N° 3528

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 novembre 2020

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DEs affaires ÉTRANGÈRES

en conclusion des travaux d’une mission d’information constituée le 13 février 2019

sur l’environnement international
des départements et collectivités d’outre-mer

Co-rapporteures

Mmes Annie Chapelier et Berengère Poletti

Députées

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SOMMAIRE

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 Pages

Synthèse

Propositions

Introduction

I. L’intégration régionale des outre-mer est une politique publique méconnue et éclatée entre de nombreux acteurs

A. La coopération entre les outre-mer et leur environnement régional : quel intérêt ?

1. Pour les outre-mer : vers un développement plus équilibré avec le voisinage et la prise en compte d’une identité commune

2. Pour la France : grâce à ses outre-mer, notre pays pourrait renforcer son influence dans le monde

3. Pour l’Union européenne : les outre-mer doivent permettre à l’Europe de rayonner dans le monde

B. la coopération régionale ultramarine est conduite dans un cadre institutionnel complexe, caractérisé par une multiplicité d’acteurs

1. L’éclatement de la compétence « outre-mer » au sein de l’État

2. Une autonomie reconnue aux collectivités territoriales

3. La montée en puissance des organisations internationales à caractère régional

4. L’Union européenne comme contributeur financier majeur

II. Affichée comme une priorité depuis vingt ans, l’insertion régionale des outre-mer a produit des résultats le plus souvent limités, qui se heurtent à des limites structurelles

A. Les outre-mer se situent à des niveaux d’intégration régionale différents les uns des autres

1. L’océan Atlantique : une coopération régionale embryonnaire

2. L’océan Indien : l’exemple réunionnais et les difficultés de Mayotte

3. L’océan Pacifique : des diplomaties régionales très actives

B. La coopération régionale a produit des résultats contrastés, le plus souvent limités

1. La France assume les responsabilités qui découlent de l’environnement régional des outre-mer en ayant davantage recours à la coopération

a. La lutte contre le trafic de drogue dans la Caraïbe

b. La répression de l’orpaillage illégal

c. La protection des ressources halieutiques

d. La lutte contre l’immigration irrégulière

e. La préparation aux crises de grande ampleur

2. Malgré la multiplication des actions de coopération, les outre-mer tirent trop peu parti des opportunités que représente leur voisinage

a. L’ouverture économique

b. L’attractivité touristique

c. La coopération sanitaire

d. La coopération éducative

e. La coopération culturelle

C. Le rapprochement des outre-mer avec leur environnement régional se heurte à des difficultés de taille

1. Les contentieux de souveraineté avec les pays voisins

2. L’écart entre l’outre-mer et le voisinage

3. La réticence des opinions publiques ultramarines

III. Source de prospérité potentielle, l’approfondissement des liens entre l’outre-mer et l’environnement régional suppose une prise de conscience collective

A. Réinvestir les bassins régionaux des outre-mer

1. Un contexte de compétition internationale marqué notamment par la présence de la Chine

2. La mise en œuvre d’une réelle stratégie française dans les trois océans

3. La France doit donner de la substance à la stratégie indopacifique

4. La Caraïbe reste un espace oublié de la diplomatie française

B. Rénover le cadre institutionnel de la coopération régionale ultramarine

1. Vers une organisation administrative régionale

2. La coordination entre acteurs, condition du succès

3. Pour une « diplomatie territoriale » des collectivités ultramarines

4. La refonte des modes d’action de l’Union européenne

C. Saisir les opportunités que représente l’intégration régionale

1. Lever les obstacles à la circulation

a. L’apprentissage des langues

b. L’irritant des visas

c. La connectivité des territoires

2. Tirer parti des opportunités que génère l’environnement régional

a. Renforcer l’insertion régionale des économies ultramarines

b. Développer le tourisme dans nos territoires

c. Structurer une véritable coopération sanitaire et scientifique

d. Construire une coopération éducative et culturelle

e. Faire front commun face aux défis environnementaux

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe 1 : Liste des acronymes utilisés dans le rapport

Annexe 2 : Liste des personnes entendues par les co-rapporteures et déplacements

Annexe 3 : L’action de l’État en mer, un vecteur de coopération et de rayonnement dans les aires régionales de chaque outre-mer

 


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   Synthèse

La force du lien qui unit les territoires ultramarins à l’hexagone occulte, de longue date, les relations que les outre-mer pourraient entretenir avec leur environnement régional. Ce rapport est un plaidoyer en faveur d’une plus grande proximité entre nos outre-mer et leur voisinage, qui ne doit pas remettre en cause l’attachement profond de nos territoires à la France. L’intégration régionale est, pour les outre-mer, beaucoup plus prometteuse que le rattrapage avec la métropole pour trouver la voie d’un développement plus équilibré et d’une identité en partage avec les pays voisins. Elle pourrait également être un atout qui, si celui-ci était bien exploité par la diplomatie, permettrait à la France de s’affirmer comme une puissance mondiale et à l’Europe de rayonner sur les trois océans.

La coopération régionale ultramarine souffre d’une structure administrative et d’une gouvernance trop complexes. Cette politique publique, qui reste largement méconnue car peut-être insuffisamment identifiée, fait intervenir une myriade d’acteurs dans toutes les administrations et à tous les niveaux de l’État. Les collectivités territoriales et les organisations internationales à caractère régional y participent de manière croissante. De par ses moyens financiers, l’Union européenne est aussi devenue un acteur déterminant dans ce domaine. Vos rapporteures estiment que l’éparpillement des responsabilités est largement responsable de la faiblesse des résultats obtenus jusqu’à présent.

En effet, malgré le lent rapprochement opéré entre l’outre-mer et les pays voisins depuis une vingtaine d’années, la coopération régionale est limitée par son ampleur et inégale d’un territoire à l’autre. Elle est plus aboutie dans le Pacifique et plus embryonnaire dans la Caraïbe. Dans l’océan Indien, La Réunion développe des initiatives intéressantes qui contrastent avec l’isolement de Mayotte, compte tenu de la revendication de souveraineté comorienne sur ce territoire.

La coopération régionale, qui tend à se développer au coup par coup, sans vision d’ensemble, est aussi inégale d’un domaine de coopération à l’autre. Pour gérer les défis sécuritaires qui découlent de l’environnement régional de nos outre-mer, qu’il s’agisse du narcotrafic, de la pêche illégale ou de l’orpaillage clandestin, la France déploie avant tout une action régalienne et unilatérale. Les services de l’État ont toutefois de plus en plus recours à la coopération régionale, qui permet d’agir avec plus d’efficacité sur les enjeux de sécurité communs, ce qui est encourageant. Malgré la multiplication des actions de coopération, les outre-mer tirent en revanche trop peu avantage des opportunités qui découlent de leur voisinage. Pourtant, les bénéfices d’une coopération dans les domaines économique, touristique, sanitaire, éducatif ou culturel pourraient être substantiels.

Plusieurs facteurs expliquent la difficulté à rapprocher nos outre-mer de leur environnement régional. Les contentieux de souveraineté, nombreux dans l’océan Indien, sont autant d’obstacles aux stratégies d’insertion régionale de nos territoires. L’écart avec le voisinage, sur le plan du développement, de la culture, de la langue, de la structure administrative ne favorise pas non plus la rencontre des volontés entre acteurs ultramarins et étrangers. Surtout, il reste à convaincre les opinions et les élus ultramarins que l’intégration régionale est une opportunité et non une manière de promouvoir une différenciation avec la métropole qui serait défavorable aux territoires. S’ils représentent des difficultés de taille, ces facteurs d’éloignement entre l’outre-mer et le voisinage peuvent être surmontés par la mise en place de politiques publiques plus incitatives à l’intégration régionale.

Premièrement, vos rapporteures appellent la diplomatie française à réinvestir les bassins régionaux des outre-mer, marqués par une lutte d’influence croissante et délaissés par la France. Pour changer d’échelle par rapport aux projets épars, modestes et précaires qui caractérisent le plus souvent la coopération régionale, vos rapporteures souhaitent la mise en œuvre d’une réelle stratégie française en la matière. Si les contours d’une stratégie apparaissent dans le « Livre bleu des outre-mer », celle-ci n’a pas été déclinée au niveau de chaque bassin régional et de chaque territoire, ce qui en limite la portée sur le terrain. Dans l’Indopacifique, la stratégie française ne doit pas se réduire à la conclusion de partenariats structurants avec certains États de la région ; elle doit aussi faire de nos territoires d’outre-mer des marqueurs de la présence française dans cette région. Région oubliée par la diplomatie française, la Caraïbe mérite aussi une stratégie.

Deuxièmement, vos rapporteures proposent plusieurs pistes pour rénover le cadre institutionnel de la coopération régionale ultramarine. Des réorganisations administratives destinées à mieux prendre en compte la dimension régionale au sein des institutions sont nécessaires, de même qu’une meilleure coordination entre acteurs pour définir des objectifs communs et agir de concert. Les collectivités ultramarines doivent être convaincues des opportunités de la coopération régionale ainsi que du soutien que le Quai d’Orsay est prêt à leur apporter. Les instruments européens doivent être substantiellement améliorés pour faciliter la mobilisation des crédits, renforcer la qualité des projets et donner plus de visibilité à l’action de l’Union. Vos rapporteures demandent enfin à confier à la Cour des comptes une mission d’évaluation de la qualité du pilotage de la politique d’intégration régionale de nos outre-mer afin d’envisager une réforme plus globale à moyen terme.

Dernièrement, vos rapporteures appellent tous les acteurs à saisir les opportunités que représente l’intégration régionale. L’accroissement de la mobilité et des échanges suppose de favoriser l’apprentissage des langues, de lever les obligations de visa et d’accroître la connectivité avec l’extérieur. En parallèle, nos outre-mer doivent investir tous les domaines de coopération. Les entreprises ultramarines doivent davantage se projeter à l’étranger en tirant parti des complémentarités avec les pays voisins sur le plan économique. Une véritable coopération sanitaire et scientifique pourrait être mise en œuvre à la faveur de la pandémie mondiale, en créant notamment des réseaux de surveillance épidémiologique et d’alerte sanitaire dans chaque bassin régional. Tout reste à faire pour établir des liens éducatifs et culturels solides, qui sont des réponses importantes aux enjeux du développement et de l’identité. Le réchauffement climatique, qui rappelle la communauté de destin qui unit nos outre-mer et leurs voisins, servira sans doute de révélateur de l’importance de la coopération régionale.

 

 


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Propositions
 

Trois grandes orientations

1) Basculer d’une logique de rattrapage avec la métropole vers une logique d’intégration régionale de nos outre-mer afin d’assurer un développement plus équilibré avec le voisinage et la prise en compte d’une identité commune.

2) Utiliser l’intégration régionale de nos outre-mer comme un levier d’influence pour la diplomatie française dans les trois océans.

3) Faire des territoires ultramarins un atout pour le rayonnement de l’Europe dans le monde.

 

Vingt-neuf propositions

Réinvestir les bassins régionaux des outre-mer

1) Décliner la politique d’intégration régionale des outre-mer en définissant, à l’échelle de chaque territoire, des pays-cibles, des objectifs précis et des domaines de coopération prioritaires.

2) Faire de l’intégration régionale de nos outre-mer une des priorités de la stratégie indopacifique annoncée par le président de la République.

3) Réviser le statut de Wallis-et-Futuna afin de donner à ce territoire les compétences nécessaires pour conduire la coopération régionale.

4) Développer une stratégie française dans la Caraïbe, en commençant par accorder plus de considération aux chefs d’État et de Gouvernement dans cette région oubliée par la diplomatie française.

5) Créer une structure d’étude de la géopolitique de la Caraïbe qui pourrait aiguiller la diplomatie française dans cette région.

Rénover le cadre institutionnel de la coopération régionale ultramarine

6) Confier à la Cour des comptes une mission d’évaluation de la qualité du pilotage de la politique d’intégration régionale de nos outre-mer.

7) Donner instruction à la direction générale de la mondialisation (DGM) du Quai d’Orsay de porter une attention particulière au développement des liens entre les territoires d’outre-mer et le voisinage.

8) Renforcer le suivi des décisions prises à l’occasion des réunions des commissions mixtes bilatérales entre acteurs français et étrangers afin de s’assurer que ces décisions soient suivies d’effet.

9) Généraliser le poste de conseiller diplomatique auprès de tous les préfets en outre-mer.

10) Permettre et inciter un plus grand nombre de collectivités ultramarines à affecter des agents dans les ambassades de France des pays voisins.

11) Faire de la pédagogie auprès des autorités locales ultramarines sur les vertus de l’intégration régionale, en mobilisant les expériences réussies de certaines collectivités.

12) Faire de l’intégration régionale une des priorités des ambassades situées dans les pays voisins de nos outre-mer et, pour cela, sensibiliser les diplomates au besoin d’entretenir des liens réguliers et soutenus avec les territoires ultramarins. 

13) Abonder les fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) qui redonnent aux ambassades de l’autonomie pour conduire des projets de coopération régionale.

14) Apporter une reconnaissance et proposer des actions de formation aux consuls honoraires de la France à l’étranger qui, par leur dévouement, contribuent au rayonnement de la France dans le bassin régional de nos outre-mer. 

15) Refondre les instruments européens en faveur de la coopération régionale afin de faciliter la mobilisation des crédits, renforcer la qualité des projets financés et donner plus de visibilité à l’action de l’Union européenne.

Saisir les opportunités que représente l’intégration régionale

16) Renforcer l’apprentissage de l’anglais dans les outre-mer et promouvoir la francophonie dans les pays voisins.

17) Lever l’obligation de visa ou les autres contraintes réglementaires à l’entrée dans nos outre-mer lorsque ces dernières ne se justifient pas au regard du risque migratoire ou de sécurité, comme entre la Guyane et le Brésil.

18) Favoriser la création de lignes de cabotage interrégional dans chaque bassin océanique et la construction de postes d’inspection aux frontières (PIF) des outre-mer, afin d’éviter que de nombreux produits échangés entre nos outre-mer et les pays voisins ne transitent par l’hexagone.

19) Renforcer la projection économique des outre-mer à l’étranger en incitant les territoires à investir plusieurs secteurs à forte valeur ajoutée pour lesquels une demande existe dans les pays voisins.

20) Défendre, au niveau international, l’édiction de règles encadrant la taille des paquebots, et notamment des navires de croisière.

21) Produire des données sur le tourisme outre-mer et convaincre les compagnies aériennes et les investisseurs des potentialités du tourisme dans nos territoires.

22) Constituer des parcours de soins afin d’accueillir dans les hôpitaux ultramarins une patientèle solvable et non solvable issue des pays voisins.

23) Promouvoir la création de réseaux de surveillance épidémiologique et d’alerte sanitaire dans chaque bassin régional.

24) Étendre les réseaux de recherche français (Instituts Pasteur, Instituts de recherche pour le développement, etc.) dans nos outre-mer ainsi que dans leur environnement régional.

25) Développer les double-diplômes et les co-diplômes entre les universités outre-mer et les universités des pays voisins, notamment en Afrique.

26) Créer un « Erasmus » par bassin régional pour favoriser la mobilité étudiante et renforcer le sentiment d’une appartenance commune.

27) Faire de la saison « Africa 2020 », reportée au premier semestre 2021, une opportunité pour mettre en valeur les racines culturelles communes entre nos outre-mer dans l’océan Indien et le continent africain.

28) Renforcer la préparation de nos outre-mer à la gestion de crise de portée régionale, en particulier dans le domaine du secours maritime de grande ampleur et de la protection civile face aux catastrophes naturelles.

29) Faire de la lutte contre les effets du réchauffement climatique, en particulier la gestion du trait de côte, le premier sujet de coopération entre nos outre-mer et leur environnement régional.


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   Introduction

 

« Le problème de la coopération régionale n’est pas l’argent, mais l’imagination. »

Didacus Jules, directeur général de l’Organisation des États de la Caraïbe Orientale

 

C’est lors d’un déplacement aux Comores qu’a germé l’idée d’une mission d’information consacrée à l’environnement international des départements et collectivités d’outre-mer. Vos rapporteures ont en effet observé, à cette occasion, que nos outre-mer sont trop souvent perçus au travers de leur relation à la métropole ce qui a pour effet de laisser dans l’ombre l’importance des interactions avec leurs voisins et de leur appartenance à un bassin régional propre.

Sur la proposition de vos rapporteures, la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale a donc décidé de créer, au mois de février 2019, une mission d’information dont le champ s’est révélé particulièrement large. La mission d’information portait sur les territoires d’outre-mer situés dans les trois océans, aussi bien les départements et régions d’outre-mer (DROM) régis par l’article 73 de la Constitution (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte),  dans lesquels les lois et règlements applicables en métropole s’appliquent de plein droit (régime d’identité législative), que les collectivités d’outre-mer (COM) régis par l’article 74 de la Constitution (Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Wallis-et-Futuna, Polynésie Française) et la Nouvelle-Calédonie, dont les statuts sont fixés par une loi organique (régime de spécialité législative). La mission d’information englobait par ailleurs tous les domaines de coopération, de la sécurité à la culture, en passant par la santé et l’éducation.

L’étendue de ce champ d’investigation, et par conséquence la diversité des enjeux et des situations rencontrées, a sans doute constitué la principale difficulté du travail mené par vos rapporteures. Il est en effet difficile de tirer des enseignements valables pour tout l’outre-mer et tous les domaines de coopération. Sur la plupart des sujets, il n’y a pas un outre-mer, mais des outre-mer. Ce qui vaut dans le domaine de la coopération économique ne vaut pas nécessairement en matière de lutte contre le narcotrafic ou de lutte contre les effets du changement climatique.

Pour autant, vos rapporteures ont fait le pari d’affronter cette difficulté. Malgré les singularités, malgré les spécificités, l’intégration régionale des outre-mer souffre de handicaps qui ne sont pas propres à un territoire ou à un domaine. C’est en adoptant une vision d’ensemble qu’il est possible de saisir au mieux les opportunités, les défis ainsi que les perspectives de l’intégration régionale. C’est aussi à cette échelle qu’il est possible d’initier une impulsion globale qui sera ensuite déclinée au niveau de chaque territoire et de chaque domaine de coopération.

Vos rapporteures visent ici à susciter un véritable engagement en faveur de l’intégration régionale de nos outre-mer, autrement dit un renforcement des liens, dans tous les domaines, entre les outre-mer et leur environnement régional. Si la pandémie mondiale de Covid-19 n’avait montré qu’une chose, c’est que nous vivons dans un monde ouvert, de plus en plus interconnecté et interdépendant. Les principaux défis auxquels font face nos territoires sont régionaux, quand ils ne sont pas globaux. Dans ce contexte, le renfermement de nos outre-mer sur eux-mêmes et leur relation à l’hexagone ne peut être qu’un pis-aller.

La première partie de ce rapport est donc consacrée à l’intérêt de la coopération régionale, pour nos outre-mer, pour la France et pour l’Europe. Vos rapporteures tentent aussi de rendre compte, autant que faire se peut, de la complexité de la gouvernance et de la structure administrative de cette politique publique.

La deuxième partie du rapport dresse un tableau, territoire par territoire, domaine de coopération par domaine de coopération, de la coopération régionale ultramarine. Cette partie souligne également les principaux facteurs qui freinent l’approfondissement des liens entre l’outre-mer et le voisinage.

La dernière partie développe les trois grands « blocs » de propositions dont la mise en œuvre est la condition d’un véritable changement de paradigme en faveur de l’intégration régionale : réinvestir diplomatiquement les bassins océaniques des outre-mer, rénover le cadre institutionnel de l’intégration régionale et saisir les opportunités que représente l’insertion régionale des outre-mer.

Pour élaborer ce rapport, vos rapporteures ont conduit plus d’une vingtaine d’auditions de représentants d’administration centrale (en particulier du Quai d’Orsay), de préfets ultramarins ou encore d’ambassadeurs étrangers. Ces dernières ont aussi effectué, comme cela a été dit, un déplacement aux Comores, dont la revendication de souveraineté sur Mayotte bloque largement l’insertion régionale de ce territoire. Elles se sont enfin rendues dans la Caraïbe, zone qui affiche sans doute le plus grand retard dans le domaine de l’intégration régionale des outre-mer. Dans la Caraïbe, vos rapporteures ont choisi de se rendre en Martinique et à Sainte-Lucie qui, outre sa proximité géographique avec les Antilles françaises, héberge une ambassade de France compétente pour onze États de la région et pour l’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO), qui est sans doute l’organisation régionale la plus intégrée au monde derrière l’Union européenne.

 

 

 

 


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I.   L’intégration régionale des outre-mer est une politique publique méconnue et éclatée entre de nombreux acteurs

La force du lien qui relie nos outre-mer à la métropole occulte largement – et depuis longtemps – les échanges que nos outre-mer pourraient entretenir avec leur environnement plus proche. La recherche d’une plus grande proximité avec le voisinage serait pourtant bénéfique à l’échelle régionale en même temps qu’elle favoriserait le rayonnement de la France et de l’Europe dans le monde. Le pilotage de cette politique publique, désormais reconnue comme une priorité, est cependant éclaté entre un trop grand nombre d’acteurs, aboutissant à une dilution des responsabilités qui apparaît responsable de la faiblesse des résultats obtenus.

A.   La coopération entre les outre-mer et leur environnement régional : quel intérêt ?

L’intégration régionale est une voie prometteuse pour nos outre-mer comme pour leurs voisins, au plan économique et culturel. Elle représente aussi une opportunité pour renforcer l’influence française et européenne dans les trois océans.

1.   Pour les outre-mer : vers un développement plus équilibré avec le voisinage et la prise en compte d’une identité commune

Depuis longtemps, les territoires d’outre-mer ont une relation très forte, quasi-exclusive avec l’hexagone, qui occulte largement leur environnement régional. Ce lien privilégié entre les collectivités ultramarines et la métropole trouve son origine historique dans la colonisation ainsi que dans la tradition républicaine du jacobinisme et de l’égalité. Le modèle d’intégration français se distingue des autres États européens qui comptent des territoires d’outre-mer, en particulier le Royaume-Uni et les Pays-Bas, où le lien des outre-mer avec la métropole est plus ténu et l’insertion régionale plus naturelle.

Dans les années 1990, les pouvoirs publics en France ont commencé à rechercher de nouveaux facteurs de développement pour les outre-mer, qui se situent tous dans des bassins régionaux dynamiques. Mais aujourd’hui encore, les relations privilégiées entre les collectivités ultramarines et la métropole paraissent prioritaires par rapport au développement de relations étroites avec l’environnement régional. En témoigne, sous le quinquennat précédent, la loi sur l’égalité réelle outre-mer du 28 février 2017 ([1]), qui se donnait pour objectif de combler l’écart de développement entre les territoires ultramarins et l’hexagone. Le 8 juillet 2019, sept territoires d’outre-mer signaient avec l’État les premiers « contrats de convergence et de transformation » pour la période 2019-2022.

L’effort de rattrapage a objectivement très largement réussi à faire converger les niveaux de vie entre les territoires d’outre-mer et l’hexagone. Malgré le décalage persistant avec la métropole, les territoires d’outre-mer sont souvent plus prospères que les pays qui composent leur environnement régional. Toutefois, le « lien » avec l’hexagone a produit ses effets, en particulier lorsque l’État-providence était à son apogée, et son potentiel paraît aujourd’hui épuisé.

Vos rapporteures appellent à un changement de paradigme en faveur de l’intégration régionale, sans remettre en cause l’attachement profond de ces territoires à la France. L’objectif de l’égalité réelle, inatteignable en pratique, génère aujourd’hui plus de frustrations qu’il n’en résout. L’insertion régionale représente au contraire une voie plus réaliste et plus prometteuse. Comme l’affirme le député Serge Letchimy, après tous les modèles de développement essayés par les outre-mer, la coopération régionale est aujourd’hui « le dernier espace de prospérité prenable de manière intelligente ».

D’une part, l’intégration régionale peut permettre aux outre-mer de passer d’une logique de rattrapage avec la métropole à un modèle de développement plus équilibré avec le voisinage immédiat. La coopération économique régionale est une opportunité majeure pour le développement des outre-mer. Réciproquement, elle favorisera le développement des pays voisins et, partant, la convergence régionale.

D’autre part, le développement de relations étroites avec le voisinage est nécessaire pour « réconcilier l’histoire et la géographie » et favoriser l’émergence d’une identité commune à l’échelle régionale. Par conséquence du passé historique et de l’exclusivité de la relation avec la métropole, nos outre-mer ne partagent pas la même langue ni la même identité que leurs voisins proches. La coopération régionale dans le domaine de l’éducation et la culture est nécessaire pour construire une solidarité et un lien commun avec les pays voisins. Tout reste à faire pour créer un sentiment d’appartenance dans chaque bassin régional.

Orientation stratégique n°1 : basculer d’une logique de rattrapage avec la métropole vers une logique d’intégration régionale de nos outre-mer afin d’assurer un développement plus équilibré avec le voisinage et la prise en compte d’une identité commune.

2.   Pour la France : grâce à ses outre-mer, notre pays pourrait renforcer son influence dans le monde

Les territoires d’outre-mer sont trop souvent perçus comme des territoires difficiles, alors qu’ils peuvent aussi être des prolongements de l’influence française. Les liens de proximité avec les États voisins dans les trois océans sont de nature à renforcer la visibilité et l’influence de la France sur la scène internationale. Comme l’a écrit l’ancienne ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, dans la préface du « Livre bleu des outre-mer », qui représente la feuille de route gouvernementale pour l’outre-mer : « Cette France des trois océans contribue à la singularité de la voix de notre pays dans le monde. Elle est au fondement de notre identité nationale et de notre capacité, au XXIème siècle, à porter un discours universel, par les valeurs qui les sous-tendent, parce que la France n’est pas uniquement un pays d’Europe ». Par ses outre-mer, la France n’est pas seulement une puissance européenne : elle dispose aussi des moyens de s’affirmer comme une puissance mondiale.

Les outre-mer donnent à la France plusieurs atouts pour s’affirmer sur la scène internationale. D’abord, la mer française est avant tout une mer ultramarine. La France possède le deuxième domaine maritime mondial dont 97 % se situent outre-mer (et 50 % du total pour la seule Polynésie française) ([2]). Si elle crée des contraintes et des responsabilités, la mer ultramarine offre aussi des atouts considérables, parmi lesquelles une biodiversité exceptionnelle et un emplacement stratégique sur d’importantes routes commerciales internationales. Depuis la création du canal de Panama et son élargissement, les collectivités ultramarines en Amérique se situent dans un des centres économiques de la planète, où circulent une proportion importante des marchandises mondiales.

Par ailleurs, grâce à ses territoires d’outre-mer, la France n’est pas de passage dans chaque bassin régional : elle est voisine des États dans les trois océans. Peu nombreux sont les pays dans le monde qui peuvent, à l’image de la France, nouer des coopérations régionales sur tous les océans de la planète. La coopération régionale, au travers des liens politiques, économiques ou environnementaux que les territoires d’outre-mer entretiennent avec leur voisinage, est un mode d’extension de la puissance française.

Vos rapporteures regrettent que la France ne tire pas avantage, au plan diplomatique, de sa présence ultramarine. La France se félicite trop souvent d’être une puissance des trois océans mais, en pratique, notre pays n’utilise pas ses atouts. Les pays autour desquels se trouvent nos outre-mer, qui sont pour la plupart des petits États insulaires, ne sont pas une priorité pour la diplomatie française. S’il est compréhensible que le Quai d’Orsay concentre ses efforts sur les régions où se déroulent les grands bouleversements du monde, la coopération régionale est un atout insuffisamment exploité pour être présent dans tous les bassins régionaux.

Orientation stratégique n°2 : utiliser l’intégration régionale de nos outre-mer comme un levier d’influence pour la diplomatie française dans les trois océans.

Les départements et collectivités d’outre-mer peuvent pourtant être des démultiplicateurs de l’influence et des savoir-faire français dans des zones où la France n’est pas à la hauteur de son potentiel. Pour cela, nos outre-mer doivent être utilisés comme des plateformes de coopération pour la France dans chaque aire régionale. Ils doivent par exemple servir de base pour promouvoir la francophonie dans les environnements régionaux majoritairement anglophones.

Les outre-mer peuvent également devenir des relais d’influence pour la France au niveau multilatéral. La France investit de longue date certaines organisations régionales, comme la Commission de l’océan Indien (COI), qui est un lieu important de l’influence française dans les pays qui entourent la Réunion. Dans le Pacifique, la France participe au forum des garde-côtes asiatiques, ce qui en fait le seul pays européen à discuter de la sécurité maritime dans cette région du monde. Au-delà, les outre-mer sont aussi des relais d’influence possibles au niveau mondial. Les États de la Caraïbe représentent 22 voix à l’Organisation des Nations Unies (ONU). Saint-Vincent-et-les-Grenadines, un archipel situé à 200 kilomètres de la Martinique, siège comme membre non permanent du conseil de sécurité des Nations Unies en 2020 et 2021. La proximité entre notre pays et cet archipel peut être mise à profit pour favoriser une convergence sur la scène internationale.

La coopération régionale permet de créer une solidarité concrète dans les trois océans qu’il est possible de mobiliser sur les grands enjeux mondiaux. Dans le domaine climatique, les outre-mer favorisent la création d’une communauté d’intérêt entre la France et les États insulaires concernés par la montée des eaux. La coopération avec ces petits États en développement permet de créer des positions communes et d’emporter des victoires dans les grandes enceintes multilatérales, comme cela a été le cas lors de l’accord de Paris sur le climat en 2015.

3.   Pour l’Union européenne : les outre-mer doivent permettre à l’Europe de rayonner dans le monde

L’Union européenne distingue deux types de territoires d’outre-mer appartenant aux États membres : les régions ultrapériphériques (RUP), qui font partie intégrante de l’espace européen, et les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), qui sont simplement « associés » à l’Union européenne. La différence entre ces deux catégories européennes se fonde sur le statut national accordé par les États membres de rattachement de ces territoires. Les PTOM bénéficient, au niveau national, d’une autonomie renforcée par rapport à celles des RUP, pour lesquelles la quasi-totalité des règlementations nationales et européennes s’appliquent, même si elles peuvent être adaptées. Les PTOM sont tout de même éligibles à un grand nombre de politiques sectorielles de l’Union européenne.

