N° 3638

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 Décembre 2020.

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

au nom de la délégation aux outre-MER

sur le coût de la vie

dans les Outre-mer

PAR

M. Lénaïck ADAM et Mme Claire GUION-FIRMIN,

 

 

Députés

——

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. un différentiel de prix persistant entre les Outre-mer et l’hexagone

A. des écarts de prix

1. Un différentiel marqué sur les produits alimentaires

2. Des inégalités de revenus plus prononcées

3. La situation des collectivités du Pacifique

a. La Polynésie française

b. La Nouvelle-Calédonie

c. Wallis et Futuna

B. Des causes multiples

1. Des mécanismes concurrentiels toujours insuffisants

a. Un marché ultra-marin fermé

b. Une intégration horizontale et verticale des acteurs de la chaîne d’approvisionnement

2. Des handicaps structurels, générateurs de coûts

a. L’éloignement et l’isolement

b. L’étroitesse des marchés

II. Une concurrence à dynamiser

A. Garantir une concurrence effective

1. Des dispositifs à améliorer

a. Un contrôle adapté des opérations de concentration

b. Une injonction structurelle recentrée.

c. Une interdiction des accords d’exclusivité plus opérationnelle

2. Une transparence accrue sur la formation des prix

a. Un rôle plus actif des Observatoires des prix des marges et des revenus

b. Un bouclier qualité prix rénové

c. Des promotions encadrées

B. atténuer les handicaps structurels

1. Un meilleur pilotage de l’octroi de mer

2. Un isolement géographique réduit

a. Une plus grande compétitivité des ports

b. Une plus grande intégration dans les marchés des bassins géographiques

c. Un commerce en ligne plus attractif

C. Accroître la souveraineté alimentaire

1. Une plus grande valorisation de la production locale

a. Des conditions difficiles

b. Une nécessaire structuration des filières

c. La mise en avant des produits « péyi »

2. Une alternative au modèle de la grande distribution : les circuits courts

RECOMMANDATIONS PROPOSéES PAR LES RAPPORTEURS

examen par la dÉlÉgation

personnes entendues


 

   introduction

Un constat s’impose, depuis les mouvements sociaux de 2009 aux Antilles dénonçant la «  Pwofitasyon », et malgré l’adoption de la loi de 2012 ([1]) visant à réguler les rapports économiques en Outre-mer et dynamiser la concurrence, le différentiel de prix en défaveur des Outre-mer persiste, d’où ce sentiment prégnant de vie chère qui perdure parmi la population.

Cette perception a été amplifiée avec la crise sanitaire du Covid 19. En effet, dans tous les territoires, la population a constaté une augmentation des prix des produits en tension. Bien souvent la peur d’une pénurie a accentué cette situation. Cependant d’autres données plus objectives ont contribué au renchérissement des produits importés.

Ainsi, les tarifs du fret aérien ont connu une forte hausse, répercutée sur le prix des denrées. La ministre des Outre-mer en poste durant la crise sanitaire, Mme Annick Girardin, elle-même, a reconnu une hausse significative de ce fret passant de 4 à 5 euros le kg à 10 à 12 euros le kg. ([2]) Néanmoins, les vols assurant la continuité territoriale ont continué d'appliquer des tarifs stables. En effet, le coût du fret aérien est financé par le prix des billets des passagers. C'est dans ce sens que la compagnie Air France a défendu sa politique tarifaire sur ses vols supplémentaires cargos, demandés par les transitaires, qui n'assuraient que le fret.

D’autres facteurs ont pu expliquer cette impression de hausse des prix, les consommateurs ont privilégié les magasins de proximité par essence plus chers et effectuaient des courses plus importantes pour éviter de fréquents déplacements, d’où l’impression d’un ticket de caisse plus élevé. En outre, les produits premier prix se sont retrouvés en rupture de stock et n’ont pu être réapprovisionnés rapidement. Enfin, les distributeurs, quant à eux, avaient arrêté les promotions.

Mobilisés, les préfets ont lancé plusieurs initiatives. En premier lieu, ils ont demandé aux antennes des DIECCTE (Directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) et des DAAF (Directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt) d’opérer des contrôles sur les prix et de faire preuve de vigilance.

 

 

En second lieu, à La Réunion, le préfet a lancé deux initiatives : la prorogation du bouclier qualité prix de 2019 et la mise en place d’un panier de 52 produits de première nécessité, y compris le gel hydro alcoolique et les masques, sur lequel les distributeurs s'engageaient à une stabilité des prix. L’Observatoire des prix des marges et des revenus de La Réunion a été chargé de veiller à l'évolution des prix durant le confinement.  Au 23 avril, les prix des produits suivis restaient maîtrisés. Le panier de référence de 52 produits est passé de 162 euros le 24 février 2020 à 161 euros mi-avril.  Le bilan dressé en juillet confirme cette tendance. D’avril à juin 2020 le coût des produits du bouclier qualité prix est passé de 244,98 euros à 245,87 euros. Quant aux paniers des 52 produits, les prix ont diminué de 5,8 % entre février et juin 2020. Selon l’Observatoire, les hausses constatées sur certains produits comme les oignons, l’ail ou les pommes de terre ont résulté à la fois de la hausse du coût d'achat du produit subie par le commerçant contraint de s'approvisionner dans d’autres pays plus lointains et plus onéreux et aussi de ruptures d’approvisionnement.

Ce différentiel marqué de prix avec l’Hexagone particulièrement sur les produits alimentaires s’explique par des causes structurelles - isolement et éloignement des territoires, étroitesse des marchés - qui entraînent des coûts spécifiques mais aussi par des mécanismes concurrentiels toujours insuffisants. C’est pourquoi, une action volontariste sur le comportement des opérateurs est nécessaire pour remédier à ces dysfonctionnements des marchés et garantir une concurrence effective, seule à même de permettre une convergence des prix avec l’Hexagone. Par ailleurs, la réduction de l’isolement géographique des territoires par une plus grande intégration de leur économie dans les marchés des bassins géographiques, l’amélioration de la compétitivité des ports et un commerce en ligne plus attractif contribuera à atténuer les handicaps structurels. Enfin, une plus grande souveraineté alimentaire, qui a fait ses preuves lors de la crise sanitaire, doit être recherchée afin de limiter la dépendance aux produits importés.

 

 


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I.   un différentiel de prix persistant entre les Outre-mer et l’hexagone

A.   des écarts de prix

Les écarts de prix avec l’Hexagone persistent et sont particulièrement marqués sur les prix des produits alimentaires. Ils sont d’autant plus ressentis par la population ultra-marine que son niveau de vie est moindre et les inégalités de revenu plus prononcées.

1.   Un différentiel marqué sur les produits alimentaires

Selon la dernière étude menée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en date de 2015, les prix dans les départements ultra‑marins s’avèrent plus élevés qu’en Hexagone de 12 % aux Antilles (12,5 % en Guadeloupe et 12,3 % en Martinique), de 11,7 % en Guyane et de 7 % à La Réunion et à Mayotte (6,9 % hors loyers). Ces statistiques sont calculées selon la méthode de l’indice de Fisher qui correspond à la différence de coût pour un consommateur moyen à mi-chemin des habitudes de consommation entre l’Outre-mer et l’Hexagone.

Si l’on compare la différence de coût pour les habitants de l’Hexagone s’ils effectuaient leurs achats sur un territoire ultra-marin (panier hexagonal), l’écart est plus marqué et atteint 17 % aux Antilles, 16 % en Guyane et à Mayotte ([3])  et 10,6 % à La Réunion.

Comme le relève l’Autorité de la concurrence ([4]), ces calculs sont fondés sur les prix affichés, hors promotions et toutes taxes comprises, alors que le recours intensif aux rabais est répandu sur tous les territoires. Ces chiffres sont donc relatifs mais reflètent néanmoins une tendance.

 L’écart de prix provient majoritairement des prix des produits alimentaires : ce différentiel par rapport à l’Hexagone s’élève à plus de 37 % à La Réunion, de 42 % en Guadeloupe, de 45 % en Guyane et atteint même 48 % en Martinique selon l’enquête de l’INSEE précitée. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’en Outre-mer les dépenses alimentaires représentent 16 % à 17 % des dépenses de consommation excepté à Mayotte où elles s’élèvent jusqu’à 24 %, ainsi que l’a rappelé M. Pascal Chevalier, chef du Département « Prix à la consommation et enquêtes ménages » de l’INSEE, lors de son audition. ([5])

Par ailleurs, plus les ménages sont modestes, plus la part alimentaire dans leurs dépenses de consommation est forte. C’est pourquoi, ce poste pèse énormément sur le ressenti de la vie chère car il se rapporte à des dépenses quotidiennes.

D’autres postes de dépenses sont également plus onéreux mais dans une proportion moindre.

Parmi ceux-ci, le poste des communications demeure plus élevé, particulièrement en Guyane. Selon l’enquête précitée de l’INSEE, les services de téléphonie mobile étaient de 60 % plus onéreux aux Antilles et en Guyane et de 20 % plus coûteux à La Réunion. Il convient de relativiser ces chiffres qui datent de 2015.

Depuis l’arrivée de nouveaux opérateurs et de leurs offres commerciales attractives, les tarifs sont orientés à la baisse. Le développement de la 4G s’est accompagné de l’apparition de nouveaux acteurs. Ainsi, dans tous les départements, on recense au moins quatre opérateurs, ce qui a permis d’animer la concurrence. Par ailleurs, depuis le 1er mai 2016 les clients d’opérateurs de téléphonie mobile en Outre-mer, à l’exception des collectivités du Pacifique, bénéficient de la suppression des surcoûts de l’itinérance pour les communications et messages.

Il n’en reste pas moins que le coût de l’abonnement est supérieur à celui pratiqué en Hexagone. Selon les opérateurs, les conditions spécifiques rencontrées en Outre-mer justifient ce surcoût : en premier lieu, l’éloignement des serveurs entraîne des frais d’interconnexion et, en deuxième lieu, les opérateurs doivent faire face à des coûts d’entretien plus élevés, notamment en raison de l’absence de trottoirs, les lignes ne sont pas enterrées et subissent les dégradations liées aux catastrophes naturelles.

Quant aux services liés à la santé, autre poste onéreux, ils présentent un écart de 17 % aux Antilles et en Guyane et de 15 % à La Réunion par rapport à l’Hexagone.

Néanmoins, lors de son audition, l’Institut d'émission des départements d'Outre-mer (IEDOM) a observé une décélération de l’inflation en Outre-mer plus prononcée qu’en Hexagone, à l’exception de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon qui importe majoritairement ses produits du Canada et souffre à ce titre d’un taux de change défavorable.

Si l’on se réfère aux enquêtes précédentes de l’INSEE de 1985 et de 1992, sur un champ relativement comparable de produits et services, dont sont exclus les loyers, les écarts de prix par rapport à l’Hexagone sont assez stables en Martinique et en Guadeloupe : en prenant comme référence le panier de consommation hexagonal, les écarts de prix ont baissé de 1985 à 1992, avant d'augmenter. En revanche, l'écart a diminué pour La Réunion, avec une forte baisse entre 1985 et 1992, moins accentuée ensuite. Enfin, pour la Guyane, les écarts de prix sont restés stables entre 1985 et 2010, mais ont fortement baissé depuis.

L’étude de l’INSEE de 2015 reste relativement ancienne, c’est pourquoi, à ce titre, M. Victorin Lurel sénateur de Guadeloupe a regretté lors de son audition le manque de données économiques disponibles de manière générale pour les Outre‑mer, ce qui rend d’autant plus complexe la mise en place de politiques publiques. L’Autorité de la concurrence dans son avis de juillet 2019 précité se livre à la même conclusion. Parmi ses recommandations, elle préconise de garantir une fréquence suffisante des enquêtes spatiales de l’INSEE et une stabilisation de leur méthodologie afin de pouvoir effectuer des comparaisons pertinentes.

M. Pascal Chevalier, chef du Département « Prix à la consommation et enquêtes ménages » de l’INSEE, a indiqué qu’une prochaine comparaison spatiale sera conduite en 2021 et proposée aux collectivités du Pacifique. Il serait acté que ces études interviendraient dorénavant tous les cinq ou six ans.

Il convient de souligner la situation particulière des collectivités de Saint‑Martin et Saint‑Barthélemy qui ne sont pas entrées dans le champ desdites études de l’INSEE, et ne disposent toujours pas d’indice des prix établi par la statistique nationale en dépit de demandes répétées des élus.

Cette situation est particulièrement dommageable.

2.   Des inégalités de revenus plus prononcées

Lors de son audition, M. Pascal Chevalier a indiqué que les derniers résultats d’une enquête réalisée en 2011 affichaient des niveaux de vie en Outre-mer moindres qu’en Hexagone. Une enquête plus récente conduite en 2017 ([6]) a montré que le niveau de vie médian de la population des départements ultra-marins était moins élevé qu’en Hexagone. Le taux de pauvreté calculé selon le seuil national ([7]) est de 34 % en Guadeloupe et de 33 % en Martinique, s’élève à hauteur de 42 % à La Réunion, de 53 % en Guyane et atteint même 77 % à Mayotte tandis que le seuil national en Hexagone est de 14 %.

De plus, de fortes inégalités de revenus perdurent.

L’enquête de 2011 a relevé des inégalités marquées ; si l’on se réfère à l’indice de Gini ([8]) estimé à 0,29 en Hexagone, ce dernier varie entre 0,39 à La Réunion et 0,50 à Wallis et Futuna.

La persistance de ces inégalités conduit à un effet ciseau. En effet, ces territoires concentrent à la fois des populations précaires et des populations aisées. Ces dernières possèdent un fort pouvoir d’achat. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) auditionnée a constaté, à ce titre, que les offreurs privilégiaient ce segment de la population auprès de laquelle ils réalisent une marge supérieure, d’où au final des prix élevés pour l’ensemble des clients. C’est à La Réunion selon l’enquête précitée, que cet écart est le plus marquant : le rapport inter décile (écart entre les 10 % plus aisés et les 10 % plus pauvres) s’élève à 4,4 % contre 3,4 % en Hexagone. Ce constat est encore plus prononcé en Nouvelle Calédonie, question abordée infra.

 

Les compléments de rémunération des fonctionnaires d’État en Outre-mer

Les fonctionnaires d’État affectés en Outre-mer bénéficient de compléments de rémunération qui se décomposent en majoration de traitement et diverses indemnités.

Dans les départements les fonctionnaires touchent un traitement indiciaire brut majoré de 25 %. S’y ajoute un complément dit « temporaire » de 15 % aux Antilles et en Guyane, ce qui représente une sur rémunération de 40 % du traitement brut de base, majoration étendue aux fonctionnaires servant à Mayotte entre 2013 et 2017. Quant à La Réunion, ce complément s’élève à 10 % avec un indice de correction 1,138 (correspondant à une sur rémunération de 53,6 % du traitement brut).

