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N° 3431

 

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2020

 

RAPPORT  D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145-7 du Règlement

 

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION
ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

 

 

sur la mise en application de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019
visant à agir contre les violences au sein de la famille

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Aurélien PRADIÉ et Guillaume VUILLETET

Députés

____


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

avant-PROPOS........................................................ 5

I. La réforme de l’ordonnance de protection menée à bien

1. Une réaffirmation nécessaire du droit en vigueur

2. La question de la durée de la procédure

a. Deux décrets d’application successifs

b. Une évolution aux effets très positifs

3. Des ordonnances de protection plus efficaces

a. Une audience plus respectueuse des parties

b. Une protection plus complète des victimes

II. Le bon déploiement du bracelet anti-rapprochement

1. Les actes juridiques nécessaires

2. Le déploiement sur le terrain

III. La fortune diverse des autres dispositions de la loi

1. Des dispositions correctement entrées en vigueur

a. L’autorité parentale en matière pénale

i. Le retrait de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation pour violences au sein de la famille

ii. La suspension provisoire de plein droit en cas de crime contre l’autre parent

b. La montée en puissance du téléphone grave danger

2. Des dispositions laissées pratiquement inappliquées

a. La perte de la pension de réversion du conjoint violent, une disposition difficilement appliquée

b. L’expérimentation en matière de logement, une disposition négligée

c. L’application pour les victimes de violences, une disposition oubliée

Examen en commission

Personnes entendues


—  1  —

 

Mesdames, Messieurs,

L’année 2019 a été marquée en France par une statistique insupportable : ce sont 173 personnes, dont 146 femmes, qui ont perdu la vie sous les coups de leur partenaire. En 2018, ces chiffres étaient de 149 victimes dont 118 femmes. Ce n’était pas une trajectoire de progrès.

Le Parlement ne pouvait assister sans réagir au décompte qu’égrainaient les médias avec une sombre régularité. Déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 28 août 2019 par le groupe Les Républicains, soutenue par le Gouvernement qui engageait le 16 septembre la procédure accélérée, adoptée à l’unanimité par les députés le 15 octobre, puis par les sénateurs le 6 novembre, enrichie par un travail mené conjointement par la majorité et l’opposition, la loi visant à lutter contre les violences au sein de la famille était finalement promulguée par le Président de la République le 28 décembre.

Cette loi est venue corriger ce qui, dans le droit, ne fonctionnait pas, heurtait le bon sens, soulevait l’incompréhension. Comment prétendre que l’ordonnance de protection, destinée à éviter le pire aux victimes de violences, soit une procédure d’urgence qui s’étalait jusqu’ici en moyenne sur près d’un mois et demi ? Comme justifier que la France se soit montrée incapable d’expérimenter un dispositif électronique anti-rapprochement quand, de l’autre côté des Pyrénées, on y parvenait sans encombre ? Comment tolérer que des téléphones grave danger, outil qui avait fait ses preuves pour sauver des vies, s’entassent dans des placards en raison de règles d’attribution mal conçues ?

Les mérites de cette loi ont été reconnus. Ses intentions ont été saluées. Pourtant, sa valeur ne doit pas s’arrêter au symbole : sa mise en œuvre suppose une implication forte du Gouvernement, des magistrats et des administrations, mais aussi la publication de décrets et la passation de marchés publics dans un délai raisonnable. La commission des Lois a souhaité, pour cette raison et eu égard à la sensibilité des dispositifs en cause, s’assurer de sa bonne application.

Vos rapporteurs d’application ont auditionné les principaux ministères concernés pour s’enquérir des diligences mises en œuvre. Ils ont également interrogé des représentants du monde associatif pour recueillir leur sentiment. Enfin, ils ont procédé à une visite au tribunal judiciaire de Pontoise, pilote en matière de lutte contre les violences au sein de la famille, pour apprécier l’impact de la loi sur le terrain.

À l’issue de leurs travaux, vos rapporteurs d’application considèrent que la loi du 28 décembre 2019 a été mise en œuvre de façon satisfaisante.

C’est notamment le cas de la part du ministère de la justice, concerné au premier chef par la majorité des dispositions de la loi : tant les administrations centrales que les magistrats en juridiction ont agi pour une entrée en vigueur opérationnelle, si l’on excepte un décret sur l’ordonnance de protection vite rapporté face à l’opposition unanime qu’il provoquait.

Cet engagement dans la lutte contre les violences au sein de la famille n’a malheureusement pas été constaté dans tous les autres départements ministériels : les décrets et rapports qui relevaient de leur autorité ne sont pas encore publiés ; leurs cabinets n’ont accepté qu’avec une difficulté manifeste les demandes réitérées d’audition qui leur étaient adressées.

*

*     *

I.   La réforme de l’ordonnance de protection menée à bien

La réforme de l’ordonnance de protection constitue le premier sujet majeur de la loi du 28 décembre 2019 (articles 2, 3, 4 et 6). Les dispositions votées par le Parlement ont abordé tant le déroulement de la procédure que les éléments de fond des décisions. Elles ont été, dans l’ensemble, correctement appliquées par le ministère de la justice, qui a rédigé une circulaire exhaustive sur le sujet ([1]) ainsi qu’un guide pratique largement diffusé aux magistrats.

Toutefois, la question particulière des délais procéduraux a initialement été traitée dans un sens qui ne correspondait pas à l’intention du législateur, ce qui a heureusement été rectifié depuis.

1.   Une réaffirmation nécessaire du droit en vigueur

Aux articles 2 et 3 de la loi du 28 décembre 2019, le Parlement a levé le doute sur l’interprétation à donner des dispositions du code civil relatives à l’ordonnance de protection.

En premier lieu, il a inscrit dans la loi la jurisprudence constante selon laquelle une ordonnance de protection pouvait être demandée dans le cadre d’une relation sentimentale informelle et ne donnant pas lieu à cohabitation. Les « petits amis », à l’origine d’un certain nombre de faits dramatiques au cours des dernières années, se trouvent ainsi explicitement mentionnés à l’article 515‑9 du code civil. Cette confirmation du droit en vigueur visait une information explicite des victimes.

En second lieu, la loi a mis fin à la pratique de certaines juridictions qui exigeaient le dépôt d’une plainte pénale préalablement à toute démarche en vue d’obtenir une ordonnance de protection. Cette condition était dépourvue de base textuelle, mais elle contribuait à décourager les victimes qui, pour des raisons qui leur appartiennent, ne souhaitent pas faire traduire leur conjoint devant la juridiction répressive. L’article 515‑10 du code civil précise désormais que l’ordonnance de protection « n’est pas conditionnée à l’existence d’une plainte pénale préalable ».

Les associations auditionnées par vos rapporteurs d’application ont souligné l’opportunité de ces deux dispositions, notamment celle relative au dépôt de plainte préalable : elle a permis d’aligner la pratique des tribunaux sur le droit et de faire fortement reculer, sinon disparaître, la confusion entretenue entre les voies civile et pénale offertes aux victimes de violences.

