N° 3737

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 janvier 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)

sur l’objectif européen de neutralité climatique en 2050

 

ET PRÉSENTÉ

par M. Bernard DEFLESSELLES et Mme Nicole Le PEIH

Députés

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(1)     La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, vice‑présidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Damien ABAD, Patrice ANATO, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Fannette CHARVIER, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Coralie DUBOST, Françoise DUMAS, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Alexandre FRESCHI, Mmes Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Mme Chantal JOURDAN, M. Jérôme LAMBERT, Mmes Constance Le GRIP, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Claude LECLABART, Patrick LOISEAU, David LORION, Ludovic MENDES, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, MM. Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, Jean‑Pierre PONT, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, MM. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : la neutralité climatique en 2050, un impératif pour se conformer aux Accords de Paris

I. les différents scénarios de réchauffement sont alarmants

A. D’ici à 2050, le caractère irréversible du réchauffement

1. L’effet cumulatif des différents gaz à effet de serre dans l’atmosphère

2. Un potentiel « emballement » du climat ?

3. Un décalage entre action et résultats facteur de tensions

4. Une responsabilité des différents États à géométrie variable

B. Les différentes projections scientifiques montrent des trajectoires de réchauffement dépassant largement les objectifs de l’Accord de Paris

1. L’insuffisance des contributions nationales pour respecter l’Accord de Paris

2. Des effets du réchauffement déjà mesurables et qui vont s’accroître

3. L’année 2021 : une année décisive pour les négociations climatiques internationales

II. Malgré de réels progrès, l’Europe doit accélérer les efforts en matière de réduction des émissions

A. à l’échelle de l’Union, une transition énergÉtique amorcée dans les années 1990

1. Un découplage de la croissance et des émissions depuis 1990, qui tient insuffisamment compte des émissions importées

2. L’abandon progressif des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables

3. Les progrès indéniables de la gouvernance de l’énergie

B. Une réduction insuffisante des émissions pour contenir le rÉchauffement en dessous des 2°C

1. La transition énergétique au sein de l’Union : des différences d’approches et de situations

2. L’efficacité énergétique doit être significativement renforcée

3. Bâtiments et mobilités : une accélération des efforts est nécessaire

DEUXIÈME PARTIE : la loi climat, le pacte vert et le plan de relance, arsenal de l’Union européenne pour l’atteinte de la neutralité carbone

I. Le Pacte vert, la stratégie globale de la Commission pour parvenir à la neutralité carbone

A. Une stratégie globale et cohérente, qui englobe de nombreuses politiques sectorielles de l’Union

1. Une révision systémique bienvenue des politiques de l’Union

2. Au cœur de la transition : la révision nécessaire du modèle agricole en réconciliant PAC et biodiversité

a. La révision de la PAC et la stratégie « De la ferme à la table »

b. La stratégie pour la biodiversité

3. L’élaboration de nouvelles stratégies pour une révision en profondeur des politiques sectorielles

a. Énergie : un secteur prioritaire pour la neutralité climatique

b. Forêts : des puits de carbone qui doivent être valorisés par une gestion durable

c. Économie circulaire : un nouveau modèle pour une plus grande sobriété carbone

d. Transports : un levier d’action incontournable

e. Bâtiments : pour une rénovation réduisant la consommation de carbone

f. Politique commerciale : un instrument d’influence internationale au service des engagements climatiques

B. La question clé du prix du carbone

1. Un enjeu décisif pour l’Union européenne, aussi bien à l’intérieur que dans ses relations extérieures

2. L’amélioration nécessaire du marché des quotas carbone

a. Un déploiement en plusieurs phases

b. Une révision rendue nécessaire par les failles apparues lors de la mise en œuvre du SEQE-UE

c. Une nouvelle révision à venir dans le cadre du Pacte vert

3. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

C. L’acceptabilité de la transition, condition nécessaire à la réussite du Pacte vert

1. Le mécanisme pour une transition juste : emmener tous les États membres dans un effort collectif

a. Une proposition initiale ambitieuse

b. Des montants revus à la hausse… puis à la baisse

2. Une meilleure implication de la société dans la réflexion sur la neutralité climatique doit être encouragée

a. Le rôle et les moyens octroyés aux instances de supervision indépendantes

b. La contribution des scientifiques à l’élaboration des budgets carbone

c. Une inclusion plus grande des citoyens à favoriser

d. Une responsabilisation renforcée des comportements individuels

II. Le plan de relance et le cFP : unE occasion historique d’accélérer la transition énergétique de l’Union européenne

A. De nouveaux financements potentiels pour le climat

1. Le Cadre financier pluriannuel 2021-2027

2. Un plan de relance européen en voie de finalisation

B. un nécessaire ciblage des investissements pour une reprise durable : de la taxonomie verte A L’ANALYSE DE LA PERFORMANCE EXTRA-FINANCIÈRE

III. La loi climat en discussion : une nouvelle trajectoire climatique européenne pour atteindre la neutralité carbone en 2050

A. un accord sur la loi climat avant la fin de l’année 2020 : une priorité de la présidence Allemande

1. Le projet amendé de la Commission

2. La position ambitieuse du Parlement

3. Les négociations difficiles au Conseil

4. Le Conseil européen des 10 et 11 décembre : vers un accord entre les États membres

B. Quel périmètre pour l’Europe du climat ?

1. Le bon niveau de fixation des objectifs : la répartition de l’effort

2. L’inclusion ou non des « UTCATF »

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe I : Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

annexe II : Evolution de la température moyenne de l’air au niveau du sol pour l’hémisphere nord de l’an 700 a l’an 2000

annexe III : La menace des « points de bascule climatiques »

annexe IV  : croissance annuelle des principaux facteurs des emissions mondiales de cO2 et composants des emissions de gaz À effet de serre

Annexe V : l’hétÉrogÉnÉité de l’effet à court terme du rÉchauffement climatique  sur le taux de croissance du pib

Annexe VI : Impact du changement climatique dans les rÉgions d’Europe

Annexe VII : Effets potentiels sur la dÉcennie des mesures du plan de relance

Annexe VIII : Focus sur la trajectoire française

Annexe IX : le cycle du mÉthane

Annexe X : Évolution de la consommation du charbon et progression des renouvelables en Allemagne

Annexe XI : amélioration de la compétitivitÉ  des énergies renouvelables

ANNEXE XII : résolution européenne


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   Introduction

 

 

Mesdames, Messieurs,

La proposition de règlement pour une loi européenne sur le climat, dont les négociations sont en voie de s’achever, affiche pour l’Union un cap ambitieux, la neutralité climatique en 2050. Cela est cohérent avec l’Accord de Paris, qui prévoit l’atteinte d’un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et les absorptions par les puits de carbone à l’échelle mondiale dans la seconde partie du siècle pour contenir le réchauffement planétaire nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Cela est conforme également à la responsabilité historique du continent européen, puisque si l’Union représente moins de 10 % des émissions mondiales aujourd’hui, elle est à l’origine de 20 % des émissions cumulées depuis 1870, selon le consortium international de quatre-vingt-dix scientifiques réunis dans le Global carbon project.

Dès 2008, l’Union affirmait ses objectifs climatiques sous la forme d’un premier paquet énergie-climat, avec la règle des « trois fois vingt » : une réduction des émissions de CO2 de 20 % par rapport à 1990 ; une part de 20 % d'énergies renouvelables dans l'énergie consommée et une réduction de 20 % de la consommation énergétique.

Le second paquet énergie-climat, adopté en 2014 et révisé en 2018 dans le cadre du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » prolongeait cette ambition pour l’horizon 2030 avec une réduction des émissions de GES d'au moins 40 % par rapport à 1990 ; une part d’au moins 32 % d’énergies renouvelables dans l’énergie consommée et une amélioration de l'efficacité énergétique d'au moins 32,5 %.

Mais dans son dernier rapport annuel sur les tendances et projections européennes daté de novembre 2019, l’Agence européenne de l’environnement établit que les efforts réalisés par les États membres demeurent insuffisants pour atteindre les objectifs pour 2030.

Concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les objectifs de 2020 devraient être remplis, voire dépassés. En revanche, les projections pour 2030, même lorsqu’elles prennent en compte les efforts supplémentaires prévus par les États membres pour les années suivantes, ne prévoient pas que les États puissent atteindre l’objectif de réduction fixé à 40 % des émissions par rapport à 1990, et encore moins le nouvel objectif de 55 % avancé par la Commission, et sur lequel viennent de s’entendre les États lors du Conseil européen du 11 décembre. La baisse des émissions de GES par rapport à 1990 pourrait ainsi se limiter à 36 % à l’échéance 2040.

L’analyse de la Commission européenne des Plans nationaux des États membres en matière d’énergie et de climat (PNEC), publiée le 17 septembre 2020, confirme d’ailleurs le caractère très insuffisant des mesures engagées pour atteindre une réduction de 55 % des émissions en 2030 : atteindre cet objectif nécessitera un véritable coup d’accélérateur.

Les objectifs de l’Union sont ambitieux, avec 55 % de réduction en 2030 et l’objectif de neutralité en 2050. Mais pour respecter l’objectif d’une augmentation maximale de 2 °C, il faudrait atteindre au niveau mondial dès 2020 le pic des émissions, et les diviser par deux d’ici à 2050, ce qui équivaut à une réduction des émissions de 7,6 % par an.

En comparaison, la réduction exceptionnelle projetée pour 2020 en raison de la quasi-mise à l’arrêt de l’économie mondiale suite à la pandémie de COVID-19 devrait s’élever à 6,7 %, ce qui illustre bien les efforts majeurs qui seraient nécessaires pour atteindre une réduction annuelle de 7,6 %.

Au-delà de la loi européenne pour la neutralité climatique à l’échéance 2050, notre rapport a voulu balayer les différents instruments mobilisés pour parvenir à cette neutralité carbone. À travers le Pacte vert, c’est un ensemble très vaste des politiques de l’Union qui doit être reconsidéré sous l’angle de la transition vers la neutralité carbone.

De la nouvelle politique agricole commune, en lien avec la stratégie « de la ferme à la table », à la révision de la politique de l’énergie en passant par le secteur des transports ou du bâtiment, c’est bien dans un travail systématique de révision des politiques passées que s’est engagée la Commission sous la présidence de Mme Ursula von der Leyen.

Ces déclinaisons sectorielles s’accompagnent de la réforme à venir d’instruments existants, comme le marché des quotas d’émission, ou de l’approfondissement de certains outils d’aide à la décision, comme la taxonomie financière pour favoriser les investissements favorables à une croissance décarbonée.

Elles doivent aller de pair avec la création de dispositifs désormais cruciaux, comme le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, une forme de taxation des importations en fonction de leur bilan carbone. Un tel mécanisme contribuerait à réduire l’empreinte carbone de l’Europe en réduisant la part de carbone consommée sur son territoire au travers des biens et services importés. En effet, cette taxation, en rendant plus chers les produits « riches en carbone », aurait un double effet : désincitatif envers les consommateurs, qui seraient portés à reporter leur choix sur des biens plus décarbonés, et incitatif pour les partenaires commerciaux de l’Union, qui se trouveraient encouragés à mieux respecter les ambitions climatiques dans le cadre du commerce international. En outre, selon les estimations de la Commission, ce mécanisme pourrait rapporter de 5 à 14 milliards d’euros par an au budget européen en fonction de son étendue et des produits importés concernés.

L’utilisation des fonds dans le cadre du plan de relance européen doit aussi contribuer à cette transition du modèle européen vers la neutralité carbone, en fléchant 37 % des crédits vers des objectifs environnementaux. À notre sens, cette obligation doit faire l’objet d’une évaluation stricte, dès lors que les subventions commenceront à être attribuées, pour ne pas limiter à des effets d’affichage l’effort annoncé. De plus, il ne suffit pas de promouvoir, par des investissements en partie publics, des technologies ou des secteurs facilitant le passage à la neutralité climatique. Il s’agit également de cesser de financer les secteurs qui ralentissent la progression vers cet objectif.

Concernant les mécanismes de solidarité, le soutien aux États membres les plus éloignés des objectifs pour la transition vers la neutralité carbone doit être une priorité, car il est aujourd’hui indispensable de dépasser le seul engagement collectif au niveau de l’Union pour que chaque pays prenne sa part sous la forme d’un objectif national contraignant, éventuellement assorti de sanctions en cas de non–respect.

Alors que les Nations-Unies ont déclaré cinq ans après l’Accord de Paris l’état d’urgence climatique, l’Union européenne se doit de rester le moteur de cette transformation environnementale : la loi climat sur la neutralité carbone et le pacte vert entendent lui donner les moyens d’atteindre cette ambition.

 

 

   PREMIÈRE PARTIE :
la neutralité climatique en 2050, un impératif
pour se conformer aux Accords de Paris

I.   les différents scénarios de réchauffement sont alarmants

A.   D’ici à 2050, le caractère irréversible du réchauffement

1.   L’effet cumulatif des différents gaz à effet de serre dans l’atmosphère

Les températures se sont déjà élevées de près d’1° C en moyenne par rapport à l’ère préindustrielle depuis la fin du XIXe siècle. Quelle que soit l’action des États, le réchauffement de la planète est inéluctable pendant les vingt à trente prochaines années, en raison du cumul des émissions des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, parmi lesquels le dioxyde de carbone (CO2), qui joue un rôle prépondérant en raison de sa durée de vie approchant d’un siècle. Près de la moitié du carbone émis est absorbée par les puits de carbone que sont les terres et les océans, mais l’autre moitié s’accumule ainsi durablement dans l’atmosphère, depuis la diffusion du charbon comme combustible dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Ce phénomène s’accélère avec le recours massif au pétrole, dans la deuxième moitié du XXe siècle. La teneur moyenne du CO2 dans l’atmosphère avant la révolution industrielle était d’environ 280 parties par million (ppm). En 2018, elle était de 410 ppm, ce qui en fait le premier gaz à effet de serre dont la teneur dans l’atmosphère est affectée par l’activité humaine ([1]).

Si l’accumulation de carbone dans l’atmosphère est la cause principale du réchauffement climatique, il faut également tenir compte des deux autres gaz à effet de serre que sont le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O).

La concentration de méthane dans l’atmosphère a des effets plus attendus à court terme, qu’à long terme. L’émission de méthane a plus que doublé depuis le début de l’ère industrielle, ce qui en fait la deuxième cause anthropique d’accroissement de l’effet de serre, les émissions étant à 60 % liées aux activités humaines et provenant des secteurs des énergies fossiles, de l’agriculture et des déchets ([2]). Ainsi, selon le consortium international de 90 scientifiques réunis dans le Global carbon project, le méthane est responsable de 23 % du réchauffement depuis l’ère préindustrielle, et les émissions de méthane ont augmenté de 9 % entre la période de référence 2000-2006 et 2017, pour atteindre les niveaux les plus élevés jamais enregistrés. Or le méthane a un potentiel de réchauffement à 100 ans plus de vingt-cinq fois supérieur à celui du CO2. Sa courte durée de vie dans l’atmosphère (environ neuf ans) permet cependant de rendre rapidement visibles les bénéfices d’une baisse de réduction des émissions, d’autant que ce gaz a un impact sur la qualité de l’air et la formation de l’ozone.

Il faut cependant souligner que les émissions de méthane ont tendance à baisser sur le continent européen, en raison notamment de l’amélioration des politiques agricoles. Ce sont l’Afrique, la Chine et l’Asie du Sud qui sont à l’origine de la majeure partie de cette augmentation.

La teneur en protoxyde d’azote dans l’atmosphère a, quant à elle, augmenté d’un peu plus de 20 % depuis le début de l’ère industrielle, sa principale source anthropique étant l’épandage de fertilisants azotés pour accroître les rendements agricoles. La durée de vie du N2O est en moyenne de 121 ans : les bénéfices de la réduction des émissions ne sont donc pas aussi grands.

2.   Un potentiel « emballement » du climat ?

L’augmentation des températures se fait à une vitesse inédite. Pendant les 800 000 dernières années, l’augmentation de température la plus rapide a représenté 1°C en 1 000 ans. Aujourd’hui, nous enregistrons déjà une hausse de la température de 1°C par rapport à l’ère préindustrielle (voir l’annexe 2).

Si nous respectons l’objectif de la neutralité carbone en 2050, alors le réchauffement climatique, bien que limité à 2°C dans la seconde partie du siècle, représenterait déjà une augmentation des températures en 200 ans dix fois plus rapide que l’augmentation de température la plus rapide observée dans le dernier million d’années : des changements trop rapides pour que les écosystèmes puissent s’y adapter ([3]).

En outre, il faut tenir compte de l’effet amplificateur de certains processus liés au réchauffement climatique, qui entraînent le climat dans un cercle vicieux : fonte du permafrost, de la banquise et des glaciers de l’océan Arctique et de l’Antarctique, altération de la forêt amazonienne.

Les climatologues appellent « points de bascule » (tipping point) ces franchissements de seuil provoquant un changement radical et irréversible des grands régulateurs climatiques de la planète. Alors que nous pensions que ces phénomènes n’interviendraient qu’avec un réchauffement de 5° degrés, deux récents rapports spéciaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indiquent que ces points de bascule pourraient être atteints avec un réchauffement entre 1 et 2 degrés ([4]). Selon un article de la revue Nature de novembre 2019 ([5]), neuf points de bascule sur les quinze identifiés seraient déjà atteints (voir annexe II), à commencer par grands glaciers de l’Antarctique, qui sont arrivés à un point de non-retour. L’ajustement des glaciers provoquera une hausse du niveau des mers qui se poursuivra pendant plusieurs millénaires, quelle que soit notre action contre le réchauffement.

3.   Un décalage entre action et résultats facteur de tensions

Pendant plusieurs décennies, les sociétés feront des efforts pour réduire les émissions mais les températures continueront d’augmenter. Les efforts pour stabiliser et réduire les émissions peuvent être facteurs de tensions politiques et sociales.

Dans les régimes autoritaires, le risque est d’utiliser l’urgence climatique pour renforcer le caractère arbitraire et expéditif des mesures imposées.

Dans les sociétés démocratiques européennes, cela peut engendrer frustration, impatience, voire une forme de radicalisation des sociétés avec un risque d’émergence d’une forme de populisme anti-écologique. Face à l’urgence de la situation et pour se conformer aux objectifs toujours plus ambitieux de réduction des émissions, la tentation peut être forte de court-circuiter le débat démocratique pour obtenir des résultats rapides.

Il reste que ce décalage temporel entre l’action et les résultats ne doit pas être un prétexte à l’inaction. Au contraire, la préoccupation climatique est un dénominateur commun de la jeunesse européenne. C’est un sujet idoine pour recréer les conditions de la confiance dans nos institutions européennes.

Vos rapporteurs insistent donc sur l’opportunité d’utiliser les problématiques inhérentes au défi climatique pour faire évoluer les outils de la démocratie européenne. De la préparation des décisions à leur évaluation, les citoyens doivent être en mesurer de prendre part à l’action, pour recréer les conditions d’une responsabilité collective et individuelle dans l’atteinte des résultats. Mais cette plus grande association ne doit pas laisser de côté les élus nationaux et européens, qui restent les premiers représentants des intérêts collectifs et doivent, à ce titre, prendre toute leur part dans les processus de décision.