Une indemnité de sujétion géographique est attribuée aux fonctionnaires d'État et aux magistrats affectés en Guyane, à Mayotte et dans les Collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, s’ils y accomplissent une durée minimale de 4 années consécutives de service.

Dans les collectivités du Pacifique, les fonctionnaires bénéficient d’un complément spécial proportionnel à leur traitement et d’une indemnité destinée à couvrir les sujétions résultant de l’éloignement.

Élaborés à l’origine pour renforcer l’attractivité de ces territoires et compenser le différentiel de coût de la vie, ces compléments sont périodiquement remis en cause, malgré les effets récessifs qu’entraînerait leur limitation. Une étude menée en 2000 par l’université Paris Dauphine à La Réunion évoquait une éviction des activités consacrées aux biens et services exportables au profit de la sphère publique ([9]). Selon l’INSEE, ce dispositif présente un caractère inflationniste.

 

C’est pourquoi, la « vie chère » est de plus en plus vécue comme une profonde injustice sociale par les populations.

3.   La situation des collectivités du Pacifique

Pour les collectivités du Pacifique, le niveau des prix est significativement plus élevé que dans l’Hexagone mais aussi que dans les autres départements ultra‑marins et les écarts de prix sont croissants.

a.   La Polynésie française

Selon l’Autorité polynésienne de la concurrence ([10]) et les enquêtes réalisées par l’Institut de la statistique de Polynésie Française (ISPF), les prix en Polynésie française sont globalement plus élevés qu’en Hexagone mais également que dans les départements régis par l’article 73 de la Constitution. En 2016, les prix étaient en moyenne supérieurs de 19 % pour un panier de biens polynésiens et de 55 % pour un panier de biens hexagonaux soit un surcoût moyen de 38,5 %. Cet écart entre les deux paniers s’est accru puisqu’il était de 25,9 % en 2010. Ces écarts sont croissants et particulièrement élevés pour les produits alimentaires (+ 47 % d’augmentation depuis 2007), ce qui affecte plus sensiblement encore le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes, pour lesquels ces biens représentent une part importante de leur budget (plus de 30 % de leur consommation contre 12 % pour les ménages les plus aisés). La baisse des prix des produits alimentaires en 2018, expliquée par la baisse du prix des produits de la mer, n’a pas suffi à combler cet écart et l’inflation des prix des produits alimentaires est repartie à la hausse en 2019.

b.   La Nouvelle-Calédonie

En 2017, les prix en Nouvelle-Calédonie sont dans leur ensemble de 33 % supérieurs à ceux de l’Hexagone, avec des écarts particulièrement sensibles sur les produits alimentaires. Le différentiel varie de 2 % pour les transports à 64 % pour les communications et 73 % pour les produits alimentaires. Par ailleurs, ce différentiel de prix avec l’Hexagone reste relativement stable depuis 2010, a précisé l’Institut d'émission d’Outre-mer (IEOM) ([11]).

La dernière synthèse annuelle de l’Institut de la statistique et des études économiques de Nouvelle Calédonie (ISEE) ([12]) est néanmoins encourageante. Elle constate que l’inflation en 2019 a été contenue à + 0,3 % tous postes confondus. Plus significatif, elle constate que pour la première fois les prix moyens de l’alimentation sont en baisse de 1,6 %. Il convient de noter que dans ce poste le prix des boissons sucrées hors alcool et le prix des boissons alcoolisées progressent respectivement de 2 % et de 7,5 %. Cette situation est liée à la mise en œuvre en octobre 2018 de la taxe générale à la consommation qui a instauré quatre taux en fonction du type de produit ou de service ([13]). Certains produits alimentaires de base comme le riz, les pâtes, les eaux minérales, les légumes en sont exonérés.

Les inégalités sont marquées : en 2015 le revenu médian s’élevait à 1 295 euros contre 1 710 euros en Hexagone et les 10 % les plus riches gagnaient presque 8 fois plus que les 10 % les plus pauvres.

 Par ailleurs, selon le classement de l’étude bi-annuelle de The Economist Intelligence Unit (EIU) ([14]) en 2019, Nouméa est la 20ème ville la plus chère au monde. Nouméa se classe devant San Francisco, Houston ou encore, Abu Dhabi. « Le coût de la vie élevé et endémique sur le territoire français de Nouvelle-Calédonie reflète en partie un manque de concurrence, en particulier dans les secteurs du commerce de gros et de détail, qui sont dominés par un petit nombre d’entreprises », explique l’EIU.

c.   Wallis et Futuna

Selon l’IEOM ([15]), le prix des biens alimentaires a augmenté de +1,7 % en 2018. Après avoir diminué en 2016 et 2017, le taux de l’inflation augmente ainsi de +0,4 %. Pour lutter contre la vie chère, des mesures particulières ont été prises pour fixer le prix de certains produits jugés particulièrement excessifs. Ainsi, en 2018 le préfet administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, a fixé par arrêté le prix de vente du pain dans le territoire ([16]).

B.   Des causes multiples

De nombreux facteurs concourent à ce différentiel de prix, handicaps structurels sur lesquels il est difficile de peser mais aussi mécanismes concurrentiels insuffisants qu’il conviendrait d’adapter.

1.   Des mécanismes concurrentiels toujours insuffisants

Le constat établi par l’Autorité de concurrence dans son avis de 2009 est toujours pertinent ([17]) ,à savoir une double absence de concurrence, à la fois parmi les acteurs et sur les circuits d’approvisionnement.

S’agissant des acteurs, en aval les barrières à l’entrée du secteur de la grande distribution favorisent sa concentration et en amont, la faible attractivité des marchés ultra-marins n’incite pas les industriels à y investir.

a.   Un marché ultra-marin fermé

Ces barrières à l’entrée sont plus importantes qu’en Hexagone, en raison de multiples facteurs.

● le surcoût des immobilisations

Beaucoup de ces territoires sont montagneux et les surfaces utilisables sont soumises à une forte pression immobilière. La rareté du foncier entraîne donc des loyers élevés.

Si les coûts de construction s’avèrent plus onéreux pour tenir compte des contraintes sismiques et cycloniques, les coûts d’entretien, de conservation des locaux et les primes d’assurances en raison de ces conditions se révèlent également plus importants.

Enfin, à ces contraintes s’ajoute l’importation du mobilier des magasins dont le transport et le dédouanement augmentent de 30 % la valeur d’achat du mobilier selon le groupe Bernard Hayot.

● le surcoût du stockage

Les distributeurs doivent anticiper plusieurs risques :

– les risques de casse et de démarque, cette dernière représente entre 1 % et 2 % du chiffre d’affaires ;

– le risque lié aux commandes ;

– une moindre rotation des échanges.

Les distributeurs doivent donc constituer des réserves de sécurité qui pèsent sur leur coût d’exploitation (une superficie supérieure des locaux est nécessaire) et leur besoin en fonds de roulement.

● le coût plus élevé du travail

Lors de son audition, M. Laurent Renouf directeur des affaires économiques de la Fédération des entreprises des Outre-mer (FEDOM), l’a souligné, le coût du travail reste élevé en Outre-mer particulièrement en comparaison avec les pays voisins, d’où une compétitivité médiocre des entreprises. Par ailleurs, le climat social demeure plus tendu.

D’autres éléments interviennent également pour justifier ces coûts plus élevés.

Il est difficile de mutualiser certaines structures (encadrement ou référencement), une double comptabilité (comptabilité import) est nécessaire, ce qui induit des surcoûts.

Certains services sont plus onéreux qu’en Hexagone comme le gardiennage dont les tarifs sont supérieurs d’au moins 30 % ou le dépotage des containers. Par ailleurs, nombre de services après-vente demeurent nécessaires.

● des distributeurs locaux

C’est pourquoi face à ces spécificités et difficultés, les enseignes nationales se sont implantées par le biais d’accords de franchise, de contrats assimilés d’affiliation ou de contrats d’association avec des opérateurs locaux comme les groupes Bernard Hayot (GBH), Huygues Despointes (SAFO) ou Parfait.

L’Autorité de la concurrence, dans son avis précité de juillet 2019, a constaté que ces distributeurs locaux jouissaient d’une autonomie commerciale vis-à-vis des têtes de réseau.

En Polynésie française, quatre groupes d’enseignes de la grande distribution se partagent le marché: les enseignes Carrefour (Carrefour, Champion et Easy Market) géré par le groupe Wane acteur majeur de la grande distribution qui détient 52 % du marché, les enseignes U (Hyper U, Super U et U Express) qui représentent 34 % du marché suivies par l’enseigne LS Proxi (presque 8 %) et l’enseigne nouvellement créée Happy Market partenaire d’Intermarché à 5,6 %.

L’Autorité de la concurrence a également souligné des niveaux de concentration élevés. Les années précédentes ont vu le retrait de plusieurs opérateurs et la reprise d’enseignes par des groupes déjà présents. Ainsi, en Martinique, le Casino du Robert a été racheté par GBH.  En Guyane, les enseignes du groupe NDIS famille NG Kon Tia ont été rachetées par le groupe SAFO. À La Réunion, le groupe Vindemia détenteur des enseignes Casino vient d’être racheté par GBH. Aux Antilles, le groupe HO HIO HEN a été placé en redressement judiciaire. Sous réserve de l’aval de l’Autorité de la concurrence, ce sont deux groupes déjà implantés qui reprendraient deux enseignes de ce groupe en difficulté, le groupe Parfait et le groupe SAFO.

Ainsi, comme le souligne l’Autorité de la concurrence, l’arrivée de nouvelles enseignes n’est pas synonyme de créations de nouveaux points de vente.

b.   Une intégration horizontale et verticale des acteurs de la chaîne d’approvisionnement

Cette difficulté à pénétrer le marché ultra-marin est renforcée par deux spécificités du paysage de la chaîne d’approvisionnement, l’implantation des mêmes acteurs dans d’autres activités que la distribution alimentaire et leur présence dans d’autres maillons de cette chaîne.

Si l’on examine les activités des principaux acteurs de la grande distribution, on constate une diversification de ces derniers sur d’autres segments comme l’automobile ou le bricolage.

Dans le cadre de son contrôle d’une opération de rachat d’un supermarché en Guyane, exploité par la famille NG Kon Tia par le groupe Bernard Hayot (GBH), l’Autorité de la concurrence a détaillé dans son avis du 6 novembre 2018 ([18]) les activités du groupe Bernard Hayot. Ce groupe est actif dans trois pôles d’activité, la distribution alimentaire et non alimentaire (magasins de bricolage et de sport), la distribution automobile et des activités industrielles diverses (agroalimentaire, matériaux de construction, rechapage de pneumatiques) aux Antilles, en Guyane, à La Réunion et en Nouvelle Calédonie.

Il en est de même pour un autre acteur majeur, le groupe Huygues-Despointes (SAFO), qui exerce aussi le métier de négoce (plateformes logistiques au Havre, aux Antilles et en Guyane) et détient des magasins de gros tels que l’enseigne Promocash.

Quant au groupe Parfait, il est présent, entre autres, dans les concessions automobiles, la distribution alimentaire ou la restauration.

Une autre spécificité ultra-marine est la présence des mêmes opérateurs dans la chaîne d’approvisionnement.

L’Autorité de la concurrence relève qu’une part non négligeable des groupes de distribution sont également actifs sur le marché de la vente en gros. Cette intégration verticale peut conduire la centrale d’achat à accorder des avantages tarifaires à ses enseignes au détriment de celles de ses concurrents.

L’Observatoire des prix des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion a diligenté une étude dans laquelle il décrit sur le territoire une structure de marché complexe, avec de nombreux intermédiaires entre le marché en amont de producteurs et le marché en aval avec les consommateurs, centrales d’achat, importateurs, grossistes, groupes de distribution dont beaucoup sont liés entre eux. ([19]) Ainsi, le groupe GBH est présent dans le secteur de la distribution en gros de produits alimentaires, à la fois en tant que grossiste importateur par l’intermédiaire des sociétés Sodicar, Pamagel et héritiers Clément et en tant que centrale d’achats via la société Bamappro.

Lors de son audition M. Umberto Berkani, rapporteur à l’Autorité de la concurrence, a rappelé ces conditions spécifiques en soulignant qu’en outre les groupes de distribution détiennent des réserves foncières, ce qui limite l’implantation de nouveaux magasins. De même, l’Autorité polynésienne de la concurrence a pointé la pratique par les entreprises du gel du foncier ce qui entrave le développement concurrentiel.

2.   Des handicaps structurels, générateurs de coûts

a.   L’éloignement et l’isolement

Les territoires ultra-marins, éloignés de l’Hexagone de plusieurs milliers de kilomètres, en dépendent pour leur approvisionnement en produits alimentaires ou manufacturés et en matières premières. Par ailleurs, la majeure partie de ces territoires sont des îles, ce qui accroît d’autant leur dépendance aux importations.

Or, les marchandises importées subissent de multiples frais d’approche comme des frais de transport, des taxes ou des coûts d’intermédiation. Ils sont estimés par l’Autorité de la concurrence à 16 % du coût total moyen pour le distributeur.

● les coûts afférents au transport maritime et aux services liés à l’importation.

Selon l’avis précité de l’Autorité de la concurrence, les coûts de transport maritime ne sont pas prédominants, ne représentant que 10 % du coût d’achat des produits importés.

Si l’on décompose ce coût de transport, y figurent :

-         le coût du fret qui occupe une place prépondérante à 50 % ;

-         la surcharge carburant à hauteur de 25 % ;

-         la manutention pour 15 % à 20 %.

Si l’évolution des coûts du fret est globalement stable, voire en diminution les autres coûts, ceux liés à la manutention, au stockage ou aux frais de carburant ont connu une augmentation.

Le taux de fret contribue à hauteur d’environ 5 % au coût des produits de grande consommation. Lors de son audition, M. Jacques Gérault conseiller institutionnel de CMA-CGM, a indiqué que le taux de fret sur leur ligne Europe du Nord-Antilles avait diminué de 49 % en prix constants. Selon M. Vincent Saurel, directeur de l’établissement Marfret de Rouen, cette baisse est liée à une concurrence accrue, à une plus grande informatisation, à des circuits plus directs et au recours accru à des flux tendus.

S’agissant des carburants, une nouvelle réglementation de l’Organisation maritime internationale impose que la teneur en soufre présente dans le fioul diminue de 3,50 % à 0,50 % afin de limiter la pollution des mers, ce qui oblige les compagnies maritimes à modifier leurs carburants et à ce titre à prévoir des investissements sur leurs navires.  Selon CMA-CGM, ce fuel à faible teneur en soufre devrait coûter entre 150 et 200 dollars supplémentaires la tonne. La CMA-CGM a décidé de ne pas répercuter ce surcoût sur l’Outre-mer, en négociation notamment avec l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN). Il n’en reste pas moins que ces dépenses seront sans doute répercutées sur le prix du transport. 

Quant à la manutention, elle représente un poste non négligeable, variable selon les territoires. Aux Antilles, ces coûts représentent 20 % des coûts de transport selon l’avis précité de l’Autorité de la concurrence.