2.   La question de la durée de la procédure

Alors que le code civil se bornait à recommander au juge aux affaires familiales de statuer dans les « meilleurs délais », la moyenne constatée en pratique – très variable, du reste, selon les juridictions – s’établissait à 42 jours entre la date de la saisine et celle de la décision. Ce délai excessif, dans une situation de danger de mort pour la victime, est apparu inacceptable au Parlement : l’article 4 de la loi du 28 décembre 2019 a drastiquement accéléré la procédure en imposant un délai de six jours entre la fixation de la date de l’audience et la délivrance de l’ordonnance de protection ([2]).

a.   Deux décrets d’application successifs

La procédure civile relevant du pouvoir réglementaire ([3]), il revenait au Gouvernement de préciser les règles applicables aux demandes d’ordonnance de protection. Le 27 mai 2020, un décret est venu déterminer le cheminement des requêtes ([4]). Il prévoyait notamment, à l’article 1136-3 du code de procédure civile, que la requête déposée au greffe donnait lieu sans délai à une ordonnance fixant la date de l’audience. Il appartenait ensuite au demandeur, dans un délai de vingt-quatre heures à peine de caducité, de la signifier au défendeur et de remettre au greffe l’acte de signification ([5]).

Ces modalités d’application ont provoqué une protestation massive de la part des associations de défense des victimes et des avocats spécialistes de la matière. Certes, exiger une signification par huissier – et la preuve de cette signification – dans un délai de 24 heures laissait cinq jours au défendeur pour préparer ces arguments, ce qui garantissait le respect du principe du contradictoire. Mais en pratique, « ce tour de force apparaît quasiment impossible dans des juridictions d’une relative importance » ([6]) . Il semble effectivement irréaliste que le greffe puisse communiquer l’ordonnance au demandeur, que celui-ci trouve un huissier en capacité de la signifier au défendeur, que l’acte de signification soit ensuite communiqué au demandeur et que celui-ci, enfin, le remette au greffe, dans un délai de vingt-quatre heures – sans préjudice d’éventuelles fins de semaine ou de jours fériés. Le dépassement du délai imparti entraîne pourtant la caducité de la demande, donc l’obligation d’engager une nouvelle procédure vouée à échouer sur les mêmes difficultés, de sorte que le décret est apparu « totalement inadapté et aberrant » ([7]).

Le Parlement s’est également opposé à cette application de la loi du 28 décembre 2019 qui faisait d’une avancée un recul pour la protection des victimes. Le 9 juin 2020, le Sénat votait un amendement imposant une « signification à la charge du ministère public ou par voie administrative », transférant le poids de la procédure sur l’autorité judiciaire et les forces de police et de gendarmerie nationales ([8]).

Ces réactions ont convaincu le Gouvernement de la nécessité d’une amodiation. Un mois plus tard, un nouveau décret venait réformer la procédure dans un sens conforme à l’intention du législateur ([9]). Si la signification de l’ordonnance fixant la date de l’audience au défendeur incombe toujours par principe au demandeur, elle est désormais à la charge du greffe lorsque le demandeur n’est ni assisté ni représenté par un avocat. Elle doit avoir lieu dans un délai porté à 48 heures et, surtout, un manquement n’entraîne plus la caducité de la requête ; tout au plus le demandeur encourt-il le risque d’un renvoi de l’audience à une date ultérieure. La nouvelle architecture présente l’avantage d’être applicable en pratique, même si elle suppose une diligence sans faille des différents intervenants de la chaîne judiciaire, et de respecter le principe du contradictoire en ménageant à la défense un temps suffisant pour réunir ses arguments.

Ces modifications ont été saluées par les parties prenantes. Elles ont convaincu le Parlement de renoncer à faire prévaloir la notification par la voie administrative ([10]). Elles satisfont également vos rapporteurs d’application, qui constatent qu’une concertation préalable plus approfondie aurait pu éviter cet épisode regrettable. Cette opinion est manifestement partagée par la Chancellerie puisqu’un comité national de pilotage de l’ordonnance de protection a été installé le 23 juin 2020, sous la présidence de Mme Ernestine Ronai, réunissant associations d’aide aux victimes, huissiers, avocats et magistrats autour de l’objectif d’améliorer le fonctionnement et la procédure applicable aux ordonnances de protection.

Nouveau schéma procédural de l’ordonnance de protection

Source : direction des affaires civiles et du Sceau, juillet 2020.

b.   Une évolution aux effets très positifs

Si la fixation d’un délai de six jours pour la délivrance d’une ordonnance de protection a provoqué de fortes réticences au moment de la discussion de la loi du 28 décembre 2019, sa mise en œuvre sur le terrain apparaît à vos rapporteurs d’application comme une réussite majeure, qu’il convient cependant de nuancer en fonction de la taille et des moyens des différentes juridictions.

Les premières remontées statistiques montrent que les audiencements ont majoritairement lieu dans le délai imparti de six jours, mais qu’une fraction significative des affaires – de l’ordre d’un quart à un tiers – ne se trouve pas en état d’être jugée et se trouve renvoyée à une audience ultérieure. Ce taux de renvoi important indique une difficulté de mise en œuvre de la loi. Il impose sans doute un travail conséquent d’information des différents éléments de la chaîne procédurale qui doivent s’adapter à cette exigence. Il résulte en effet de cette situation, pour les dossiers renvoyés, un délai de décision de l’ordre de deux semaines. Toutefois, aucun instrument statistique n’existe au sein de la Chancellerie pour évaluer, avec précision et en continu, la bonne ou la mauvaise tenue de ces délais. Un tel outil serait pourtant un moyen d’évaluation bénéfique à tous.

Cette situation appelle plusieurs constats positifs de la part de vos rapporteurs d’application :

– la loi a entraîné un changement de perspective sur le terrain, conférant à l’ordonnance de protection le caractère prioritaire qu’elle aurait toujours dû revêtir. Alors que certaines juridictions réservaient auparavant un créneau mensuel à ces requêtes, les audiences sont désormais au moins hebdomadaires du fait du délai imposé par la loi, et une « filière d’urgence » s’est mise en place pour le traitement des affaires de violences conjugales ;

– l’accélération des délais est notable, même en cas de renvoi, et très en deçà de la moyenne de quarante-deux jours constatée avant l’adoption de la loi ;

– les discussions en cours avec les différents intervenants de la procédure, notamment avec les avocats des demandeurs et avec les huissiers qui procèdent aux significations, devraient encore aboutir à une amélioration des délais.