4.   Une responsabilité des différents États à géométrie variable

La responsabilité des États dépend de nombreux facteurs, notamment le cumul historique des émissions, la taille du PIB ou la population. L’Union représente 10 % des émissions mondiales aujourd’hui ([6]), mais 20 % des émissions cumulées depuis 1870. Or ce sont les émissions cumulées qui déterminent le réchauffement : la responsabilité de l’Union est donc importante. Toute seule, l’Union ne peut contenir le réchauffement climatique global mais son effort est important, car sans ambition européenne, il est peu probable que les gros émetteurs fassent plus d’efforts.


Source : Global Carbon Project

De même, la prise en compte des émissions importées, qui sont celles liées aux consommations et aux modes de vie des habitants reflète l’état de la mondialisation et des équilibres entre pays producteurs et pays consommateurs : un niveau d’émission plus élevé pour l’Union européenne et les États-Unis, et plus faible pour les pays comme la Chine ou l’Inde. On utilise la notion « d’empreinte carbone » pour mesurer l’impact d’une activité ou d’un objet sur le changement climatique en prenant en compte les échanges entre les pays (importations et exportations). Ainsi, lorsque l’on tient compte de l’empreinte carbone, les émissions par habitant de l’Union européenne sont plus élevées que celles de la Chine.

 

Émissions de CO2 en 2017

(en tonne
équivalent par habitant)

Attribuées
au point territorial d’émission

Attribuées
au point de consommation

Chine

7.5

6

États-Unis d’Amérique

16

17.5

Union européenne à 28

7

8.5

Inde

2

2

France

4,5

11,2

 

Source : Rapport 2019 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions du Programme des Nations unies pour l’environnement

 

 

B.   Les différentes projections scientifiques montrent des trajectoires de réchauffement dépassant largement les objectifs de l’Accord de Paris

1.   L’insuffisance des contributions nationales pour respecter l’Accord de Paris

D’après le programme des Nations unies pour l’environnement, les promesses actuelles des États dans le cadre de l’Accord de Paris conduiraient à un réchauffement en 2100 de 3,2 °C si les CDN non conditionnelles étaient respectées, de 3°C si les CDN conditionnelles l’étaient également.

Or non seulement ces engagements sont insuffisants, mais ils ne sont à ce stade pas tenus. Le réchauffement pourrait donc aller bien au-delà de 3 degrés. Les pires scénarios évoquent un réchauffement pouvant atteindre 4 ou 5 degrés (voire plus) en 2100, en incluant les effets amplificateurs induits par l’atteinte de points de bascule (comme le dégel massif des sols gelés.)

 

Source : Rapport 2019 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions du Programme des Nations Unies pour l’environnement

Pour atteindre l’objectif de 2°, les États devraient tripler le niveau d’ambition de leurs CDN et plus que le quintupler pour l’objectif de 1,5° C de réchauffement, qui semble d’ores-et-déjà hors de portée. Le GIEC estime que le budget carbone restant pour maintenir le réchauffement en-dessous de 1,5° est de 130 milliards de tonnes de dioxyde de carbone. Or les émissions globales de CO2 atteignent près de 11,5 milliards de tonnes par an, ce qui signifie, en poursuivant la trajectoire actuelle, que nous épuiserons notre budget carbone en moins de dix ans.

Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, l’Union européenne devrait réaliser les objectifs de sa CDN. La Commission européenne a indiqué que l’objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre que l’Union s’est fixé pour 2030 pourrait être dépassé.

 

Pour respecter l’objectif d’une augmentation maximale de 2°C, il faudrait atteindre dès 2020 le pic des émissions, et les diviser par deux d’ici à 2050, ce qui équivaut à une réduction des émissions de 7,6 % par an.

En comparaison, la réduction opérée en France lors de l’année 2019, pourtant la plus favorable de la décennie, n’aura été que d’environ 1 %. Plus frappant encore, la réduction exceptionnelle projetée pour 2020 en raison de la quasi mise à l’arrêt de l’économie mondiale suite à la pandémie de COVID19 devrait s’élever à 6,7 %, ce qui illustre bien les efforts majeurs qui seraient nécessaires pour atteindre une réduction annuelle de 7,6 %.

2.   Des effets du réchauffement déjà mesurables et qui vont s’accroître

Dans son rapport annuel 2020, le Haut Conseil pour le climat rappelle que l’année 2019 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée en Europe et que les années 2015-2019 ont été les années les plus chaudes jamais enregistrées dans le monde. Vos rapporteurs ont pu auditionner sa présidente, Corinne Le Quéré, qui leur a exposé ce diagnostic et la nécessité d’accélérer significativement les efforts nationaux et européens pour atteindre les objectifs fixés de réduction des émissions.

En France, l’année 2019 a été marquée par une sécheresse et deux vagues de chaleur exceptionnelles. L’Agence européenne de l’environnement a publié en février 2020 une analyse de l’impact du réchauffement climatique en comparant deux scénarios : celui d’un réchauffement de 2°C en 2100, et celui d’un non-respect par les États de l’Accord de Paris conduisant à un réchauffement de 4°C. Même dans un scénario à 2°C, l’impact est significatif : augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur, des sécheresses, des risques de feux de forêts, avec des effets majeurs sur les écosystèmes, les secteurs économiques, la santé et le bien-être. En Espagne, en Grèce et dans le sud de l’Italie, la fréquence des sécheresses entre 2041et 2070 pourrait être multipliée par 2,5. Les projections montrent également une multiplication des épisodes de fortes pluies dans la plupart des régions d’Europe, notamment en Europe centrale et orientale.

Au niveau mondial, selon le rapport de la commission mondiale sur l’adaptation, le changement climatique pourrait faire basculer plus de 100 millions de personnes dans la pauvreté d’ici à 2030 et le rendement des cultures pourrait chuter de 5 à 30 % d’ici à 2050, laissant les régions particulièrement vulnérables en situation d’insécurité alimentaire. Selon une modélisation présentée par Oxford Economics, un réchauffement de 3°C d’ici à 2100 pourrait se traduire par une baisse du PIB mondial de 21 % avec un accroissement des inégalités entre les pays, l’ampleur des pertes étant directement corrélées au niveau d’augmentation de la température.

3.   L’année 2021 : une année décisive pour les négociations climatiques internationales

La pandémie de COVID-19 a entraîné des retards dans les négociations diplomatiques internationales : la COP26, initialement prévue en novembre 2020 à Glasgow a été reportée à novembre 2021. Or, l’Accord de Paris prévoit qu’en 2020 les pays signataires mettent à jour leurs contributions et présentent leur stratégie à long terme de développement à faible émission. Afin de préserver le dynamisme des négociations, il est essentiel de tenir le calendrier prévu par l’Accord de Paris et d’actualiser les CDN en 2020. Compte tenu du rôle qu’elle assume dans les négociations diplomatiques internationales, et pour la crédibilité de sa propre politique climatique, l’Union européenne doit se positionner avant la fin de l’année 2020 sur sa stratégie de long terme.

II.   Malgré de réels progrès, l’Europe doit accélérer les efforts en matière de réduction des émissions

A.   à l’échelle de l’Union, une transition énergÉtique amorcée dans les années 1990

1.   Un découplage de la croissance et des émissions depuis 1990, qui tient insuffisamment compte des émissions importées

Source : Global Carbon Project

L’Europe a commencé sa transition énergétique : entre 1990 et 2018, elle a réduit de 23 % ses émissions de gaz à effet de serre, tandis que l’économie enregistrait une croissance de 61 % ([7]), ce qui prouve, selon la Commission, la compatibilité d’un certain modèle de croissance avec les objectifs de la politique climatique.

Cette approche est contestée par de nombreux experts, comme l’économiste Jean-Marc Jancovici ou la sociologue Dominique Méda en France, qui estiment que lutter contre la crise climatique passera par une réduction significative de la production et de la consommation, et une rupture avec la notion traditionnelle de la croissance comprise comme une augmentation continue du produit intérieur brut (PIB), dans la lignée du « rapport Meadows » du club de Rome de 1972 sur les limites à la croissance ([8]).

De fait, le découplage de la croissance et de la réduction des émissions doit être relativisé, car il ne prend pas en compte les émissions importées. Si cette question n’est pas pertinente au niveau européen, car les exportations et les importations s’équilibrent, elle se pose pour les pays comme la France, qui ont connu un mouvement important de délocalisation. Ainsi, entre 1995 et 2015, les émissions domestiques de la France ont baissé de 20 %, mais son empreinte carbone a augmenté de 11 %, car le niveau d’émission de gaz à effet de serre lié à la fabrication des produits importés est presque toujours supérieur à celui des mêmes produits fabriqués en France. La désindustrialisation continue de la France a donc eu un impact négatif sur le climat et il est essentiel, compte tenu de ces effets de bords, de favoriser la production locale et la réindustrialisation, y compris pour des raisons climatiques.

2.   L’abandon progressif des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables

Le pic de la consommation d’énergie fossile en Europe a été atteint en 2006, date à partir de laquelle elle baisse. La fin du charbon est perceptible en Europe : les émissions du secteur de l’électricité ont chuté de 12 % en 2019 par rapport à 2018, en grande partie en raison de la baisse de l’utilisation du charbon, y compris en Allemagne et en Pologne. En Allemagne, la hausse des renouvelables est telle qu’elle permet à la fois de réduire la production nucléaire et le charbon. Ainsi, en 2019, les renouvelables ont produit plus d’électricité en Allemagne que le charbon et le nucléaire (voir annexe V). Si la tendance se poursuit, le renouvelable produira la majorité de l’électricité allemande d’ici à 2025. La Slovaquie, pourtant très industrialisée et dépendante du charbon, compte en sortir avant 2030. Au Royaume-Uni, la part du charbon dans la production électrique est passée de 40 % en 2012 à 2 % en 2019, au bénéfice des renouvelables, passées de 4 % en 2010 à 32 % en 2019.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre est également liée à l’évolution du prix du carbone sur le marché des quotas de carbone, dit système ETS. En 2019, la montée du prix du carbone à 25 euros la tonne s’est traduite par une baisse des émissions du secteur ETS en Europe de 8 %.

3.   Les progrès indéniables de la gouvernance de l’énergie

Si la politique énergétique de l’Union européenne se caractérise par une contradiction apparente entre la nécessité d’une convergence accrue pour garantir l’efficacité de la politique climatique et le respect de la souveraineté des États membres sur le choix de leurs bouquets énergétiques, comme consacrée à l’article 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les progrès de la gouvernance de l’énergie ont contribué à accélérer la transition énergétique.

Source : Ministère de la transition écologique

Le premier paquet énergie-climat, adopté en 2008, avait fixé trois objectifs à l'horizon 2020 :

       Une réduction des émissions de CO2 de 20 % par rapport à 1990 ;

       Une part de 20 % d'énergies renouvelables dans l'énergie consommée ;

       Une réduction de 20 % de la consommation énergétique par rapport aux projections faites en 2007 (objectif qui n'était assorti d'aucune valeur juridiquement contraignante).

Le second paquet énergie-climat, adopté en 2014 et révisé en 2018 dans le cadre du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens » prolonge cette ambition et prévoit pour l’horizon 2030 :

       Une réduction des émissions de GES d'au moins 40 % par rapport à 1990 ;

       Une part d’au moins 32 % d’énergies renouvelables dans l’énergie consommée ;

       Une amélioration de l'efficacité énergétique d'au moins 32,5 %.

Ce cadre d’action avait d’abord été adopté par le Conseil européen en octobre 2014 (les objectifs étaient alors de 40 % pour la réduction des émissions de GES, de 27 % pour la part d’énergies renouvelables et de 27 % pour l’amélioration de l’efficacité énergétique).

Ce cadre a été complété par une batterie de textes législatifs, parmi lesquels : la réforme du système européen d’échange de quotas d’émission (55 % des émissions de l’Union, secteurs de la production d’énergie et de l’industrie lourde), l’actualisation de la répartition entre les États membres des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les secteurs non couverts par le système ETS (45 % des émissions de l’Union, secteurs de l’agriculture, des transports, du bâtiment…), l’adaptation du cadre européen de développement des énergies renouvelables ([9]), la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, et l’adoption du paquet « mobilité propre », qui vise à accélérer la transition vers des véhicules à émissions faibles ou nulles.

Surtout, l’Union a défini une gouvernance de l’énergie ([10]) permettant d’assurer le respect de sa trajectoire climatique fondée sur un dialogue structuré entre la Commission et les États membres s’appuyant sur la définition, par chaque État membre, de plans nationaux en matière d’énergie et climat qui adaptent les objectifs de l’Union en matière de réduction des gaz à effet de serre, d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique aux spécificités des pays.

Il est prévu que la Commission et évalue et formule des recommandations aux États pour s’assurer du bon suivi de la trajectoire. En application de ce texte, la Commission a présenté ses recommandations en 2019 sur les projets de plans que les États lui ont présentés. Les États ont présenté début 2020 leurs plans nationaux définitifs tenant compte des recommandations de la Commission. D’après la Commission, les engagements des États membres en matière d’énergie et de climat conduiraient à une réduction de réduction de 45 % des émissions en 2030 : l’objectif 2030 serait donc dépassé.

En outre, la révision de la directive ETS a permis d’améliorer la prise en compte du coût du carbone, même si elle reste largement perfectible (voir supra).

B.   Une réduction insuffisante des émissions pour contenir le rÉchauffement en dessous des 2°C

1.   La transition énergétique au sein de l’Union : des différences d’approches et de situations

Si tous les pays sont engagés dans la transition énergétique, les chemins empruntés sont différents et les niveaux d’émissions par habitant dépendent de facteurs structurels, comme le climat, et de choix politiques, comme ceux portant sur la composition du bouquet énergétique des États, l’énergie représentant 78 % des émissions au sein de l’Union ([11]). Ainsi, le poids du nucléaire dans le bouquet énergétique est l’une des raisons qui explique la faiblesse du niveau d’émissions par habitant français par rapport à des pays plus dépendants au charbon, notamment à l’est de l’Europe.

En Allemagne, l’influence croissante des Verts, représentés aux parlements régionaux de onze Länder sur seize, et le poids des Länder est l’une des explications de la montée en puissance des renouvelables, dont la part est passée de 19 % à 40 % entre 2010 et 2018, et qui ont vocation à remplacer le nucléaire et le charbon.

Outre les divergences entre les pays de l’Est de l’Europe plus dépendant des énergies fossiles, il existe une divergence de sensibilité entre les pays du Nord et les pays du Sud sur les questions climatiques. Selon les sondages Eurobaromètre, un tiers de la population des pays du Sud et de l’Est considère que le climat est une priorité fondamentale, et la moitié en France et en Allemagne. En revanche, dans les pays du Nord, ce sont les trois quarts de la population.

 

 


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Source : Eurostat, 2018

2.   L’efficacité énergétique doit être significativement renforcée

L’objectif en matière de déploiement de l’énergie renouvelable de 20 % de la consommation finale, tel que fixé en 2008 par le premier paquet énergie-climat (voir infra) semble devoir être atteint. Les ambitions en matière d’efficacité énergétique de 20 % en 2020 ne pourront en revanche l’être qu’en raison de l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la baisse de la demande ([12]). Cette situation conjoncturelle ne doit pas masquer la hausse de la consommation finale d’énergie de 0,1 % en 2018 par rapport à l’année précédente, cette augmentation étant étroitement liée à la croissance.

À l’échelle nationale, huit États membres ([13]) devraient plus que doubler leurs économies d’énergie annuelles pour les années 2019 et 2020 afin de se conformer aux dispositions de la directive relative à l’efficacité énergétique, qui impose à chaque pays de réaliser, de manière cumulative, 1,5 % d’économies d’énergie par an de 2014 à 2020 ([14]). Les États membres doivent donc intensifier les efforts en matière d’efficacité énergétique, car une reprise de la demande d’énergie après la crise rendrait encore plus difficile la réalisation des objectifs pour 2030.

3.   Bâtiments et mobilités : une accélération des efforts est nécessaire

La priorité de l’Union en matière de réduction des émissions a été mise, jusqu’à présent, sur le facteur de l’énergie, qui représente plus de 70 % des émissions dans plusieurs secteurs d’activité, et où les efforts sont les plus faciles à faire. Néanmoins, d’autres secteurs tels que les bâtiments, ou les transports, sont également des émetteurs importants de GES, qui doivent être mobilisés pour de nouveaux efforts si l’Union européenne veut se placer sur la voie de la neutralité carbone.

   DEUXIÈME PARTIE : la loi climat, le pacte vert et le plan de relance, arsenal de l’Union européenne pour l’atteinte de la neutralité carbone

 

I.   Le Pacte vert, la stratégie globale de la Commission pour parvenir à la neutralité carbone

A.   Une stratégie globale et cohérente, qui englobe de nombreuses politiques sectorielles de l’Union

1.   Une révision systémique bienvenue des politiques de l’Union

La Commission européenne a présenté le 11 décembre 2019 le pacte vert pour l’Europe, une feuille de route destinée à rendre l’économie européenne durable : les défis climatiques et environnementaux doivent ainsi devenir des opportunités dans tous les domaines d’action et tous les secteurs de l’économie pour garantir une transition juste et inclusive pour tous.

Il s’agit d’une stratégie générale de la Commission, pensée comme devant guider toute l’action de la mandature de la présidente von der Leyen, qui déclarait ainsi lors de sa présentation : « Nous sommes dans une situation d’urgence climatique et environnementale. Le pacte vert pour l’Europe est l’occasion d’améliorer la santé et le bien-être de nos concitoyens en transformant notre modèle économique. Notre plan établit la marche à suivre pour réduire les émissions, rétablir la santé de notre environnement naturel, protéger notre flore et notre faune sauvages, créer de nouvelles opportunités économiques et améliorer la qualité de vie des citoyens. Nous avons tous un rôle important à jouer dans cette transformation, qui associera tous les secteurs et tous les pays. De plus, notre responsabilité est de faire en sorte que cette transition soit juste et que personne ne soit laissé de côté lorsque nous mettrons en œuvre notre pacte vert pour l’Europe. »

Cette logique très englobante du pacte vert se matérialise par l’annonce d’une révision générale des politiques sectorielles de l’Union afin qu’elles puissent contribuer de façon convergente à l’effort ainsi engagé. Le pacte vert propose ainsi une action à plusieurs niveaux : d’abord, envisager les politiques actuelles menées par l’Union européenne pour les verdir et leur donner un nouvel élan, ce qui aboutit à la déclinaison progressive d’un ensemble de grandes stratégies nouvelles ; mais il vise également à donner une dimension durable aux instruments mêmes utilisés pour la mise en œuvre de ces politiques, qu’il s’agisse du financement des investissements, de l’éducation ou de la recherche.