En Polynésie française, les tarifs sont fixés par arrêté ministériel avec un tarif de base de 487 euros par équivalent vingt pieds (EVP). L’Autorité polynésienne de la concurrence a aussi pointé l’absence de mise en concurrence des trois compagnies assurant l’acconage au port de Papeete. Elle déplore que ni la concurrence sur le marché (fixation du prix) ni la concurrence pour le marché (obtention de la délégation de service public) n’existent.

À Mayotte, la situation est délicate. Deux sociétés se partagent le marché dont l’une appartient au délégataire du port, Manu Port, filiale de Mayotte chanel gateway (MCG). CMA-CGM vient de reprendre l’autre entreprise de manutention, la société mahoraise d’acconage représentation et transit (SMART) et a créé la CMA‑T. Le délégataire du port cherche à conserver son monopole en refusant d’accorder l’autorisation d’occuper une surface portuaire à la CMA-T. Des investissements en portiques et grues ([20]) qui s’avèrent, pour le moment, surdimensionnés pour le marché mahorais de marchandises estimé à 23 000 EVP, ont conduit à une hausse du coût des services de manutention pour les amortir.

A contrario, la situation à La Réunion est beaucoup plus concurrentielle avec la présence de quatre sociétés de manutention.

D’autres frais portuaires, droits de port, frais de pilotage, de remorquage s’ajoutent aux coûts de transport. Plus le temps d’immobilisation du navire est long, plus le coût du passage portuaire sera élevé.

Plusieurs particularités propres aux territoires ultra-marins renchérissent ce coût de transport.

Si les deux compagnies de transporteurs auditionnées ont reconnu que les liaisons entre l’Hexagone et les territoires ultra-marins restaient rentables, elles ont également souligné deux handicaps qui entraînaient des coûts d’exploitation plus élevés.

Le premier tient à la taille des navires. Pour accroître leur compétitivité, les transporteurs ont augmenté leur capacité de stockage. M. Vincent Saurel, directeur de l’établissement Marfret de Rouen, a souligné que les porte-containers étaient passés de 2 500, 3 000 EVP à 6 000 EVP dans la desserte des Antilles. Néanmoins, les ports voisins comme celui de la Jamaïque peuvent accueillir des navires allant jusqu’à 18 000 EVP.

Or sur les lignes Antilles-Guyane ou Océan indien, l’étroitesse des marchés et l’incapacité des ports à pouvoir accueillir des navires de fort tonnage ne permet pas d’affréter des navires de cette capacité.

Cette situation est particulièrement aiguë en Guyane où le port de Dégrad des Cannes cumule un faible tirant d’eau de 6,50 mètres, un envasement régulier et un fort courant, avec pour conséquence l’impossibilité pour les navires de plus de 190 mètres d’y accéder. M. Jacques Gérault, conseiller institutionnel de CMA-CGM, a ainsi indiqué que la compagnie utilisait des navires sur mesure (Guyana Max) pour sa liaison directe entre l’Hexagone et la Guyane. Elle pratique également le déchargement de marchandises en Guadeloupe pour alléger ses navires afin qu’ils puissent entrer dans le port guyanais.

Le port de Papeete présente une situation similaire avec un tirant d’eau limité à 10,5 mètres. Il ne peut donc accueillir que des porte containers de taille moyenne. C’est pourquoi le risque existe que le transbordement des marchandises se fasse de plus en plus par la Nouvelle Zélande. 

Le deuxième handicap réside dans le déséquilibre entre les importations et les exportations qui caractérisent l’activité des ports ultra-marins. Si l’on excepte les deux départements antillais qui exportent des bananes, le retour des containers se fait à vide, ce qui représente un coût pour le transporteur. En Guyane ce taux atteint même 95 %.

C’est pourquoi, comme l’a rappelé la Direction générale des OutreMer (DGOM), le prix d’un container est moindre sur le trajet Chine-le Havre que sur la liaison le Havre-Antilles. À l’utilisation de navires de plus petite capacité et à l’absence de marchandises au retour, s’ajoute la rupture de charge conduisant à cette situation. 

Une autre caractéristique spécifique doit être notée, les coûts se révèlent inégaux selon la nature du produit. La facturation du container se fait non pas en fonction de la valeur du produit transporté mais en fonction de son volume, d’où au final un coefficient d’approche supérieur pour un produit à faible valeur ajoutée. L’Autorité de la concurrence s’est livrée à une comparaison de frais d’approche entre l’eau minérale et le champagne. En raison du fret, le prix de revient de la bouteille d’eau minérale est multiplié par 4 contre 1,3 pour la bouteille de champagne. Les transporteurs justifient le coût à la tonne du transport en raison du service rendu, identique selon les marchandises, le coût demeurant le même pour le transporteur. Par ailleurs, le transport en groupage ne permet pas de distinguer le type de marchandises. Enfin, la négociation du prix se fait de gré à gré par le transitaire qui sert d’intermédiaire entre la compagnie maritime et le réceptionneur.

 

La desserte maritime des Outre-mer

95 % des échanges de produits entre l’Hexagone et les territoires ultra-marins s’effectuent par la voie maritime.

Comme l’a rappelé M. Vincent Saurel, directeur de l’établissement Marfret de Rouen, la qualité de la desserte entre l’Hexagone et la zone Antilles-Guyane est bonne, s’effectuant de manière hebdomadaire et à jours fixes. On compte 14 jours entre les commandes effectuées par les centrales d’achat et leurs arrivées dans les magasins. Une des lignes les plus courtes est celle qui relie le port de Nantes, où transitent les produits frais de l’agroalimentaire de la région Ouest de l’Hexagone, aux Antilles. Ainsi, le navire part le dimanche de l’Hexagone et arrive le dimanche suivant aux Antilles, ce qui permet un assortiment dans les rayons des magasins le lundi.

La situation concurrentielle est variable selon les destinations.

Sur la ligne Europe-Antilles, cinq compagnies se sont positionnées, CMA-CGM, Maersk, Marfret, Seatrade, Soreidom. S’agissant de la Guyane,  seules deux compagnies opèrent,  CMA-CGM et Marfret  ([21])

Quant à l’Océan indien, CMA-CGM, MSC, Maersk, Nemo, et PIL se partagent le marché de La Réunion. Mayotte est desservie par CMA-CGM et MSC.

S’agissant du Pacifique, CMA-CGM en partenariat avec Marfret et Seatrade y opèrent depuis le Havre et Dunkerque vers Nouméa et Papeete.

Comme l’a rappelé M Jean-Pierre Chalus, ancien directeur de l’Union des ports de France, un des handicaps des ports ultra-marins, sauf celui de La Réunion, est d’être situé en dehors des grandes lignes maritimes internationales. Or, plus on observe de transbordements et donc d’activité, plus les investissements sont amortis. Néanmoins, leurs infrastructures sont globalement de bonne qualité particulièrement aux Antilles et à La Réunion. Un de leurs atouts est un environnement protégé et stable politiquement et juridiquement.

 

● Les frais d’octroi de mer et d’autres taxes

 

L’octroi de mer

À l’origine, l'octroi de mer s’appliquait à leur arrivée à tous les produits arrivant dans les territoires ultra-marins par la mer.

Puis l’imposition a évolué pour concerner également les produits locaux.

 Cette taxe alimente les budgets des collectivités territoriales des départements d’outre-mer, tout particulièrement les budgets des communes, que ce soit leurs sections de fonctionnement ou d’investissement. Le solde des recettes à répartir abonde le Fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE) qui oriente les ressources disponibles vers des actions de développement économique concernant aussi bien les communes que la région. Par ailleurs, l’octroi de mer joue aussi un rôle d’aide aux entreprises locales, dans la mesure où il prévoit des différentiels de taux pour un certain nombre de produits.

 

 

Rappel historique et cadre législatif

Du droit des poids à l’octroi de mer

Instaurée en 1670, cette taxe disparaît en 1789 au lendemain de la Révolution française, puis est réintroduite dans les Outre-mer par l’ordonnance du 1er mars 1819. Un nouvel « octroi aux portes de mer » constitue une recette ordinaire alimentant les budgets des communes de Martinique.

Son application est étendue en 1825 à la Guadeloupe, en 1850 à La Réunion et en 1878 à la Guyane.

Le Sénatus-consulte du 4 juillet 1866 reprécise le régime de cet impôt pesant sur les produits arrivant de la mer en le qualifiant pour la première fois « d’octroi de mer ». Les conseils généraux reçoivent la compétence de voter les tarifs d’octroi de mer qui doivent toutefois être soumis à l’approbation du pouvoir central.

Départementalisation des Outre-mer

Ces dispositions sont maintenues en vigueur par un décret d’application de la loi de départementalisation du 19 mars 1946. Puis, la loi de décentralisation du 2 mars 1982 confère de nouvelles compétences aux conseils généraux des départements ultra-marins et, notamment, rend désormais exécutoires de plein droit leurs délibérations relatives à l’octroi de mer.

C’est la loi du 2 août 1984 relative aux compétences des quatre régions de Guadeloupe, Martinique, Guyane et la Réunion qui, tout en conservant le régime de l’octroi de mer issu de la loi de décentralisation de mars 1982, transfère aux conseils régionaux la compétence pour fixer les tarifs de l’octroi de mer dans ces départements.

Conformité au droit européen

L’Acte unique européen, signé par les États les 17 et 28 février 1986, rend nécessaire une réforme de cette imposition, en principe prohibée dans le cadre d’un marché unique européen. L’octroi de mer devient ainsi une imposition intérieure, licite à condition qu’elle soit autorisée par les autorités européennes, dans des conditions proposées par les autorités françaises et pour une période contractuelle.

L’octroi de mer est donc très largement régi par des règles européennes au titre des « mesures spécifiques » concernant les régions ultrapériphériques ([22]).

En juillet 2004 ([23])  la décision du Conseil européen ([24]) est transposée dans l’ordre juridique interne.

En 2014 ([25]), le Conseil européen définit le cadre dans lequel ces régions sont autorisées à exonérer totalement ou partiellement de l'octroi de mer les productions locales sensibles, limitativement énumérées, pour leur permettre de supporter la concurrence des produits similaires importés.

 

En 2015 ([26]), le dispositif est modernisé. Il prévoit ainsi notamment :

-          de proroger le dispositif d'octroi de mer jusqu'en juin 2021, conformément à la décision du Conseil européen de décembre 2014 ;

-          de fixer le seuil d'assujettissement à l'octroi de mer aux entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 300 000 euros ;

-          d'étendre le champ des exonérations aux carburants à usage professionnel, aux biens destinés à l'avitaillement des bateaux et des aéronefs et aux importations de biens destinés à certains opérateurs.

Taux

Un différentiel de taux entre les biens produits localement (octroi de mer interne) et les biens identiques importés (octroi de mer externe) est instauré afin de permettre aux économies ultramarines de compenser les handicaps structurels auxquelles elles doivent faire face.

Le taux de l’octroi de mer est fixé de manière indépendante par délibération de chaque conseil régional (en Guadeloupe et à La Réunion), des collectivités territoriales uniques (en Guyane et en Martinique) ou du conseil départemental (à Mayotte). Il ne peut excéder 60 % sauf pour les alcools et le tabac.

 

Fonctionnement de l’octroi de mer

 

Champs d’application

L’octroi de mer est applicable dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de La Réunion et de Mayotte ([27]).

 

Les opérations soumises à l’octroi de mer sont les suivantes :

-  Les importations de marchandises ;

-  Les livraisons de biens, faites à titre onéreux, par des personnes qui y exercent des activités de production (les « assujettis ») dont le chiffre d’affaires est supérieur à 300 000 euros.

La livraison d'un bien s'entend du transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire. Les prestations de service n'entrent pas dans le champ d'application de cette taxe.

 

Assiette

La base d'imposition est constituée :

-          Pour les importations de biens (octroi de mer externe), par la valeur en douane au sens de la réglementation communautaire ; l’assiette de l’octroi de mer accroît les charges de transport, car pour les marchandises importées, la taxe est assise sur le prix CAF (valeur en douane de la marchandise qui inclut les frais de transport, l’assurance et les commissions à la vente).

-          Pour les livraisons de biens produits localement (octroi de mer interne) par le prix hors taxe sur la valeur ajoutée et hors accises.

 

 

Opérations exonérées

Les exonérations obligatoires définies par la loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer modifiée par la loi du 29 juin 2015 :

-          Les exportations (article 4-1° et 3° de la loi) ;

-          Les importations de productions locales dans le cadre du marché antillo-guyanais (article 4-2° de la loi) sauf pour certains biens listés au I de l’article 5 ;

-          Les importations de biens bénéficiant des franchises applicables aux autres droits et taxes en vigueur (article 8 de la loi).

Les exonérations facultatives (articles 6, 7 et 7-1 de la loi) : les conseils régionaux (ou le conseil général à Mayotte) ont la faculté d’exonérer :

-          Les importations de certains types de biens (article 6 de la loi) ;

-          Les livraisons de biens réalisées par des personnes assujetties par la fixation d'un taux zéro ou d'un taux réduit (article 7 de la loi) ;

-          Les importations, mises à la consommation et livraisons de biens destinés à l’avitaillement des navires et aéronefs et de carburants destinés à un usage professionnel (article 7-1 de la loi).

 

Par ailleurs, les livraisons réalisées par les personnes dont le chiffre d'affaires annuel relatif à leur activité de production est inférieur à 300 000 euros sont désormais hors du champ d'application de la réglementation sur l'octroi de mer (article 2 de la loi).

 

● le coût d’intermédiation ou le recours aux grossistes-importateurs

Trois circuits d’approvisionnement coexistent en Outre-mer :

- le circuit intégré dans lequel l’industriel implante une structure logistique dans le territoire ultra-marin et se charge du transport, de la manutention et de l’approvisionnement ;

- le circuit court où le distributeur est livré directement sur ses plateformes de stockage ;

- le circuit long qui fait appel à des grossistes importateurs qui assurent les opérations logistiques et revendent les produits aux distributeurs.

Une des particularités des circuits d’approvisionnement dans les Outre-Mer est la place importante accordée aux grossistes importateurs. Ces derniers, indépendants des fournisseurs, ont pour fonction d’importer les produits de l’Hexagone ou de pays tiers avant de les revendre en gros aux distributeurs locaux. Leur activité concerne principalement des produits importés de marque nationale. Certains font appel à des transitaires pour le fret, le dédouanement et l’acheminement des produits.

Le principal atout des grossistes importateurs réside dans leur capacité à assurer une logistique des stocks. En raison des aléas climatiques et de l’éloignement, les distributeurs se doivent de disposer d’une marge de sécurité (stocks tampons d’un mois et demi) et de constituer des réserves. C’est ainsi que ces grossistes peuvent assurer l’entreposage des produits.

Selon le groupe Bernard Hayot, l’importation de produits en direct oblige le distributeur à disposer de capacités d’entreposage du double de sa surface de vente.

