des causes et origines des cancers pédiatriques, et financés dans le cadre de la dotation supplémentaire de 5 millions d’euros : « Origines et causes des cancers pédiatriques » et « High Risk – High Gain ». Un consortium a été constitué sur le sujet des origines et des causes des cancers pédiatriques et l’appel à candidatures vise à explorer plus spécifiquement quatre axes complémentaires : le rôle des facteurs environnementaux ; celui de facteurs génétiques et épigénétiques ; les processus impliqués lors des stades précoces de développement des systèmes nerveux, immunitaire et hématopoïétique ; le développement de nouveaux modèles spécifiques des cancers pédiatriques.

Le rapport précise à cet égard que trois groupes de travail ont été constitués sur les thématiques suivantes : « Partage des données en cancérologie pédiatrique », « Développement de lêtre humain – anomalies épigénétiques et environnement » et « Immunologie – Modèles – Mathématiques ». Associant médecins, chercheurs, représentants des associations, ces groupes de travail sont copilotés par une association et lINCa. Un premier appel à projets a été lancé en mai 2019 pour soutenir la mobilité internationale de jeunes chercheurs en cancérologie pédiatrique, pour lesquels il est nécessaire de renforcer lattractivité de cette recherche de facilitant leur carrière. Un appel à candidatures a par ailleurs été lancé en septembre 2019 pour « accélérer la recherche fondamentale et translationnelle en cancérologie pédiatrique par un accompagnement à la mutualisation, à la structuration et au partage des données de recherche. ». Si sur la période 2007-2017 seuls trois « Programmes dActions Intégrées de Recherche » (PAIR) sur 80 ont spécifiquement été consacrés aux cancers pédiatriques, le rapport insiste sur lengagement du secteur associatif dans la recherche, notamment en direction des plus jeunes : « La Ligue lancera dès 2020 un appel à projets spécifique en Recherche en prévention des cancers avec deux axes majeurs : cancer et environnement et éducation à la santé dès le plus jeune âge. En partenariat avec la Fondation ARC et lInstitut national du cancer, la Ligue est également particulièrement investie dans la recherche sur les cancers des enfants, des adolescents et des jeunes adultes (appels à projets, soutien au programme intégré de recherche sur les cancers pédiatriques et aux centres dessais cliniques de phase précoce). »

Sans s’écarter du propos du présent rapport, votre rapporteur ne peut manquer de souligner l’ambition de l’INCa pour les prochaines années. Dans la lignée de ce que la ministre avait proposé l’an dernier, les axes retenus, notamment en ce qui concerne les cancers de mauvais pronostics dont les cancers pédiatriques font partie, sont de nature à permettre des progrès décisifs. Il est souhaitable que les moyens correspondants soient prévus.

b.   La question de la participation des mineurs aux essais cliniques

Enfin, larticle 3 de la loi a cherché à faciliter la participation des mineurs aux essais cliniques. Les comités de protection des personnes, CPP, sont sensibilisés par l’INCa qui, depuis l’an dernier, demande systématiquement pour les appels à projets des centres labélisés d’essais de phase précoce (CLIPP) qu’il soit proposé d’inclure des enfants dès lors que les conditions sont réunies.

Cela étant, il n’y a pas d’obligation légale en ce sens et les promoteurs des recherches peuvent refuser de le faire, comme cela s’est produit récemment dans un essai CLIPP sur les sarcomes osseux qui pourrait cependant concerner les adolescents, et le rôle de l’INCa ne peut aller bien au-delà du plaidoyer et de la sensibilisation et de l’encouragement des différentes parties prenantes.

3.   L’évolution de la structuration de la prise en charge des cancers pédiatriques

Bien que cet aspect ne soit pas directement lié à la loi du 8 mars 2019, il est utile de présenter ici les évolutions en cours concernant les autorisations d’exercer l’activité de soins de traitement du cancer.