Les neuf RUP sont listées aux articles 349 et 355 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Six RUP sont françaises : la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin, La Réunion et Mayotte. Les autres appartiennent à l’Espagne (les îles Canaries) et au Portugal (les Açores et Madère). Les vingt-cinq PTOM, mentionnés à l’article 355 et listés dans l’annexe II du TFUE, sont rattachés constitutionnellement à quatre États membres : le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Les six PTOM français sont la Nouvelle-Calédonie et ses dépendances, la Polynésie française, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Royaume-Uni possède à lui seul douze PTOM. La France est le seul État membre à compter en son sein des RUP et des PTOM.


LES OUTRE-MER EUROPÉENS DANS LES ANTILLES

 Les PTOM britanniques et néerlandais dans les Antilles affichent d’importantes différences par rapport aux outre-mer français dans cette région. Sur le plan institutionnel, ces territoires possèdent un niveau très élevé d’autonomie, même s’ils continuent de relever de la souveraineté du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Ils se distinguent par ailleurs par une relation beaucoup plus distendue avec le continent européen, compte tenu du leur relation privilégiée avec les États-Unis, qui est le premier partenaire commercial pour les importations, la première source du tourisme et dont les normes s’appliquent en grande majorité. Le poids de la relation bilatérale avec les États-Unis représente même une entrave au développement de la coopération régionale pour les PTOM britanniques et néerlandais.

 Les Antilles britanniques incluent Anguilla, les îles Caïmans, les îles Turques-et-Caïques, les îles Vierges britanniques et Montserrat. Dans ces territoires d’outre-mer du Royaume-Uni, la reine d’Angleterre – représentée par un gouverneur – y est nominalement le chef de l’État. Le Royaume-Uni est d’ailleurs chargé des affaires étrangères, de la défense, de la sécurité intérieure et des services publics dans ces territoires. L’autonomie politique de chaque île est assurée par un Premier ministre et une chambre des députés. Alors que les citoyens des Antilles néerlandaises possèdent la nationalité hollandaise, les citoyens des îles britanniques ont une nationalité spécifique. Avec le Brexit, les îles britanniques ne feront plus partie de la présence avancée de l’Europe dans la Caraïbe.

 Les Antilles néerlandaises sont composées de six îles : Aruba, Curaçao, la partie méridionale de l’île de Saint-Martin (Sint Maarten) ([3]), Bonaire, Saint-Eustache et Saba. Dans les années 1980, à la suite de l’indépendance du Suriname, les îles néerlandaises de la Caraïbe devaient aussi accéder à l’indépendance. En 1986, Aruba fut dotée d’une autonomie (un Status Aparte) lui conférant le statut de « pays autonome au sein du Royaume », prélude à l’indépendance. Les référendums d’autodétermination organisés en 1993 et 1994 aux Antilles néerlandaises et à Aruba ont cependant révélé que les citoyens de ces îles ne souhaitaient pas devenir entièrement indépendants et qu’ils voulaient conserver des liens constitutionnels avec les Pays-Bas. En cause, les Antilles néerlandaises se caractérisent par une forte vulnérabilité sur le plan économique et institutionnel, à l’égard notamment du crime organisé, nécessitant un appui des Pays-Bas. Soucieux que les Antilles néerlandaises ne passent pas sous l’influence du Venezuela ([4]) et qu’elles ne deviennent pas des paradis fiscaux, les États-Unis ont par ailleurs fait savoir qu’ils souhaitaient que ces îles continuent de faire partie des Pays-Bas.

 En 2010, le socle institutionnel du Royaume des Pays-Bas a été révisé afin de donner à ces îles plus d’autonomie. Le Royaume des Pays-Bas est depuis lors composé de quatre « pays constitutifs » : les Pays-Bas, auxquels sont rattachés les territoires Bonaire, Sainte-Eustache et Saba, et trois territoires d’outre-mer qui disposent d’une large autonomie interne (Aruba, Curaçao et Sint Maarten). À Sint Maarten par exemple, La Haye ne dispose pas d’un préfet sur le territoire, qui dispose en revanche de son propre Premier ministre. Selon Son Exc. M. Pieter de Gooijer, ambassadeur des Pays-Bas en France, les Hollandais estiment pour la plupart que la solution de 2010 représente « un mariage de raison et pas d’amour » et certains regrettent que l’indépendance n’ait pas été accordée à ces îles.

 En pratique, les îles néerlandaises sont très jalouses de leur autonomie et très soucieuses que La Haye n’interfère pas dans leurs affaires intérieures. Les autorités nationales doivent souvent rappeler aux autorités locales que leurs compétences doivent s’exercer dans le respect des obligations constitutionnelles et internationales qui découlent de leur appartenance au Royaume. Les rappels à l’ordre fréquents de La Haye, qui ne disposent pas de réels moyens de contrainte, créent des irritants réguliers avec les territoires d’outre-mer des Pays-Bas.

 Le poids de la relation bilatérale des Antilles néerlandaises avec les États-Unis, conjugué aux différences économiques, politiques et culturelles entre ces îles et leur voisinage – voire entre les îles elles-mêmes –, ne favorisent pas l’intégration régionale. Par ailleurs, la partie caribéenne du Royaume n’est pas perçue par La Haye comme une opportunité pour accroître l’influence du pays dans le monde.

L’Union européenne reconnaît depuis longtemps les spécificités des territoires ultramarins des États membres. Elle participe à leur développement et à leur insertion régionale en les accompagnant tant sur le plan budgétaire que sur le plan de l’adaptation des règles applicables. L’article 349 du TFUE prévoit que l’Union peut prendre des « mesures spécifiques » aux RUP, compte tenu notamment de leur éloignement, de leur insularité ou de leur faible superficie. Cela permet d’adapter les règlements et directives européennes afin qu’ils prennent bien en compte les situations spécifiques à chacun de ces territoires. Les RUP et, dans une bien moindre proportion, les PTOM, sont également soutenus financièrement par l’Union. L’UE doit allouer, pour la période 2014-2020, 13,8 Mds€ aux RUP – dont environ 7 Mds€ pour les RUP françaises – au titre principalement de la politique agricole commune et de la politique de cohésion. Les PTOM, hors Groenland, bénéficient, eux, d’un soutien de 364,5 M€ sur la même période via le Fonds européen de développement (FED), avec un accent mis sur l’insertion régionale et les problématiques liées à l’environnement et le climat.

Ces dernières années, la Commission européenne a été très attentive aux enjeux liés aux territoires ultramarins, et plus spécifiquement aux RUP. Dans la lignée de sa communication intitulée « Un partenariat stratégique renouvelé et renforcé avec les régions ultrapériphériques de l’Union européenne », présentée en 2017 en Guyane par le président Juncker – en présence du président de la République –, la Commission européenne s’est efforcée d’améliorer l’accès, pour les RUP, à toutes les politiques de l’Union (Erasmus+, Horizon Europe, mécanisme pour l’interconnexion en Europe, etc.) ([5]). Les engagements pris par le président Juncker à Cayenne en octobre 2017 en faveur des RUP devraient se poursuivre sous l’actuelle Commission européenne, même s’il n’est pas possible d’avoir le même niveau de certitude concernant les PTOM. Pour l’instant, la crise liée à l’épidémie de Covid-19 semble conforter la volonté de soutenir les outre-mer européens. Dans le cadre des négociations en cours sur le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, le Conseil européen du mois de juillet 2020 a proposé que les financements en direction des RUP et des PTOM soient globalement stabilisés.

Le soutien apporté par l’Europe aux territoires ultramarins se justifie en partie par le fait que l’outre-mer contribue à la présence européenne dans le monde. Les territoires ultramarins se voient eux-mêmes comme l’échelon avancé de l’Europe, dont ils portent la citoyenneté et les valeurs dans les trois océans. Comme l’a formulé le président Juncker, les RUP « projettent la présence de l’Europe à des points stratégiques du globe ».

En réalité, vos rapporteures estiment que l’intérêt stratégique et diplomatique des outre-mer est encore moins exploité par l’UE que par la diplomatie française. Ces territoires éloignés favorisent tout au plus les discussions avec les pays voisins sur des sujets comme le développement ou la pêche.

Orientation stratégique n°3 : faire des territoires ultramarins un atout pour le rayonnement de l’Europe dans le monde.

La faiblesse de la place des outre-mer dans la diplomatie européenne devrait perdurer à court terme puisque la légitimité du soutien européen aux régions ultramarines ne fait pas consensus entre les États membres. Les enjeux ultramarins ne concernent en effet qu’une minorité d’États européens.

Certains pays comme l’Italie ou la Grèce s’opposent aux dispositifs spécifiques dédiés aux RUP et défendent une approche commune pour toutes les régions insulaires ou peu peuplées, y compris donc pour certaines îles de la Méditerranée. Face à cette mise en cause, la France défend la particularité des RUP avec l’appui des autres États membres concernés, à savoir l’Espagne et le Portugal.

Alors que des positions communes sont recherchées avec les autres États comportant des PTOM, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne devrait entraîner pour la France la perte d’un allié de poids pour la défense des intérêts des PTOM. Le « Brexit » fait en effet sortir de l’Union européenne la moitié des PTOM alors même que l’Allemagne est de plus en plus réservée sur la priorité accordée à l’aide européenne à ces territoires associés à l’UE. Dans le cadre des discussions sur le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, l’Allemagne s’est en effet opposée à ce que les PTOM puissent bénéficier de financements européens, en dehors de l’enveloppe prévue au sein de la décision d’association UE-PTOM. L’Allemagne s’oppose en particulier à ce que ces territoires puissent bénéficier du nouvel instrument dédié à l’action extérieure de l’Union, appelé l’instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale (NDICI) (cf. infra).

Vos rapporteures plaident pour un maintien du soutien européen aux territoires ultramarins des États membres. Les traités européens prévoient, depuis le traité de Rome de 1957, des dispositions sur ces territoires qui figurent aujourd’hui à l’article 349 du TFUE. L’éloignement des outre-mer est un critère important qui distingue ces territoires des îles méditerranéennes. Enfin, le Brexit a pour effet de renforcer l’importance des outre-mer français, qui deviennent la seule porte de l’Europe sur les trois océans. Vos rapporteures estiment toutefois que la France ne pourra convaincre ses partenaires qu’en soutenant une réforme en profondeur visant à remédier aux multiples insuffisances de cette politique européenne (cf. infra), qui doit être davantage mise au service de la diplomatie de l’Union.

B.   la coopération régionale ultramarine est conduite dans un cadre institutionnel complexe, caractérisé par une multiplicité d’acteurs

La coopération régionale entre nos outre-mer et leur voisinage, aussi appelée « coopération régionale ultramarine », est une politique à laquelle participe de très nombreux acteurs : ministères, agences publiques, préfectures, ambassades, collectivités territoriales, organisations régionales, acteurs européens, acteurs économiques, culturels, sportifs ou linguistiques, sans évoquer les États voisins et leurs propres subdivisions administratives et territoriales.

Malgré une vingtaine d’auditions et deux déplacements dans les Antilles et l’océan Indien, vos rapporteures n’ont pu rencontrer qu’une partie des acteurs qui agissent en faveur de l’intégration régionale de nos outre-mer. Vos rapporteures ont le sentiment, non seulement que la structure administrative est trop complexe, mais également que cette politique est « sur-administrée ». Cette division des tâches et cet éparpillement des responsabilités est largement responsable de la faiblesse des résultats obtenus (cf. infra). Vos rapporteures proposent donc de missionner la Cour des comptes sur une évaluation de l’efficacité du pilotage de l’intégration régionale de nos outre-mer ([6]). En attendant, le schéma ci-dessous tente de rendre compte, tant bien que mal, de la gouvernance de cette politique publique.

Proposition n° 1 : confier à la Cour des comptes une mission d’évaluation de la qualité du pilotage de la politique d’intégration régionale de nos outre-mer.

CADRE INSTITUTIONNEL DE LA COOPÉRATION RÉGIONALE ULTRAMARINE

Source : tableau établi par les auteures du rapport.

1.   L’éclatement de la compétence « outre-mer » au sein de l’État

L’État ne dispose pas d’un guichet unique pour l’action extérieure des outre-mer. Deux ministères exercent en revanche un rôle prépondérant en la matière.

Le ministère des outre-mer exerce un rôle de coordination interministérielle des enjeux ultramarins dont ceux relatifs à l’environnement régional des outre-mer. Pour rappel, le ministère des outre-mer était auparavant porteur des politiques ultramarines dans tous les domaines. Les ministères « sectoriels » ont aujourd’hui récupéré la composante ultramarine qui se rattache aux politiques dont ils ont la responsabilité, ce qui aboutit à un éclatement de la compétence ultramarine au sein de l’État. Afin de conserver une cohérence d’ensemble, le ministère des outre-mer a été recentré sur des missions de synthèse. Vos rapporteures s’interrogent sur le positionnement du ministère des outre-mer et sur l’opportunité pour celui-ci de récupérer toutes les compétences liées aux outre-mer, afin de simplifier la gouvernance et de responsabiliser un seul acteur autour des politiques publiques ultramarines. La mission de la Cour des Comptes précitée devra traiter cet aspect.

Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) est l’autre ministère « pilote » de l’action extérieure des territoires ultramarins. La conduite de ce volet ultramarin de la politique étrangère de la France est éclatée au sein même du Quai d’Orsay. Chaque direction géographique (Afrique et Océan indien, Asie et Océanie, Amérique et Caraïbes) assure le suivi de l’environnement régional des collectivités françaises qui se situent dans sa zone de compétence. De même, chaque direction thématique (diplomatie économique, culture et enseignement, développement durable) a pour mandat d’assurer le suivi des relations internationales des outre-mer dans son domaine respectif. Au sein des directions thématiques, la délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) dispose d’un rôle particulièrement important compte tenu de l’autonomie reconnue aux collectivités ultramarines en matière de coopération régionale (cf. infra). La DAECT agit en effet comme un centre de ressources et d’appui aux collectivités territoriales dans le développement de leurs relations extérieures, en leur apportant des outils de communication, un soutien juridique ou encore des conseils et une capacité d’analyse. Vos rapporteures ont toutefois eu le sentiment que, contrairement aux directions géographiques, les directions thématiques du Quai d’Orsay ont encore trop faiblement investi la dimension ultramarine.

Proposition n° 2 : donner instruction à la direction générale de la mondialisation (DGM) du Quai d’Orsay de porter une attention particulière au développement des liens entre les territoires d’outre-mer et le voisinage. 

Tous les ministères « sectoriels » contribuent à l’intégration régionale des outre-mer, avec une prédominance des ministères régaliens. La gendarmerie nationale est fortement mobilisée dans la lutte contre la criminalité ou l’immigration illégale, notamment en Guyane ou à Mayotte. Les armées garantissent la souveraineté française dans des espaces qui sont parfois contestés et soutient l’action des forces de sécurité intérieure. La douane contrôle l’entrée des marchandises qui transitent par les ports et aéroports ultramarins.

Au niveau de l’administration déconcentrée de l’État, les préfectures situées dans les territoires ultramarins et les ambassades dans les pays voisins ont un rôle important pour accompagner les projets de coopération régionale. Les moyens financiers dont préfectures et ambassades disposent se sont toutefois beaucoup réduits.

Le préfet constitue un « point d’entrée » des demandes des acteurs de la coopération dans chaque zone, notamment dans le domaine de la sécurité. Il exerce un rôle de coordination des services de l’État pour définir des positions communes et donner une impulsion sur certains dossiers, un rôle d’interface avec les administrations centrales vers lesquels il fait remonter l’information et qu’il peut alerter et, enfin, un rôle de représentation à l’égard des délégations étrangères notamment dans le cadre des instances de dialogue. Le préfet est aussi en relation avec les postes diplomatiques dans le voisinage pour travailler sur les projets structurants. Il s’appuie sur un secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) qui coordonne les actions de soutien aux projets de coopération.

Les préfectures soutiennent les collectivités ultramarines dans la mise en œuvre des fonds européens qui financent la coopération régionale et peuvent financer en propre certains projets de coopération. Les préfectures disposent en particulier des fonds de coopération régionale (FCR) qui sont alimentés par le budget du ministère des outre-mer. Ces fonds ont été considérablement réduits au cours des années pour atteindre le montant symbolique de 750 000 euros en 2019 ([7]). Aussi ces fonds s’apparentent-ils à des fonds d’amorçage qui peuvent financer, par exemple, une étude de faisabilité ou un colloque pour déboucher sur un plus gros projet financé par les fonds européens aux mains des collectivités territoriales.

Les postes diplomatiques exercent quant à eux une mission de repérage des opportunités de coopération régionale ainsi que de mise en relation entre acteurs ultramarins et étrangers. Ils s’appuient sur les conseillers de coopération et d’action culturelle (COCAC) pour favoriser la mise en œuvre de projets de coopération régionale entre des structures médicales ou des universités, par exemple. Vos rapporteures tiennent également à souligner l’importance des consuls honoraires, acteurs bénévoles au service de la France qui ont une fine connaissance du terrain, et qui méritent de la reconnaissance ainsi que des actions de formation. 

Proposition n° 3 : apporter une reconnaissance et proposer des actions de formation aux consuls honoraires de la France à l’étranger qui, par leur dévouement, contribuent au rayonnement de la France dans le bassin régional de nos outre-mer. 

Toutefois, les ambassades ne disposent plus des fonds liés à l’intégration régionale, notamment les crédits de l’aide publique au développement qui ont été récupérés par l’agence française de développement (AFD). Sous l’impulsion du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, les ambassades ont récupéré des crédits pour financer des programmes innovants. Ces moyens, appelés fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), ont été portés de 24 à 60 millions d’euros entre 2019 et 2020, mais ne bénéficient qu’en partie à des projets de coopération régionale. À titre d’illustration, l’ambassade de France à Sainte-Lucie dans la Caraïbe finance deux projets FSPI, pour un total d’environ un million d’euros, destiné à favoriser le développement du français au sein de la Communauté caribéenne (CARICOM), une organisation régionale (cf. infra), et à créer un passeport universitaire pour permettre aux jeunes de la région d’avoir accès à l’université des Antilles située en Guadeloupe et en Martinique, qui est actuellement sous-employée.

La multiplicité d’intervenants étatiques dans le champ de la coopération régionale ultramarine exige de mettre en œuvre des moyens de coordination. Si le ministère des outre-mer assure la coordination entre administrations centrales, la coordination sur le terrain est confiée à trois ambassadeurs délégués à la coopération régionale dans chaque océan ([8]). Chaque ambassadeur délégué à la coopération régionale est chargé de coordonner et d’impulser les actions en matière de coopération régionale dans sa zone, sous l’autorité conjointe du MEAE et du ministère des outre-mer, en liaison avec les ambassades de la région. Force est de constater que, malgré l’existence de ces ambassadeurs délégués, la coordination entre les acteurs de la coopération régionale en outre-mer reste à parfaire (cf. infra).

2.   Une autonomie reconnue aux collectivités territoriales

Aujourd’hui, une grande partie des collectivités françaises sont engagées dans l’action extérieure, dans un nombre croissant de pays et de secteurs. Le Quai d’Orsay encourage la coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises qui renforce la solidarité internationale et l’attractivité de la France à l’étranger, ce même si le ministère veille, en parallèle, à préserver la cohérence de l’action extérieure de l’État. Dans le Livre blanc « Diplomatie et territoire : pour une action extérieure démultipliée » publié en 2016, le MEAE analysait les enjeux et les outils d’accompagnement par l’État de l’action extérieure des collectivités territoriales et proposait des solutions concrètes pour améliorer ce partenariat.

Si les collectivités dans l’hexagone peuvent mener des actions de coopération décentralisée, la « coopération régionale » est une compétence qui n’appartient qu’aux départements et collectivités d’outre-mer. Comme le dit M. Serge Letchimy, « la terminologie bouscule une réalité conservatrice ». La « coopération régionale » offre une plus grande liberté aux territoires d’outre-mer pour prendre des initiatives, nouer des contacts et assister la diplomatie française.

Malgré tout, la coopération régionale reste une compétence d’exception, le principe étant le monopole de la conduite des relations diplomatiques par l’État. En conséquence, les actes passés entre les collectivités ultramarines et leurs homologues étrangères font l’objet d’un contrôle de légalité réalisé par les préfets, qui s’assurent notamment du respect des engagements internationaux de la France.

Malgré cette limite importante, les collectivités ultramarines bénéficient d’une capacité juridique spécifique pour nouer des relations avec leurs voisins. Cette capacité varie selon le statut juridique des collectivités. Sommairement, les départements et régions d’outre-mer qui relèvent de l’article 73 de la Constitution n’ont pas les mêmes compétences que les collectivités d’outre-mer qui relèvent de l’article 74 de la Constitution, Wallis-et-Futuna demeurant un cas à part.

Les départements et régions d’outre-mer qui relèvent de l’article 73 de la Constitution ont à la fois toutes les compétences que le code général des collectivités territoriales (CGCT) reconnait à l’ensemble des collectivités françaises et, en plus, des pouvoirs propres qui leurs sont reconnus par plusieurs lois spécifiques.

La loi d’orientation sur l’outre-mer (LOOM) du 13 décembre 2000 ([9]) est la loi qui a posé le socle juridique de la coopération régionale ultramarine. Elle confère la faculté aux collectivités d’outre-mer d’adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d’engagements internationaux relatifs à la coopération. Surtout, elle permet aux autorités ultramarines de négocier directement des conventions avec des États étrangers et des organisations régionales. Cette compétence s’exerce sous le contrôle de l’État, qui doit conférer au préalable un pouvoir de négociation aux autorités locales et qui valide a posteriori le contenu de la convention. En vertu de l’article 52 de la Constitution, qui place la politique étrangère sous la direction du chef de l’État, la compétence en matière de relations extérieures peut être déléguée, mais elle ne peut être transférée.

La loi dite « Letchimy » du 5 décembre 2016 ([10]) est venue renforcer les compétences des collectivités ultramarines dans le domaine de la coopération régionale. Premièrement, elle prévoit des dérogations supplémentaires à l’interdiction de principe pour les collectivités territoriales de conclure des conventions avec des États étrangers. Ce faisant, elle accorde aux collectivités un droit autonome à négocier, qui est le préalable à la coopération. Deuxièmement, elle étend le champ du voisinage qui sert à définir la coopération régionale en outre-mer. La Martinique et la Guadeloupe, qui ne pouvaient coopérer qu’avec Sainte-Lucie et la Dominique, peuvent désormais développer des relations avec l’ensemble de leur environnement régional. Tel est également le cas de La Réunion, qui ne pouvait coopérer qu’avec Madagascar. Troisièmement, la loi « Letchimy » crée un dispositif de « programme-cadre » de coopération régionale pour nouer des coopérations globales. Adopté par l’assemblée délibérante de la collectivité et autorisé par l’État, le « programme-cadre » permet aux collectivités de mener les nombreuses négociations parallèles qu’exige la conduite de certains projets. À titre d’exemple, une coopération économique peut supposer également une négociation en matière sanitaire et fiscale. Dernièrement, cette loi prévoit un régime applicable aux représentants des territoires d’outre-mer au sein des ambassades de France.

Les collectivités d’outre-mer qui relèvent de l’article 74 de la Constitution, à savoir la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, jouissent de pouvoirs encore plus étendus qui leur permettent d’entretenir des relations plus denses et plus complexes avec leur environnement régional et international. Les lois organiques qui régissent les deux principales collectivités du Pacifique leur confèrent le pouvoir de négocier et signer des accords avec des États, territoires ou organismes régionaux au nom du Gouvernement français, de représenter la France au sein des organismes régionaux, d’adhérer à des organisations internationales en leur nom propre et de disposer de représentations auprès d’États ou territoires du Pacifique. M  Thierry Lataste, ancien Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, conclut que « la compétence de la coopération régionale est exercée à titre principal par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie et l’État est dans une logique d’encouragement ». De fait, les relations extérieures sont partagées entre l’État, qui conservent les compétences régaliennes ([11]), et les autorités calédoniennes, qui ont récupéré les compétences économiques, sociales et environnementales.

Comme nous le verrons plus loin, les collectivités territoriales ultramarines ont non seulement une capacité juridique plus ou moins importante, mais elles ont également la maîtrise de la capacité financière en matière de coopération régionale. Les exécutifs locaux pilotent désormais l’exécution des fonds européens, y compris les crédits consacrés à la coopération régionale, ce qui est un pouvoir considérable.

3.   La montée en puissance des organisations internationales à caractère régional 

Depuis plusieurs années, la France cherche à favoriser l’adhésion des collectivités d’outre-mer aux organisations régionales. Aux côtés des échanges bilatéraux, les projets de coopération régionale passent en effet, de manière croissante, par la coopération multilatérale. Pour cause, les pays d’un même bassin régional ont des objectifs et des intérêts en commun, en matière de sécurité, de migrations ou de développement durable, ce qui justifie d’agir à cette échelle.

● La Caraïbe

La Caraïbe se caractérise par une forte dynamique d’intégration régionale qui peut être constatée par l’abondance d’organismes internationaux à vocation régionale. La plupart des territoires caribéens, dont certains s’apparentent à des micro-États, ressentent le besoin de s’associer afin de peser sur la scène internationale et de parler d’une même voix sur les enjeux communs. Les organisations régionales ont su s’adapter à la diversité des statuts dans la région, qui vont du statut de pays indépendant à celui de département français d’outre-mer, en développant différentes catégories de partenariat, allant de membre à part entière et de membre associé à celui d’observateur. Les territoires français de la zone peuvent ainsi participer à ces instances et partager leur expertise avec leurs voisins.

Signe d’une forte fragmentation régionale, la Caraïbe est dominée par trois grandes organisations, qui ne présentent pas la même extension géographique ni le même degré d’intégration. L’intégration des outre-mer français dans ces grandes organisations régionales est un objectif important de notre diplomatie.

L’Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO), dont le siège est à Castries (Sainte-Lucie), est l’organisation la plus intégrée et la plus proche de nos territoires, aussi appelés les collectivités françaises d’Amérique (CFA).

L’INTÉGRATION DES CFA AU SEIN DE L’OECO

Selon l’ambassadeur de France auprès des États de l’OECO, M. Philippe Ardanaz, l’OECO est, de par l’existence d’une monnaie commune, un principe de libre circulation et l’édiction de règles internationales qui ont valeur normative, « l’organisation régionale la plus intégrée derrière l’Union européenne ».

L’OECO mène un spectre d’interventions large dans le domaine du commerce, du transport, du tourisme durable et de la gestion des catastrophes naturelles. Vos rapporteures ont rencontré M. Didacus Jules, directeur général de l’OECO, qui a mis la priorité sur les actions visant la jeunesse, dans le domaine de l’éducation, de l’entreprenariat, de la mobilité étudiante ou encore de la protection de l’enfance. Selon M. Jules, « le problème de la coopération régionale n’est pas l’argent, mais l’imagination ». De nombreuses solutions peu coûteuses existent pour renforcer l’intégration régionale, le directeur général évoquant, par exemple, une idée innovante récente consistant à diffuser les journaux français datés de la veille depuis la Martinique vers les États anglophones voisins.

Avant l’adhésion des CFA, l’OECO couvrait un million d’habitants et comptait six pays ainsi que trois territoires dépendant du Royaume-Uni ([12]). La Martinique est devenue membre associé en 2016 et la Guadeloupe en 2019. Après les ouragans Irma et Maria en septembre-octobre 2017, Saint-Martin est devenu observateur. Les CFA ont un poids important au sein de l’OECO, qui compte douze territoires, compte tenu de leur importance démographique et économique.

Les pays voisins étaient à l’origine réticents quant à l’intégration de nos outre-mer dans l’OECO, compte tenu de leur lien à la France. Toutefois, le rapprochement des États de la région et des CFA dans le cadre de l’OECO fournit aux premiers une porte d’entrée vers l’Europe, et notamment vers le marché européen, qui est d’autant plus précieux dans le contexte du Brexit.  

Selon M. Jules, la participation des CFA à l’OECO permet de renforcer les liens humains et économiques, qui seront le ferment de l’intégration régionale dans la Caraïbe. Toutefois, le bilan de l’adhésion de la Martinique à l’OECO est pour l’instant mitigé du fait d’un certain absentéisme aux réunions et d’une insuffisante appropriation des problématiques de la coopération régionale. Le recul manque encore pour évaluer l’impact de l’adhésion de la Guadeloupe, mais celle-ci pourrait créer une saine émulation entre nos CFA à l’OECO.  

La communauté caribéenne, en abrégé CARICOM, dont le siège est à Georgetown (Guyana), est la deuxième grande organisation de la région. Son objectif est d’abord de favoriser le libre-échange entre les quinze pays membres à part entière. La CARICOM est moins fonctionnelle que l’OECO, notamment parce qu’elle est composée de pays de différente taille, des petits États insulaires aussi bien que des pays plus grands comme la Jamaïque, Haïti et le Suriname.

La France tente de favoriser l’adhésion de la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane à la CARICOM afin de permettre, aux côtés d’Haïti, une meilleure représentation de la francophonie au sein de l’institution. Ces demandes d’adhésion se heurtent à des réticences au sein de la CARICOM, qui est dominée par le monde anglophone, qui craint une forme de concurrence culturelle. Par ailleurs, la CARICOM, dont l’objectif principal est de créer une zone de libre-échange, a une perception négative des protections commerciales spécifiques, comme l’octroi de mer, dont bénéficient nos CFA, qui appartiennent à la zone de libre-échange européenne. La France cherche un allié auprès de la Jamaïque, poids lourd de la CARICOM, pour donner un accès à l’organisation à nos territoires d’outre-mer.

