N° 3491

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2020.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur la relance dans le secteur de la défense

 

ET PRÉSENTÉ

PAR Mmes Françoise DUMAS et Sabine THILLAYE,

Députées

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(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, vice‑présidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Damien ABAD, Patrice ANATO, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Fannette CHARVIER, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Coralie DUBOST, Françoise DUMAS, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Alexandre FRESCHI, Mmes Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, M. Christophe JERRETIE, Mme Chantal JOURDAN, M. Jérôme LAMBERT, Mmes Constance Le GRIP, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Claude LECLABART, Patrick LOISEAU, David LORION, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Mme Catherine OSSON, MM. Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, Jean‑Pierre PONT, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, M. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. La crise a durement frappé le secteur de la défense

A. Un secteur stratégique pour l’Union européenne

B. Un secteur durement frappé par la crise

II. L’Union européenne ignore largement les enjeux de la relance du secteur de la défense

A. Le plan de relance européen ne fait pas du secteur de la défense une priorité

B. Les budgets européens de défense et de l’espace ont été significativement réduits par rapport à l’ambition initiale

III. Un plan de relance du secteur de la défense est nécessaire et pleinement justifié, tant sur le plan économique que sur le plan stratégique

A. la relance aurait, dans le secteur de la défense, un effet multiplicateur important

B. la relance dans le secteur de la défense et du spatial conforterait une industrie stratégique pour l’europe

IV. LA proposition de résolution européenne

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Amendements examinÉs par la commission

Proposition de rÉsolution europÉenne ADOPTÉE PAR LA COMMISSION


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   introduction

 

Mesdames, Messieurs,

Drame humain avant tout, la pandémie de Covid-19 est également à l’origine d’une crise économique inédite par sa nature et son ampleur. Les confinements de population mis en œuvre dans la plupart des pays européens ont en effet profondément déstabilisé les entreprises de tous les secteurs, avec des conséquences qui, malgré l’intervention forte des États, de l’Union européenne et de la Banque centrale européenne, risquent de se faire sentir pendant encore plusieurs années.

Parmi tous ces secteurs, le secteur de la défense apparaît lui aussi fortement impacté. Non seulement les entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) européennes sont fragilisées, en particulier celles des filières aéronautique et espace, mais leurs principaux clients, les États, font face à des déficits et une dette publics tels qu’il est à craindre une réduction drastique des budgets consacrés à la défense mais aussi à l’Espace dans l’Union européenne. 

Les conséquences économiques de cette double crise de l’offre et de la demande sont potentiellement catastrophiques : faillites, licenciements, rachats d’entreprises stratégiques par des concurrents étrangers, perte de savoir-faire, baisse de compétitivité, réduction des capacités d’innovation…

Or, dans le même temps, la pandémie de Covid-19 a aggravé les déséquilibres et les tensions sur la scène internationale, rendant l’environnement de sécurité de l’Union européenne encore plus instable, en particulier dans son voisinage.

Par conséquent, la crise a non seulement un impact économique fort mais également, compte tenu de la nature même des entreprises de défense, des conséquences stratégiques majeures : en affaiblissant la BITD, elle affaiblit la capacité de l’Union européenne à se défendre et à maîtriser les technologies de pointe, alors même que celle-ci a fait de l’autonomie stratégique l’objectif premier de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC).  

Pour ces deux raisons, économique et stratégique, un soutien fort de l’Union européenne et des États membres au secteur de la défense et de l’Espace, apparaît nécessaire. Tel est l’objet de ce rapport et de la proposition de résolution européenne qui l’accompagne.

 

 

I.   La crise a durement frappé le secteur de la défense

A.   Un secteur stratégique pour l’Union européenne

L’industrie européenne de défense réalise un chiffre d’affaires d’environ 100 milliards d’euros par an et représente environ 1,4 million d’emplois directs et indirects. En effet, si une petite dizaine de très grandes entreprises européennes – Airbus, Thales, MBDA, RheinMetall, Leonardo ou encore BAe Systems – concentrent l’attention politique et médiatique, notamment par les énormes contrats qu’elles remportent en Europe et dans le monde, celles-ci ne sont que la partie visible d’un écosystème constitué de plusieurs dizaines de milliers de soustraitants, souvent des PME très spécialisées, réparties sur l’ensemble du territoire européen. Ces sous-traitants constituent, avec leurs donneurs d’ordre, un élément essentiel de la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne.

Quant à l’industrie spatiale européenne, qui recoupe en partie l’industrie de Défense à travers des entreprises emblématiques comme Airbus ou Thales Alenia Space, elle est de bien plus petite taille puisqu’elle représente un chiffre d’affaires d’environ 8,5 milliards d’euros par an, pour environ 50 000 emplois directs.

Le secteur de la défense est donc stratégique par son poids économique et les emplois qu’il représente, sans oublier une contribution très positive au commerce extérieur de l’Union européenne.

Il présente également une autre caractéristique majeure, qu’il partage avec le secteur spatial : la BITD est une composante essentielle de l’autonomie stratégique européenne, laquelle peut se définir comme la capacité à défendre, sans dépendre de quiconque, ses intérêts stratégiques, où et quels qu’ils soient. C’est parce que l’Union européenne dispose, par l’intermédiaire de ses États membres et, en particulier, de la France, de cette BITD qu’elle peut poursuivre cet objectif d’autonomie stratégique dans l’environnement de sécurité toujours plus dégradé qui est le sien.

B.   Un secteur durement frappé par la crise

La pandémie de Covid-19 a obligé de nombreux États membres à arrêter les activités économiques « non-essentielles », dont celle des entreprises de défense, incluant celles du spatial, qui font face à une double crise.  

En premier lieu, une crise de l’offre. L’activité des entreprises ayant subi un coup de frein brutal, faute de productions à livrer, nombre d’entre elles ont vu leur trésorerie se dégrader, parfois très fortement. Tel est notamment le cas des très petites entreprises, en 4e ou 5e rang dans les chaînes d’approvisionnement, qui non seulement sont plus fragiles mais ont également davantage de difficulté que les plus grandes PME à recourir aux dispositifs nationaux d’aide.

Comme l’a souligné pour la France le rapport de MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot sur la place de l’industrie de défense dans la politique de relance (2020), les trois groupements industriels de la défense, en lien avec la direction générale de l’armement, ont entrepris une cartographie des PME de leurs secteurs respectifs afin de repérer les plus vulnérables, lesquelles se comptent déjà par dizaines dans chacun des secteurs – 70 pour le seul secteur aéronautique. Un tel constat vaut, très probablement, pour l’ensemble des États membres.

De plus, même si l’activité a repris un rythme quasi-normal, c’est au prix d’une baisse de l’efficacité et de la productivité, notamment liée aux divers protocoles sanitaires qui se traduisent par des surcoûts. Dans le rapport précité, le PDG de Naval Group les évalue entre 10 % à 20 %, précisant que, pour l’heure, ils ne sont pas pris en charge par les clients, y compris en France. Or, non seulement ces surcoûts réduisent les marges des entreprises concernées mais ils sont susceptibles d’affecter la compétitivité des entreprises et leur capacité à remporter des marchés à l’étranger.