3.   Des ordonnances de protection plus efficaces

a.   Une audience plus respectueuse des parties

En matière d’organisation des débats sur la délivrance d’une ordonnance de protection, le législateur a imposé la tenue de l’audience en chambre du conseil. Il a également prévu la possibilité, pour la partie demanderesse, de solliciter que les auditions par le juge aux affaires familiales se tiennent séparément. Dans les deux cas, l’objectif poursuivait consistait à soustraire la victime de violences aux pressions que pourraient exercer le demandeur et le public venu assister aux débats.

Le respect de ces prescriptions supposait une adaptation des locaux affectés par les juridictions aux juges aux affaires familiales. Tant les auditions menées à l’Assemblée nationale que le déplacement effectué au tribunal judiciaire de Pontoise ont convaincu vos rapporteurs d’application de la bonne mise en pratique de la loi en la matière.

b.   Une protection plus complète des victimes

Les débats parlementaires sur la loi du 28 décembre 2019 avaient montré que, si les juges aux affaires familiales pouvaient décider d’un vaste panel de mesures dans le cadre d’une ordonnance de protection, les victimes et leurs avocats ne songeaient pas toujours à les solliciter en ce sens. Le législateur a corrigé cette lacune en aménageant le principe selon lequel le procès civil est la chose des parties : si le juge ne peut aucunement agir d’initiative, l’article 515‑11 du code civil lui impose désormais de recueillir « les observations des parties sur chacune des mesures » possibles.

Vos rapporteurs d’application ont pu constater que cette mesure faisait l’unanimité sur le terrain. Les juges aux affaires familiales interrogent désormais systématiquement les victimes sur l’opportunité de prononcer dans les différents domaines de leur compétence, ce qui vient lever des hésitations et dissiper des ignorances. Alors que l’autorité parentale exclusive, l’attribution du logement conjugal ou l’interdiction de détenir une arme n’étaient auparavant que rarement demandées, et donc rarement prononcées, elles sont désormais toujours mises en débat et bien plus fréquemment accordées.

Par ailleurs, le législateur a souhaité que le juge privilégie certaines mesures en précisant que la décision de ne pas les prononcer devait s’accompagner d’une motivation spéciale. Là encore, l’application sur le terrain apparaît correcte et positive pour les victimes :

– en matière de détention et de port d’arme, les magistrats interrogés par vos rapporteurs d’application ont signalé s’enquérir systématiquement d’un risque en la matière et édicter plus facilement une interdiction. La circulaire précitée du 23 janvier 2020 confie au procureur de la République le soin d’avertir l’autorité administrative compétente, le préfet du lieu du domicile du défendeur, pour procéder à l’inscription au fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes (FINIADA) et pour, le cas échéant, organiser la remise des armes. Les statistiques du ministère de l’intérieur confirment l’emploi régulier de cette disposition puisque 474 inscriptions au FINIADA ont déjà été effectuées sur le fondement d’une ordonnance de protection au cours des neuf premiers mois de l’année 2020 ;

– en matière d’attribution du logement commun à la victime, si l’application par les magistrats ne paraît soulever aucune difficulté, il semble plus délicat de mobiliser la force publique lorsque l’auteur des violences, qui peut être seul propriétaire du bien, refuse de le quitter ;

– en matière d’autorité parentale, le législateur n’avait pas souhaité orienter le juge aux affaires familiales vers une autorité parentale exclusive. En revanche, il avait prévu que « la décision de ne pas ordonner l’exercice du droit de visite dans un espace de rencontre désigné ou en présence d’un tiers de confiance est spécialement motivée » dès lors qu’une interdiction de contact était prononcée à l’encontre de l’auteur des faits. Le tiers de confiance était prévu de longue date à l’article 373‑2‑9 du code civil, mais il était peu usité. Il semble que la loi du 28 décembre 2019 ait sensiblement accru la propension des magistrats à recourir à lui, puisque le Gouvernement a modifié peu après le code de procédure civile pour encadrer son intervention ([11]).

La seule mesure créée par la loi demeurée peu usitée est la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique de l’auteur des faits. Se limitant à une simple proposition formulée par la juge ([12]), elle souffre d’un manque réel de financement. Vos rapporteurs d’application rappellent que, dans les débats parlementaires, les députés avaient souhaité attribuer ces moyens qui font défaut aujourd’hui, mais qu’ils n’avaient pu le faire en raison des règles de recevabilité financière des amendements.

*

*     *

Vos rapporteurs d’application constatent avec satisfaction que les dispositions de la loi du 28 décembre 2019 sur l’ordonnance de protection ne souffrent d’aucune malfaçon et qu’elles ont, dans leur grande majorité, atteint leurs objectifs. Les changements constatés sur le terrain suivent un sens favorable à la protection des victimes et à la lutte contre les violences au sein de la famille. L’application de la loi par le ministère de la justice, qu’il s’agisse de l’administration centrale comme des juridictions, apparaît cohérente et efficace. Le cafouillage constaté à propos de l’orchestration du délai de six jours montre, cependant, toute la nécessité d’une vigilance attentive du Parlement et des parties prenantes pour prévenir les erreurs d’appréciation susceptibles de faire échec à l’intention du législateur.

II.   Le bon déploiement du bracelet anti-rapprochement

La création d’un bracelet électronique anti-rapprochement constitue le second sujet majeur de la loi du 28 décembre 2019 (articles 4 et 10 à 13). Déjà appliqué depuis des années dans d’autres pays, le dispositif permet de vérifier le respect des interdictions de contact et de paraître imposées à la suite de violences conjugales. Composé d’un bracelet installé sur l’auteur des faits et d’un boîtier remis à la victime, ainsi que de téléopérateurs surveillant leurs positions respectives en temps réel, il permet d’intervenir à distance pour éviter les rencontres fortuites et, en cas de besoin, de guider des équipages de police pour une action sur le terrain.

La loi a prévu que le recours au bracelet anti-rapprochement puisse être prononcé à tous les stades de la procédure pénale, c’est-à-dire dans le cadre du contrôle judiciaire, au moment du jugement ou à la suite de la sentence. Elle a également innové en autorisant le recours au bracelet anti-rapprochement dans le cadre civil de l’ordonnance de protection, sous réserve de l’accord des deux parties.

Il est certes possible de refuser le recours au bracelet anti-rapprochement au stade de l’ordonnance de protection. La loi prévoit alors une information immédiate du procureur de la République, qui peut l’ordonner dans une procédure pénale. L’auteur des faits peut à nouveau refuser l’instrument, mais il encourt alors un placement en détention provisoire.

Le fonctionnement du bracelet anti-rapprochement

L’équipement que porte la personne protégée est au centre de deux zones : la zone d’alerte (entre un et dix kilomètres) et la zone de pré-alerte (entre deux et vingt kilomètres). La zone de pré-alerte correspond au double de la zone d’alerte. Ces deux zones constituent un cercle autour du dispositif de la personne protégée.

Dès que le porteur du bracelet pénètre dans la zone de pré-alerte, le centre de surveillance le contacte et lui ordonne de faire demi-tour. S’il obtempère, le porteur du bracelet n’est pas considéré comme ayant violé l’interdiction de rapprochement et aucun signalement d’incident n’est effectué.