L’Association des États de la Caraïbe (AEC) est l’organisation régionale la plus large, celle qui, avec 25 pays membres et 10 membres associés, englobe l’ensemble de la Caraïbe. La France est membre associé de l’AEC, de même que la Guadeloupe et la Martinique en leur nom propre. L’AEC est aussi l’organisation la moins intégrée et, de ce fait, la moins opérationnelle. Elle s’apparente à une instance de dialogue dont l’action principale porte sur la lutte contre l’érosion côtière.

LES ORGANISATIONS RÉGIONALES DANS LA CARAÏBE

Source : direction des Amériques du MEAE.

 L’océan Indien

Dans le bassin régional de La Réunion, la principale organisation régionale est la Commission de l’océan Indien (COI). Elle est un vecteur efficace du renforcement de la présence française dans cette région du monde et contribue fortement à l’insertion de La Réunion dans son environnement régional.

LA COMMISSION DE L’OCÉAN INDIEN (COI)

Née d’un accord de coopération signé en janvier 1984, la COI réunit cinq membres : Madagascar, Maurice, les Seychelles, les Comores et la France (au titre de La Réunion). S’ajoutent des membres observateurs, dont la République populaire de Chine, l’UE et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), et des partenaires comme l’Agence française de développement (AFD).

La France a adhéré à la COI pour permettre à La Réunion de participer à la coopération régionale et de mieux s’intégrer dans sa zone. Alors que la COI s’apparentait à l’origine à une amicale entre ses membres, elle conduit désormais de vrais projets régionaux sur des sujets tels que la gestion des épidémies, la sécurité maritime et la prévention des risques et la réponse aux catastrophes naturelles. La COI parvient, avec succès, à identifier des intérêts communs entre les pays de la région, permettant de dépasser l’obstacle de l’unanimité requise au lancement et à la conduite des projets régionaux.

La COI est aussi un instrument essentiel pour l’influence française. À ce jour, la COI est la seule organisation régionale africaine dont la France soit membre. Elle constitue un vecteur très efficace de renforcement de la légitimité de notre présence dans une région où la France est exposée à de nombreux conflits de souveraineté (cf. infra). Enceinte régionale où le français est la langue de travail, la COI est aussi un instrument de la francophonie. Le dialogue et la mise en œuvre de projets communs permet enfin de créer une solidarité concrète entre la France et les pays de la région qu’il est possible de mobiliser sur les grands enjeux mondiaux, comme la lutte contre le réchauffement climatique.

La France est en conséquence très impliquée dans le fonctionnement de la COI : elle contribue à hauteur de 40 % du budget de fonctionnement de l’organisation ([13]) et y détache des officiers de liaison.

Mayotte n’est pas représentée au sein de la COI en raison de l’opposition des Comores qui revendiquent leur souveraineté sur ce département français. D’autres enceintes régionales ([14]), certes moins ambitieuses que la COI, sont ouvertes à Mayotte et mériteraient d’être mieux investies.

 Le Pacifique

Enfin, les trois collectivités françaises du Pacifique sont très insérées dans les organisations internationales de la région. Depuis 2016, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française sont membres à part entière du Forum des îles du Pacifique (FIP) ([15]), anciennement Forum du Pacifique Sud. La France et les trois collectivités françaises sont par ailleurs membres de la Communauté du Pacifique (CPS), dont le siège est à Nouméa en Nouvelle-Calédonie, ainsi que du Programme régional océanien de l’environnement (PROE). Si ces organisations régionales traitent surtout de sujets techniques, l’appartenance de nos outre-mer à ces dernières permet d’ancrer la légitimité politique de la France dans la région et de renforcer l’intégration de nos territoires ultramarins dans le Pacifique.

4.   L’Union européenne comme contributeur financier majeur

L’insertion des outre-mer dans leur environnement régional est aujourd’hui plus tributaire de l’Europe que de la métropole. Dans un contexte marqué par la réduction des moyens dont disposent les préfectures et les ambassades pour financer des projets de coopération, les financements européens sont devenus déterminants. Dans la mesure où les collectivités territoriales sont les autorités de gestion des programmes européens pour la quasi-totalité des RUP ([16]), l’UE a considérablement renforcé les collectivités territoriales comme acteur de l’intégration régionale.

Le soutien européen à l’intégration régionale des RUP s’insère dans l’objectif de coopération territoriale européenne (CTE) ([17]) dont les programmes sont mis en œuvre par le fonds européen de développement régional (FEDER). Le FEDER finance les programmes « Interreg » consacrés à la coopération régionale outre-mer. Au total, sur les 13,8 Mds€ alloués aux RUP dans le cadre du CFP 2014-2020, les programmes « Interreg » représentent 168,4 M€. Ces fonds sont répartis entre les cinq programmes suivants : Amazonie (18,9 M€), Caraïbes (64,3 M€), Mayotte (12 M€), océan Indien (63,2 M€) et Saint-Martin (10 M€). Si les programmes « Interreg » de Mayotte et Saint-Martin sont strictement transfrontaliers, les trois autres (Caraïbes, Amazonie, océan Indien) associent une composante régionale à la composante transfrontalière. Ces programmes sont gérés par les collectivités territoriales pour financer des projets destinés à renforcer l’insertion régionale des outre-mer. À titre d’illustration, le programme Interreg Caraïbes 2014-2020 finance des études de géothermie entre Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ainsi qu’un projet de mise en œuvre des recommandations du sénateur Théophile ([18]) sur la lutte contre les sargasses.

Le soutien européen aux actions de coopération internationale, régionale ou sous-régionale des PTOM s’inscrit quant à lui dans le cadre de la décision d’association outre-mer (DAO), qui régit les relations entre l’UE et les PTOM. Le principal instrument dont bénéficie les PTOM est le fonds européen de développement (FED) dont la gestion est assurée par la Commission européenne ([19]). Sur les 364,5 M€ alloués aux PTOM (hors Groenland) pour la période 2014-2020, une enveloppe de 100 M€ est dédiée à l’objectif spécifique de la coopération régionale et est répartie entre les trois zones géographiques (Pacifique, Caraïbes, Océan Indien). Le 11e FED 2014-2020 finance des programmes destinés à favoriser l’insertion régionale des collectivités françaises du Pacifique comme, par exemple, un programme territorial doté de près de 30 M€ destiné à soutenir la transition de la Polynésie Française vers un tourisme durable, tout en augmentant les revenus tirés de ce dernier.

L’avenir de la coopération régionale ultramarine européenne dépend des négociations en cours du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027 et, au-delà, de la bonne mise en œuvre des fonds qui seront alloués à cette priorité. Comme on l’a vu, la négociation du prochain CFP est bousculée par la préparation d’une réponse européenne à la pandémie, dans un contexte marqué par la réticence de plusieurs États membres vis-à-vis de la poursuite d’un soutien européen à l’outre-mer. Pour autant, le Conseil européen de juillet 2020 a proposé que les montants consacrés à l’intégration régionale ultramarine soient stabilisés. Conformément au souhait exprimé par les autorités françaises, le Conseil européen a proposé que les PTOM puissent bénéficier du futur instrument sur l’action extérieure de l’UE, même si les fonds, qui seront peut-être limités, bénéficieront plus aux pays tiers.

II.   Affichée comme une priorité depuis vingt ans, l’insertion régionale des outre-mer a produit des résultats le plus souvent limités, qui se heurtent à des limites structurelles

Au cours des vingt dernières années – depuis notamment la loi « LOOM » de 2000 –, la coopération régionale outre-mer s’est approfondie, au bénéfice des territoires et du pays dans son ensemble. Celle-ci reste néanmoins inégale d’un océan à l’autre : elle est plus forte dans le Pacifique, où elle est favorisée par l’autonomie des collectivités, et plus embryonnaire dans l’Atlantique, l’océan Indien représentant une situation intermédiaire. La coopération régionale, qui était d’abord politique, s’est développée dans les domaines sécuritaire, économique, éducatif, sanitaire ou culturel, avec des résultats différenciés. Il reste aujourd’hui de nombreuses marges de progrès, malgré certaines difficultés structurelles à approfondir les échanges entre les territoires ultramarins et leur voisinage.

A.   Les outre-mer se situent à des niveaux d’intégration régionale différents les uns des autres

L’intégration régionale est variable selon les espaces de la présence française : elle reste la moins ambitieuse dans l’océan Atlantique et la plus développée dans le Pacifique, l’océan Indien représentant un cas médian.

1.   L’océan Atlantique : une coopération régionale embryonnaire

De l’aveu même de M. Jean-Bernard Nilam, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane, si des progrès ont été réalisés ces dernières années, le niveau d’insertion régionale des CFA est « très faible ».

Au nord, Saint-Pierre-et-Miquelon est l’exemple même de l’isolement. Malgré les 18 kilomètres qui séparent ce petit territoire des côtes canadiennes, des relations historiques et plusieurs outils de coopération ([20]), Saint-Pierre-et-Miquelon entretient des relations faibles avec les provinces atlantiques du Canada. En plus des difficultés liées à un conflit entre la France et le Canada sur leurs zones de pêche respectives, les instances de dialogue avec le Canada ont été à ce jour insuffisamment exploitées par les autorités locales de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Au sud, l’insertion régionale de la Guyane reste très limitée, en particulier du point de vue des connexions terrestres, maritimes, aériennes et numériques. La Guyane dispose de plusieurs spécificités qui a récemment conduit à relativiser la pertinence de la logique Antilles-Guyane pour privilégier une logique propre, liée au rattachement de ce territoire au continent sud-américain ([21]). Territoire d’outre-mer continental, la Guyane est le seul territoire français qui possède des frontières terrestres et fluviales avec des États tiers de l’UE ([22]). En conséquence, la Guyane partage des bassins de vie importants avec ses voisins : les frontières s’effacent dans l’esprit des populations, qui se considèrent souvent binationales.

LES RELATIONS ENTRE LA GUYANE ET SON ENVIRONNEMENT RÉGIONAL

La Guyane et le Brésil échangent par l’intermédiaire de plusieurs instances de dialogue, parmi lesquelles la commission mixte France-Brésil et une instance spécifique avec les autorités locales de l’Amapa, qui est l’État du Brésil à la frontière de la Guyane. Ce dialogue a permis d’obtenir d’importants résultats dont la réalisation du pont sur le fleuve Oyapock, qui marque la frontière. Dans l’esprit de ses concepteurs, cet ouvrage devait notamment montrer que, malgré la crainte de la concurrence des transporteurs brésiliens, le Brésil n’est pas l’ennemi du développement guyanais. Aujourd’hui, le pont sur l’Oyapock reste néanmoins faiblement utilisé. La circulation sur le pont se heurte à deux principaux obstacles : les visas imposés aux Brésiliens qui souhaitent se rendre en Guyane et le prix de l’assurance des véhicules qui circulent sur le territoire guyanais.

Selon, M. Paulo César de Oliveira Campos, ancien ambassadeur du Brésil en France, avoir la Guyane pour voisin, « c’est un privilège en même temps qu’un défi pour le Brésil ». Le Brésil apprécie le niveau de développement de la Guyane, matérialisé notamment par le centre spatial guyanais, ainsi que la fluidité des relations entre les communautés des deux côtés du fleuve Oyapock. Toutefois, l’obligation de visas et le prix de l’assurance sur les véhicules représentent pour le Brésil des irritants importants dans sa relation avec la Guyane. Vos rapporteures ont pris conscience du niveau de défiance entre la France et le Brésil autour de la situation frontalière avec la Guyane, chaque partie accusant l’autre d’un manque d’engagement et de volonté de coopérer sur les sujets d’intérêt commun. La déforestation de l’Amazonie et la crise de l’épidémie de Covid-19 n’ont pas amélioré les relations.

 La relation de la Guyane avec le Suriname est encore plus complexe. La frontière entre les deux territoires est une réalité théorique : elle est un lieu de passage incessant pour les marchandises et les personnes. De ce fait, la frontière est aussi un lieu de passage important pour la drogue à destination de l’Europe ainsi que pour l’immigration illégale. Dans un contexte d’explosion démographique, le nombre de migrants, caractérisés par un nombre élevé de parturientes, a notamment pour effet de saturer l’hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni situé à la frontière du Suriname. La relation franco-surinamaise est dominée par la coopération en matière de lutte contre l’orpaillage illégal et de lutte contre le trafic international de cocaïne.

 Malgré la difficulté du dialogue entre la France et le Suriname, des progrès ont été enregistrés dans la relation avec le Suriname ces dernières années. Le dialogue politique a été rétabli et les deux parties ont signé un accord de coopération policière. La relation avec le Suriname a toutefois été marquée par trois incidents frontaliers liés à la lutte contre l’orpaillage illégal depuis septembre 2018. Ces incidents ont permis de détecter le flou juridique couvrant la frontière franco-surinamaise et d’initier des négociations pour en définir définitivement le tracé. En dépit de ces difficultés, la coopération se poursuit, notamment les patrouilles militaires conjointes sur le fleuve de Saint-Laurent-du-Maroni et les échanges de renseignements entre services de police. Des négociations sont en cours pour régler l’irritant frontalier, faire aboutir un accord de coopération judiciaire et, possiblement, structurer un parcours de soins entre les deux pays.

 Les quatre collectivités françaises situées dans les Antilles, la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, entretiennent de faibles relations avec leurs voisins. Un chiffre permet de l’illustrer : le flux des échanges économiques entre la Martinique et la Guadeloupe et les îles avoisinantes est de seulement quelques millions d’euros, alors que ces deux territoires français représentent un PIB cumulé de l’ordre de 16 Mds€. Saint-Martin représente une situation spécifique, compte tenu d’une frontière très poreuse avec Sint Maarten, la partie néerlandaise de l’île. À part Sint Maarten, les PTOM européens de la zone souffrent également d’un isolement relatif, en raison de la faiblesse de leurs infrastructures, notamment aéroportuaires. Toutefois, les effets de cet isolement se font moins sentir dans un environnement tourné massivement vers les États-Unis, qui est beaucoup plus proche géographiquement que l’Europe.

Les relations entre nos outre-mer dans l’Atlantique et leur environnement régional sont dominés par les enjeux de sécurité, notamment la lutte contre le trafic de drogue, l’orpaillage clandestin et l’immigration illégale. Pour l’essentiel, la France mène une action régalienne dans cette zone. Comme l’affirme M. Fabrice Mauries, directeur adjoint des Amériques et des Caraïbes au MEAE, « il est nécessaire d’assurer notre sécurité avant de parler de coopération ».

2.   L’océan Indien : l’exemple réunionnais et les difficultés de Mayotte

Dans l’océan Indien, si l’on laisse de côté les terres australes et antarctiques françaises (TAAF) qui sont pour la plupart inhabitées, il est nécessaire de distinguer la situation de Mayotte et de La Réunion.

La Réunion a développé des liens importants avec son environnement régional, même si elle reste en deçà de l’île Maurice, qui est un modèle sur le plan du dynamisme régional. L’intégration de La Réunion est très avancée dans des domaines variés avec Maurice, les Seychelles et Madagascar grâce à la proximité géographique et les liens humains et économiques anciens entre ces îles. La coopération régionale entre La Réunion et les pays voisins repose en large partie sur des projets financés par le programme européen « Interreg », même si l’on peut regretter une dispersion et un manque de coordination entre projets.

MAYOTTE : UNE INTÉGRATION RÉGIONALE EMPÊCHÉE PAR LES COMORES

L’intégration régionale de Mayotte est pénalisée par la revendication de souveraineté comorienne soutenue par plusieurs organisations et États de la région. La revendication comorienne sur Mayotte est soutenue – par principe mais sans activisme – par des acteurs comme les Nations unies, l’Union africaine et la Ligue arabe. La France reste néanmoins mobilisée pour défendre sa souveraineté. Lors de la visite du président de l’Union des Comores, M. Azali Assoumani, à Paris en juillet 2019, les deux présidents ont constaté que le désaccord relatif à la question de Mayotte persistait tout en affirmant leur volonté d’apaisement.

Selon M. Luc Hallade, ancien ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l’océan Indien, la contestation de la souveraineté française « n’est pas un obstacle insurmontable [à l’insertion régionale de Mayotte] si les Mahorais comprennent l’intérêt de se rapprocher des Comoriens ». Pour trouver sa place dans la région, il est nécessaire que Mayotte multiplie les liens avec ses voisins, à commencer par les Comores.

La relation entre Mayotte et les Comores est dominée par la pression migratoire en provenance des Comores, qui a notamment donné lieu à une grave crispation de mars à novembre 2018 (cf. infra). Des discussions ont été engagées avec les Comores à la suite de cette crise pour tenter de renouveler notre partenariat. Ces discussions ont abouti, lors de la visite en France du président Azali en juillet 2019, à la signature d’un document cadre de partenariat (DCP) dont l’objectif est de renforcer les capacités comoriennes de lutte contre les trafics d’êtres humains et de s’attaquer aux causes profondes des migrations. Ce DCP s’accompagne d’un plan de développement France-Comores ambitieux, doté de 150 M€ sur trois ans et ciblé sur les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes, avec un effort particulier sur l’île d’Anjouan.

 

L’environnement régional de Mayotte

Source : MEAE.

3.   L’océan Pacifique : des diplomaties régionales très actives

Les territoires d’outre-mer du Pacifique présentent la spécificité d’être très éloignés de la métropole et des grands pôles de croissance du monde, en plus d’être à l’écart des grandes routes maritimes mondiales. L’environnement régional de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna est lui-même très distendu ([23]). Dans le Pacifique, région dominée par le monde anglophone, le climat et l’environnement sont des terrains de coopération privilégiés.

De nombreux sujets de discorde ont opposé la France aux États du Pacifique par le passé. L’image de la France dans la région a souffert de la présence coloniale, des essais nucléaires en Polynésie française et de l’épisode du Rainbow Warrior. Le Pacifique s’est ainsi organisé en opposition à la France, avec un point de crispation particulier sur la question des indépendances. Le FIP était une organisation initialement composée de pays favorables à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Ce sujet a été porté devant l’assemblée générale des Nations unies qui, en 1986, a réinscrit la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires à décoloniser.

Si certains pays continuent d’évoquer ce sujet au comité de décolonisation de l’ONU, les dernières décennies sont marquées par une réduction des tensions entre la France et les États de la région. La France a arrêté ses essais nucléaires dans le Pacifique. Le développement de relations plus apaisées entre la métropole et les outre-mer s’est accompagnée d’une meilleure acceptation de la France dans le Pacifique. Le référendum du 4 novembre 2018 sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie s’est tenu sous le regard d’une délégation du FIP et des Nations Unies.

En parallèle, l’intégration régionale des collectivités françaises du Pacifique a beaucoup progressé depuis trente ans, ce qui est une tendance positive pour les territoires eux-mêmes et pour la France, qui est aujourd’hui reconnue comme un partenaire constructif dans la région. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française bénéficient d’une très grande autonomie pour conduire leur action extérieure, ce qui en fait des acteurs diplomatiques régionaux à part entière.

Nonobstant le débat sur l’accession à la souveraineté, la Nouvelle-Calédonie est le territoire français du Pacifique le plus intégré dans son environnement régional au sens large. L’intégration régionale est favorisée par la proximité géographique avec ses voisins et l’Asie, vers laquelle la Nouvelle-Calédonie exporte la plupart de sa production minière, à commencer par le nickel. Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie a mené une politique régionale volontariste ces dernières années qui a notamment donné lieu à des missions à l’étranger des autorités locales et à la constitution d’un réseau de délégués de la Nouvelle-Calédonie dans les ambassades de France dans les pays voisins comme, par exemple, en Australie.

LA RELATION ENTRE LA NOUVELLE-CALÉDONIE ET LE VANUATU

La Nouvelle-Calédonie a développé des relations étroites avec le Vanuatu, malgré la persistance d’un différend frontalier avec ce pays indépendant depuis 1980. L’ancien Premier ministre du Vanuatu jusqu’en avril 2020, M. Charlot Salwaï, et l’ancien président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, M. Philippe Germain, ont noué une relation étroite, favorisant un dialogue régulier propice à la conduite de projets d’intérêt commun.

Le Vanuatu s’est affirmé comme un soutien important à l’intégration régionale de la Nouvelle-Calédonie, en appuyant notamment son adhésion en tant que membre à part entière du FIP. Néanmoins, le Vanuatu se plaint régulièrement de ce que la France renvoie sans cesse la relation bilatérale vers la Nouvelle-Calédonie, alors que ce pays souhaiterait nourrir un dialogue d’État à État. De fait, presque tous les dossiers bilatéraux impliquent la Nouvelle-Calédonie.

Les différents projets de coopération menés entre le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie sont examinés chaque année lors de la commission mixte annuelle. Un cadre conjoint de coopération, qui bénéficie d’une enveloppe de 315 000 euros, abondée pour moitié par le Gouvernement français et pour moitié par la Nouvelle-Calédonie, permet de financer des projets conjoints. En ce moment, cette enveloppe est consacrée à des projets dans l’éducation.

La coopération entre la Nouvelle-Calédonie et le Vanuatu se déploie aujourd’hui dans plusieurs domaines :

● la coopération militaire avec les forces armées de Nouvelle-Calédonie (FANC) donne lieu à des entrainements, des formations et des exercices communs, des échanges de sections, une surveillance de la ZEE du Vanuatu et une coopération dans la gestion des catastrophes naturelles ;

● la coopération universitaire s’exprime par un soutien à la création de l’université nationale du Vanuatu et l’existence de deux bourses annuelles permettant à des étudiants vanuatais d’étudier en Nouvelle-Calédonie ;

● la coopération dans le développement passe par la réalisation de plusieurs projets (construction d’un bâtiment de l’université nationale, construction d’une caserne de pompiers pour l’aéroport, etc.) et la mise en place de l’initiative biodiversité pour le Pacifique (cf. infra) ;

● la coopération policière et judiciaire se concrétise notamment par une formation annuelle au profit de la police du Vanuatu qui se déroule en Nouvelle-Calédonie (en revanche, l’entraide pénale n’est pas à la hauteur) ;

● la coopération économique avec la signature, le 23 avril 2019, d’un accord de commerce prévoyant des tarifs douaniers préférentiels sur une liste de produits échangés entre le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie.

Plus isolée géographiquement, la Polynésie française a des voisins moins nombreux et de petite taille. Elle entretient néanmoins des relations régulières avec ses voisins dans la région et, au-delà, avec l’Asie et l’Amérique du sud. Le développement récent des câbles sous-marins transpacifiques y contribue (cf. infra).

Wallis-et-Futuna représente un cas à part, compte tenu de sa taille (11 000 habitants), de la faiblesse de son niveau de développement économique et de son isolement sur le plan des dessertes maritimes et aériennes. Surtout, son statut, hérité de la loi du 29 juillet 1961 ([24]), est celui d’un département français avant les grandes lois de décentralisation de 1982-1983. Ce statut archaïque empêche de donner à Wallis-et-Futuna les compétences nécessaires pour conduire la coopération régionale. Si ce territoire s’efforce malgré tout de nouer des accords avec les pays voisins et de rejoindre les organisations régionales ([25]), une modernisation du statut est un préalable à une véritable intégration régionale.

Proposition n° 4 : réviser le statut de Wallis-et-Futuna afin de donner à ce territoire les compétences nécessaires pour conduire la coopération régionale.

B.   La coopération régionale a produit des résultats contrastés, le plus souvent limités

1.   La France assume les responsabilités qui découlent de l’environnement régional des outre-mer en ayant davantage recours à la coopération

La France est confrontée à de nombreux défis sécuritaires liés aux caractéristiques des bassins régionaux où se situent nos outre-mer. Comme l’affirme le général de corps d’armée Lambert Lucas, ancien commandant de la gendarmerie outre-mer, l’outre-mer se caractérise par une « normalité exceptionnelle » : les territoires ultramarins sont soumis aux normes de la métropole tout en étant confrontés à une situation exceptionnelle liée à leur environnement régional. Pour assurer l’ordre et la sécurité, l’État déploie une action régalienne, en mobilisant la gendarmerie, la police judiciaire, la douane, les services de l’État en mer ou encore les armées. Comme nous l’avons vu, la zone Antilles-Guyane est marquée par la prévalence de ces enjeux régaliens et sécuritaires, du fait notamment de la porosité des frontières et des écarts de développement entre pays.

Malgré l’efficacité de son action, l’État ne peut pas et ne doit pas gérer tout seul les enjeux de sécurité autour des outre-mer. Une action concertée avec les pays voisins est indispensable pour relever les problèmes communs, ce qui suppose de mobiliser des moyens diplomatiques et de nouer des partenariats régionaux. La coopération régionale génère d’ailleurs des bénéfices politiques. Lorsque la France aide d’autres pays et contribue à la stabilité régionale, celle-ci peut obtenir des concessions en retour comme, par exemple, la participation des armées locales aux missions de maintien de la paix au Sahel où la France est engagée.

La coopération régionale ne permettra pas de résoudre tous les problèmes. Il faut bien remarquer que, en pratique, la coopération dans le domaine de la sécurité est souvent déséquilibrée, car les voisins de nos outre-mer n’ont pas les mêmes moyens que la France. Surtout, les défis sécuritaires s’expliquent le plus souvent par la pauvreté des populations, ce qui exige d’agir sur le terrain du développement. Il reste que la coopération régionale permet de lutter avec plus d’efficacité face aux défis sécuritaires liés au voisinage de nos outre-mer. Le levier de la coopération régionale doit être plus utilisé qu’il ne l’est aujourd’hui.

a.   La lutte contre le trafic de drogue dans la Caraïbe

La mer des Caraïbes est une zone de passage de nombreux trafics criminels, qui s’accompagnent d’une violence dont témoigne un taux d’homicide supérieur à la moyenne mondiale. La Caraïbe est, en particulier, une zone de transit pour le trafic de drogue ([26]) dans laquelle nos CFA servent de plateformes logistiques. Cette région est traversée par plusieurs grandes routes du trafic de drogue au départ des pays producteurs, notamment la Colombie, qui tirent aujourd’hui profit du vide sécuritaire généré par la situation politique au Venezuela. Il existe notamment deux routes pour rejoindre l’Europe : une route qui rejoint la Caraïbe et passe par les ports de nos CFA et une route qui traverse le Suriname pour transiter par la Guyane. Chaque vol entre Cayenne et Paris serait emprunté par une dizaine de mules. L’importance des flux a pour effet de saturer les services de l’État, qui souffrent par ailleurs d’un manque de coordination. En tout état de cause, le succès de la lutte contre le trafic de drogue repose moins sur les saisies que sur le démantèlement des réseaux criminels. Un récent rapport du Sénat a fait le point sur ce sujet ([27]).

La lutte contre le narcotrafic dans la Caraïbe s’appuie en partie sur la coopération régionale avec les États-Unis et les pays de la région. L’échange de renseignements sur les flux maritimes est primordial pour démanteler les réseaux criminels. La France entretient notamment une coopération importante avec le Regional Security System (RSS), une organisation de défense et de sécurité réunissant plusieurs îles caribéennes qui sert notamment de cadre pour la coopération régionale dans le domaine de la répression du trafic de stupéfiants. Sur le plan bilatéral, la gendarmerie nationale entretient une très bonne coopération avec les garde-côtes des Pays-Bas à Sint Maarten, qui est une des plaques tournantes du trafic de drogue à destination des îles limitrophes et de l’Europe.

Toutefois, vos rapporteures regrettent la faiblesse des moyens alloués à la coopération technique et opérationnelle avec les États de la région. Il serait par exemple intéressant de proposer aux pays de l’OECO les outils régaliens qui ont fait leur preuve dans l’UE, comme Eurojust ou le mandat d’arrêt européen.

b.   La répression de l’orpaillage illégal

L’orpaillage illégal, qui fait référence à l’extraction artisanale de l’or sans respect des normes, est à l’origine d’une catastrophe environnementale en Guyane. La plupart des orpailleurs clandestins, surnommés les garimpeiros, sont originaires des États les plus pauvres du Brésil, au nord-est. Près de 10 000 garimpeiros, répartis sur environ 350 chantiers, travailleraient dans la forêt guyanaise.

Le volet répressif de la lutte contre l’orpaillage illégal s’organise dans le cadre de l’opération « Harpie », lancée officiellement le 11 février 2008. Menée sur un terrain particulièrement difficile, compte tenu de l’élongation du territoire guyanais, de la densité de la forêt équatoriale et de la longueur de la frontière, cette opération a pour objectif de contenir l’orpaillage illégal à un faible niveau et d’en limiter les conséquences économiques, sociales et environnementales. Les gendarmes et militaires qui y participent travaillent à l’identification et à la destruction des sites d’orpaillage clandestin, dans l’idée de réduire la rentabilité de cette activité.

Selon la gendarmerie outre-mer, la France lutte beaucoup plus efficacement contre l’orpaillage illégal qu’auparavant. Le nombre de sites et le volume des employés sur site a beaucoup diminué. Toutefois, il restera difficile de venir à bout de cette activité tant que le cours de l’or restera durablement élevé et qu’il n’y aura pas d’accord de remise des orpailleurs illégaux à la frontière.

L’opération « Harpie » s’insère dans le cadre d’une coopération militaire internationale qui se traduit par un nombre important de patrouilles communes sur les fleuves frontières avec le Brésil et le Suriname. Toutefois, vos rapporteures ont constaté que cette coopération était marquée par un manque de confiance mutuelle, voire par une certaine défiance. Selon M Paulo César de Oliveira Campos, ancien ambassadeur du Brésil en France, la sécurité de la frontière sur l’Oyapock serait assurée essentiellement par l’armée de terre brésilienne, ce que dément le commandement de la gendarmerie nationale outre-mer.

Si elle est en phase de montée en puissance, la coopération entre la Guyane et ses voisins dans la lutte contre la délinquance, au-delà du seul enjeu de l’orpaillage clandestin, est encore limitée. La coopération reste trop faible avec le Suriname qui est une zone de transit importante en matériel d’orpaillage, en armes et stupéfiants, en plus d’être une zone de repli des délinquants. Un officier de gendarmerie a été affecté en septembre 2019 au sein du commandement de la gendarmerie de Guyane pour développer la coopération internationale dans la zone.

c.   La protection des ressources halieutiques

Compte tenu de son étendue et de la richesse de ses ressources halieutiques, la mer ultramarine est soumise à un risque de prédation de la part des pêcheurs illégaux. La pêche illégale frappe tous les océans, au large de la Nouvelle-Calédonie, dans la Caraïbe ou encore aux alentours des TAAF.