En deuxième lieu, le secteur de la défense fait simultanément face à une crise de la demande. C’est particulièrement le cas pour les entreprises de la filière aéronautique comme Airbus et l’ensemble de ses sous-traitants. Elles sont en effet confrontées à la fragilisation de leurs principaux clients civils que sont les compagnies aériennes. Nombre d’entre elles ne pourront probablement pas éviter la faillite et les autres survivront en réduisant leurs coûts, notamment par l’annulation de commandes d’avions rendues par ailleurs inutiles compte tenu de l’effondrement du trafic aérien international et d’une reprise lente et incertaine.

S’agissant d’une filière duale – à la fois civil et militaire – le salut pourrait venir des commandes militaires mais celles-ci pourraient elles aussi subir les conséquences de la pandémie. En effet, toutes les entreprises du secteur de la défense présentent la particularité d’avoir pour seuls clients les États – États membres de l’Union européenne mais également États tiers, lesquels se retrouvent tous sous très forte contrainte budgétaire en raison des effets de la pandémie sur leurs ressources et leurs dépenses. Le risque est donc réel que le rétablissement des finances publiques se fasse, comme après la crise financière de 2008, au détriment de l’investissement public dans la Défense.

Il est vrai que pour le moment, aucune commande n’a été remise en cause, notamment en France, où elles s’inscrivent dans le temps long de la loi de programmation militaire. Toutefois, des annulations restent possibles et, surtout, ce temps long qui est celui du secteur de la défense peut entretenir l’illusion que celui-ci est protégé des conséquences de la crise. Or, comme l’indique le rapport précité, « même ponctuel, un trou dans les prises de commandes à l’export en 2020 aura des effets à retardement dans les cycles longs de l’armement. C’est ce qu’a fait valoir le PDG de MBDA, qui anticipe en 2020 un tel trou, avec des hypothèses basses allant jusqu’à une baisse de 50 % des commandes. Il se traduira par une perte de chiffre d’affaires dans trois ou quatre ans plutôt qu’en 2020, compte tenu des délais entre les commandes et les livraisons ».

II.   L’Union européenne ignore largement les enjeux de la relance du secteur de la défense

A.   Le plan de relance européen ne fait pas du secteur de la défense une priorité

Le 21 juillet 2020, le Conseil européen s’est accordé sur un plan de relance de 750 milliards d’euros destiné à aider l’économie européenne à faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 mais également à préparer l’avenir. C’est ainsi que cette somme se répartit en :

– 737,5 milliards d’euros, qui abonderont les plans de relance nationaux ;

– 6,9 milliards d’euros, ciblés sur le renforcement des systèmes de santé, de protection civile, d’aide humanitaire, et la recherche ;

– 5,6 milliards d’euros, en soutien aux entreprises et à l’investissement.

Pour bénéficier de ce plan, les États préparent des plans de relance décrivant les investissements envisagés pour la période 2021-2023. La Commission les approuvera en se fondant sur des critères valorisant la croissance, la création d'emplois et la résilience sociale des États membres. Les priorités affichées de ce plan sont la transition énergétique, la lutte contre le changement climatique et le numérique. Ainsi, 30 % des dépenses devront cibler le changement climatique afin d'atteindre l'objectif d'une neutralité carbone en 2050.

En revanche, rien n’est spécifiquement prévu pour les entreprises du secteur de la défense, pas plus d’ailleurs que pour celles du secteur spatial. Interrogé le 9 juillet 2020 par la commission des Affaires européennes et la commission de la Défense nationale de l’Assemblée nationale, M. Thierry Breton, commissaire chargé du marché intérieur et, à ce titre, de l’industrie de défense et spatiale, n’a cependant pas exclu que celles-ci en bénéficient, notamment au titre du soutien à l’investissement, mais sans plus de précision. Ce sera aux États membres, dans leur plan national de relance, de le proposer.

B.   Les budgets européens de défense et de l’espace ont été significativement réduits par rapport à l’ambition initiale

Depuis 2016, la défense figure parmi les priorités de l’Union européenne qui a multiplié les initiatives dont les plus ambitieuses sont :

– la Coopération structurée permanente, rassemblant 25 États membres autour de 47 projets de développement des capacités militaires européennes ;

– le Programme européen de développement de l’industrie de défense (PEDID), doté de 500 millions d'euros pour les années 2019 et 2020, visant à soutenir financièrement la compétitivité et la capacité d'innovation de l'industrie de défense européenne ;

– le Fonds européen de défense (FEDef), qui prendra la suite du PEDID pour les années 2021-2027.

Le FEDef était doté de 11,3 milliards d’euros (constants) dans la proposition de CFP 2021-2027 présentée par la Commission européenne en 2018. Toutefois, les difficiles négociations du Plan de relance européen, imbriquées avec celles du CFP, ont abouti le 21 juillet à un compromis à hauteur de 7 milliards d’euros. Les ambitions ont donc été sérieusement réduites car ce montant représente à peine un milliard d’euros par an sur la durée du CFP.

Maintenant que la question du montant du FEDef a été – a priori – réglée, reste à établir les règles de fonctionnement de celui-ci, lesquelles seront fixées par un règlement toujours en discussion au Conseil et au Parlement européen. Les discussions sont particulièrement tendues sur la question de l’éligibilité des entreprises des pays tiers, notamment celles du Royaume‑Uni et des États‑Unis, au FEDef. Les États membres sont divisés sur la question et, pour certains qui hébergent des filiales d’entreprises américaines, soumis à une forte pression des États-Unis pour une plus grande souplesse dans les critères d’éligibilité. Il va de soi que si le FEDef devait être largement ouvert aux entreprises des pays tiers, c’est autant de financement en moins pour atteindre l’objectif de l’autonomie stratégique.  

Quant à l’Espace, les ambitions ont elles aussi été rabotées, même si elles concernent, pour l’essentiel des activités civiles. Les crédits s’élèveront au plus à 13,2 milliards d’euros dans le CFP 2021-2027, loin des 16 milliards d’euros proposés par la Commission européenne dans sa proposition initiale, et à peine supérieurs, en euros constants, aux 11,1 milliards d’euros du CFP 2014-2020.

En conclusion, ni le Plan de relance européen, ni le futur Fonds européen de défense, ne semble, à ce stade, pouvoir être des instruments forts pour soutenir le secteur de la défense.