Sous l’égide de la Direction générale de l’offre de soins, DGOS, un groupe de travail s’est réuni de juin 2018 à février 2020, auquel a, entre autres, été très associée la Société française de cancérologie pédiatrique. Selon les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur, ses travaux permettront de mettre en œuvre l’essentiel des préconisations de l’INCa, qui se traduiront par des évolutions structurantes importantes du dispositif d’encadrement de cette activité de soins.

Parmi ces évolutions, à la régulation de l’offre de traitement de cancer pédiatrique organisée par les sept organisations hospitalières interrégionales de cancer pédiatrique labellisées par l’INCa, se substituera une régulation réalisée par les agences régionales de santé, ARS, en lien avec l’INCa. Cette nouvelle organisation est jugée comme permettant d’assurer la répartition la plus efficiente possible de l’offre de soins en cancérologie pédiatrique tenant compte des besoins de santé des nouvelles régions issues de la dernière réforme territoriale, ainsi que des ressources rares en professionnels spécialisés en cancérologie pédiatrique. Le suivi de la qualité et de la sécurité des soins sera plus exhaustif et la plus grande implication des ARS permettra aussi une meilleure coordination des acteurs des soins hospitaliers, de médecine de ville et du secteur médico-social autour du parcours de soins des enfants et adolescents atteints de cancer, en intégrant aussi les enjeux des soins de support.

Une instruction ([4]) de la DGOS a par ailleurs actualisé le référentiel des missions des réseaux régionaux de cancérologie, RRC. En matière de cancérologie pédiatrique, les RRC doivent désormais décrire l’offre de soins en cancérologie pédiatrique dans leur région et son inscription, le cas échéant, dans une organisation interrégionale, OIR. Ils doivent également s’attacher à faciliter l’organisation des réunions de concertation pluridisciplinaire, RCP, de cancérologie pédiatrique par les OIR et leur enregistrement dans les outils régionaux du dossier communicant en cancérologie, qui a pour objectif d’améliorer le partage et léchange sécurisé des informations entre professionnels de santé et la traçabilité des différentes interventions. Enfin, les RRC recueillent les besoins de formation des professionnels impliqués dans les traitements des enfants atteints de cancer, et notamment ceux pouvant être mutualisés avec les autres acteurs de la cancérologie.

B.   La formation des professionnels et La prise en charge de la douleur

1.   La formation générale

a.   Formation initiale

Le législateur ne pouvait que demander un rapport au gouvernement sur la manière dont les problématiques de douleur sont traitées dans la mesure où il s’agit de questions qui ne relèvent évidemment pas du domaine législatif, telle la formation des professionnels de santé. C’est ce qu’a fait larticle 6 de la loi. Si le rapport que doit présenter le gouvernement n’est pas encore arrivé sur le bureau de l’Assemblée nationale, votre rapporteur souhaite présenter les avancées intéressantes qui sont intervenues dans ce domaine essentiel.

S’agissant de la formation des professionnels de santé, des formations spécialisées transversales, FST, ont notamment été créées dans le cadre de la réforme du 3e cycle des études de santé pour permettre à des étudiants d’autres spécialités de se former, notamment à la cancérologie et à la douleur, comme le préconisait la loi. Elles ont été mises en œuvre pour la première fois lors de la rentrée universitaire 2019-2020.

Selon les précisions qui ont été données à votre rapporteur, la FST de cancérologie, destinée à former à la primo-prescription et aux traitements médicamenteux en cancérologie, se décline en deux orientations : « Hémato-cancérologie pédiatrique » et « Traitements médicaux des cancers ». Les conditions d’accès à la FST cancérologie pédiatrique sont spécifiques pour trois DES : Pédiatrie, Oncologie pour les options médicale et radiothérapie, et Hématologie. Pour la rentrée universitaire 2019-2020, 150 postes ont été ouverts au titre de la FST cancérologie, déclinaison « Traitement médicaux des cancers », et 40 postes pour la déclinaison « hémato-cancérologie pédiatrique ». La FST douleur, qui forme à une évaluation et à la prise en charge de tous les types de douleur, chez l’adulte ou chez l’enfant, est accessible à tous les DES. 95 postes ont été ouverts au titre de cette FST pour la rentrée universitaire 2019-2020.