De même lors de son audition, M. Laurent Renouf directeur des affaires économiques de la Fédération des entreprises des Outre-mer (FEDOM), a souligné que les difficultés à disposer d’entrepôts de stockage justifiaient le recours aux grossistes. Ainsi, pour disposer de capacités d’entreposage de l’ordre de 30 000 mètres carrés un distributeur devrait dégager entre 10 et 15 points de marge supplémentaire compte tenu du prix du foncier. À titre de comparaison le loyer mensuel d’un entrepôt en Hexagone est d’environ 4 euros le mètre carré alors qu’à La Réunion il est de 12 euros le mètre carré.

Par ailleurs, le stockage par un tiers permet aux distributeurs de pouvoir proposer une plus grande variété de denrées et une offre de produits de niche.

De plus, ces grossistes assurent des prestations complémentaires comme une fonction de conseil dans les domaines de la publicité (gestion de calendrier publi-promotionnel), peuvent s’occuper du marketing (information sur les produits et suivi des emplacements ou conduite de la gestion des stocks). Ces services sont inclus dans le prix et permettent au distributeur, in fine, des économies de personnel.

Cependant, selon l’Autorité de la concurrence, les groupes de distribution ultra-marins se tournent désormais de plus en plus vers l’importation directe ; ainsi 45 % de leurs achats sont effectués par ce canal tandis que 29 % le sont par un circuit long ou intermédié. Elle observe que le recours aux centrales hexagonales pour les enseignes franchisées favorise la présence de produits de marque de distributeurs. Le recours à l’importation directe se heurte néanmoins aux contraintes du stockage et aux dates limites de consommation, d’où le maintien du circuit long à un niveau non négligeable.

Cette multiplication du nombre d’acteurs dans la chaîne d’approvisionnement contribue à renchérir les coûts et en conséquence le prix des produits.

Selon l’Autorité de la concurrence, cette accumulation des marges des différents intervenants de la chaîne explique une partie des écarts de prix.

Elle pointe particulièrement les marges arrières. Selon l’Autorité, ces marges restent une source de profit importante. Elles peuvent être soit conditionnelles et être liées à un objectif de progression du chiffre d’affaires, soit inconditionnelles et octroyées en échange de prestations de service. Le distributeur récupère des marges délivrées par l’industriel sans faire l’objet de facture.

De même, dans son avis de 2009 précité ([28]), l’Autorité constatait que le niveau de prix des produits en Outre-mer était la résultante du processus de formation de ce prix qui était la conséquence de plusieurs étapes, à savoir le transport des produits, leur transfert soit par une centrale d’achat soit par un grossiste importateur et enfin leur revente par le distributeur, chacune de ces étapes renchérissant d’autant les coûts par les biais des marges et par voie de conséquence les prix.

L’Autorité polynésienne de la concurrence dans son avis de septembre 2019 ([29]) abonde dans ce sens et relève que l’éloignement et l’isolement de la Polynésie française ne suffisent pas à expliquer la totalité des surcoûts des produits, qui résultent également de la structure des différents marchés, souvent peu concurrentiels. Un examen détaillé de la structure de ces coûts indique que le prix d’achat initial ne représente environ que 27 % du prix total d’un produit tandis que la marge commerciale des distributeurs (importateurs-grossistes et détaillants) induit la plus grande part du prix total à hauteur de 44 %.

b.   L’étroitesse des marchés

Le potentiel démographique des territoires ultra-marins est limité, d’où l’étroitesse des marchés.

M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les Outre‑mer a insisté sur les contraintes liées à cette situation.

En premier lieu, le faible volume de produits achetés via une centrale ne couvre pas suffisamment les frais de gestion. La compétitivité est moindre, ce qui se reflète sur les prix. De plus, les produits importés de l’Hexagone pâtissent de prix plus élevés à l’export sauf dans certaines enseignes.

En deuxième lieu, les produits locaux sont également peu compétitifs. La petite taille des marchés a pour conséquence une demande intérieure insuffisante pour permettre aux entreprises locales d’atteindre une taille minimale de production, réduit les possibilités d’économies d’échelle et entraîne, de ce fait, des coûts de production élevés. La couverture des coûts fixes est moindre (importations de matières premières ou de matériels, achats plus chers, moindre rotation des stocks) et en conséquence l’investissement sera moins important.

Lors de son audition, M. François Huygues Despointes, président du directoire du groupe SAFO a insisté sur ces handicaps et sur la difficulté d’atteindre une taille critique pour les marchés qui contribuent au renchérissement des prix.

Enfin, les opérateurs disposent de lignes de production plus courtes et doivent changer de formats ou de produits.  Ainsi, M. Stéphane Hayot, directeur général du groupe GBH, a donné comme exemple son usine de fabrication de produits laitiers Danone à La Réunion qui produit 6 000 tonnes en 70 références tandis qu’en Hexagone ce type d’unité produit 150 000 tonnes en 30 références.

Cette étroitesse des marchés limite le développement de l’offre et de ce fait nuit à la concurrence car les entreprises locales ont intérêt à concentrer leurs moyens de production et de commercialisation. Selon la FEDOM, ces écarts de compétitivité-coût expliquent, en partie, le différentiel de prix.

 

 


—  1  —

II.   Une concurrence à dynamiser

Comme l’ont relevé de nombreux auditionnés dont notamment M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-mer, il n’apparaît pas réaliste de rechercher un alignement absolu des prix ultra-marins avec ceux de l’Hexagone, les handicaps structurels évoqués supra contribuant en partie au différentiel des coûts.

Il n’en reste pas moins qu’une action volontariste pour rendre effective la concurrence en Outre-mer permettra, sur du long terme, une convergence des prix.

Par ailleurs, une plus grande souveraineté alimentaire réduira la dépendance aux produits importés et permettra le développement de la production locale. Ce modèle a d’ailleurs fait ses preuves lors de la crise sanitaire de ces derniers mois.

A.   Garantir une concurrence effective

 

En 2012, la loi relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer (LREOM) ([30]) s’est donnée comme objectif de lutter contre la vie chère en privilégiant la logique de négociation. Y figurent plusieurs outils législatifs pour accroître la concurrence, tels que la régulation possible des marchés de gros, l’interdiction des accords exclusifs d’importation ou le contrôle renforcé des opérations de concentration dans le secteur du commerce de détail. Force est de constater que de nombreuses dispositions gagneraient à être améliorées afin de garantir une concurrence effective.

1.   Des dispositifs à améliorer

La surveillance de la régulation concurrentielle des marchés est exercée conjointement par l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF par l’intermédiaire des pôles C des DIECCTE. Quant à la lutte contre les pratiques commerciales restrictives elle relève, de son côté, exclusivement de la DGCCRF. Lors de son audition la DGCCRF a indiqué qu’une quinzaine d’enquêtes sur des pratiques anticoncurrentielles étaient en cours et qu’une trentaine avaient été clôturées. Il n’en reste pas moins que les effectifs des DIECCTE restent insuffisants au regard des enjeux.

 

 

Effectifs des DIECCTE

 

 

Effectifs réels au 01/01/2020

Guadeloupe

27

Martinique

28

Guyane

12

Réunion

25

Mayotte

4

Source : DGCCRF

Les Rapporteurs plaident pour un renforcement des moyens budgétaires et humains alloués aux DIECCTE et à la DGCCRF notamment en Guyane, territoire particulièrement étendu.

a.   Un contrôle adapté des opérations de concentration

Selon l’article L.430-2- III du code de commerce, toute opération de concentration dans les départements d’Outre-mer, dans les collectivités de Saint‑Barthélemy, Saint-Martin, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et dans les îles de Wallis et Futuna donne lieu à un contrôle de l’Autorité de la concurrence, à partir d’un certain seuil de chiffre d’affaires réalisé. S’agissant de l’Outre-mer, ces seuils ont été adaptés à la baisse. ([31])

Les opérations suivantes sont donc notifiées à l’Autorité lorsque :

– le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 75 millions d'euros ;

- le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé individuellement dans au moins un des départements ou collectivités territoriales concernés par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 15 millions d'euros, ou à 5 millions d'euros dans le secteur du commerce de détail sans qu’il soit nécessaire que ce seuil soit atteint par l'ensemble des entreprises concernées dans le même département ou la même collectivité territoriale.

M. Etienne Chantrel, chef du service des concentrations au sein de l’Autorité de la concurrence, a ainsi souligné que ces critères permettaient d’exercer un contrôle sur toute opération relative à un supermarché moyen.  Dans son avis de 2019 précité, l’Autorité de la concurrence a indiqué qu’elle avait               rendu 41décisions relatives à des concentrations ayant trait à l’Outre-mer, soit 2 % de son activité depuis 2009 ; 26 opérations ont ainsi été autorisées dont 21 concernaient le commerce de détail ([32]). L’Autorité peut assortir son autorisation du respect de plusieurs engagements.

Néanmoins M. Umberto Berkani, rapporteur à l’Autorité, a insisté sur les limites de ce pouvoir de contrôle. L’Autorité de la concurrence ne peut, en effet, que juger si l’opération est acceptable ou non en fonction du droit de la concurrence et ne peut intervenir sur les offres proposées. M. Etienne Chantrel a abondé dans ce sens selon lequel il n’appartient pas à l’Autorité de choisir le repreneur, ce qui porterait atteinte à la liberté du commerce, toutefois elle peut imposer son veto, si cette opération conduisait à une position dominante pour ce repreneur.

M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-mer, a donc suggéré que le critère retenu pour juger de l’opportunité d’opérations de concentration soit les parts de marché détenues par les parties et non plus le chiffre d’affaires. Les Rapporteurs y sont favorables.

D’autres acteurs peuvent intervenir pour prévenir toute atteinte à la concurrence.

La loi relative à la régulation économique Outre-mer ([33]) a introduit la possibilité pour les collectivités territoriales et les présidents des OPMR de saisir l’Autorité de la concurrence pour toute affaire de pratiques anticoncurrentielles ou toute question de concurrence. De même, dès lors que la part de marché d’une entreprise qui sollicite une autorisation d’exploitation commerciale est susceptible de dépasser de 50 % la zone de chalandise après l’opération, les commissions départementales d’aménagement commercial peuvent saisir pour avis l’Autorité. ([34])

Or ces facultés n’ont jamais été utilisées. C’est pourquoi, les Rapporteurs incitent les collectivités à s’approprier ces outils, ce qui ne pourrait que contribuer à renforcer les contrôles.

Il n’en demeure pas moins que les groupes de distribution implantés en Outre-mer sont peu nombreux et souvent liés par des attaches familiales. C’est pourquoi, les rachats de groupes en difficulté donnent lieu à des controverses.

Le rachat du groupe Vindemia (groupe Casino) par GBH, autorisé le 26 mai 2020 est très critiqué. L’Autorité l’a assorti de plusieurs clauses contraignantes : ([35])

- cession préalable de sept magasins détenus par le groupe GBH à deux autres repreneurs, les groupes Make distribution et TAK ;

- maintien du niveau actuel des approvisionnements auprès de la production locale, en se fournissant en particulier chaque année auprès des producteurs locaux à hauteur de 25 % - 35 % des achats totaux réalisés par ses grandes surfaces alimentaires ; 

- mise en œuvre de dispositions spécifiques avec les fournisseurs pour prévenir les risques d’effet négatif pour les cocontractants en état de dépendance économique vis-à-vis de GBH. Ils auraient ainsi la possibilité de conclure un contrat d’une durée de deux ans au lieu d’un contrat annuel.

L’interconsulaire de La Réunion pointe le risque d’une domination économique par un seul acteur estimé à 40 % sur le panier des dépenses des consommateurs. C’est pourquoi elle a demandé à ce que ce dossier soit examiné de façon plus approfondie par le biais du droit d’évocation du Gouvernement ou phase 2. ([36]) Le ministre de l’économie et des finances n’a pas accédé à cette demande.

Une autre opération de rachat un peu moins récente a suscité l’indignation : le rachat du Géant Casino du Robert par le Groupe GBH en 2018 à la Martinique. Les rapporteurs sont revenus sur celle-ci. En effet, le Groupe GBH exploitait déjà trois hypermarchés sous l’enseigne Carrefour, situés à plus de 15 minutes en voiture du Géant Casino du Robert. Or le groupe SAFO exploitait deux Carrefour Market à moins de 15 minutes en voiture. Par conséquent l’un des engagements pris par GBH auprès de l’Autorité de la concurrence était d’exploiter le Géant Casino indépendamment de l’enseigne Carrefour, d’où le choix d’Euromarché. Or, lors des auditions, le député Lénaïck Adam a fait remarquer que deux catalogues promotionnels identiques avaient été établis pour Euromarché et Carrefour, détenus tous deux par GBH, et ce, sur les mêmes périodes alors que le groupe s’était engagé à exploiter indépendamment l’hypermarché Euromarché de l’enseigne Carrefour et à lui conférer une autonomie commerciale en termes d’assortiment de produits ou de politique tarifaire.

Selon Monsieur Stéphane Hayot, cela ne relevait en aucun cas d’un manquement du groupe à son engagement. Il a considéré que l’obligation qui lui avait été faite était respectée, d’autant plus que les deux catalogues identiques concernaient deux hypermarchés qui appartiennent certes à son groupe, mais ne se trouvent pas dans la même zone de chalandise, à savoir dans un rayon de 15 minutes en voiture l’un de l’autre. Cela aurait été selon lui problématique si son hypermarché Euromarché présentait le même catalogue promotionnel que le Carrefour market appartenant au groupe SAFO et situé dans la même zone de chalandise. 

La question des zones de chalandise, au cœur de cette décision, repose sur l’analyse faite par l’Autorité de la concurrence que dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire, il existe une distance maximale au-delà de laquelle le consommateur renoncera à effectuer ses achats du fait des coûts de transport et des pertes de temps. Cette distance est estimée à 30 minutes en voiture pour les hypermarchés et 15 minutes pour les supermarchés. Selon les Rapporteurs, cette interprétation n’est pas adaptée aux territoires ultra-marins. L’Autorité de la concurrence devrait engager une réflexion pour faire évoluer cette notion lors des contrôles des opérations de rachat dans les départements ultra-marins.

b.   Une injonction structurelle recentrée.

Dans les départements d’Outre-mer, dans les collectivités de Saint‑Barthélemy, Saint-Martin, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et dans les îles de Wallis et Futuna, l’article L.752‑27 du code de commerce prévoit que l’Autorité de la concurrence dispose d’un pouvoir d’injonction pour faire cesser tout abus de position dominante d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises exploitant un ou des magasins de commerce de détail. L’esprit de cette disposition est d’être un outil dissuasif plus que répressif.

Cette position dominante doit se traduire par trois conditions cumulatives :la première est la position dominante de l’entreprise ou du groupe d’entreprises, la deuxième est une concentration excessive portant atteinte à la concurrence dans la zone considérée, et la troisième en est sa conséquence, l’existence de prix ou de marges plus élevés en comparaison des moyennes constatées dans le secteur économique concerné, dans cette même zone.