L’inclusion dans le pacte vert, sous la forme d’un serment, du principe de « ne pas nuire » comme soubassement à toute action future de l’Union répond à cette exigence fondamentale de transformer profondément le mode d’action européen. Selon la Commission, ce principe signifie que « toutes les actions et politiques de l’Union devraient se conjuguer pour aider cette dernière à réussir une transition juste vers un avenir durable ».

Le pacte vert pose donc une exigence transversale et structurelle de transformation du modèle économique et social de l’Union vers plus de durabilité, qui pourrait constituer un véritable tournant pour le continent. La réalisation de cette exigence est toutefois conditionnée à l’aboutissement concret des négociations sur chaque politique sectorielle. La crise sanitaire liée à la COVID-19 est en outre venue interroger les priorités établies.

 

Source : Commission européenne

2.   Au cœur de la transition : la révision nécessaire du modèle agricole en réconciliant PAC et biodiversité

a.   La révision de la PAC et la stratégie « De la ferme à la table »

Après la dernière réforme de la politique agricole commune (PAC) intervenue en 2013 et qui a mené au régime appliqué entre 2014 et 2020, la Commission a présenté le 1er juin 2018 des propositions législatives relatives à la PAC de l’après 2020.

Celles-ci visent à permettre à la PAC de relever plus efficacement les défis actuels et futurs tels que le changement climatique ou le renouvellement des générations, tout en continuant à soutenir les agriculteurs européens pour garantir un secteur agricole durable et compétitif.

La dimension environnementale de la future PAC actuellement négociée est affirmée dans un tiers des objectifs assignés dès 2018 : agir contre le changement climatique, protéger l’environnement, préserver les paysages et la biodiversité. La proposition de pacte vert ayant été formulée ultérieurement, la Commission a depuis réaffirmé la compatibilité des deux textes dans une analyse, document de travail de la Commission rendu public le 20 mai 2020, qui accompagnait la présentation de la stratégie « De la ferme à la table » (dite aussi « Farm to Fork », ou F2F). Selon ce document, la philosophie de la nouvelle PAC, qui reposera sur des plans stratégiques nationaux approuvés ensuite au niveau de l’Union, permettra de mieux concilier les données locales et les préoccupations des acteurs dans chaque pays avec les objectifs européens environnementaux susmentionnés.

Ainsi, dans ses conclusions du 20 octobre 2020 sur cette stratégie, le Conseil rappelle que « les mesures envisagées dans la stratégie devraient contribuer à la mise en œuvre du programme 2030 des Nations unies et de ses objectifs de développement durable, de l’accord de Paris sur le changement climatique et des objectifs définis dans la convention sur la diversité biologique  », et que « mesures envisagées dans la stratégie F2F devraient contribuer à ce que l’Union parvienne à la neutralité climatique d’ici 2050, à la réalisation des objectifs et cibles en matière de biodiversité, à la préservation des ressources naturelles et du paysage culturel, à la réduction de la vulnérabilité au changement climatique et à une plus grande résilience face à ce phénomène ». La politique agricole commune se trouve donc désormais enchâssée dans des stratégies plus larges concernant la souveraineté alimentaire et le respect des exigences environnementales, tout en conservant ses objectifs propres.

Certains outils nouveaux de la PAC visent plus spécifiquement à faire respecter les buts du pacte vert : une conditionnalité plus forte des aides liée aux exigences de respect de l’environnement, de nouveaux régimes d’aide dits « éco‑régimes », qui constituent des systèmes de paiement visant à promouvoir la protection de l’environnement et du climat, financés par l’enveloppe des paiements directs des États membres (pilier I de la PAC). Les États membres devront proposer un ou plusieurs éco‑régimes dont ils décideront du contenu, et auxquels les agriculteurs pourront participer sur base volontaire. Les exigences fixées dans un éco‑régime doivent aller au-delà de celles de la conditionnalité et les éco‑régimes ne doivent pas payer pour des engagements pris par les agriculteurs qui sont payés par d’autres outils de la PAC.

Au sein des plans stratégiques nationaux, chaque État membre devra veiller à montrer de quelle manière, en cherchant à atteindre ces objectifs de la PAC, il contribuera également à la réalisation des objectifs de certaines réglementations de l’Union en matière d’environnement et de climat (biodiversité, qualité de l’eau et de l’air, émissions de gaz à effet de serre, énergie et pesticides).

Les négociations toujours en cours sur la réforme de la PAC ne remettent pas fondamentalement en cause les objectifs de lutte contre le changement climatique, et se concentrent davantage sur les pourcentages de financements que représenteront les éco‑régimes au sein du premier pilier, et sur les possibilités de les reverser dans le deuxième pilier, que sur les mesures qui pourront être promues au sein de ces nouveaux éco‑régimes, dont la détermination se fera nationalement, au risque de créer certaines distorsions de concurrence.

Il convient cependant de noter que les agriculteurs peuvent se trouver en proie à des exigences environnementales difficilement conciliables : la nécessité de réduire les intrants chimiques peut ainsi mener à une utilisation accrue de machines elles-mêmes émettrices de gaz à effet de serre. Un accompagnement des professions concernées est donc indispensable pour les aider à opérer les choix les plus pertinents en matière environnementale.

Les conclusions du Conseil d’octobre 2020 sont à cet égard éclairantes et insistent sur la nécessité de disposer d’études d’impact pour fonder les objectifs assignés dans les futures propositions législatives au niveau de l’Union, à la réduction des pesticides, des antimicrobiens et des fertilisants. Cela apparaît essentiel pour prendre la mesure des efforts nécessaires à la conciliation avec d’autres objectifs environnementaux tels que la réduction des émissions de carbone.

Un rapport récent, commandé auprès de l’Inrae et AgroParisTech et publié par le Parlement européen souligne la distorsion entre les ambitions du « pacte vert » européen et la politique agricole post-2020 en cours de négociation, estimant que celle-ci ne permettrait pas d’atteindre les objectifs de neutralité fixés.

Vos rapporteurs estiment que cette révision devra s’attacher à donner les moyens aux agriculteurs de se conformer aux exigences environnementales accrues tout en assurant la sécurité alimentaire de l’Union.

 

Source : Commission européenne

b.   La stratégie pour la biodiversité

Profondément associée à la révision de la politique agricole commune, qui doit prendre en compte les principes qu’elle établit, la stratégie « De la ferme à la table » comprend d’autres dimensions que la production agricole des denrées. Elle offre en effet une perspective très large sur la filière alimentaire pour la rendre plus soutenable et plus sûre, combinant ainsi l’exigence de sécurité alimentaire et de durabilité environnementale.

Pour le versant intéressant plus spécifiquement le sujet de la neutralité climatique et les moyens de l’atteindre, la stratégie vise ainsi à « faire en sorte que la filiale alimentaire, qui englobe la production, le transport, la distribution, la commercialisation et la consommation des denrées alimentaires, ait une incidence environnementale neutre ou positive, préservant et restaurant les ressources terrestres, marines et d’eau douce dont dépend le système alimentaire ; contribuer à atténuer le changement climatique et s’adapter à ses conséquences ; protéger les terres, les sols, l’eau, l’air, la santé des végétaux et la santé et le bien-être des animaux ; et inverser l’appauvrissement de la biodiversité ».

À cet effet, de nombreux instruments sont convoqués et la stratégie renferme plusieurs chapitres qui seront déployés par une variété de programmes. Il s’agit notamment du soutien au développement de l’agriculture biologique pour porter sa part à 25 % de la superficie agricole totale. Les mesures législatives pour mettre en œuvre le cadre de cette alimentation future doivent être présentées au premier semestre 2023 au plus tard selon la Commission.

La stratégie pour la biodiversité s’inscrit également dans la volonté plus générale d’une meilleure préservation de la nature qui doit contribuer à ralentir les effets du changement climatique : poursuivant la stratégie précédente qui s’était fixée des objectifs à l’échéance 2020, elle vise à présent pour 2030 à créer des zones protégées pour 30 % des terres et des mers en Europe avec des objectifs juridiquement contraignants en matière de restauration de la nature en 2021, prévoyant une protection plus stricte des forêts de l’Union.

Les premiers éléments affichés par la Commission européenne évoquent également une réduction de 50 % d’ici à 2030 de l’utilisation et de la nocivité des pesticides. Il faut toutefois souligner que le rapport spécial de la Cour des comptes européenne sur la contribution de la politique agricole commune au maintien de la biodiversité présente un bilan assez critique de l’action européenne pour les années 2014-2020. La Cour des comptes européenne invite ainsi la Commission à « améliorer la conception de sa prochaine stratégie en matière de biodiversité, à accroître la contribution à la biodiversité apportée par les paiements directs et les actions en faveur du développement rural, à renforcer le suivi des dépenses liées à la biodiversité et à mettre au point des indicateurs fiables et adaptés au suivi de l’amélioration de la biodiversité des terres agricoles ». ([15])

3.   L’élaboration de nouvelles stratégies pour une révision en profondeur des politiques sectorielles

a.   Énergie : un secteur prioritaire pour la neutralité climatique

La production et la consommation d’énergie sont à l’origine de plus de trois quarts des émissions de GES à l’échelle de l’Union européenne : il s’agit donc d’un secteur hautement prioritaire pour l’atteinte des objectifs de neutralité climatique, et la Commission a en ce sens présenté une nouvelle stratégie pour une politique de l’énergie à la fois plus intégrée et plus durable.

Cette nouvelle stratégie globale repose sur trois facteurs pour abandonner progressivement l’usage des combustibles fossiles, trois approches destinées à se renforcer mutuellement pour assurer également l’indépendance énergétique européenne :

       L’amélioration de l’efficacité énergétique et de la circularité ;

       L’accent mis sur l’électrification pour substituer la production d’électricité à base d’énergie renouvelable au charbon et au pétrole ;

       La substitution de combustibles renouvelables aux combustibles fossiles dans la production d’énergie non convertible à l’électrique.

En juillet 2020, la Commission a présenté les deux premiers volets de la politique européenne de l’énergie qu’elle entend mener selon ces orientations : une stratégie pour l’intégration du système énergétique ([16]) et une stratégie pour l’hydrogène ([17]).

Dans le cadre de la première, 38 mesures sont proposées par la Commission, aussi bien pour la révision des législations en vigueur, l’introduction de nouveaux outils de financement, la réforme de la planification des investissements ou le renouveau de la gouvernance des marchés. Mais l’intégration plus poussée du système énergétique européenne reposera également sur la révision du règlement RTE-E. Adopté en 2013, ce règlement sur les réseaux transeuropéens d’énergie définit le processus et les critères de sélection des projets d’infrastructure transfrontaliers prioritaires, les PIC – projets d’intérêt commun, il structure largement la politique européenne en matières des choix d’infrastructures énergétiques.

La seconde stratégie concerne le soutien au développement du marché de l’hydrogène, avec l’objectif d’un déploiement des technologies utilisant l’hydrogène renouvelable à grande échelle à l’horizon 2050. Pour cela, la Commission européenne a créé un instrument, l’alliance européenne pour un hydrogène propre, qui rassemble les parties prenantes et se veut le vecteur de projets d’investissement européens. Réunie pour la première fois en un Forum pour l’hydrogène européen en novembre 2020, l’alliance a lancé six groupes de travail thématiques sur les différents enjeux de la production, de l’utilisation ou du transport de l’hydrogène.

La Commission prévoit d’établir des normes réglementaires favorisant les technologies liées à l’hydrogène les plus propres. Par ailleurs, certains des instruments de financement du plan de relance pourront contribuer à la mise en œuvre de projets d’infrastructures ou de recherche liés à l’hydrogène.

La directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, communément appelée directive sur la taxation de l’énergie (DTE), fixe, pour les États membres, des taux minimaux de taxation pour les produits énergétiques utilisés comme carburant ou comme combustible, ainsi que pour l’électricité. Mais ces taux, qui s’appliquent généralement aux volumes consommés, ne tiennent compte ni du contenu énergétique de ces produits, ni des émissions de CO2 induites par leur consommation.

La DTE, qui encourage entre autres l’utilisation du charbon (taux minimal de taxation le plus faible actuellement), est donc en contradiction avec les objectifs européens successifs en matière d’énergie et de climat, sans qu’une tentative de révision ait pu aboutir jusqu’alors. La Commission avait en effet retiré en 2015 sa proposition présentée en 2011, faute de parvenir à un consensus parmi les États membres.

b.   Forêts : des puits de carbone qui doivent être valorisés par une gestion durable

L’Union européenne ne dispose pas à proprement parler d’une compétence propre sur les forêts, que n’évoquent pas les traités. Toutefois, leur importance tant économique qu’environnementale a amené l’Union à développer une stratégie, conçue comme un cadre de référence pour l’élaboration des politiques sectorielles ayant des incidences sur les forêts. La stratégie actuelle date de 2013 et fixe des objectifs de gestion durable, que le plan de mise en œuvre pluriannuel de 2015 complète par une liste de mesures pouvant être adoptées. La stratégie venant à échéance en 2020, le Pacte vert évoque sa révision pour une contribution pleine et entière aux objectifs climatiques de l’Union.

Lors de la réunion plénière du Parlement européen du 6 octobre 2020, les députés européens ont adopté par 462 voix pour, 176 contre et 59 abstentions, une résolution sur « la stratégie forestière européenne : la voie à suivre », suite au rapport d’initiative de la commission AGRI, saisie en décembre 2019. Alors que la stratégie européenne pour les forêts devrait faire l’objet d’une proposition de la Commission européenne début 2021, les députés ont appelé la Commission à « étudier les options pour favoriser et rémunérer les services liés au climat et à la biodiversité et les autres services écosystémiques afin de permettre une conversion forestière économiquement viable et à tenir compte de la nécessité de soutenir les propriétaires de forêts, notamment sur le plan financier, dans la nouvelle stratégie forestière de l’Union ».

Il s’agit de favoriser une gestion durable des forêts, afin de garantir la continuité des investissements dans les technologies modernes et dans des mesures renforçant le rôle environnemental et climatique joué par les forêts, alors que celles-ci absorbent plus de 10 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union. Les forêts constituent en effet des « puits de carbone » dont l’importance sera centrale pour parvenir à la neutralité climatique.

c.   Économie circulaire : un nouveau modèle pour une plus grande sobriété carbone

L’économie circulaire est un modèle de production et de consommation qui consiste à réutiliser, réparer, et recycler les produits en fin de vie ainsi que leurs matériaux pour réduire le prélèvement et l’utilisation de matières premières et d’énergie dans le processus de production et l’émission de déchets. Les ressources naturelles peuvent ainsi produire de la valeur plusieurs fois. Il s’agit d’un des piliers du Pacte vert pour la transition vers une économie neutre en carbone à l’horizon 2050 et la préservation de l’environnement. En effet, 90 % de la perte de biodiversité et du stress hydrique résultent de l’extraction et de la transformation des ressources naturelles.

La mise en œuvre de mesures visant la durabilité tout au long du processus de production et du cycle de vie des produits permettrait d’accroître le produit intérieur brut (PIB) de l’Union de 0,5 % à l’horizon 2030 et de créer 580 000 emplois selon les estimations de la Commission européenne. Selon ces mêmes estimations, les entreprises européennes pourraient économiser jusqu’à 600 milliards d’euros par an, soit 8 % de leur chiffre d’affaires annuel, tout en participant à la réduction des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) de l’Union de 2 à 4 % d’ici 2030.

Pour relever ces défis ambitieux, la Commission a adopté en mars 2020 un « Nouveau plan d’action pour l’économie circulaire » dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte vert, avec différents objectifs : faire en sorte que les produits durables deviennent la norme européenne, en proposant un cadre législatif pour lutter contre l’obsolescence programmée ; donner aux consommateurs le droit de choisir, en améliorant la transparence des informations sur la durabilité des produits, avec l’introduction d’un « droit à la réparation » ; développer les mesures de durabilité en priorité sur les secteurs utilisant le plus de ressources, ceux dont le potentiel de contribution à l’économie circulaire est le plus élevé (matériels électroniques, batteries, emballages, plastiques, textiles, bâtiment et denrées alimentaires) et enfin, garantir moins de déchets.

Le plan d’action pour l’économie circulaire de la Commission devrait se concrétiser par de nombreuses propositions législatives et révisions de directives entre 2020 et 2023. Concernant la lutte contre l’obsolescence programmée, la Commission a présenté en mars 2020 une proposition de directive instaurant un « droit à la réparation » des objets électroniques pour les consommateurs. Cette directive, en plus de proposer un premier acte législatif permettant le développement de l’économie circulaire, vise à forcer les constructeurs à concevoir leurs produits différemment. Le 25 novembre 2020, le Parlement européen a adopté cette proposition qui devrait être examinée par le Conseil début 2021. Aujourd’hui, dans l’Union, seule la France a fait de l’obsolescence programmée un délit pénal – avec la loi sur la transition énergétique de 2015.

En matière de fabrication des produits, la Commission devrait présenter courant 2021 un cadre législatif pour des produits durables, accompagné d’une proposition de directive récompensant les fabricants de produits selon leur performance en termes de durabilité. Concernant les exigences d’éco-conception, le plan d’action de la Commission comprend une proposition d’élargissement de la directive (UE) 2009/125 pour l’appliquer à d’autres produits que les produits liés à l’énergie. La Commission envisage également d’introduire un quota pour interdire la destruction des marchandises durables invendues, sur le même schéma que l’interdiction de destruction des denrées alimentaires invendues.

Pour les consommateurs et les acheteurs publics, en plus de « droit à la réparation » déjà adopté par le Parlement, d’autres mesures attendues pour 2021 et 2022 viendront garantir des informations plus fiables sur la durabilité des produits dans les lieux de vente ainsi que des critères écologiques obligatoires et minimaux pour la passation de marchés publics.

Toutes ces propositions seront soutenues par une stratégie européenne de réduction et de valorisation des déchets établie dans le cadre du Pacte vert. Un des objectifs de cette stratégie, par exemple, vise à recycler 65 % des déchets municipaux d’ici 2035, avec des « objectifs-paliers » pour 2025 (55 %) et 2030 (60 %). Pour financer son plan d’action pour l’économie circulaire, la Commission envisage de lier les critères de l’écolabel européen à ceux d’une taxonomie durable. Elle pourrait aussi modifier les lignes directrices encadrant les aides d’État pour prendre en compte les aides publiques nécessaires à la transition vers une économie davantage circulaire. Enfin, la Commission cherchera à encourager les États membres à recourir aux incitations fiscales (TVA à taux réduit) et aux taxes (sur l’incinération et l’enfouissement) pour développer des mesures d’économie circulaire.

Avec la crise sanitaire, des délais supplémentaires ont été demandés par les organisations patronales européennes quant à l’application des nouvelles normes visant au développement de l’économie circulaire. Un report est également demandé dans la mise en œuvre de l’agenda de propositions législatives présenté par la Commission von der Leyen en matière de mesures de développement de l’économie circulaire.