La Marine nationale est parvenue à limiter et à dissuader la pêche illégale par une pression forte et continue sur les bateaux de pêche illégaux. La loi française permet l’interpellation et l’interception des corvettes et va jusqu’à autoriser la destruction de la cargaison et des moyens de pêche. L’action de la Marine nationale a néanmoins été entravée par une période de rupture capacitaire sur les moyens de surveillance en outre-mer dont la France est en train de sortir progressivement. Aujourd’hui, le seul territoire où la France est encore en difficulté est la Guyane, avec des pêcheurs d’une grande violence. Une des difficultés réside dans la faiblesse de la coopération en matière de police des pêches avec le Suriname.

La France coopère avec de nombreux pays, notamment en matière d’échange de renseignements, pour lutter contre ce fléau commun. L’efficacité de l’action militaire contre les « blue boats », du nom des pêcheurs vietnamiens qui venaient pêcher de l’holothurie dans les eaux néo-calédoniennes compte tenu des tensions en mer de Chine, a été décuplée par l’effort diplomatique vis-à-vis du Vietnam et du renseignement acquis en coopération avec l’Australie.

Les moyens utilisés par la France pour défendre ses intérêts et surveiller son espace maritime sont également utilisés en soutien des États proches de chaque collectivité d’outre-mer. La France assure notamment des missions de sécurité maritime au profit de Madagascar dont la ZEE est sujette aux pillages des pêcheurs d’Afrique continentale. Ce soutien direct apporté à Madagascar dans la lutte contre la pêche illégale est un moyen de stabiliser les pêcheurs artisanaux malgaches dans leurs eaux territoriales, afin que ces derniers n’aient plus besoin de pêcher dans les eaux françaises. Par ailleurs, la France en tire un bénéfice politique dans la gestion du contentieux sur les îles Éparses, qui sont revendiquées par Madagascar. Cette revendication reste théorique tant que Madagascar aura besoin de la présence française pour assurer la sécurité de ses zones de pêche.

d.   La lutte contre l’immigration irrégulière

L’immigration illégale est un enjeu spécifique à la Guyane et à Mayotte, compte tenu des liens anciens, des différences de niveaux de vie et de la perméabilité des frontières entre ces territoires et leur environnement régional.

La Guyane connait actuellement une période d’explosion démographique. Cette croissance rapide de la population a lieu sous l’effet conjugué d’un taux de natalité élevé et d’une forte pression migratoire. Depuis 1980, plus de 60 000 personnes ont migré vers ce département ([28]), qui compte aujourd’hui près de 300 000 habitants. L’ancien préfet de Guyane, M. Patrice Faure, rappelle que l’immigration en Guyane est multiple et ne pose pas toujours les mêmes difficultés. À côté de l’immigration qui concerne l’asile et de l’immigration liée aux personnes qui traversent fréquemment la frontière, la Guyane est marquée par une immigration de populations, en provenance notamment du Brésil, qui viennent profiter des minima sociaux ou travailler dans des secteurs marqués par une pénurie de main-d’œuvre.

Mayotte est marquée par une immigration forte et soutenue depuis les Comores. Chaque année, près de 35 000 comoriens arrivent à bord de « kwassa-kwassa » à Mayotte, dont le quart de la population est comorienne, une proportion en augmentation ([29]). La pression migratoire sur Mayotte contribue à une saturation des services publics, notamment des écoles et des hôpitaux, et génère des tensions entre communautés à l’origine de troubles sociaux majeurs. Le général de corps d’armée Lambert Lucas voit dans la situation de Mayotte la « chronique d’une catastrophe annoncée » et craint, lors d’une prochaine explosion sociale, que la gendarmerie ait à s’interposer entre populations mahoraise et comorienne.

L’immigration irrégulière dans le reste de l’outre-mer est beaucoup plus limitée. Aucun problème migratoire n’est constaté dans le Pacifique, où les réfugiés en provenance de l’Asie et du Moyen-Orient et les ressortissants des petites îles de la région migrent davantage vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La Réunion connait néanmoins une immigration nouvelle en provenance du Sri Lanka avec le déport de certaines routes vers l’Australie, dont la politique migratoire est très restrictive. Dans la Caraïbe, la Martinique et la Guadeloupe craignent une immigration en provenance d’Haïti qui s’enfonce dans une grave crise politique et humanitaire. À plus long terme, la montée des eaux devrait générer d’importants flux migratoires vers nos outre-mer.

L’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière dépend certes du renvoi des personnes en situation irrégulière mais surtout d’une politique de coopération avec les pays d’origine et de transit afin de prévenir les départs. L’absence ou l’échec de la coopération aggrave les crises migratoires. À Mayotte, la question migratoire a ainsi connu une période difficile à la suite de la décision prise par les autorités comoriennes, le 21 mars 2018, de bloquer les réadmissions de leurs ressortissants en situation irrégulière à Mayotte. En réponse, la France a suspendu la délivrance de visas aux Comoriens, résidant aux Comores mais aussi à l’étranger. Le dialogue entre ministères des affaires étrangères a permis la reprise des réadmissions à un rythme normal en novembre 2018 ([30]). Des solutions peuvent également s’envisager à l’échelle régionale, à l’image du projet de la COI de créer un centre de récolte des informations des activités en mer.

e.   La préparation aux crises de grande ampleur

Expression de la solidarité ancienne entre marins dans le secours aux naufragés, la coopération est au cœur de l’activité de sauvetage en mer. Les États ont découpé les océans en régions de recherche et de sauvetage (SRR). Dans chaque SRR, un État est responsable de la surveillance et de la coordination des secours. Vos rapporteures ont visité le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Antilles-Guyane qui coordonne les secours dans une zone maritime colossale qui intègre de nombreuses îles des petites Antilles.

La mission de secours en mer s’est progressivement complexifiée avec l’accroissement de la taille des porte-conteneurs, des pétroliers et des navires de croisière. Vos rapporteures soulignent l’importance de renforcer la coopération dans le domaine spécifique du secours maritime de grande ampleur. La Caraïbe est par exemple marquée par une menace terroriste, certes faible, qui se concentre à Trinidad-et-Tobago, ainsi qu’un risque épidémique, qui n’est pas propre à cette région. Avec un tiers du marché mondial de la croisière, la région est vulnérable à une crise de grande ampleur, qui pourrait conduire à l’effondrement économique des îles de la région, compte tenu de leur dépendance au tourisme. Une coopération opérationnelle dans le domaine du secours maritime de grande ampleur est en cours de renforcement avec les garde-côtes américains et néerlandais. Cet effort doit être prolongé par des accords bilatéraux avec les États de la région ainsi qu’un rapprochement avec le RSS pour définir un cadre de coopération régionale.

Alors que la menace climatique devient centrale, les outre-mer doivent aussi se préparer à la multiplication des catastrophes naturelles. Les territoires ultramarins sont exposés à tous les risques naturels – ouragans, tsunamis, séismes ou éruptions volcaniques – et l’intervention des secours y est compliquée par l’insularité. La France peut fournir une assistance internationale à ses voisins ([31]), soit sous la forme d’une assistance bilatérale, soit par la mise en œuvre du mécanisme de protection civile de l’Union (MPCU). Lors de l’ouragan Irma, qui a dévasté une partie des îles des petites Antilles en septembre 2017, la France a envoyé des secours, notamment un détachement de sapeurs-pompiers, à la Dominique depuis les CFA. Les Antilles sont également confrontées au risque tsunami. La France a développé une réponse nationale, avec des mesures de sensibilisation des populations aux bons réflexes, mais vos rapporteures ont été surprises de l’absence de sirènes dans les CFA pour avertir les populations en cas de catastrophes naturelles. Au niveau régional, le groupe d’alerte international sur les îles de la Caraïbe, créé après le tsunami de 2004, organise un exercice annuel sur le risque tsunami qui fait intervenir des dizaines d’États et territoires et des centaines de milliers de personnes.

La coopération en matière de protection civile est amenée à se renforcer sous l’effet du changement climatique et des crises qui en découlent. L’épisode cyclonique de 2017 a mis en évidence le fait que, malgré la qualité de la réponse collective et le rôle fondamental des CFA, il existait encore des marges de progression. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui disposent dans la zone de moyens de protection civile importants, ont été présents et actifs dans la gestion de l’ouragan Irma et sont demandeurs d’une coopération renforcée en matière de gestion de crise avec la France. Contrairement aux États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas sont, comme la France, favorables au multilatéralisme et à la montée en puissance des organisations régionales dans ce domaine. Une négociation est en cours entre la France et le CARICOM pour aboutir à un accord sur la sécurité civile qui vise à favoriser une coopération entre les services de gestion de crise pour faire face aux risques majeurs dans une région exposée aux catastrophes naturelles. En parallèle, un projet appelé « Carib-Coast » conduit dans le cadre de l’AEC a pour ambition de mettre en œuvre un réseau caribéen de surveillance et de prévention des risques côtiers et d’adaptation au changement climatique.

Proposition n° 5 : renforcer la préparation de nos outre-mer à la gestion de crise de portée régionale, en particulier dans le domaine du secours maritime de grande ampleur et de la protection civile face aux catastrophes naturelles.

2.   Malgré la multiplication des actions de coopération, les outre-mer tirent trop peu parti des opportunités que représente leur voisinage

a.   L’ouverture économique

L’environnement régional des outre-mer présente un potentiel économique qui est insuffisamment exploité par les territoires d’outre-mer. Les économies ultramarines restent faiblement internationalisées et majoritairement dépendantes de la métropole qui est leur premier partenaire commercial. Le taux de couverture moyen des importations par les exportations dans les départements et régions d’outre-mer, qui était de 7,4 % en moyenne en 2015 contre 94 % en métropole ([32]), atteste d’un important déséquilibre des échanges. Si La Réunion est plus ouverte à son environnement régional ([33]), la projection économique de nos outre-mer dans le Pacifique et surtout dans l’Atlantique reste limitée. Les CFA n’effectuent aujourd’hui que 10 à 15 % de leurs échanges avec les pays voisins.

Le développement des échanges se heurte à l’existence de tarifs douaniers spécifiques, dont l’octroi de mer, et de normes restrictives imposées pour l’accès au marché européen. Une partie de ces normes – et une partie seulement – sont destinées à protéger les territoires ultramarins de la concurrence internationale. Le niveau des salaires et le coût de production en outre-mer rendent en effet difficiles d’exporter dans le voisinage. Dans la Caraïbe, le passé historique est aussi à l’origine d’une hyperspécialisation de l’économie dans des productions agricoles comme la canne ou la banane qui se retrouvent en concurrence directe avec les produits des pays voisins à faible coût de main-d’œuvre. En Guyane par exemple, la faiblesse du trafic routier sur le pont sur l’Oyapock, pourtant ouvert depuis 2017, est le reflet des craintes des élus locaux que le commerce avec le Brésil fragilise l’économie guyanaise, alors même que le renforcement de la relation économique avec le Brésil est, selon vos rapporteures, une des clefs du développement de la Guyane.

L’existence de cette barrière à l’entrée des outre-mer aboutit à une situation absurde. Nos outre-mer et leur voisinage n’échangent pas directement, mais par l’intermédiaire de l’hexagone. De nombreuses productions ultramarines transitent par l’hexagone pour revenir dans l’environnement régional de nos outre-mer, et inversement. Le rhum martiniquais exporté à Cuba, de même que la viande brésilienne exportée en Guyane, passent par Le Havre ou Dunkerque. Vos rapporteures considèrent que cette situation, qui favorise le marché noir, représente une bêtise économique et écologique, alors que la règle devrait être de privilégier les circuits courts.

b.   L’attractivité touristique

Les données sur le tourisme dans les outre-mer sont très limitées, a fortiori lorsqu’il s’agit du tourisme étranger. Jusqu’à récemment, les outre-mer n’étaient pas comptabilisés dans les chiffres nationaux du tourisme. En 2017, la direction générale des entreprises (DGE) évaluait, pour la première fois, à 400 000 le nombre de touristes étrangers annuels dans les territoires ultramarins ([34]), un chiffre qu’Atout France estime être en réalité plutôt aux alentours de 700 000 ([35]). Dans certains territoires, comme la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, la part du tourisme étranger atteint des taux proches de 70 % ([36]).

Ces dernières années ont été marquées par une réorientation du tourisme outre-mer vers la clientèle régionale. Les Antilles tentent d’attirer des touristes en provenance d’Amérique du nord ou d’Amérique du sud ; de même, l’île de La Réunion cherche à attirer les touristes indiens ou sud-africains. Le secteur de la croisière en particulier est en plein dynamisme dans les outre-mer, avec près de 400 000 croisiéristes qui passent à Nouméa chaque année. Les territoires d’outre-mer français se situent néanmoins dans des bassins régionaux concurrentiels. Dans l’océan Indien, l’île Maurice attire par exemple davantage de touristes étrangers que La Réunion.

Selon M. Christian Mantei, ancien directeur général d’Atout France, un des principaux obstacles au développement du tourisme outre-mer, à l’échelle régionale et au-delà, réside dans l’absence de réelle politique du tourisme en France. Si certaines collectivités ultramarines compensent l’absence de pilotage de l’État en adoptant des schémas de développement touristique, toutes n’en sont pas dotées. Il est nécessaire d’aller plus loin dans l’impulsion et le pilotage de la politique du tourisme afin de répondre aux faiblesses qui caractérisent le développement du tourisme outre-mer. Parmi ces faiblesses figurent le manque d’attractivité des villes, la faiblesse des connectivités aériennes, la qualité inégale du service et l’exposition aux aléas climatiques. 

c.   La coopération sanitaire

La coopération dans le domaine sanitaire entre les outre-mer et leur environnement régional est aujourd’hui très modeste. Sur le plan bilatéral, les hôpitaux ultramarins ont parfois mis en place quelques parcours de soins avec les structures de santé des pays voisins. Par exemple, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique participe à un programme d’accueil d’infirmières étrangères et à un programme d’assistance technique en matière de soins intensifs. Au niveau régional, de rares cadres de coopération sanitaire existent au sein de l’Organisation panaméricaine de santé (OPS), dont la France est un « membre participant », et de la COI, notamment dans le domaine de la veille épidémiologique (cf. infra).

Le développement d’une véritable coopération sanitaire se heurte à des difficultés techniques et financières, liées notamment à la structuration des parcours de soins, mais surtout au manque d’envie de coopérer dans ce domaine, y compris parfois entre les territoires d’outre-mer eux-mêmes. En témoigne la difficulté à organiser une véritable complémentarité de l’offre de soins entre la Martinique et la Guadeloupe, deux territoires dotés de leur propre CHU. En attendant une vraie coopération, vos rapporteures condamnent les pratiques publicitaires des entreprises de croisière qui font de la qualité des soins dans nos outre-mer un atout commercial.

d.   La coopération éducative

Certains territoires ont développé des programmes éducatifs en coopération avec les pays dans leur voisinage. Longtemps peu tournée vers l’extérieur, l’Université de La Réunion a développé des projets en coopération avec Maurice, comme la création d’une faculté de médecine franco-mauricienne, et Madagascar, avec la mise en place de formations délocalisées et l’octroi de bourses d’excellence. Dans le Pacifique, l’Université de la Nouvelle-Calédonie, qui était par le passé embryonnaire et commune avec la Polynésie Française, est désormais mieux reconnue dans le cercle régional des universités. La Nouvelle-Calédonie a signé des accords avec les pays voisins pour y envoyer des étudiants et, inversement, pour accueillir des étudiants de la région, par exemple du Vanuatu.

Malgré l’existence de certains programmes prometteurs, les universités ultramarines peinent à capter les étudiants des pays voisins, qui se rendent dans d’autres pays de la région ou dans l’hexagone lorsqu’ils envisagent de poursuivre leurs études en France. Dans les Antilles, l’Université des Indes occidentales, partagée par dix-sept États et territoires anglophones de la Caraïbe, a pris le pas sur l’université des Antilles, implantée en Guadeloupe et en Martinique, qui n’a pas suffisamment investi le champ régional. Les outre-mer du Pacifique accueillent peu d’étudiants asiatiques par rapport aux universités australiennes et néo-zélandaises. Mêmes les élèves qui ont étudié dans les lycées français à l’étranger se rendent trop peu dans les universités françaises pour y poursuivre leurs études.

Si la stratégie d’attractivité du Gouvernement pour les étudiants internationaux « Bienvenue en France » annoncée à la fin de l’année 2018 vise à remédier à cette situation, force de constater que la hausse des frais d’inscription pour les étudiants étrangers aura pour effet, au moins dans l’immédiat, de réduire le nombre d’étudiants étrangers en mobilité dans les universités ultramarines.

Selon Mme Laurence Auer, ancienne directrice de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau du MEAE, les coopérations universitaires ou de recherche sont difficile à nouer car elles sont souvent liées à des personnes plus qu’à des politiques publiques. Par ailleurs, l’Agence française de développement (AFD) est mal outillée pour financer ces projets, qui sont trop modestes et trop complexes, et qui sortent du cœur de métier de l’agence. Selon Mme Auer, l’éducation ne représentait en effet que 0,7 % des engagements de l’AFD en 2017. Enfin, il ne faut pas négliger la difficulté linguistique, nos outre-mer étant pour la plupart situés dans des environnements anglophones. L’enseignement bilingue dispensé à Maurice est un véritable atout dans la concurrence avec La Réunion pour attirer les étudiants étrangers.

e.   La coopération culturelle

La coopération culturelle entre l’outre-mer et son environnement régional est composée d’une série de projets de taille modeste. À titre d’exemple, l’École nationale supérieure d’architecture de La Réunion (ENSAM), seule école d’architecture en outre-mer, a récemment constitué un réseau avec d’autres écoles de l’océan Indien, en Afrique du sud, au Mozambique, en Inde et en Australie. En Polynésie Française, le festival international du film documentaire océanien (FIFO), qui a lieu chaque année à Tahiti, a conquis le public océanien depuis sa création en 2004. Plus récemment, le festival « Tout le monde », qui a été créé à Miami en mars 2018, permet de valoriser la création visuelle des artistes de nos CFA.

Malgré ces projets animés par des équipes motivées, la culture reste le parent pauvre des actions de coopération. Or, la coopération culturelle est un instrument du rayonnement de la France à l’étranger, et notamment de la francophonie, qui apparait aujourd’hui sur le recul. Vos rapporteures sont préoccupées par la fragilisation de la francophonie dans l’océan Indien, dans lequel se trouve pourtant deux pays, Maurice et les Seychelles, qui comptent le français comme langue officielle, et une organisation régionale, la COI, qui compte le français comme langue de travail. Ce recul est lié en partie à l’accroissement de l’offre de bourses par les partenaires arabes, comme aux Comores, et à la grande faiblesse de la formation continue du corps enseignant francophone à Madagascar.

C.   Le rapprochement des outre-mer avec leur environnement régional se heurte à des difficultés de taille

1.   Les contentieux de souveraineté avec les pays voisins

Les contentieux de souveraineté sont autant d’obstacles aux stratégies d’insertion des outre-mer dans leur environnement régional.

De manière distinctive, l’océan Indien est une zone où les voisins de nos outre-mer contestent la légitimité de la présence française. Cette zone est marquée par trois contentieux de souveraineté : la revendication des Comores sur Mayotte, le contentieux avec Maurice sur l’île Tromelin et la contestation par Madagascar de la souveraineté française sur les quatre autres territoires des îles Éparses (Glorieuses, Juan de Nova, Europa et Bassas da India). Ces contestations de la souveraineté française disposent de plusieurs relais en Afrique, en particulier chez certains pays riverains d’Afrique australe. L’Afrique du sud, dont le pouvoir est anticolonial, milite officiellement pour la décolonisation de la Réunion.

 


LES OUTRE-MER DANS L’OCÉAN INDIEN

 

Source : MEAE.

Au-delà des cas où la présence française est contestée dans son principe, la France est confrontée à des contentieux sur ses frontières terrestres et maritimes. Les contentieux aux frontières terrestres sont peu problématiques. Les différends qui persistent sur le tracé de la frontière entre la Guyane et le Suriname ainsi que sur l’étang-aux-huitres, qui sépare les deux parties de l’île de Saint-Martin, font actuellement l’objet de négociations diplomatiques. Les problèmes de délimitation des frontières maritimes se concentrent quant à eux dans la zone maritime de Mayotte et dans les eaux territoriales de la Nouvelle-Calédonie, compte tenu du différend qui oppose ce territoire au Vanuatu sur les îles Matthew et Hunter. Saint-Pierre-et-Miquelon s’oppose par ailleurs au Canada sur la définition de sa ZEE.

La garantie de la souveraineté française sur nos outre-mer et notre ZEE repose en large partie sur les armées, et en particulier sur la Marine nationale. La France dispose de cinq forces dites « de souveraineté » implantées en outre-mer, qui représentent 8 300 personnels. Ces forces ont une fonction de protection, destinées à garantir l’intégrité de nos espaces de souveraineté et la sécurité de nos ressortissants, et une fonction de prévention, afin de s’assurer que les ressources sous souveraineté française ne soient pas pillées. À titre d’exemple, les armées conduisent des patrouilles régulières à proximité des îles Éparses situées dans le canal du Mozambique afin d’éviter que des personnes viennent s’y installer.

Zones de compétence des forces armées françaises en dehors de l’hexagone

 

Source : État-major des armées.

Le général de division aérienne Hervé Bertrand, ancien chef de la division « Emploi » à l’état-major des armées, n’observe aujourd’hui pas de menace première sur la défense de nos outre-mer. Ce dernier constate néanmoins des « instabilités émergentes [dans] un environnement géopolitique moins normé qu’en métropole », ce qui devrait se traduire par un renforcement des missions des forces armées en outre-mer. L’océan Indien est notamment marqué par une instabilité croissante au Mozambique et un islamisme grandissant aux Comores. Certaines tensions opposent la France à la Chine en mer de Chine méridionale, où la Marine nationale exerce un droit de passage pour faire respecter le droit international.

Face aux contentieux de souveraineté comme à ces instabilités croissantes, les armées contribuent à la crédibilité de la France dans les bassins régionaux où se trouvent les territoires d’outre-mer. Les forces armées outre-mer doivent pouvoir gérer le quotidien et, en fonction de l’ampleur de la menace, compter sur des renforts de proximité, voire sur des renforts de métropole, comme ce fut le cas lors de la gestion de l’ouragan Irma en 2017 ou du référendum en Nouvelle-Calédonie en 2018. Après des années de restructuration qui ont conduit à des difficultés sur le plan des moyens des armées, la loi de programmation militaire pour 2019-2025 ([37]) entreprend de corriger certaines fragilités, notamment capacitaires ([38]).

Les forces armées sont aussi engagées dans des coopérations afin de conforter la présence française et de relever les défis sur le plan de la sécurité extérieure de nos outre-mer. Sur le plan bilatéral, la coopération militaire menée par les forces armées dans la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI) avec les pays voisins contribue à conforter la place de La Réunion et Mayotte dans la région. Dans la Caraïbe, les forces armées aux Antilles (FAA) avaient programmé, pour l’année 2020, des actions de coopération avec 14 pays, 53 escales, 9 conférences régionales et deux exercices majeurs avec les États-Unis.

L’action militaire, même lorsqu’elle est menée en coopération, n’est pas suffisante pour lever les obstacles à l’intégration régionale qui résulte des contentieux de souveraineté avec les pays de la région. L’océan Indien fournit plusieurs illustrations de l’importance de ces blocages. La présidence sud-africaine de l’association des États riverains de l’océan Indien (Indian Ocean Rim Association), qui regroupe 22 États d’Afrique, d’Asie et d’Océanie qui ont pour objectif de développer une coopération économique favorable au développement de la région, a refusé d’inscrire à l’ordre du jour de l’organisation la question de l’admission de la France, actuellement observateur, comme membre à part entière. L’Afrique du Sud refuse également de signer les conventions nécessaires pour bénéficier des crédits du programme « Interreg V océan Indien » afin de conduire des projets avec La Réunion. Enfin, même si la France et le Mozambique entretiennent de bonnes relations et n’ont pas de différend territorial, Maputo est réticent à l’idée de formaliser notre coopération maritime dans l’océan Indien.

La protection de notre souveraineté, qui n’est pas négociable, doit s’accompagner d’un effort de la diplomatie française pour surmonter les obstacles à l’intégration régionale. La France tente de faire évoluer sa relation avec le continent africain en faisant valoir sa singularité par rapport à d’autres pays comme la Turquie ou la Chine. M. Thabo Mbeki, ancien président d’Afrique du Sud entre 1999 et 2008, avait gratifié la France du titre de « citoyenne d’Afrique ». De par sa population d’origine africaine et le million de ressortissants français dans l’océan Indien, la France peut faire valoir sa proximité avec l’Afrique. La visite du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, en Afrique du sud au début de l’année 2019, qui a donné lieu à la signature de deux accords en lien avec La Réunion, l’un sur la gestion du risque requin et l’autre sur la coopération entre parcs naturels, montre que cet effort diplomatique peut produire des résultats.

La France doit faire preuve de pragmatisme pour favoriser l’intégration régionale en acceptant de négocier, non pas la souveraineté, mais les conséquences de la souveraineté. La coopération sur la sécurité maritime entre la France et Madagascar est précieuse pour dépasser le contentieux sur la revendication des îles Éparses. La France et le Mexique ont également signé un accord sur l’île de Clipperton, qui reconnait aux pêcheurs de ce pays le droit d’accéder à notre ZEE sous réserve de la notification des campagnes de pêche. Une solution similaire devrait être trouvée à Saint-Pierre-et-Miquelon afin que le problème de la délimitation de la ZEE n’entache pas la relation bilatérale avec le Canada, pays avec lequel la France a de fortes convergences de vue sur les grands dossiers internationaux.

2.   L’écart entre l’outre-mer et le voisinage

Outre leurs caractéristiques géographiques, dont l’insularité et l’exiguïté, nos territoires ultramarins se caractérisent par des différences objectives avec leur voisinage, sur le plan économique, culturel et politique, qui ne favorisent par la rencontre des volontés nécessaire à l’impulsion d’une dynamique commune.

Les écarts de développement à l’intérieur de chaque bassin régional, et les différences de niveaux de vie et de normes qu’ils induisent, sont à l’origine d’une véritable difficulté à développer des approches coordonnées. L’océan Indien est marqué par un contraste entre des pays pauvres prioritaires, comme Madagascar et les Comores, et des pays plus développés, comme Maurice et les Seychelles. Dans le Pacifique, des géants économiques comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont entourés par des micro-États qui sont beaucoup moins développés. Par exception, dans chaque bassin régional, plusieurs pays ont atteint un niveau de développement proche de celui de nos outre-mer. Dans la Caraïbe par exemple, La Barbade et Trinidad-et-Tobago ne sont pas très éloignés des Antilles françaises.

Ces écarts de développement, qui résultent des succès passés de la politique de rattrapage avec la métropole, compliquent la coopération régionale à plusieurs titres. Ils expliquent l’importance de l’immigration illégale vers Mayotte, qui est aujourd’hui dix-sept fois plus développée que les Comores. Ils sont également à l’origine du déséquilibre dans les actions de coopération régionale, qui sont moins orientées vers nos outre-mer que vers les pays voisins, qui manquent d’expertise technique et de moyens financiers pour soutenir les projets de coopération. Les pays moins développés sont par exemple réticents à négocier des conventions inter-hospitalières avec nos outre-mer compte tenu des engagements financiers que sont susceptibles de représenter les soins accordés à leurs ressortissants.

Au-delà de la seule dimension économique, les bassins régionaux dans lesquels se situent les outre-mer sont marqués par une fragmentation culturelle et linguistique. Dans l’océan Indien, La Réunion, Maurice et les Seychelles partagent une culture créole française qui les distinguent de Mayotte et des Comores, qui ont en commun une identité plus proche de l’Afrique, ainsi que de Madagascar, qui forme une entité culturelle distincte avec ses 27 millions d’habitants. Le Pacifique se caractérise par un éclatement en trois sous-ensembles, la Polynésie, la Mélanésie et la Micronésie, marqués par de grandes différences culturelles. Colonisée par des nations différentes et peuplée par des populations d’origine africaine distinctes, la Caraïbe n’en est pas moins marquée par un manque d’unité culturelle.

La langue est un facteur supplémentaire de coupure entre l’outre-mer et l’environnement régional. Dans l’océan Atlantique, la Guyane a des liens plus développés avec les Antilles françaises éloignées de près de 2 000 kilomètres qu’avec ses voisins immédiats. Avec la Guyane, les Antilles françaises de la Caraïbe n’ont qu’Haïti, dont la situation économique est exsangue, comme partenaire francophone de taille significative dans la région. Or, selon Business France, le partage d’une langue commune, toutes choses égales par ailleurs, permet de multiplier par trois les échanges économiques dans la Caraïbe.

Bien qu’elles soient entourées par des peuples anglophones, les populations des territoires ultramarins maitrisent encore moins bien l’anglais que les Français dans l’hexagone. La plupart des étudiants et des enseignants ne parlent pas un anglais suffisant pour étudier ou travailler dans les pays voisins. Les personnels des hôpitaux ultramarins peinent à accueillir des patients étrangers pour la même raison.