Les résultats préalables d’une enquête menée par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, ONDPS, auprès des agences régionales de santé et des unités de formation et de recherche, UFR, semblent indiquer une certaine attractivité pour ces FST : Dès la première année de mise en œuvre, respectivement, 78 % des postes ont été pourvus pour la déclinaison « Traitement médicaux des cancers », 13 % pour déclinaison « Hémato-cancérologie pédiatrique », la FST douleur étant pourvue à 49 %.

En outre, les médecins en exercice, qui ont la possibilité de se spécialiser en passant un diplôme de spécialisation proposé par les universités, pourront, dès 2021, avoir accès aux options et FST actuellement ouvertes aux seuls étudiants en médecine. Il existe enfin un diplôme inter-universitaire doncologie pédiatrique ouvert aux médecins pédiatres, chirurgiens, radiothérapeutes, radiologues, pathologistes et biologistes, pratiquant l’oncologie pédiatrique ou se destinant à une carrière dans ce domaine.

Sagissant des professions paramédicales, l’oncologie pédiatrique s’inscrit dans un paysage pluridisciplinaire qui regroupe outre les acteurs des soins des professions paramédicales. S’il existe peu d’enseignements spécifiques sur la pédiatrie dans la maquette actuelle de formation des infirmiers diplômés dÉtat, IDE, en revanche l’un des domaines d’intervention des infirmiers en pratique avancée, IPA, est l’oncologie et l’hémato-oncologie. Sur l’ensemble des postes proposés aux IPA toutes spécialités confondues, l’oncologie représente 25 %. Sans qu’il y ait d’enseignement spécifique en oncologie pédiatrique, les IPA peuvent être amenés à travailler dans des services de cancérologie pédiatrique.

Des spécialisations sont également possibles dans le cadre de la formation continue, comme par exemple, « Infirmier expert en douleur ». D’autres professionnels de santé, tels les auxiliaires de puériculture ou les manipulateurs délectroradiologie médicale, peuvent exercer dans des services de cancérologie et notamment dans les centres spécialisés en cancérologie pédiatrique.

b.   Les nouvelles orientations définies par l’Agence du développement continu

En matière de formation continue, un arrêté du 31 juillet 2019 a fixé les orientations prioritaires pluriannuelles de lAgence du développement professionnel continu, DPC, pour la période 2020 à 2022. Un certain ciblage a été fait en direction de cancers pédiatriques.

Deux orientations ont été plus particulièrement définies à cet égard, portant l’une sur la prise en charge des cancers, notamment chez lenfant, ladolescent et le jeune adulte, l’autre sur lamélioration de la prise en charge de la douleur. Deux fiches, n° 26 et n° 32 ([5]) ont été élaborées fixant les directives que les programmes de DPC devront respecter.

i.   La prise en charge des cancers pédiatriques

S’agissant de la prise en charge des cancers pédiatriques, les objectifs de transformation des pratiques, des processus ou des résultats de soins que suivent ces formations sont les suivants :

● Partager et diffuser les grands enjeux et évolutions mais aussi les perspectives en ce qui concerne les prises en charge du cancer, et notamment celles spécifiques aux cancers de l’enfant et de l’adolescent – jeune adulte ;

● Sensibiliser les professionnels de santé concernés sur les actions qui relèvent de leurs compétences pour contribuer à l’amélioration et à l’harmonisation de leurs pratiques ;

● Analyser, en équipe, les pratiques existantes en utilisant les méthodes et outils mobilisables (notamment à partir des travaux de l’INCa) pour une prise de décision adaptée aux besoins de soins du patient tout au long de son parcours, qu’il soit adulte, enfant ou adolescent ;

● Donner aux professionnels les outils leur permettant de construire, à l’aune des nouveaux enjeux et évolutions et sur la totalité du parcours des patients (du diagnostic à l’après-cancer), un plan d’actions d’amélioration de la prise en charge des cancers et notamment ceux des enfants et des AJA et d’en mesurer les résultats.