III.   Un plan de relance du secteur de la défense est nécessaire et pleinement justifié, tant sur le plan économique que sur le plan stratégique

A.   la relance aurait, dans le secteur de la défense, un effet multiplicateur important

Tous les secteurs de l’économie ou presque ont été atteints par les conséquences de la pandémie de Covid-19 et vos rapporteures conçoivent que tous ou presque sont fondés à demander un soutien de la part de l’Union européenne et des États membres. Toutefois peu d’entre eux présentent autant d’avantages du point de vue de l’efficacité de la relance que le secteur de la défense (incluant le spatial) et ce, pour quatre raisons rappelées par MM. Benjamin Griveaux et Jean‑Louis Thiériot dans leur rapport précité :

– les entreprises du secteur de la défense sont immédiatement disponibles. En effet, même si le soutien aux filières industrielles d’avenir est pertinent à long terme, l’industrie de défense a l’avantage sur elles d’exister aujourd’hui. Si des commandes lui sont passées, elle pourra les honorer immédiatement, créant des emplois, de l’activité et de la valeur ajoutée dans des délais compatibles avec les nécessités de la politique contra-cyclique ;

– le « multiplicateur keynésien » est plus élevé dans l’industrie de défense que dans d’autres secteurs. À long terme, c’est-à-dire au-delà de cinq ans, les dépenses d’armement ont un effet multiplicateur plus favorable que la plupart des autres dépenses. En effet, non seulement ce sont des dépenses d’investissement et non de fonctionnement mais elles bénéficient à des entreprises dont la production comme les chaînes d’approvisionnement sont presque exclusivement européennes, tout en étant fortement exportatrices. En outre, le nombre d’emplois créés s’établit entre 7 et 7,5 emplois directs par million d'euros investi dans la défense ;

– l’industrie de Défense, notamment en France, irrigue et innerve l’ensemble des territoires, y compris des zones que les autres industries ont délaissées à la faveur des mouvements de délocalisation des dernières décennies ;

– l’industrie de défense est à la fois une industrie de main-d’œuvre et de haute technologie, nourrissant tant l’emploi que la croissance potentielle. À ce titre, elle constitue aussi une industrie d’avenir car les avancées qu’elle permet par son effort de recherche ont, très souvent, des retombées significatives dans le domaine civil.

B.   la relance dans le secteur de la défense et du spatial conforterait une industrie stratégique pour l’europe

L’industrie de défense, incluant le spatial, n’est pas une industrie comme les autres. Ainsi qu’il a été dit supra, elle est une composante essentielle de l’autonomie stratégique d’un pays et, en l’espèce, s’agissant de la BITDE, de l’Union européenne. Cette dernière ne pourra pas assurer la protection des citoyens européens sur son territoire ni défendre ses intérêts sur la scène internationale sans une industrie de défense pérenne, compétitive et innovante.

Or, la crise déclenchée par la pandémie de Covid-19 a durement frappé les entreprises de ces secteurs, en particulier les PME et ETI. Certes, les mesures d’urgence adoptées par un certain nombre d’États membres, notamment la France, leur ont permis de « passer l’été » mais elles n’offrent en elles-mêmes qu’un bref sursis, surtout maintenant que la « deuxième vague » est en train de monter. Un « effet de falaise » est donc à craindre lorsque ces mesures prendront fin, surtout si l’épidémie se poursuit encore de nombreux mois et qu’une deuxième, voire une troisième vague de contamination surviennent.

Le risque, c’est que le ralentissement persistant de la production, conséquence de l’absence de nouvelles commandes, elles-mêmes gelées en raison de la recrudescence de l’épidémie et des incertitudes qui l’entoure, n’entraîne ces entreprises dans une crise aiguë de trésorerie débouchant, pour les plus fragiles d’entre elles, sur la faillite pure et simple. Celle-ci désorganiserait les filières de production avec des conséquences catastrophiques pour la BITD européenne. En effet, les compétences requises sont rares, les acquérir nécessite une formation longue et les entretenir suppose une pratique continue. Le maintien de la production apparaît donc comme un enjeu crucial.

La fragilisation des entreprises européennes de défense, si elle ne débouche pas sur la faillite, les expose à un autre risque. Elle les rend plus vulnérables que jamais à des prises de participation étrangères inamicales. MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot ont, lors de leurs auditions pour le rapport précité, reçu de nombreux témoignages de l’appétit des investisseurs étrangers pour les entreprises de défense françaises, prime contractors comme sous-traitants. La politique européenne de la concurrence, arc-boutée sur un marché pertinent réduit au seul marché européen alors qu’il est désormais mondial, facilite par ailleurs de telles prises de contrôle en empêchant la création de géants européens. Il va de soi que ces prises de contrôle ne pourraient qu’affaiblir l’autonomie stratégique européenne en transférant hors de l’Union européenne tant les technologies critiques que le pouvoir de décision.

Enfin, un troisième risque pèse sur les entreprises européennes de défense compte tenu de la crise déclenchée par le Covid-19. La baisse des commandes résultant des nouvelles contraintes budgétaires nationales pèsera à n’en pas douter sur la capacité d’innovation de celles-ci et sur l’investissement dans les technologies de rupture. L’effort de recherche ne pourra pas être maintenu au niveau actuel et, avec sa diminution, c’est la pérennité de la BITDE qui serait menacée autant que sa capacité à fournir aux États membres les armements nécessaires pour faire face aux futures menaces. 

Ces risques et leurs conséquences dans un environnement de sécurité toujours plus dégradé justifient qu’un effort particulier soit fait, dans le cadre des différents plans de relance nationaux mais également au niveau de l’Union européenne, en faveur de l’industrie de défense.

IV.   LA proposition de résolution européenne

La proposition de résolution européenne présentée par vos rapporteures est fondée sur les constats développés supra et la nécessité d’un soutien fort et rapide à l’industrie européenne de défense, incluant sa dimension spatiale, dans le cadre de la relance post-Covid-19 mais également à plus long terme.

Ce soutien prendrait trois formes :

– un soutien aux entreprises de défense, en particulier les PME et les ETI, dans le cadre des plans de relance nationaux, par exemple par des commandes supplémentaires d’équipements militaires ou spatiaux, ou des aides à la recherche et à l’investissement, préservant les capacités productives des entreprises concernées ;

– une application stricte des mécanismes de filtrage des investissements directs étrangers, tant au niveau des États membres (lorsqu’ils existent, comme en France), qu’au niveau de l’Union européenne, afin de préserver les entreprises stratégiques européennes d’un rachat hostile par leurs concurrents étrangers ;

– une réforme du contrôle des concentrations au niveau européen, dans un sens plus favorable aux regroupements d’entreprises de défense, leur permettant de lutter à armes égales sur un marché mondial où opèrent des concurrents étrangers eux-mêmes fortement concentrés.

Enfin, au-delà de l’impératif de relance, il semble nécessaire à vos rapporteures que les financements réduits du FEDef soient concentrés sur quelques projets structurants afin d’éviter un effet de saupoudrage qui nuirait à leur portée.

 

 

 

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 28 octobre 2020, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

 

Mme la Sabine Thillaye, rapporteure. Chers collègues, J’ai le plaisir d’accueillir ma collègue, Françoise Dumas, présidente de la commission de la Défense. Les questions européennes étant des questions transversales nous souhaiterions développer ces initiatives de travaux communs avec l’ensemble des commissions permanentes.

La proposition de résolution européenne que je vous présente aujourd’hui avec Françoise Dumas inaugure un cycle de travaux en commun de la commission des Affaires européennes et de la commission de la Défense sur la défense européenne, dans le cadre d’un groupe de travail que nous coprésidons. Ont été choisis comme sujets, d’ici à 2022, la coopération structurée permanente, qui fera l’objet d’une mission flash rapportée par Mme Natalia Pouzireff et Mme Michèle Tabarot, les opérations militaires extérieures de l’Union européenne et les marchés publics de défense européens. Toutefois, l’actualité étant ce qu’elle est, ce sont les secteurs de la défense et du spatial et la nécessité d’une relance de ceux-ci qui constituent l’objet de la présente PPRE.