Cette fragmentation se double encore d’une hétérogénéité dans l’organisation administrative de la coopération régionale selon les pays. Même si nos ambassades ont pour mission de guider les interlocuteurs étrangers, l’organisation de nos outre-mer est très complexe et variable d’un territoire à l’autre. Conséquence de la nature fédérale du système brésilien, l’Amapa a par exemple beaucoup plus de compétences, dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de la sécurité, que n’en a le département de la Guyane, ce qui oblige l’Amapa à échanger, selon les sujets, avec la collectivité territoriale de Guyane ou avec l’échelon central parisien. De même, entre nos outre-mer et ceux du Royaume-Uni et des Pays-Bas, qui disposent d’une forte autonomie, les discussions sur un grand nombre de sujets sont traitées de notre côté directement par l’État et ne relèvent pas, techniquement, de la coopération régionale, ce qui introduit une complexité dans le jeu d’interlocuteurs qui fait que nos partenaires s’y retrouvent difficilement. Pour reprendre les termes de l’ambassadeur des Pays-Bas en France, S.E. M Pieter de Gooijer, les relations entre les deux parties de l’île de Saint-Martin, dont l’une est un RUP et l’autre est un PTOM, s’apparentent à un « spaghetti institutionnel ».

Ces difficultés sont aussi parfois liées à l’organisation administrative de nos partenaires. La Micronésie est, par exemple, un État fédéral composée de quatre États fédérés sous lesquels se trouvent des structures coutumières. Cette articulation à trois échelons n’est pas optimale pour la conduite de la coopération régionale. Un projet de valorisation d’un site antique entre la Nouvelle-Calédonie et la Micronésie s’est heurtée à cette complexité institutionnelle.

3.   La réticence des opinions publiques ultramarines

Les opinions publiques ultramarines n’ont pas d’appétence spontanée pour l’approfondissement des liens avec leur environnement régional. Celles-ci craignent même que, compte tenu des écarts de développement entre l’outre-mer et leur voisinage, l’intégration régionale se traduise par un affaiblissement des territoires. Le sentiment que l’intégration régionale est une opportunité progresse néanmoins.

C’est dans le Pacifique que les plus grands progrès ont été enregistrés. Au début des années 2000, la collectivité de Nouvelle-Calédonie était d’une très grande timidité dans l’appropriation de ses larges compétences extérieures. Comme on l’a vu, ces dernières années, les autorités néocalédoniennes ont toutefois fait de l’ouverture sur la région une de leurs priorités, ce qui s’est traduit par des déplacements des autorités locales à l’étranger et l’accueil de délégations étrangères, ainsi que par une politique de coopération active. Le Pacifique est ainsi le terrain de diplomaties régionales calédonienne et polynésienne actives.

Dans l’océan Indien, les élus de La Réunion, qui s’intéressaient peu à la coopération régionale il y a trente ans, sont désormais de plus en plus impliqués. Depuis 2009, 16 projets de coopération régionale conduits par la région de La Réunion, majoritairement avec Madagascar, ont été cofinancés par l’État, pour un montant total de 600 000 euros. Le président du conseil régional se rend souvent aux Seychelles et, inversement, plusieurs membres du gouvernement seychellois se sont rendus à La Réunion ces cinq dernières années. Les autorités réunionnaises sont toutefois mises au défi de faire partager à la population l’ambition de la coopération régionale, notamment dans le domaine économique, sous peine de quoi cette orientation pourrait être remise en cause à terme.

Mayotte reste toutefois bloquée dans son action. Comme l’ont entendu vos rapporteures à plusieurs reprises, le contentieux de souveraineté sur Mayotte n’est pas un obstacle insurmontable au rapprochement avec les Comores. Ce rapprochement se heurte davantage à la réticence des Mahorais. Soutenu par les élus mahorais, ce rapprochement bénéficierait de la complémentarité entre territoires. Comme l’affirme M. Rémy Maréchaux, ancien directeur de l’Afrique et de l’océan Indien au MEAE, « de la même manière que la France et l’Allemagne se sont réconciliés sur l’acier, Mayotte et les Comores pourraient se réconcilier sur la pomme de terre », qui pourrait être cultivée aux Comores et consommée à Mayotte. Ce dernier regrette néanmoins que les propositions innovantes en matière d’intégration économique faites par l’État se heurtent à l’opposition des élus mahorais.

Dans l’Atlantique, les Antilles françaises et les îles de la Caraïbe anglophone se tournent encore largement le dos. Du côté de nos outre-mer, qui restent très orientés vers la métropole, l’environnement régional génère un sentiment de menace et une demande de verrouillage, ce qui explique pour partie l’importance des questions régaliennes dans cette région. Symétriquement, les pays voisins, davantage tournés vers les États-Unis, sont moins désireux de renforcer les liens avec les CFA, qui sont perçus comme des partenaires marginaux, qu’avec la France et, plus largement, avec le continent européen.

De ce fait, la Martinique et la Guadeloupe ne sont engagées que dans un faible nombre d’actions de coopération décentralisée, limitées à Cuba et Haïti, dans le domaine restreint de l’aide publique au développement. La ville de Pointe-à-Pitre soutient par exemple la commune de Tabarre à Haïti dans la mise en œuvre d’un plan local d’urbanisme et la formation de l’équipe municipale et des jeunes Tabarrois sur le thème du développement durable en espace urbain. La commune du Lamentin en Martinique entretient par ailleurs une coopération scientifique sur les mangroves avec la commune de Santiago à Cuba.

Malgré ces actions récentes et peu nombreuses, le défi de l’intégration régionale reste loin d’être gagné dans la Caraïbe, surtout lorsque l’on constate la faible ouverture entre nos outre-mer eux-mêmes. La Martinique et la Guadeloupe entretiennent des relations difficiles. Chacune dispose de son CHU et, s’ils ont en commun l’Université des Antilles, celle-ci est partagée en deux pôles autonomes, ce qui génère d’importants problèmes de gouvernance. Malgré tout, l’intégration régionale progresse légèrement, comme en témoigne l’adhésion de la Martinique et de la Guadeloupe en qualité de membre associé à l’OECO.

Afin de créer une envie d’intégration régionale, vos rapporteures estiment qu’il sera nécessaire de convaincre les opinions publiques des opportunités que cette dernière représente. De façon plus générale, toutes les difficultés, qu’elles soient objectives ou subjectives, qui se posent à l’approfondissement des liens entre les outre-mer et leur environnement international peuvent être dépassées à condition de mettre en place des politiques publiques plus incitatives à l’intégration régionale. Mais il y a un mur à casser pour passer du discours à la réalité.

III.   Source de prospérité potentielle, l’approfondissement des liens entre l’outre-mer et l’environnement régional suppose une prise de conscience collective

Vos rapporteures appellent la diplomatie française à réinvestir les bassins régionaux des outre-mer, marqués par une lutte d’influence croissante et délaissés par la France. La définition d’une réelle stratégie française, déclinée dans chaque océan, doit s’accompagner d’une réforme en profondeur du cadre institutionnel de la coopération régionale, qui reste largement perfectible. Cette meilleure prise en compte du fait régional dans l’action publique permettra de soutenir la mobilisation des acteurs pour compenser les effets de l’insularité et développer les opportunités ouvertes par le rapprochement des outre-mer et de leur voisinage.     

A.   Réinvestir les bassins régionaux des outre-mer

Dans un contexte de renforcement de la compétition internationale dans tous les espaces, la France doit s’appuyer sur une stratégie claire et précise, déclinée par océan, permettant de renforcer sa place dans chaque bassin régional.

1.   Un contexte de compétition internationale marqué notamment par la présence de la Chine

La présence française dans les trois océans s’inscrit dans un contexte de compétition internationale exacerbée. Chaque bassin régional se caractérise par la présence de trois catégories d’États au niveau d’ambition différent.

Les puissances globales, comme la Chine et les États-Unis, déploient des stratégies d’influence régionale ambitieuses dans les trois océans. La Chine, engagée dans la stratégie des « nouvelles routes de la soie », est très active dans la conduite de projets économiques, ce dont témoigne par exemple sa place dominante sur le marché du nickel. De manière révélatrice, l’ancien ambassadeur de Chine en France, en poste entre 2014 et 2019, a visité tous les outre-mer français. Les États-Unis sont également présents dans les trois océans, notamment au plan militaire.

Les grands États régionaux, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, le Japon ou le Brésil, peuvent quant à eux avoir un rôle moteur dans un certain nombre d’initiatives régionales. Leurs orientations sont structurantes à l’échelle du bassin régional dont ils sont membres ou riverains.

 Enfin, les États voisins « de proximité » sont souvent assez démunis et soumis à des pressions plus ou moins fortes des puissances globales ou des grands États régionaux. Ces États sont confrontés aux mêmes défis que nos territoires ultramarins et aspirent à une mise en commun de leurs actions, que ce soit dans le domaine de la sécurité civile, de la lutte contre les sargasses, de la dépendance alimentaire ou encore de l’approvisionnement énergétique.

2.   La mise en œuvre d’une réelle stratégie française dans les trois océans

Vos rapporteures constatent la difficulté à embrasser du regard l’intégration régionale des outre-mer, qui est vécue de manière très différente d’une zone à l’autre. Pour cause, la coopération régionale est conduite « au coup par coup », sans stratégie ou cohérence d’ensemble. Celle-ci se caractérise par de nombreux projets, très épars, peu ambitieux et précaires car s’appuyant sur des liens personnels. Si l’intégration régionale est portée comme une priorité du Gouvernement, vos rapporteures estiment qu’il manque une réelle stratégie française en la matière.

Certes, entre octobre 2017 et avril 2018, le ministère des outre-mer a conduit les « Assises de l’outre-mer » afin de donner la parole aux populations ultramarines. À l’issue de cette consultation, le Gouvernement a adopté le « Livre bleu des outre-mer » qui a été présenté le 28 juin 2018. La quatrième partie du « Livre bleu des outre-mer », qui vise à faire des outre-mer « des territoires d’influence et de rayonnement », définit une stratégie pour améliorer et intensifier les relations entre les collectivités ultramarines et leur environnement international. Cette stratégie étatique consiste à encourager et à soutenir une coopération multisectorielle, notamment dans les domaines économique, touristique et culturel.

Vos rapporteures regrettent néanmoins que la stratégie du Gouvernement en matière de coopération ne soit pas suffisamment définie. Si le « Livre bleu des outre-mer » ouvre des pistes intéressantes, celui-ci n’a pas été décliné sous forme de stratégies par bassin océanique, ce qui limite sa portée sur le terrain. Vos rapporteures appellent à définir, pour chaque territoire, des pays-cibles, des objectifs précis et des domaines prioritaires pour guider la mise en œuvre de projets structurants. Cette priorisation est d’autant plus nécessaire que la France dispose de moyens limités à consacrer à la coopération régionale. Notre pays peut en faire beaucoup en se dotant d’une réelle stratégie et, comme nous le verrons, en adaptant mieux l’organisation administrative à la priorité donnée à l’ouverture régionale.

Proposition n° 6 : décliner la politique d’intégration régionale des outre-mer en définissant, à l’échelle de chaque territoire, des pays-cibles, des objectifs précis et des domaines de coopération prioritaires.

3.   La France doit donner de la substance à la stratégie indopacifique

Vaste zone qui regroupe à la fois l’océan Indien et le Pacifique, l’indopacifique est un espace marqué par une influence grandissante de la Chine et une mobilisation en retour des grands acteurs régionaux.

Dans le Pacifique, la présence chinoise a progressivement comblé le vide laissé par le retrait américain à la fin de la guerre froide, pendant laquelle les deux superpuissances se livraient une compétition féroce pour obtenir le soutien des États insulaires. Dès les années 1990, la Chine a ouvert un consulat à Papeete. Aujourd’hui, la Chine réalise des investissements colossaux et multiplie les demandes de coopération, ce qui lui permet d’engranger d’importants bénéfices en matière d’influence régionale. Grâce à la dépendance économique liée au tourisme chinois et au surendettement des États vis-à-vis de la Chine, Pékin dispose même d’une quasi-tutelle sur certains États insulaires. L’activisme chinois dans la région s’est encore accru à la faveur de la crise du Covid-19, au travers des dons de masques et de matériels, l’envoi de personnels de santé ou le soutien financier à certains pays, mais l’impact de cette stratégie reste pour le moment incertain.

Il y a trente ans, le Pacifique était essentiellement le théâtre d’un affrontement entre la République populaire de Chine (RPC) et Taïwan pour la reconnaissance des petits États insulaires. Les îles Marshall sont aujourd’hui un des seuls pays de la zone à garder des relations diplomatiques avec Taïwan et sont, pour cette raison, très courtisées par la RPC. L’ambition régionale de la Chine est devenue bien plus importante que le seul projet de « Chine unique ». Dans de nombreux États de la zone, la Chine est souvent le principal investisseur et client. Au Vanuatu, la Chine est soupçonnée de vouloir construire des infrastructures duales facilement convertibles, en cas de besoin, en base militaire. Si elles ne sont pas en première ligne, nos collectivités sont concernées par les ambitions chinoises. Le nickel calédonien est pour l’essentiel destiné au marché chinois.

Le renforcement de l’influence chinoise entraîne un fort retour des grands acteurs régionaux, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Avec le Brexit, le Royaume-Uni réinvestit également le Pacifique en annonçant l’ouverture de nouvelles ambassades et l’adhésion à plusieurs organisations régionales. La France ne pouvait pas rester à l’écart du réinvestissement de la région.

Le rétablissement de l’image de la France dans le Pacifique est le point de départ de la stratégie indopacifique annoncée par le président de la République en Australie et en Nouvelle-Calédonie en mai 2018. La France n’est plus considérée par les pays de la région comme une puissance coloniale ou étrangère, mais comme un acteur dans le Pacifique. Elle bénéficie d’une image positive par le leadership international qu’elle tente d’exercer en matière climatique, ce qui lui a notamment permis de créer une alliance objective avec les petits États insulaires de la zone. Les États du Pacifique ont également un intérêt au rééquilibrage stratégique dans la région face à l’avancée de la Chine, ce à quoi peut contribuer la France. Même l’Australie, qui considérait l’Océanie comme sa « chasse gardée », reconnait l’action stabilisatrice de la France et salue sa stratégie indopacifique.

La stratégie indopacifique de la France repose sur le développement de partenariats structurants avec certains États de la région, comme l’Inde, Singapour et l’Australie. Cette coopération est particulièrement forte dans le domaine militaire, avec la vente de sous-marins à l’Australie et d’avions de chasse à l’Inde. Mais cette stratégie repose surtout sur l’idée que la France est une nation du Pacifique, compte tenu de ses populations, de ses territoires et de sa ZEE dans la région. Contrairement aux États-Unis ou au Japon qui sont engagés dans une stratégie d’endiguement de la Chine, la France a moins la volonté de contenir l’influence chinoise que de créer les conditions d’un rééquilibrage stratégique dans la région.

Vos rapporteures soulignent l’importance de donner une traduction concrète à la stratégie indopacifique. Nos ambassades dans la zone doivent renforcer leur action pour accompagner et valoriser l’intégration de nos territoires dans l’océan Indien et dans l’océan Pacifique. Le 5e sommet France-Océanie, qui devait se tenir en Polynésie Française en 2020, doit être reprogrammé en 2021 afin de créer les conditions d’un sursaut en faveur de l’intégration régionale. Faute de moyens budgétaires aussi importants que la Chine, notre pays doit privilégier les projets qui impactent directement les populations et qui répondent aux attentes que les pays de la région ont envers la France. Vos rapporteures appellent à privilégier les projets dans le domaine du climat et de la protection de la biodiversité. L’origine animale du coronavirus a souligné la pertinence d’inclure la sécurité environnementale dans les problématiques structurantes de la stratégie indopacifique.

Proposition n° 7 : faire de l’intégration régionale de nos outre-mer une des priorités de la stratégie indopacifique annoncée par le président de la République.

4.   La Caraïbe reste un espace oublié de la diplomatie française

La Caraïbe est un espace de compétition stratégique entre puissances dans lequel la France peine à s’imposer comme une alternative crédible.

La Caraïbe est traditionnellement constituée de territoires tournés vers les États-Unis, qui sont la grande puissance riveraine de ce bassin régional. L’influence anglo-saxonne se manifeste notamment par une forte attraction des jeunes étudiants de la zone. Face à la menace que représente l’influence chinoise grandissante et la possibilité qu’un pays de la région, comme Haïti, devienne un État failli, ce qui aggraverait les narcotrafics et la criminalité organisée, les Américains souhaitent aujourd’hui reprendre en main leur environnement caribéen.

L’activisme chinois, dont la portée est mondiale, atteint la Caraïbe. La RPC lutte aussi dans cette région contre l’influence de Taïwan que plusieurs États reconnaissent. La Chine a aussi pour objectif de développer son initiative des « nouvelles routes de la soie » dans cette zone qui appartient à la « chasse gardée » des États-Unis. Elle avait notamment le projet de créer un nouvel isthme au Nicaragua, afin de concurrencer le canal de Panama, mais ce projet est à l’arrêt. Au service de ses ambitions diplomatiques, la Chine met en œuvre une politique « du carnet de chèque » en prêtant beaucoup aux États caribéens malgré le risque d’insolvabilité. La Chine est notamment très présente au Suriname où elle construit des infrastructures et participe à des exploitations minières. Elle est devenue le premier partenaire commercial de l’Amérique latine, et notamment du Brésil.

D’autres États s’investissent dans la Caraïbe. Le Venezuela est en difficulté mais reste présent dans la région grâce à l’alliance « PetroCaribe », qui permet aux pays membres d’acheter du pétrole vénézuélien à des conditions de paiement préférentielles, et aux cours gratuits en espagnol. La mobilisation de ce « soft power » permet notamment de construire une solidarité politique en soutien du Venezuela de Nicolas Maduro. Le Royaume-Uni, qui donnait l’impression de vouloir se retirer à l’issue de Brexit, a décidé d’ouvrir plusieurs ambassades.

La France peine en revanche à trouver sa place dans la géopolitique des États insulaires alors que, sans toujours le savoir, elle en est un elle-même. La Caraïbe ne réunit pas des partenaires stratégiques de la France, mais les pays de la région ont un droit de vote dans les grandes enceintes multilatérales. Par ailleurs de bonnes relations avec les pays de la région sont nécessaires pour favoriser l’intégration régionale de nos outre-mer, par exemple pour faire entrer nos CFA dans des organisations régionales comme la CARICOM, qui a beaucoup d’agences spécialisées qui intéressent nos territoires. Inversement, la France est un acteur attendu dans la région. Les États de la région ont en effet des difficultés à travailler avec les États-Unis sous l’administration Trump, se désintéressent en partie du Royaume-Uni à la suite du Brexit et sont mal à l’aise avec les contreparties attendues des investissements chinois. Les petits États insulaires en développement comptent par ailleurs sur la France pour être leur porte-parole sur les sujets liés à la protection du climat, la montée des eaux et l’érosion de la biodiversité.

Malgré l’appel du Président de la République, lors de la conférence des ambassadeurs de l’été 2019, à faire de la France une « puissance d’équilibre », notre pays doit encore réussir à s’affirmer comme une alternative à toutes les puissances présentes dans la Caraïbe. La Caraïbe est la seule région du monde qui n’a pas été mentionnée dans le discours du président de la République aux ambassadeurs. Sa visibilité politique est faible et les déplacements de ministres peu fréquents.

Vos rapporteures regrettent l’absence de stratégie pour la présence française dans cette région dont notre pays n’a pas saisi l’importance. Le sommet France-Caraïbes, qui devait amener le président de la République à présenter la politique de la France dans les Antilles, a été réduit à une conférence internationale sur les sargasses qui s’est tenue en Guadeloupe en octobre 2018.

Surtout, vos rapporteures déplorent que la relation entre la France et les États de la région soit empreinte d’opportunisme et de condescendance. Alors que les chefs d’État et de Gouvernement de la région sont reçus à Pékin par le président chinois en personne, ceux-ci n’obtiennent pas de rendez-vous avec les hautes autorités politiques françaises lors de leurs séjours à Paris. Parfois même, ils n’obtiennent pas de réponse à leur demande d’entretien. À titre d’exemple, le Premier ministre de la Jamaïque a été invité en France à l’occasion de la coupe du monde féminine de football en 2019. Alors que la France a intérêt à nourrir ses relations avec la Jamaïque, qui a une influence centrale sur le CARICOM et qui cherche actuellement à diversifier ses relations, la diplomatie française n’a pas su garantir au Premier ministre jamaïcain qu’il serait reçu par son homologue en France. Vos rapporteures ont également perçu les effets délétères de ce manque de considération à l’occasion de leur rencontre avec les autorités saint-luciennes.

Vos rapporteures plaident pour une approche plus stratégique à l’égard des États de la Caraïbe avec la création d’un véritable dialogue d’État à État. Cette refondation des relations commence par un accueil de qualité accordé aux autorités politiques des pays de la région, en signe de considération. Compte tenu de l’éloignement, les chefs d’État et de Gouvernement de la Caraïbe se rendent rarement en France, ce qui devrait permettre de les recevoir dignement.

Proposition n° 8 : développer une stratégie française dans la Caraïbe, en commençant par accorder plus de considération aux chefs d’État et de Gouvernement dans cette région oubliée par la diplomatie française.

D’autres actions pourraient être menées pour renforcer l’influence de la France dans la région. Vos rapporteures en retiennent trois.

Premièrement, la France pourrait revenir au capital de la banque de développement des Caraïbes (BDC), qui est une banque multilatérale à laquelle les États prêtent pour financer des investissements dans la région. La France s’était retirée de la BDC en 2000, compte tenu du poids jugé excessif par certains des pays anglo-saxons. En 2015, le président François Hollande a annoncé le retour de la France au capital de la BDC, mais ce retour est depuis lors bloqué par Bercy. Pourtant, la contribution de la France à la BDC est bien modeste à côté des bénéfices que la France pourrait en tirer sur le plan de l’influence dans la région. Cette adhésion permettrait de renforcer la position de la France en matière d’aide au développement dans la Caraïbe, qui est actuellement dominée par les États-Unis, qui ont un pouvoir d’influence important grâce à la banque interaméricaine de développement (BID), et par la Chine, dont les financements irriguent toutes les îles caribéennes. L’adhésion de la France à la BDC permettrait aussi de résoudre un irritant récurrent dans notre relation avec l’OECO et le CARICOM.

Deuxièmement, vos rapporteures proposent la création d’une structure d’étude de la géopolitique de la Caraïbe. La Caraïbe est aujourd’hui un angle mort des laboratoires de recherche français alors même que cette région est marquée par des rapports de force entre grandes puissances mais aussi des stratégies mises en œuvre par des petits États pour tirer profit de cette compétition. La création d’un tel institut pourrait favoriser une dynamique propre à incorporer la géopolitique nouvelle des États insulaires dans la politique étrangère de la France. Si la création d’un établissement était jugée trop coûteuse, ce projet pourrait prendre la forme d’un réseau d’experts dont l’État pourrait subvenir aux frais de fonctionnement.

Proposition n° 9 : créer une structure d’étude de la géopolitique de la Caraïbe qui pourrait aiguillonner la diplomatie française dans cette région.

Troisièmement, tout en conservant son autonomie d’action, la France doit favoriser la création d’un réseau de commandement militaire à l’échelle de la Caraïbe. Vos rapporteurs ne proposent pas de créer un « OTAN régional » mais de renforcer les liens pour agir plus vite et plus efficacement face aux crises. Les pays caribéens sont petits mais nombre d’entre eux peuvent servir de « hub » logistique. De manière plus ambitieuse, la France dispose d’une coopération opérationnelle en matière de sécurité avec La Barbade qui pourrait être renforcée et répliquée auprès d’autres pays. La France a aussi la possibilité de coopérer avec les Pays-Bas qui, contrairement au Royaume-Uni, dispose aussi d’un commandement et de moyens militaires aux Antilles. Après s’en être désengagé, notre pays doit se réinvestir dans le groupe Caraïbes de l’Initiative européenne d’intervention (IEI) qui a permis une action conjointe entre la France, le Pays-Bas et le Royaume-Uni dans la gestion de la crise du Covid-19 dans la région. À l’échelle régionale, vos rapporteures appellent à poursuivre le rapprochement avec le RSS dans le cadre du CARICOM.

Au-delà de l’espace caribéen, vos rapporteures appellent à faire de la Guyane un atout stratégique pour la France en Amérique latine. La relance de la coopération entre la Guyane et le Brésil bénéficie aujourd’hui d’un contexte favorable du côté brésilien. Au niveau fédéral, le président Bolsonaro a marqué sa volonté de donner la priorité au développement du commerce et des échanges, ce qui peut favoriser les échanges avec la Guyane. Au niveau fédéré, l’actuel gouverneur de l’État de l’Amapa, M. Waldez Góes, a accompagné l’ouverture du pont sur l’Oyapock en 2017 et reste très dynamique et volontariste sur la coopération transfrontalière. Cette dernière était à l’ordre du jour de la rencontre du 24 mai 2019 entre le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et son homologue brésilien, M. Ernesto Araújo. Le retour de la confiance entre la France et le Brésil autour de la Guyane pourrait avoir des retombées positives sur les autres aspects de la relation bilatérale, qui s’est récemment dégradée.


B.   Rénover le cadre institutionnel de la coopération régionale ultramarine

Dans l’attente d’une simplification du cadre institutionnel, vos rapporteures proposent plusieurs pistes pour renforcer l’efficacité de l’action de l’État, des collectivités territoriales et de l’UE en faveur de la coopération régionale.

1.   Vers une organisation administrative régionale

Les difficultés de la coopération régionale tiennent en partie à l’insuffisante prise en compte de la dimension régionale dans les différentes politiques publiques. Dans son organisation même, l’appareil administratif segmente les activités en direction de l’outre-mer et celles en direction du voisinage étranger, ce qui aboutit à des politiques publiques qui n’incitent pas à la coopération régionale. Une réorganisation administrative alignée sur le fait régional est nécessaire pour passer d’une logique d’identification et de financement opportuniste de projets à une démarche stratégique et programmatique sur la coopération régionale. Selon Rémy Rioux, directeur de l’Agence française de développement (AFD), « si on prend le régional au sérieux, il faut une capacité de décision ».

Malgré l’existence des ambassadeurs délégués à la coopération régionale, qui n’ont d’ailleurs pas autorité sur les différents services de l’État, l’organisation administrative régionale reste à ses prémisses. À ce jour, seule l’AFD semble avoir tiré du fait régional des conséquences en termes d’organisation.

Pendant longtemps, sous l’influence de la logique de rattrapage des territoires ultramarins par rapport à l’hexagone, l’AFD a traité l’outre-mer et le voisinage étranger comme deux mondes à part. Rompant avec ce cloisonnement étanche, l’AFD a néanmoins commencé à répliquer des projets ayant réussi en outre-mer dans les pays pauvres. Depuis quelques années, notamment depuis la définition des objectifs de développement durable (ODD) par les Nations Unies en 2015, l’AFD tente de s’inspirer des solutions développées dans des pays voisins de nos outre-mer pour aider les territoires ultramarins. Pour ne prendre qu’un exemple, l’Agence est attentive aux objectifs ambitieux du Costa Rica sur le plan du développement des énergies renouvelables à l’heure où la France continue d’investir dans des centrales thermiques dans les territoires d’outre-mer.

Cette évolution appelait à une transformation interne de l’AFD afin de « casser » les silos entre l’outre-mer et l’environnement proche. Lors du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018, le Gouvernement a ainsi demandé à l’AFD de réorganiser son réseau et de définir une stratégie par bassin océanique. Cette orientation a donné lieu à la création du « département des trois océans » et à une réorganisation territoriale avec la création de trois directions régionales par océan dont les projets créent un lien entre l’outre-mer et l’environnement international. En 2018, le « département des trois océans » était doté de 1,7 Md€, ce qui représente 15 % de l’activité de l’agence.

COMPÉTENCE GÉOGRAPHIQUE DU DÉPARTEMENT DES TROIS OCÉANS DE L’AFD

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Source : AFD.

Le mandat qui a été donné au département des trois océans, appelé « stratégie trois océans pour 2019-2022 », repose sur quatre axes : le développement durable, le développement économique et social, la coopération régionale et le renforcement des partenariats (avec les acteurs français, européens, régionaux et multilatéraux). La stratégie globale du département des trois océans a été déclinée en stratégies régionales par océan à l’été 2019. Par exemple, la stratégie de l’AFD dans la Caraïbe se décompose en trois grands blocs prioritaires : la santé et l’éducation ; l’économie, en particulier l’économie bleue et verte ; et le climat, qui est un problème commun à tous les pays de la région.

Chaque direction régionale a récupéré la gestion de projets préexistants et en initie d’autres dans la lignée de la stratégie régionale. Dans l’Atlantique, l’AFD contribue, au côté de l’UE et de l’Agence régionale de santé (ARS) de la Guyane, au projet transfrontalier de coopération hospitalière entre la Guyane et le Suriname. Elle finance, dans l’océan Indien, un projet de lutte contre l’érosion côtière en partenariat avec la COI et participe à l’initiative Pacifique pour le climat et la biodiversité (cf. infra).

L’action de l’AFD se caractérise encore trop souvent par une logique projet par projet qui ressemble à du « saupoudrage ». Vos rapporteures considèrent néanmoins que la réorganisation administrative de l’AFD est une évolution prometteuse pour l’action de l’agence et représente un modèle à suivre pour les autres administrations de l’État afin de donner corps à l’intégration régionale.

2.   La coordination entre acteurs, condition du succès

L’intégration régionale souffre aussi d’un déficit d’interaction entre les très nombreux acteurs qui interviennent dans ce domaine. C’est moins le cas de la concertation entre acteurs français et acteurs étrangers que de la coordination entre acteurs français eux-mêmes. L’action des ambassadeurs délégués à la coopération régionale dans chaque océan est insuffisante pour assurer la nécessaire articulation entre acteurs français. Or, la définition d’objectifs communs et une action de concert est indispensable pour cumuler les énergies et dépasser les blocages.