À l’inverse, si le porteur du bracelet refuse d’obtempérer ou ne répond pas à l’appel du centre de surveillance et pénètre dans la zone d’alerte, ce dernier contacte le commissariat de police ou la gendarmerie la plus proche aux fins de mise à l’abri de la personne protégée et d’interpellation du porteur du bracelet. Il est alors considéré comme ayant violé l’interdiction de rapprochement et cet incident donne lieu à un signalement au parquet par le centre de surveillance.

1.   Les actes juridiques nécessaires

Le déploiement du bracelet anti-rapprochement suppose un encadrement normatif, mais aussi le développement de compétences et l’achat de matériels spécifiques. Configurés pour un besoin estimé à mille bracelets, trois marchés publics ont été conclus pour trois ans :

– les éléments relatifs à l’équipement informatique et à la surveillance électronique ont fait l’objet d’un marché négocié sans mise en concurrence avec le prestataire actuel du bracelet électronique pour adapter le système Saphir, déjà utilisé par l’administration pénitentiaire pour le placement sous surveillance électronique. La notification a eu lieu le 16 mars 2020. Le montant du marché est de 3,1 millions d’euros ;

– les bracelets eux-mêmes ont donné lieu à un cahier des charges rédigé le 24 janvier 2020, pour une notification au prestataire retenu le 26 mai. Le montant du marché atteint 2,5 millions d’euros ;

– la téléassistance a fait l’objet d’un cahier des charges achevé le 6 mars 2020 avec notification à l’entreprise sélectionnée le 18 juin. La valeur du marché est de 1,7 million d’euros.

Au total, le bracelet anti-rapprochement dispose d’un budget annuel de 7,4 millions d’euros. Il est supporté par l’administration pénitentiaire à hauteur de 4,7 millions d’euros. Les 2,7 millions d’euros restants incombent au fonds pour la transformation de l’action publique. Vos rapporteurs d’application soulignent le fait que ces 2,7 millions d’euros, qui ne sont pas pérennes, permettent seulement un financement exceptionnel.

Quant aux modalités de recours au bracelet anti-rapprochement, elles devaient être précisées par décret. Après un avis de la commission nationale de l’informatique et des libertés rendu le 16 juillet 2020 ([13]) et un examen par le Conseil d’État, il a été publié le 23 septembre ([14]).

2.   Le déploiement sur le terrain

Le jour de la publication du décret susmentionné, le garde de Sceaux a adressé une circulaire aux parquets précisant les trois étapes de la stratégie de déploiement suivie ([15]) :

– le bracelet électronique anti-rapprochement est d’abord déployé au sein de cinq juridictions pilotes – Aix-en-Provence, Angoulême, Bobigny, Douai et Pontoise ;

– au cours du mois de novembre, il sera étendu aux ressorts des tribunaux judiciaires les plus conséquents de chacune des trente-six cours d’appel ;

– la généralisation sur l’ensemble du territoire national est prévue à la fin de l’année.

Des essais des dispositifs ont eu lieu au début du mois de septembre dans le ressort des juridictions pilotes. Elles ont donné satisfaction. Le mécanisme est calibré pour une intervention des forces de sécurité auprès de la victime en quelques minutes, le temps variant en fonction des circonstances locales et du diamètre des zones d’alerte et de pré-alerte.

*

*     *

Vos rapporteurs d’application constatent que l’exécution des prescriptions de la loi suit un rythme satisfaisant. Ils seront vigilants quant au respect du calendrier de déploiement annoncé par le ministère de la justice. Lors des différentes auditions, l’horizon de généralisation du bracelet a été fixé « à la fin de l’année 2020 » mais aussi, plus largement, « au début de l’année 2021 ». Aux yeux de vos rapporteurs d’application, le délai acceptable ne peut en aucun cas s’étendre au-delà de l’année 2021.

Certaines interrogations pratiques perdurent cependant. Le bon fonctionnement du dispositif n’apparaît pas assuré dans les territoires dans lesquels la couverture téléphonique est défaillante – zones blanches en Europe, mais aussi et surtout dans les territoires ultramarins archipélagiques ou amazoniens. Par ailleurs, la multiplicité des cadres procéduraux dans lesquels le placement sous bracelet anti-rapprochement peut être prononcé soulève une incertitude sur la capacité du système à prendre en charge immédiatement l’auteur des faits. Il est fréquent que des comparutions immédiates se tiennent à des jours ou à des horaires pendant lesquels l’administration pénitentiaire ne pourrait pas assurer la pose. Or, on sait que le choc d’une décision de condamnation peut déclencher le passage à l’acte ; il conviendra alors que la victime bénéficie d’une protection par d’autres moyens, notamment par un téléphone grave danger.

III.   La fortune diverse des autres dispositions de la loi

Outre la réforme de l’ordonnance de protection et la création du bracelet anti-rapprochement, la loi du 28 décembre 2019 comporte d’autres mesures. Certaines d’entre elles n’ont nécessité aucune mesure d’application et n’appellent aucun commentaire de vos rapporteurs d’application : il en va ainsi de l’information dispensée à l’occasion de l’appel de préparation à la défense (article 1er) ou de la possibilité ouverte au juge de l’application des peines de retirer les crédits de réduction de peine octroyés à des condamnés pour violences sur conjoint (article 14).

D’autres, en revanche, ne pouvaient être mises en œuvre sans le concours actif de l’exécutif. Tel n’a pas toujours été le cas.

1.   Des dispositions correctement entrées en vigueur

a.   L’autorité parentale en matière pénale

L’article 8 de la loi du 28 décembre 2019 apporte plusieurs modifications aux règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale en cas de violences au sein de la famille afin de protéger l’enfant et le parent victimes de violences. Comme l’indique la circulaire précitée du 23 janvier 2020, « l’exercice de l’autorité parentale ne doit plus constituer pour un parent violent le moyen de maintenir son emprise sur l’autre parent ».

i.   Le retrait de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation pour violences au sein de la famille

La loi modifie les articles 378, 379-1 et 380 du code civil pour permettre au juge pénal de retirer l’exercice de l’autorité parentale du parent condamné pour crime ou délit commis sur son enfant ou sur l’autre parent. Jusqu’alors la juridiction de jugement était tenue de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale à la suite de certaines infractions seulement ([16]). Cependant, de telles décisions étaient très rares, notamment si l’enfant n’avait pas été mis directement en danger. En prévoyant une sanction moins symbolique ([17]), le législateur a incité le juge pénal à faire un plus grand usage de sa prérogative.

L’application de cette disposition apparaît un succès. Le juge s’est approprié la mesure puisque vingt à trente décisions pénales statuent désormais chaque mois sur l’autorité parentale. Entre juin 2019 et juin 2020, cela représente un passage de neuf à trente-et-un jugements, soit une progression de 240 %.

