N° 3395

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 octobre 2020.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

relatif à la proposition de loi européenne sur le climat
(proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
établissant un cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique
et modifiant le règlement (UE) 2018/1999, COM (2020) 80 final)

ET PRÉSENTÉ

par Mme Nicole Le PEIH et M. Bernard DEFLESSELLES,

Députés

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(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, vice‑présidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Damien ABAD, Patrice ANATO, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Fannette CHARVIER, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Coralie DUBOST, Françoise DUMAS, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Alexandre FRESCHI, Mmes Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, M. Christophe JERRETIE, Mme Chantal JOURDAN, M. Jérôme LAMBERT, Mmes Constance Le GRIP, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Claude LECLABART, Patrick LOISEAU, David LORION, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Mme Catherine OSSON, MM. Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, Jean‑Pierre PONT, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, M. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT


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SOMMAIRE

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 Pages

exposÉ des motifs

I. La proposition de rÈglement affiche un cap ambitieux, la neutralitÉ climatique en 2050, à l’Échelle de l’Union

II. La proposition de rÈglement prÉvoit de rÉviser l’objectif actuel de rÉduction des Émissions de gaz À effet de serre en 2030 pour le porter À 55 %

III. lA Proposition de rÈglement prÉvoit Également que la trajectoire entre 2030 et 2050 soit dÉfinie par actes dÉlÉguÉs.

IV. Enfin, la proposition de rÈglement dÉfinit une mÉthode d’Évaluation et de suivi

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Proposition de rÉsolution europÉenne initiale

Amendements examinÉs par la commission

Proposition de rÉsolution europÉenne


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   exposÉ des motifs

 

Le 4 mars 2020, la Commission a présenté sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999, dit « loi européenne sur le climat ». Proposée quelques mois seulement après l’entrée en fonction de la Commission von der Leyen, cette « loi climat » est la clé de voûte du programme politique de la nouvelle Commission, qui s’est fixé l’objectif de faire de l’Union le premier continent climatiquement neutre. La proposition de règlement a fait l’objet d’une modification le 17 septembre 2020, après le discours sur l’état de l’Union de la présidente von der Leyen, qui conforte et approfondit les ambitions initiales de mars.

I.   La proposition de rÈglement affiche un cap ambitieux, la neutralitÉ climatique en 2050, à l’Échelle de l’Union

Cette ambition est cohérente avec l’accord de Paris, qui prévoit l’atteinte d’un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et les absorptions par les puits de carbone à l’échelle mondiale dans la seconde partie du siècle pour contenir le réchauffement planétaire nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, conformément aux préconisations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le Conseil européen des 12 et 13 décembre 2019 a adopté l’objectif de neutralité climatique de l’Union en 2050. Cependant, la Pologne a indiqué ne pouvoir, à ce stade, confirmer qu’elle pouvait mettre en œuvre cet objectif.

Malgré le report de la 26ème conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP26), à Glasgow, en novembre 2021, les efforts des pays signataires de l’Accord de Paris, notamment des principaux émetteurs, ne doivent pas faiblir : l’obtention d’un accord sur l’élévation de la contribution déterminée au niveau national (CDN) de l’Union avant la fin de l’année 2020 est essentielle pour maintenir le dynamisme des négociations climatiques et respecter le calendrier de l’Accord de Paris, qui prévoit que les pays signataires actualisent leurs contributions à l’accord incluant leurs objectifs climatiques de moyen terme cinq ans après son adoption, soit en 2020. Or la trajectoire des CDN actuelles ne permet pas de respecter les objectifs de l’Accord de Paris : selon le rapport 2019 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions du Programme des Nations unies pour l’environnement, elles conduiraient, si elles étaient respectées, à une augmentation de la température de 3 °C.

Si l’Union représente moins de 10 % des émissions mondiales aujourd’hui, elle est à l’origine de 20 % des émissions cumulées depuis 1870, selon le consortium international de quatre-vingt-dix scientifiques réunis dans le Global carbon project. Elle détient donc une responsabilité importante dans le réchauffement climatique. En outre, elle dispose d’une force d’entraînement et un poids diplomatique qui peut tirer vers le haut les ambitions des autres pays. La confirmation par l’Union de son objectif d’être le premier continent neutre en carbone consacrera son rôle de chef de file des négociations climatiques internationales.

Il n’en reste pas moins qu’il est permis de s’interroger sur la pertinence de fixer un tel objectif à l’échelle de l’Union, et non pour chaque État membre. Sans méconnaître les différences de trajectoire entre les États membres pour parvenir à la neutralité climatique et les difficultés particulières de certains territoires, la fixation d’un objectif par État membre, sur le modèle des plans nationaux énergie climat, nous semble plus à même de garantir la réussite de la transition. Il reviendrait notamment au mécanisme de transition juste d’apporter l’aide nécessaire aux territoires qui ont le plus de difficultés à accomplir la transition.

II.   La proposition de rÈglement prÉvoit de rÉviser l’objectif actuel de rÉduction des Émissions de gaz À effet de serre en 2030 pour le porter À 55 %

Actuellement fixé à de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport au niveau de 1990, l’objectif serait donc élevé à une réduction de 55 %, depuis la modification apportée au projet de règlement, le 17 septembre 2020, suite à l’étude d’impact récente de la Commission. La Commission estime que l’application des engagements actuels fixés dans le cadre énergie climat 2030([1]) pourrait conduire à une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 45 % d’ici à 2030. Le rehaussement envisagé par la Commission ne semble donc pas hors de portée, mais il ne fait pas l’objet d’un consensus entre les États membres. L’Autriche, le Danemark, la Finlande, la France, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie, l’Espagne, la Suède et l’Allemagne y sont favorables. La Pologne, la Hongrie et la République tchèque y sont clairement opposées.

La commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire – ENVI – du Parlement européen s’est, quant à elle, prononcée, le 11 septembre dernier, pour un objectif de réduction de -60 % en 2030.

Compte tenu des implications majeures de la révision de l’objectif 2030, nous regrettons que l’étude d’impact ait été publiée trop tardivement, plusieurs mois après la publication de la proposition initiale de règlement.

Nous partageons également l’analyse du Sénat, qui rappelle que l’objectif actuel pour 2030 avait été validé en 2014 à l’unanimité par le Conseil européen avant d’être décliné dans le cadre de la procédure législative ordinaire : le parallélisme des formes aurait voulu que la révision de l’objectif 2030 fasse l’objet d’un accord préalable au Conseil européen.

III.   lA Proposition de rÈglement prÉvoit Également que la trajectoire entre 2030 et 2050 soit dÉfinie par actes dÉlÉguÉs.

Pour rappel, les actes délégués sont des actes non législatifs de portée générale adoptés par la Commission complétant ou modifiant certains éléments non essentiels de l’acte législatif. Compte tenu de la portée de la définition de la trajectoire climatique, il semble inopportun politiquement et juridiquement d’avoir recours à cet instrument. Le service juridique du Parlement européen a d’ailleurs rendu, le 24 avril dernier, un avis selon lequel le recours à cet instrument était en l’espèce incompatible avec l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Lors de son audition par notre commission, le 17 juin dernier, le Vice‑président exécutif de la Commission chargé du Pacte vert, Frans Timmermans, nous a rassurés sur ce point en se disant prêt à retirer cette disposition de la « loi climat ».

Il n’en reste pas moins que la définition d’un objectif pour 2040 nous semble nécessaire pour nous assurer de rester sur la voie de la neutralité climatique entre 2030 et 2050, comme le prévoit la commission ENVI du Parlement européen. Ainsi les rapporteurs préconisent-ils la fixation d’un objectif chiffré ambitieux pour 2040, sur lequel s’engageraient les États membres, au plus tard en 2030.

En outre, pour définir une trajectoire conforme à l’objectif de neutralité climatique, il serait opportun d’instaurer un budget carbone de l’Union, qui indiquerait la quantité totale d’émissions de GES restante pour l’économie de l’Union, ventilée par secteur économique, qui pourrait être émise sans compromettre les engagements de l’Union au titre de l’Accord de Paris. Sur cette base, la Commission pourrait établir des feuilles de route sectorielles qui indiqueraient quelle échéance se fixe chaque secteur pour arriver à la neutralité carbone.

IV.   Enfin, la proposition de rÈglement dÉfinit une mÉthode d’Évaluation et de suivi

Celle-ci s’apparente à celle qui prévaut dans le cadre de la gouvernance de l’énergie et de l’action pour le climat([2]). À partir de 2023 et tous les cinq ans ensuite, la Commission évaluera les progrès réalisés et pourra formuler des recommandations. Si une telle évaluation est légitime est nécessaire, il faudra veiller à ce qu’elle ne porte pas atteinte à la souveraineté des États membres sur le choix de leur bouquet énergétique, consacrée à l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

En outre, nous soutenons la proposition de la commission ENVI du Parlement européen d’instaurer un « Panel européen sur le changement climatique », qui serait un groupe consultatif indépendant composé de scientifiques ayant une expertise sur le changement climatique et serait chargé de l’évaluation et de la formulation de recommandations, sur le modèle du Haut Conseil au climat.

Il semble enfin opportun, pour s’assurer de la bonne application de la « loi climat », de vérifier la contribution des crédits du plan de relance à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone 2050 et leur efficacité. Partant, alors que la Commission a proposé que 37 % d’euros de crédits des plans de relance nationaux soient consacrés à la transition énergétique, que les premiers paiements de l’Union aux États soient effectués au printemps-été 2021 et que 70 % du total des versements soient effectués avant la fin de l’année 2022, les rapporteurs encouragent la Commission à prévoir un premier rapport d’étape dès l’automne 2021.