En France, par exemple, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), France Industrie et l’Association française des entreprises privées (AFEP) jugent que l’application des nouvelles mesures d’économie circulaire, ou l’application prochaine de l’agenda législatif dans ce domaine, représente « un frein pour sortir de la crise économique », notamment en « mobilisant des ressources importantes au sein des entreprises qu’il faudrait utiliser autrement » pour faire face à la crise économique. À l’échelle européenne, le message est le même. Business Europe, la principale association patronale européenne, considère que les exigences de la transition écologique requièrent une mobilisation humaine et financière que les entreprises européennes ne sont pas capables de fournir au moment où les efforts devraient être concentrés sur la relance de l’activité.

Cependant, la Commission von der Leyen et le Parlement ne semblent pas, jusqu’à présent, vouloir abandonner le plan d’action pour une économie circulaire comme cela avait été le cas lors de l’abandon, par la Commission Juncker en 2014, du paquet législatif « Vers une économie circulaire : programme zéro déchet pour l’Europe ».

Vos rapporteurs estiment que la stratégie pour une économie circulaire ne devrait pas être suspendue en raison des difficultés rencontrées au cours de la crise sanitaire, mais que les exigences qu’elle porte devraient au contraire venir guider la reconstruction économique pour inspirer un nouveau modèle de développement moins coûteux en carbone.

d.   Transports : un levier d’action incontournable

Le secteur des transports est un enjeu économique, stratégique et industriel majeur qui représente 4,8 % de la valeur ajoutée brute de l’Union européenne, soit 548 milliards d’euros par an. Il représente également 11,2 millions d’emplois, soit 5,2 % des emplois de l’Union. De plus, la concrétisation d’un véritable réseau transeuropéen de transports (RTE-T) constitue la clé pour assurer le bon fonctionnement du marché unique et la libre circulation des personnes.

Ce poids économique s’accompagne d’enjeux climatiques importants. Le secteur des transports est à l’origine d’un tiers des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) de l’Union et constitue donc l’un des principaux leviers d’action de la Commission pour l’atteinte de l’objectif climatique d’une réduction de 55 % des émissions de GES à l’horizon 2030 vers l’objectif de neutralité climatique pour 2050.

Afin d’atteindre ces engagements, la Commission a défini des objectifs spécifiques au secteur des transports : une réduction de 90 % des émissions de GES à l’horizon 2050, avec des déclinaisons particulières selon les modes de transport (routier, aérien, maritime ou par voies navigables). Le transport routier, qui représente les deux tiers de l’ensemble des émissions de GES du secteur des transports de l’Union, est une des priorités de la Commission von der Leyen.

Sur ce point, un des objectifs présentés via le Pacte vert pour l’Europe, dans son volet « Mobilité durable » est de transférer 75 % du fret intérieur actuellement effectué par transports routiers vers des modes de transport ferroviaire ou par voies navigables. Le Pacte vert a également pour objectif d’encourager fortement le développement de modes de transport alternatifs (véhicules électriques et hydrogène notamment) et de supprimer les subventions aux combustibles fossiles.

D’autres leviers d’action non contraignants seront mis en œuvre par la Commission avant la fin de son mandat. Le Pacte vert pour l’Europe prévoit notamment de réformer le ciel unique européen. Cela permettra de réorganiser les vols intracommunautaires et de baisser de 10 % les émissions de l’aviation sans rien coûter aux consommateurs ni autres entreprises du secteur.

Conformément à l’objectif du Pacte vert de développer une « tarification routière efficace », le Conseil européen examine actuellement une proposition de révision de la directive (CE) 1999/62, dite directive « Eurovignette », relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures routières. Cette révision pourrait obliger les États à calculer des redevances en fonction des émissions des transporteurs routiers afin d’encourager l’utilisation de véhicules plus propres.

Le Pacte vert vise également à développer davantage les infrastructures et les connexions de réseaux multimodaux, notamment les infrastructures multimodales transfrontalières. Ce faisant, de nouveaux projets ont été définis dans le cadre financier pluriannuel pour 2021-2027, lesquels prennent appui et seront financés en partie via le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE). Depuis le début de la mandature von der Leyen, les Conseils « Transports, télécommunications et énergie » ont adopté une proposition de la Commission établissant de nouvelles règles plus strictes en matière d’émissions pour les véhicules routiers. Le Conseil européen du 21 juillet 2020 a également demandé à la Commission, dans l’optique de l’introduction de nouvelles ressources propres pour l’Union, de lui fournir d’ici le premier semestre 2021 une proposition visant à étendre le système européen de quotas d’émissions (ETS) au secteur routier et maritime et à réduire les dotations gratuites de quotas pour les compagnies aériennes.

En outre, la présidence allemande du Conseil a été à l’initiative de « l’année européenne du rail 2021 » qui cherchera, via des manifestations et des campagnes de communication, à encourager l’utilisation du rail comme moyen de transport durable et sûr pour la mobilité intracommunautaire des Européens. Cette initiative s’est accompagnée, en octobre 2020, de l’adoption par le Conseil d’une réforme des droits des voyageurs ferroviaires au sein de l’Union.

La Commission et le Conseil se sont aussi penchés sur la réduction des émissions de GES du secteur de l’aviation. La Commission a mené une consultation publique sur ce sujet, baptisée « ReFuelEU Aviation », ayant pris fin le 28 octobre 2020. Celle-ci vise à récolter des données de la part des acteurs européens de l’aviation concernant le développement de l’utilisation des biocarburants ou des carburants de synthèse moins émetteurs de carbone, conformément à l’objectif de la Commission Barroso (« Feuille de route pour un espace européen unique des transports », 2011) de porter à 40 % la part des carburants à faible teneur en carbone dans l’aviation d’ici 2050. Cette consultation devrait donner suite à une proposition de la Commission d’ici la fin de l’année 2020 qui sera examinée par le Conseil au cours du premier semestre 2021. L’Union s’est également engagée à participer, à partir du 1er janvier 2021, au régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).

Concernant les fonds dédiés à l’atteinte des objectifs climatiques par le secteur des transports, la Commission von der Leyen a procédé à un rehaussement général dans le cadre du nouveau CFP pour 2021-2027. Ainsi, le volet « Transport » du MIE a été doté d’un budget de 30,6 milliards d’euros, contre 12,8 milliards pour 2014-2020, et un volet « infrastructures durables » est prévu dans le nouveau fonds « InvestEu » pour 2021-2027, doté d’un budget de 15,2 milliards d’euros.

Enfin, 60 milliards d’euros serviront à développer les infrastructures de réseaux transeuropéens et les technologies de mobilité durable au titre du Fonds de cohésion. Dans une moindre mesure, le Fonds européen de développement régional (FEDER) financera des projets de « nœuds de transports secondaires et tertiaires » dans les régions relativement en retard ainsi que des nœuds multimodaux d’intérêt européen présentant des avantages manifestes pour la réduction des émissions de GES.

Du fait de la crise sanitaire actuelle, les associations de défense des intérêts des acteurs du secteur des transports de l’Union ont demandé des délais supplémentaires dans la mise en œuvre ou l’adoption de nouvelles réglementations environnementales, pour l’extension du système ETS au transport routier et maritime ainsi que pour la révision de la directive « Eurovignette » prévue pour le premier semestre 2021.

L’Association représentant les intérêts des fabricants de voitures, camionnettes et camions au sein de l’Union (ACEA) a demandé à la Commission de faire preuve de prudence dans la mise en œuvre de son agenda environnemental concernant le secteur des transports et a souligné l’importance d’une approche collaborative avec les entreprises pour ne pas entraver la croissance et l’emploi du secteur. L’Association milite également pour le développement de nouvelles infrastructures de transport à l’échelle européenne conçues de manière à permettre une conduite plus écologique.

De plus, les constructeurs automobiles européens ont rappelé à la Commission l’importance d’une approche exhaustive dans la lutte contre les émissions de GES du secteur des transports, notamment en ne prenant pas uniquement en compte l’efficacité énergétique des carburants traditionnels mais en développant les carburants alternatifs et la connectivité des réseaux de transports entre les États membres. Ils soulignent aussi la nécessité d’inciter au renouvellement des vieux véhicules routiers encore en circulation, extrêmement énergivores et pollueurs par rapport à la nouvelle génération de véhicules.

Les militants écologistes européens soutiennent l’instauration de nouvelles normes d’émissions pour les véhicules routiers permettant de compenser la situation de pays comme la Pologne ou la Lituanie où le marché des véhicules d’occasion, donc plus pollueurs, est plus important que le marché des véhicules neufs. Ces nouvelles normes, rendant les véhicules moins énergivores, permettraient aussi d’augmenter le pouvoir d’achat des Européens et de réduire la dépendance énergétique. En outre, selon les militants écologistes, l’instauration de nouvelles normes d’émissions plus strictes pour les véhicules pourrait contribuer à 42 % de la réduction nécessaire conformément aux objectifs de la Commission en la matière.

Enfin, dans l’objectif d’agir au plus vite et dans l’attente d’actes législatifs contraignants, le groupe Verts/ALE du Parlement européen propose la mise en œuvre d’initiatives non contraignantes comme la réinstauration des trains de nuit pour les voyages intracommunautaires.

Vos rapporteurs estiment que la stratégie pour le secteur des transports ne devrait pas non plus être suspendue en raison des difficultés rencontrées au cours de la crise sanitaire. Cela étant, un renforcement des aides pourrait être envisagé en association avec l’objectif d’accompagner l’industrie européenne dans la relocalisation d’une partie de ses sites de production.

 

e.   Bâtiments : pour une rénovation réduisant la consommation de carbone

Le secteur du bâtiment représentait, avant la crise sanitaire, 9 % du PIB de l’Union européenne et employait 18 millions de personnes – 43 millions d’emplois dépendaient aussi indirectement du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) représentent la majorité de la création de valeur du secteur européen du bâtiment et la majorité de la main-d’œuvre : en 2019, 97 % des entreprises européennes du bâtiment employaient moins de 20 salariés. Ces mêmes entreprises étaient à l’origine de 80 % du chiffre d’affaires et employaient 83 % de la main-d’œuvre du secteur.

Les bâtiments sont à l’origine de 40 % de la consommation d’énergie totale de l’Union et de 36 % de ses émissions de gaz à effet de serre. Seul 1 % du parc immobilier européen est rénové chaque année en y intégrant les mesures appropriées en matière d’efficacité énergétique. La rénovation du parc immobilier européen devra également intégrer des critères sociaux : aujourd’hui, 34 millions d’Européens ne peuvent pas se chauffer, faute de moyens.

Selon les estimations de la Commission, pour atteindre les objectifs de neutralité climatique pour 2050, le secteur du bâtiment doit réduire de 60 % ses émissions de GES à l’horizon 2030. La rénovation des bâtiments est donc primordiale pour atteindre ces différents objectifs.

Cette stratégie présentée le 14 octobre 2020 par la Commission a pour objectif de doubler le taux de rénovation des bâtiments d’ici les dix prochaines années et de rénover de manière durable 35 millions de bâtiments à l’horizon 2030 dans l’ensemble de l’Union. Elle s’articule autour de 6 actions principales :

       Le renforcement de la réglementation, des normes et des informations concernant la performance énergétique des bâtiments ;

       La mise en œuvre d’un financement accessible et sûr pour donner aux acteurs du secteur les moyens de mener les travaux de rénovation nécessaires, notamment via les nouveaux instruments financiers « Rénover » et « Monter en puissance » instaurés dans le cadre de Next Generation EU, le plan de relance européen ;

       L’amélioration des capacités à mettre en œuvre des projets de rénovation, notamment par l’assistance technique aux autorités nationales ou locales dans les États membres ainsi que par la formation technique des travailleurs ;

       Le développement du marché des produits durables du BTP et de l’économie circulaire liée au bâtiment ;

       La création d’un nouveau « Bauhaus » européen conçu comme un regroupement d’experts du bâtiment dont le but sera de proposer des projets durables dans la construction et la rénovation des bâtiments ;

       Le développement d’une approche fondée sur le voisinage, c’est-à-dire des programmes de rénovation construit en fonction des interactions et spécificités des communautés locales, par notamment en mettant l’accent sur le modèle des éco quartiers.

D’ici à juin 2021, la Commission devrait présenter au Parlement et au Conseil une proposition de révision de la directive (UE) 2012/27 relative à l’efficacité énergétique. La directive (UE) 2010/31 relative à la performance énergétique des bâtiments devrait aussi faire l’objet d’une proposition de révision d’ici juin 2021. De plus, la Commission donnera de nouvelles orientations pour le principe de primauté énergétique avant la fin de l’année 2021. Des contributions déterminées au niveau national devront également être établies par les États membres dans le cadre de leurs plans nationaux énergie-climat (Pnec) au cours du premier semestre 2021.

Concernant le financement de la stratégie « vague de rénovations », la Commission européenne estime que les besoins s’établissent à 275 milliards d’euros d’investissement supplémentaires chaque année jusqu’à 2030. Pour cela, de nombreux instruments financiers européens sont mis au service de la stratégie.

Le fonds de relance baptisé « Facilité pour la reprise et la résilience » (FRR), doté d’un budget de 672,5 milliards d’euros par le Conseil européen, dont 37 % seront consacrés aux dépenses liées au climat, viendra soutenir les investissements de rénovation ainsi que les réformes liées à l’efficacité énergétique des bâtiments dans tous les États membres. Plus particulièrement, dans le cadre de la FFR et de sa « stratégie annuelle 2021 pour une croissance durable », la Commission a proposé les initiatives « Rénover » et « Monter en puissance », qui visent à mettre en œuvre une intervention coordonnée de tous les États membres en matière de rénovation en coordonnant les plans nationaux pour la reprise et la résilience, avec des fonds à utiliser avant 2023.

Les fonds européens structurels et d’investissement (FESI), notamment le Fonds européen de développement régional (FEDER), seront utilisés pour soutenir les efforts de rénovation énergétique des bâtiments partout en Union.

Le fonds InvestEU, successeur du plan Juncker et doté d’un budget de 4,8 milliards d’euros pour la période 2021-2027, contiendra un fonds de garantie visant à catalyser les investissements publics et privés en matière de rénovation énergétique des bâtiments.

Le Mécanisme de transition juste déploiera trois types d’outils sur la période 2021-2027 – garanties financières, subventions et prêts verts – utilisés pour faciliter la transition écologique et énergétique des territoires de l’UE les plus dépendants des énergies fossiles.

Enfin, dans le cadre de la stratégie sur la finance durable révisée, la Commission envisage de créer des labels supplémentaires en matière de rénovation durable des bâtiments qui porteront sur les hypothèques vertes, les prêts verts et les obligations vertes à destination du secteur du bâtiment.

La Commission a lancé, en juin 2020, une consultation publique sur sa stratégie « vague de rénovations » invitant les parties prenantes du secteur du bâtiment à réagir, notamment sur les difficultés actuelles de rénovation et sur une intervention éventuelle de l’Union sur ce sujet. La plupart des parties prenantes non institutionnelles du secteur du bâtiment ont réagi positivement aux ambitions de la Commission. L’Alliance européenne des entreprises pour l’efficacité énergétique des bâtiments (EuroACE), par exemple, a salué les initiatives du plan d’actions de la Commission.

Cependant, pour l’ONG Friends of the Earth Europe, le plan d’action de la Commission ne va pas assez loin. L’organisation espère que les initiatives de l’institution seront élargies lors de la phase des négociations au trilogue, notamment par le Parlement.

Enfin, la Confédération européenne des constructeurs (EBC), une organisation représentant les PME européennes du secteur de la construction regrette l’absence de fonds spécifiquement affectés à la « vague de rénovations ». Les fonds alloués à cette stratégie proviennent en effet de fonds déjà existants ou alors de renforcement temporaire du budget dans le cadre de Next Generation EU.

Vos rapporteurs saluent l’ambition affichée par la Commission et, dans le contexte des plans de relance post-COVID, soutiennent un investissement massif pour la rénovation des bâtiments. Ce secteur bénéficie d’un fort potentiel en matière de création d’emplois et, en lien avec l’objectif d’une transition juste, permettra de lutter contre la précarité énergétique.

f.   Politique commerciale : un instrument d’influence internationale au service des engagements climatiques

Au-delà d’une neutralité climatique entendue strictement au niveau de son territoire, et compte tenu de l’empreinte carbone de l’Union européenne (soit, selon la définition retenue par l’INSEE, « la quantité de gaz à effet de serre induite par la demande finale intérieure d’un territoire (consommation des ménages, administrations publiques, organismes à but non lucratifs, investissement), que ces biens ou services soient produits sur le territoire ou importés »), la politique commerciale peut s’avérer un vecteur important pour contribuer à la baisse des émissions des GES occasionnées par la consommation européenne.

À cet effet, le Pacte vert prévoit l’inscription d’une clause de respect de l’Accord de Paris dans les futurs accords commerciaux, et la nomination d’un responsable du commerce chargé de la mise en application des engagements en matière de développement durable.

Étant donné la place de premier marché unique dans le monde, l’Union européenne a la capacité d’établir des normes de référence en matière de durabilité et de pousser ses partenaires commerciaux à se conformer à ces normes. Pourtant, si cette démarche a été initiée par l’Europe depuis la ratification de l’Accord de Paris, le Parlement européen a plusieurs fois alerté sur la difficulté à faire respecter ces exigences.

Alors que l’ensemble de la planète doit se mobiliser pour le climat, vos rapporteurs soulignent qu’une politique commerciale plus stricte est doublement indispensable : à la fois pour préserver la compétitivité de nos économies et assurer l’acceptabilité des efforts de transition demandés à nos citoyens ; mais également pour mettre sous tension « verte » l’économie mondiale et dont l’Europe est le premier débouché.

Cette régulation suppose notamment la mise en œuvre d’une taxe carbone aux frontières et l’identification de productions interdites, dans l’esprit de l’article 44 de la loi « Egalim » qui interdit de proposer des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits non autorisés par la réglementation.

B.   La question clé du prix du carbone

1.   Un enjeu décisif pour l’Union européenne, aussi bien à l’intérieur que dans ses relations extérieures

La question de la fixation d’un juste prix du carbone est déterminante pour l’effet de signal et d’incitation en direction d’investissements pour les énergies décarbonées. Il s’agit d’utiliser des politiques de tarification comme mécanismes de marché pour stimuler la concurrence, créer des emplois et encourager l’innovation en conformité avec les objectifs de réduction des émissions de l’Accord de Paris. Selon Cédric Philibert, analyste à l’Agence internationale de l’énergie, le but de ce prix du carbone « est d’amener les émetteurs à limiter les émissions superflues » en intégrant dans ce prix une partie du coût social engendré par les émissions fossiles. Pour l’économiste Nicholas Stern, « il est primordial que les marchés envoient des signaux sur les coûts si l’on veut qu’ils orientent positivement l’action économique, en induisant une allocation efficace des ressources. Cela signifie que le prix des biens, des services et des activités doit refléter leurs coûts réels, y compris ceux qu’ils infligent à autrui du fait des dégâts qu’ils provoquent. En s’assurant que le prix des énergies fossiles reflète leurs coûts réels, les décideurs aident les marchés à fonctionner plus efficacement ».