Vos rapporteurs d’application se félicitent de la bonne application de cette disposition législative, qui épargne à la victime de violences reconnue comme telle par le juge pénal une seconde procédure devant le juge aux affaires familiales.

ii.   La suspension provisoire de plein droit en cas de crime contre l’autre parent

La loi institue une suspension provisoire de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et de tout droit de visite et d’hébergement en cas de poursuite ou de condamnation – même non définitive – pour un crime commis par un parent sur l’autre. La suspension de plein droit ne vaut que pour un maximum de six mois et jusqu’à la décision d’un juge. Le procureur de la République a la charge de saisir le juge aux affaires familiales.

Le législateur a introduit cette règle pour prévenir les cas dans lesquels la juridiction de jugement omet de statuer sur l’autorité parentale en dépit de son obligation légale de le faire, et pour éviter que les décisions prises immédiatement dans l’intérêt de l’enfant ne soient soumises à l’aval du parent suspecté de crime.

Vos rapporteurs d’application ont constaté la précision de la circulaire rédigée par la garde des Sceaux pour l’application de cette disposition, dont ils n’ont reçu aucun écho par ailleurs. Sans doute l’attention portée par les juridictions aux affaires de crime sur conjoint, depuis la promulgation de la loi, a-t-elle empêché tout omission de la part des cours d’assises.

b.   La montée en puissance du téléphone grave danger

L’article 17 de la loi du 28 décembre 2019 a simplifié la procédure de délivrance du téléphone grave danger (TGD) aux victimes de violences dont le procureur de la République estime qu’elles encourent un péril imminent justifiant qu’elles puissent solliciter une intervention policière en urgence absolue. La demande d’équipement peut désormais être formulée par tout moyen et elle ne requiert plus l’engagement d’une procédure judiciaire à l’encontre de l’auteur.

Le téléphone grave danger dans les juridictions françaises

 

Janvier 2020

Septembre 2020

Variation

Équipements disponibles

1 153

1 560

+ 35 %

Équipements attribués

793

1 173

+ 48 %

Source : direction des affaires criminelles et des grâces, septembre 2020.

Cette évolution a été unanimement qualifiée de « grand succès » ([18]) au cours des auditions de contrôle menées par vos rapporteurs d’application. Le nombre d’équipements a progressé régulièrement depuis l’adoption de la loi, tant s’agissant des terminaux en dotation auprès des juridictions qu’en ce qui concerne les TGD effectivement attribués à des victimes de violences.

Ces chiffres montrent que la Chancellerie a efficacement sensibilisé les parquets à la modification du cadre légal et que les moyens adéquats ont été mobilisés pour doter les juridictions en matériels nécessaires ([19]).

2.   Des dispositions laissées pratiquement inappliquées

Si la plupart des articles de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille ont été globalement bien appliquées par le ministère de la justice, trois dispositions n’ont pas été mises en œuvre.

a.   La perte de la pension de réversion du conjoint violent, une disposition difficilement appliquée

En application du principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes », les personnes condamnées pour avoir donné volontairement la mort à leur conjoint – meurtre, assassinat ou empoisonnement – se trouvent classiquement déchues de leur droit à pension de réversion ([20]). Cependant, cette règle relevait de la simple pratique et n’avait jamais été consacrée par le législateur.

L’article 9 de la loi du 28 décembre 2019, issu d’un amendement adopté par le Sénat, est venu procéder à cette inscription dans la loi pour le régime général, le régime des fonctionnaires civils et militaires, la Mutualité sociale agricole et les régimes affiliés à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales. Il a également ajouté aux infractions entraînant la déchéance du droit à pension le crime de viol ainsi que les délits d’agression sexuelle et de violences.

Toutefois, la bonne application de la loi suppose une bonne communication des décisions judiciaires de condamnation aux organismes de sécurité sociale. D’après les informations recueillies par vos rapporteurs d’application, si ces organismes ont veillé à porter les nouvelles dispositions légales à la connaissance de leurs salariés ([21]), aucun protocole n’a été défini pour leur information des condamnations pénales prononcées à l’encontre des ayants droit. Neuf mois après l’entrée en vigueur de la disposition, un sondage conduit auprès de huit des quinze caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) a fait état de deux décisions de déchéance seulement.

Cette situation n’est pas satisfaisante puisqu’elle fait reposer la charge de l’effectivité des dispositions législatives sur la diligence des victimes de violences, voire sur des dénonciations auprès des caisses ([22]). On ne saurait, non plus, exiger que les dossiers de demande de pension de réversion incluent un bulletin n° 3 du casier judiciaire de l’ayant droit, puisque les mentions de condamnation ne précisent pas la circonstance aggravante de commission sur le conjoint.

Il revient à la Chancellerie et aux organismes de sécurité sociale de définir une procédure de communication adaptée pour assurer la bonne application de la loi. Vos rapporteurs d’application ont rappelé aux deux parties leurs responsabilités sur ce point.

b.   L’expérimentation en matière de logement, une disposition négligée

L’article 15 de la loi du 28 décembre 2019 poursuit l’objectif d’une amélioration du relogement des victimes de violence, souvent contraintes de quitter le domicile commun, seules ou avec leurs enfants, pour fuir les menaces et les coups. Il autorise à cette fin deux expérimentations pour une durée de trois ans :

– permettre aux bailleurs sociaux de louer des logements à des organismes déclarés ayant pour objet de les sous-louer à titre temporaire aux personnes justifiant de violences conjugales attestées par décision judiciaire ([23]) ;

– développer un dispositif d’accompagnement adapté des victimes prenant en charge le dépôt de garantie, les garanties locatives et les premiers mois de loyer.

La loi prévoyait également l’institution d’un comité de pilotage destiné à suivre la bonne marche des expérimentations, associant au moins deux députés, deux sénateurs et des représentants de l’État. Les détails de sa composition, ses missions et ses modalités de fonctionnement devaient être précisés par décret.

Ces dispositifs devaient entrer en vigueur six mois après la promulgation de la loi, soit le 28 juin 2020. Tel n’a pas été les cas. Ainsi que l’ont constaté vos rapporteurs d’application, les deux expérimentations n’ont pas été lancées. Quant au décret de constitution du comité de pilotage, il soulève toutes les inquiétudes :

– il n’a toujours pas reçu la signature des ministres délégués au logement et à l’égalité entre les femmes et les hommes ;

– dans la version provisoire qui a été décrite à vos rapporteurs d’application, il se borne à appeler à siéger les parlementaires et les représentants de l’État imposés par la loi, sans solliciter les organismes de financement pourtant seuls à même d’apporter aux expérimentations les moyens de leur réussite.

Vos rapporteurs d’application appellent le ministère du logement à se saisir au plus vite des prescriptions législatives et à jouer plus activement son rôle dans la lutte contre les violences au sein de la famille.