À travers ce rapport de suivi de la trajectoire de réduction des émissions par les États membres, les rapporteurs préconisent de contrôler la destination des aides annoncées et, surtout, d’expliciter et de mesurer la part prise par l’Union européenne dans la trajectoire neutralité carbone, conformément à l’objectif affiché d’être le continent « chef de file » en matière environnementale.

Nous tenons à rappeler que cette proposition est indissociable de l’adoption de mesures cohérentes visant à lutter contre les fuites de carbone et à donner un prix au carbone : adoption rapide d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières compatible avec l’Organisation mondiale du commerce, introduction d’un prix minimum du carbone au sein du système d’échange de quotas d’émission de l’Union, poursuite de la réflexion sur l’extension de ce système à l’ensemble des secteurs.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 6 octobre 2020, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

Mme la présidente Sabine Thillaye. Mes chers collègues, l’ordre du jour de notre réunion appelle l’examen du rapport d’information et de la proposition de résolution européenne (PPRE) relative à la proposition de loi européenne sur le climat, dont nos collègues Nicole Le Peih et Bernard Deflesselles sont les rapporteurs.

Ceux-ci ont été chargés par la commission de faire un travail d’analyse approfondi sur la manière dont l’Union européenne pourrait remplir l’objectif de neutralité climatique fixé par l’Accord de Paris. Ils ont tenu de nombreuses auditions et envisagent d’en organiser d’autres dans la perspective de présenter leur rapport d’ici à la fin de l’année. Toutefois, comme la Commission vient de rendre l’étude préalable tant attendue sur l’évaluation des plans nationaux en matière d’énergie et de climat et, dans la foulée, de durcir l’objectif de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon 2030, ils ont accepté d’anticiper la rédaction de leur proposition de résolution et de venir la présenter aujourd’hui devant nous, avant que le rapport soit achevé.

Ce rapport d’information, qui sera publié en même temps que la PPRE, n’en sera donc qu’une sorte d’exposé des motifs. Nous répondons ainsi à l’objectif que le Bureau a fixé à notre commission d’être réactive et de ne pas hésiter à adopter des conclusions ou propositions de résolution lorsque l’actualité européenne l’exige.

Mme Nicole Le Peih, co-rapporteure. Le 4 mars 2020, la Commission a présenté la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999, dit « loi européenne sur le climat ». Cette proposition a, depuis, fait l’objet de précisions dans une proposition modifiée le 17 septembre dernier, qui affirme un peu plus l’ambition européenne.

Proposée quelques mois seulement après l’entrée en fonction de la Commission von der Leyen, cette « loi climat » est la clé de voûte du programme politique de la nouvelle Commission, qui s’est fixé l’objectif de faire de l’Union le premier continent climatiquement neutre. Elle fait, aujourd’hui même, l’objet d’un débat en séance plénière au Parlement européen. Le vote, prévu mercredi 7 octobre, devrait voir s’opérer un rapprochement entre la proposition initiale de la Commission et les conclusions du rapport de Mme Guteland, adoptées le 11 septembre par la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, conclusions qui allaient bien plus loin dans les objectifs affichés, notamment en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Aujourd’hui, nous vous présentons une proposition de résolution européenne afin d’adopter une position sur les principaux éléments du texte de la Commission, en amont du Conseil environnement du 23 octobre, qui devrait dégager une première orientation générale. Un rapport d’information plus approfondi suivra en décembre, qui intégrera les derniers éléments de la négociation et s’attachera à donner un aperçu des réformes à venir dans le cadre de la révision plus générale des politiques de l’Union à l’échéance de juin 2021.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. La lutte contre le réchauffement climatique est une priorité nationale et européenne, mais on ne peut pas l’extraire du contexte international que nous connaissons tous grâce aux conférences des parties (COP).

L’Union européenne représente environ 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Lorsqu’elle est leader et s’efforce de montrer la voie, comme elle l’a fait à de nombreuses reprises, c’est très bien, mais n’oublions jamais les 90 % restants. Quand on regarde les chiffres des derniers rapports du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et ceux produits dans le cadre de la préparation de la COP 26 – qui n’aura malheureusement pas lieu au mois de novembre prochain en Écosse, à cause de la pandémie de covid-19 –, on s’interroge et on s’inquiète, car les tergiversations autour de l’Accord de Paris demeurent. Nous savons que les États-Unis en sont sortis et que certains pays se posent encore des questions.

On sait ainsi que l’objectif de limiter la hausse des températures à l,5 degré, voire 2 degrés, est absolument intenable. Il ressort des dernières auditions réalisées par la commission des affaires étrangères sur les négociations sur le climat que nous sommes plutôt sur la trajectoire d’une augmentation de 3,5 à 4 degrés. L’effort de l’Union européenne est, certes, très important, mais on ne doit pas le disjoindre de celui qui doit être produit au niveau international. À ce propos, j’appelle votre attention sur le fait que l’Accord de Paris de 2015 avait prévu que les États devaient revoir leur feuille de route, désignée sous l’acronyme anglais INDC (intended nationally determined contribution), afin de rehausser leurs ambitions et de suivre cette fameuse trajectoire. Malheureusement, nous avons perdu une année puisque, comme je le disais à l’instant, la COP 26 est reportée au mois de novembre de l’année prochaine.

J’en viens à la loi européenne sur le climat. Encore une fois, l’Union européenne a été leader en la matière. Le premier paquet législatif, qui date de 2008, avait fixé la règle des « 3x20 », soit l’obligation faite, à l’horizon 2020, aux États membres de réduire de 20 % leurs émissions de CO2, d’améliorer de 20 % leur efficacité énergétique et de porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans leur mix énergétique. Ce paquet législatif a ensuite été révisé en 2014 puis en 2018. Le chemin est donc, depuis 2008, pavé de bonnes intentions et d’actions fortes.

Je rappelle que la Commission, les États et le Parlement européen contribuent à ces travaux. Ainsi, le 4 mars dernier, la Commission a déposé un texte qui est la clé de voûte de l’ambition de sa nouvelle présidente, Mme Ursula von der Leyen, laquelle a affirmé, dès son élection, que la transition énergétique serait au cœur de ses préoccupations et pèserait environ 30 % du budget de l’Union européenne, budget qui s’élève, pour la période 2021-2027, à 1 100 milliards d’euros, le plan de relance s’établissant quant à lui à 750 milliards.

Les ambitions de la Commission reposent sur trois piliers.

Premier pilier : la diminution de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Cette question a fait l’objet d’un débat au sein de la commission de l’environnement du Parlement européen, la rapporteure du texte, qui est suédoise, souhaitant fixer la barre à 65 %. En définitive, la commission a tranché, à une faible majorité d’ailleurs, en faveur d’un taux de 60 %, la Commission européenne se prononçant, quant à elle, pour l’objectif de 55 %, qui est celui qui figure dans le texte. Toutefois, les chiffres de l’Agence européenne pour l’environnement et du Haut Conseil pour le climat montrent que nous sommes plutôt aux alentours de 36 à 40 % ; nous sommes donc en train de rater la cible. Je citerai un chiffre intéressant, à ce propos. Entre 1990 et 2017, les efforts consentis par les États membres ont permis une réduction moyenne des émissions de CO2 de 46 millions de tonnes par an, sachant qu’elle a atteint 73 millions de tonnes entre 2005 et 2017. Or, pour atteindre ne serait-ce qu’une réduction de 40 %, les États membres devraient parvenir à une réduction annuelle moyenne de 81 millions de tonnes de CO2 d’ici à 2030…

Selon l’Agence européenne pour l’environnement, seuls trois pays sur vingt-sept pourraient atteindre leurs objectifs : la Grèce, le Portugal et la Suède. Sept autres ont décidé de rehausser leurs ambitions en la matière : la Belgique, la Croatie, la France, l’Italie, la Hongrie, la Slovaquie et l’Espagne. Les dix-huit autres États n’ont pas pris d’engagement en ce sens.

Deuxième pilier : l’amélioration de l’efficacité énergétique de 32,5 % d’ici à 2030, grâce à de nouvelles mesures de nature à limiter la consommation finale et primaire d’énergie. Là encore, on rate l’objectif, mais nous en sommes moins éloignés que pour les émissions de gaz à effet de serre car la baisse de la consommation primaire, estimée à 0,9 % en 2018 par l’Agence pour l’environnement, doit s’accélérer.

Troisième pilier : la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen. Elle était de 18,8 % en 2018 et on estime qu’on atteindra pratiquement 20 % en 2020, ce qui est conforme à l’objectif fixé en 2008. Toutefois, comme l’objectif est une part de 32 % en 2030, il va falloir encore pédaler un peu, si je puis dire. Je précise que le bon niveau se situe entre 38 et 38,7 %.

Vous le voyez, nos objectifs sont très ambitieux. Or, sans être un oiseau de mauvais augure, je peux dire que nous sommes en train de rater la cible, surtout en matière de réduction des gaz à effet de serre. Certains se sont enflammés lors de l’arrêt quasiment total du trafic aérien et maritime en raison de la pandémie de covid-19. Mais s’il y a bien eu une baisse des émissions de CO2, celle-ci a été infime et nous sommes repartis sur la tendance que je décrivais à l’instant.