La concertation entre acteurs français et étrangers repose pour l’essentiel sur des commissions mixtes bilatérales. La Guyane en fournit de bons exemples. La Guyane a conclu avec le Brésil un accord-cadre de coopération en 1996 qui a permis d’instituer une commission mixte de coopération transfrontalière. Cette commission se réunit régulièrement et prend des décisions, malgré une certaine difficulté à assurer le suivi d’une réunion à l’autre. Le conseil du fleuve Oyapock, autre instance de dialogue qui a été conçue par la Guyane et l’Amapa en 2012 comme un lieu devant permettre aux populations riveraines du fleuve d’exprimer leurs attentes, rencontre plus de difficultés compte tenu de la faiblesse des moyens engagés d’une part et d’autre. Les structures de concertation entre la Guyane et le Suriname sont construites sur le même modèle, mais la commission mixte ne s’est jamais réunie et le Conseil du fleuve sur le Maroni, qui se réunit en moyenne deux fois par an, se heurte à des difficultés financières pour concrétiser les projets de coopération.

Malgré les difficultés, les instances de dialogue bilatéral favorisent une dynamique positive en faveur de la coopération régionale. Vos rapporteures ont pu se rendre compte, à l’occasion du comité mixte de sécurité France – Sainte-Lucie auquel elles ont assisté en novembre 2019, à quel point ce type de rendez-vous était utile pour avancer sur les sujets très concrets, et parfois sur les irritants, au cœur de la relation bilatérale. Ces dernières appellent à mettre en œuvre un réel suivi entre les réunions afin de s’assurer que les décisions prises soient suivies d’effet.

Proposition n° 10 : renforcer le suivi des décisions prises à l’occasion des réunions des commissions mixtes bilatérales entre acteurs français et étrangers afin de s’assurer que ces décisions soient suivies d’effet.

LE « Q4 » : COOPÉRATION QUADRIPARTIE SUR L’ÎLE DE SAINT-MARTIN

Le « Q4 » est une instance de concertation qui réunit Saint-Martin, Sint Maarten, la France et le royaume des Pays-Bas. Après des années de blocage, cette coopération quadripartite a été relancée à la suite de l’ouragan Irma et d’un changement de gouvernement à Sint Maarten en 2017. Les parties au Q4 ont affirmé leur volonté de renforcer leur coopération sur des thèmes concrets comme la remise en état et la valorisation de la lagune de Simpson Bay, le traitement commun des déchets, la gestion de crise et la lutte contre le feu. Des engagements ont également été pris pour renforcer la coopération judiciaire, policière et douanière. Ce cercle de concertation n’aura toutefois pas permis de trouver un accord sur l’utilisation des enveloppes européennes allouées via Interreg (cf. infra).

Le renforcement de la coordination entre acteurs français est l’enjeu majeur pour aboutir sur des projets de coopération ayant plus d’impact.

La coordination entre tous les acteurs français de la coopération régionale – ambassadeurs, préfets, collectivités territoriales, acteurs sectoriels ([39])  – repose sur les conférences de coopération régionale (CCR). Les CCR favorisent la définition d’orientations et d’actions communes et l’échange d’informations ce qui favorise la cohésion de l’« équipe France ». Lors de la CCR Antilles-Guyane qui s’est déroulée en novembre 2019, la Martinique et la Guadeloupe ont ainsi pu partager leur expérience en matière de coopération décentralisée avec les acteurs guyanais. Malgré une portée pratique parfois limitée, les CCR sont des outils utiles qui méritent d’être confortés. La zone Océanie doit encore se doter d’une CCR. Vos rapporteures appellent aussi à suivre la mise en œuvre de la plateforme de coordination de la coopération régionale, lancée par la CCR Océan Indien en février 2019, qui réunit tous les acteurs français dans le but d’identifier des projets régionaux permettant de promouvoir l’influence de la France. Cette plateforme représente une nouvelle étape pour l’« équipe France » dans l’océan Indien.

La coordination entre acteurs peut aussi s’appuyer, dans certains territoires, sur un conseiller diplomatique auprès du préfet. Alors que les moyens des SGAR sont actuellement très réduits, la création d’un poste de conseiller diplomatique permet de démultiplier l’action de l’État sur la coopération régionale. Un poste de conseiller diplomatique existe aujourd’hui auprès de la préfecture de La Réunion et, depuis septembre 2018, auprès de la préfecture de la Guyane. Vos rapporteures invitent à doter d’autres préfectures outre-mer d’un conseiller diplomatique.

Proposition n° 11 : généraliser le poste de conseiller diplomatique auprès de tous les préfets en outre-mer.

Enfin, compte tenu de leurs responsabilités croissantes dans le domaine de l’insertion régionale, certaines collectivités ultramarines peuvent désigner des agents chargés de les représenter et d’assurer le suivi des actions de coopération régionale au sein des missions diplomatiques à l’étranger. La Nouvelle-Calédonie dispose ainsi de plusieurs délégués dans les ambassades de France de la région, comme en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Vanuatu. Les agents nommés par les collectivités des Antilles et de la Guyane ont connu des sorts variables : malgré un bilan très positif, les difficultés administratives liées à ces rattachements ont parfois eu raison des expérimentations en cours. Depuis 2013, la collectivité territoriale de Guyane conserve une personne chargée de la représenter au sein de l’ambassade de France auprès du Suriname et du Guyana. Vos rapporteures appellent à permettre et à inciter un plus grand nombre de collectivités ultramarines à affecter des agents dans des missions diplomatiques à l’étranger.

Proposition n° 12 : permettre et inciter un plus grand nombre de collectivités ultramarines à affecter des agents dans les ambassades de France des pays voisins.

3.   Pour une « diplomatie territoriale » des collectivités ultramarines

Malgré l’autonomie reconnue aux collectivités ultramarines, le bilan de la coopération régionale entreprise à leur initiative est mitigée. Comme le souligne M. Jean Peyrony, directeur général de la mission opérationnelle transfrontalière (MOT), l’outre-mer a été « la préfiguration de la prise en compte du transfrontalier » grâce à l’ouverture des collectivités ultramarines à des possibilités nouvelles de coopération dans le respect du cadre constitutionnel, et pourtant « les outre-mer gardent toujours un temps de retard alors qu’elles pourraient être la vigie du changement de modèle souhaité ». Les projets de coopération régionale sont peu nombreux et peu significatifs et restent dominés par l’aide publique au développement au détriment d’autres opportunités de coopération.

Comme nous l’avons vu, certaines collectivités ultramarines sont plus actives que d’autres. C’est le cas des collectivités du Pacifique, autant du fait des libertés offertes par l’article 74 de la Constitution que d’une prise de conscience des opportunités représentées par la coopération régionale. Dans l’océan Indien, la région de La Réunion est la plus active, notamment avec Madagascar et les Seychelles, mais des projets sont également menés par le département et par quelques communes dans des domaines comme l’alimentation et l’environnement. Dans les Antilles, la coopération décentralisée est récente et limitée à Cuba et Haïti, à savoir les quelques îles de la Caraïbe qui ne sont pas anglophones. La Guyane a pour l’instant peu d’appétence pour la coopération décentralisée.

Vos rapporteures appellent à dépasser la « coopération régionale » pour aller vers une véritable « diplomatie territoriale », et ce dans tous les domaines.

Ni le droit, ni les moyens financiers ne sont a priori des obstacles à la projection internationale des collectivités ultramarines.

Selon la plupart des personnes entendues par vos rapporteures, le cadre constitutionnel et législatif donne aux territoires d’outre-mer la plupart des outils nécessaires pour investir leur espace régional. Il pourrait même paraître superflu d’adopter une nouvelle loi alors que certains dispositifs créés par la loi « Letchimy » de 2016 n’ont pas encore été mis en œuvre. Tel est le cas par exemple des « programmes-cadres » qui, malgré leur intérêt pour nouer des coopérations globales, sont restés embryonnaires. Il n’est a fortiori pas souhaitable que chaque outre-mer devienne un territoire régi par l’article 74 de la Constitution.

L’obstacle au développement de la coopération régionale n’est pas non plus financier. Ni l’Union européenne, ni l’État ne rencontrent de difficultés sur le plan de la disponibilité des crédits pour soutenir les actions de coopération des collectivités. Les moyens budgétaires de l’État devraient même s’accroître avec la décision, prise lors du CICID du 8 février 2019, de doubler d’ici 2022 les fonds d’aide publique au développement qui transitent par les collectivités territoriales.

Le développement d’une diplomatie territoriale suppose une volonté politique partagée, à savoir une disponibilité des collectivités locales pour initier des projets de coopération et un véritable accompagnement de la part de l’État.

D’abord, les collectivités territoriales doivent s’approprier pleinement leurs compétences. Vos rapporteures l’ont suffisamment rappelé : malgré les compétences et les moyens qui sont les leurs, les collectivités ultramarines n’ont dans l’ensemble qu’une faible appétence pour la coopération régionale. Certains élus ultramarins le regrettent et ont fait preuve de leur ouverture à la coopération régionale. Mais d’autres ne joignent pas les actes à la parole. Vos rapporteures ont pu à nouveau le constater lors de leur entretien avec le président de la collectivité territoriale de Martinique, M. Alfred Marie-Jeanne. Si ce dernier insiste sur le caractère pionnier de la Martinique sur la coopération régionale, vos rapporteures n’ont pas entendu parler d’une seule action concrète initiée par celui-ci.

Pour cause, les collectivités ultramarines ne considèrent pas la coopération régionale comme une solution pour faire face aux défis qu’elles rencontrent. Compte tenu du principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l’article 72 de la Constitution, ces dernières ne peuvent être contraintes à s’engager activement dans ce domaine. Il n’existe donc pas d’autre alternative que de faire preuve de pédagogie sur les opportunités de la coopération régionale, ce qui peut être nourri par les expériences réussies de certaines collectivités.

Proposition n° 13 : faire de la pédagogie auprès des autorités locales ultramarines sur les vertus de l’intégration régionale, en mobilisant les expériences réussies de certaines collectivités.

Ensuite, l’État doit s’engager davantage pour articuler les différents niveaux et accompagner les collectivités ultramarines dont l’expertise est très faible.

Cet accompagnement prend aujourd’hui la forme d’un soutien, notamment juridique et financier, du MEAE aux collectivités ultramarines. Si le Quai d’Orsay est contraint d’accompagner les collectivités territoriales, qui ont la maîtrise de la majorité des crédits (européens) liés à la coopération régionale, le ministère reste en pratique réticent à soutenir les exécutifs locaux dans leur action extérieure. Le Quai d’Orsay craint en effet que les initiatives locales prises par les élus ultramarins puissent porter atteinte à la cohérence et à la crédibilité de la diplomatie française. De tels incidents se produisent de temps en temps. Le président du conseil régional de La Réunion, M. Didier Robert, a plusieurs fois utilisé sa position de gestionnaire des fonds européens pour négocier des accords sans l’aval de Paris. Selon les récits qui ont été relatés à vos rapporteures, le président de la collectivité de Martinique aurait demandé, lors de l’adhésion de son territoire et de la Guadeloupe en qualité de membres associés de l’AEC, que chaque collectivité française des Antilles puisse avoir un siège dans cette organisation régionale, alors que Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont représentés dans cette enceinte internationale par la France.

Ces frictions trouvent en partie leur source dans l’ambiguïté de la formule « diplomatie territoriale » employée par l’ancien ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius. Pour les collectivités ultramarines, la « diplomatie territoriale » est une diplomatie conduite par les territoires ; pour le Quai d’Orsay, elle ne peut signifier autre chose qu’une diplomatie qui valorise la richesse des territoires.

Pour assurer la cohérence et la crédibilité de la politique étrangère de la France, vos rapporteures rappellent l’importance d’une concertation étroite entre l’État et les collectivités territoriales, dans le respect du rôle de chacun, sur les projets d’accords et de conventions en amont des réunions internationales. Au besoin, il est important de rappeler aux exécutifs locaux les règles de la diplomatie.

Vos rapporteures considèrent aussi que le MEAE a une responsabilité importante pour faire de l’intégration régionale une des priorités des ambassades. L’intégration régionale de nos outre-mer doit faire partie des objectifs des postes, qui doivent être sensibilisés sur l’importance d’entretenir des liens avec les territoires d’outre-mer. Ces derniers ont un rôle à jouer pour informer les exécutifs locaux sur les projets de coopération envisageables et pour mettre en relation les différents acteurs économiques, éducatifs, sanitaires ou culturels.

Proposition n° 14 : faire de l’intégration régionale une des priorités des ambassades situées dans les pays voisins de nos outre-mer et, pour cela, sensibiliser les diplomates au besoin d’entretenir des liens réguliers et soutenus avec les territoires ultramarins. 

Il est toutefois difficile pour les postes d’appuyer des projets de coopération sans crédits pour financer les actions qui en découlent. Ces crédits ont été, rappelons-le, basculés vers l’AFD et vers l’Union européenne. Vos rapporteures militent pour un maintien du soutien européen à l’intégration régionale mais considèrent qu’il ne doit pas se traduire par une disparition des marges de manœuvre nationales. Ces dernières appellent donc à renforcer les enveloppes de financement innovant, appelées FSPI, qui permettent aux ambassades d’agir avec plus d’autonomie et de poursuivre les objectifs de coopération. Les montants des FCR aux mains des préfectures, dont les sommes sont devenues trop modestes pour financer des actions substantielles, pourraient être reversés dans les FSPI.

Proposition n° 15 : abonder les fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) qui redonnent aux ambassades de l’autonomie pour conduire des projets de coopération régionale.

4.   La refonte des modes d’action de l’Union européenne

Les modes d’action de l’Union européenne ne garantissent pas la contribution des outre-mer au rayonnement de l’Europe dans le monde, qui fonde la légitimité du soutien européen aux territoires ultramarins.

Premièrement, l’Union européenne peine à mobiliser et à mettre en œuvre les crédits des programmes « Interreg » pour l’outre-mer. Au 31 mars 2019, seule la moitié des fonds prévus par le CFP 2014-2020 avait été programmée, contre une moyenne globale de 80 % pour l’ensemble des fonds « Interreg » gérés par la France.

TAUX DE PROGRAMMATION PAR TYPOLOGIE DES PROGRAMMES DE COOPÉRATION TERRITORIALE EUROPÉENNE (CTE) AU 31 MARS 2019

 

Source : direction de l’Union européenne du MEAE.

 

Ces difficultés tiennent en partie à des difficultés d’ordre diplomatique. Seuls 15% des crédits du programme Interreg Mayotte ont été programmés, compte tenu des tensions dans la relation avec les Comores. Pire encore, en raison des difficultés à coopérer avec les autorités locales de Sint Maarten, le programme Interreg qui doit permettre d’associer les deux parties de l’île de Saint-Martin n’a pas démarré, à quelques mois de l’échéance du CFP 2014-2020. Les autres programmes fonctionnent souvent mieux, mais les modalités de gestion des fonds et le dialogue avec les pays tiers posent parfois des difficultés considérables. Ainsi, si 63 % des crédits ouverts sur le programme Interreg Caraïbes ont été programmés, aucun décaissement n’avait eu lieu au 31 mars 2019. Or, la France devra rendre à l’Union européenne les crédits qui n’ont pas été programmés avant la fin de l’année 2020 et les crédits qui n’ont pas été décaissés avant la fin 2023.

 

MONTANTS PROGRAMMÉS PAR PROGRAMME DE CTE AU 31 MARS 2019

Source : direction de l’Union européenne du MEAE.

La gestion du fonds européen de développement (FED) diffère largement de celle des fonds structurels. La mise en œuvre des fonds alloués aux PTOM au titre de la coopération régionale suit une logique pluriannuelle sans risque de perte des fonds non utilisés. La programmation de ces fonds pour les trois océans s’est déroulée entre 2014 et 2018 et les décaissements ont débuté fin 2018 et se poursuivent aujourd’hui.

Deuxièmement, la portée des programmes « Interreg » est souvent limitée car les pays partenaires sont en dehors de l’Union européenne et ne disposent pas de fonds dédiés. En particulier, l’articulation de ces programmes européens financés par le FEDER avec le FED, qui bénéficie aux pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), est presque impossible à mettre en œuvre compte tenu de la complexité des règles européennes qui s’y attachent. La coordination des fonds européens permettrait de donner une tout autre ampleur aux programmes « Interreg » et, ainsi, de faire de nos territoires européens ultramarins des fers de lance de la politique de développement de l’Union européenne au sein de leur zone géographique.

La France porte l’objectif d’une meilleure articulation des fonds européens dans le cadre des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027, qui portent aussi bien sur les volumes financiers globaux que sur les paramètres des instruments européens. L’harmonisation des modalités d’intervention du FED et du FEDER renforcerait la coopération entre les RUP et leur environnement régional par l’intermédiaire de projets combinant ces deux sources de financement. De manière plus ambitieuse, la création, dans le cadre de la coopération territoriale européenne, d’un instrument financier commun aux RUP, aux PTOM et aux pays tiers (notamment les pays ACP) permettant de mener à bien les projets de coopération devrait aussi être envisagée. Les négociations sont en cours sur ce nouvel instrument de voisinage et de coopération (NDICI), conçu sur le modèle de l’instrument européen de voisinage qui bénéficie aux voisins extracommunautaires du continent européen.

Troisièmement, vos rapporteures restent dubitatives quant à la qualité de nombreux projets financés par les fonds « Interreg ». Conséquence sans doute des difficultés rencontrées pour mettre en œuvre ces fonds, l’action européenne dans ce domaine semble guidée par une « logique de décaissement », sans évaluation de qualité, en amont et en aval, de l’impact des projets sur le terrain. Cette situation est d’autant plus insatisfaisante que l’Union européenne est, sur le plan financier, le principal acteur de la coopération régionale outre-mer et que l’État n’a plus les moyens de conduire des actions d’envergure dans ce domaine.

Vos rapporteures ne doutent pas du fait que les programmes « Interreg » aient permis, à diverses occasions, de financer des projets utiles. En Guyane, par exemple, l’Union européenne a participé à la création d’un bac sur le fleuve Saint-Laurent du Maroni et au financement d’une étude sur le cabotage entre la France et le Brésil en vue de l’ouverture de nouvelles lignes maritimes. Vos rapporteures restent néanmoins sceptiques sur la qualité de nombreux projets financés par le contribuable européen. Elles ont notamment visité un hôpital à Sainte-Lucie dont la construction a été financée par l’Union européenne et qui, plusieurs années après son ouverture, reste vide. Les autorités saint-luciennes sont désireuses de confier la gestion de cet hôpital au privé pour réaliser des soins, notamment de chirurgie esthétique, sans rapport avec les besoins sanitaires de la population.

Dernièrement, malgré son rôle central dans le soutien à l’intégration régionale des outre-mer, l’Union européenne manque de visibilité politique. Pour cause, il n’existe pas de stratégie européenne dans chaque océan. De même que la France et le Royaume-Uni ont une stratégie indopacifique, l’Union européenne doit élaborer sa propre vision indopacifique. C’est à cette condition que l’Europe percevra les bénéfices politiques de son action et qu’elle évitera de devenir la bête noire de plusieurs États insulaires inscrits sur la liste européenne des paradis fiscaux.

Alors que la mise en œuvre des projets européens est beaucoup plus coûteuse en effectifs que les projets nationaux, vos rapporteures appellent à refondre les instruments européens mis en œuvre par la Commission européenne.

Proposition n° 16 : refondre les instruments européens en faveur de la coopération régionale afin de faciliter la mobilisation des crédits, renforcer la qualité des projets financés et donner plus de visibilité à l’action de l’Union européenne.

C.   Saisir les opportunités que représente l’intégration régionale

Vos rapporteures appellent à « bâtir des ponts » entre l’outre-mer et le voisinage afin de jeter les fondations d’une coopération multidimensionnelle.

1.   Lever les obstacles à la circulation 

Il est de nécessaire de s’attaquer prioritairement aux obstacles qui freinent la mobilité et les échanges, afin de compenser les effets de l’insularité.

a.   L’apprentissage des langues

 

L’apprentissage des langues est une des conditions d’un rapprochement des personnes appartenant à un même ensemble régional.

 

La promotion de la francophonie est partie intégrante de l’insertion régionale de nos outre-mer. Notre langue est la première langue étrangère enseignée en Nouvelle-Zélande, qui compte plus de 44 000 élèves qui apprennent le français. La langue française est enseignée comme deuxième langue dans l’Amapa alors que la deuxième langue est l’espagnol dans tous les autres États du Brésil. Ces réussites ne doivent pas cacher le fait que la francophonie est, dans l’ensemble, en recul dans l’environnement régional de nos outre-mer. La Micronésie est sans doute un des seuls sous-ensembles régionaux au monde où la francophonie est absente.

 

Malgré les plateformes de la francophonie que constituent les territoires ultramarins, la promotion de la langue française dans les bassins régionaux de nos outre-mer n’apparaît pas plus intense que dans d’autres régions du monde.

 

Les services de coopération et d’action culturelle (SCAC) qui relèvent des ambassades de chaque région s’appuient certes sur les différents opérateurs du réseau pour développer des actions entre nos territoires et les pays voisins : formation en français, organisation de séjours linguistiques, versement de bourses d’études, etc. Mais ces actions sont dispersées et peu significatives.

 

Tel est le cas de la formation des professeurs de français dans les pays voisins. Les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) dans les universités ultramarines forment les professeurs de français à Madagascar, à Haïti ou en Nouvelle-Zélande. Comme ailleurs, l’apprentissage du français par les élèves des pays voisins de nos outre-mer est assuré par le réseau des Alliances françaises. Des initiatives intéressantes, mais éparses, sont prises pour développer la mobilité étudiante et les séjours linguistiques, à l’image du projet « ELAN » (Échanges linguistiques et Apprentissage novateur par la mobilité) dans le bassin caribéen, dont l’objectif est de développer les compétences linguistiques, en intégrant notamment le diplôme d’étude en langue française (DELF) dans les programmes scolaires des pays partenaires, et la mobilité étudiante et professionnelle.

 

Vos rapporteures estiment que l’atout unique que représente nos outre-mer doit être mieux utilisé pour promouvoir la francophonie. Les Alliances françaises situées dans les pays voisins, comme au Suriname, doivent être confortées. À terme, plus d’écoles de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) devraient pouvoir ouvrir leurs portes dans la Caraïbe et le Pacifique.

 

En parallèle, il est nécessaire de progresser dans l’apprentissage de l’anglais dans les outre-mer, qui sont tous situés dans des mondes anglophones. Le renforcement du niveau d’anglais des élèves dès le plus jeune âge est une nécessité encore plus impérieuse qu’en métropole. Vos rapporteures notent avec intérêt le programme du rectorat de Martinique visant à offrir des cours d’anglais renforcés à certains élèves avec pour objectif le bilinguisme dès la fin de l’école primaire. Les territoires ultramarins pourraient nouer des partenariats beaucoup plus nombreux si leurs habitants étaient en mesure de maitriser cette langue de communication.

Proposition n° 17 : renforcer l’apprentissage de l’anglais dans les outre-mer et promouvoir la francophonie dans les pays voisins.

b.   L’irritant des visas

L’obligation de visa imposée à l’entrée des territoires ultramarins est un obstacle réglementaire au développement des échanges humains en plus d’être un irritant important dans les relations avec les pays voisins. Vos rapporteures considèrent que, dans de nombreux cas, l’obligation de visa ne se justifie pas au regard du risque migratoire ou sur la sécurité pour notre pays. C’est à l’évidence le cas pour les outre-mer du Pacifique où ces risques sont très limités.

LES VISAS À L’ENTRÉE EN GUYANE : UN IRRITANT MAJEUR
DANS LA RELATION FRANCE-BRÉSIL

Les Brésiliens ne sont pas soumis à l’obligation de visa de court séjour pour se rendre dans l’espace Schengen mais y sont soumis pour se rendre en Guyane. Le Brésil, qui n’impose pas de visa aux ressortissants français, qu’ils soient guyanais ou métropolitains, demande régulièrement la suppression de l’obligation de visa pour ses ressortissants qui souhaitent se rendre en Guyane.

Le ministère de l’intérieur oppose les risques migratoires et sur la sécurité pour justifier son refus. Or, l’obligation de visa ne dissuade pas les personnes malintentionnées de traverser la frontière du fleuve Oyapock et sa suppression ne devrait donc pas avoir pour effet d’accroître le volume de l’immigration clandestine. En pratique, le visa a surtout pour effet de décourager les Brésiliens désireux de développer les échanges, notamment économiques, entre le Brésil et la Guyane. Vos rapporteures estiment que la levée des visas représente une opportunité pour la France de demander au Brésil un renforcement de la coopération policière et judiciaire, notamment dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage illégal.

Pour répondre à cet irritant persistant dans la relation entre la France et le Brésil, le ministère de l’intérieur a concédé des assouplissements qui se sont traduits par la création d’un statut de transfrontalier à partir de 2015, des dispenses de visa ciblées et des facilitations de visa de circulation.

L’ouverture du pont sur le fleuve Oyapock en 2017 a de nouveau porté la question au premier rang des priorités brésiliennes. Les assouplissements – imparfaits et parfois difficiles à mettre en œuvre – ne suffisent plus à contenir la frustration des autorités brésiliennes, très attachées au principe de réciprocité et soumises à une pression croissante de la population de l’Amapa. L’exacerbation des tensions s’est traduite par une interprétation de plus en plus restrictive par le Brésil des termes de l’accord bilatéral de réadmission des personnes en situation irrégulière de 1996, ce qui place la France dans une situation délicate.

Vos rapporteures estiment que l’obligation de visa est aujourd’hui un des principaux freins à l’intégration régionale de la Guyane et un des principaux irritants dans la relation bilatérale entre la France et le Brésil. Ces dernières proposent donc la mise en œuvre d’un calendrier de suppression des visas pour répondre à l’asymétrie des conditions d’entrée au Brésil et en Guyane.

Si l’obligation de visa a été supprimée pour les ressortissants des États de la Caraïbe, ces derniers doivent toujours justifier d’un certificat d’hébergement pour entrer en Guadeloupe et en Martinique. Ces certificats d’hébergement, qui reproduisent une asymétrie de traitement, sont désormais un point de crispation important dans les relations entre la France et les pays de la région. Vos rapporteures ont bien ressenti l’importance de ce sujet à l’occasion de la commission mixte de sécurité France – Sainte-Lucie, lors de laquelle le ministre de l’intérieur de Sainte-Lucie, M. Hermangild Francis, a rappelé que l’OECO, à laquelle appartenait désormais nos CFA, était aussi un espace de circulation, avant de quitter temporairement la réunion pour marquer sa désapprobation sur ce sujet.

Le ministère de l’intérieur perçoit l’obligation des certificats d’hébergement comme un moyen de limiter la délinquance dans les Antilles françaises. Vos rapporteures appellent à subordonner la suppression progressive du certificat d’hébergement à un renforcement significatif de la coopération policière et judiciaire avec Sainte-Lucie, afin de répondre aux préoccupations françaises. En attendant, la France doit pouvoir proposer des cas de dispense de certificats d’hébergement ciblés afin de favoriser les échanges et les actions de coopération.

Proposition n° 18 : lever l’obligation de visa ou les autres contraintes réglementaires à l’entrée dans nos outre-mer lorsque ces dernières ne se justifient pas au regard du risque migratoire ou de sécurité, comme entre la Guyane et le Brésil.

c.   La connectivité des territoires

Les territoires ultramarins souffrent d’un enclavement spécifique lié à la faiblesse des connexions portuaires, aéroportuaires, terrestres et numériques. L’État est mis au défi de renforcer les infrastructures qui favorisent la connectivité des collectivités ultramarines et, par ce biais, leur attractivité à l’extérieur.

Les ports sont amenés à jouer un rôle important pour désenclaver les territoires ultramarins, caractérisés par leur situation insulaire, tout autant que pour assurer le contrôle des routes commerciales, qui est un enjeu de souveraineté pour la France. Il reste toutefois nécessaire de structurer l’offre de transport maritime à l’échelle des bassins régionaux de nos outre-mer.  

LE PROJET D’UNE LIGNE DE CABOTAGE INTERRÉGIONAL
DU PLATEAU DES GUYANES À LA CARAÏBE

De nombreux produits importés vers les Antilles ou la Guyane depuis les pays voisins doivent être contrôlés sur le territoire européen, ce qui n’est pas sans poser question au regard des préoccupations économiques et écologiques. La création d’une ligne de cabotage commune à la zone Antilles-Guyane est une première étape pour favoriser les échanges de marchandise en direct entre les outre-mer et les pays voisins, sans avoir à transiter par l’hexagone.

 

Selon M. Rémy-Louis Budoc, directeur du Grand Port Maritime de Guyane, les potentialités de trafic au niveau du plateau des Guyanes et de la Caraïbe sont importantes. La nouvelle ligne maritime intégrerait les grands ports maritimes des CFA ainsi que les infrastructures plus modestes des petits États insulaires de la région.

 

 La concrétisation de cette ligne de cabotage interrégional suppose :

 

● d’identifier un groupe de transport et de fret maritime pour prendre en charge ce projet. Le lancement d’une telle ligne demande un navire adapté, des relais dans chaque pays pour regrouper les marchandises et une aide au démarrage ;

 

● de construire un ou plusieurs postes d’inspection aux frontières (PIF) permettant de contrôler, directement aux frontières de nos outre-mer, les importations de denrées d’origine animale ou végétale en provenance d’États tiers ;

 

 ● de négocier des accords avec les pays voisins sur l’accès des marchandises aux territoires ultramarins et d’engager un travail de plus long terme visant à rapprocher les normes à l’échelle régionale.

 

Proposition n° 19 : favoriser la création de lignes de cabotage interrégional dans chaque bassin océanique et la construction de postes d’inspection aux frontières (PIF) des outre-mer, afin d’éviter que de nombreux produits échangés entre nos outre-mer et les pays voisins ne transitent par l’hexagone.

Malgré la qualité des infrastructures aéroportuaires outre-mer, les liaisons aériennes à l’échelle régionale sont peu développées et chères, ainsi que vos rapporteures ont pu le constater lors d’un déplacement dans la Caraïbe. À titre d’illustration, aucune capitale sur le continent américain n’est reliée à Cayenne par un vol direct. Pour développer la connectivité aérienne dans chaque océan, plusieurs pistes méritent d’être étudiées, parmi lesquelles la participation de l’État au capital d’une compagnie régionale ou la mise en place de conférences des autorités aériennes locales pour négocier les droits de trafic et d’escale.