Il faut toutefois noter qu’en dépit de l’absence de décret, le message du législateur a été entendu par anticipation par les acteurs de terrain et les partenaire sociaux. Ainsi, le 23 septembre dernier, la fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF) et Action Logement ont-ils inscrit leur action dans la continuité de la convention-cadre « 10 engagements pour faire avancer la cause du logement chez les femmes victimes de violences conjugales » signée le 24 septembre 2019 entre le ministre du logement, le président de l’Union sociale pour l’habitat (USH) et la FNSF. En particulier, le partenariat sera renforcé par le déploiement expérimental du dispositif de sous-location prévu par la loi : pour une durée de trois ans, les organismes HLM pourront louer, meublés ou non, des logements à des organismes déclarés ayant pour objet de les sous-louer à titre temporaire aux personnes victimes de violences attestant de leur situation par une ordonnance de protection.

c.   L’application pour les victimes de violences, une disposition oubliée

L’article 18 de la loi du 28 décembre 2019 sollicite du Gouvernement la remise d’un rapport présentant les perspectives de développement, de certification et de mise à disposition du grand public d’une application téléchargeable relevant des pouvoirs publics. Ce dispositif permettrait à une victime d’obtenir les informations relatives aux démarches à accomplir, aux professionnels du droit et de la santé susceptibles de l’aider ainsi qu’aux associations et services prêts à l’accompagner dans sa démarche. Le délai de remise de ce rapport est fixé à trois mois à compter de la promulgation de la loi, soit au 28 mars 2020.

Vos rapporteurs d’application comprennent que la crise sanitaire ait pu contrarier le rythme de travail normal des ministères. Toutefois, l’épidémie de covid‑19 n’explique pas un retard qui atteint désormais dix mois. Elle explique moins encore que les représentants des différents ministères n’aient pas été en mesure d’identifier le service en charge de sa rédaction.

Une application numérique guidant les victimes de violences dans leur démarche serait pourtant de nature à combattre l’emprise et l’isolement dans lesquels elles sont souvent enfermées. Son intérêt serait manifeste, notamment en zone rurale dans lesquelles trouver un soutien est souvent plus difficile que dans les espaces urbains. Vos rapporteurs d’application insistent pour que le Gouvernement satisfasse aux prescriptions de l’article 18.


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   Examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 14 octobre 2020, la commission des Lois examine le rapport d’information sur la mise en application de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille (MM. Aurélien Pradié et Guillaume Vuilletet, rapporteurs d’application).

Lien vidéo :
http://assnat.fr/a8efTl

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Eu égard aux particularités de son objet et à l’importance des mesures réglementaires ou autres qui sont prévues, il a été jugé souhaitable que la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille donne lieu à un rapport d’application spécifique. Je donne la parole aux rapporteurs

M. Aurélien Pradié, rapporteur. La loi a été votée par l’Assemblée nationale le 15 octobre 2019 et, après un accord avec le Sénat, elle a été promulguée le 28 décembre 2019 par le Président de la République. Nous nous sommes attachés à vérifier sa bonne application et que les mesures qu’elle comporte avaient porté leurs fruits en termes de transformation de la société et de meilleure protection des victimes de violences. Nous avons conduit un nombre significatif d’auditions auprès des interlocuteurs ministériels et des acteurs de terrain capables de nous donner un ressenti sur la bonne ou mauvaise application des différentes dispositions.

Le premier volet de la loi concernait l’ordonnance de protection, outil sur lequel notre pays a souhaité fonder son dispositif d’urgence au bénéfice des victimes de violence. Il a d’abord été question de renforcer l’arsenal des mesures de l’ordonnance de protection. Nous avions constaté à quel point les différentes dispositions étaient peu utilisées par les magistrats, notamment en matière de port d’arme. Il n’était pas acquis que la disposition qui impose aux magistrats d’interroger les parties afin de statuer sur les différentes mesures soit opérationnelle. Les parlementaires ont tenu bon dans les débats : il s’agit aujourd’hui d’une des plus grandes satisfactions de la loi. Désormais, les magistrats, la Chancellerie et les avocats conviennent que les juges aux affaires familiales utilisent l’ensemble des possibilités offertes dans le cadre de l’ordonnance de protection.

Nous avons avancé à marche forcée sur le délai de délivrance de cette ordonnance de protection. La moyenne se situait à plus de quarante jours. La loi fixe désormais un délai maximum de six jours. Un premier décret du 27 mai 2020 est venu contredire ce que la loi voulait mettre en place, entraînant une levée de boucliers des parlementaires, des associations, des avocats et des magistrats. Ce décret, qui imposait la caducité de l’ordonnance de protection si des délais intenables étaient dépassés et qui faisait peser sur la victime un certain nombre de charges, a été retiré. Un nouveau décret, qui convient à tous, a été publié un mois plus tard. Lors des auditions, nous avons constaté que le délai de six jours n’était pas toujours respecté mais que les améliorations étaient très significatives.

Le bracelet anti-rapprochement, qui aurait pu être mis en place au 1er janvier 2020, ne l’a pas encore été. Il est expérimenté dans cinq tribunaux depuis quinze jours. Je serai attentif à ce que toutes les juridictions en soient dotées d’ici la fin de l’année.

Le téléphone grave danger (TGD) est une réussite significative de la loi. Son accès n’est plus soumis au respect de multiples procédures. En janvier 2020, sur 1 153 équipements disponibles, 793 étaient attribués. En septembre 2020, sur 1 560 TGD, 1 173 sont attribués. La clarification du dispositif a donc été nette.

D’autres dispositions ne sont en revanche pas du tout appliquées, dont la perte de la pension de réversion pour la personne ayant commis un crime sur son conjoint. La Caisse nationale d’assurance vieillesse est prête à mettre la mesure en œuvre mais elle n’a pas accès aux fichiers qui le lui permettraient. Les expérimentations sur le logement n’ont pas été mises en œuvre non plus ; le décret qui doit fixer le comité de pilotage est toujours attendu. S’agissant de l’application numérique, outil incontournable pour protéger les victimes, un rapport devait être remis dans les trois mois suivant la promulgation de la loi, mais il n’a pas été rédigé.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur. Nous avons voté ce texte à l’unanimité car il s’agissait d’une loi d’urgence. Nous avons fait diligence pour répondre à une situation qui pouvait devenir chaque jour plus dramatique.

Nous avons beaucoup travaillé et beaucoup innové. Je pense en particulier au lien entre le contentieux civil et les poursuites pénales. En outre, le fait que le juge civil énonce la liste des mesures possibles lors de l’audience sur l’ordonnance de protection, qui avait provoqué une sorte de scepticisme, est parfaitement mis en œuvre. Le nombre de décisions liées au port d’arme est important, tout comme la disposition sur la motivation de la décision de le maintenir. Les magistrats jouent pleinement le jeu, ce dont il faut se féliciter.