Mme Nicole Le Peih, co-rapporteure. Si l’Union européenne représente moins de 10 % des émissions mondiales actuelles de gaz à effet de serre, elle est à l’origine de 20 % des émissions cumulées depuis 1870, selon le consortium international de quatre-vingt-dix scientifiques réunis dans le Global carbon project. Elle a donc une responsabilité importante dans le réchauffement climatique. En outre, elle dispose d’une force d’entraînement et d’un poids diplomatique qui peuvent tirer vers le haut les ambitions des autres pays. La confirmation par l’Union européenne de son objectif d’être le premier continent neutre en carbone consacrera son rôle de chef de file des négociations climatiques internationales.

Néanmoins, est-il pertinent de fixer un tel objectif à l’échelle de l’Union, et non à celle de chaque État membre ? Nous ne méconnaissons pas les différences de trajectoire entre les États pour parvenir à la neutralité climatique et les difficultés de certains territoires, mais il nous semble que la fixation d’un objectif par État membre, sur le modèle des plans nationaux énergie-climat, serait mieux à même de garantir la réussite de la transition. Il reviendrait ensuite au mécanisme de transition juste d’apporter l’aide nécessaire aux territoires qui ont le plus de difficultés.

La proposition de règlement prévoit de réviser l’objectif actuel de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030, qui est de 40 %, pour le porter à 55 %, depuis la modification apportée au projet de règlement le 17 septembre 2020 à la suite de l’étude d’impact récente de la Commission. Le rehaussement envisagé par la Commission ne semble pas hors de portée au vu des perspectives tracées par celle-ci dans l’étude d’impact, mais il ne fait pas l’objet d’un consensus entre les États membres. L’Autriche, le Danemark, la Finlande, la France, l’Italie, la Lettonie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie, l’Espagne, la Suède et l’Allemagne y sont favorables, tandis que la Pologne, la Hongrie et la République tchèque y sont clairement opposées.

La commission de l’environnement du Parlement européen s’est quant à elle prononcée, le 11 septembre dernier, pour un objectif de réduction de 60 % en 2030. Compte tenu des implications majeures de la révision de l’objectif 2030, nous regrettons que l’étude d’impact n’ait pas été publiée en même temps que la proposition de règlement. Nous partageons par ailleurs l’analyse du Sénat, qui rappelle que l’objectif actuel pour 2030 avait été validé en 2014 à l’unanimité par le Conseil européen, avant d’être décliné dans le cadre de la procédure législative ordinaire. Le parallélisme des formes aurait voulu que la révision de l’objectif 2030 fasse l’objet d’un accord préalable au Conseil européen.

La proposition de règlement prévoit que la trajectoire entre 2030 et 2050 sera définie par actes délégués. Pour rappel, ces derniers sont des actes non législatifs de portée générale adoptés par la Commission, complétant ou modifiant certains éléments non essentiels de l’acte législatif. Or, compte tenu de la portée de la définition de la trajectoire climatique, le recours à cet instrument semble inopportun politiquement et juridiquement. Du reste, le service juridique du Parlement européen a rendu, le 24 avril dernier, un avis selon lequel il était, en l’espèce, incompatible avec l’article 290 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Lors de son audition par notre commission le 17 juin dernier, le vice-président exécutif de la Commission chargé du Pacte Vert, Frans Timmermans, nous a rassurés sur ce point en se disant prêt à retirer cette disposition de la « loi climat ». Il n’en reste pas moins que la définition d’un objectif pour 2040 nous semble nécessaire pour nous assurer de rester sur la voie de la neutralité climatique entre 2030 et 2050, comme le prévoit la commission de l’environnement du Parlement européen.

En outre, pour définir une trajectoire conforme à l’objectif de neutralité climatique, il serait opportun d’instaurer un budget carbone de l’Union. Celui-ci indiquerait la quantité totale d’émissions de gaz à effet de serre, ventilée par secteur économique, qui pourrait être émise sans compromettre les engagements de l’Union au titre de l’Accord de Paris. Sur cette base, la Commission pourrait établir des feuilles de route sectorielles qui indiqueraient l’échéance que se fixe chaque secteur pour parvenir à la neutralité carbone.

Enfin, la proposition de règlement définit une méthode d’évaluation et de suivi qui s’apparente à celle qui prévaut dans le cadre de la gouvernance de l’énergie et de l’action pour le climat. À partir de 2023, et tous les cinq ans ensuite, la Commission évaluera les progrès réalisés et pourra formuler des recommandations. Si une telle évaluation est légitime et nécessaire, il faudra veiller à ce qu’elle ne porte pas atteinte à la souveraineté des États membres sur le choix de leur bouquet énergétique, consacrée à l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Par ailleurs, nous soutenons la proposition de la commission de l’environnement du Parlement européen d’instaurer un panel européen sur le changement climatique ; il prendrait la forme d’un groupe consultatif indépendant composé de scientifiques ayant une expertise sur le changement climatique et chargé de l’évaluation et de la formulation de recommandations sur le modèle du Haut Conseil pour le climat.

Il nous semble opportun, pour s’assurer de la bonne application de la « loi climat », de vérifier la contribution et l’efficacité des crédits du plan de relance à l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone 2050. La Commission a proposé que 37 % des crédits des plans de relance nationaux soient consacrés à la transition énergétique. Les premiers paiements de l’Union aux États seront effectués au printemps-été 2021, et 70 % du total des versements le seront avant la fin de l’année 2022. Nous encourageons la Commission à prévoir un premier rapport d’étape dès l’automne 2021, pour contrôler la destination des aides annoncées et surtout expliciter et mesurer la part prise par l’Union européenne dans la trajectoire de neutralité carbone, conformément à l’objectif affiché d’être le continent chef de file en matière environnementale.

Enfin, nous tenons à rappeler que cette proposition est indissociable de l’adoption de mesures cohérentes visant à lutter contre les fuites de carbone et à donner un prix au carbone : adoption rapide d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières compatible avec l’Organisation mondiale du commerce, introduction d’un prix minimum du carbone au sein du système d’échange de quotas d’émission de l’Union et poursuite de la réflexion sur l’extension de ce système à l’ensemble des secteurs.

En conclusion, nous vous proposons d’adopter la PPRE, qui met l’accent sur ces différents points.

Mme la présidente Sabine Thillaye. Je vous remercie l’un et l’autre pour votre réactivité. Vous proposez de tenir compte des spécificités de chaque pays dans la mise en œuvre de l’objectif de neutralité climatique. Cela signifie-t-il que vous êtes favorables à ce qu’on fixe un objectif à chaque État membre ?

Mme Nicole Le Peih, co-rapporteure. Absolument. Cela permettrait de responsabiliser chaque pays, charge à lui de définir la meilleure trajectoire en fonction de sa production et de son commerce.

Mme la présidente Sabine Thillaye. Ne serait-il pas préférable d’adapter les moyens – le fonds de transition, par exemple – plutôt que l’objectif ?

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Certains, dont je suis, en ont assez des objectifs chiffrés : ils sont affichés comme des bannières et ne sont jamais atteints. Souvenez-vous du fameux protocole de Kyoto de 1997, qui fut le premier à prendre en compte les préoccupations liées au réchauffement climatique. Il avait comme particularité de devoir être ratifié par tous les parlements ; du coup, il est entré en vigueur en 2005, c’est-à-dire huit ans plus tard… Cet accord avait fixé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 15 à 20 % ; résultat : non seulement ces émissions n’ont pas baissé, mais elles ont augmenté de 5 %.

Aujourd’hui, la logique est la même : nous ne sommes pas en mesure d’atteindre l’objectif qui avait été établi à 40 % pour 2030, mais on le porte quand même à 55 %. Il faut arrêter : nous nous décrédibilisons vis-à-vis de l’opinion. C’est pourquoi nous considérons que, s’il convient de fixer un objectif global pour les Vingt-sept, il est préférable d’obtenir un engagement de responsabilité pays par pays. C’est ce qu’avait prévu l’Accord de Paris en 2015 avec les INDC : pour la première fois, chaque pays avait une feuille de route. Certes, on rate la cible mais, au moins, il y a un engagement.

M. Damien Pichereau. Je tiens à remercier nos deux rapporteurs pour la proposition de résolution européenne qui s’inscrit au cœur de l’actualité de l’Union européenne, puisqu’elle est un écho puissant et pertinent au discours dans lequel la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a exposé ses objectifs ambitieux, le 16 septembre dernier.

En tant qu’européiste convaincu de la nécessité de baisser rapidement les émissions de gaz à effet de serre, je ne peux qu’approuver cette proposition de résolution européenne qui rappelle et conforte les décisions indispensables pour la lutte contre le réchauffement climatique, décisions d’autant plus ambitieuses que, comme le prévoit la « loi climat », l’Europe tend désormais vers un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Ces ambitions nous rappellent que l’Union européenne est en passe de devenir un moteur du développement écologique international, et nous nous devons d’y participer avec force et cohérence. Ainsi, conformément au souhait exprimé par le Parlement européen et le Conseil européen, la Commission propose de montrer la voie à suivre pour atteindre la neutralité climatique : en investissant dans des solutions technologiques réalistes ; en donnant aux citoyens les moyens d’agir ; en adaptant l’action à mettre en œuvre dans des domaines clé tels que la politique industrielle, la finance ou la recherche tout en garantissant la justice sociale nécessaire à une transition équitable. J’apprécie d’autant plus votre travail qu’il fait écho directement à celui que nous avons accompli dans le cadre du projet de loi d’orientation des mobilités – j’étais porte-parole du groupe La République en Marche sur ce texte – en faveur de la réduction de l’empreinte environnementale du secteur des transports.