Quelques chiffres pour commencer. L’industrie européenne de défense c’est un chiffre d’affaires d’environ 100 milliards d’euros par an et environ 1,4 million d’emplois directs et indirects. Une petite dizaine de très grandes entreprises (Airbus, Thales, MBDA, RheinMetall, Leonardo, Naval Group) concentrent l’attention mais elles ne sont que la partie visible d’un écosystème constitué de plusieurs dizaines de milliers de sous-traitants, souvent des PME très spécialisées, réparties sur l’ensemble du territoire européen. Ces grandes entreprises ou prime contractor et ces sous-traitants constituent un élément essentiel de ce qu’on appelle la Base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne.

Quant à l’industrie spatiale européenne, qui recoupe en partie l’industrie de défense à travers des entreprises emblématiques comme Airbus, elle est de plus petite taille puisqu’elle représente un chiffre d’affaires d’environ 8,5 milliards d’euros par an, pour environ 50 000 emplois directs.

Toutefois, au-delà des chiffres d’affaires et des emplois, si importants soient-ils, il faut souligner le caractère stratégique de l’industrie de défense et de l’industrie spatiale, qui ne sont pas des industries comme les autres. C’est parce que l’Union européenne dispose, par l’intermédiaire de ses États membres et, en particulier, de la France, de ces industries qu’elle peut poursuivre l’objectif de l’autonomie stratégique qui est le sien.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Industrie stratégique, le secteur de la défense a été durement frappé par la crise économique déclenchée par la pandémie de coronavirus. Le constat fait par nos collègues de la commission de la défense, Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot, dans un récent rapport d’information est sans équivoque. Cela touche tant les pure players, que les entreprises duales qui sont très nombreuses, notamment dans les domaines de l’aéronautique, de l’espace ou des technologies de l’information.

La crise, en réalité, est double.

En premier lieu, c’est une crise de l’offre. L’arrêt brutal de la production en mars a considérablement dégradé la trésorerie des entreprises de ces secteurs, en particulier les plus petites d’entre elles, lesquelles ont également davantage de difficulté que les grands groupes à recourir aux dispositifs nationaux d’aide. Ainsi, selon l’évaluation faite par les trois groupements industriels de la défense français, en lien avec la direction générale de l’armement, plusieurs centaines d’entreprises sont exposées à des vulnérabilités : le ministère des armées en a déjà aidé 120. Un tel constat vaut, très probablement, pour l’ensemble des Etats-membres.

De plus, même si l’activité a repris un rythme quasi-normal, c’est au prix d’une baisse de la productivité, notamment liée aux protocoles sanitaires, qui se traduit par des surcoûts évalués entre 10 et 20 %. Or, non seulement ces surcoûts réduisent les marges mais ils sont susceptibles d’affecter la compétitivité des entreprises et, par conséquent, leur capacité à remporter des marchés à l’étranger.

En deuxième lieu, le secteur de la défense fait simultanément face à une crise de la demande. C’est particulièrement le cas pour les entreprises de la filière aéronautique et spatiale comme Airbus ou Dassault Aviation et l’ensemble de leurs sous-traitants qui sont confrontées à la fragilisation de leurs principaux clients civils que sont les compagnies aériennes. Mais la crise de la demande est aussi alimentée, plus profondément, par les incertitudes concernant l’export et la difficulté de certaines entreprises à poursuivre leurs prospections du fait de l’annulation en série des salons internationaux et de la difficulté de se déplacer : ces commandes manquées n’auront des effets qu’à retardement mais risquent d’être bien réelles à moyen terme. Enfin, il ne faut pas négliger les effets que pourraient avoir la crise sur les budgets des États et le risque que le rétablissement des finances publiques pourrait faire courir, comme après la crise financière de 2008, sur l’investissement public dans la défense.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. Le risque d’un sous-investissement dans la défense est donc majeur, d’autant plus que ce secteur, comme d’ailleurs le spatial, ne figure pas parmi les priorités du Plan de relance européen tel qu’il a été adopté par le Conseil européen le 21 juillet dernier. Notons d’ailleurs que dans le discours sur l’État de l’Union prononcée par Ursula Van der Leyen, présidente de la Commission européenne, aucune mention à la défense n’a été faite alors même que c’est une des priorités de l’Union.

Concernant le plan de relance, il se ventile entre : 737,5 milliards d’euros, qui abonderont les plans de relance nationaux ; 6,9 milliards d’euros, ciblés sur le renforcement des systèmes de santé, de protection civile, d’aide humanitaire, et la recherche ; et 5,6 milliards d’euros, en soutien aux entreprises et à l’investissement.

Pour bénéficier de ce plan, les États préparent des plans de relance décrivant les investissements envisagés pour la période 2021-2023. La Commission les approuvera en se fondant sur des critères valorisant la croissance, la création d'emplois et la résilience sociale des États membres. Les priorités affichées sont la transition énergétique, la lutte contre le changement climatique et le numérique.

En revanche, rien n’est spécifiquement prévu pour les entreprises du secteur de la défense, pas plus d’ailleurs que pour celles du secteur spatial. Interrogé le 9 juillet 2020 par la commission des Affaires européennes et la commission de la Défense nationale, Thierry Breton n’a pas exclu que celles-ci en bénéficient, notamment au titre du soutien à l’investissement, mais sans plus de précision. Ce sera aux États-membres, dans leur plan de relance, de le proposer.

Pas grand-chose donc à attendre du plan de relance européen, pas plus malheureusement que du prochain cadre financier pluriannuel (CFP). Pour les années 2019‑2020, le budget de défense de l’Union européenne, via le programme européen de développement de l’industrie de défense, est de 500 millions d’euros. Le Conseil européen du 21 juillet a abouti à un compromis qui dote le Fonds européen de défense (FEDef) de 7 milliards d’euros pour la période 2021-2027, soit un milliard d’euros par an. Ce montant représente une augmentation significative, même si les ambitions ont été sérieusement réduites. En effet, le Fonds européen de défense (FEDef) était doté de 11,3 milliards d’euros dans la proposition de CFP 2021-2027 présentée par la Commission européenne en 2018.

Quant à l’espace, les ambitions ont elles aussi été rabotées, même si elles concernent, pour l’essentiel des activités civiles. Les crédits s’élèveront au plus à 13,2 milliards d’euros dans le CFP 2021-2027, loin des 16 milliards d’euros proposés par la Commission européenne dans sa proposition initiale, et à peine supérieurs, en euros constants, aux 11,1 milliards d’euros du CFP 2014-2020.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. La modestie accordée à la défense dans le Plan de relance européen est expliquée par l’annonce préalable d’un plan aéronautique et un projet de loi de finances 2021 en conformité avec les ambitions de la Loi de programmation militaire 2019‑2025. Ces éléments sont recevables mais il n’est pas inutile de souligner que, parmi l’ensemble des secteurs économiques, peu présentent autant d’avantages du point de vue de l’efficacité de la relance que ce secteur.