Il est parfois difficile de respecter le délai de six jours, mais il y a de toute façon un gain puisque nous sommes très en deçà de la situation initiale de quarante jours. J’espère que, dans quelques années, nous constaterons de nouvelles pratiques de façon à rendre plus fluides les circuits de décision.

S’agissant du logement, une convention a été signée entre les associations des victimes de violences conjugales et Action Logement pour que des hébergements soient attribués. C’est une bonne initiative des acteurs de terrain qui vient pallier une déficience dans l’application de la loi.

En ce qui concerne le bracelet anti-rapprochement, l’objectif était de garantir le respect des interdictions de contact et de paraître prononcées contre le conjoint violent. En l’espèce, le dispositif s’avère efficace. Nous avons constaté que la Chancellerie avait parfaitement accompli sa mission dans un délai de neuf mois qui me semble remarquable compte tenu des événements sanitaires. Le décret a été publié le 23 septembre 2020 après avis positif de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du Conseil d’État. Il a été présenté à Pontoise dès le lendemain. Le dispositif est donc mis en œuvre dans les délais annoncés par la Chancellerie lors du vote, soit avant la fin de l’année 2020. Le matériel est disponible ; la formation des acteurs a été dispensée ; il reste des protocoles à parfaire, mais ils sont en cours de rédaction. Je crois que nous aurons réussi à mettre en œuvre dans des délais record un dispositif de nature à sauver des vies.

Mme Marie-George Buffet. Il s’agit en effet d’une loi d’urgence et les chiffres constatés à la fin du confinement montrent que cette urgence est encore plus forte aujourd’hui. S’agissant des ordonnances de protection, les tribunaux appliquent la loi et les femmes sont protégées beaucoup plus rapidement qu’auparavant. C’est donc une avancée extrêmement positive. Par ailleurs, il faut que nous accentuions nos efforts pour exiger une mise en place du bracelet anti-rapprochement plus rapidement.

Je me félicite qu’Action Logement ait réagi car le 115 n’est pas une solution pour les victimes de violence. Il faut absolument obtenir que l’ensemble des bailleurs sociaux leur réservent des logements. À l’hôpital Robert-Ballanger, en Seine-Saint-Denis, il est prévu de créer un pavillon dans lequel les femmes victimes et leurs enfants pourront rester au maximum six mois. Cette initiative pourrait être reproduite ailleurs.

M. Hervé Saulignac. Le cœur du dispositif porte sur l’ordonnance de protection et sur la réduction du délai à six jours. Des améliorations considérables s’observent mais j’ai cru comprendre que 30 % des affaires n’étaient pas traitées dans ce délai, ce qui reste important. Quels sont les obstacles ? Est-il possible de disposer de statistiques pour évaluer la bonne tenue des délais ?

On parle de trente-et-un jugements mensuels concernant le retrait de l’exercice de l’autorité parentale. Que représente ce chiffre dans la globalité des affaires ? En ce qui concerne le bracelet anti-rapprochement, je loue votre détermination, mais je doute un peu de sa généralisation à l’ensemble de nos juridictions d’ici la fin de l’année 2020.

M. Jean Terlier. Il est important, dix mois après le vote de cette loi, de connaître la façon dont les magistrats et ceux qui doivent faire appliquer ses dispositions se saisissent de la question. Des difficultés subsistent quant à l’ordonnance de protection. Dans de nombreuses juridictions, le dépôt de plainte est presque une exigence à défaut de laquelle l’ordonnance peut être refusée. Nous devons tous insister sur le fait qu’il n’y a pas besoin de déposer plainte au préalable.

Le délai ramené à six jours est une très bonne chose. Il faudra être attentif, dans les prochains mois, à ce que les affaires ne soient pas ensuite renvoyées à un mois ou un mois et demi.

Par ailleurs, le « pont » établi entre le civil et le pénal pouvait sembler un peu baroque. Mais je constate que cela fonctionne, en tous cas que le juge pénal prononce davantage de retraits de l’autorité parentale. Nous n’avons pas encore les retours de l’application par le juge aux affaires familiales de la mise en place du bracelet anti-rapprochement. C’est un point de vigilance.

M. Aurélien Pradié, rapporteur. Il est essentiel que nous avancions sur le logement, qui n’est pas une question accessoire. Dans une écrasante majorité d’affaires à la conclusion tragique, le fait que les victimes ne soient pas parties est lié à cette question matérielle. Si nous voulons sauver ces vies, il faut régler ce sujet.

En ce qui concerne le respect du délai de six jours, nous n’avons pas de statistiques, le chiffre de 30 % avancé dans le rapport étant issu de sondages ponctuels et donc à considérer avec beaucoup de réserve. La Chancellerie n’est pas organisée aujourd’hui pour disposer de ce type de données sur l’ensemble du territoire. Il est fondamental que le ministère de la Justice se dote des outils nécessaires. Nous constatons toutefois que l’inscription du délai de six jours dans la loi a permis de se rapprocher significativement de l’objectif.

En 2019, 4 200 ordonnances de protection ont été comptabilisées. L’objectif est de parvenir à 6 000 ordonnances cette année. Ce sujet progresse, mais nous sommes encore assez loin du compte.

S’agissant du bracelet anti-rapprochement, je partage la nécessité d’être attentif à la tenue des délais. Notre loi généralise le bracelet mais ne prévoit pas d’expérimentation. Il ne faudrait pas que celle qui vient, en pratique, de débuter, se prolonge avant d’aboutir à un enterrement de première classe. L’objectif est une généralisation avant la fin de l’année. En outre, la question du financement devra être traitée : sur les 7 millions d’euros nécessaires, 2,7 millions sont apportés par un fonds expérimental – le fonds de transformation de l’action publique – qui ne présente pas un caractère pérenne. Il nous faudra sanctuariser le financement du bracelet pour l’année prochaine.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur. En ce qui me concerne, c’est la première fois que je prends part à une initiative législative qui va de bout en bout : nous avons décidé le bracelet anti-rapprochement et nous l’avons mis en œuvre.

Quant à l’ordonnance de protection, je me souviens qu’un de nos débats portait sur le principe même d’un délai maximum. Aujourd’hui, ce délai de six jours figure dans la loi et personne ne nous presse de le supprimer.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Y a-t-il une opposition à la publication de ce rapport d’information ?

Aucune opposition n’est relevée.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous autorisons donc la publication du rapport. Je vous remercie pour ce travail.