En 2014, à l’initiative de la Banque mondiale, une Coalition pour la tarification du carbone s’est formée, composée de leaders gouvernementaux, de représentants des ONG et du monde académique, afin de favoriser le développement des initiatives visant à donner un prix à la tonne de carbone. Ce prix ne peut être immédiatement universel et doit refléter, selon les régions, les difficultés à effectuer la transition énergétique et les moyens disponibles pour ce faire. Mais il constitue un instrument, parmi d’autres, pour mener une stratégie de décarbonation de l’économie de grande ampleur.

À la suite de la COP22 qui s’est tenue à Marrakech en 2016, une Commission de haut niveau sur les prix du carbone présidée par l’économiste Nicholas Stern et le professeur Joseph Stiglitz a travaillé sur la question du juste prix du carbone, a calculé ces tarifs et proposé d’autres incitations et mesures.

La Commission a pris acte du fait que 85 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ne sont pas tarifées, et qu’environ les trois-quarts des 15 % restant le sont à un prix inférieur à dix dollars la tonne. La Coalition pour la tarification du carbone a pour objectif d’augmenter la couverture des émissions mondiales de 12 % en 2015 à 25 % en 2020, puis 50 % en 2030.


Source : Institute for climate economics, d’après ICAP, IETA, Banque mondiale, 2017

Pour l’Union européenne, cette réflexion concerne l’établissement et l’approfondissement à venir, d’un marché des droits d’émission, mais également la question de l’importation de celles-ci par ses consommations domestiques (la question de l’empreinte carbone déjà évoquée).

2.   L’amélioration nécessaire du marché des quotas carbone

Le système d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE-UE) est un pilier essentiel de la politique de l’Union européenne en matière de lutte contre le changement climatique et un outil majeur pour réduire de manière économiquement avantageuse les émissions de gaz à effet de serre. Premier grand marché mondial du carbone, il est aussi le plus vaste, avec 31 États participant (27 États membres de l’Union ainsi que le Royaume-Uni, l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège).

a.   Un déploiement en plusieurs phases

Le système européen d’échange de quotas d’émission a fait l’objet d’une mise en place progressive, procédant par retouches successives et par accroissement de son ambition. Suite à l’adoption de la directive relative au SEQE-UE en 2003, le marché d’échange a véritablement été lancé en 2005, pour une première période de trois ans jusqu’à 2007, qui devait permettre une forme « d’apprentissage par la pratique ». Lors de cette phase pilote, presque tous les quotas ont été alloués gratuitement aux entreprises selon des plans nationaux d’allocations qui fixaient les plafonds.

Seules les centrales électriques et les industries les plus consommatrices d’énergie étaient concernées par le SEQE-UE, avec une sanction en cas de non-respect des obligations de 40 euros par tonne. Cette première phase a permis d’introduire ce système, les installations pouvant acquérir progressivement la maîtrise des outils de report et de vérification mis en place dans cette nouvelle infrastructure. Toutefois, en raison de la surestimation des émissions et d’un volume total de quotas octroyés bien supérieur aux émissions réelles, le prix du carbone a largement chuté en 2007.

L’enjeu de cette première phase d’implantation du système de marché de quotas d’émissions en Europe était de rendre le système véritablement opérationnel pour la première période d’engagement du protocole de Kyoto, de 2008 à 2012, qui a coïncidé avec la deuxième phase du SEQE-UE, caractérisée par plusieurs avancées. Le plafond de quotas était inférieur de 6.5 % à celui de 2005, sur la base des émissions réelles. Le système s’est élargi au Liechtenstein, à la Norvège et à l’Islande, et plusieurs pays du SEQE-UE ont ajouté le protoxyde d’azote à la liste des gaz à effet de serre concernés par les quotas. La part des quotas gratuits a diminué pour atteindre 90 %, tandis que plusieurs pays ont organisé des systèmes d’enchère. Un registre de l’Union a remplacé les registres nationaux, et un journal des transactions de l’Union européenne s’est substitué au journal des transactions communautaires indépendant. Le système est donc devenu plus inclusif, plus intégré et également plus contraignant, puisque la sanction en cas de non-respect est passée à 100 euros la tonne.

Depuis 2013, le système est entré dans une troisième phase, avec un plafond annuel de quotas d’émissions fixé pour toute la zone couverte (les 31 pays). Ce plafond d’émissions concerne les émissions de près de 11 000 installations, pour les secteurs de la production d’électricité et de chaleur, les secteurs industriels à forte intensité énergétique, notamment les raffineries de pétrole, les aciéries et la production de fer, d’aluminium, de métaux, de ciment, de chaux, de verre, de céramique, de pâte à papier, de papier, de carton, d’acides et de produits chimiques organiques en vrac, l’aviation commerciale, la production d’acide nitrique, d’acide adipique, d’acide glyoxylique et de glyoxal ainsi que la production d’aluminium. Dans certains de ces secteurs, les installations ne sont soumises au système d’échange des quotas qu’à partir d’une certaine taille.

Les installations reçoivent ou achètent les quotas et peuvent échanger ces quotas sur le marché. Chaque quota donne à son titulaire le droit d’émettre une tonne de CO2, ou une quantité équivalente de protoxyde d’azote ou d’hydrocarbures perfluorés. Ces quotas ne peuvent évidemment être utilisés qu’une fois : en fin d’exercice, les entreprises doivent restituer des quotas émis, à défaut de quoi elles sont soumises à de lourdes pénalités financières.

L’idée du marché de quotas d’émissions est donc de favoriser la réduction des émissions là où elle est la plus économiquement pertinente, et de pousser les entreprises à gagner en efficacité énergétique pour engranger des revenus. En effet ; pour compenser les émissions, les entreprises doivent acheter des quotas ou utiliser leurs réserves des années précédentes. Le coût de ces opérations est censé les inciter à réduire leurs émissions en investissant des technologies plus efficaces ou en favorisant des sources d’énergie moins consommatrices de gaz à effet de serre. Vendre les quotas devenus inutiles grâce à l’accroissement de leur efficacité énergétique peut également devenir une source de revenus

En 2030, conformément au système révisé, les émissions de gaz à effet de serre devraient avoir diminué de 43 %.

b.   Une révision rendue nécessaire par les failles apparues lors de la mise en œuvre du SEQE-UE

En 2018 est intervenue une révision de la directive sur le marché des droits à émission européen. Plusieurs faiblesses sont apparues lors des trois premières phases. D’abord, l’échec du signal prix, en raison d’un prix trop faible et trop volatil : les surplus récurrents de quotas mis sur le marché et la crise économique de 2008, en réduisant les besoins des entreprises ont fait chuter le prix de la tonne de carbone à plusieurs reprises, et l’incitation à diminuer ses émissions, particulièrement dans un système dominé par des quotas gratuits, est devenue largement inexistante.

De plus, les possibilités d’abus par les entreprises bénéficiaires, notamment dans le cadre de schémas de fraude à la TVA, ont conduit à remettre sérieusement en cause la crédibilité du système, dont la portée était généralement jugée trop modeste au regard de l’ambition de ses objectifs. Présenté comme la clé de voûte des efforts européens en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le SEQE ne représente pourtant qu’une part modeste, de l’ordre de 15 % de l’effort de réduction des GES de l’Union.

Lors de la révision entamée en 2016, la proposition française d’établir un corridor de prix de la tonne de carbone (soit un prix plancher et un prix plafond pour encadrer les variations et empêcher que la chute du prix du carbone ne décourage les investissements favorables à la transition énergétique) n’a pas recueilli une adhésion suffisante pour déboucher sur des propositions. Il y a à cela plusieurs raisons, parmi lesquelles la crainte que le prix plancher ne finisse par devenir le prix « normal » du carbone, ou le caractère trop administré d’une telle mesure, apparaissant contraire au principe même de définition par le marché. Toutefois, l’attention portée à cette idée avait déjà eu le mérite de recentrer le débat, jusque-là largement concentré sur l’évitement des risques de fuite de carbone et le maintien de la compétitivité industrielle, sur l’importance d’un signal-prix efficace dans l’orientation des investissements et la lutte contre le changement climatique.

 

La révision de 2018 mise en œuvre poursuivait trois objectifs :

       Renforcer le SEQE-UE comme moteur d’investissement en augmentant le rythme des réductions annuelles des quotas de 2,2 % à partir de 2021 et en renforçant la réserve de stabilité du marché (mécanisme mis en place par l’Union en 2015 pour réduire l’excédent de quotas d’émission sur le marché du carbone et améliorer la résilience du SEQE-UE face aux futurs chocs) ;

       Maintenir l’allocation gratuite de quotas pour préserver la compétitivité internationale des secteurs industriels exposés au risque de fuite de carbone, tout en veillant à ce que les règles permettant de déterminer l’allocation de quotas à titre gratuit soient ciblées et intègrent les progrès technologiques accomplis ;

       Aider l’industrie et le secteur de l’électricité à relever les défis en matière d’innovation et d’investissement présentés par la transition vers une économie sobre en carbone en recourant à plusieurs mécanismes de financement.

c.   Une nouvelle révision à venir dans le cadre du Pacte vert

Le 16 novembre 2020, la Commission a lancé une consultation en vue d’une nouvelle révision de la directive dite ETS, qui organise le marché d’échange des quotas d’émission européen. Dans sa résolution sur le Pacte vert, le Parlement européen s’est déjà positionné sur cette révision en estimant que « pour que ces objectifs puissent avoir un effet significatif sur le prix du carbone, le système européen d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE-UE) doit être révisé en conséquence, notamment en vue de l’augmentation du facteur de réduction linéaire et de la réduction de l’allocation gratuite de quotas, afin de tenir compte de progrès techniques ». Non évoquée dans la résolution du Parlement européen, la question de l’extension du champ de la directive à de nouveaux secteurs, notamment pour y inclure les émissions du transport routier, des navires et des bâtiments, est à l’étude et conduirait à un marché beaucoup plus large et inclusif.

La Commission semble également envisager de réduire fortement, voire de supprimer, l’allocation de quotas gratuits au secteur aérien. La question du régime des émissions de ce secteur et de la coexistence d’un régime pour les vols intra-européens et d’un régime pour les vols internationaux en provenance ou en direction de l’extérieure de l’Union devra faire l’objet d’une étude ultérieure.

Vos rapporteurs ne peuvent qu’encourager à l’élargissement du marché des quotas d’émission, et à l’accroissement du facteur de réduction linéaire des quotas, gages d’une plus grande efficacité d’un marché européen des échanges rénové.

3.   Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (aussi appelé MACF) vise à rendre le commerce extérieur européen cohérent avec le Pacte vert et à lutter contre les fuites de carbone liées à la délocalisation d’industries vers des pays ayant des politiques climatiques peu ambitieuses. Un tel mécanisme contribuerait à réduire l’empreinte carbone de l’Europe en réduisant la part de carbone consommée sur son territoire au travers des biens et services importés. En effet, cette taxation, en rendant plus chers les produits « riches en carbone », aurait un double effet : désincitatif envers les consommateurs, qui seraient portés à reporter leur choix sur des biens plus décarbonés, et incitatif pour les partenaires commerciaux de l’Union, qui se trouveraient encouragés à mieux respecter les ambitions climatiques dans le cadre du commerce international.

Selon les estimations de la Commission, le MACF rapporterait de 5 à 14 milliards d’euros par an en fonction de son étendue et des produits importés concernés par le mécanisme. En outre, ce mécanisme permettrait de doter l’Union d’une nouvelle ressource propre lui permettant de financer, en partie, le plan de relance européen.

Du 22 juillet au 28 octobre 2020, la Commission a lancé une consultation publique concernant la création du MACF. Celle-ci donnera lieu à une proposition de directive au second trimestre 2021 pour une mise en place possible du mécanisme d’ici 2022. La Commission a proposé différents formats pour le MACF : une taxe sur les importations des produits sujets aux fuites de carbone ou une extension du modèle de marché des quotas d’émission aux importations. La consultation a également abordé le type d’émissions qui pourraient être prises en compte : émissions directes ou indirectes des produits importés, celles liées à l’électricité utilisée dans la production, ou encore les émissions dues au transport des marchandises jusqu’au marché européen.

La France soutient depuis longtemps la création d’une taxe carbone aux frontières de l’Union. La position française soutient l’idée d’une extension du marché de droits d’émission existant aux produits importés. Les partenaires commerciaux de l’Union devraient donc, pour la France, acheter des quotas d’émissions à la Commission avant de pouvoir exporter vers le marché unique. C’est également le modèle que soutient le Parlement européen. Sa commission ENVI rédige actuellement un rapport relatif à la manière dont l’Union pourrait rendre compatible le mécanisme d’inclusion aux frontières avec les règles de l’OMC. La grande majorité des think tanks européens soutiennent la création du mécanisme sur le format de l’extension de l’ETS aux importations, tout en soulignant l’importance de collaborer avec les pays tiers pour éviter des représailles commerciales ou des plaintes auprès de l’OMC.


Ainsi vos rapporteurs rappellent que le renforcement des ambitions climatiques de l’Union européenne est indissociable de l’adoption de mesures cohérentes visant notamment à lutter contre les fuites de carbone et à donner un prix au carbone, et notamment : l’adoption rapide d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourvoyeur de ressources propres pour l’Union, compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce ; l’introduction d’un prix minimum du carbone au sein du système d’échange de quotas d’émission de l’Union et la poursuite des travaux sur l’extension de ce système à l’ensemble des secteurs.

C.   L’acceptabilité de la transition, condition nécessaire à la réussite du Pacte vert

1.   Le mécanisme pour une transition juste : emmener tous les États membres dans un effort collectif

a.   Une proposition initiale ambitieuse

Le mécanisme pour une transition juste a été présenté en janvier 2020 par la Commission von der Leyen comme une partie intégrante du plan d’investissement global du Pacte vert pour l’Europe, visant à mobiliser au moins 1 000 milliards d’euros d’investissements publics au cours des dix prochaines années, et à drainer des investissements privés grâce au soutien de la Banque européenne d’investissement (BEI) en termes de garanties financières.

Lorsqu’il déclare : « Nous devons faire preuve de solidarité envers les régions les plus touchées en Europe, notamment les régions charbonnières, afin d’assurer que le pacte vert recueille le soutien de tous et qu’il ait une chance de se concrétiser », le Commissaire européen Franz Timmermans met en lumière l’importance de ce mécanisme pour l’acceptabilité du Pacte vert par tous les États membres, et de la transformation du système énergétique impliquée. Les rapporteurs retiennent le mot de sa conseillère auditionnée dans le cadre du présent rapport : « si la transition n’est pas juste, elle n’aura pas lieu ».

Le mécanisme pour une transition juste vise donc à faire en sorte que la transition écologique et énergétique s’effectue en atténuant les impacts socioéconomiques de la transition, grâce à un soutien en priorité dirigé vers les régions les plus dépendantes aux énergies fossiles. Depuis que l’Union européenne est entrée dans la crise sanitaire, les conséquences économiques de celles-ci entrent également en ligne de compte pour l’attribution des financements.

Dans la proposition initiale de la Commission, le volume total du mécanisme devrait approcher les 150 milliards d’euros mobilisables sur la période 2021-2027 grâce à trois vecteurs :

       Un dispositif pour une transition juste, spécialement créé dans le cadre du programme d’investissement InvestEU, visant à mobiliser 45 milliards d’investissement ;

       Une facilité de prêt au secteur public par la BEI de 10 milliards d’euros, soutenue par 1,5 milliard d’euros du budget de l’Union et mobilisant jusqu’à 30 milliards d’euros d’investissements ;

       Un fonds pour une transition juste, dont la dotation proposée par la Commission était initialement de 7,5 milliards ([18]).

Ce Fonds s’inscrit dans une dynamique de réduction des inégalités régionales, à l’image de la démarche engagée par certains autres fonds structurels de l’Union (comme le FEDER par exemple). Comme l’indique le Parlement européen, il se veut « un outil essentiel pour soutenir les territoires les plus touchés par la transition vers la neutralité climatique et pour éviter que les inégalités régionales ne se creusent. Son principal objectif sera d’amortir les effets de la transition en finançant la diversification et la modernisation de l’économie locale et en atténuant les répercussions négatives sur l’emploi », grâce au soutien d’investissements dans des domaines tels que « la connectivité numérique, les technologies énergétiques propres, la réduction des émissions, la réhabilitation de sites industriels, la reconversion des travailleurs et l’assistance technique ».

L’attribution et la mise en œuvre des financements doivent se faire dans le cadre de règles de gestion partagée, dans une coopération étroite entre les autorités nationales, régionales et locales. Les États membres seront appelés à présenter des plans territoriaux de transition juste afin de désigner des régions d’intervention spécifiques sur la base des conséquences économiques et sociales résultant de la transition, en particulier en ce qui concerne les pertes d’emplois attendues et les besoins de transformation des procédés de production des installations industrielles ayant la plus forte intensité de gaz à effet de serre.

Le Parlement européen et le Conseil de l’Union se sont réunis, mardi 24 novembre, pour discuter à nouveau du règlement sans réels progrès. Le sujet du financement des infrastructures du gaz est intimement lié avec une autre négociation, celle des montants alloués au Fonds européen de développement régional (FEDER) pour laquelle les positions sont inversées, le Conseil souhaitant financer le gaz à hauteur de 1 % du Fonds là où le Parlement européen est contre. Vos rapporteurs estiment que le soutien aux États membres qui sont les plus éloignés des objectifs pour la transition vers un modèle économique plus durable et décarboné doit demeurer une priorité, dans un esprit de solidarité. Mais une évaluation plus précise et scientifiquement appuyée (par une agence indépendante par exemple) pourrait accompagner les plans stratégiques nationaux censés justifier les projets pouvant bénéficier de ces fonds, afin de renforcer la légitimité des aides accordées et d’éviter qu’elles ne soient conçues comme un instrument de persuasion pour l’adoption d’objectifs environnementaux. Une meilleure implication de la société dans la réflexion sur la neutralité climatique doit être encouragée.

Vos rapporteurs rejoignent le constat de la Commission consistant à rendre inséparable la transition climatique et l’accompagnement des secteurs et régions fragilisés.

b.   Des montants revus à la hausse… puis à la baisse

Dans le cadre des négociations du cadre financier pluriannuel CFP pour la période 2021-2027, le Fonds de transition juste était initialement doté d’un budget de 7,5 milliards d’euros. Mais la crise étant survenue, la Commission a proposé le 28 mai 2020 une modification du règlement établissant un Fonds de transition juste ([19]) afin de porter le total des fonds mobilisables à 40 milliards d’euros. Pour cela, est proposé un financement supplémentaire substantiel de 2,5 milliards d’euros au titre du prochain budget à long terme de l’Union et de 30 milliards d’euros au titre de l’instrument « Next Generation EU ».