Premièrement, les entreprises du secteur de la défense sont immédiatement disponibles. En effet, même si le soutien aux filières industrielles d’avenir est pertinent à long terme, l’industrie de défense a l’avantage sur elles d’exister aujourd’hui. Si des commandes lui sont passées, elle pourra les honorer immédiatement, créant des emplois, de l’activité et de la valeur ajoutée dans des délais compatibles avec les nécessités de la politique contra-cyclique.

Deuxièmement, le « multiplicateur keynésien » est plus élevé dans l’industrie de défense que dans d’autres secteurs car elle repose sur des investissements qui bénéficient à des entreprises dont la production comme les chaînes d’approvisionnement sont presque exclusivement européennes, tout en étant fortement exportatrices.

Troisièmement, l’industrie de défense, notamment en France, irrigue et innerve l’ensemble des territoires, y compris des zones que les autres industries ont délaissées à la faveur des délocalisations de ces dernières décennies.

Quatrièmement, l’industrie de défense est à la fois une industrie de main-d’œuvre et de haute technologie, nourrissant tant l’emploi que la croissance potentielle. À ce titre, elle constitue aussi une industrie d’avenir car les avancées qu’elle permet par son effort de recherche ont des retombées significatives dans le domaine civil.

Au-delà de la justification économique, une relance spécifique du secteur de la défense est justifiée compte tenu de leur caractère stratégique, de leur contribution à la nécessaire souveraineté européenne et des risques que fait peser l’affirmation désinhibée de logiques de puissances sur les pourtours même de l’Europe.

La crise déclenchée par la pandémie de Covid-19 a durement frappé les entreprises de ces secteurs, en particulier les Petites et moyennes entreprises (PME) et Entreprise de taille intermédiaire (ETI). Malgré les mesures d’urgence adoptées par un certain nombre d’États-membres, notamment la France, elles restent très fragiles, d’autant plus que l’épidémie, loin de disparaître, connaît une seconde vague. Le plan de relance européen doit donc être une opportunité pour conforter ces entreprises essentielles à l’autonomie stratégique de l’Europe alors que les menaces se renforcent. Il s’agit de conjurer trois risques principaux :

Le premier risque est celui d’une crise aiguë de trésorerie de certaines entreprises pouvant déboucher sur une faillite pure et simple qui désorganiserait durablement les filières de production de la BITD européenne, dans un contexte où les compétences nécessaires sont souvent rares et où il est nécessaire de les entretenir dans la durée pour ne pas les perdre définitivement ;

Le second risque est celui des prises de participation étrangères. Il convient en effet d’éviter que la fragilisation des entreprises de défense ne les rendent plus vulnérables à des prises de participation étrangères inamicales. La politique européenne de la concurrence, arc‑boutée sur un marché pertinent réduit au seul marché européen alors qu’il est désormais mondial, facilite d’ailleurs de telles prises de contrôle en empêchant la création de géants européens. Il va de soi que celles-ci ne pourraient qu’affaiblir l’autonomie stratégique européenne en transférant hors de l’Union européenne tant les technologies critiques que le pouvoir de décision.

Enfin, il s’agit que les difficultés engendrées par la crise sanitaire ne pèsent pas sur la capacité d’innovation des entreprises de défense européennes, ni sur l’investissement dans les technologies de rupture qui sont, tous les deux, les garanties de l’adaptation de la BITD européenne aux enjeux de souveraineté de l’Europe et aux menaces futures. 

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. Ces risques et leurs conséquences dans un environnement de sécurité toujours plus dégradé justifient qu’un effort particulier soit fait, dans le cadre des différents plans de relance nationaux mais également au niveau de l’Union européenne, pour soutenir l’industrie de défense et l’industrie spatiale.

Ces mesures de soutien pourraient prendre trois formes : D’abord, un soutien aux entreprises, en particulier les PME et les ETI, dans le cadre des plans de relance nationaux, par exemple par des commandes supplémentaires d’équipements militaires ou spatiaux, ou des aides à la recherche et à l’investissement, préservant leurs capacités productives.

Ensuite, l’application stricte des mécanismes de filtrage des investissements directs étrangers, tant au niveau des États-membres, qu’au niveau de l’Union européenne, afin de préserver les entreprises stratégiques européennes d’un rachat hostile par leurs concurrents étrangers ;

Enfin, une réforme du contrôle des concentrations au niveau européen, dans un sens plus favorable aux regroupements d’entreprises de défense, leur permettant de lutter à armes égales sur un marché mondial où opèrent des concurrents étrangers eux-mêmes fortement concentrés.

Au-delà de l’impératif de relance, il nous semble nécessaire que les financements du FEDef, parce que réduits, soient concentrés sur quelques projets structurants afin d’éviter un effet de saupoudrage qui nuirait à son efficacité.

 

L’exposé des rapporteures a été suivi d’un débat.

 

Mme Aude Bono-Vandorme. Je tiens à remercier les rapporteures d’avoir mis en lumière, dans cette période de crise économique, la nécessité de considérer de manière spécifique la défense dans les plans de relance que nos gouvernements mettent en place. Le contexte géostratégique est à ce point chamboulé que de nombreux États, dont des États européens, ont choisi de réinvestir dans leur appareil de défense comme la Finlande, la Suède ou encore la Grèce. En Europe, nous avons la chance d’être capables de produire sur notre territoire une vaste gamme d’équipements militaires grâce à un tissu industriel qu’il nous faut préserver, surtout en cette période de crise.

En France, l’action de la Délégation générale à l’Armement (DGA) a été saluée dès les premiers moments du confinement. La mise en place d’une task force de sauvegarde de notre BITD a utilement permis de cartographier 1 200 entreprises du secteur et de proposer des actions de remédiations pour 120 d’entre elles. Le retour que nous avons eu du terrain est très positif sur cette démarche proactive de la DGA.

Aussi, alors que la situation économique des entreprises de défense doit être comparable ailleurs en Europe, savez-vous si des actions similaires ont été entreprises dans d’autres pays européens ? 

Enfin, chaque crise pouvant également être vue comme une occasion de revoir certaines pratiques, et de s’interroger sur sa propre stratégie, identifiez-vous des évolutions à venir venant consolider le marché de défense européen ? Quels sont, selon vous, les critères à respecter pour faire du fonds européen de défense un programme efficace ?

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. S’agissant de la situation économique des entreprises de défense en Europe, nous ne savons pas si de telles actions de remédiations ont été mises en place dans d’autres pays européens. C’est possible même s’il ne faut pas oublier que si l’industrie de défense est très importante dans un pays comme la France, elle l’est beaucoup moins dans d’autres États membres.