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   Personnes entendues

GOUVERNEMENT

     M. Stéphane Bredin, directeur de l’administration pénitentiaire

     M. Olivier Christen, directeur des affaires criminelles et des grâces

     M. Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du Sceau

     Mme Isabelle Rome, haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes

     Mme Audrey Farrugia, sous-directrice de l’insertion et de la probation

     M. Christian de Rocquigny, sous-directeur de la justice pénale générale

     M. Guillaume Arandel, chef de projet bracelet anti-rapprochement

     Mme Solène Margage, chef de la mission légistique et coordination normative à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques

     M. Pascal Girault, chef du service central des armes

     Mme Cécile Guerin, cheffe de la cellule d’appui territorial

     M. Grégoire Potton, directeur de cabinet

     Mme Amandine Giraud, directrice adjointe de cabinet

     Mme Charlotte Groppo, conseillère droits des femmes

     M. Owen Chartier, conseiller parlementaire

     Mme Catherine Lesterpt, cheffe adjointe du service des droits des femmes

     Mme Martine Jaubert, cheffe du bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie personnelle et sociale

     Mme Marie Rombaldi, conseillère "logement d’abord" et hébergement

ASSOCIATIONS ET FONDATIONS

     Mme Suzy Rojtman, porte-parole

     Mme Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques

     Me Anaïs Defosse, avocate, membre de la Force juridique de la Fondation des femmes

     Mme Louise Beriot, stagiaire

     Mme Ernestine Ronai

     Mme Carole Hamel, présidente

     Mme Élisabeth Fournier, vice-trésorière

     Me Lise Van Driel, avocate

SÉCURITÉ SOCIALE

     M. Patrice Costes, directeur juridique et de la réglementation

AVOCATS

     Me Aminata Niakate, présidente de la commission égalité

     M. Charles Renard, chargé de mission affaires publiques

     Me Christine Dubois, avocate

     Me Anne Jonquet, avocate

     Me Rebecca Charles-Garniel, avocate

*

*     *

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE (visite du 6 octobre 2020)

     Mme Danièle Churlet-Caillet, présidente

     M. Éric Corbaux, procureur de la République

     Mme Aurélie Canoves‑Fuster, secrétaire générale de la présidence

     Mme Ingrid Görgen, secrétaire générale du parquet

     Mme Anne-Sylvie Soudoplatoff, première vice-présidente, coordonnatrice du pôle famille

     Mme Hélène Tortel, première vice-présidente, coordonnatrice du pôle pénal

     Mme Anne Chevalier, vice-procureure chargée de la section du parquet civil

     Mme               Seyrane Merini, vice-présidente chargée des affaires familiales

     Mme Amélie Vivet, substitute en charge de la section d’action publique générale

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1])              Circulaire CRIM/2020-3/H2 du 23 janvier 2020 de la garde des Sceaux (JUSD2002214 C).

([2])              La procédure civile ne connaissait pas la notion de « fixation de la date de l’audience ». La loi l’a cependant choisie comme point de départ de la computation des délais, de préférence à la date de la saisine. Le législateur a ainsi cherché à concilier les voies procédurales de la requête et de l’assignation. Il résultait également de ce choix une maîtrise accrue des magistrats sur l’évolution de la demande.

([3])              Articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958.

([4])              Décret n° 2020‑636 du 27 mai 2020 portant application des articles 2 et 4 de la loi n° 2019‑1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

([5])              Le décret ouvrait également la possibilité d’une notification par voie administrative en cas de danger grave et imminent ou en l’absence d’autre moyen. Mais cette remise par officier de police judiciaire avait clairement vocation à demeurer exceptionnelle.

([6])              Jean-Michel Garry et Aurore Boyard, « Décret du 27 mai 2020 visant à agir contre les violences au sein de la famille : un recul stupéfiant des droits des victimes », Dalloz Actualités, 5 juin 2020.

([7])              Ibid.

([8])              Amendement n° 60 rectifié bis déposé sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales et en rédigeant l’article 1er B, séance du mardi 9 juin 2020.

([9])              Décret n° 2020‑841 du 3 juillet 2020 modifiant les articles 1136‑3 du code de procédure civile et R. 93 du code de procédure pénale.

([10])              Comme l’a indiqué au cours de la commission mixte paritaire réunie le 9 juillet 2020 sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales notre collègue sénatrice Marie-Pierre de la Gontrie : « Nous constatons, avec satisfaction, qu’un nouveau décret a été pris fort opportunément la semaine dernière. Il est plus satisfaisant, mais pas encore parfait (…). Cependant, l’architecture des mesures est plus protectrice. Les frais de signification pouvant relever de l’aide juridictionnelle, l’ensemble est acceptable. C’est pourquoi nous sommes favorables à la suppression de l’article 1er B… » (rapport n° 3072 de Mmes Marie Mercier et Bérangère Couillard au nom de la commission mixte paritaire, 10 juillet 2020).

([11])              Décret n° 2020‑930 du 28 juillet 2020 relatif à la mesure d’accompagnement de l’enfant par un tiers de confiance et modifiant le code de procédure civile.

([12])              L’ordonnance de protection, instrument de droit civil, ne saurait prononcer une injonction qui ne soit directement liée à la protection de la victime de violences.

([13])              Délibération n° 2020‑073 du 16 juillet 2020 portant avis sur un projet de décret relatif au bracelet anti-rapprochement.

([14])              Décret n° 2020‑1161 du 23 septembre 2020 relatif à la mise en œuvre d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement.

([15])              Circulaire CRIM/2020-19/E1 du 23 septembre 2020 du garde des Sceaux (JUSD2025172 C). Les modalités d’accueil des victimes de violences, la réponse pénale à apporter et l’impératif des retours d’expérience en matière d’homicides conjugaux sont également détaillés dans ce document.

([16])              Les atteintes volontaires à la vie (art. 221-5-5 du code pénal) et les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne ainsi que les agressions sexuelles et le harcèlement moral (art. 222-48-2 du même code).

([17])              Comme le souligne la circulaire précitée du 23 janvier 2020, « le parent, déchu de l’autorité parentale, en perd tous les droits, notamment les prérogatives exceptionnelles qui y sont rattachées telles que le droit de consentir au mariage, de demander son émancipation et de consentir à son adoption ».

([18])              L’expression est de Mme Ernestine Ronai, présidente du comité national de pilotage de l’ordonnance de protection.

([19])              La circulaire CRIM/2020-3/H2 du 23 janvier 2020 de la garde des Sceaux, précédemment citée, consacre son point I‑3 aux nouvelles règles applicables au téléphone grave danger.

([20])              Lettre de la Caisse nationale d’assurance vieillesse du 12 décembre 1978 (lien).

([21])              Fiche info de la réglementation n° 2020-3 du 24 février 2020 de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

([22])              « "Encore faut-il que les proches de la défunte préviennent les caisses de retraite", souligne Me Devers. "À l’avenir, on peut penser que certaines assurées préviendront elles-mêmes leurs régimes de la condamnation de leur conjoint ou ex-conjoint avant leur décès", poursuit ce spécialiste du droit de la famille » Retraite : plus de réversion en cas de violences conjugales », Le Monde, 6 mars 2020).

([23])              Par dérogation à l’interdiction générale de sous-location édictée à l’article L. 442‑8 du code de la construction et de l’habitation.