Nous savons tous à quel point le changement des pratiques et des habitudes n’est pas chose aisée, mais les engagements des gouvernements européens et les moyens qu’ils consacrent à ces nouvelles ambitions nous permettent d’avancer et d’espérer.

Nous devons nous féliciter d’autant plus que la proactivité française dans le domaine climatique est très performante. En effet, nombreuses sont les lois adoptées et révisées qui permettent d’accélérer la trajectoire de la France vers la neutralité carbone d’ici à 2050. Notre plan de relance en est la preuve. On n’aura jamais autant investi dans l’écologie : l’effort de 30 milliards d’euros en faveur de l’environnement est inédit.

Ma première question porte sur l’objectif européen. Alors que Mme Ursula von der Leyen appelle à une réduction de 55 %, la commission de l’environnement a adopté un amendement proposant d’atteindre une baisse de 60 % d’ici à 2030. Comment peut-on faire en sorte que cet objectif soit atteignable ? Certes, je le sais, vous estimez que les objectifs chiffrés ne sont jamais atteints, mais il faut parfois viser les étoiles pour atteindre la lune. L’étude d’impact de la Commission, publiée le 17 septembre après la clause de revoyure de la présidence, semble indiquer que l’objectif de 55 % est le plus cohérent avec la trajectoire 2030 et 2050. Partagez-vous cet avis ?

Dans votre PPRE, vous préconisez la création d’un panel européen sur le climat qui prendrait la forme d’un groupe consultatif indépendant de scientifiques dont le rôle serait d’évaluer les politiques climatiques de l’Union européenne et de formuler des recommandations. Cette disposition, étudiée par la commission de l’environnement, a fait débat, puisque sa formation autant que son objectif s’apparentent finalement à ceux du GIEC. Pourriez-vous préciser votre vision sur ce sujet ?

M. Jean-Louis Bourlanges. À mon tour, j’adresse mes félicitations aux deux rapporteurs, qui appréhendent avec rigueur une question capitale. Je suis évidemment favorable à la lutte contre le réchauffement climatique, mais j’ai le sentiment qu’on commet trois erreurs intellectuelles importantes, en la matière.

La première consiste, comme l’a dit M. Deflesselles, à se fixer des objectifs ambitieux pour compenser la médiocrité de sa détermination. Le rehaussement des ambitions est inversement proportionnel à la détermination des acteurs actuels.

La deuxième erreur consiste à se fixer des objectifs à très long terme – le milieu du siècle –, de sorte que nous sommes dispensés d’agir hic et nunc. Je préférerais qu’on s’interroge sur ce qu’on doit faire dans les deux ans qui viennent. Dans À la recherche du temps perdu, Proust se moque de l’alcoolique qui décide d’arrêter de boire et s’octroie aussitôt un petit verre pour fêter cette décision de principe. Je pourrais citer aussi l’exemple des déficits : lorsque l’on dit qu’on va les réduire dans dix ans, je me méfie ; ce qui m’importe, c’est ce qu’on fait aujourd’hui ou demain. Je sais bien que la période est particulière et qu’il faut tenir compte de la temporalité, mais c’est une façon d’esquiver, de se ruser soi-même.

La dernière erreur consiste à vouloir être en tête et à donner l’exemple. Même si l’on a, dans le passé, contribué fortement à l’augmentation de la carbonisation générale, on voit bien qu’au niveau européen, et encore davantage au niveau national, notre contribution est minimale. Par conséquent, si nous sommes les seuls à agir, même au prix d’efforts considérables, nous n’aurons rien changé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis très favorable à l’introduction d’un prix carbone aux frontières. Ce levier nous permettrait d’agir sur de grands producteurs de carbone, comme la Chine, par le biais des importations.

Votre rapport me semble très bon, mais nous devrions vraiment adopter des logiques plus modestes, plus rigoureuses, moins ambitieuses sur le très long terme et plus exigeantes dans l’immédiat.

Mme Chantal Jourdan. Je remercie les deux rapporteurs pour leur proposition de résolution.

Il nous semble important d’insister sur deux points.

Premier point : l’adoption d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, c’est-à-dire la création d’une taxe carbone, nous semble indispensable. Le produit d’une telle taxe pourrait être considéré comme une ressource propre de l’Union européenne et orienté vers des investissements massifs dans le développement des énergies vertes, car ces investissements sont actuellement suffisamment, notamment au niveau des États membres.

Il conviendrait également d’étudier les conséquences des décisions que nous prenons. Si notre volonté de disposer d’un « Airbus de la batterie », par exemple, peut parfaitement s’entendre, nous ne devons pas mésestimer les conséquences environnementales d’une telle industrie, qui nécessite l’utilisation de terres rares. Il nous faut tenir compte, dans nos calculs, de tous les effets indirects qu’ont nos choix sur l’environnement et sur le plan carbone.

Second point : il faut réfléchir à la fixation d’un cap clair en matière d’interdiction des investissements dans les énergies fossiles. Le secteur public commence à s’y engager. Ainsi, la Banque européenne d’investissement a annoncé ne plus financer les énergies fossiles à partir de 2021. En France, la Banque publique d’investissement devrait se fixer des objectifs pour 2022. En revanche, le privé continue à financer fortement ces secteurs. Ainsi, au niveau mondial, entre 2016 et 2019, trente-cinq banques américaines, canadiennes, chinoises, européennes et japonaises ont financé les énergies fossiles à hauteur de plus de 2 700 milliards de dollars. Si ces investissements de long terme sont réalisés, c’est qu’ils sont rentables pendant encore plusieurs années, et ils contribueront à la pollution pendant tout ce temps.

Mme Danièle Obono. Je remercie les deux rapporteurs pour leur présentation et leur travail.

Si le constat qu’ils dressent dans la proposition de résolution est, me semble-t-il, partagé, je suis en désaccord avec eux sur les conclusions qu’ils en tirent en matière d’ambitions. De fait, ni le texte discuté aujourd’hui au Parlement européen, ni certains des éléments inscrits dans la proposition de résolution, ne sont à la hauteur de la situation actuelle.

Monsieur le rapporteur, je suis d’accord avec vous : souvent les objectifs fixés ne tiennent pas compte de la capacité des États à les atteindre. Mais le problème est dû au fait qu’on s’inscrit dans un système productiviste, extractiviste et qu’on maintient un paradigme économique qui empêche de sortir d’une vision incrémentale de la réduction des gaz à effet de serre. Le même Parlement européen qui est en train de débattre de la « loi climat » a adopté les accords de libre-échange qui vont contribuer à augmenter les émissions de gaz à effet de serre ! À ce propos, le Haut Conseil pour le climat s’est prononcé, dans un récent rapport, en faveur de la prise en compte de l’empreinte carbone des importations ; nul doute que celle-ci alourdirait le bilan carbone de la France. Cet exemple montre que, tant qu’on maintiendra le schéma économique actuel, on ne pourra qu’aller de frustration en frustration.

Nous défendons quant à nous, avec un certain nombre d’organisations non gouvernementales, un objectif plus ambitieux, mais dans la perspective d’une remise en cause de notre système de production et d’échanges, seule à même de favoriser la transition dont on parle beaucoup mais qu’on ne se donne pas les moyens de réaliser, ni au niveau national ni aux niveaux européen et international.

L’objectif de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre a été revu à la baisse, puisqu’il est fixé à 60 % dans le texte de la commission de l’environnement. Or, ce chiffre repose sur des calculs qui ne correspondent pas aux estimations de l’ONU, selon laquelle les émissions globales doivent baisser de 7 % par an d’ici à 2030 pour que la hausse de la température reste en deçà d’1,5 degré. Ainsi, l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne devrait être de plus de 65 %.

Enfin, les deux principaux instruments de l’Union européenne en matière de lutte contre le réchauffement climatique, c’est-à-dire le système communautaire d’échange de quotas d’émission, qui est responsable d’un prix du carbone trop bas et constitue de vastes réserves de permis à polluer, et le règlement de répartition par l’effort, sont inadéquats.

L’ambition doit être à la hauteur du danger civilisationnel qui nous menace et dont les événements climatiques sont l’expression. Or, aucun gouvernement n’en a pris la mesure. C’est grâce à la mobilisation de la jeunesse et des ONG notamment que ces discussions peuvent avoir lieu, mais des efforts restent à faire, aux niveaux national et européen.

M. Thierry Michels. Je remercie nos rapporteurs pour leur travail remarquable et salue en particulier leur proposition d’individualiser les efforts de chaque pays, dans un esprit de responsabilisation et de solidarité.

Le changement climatique, la perte de biodiversité et l’érosion des ressources naturelles exposent nos sociétés à des risques considérables. La reconnaissance de ces derniers doit conduire l’Union européenne à se doter d’un cadre transparent pour mieux les mesurer, les comprendre et les gérer.

En matière de transparence, la France s’est montrée très ambitieuse. Depuis l’adoption, en 2015, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, elle est le premier pays à rendre obligatoire la publication d’informations relatives à sa contribution aux objectifs climatiques et aux risques financiers associés à la transition énergétique et écologique.

Cette loi a inspiré les travaux de la task force on climate-related financial disclosures, dont l’objectif est de renforcer les exigences de transparence et une meilleure prise en compte des critères dits ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) par les entreprises et les investisseurs. Ses recommandations ont été reprises par la Commission européenne dans son plan d’action sur le financement de la croissance durable.

Convaincus de l’importance de la transparence, nous avons souhaité, Mme Tanguy et moi, déposer deux amendements relatifs au renforcement de l’accessibilité du suivi et de l’évaluation des avancées des États membres en matière de financement de la transition écologique européenne.