Après une procédure contradictoire, l’Autorité peut enjoindre l’entreprise ou le groupe d’entreprises à modifier, compléter ou résilier dans un délai ne pouvant excéder 6 mois tous accords ou actes ayant conduit à cet abus de position dominante. Elle peut également enjoindre une cession d’actifs, y compris de terrains.

Ces conditions cumulatives rendent difficiles la mise en œuvre de ce dispositif. Cette disposition législative n’a d’ailleurs jamais été mise en œuvre.

Comme l’a relevé M. Victorin Lurel, sénateur de Guadeloupe, l’esprit de la loi a été limité par l’adjonction d’une troisième condition cumulative qui, de fait, rend difficilement opérant le dispositif.

M. Umberto Berkani, rapporteur à l’Autorité de la concurrence, a confirmé qu’il était délicat de juger de la discrimination faite à un autre opérateur.

L’Autorité de la concurrence a détaillé les difficultés rencontrées dans l’application de ce dispositif.

S’agissant de la comparaison des moyennes constatées dans le secteur économique concerné, il est illusoire de comparer avec celles de l’Hexagone en raison des surcoûts structurels décrits infra. Si l’on effectue une recherche au sein du même territoire ou entre territoires ultra‑marins, un écart de prix peut ne pas être détecté si tous les points de comparaison possibles sont des marchés très concentrés et à l’inverse si un écart est constaté il pourra s’expliquer par des facteurs objectifs.

Quant à l’analyse des marges, elle nécessite de pouvoir disposer de bases de données financières déposées par les entreprises, qui ne sont pas toujours fiables.

Par ailleurs, dans le cas de groupes intégrés verticalement, situation répandue en Outre-mer, des marges limitées au niveau du commerce de détail peuvent découler d’une politique de tarification consistant à fixer des prix de transfert intra-groupe élevés : les marges ne sont alors pas détectables au niveau du secteur du commerce de détail, mais se situent en réalité en amont de la revente des produits.

Ainsi, l’Autorité de la concurrence, dans son avis de 2019 précité, recommande de revenir aux deux conditions du dispositif initial, à savoir la position dominante détenue par le groupe ou le groupe d’entreprises et la deuxième condition qui se réfèrerait à la notion de préoccupation de concurrence du fait de prix ou de marges élevés pratiqués par l’entreprise ou le groupe d’entreprises en tenant compte du niveau de rentabilité du capital habituellement constaté dans le secteur économique concerné. Les Rapporteurs partagent cette suggestion.

M. Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-Mer propose, quant à lui, d’instituer une injonction structurelle comportementale.

c.   Une interdiction des accords d’exclusivité plus opérationnelle

Dans les départements d’Outre-mer, dans les collectivités de Saint‑Barthélemy, Saint-Martin, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et dans les îles de Wallis et Futuna, l’article L. 420-2-1 du code de commerce prohibe les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou un groupe d’entreprises. Cette disposition ne s’applique pas en Polynésie française et en Nouvelle Calédonie.

L’article L.420-4 du code de commerce autorise des dérogations si leurs auteurs peuvent justifier que ces accords sont fondés sur des motifs objectifs tirés de l’efficacité économique et qu’ils réservent aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte.

Les distributeurs organisent donc des appels d’offres à intervalles réguliers (contrats d’une durée d’un an ou deux ans sans tacite reconduction) pour leur approvisionnement. Sur un plan juridique, ne figurent plus dans les contrats des distributeurs avec les grossistes importateurs de clauses d’exclusivité. Lors de son audition, M. Umberto Berkani, rapporteur à l’Autorité de la concurrence, a rappelé que l’Autorité veillait à sanctionner tout contrat dans lequel figurait une telle clause.

Il a reconnu néanmoins que des accords d’exclusivité de fait perduraient pour plusieurs raisons. En premier lieu, pour certains produits, un seul distributeur est présent et l’arrivée de concurrents est limitée car cette distribution n’apparaît pas rentable. En deuxième lieu, les entreprises de distribution préfèrent toujours recourir à des grossistes importateurs car ces derniers continuent de se voir attribuer des conditions préférentielles à l’export. Des distributeurs ultra-marins ont même évoqué le refus de fournisseurs en Hexagone soit de leur livrer directement le produit, soit de leur accorder les mêmes tarifs qu’aux grossistes importateurs.

Enfin, les distributeurs non intégrés ont des difficultés à se reporter vers un autre grossiste pour se fournir en produits d’une même marque.

Le vrai souci concerne la concurrence intra-marque. Selon l’Autorité de la concurrence, la structure des marchés est susceptible de faire obstacle à la commercialisation simultanée d’une même marque par plusieurs grossistes sur un même territoire.

Elle propose d’interdire toute discrimination entre partenaires commerciaux lorsqu’un importateur est le seul à proposer une marque. Une sanction serait prévue permettant de condamner le fait pour un acteur intégré disposant d’une exclusivité de fait de discriminer ses clients tiers par rapport à ses ventes intra-groupe. Les Rapporteurs y sont favorables.

2.   Une transparence accrue sur la formation des prix

Des référents vie chère ont été nommés dans chaque département en septembre 2019 au sein des pôles C des DIECCTE.

a.   Un rôle plus actif des Observatoires des prix des marges et des revenus

Définies à l’article L.910-1 A du code de commerce, ces instances collégiales sont composées des parlementaires des territoires , d’élus locaux, des représentants de l’État, de représentants des chambres consulaires, de représentants d’organisations syndicales des salariés des secteurs public et privé, de représentants d’associations de consommateurs, des conseils économique, social et environnemental régionaux  ainsi que de personnalités qualifiées et des directeurs de l’Institut d’émission des départements et territoires d’Outre-mer. Le président, choisi parmi les magistrats des chambres régionales des comptes, est nommé par le premier président de la Cour des comptes pour un mandat de 5 ans.

Dans les départements d’Outre-mer, dans les collectivités de Saint‑Barthélemy, Saint- Martin, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et dans les îles de Wallis et Futuna, leur rôle est d’analyser le niveau et la structure des prix, des marges et des revenus et d’informer les pouvoirs publics sur leur évolution. Ils enquêtent sur la fixation de ces prix et peuvent mener des études rendues publiques susceptibles d’être transmises à l’Autorité de la concurrence. Chaque observatoire publie également annuellement des données portant sur le niveau et la structure des coûts de passage portuaire.

Saint-Martin vient de mettre en place un tel observatoire en mai 2019.

Or depuis leur installation, ces observatoires restent peu actifs, à l’exception de celui de La Réunion.

Dans ce département, des groupes de participation citoyenne y sont associés. Depuis le 19 mars 2019, l’Observatoire des prix des marges et des revenus (OPMR) de La Réunion comprend ainsi 50 citoyens qui ont été désignés à la suite d’un tirage au sort parmi les candidats volontaires. La DGCCRF a souligné, à ce titre, que cette initiative rencontrait des difficultés d’organisation.

L’OPMR de La Réunion publie des études comme celle détaillée ci-dessous et s’est également livré à une réflexion sur le bouclier qualité prix (BQP) qui sera abordée infra.

 

Étude sur l’opération de rachat du groupe Vindemia
par le groupe GBH

L’observatoire de La Réunion a confié cette étude à un cabinet de conseil ([37]) qui livre les conclusions suivantes :

  • Ce rachat renforcerait la domination de GBH sur l’économie réunionnaise qui détiendrait 40% de parts de marché du secteur de la distribution généraliste et instaurerait un duopole entre Carrefour et Leclerc ;
  • Une dépendance des fournisseurs et producteurs locaux à ce groupe serait accrue;
  • GBH s’assurerait une position dominante sur le secteur des produits laitiers grâce à son intégration verticale : en effet, le groupe contrôle le producteur Sorelait qui fabrique les produits Danone ;
  • Ce rachat induirait un verrouillage du marché de l’approvisionnement par le biais du contrôle des grossistes Bamyrex et SDCOM ce qui favoriserait les magasins du groupe.

Il plaide donc pour la mise en place d’un nouveau paysage de la distribution privilégiant les circuits courts.

 

C’est dans cet esprit que la DGOM souhaite que ces structures diligentent des études qui pourraient, ensuite, servir de base de réflexion à des évolutions. À ce titre, M. Victorin Lurel, sénateur de Guadeloupe, préconise que leurs travaux incluent également les questions foncières afin de mieux réguler leurs prix.

Quant à la proposition de loi de M. David Lorion député de La Réunion, cosignée par les Rapporteurs et relative au développement et à la mise en valeur de la production locale, elle institue une nouvelle mission à ces observatoires : l’analyse de la présence et la mise en valeur de la production locale au sein des enseignes du commerce et de la distribution. ([38])

L’Observatoire de La Réunion suggère également d’être autorisé à participer aux négociations du BQP.

C’est dans ce sens que l’Autorité de la concurrence regrette que ces observatoires ne puissent mener à bien une de leur mission définie par la loi, à savoir suivre l’évolution des prix des produits de grande consommation.

Les Rapporteurs préconisent donc que l’article L.910-1-A du code de commerce soit modifié en ce sens pour y inclure ces nouvelles missions.

En tout état de cause, pour les Rapporteurs les moyens affectés à ces structures doivent être renforcés comme le recommande l’Autorité de la concurrence dans son avis précité, en insistant sur le fait que l’OPMR de La Réunion fonctionne grâce au dynamisme de certains membres bénévoles. En effet, lors de son audition la DGOM a indiqué que le budget pour l’ensemble des OPMR ultra-marins était de 600 000 euros ([39]).

b.   Un bouclier qualité prix rénové

Selon l’article L.410-5 du code de commerce, dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'Outre-mer de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna chaque année après avis consultatif de l’Observatoire des prix des marges et des revenus du territoire, sous l’égide du représentant de l’État, les organisations professionnelles du secteur du commerce de détail et les fournisseurs (producteurs, grossistes ou importateurs) ainsi que les entreprises de fret maritime et les transitaires se réunissent pour négocier un accord de modération du prix global d’une liste limitative de produits de consommation courante, le bouclier qualité prix ( BQP). En cas de réussite, l’accord est rendu public par arrêté préfectoral. En l’absence d’accord un mois après l’ouverture des négociations, le représentant de l’État arrête le prix global sur la base des négociations et des prix les plus bas pratiqués dans le secteur économique.

Un décret ([40]) en fixe les modalités pratiques. Cet accord fixe un prix global toutes taxes comprises. Il autorise un dépassement de ce prix dans une limite maximale de 5 % pour une catégorie de magasins de surface commerciale inférieure à un seuil déterminé par la négociation.

En cas de variation importante de coûts qui pourraient avoir des conséquences sur le coût de revient d’un article inclus dans la liste, le représentant de l’État, sur demande des parties prenantes de l’accord, peut ajuster le prix global de la liste.

La liste des produits est générique. Elle peut préciser des conditions de provenance (produits issus de la production locale) ou de qualité (valeur nutritionnelle du produit). Chaque commerçant est libre de choisir la marque commerciale des produits inclus dans la liste. Les articles retenus font l’objet d’un étiquetage spécifique.

L’accord liste les établissements commerciaux participant à l’accord.

Le comportement des consommateurs revêt une importance primordiale, en arbitrant le choix de ses achats.

En Guadeloupe, plusieurs paniers coexistent en fonction de la taille des magasins ([41]) et en Guyane selon le type de magasins ([42]).

Saint‑Martin vient de se doter d’un bouclier qualité prix composé de 101 produits pour un prix maximal de 307 euros. ([43])

 

Le BQP en Nouvelle-Calédonie

Depuis octobre 2019 un dispositif assez similaire a été mis en place en Nouvelle Calédonie. ([44]) Parmi les différences avec le BQP des départements figurent notamment une représentation plus restreinte des acteurs chargés de négocier le BQP ([45]),  une obligation de publicité et de mise en avant des produits du BQP et la nécessité faite aux distributeurs de s’assurer de la disponibilité des produits.

Afin d’adapter le BQP à la diversité des surfaces de vente, trois paniers sont mis en place en Nouvelle-Calédonie. Le premier, dédié aux plus petites enseignes de 500 à 1 000 mètres carrés, se compose de 50 produits pour une valeur maximum fixée à 18 000 francs pacifique. ([46]) Le deuxième, qui correspond aux surfaces de vente de 1 000 mètres carrés à 2 500 mètres carrés, en compte 70 pour 25 000 francs pacifique ([47]). Le troisième, destiné aux grands magasins de plus de 2 500 mètres carrés réunit 100 produits pour un montant de 32 000 francs pacifique. ([48])

Ces paniers sont composés d’au moins 15 % de produits de marque distributeurs et 15 % de produits fabriqués localement, ainsi que de produits de première nécessité sous contrôle des prix.

 

Le bouclier qualité prix concentre plusieurs critiques, son manque de lisibilité, une publicité insuffisante dans les magasins et un processus contractuel à parfaire.

Du fait de sa composition très large, le BQP perd de sa lisibilité : certains produits peuvent s’avérer plus onéreux et ne pas intéresser le consommateur.

En effet, l’inclusion d’un produit dans le bouclier n’est pas toujours synonyme du prix le plus bas, du fait même de sa composition. S’agissant d’un panier qui doit plafonner à un prix global, les distributeurs sont libres ensuite de sélectionner les produits qui composent le panier. Par ailleurs, il lui est reproché de ne pas suffisamment intégrer de marques distributeurs.

L’Observatoire des prix des marges et de revenus de La Réunion a rendu un avis sur la mise en œuvre du BQP 2019 dans l’île ([49]). Parmi ses recommandations, il préconise l’élargissement du nombre de produits figurant dans le bouclier qui passeraient de 109 à 250 en les classant par sous catégories (produits alimentaires, produits d’entretien ménager et produits d’hygiène et produits infantiles). Par ailleurs, une liste BQP « peyi » ([50]) serait constituée.

Ces recommandations ont été reprises pour la constitution du BQP 2020 réunionnais. De plus, afin que ce bouclier réponde aux attentes de la population, une démarche originale a été adoptée, associant la population, afin qu’elle établisse la liste des produits le plus consommés. Une double consultation a été lancée, à savoir une enquête menée par IPSOS auprès de la population ainsi qu’un questionnaire sur internet basé sur une liste de 250 produits les plus vendus dans les grandes surfaces.

Enfin, il arrive que certains produits soient en rupture d’approvisionnement. L’avis de l’Observatoire de La Réunion sur le BQP 2019 a ainsi relevé que les contrôles de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE) avaient constaté une moyenne de 15 produits en rupture par magasin, ce décompte pouvant aller jusqu’à 51 produits.

Par ailleurs, la finalité du BQP manque de clarté, tant de nombreux objectifs contradictoires lui ont été assignés, à savoir garantir des prix bas, offrir des produits locaux et de qualité.

Lors de son audition, la DGOM a fait part d’une première évolution mise en œuvre cette année, à savoir segmenter le panier en trois sous-paniers, le premier répondant à l’objectif de prix bas, le deuxième recensant les produits locaux et un troisième présentant des produits de qualité nutritionnelle.

Une autre critique porte sur la publicité insuffisante du dispositif dans les magasins.