Sur l’Europe spatial, un point positif doit être souligné s’agissant de l’Agence spatiale européenne qui est cofinancée par vingt-deux États membres à hauteur de 14,4 milliards d’euros, principalement par la France et l’Allemagne.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Je crois qu’il est encore un peu trop tôt pour définir quelles évolutions pourraient intervenir. Même si l’on voit bien que la gestion du Covid devient identique, les choses s’aggravent partout. Pour consolider ce marché européen de défense, une solution très simple serait de permettre le regroupement des entreprises européennes, afin qu’elles puissent être concurrentielles face aux géants américains, russes ou chinois sur les marchés internationaux. Ces derniers sont par ailleurs très attentifs à la fragilisation de certaines de nos entreprises, et n’hésiteraient pas, le cas échéant, à leur faire des offres très attractives. Il m’apparaît donc nécessaire de réformer le droit européen de la concurrence sur ce point, ce que propose la résolution présentée aujourd’hui.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. S’agissant du Fonds européen de défense, personne ne sait aujourd’hui quels programmes en bénéficieront, même si l’on peut supposer que ce sera le cas des projets portés au sein de la coopération structurée permanente. Le plus grand risque, à mon sens, est celui du saupoudrage, car il y a à ce jour quarante-sept projets en cours de développement au sein de la CSP. Le FEDef serait d’autant plus efficace que ses financements seraient concentrés sur quelques projets identifiés, et la proposition de résolution reprend cette idée de définir plus clairement les priorités.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je vous félicite au nom de mon groupe pour cette résolution qui vise exactement dans le cœur de la cible. Les principaux axes retenus sont excellents. Vous faites tout d’abord une critique de la timidité des autorités nationales et européennes dans la volonté de mettre les problèmes de défense au cœur des deux grandes initiatives actuelles, c’est-à-dire le plan de relance européen et le plan français.

J’irai en revanche plus loin sur la critique, qui m’est personnelle et que mon groupe ne partage pas nécessairement. Je suis de ceux qui considèrent que l’accent mis sur les investissements à caractère écologique par les plans de relance n’est pas forcément pertinent. La raison est que l’écologie est un marché porteur, qui s’inscrit sur le long terme. L’urgence doit porter sur les entreprises qui sont en crise et subissent un trou d’air en ce moment. Je considère que l’action à long terme d’adaptation de l’économie française ne doit pas être confondue avec l’action dictée par situation d’urgence actuelle à laquelle nous devons faire face.

Deuxièmement, sur le plan européen, je trouve que votre proposition n’est pas assez ferme. Il est inadmissible qu’il y ait eu un recul aussi massif, dans les décisions prises depuis juillet, sur la défense et je crois que vous ne le soulignez pas assez.

Ensuite, vos propositions sont excellentes. Vous dites qu’il faut « cibler » les entreprises qui seraient éligibles à une action prioritaire dans le cadre des plans européen et français. Je pense que vous le dites très clairement, et que vous avez raison de dire qu’il faut se mettre en mesure de bien contrôler les investissements qui ont des conséquences sur l’indépendance nationale et européenne. Vous avez également tout à fait raison de dire qu’il faut élargir le marché pertinent, car nous avons besoin de règles de concurrence qui ne nous pénalisent pas par rapport à nos concurrents extra-européens. Tout cela est bien. La seule chose que j’aurais à redire est à propos du phrasé dans la résolution que je pense trop faible. Je trouve qu’il faut envoyer un message fort. Par exemple, au deuxième point de la proposition, vous dites « salue l’avancée majeure que constitue la création du Fonds européen de défense », non ! Cela aurait été une avancée majeure si les propositions de la Commission avaient été respectées, j’aurais donc mis simplement « l’avancée ». De même, au troisième point, vous mettez « regrette que les secteurs de la défense et de l’espace ne figurent pas parmi les priorités du plan de relance européen », je dirais carrément « déplore ». Aussi, avant, j’aurais ajouté « regrette la réduction » à la place de « malgré ». Au point quatre, vous dites que le secteur de la défense et de l’espace est « pertinent sur le plan économique » et « nécessaire » mais je crois que dans les deux cas il faut dire « prioritaire ». Le sens de cette résolution est de marquer une vraie prise de conscience et de montrer la frustration de la part de notre assemblée par rapport à la timidité des initiatives prises.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Je reconnais que nous avons fait le choix de la diplomatie et atténué le côté offensif de nos propos.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. Vous avez raison en soulignant que le maintien des emplois, et surtout des compétences, est primordial, d’autant que la perte de compétence en matière militaire a des impacts sur le civil. Nous nous sommes rendues avec la Présidente Dumas à Toulouse chez Airbus, Thalès mais aussi des sous-traitants, qui ont une vraie crainte de perdre ces compétences.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Nous avons la particularité dans notre pays d’avoir, comme l’Allemagne, des entreprises de très haut niveau intégrées dans une chaîne de production performante. Si les commandes existantes ont été maintenues, le risque est réel que cette dernière soit fragilisées par la faillite ou le rachat de certaines entreprises stratégiques. Nous devons ainsi veiller à les préserver, tout comme leur savoir-faire.

Mme Marietta Karamanli. La proposition de résolution est opportune pour au moins deux raisons.

Premièrement, les crises sanitaire et économique sont graves et durables. Elles supposent un soutien économique et financier que seuls les États sont en mesure de prodiguer. Ils assurent une fonction économique anticyclique ; le plan de relance ne doit pas faire l’impasse sur ce secteur stratégique.

Deuxièmement, les crises politiques et sociales internes à certains États s’exportent sous forme de menaces ou conflits régionaux dans lesquels d’autres États entendent faire prévaloir leurs intérêts. L’OTAN n’est plus vue par certains États comme une alliance impliquant le respect d’une solidarité stratégique, mais comme une organisation d’influence et un marché d’armement, souvent favorable aux États-Unis. L’alternative est désormais dans la construction, par nature progressive, d’une défense européenne. La relance autour de projets communs doit jouer un rôle moteur pour développer des capacités partagées ou mutualisées.

Nous soutenons le sens général de la proposition de résolution, mais nous aurions souhaité affirmer davantage le soutien à la cyberdéfense. Même si c’est une compétence des États membres, l’Union européenne ne doit pas être en retrait.

En 2018, le Parlement européen a considéré qu’une des faiblesses des États membres résidait dans la fragmentation des stratégies et des moyens. C’est pour cette raison que notre groupe a déposé deux amendements. Le premier rappelle l’importance de la préservation du tissu économique et des petites entreprises qui travaillent pour ce secteur. Le second porte sur l’importance du soutien financier aux programmes d’armement existants.

Mme Frédérique Dumas. Je salue la qualité de vos propositions. Je souhaite exprimer une nuance par rapport à ce qu’a dit Jean-Louis Bourlanges. On peut certes changer les mots, mais cela ne change pas les choses. En matière de politique étrangère, si l’on n’est pas concret, si l’on n’a pas des rapports de force réels, il ne sert à rien de continuer à évoquer nos valeurs universelles.

Ce qui est intéressant, c’est de regarder les points sur lesquels il est possible de peser. La réalité, c’est que l’Europe n’a pas voulu faire de la défense une priorité.

Certains points de la proposition de résolution sont intéressants, notamment sur les marchés pertinents, et l’on peut se mettre d’accord avec d’autres pays. C’est le cas également du dernier point qui estime nécessaire de se concentrer sur certains investissements, qui rejoint l’amendement du groupe socialiste. Il faut vérifier si les programmes existants sont toujours adaptés, mais il y a effectivement des programmes qui n’avancent pas parce qu’il manque un peu d’argent. Nous soutenons également la demande de cibler les investissements stratégiques, ainsi que les PME et les ETI dans le plan de relance.