La définition d’une méthodologie de suivi et d’indicateurs capables de mesurer l’impact de nos actions sur les risques environnementaux est un enjeu majeur. Quelles pistes convient-il d’explorer en la matière, afin de favoriser les stratégies d’investissement cohérentes avec les objectifs environnementaux de long terme et de s’assurer de leur bonne mise en œuvre ?

Mme Aude Bono-Vandorme. Toutes mes félicitations à nos deux rapporteurs !

En adoptant, début septembre, l’objectif d’une réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 sur la base des émissions de 1990, les membres de la commission de l’environnement du Parlement européen ont été plus loin que la Commission. Parmi les autres dispositions adoptées par les députés européens figure notamment le principe selon lequel toute nouvelle mesure de la Commission doit être cohérente avec les objectifs de neutralité climatique et l’application de sanctions financières aux États qui ne respecteraient pas leurs engagements climatiques.

Toutefois, la proposition législative de la Commission est ambiguë, puisqu’elle fixe un objectif pour l’ensemble de l’Union, et non pays par pays. De fait, si certains États membres, comme la Suède et la Finlande, ont d’ores et déjà assuré qu’ils atteindraient la neutralité climatique avant 2050, d’autres, en premier lieu la Pologne, seul pays des Vingt-sept à avoir refusé de s’engager sur 2050, pourraient se voir accorder un peu plus de temps. Le risque existe donc, à la suite du vote intervenu en commission de l’environnement et peut-être aujourd’hui en séance plénière au Parlement européen, que d’autres pays demandent un délai supplémentaire.

Comment évaluez-vous ce risque et comment jugez-vous l’implication de la présidence allemande du Conseil de l’UE ? Peut-on raisonnablement envisager une décision unanime d’ici à la fin de l’année ?

Mme Caroline Janvier. Madame, Monsieur les rapporteurs, je m’associe aux félicitations qui vous ont été adressées pour votre excellent rapport.

Quel peut être, selon vous, l’impact de la crise sanitaire et économique sur la mise en œuvre des engagements dont, vous l’avez souligné à juste titre, l’ambition est peut-être excessive ?

Par ailleurs, quels sont ceux des leviers cités dans la proposition de résolution qui vous semblent les plus pertinents ? Je pense en particulier à la conditionnalité des aides.

Enfin, le nucléaire, on l’oublie parfois, est une des énergies les plus décarbonées ; certains affirment même qu’elle l’est davantage que les énergies renouvelables, qui utilisent des métaux rares et dont le processus de fabrication est à l’origine d’émissions importantes de CO2. La question est sensible pour beaucoup de nos partenaires ; elle est stratégique pour la France, qui a longtemps utilisé le nucléaire comme un moyen de limiter ses émissions. Qu’en pensez-vous ?

M. Jérôme Lambert. Nous discutons d’une question, cruciale pour l’avenir de nos sociétés humaines, à laquelle j’ai consacré, avec mon ami Bernard Deflesselles, de nombreux travaux au cours des deux précédentes législatures. En effet, le réchauffement climatique est, à l’échelle mondiale, un risque majeur puisqu’il met en péril la biodiversité et provoque des déplacements de populations, facteurs de risques géopolitiques.

Je remercie nos rapporteurs pour le travail qu’ils ont effectué ; je partage l’essentiel des conclusions contenues dans leur proposition de résolution, même si mon groupe défendra quelques amendements.

Je souhaite néanmoins insister à mon tour sur un point que beaucoup ont évoqué. L’Union européenne, dit-on, ne serait responsable que de 10 % des émissions de gaz à effet de serre. Or, on sait que ce n’est pas vrai. On ne parle en effet, ici, que de production alors qu’en tant que plus gros consommateurs du monde, les 500 millions d’Européens sont responsables d’émissions réalisées en dehors des frontières de l’UE. C’est pourquoi il serait pertinent d’imposer aux frontières de l’Union une taxe carbone dont le produit pourrait abonder le Fonds vert et aider les États membres à mettre en œuvre les bonnes politiques.

Mme Yolaine de Courson. J’adresse également mes félicitations à nos rapporteurs.

Je souhaiterais insister, pour ma part, sur le caractère abstrait des politiques, qui est souvent évoqué, surtout lorsqu’il s’agit de l’Europe. L’ensemble de nos concitoyens sont angoissés par le réchauffement climatique et les phénomènes qu’il provoque, mais on constate une déconnexion entre les nombreux reportages consacrés à ce sujet et les objectifs politiques, très ambitieux et très lointains. Ces objectifs devraient être plus concrets, fixés à des échéances plus proches et individualisés, afin que chaque citoyen soit conscient de son impact carbone. Certains proposent ainsi la création d’un compte carbone personnel. Celui-ci aurait une vertu pédagogique et permettrait à chacun de prendre conscience que l’enjeu ne se situe pas uniquement au niveau des États et que nous pouvons agir à notre échelle.

Mme la présidente Sabine Thillaye. Je vous remercie, ma chère collègue, d’insister sur la responsabilité individuelle, dont on ne parle pas suffisamment.

Mme Marietta Karamanli. Je félicite à mon tour nos deux rapporteurs. Nous souscrivons à l’esprit de leurs conclusions. Il me paraît en effet important d’évoquer les efforts que chaque État peut faire au sein de l’Union ainsi que la taxe carbone. Mais il convient d’insister également sur les moyens financiers importants dont nous avons besoin pour atteindre les objectifs fixés car, lorsqu’on y regarde de près, les mécanismes financiers paraissent flous. En 2017, la Cour des comptes européenne a estimé les besoins de financement annuels, privés et publics, à 1 115 milliards à l’échelle européenne et entre 55 et 85 milliards pour la seule France, soit 2,5 % à 4 % de notre PIB. L’Union doit, certes, définir une stratégie climatique, mais elle doit aussi se doter d’une stratégie budgétaire pour atteindre les objectifs qu’elle se fixe.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Monsieur Pichereau, vous portez un regard positif sur les prévisions du Conseil, à savoir une réduction de 55 %. Je ne suis pas tout à fait d’accord sur ce point, comme je l’ai indiqué : évitons de nous fixer des objectifs inatteignables. Dans son rapport, qu’elle a publié très tardivement, juste avant la publication des textes – ce qui n’est pas un bon signe –, la Commission indique que l’objectif de 55 % est presque atteignable. Mais elle est juge et partie : elle rédige, et le texte et le rapport ! Or, selon les analyses de l’Agence européenne pour l’environnement ou du Haut conseil pour le climat, nous sommes à 36 %...

Il est proposé, par ailleurs, de créer un panel européen. Pourquoi pas ? Je ne vois pas d’inconvénient à ce que nous rassemblions les énergies en Europe, un peu sur le modèle du GIEC, sur les brisées duquel il ne risque pas de marcher. Après tout, l’Union a toujours été allante sur la question climatique.

Monsieur Bourlanges, je partage votre avis. Nous avons voulu insister, dans la proposition de résolution, sur la nécessité de prévoir un point de passage en 2040. Rendez‑vous compte : alors que nous discutons de l’objectif 2030, que nous ne sommes même pas certains d’atteindre, loin s’en faut, on fait comme si, en 2050, tout ira bien car la neutralité sera atteinte. On ne peut pas ne pas fixer un objectif intermédiaire : vingt ans, c’est une éternité ! C’est pourquoi nous avons voulu inscrire dans notre proposition de résolution un point de passage en 2040 mais sans le chiffrer, pour éviter de raconter des sornettes.

Sur le mécanisme d’ajustement aux frontières, nous sommes d’accord ; nous l’avons du reste mentionné dans la proposition de résolution. Un tel mécanisme est complexe : il doit notamment être compatible avec les règles de l’OMC. Mais la Commission et le Parlement européen ont décidé d’avancer, si bien que, d’ici à juin 2021, nous devrions disposer de rapports structurés sur le sujet.

Madame Obono, il faut, dites-vous, rehausser nos ambitions. Je veux bien…

Mme Danièle Obono. Mais il faut aussi changer de paradigme !

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. J’y viens. L’Union européenne est-elle une île ? Non : le sujet est si complexe que tout est imbriqué. Je ne peux pas annoncer, dans ce rapport, que nous allons changer de paradigme et jouer à chamboule-tout. Nous ne nous inscrivons pas dans cette logique-là.

Monsieur Michels, les pistes qu’il convient d’explorer, nous les avons mentionnées dans le texte. Il faut beaucoup de transparence. Ainsi, nous serons favorables aux amendements relatifs aux publications, qui sont intéressants. Nous indiquons que nous sommes très sensibles au fait qu’en juin 2021, la Commission aura achevé l’architecture du dispositif.

Madame Bono-Vandorme, vous avez évoqué la problématique des sanctions et les efforts de chaque État membre. Il est vrai, nous le disons, que nous ne pouvons pas en rester à un objectif difficile à atteindre, qui plus est si cet objectif est collectif. Le collectif est très important, mais chacun doit prendre sa part de responsabilité et tirer un peu la charrette. Nous avons, sur ce point, des difficultés avec les pays de l’est de l’Europe, en particulier la Pologne. Nous n’avons, hélas, pas pu nous rendre dans ce pays, où nous souhaitions aller porter la bonne parole, mais nous nous efforcerons de vous proposer des pistes complémentaires dans notre rapport du mois de décembre.