Les professionnels concernés par cette formation sont les médecins ou non médecins, quel que soit leur lieu d’exercice : sanitaire, médico-social, social, HAD ou domicile, du public ou du privé, la prise en charge des cancers devant « en effet, être comprise au sens large, menée dans le cadre dun travail en équipe médicale et paramédicale. ».

L’orientation prévoit que le programme s’articule autour des axes suivants :

● Présentation générale des grands enjeux, évolutions et perspectives en ce qui concerne les prises en charge du cancer ;

● Analyse de pratiques en équipe par étude de cas (dossiers de cas réels anonymisés apportés par les équipes adulte, adolescent et enfant et du sujet âgé) ;

● Élaboration et mise en œuvre d’un programme d’amélioration de la prise en charge des cancers (clinique, thérapeutique, relationnel, éthique), notamment ciblé sur les enfants et les adolescents – jeunes adultes.

ii.   La douleur

En ce qui concerne la douleur, l’objectif de transformation des pratiques que poursuit cette formation continue vise en premier lieu à améliorer l’initiation du parcours en soins primaires en renforçant la compétence des médecins de premier recours et celle des spécialistes sur la détection des symptômes, les examens complémentaires à réaliser le cas échéant et la stratégie thérapeutique médicamenteuse. L’objectif secondaire est ladressage précoce avant détérioration des symptômes douloureux, voire avant toute chronicisation. Il s’agit aussi d’améliorer la prise en charge en structure spécialisée dans la douleur chronique, SDC, et d’alléger la charge de ces structures, souvent saturées et donc la pertinence et la qualité des prises en charge en diminuant la file active de patients et en réduisant les délais d’attente, par un décloisonnement ville-hôpital ; De reporter le suivi des patients en ville par des professionnels de soins primaires mieux informés, en ce qui concerne le renouvellement d’ordonnances par exemple, si les conditions le permettent, et en partenariat avec les SDC. Il s’agit enfin de fluidifier le parcours de santé en le simplifiant et en impliquant par exemple les médecins généralistes, les pharmaciens, les spécialistes, les soignants et les non médicaux mieux formés à la douleur chronique, qui pourront ainsi mieux accompagner le projet thérapeutique incluant des thérapies médicamenteuses et non médicamenteuses.

2.   Les structures dédiées à la prise en charge de la douleur

Si les actions mises en œuvre pour améliorer la prise en charge des enfants atteints de pathologies cancéreuses méritent d’être saluées, il n’en reste pas moins que la problématique de la douleur reste aujourd’hui encore un sujet important, sur lequel les spécialistes comme les associations de familles ne cessent d’attirer l’attention.

La prise en charge de la douleur des enfants atteints de cancer est en premier lieu le fait des oncopédiatres eux-mêmes qui appliquent des protocoles de soins avant de se tourner vers des spécialistes de la douleur en cas d’insuffisance de résultats. Sur cette question, les parties prenantes soulignent linégal maillage territorial dans notre pays, certains oncopédiatres ne sachant vers qui se tourner pour soulager leurs jeunes patients. Tant les associations que la SFETD estiment que le recours pourrait être plus précoce, et qu’il est souvent plus compliqué pour un spécialiste d’intervenir efficacement lorsqu’il est sollicité tardivement.

Pour la société française d’étude et de traitement de la douleur, SFETD, d’une manière générale, il y a en effet en France un déficit de professionnels de santé formés à la douleur pédiatrique ainsi qu’un faible nombre de structures dédiées, ce qui se traduit par une errance thérapeutique. On relève par exemple un peu moins d’une quarantaine de structures chargées des douleurs chroniques pédiatriques, exclusives ou mixtes, comptant au mieux un demi équivalent temps plein, partageant de fait son activité avec d’autres services. Il en résulte une attente longue avant l’obtention d’un premier rendez-vous dans une structure douleur.

En outre, le manque de médicaments antalgiques adaptés à l’usage pédiatrique et linégalité territoriale d’accès aux soins, au demeurant financés par les seuls dons d’associations, ajoutent à la préoccupation.