Que va-t-on faire avec le Royaume-Uni ? Même s’il n’est plus dans l’Union européenne, il compte en matière de défense. Il faut être pragmatiques, nous avons besoin de lui.

Mme Liliana Tanguy. Il y a un manque de volonté budgétaire concernant la défense, en particulier pour le spatial, ce dont témoigne l’absence dans le plan de relance européen de mesures de soutien à l’investissement des entreprises du secteur. Interrogé sur cette lacune, le commissaire Breton, avait répondu que chaque État membre était libre de le proposer dans son plan de relance national. Y a-t-il des fonds fléchés vers ces investissements en France et dans d’autres États membres ? Si ce n’est pas le cas, nous pourrions avoir des inquiétudes quant à la souveraineté européenne.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. Concernant la cyberdéfense, nous n’avons pas voulu trop entrer dans les détails sectoriels, mais c’est évidemment un sujet très important, comme le spatial. Les deux sont d’ailleurs très connectés. Lors de notre déplacement à Toulouse, j’ai été frappée d’apprendre que l’on utilisait quotidiennement les services de 20 à 25 satellites pour le fonctionnement de nos ordinateurs ou de nos téléphones portables, qui sont naturellement exposés à des attaques.

Que faire avec le Royaume-Uni ? Nous avons des accords bilatéraux, comme ceux de Lancaster House, dont nous fêtons les 10 an, qui vont se poursuivre. Au niveau européen, il y a des discussions pour savoir dans quelle mesure les pays tiers et leurs entreprises pourront bénéficier du fonds européen de défense et à la coopération structurée permanente. S’agissant du Royaume-Uni, tout dépend de la nature de notre relation future.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Nous avons confié à deux de nos collègues une mission « flash » sur les 10 ans des accords de Lancaster House.

Deux objectifs sont ressortis de cette mission « flash ». Il faut d’abord, jusqu’en 2021, progresser sur les importants programmes bilatéraux en cours : le futur missile de croisière et les futurs missiles antinavires, ainsi que la guerre des mines. Une fois le Brexit mis en œuvre et les fondements politiques de notre coopération future posés, il faudra approfondir la coopération dans le cadre d’un « Lancaster House 2 », notamment la coopération opérationnelle pour ce qui concerne l’opération Barkhane, les hélicoptères CH‑47 ou le déploiement de bases aériennes projetées communes, ainsi que la coopération industrielle autour de One MBDA.

De manière générale, avec nos amis britanniques, nous avons une culture stratégique et d’intervention fondée sur une histoire commune, des objectifs communs et des valeurs communes.

Le rapport que j’ai fait avec Éric Straumann en 2019 sur Les enjeux européens de l’industrie de la défense concluait à la nécessité de faire progresser la réflexion sur l’autonomie stratégique. À partir du moment où on définit notre stratégie, on définit aussi les moyens de la mettre en œuvre face à des dangers venus de l’extérieur.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. Nous avons aujourd’hui soixante-dix agences spatiales dans le monde. Les investissements publics sont en forte hausse. Il faudrait bien sûr mettre plus de moyens financiers sur le volet écologique, mais nous sommes dans un monde où les menaces sont protéiformes, hybrides. Les enjeux sont colossaux ; on ne peut plus se permettre d’être naïf.

Mme Liliana Tanguy. Est-ce la France fait néanmoins un effort en faveur de la défense dans le cadre de son plan de relance national ?

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. Même si le plan de relance n’est pas axé sur la défense, notre pays a déjà fait un effort dans le cadre de la Loi de programmation militaire. Le Centre national d’études spatiales devrait recevoir une subvention d’environ 130 millions d’euros en 2021. Nous arrivons bientôt à l’objectif des 2 % du PIB consacré à la défense, même si c’est évidemment plus facile compte tenu de la contraction du PIB.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Dans le plan de relance, 365 millions d’euros ont été fléchés pour le spatial. La LPM continue de se décliner de la façon dont elle avait été initialement prévue, avec une étape de révision l’an prochain, mais la trajectoire n’a pas été perturbée par la crise sanitaire. La DGA a apporté une attention particulière aux petites entreprises. Les commandes prévues ont été effectuées : rien que dans le secteur aéronautique, il y a eu les commandes de trois Airbus MRTT, des hélicoptères Caracal.

M. Jean-Louis Bourlanges. Une résolution n’est pas faite pour être très précise, mais pour envoyer un message politique. On ne peut pas reprocher à une résolution de cet ordre de ne pas entrer dans les modalités détaillées du sujet traité. Le message politique que vous envoyez est très clair ; je regrette simplement qu’il ne soit pas plus fort.

La commission examine les amendements n°os 1 et 2 présentés par Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Cet amendement rappelle l’importance de préserver une base industrielle et technologique de défense dans le cadre de la crise actuelle. Le deuxième, que je présente dès à présent, vise à compléter l’alinéa 15, pour que puissent également être financés les programmes existants, comme le Système de combat aérien du futur.

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. Je suis d’accord sur le fond avec l’amendement n° 1 mais défavorable à son adoption car déjà satisfait par l’objet même de la PPRE.

L’amendement n° 1 est rejeté.

Mme Françoise Dumas, rapporteure. L’amendement n° 2 pose une difficulté dans le fait qu’il vise spécifiquement trois programmes, dont l’un en coopération avec les Britanniques – le système de lutte anti-mines du futur, excluant donc tous les autres. La difficulté est d’autant plus grande que tous les États ne sont pas concernés par chaque programme. Par exemple le SCAF concerne la France, l’Allemagne et l’Espagne.

Mme Marietta Karamanli. Je voulais rappeler que les financements européens devaient pouvoir financer en priorité les programmes existants qui nécessiteraient des apports complémentaires. Ce n’est donc pas superflu de le rappeler et cela ne remet pas en cause l’équilibre de la PPRE.

Mme Frédérique Dumas. Je trouve que le deuxième amendement n’est pas aussi redondant que le premier. Il serait dommage de le rejeter.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je comprends l’intérêt de cet amendement, mais nous ne pouvons pas faire de la résolution une revue de programmes. On ne peut pas recréer « par inadvertance » des arbitrages entre les programmes. Or, dès lors que vous citez certains programmes, vous les privilégiez au détriment d’autres. Nous n’avons pas examiné l’ensemble des programmes et ce n’est pas notre rôle de le faire. Je soutiens le point de vue des rapporteures.

Mme Frédérique Dumas. Peut-être pourrait-on rédiger l’amendement de manière différente pour souligner la possibilité de financer des programmes existants, sans les mentionner.

Mme Marietta Karamanli. Je vous fais une proposition : dans l’alinéa 15, on peut garder les deux premières lignes de l’amendement, supprimant ainsi la référence aux programmes. On conserverait ainsi l’exposé des motifs et l’idée d’un financement « complémentaire ».

Mme Françoise Dumas, rapporteure. J’adhère à l’alinéa dans son esprit. Il resterait toujours une expression qui me gêne, « notamment d’États européens », qui sous-entend un élargissement aux États tiers.