Madame Janvier, la crise sanitaire remet-elle en cause nos efforts et nos objectifs ? Je ne le crois pas – je positive, là. Il est vrai que nous avons subi un choc terrible, mais regardez la manière dont l’Union européenne a réagi : son budget pour les sept années à venir s’établit à 1 100 milliards et le montant de plan de relance est de 750 milliards ; ce n’est pas rien ! La présidente von der Leyen souhaite que 30 à 35 %, voire 37 %, de ce fonds soient consacrés aux objectifs environnementaux européens. L’Europe a donc consenti – avec l’aide des États membres, bien entendu, nous ne sommes pas dupes – des efforts considérables. Je proteste suffisamment contre le fait que nous n’atteignons pas les objectifs fixés, que nous n’allons pas suffisamment vite, que nous sommes très loin de l’engagement de l’accord de Paris en matière d’augmentation de la température moyenne ; là, j’ai envie de positiver un peu. L’Union européenne fait le travail, et le fait plutôt bien. À nous de vérifier – c’est l’objet de l’une de nos recommandations – que l’argent va bien là où il doit aller, et rapidement, c’est-à-dire d’ici à 2022.

Jérôme Lambert, le juge de paix, je le rappelle toujours, ce sont les émissions per capita. Selon les derniers chiffres annuels, elles sont de 7 à 8 tonnes dans l’Union européenne, de 4,5 tonnes en France, de 9 tonnes en Allemagne, soit le double de la France – en raison de la part importante que le charbon occupe dans son mix énergétique depuis l’abandon du nucléaire – et de 16 tonnes aux États-Unis. Enfin, elles sont de 7,5 tonnes en Chine : 7,5 tonnes multipliées par 1,4 milliard ! Les États-Unis et la Chine sont à l’origine de 43 % des émissions mondiales. Et n’oublions pas l’Inde, qui est déjà à environ 2,5 tonnes per capita et dont la population dépassera celle de la Chine dans une quinzaine d’années. Certes, les émissions liées aux importations – qui doublent souvent nos chiffres – ne sont pas incluses dans ces calculs, mais il est important d’avoir ces derniers en tête dans le cadre des négociations internationales ; je pense notamment à la 26e COP, qui se tiendra, je l’espère, en novembre 2021 et qui devrait revisiter les ambitions d’une centaine de pays.

Madame de Courson, la responsabilité individuelle est dans ce domaine, comme dans l’utilisation du plastique, majeure. Chacun doit assumer sa part de l’effort.

Mme Nicole Le Peih, co-rapporteure. J’ai retenu de vos interventions quelques mots-clés. Vous avez parlé des leviers, de la taxe carbone, d’alertes, de stratégie, de responsabilisation, d’ambitions raisonnables, de solutions technologiques. Plusieurs de ces points figurent dans le texte. M. Bourlanges a indiqué que chaque année gagnée est une victoire.

M. Jean-Louis Bourlanges. Ou que chaque année perdue est une défaite…

Mme Nicole Le Peih, co-rapporteure. Je retiens la logique positive des petits pas. J’en citerai un exemple. Il se trouve que dans l’avion qui m’amenait à la COP de Madrid, où j’accompagnais Mme Borne, j’étais assise à côté d’un industriel suédois qui venait expliquer aux participants à la conférence que les nouvelles technologies permettaient d’alléger l’acier utilisé dans la construction des engins de chantier et de réduire ainsi de 30 % leur consommation d’énergies fossiles. Certains pays – en l’espèce la Suède, le Portugal et l’Espagne – se retroussent donc les manches et développent la recherche.

Nous insistons sur la nécessité de prendre des mesures régulières pour pouvoir « cranter » les actes de chaque pays ; la responsabilisation devrait être ainsi plus efficace.

Encore une fois, chaque petit pas est une victoire. Notre ambition, sans être démesurée, doit pouvoir conduire chaque citoyen à se responsabiliser. Je suis donc très optimiste.

 

La commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution européenne.

Elle est saisie de l’amendement n° 7 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit de souligner l’impact du réchauffement climatique sur l’agriculture et la production de denrées alimentaires.

Suivant l’avis favorable des co-rapporteurs, la commission adopte l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement n° 1 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il nous semble important d’indiquer, après l’alinéa 22, que le financement du Plan d’action pour le climat pour 2030 doit être précisé et clarifié, en tenant compte des capacités de chaque État et de l’opportunité pour l’Union européenne de déterminer, en lien avec les États membres, des ressources propres possibles et suffisantes. J’ajoute que cet élément a été souligné dans le rapport de la Cour des comptes européenne.

Mme Nicole Le Peih, co-rapporteure. L’amendement nous paraît satisfait, car les ressources propres sont déjà mentionnées à l’alinéa 33.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. J’ajoute que nous sommes un peu dans le brouillard en ce qui concerne le fonds pour une transition juste. La Commission avait initialement annoncé un montant de 40 milliards. Or, ce montant est en train de fondre comme neige au soleil, et nous ne savons plus très bien où nous en sommes. La commission annonce 25 milliards ; le Conseil a une position différente. Nous préférons attendre que la négociation en cours progresse avant d’entrer dans le détail ; sans doute pourrons-nous être plus précis dans notre rapport du mois de décembre.

Mme Marietta Karamanli. Je comprends que vous souhaitiez attendre la prochaine étape. Il me semble cependant que l’alinéa 33 insiste sur la taxe carbone, alors que notre amendement concerne plus largement les mécanismes de financement complémentaires.

M. Jean-Louis Bourlanges. Si j’étais taquin, je dirais que le problème avec les socialistes, c’est qu’ils insistent toujours sur la taxe alors que nous, nous insistons plutôt sur l’objectif – même si nous sommes d’accord sur le principe d’une taxe. (Sourires.)

Mme Marietta Karamanli. Nous avons tous insisté sur la taxe, Monsieur Bourlanges.

L’amendement est retiré.

 

La commission en vient à l’amendement n° 5 de Mme Marietta Karamanli.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. L’amendement est satisfait : la taxe carbone est évoquée à l’alinéa 33.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement n° 4 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit d’attirer l’attention sur le rôle essentiel des puits de carbone que sont les forêts, espaces verts et océans dans l’atteinte de l’objectif de neutralité climatique. La France s’est fixée des objectifs ambitieux en matière de préservation et de création d’espaces naturels protégés ; il serait bon d’inviter l’Union européenne à faire de même.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Notre avis est à la fois défavorable et favorable. En effet, l’amendement ne nous paraît pas très bien rédigé. Nous vous proposons donc de n’en retenir que la première phrase du premier alinéa, car il est vrai que nous n’évoquons pas les puits de carbone – nous y avions renoncé, car ils ne figurent pas dans le texte.

Mme Marietta Karamanli. L’essentiel est qu’ils soient évoqués dans la proposition de résolution.

La commission adopte l’amendement rectifié.

 

Elle examine ensuite l’amendement n° 2 de Mme Liliana Tanguy.

Mme Liliana Tanguy. Par cet amendement, nous proposons de préciser que les rapports intermédiaires de suivi de la trajectoire des États membres en matière de financement de la transition écologique européenne sont rendus publics. Selon les sondages, 92 % des citoyens européens s’accordent sur la nécessité d’aboutir à la neutralité climatique de l’économie d’ici à 2050. Il convient donc de leur permettre d’avoir accès au suivi des actions menées par les États.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. C’est une très bonne idée. Nous y sommes favorables, mais nous vous proposons de l’insérer après l’alinéa 39.

Mme Liliana Tanguy. J’accepte votre proposition.

La commission adopte l’amendement rectifié.

 

Puis elle est saisie de l’amendement n° 6 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit de préciser que le Gouvernement doit agir, au sein du Conseil de l’Union, de manière à ce que l’ensemble des États membres respectent les objectifs définis antérieurement de réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment s’agissant de la nécessaire réduction de leur dépendance au charbon.

Mme Nicole Le Peih, co-rapporteure. Avis défavorable. L’amendement est en contradiction avec l’alinéa 38, qui rappelle la souveraineté des États en matière de mix énergétique.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Chaque pays est maître de son mix énergétique. Il nous paraît difficile de désigner un État comme le mauvais élève. Il est préférable de faire œuvre de pédagogie, en la matière. Sur le fond, nous sommes tous d’accord, mais nous ne pouvons pas heurter de plein fouet la souveraineté des États. Imaginez que l’on dise à la France que son mix énergétique est en bois et doit être entièrement repensé…

Mme Marietta Karamanli. Je partage votre analyse. Je retire donc l’amendement. Par ailleurs, je précise, s’agissant de la stratégie financière, que je compte sur le rapport de décembre pour l’évoquer.

L’amendement est retiré.

 

La commission est saisie de l’amendement n° 3 de Mme Liliana Tanguy.

Mme Liliana Tanguy. Il s’agit de préciser que le suivi de l’efficacité des crédits du plan de relance dédiés à la transition climatique doit être rendu public. Il nous paraît en effet nécessaire de faire ainsi œuvre de transparence, pour que les citoyens aient accès à ces informations.

Suivant l’avis favorable des co-rapporteurs, la commission adopte l’amendement.

 

Puis elle adopte l’article unique de la proposition de résolution modifié.

En conséquence, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication est autorisé.