Depuis la présentation de cette proposition modifiée par la Commission, le Conseil est revenu sur le chiffre de 40 milliards d’euros lors des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027 à l’été 2020. C’est donc à partir de la proposition à 17,5 milliards d’euros (dont dix milliards apportés par le fonds de relance) que s’est engagée la discussion au Parlement européen. Dans sa résolution de septembre, le Parlement européen a rejeté la position du Conseil et proposé un point d’arrivée à 25 milliards d’euros pour le Fonds pour une transition juste. Cette proposition s’est accompagnée de la relance du débat sur les projets qui pourraient entrer dans son champ, le Parlement étant favorable à l’inclusion de projets gaziers, possibilité rejetée par le Conseil.

Au second semestre 2020, la Commission et le Conseil se sont en effet prononcés en faveur de l’exclusion des combustibles fossiles du fonds de transition juste, dans la logique des objectifs du Pacte vert européen mais en septembre 2020, le Parlement européen a proposé de modifier la proposition de la Commission afin que le fonds puisse financer des activités liées à l’exploitation de gaz naturel sous certaines conditions. Cette modification vise à accompagner les territoires européens encore trop dépendants des combustibles fossiles, que ce soit du fait de leur mix énergétique ou de problématiques liées à l’industrie et à l’emploi dans le secteur des énergies fossiles. Par cette modification, le Parlement européen prend position pour le maintien de l’emploi et la lutte contre l’exclusion des travailleurs du secteur des énergies fossiles plutôt que sur des initiatives de transition écologique jugées trop brutales et qui auraient, pour l’heure, des impacts socio-économiques trop importants sur les territoires en question.

2.   Une meilleure implication de la société dans la réflexion sur la neutralité climatique doit être encouragée

a.   Le rôle et les moyens octroyés aux instances de supervision indépendantes

L’affirmation d’un objectif de neutralité carbone constitue un signal politique important, qui conduit à conforter l’Union européenne dans un rôle de moteur de la lutte contre le changement climatique.

En outre, les scientifiques climatologues travaillent sur les moyens de modéliser l’action publique et son effet sur le réchauffement climatique afin de donner aux responsables politiques une vision plus claire des efforts qui doivent être fournis selon les critères à privilégier et des outils pour présenter aux citoyens les choix de société à opérer.

Dans cette perspective, l’utilité des travaux du GIEC ou du Haut Conseil pour le climat dans le cas français, doit être soulignée, car leur indépendance permet de mettre les décideurs face à la réalité de leur responsabilité.

À cet égard, vos rapporteurs sont favorables à la proposition de Conseil européen sur le changement climatique, sur le modèle du GIEC, avancée par le Parlement européen, afin de favoriser des évaluations indépendantes de celles de la Commission européenne. En effet, la production d’études d’impact par la même instance que celle élaborant les décisions ensuite proposées à l’adoption des institutions législatives européennes apparaît problématique à vos rapporteurs.

Vos rapporteurs ont pu entendre l’analyste chef de la division « atténuation, énergie et transport » du programme sur le changement climatique de l’Agence européenne pour l’environnement, M. François Dejean, et tiennent à souligner l’utilité des travaux de cette Agence européenne au regard de ses moyens limités, compte tenu de l’étendue des données à considérer (l’Agence travaille depuis 1994 en partenariat avec 32 pays, et à titre d’exemple, la division de M. Dejean compte une quinzaine d’analystes).

b.   La contribution des scientifiques à l’élaboration des budgets carbone

L’affirmation de l’objectif de neutralité carbone pose également la question plus large du rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre les différents ensembles de la communauté internationale pour parvenir collectivement à enrayer le réchauffement climatique.

C’est le sens du modèle de budgets carbone défendu dans un article récemment paru dans la revue Nature geoscience ([20]), dont l’un des auteurs, M. Roland Séférian a pu être auditionné par vos rapporteurs.

Le modèle des budgets carbone présente des recommandations sur les moyens de calculer et de présenter de façon transparente les budgets carbone pouvant encore être utilisés avant d’atteindre la frontière des 1.5 ou 2°C de réchauffement, et souligne que les paramètres de répartition de l’effort selon les pays (responsabilité historique, principe de justice dans l’atteinte des objectifs de développement ou capacités techniques à atténuer ses émissions) doivent pouvoir être discutés là aussi dans la transparence. Il convient de souligner que le Parlement européen, dans sa résolution sur la loi européenne sur la neutralité climatique pour 2050, s’est dit favorable à l’utilisation d’un outil de type budget carbone pour mesurer les efforts à fournir par les États membres et évaluer les progrès accomplis.

c.   Une inclusion plus grande des citoyens à favoriser

La mobilisation croissante des citoyens sur le sujet du changement climatique est de plus en plus visible. D’abord dans les préoccupations exprimées dans les enquêtes d’opinion : selon un sondage Eurobaromètre effectué par la Commission européenne en 2019, les citoyens européens sont très préoccupés par le changement climatique et soutiennent les mesures prises à l’échelle de l’Union pour y faire face. Ainsi, 93 % des citoyens de l’Union considèrent le changement climatique comme un problème grave, et 79 % comme un problème très grave ([21]).

Cette mobilisation est également à l’œuvre dans les manifestations régulières pour inciter les gouvernements à une action plus résolue dans la lutte contre le réchauffement climatique, comme en témoigne le succès des marches pour le climat (selon les organisateurs, la Marche pour le climat du 21 septembre 2019 avait rassemblé plus de 150 000 personnes en France).

 


 

Vos rapporteurs soulignent l’importance des consultations citoyennes réalisées au niveau européen, notamment par la Commission, pour récolter et entendre ces revendications, à défaut de quoi les risques de radicalisation ne sont pas à écarter, avec des actions de désobéissance civile pouvant donner lieu à des débordements (mouvement Extinction Rebellion par exemple).

Les élus, nationaux et européens, ont toute leur place dans le relais des préoccupations des citoyens, et vos rapporteurs tiennent à réaffirmer ce rôle essentiel de représentation et d’alerte, tout autant que l’importance de leur contribution à l’élaboration des politiques publiques en faveur des enjeux climatiques.

d.   Une responsabilisation renforcée des comportements individuels

Les effets des efforts individuels pour ralentir le réchauffement climatique ont pu être mesurés par divers articles universitaires ou de cabinets de conseil. Ainsi, selon l’étude intitulée « Faire sa part » du cabinet Carbone 4 ([22]), l’impact des actions individuelles n’est pas du tout négligeable : pour un Français faisant des efforts poussés, il conduirait à une baisse de 5 à 10 % de son empreinte carbone. De plus, les actions individuelles d’investissement financier en faveur de la rénovation énergétique des logements ou de passage à des véhicules moins émetteurs de GES peuvent là aussi avoir un impact : selon cette étude, « au total, la combinaison d’une posture « réaliste » en termes de gestes individuels (environ -10 %) et d’investissements au niveau individuel (environ -10 %), induirait une baisse d’environ -20 % de l’empreinte carbone personnelle, soit le quart des efforts nécessaires pour parvenir à l’objectif 2°C. »

Si la conclusion de cette étude invite à un certain réalisme sur la portée des efforts individuels et appelle à une action collective résolue de la part des pouvoirs publics, elle illustre toutefois que la somme des changements de comportements des citoyens peut jouer un rôle utile.

À cet égard, vos rapporteurs seraient favorables à ce que soient mieux connus et promus des outils tels que les calculateurs d’empreinte carbone qui peuvent être développés par les pouvoirs publics, à l’image du site internet « Nos GEStes climat ([23]) », qui propose aux utilisateurs de visualiser leur impact GES (Gaz à effet de serre) et à agir pour le réduire. Cette initiative est à saluer : elle est portée par Ecolab, un service développé par l’ADEME (l’Agence de la Transition Écologique) depuis mars 2019, grâce à l’appui stratégique et opérationnel de la DINUM.

Les solutions issues des entreprises européennes doivent aussi être soutenues et financées pour accélérer l’internalisation par le secteur privé de la question carbone. L’entreprise « Greenly » propose par exemple une solution digitale de mesure individuelle de l’empreinte carbone, et c’est une entreprise française. Le défi climatique doit être une opportunité de soutenir le développement de nouveaux fleurons européens, en particulier dans le secteur du numérique dont l’Europe a tardé à s’emparer.

II.   Le plan de relance et le cFP : unE occasion historique d’accélérer la transition énergétique de l’Union européenne

A.   De nouveaux financements potentiels pour le climat

1.   Le Cadre financier pluriannuel 2021-2027

La négociation du prochain cadre financier pluriannuel est actuellement en voie de finalisation entre les États membres, après une discussion qui aura duré plus d’un an et demi, puisque la proposition initiale de la Commission avait été présentée le 2 mai 2018 et que la négociation devrait s’achever en décembre 2020.

Le cadre financier pluriannuel se compose de plusieurs textes au régime d’adoption différent : un règlement du Conseil portant cadre financier pluriannuel, adopté à l’unanimité après approbation du Parlement européen, une décision du Conseil sur le système des ressources propres, adoptée à l’unanimité après consultation du Parlement européen et soumise à la ratification des États membres selon leurs procédures constitutionnelles respectives, et des règlements sectoriels déclinant les montants attribués à chaque politique, dont l’adoption répond à la procédure législative ordinaire (avec un poids égal du Conseil et du Parlement).

La proposition initiale de règlement portant cadre financier pluriannuel avait déjà connu des modifications sensibles lorsque les négociations se sont trouvées interrompues en février 2020 par la crise causée par la pandémie de COVID-19, modifications qui tenaient aux préférences exprimées par les différents États membres pour le soutien de certaines priorités (ainsi, la France s’était opposée à la baisse des crédits en faveur de la politique agricole commune). Mais la crise est venue remettre en cause de façon plus profonde la négociation, dès lors que le plan de relance imaginé pour faire face aux conséquences économiques graves de la pandémie s’est trouvé imbriqué avec le cadre financier pluriannuel.

En effet, le 21 juillet, après quatre jours de négociations du Conseil européen, les 27 chefs d’État et de gouvernement ont trouvé un accord pour lier le prochain budget pluriannuel de l’Union européenne à un plan de relance de 750 milliards d’euros. C’est donc un ensemble complet de mesures financières d’un montant de 1 824,3 milliards d’euros, qui associe le prochain cadre financier pluriannuel - 1 074,3 milliards d’euros - et un instrument temporaire pour la relance, dénommé Next Generation EU, de 750 milliards d’euros (aux prix de 2018), qui a été soumis à l’approbation du Parlement européen.

Au sein de l’accord politique trouvé par la présidence allemande du Conseil avec les négociateurs du Parlement européen, un plus haut niveau d'ambition en matière de biodiversité et un suivi renforcé des dépenses en faveur de la biodiversité et du climat constituent des points d’exigence importants pour la contribution du prochain CFP à la réussite du Pacte vert.

Ainsi, selon la Commission, 30 % des fonds de l’Union seront consacrés à la lutte contre le changement climatique dans chaque programme, soit la part du budget de l’Union la plus élevée jamais enregistrée : mais les moyens de contrôler que cet objectif sera atteint restent flous, d’autant plus s’il doit s’appliquer à l’ensemble des programmes mis en œuvre. Vos rapporteurs estiment que la Commission devrait apporter plus de clarté sur les indicateurs qui seront mis en œuvre pour assurer le suivi du respect de cette exigence.

Il faut également noter que parmi les dix programmes ayant bénéficié de fonds complémentaires par rapport à l’accord du 21 juillet et suite aux négociations avec le Parlement européen, ne figure aucun programme en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique à proprement parler.

Au sein du CFP, c’est le programme LIFE qui porte le plus explicitement des objectifs de lutte contre le changement climatique, puisqu’il vise à financer par voie de subvention des projets bénéfiques à l’environnement ou au climat sur les sujets de l’utilisation rationnelle des ressources, de la préservation de la nature et de la biodiversité notamment. Doté de 3,5 milliards sur la période 2014-2027, il a fait l’objet d’une proposition initiale de la Commission européenne d’une enveloppe financière totale de 5,45 milliards d'euros, dont 3,5 milliards d'euros pour le domaine « Environnement » et 1,95 milliard d'euros pour le domaine « Action pour le climat ». Mais de nombreux programmes, de la politique agricole aux transports, en passant par le bâtiment, peuvent comporter des éléments plus ou moins favorables à la lutte contre le changement climatique et à l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2020.

Concernant le volet « ressources » du prochain cadre financier pluriannuel, il est prévu que de nouvelles ressources propres soient mises en œuvre qui contribuent au verdissement du budget européen : ressource basée sur les déchets plastiques, mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ressource issue de la réforme du marché des quotas d’émission.

Mais la mise en œuvre de ces ressources reste soumise à de futures négociations, avec une probabilité incertaine de voir le jour. Vos rapporteurs tiennent néanmoins à saluer le progrès constitué par l’énoncé d’un calendrier prévisionnel pour la présentation des futures propositions tenant aux nouvelles ressources propres.

2.   Un plan de relance européen en voie de finalisation

En juillet 2020, les gouvernements des États membres se sont mis d’accord sur le principe d’un plan de relance de 750 milliards d’euros sous la forme d’un nouvel instrument intitulé « Next Generation EU », pour lequel sera ouverte la possibilité inédite de s'endetter en commun. Pour que la Commission européenne puisse effectivement réaliser cet emprunt, l'ensemble des parlements nationaux devra donner son accord.

Le plan européen pourrait ainsi financer des programmes nationaux dans l'ensemble des États membres. D’abord grâce à une « facilité pour la reprise et la résilience » sur laquelle un accord politique a été trouvé le 10 novembre 2020 afin de proposer aux États membres 390 milliards d'euros (aux prix de 2018) sous forme de subventions, dont 70 % seraient engagés en 2021 et 2022 et 30 % d'ici à la fin de 2023 et de 360 milliards d’euros sous forme de prêts Chaque pays pourrait ainsi disposer d’une enveloppe partiellement prédéfinie, en fonction de sa population, de son PIB par habitant et de son taux de chômage avant le début de la pandémie, de 2015 à 2019 (les 30 % restants versés en 2023 dépendront quant à eux des baisses du PIB et de l'emploi observées sur 2020, pour tenir compte de l'impact économique de l'épidémie de coronavirus).

Si les États membres demeurent libres de présenter les mesures nationales jugées les plus adaptées, ils seront néanmoins contraints de consacrer 37 % des sommes aux objectifs climatiques, ce qui représente une opportunité inédite pour un effort commun au niveau de l’Union. Vos rapporteurs tiennent à souligner l’importance d’une évaluation transparente par les États des fonds octroyés dans le cadre du plan de relance européen afin de vérifier que leur utilisation a contribué de façon effective à des objectifs environnementaux.

L’adoption du plan de relance européen a été menacée par le blocage créé par les gouvernements polonais et hongrois. Ceux-ci, refusant la conditionnalité des versements budgétaires du cadre financier pluriannuel au respect de l’état de droit, ont en effet manifesté leur opposition aux dispositions législatives pouvant permettre à la Commission de s’endetter pour le plan de relance européen, qui requièrent, elles, l’unanimité.

Un accord a toutefois été trouvé entre ces deux pays et la présidence allemande qui a été avalisé par le Conseil européen des 10 et 11 décembre 2020 ouvrant ainsi la voie à l’adoption du cadre financier pluriannuel et des textes nécessaires à la mise en œuvre du plan de relance.

B.   un nécessaire ciblage des investissements pour une reprise durable : de la taxonomie verte A L’ANALYSE DE LA PERFORMANCE EXTRA-FINANCIÈRE

Les mesures de relance rendues nécessaires par la crise née de la pandémie de COVID-19 pourraient constituer une opportunité unique de trouver de nouveaux moyens dans la lutte contre le réchauffement climatique en contribuant à réorienter les modèles économiques sur la voie de la neutralité climatique.

Toutefois, l’atteinte des objectifs d’accorder de 37 % des fonds alloués aux États (40 % selon les résolutions votées par les commissions BUDG et ENVI du Parlement européen le 10 novembre) pour des enjeux climatiques, ou 30 % du budget européen de long terme à ces mêmes enjeux se heurte à la question sensible de l’évaluation du caractère climatiquement neutre des investissements, tant pour la définition des critères que pour la désignation des « évaluateurs », dont l’indépendance serait indispensable pour assurer que l’affirmation d’une relance verte ne se limite pas à une entreprise continentale de « greenwashing ».

La sensibilité de cette question est manifeste dans le débat récent sur les résolutions votées au Parlement européen sur le plan de relance : l’exclusion des investissements en lien avec les combustibles fossiles des plans nationaux couverts par la facilité de résilience n’a pas été retenue par les eurodéputés, alors même que ceux-ci affirmaient dans les mêmes résolutions le principe « do no significant harm », soit un principe d’abstention de toute nuisance significative aux objectifs environnementaux de transition.

 

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Source : Nicholas Stern, Joseph Stiglitz, Université d’Oxford. CR carbon brief

Vos rapporteurs estiment que le travail effectué au niveau de l’Union depuis 2015 sur une « taxonomie verte » susceptible de renseigner toutes les parties prenantes (investisseurs, autorités publiques, grand public et société civile) sur la compatibilité des activités économiques avec les objectifs climatiques de l’Accord de Paris et, désormais, du Pacte vert européen pourrait jouer un rôle déterminant dans la transition vers une économie climatiquement neutre à l’horizon 2050.

Ce travail, appuyé par le Groupe technique d’experts sur le financement durable (TEG) de la Commission européenne a mené à la publication d’un rapport ([24]) le 9 mars 2020 visant à standardiser les activités durables tout en proposant un vocabulaire commun aux acteurs européens pour ainsi éviter tout risque de greenwashing.

Le rapport permet d’évaluer la durabilité de 70 activités économiques, représentant 93 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’Union européenne, selon différents niveaux :

       Activités déjà considérées comme bas-carbone et compatibles avec l’accord de Paris (exemple : les transports bas-carbone) ;

       Activités pouvant contribuer à la transition vers une économie zéro émission nette en 2050 mais qui ne suivent pas encore la trajectoire de la neutralité carbone (comme la rénovation de bâtiments) ;

        Activités permettant le « verdissement » ou la réduction des émissions d’autres activités, telles que l’élaboration de technologies entraînant une réduction substantielle des émissions dans d’autres secteurs (comme la fabrication d’éoliennes).

Le règlement sur la taxonomie, adopté le 18 juin 2020 après plus de deux ans de négociation, devrait permettre de mieux orienter les décisions d’investissement en faisant de cette classification une référence incontournable.

Selon ce règlement (art. 3), une activité économique est considérée comme durable sur le plan environnemental si elle :

       Contribue substantiellement à au moins un des six objectifs environnementaux énoncés à l’article 9 (l’atténuation du changement climatique ; l'adaptation au changement climatique ; l'utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines ; la transition vers une économie circulaire ; la prévention et la réduction de la pollution ; et enfin, la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes) ;

       Ne cause de préjudice important à aucun des objectifs environnementaux précités ;

       Est exercée dans le respect des garanties minimales (art. 18) ;

       Est conforme aux critères d’examen technique établis par la Commission.