Afin d’y remédier, l’Observatoire des prix des marges et de revenus de La Réunion suggère d’institutionnaliser une démarche pratiquée dans certaines enseignes, la constitution d’ilots présentant les produits figurant dans le BQP lors de son lancement pour l’année à venir. Il préconise également que ces produits soient mis en avant au même titre que les promotions.

Par ailleurs, il recommande que la présence du bouclier soit obligatoire pour tous les magasins appartenant à une enseigne de la grande distribution quelle que soit leur surface.

La DGOM, de son côté, plaide pour une signalisation uniforme pour toutes les enseignes. Ainsi, à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, une signalétique identique a été proposée sous l’égide du préfet.

La dernière critique porte sur les conditions d’exécution du BQP.

Si tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement participent aux négociations du BQP, les efforts commerciaux reposent majoritairement sur les distributeurs. Il serait donc opportun, selon vos Rapporteurs, d’impliquer davantage les autres acteurs du circuit commercial comme les transporteurs, les grossistes importateurs ou les centrales d’achat.

Enfin, lors de son audition, M. Victorin Lurel sénateur de Guadeloupe, a regretté que le dispositif du BQP ne revête pas un caractère plus contraignant.

Afin de s’assurer que le bouclier n’entraîne pas de profits pour les distributeurs, l’Observatoire des prix des marges et de revenus de La Réunion préconise que cet engagement figure expressément dans l’accord de modération. La DIECCTE serait chargée de contrôler son respect.

c.   Des promotions encadrées

Le recours intensif aux promotions entrave les comparaisons de prix pour le consommateur et réduit d’autant l’offre de produits de marque distributeur.

L’Autorité de la concurrence souligne dans son avis de 2019 précité que cette pratique n’est pas un gage de baisse réel des prix, « la généralisation des promotions tout au long de l’année permet dans certains cas de douter de la sincérité et de la compétitivité des prix hors promotions. »

De même, le cabinet de conseil Bolonyocte a constaté qu’à La Réunion les promotions ne portaient que sur une part très faible du panier du consommateur et visaient des produits d’appel afin d’accroître la fréquentation dans les magasins. ([51])

L’Autorité polynésienne de la concurrence remarque également que l’information du consommateur est réduite.  Le recensement des prix pratiqués par les différentes enseignes porte sur un nombre limité d’articles ce qui permet aux acteurs de pratiquer des prix d’appel sur certains produits.

Les Rapporteurs suggèrent de règlementer la pratique des promotions afin qu’elles ne portent pas toujours sur les mêmes produits.

Lors de son audition, M. Victorin Lurel sénateur de Guadeloupe, a quant à lui insisté sur la nécessité de disposer d’un outil de comparaison des prix afin de faire jouer la concurrence entre enseignes. Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a lancé une telle application en avril dernier intitulée « prix.nc », téléchargeable sur le téléphone portable, qui permet de comparer les tarifs de 900 marques en vigueur dans 380 magasins.

Les Rapporteurs incitent donc les collectivités territoriales par l’intermédiaire des OPMR à lancer un appel à projet pour la mise à disposition sur téléphone portable d’un tel comparateur.

De manière générale, les Rapporteurs préconisent d’encourager la constitution des associations locales de consommateurs et de renforcer leur structuration afin d’améliorer la culture des droits du consommateur.

B.   atténuer les handicaps structurels

Réduire l’isolement géographique des territoires ultra-marins, que ce soit par des ports plus compétitifs, une meilleure intégration des marchés dans les bassins géographiques ou un commerce en ligne plus attractif, permettra d’atténuer un des facteurs structurels de surcoût.

1.   Un meilleur pilotage de l’octroi de mer

L’octroi de mer participe au renchérissement des prix des produits importés.

Lors de son audition M. François Huygues Despointes président du directoire du groupe SAFO a souligné que l’octroi de mer participait à un différentiel de prix estimé à +13 % du coût d’enrichissement. Son assiette qui inclut le fret et les assurances l’alourdit d’autant.

Comme l’a rappelé M. Victorin Lurel sénateur de Guadeloupe cette taxe poursuit trois objectifs irréconciliables, protéger la production locale, ménager le pouvoir d’achat des populations et procurer des ressources aux collectivités territoriales.

C’est pourquoi, toute évolution reste délicate. Plusieurs pistes de réflexion ont été proposées par les personnes auditionnées.

M. Laurent Renouf, directeur des affaires économiques de la Fédération des entreprises des Outre-mer (FEDOM), a plaidé pour une meilleure gestion des taux d’octroi de mer par les collectivités territoriales.

L’Autorité de la concurrence, quant à elle, préconise de fixer un taux de 0 % pour les produits pour lesquels il n’existe pas d’équivalent dans la production locale afin de pas renchérir les produits importés. Elle recommande également de simplifier la grille des taux et d’assurer une cohérence entre territoires proches. Ainsi, il conviendrait d’unifier les taux entre la Guadeloupe et la Martinique. À titre d’exemple, le riz est imposé à 7 % en Guadeloupe contre 0 % en Martinique. Toutefois, selon la DGOM, ces différences de taux n’entraînent pas de transferts de produits car le fret inter- île est peu développé et ces deux marchés sont distincts.

Une autre option serait d’élargir l’assiette en y incorporant les services. Lors de son audition, M. Victorin Lurel sénateur de Guadeloupe a rappelé que ces derniers constituaient 80 % du PIB des territoires ultra-marins.

2.   Un isolement géographique réduit

a.   Une plus grande compétitivité des ports

S’il est illusoire de pouvoir jouer sur le coût de la main d’œuvre et des services portuaires, qui sera toujours en concurrence avec des pays voisins où ce dernier est moindre, une amélioration des infrastructures ne peut que contribuer à diminuer les coûts liés aux transports maritimes, en facilitant la desserte par des navires à forte capacité plus compétitifs.

Si en Guadeloupe, des opérations de dragage ont eu lieu pour accueillir des navires jusqu’à 14 mètres, la question se pose particulièrement pour le port de la Guyane. Les deux transporteurs auditionnés, CMA-CGM et Marfret, plaident pour un dragage du port plus efficace afin de permettre l’entrée de porte- containers à plus forte capacité. M. Vincent Saurel, directeur de l’établissement Marfret de Rouen, a également insisté sur la nécessité de développer le port fluvial de Saint Laurent du Maroni, qui dessert l’Ouest guyanais pour éviter l’acheminement des marchandises depuis Cayenne par la route nationale.  Toujours en Guyane, les capacités logistiques du port gagneraient à être améliorées, que ce soit en termes de capacité accrue de stockage ou d’espaces réfrigérés.

L’Autorité polynésienne de la concurrence suggère, de même, d’investir dans les infrastructures portuaires du port de Papeete en utilisant la taxe de péage. Cette taxe fiscale perçue sur les importateurs est prélevée à hauteur de 1,25 % de la valeur applicable aux marchandises débarquées ou transbordées de navire à navire. Des travaux d’études sont en cours pour élargir la passe pour pouvoir accueillir des navires de 12 mètres de tirant d’eau.

Le port de Marigot à Saint‑Martin devrait également être remis à niveau. Lors de son audition, M. Jacques Gerault, conseiller institutionnel de CMA-CGM, a indiqué que les produits frais étaient déchargés du côté néerlandais de l’île au port de Philipsburg et acheminés par voie terrestre à Saint‑Martin.

Les Rapporteurs préconisent donc de réaliser les travaux d’infrastructures nécessaires dans les ports afin de faciliter leur accès à des navires à forte capacité plus compétitifs. Les crédits des plans de relance (national et européen) pourraient être utilement mobilisés.

b.   Une plus grande intégration dans les marchés des bassins géographiques

Marqués par le poids de l’histoire, les échanges s’effectuent majoritairement avec l’Hexagone et ignorent les marchés des bassins géographiques.

Un exemple significatif cité par M. François Huygues Despointes président du directoire du groupe SAFO est l’absence de poste d’inspection aux frontières en Guyane, ce qui oblige les produits en provenance et à destination du Brésil de transiter par l’Hexagone. Les Rapporteurs préconisent donc de favoriser l’implantation de ces postes, particulièrement en Guyane seul territoire ultra-marin continental.

Plusieurs facteurs contribuent à cette situation. En premier lieu, les droits de douanes sont prohibitifs avec les pays n’appartenant pas à l’Union européenne, et en deuxième lieu les biens des territoires voisins ne respectent pas toujours les normes en vigueur dans les territoires ultra-marins.

En Martinique 57 % des importations proviennent de l’Hexagone, chiffre quasiment similaire en Guadeloupe et en Guyane à hauteur de 58 %, alors que les importations en provenance des États‑Unis, plus proches géographiquement, tournent autour de 7 % à 8 %. La part du commerce régional dans le total des importations s’élève à 12 % en Martinique, 13 % en Guyane et 15,7 % en Guadeloupe ([52]). Lors de son audition M. François Huygues Despointes président du directoire du groupe SAFO, a ainsi indiqué que 75 % de ses importations provenaient de l’Hexagone.

À Mayotte, 51 % des produits importés proviennent de l’Hexagone contre 5,7 % issus du commerce régional. À la Réunion, 57 % des importations émanent de l’Hexagone tandis que la part du commerce régional est 2,8 %. ([53])

Saint‑Pierre‑et‑Miquelon fait figure d’exception puisque 45 % de ses importations proviennent du Canada et 25 % de l’Hexagone. ([54])

Dans le Pacifique, cette dépendance aux importations hexagonales est moindre et tourne entre 20 % et 28 % (20 % pour Wallis et Futuna, 24 % pour la Nouvelle- Calédonie et 28 % pour la Polynésie). Néanmoins, en Polynésie française les échanges avec les États‑Unis ne représentent que 15 % et avec la Chine 7 % des importations. Quant à la Nouvelle Calédonie, elle se fournit à 11 % auprès de la Chine et de Singapour et à 10 % en provenance d’Australie ([55]). C’est pourquoi, l’Autorité polynésienne de la concurrence propose de privilégier les circuits régionaux pour les importations.

Il devrait en être de même pour les autres territoires. Les Rapporteurs plaident donc pour que les circuits régionaux soient privilégiés pour les importations.

Un assouplissement des normes pour ces territoires permettrait plus d’échanges.

Un cas d’école : les matériaux de construction

Les territoires ultra-marins doivent importer de nombreux matériaux de construction comme le bois, le ciment ou les carreaux de céramique, ce qui contribue à accroître les coûts de production du logement.

Le plan logement 2019-2022 pour les Outre-mer a émis plusieurs recommandations pour accroître la transparence sur la formation des prix des matériaux de construction.

La première proposition vise à autoriser l’importation de matériaux de pays de bassins géographiques n’appartenant pas à l’Union européenne comme le Suriname pour la zone Antilles-Guyane ou Madagascar pour la zone de l’Océan indien. Une procédure de normalisation simplifiée serait conduite par des certificateurs qualifiés présents sur les territoires, en lien avec des laboratoires locaux accrédités par le Comité français d'accréditation (COFRAC.)

Parallèlement, un tableau d’équivalence à la norme CE serait établi pour une liste de matériaux importés des pays de l’environnement régional.

Pour ces deux propositions, l’accord de la Commission européenne est requis.

Une troisième solution serait de mutualiser les achats de matériaux des professionnels du bâtiment et des travaux publics (BTP). Le ministère des Outre-mer encouragera une telle expérimentation.

c.   Un commerce en ligne plus attractif

Bien que les ménages ultra-marins soient bien équipés numériquement ([56]) et disposent d’un accès correct à internet ([57]) seuls 30 % à 40 % des consommateurs choisissent ce mode d’achat contre 60 % en Hexagone en raison de difficultés logistiques tels que les délais d’acheminement ou les coûts annexes comme les frais de livraison.

En premier lieu, les coûts d’achat d’un produit en ligne sont supérieurs pour le consommateur ultra-marin. Les frais de livraison sont plus onéreux et il en va de même du coût des frais de retour dans l’hypothèse où le consommateur souhaite faire jouer son droit de rétractation (le consommateur pouvant décider de renvoyer le produit commandé, pendant un délai de 14 jours après la livraison, sous réserve de payer les frais de retour du produit). L’Autorité de la concurrence suggère donc d’encourager l’envoi groupé de colis en permettant l’accomplissement d’une seule formalité douanière afin de faire baisser les coûts de livraison.

Par ailleurs, le manque de transparence et de prévisibilité du coût de l’octroi de mer au moment de la commande, est source de renoncement à une commande en ligne.

C’est pourquoi, l’Autorité de la concurrence préconise deux mesures :

– adapter le droit de la consommation afin d’obliger les enseignes de commerce en ligne à afficher de manière visible les taxes et l’octroi de mer applicables ;

– étudier l’adoption d’un octroi de mer à taux réduit et unique pour les produits vendus en ligne.

Ces préconisations sont reprises par vos Rapporteurs.

Enfin, les délais de livraison accentuent ces difficultés, puisque le délai moyen de livraison de 5,3 jours en Hexagone passe de 3 à 27 jours en Outre-mer.

Ainsi, une minorité d’enseignes présentes en Hexagone propose la vente en ligne aux consommateurs ultramarins, voire refuse la vente pour les consommateurs ultramarins.

Le règlement européen du 28 février 2018 ([58]) interdit tout blocage géographique injustifié fondé notamment sur le lieu de résidence du client. Les consommateurs ultramarins devraient ainsi pouvoir accéder librement aux sites de commerce électronique, or ce n’est pas toujours le cas.

L’Autorité de la concurrence considère que le règlement communautaire sur le blocage géographique est insuffisamment mis en œuvre. Afin d’éviter que les consommateurs ultra-marins subissent des conditions discriminatoires par rapport à celles dont bénéficient les consommateurs hexagonaux, il conviendrait d’introduire dans la loi les interdictions posées par le règlement européen précité. Lors de son audition, la DGOM a indiqué qu’une disposition législative en ce sens était en préparation.

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, qui vient d’être adopté définitivement au Parlement, comporte des dispositions qui introduisent dans le code de la consommation un chapitre consacré au blocage géographique injustifié. Dans ce dernier figure un article ([59]) qui prévoit l’interdiction pour un professionnel : « de bloquer ou limiter l’accès d’un consommateur à son interface en ligne, par l’utilisation de mesures technologiques ou autres, pour des motifs liés au lieu de résidence sur le territoire national de cde consommateur. »

C.   Accroître la souveraineté alimentaire

Accroître la souveraineté alimentaire passe par un plus grand développement de la production locale notamment par la mise en valeur des circuits courts et une limitation des importations, ce qui à terme permettrait une offre de produits moins onéreuse.

Il convient, néanmoins, en préambule de rappeler que l’offre locale n’est pas toujours meilleur marché comme l’a souligné M. Umberto Berkani, rapporteur à l’Autorité de la concurrence. Cette dernière, même protégée par l’octroi de mer, reste fragilisée par des importations plus compétitives, notamment celles de produits surgelés, dit produits de dégagement.