C.   le droit À l’oubli

1.   Ce que la loi a prévu

Larticle 7 de la loi du 8 mars 2019 a imposé aux signataires de la convention nationale AERAS définie à l’article L. 1141-2 du code de la santé publique, d’engager, dans un délai de six mois à dater de la promulgation de la loi, une négociation sur la possibilité d’appliquer aux pathologies cancéreuses survenues avant l’âge de dix-huit ans le délai de cinq ans au terme duquel les anciens malades ne peuvent plus se voir appliquer des majorations de tarifs ou des exclusions de garanties dans leurs contrats d’assurance souscrits en garantie d’un prêt. À défaut, le gouvernement pourrait se substituer aux parties prenantes et fixer par décret en conseil d’État l’âge et les délais prévus.

2.   Des avancées très significatives qu’il convient de saluer

Selon les indications qui ont été communiquées à votre rapporteur, la commission de suivi et de propositions de la convention a sollicité très tôt lINCa et lui a demandé de présenter une étude spécifique pour étayer les possibilités dévolution du dispositif pour la prise en charge de cancers survenus avant lâge de 21 ans.

Les données scientifiques apportées aux parties prenantes à la convention dans le rapport que l’INCa a remis en octobre 2019 ont mis en évidence plusieurs éléments d’intérêt majeur. En premier lieu, quant à la population concernée : le recensement sur une période de 17 ans montre que l’incidence moyenne des pathologies cancéreuses pour la tranche d’âge 18-21 ans peut être estimée à 855 cas par an en métropole, l’effectif total de 0 à 21 ans étant de quelque 3 000 personnes. Outre le fait que la population concernée est – heureusement – peu nombreuse, il ressort également de l’étude que la majorité des cas relève d’un diagnostic de bon pronostic. En second lieu, les progrès thérapeutiques pour les cancers de moins bons pronostics – sarcomes et leucémies – ont permis d’améliorer en quelques années le taux de survie à 5 ans de 2,5 %. Il est désormais de 86,9 %.

Ces éléments scientifiques ont été suffisamment rassurants pour les négociateurs pour juger qu’il n’y avait pas de sur-risque justifiant que les demandes de prêts de personnes guéries après avoir été atteintes dun cancer pédiatrique soient grevées de surprimes. Ils ont permis au groupe de travail sur le droit à l’oubli de la commission de suivi de rendre, à lunanimité, « un avis favorable à ne pas faire de distinction entre les différentes pathologies cancéreuses de ces jeunes adultes, et de les considérer comme un ensemble de cancers survenant avant 21 ans et de leur ouvrir le "droit à loubli" après le délai de 5 ans prévu au quatrième alinéa de larticle L. 1141-5 du code de la santé publique. ». ([6])

Cette recommandation a été entérinée par la commission de suivi qui s’est également prononcée à lunanimité en ce sens, de sorte que le droit à loubli après le délai de 5 ans prévu à l’alinéa 4 de l’article L. 1141-5 du code de la santé publique est désormais étendu aux pathologies cancéreuses survenues avant lâge de 21 ans et non plus jusqu’à l’âge de 18 ans, comme précédemment. Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 2020.

Le rapport « Bilan et perspectives de l’application de la Convention AERAS », daté de février 2020, confirme les progrès notables intervenus depuis l’adoption de la loi qui correspondent en tout point aux préoccupations que le législateur avait exprimées.

En complément de ces avancées, votre rapporteur a reçu des assurances selon lesquelles un travail d’amélioration de linformation du public est également en cours, non seulement en ce qui concerne les publications disponibles sur le site de la convention, l’accueil téléphonique dédié, mais aussi avec le Conseil de l’ordre des médecins afin que celui-ci sensibilise les praticiens sur l’importance de fournir la documentation pertinente aux patients. En parallèle, une information est également donnée aux banques et assurances afin de faciliter l’accès au dispositif.