Vos rapporteurs rappellent l’importance du travail en cours sur la performance extra-financière des activités publiques et privées européennes. La directive NFRD de 2014 prévoit des obligations de publication s’appliquant aux grandes entreprises d’intérêt public de 500 salariés et englobe ainsi environ 5 000 entreprises dans l’Union.

Dans sa communication relative au Pacte Vert européen (décembre 2019) la Commission européenne a annoncé une révision de la NFRD afin d’améliorer l’information des acteurs économiques et financiers en matière de durabilité. Une proposition législative est attendue pour le premier trimestre 2021.

Les conclusions de ce travail seront particulièrement structurantes pour développer et mettre en cohérence les mécanismes d’analyse et de suivi. Cette transparence est un nécessaire pour orienter l’action publique et permettre aux citoyens d’être acteurs de la transition par les choix de consommation qu’ils opéreront.

III.   La loi climat en discussion : une nouvelle trajectoire climatique européenne pour atteindre la neutralité carbone en 2050

A.   un accord sur la loi climat avant la fin de l’année 2020 : une priorité de la présidence Allemande

1.   Le projet amendé de la Commission

La proposition de règlement sur la neutralité carbone pour 2050 s’inscrit dans la volonté européenne d’affirmer des standards ambitieux en matière de lutte contre le réchauffement climatique et fait suite aux annonces de la présidente von der Leyen au début de son mandat. Elle vise à inscrire l’Union dans une stratégie de long terme en fixant un objectif à l’échéance de 2050, se place dans la continuité de la stratégie énoncée en novembre 2018 dans la communication de la Commission « Une planète propre pour tous » et complète le Pacte vert pour une stratégie environnementale d’ensemble. Publiée le 4 mars 2020, la proposition de règlement établissant une loi européenne pour le climat rend l’objectif de neutralité carbone contraignant et irréversible et constitue un signal fort pour orienter les choix d’investissement et les politiques publiques à long terme.

La proposition de mars prévoyait également de réviser l’objectif de réduction des émissions à l’horizon 2030, fixé à 40 % par rapport à 1990, en fonction d’une étude d’impact exhaustive dont la publication est intervenue en septembre 2020. Après celle-ci, et au vu de son évaluation des progrès possibles en matière de réduction des émissions de GES dans les prochaines années, la Commission a modifié sa proposition pour inscrire un objectif de 55 % de réduction pour 2030.

La proposition de « loi pour le climat » prévoit également une évaluation régulière des mesures prises au niveau national pour atteindre l’objectif de neutralité, ainsi qu’un réexamen régulier, tous les cinq ans, de la trajectoire empruntée par l’Union en vue d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Cette gouvernance renouvelée permettrait de suivre la temporalité impliquée par la ratification de l’Accord de Paris, qui prévoit un bilan mondial à échéance régulière.

2.   La position ambitieuse du Parlement

Le Parlement européen avait œuvré pour une législation climatique européenne plus ambitieuse en déclarant l’urgence climatique dans sa résolution du 28 novembre 2019. Il a examiné la proposition de règlement sur la loi climat pour la neutralité carbone, d’abord au sein de la commission ENVI, et a voté sur la base du rapport Guteland pour un texte allant plus loin dans la réduction des émissions à l’horizon 2030, avec un objectif de baisse de 60 % par rapport à 1990. Le Parlement européen souhaite également que la Commission européenne évalue, d’ici au 31 mai 2023, la possibilité de fixer un objectif pour 2040 via une proposition législative.

Le Parlement européen s’est également prononcé pour l’instauration d’un Conseil européen du changement climatique, notamment afin d’assurer une analyse indépendante des politiques des États membres et d’évaluer les progrès accomplis. Selon le mandat de négociation ainsi adopté le 7 octobre, la neutralité climatique devrait être atteinte par l’Union européenne en 2050, mais également par chaque État membre. Un mécanisme de sanction pourrait être établi en modifiant le règlement européen sur la répartition de l’effort : dès lors qu’un pays dépasserait les limites d’émission assignées par le règlement, une amende sur les émissions excédentaires correspondant au prix minimum de la tonne de carbone pourrait être exigée.

Les subventions directes et indirectes aux énergies fossiles devraient selon le Parlement européen être progressivement supprimées d’ici à 2025. Les députés européens ont ainsi demandé à ce que soit mis fin à la protection des investissements en faveur de combustibles fossiles dans le contexte de la modernisation du traité sur la Charte de l’énergie.

Enfin, comme déjà évoqué, un budget carbone devrait être élaboré en fonction des meilleures connaissances scientifiques afin de donner une réelle visibilité sur les marges de manœuvre et les efforts immédiats à fournir en termes de réduction des émissions de GES. L’élaboration de la trajectoire carbone d’ici à la neutralité prévue pour 2050 pourrait s’appuyer sur les données apportées par ce budget carbone afin de fournir des objectifs intermédiaires adaptés pour 2030 et 2040.

 

3.   Les négociations difficiles au Conseil

La négociation au niveau des États membres de la proposition amendée de la Commission fait apparaître les points sensibles de décisions de long terme au niveau énergétique. Le respect du mix énergétique de chaque État membre est en effet un enjeu de souveraineté fort, auquel s’ajoutent des problématiques budgétaires inévitables dès lors que la transition vers des modèles moins carbonés requiert d’engager des montants financiers importants, sur une durée de moyen long terme. La présidence allemande de l’Union européenne au second semestre 2020 s’est engagée sur l’adoption avant la fin de l’année de la loi climat, mais le Conseil n’est à présent parvenu qu’à une position partielle, très proche de la proposition de la Commission de septembre 2020, et laissant de côté la question de l’objectif pour 2030.

La position partielle du Conseil prévoit que la Commission présente une proposition de révision de la loi climat afin d’y intégrer l’objectif de l’Union pour 2040 au plus tard dans les six mois suivant le premier bilan mondial de l’Accord de Paris, prévu en 2023. Elle écarte l’idée de la Commission de recourir à des actes délégués pour fixer les objectifs climatiques intermédiaires.

Selon le document transmis par le président du Conseil européen, Charles Michel aux délégations nationales le mardi 24 novembre, l’objectif de neutralité climatique doit être atteint collectivement et « d’une manière qui préserve la compétitivité de l’Union et qui tienne compte des circonstances nationales des États membres ». Le document soulignait la nécessité de « respecter le droit des États membres de décider de leur bouquet énergétique ». Ces précisions étaient essentielles pour un certain nombre d’États membres, notamment la Pologne et la Hongrie, pour lesquels la question du « cadre facilitateur » (enabling framework), soit l’ensemble des instruments, mesures incitatives, soutiens et investissements visant à aider les États membres dans la transition énergétique en tenant compte de leurs différents points de départ, constitue un élément clé pour qu’ils adhèrent à l’objectif d’une réduction des émissions d’au moins 55 %.

Certains pays (Suède, Luxembourg, Danemark, Espagne, Finlande et Lettonie) souhaitaient que l’accord partiel prévoie d’appliquer l’objectif de neutralité à chaque État membre individuellement, une position similaire à celle du Parlement européen : cette position a très peu de chances d’être retenue dans le texte final.

Les trilogues, discussions réunissant les représentants de la Commission, du Parlement européen et du Conseil, ont débuté le lundi 30 novembre sans avancée significative.

4.   Le Conseil européen des 10 et 11 décembre : vers un accord entre les États membres

B.   Quel périmètre pour l’Europe du climat ?

1.   Le bon niveau de fixation des objectifs : la répartition de l’effort

Le projet présenté par la Commission européenne et visant à rendre l’Union européenne climatiquement neutre à l’horizon de 2050 fixe un objectif contraignant, la neutralité carbone, au niveau agrégé de l’Union. Cela signifie que la somme des émissions totales émises par tous les pays membres devra être compensée au niveau européen : certains pays pourront (et devront sans doute) aller plus loin que cette neutralité en développant des capacités d’absorption nettes, tandis que d’autres pays membres ne parviendront pas à la neutralité carbone à cette échéance et demeureront émetteurs nets de GES. Cette différenciation peut se justifier au regard du degré d’avancement dans la transition énergétique des États, et de la grande diversité des mix énergétique en Europe.

La définition des objectifs nationaux en matière de réduction des émissions de GES est encadrée au niveau de l’Union par le « règlement sur la répartition de l’effort » ([25]), qui fait l’objet d’une révision régulière. La législation relative à la répartition de l’effort fixe des objectifs annuels contraignants en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre des États membres pour les périodes 2013-2020 et 2021-2030 pour les secteurs non couverts par le marché des quotas d’émission (soit le transport, le bâtiment, l’agriculture et la gestion des déchets). Ces secteurs représentant 60 % des émissions totales de l’Union, le règlement sur la répartition de l’effort constitue un outil central dans la mise en place en Europe de l’Accord de Paris sur le climat. Les États membres se sont accordés sur une réduction des émissions de 30 % dans ces secteurs d’ici à 2030 par rapport à 2005, pour contribuer à l’objectif global d’une réduction de 40 % des émissions totales des GES d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990.

Bien que les objectifs soient fixés jusqu’à 2030, la perspective de l’adoption de la loi européenne sur la neutralité carbone en 2050 rend nécessaire leur révision pour accroître le niveau d’ambition. En effet, l’objectif de réduction aujourd’hui avancé par la Commission pour 2030 est passé de 40 % à 55 %, ce qui implique que les États se voient définis des objectifs là aussi plus ambitieux. La prochaine révision de ce règlement devrait avoir lieu à l’échéance de juin 2021, et la Commission européenne a déjà soumis une feuille de route présentant plusieurs options à une consultation publique, dont certaines ont été très critiquées par plusieurs ONG environnementales (Carbon Market Watch, Greenpeace, Climate Action Network Europe) comme l’option d’une suppression progressive de ce règlement ou de la réduction de son champ par suite de l’élargissement du champ du marché des quotas d’émission. Ces organisations préconisent un relèvement des ambitions dans les trois composantes de l’architecture climatique : le secteur couvert par le marché des quotas d’émission, le secteur non couvert, et le règlement concernant l’utilisation des terres, le changement d'affectation des terres et la foresterie (règlement UTCATF).

Vos rapporteurs regrettent que la révision des objectifs nationaux pour les secteurs non couverts par le marché des quotas soit aussi disjointe en termes de calendrier par rapport à la discussion sur la neutralité carbone à échéance de 2050 pour l’Union, car cela contribue à faire passer au second plan l’importance des objectifs nationaux et à ne mettre l’accent que sur un objectif de neutralité carbone commun.

Or, l’évaluation de la Commission des plans nationaux énergie climat avait déjà relevé que ceux-ci, bien que présentant un niveau d’ambition en hausse, ne s’avéraient pas suffisants pour atteindre l’objectif d’une réduction des émissions de GES de 55 % à l’horizon 2030.

2.   L’inclusion ou non des « UTCATF »

La question du périmètre de la loi climat visant à atteindre la neutralité carbone pour l’Union en 2050 touche également à la compréhension qui est faite de l’objectif de réduction, avec l’inclusion ou non des compensations permises par l’utilisation des terres, le changement d’affectation des terres et la foresterie. Il s’agit donc de déterminer si l’on parle d’objectif brut (hors compensation) ou net (ce qui relève d’une ambition moindre).

Pour atteindre la neutralité climatique, le secteur de l’utilisation des terres, changement d’affectation des terres et de la forêt (UTCATF), est en effet essentiel dès lors qu’il est le seul permettant de réaliser des émissions négatives grâce aux puits de carbone naturels que constituent la biomasse (les végétaux, haies et forêts…) et les sols (dont les sols agricoles). L’importance et la préservation des puits de carbone sont depuis longtemps reconnues dans les négociations climatiques internationales, et la déforestation un enjeu très présent. Mais il ne faut pas sous-estimer les difficultés à réformer les pratiques de gestion des sols, et les enjeux économiques associés. Comme le souligne le rapport de l’IDDRI sur la neutralité carbone de septembre 2018 ([26]), le suivi de l’augmentation de stocks de carbone des sols (notamment sur une exploitation agricole) « pose de sérieux problèmes de métrologie » et d’attribution (certains facteurs extérieurs aux pratiques agricoles pouvant avoir une influence).


La question de l’influence de l’inclusion des compensations permises par le secteur UTCATF n’est donc pas neutre, et fait l’objet d’une incertitude quant à ses effets sur la possibilité d’atteindre l’objectif de neutralité carbone. Cette incertitude justifierait, selon vos rapporteurs, des éléments d’étude prospective détaillés de la part d’instances indépendantes, et la tenue d’un débat plus approfondi sur la question de la définition nette ou brute de l’objectif des 55 % pour 2030.

 


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   Conclusion

 

Depuis les objectifs affirmés par le premier paquet énergie-climat de 2008, l’Union européenne peut se féliciter d’avoir accompli des progrès substantiels sur la voie de la transition vers un modèle moins carboné et plus favorable à la lutte contre le changement climatique. Les cibles fixées pour 2020, en termes de réduction des émissions, d’amélioration de l’efficacité énergétique, ou de déploiement des énergies renouvelables sont toutes en passe d’être atteintes, voire dépassées.

Toutefois, ces succès sont fragiles, et vos rapporteurs tiennent à insister sur ce message d’alerte : la trajectoire actuelle ne permettra pas d’atteindre les objectifs fixés pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030, ni actuels, ni réhaussés par la proposition de loi européenne sur la neutralité climatique. L’ambition de neutralité climatique pour 2050, affirmée par l’Union européenne afin de se conformer aux engagements pris lors de la COP21 et concrétisés par la signature de l’Accord de Paris, est louable. Mais elle apparaît aujourd’hui hors d’atteinte si des efforts très conséquents ne sont pas effectués rapidement dans tous les États membres de l’Union.

À ce titre, vos rapporteurs soulignent la nécessité de parvenir à dépasser le seul engagement collectif au niveau de l’Union pour que chaque pays prenne sa part sous la forme d’un objectif national contraignant, éventuellement assorti de sanctions en cas de non–respect. Pour être acceptée par tous les États membres, cette obligation devrait se concilier avec le respect de la souveraineté nationale dans le choix du mix énergétique, et s’accompagner des mesures de soutien solidaires nécessaires. À cet égard, l’attrition du Fonds de transition juste depuis sa formulation initiale ne manque pas de préoccuper vos rapporteurs.

Enfin, il conviendra d’être particulièrement attentifs lors de la mise en œuvre des mesures de relance entrant dans le champ du plan européen. Le plan de relance européen offre à l’Union l’opportunité historique, dans la droite ligne du Pacte vert, d’opérer un tournant pour la transition énergétique, mais cela ne peut aller de pair avec la poursuite du financement des énergies carbonées.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 13 janvier 2021, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

 

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Le 7 octobre dernier, nous vous présentions une proposition de résolution européenne relative à la loi européenne sur le climat. Ensemble nous l’avions discutée, débattue et enrichie de plusieurs amendements, puis transmise à la Commission du développement durable. Cette résolution est devenue position de l’Assemblée nationale depuis le 25 novembre dernier.

Nous nous situons aujourd’hui à un tournant. Il y a urgence à agir. La transformation de nos modes de vies est inévitable. Notre rapport traite de cette accélération. Désormais tous les sujets sont climatiques. Et nous vous proposons de faire de ce tournant une opportunité.

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. L’objet de notre rapport est de vérifier si l’objectif de l’Union européenne est crédible : pourrons-nous parvenir à la neutralité carbone en 2050 ?

L’horizon 2050, c’est dans trente ans. Pour répondre à cette question, il convient auparavant de faire un panorama du contexte international.

L’Europe n’est pas une île. Elle représente à peine 10 % des émissions mondiales mais est à l’origine de 20 % des émissions cumulées depuis 1870. En 2021, la COP 26 se réunira au mois de novembre à Glasgow en Écosse : cette réunion cristallisera les ambitions qui doivent être renouvelées des Nations Unies et des 180 pays ayant participé à la COP 21 à Paris en 2015.

Dans les accords de Paris de 2015, il y avait un paragraphe très important énonçant que tous les 5 ans, les pays devaient réviser leurs engagements. Toutefois, la COP n’a pu se tenir en 2020, et c’est donc en 2021, en novembre, à Glasgow, que les ambitions vont devoir être mises à jour.

Par ailleurs, les pays ne se situent pas sur la trajectoire de l’Accord de Paris. Ce dernier prévoyait une limitation de l’augmentation de la température à 1,5 °C, voir 2 °C d’ici la fin du siècle. C’est en lien avec cet engagement que l’Union européenne souhaite atteindre la neutralité carbone en 2050. L’un ne va pas sans l’autre.

Or, tous les rapports du GIEC démontrent que nous sommes plutôt sur une trajectoire de 3,2 °C à 3,5 °C. On constate tous les jours les désagréments occasionnés que ce soit les inondations, la diminution des glaciers, le recul de la banquise qui s’accélère, ou encore les cyclones qui touchent un nombre important de pays.

Avec une augmentation de 3,5 °C, la trajectoire serait aggravée et cela deviendrait très problématique. D’où la nécessité de respecter l’Accord de Paris et d’aboutir à la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Si l’on consulte les chiffres d’émissions de CO2 par tête d’habitant, la France est à 5,2 tonnes par habitant et l’Allemagne à 9,5 tonnes. Lorsque la Chancelière Merkel a pris la décision de promouvoir les énergies renouvelables et d’abandonner progressivement le nucléaire, elle a finalement été conduite à ouvrir des centrales à charbon. Les émissions de gaz à effet de serre sont ainsi le double de celles de la France.

Si l’on s’intéresse aux États-Unis, c’est près de 16 tonnes. Les déclarations du nouveau Président Biden selon lequel ce pays devrait revenir immédiatement dans l’Accord de Paris sont donc importantes.

La Chine se situe à 7,8 tonnes par habitant. Quand vous multipliez ce chiffre par ceux de sa population, on aboutit à un total d’émissions considérable. La Chine et les Etats-Unis constituent à eux deux près de 45 % des émissions mondiales.

L’Europe, qui représente à peine 10 % des émissions mondiales, est ainsi contrainte par les 90 % d’émissions de gaz à effet de serre qui viennent d’autres pays. L’Europe a toujours été en tête de pont pour expliquer que la lutte contre le réchauffement climatique était une lutte de première importance. Le premier paquet climat, où était inscrite la fameuse règle des 3×20, remonte à 2008. Cela fait une douzaine d’années que l’Europe a gravé dans le marbre ses ambitions. Il s’agissait alors de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 %, de faire en sorte que le mix énergétique européen comporte 20 % d’énergies renouvelables et d’augmenter de 20% l’efficacité énergétique d’ici 2020.

Le niveau de ces ambitions a ensuite été révisé à la hausse. Dans le dernier paquet datant de 2018, l’ambition affichée est de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre pour 2020, d’améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 32 %, et d’obtenir une part d’au moins 32 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique.

Concernant la baisse des émissions de gaz à effet de serre, nous sommes sur une trajectoire de baisse de l’ordre de 19 à 20 %. Le même constat peut être fait concernant le mix énergétique. Là où nous sommes un peu faibles, c’est sur l’efficacité énergétique. Et l’on comprend bien pourquoi : c’était un objectif qui n’était pas vraiment contraignant.