Le développement des infrastructures terrestres transfrontalières outre-mer vise surtout à désenclaver la Guyane et à accompagner le développement des échanges avec les deux pays voisins.

L’ancien préfet de la Guyane, M. Patrice Faure, dresse un bilan « nuancé mais plutôt positif » de l’ouverture du pont sur l’Oyapock qui relie la Guyane au Brésil. Des progrès ont eu lieu récemment, avec l’extension des horaires d’ouverture du pont, qui est désormais ouvert sept jours sur sept, la création d’une ligne régulière de transport de voyageurs entre Cayenne et Macapá, la capitale de l’Amapa, et l’expérimentation du transbordement de marchandises, qui préfigure l’ouverture prochaine du pont à la circulation des marchandises.

Cependant, force est de constater que le pont ne participe pas encore au développement de la région et que beaucoup reste à faire. Les flux de véhicules restent faibles et fortement déséquilibrés au profit de la France car les Brésiliens doivent fournir un visa d’entrée et ont une obligation d’assurance sur les véhicules, dont le coût reste élevé (95 euros pour quinze jours). La route brésilienne qui relie la ville frontalière d’Oiapoque à Macapá a par ailleurs besoin d’être réhabilitée. Malgré ces défis, M. Patrice Faure constate une volonté commune d’avancer pour permettre le développement des échanges, qui sera progressif. Ce dernier considère que, sur le même modèle, un pont devrait remplacer le bac sur le fleuve Saint-Laurent-du-Maroni afin d’accroître les flux entre la Guyane et le Suriname.

Enfin, le développement des câbles sous-marins représente un enjeu majeur pour assurer la connexion numérique des territoires et des économies locales. 

LES CÂBLES SOUS-MARINS DANS LE PACIFIQUE

Plus de quatre cents câbles sous-marins quadrillent la planète. Ces câbles, par lesquels transitent près de 99 % des communications internationales, représentent un enjeu économique et stratégique majeur à l’échelle mondiale. Au plan économique, ils assurent une connectivité numérique qui facilite l’implantation d’entreprises sur le territoire des États ainsi que leur connexion à l’économie mondiale. Les câbles sous-marins sont aussi des infrastructures stratégiques : qui contrôle les câbles peut priver ses voisins de connexion ou s’y brancher pour recueillir du renseignement.

Dans le Pacifique, il existe 33 câbles, dont les dimensions sont très variables : le plus petit mesure 20 km et le plus long s’étire sur 30 500 km. Le Pacifique est aujourd’hui la région où l’activité de pose de câbles sous-marins se développe le plus rapidement sous l’effet de la saturation du marché des câbles transatlantiques, du basculement de l’économie vers l’Asie et de la volonté d’aider au développement des petits pays du Pacifique, qui sont les dernières frontières numériques.

Hawaii et Guam sont les points de passage et/ou d’atterrissage de la plupart des câbles de la région, qui relient les continents asiatiques et américains. Le câble emblématique du Pacifique est le Southern Cross, qui forme une boucle de 30 500 km reliant l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les îles Fidji et les États-Unis, en passant par Hawaii. La plupart des îles du Pacifique se trouvent en revanche dans une sorte d’impasse numérique.  

Chacune de nos collectivités d’outre-mer est reliée au réseau par un nombre limité de câbles sous-marins, ce qui entraîne une vulnérabilité en cas de rupture de service. La Nouvelle-Calédonie est notamment reliée à Sydney, et la Polynésie française à Hawaii par un câble d’une longueur de 4 805 km mis en service en septembre 2010. La vulnérabilité de nos outre-mer sur le plan de leurs connexions numériques explique que la France tente d’imposer la Polynésie Française sur le tracé du futur câble sous-marin qui devrait relier l’Asie et l’Amérique du sud.

2.   Tirer parti des opportunités que génère l’environnement régional

Nos outre-mer doivent s’investir pleinement dans la coopération régionale, qui est une source d’opportunités dans tous les domaines : économique, sanitaire, éducatif, culturel et, de manière croissante, environnemental. 

a.   Renforcer l’insertion régionale des économies ultramarines

Vos rapporteures appellent à davantage inciter et accompagner les entreprises ultramarines qui souhaitent exporter ou se développer à l’étranger.

Nos outre-mer ont des atouts à faire valoir. L’éloignement de la métropole, souvent perçu comme un handicap, est une force si l’on rappelle que, avant la crise sanitaire mondiale, quasiment tous nos outre-mer se situaient dans des zones dynamiques caractérisées par des taux de croissance supérieurs à 3 %. La position géographique des outre-mer en font des plateformes de rebond de premier choix vers les marchés locaux et européens. Le niveau élevé de complémentarités entre nos outre-mer et leur environnement régional donne une idée précise des secteurs économiques qu’il est nécessaire de développer (cf. infra).

La projection économique des territoires ultramarins peut également s’appuyer sur l’importance du capital physique et humain outre-mer. Outre un grand nombre de cadres techniques et administratifs, nos outre-mer disposent d’un réseau d’opérateurs publics et privé à forte compétence et à haute valeur ajoutée dans de nombreux domaines (énergie, environnement, urbanisme, etc.). Les activités de transbordement peuvent s’appuyer sur les infrastructures portuaires ultramarines, qui sont de très bonne qualité par rapport aux pays voisins. Il convient également de relever le dynamisme de ces territoires sur le plan des créations d’entreprise.

Laissés à eux-mêmes, ces atouts ne suffisent pas à internationaliser les économies locales. L’internationalisation exige en outre de structurer et de soutenir les entreprises ultramarines pour les aider à accéder aux marchés étrangers.

Business France est chargé de remplir cette mission, en s’appuyant notamment sur le réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) dans les outre-mer. Chaque année, une centaine d’entreprises ultramarines sont accompagnées par Business France sur des actions export individuelles ou collectives. Les entreprises de La Réunion bénéficient fortement de cet accompagnement, compte tenu de la présence directe de Business France auprès des entreprises réunionnaises et d’une couverture quasi complète des pays de l’Afrique australe et orientale par le réseau Business France, qui est a contrario inexistant en zone Caraïbes. Vos rapporteures ont rencontré M. Philippe Jock, président de la CCI de Martinique (CCIM), qui a indiqué accompagner les exportateurs locaux en priorité vers Haïti et sur des secteurs d’avenir comme les énergies renouvelables. Business France est engagée dans une réorganisation interne pour mieux soutenir les entreprises ultramarines à l’étranger. Le 17 juin 2019, une plateforme des solutions export pour les outre-mer a ainsi ouvert à Rouen et des discussions étaient en cours pour installer des « Team France Export » ultramarines.

Les entreprises ultramarines bénéficient aussi des opportunités commerciales ouvertes par les financements de l’AFD dans les pays voisins. L’AFD tente en effet de favoriser la mobilisation et la promotion de l’expertise locale, publique ou privée, sur les projets financés ou cofinancés par l’agence. En République dominicaine, un consortium d’entreprises françaises, intégrant Alstom, Thales et Systra, a ainsi été retenu pour la construction du métro de Saint-Domingue. En Jamaïque, l’AFD accompagne l’extension du port de Kingston avec la CMA-CGM. Pour soutenir les PME qui ne disposent pas d’un service de veille commerciale, l’AFD a créé une base de données pour recenser ses décisions d’engagement dans l’océan Indien.

Les territoires ultramarins sont aujourd’hui mis au défi de renforcer la mise en cohérence de leur industrie et de leurs compétences avec les opportunités d’affaires au niveau régional. Ces derniers doivent privilégier les secteurs à forte valeur ajoutée ainsi que ceux qui contribuent à l’autonomie de leur bassin régional.

Secteur d’excellence dans nos territoires d’outre-mer, la filière des énergies renouvelables pourrait être davantage tournée vers les bassins régionaux. Cette orientation économique favoriserait par ailleurs la mise en place d’une connectivité énergétique entre les outre-mer et leur environnement régional. Vos rapporteures appellent notamment à accélérer le projet d’exploration et d’exploitation géothermique initié en 2011 avec la Dominique dans l’objectif de développer une centrale susceptible de couvrir les besoins en électricité de la Dominique ainsi qu’une partie de ceux de la Guadeloupe et de la Martinique.

Ensuite, les départements et régions d’outre-mer devraient diversifier leurs activités agroalimentaires et renforcer leurs exportations à destination des économies régionales dont la demande est importante. Hors spiritueux, sucre et produits de la minoterie, les exportations agroalimentaires ultramarines restent essentiellement tournées vers l’hexagone. Cependant, il existe d’importantes opportunités pour réduire la dépendance alimentaire de nombreux pays voisins, à l’égard des États-Unis dans la Caraïbe ou de la Chine dans le Pacifique.

 Le positionnement de La Réunion et des CFA pourrait également leur permettre de se positionner comme assembleur puis exportateur de produits pharmaceutiques. Alors que la majorité de principes actifs sont aujourd’hui produits en Asie, une partie de la production pourrait être réalisée dans les outre-mer avant d’être exportée à destination du marché est-africain ou du bassin des Caraïbes.

Enfin, les entreprises de fabrication de produits métalliques, qui représentent 10 % du chiffre d’affaires de l’industrie manufacturière dans les départements d’outre-mer, pourraient s’ouvrir à l’exportation. Ces produits métalliques sont importés de manière intensive par les économies caribéennes et est-africaines. Les métaux communs et ouvrage utilisant ces produits représentent près de 5 % des importations de l’Afrique du Sud, de Sainte-Lucie ou du Guyana.

Proposition n° 20 : renforcer la projection économique des outre-mer à l’étranger en incitant les territoires à investir plusieurs secteurs à forte valeur ajoutée pour lesquels une demande existe dans les pays voisins.

Le développement des échanges économiques est susceptible d’avoir de nombreux effets vertueux sur les bassins régionaux de nos outre-mer. Il devrait, d’une part, favoriser le développement de la région et réduire ainsi les défis auxquels nos territoires sont confrontés en raison de leur voisinage, qu’il s’agisse de la pression migratoire, du narcotrafic ou de la pêche illégale. Il devrait, d’autre part, s’accompagner de projets destinés à gérer les conséquences de l’accroissement des échanges ainsi que leur soutenabilité. Le développement des échanges rendra d’autant plus urgent de coopérer dans le domaine de l’énergie, afin de favoriser l’autonomie énergétique de chaque région, et de trouver des économies d’échelle sur des projets de mutualisation du traitement et de valorisation des déchets. Le renforcement de la coopération économique a aussi des effets d’entrainement sur des formes de coopération plus larges, notamment sanitaire et universitaire.

b.   Développer le tourisme dans nos territoires

Vos rapporteures appellent à renforcer le positionnement et la visibilité des destinations ultramarines dans la distribution touristique régionale.

Encore une fois, les territoires d’outre-mer présentent de nombreux atouts pour s’imposer comme des destinations touristiques de premier plan. Malgré l’intensité de la concurrence et le manque de dessertes aériennes, nos outre-mer peuvent se prévaloir d’un environnement sécurisé, d’un niveau d’équipement satisfaisant, de la beauté de leurs paysages et d’une richesse culturelle et historique.

Nos outre-mer ne doivent pas s’engager, comme Hawaii ou les Bahamas, dans la voie d’un tourisme de masse standardisé qui serait insoutenable. À ce titre, vos rapporteures expriment leur inquiétude quant au développement des croisières dans tous les outre-mer, jusqu’à Saint-Pierre-et-Miquelon. La construction de paquebots de plus en plus massifs, qui s’apparentent à de véritables « villes flottantes », ne peut être qu’une impasse au regard des risques liés à une catastrophe de grande ampleur. Ces paquebots sont une cible de choix pour des attentats terroristes, même si cette menace reste limitée dans chaque océan. La complexité de la gestion des cas de coronavirus à bord de plusieurs navires de croisière a récemment démontré l’importance du risque épidémique à bord ([40]). Sur le plan environnemental, ces paquebots géants sont à l’origine d’une pollution marine élevée et accélèrent la destruction du trait de côte. Vos rapporteures appellent la France à défendre, au niveau international, l’écriture de règles encadrant la taille des paquebots afin de freiner la course actuelle au gigantisme. Si de telles normes se heurteront sans doute à certains intérêts économiques, vos rapporteures estiment qu’il est possible et nécessaire de revenir à un tourisme de croisière viable.

Proposition n° 21 : défendre, au niveau international, l’édiction de règles encadrant la taille des paquebots, et notamment des navires de croisière.

Les territoires ultramarins n’ont d’autres choix que celui d’un tourisme durable, qui respecte l’environnement, assure l’intégration des populations locales et valorise les identités culturelles. Le Costa Rica, qui a fait de la biodiversité son principal attrait touristique, est un modèle à cet égard.

Vos rapporteures appellent à une action volontariste de l’État pour soutenir les projets de développement touristique des collectivités ultramarines. Il est nécessaire, en priorité, de produire des données sur le tourisme outre-mer et de convaincre les compagnies aériennes et les investisseurs du secteur de l’avenir du tourisme dans nos territoires. Plutôt que beaucoup trop miser sur le développement balnéaire, l’offre touristique ultramarine pourrait être confortée par une valorisation des villes, en particulier des fronts de mer et de l’art de vivre ultramarin. Surtout, il est nécessaire de mettre en lumière les produits d’exception de nos outre-mer et de recréer une fierté identitaire, qui peut être sublimée par le tourisme.

Proposition n° 22 : produire des données sur le tourisme outre-mer et convaincre les compagnies aériennes et les investisseurs des potentialités du tourisme dans nos territoires.

Malgré la concurrence entre pays, le bassin régional peut également être un lieu de coopération afin de développer les échanges touristiques. Ces coopérations peuvent prendre la forme d’une offre touristique multi-destinations, afin que les touristes qui visitent une île se rendent également sur l’île voisine, ou d’un partenariat sur les métiers du tourisme avec les pays voisins.

c.   Structurer une véritable coopération sanitaire et scientifique

Dans le Livre bleu des outre-mer publié en 2018, le Gouvernement reconnaissait que « la coopération régionale en santé représente un enjeu important pour les outre-mer, aussi bien en termes d’optimisation de l’offre de soins, de sécurité sanitaire, de gestion des flux migratoires qu’en terme économique ». Vos rapporteures invitent à faire de la pandémie mondiale une opportunité pour renforcer la coopération sanitaire entre nos outre-mer et leurs voisins, dans un contexte où la lutte contre l’épidémie exige d’ailleurs de renforcer le soutien apporté aux systèmes sanitaires des pays en voie de développement. Compte tenu de leurs structures de santé et de leur expertise, nos outre-mer ont les moyens de jouer un rôle majeur dans le domaine de la santé à l’échelle de leur bassin régional.

À l’échelle bilatérale, la coopération hospitalière pourrait être renforcée.

Des parcours de soins pourraient être mis en œuvre pour prendre en charge la patientèle solvable qui réside dans le voisinage de nos outre-mer. Dans la Caraïbe, les patients solvables se rendent à Miami pour être soignés au lieu d’être accueillis par les centres hospitaliers universitaires (CHU) de la Guadeloupe et de la Martinique, plus proches et dont le bassin d’emploi est actuellement sous-dimensionné. La prise en charge tarifée des populations solvables de la zone pourrait être une partie de la solution au problème du déficit financier des hôpitaux ultramarins. Ceci suppose d’inciter les CHU d’outre-mer à organiser leurs relations avec les assurances et, surtout, de dépasser notre difficulté culturelle à admettre un lien entre la santé et l’argent.

Nos outre-mer doivent également pouvoir répondre à la forte demande d’une patientèle non solvable dans les pays voisins. Le Gouvernement a confié une mission à Dominique Voynet et Marcel Renouf pour redéfinir la coopération sanitaire dans un contexte de forte pression migratoire en Guyane et à Mayotte. Cette mission part du constat que les structures de santé de certains territoires subissent une forte pression de la part de patients, en particulier de parturientes, qui ne sont le plus souvent pas solvables. Sous l’effet de l’immigration comorienne, la maternité de Mamoudzou à Mayotte est la plus grande maternité de France. La moitié des enfants qui naissent en Guyane sont binationaux, compte tenu du nombre de femmes surinamaises qui accouchent à Saint-Laurent-du-Maroni.

Proposition n° 23 : constituer des parcours de soins afin d’accueillir dans les hôpitaux ultramarins une patientèle solvable et non solvable issue des pays voisins.

Pour contenir la désorganisation, nos territoires sont contraints, à court terme, de structurer des parcours de soins avec le Suriname et les Comores. À plus long terme, nos voisins doivent avoir les moyens de prendre en charge leurs patients chez eux, ce qui suppose de les aider à renforcer leur système de santé. La santé est ainsi, avec l’éducation, l’un des deux piliers du plan de développement que la France souhaite mettre en place aux Comores. Parmi les différents moyens de soutenir les systèmes de santé des pays voisins, vos rapporteures invitent à développer les échanges entre personnels soignants. Ces échanges peuvent être un moyen de soutenir certains segments d’activité ou certaines équipes dans les hôpitaux ultramarins et de donner à des personnels étrangers une expérience dont bénéficiera, à leur retour, le système de santé dont ils sont issus.

L’échelle régionale est en revanche le niveau le plus adapté pour certaines coopérations sanitaires, notamment en matière de surveillance épidémiologique. En 2009, un réseau de surveillance épidémiologique et d’alerte sanitaire, appelé « SEGA-One Health », a été créé au sein de la COI. Ce réseau, qui regroupe les organismes sanitaires de cinq pays (France, Maurice, Comores, Seychelles et Madagascar) situés dans l’océan Indien, a pour mission d’assurer une veille des maladies infectieuses, de renforcer les capacités d’action des systèmes de santé locaux et de réduire l’impact des épidémies sur les populations et les économies. Ce réseau a été mobilisé pour mettre en place, avec l’appui financier de l’AFD, un plan d’urgence face à l’épidémie de Covid-19. Chaque bassin régional devrait se doter d’un réseau semblable au « SEGA-One Health ».

Proposition n° 24 : promouvoir la création de réseaux de surveillance épidémiologique et d’alerte sanitaire dans chaque bassin régional.

Enfin, la pandémie mondiale fait apparaître de nouvelles opportunités de coopération dans le domaine de la recherche. Les outre-mer pourraient constituer, et sont parfois déjà, des pôles d’excellence scientifique. Dans la gestion de l’après-crise, la qualité de la recherche française conduite en outre-mer, notamment dans les programmes de santé consacrés à la zoonautique, représente une opportunité de développer l’influence de la France en même temps que de renforcer l’attractivité de nos territoires. À cet effet, nos réseaux de recherche pourraient être progressivement étendus dans chaque région, et leurs budgets augmentés. Une communication efficace, notamment au sein des organisations régionales, pourraient permettre de mettre en valeur ces réseaux de recherche.

Proposition n° 25 : étendre les réseaux de recherche français (Instituts Pasteur, Instituts de recherche pour le développement, etc.) dans nos outre-mer ainsi que dans leur environnement régional.

d.   Construire une coopération éducative et culturelle

Vos rapporteures considèrent que les marges de progrès dans le domaine de l’éducation, qui est la condition du développement, sont substantiels. La France est le seul pays européen à compter des universités en outre-mer, mais celles-ci ne sont pas suffisamment ouvertes sur leur environnement régional.

Vos rapporteures invitent à renforcer la projection et l’intégration universitaire dans chaque océan. Les bénéfices attendus sur le plan de l’intégration régionale sont importants : un Cubain ou un Brésilien devrait pouvoir étudier en Guyane ou dans les Antilles comme un Européen peut venir étudier en France métropolitaine. Cette ouverture favoriserait par ailleurs le développement des universités ultramarines, qui ont besoin d’atteindre une masse critique d’étudiants. Pour atteindre cet objectif, vos rapporteures préconisent d’augmenter le nombre de double-diplômes et de co-diplômes avec les universités outre-mer. Cette priorité est désormais reconnue par le Quai d’Orsay, qui fait du développement de la projection et de l’intégration universitaire une des missions des conseillers de coopération et d’action culturelle (COCAC) et prévoit des crédits spécifiques à cet effet.

À cet égard, le développement des partenariats universitaires avec le continent africain est une réelle priorité. L’Afrique est confrontée à un défi éducatif généré aussi bien par l’explosion démographique que par les objectifs de développement durable (ODD), qui comportent des objectifs en matière de scolarisation au niveau du primaire. Plutôt que de tenter d’accueillir tous les étudiants africains sur le territoire national ([41]), la France a la volonté de projeter l’éducation en Afrique en accroissant les coopérations universitaires. Vos rapporteures appellent notre pays à proposer des cursus communs, des double-diplômes et des co-diplômes, non seulement avec les universités dans l’hexagone, mais également avec nos universités en outre-mer. L’université de La Réunion, en particulier, pourrait créer des partenariats universitaires avec Madagascar, les Seychelles, Maurice et les Comores. L’université de La Réunion a d’ores et déjà reçu une enveloppe de 120 000 euros pour se projeter auprès des universités de la région en vue de créer un co-diplôme.

Proposition n° 26 : développer les double-diplômes et les co-diplômes entre les universités outre-mer et les universités des pays voisins, notamment en Afrique.

Vos rapporteures reprennent également à leur compte l’idée, déjà ancienne, de créer un « Erasmus » par bassin régional. En Europe, les doubles diplômes et les co-diplômes ont pris de l’importance grâce aux outils de mobilité comme Erasmus. La création d’un Erasmus régional, qui renforcerait la mobilité étudiante, serait un formidable moyen de renforcer le sentiment d’une appartenance commune. Vos rapporteures regrettent en particulier que l’« Erasmus Caraïbes », annoncée par la ministre des outre-mer lors de la CCRAG en 2016, n’ait toujours pas vu le jour.

Proposition n° 27 : créer un « Erasmus » par bassin régional pour favoriser la mobilité étudiante et renforcer le sentiment d’une appartenance commune.

Dans le domaine de la culture, notre pays a encore du chemin à faire pour valoriser les cultures externes comme celles de nos outre-mer. Il est légitime que les ressortissants de nos outre-mer connaissent la France et l’Europe, mais ces derniers doivent aussi mieux connaître l’histoire et la culture qu’ils ont en partage avec les pays qui les entourent. Un Antillais ne doit pas seulement connaître la France ; il doit aussi connaître Cuba et la Jamaïque. L’espace pour la création d’une coopération culturelle, littéraire et historique dans chaque bassin est immense et d’autant plus nécessaire qu’elle est la clef d’une identité retrouvée. C’est à La Réunion que les acteurs sont le plus entrés dans cette intégration culturelle. La saison « Africa 2020 », reportée au premier semestre 2021, doit être notamment l’occasion de mettre en valeur les racines culturelles communes des territoires d’outre-mer de l’océan Indien avec le continent africain. La « biodiversité humaine » doit aussi être cultivée dans le Pacifique, en favorisant le rapprochement des peuples autochtones, qui ont notamment un rapport particulier à la terre. Vos rapporteures insistent en particulier sur l’importance de la connectivité audiovisuelle pour créer une identité commune afin que les ressortissants des outre-mer puissent être informés des évènements qui se déroulent dans leur voisinage immédiat.

Proposition n° 28 : faire de la saison « Africa 2020 », reportée au premier semestre 2021, une opportunité pour mettre en valeur les racines culturelles communes entre nos outre-mer dans l’océan Indien et le continent africain.

e.   Faire front commun face aux défis environnementaux

Les milieux insulaires fragiles, auxquels appartiennent nos territoires d’outre-mer, sont à l’avant-garde des effets du changement climatique. Dans chaque océan, les défis environnementaux deviennent ainsi un sujet majeur de coopération régionale. La prise de conscience est particulièrement forte dans la zone Pacifique, qui a commencé à s’organiser collectivement pour répondre à ces défis. La lutte contre le dérèglement climatique est aussi reconnue comme un enjeu important dans l’océan Indien, sur lequel les pays de la région sont désireux d’avancer. La prise de conscience est un peu plus faible au sein de la Caraïbe même s’il ne fait guère de doute que, compte tenu de l’exposition de la région aux conséquences du changement climatique, l’environnement est un enjeu de coopération d’avenir entre les collectivités françaises d’Amérique et leur environnement régional.

Compte tenu de ses territoires d’outre-mer et de sa place sur la scène internationale, la France a pour responsabilité d’être la porte-parole des petits États insulaires en développement affecté par le réchauffement climatique. La conférence de Paris de 2015 a mis en lumière cette « communauté de destin » entre la France et ses voisins dans les trois océans, qui ont pu afficher une position commune en faveur d’objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans une région comme l’Océanie, notre pays a également fait de la protection de l’environnement une dimension importante de sa stratégie indopacifique.

Nos outre-mer et leur environnement régional commencent à coopérer pour atténuer les effets des activités humaines sur l’environnement. Les îles de la Caraïbe, dont la Martinique et la Guadeloupe, se sont récemment mobilisées pour répondre au problème des algues sargasses. À la suite du rapport commandé au sénateur Dominique Théophile ([42]), les pays de la région se sont réunis à l’occasion d’une conférence internationale en Guadeloupe en octobre 2019. Cette conférence internationale a notamment débouché sur l’idée de créer un observatoire international sur le phénomène des sargasses dont l’origine reste mal connue ([43]). Ce projet coûteux, qui associe nos collectivités et leurs voisins, dont le Mexique et la République dominicaine, devrait être financé par « Interreg Caraïbes ».

Les voisins de nos outre-mer sont aussi, de façon croissante, des alliés sur le champ de la protection de la biodiversité. Nos outre-mer, des îles Éparses à la Guyane, sont des réservoirs exceptionnels de la biodiversité, ce qui est aussi souvent le cas de leurs voisins. En 2017, le président de la République a lancé l’initiative « adaptation et biodiversité » pour le Pacifique dont l’objet est de financer des projets communs à nos collectivités et aux îles du Pacifique dans plusieurs domaines liés à la protection de l’environnement : gestion des déchets, lutte contre les espèces invasives, préservation du trait de côte, etc. Sur la base de l’expérience acquise dans la protection des récifs coralliens en Polynésie française, notre pays doit aider les petits États de la région à assurer la résilience de la biodiversité. Cette initiative régionale est dotée de 28 millions d’euros dont 10 millions fournis par la France.

Malgré ces initiatives opportunes, ni nos outre-mer, ni leurs voisins ne sont prêts à affronter les conséquences les plus graves du réchauffement climatique. La prise de conscience est insuffisante face aux risques liés à la multiplication des catastrophes naturelles, malgré les initiatives régionales prises récemment dans ce domaine (cf. supra). Les territoires insulaires sont encore moins armés pour affronter les effets de la montée des eaux, qui pose la question très lourde de la relocalisation des activités humaines et de l’accompagnement financier des collectivités. Vos rapporteures appellent à faire de la gestion du trait de côte un des principaux sujets de coopération dans les bassins régionaux de nos outre-mer.

Proposition n° 29 : faire de la lutte contre les effets du réchauffement climatique, en particulier la gestion du trait de côte, le premier sujet de coopération entre nos outre-mer et leur environnement régional.

Plus qu’aucun autre sujet, la lutte contre le réchauffement climatique rappelle la communauté de destin qui unit nos outre-mer et leur voisinage. À Saint-Martin, la catastrophe liée au passage de l’ouragan Irma a conduit les deux parties de l’île, qui entretenait auparavant de mauvaises relations, à relancer leur coopération dans de très nombreux domaines, jusqu’à vouloir résoudre un différend frontalier vieux de plusieurs siècles. Vos rapporteures formulent le vœu que, à l’image de Saint-Martin, la réponse aux défis que représente le changement climatique agisse, pour les décideurs, comme un révélateur de l’importance de l’intégration régionale.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

Au cours de sa séance du mercredi 4 novembre 2020, la commission examine le présent rapport.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/CmK4Ww

La commission autorise la publication du rapport d’information sur l’environnement international des départements et collectivités d’outre-mer.