Mme Marietta Karamanli. Dans ce cas il suffit de supprimer aussi le « notamment ». L’essentiel est de conserver l’idée de financements complémentaires.

M. Christophe Jerretie. Il faudrait ajouter « financier » après « soutien ».

Mme Françoise Dumas, rapporteure. J’aurais également enlevé « tant des États membres concernés ».

Mme Marietta Karamanli. Je reformule la rédaction de l’amendement : « Appelle au soutien financier de l’Union européenne aux programmes d’armement existants faisant déjà l’objet d’une coopération des États membres ».

Mme Sabine Thillaye, rapporteure. Je pense qu’il serait préférable d’améliorer la rédaction de l’amendement pour le passage en commission de la Défense.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article unique de la proposition de résolution.

La proposition de résolution est donc ainsi adoptée.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du présent rapport d’information en vue de sa publication.

 

 


—  1  —

   Amendements examinÉs par la commission

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

27 octobre 2020


PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE RELATIVE A LA RELANCE
DANS LE SECTEUR DE LA DÉFENSE

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

Mme Marietta Karamanli, Mme Chantal Jourdan, M. Jérôme Lambert

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 12, insérer l’alinéa additionnel suivant :

« Rappelle l’importance de préserver une base industrielle et technologique de défense dans le contexte de la crise actuelle où la faillite probable de multiples PME et ETI pourrait remettre directement en cause la sécurité d’approvisionnement indispensable à la souveraineté de nos armées. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Cet amendement du groupe « Socialistes et apparentés » vise à souligner l’urgence de soutenir les PME et ETI pour préserver la base industrielle et technologique de défense. Cette dernière pourrait se voir mis en danger par de multiples faillites qui pourraient remettre en cause l’approvisionnement chez des fournisseurs nationaux de pièces et de matériels qu’il faudrait alors aller rechercher auprès de concurrents. La perte de maitrise technologique n’est pas seulement un risque pour les grandes entreprises d’armement qui commercent à l’international mais également plus directement un risque pour les PME et ETI dont on ne soulignera jamais assez l’importance.

 

Cet amendement est rejeté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

27 octobre 2020


PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE RELATIVE A LA RELANCE
DANS LE SECTEUR DE LA DÉFENSE

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Mme Marietta Karamanli, Mme Chantal Jourdan, M. Jérôme Lambert.

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 15, insérer l’alinéa additionnel suivant :

« Appelle au soutien tant des Etats membres concernés que de l’UE aux programmes d’armement existant faisant déjà l’objet d’une coopération notamment d’Etats européens comme les programmes relatifs au système de combat aérien du futur (SCAF) ; au système de patrouille maritime future (PATMAR futur) et au système de lutte anti-mines du futur (SLAMF). »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Cet amendement du groupe « Socialistes et apparentés » vise à rappeler que de nombreux programmes de coopération en matière d’armement sont déjà conçus en coopération avec d’autres Etats européens. Les difficultés rencontrées qui sont parfois susceptibles d’entraîner des retards dans la progression de ces programmes résident souvent dans le partage de la charge financière et du fardeau entre les différentes contributions nationales. Les financements européens devraient pouvoir financer en priorité les programmes existants qui nécessitent des apports financiers complémentaires.

 

Cet amendement est retiré.

 


—  1  —

   Proposition de rÉsolution europÉenne
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

 

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Considérant que l’Union européenne fait face, depuis plusieurs années, à une dégradation sans précédent de son environnement de sécurité, laquelle se manifeste par l’accumulation de crises déstabilisant son voisinage proche, en particulier au Sahel, en Syrie et en Ukraine, dont les conséquences se font sentir à l’intérieur de ses frontières, notamment par l’afflux de réfugiés et par des attaques terroristes sur son sol,

Considérant que la pandémie de Covid-19, qui affecte l’Union européenne et le monde depuis la fin de l’année 2019, constitue dans l’immédiat la plus grave des menaces globales auxquelles celle-ci est confrontée, aggrave les déséquilibres économiques et sociaux en son sein et exacerbe les tensions internationales,

Considérant que l’industrie de défense, outre le poids qu’elle représente dans l’économie de l’Union européenne, est une composante essentielle de son autonomie stratégique sans laquelle elle ne pourra pas assurer la sécurité sur son territoire ni défendre ses intérêts en dehors,

Considérant que cette pandémie, si elle impacte la quasi-totalité des secteurs économiques, affecte particulièrement les entreprises du secteur de la défense, contraignant leurs investissements et les exposant à un risque de faillites qui désorganiseraient les chaînes d’approvisionnement de manière durable ou à des rachats par des concurrents étrangers,

Considérant que le secteur de la défense ne figure pas parmi les priorités de la relance, tant au niveau de l’Union européenne que des États-membres, bien qu’il pourra bénéficier des mesures de relance mises en œuvre ou envisagées,

Considérant que le secteur de la défense, industrie de main-d’œuvre hautement qualifiée et à forte valeur ajoutée dont les chaînes de production sont implantées en Europe, constitue un vecteur pertinent pour une relance économique efficace,

1° se félicite du compromis auquel est parvenu le Conseil européen le 21 juillet 2020 s’agissant du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 ainsi que de la mise en œuvre d’un plan de relance de 750 milliards d’euros ;

2° salue l’avancée majeure que constitue la création du Fonds européen de défense (FEDef), malgré la réduction de son montant par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne ;

3° regrette que les secteurs de la défense et de l’Espace ne figurent pas parmi les priorités du plan de relance ni celles présentées par la présidente de la Commission européenne dans son discours sur l’état de l’Union du 16 septembre 2020 ;

4° estime qu’une relance ciblant, notamment, les secteurs de la défense et de l’Espace est pertinente sur le plan économique et nécessaire sur le plan stratégique compte tenu de l’ambition de l’Union européenne en matière d’autonomie, de la dégradation de son environnement de sécurité, et des conséquences géopolitiques de la pandémie de Covid-19 ;

5° demande au Gouvernement de cibler les entreprises des secteurs de la défense et de l’Espace, en particulier les PME et les ETI, dans la mise en œuvre de son plan de relance et à la Commission européenne d’accueillir favorablement ce ciblage dans le plan français ainsi que, le cas échéant, dans les autres plans nationaux de relance ;

6° appelle le Gouvernement à appliquer de manière rigoureuse le filtrage des investissements directs étrangers tel que prévu par l’article L. 151-3 du code monétaire et financier, en coopération avec les autres États-membres et la Commission européenne dans le cadre du règlement n° 2019-452 du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union,

7° juge urgent que la Commission européenne, dans le contrôle qu’elle exerce des concentrations, prenne acte de l’existence d’une compétition mondiale dans les secteurs de la défense et de l’Espace et élargisse le marché pertinent pris en compte dans l’analyse concurrentielle au-delà du seul marché intérieur, afin de faciliter les regroupements d’entreprises européennes nécessaires pour faire face à la concurrence internationale ;

8° estime nécessaire de concentrer les financements du FEDef sur quelques programmes de développement capacitaire et technologies critiques ayant un effet d’entraînement pour l’ensemble de la base industrielle et technologique de défense européenne.