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   Travaux de la commission

La commission procède à laudition de M. Norbert Ifrah, président de lInstitut national du cancer (INCa), et de M. Thierry Breton, directeur général, sur les moyens affectés à la recherche sur les cancers pédiatriques et examine le rapport de la mission dévaluation de la loi n° 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à loubli (M. Paul Christophe, rapporteur).

Ces points de l’ordre du jour n’ayant pas fait l’objet de comptes rendus écrits, les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9519399_5f6af82a5833e.commission-des-affaires-sociales--rapport-sur-la-chirurgie-ambulatoire--m-norbert-ifrah-pdt-de--23-septembre-2020

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La commission autorise le dépôt du rapport sur lévaluation de la loi n° 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à loubli, en vue de sa publication.

 

 

 


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   liste des personnes auditionnées par le rapporteur

(par ordre chronologique)

       Institut national du cancer (INCa)M. Thierry Breton, directeur général

       Table ronde de parents d’enfants atteints de cancer :

 Association des parents et amis des enfants soignés à lInstitut Curie (APAESIC) – M. Olivier Pujo, vice-président

 Imagine for Margo – Mme Patricia Blanc, présidente, porte-parole du collectif GRAVIR, Mme Iris Pauporté (Ligue contre le cancer), Mme Muriel Hattab (Princesse Margot), membres du collectif GRAVIR, et M. Nicolas Reymes (Fondation ARC pour la recherche sur le cancer)

 Union nationale des associations de parents denfants atteints de cancer ou leucémie (UNAPECLE) – Mme Catherine Vergely, secrétaire générale, et Mme Cécile Favré (association Les Aguerris)

       Convention AERAS – Sassurer et emprunter avec un risque aggravé de santé – M. Emmanuel Constans, président des commissions de la convention Aeras, et M. Gilles Bignolas, salarié sécurité sociale et médecin expert

       Ministère des solidarités et de la santé – Direction générale de loffre de soins (DGOS) – Mme Laure Maillant, cheffe de bureau innovation et recherche clinique PF4, Mme Céline Castellain-Jedor, cheffe de bureau plateaux techniques et prises en charge hospitalières aigs/R3, Mme Murielle Rabord, chargée de mission au sein du bureau R3, Mme Sandrine Jaumier, cheffe du bureau Démographie et formations initiales RH1 (SD/RH2s), M. Guy Boudet, chef du bureau Exercice et déontologie des professions de santé RH2, Mme Anne Vitoux, adjointe à la cheffe de bureau qualité et sécurité des soins /PF2, et M. Mikaël Le Moal, chargé de mission au sein du bureau PF2

       Société française détude et de traitement de la douleur (SFETD) – Pr. Frédéric Aubrun, chef du service Anesthésie réanimation douleur aux Hospices civils de Lyon-Université Lyon 1, président, Dr. Sophie Dugué, médecin pédiatre au centre de la migraine et de la douleur de lenfant de lhôpital Trousseau à Paris, membre du conseil dadministration, et Mme Aude Alfonsi, directrice des affaires gouvernementales de Grünenthal France

      Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – Mme Mariette Daval, responsable du département Solidarité, insertion et cadre de vie, Mme Isabelle Brohier, responsable pôle Solidarités, insertion, contentieux, et Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires


([1])  Assemblée nationale, séance publique, débat du 29 novembre 2018

([2])  Article 40 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ; article 60 sexies de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière

([3])  https://www.e-cancer.fr/Presse/Dossiers-et-communiques-de-presse/L-Institut-national-du-cancer-publie-le-dernier-rapport-annuel-au-president-de-la-Republique-du-Plan-cancer-3-et-precise-les-echeances-de-la-strategie-decennale-de-lutte-contre-le-cancer

([4])  Instruction n° DGOS/R3/INCA/2019/248 du 2 décembre 2019 relative à l’évolution des missions des réseaux régionaux de cancérologie

([5])  Voir annexe

([6])  Rapport au gouvernement et au parlement « Bilan et perspectives de l’application de la convention AERAS », commission de suivi et de propositions, février 2020, page 26.