 


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   Annexe 1 : Liste des acronymes utilisés dans le rapport

 

ACP   Afrique Caraïbes et Pacifique

AEC   Association des États de la Caraïbe

AEFE   Agence pour l’enseignement du français à l’étranger

AEM   Action de l’État en mer

AFD   Agence française de développement

ALBA  Alliance bolivarienne pour les Amériques

ARS   Agence régionale de santé

BDC   Banque de développement des Caraïbes

BID   Banque interaméricaine de développement

BPI   Banque publique d’investissement

CARICOM  Communauté caribéenne

CCI   Chambres de commerce et d’industrie

CCIM  Chambre de commerce et d’industrie de Martinique

CCR   Conférences de coopération régionale

CCRAG  Conférence de coopération régionale Antilles-Guyane

CFA   Collectivité française d’Amérique

CFP   Cadre financier pluriannuel

CGCT  Code général des collectivités territoriales

CHU    Centre hospitalier universitaire

CICID  Comité interministériel de la coopération internationale et du développement

COCAC  Conseiller de coopération et d’action culturelle

COI   Commission de l’océan Indien

COM   Collectivités d’outre-mer

CPS   Communauté du Pacifique Sud

CROSS  Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage

CTE   Coopération territoriale européenne

DAECT  Délégation pour l’action extérieure des collectivités territoriales

DAO   Décision d’association outre-mer

DCP   Document cadre de partenariat

DELF   Diplôme d’étude en langue française

DGE   Direction générale des entreprises

DGM    Direction générale de la mondialisation

DNRED  Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières

DROM  Départements et régions d’outre-mer

ELAN  Échanges linguistiques et apprentissage novateur par la mobilité

ENSAM  École nationale supérieure d’architecture de La Réunion

FAA   Forces armées aux Antilles

FAZSOI  Forces armées dans la zone sud de l’océan Indien

FCR   Fonds de coopération régionale

FIFO   Festival international du film documentaire océanien

FIP   Forum des îles du Pacifique

FED   Fonds européen de développement

FEDER  Fonds européen de développement régional

FSPI   Fonds de solidarité pour les projets innovants

IEI   Initiative européenne d’intervention

INSPE  Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation

LOOM  Loi d’orientation sur l’outre-mer

MEAE  Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

MOT   Mission opérationnelle transfrontalière

MPCU  Mécanisme de protection civile de l’Union

NDICI  Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale

OCRTIS  Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants

ODD    Objectifs de développement durable

OECO  Organisation des États de la Caraïbe orientale

OIF   Organisation internationale de la Francophonie

ONU   Organisation des Nations Unies

OPS   Organisation panaméricaine de santé

OTAN  Organisation du traité de l’Atlantique nord

PIB   Produit intérieur brut

PIF   Poste d’inspection aux frontières

PME    Petites et moyennes entreprises

POM   Patrouilleur d’outre-mer

PROE  Programme régional océanien de l’environnement

PTOM  Pays et territoires d’outre-mer

RPC   République Populaire de Chine

RSS   Regional Security System

RUP   Régions ultrapériphériques

SDIS   Service d’incendie et de secours

SGAR  Secrétaire général pour les affaires régionales

SRR   Régions de recherche et de sauvetage

TAAF  Terres australes et antarctiques françaises

TFUE   Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

UE   Union européenne

ZEE   Zone économique exclusive


   Annexe 2 : Liste des personnes entendues par les co-rapporteures et déplacements

Auditions à Paris

     M. Emmanuel Berthier, directeur général des outre-mer au ministère des Outre-mer, M. Jean-Bernard Nilam, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane, M. Luc Hallade, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, M. Hervé Dejean de la Bâtie, secrétaire permanent pour le Pacifique, M. Jean-Pierre Balcou, sous-directeur des affaires juridiques et institutionnelles, et M. Guillaume Lagrée, chef de la mission du droit européen et international ;

     M. Denis Robin, secrétaire général de la mer.

     Mme Christine Moro, déléguée pour l'action extérieure des collectivités territoriales au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ;

     Mme Laurence Auer, directrice de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

     Mme Caroline Malausséna, directrice de la diplomatie économique au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

     M. Rémy Maréchaux, directeur de l'Afrique et de l'Océan indien au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, et Mme Marie-Anne Courrian, sous-directrice de l'Afrique australe et de l'Océan indien ;

     M. Thierry Mathou, directeur d'Asie et d'Océanie au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, et M. Jules Irrmann, chef de la mission d'Océanie ;

     M. Fabrice Mauries, directeur adjoint des Amériques et des Caraïbes au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, et M. Olivier Le Van Xieu, adjoint au chef de mission Amérique centrale et Caraïbes.

     M. Nicolas Thiriet, sous-directeur du service des politiques internes et des questions institutionnelles du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et M. Théo Barbe, rédacteur.

     Général de division aérienne Hervé Bertrand, chef de la division « Emploi » de l’état-major des armées, et le capitaine de vaisseau Cyrille de Cerval.

     Général de corps d'armée Lambert Lucas, commandant de la gendarmerie outre-mer.

     M. Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement, et de Mme Zolika Bouabdallah, chargée des relations avec le Parlement ;

     Mme Anne de Soucy, directrice adjointe du département Trois Océans de l’Agence française de développement, M. Philippe La Cognata, directeur Océan Atlantique, M. Marc Dubernet, directeur Océan Indien, M. Philippe Renault, directeur Océan Pacifique ;

     M. Christian Mantei, directeur général d'Atout France, et M. Philippe Maud'Hui, directeur de l'ingénierie et du développement des territoires ;

     M. Philippe Gustin, préfet de la Guadeloupe et délégué interministériel à la reconstruction de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ;

     M. Patrice Faure, préfet de la Guyane.

     M. Thierry Lataste, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ;

     Son Exc. M. Pieter de Gooijer, ambassadeur des Pays-Bas en France et M. Dirk Jan Nieuwenhuis, ministre plénipotentiaire ;

     Son Exc. M. Paulo César de Oliveira Campos, ambassadeur du Brésil en France, M. Audo Araujo Faleiro, ministre-conseiller, M. Frank Almeida de Sousa, conseiller, et M. Roger Joseph Abboud, conseiller ;

     M. Serge Letchimy, député de la Martinique ;

     Mme Véronique Bertile, ancienne ambassadrice déléguée à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane ;

     M. Rémy-Louis Budoc, directeur du Grand Port Maritime de Guyane ;

     M. Jean Peyrony, directeur général de la Mission opérationnelle transfrontalière, et de Mme Petia Tzvetanova, responsable juridique.

 

Déplacement aux Comores (avec une délégation de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale)

     Son Exc. Mme Jacqueline Bassa-Mazzoni, ambassadrice de France auprès de l’Union des Comores ;

     M. Moustadroine Abdou, vice-président chargé du ministère de l’agriculture, de la pêche, de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme ;

     M. Souef Mohamed El-Amine, ministre des affaires étrangères de l’Union des Comores ;

     M. Salim Mohamed Abderemane, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement, de la recherche et des arts de l’Union des Comores ;

     Mme Rashid Mohamed Mbakara Fatma, ministre de la santé, de la solidarité, de la protection sociale et de la promotion du genre ;

     M. Mohamed Moussa Mahoma, garde des sceaux, ministre de la justice, des affaires islamiques, des administrations publiques et des droits humains ;

     M. Dhoihir Dhoulkamal, deuxième vice-président de l’Assemblée nationale comorienne ;

     M. Abdou Salami Abdou, gouverneur d’Anjouan ;

     M. Saïd Abdallah Rifki, secrétaire général du Grand Muftorat.


 

Déplacement dans la Caraïbe

     Son Exc. M. Philippe Ardanaz, ambassadeur de France auprès des États de la Caraïbe orientale, de la Barbade et de l’OECO, M. Marc Mertillo, premier conseiller, commissaire divisionnaire Serge Antony, attaché de sécurité intérieure, commissaire divisionnaire Benoit Nau, chef de l’antenne Caraïbe de l’OCRTIS, M. Raphaël Rous, directeur des services douaniers, colonel Cyrille Caron, attaché de défense, colonel Gérard Re, chef d’état-major interministériel de la zone Antilles, M. Thierry Papon, chargé de mission à la DIPJ, Mme Virginie Lefebvre, inspectrice des douanes à la DNRED, M. Philippe Bricker, directeur du CROSS Antilles Guyane, M. Didier Moisson, conseiller régional de sécurité opérationnel, Mme Christelle Outreman, conseillère régionale de coopération et d’action culturelle, Mme Emmanuelle Chailleu, consule et secrétaire générale de l’ambassade, et l’ensemble des consuls honoraires de la zone ;

     M. Hermangild Francis, ministre de l’intérieur, de la justice et la sécurité nationale de Sainte-Lucie ;

     M. Didacus Jules, directeur général de l’Organisation des États de la Caraïbe orientale.

     M. Frank Robine, préfet de la Martinique, et Mme Marie-Marthe Bredas, chargée de mission à la coopération ;

     M. Alfred Marie-Jeanne, président de l’exécutif de la collectivité territoriale de Martinique ;

     M. Patrick Tyburn, directeur du SDIS ;

     M. Pascal Jan, recteur ;

     Amiral Jean Hausermann, commandant supérieur des forces armées aux Antilles ;

     M. Benjamin Garel, directeur du centre hospitalier universitaire ;

     M. Philippe Jock, président de la chambre de commerce et d’industrie de Martinique.


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   Annexe 3 : L’action de l’État en mer, un vecteur de coopération et de rayonnement dans les aires régionales de chaque outre-mer

Les moyens utilisés par la France pour défendre ses intérêts et surveiller ses espaces maritimes, sont également utilisés en soutien des États proches de chaque collectivité d’outre-mer. Sur certains sujets, une coopération est mise en place pour lutter contre des « fléaux communs » (ex : coopération avec l’Australie sur la question des blue boats).

Panorama des coopérations par zone maritime

Thématique

Précisions

Zone maritime Antilles

Répression du trafic de produits stupéfiants

 

 

Coopération bilatérale avec les Pays-Bas et les États-Unis

 

MOU avec JIATF-S (US). Plan établissant le COMSUP Antilles comme commandant du Task Group 4.6 (CTG 4.6), signé à Key West le 27 juin 2008.

 

Regional Security System (RSS) : Accord international sur la défense et la sécurité réunissant Antigua & Barbuda, La Dominique, Ste Lucie, St Vincent et Grenadines, la Barbade, la Grenade, Saint-Kitts-et-Nevis.

La France n’en est pas membre mais entretient une coopération fructueuse avec cette organisation.

 

Accords internationaux ou bilatéraux facilitant les interceptions en haute mer :

- Accord régional de San José du 10 avril 2003 (accord concernant la coop. en vue de la répression du trafic illicite maritime et aérien de stupéfiants dans la région Caraïbe)

- Accord de coop. opérationnelle avec les Pays-Bas pour les îles du Nord (12 mars 2013)

 

Sauvetage en mer

 

Plusieurs États sont à l’intérieur de la région de recherche et de sauvetage (SRR) dont la France assume la responsabilité : Dominique, Montserrat (RU), Antigua et Barbuda, Saint Christophe et Néviès, Anguilla, Sin Marteen (NL). Ces États bénéficient ainsi de la coordination des secours en mer conduite par le CROSS Antilles Guyane et le cas échéant des moyens aéromaritimes FR.

Des arr. adm. sont en cours de finalisation pour formaliser les modalités de coopération.

 

Lutte contre les pollutions maritimes

 

 

La France est partie au REMPEITC (regional marine pollution emergency, information and training Centre – Caribe), issu de la convention de Carthagène pour la protection du milieu marin.

 

Secours maritime de grande ampleur (croisière notamment)

 

 

Une coopération opérationnelle existe et est en cours de renforcement avec les US Coast Guard et les Dutch Caribbean Coast Guard. Une conférence internationale sur le sauvetage maritime de grande ampleur est planifiée au printemps 2020 (US-NL-FR).

 

Arrangements administratifs portant sur la coopération en matière de sécurité intérieure avec les États avoisinants.

Les larges thèmes abordés permettent d’y inclure les thématiques maritimes (pêche, immigration…).

 

 

Arr. Adm. entre les autorités françaises et les autorités saint-luciennes relatif à l’organisation d’un Comité de Sécurité franco-saint-lucien signé le 5 mars 2004.

Nota : les deux députées étaient présentes lors de la commission mixte du 5 novembre 2019.

Arr. Adm. entre les autorités françaises et les autorités dominiquaises relatif à l’organisation d’un Comité de Sécurité franco-dominiquais signé le 24 octobre 2005

 

Zone maritime Guyane

Police des pêches

 

 

Coopération avec la Marine brésilienne

Coopération la plus aboutie. Elle passe par :

- la présence d’un officier de liaison BR (officier de marine) au sein de l’état-major des forces armées en Guyane.

- la volonté partagée de mener des actions aéromaritimes communes à proximité de la « frontière ». Exemple : conduite d’une patrouille maritime simultanée (1 PAG FR et un patrouilleur BR) le long de la frontière maritime FR-BR en octobre 2019 avec un raccompagnement à la frontière d’un pêcheur illégal BR intercepté dans les eaux FR par le PAG « La Résolue » puis prise en charge dudit pêcheur par le patrouilleur BR (envoi d’une équipe de visite – constatation d’infractions).

- des liens à venir entre le bureau AEM et la nouvelle capitainerie d’Oyapock. Cette coopération passera principalement (au moins dans un premier temps) par un partage de l’information, en particulier en matière de lutte contre la pêche illégale (LCPI).

 

Coopération avec le Suriname

Coopération modeste - A développer.

- Les garde-côtes surinamais sont en cours de (re)montée en puissance depuis la réception de patrouilleurs construits par le chantier français OCEA.

- Quelques échanges récents illustrent leur bonne volonté en matière de coopération SUR-FR :

Exemple 1 : réponses rapides et complètes aux demandes d’informations exprimées par la Direction de la mer concernant l’authentification de documents présents à bord de navires de pêche INN surinamais déroutés dans les eaux FR dans le cadre de la LCPI.

Exemple 2 : entretien entre le commandant des GC SUR en COMGENDMAR (oct. 2019) qui a débouché sur une proposition par ce dernier de coopération au niveau tactique entre les GC SUR et les GENDMAR FR (échange de renseignement – patrouilles conjointes) et d’accompagnement FR dans l’acquisition des savoir-faire en matière de contrôle en mer. En attente de la réponse SUR.

 

Lutte contre les pollutions maritimes

 

 

Projet d’accord avec Brésil

En dépit de relances régulières par la MDD FR à Brasilia, la partie FR est toujours dans l’attente de l’avis de la partie BR concernant le « Projet d’accord franco-brésilien relatif à la coopération en matière de réponse aux événements de pollution maritime transfrontalière par hydrocarbures » remis en juin 2018 à l’Itamaraty (le MEAE BR).

 

Coopération policière

 

 

En janvier 2020, la prochaine réunion bilatérale FR-BR organisée par le Centre de coopération policière (CCP - créé par l’accord additionnel à l'accord de partenariat et de coopération FR-BR, en date du 07/09/2009), installé à Saint-Georges de l’Oyapock, abordera notamment le sujet de la LCPI. L’IBAMA (Institut brésilien de l'environnement et des ressources naturelles renouvelables) fera partie des services BR représentés, ce qui permettra au bureau AEM de nouer des liens (aujourd’hui inexistants) avec ce partenaire.

 

Zone maritime sud de l’océan indien

Coopération régionale AEM

MASE / CRIMARIO

 

Programmes UE MASE + CRIMARIO visant à améliorer la sécurité maritime dans la région sud de l’océan Indien.

OL FR au CRFIM (Madagascar) et CRCO (Seychelles).

 

Soutien à Madagascar (surveillance ZEE)

 

31 octobre 2019 signature d’un document de coopération officialisant l’embarquement d’observateurs malgaches à bord des navires MN.

Env. 85 jours de patrouille dans les eaux malgaches en 2019.

 

Coopération avec Maurice (SAR et Activités illicites)

 

Coopération dans l’ensemble des domaines de l’AEM en particulier SAR (MRCC Maurice / CROSS RU) et lutte contre les activités illicites (garde-côtes et douanes mauriciennes – premier exercice bilatérale en novembre 19 sur thématique NARCOPS).

 

Coopération avec Mozambique – organisation AEM / ANTIPOL

 

Organisation de séminaires sur des thématiques d’organisation de l’État en mer et de lutte contre les pollutions en mer (risque off-shore).

 

Coopération Sri Lanka, Inde, AUS sur migrants…

 

Echange d’information sur thématique surveillance migrants depuis Sri Lanka / Indonésie vers Réunion

Projet de MOU FR / AUS.

 

Coopération maritime avec Inde

 

Réunion identifiée comme un point d’appui important dans le développement de la relation FR/INDE – Stratégie Indopacifique. Déploiement d’un P8 Indien à la Réunion au cours du premier semestre 2020. Escales et exercices avec la marine indienne. 

 

Police des pêches

Participation au plan régional de surveillance des pêches de la COI (PRSP) via des missions de l’OSIRIS I puis II.

Coopération avec AUS – Accords 2003 et 2007 – Surveillance croisée ZEE. Embarquement régulier de contrôleurs AUS sur bâtiments MN, dernière mission AUS en 2015.

MADA (surveillance) – DCP 31 octobre 2019

Seychelles - accord surveillance ZEE 19 décembre 2006

Af. du Sud- accord 11 juillet 2016 / erreur matérielle, pas de coopération concrète. 

APSOI (accord de pêche pour le sud-ouest de l’océan Indien) : résolution encore à décliner sur des visites en haute mer.

 

Comores 

 

Accord-cadre du 22 juillet 2019 coopération de sauvegarde des vies humaines en mer et limitation flux de départs de migrants vers Mayotte depuis Anjouan.

 

Zone maritime Polynésie française

Sauvetage en mer

 

 

Plusieurs États étrangers sont situés à l’intérieur de la région de recherche et de sauvetage (SRR) dont la France assume la responsabilité : Pitcairn, îles Cook, Kiribati. Ces États bénéficient ainsi de la coordination des secours en mer conduite par le JRCC Tahiti et le cas échéant des moyens aéromaritimes FR.

La France est membre du PACSAR (PACSAR Steering Committee Strategic Plan 2017 – 2021) qui vise à développer la coordination des États et Territoires insulaires océaniens afin de renforcer leurs capacités en matière de recherche et sauvetage. Le PACSAR réunit les PICs, les USA, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

 

Surveillance et police des pêches

 

Les capacités de surveillance maritime et de lutte contre la pêche illicite dans le Pacifique Sud constituent des enjeux de souveraineté pour la France qui doit pouvoir afficher sa maîtrise de ses espaces maritimes. La cohérence du dispositif maintenu par l’État en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, associé à un cadre juridique adapté et à des actions de coopération permet de faire peser une pression dissuasive sur les flottilles de pêches étrangères.

 

La surveillance maritime et les opérations de contrôle, conduites dans le cadre de l’action de l’État en mer (AEM), et centrées sur les espaces maritimes français, bénéficient également aux Pays insulaires du Pacifique. Par un soutien direct apportés à ces États dans la maîtrise de leurs espaces maritimes, elles constituent un outil d’influence.

 

Des opérations de coopération régionale sont organisées plusieurs fois par an au bénéfice des PICs (Cook, Kiribati, Samoa, Tonga, Tuvalu). 3 opérations annuelles :

- 2 opérations coordonnées par la FFA (Forum Fisheries Agency, du Forum des îles du Pacifique), TUI MOANA et KURU KURU ;

- l’opération TAUTAI coordonnée par les FAPF avec les services de police chargés de la surveillance en mer des Kiribati et des Cook. Cette opération s’inscrit dans le cadre de notre partenariat militaire P-QUAD en soutien de la FFA. Ces opérations prennent la forme de vols de surveillance maritime, d’échange d’informations facilités par des officiers de liaison et d’inspections de navires de pêches en haute mer (dans le cadre de la WCPFC[44]) au large des zone économiques exclusives de ces États.

Ces opérations sont conduites dans un cadre de coopération national ou par l’intermédiaire du P-QUAD (Pacific Quadrilateral Defense Cooperation Forum) en coopération avec nos partenaires US, AUS et NZ.

 

En 2019, la France, se hisse à la première place devant les États-Unis en terme de contrôles réalisés en haute mer dans le cadre de la WCPFC, avec 66 contrôles effectués depuis le 1er janvier 2019.

 

A noter également, des échanges d’information réguliers avec l’Australie (traité du 1er septembre 2005) et la Nouvelle-Zélande (accord du 8 janvier 2007)

 

Lutte contre les pollutions maritimes

 

La France est partie au PACPLAN (Pacific Islands Regional Marine Spill Contengency Plan, approuvé en 2000 et révisé en 2019).

Il s’agit d’une convention interétatique, adoptée dans le cadre du Programme régional océanien de l’environnement (PROE), portant coopération en matière de pollution maritime dans le Pacifique et qui définit le champ d’application de l’assistance mutuelle entre États.

 

Au titre de ses capacités d’intervention en PF et en NC, la France est identifiée pour intervenir en priorité en soutien des îles Cook, de Niue, et du Vanuatu.

 

Lutte contre les activités illicites (échanges d’information par le biais du CFIM ou de contacts réguliers avec J3 Mer)

Coopération bilatérale avec US (FAPF - JIATF-W).

Echange régulier d’informations entre le CFIM du CMC-PF, et les États voisins ou riverains du Pacifique, les PICs, notamment : AUS, NZ, Cook, Equateur, Samoa, Salomon, Niue, PNG, Fidji, Pérou.

En outre Il existe :

- un ToR (term of references) bilatéral relatif aux échanges d’informations de sécurité maritime entre ALPACI et le DICAPI (chef Fonction garde-côtes) du Pérou.

- un ToR bilatéral relatif aux échanges d’informations de sécurité maritime entre ALPACI et le DIRSOMAR (chef Fonction garde-côtes) du Chili.


Zone maritime Nouvelle-Calédonie

Sauvetage en mer

 

 

Le Vanuatu est à l’intérieur de la région de recherche et de sauvetage (SRR) dont la France assume la responsabilité. Le Vanuatu bénéficie ainsi de la coordination des secours en mer conduite par le MRCC Nouméa et le cas échéant des moyens aéromaritimes FR.

La ZEE de Wallis et Futuna est incluse dans la SRR de Fidji.

La coordination des secours en mer est de la compétence du RCC Suva. Toutefois, l’intervention de 1er niveau est assurée par les autorités locales.

 

La France dispose d’accords SAR avec les pays bordant sa SRR.

Un dispositif technique de coopération en matière de SAR entre les États et Territoires insulaires océaniens à l’appui des opérations internationales de secours maritime menées dans l’océan Pacifique existe depuis 2014 entre l’Australie, les Îles Cook, les États fédérés de Micronésie, les Fidji, la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, la Polynésie française, Kiribati, les Îles Marshall, Nauru, la Nouvelle-Zélande, Niue, les Îles Mariannes du Nord, Palau, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Pitcairn, le Samoa, les Îles Salomon, Tokelau, les Tonga, Tuvalu, les États-Unis d’Amérique (Samoa américaines et Guam), et le Vanuatu.

 

Des protocoles d’accord bilatéraux existent également avec la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Vanuatu.

Un protocole d’accord est en cours avec Fidji et un protocole est envisagé avec les îles Salomon.

 

Assistance aux navires en difficulté.

Intervention à bord des navires.

 

 

La mise en place d’un protocole / accord est actuellement recherché pour le domaine de l’assistance à navire en détresse, avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie.

Ces accords bilatéraux visent à mettre en place un volet remorquage de navires en difficulté et intervention sur feux de navire.

 

Surveillance et police des pêches

 

Les capacités de surveillance maritime et de lutte contre la pêche illicite dans le Pacifique Sud constituent des enjeux de souveraineté pour la France qui doit pouvoir afficher sa maîtrise de ses espaces maritimes. La cohérence du dispositif maintenu par l’État en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, associé à un cadre juridique adapté et à des actions de coopération permet de faire peser une pression dissuasive sur les flottilles de pêches étrangères.

 

La surveillance maritime et les opérations de contrôle, conduites dans le cadre de l’action de l’État en mer (AEM), et centrées sur la zone maritime, bénéficient également aux Pays insulaires du Pacifique.

 

Des opérations de contrôle des pêches sont organisées plusieurs fois par an dans le cadre de l’ORGP WCPFC. Ces opérations prennent la forme de vols de surveillance maritime, d’échange d’informations facilités par des officiers de liaison et d’inspections de navires de pêches en haute mer au large des zone économiques exclusives des États bordant les ZEE de Nouvelle-Calédonie et de Wallis et Futuna. Ces opérations sont conduites dans un cadre de coopération nationale (WCPFC) ou par l’intermédiaire du QUAD (Quadrilateral Defense Cooperation Forum) en coopération avec nos partenaires US, AUS et NZ (opérations menées sous l’égide de la FFA, dans un cadre WCPFC).

 

Lutte contre les pollutions maritimes

 

 

La France est partie au PACPLAN (Pacific Islands Regional Marine Spill Contengency Plan).

Il s’agit d’une convention interétatique, adoptée dans le cadre du Programme régional océanien de l’environnement (PROE), portant coopération en matière de pollution maritime dans le Pacifique et qui définit le champ d’application de l’assistance mutuelle entre États.

Au titre de ses capacités en PF et en NC, la France doit en priorité intervenir en soutien des îles Cook, de Niue, et du Vanuatu.

 

 

Répression du trafic de produits stupéfiants

 

 

Coopération bilatérale et échanges avec US, AUS, NZ…

 

Source : Secrétariat général de la mer.

 


([1]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([2]) En vertu du programme EXTRAPLAC de l’ONU, la France, qui dispose déjà d’une zone économique exclusive (ZEE) de 11 millions de kilomètres carrés, peut encore accroitre la surface de son plateau continental de 1 million de kilomètres carrés.

([3]) Pour rappel, la France et les Pays-Bas partagent une frontière terrestre sur l’île de Saint-Martin.

([4]) Aruba, Curaçao et Bonaire sont géographiquement très proches du Venezuela.

([5]) Le Parlement européen est également mobilisé sur ces sujets, au travers des quelques députés ultramarins qui y siègent. Le président de la commission du développement régional, M. Younous Omarjee, est originaire de La Réunion, ce qui devrait donner une visibilité importante aux enjeux ultramarins.

([6]) L’article 58 de la loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances prévoit que «  la mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment […] la réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication ».

([7]) Contre 2,8M€ en 2009.  

([8])  Les trois ambassadeurs délégués sont l’ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane, l’ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l’océan Indien et le secrétaire permanent pour le Pacifique. De manière spécifique, le secrétaire permanent pour le Pacifique dispose d’un fonds inscrit au budget du MEAE, le fonds Pacifique, qui a pour objectif de promouvoir la coopération économique, sociale, scientifique et culturelle dans le Pacifique. Le fonds Pacifique, dont la dotation a diminué de 3,2M€ en 2007 à 1,5M€ en 2019 (sans inclure les mises en réserve budgétaires), est devenu symbolique par son montant.

([9]) Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer.

([10]) Loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional.

([11]) Parmi les domaines de responsabilité de l’État en Nouvelle-Calédonie figurent notamment la planification et la coordination en cas de catastrophe naturelle, certaines actions de l’État en mer comme la surveillance de la zone économique exclusive (ZEE) et la mobilisation des moyens militaires.

([12]) Antigua-et-Barbuda, la Dominique, Grenade, Montserrat (territoire d’outre-mer sous dépendance britannique), Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines sont membres à part entière de l’OECO tandis que les îles Vierges britanniques et Anguilla sont membres associés.  

([13]) Avec un budget de fonctionnement de 1,1 M€ en 2019, la COI est une organisation peu coûteuse.

([14]) À l’image de l’Association des îles Vanille, de l’Union des chambres de commerce et de l’industrie de l’Océan Indien et de l’Association des villes et collectivités de l’Océan Indien.

([15]) Wallis-et-Futuna a le statut d’observateur de cette organisation.

([16]) L’État gère ces fonds pour Saint-Martin et pour Mayotte. Par ailleurs, les fonds alloués aux PTOM sont gérés par la Commission européenne.

([17]) La CTE vise à soutenir la cohésion dans l’UE grâce à la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale.

([18]) Dominique Théophile, « La lutte contre les sargasses dans la grande Caraïbe : stratégies de prévention et de coopération régionale », rapport remis au Premier ministre en février 2019.

([19]) Au sein de la Commission européenne, la Direction générale de la coopération internationale et du développement programme les ressources du FED.

([20]) Comme la commission mixte franco-canadienne pour le développement de la coopération entre Saint-Pierre-et-Miquelon et les provinces atlantiques ou l’Institut franco-québécois pour la coopération maritime.

([21]) De manière plus précise, la Guyane appartient à plusieurs ensembles régionaux : le plateau des Guyanes (qui regroupe le Guyana, le Suriname, la Guyane et le nord du Brésil), l’Amazone en Amérique du sud et l’ensemble caribéen par sa façade littorale sur l’océan Atlantique.

([22]) Pour rappel, la frontière entre la France et le Brésil est longue de 730 kilomètres, ce qui en fait la plus grande frontière française.  

([23])  À titre d’illustration, un vol Nouméa-Papeete est l’équivalent d’un vol Paris-New York.

([24]) Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer.

([25]) Wallis-et-Futuna est membre associé du FIP depuis 2018.

([26]) Une « autoroute de la drogue », pour reprendre les termes du commissaire divisionnaire Serge Antony, attaché de sécurité intérieure à l’ambassade de France au Venezuela.

([27]) Rapport de M. Antoine Karam, sénateur, au nom de la mission d’information sur le trafic de stupéfiants en provenance de la Guyane, « Mettre fin au trafic de Cocaïne en Guyane : l’urgence d’une réponse plus ambitieuse », septembre 2020.

([28]) Chiffres du commandement de la gendarmerie outre-mer.

([29]) Chiffres du commandement de la gendarmerie outre-mer.

([30]) Cependant, à la suite de l’apparition des premiers cas de Covid-19 à Mayotte le 17 mars, la France et les Comores ont fermé leurs frontières, empêchant de fait toute reconduite d’étrangers en situation irrégulière.

([31]) La France a récemment envoyé, depuis La Réunion, des équipes et du matériel à Maurice pour faire face à la marée noire provoquée par le naufrage du navire japonais Wakashio en août 2020.

([32]) Chiffres de Business France.

([33]) La Réunion fait notamment partie des premiers investisseurs au Mozambique et à Madagascar.

([34]) « 82,6 millions de touristes étrangers en France en 2016 », Les 4 pages de la DGE, « Études économiques », n°71, juin 2017.

([35]) Contre 2,3 millions de touristes français en outre-mer chaque année.   

([36]) Contre 10% pour la Guyane par exemple.  

([37]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([38]) La LPM 2019-2025 prévoit la livraison de six nouveaux patrouilleurs outre-mer (POM) entre 2022 et 2025.

([39]) Chambres de commerce et d’industrie (CCI), Banque publique d’investissement (BPI), rectorats, Campus France, gendarmerie nationale, police judiciaire, etc.

([40]) On relèvera, par exemple, l’épisode du paquebot de croisière Diamond Princess qui fut l’un des premiers foyers de l’épidémie de coronavirus hors de la Chine (à proximité du Japon) en février 2020. Le Diamond Princess comptait plus de 3 700 passagers et membres d’équipage à bord, dont 700 ont été contaminés.  

([41]) La France accueille 150 000 étudiants africains, qui représentent près de la moitié des étudiants étrangers sur le territoire national.

([42]) Dominique Théophile, « La lutte contre les algues sargasses dans la grande Caraïbe : stratégies de prévention et de coopération régionale », février 2019.

([43]) A ce jour, l’hypothèse dominante est que les sargasses seraient provoquées par une réaction chimique des brulis de la forêt brésilienne qui se jettent dans la mer.

[44] Western and Central Pacific Fisheries Commission.