 


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   Proposition de rÉsolution europÉenne initiale

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 4 et 191 à 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »), telle que modifiée le 17 septembre 2020,

Vu l’accord adopté lors de la 21ème conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) à Paris le 12 décembre 2015 (ci-après « l’Accord de Paris »),

Vu les conclusions du Conseil européen du 12 décembre 2019,

Vu la résolution du Parlement européen du 28 novembre 2019 sur l’urgence climatique et environnementale,

Vu la proposition de résolution européenne portant avis motivé de la Commission affaires européennes du Sénat sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999,

Vu la communication de la Commission du 11 décembre 2019 sur « Le pacte vert pour l’Europe »,

Vu la résolution du Parlement européen du 15 janvier 2020 sur le Pacte vert pour l’Europe,

Vu les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) relatifs au réchauffement planétaire de 1,5º C, à l’impact du changement climatique et les terres émergées, à l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique,

Vu le rapport du programme des Nations unies pour l’environnement de novembre 2019 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions,

Considérant que, selon le GIEC, il est indispensable de parvenir à la neutralité carbone dans la seconde partie du siècle pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5° C d’ici à 2100,

Considérant que les contributions déterminées au niveau national (CDN) actuelles présentées par l’Union et ses États membres ne permettent pas d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris,

Considérant que l’Accord de Paris prévoit que les contributions déterminées au niveau national doivent être actualisées en 2020,

Considérant que, si l’Union européenne ne représente que 10 % des émissions de gaz à effet de serre, elle est responsable de 20 % des émissions cumulées depuis 1870, et dispose d’une force d’entraînement dans les négociations climatiques internationales,

Considérant que le réchauffement climatique est une source d’inquiétude croissante pour les citoyens européens, 93 % d’entre eux le percevant comme un problème grave, selon l’enquête Eurobaromètre de 2019,

Considérant que le préambule de l’Accord de Paris reconnaît le droit à la santé comme un droit essentiel,

Concernant l’objectif de neutralité climatique en 2050

Se félicite de la fixation d’un objectif de neutralité climatique de l’Union à l’horizon 2050, qui est cohérent avec l’Accord de Paris et consacre le rôle de chef de file de l’Union dans les négociations climatiques internationales ;

Plaide pour la prise en compte, dans la définition des objectifs climatiques de l’Union, de l’empreinte carbone, c’est-à-dire des émissions provenant des produits importés ;

Souligne que l’atteinte de la neutralité climatique doit reposer d’abord sur l’effort de réduction des émissions puis sur l’absorption par les puits de carbone des émissions résiduelles ; il ne saurait être atteint en recourant à des mécanismes de compensation (crédits ou mécanismes de transferts internationaux) ;

Concernant le rehaussement de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030

Se félicite du rehaussement annoncé de l’objectif de réduction des émissions en 2030, pour atteindre – 55 % par rapport au niveau de 1990, en cohérence avec l’objectif de neutralité climatique en 2050 ;

Souligne l’importance d’aboutir avant la fin de l’année 2020 à un accord sur le rehaussement de l’ambition climatique de l’Union en 2030, afin d’actualiser en 2020 la contribution déterminée au niveau national soumise par l’Union européenne, conformément à l’Accord de Paris, et de tirer vers le haut les objectifs des autres États en vue de la COP 26 prévue en novembre 2021 ;

Regrette que l’étude d’impact liée au rehaussement de l’objectif 2030 n’ait pas été publiée en même temps que la proposition du règlement ;

Concernant la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 2030 et 2050

Appelle la Commission à définir, au plus tard en 2030, un objectif intermédiaire de réduction des émissions à l’horizon 2040, afin d’assurer une meilleure prévisibilité et de garantir le respect de la trajectoire conduisant à la neutralité climatique en 2050 ;

Regrette le recours aux actes délégués pour préciser la trajectoire entre 2030 et 2050 et rappelle la nécessité d’associer pleinement les États membres à la définition de cette dernière ;

Concernant le périmètre de la « loi climat »

Est favorable à la fixation d’un objectif de neutralité climatique par État membre, et non à l’échelle de l’Union, en aidant davantage les territoires pour lesquels la transition est la plus difficile, notamment par le biais du mécanisme de transition juste ;

Préconise la rédaction d’un rapport intermédiaire de suivi de la trajectoire par chaque État membre afin d’éviter toute incompatibilité avec les objectifs de l’Union, de mesurer l’efficacité des financements issus du plan de relance ainsi que les mesures correctrices nécessaires, le cas échéant, au rééquilibrage de la trajectoire.

Rappelle que le renforcement des ambitions climatiques de l’Union européenne est indissociable de l’adoption de mesures cohérentes visant notamment à lutter contre les fuites de carbone et à donner un prix au carbone, et notamment : l’adoption rapide d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourvoyeur de ressources propres pour l’Union, compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce ; l’introduction d’un prix minimum du carbone au sein du système d’échange de quotas d’émission de l’Union et la poursuite des travaux sur l’extension de ce système à l’ensemble des secteurs ; la révision des aides d’État pour mieux intégrer l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique ;

Concernant l’évaluation et le suivi de la trajectoire

Plaide pour l’instauration d’un « panel européen sur le changement climatique », sur le modèle du Haut Conseil au climat, pour le suivi et l’évaluation des trajectoires, ainsi que la formulation de recommandations ;

Est favorable à l’instauration d’un budget carbone de l’Union indiquant la quantité totale d’émissions de gaz à effet de serre restante pour l’économie de l’Union, ventilée par secteur économique, qui pourrait être émise sans compromettre les engagements de l’Union au titre de l’Accord de Paris ;

Appelle la Commission à établir, d’ici à juin 2021, des feuilles de route sectorielles précisant, pour chaque secteur, la trajectoire permettant de parvenir à des émissions nulles ;

Souligne que l’évaluation des mesures engagées par les États membres doit se faire sans porter atteinte à la compétence des États membres en matière de choix du mix énergétique ;

Demande que la réalité et l’efficacité des crédits du plan de relance dédiés au financement de la transition climatique soient contrôlées pour assurer le respect des engagements européens en matière d’énergie et de climat.

 

 

 

 


—  1  —

 

   Amendements examinÉs par la commission

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

lundi 5 octobre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne
relative À la proposition de loi européenne sur le climat

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

Mme Marietta KARAMANLI
et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste et apparentés

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 22, insérer l’alinéa suivant :

« S’il est prévu que l’objectif du Plan d’action pour le climat pour 2030 de l’Union européenne doit être revu de façon ambitieuse, il est nécessaire que son financement soit précisé et clarifié en tenant compte des capacités de chaque État et de l’opportunité pour l’Union européenne de déterminer en lien avec les États membres des ressources propres possibles et suffisantes ([3]). »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Se justifie par son texte même.

 

Cet amendement est retiré.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Lundi 5 octobre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne
relative À la proposition de loi européenne sur le climat

 

AMENDEMENT

No 2 rectifié

 

présenté par

Mme Liliana TANGUY et M. Thierry MICHELS
 

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ARTICLE UNIQUE

 

A l’alinéa 32, après les mots « État membre » insérer les mots « rendu public » et déplacer l’alinéa après l’alinéa 39.

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à assurer la publication des rapports intermédiaires de suivi de la trajectoire des Etats membres. 

 

La publication des rapports intermédiaires de suivi de la trajectoire de chaque Etat membre répond à un objectif de transparence et permettrait à l’ensemble des acteurs et des citoyens européens de suivre l’efficacité du plan de relance face à l’objectif de neutralité carbone de l’Union et, en cas de déséquilibre, de porter plus avant les engagements européens ou nationaux. 

 

 

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Lundi 5 octobre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne
relative À la proposition de loi européenne sur le climat

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

Mme Liliana TANGUY et M. Thierry MICHELS
 

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ARTICLE UNIQUE

 

A l’alinéa 39, après les mots « soient contrôlées » insérer les mots « et rendues publiques ».

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à rendre public le suivi de l’efficacité des crédits du plan de relance dédiés à la transition climatique. 

L’utilisation des crédits du plan de relance dédiés au financement de la transition climatique par les Etats membres doit être publiée afin de répondre à un objectif de transparence. Cette publication permettrait à l’ensemble des acteurs et des citoyens européens d’observer le respect des engagements des États membres et la cohérence de leurs investissements avec les objectifs européens.

 

Cet amendement est adopté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Lundi 5 octobre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne
relative À la proposition de loi européenne sur le climat

 

AMENDEMENT

No 4 rectifié

 

présenté par

Mme Marietta KARAMANLI, Mme Chantal JOURDAN et M. Jérôme LAMBERT

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 22, insérer la phrase

« Attire l’attention sur le rôle essentiel des forêts, espaces verts et océans comme puits de carbone dans l’atteinte de l’objectif de neutralité climatique ; »

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

L’amendement présenté par le groupe Socialistes et apparentés vise à attirer l’attention sur le rôle essentiel des forêts, espaces verts et océans comme puits de carbone dans l’atteinte de l’objectif de neutralité climatique. Il est essentiel dans ce cadre que la France se fixe des objectifs ambitieux en matière de préservation et de création d’espaces naturels protégés.

 

Cet amendement est adopté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Lundi 5 octobre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne
relative À la proposition de loi européenne sur le climat

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

Mme Marietta KARAMANLI, Mme Chantal JOURDAN et M. Jérôme LAMBERT

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 22, insérer l’alinéa suivant :

« Appelle, en tant que moyen subsidiaire pour atteindre l’objectif de neutralité climatique, à la création rapide d’une taxe carbone aux frontières de l’UE afin de tenir compte dans nos importations de l’impact sur le réchauffement climatique. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

L’amendement présenté par le groupe Socialistes et apparentés vise à attirer l’attention sur le fait que l’UE avec une taxe carbone possèderait un outil dissuasif important pour inciter les autres pays à agir de manière vertueuse sur leur impact sur le réchauffement climatique. Même si cet outil n’est pas un instrument décisif pour atteindre l’objectif de neutralité climatique, il n’en constitue pas moins un moyen subsidiaire important qu’il convient de promouvoir.