Lors de son audition devant la délégation aux Outre-mer, M. Benoît Lombriere, délégué général adjoint d’Eurodom, a mis en garde contre le déstockage massif de produits congelés à des prix agressifs qui n’auraient pu être écoulés durant les confinements. Il conviendrait que les référents vie chère soient vigilants et négocient avec les distributeurs pour éviter ce type de pratique ou du moins que ces promotions soient étalées sur plusieurs mois.

1.   Une plus grande valorisation de la production locale

a.   Des conditions difficiles

Le développement de la production agricole vivrière locale se heurte à de nombreuses difficultés. De par l’histoire, une agriculture de rente (bananes et canne à sucre) a longtemps été privilégiée en Outre-mer au détriment d’une agriculture diversifiée.

Madame Claire Cerdan, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), a détaillé ces handicaps lors de son audition.

Tout d’abord, les espaces agricoles demeurent contraints sur les territoires ultra-marins où les activités tertiaires et l’urbanisation réduisent d’autant la surface agricole utile (SAU). Si l’on excepte Mayotte où 53 % de l’île représente la SAU, dans les autres départements, la SAU est limitée : 19 % du territoire à La Réunion, 32 % en Guadeloupe et 36 % en Martinique. Quant à la Guyane, 90 % du territoire est occupé par des surfaces boisées.

Cette situation est particulièrement dommageable dans le secteur de l’élevage.

En deuxième lieu, les entreprises agricoles familiales sont de petite taille, ce qui limite les capacités productives. Quant à la régularité de la production, elle souffre des aléas climatiques.

Enfin, l’étroitesse des marchés rend peu compétitives ces productions, d’autant plus que leurs capacités d’exportation sont limitées comme l’a rappelé M. Stéphane Hayot, directeur général du groupe GBH. S’agissant de l’Hexagone, le recours au fret maritime et à un grossiste hexagonal renchérira les coûts. Quant à la zone géographique voisine, les barrières normatives et douanières constituent un premier handicap. En deuxième lieu, les productions locales voisines sont plus compétitives au niveau des prix en raison de coûts salariaux moindres et de ce fait plus adaptées au pouvoir d’achat moins élevé de leurs consommateurs.

Néanmoins, si cette production locale accroissait ses parts de marché, elle deviendrait plus compétitive. Par ailleurs, elle s’affirme comme une offre de qualité. 

b.   Une nécessaire structuration des filières

Une plus grande structuration des filières s’impose donc pour les Rapporteurs. Elle permet une meilleure circulation des informations entre les acteurs et diminue les coûts de production et de transaction.

M. Laurent Renouf, directeur des affaires économiques de la Fédération des entreprises des Outre-mer (FEDOM), a relevé que dans la zone Antilles-Guyane les acteurs locaux rechignaient à se regrouper tandis qu’à La Réunion les interprofessions s’étaient développées. Madame Claire Cerdan a ainsi indiqué qu’à La Réunion la structuration des éleveurs autour de l’abattoir depuis 1978 avait permis une plus grande coordination et un développement de cette filière. La Martinique a suivi cette voie depuis 2006.

En Guadeloupe, le président de l’interprofession viande et élevage, M. Gérard Blombou, a annoncé en mars dernier que les neuf coopératives existantes fusionneraient pour laisser la place à une structure unique. Cette restructuration permettra une mutualisation des moyens, des économies d’échelle et une ouverture sur d’autres marchés come la restauration collective.

De plus, la nécessité de se structurer permet de recevoir les aides du volet visant à maintenir et soutenir l’agriculture locale du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) ([60]). En effet, elles ne sont versées qu’aux interprofessions. C’est dans ce sens, que M. Benoît Lombriere délégué général adjoint d’Eurodom, lors de son audition devant la délégation aux Outre-mer a incité à mobiliser l'enveloppe CIOM du POSEI pour encourager la diversité des productions ce qui permettra de produire à un prix compétitif par rapport aux produits importés.

À ce titre, les Rapporteurs souhaitent souligner que l’enveloppe dédiée au développement des productions endogènes (mesures CIOM) n’a pas été revalorisée à hauteur de 45 millions d’euros au lieu de 40 millions d’euros actuellement, malgré les annonces présidentielles et gouvernementales. ([61]) La progression à 43 millions d’euros prévue dans le présent projet de loi de finances pour 2021 en cours de discussion au Parlement est un signal encourageant.

c.   La mise en avant des produits « péyi »

La mise en avant de la qualité des productions « péyi » séduit le consommateur. Mme Claire Cerdan, chercheur au CIRAD l’a reconnu, le consommateur ultra-marin exprime une volonté de manger local plus que bio.

La grande distribution affiche sa volonté d’encourager les produits alimentaires « péyi ». Dans les faits, elle favorise les produits importés sur lesquels ses marges sont plus importantes. C’est ainsi que les produits de dégagement, importations de produits surgelés à bas prix et de moindre qualité, constituent une offre concurrente aux produits locaux.

C’est pourquoi, il conviendrait d’obliger la grande distribution à mieux valoriser cette production. Selon M. Laurent Renouf, cela passe par une plus grande incitation à la négociation entre producteurs locaux, distributeurs et importateurs, ce qui permettrait d’accroître l’offre locale.

M. David Lorion, député de La Réunion, dans sa proposition de loi précitée ([62]) cosignée par les Rapporteurs suggère d’obliger les entreprises de la grande distribution de plus de 1 000 mètres carrés à réserver une surface de vente de 30 % dédié à l’offre de produits locaux. Cette disposition qui figurait dans la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer sans indications particulières n’a jamais été suivie d’effet. ([63])

De plus, une différenciation de ces produits avec une signalétique particulière renforcerait leur visibilité.

Une autre solution, plus contraignante est prévue par le code de commerce. L’article L.420-5 du code de commerce, qui n’a jamais été mis en application, prévoit que dans les départements d’Outre-mer le représentant de l’État peut rendre obligatoire la conclusion d’un accord entre d’une part les acteurs de l’importation et de la distribution et d’autre part ceux de la production et de la transformation locales lorsque que les denrées alimentaires produites localement sont similaires et proposées à des prix inférieurs à ceux de l’Hexagone.

Deux autres dispositifs peuvent constituer un tremplin à la diffusion de la production locale.

L’article L.230-5-1 du code rural et de la pêche maritime issu de la loi dite EGALIM ([64]) oblige la restauration scolaire à proposer dans ses menus une part égale à 50 % de produits répondant à au moins un critère de qualité au plus tard en 2022. Cet article représente une opportunité pour les producteurs locaux.

Parmi ces critères figurent, par exemple, les produits issus de l'agriculture biologique qui devront d'ailleurs représenter 20 % de la part des produits utilisés, ceux bénéficiant de signes de type label rouge ou écolabel, les produits locaux issus de circuits courts, ou ceux issus d'une exploitation inscrite dans la démarche menant à la haute valeur environnementale.

Ni la Guyane et Mayotte, où la restauration scolaire reste encore peu répandue, ne pourront profiter de cette disposition.

Les établissements scolaires sont dans l’obligation de lancer des appels d’offres, ce qui renforce la nécessité de structurer les filières car ces opérateurs seront les mieux placés pour concourir.

Le deuxième vecteur pourrait être les projets alimentaires territoriaux issus de la loi de 2014 ([65]) qui ont pour objectif d’encourager une production agricole locale avec pour corollaire de favoriser une éducation alimentaire et une plus grande solidarité. Cette année plusieurs projets lauréats ont été retenus en Outre-mer.

En Guyane, la Croix Rouge propose de monter deux dispositifs de distribution alimentaire en libre-service à Cayenne et à Saint Laurent du Maroni.

En Martinique, il s’agira de développer les jardins partagés et les boutiques solidaires.

À La Réunion, le parc national du cirque de Mafate souhaite favoriser une agriculture écologique et une alimentation locale en valorisant les savoir-faire traditionnels.

2.   Une alternative au modèle de la grande distribution : les circuits courts

Alors que ce modèle s’essouffle en Hexagone, l’hypermarché perdure en Outre-mer.

Ainsi à La Réunion, la grande distribution totalise 85 % des parts de marché des produits alimentaires. 17 hypermarchés pèsent 60 % de ces 85 % de parts de marchés. En 2019 sept enseignes se partageaient ce marché détenu par cinq groupes. ([66]) De même, en Polynésie française, dans l’agglomération de Papeete, la majorité des achats alimentaires s’effectue au sein de la grande distribution.

Une autre particularité du paysage ultra-marin est la faible implantation de magasins « hard discount » ou premier prix.

Néanmoins, les ultra-marins continuent de préférer les petites et moyennes surfaces alimentaires qui concentrent 10 % de leurs achats alimentaires ainsi que les marchés où ils réalisent 9 % de leurs courses contre respectivement 10 % et 7 % des achats en Hexagone. Ainsi, lors de son audition, M. Pascal Chevalier, chef du Département « Prix à la consommation et enquêtes ménages » de l’INSEE, a indiqué que les ultra-marins fréquentaient moins les hyper-marchés, à hauteur de 17 % de leurs achats alimentaires alors que les hexagonaux y effectuent 30 % de leurs courses alimentaires.

C’est pourquoi, une plus grande structuration des commerces indépendants, comme la création de coopératives permettra de peser sur les circuits d’approvisionnement, que ce soit au niveau des importations ou de la production locale.

Ce modèle permet également l’accroissement des circuits courts et la mise en valeur de la production locale.

Une étude précitée du cabinet de conseil Bolonyocte ([67]) détaille les résultats de la mise en place d’une coopérative de commerçants à Mayotte dénommée Macodis. Cette dernière, dont la structure juridique est une société anonyme à conseil d’administration, regroupe 13 commerçants qui détiennent 16 magasins dont la superficie s’échelonne de 50 à 200 mètres carrés.

Après un an, l’activité de ces magasins a cru de 30 % à 60 %. Les prix de vente des produits ont diminué de 30 %. Par ailleurs, 60 % de l’approvisionnement s’est effectué localement. Bien que cette initiative rencontre actuellement des difficultés, les propriétaires des commerces peinant à s’entendre au sein du conseil d’administration, le modèle n’est pas remis en cause.

À La Réunion, un projet pilote dénommé coopérative Bout’iks a permis aux commerçants indépendants de conclure des accords directs avec les fournisseurs locaux, de réduire leurs coûts d’achat de 15 % à 25 % et de baisser les prix de vente.

Les Rapporteurs préconisent donc de restructurer les commerces indépendants par la création de coopératives permettant de contrebalancer les circuits d’approvisionnement, que ce soit au niveau des importations ou de la production locale tout en permettant également d’accroître les circuits courts et la mise en valeur de la production locale. 

De même, le développement de circuits courts de distribution, marchés forains, vente de paniers en ligne permettent une alternative aux magasins de grande distribution. À La Réunion, des « ruches qui disent oui », des AMAPei ont été créées en ce sens.

Si les produits locaux sont plus diffusés, les ventes et les volumes augmenteront et de ce fait leurs prix diminueront.

La crise sanitaire liée au Covid 19 a démontré l'importance de l'autonomie alimentaire pour des territoires distants de leurs sources d’approvisionnement. La nécessité de développer la production locale de produits frais et d'encourager les circuits courts est apparue encore plus impérieuse. En effet, la diminution des liaisons aériennes a rendu les importations de produits alimentaires plus difficiles et plus onéreuses depuis l'Hexagone. Quant aux liaisons maritimes, bien que moins impactées, elles ont néanmoins subi des contraintes. La question du déchargement des containers a contribué à ralentir la distribution de denrées non périssables.

Seule La Réunion possède un taux de couverture de 70 % en produits frais. Durant la crise sanitaire, elle a ainsi pu écouler 2 000 tonnes de fruits et légumes.

De nombreuses initiatives ont émergé qui ont permis aux populations de ne pas subir de rupture d'approvisionnement en produits frais, particulièrement en fruits et légumes. Trois types d'actions ont été menés par les agriculteurs leur permettant à la fois d'écouler leur production alors même que restaurants et cantines étaient fermés et d'offrir au consommateur un cadre commercial plus sécurisant.

● La distribution de produits directement du producteur au consommateur par l'intermédiaire de « drive » fermier. En Polynésie française ce dispositif a permis de compenser la fermeture des marchés. Ce type de démarche a également été utilisée par les pêcheurs afin d'écouler leurs prises. À La Réunion le GAL (groupement des acteurs locaux) du Grand Sud a créé une application dénommée « Eloleo » qui présentait les agriculteurs proposant une vente directe à la ferme.

● La livraison à domicile ou dans des endroits dédiés de paniers après avoir passé commande auprès d'une plateforme internet. À Mayotte des colis paysans ont été proposés via l'application WhatsApp. En Guadeloupe, c'est par l'intermédiaire de Facebook que des paniers bio étaient proposés. À La Réunion ces initiatives ont été formalisées et regroupées par le département qui a créé une plateforme pour mettre en relation les producteurs indépendants et les consommateurs sur le modèle des AMAPei. La coordinatrice des dix ruches de La Réunion a constaté une augmentation significative des commandes, passant de 60 à 160 paniers par semaine. En Guadeloupe une initiative privée « Covid gwada » a fait de même. Cette plateforme numérique propose un annuaire des agriculteurs et des initiatives solidaires. Elle a ainsi recensé 70 producteurs référencés par catégorie et par secteur géographique.

● La tenue de micro marchés forains dans le respect des règles sanitaires. À La Réunion ceux-ci se tenaient dans des cours d'école.

Par ailleurs s'est instaurée une chaîne de solidarité entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs qui a permis de sauvegarder cette sécurité alimentaire.

 

 


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   RECOMMANDATIONS PROPOSéES PAR LES RAPPORTEURS

Améliorer les dispositifs de contrôle de la concurrence

1)     Renforcer les moyens, budgétaires et humains, alloués aux DIECCTE et à la DGCCRF, dans les collectivités régies par l’art. 73 de la Constitution et à Saint‑Martin.

2)     Inciter les collectivités territoriales à saisir l’Autorité de la concurrence en cas de doute sur une atteinte à la concurrence.

3)     Considérer les parts de marché comme critère pour le contrôle des opérations de concentration par l’Autorité de la concurrence.

4)     Revenir à la rédaction initiale de l’article L. 752-27 du code de commerce relatif au pouvoir d’injonction structurelle de l’Autorité de la concurrence pour faire cesser tout abus de position dominante, à savoir réunir ces deux conditions cumulatives : la première serait une position dominante détenue par le groupe ou le groupe d’entreprise et la deuxième se réfèrerait à la notion de préoccupation de concurrence du fait de prix ou de marges élevés pratiqués par l’entreprise ou le groupe en tenant compte du niveau de rentabilité du capital habituellement constaté dans le secteur économique concerné.

5)     Interdire toute discrimination entre partenaires commerciaux lorsqu’un importateur est le seul à proposer une marque. Une sanction serait prévue permettant de condamner le fait pour un acteur intégré disposant d’une exclusivité de fait de discriminer ses clients tiers par rapport à ses ventes intra-groupe.

Renforcer la transparence sur la formation des prix

6)     S’assurer de la mise en place effective des Observatoires des prix des marges et des revenus et renforcer les moyens alloués à ces structures.

7)     Favoriser le développement et la mise en valeur de la production locale en instituant une nouvelle mission à l’Observatoire des prix des marges et des revenus, l’analyse de la présence et la mise en valeur de la production locale au sein des enseignes du commerce et de la distribution.

8)     Permettre aux observatoires de participer aux négociations du bouclier qualité prix (BQP). L’article L.910-1-A du code de commerce serait modifié en ce sens.

9)     Encourager la constitution et la structuration d’associations locales de consommateurs afin de diffuser une plus grande culture de leurs droits.

 

Repenser le fonctionnement du bouclier qualité prix (BQP)

10)  Impliquer l’ensemble des acteurs du circuit de commercialisation dans les efforts commerciaux consentis dans le cadre du BQP, à savoir notamment les centrales d’achats, les grossistes, les transporteurs.

11)  Améliorer la publicité du dispositif dans les magasins en institutionnalisant la constitution d’ilots présentant les nouveaux produits inscrits dans le BQP lors de son lancement pour l’année à venir.

12)  Rendre obligatoire la présence du BQP pour tous les magasins appartenant à une enseigne de la grande distribution quelle que soit la surface.

13)  Uniformiser le BQP dans toutes les enseignes par une signalétique identique.

14)  Faire figurer expressément dans l’accord de modération la régulation des profits pour les distributeurs dans le cadre du BQP.

Mieux encadrer les promotions

15)  Réglementer la pratique des promotions afin qu’elles ne portent pas toujours sur les mêmes produits.

16)  Mettre en place un outil de comparaison des prix afin de faire jouer la concurrence entre enseignes. Les collectivités territoriales par l’intermédiaire des OPMR pourraient lancer un appel à projet pour la mise à disposition sur smartphone d’un tel comparateur.

Accroître la compétitivité des ports

17)  Réaliser, en utilisant résolument les crédits des plans de relance tant national qu’européen, des travaux d’infrastructures dans les ports afin de faciliter leur accès par des navires à forte capacité plus compétitifs.

Intégrer davantage les marchés dans les bassins géographiques

18)  Favoriser l’implantation de Postes d’inspection aux frontières (PIF), notamment sur le territoire guyanais, seul Outre-mer continental.

19)  Privilégier les circuits régionaux pour les importations.

Adapter le commerce en ligne

20)  Encourager l’envoi groupé de colis en permettant l’accomplissement d’une seule formalité douanière afin de faire baisser les coûts de livraison.

21)  Adapter le droit de la consommation afin d’obliger les enseignes de commerce en ligne à afficher de manière visible les taxes et octroi de mer applicables.

22)  Étudier la modulation du taux de l’octroi de mer pour les produits vendus en ligne.

Accroître la souveraineté alimentaire

23)  Mieux structurer les filières pour permettre une plus grande coordination et un développement de la production locale. 

24)  Obliger la grande distribution à mieux valoriser la production locale en incitant à la négociation entre producteurs locaux, distributeurs et importateurs afin d’accroître l’offre locale.

25)  Contraindre les entreprises de la grande distribution de plus de 1 000 mètres carrés à réserver une surface de vente de 30 % dédié à l’offre de produits locaux afin de suivre les dispositions de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer.

26)  Restructurer les commerces indépendants par la création de coopératives permettant de contrebalancer les circuits d’approvisionnement, que ce soit au niveau des importations ou de la production locale tout en permettant également d’accroître les circuits courts et la mise en valeur de la production locale. 

 

Une implication plus poussée du Parlement dans la lutte contre la vie chère

27)  Mettre en place une commission d’enquête parlementaire afin de pouvoir réaliser des auditions sous serment et avec une obligation de répondre aux convocations pour les auditionnés. Le non-respect de ces obligations pouvant donner suite à des poursuites pénales, ces auditions revêtiraient un caractère obligatoire assorties de sanctions dissuasives. Enfin, ces auditions pourront également être retransmises à la télévision, cela contribuant à informer en toute transparence le consommateur ultramarin.

 


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   examen par la dÉlÉgation

Lors de sa réunion du 3 décembre 2020, la Délégation aux Outre-mer a procédé à la présentation du rapport d’information sur le coût de la vie dans les Outre‑mer

La vidéo de cette réunion est consultable à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/AkBRaI

 

Puis la Délégation adopte le rapport d’information et ses propositions. Elle en autorise sa publication.

 

 

 


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   personnes entendues

 

 

Lundi 20 janvier 2020

     Mme Odile CLUZEL, sous-directrice de la communication, de la programmation et de la veille économique ;

     M. Gautier DUFLOS, chef du bureau en charge notamment de la coordination des sujets Outre-mer.

 

Mardi 21 janvier 2020

     M. Umberto BERKANI, rapporteur général adjoint ;

     Mme Hélène MESSMER, rapporteure ;

     M. Guénolé LE BER, rapporteur.

     M. Marc SCHWEITZER, responsable de l’Observatoire Économique et Monétaire (OEM) ;

     M. Bruno TERRIEN, Économiste sénior à l’Observatoire Économique et Monétaire (OEM).

     M. Matthieu MORANDO, économiste au département 3 Océans, qui couvre l’ensemble de l’Outre-Mer ;

     M. Bertrand SAVOYE, économiste au département diagnostics économiques et politiques publiques.

     Mme Claire CERDAN, Chercheur au CIRAD ;

     Mme Sandrine DURY, Directrice adjointe du département ES / CIRAD.

 

 

 

Mercredi 5 février 2020

     M. Laurent RENOUF directeur des affaires économiques et fiscales ;

     Mme Justine BERTHEAU D’INGRANDO chargée de mission Pacifique ;

     Mme Mélinda JERCO chargée de mission Antilles/Guyane et Saint Pierre et Miquelon.

 

Mardi 11 février 2020

     M. Pascal CHEVALIER, chef du Département « Prix à la consommation et enquêtes ménages ».

     M. Etienne CHANTREL, rapporteur général adjoint, chef du service des concentrations ;

     M. Pierre BOYADJIAN, rapporteur ;

     M. Antoine PIDANCET, rapporteur.

 

Mardi 18 février 2020

     M. Etienne DESPLANQUES, sous-directeur des politiques publiques ;

     M. Tony CHESNEAU, chef du bureau de la réglementation économique et fiscale Direction générale des Outre-mer ;

     Mme Touria LARBI, Chargée de mission « produits pétroliers, concurrence et prix ».

 

Mardi 25 février 2020

     M. René Claude ARGIS d’OMBE, président directeur général ;

     M. Vincent SAUREL, directeur établissement Rouen / Lines Manager.

     M. Jean-Pierre CHALUS, délégué général.

     M. Jacques GÉRAULT, conseiller institutionnel ;

     M. Charles FELD, chargé de relations institutionnelles.

 

 

Mercredi 14 octobre 2020

     M. François HUYGHUES DESPOINTES, Président du Directoire ;

     M. Sébastien DAIRE, Directeur technique et juridique.

 

Lundi 19 octobre 2020

     M. Stéphane HAYOT, Directeur général ;

     M. Fabrice de REYNAL, Directeur grande distribution Guadeloupe et Guyane.

 

 

Auditions menées en Guyane par le rapporteur Lénaïck Adam :

 

Vendredi 4 septembre 2020

     Stéphane MONTLOUIS, Secrétaire général du groupe Bernard Hayot ;

     M. Fabrice de REYNAL, Directeur régional de GBH Guadeloupe et Guyane ;

     M. Gilles KLAUS, futur directeur du carrefour Matoury ;

     M. François LEBOULANGER, directeur du carrefour Matoury.

Dimanche 6 septembre 2020

     M. Xavier CLAVEL, Directeur ;

     M. Dragoslav NIKOLIC, collaborateur de M Xavier CLAVEL.

     M. Marc DEL GRANDE, Préfet de Guyane.

 

 

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([1]) Loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer.

([2]) Réponse à une question d'actualité posée par le député Sébastien Jumel le 5 mai 2020.

([3]) Respectivement 16, 2 % en Guyane et 16,7 % à Mayotte.

([4]) Avis 19-A-12 du 4 juillet 2019 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-mer.

([5]) En Hexagone ce poste représente 16%.

([6])  INSEE Première Une pauvreté plus marquée dans les DOM, juillet 2020.

([7]) Le taux de pauvreté au seuil national est calculé à partir du niveau de vie de l’ensemble de la population française.

([8]) 0 correspond à une répartition parfaitement égalitaire tandis que 1 traduit une répartition parfaitement inégalitaire où tous les revenus sont concentrés.

([9]) Université Paris Dauphine Effets des surrémunérations des agents des administrations sur l’économie de la Réunion, décembre 2000.

([10]) Avis n°2019-a-02 du 19 septembre 2019 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution en Polynésie française.

([11]) IEOM bilan économique 2017 en Nouvelle-Calédonie.

([12]) ISEE synthèse annuelle Prix à la consommation mars 2020.

([13]) Taux réduit à 3%, taux spécifique à 6 %, taux normal à 11 % et taux supérieur à 22 %.

([14])Comparaison des prix de 150 produits et services, comme les voitures, la nourriture et les loyers, dans 133 villes dans le monde.

([15]) IEOM bilan économique 2018 à Wallis et Futuna.

([16]) Arrêté n°58 du 19 février 2018 fixant à nouveau le prix de vente  du pain dans le territoire.

([17]) Avis 09-A-45 du 08 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’Outre-mer.

 

([18])  Décision n° 18-DCC-188 du 6 novembre 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Avenir par la société Groupe Bernard Hayot.

([19]) Étude menée pour l’OPMR de La Réunion sur l’intérêt de la création de structures coopératives de commerçants indépendants à La Réunion, juin 2019.

([20]) 3 grues de quai et 4 portiques.

([21]) Uniquement à l’import.

([22]) Mesures prévues par l’article 299 § 2 du traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, puis par l’article 349 du traité de Lisbonne du 13 décembre 2007.

([23]) La loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer.

([24]) La décision 2004/162/CE du Conseil de l’Union européenne du 10 février 2004 relative à l’octroi de mer dans les départements français d’Outre-mer.

([25]) Décision du conseil n° 940/2014/UE du 17 décembre 2014 relative au régime de l'octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises.

([26]) La loi n° 2015-762 du 29 juin 2015 modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer.

([27]) Délibération n°2399/2015/cd relative à l’harmonisation des taux d’octroi de mer applicables dans le département de Mayotte.

 

([28]) Avis 09-A-45 du 8 septembre 2009 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution des produits de grande consommation dans les départements d’Outre-mer.

([29]) Avis n°2019-a-02 du 19 septembre 2019 relatif aux mécanismes d’importation et de distribution en Polynésie française.

 

([30]) Loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique Outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux Outre-mer.

 

([31]) Ce seuil est passé de 7,5 millions d’euros à 5 millions d’euros en 2012.

([32]) Alimentation, distribution automobile, carburants.

([33]) Article 8 de la loi codifié aux articles L.462-1 et L.462-5 du code de commerce.

([34]) Article 12 de la loi codifié à l’ article L.752-6-1 du code de commerce.

([35]) Décision 20-DCC-72 du 26 mai 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot.

 

([36]) L’article L.430-5-III du code de commerce permet au ministre de mener une étude plus approfondie et de statuer pour des motifs d’intérêt général autres que le maintien de la concurrence.

([37]) OPMR de la Réunion étude du cabinet de conseil Bolonyocte, opération de rachat du groupe Vindemia par le groupe GBH, mars 2020.

([38]) Proposition de loi n°2388 relative au développement et à la mise en valeur de la production locale dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution présentée par M. David Lorion et Lénaïck Adam, Ericka Bareigts, Nathalie Bassire, Huguette Bello, Moetai Brotherson, Claire GuionFirmin, Mansour Kamardine, JeanChristophe Lagarde, Max Mathiasin, Jean-Luc Poudroux, Didier Quentin, Nadia Ramassamy, Nicole Sanquer, Olivier Serva.

([39]) Programme 123 de la mission Outre-mer.

([40]) Décret n° 2012-1459 du 26 décembre 2012 relatif aux accords annuels de modération de prix de produits de grande consommation de l'article L. 410-5 du code de commerce.

([41]) Surfaces de plus de 2000 mètres carrés, moyennes surfaces et commerces de moins de 1 000 mètres carrés.

([42]) Grandes et moyennes surfaces, magasins discount et commerces de proximité.

([43]) Convention signée entre Super U et la préfecture le 17 juillet 2020.

([44]) Loi du 30 décembre 2019 de pays de soutien à la croissance de l’économie calédonienne.

([45]) A savoir les organisations professionnelles représentatives des secteurs de la production locale, de l’importation, de la distribution et du commerce de détail et les principales entreprises de ces secteurs.

([46]) 151 euros.

([47]) 210 euros.

([48]) 268 euros.

([49]) OPMR de La Réunion avis sur le bouclier qualité prix 2020, décembre 2019.

([50]) Produits locaux.

([51]) Étude menée pour l’OPMR de la Réunion sur l’intérêt de la création de structures coopératives de commerçants indépendants à la Réunion, juin 2019.

([52]) Chiffres 2019 IEDOM

([53]) Chiffres 2019 IEDOM

([54]) Chiffres 2019 IEDOM

([55]) Chiffres 2019 IEDOM

([56]) Selon l’INSEE, le taux d’équipement atteint les 75 % contre 83 % en Hexagone.

([57]) Selon l’INSEE, l’accès à internet est de 83 % contre 85 % en Hexagone.

([58]) Règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d'autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d'établissement des clients dans le marché intérieur, et modifiant les règlements (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE

([59]) Article L.121-23 du code de la consommation.

([60]) Enveloppe CIOM.

([61]) Visite du président de la République Emmanuel Macron à la Réunion en octobre 2019.

([62]) Proposition de loi n°2388 relative au développement et à la mise en valeur de la production locale dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution présentée par M. David Lorion et Lénaïck Adam, Ericka Bareigts, Nathalie Bassire, Huguette Bello, Moetai Brotherson, Claire Guion‑Firmin, Mansour Kamardine, JeanChristophe Lagarde, Max Mathiasin, Jean-Luc Poudroux, Didier Quentin, Nadia Ramassamy, Nicole Sanquer, Olivier Serva.

([63]) Article 4 : « Dans les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution et dans les collectivités d'Outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les entreprises de grande distribution ont l'obligation de réserver une surface de vente dédiée aux productions régionales. »

([64]) Article 24 de la  loi  n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([65]) Article premier de la loi n°2014-1170 du 13octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

([66]) Étude du cabinet Bolonyocte consulting menée pour l’OPMR de la Réunion sur l’intérêt de la création de structures coopératives de commerçants indépendants à la Réunion, juin 2019.

([67]) Étude menée pour l’OPMR de la Réunion sur l’intérêt de la création de structures coopératives de commerçants indépendants à la Réunion, juin 2019.