 

Cet amendement est retiré.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Lundi 5 octobre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne
relative À la proposition de loi européenne sur le climat

 

AMENDEMENT

No 6

 

présenté par

Mme Marietta KARAMANLI, Mme Chantal JOURDAN et M. Jérôme LAMBERT

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ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 38, insérer l’alinéa suivant :

« Appelle le Gouvernement au sein du Conseil de l’Union à agir de manière à ce que l’ensemble des Etats membres respectent les objectifs définis antérieurement de réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment s’agissant de la nécessaire réduction de leur dépendance au charbon. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’amendement présenté par le groupe Socialistes et apparentés vise à préciser que le Gouvernement doit faire pleinement entendre sa voix au sein du Conseil de l’UE pour appeler les autres Etats membres à respecter leurs objectifs nationaux de réduction de gaz à effet de serre. La place trop importante laissée par certains Etats membres à l’exploitation des centrales à charbon dans le cadre de leur mix énergétique devrait pouvoir être revue. Il conviendrait d’apporter pour cela un certain nombre d’incitations pour trouver des solutions alternatives au niveau européen à l’utilisation trop intensive du charbon (diversification des ressources d’énergie primaire, énergies alternatives, recours à la solidarité énergétique vis-à-vis des autres pays de l’Union, achèvement du marché européen de l’énergie etc…). Une véritable politique européenne de l’énergie devrait prendre en compte ces impératifs.

 

Cet amendement est retiré.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Lundi 5 octobre 2020


Proposition de RÉsolution EuropÉenne
relative À la proposition de loi européenne sur le climat

 

AMENDEMENT

No 7

 

présenté par

Mme Marietta KARAMANLI, Mme Chantal JOURDAN et M. Jérôme LAMBERT

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 18, insérer l’alinéa suivant :

« Considérant qu’une hausse significative de la température de 1,5° ou 2° réduirait de manière significative la disponibilité des denrées alimentaires dans des régions voisines de l’Union importantes pour sa sécurité, notamment le sud de la Méditerranée. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

L’amendement présenté par le groupe Socialistes et apparentés vise à souligner l’impact du réchauffement climatique sur l’agriculture et la production de denrées alimentaires. Le non respect de la neutralité climatique pourrait avoir des conséquences multiples sur la sécurité des populations concernées ainsi que des effets potentiels importants sur l’Union européenne.

 

 

Cet amendement est adopté.

 

 

 

 


—  1  —

 

   Proposition de rÉsolution europÉenne

 

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 4 et 191 à 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »), telle que modifiée le 17 septembre 2020,

Vu l’accord adopté lors de la 21ème conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) à Paris le 12 décembre 2015 (ci-après « l’Accord de Paris »),

Vu les conclusions du Conseil européen du 12 décembre 2019,

Vu la résolution du Parlement européen du 28 novembre 2019 sur l’urgence climatique et environnementale,

Vu la proposition de résolution européenne portant avis motivé de la Commission affaires européennes du Sénat sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999,

Vu la communication de la Commission du 11 décembre 2019 sur « Le pacte vert pour l’Europe »,

Vu la résolution du Parlement européen du 15 janvier 2020 sur le Pacte vert pour l’Europe,

Vu les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) relatifs au réchauffement planétaire de 1,5º C, à l’impact du changement climatique et les terres émergées, à l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique,

Vu le rapport du programme des Nations unies pour l’environnement de novembre 2019 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions,

Considérant que, selon le GIEC, il est indispensable de parvenir à la neutralité carbone dans la seconde partie du siècle pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5° C d’ici à 2100,

Considérant que les contributions déterminées au niveau national (CDN) actuelles présentées par l’Union et ses États membres ne permettent pas d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris,

Considérant que l’Accord de Paris prévoit que les contributions déterminées au niveau national doivent être actualisées en 2020,

Considérant que, si l’Union européenne ne représente que 10 % des émissions de gaz à effet de serre, elle est responsable de 20 % des émissions cumulées depuis 1870, et dispose d’une force d’entraînement dans les négociations climatiques internationales,

Considérant que le réchauffement climatique est une source d’inquiétude croissante pour les citoyens européens, 93 % d’entre eux le percevant comme un problème grave, selon l’enquête Eurobaromètre de 2019,

Considérant que le préambule de l’Accord de Paris reconnaît le droit à la santé comme un droit essentiel,

Considérant qu’une hausse de la température de 1,5° ou 2° réduirait de manière significative la disponibilité des denrées alimentaires dans des régions voisines de l’Union importantes pour sa sécurité, notamment le sud de la Méditerranée,

Concernant l’objectif de neutralité climatique en 2050

Se félicite de la fixation d’un objectif de neutralité climatique de l’Union à l’horizon 2050, qui est cohérent avec l’Accord de Paris et consacre le rôle de chef de file de l’Union dans les négociations climatiques internationales ;

Plaide pour la prise en compte, dans la définition des objectifs climatiques de l’Union, de l’empreinte carbone, c’est-à-dire des émissions provenant des produits importés ;

Souligne que l’atteinte de la neutralité climatique doit reposer d’abord sur l’effort de réduction des émissions puis sur l’absorption par les puits de carbone des émissions résiduelles ; il ne saurait être atteint en recourant à des mécanismes de compensation (crédits ou mécanismes de transferts internationaux) ;

Attire l’attention sur le rôle essentiel des forets, espaces verts et océans comme puits de carbone dans l’atteinte de l’objectif de neutralité climatique ;

Concernant le rehaussement de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030

Se félicite du rehaussement annoncé de l’objectif de réduction des émissions en 2030, pour atteindre – 55 % par rapport au niveau de 1990, en cohérence avec l’objectif de neutralité climatique en 2050 ;

Souligne l’importance d’aboutir avant la fin de l’année 2020 à un accord sur le rehaussement de l’ambition climatique de l’Union en 2030, afin d’actualiser en 2020 la contribution déterminée au niveau national soumise par l’Union européenne, conformément à l’Accord de Paris, et de tirer vers le haut les objectifs des autres États en vue de la COP 26 prévue en novembre 2021 ;

Regrette que l’étude d’impact liée au rehaussement de l’objectif 2030 n’ait pas été publiée en même temps que la proposition du règlement ;

Concernant la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 2030 et 2050

Appelle la Commission à définir, au plus tard en 2030, un objectif intermédiaire de réduction des émissions à l’horizon 2040, afin d’assurer une meilleure prévisibilité et de garantir le respect de la trajectoire conduisant à la neutralité climatique en 2050 ;

Regrette le recours aux actes délégués pour préciser la trajectoire entre 2030 et 2050 et rappelle la nécessité d’associer pleinement les États membres à la définition de cette dernière ;

Concernant le périmètre de la « loi climat »

Est favorable à la fixation d’un objectif de neutralité climatique par État membre, et non à l’échelle de l’Union, en aidant davantage les territoires pour lesquels la transition est la plus difficile, notamment par le biais du mécanisme de transition juste ;

Rappelle que le renforcement des ambitions climatiques de l’Union européenne est indissociable de l’adoption de mesures cohérentes visant notamment à lutter contre les fuites de carbone et à donner un prix au carbone, et notamment : l’adoption rapide d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourvoyeur de ressources propres pour l’Union, compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce ; l’introduction d’un prix minimum du carbone au sein du système d’échange de quotas d’émission de l’Union et la poursuite des travaux sur l’extension de ce système à l’ensemble des secteurs ; la révision des aides d’État pour mieux intégrer l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique ;

Concernant l’évaluation et le suivi de la trajectoire

Plaide pour l’instauration d’un « panel européen sur le changement climatique », sur le modèle du Haut Conseil au climat, pour le suivi et l’évaluation des trajectoires, ainsi que la formulation de recommandations ;

Est favorable à l’instauration d’un budget carbone de l’Union indiquant la quantité totale d’émissions de gaz à effet de serre restante pour l’économie de l’Union, ventilée par secteur économique, qui pourrait être émise sans compromettre les engagements de l’Union au titre de l’Accord de Paris ;

Appelle la Commission à établir, d’ici à juin 2021, des feuilles de route sectorielles précisant, pour chaque secteur, la trajectoire permettant de parvenir à des émissions nulles ;

Souligne que l’évaluation des mesures engagées par les États membres doit se faire sans porter atteinte à la compétence des États membres en matière de choix du mix énergétique ;

Demande que la réalité et l’efficacité des crédits du plan de relance dédiés au financement de la transition climatique soient contrôlées et rendues publiques pour assurer le respect des engagements européens en matière d’énergie et de climat ;

Préconise la rédaction d’un rapport intermédiaire de suivi de la trajectoire par chaque État membre rendu public afin d’éviter toute incompatibilité avec les objectifs de l’Union, de mesurer l’efficacité des financements issus du plan de relance ainsi que les mesures correctrices nécessaires, le cas échéant, au rééquilibrage de la trajectoire.

 


([1]) Le cadre énergie climat 2030, adopté par le Conseil européen d’octobre 2014 et révisé en 2018, définit trois objectifs : une réduction de 40 % des émissions de GES (par rapport aux niveaux de 1990) ; une augmentation à 32 % de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale brute ; une augmentation de 32,5 % de l'efficacité énergétique.

([2]) Articles 13 et 34 du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat.

([3]) En 2017, la Cour des comptes européenne estimait l’ensemble des besoins de financement chaque année (privés et publics aux plans nationaux et européen à 1 115 milliards €.)