Les ambitions de la Commission ont été portées par sa présidente qui a mentionné la lutte contre le changement climatique comme une de ses priorités.

L’idée était de rehausser le niveau des ambitions européennes. La proposition de passer à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% représentait un saut important par rapport à l’objectif de 40 %.

Le Parlement européen s’est saisi de cette affaire et sa commission de l’environnement a décidé de mettre la barre à 60 %. La rapporteure, Mme Jytte Guteland, avait même proposé une réduction de 65 %. Le résultat est un objectif de 55 % que le Conseil européen a cristallisé au cours de sa réunion de décembre 2021 et qui sera déjà très difficile à obtenir.

Les premiers résultats ne sont en effet pas à la hauteur de nos ambitions. Quand nous étudions les différentes auditions qui ont été menées par la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen et le Haut Conseil pour le climat, nous observons que les résultats oscillent entre 36 et 40 %, c’est-à-dire un niveau de réduction qui est en ligne avec l’objectif initial de 40% mais pas celui de 55 %. Ceci nous pose un problème et nous conduit à penser que nous ne sommes plus sur la trajectoire.

La France se trouve, de ce point de vue, à l’unisson de l’Union européenne. Pour réussir l’objectif de 2030 et celui de 2050, il faudrait que nous diminuions les émissions de gaz à effet de serre de 7,6 % tous les ans. Or, depuis quelques années, nos émissions augmentent en général de 1 à 2 %. Les seules exceptions sont l’année 2019 qui a vu une petite baisse de 0,1 % et l’année 2020 à cause de la COVID (diminution de 6,7 %). Certains en concluent que pour atteindre nos objectifs, il faudrait ralentir le rythme de croissance !

Concernant les deux autres objectifs relatifs à l’efficacité énergétique et au mix énergétique, nous ne sommes pas tout à fait non plus sur la trajectoire nécessaire même si c’est moins défavorable que pour les émissions de gaz à effet de serre.

Mme. Nicole Le Peih, rapporteure. Nos objectifs de réduction des émissions sont en effet à la fois très ambitieux et totalement impératifs.

Le 7 octobre dernier, le Parlement européen avait proposé un objectif de 60 % de nos émissions à horizon 2030. Le 11 décembre 2020, à la suite d’une réunion longue et difficile, le Conseil européen s’est prononcé en faveur d’une réduction nette de 55 %. Pour être définitivement adopté, le Conseil et le Parlement européen devront parvenir à un accord politique sur la proposition. Le 17 décembre, le Conseil est parvenu à un accord sur une orientation générale conformément aux lignes directrices données par le Conseil européen.

L’unanimité requise au Conseil européen pour trouver un accord a nécessité de fournir des garanties importantes. En particulier, les États membres demeureront libres de choisir les moyens technologiques de parvenir, collectivement, à la neutralité. Ce « collectivement » est important car, contrairement à nos préconisations, c’est une trajectoire européenne qui a été retenue. Pas de trajectoire individuelle par État ! Le 15 décembre, en commission des affaires européennes, le secrétaire d’État Clément Beaune a cependant laissé entendre que l’objectif par État serait l’étape suivante. Par ailleurs, le texte adopté par le Conseil européen retient la notion d’une neutralité des émissions « nette » - ce qui revient à déduire des émissions l’ensemble des captations par les puits de carbone naturels. Les outils de captation font donc partie intégrante de la stratégie.

Dans ce contexte, le rapport examine les différents instruments mobilisés pour atteindre l’objectif de réduction de nos émissions.

Le premier d’entre eux est le Pacte vert qui engage l’Union à inscrire l’ensemble de ses politiques sous l’angle de la transition climatique (transports, bâtiment, logement, politique de l’énergie, stratégie « de la ferme à la table »…). Le Pacte vert comporte plusieurs grands chantiers transversaux : le marché des quotas d’émission, la taxonomie financière, le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières… La taxation des importations en fonction de leur bilan carbone aurait un effet désincitatif envers les consommateurs, qui seraient amenés à reporter leur choix sur des biens moins carbonés et incitatif pour les partenaires commerciaux de l’Union qui seront encouragés, eux, à mieux respecter les enjeux climatiques. Nous ne pouvons plus demander des efforts à nos entreprises sans réguler nos importations. C’est une question de juste concurrence. Selon les estimations de la Commission, le mécanisme pourrait rapporter de 5 à 14 milliards d’euros par an au budget européen.

Par ailleurs, le plan de relance européen prévoit que 37 % des crédits seront fléchés vers des objectifs environnementaux. Nous considérons que cette obligation doit faire l’objet d’une évaluation stricte. Ensuite, il nous paraît essentiel de réduire drastiquement les financements des technologies polluantes. Nous estimons enfin que le soutien solidaire aux États membres les plus éloignés des objectifs doit être une priorité. Le débat se poursuit quant aux montants attribués au fonds de transition juste et aux différents mécanismes de soutien. Ce débat devra être mené en lien avec la mise en œuvre d’un objectif par État. Les financements doivent être équitables par rapport aux efforts à fournir mais il convient également que le non-respect de la trajectoire soit sanctionné.

Pour avoir une évaluation précise et scientifiquement appuyée, nous suggérons la création d’un Conseil européen du changement climatique. Sur le modèle du Haut Conseil pour le climat, cette instance non politique, donc indépendante, permettrait de mettre sous tension les stratégies nationales et de contribuer à une meilleure répartition des fonds européens.

Il nous apparaît nécessaire d’inscrire l’ensemble de nos stratégies dans une logique de performance. Il convient d’être clairs sur les indicateurs à suivre et d’organiser une évaluation régulière. Il est également nécessaire d’individualiser la prise de responsabilité. Par exemple, l’application française Greenly qui permet de connaître son bilan carbone individuel doit être soutenue. Enfin, pour créer de la valeur durable, il faut promouvoir l’économie circulaire. Les ressources naturelles peuvent produire en effet de la valeur plusieurs fois. Cette stratégie permettrait de créer 580 000 nouveaux emplois et d’ajouter 0,5 point au PIB européen d’ici 2030.

Le rôle de catalyseur joué par l’Union européenne avec la neutralité à l’horizon 2050, l’effet de signal envoyé aux investisseurs et l’opportunité historique du plan de relance peuvent avoir un effet cumulatif « révolutionnaire ».

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Il est important de comprendre que l’Union européenne s’insère dans un ensemble beaucoup plus large et que beaucoup de paramètres doivent être pris en compte. Un sujet essentiel est celui de la déforestation que nous n’arrivons pas à enrayer et qui a même tendance à s’aggraver en Amérique du Sud mais également en Asie. Ma question est la suivante : comment peut-on réagir pour stopper cette tendance très négative ?

Mme Aude Bono-Vandorme. Lorsque l’on parle d’émissions « zéro », il faut distinguer entre les émissions « nettes » et les émissions « brutes ». La première consiste en de faibles émissions en partie compensées par des technologies à émissions négatives. Les deuxièmes correspondent à une absence stricte de rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. De votre point de vue, pourquoi le choix est-il fait de préférer un objectif de neutralité carbone nette alors même que cela représente un moindre effort qu’une baisse d’émissions calculées « brutes » ? Ma deuxième question porte sur le fonds de transition juste. Doit-on envisager qu’il soit revu à la hausse pour prendre en compte les conséquences de la crise ?

Mme Chantal Jourdan. Le constat scientifique dont vous vous faites le relais est inquiétant. Au-delà des discours et objectifs, seules les actions concrètes comptent. Or, les engagements pris par les États ne permettent actuellement pas d’atteindre la limitation du réchauffement de deux degrés d’ici 2100. Les engagements ne sont pas tenus, mais ils sont aussi insuffisants. Le chemin à parcourir est long. Nous devrions réduire nos émissions de 7,6 % par an alors que la réduction exceptionnelle projetée pour 2020 à la suite de la pandémie devrait être de 6,7 %.

695 pays ont adopté l’Accord de Paris ; la quasi-totalité l’a ratifié. Il repose sur la bonne volonté des États et sur les objectifs et stratégies qu’ils se fixent au niveau national. Malgré la coordination européenne et mondiale, la réussite dépend donc en dernier ressort des volontés nationales. Il nous faut concilier la mise en place d’actions concrètes et efficaces contre le dérèglement climatique et le respect des décisions démocratiques souveraines.

Vous soulignez la nécessité de dépasser le seul engagement collectif au niveau de l’Union pour que chaque pays prenne sa part sous la forme d’un objectif national contraignant, éventuellement assorti de sanctions pour non-respect. Un tel propos s’opposera à un autre élément fondamental qui est l’acceptation démocratique. La légitimité sera d’autant plus forte qu’elle émanera de citoyens et sera acceptée par eux.

L’acceptabilité dépend des alternatives proposées, de la capacité, surtout, à prendre en compte les inégalités sociales et économiques pour construire un avenir désirable et plus juste. Tant face à la crise écologique que dans les choix politiques, les premiers touchés sont souvent les plus modestes et les plus exposés.

Il convient donc de mener deux objectifs concomitants : la réduction des inégalités sociales et l’amélioration écologique. La construction d’une vision incluante, globale et juste est indispensable.

M. Jean-Louis Bourlanges. Nous pesons peu dans cette affaire par rapport aux Chinois et aux Américains. Je souhaiterais savoir comment nous articulons nos efforts afin qu’ils ne soient pas unilatéraux, sans quoi ils seront inutiles. Il faut mettre l’ensemble de la planète en mouvement.

Le dispositif de la taxe carbone est très intéressant, bien qu’il ne soit pas aisé à mettre en œuvre. Indirectement, cela influe sur les autres États qui veulent exporter vers le marché européen. Comment garantir que nos efforts ne seront pas isolés ? Il nous faut absolument une stratégie sur ce point.

Je suis très réservé sur la Convention citoyenne pour le climat. Je ne crois pas qu’on puisse mener, sur un dossier aussi important, une politique spécialisée. Quand on mène une politique de cet ordre, elle a une incidence sociale et économique fondamentale ; on ne peut absolument pas séparer les enjeux. Je ne crois pas que l’écologie doive être traitée à part, c’est pourquoi je ne suis pas très sensible au thème du référendum.

Mme Danièle Obono. Les constats posés dans ce rapport sont très clairs et objectifs sur l’urgence de la situation, le retard et la responsabilité même si, remise dans un cadre international, on peut considérer que la part des pays européens est minime. Cependant, il faut aussi considérer la dette écologique : au-delà des émissions actuelles, les émissions passées comptent aussi et expliquent la situation.

Il y a un enjeu d’initiative européenne : les choix faits par l’Union ont un impact sur le reste du monde. De ce point de vue, tout ce qui est fait au niveau européen et qui va dans le sens de la neutralité climatique est important. En revanche, je pense que nous sommes pris au piège du fonctionnement du système économique. Tous les efforts qui seraient faits dans ce cadre, même avec les ambitions présentées, ne permettront pas d’atteindre les objectifs si on ne remet pas en cause les fondements économiques.

Les débats sur la PAC qui ont eu lieu fin 2020 ont montré des désaccords, notamment lors du vote au Parlement européen, sur le choix de privilégier l’agriculture industrielle, qui va à l’encontre d’une véritable stratégie écologique. Cette critique a été portée fortement par les associations de défense de l’environnement et plusieurs groupes politiques.

Les traités de libre-échange vont également à l’encontre des volontés de bonne pratique. La continuité du libre-échange tel qu’il se construit aujourd’hui va à l’encontre des objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Pour moi, ce rapport confirme la nécessité de ce qu’il faut mettre en œuvre. Je rejoins le propos de M. Bourlanges sur le fait qu’il doit s’agir d’une approche globale. Il faut adapter l’ensemble de la société.

M. André Chassaigne. Je me limiterai à formuler deux remarques, qui devraient selon moi guider l’action politique de la France sur nos objectifs climatiques.

Premièrement, il est essentiel, quand on se fixe des objectifs, que l’on prévoie et que l’on se fixe les moyens permettant de parvenir. Sinon, il s’agit de communication politique. Je vois, dans les annonces de la Commission européenne, comme dans celles de la France, énormément de communication politique et très peu de moyens et d’outils efficaces.

Je ne crois pas plus aux contes de fées climatiques qu’au petit Jésus soviétique. Je ne crois pas non plus à la transsubstantiation magique du dioxyde de carbone en oxygène ou en hydrogène. Pour parvenir à 55 % de baisse de nos émissions en seulement dix ans, et a fortiori à la neutralité carbone en seulement trente ans, il faut mettre en place une vraie planification stratégique européenne, secteur d’émission par secteur d’émission, avec des contraintes réglementaires drastiques applicables aux acteurs privés comme publics. Il faut également des moyens de contrôle adaptés, des sanctions financières et pénales proportionnées à l’enjeu et des moyens financiers publics gigantesques.

Permettez-moi de penser que ce n’est pas la voie qu’emprunte la Commission européenne, puisque sa seule obsession est d’étendre les outils de marché appliqués au carbone. La France porte-t-elle, quant à elle, cette ambition d’une véritable planification, au niveau européen comme national ?

Ma deuxième remarque porte sur le fait qu’en matière climatique comme ailleurs, il ne faut pas manger son pain blanc en délaissant le pain noir qui nous pose problème. C’est précisément ce que font la France et l’Union depuis trente ans.

Une planification en matière d’énergie et de climat honnête implique de prendre en compte toutes les émissions, qu’il s’agisse des émissions intérieures, celles des ménages et activités économiques hors exportations, mais aussi les émissions associées à toutes nos importations, qui correspondent à la consommation sur notre territoire. Cet indicateur s’appelle l’empreinte carbone. Il ne fait manifestement toujours pas partie du logiciel européen, ni réellement du logiciel national. Vous y faites référence à onze reprises dans le rapport et la proposition de résolution, certes sans y consacrer de chapitre spécifique. Les données pour la période de 2015 à 2019 sont disponibles et sont catastrophiques : notre empreinte carbone progresse, faisant de la France une bien mauvaise élève climatique.

Nous le savons, il existe un découplage de plus en plus fort entre la baisse de nos émissions intérieures et la hausse spectaculaire des émissions liées à nos importations, particulièrement dans la dernière décennie. Vous conviendrez donc qu’il s’agit du résultat de quarante années de politiques néolibérales accélérant toutes les délocalisations industrielles.

L’honnêteté politique en matière d’objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre commanderait de faire systématiquement référence à l’empreinte carbone. Les supposés progrès substantiels sur la voie de la transition vers un modèle moins carboné et plus favorable à la lutte contre le changement climatique de l’Union européenne, que vous mentionnez en conclusion, perdent ainsi beaucoup de leur substance si on les passe au crible de l’évaluation par l’empreinte carbone, et encore plus quand on y ajoute la substitution à une part des centrales à charbon de centrales au gaz dans la production électrique européenne.

Je souhaite vous demander pourquoi vous ne faites pas référence au travail du Haut conseil pour le climat dans son rapport d’octobre 2020, intitulé « Maîtriser l’empreinte carbone de la France ». Je ne doute pas qu’il s’agit d’un simple oubli, et non l’illustration de cette belle réplique de Molière : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets, les âmes sont blessées, Et cela fait venir de coupables pensées. »

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. Initialement, le budget de la transition juste était évalué à une quarantaine de milliards. Le montant qui est désormais évoqué est d’environ10 milliards. On nous explique qu’on va trouver des crédits dans d’autres chapitres, mais on va être très vigilants sur ce sujet-là parce que la transition juste est indispensable à la réalisation de l’effort climatique.

Jean-Louis Bourlanges nous pose un vrai problème de fond en disant qu’il faut une articulation entre l’Europe et le reste du monde. Quand l’Inde aura accompli sa révolution industrielle, le montant de ses émissions constituera un problème plus important que celui de la Chine.

La réponse doit être trouvée au niveau des Nations Unies et des COP. Alors que les premières COP auxquelles j’ai participé, s’apparentaient à des foires d’empoigne dépourvues d’ambition globale, l’Accord de Paris constitue une véritable avancée. Nous avons obtenu des 195 pays des Nations Unies qu’ils élaborent une feuille de route – ce qu’ils ont fait à l’exception d’une dizaine. Le progrès est considérable.

Malheureusement, quand on additionne les feuilles des routes, nous ne sommes pas sur une trajectoire à 1,5 °C ou 2 °C mais plutôt 3,5 °C. C’est pour cela qu’il faut revisiter les ambitions pays par pays.

Le problème est que l’Accord n’est pas juridiquement contraignant et qu’il manque de dispositif de contrôle robuste. Le protocole de Kyoto était juridiquement contraignant mais pour entrer en vigueur, il était nécessaire d’en passer par les parlements nationaux. Bill Clinton s’était engagé à ratifier le protocole mais le Congrès américain a refusé de le faire. C’est pourquoi les Nations Unies ont renoncé à conclure des accords juridiquement contraignants.

L’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre n’est donc possible que dans le cadre des Nations Unies. L’Europe a toujours été allante. Il est vrai qu’elle porte une responsabilité historique importante. Rappelons que la révolution industrielle depuis 1850 a bénéficié aux pays industrialisés. Notre passif est important par rapport aux autres pays.

Danièle Obono estime qu’il faut remettre en cause le modèle de développement économique qui est à l’œuvre depuis des décennies. Nous ne partageons pas tout à fait cette idée d’un changement de paradigme.

Pour répondre à André Chassaigne, l’Europe n’a pas tous les maux. Elle a toujours été consciente de ses responsabilités. Elle n’est pas parfaite mais elle a quand même pris une part du fardeau.

Mme von der Leyen a indiqué qu’environ 35 % du budget de l’UE et du plan de relance serait destiné à la transition énergétique. Toutefois, selon un chiffre qui a été relayé par l’association Energy Policy Tracker, les financements du plan de relance qui vont aux énergies renouvelables s’élèveraient à 151 milliards d’euros et ceux qui seraient destinés aux énergies fossiles représenteraient 234 milliards. En d’autres termes, l’Europe continuerait à subventionner les énergies fossiles. Ce chiffre est à vérifier mais il est intéressant. Un travail de radioscopie du plan de relance et du budget de l’UE pourrait être entrepris pour vérifier que l’argent va bien à la transition énergétique, et à l’objectif de neutralité carbone en 2050.

Je terminerais par un mot : essayons de remplir l’objectif de 2030 avant de regarder 2050. Trop d’objectifs sont affichés mais ensuite non respectés. Les gens se détourneront de ce beau projet qu’est l’Union européenne, si les objectifs fixés ne sont pas atteints.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Chantal Jourdan a raison de dire que seules les actions concrètes comptent. Il convient de faire prendre conscience à tous les acteurs économiques que chaque effort effectué doit être mesuré, valorisé et rendu public. Je prends l’exemple d’une entreprise de transport routier qui a changé ses modèles de camions et réappris à conduire aux des chauffeurs pour pouvoir optimiser et réduire la consommation d’énergie fossile. Un an après, le bilan carbone de l’entreprise s’était nettement amélioré.

Danièle Obono a évoqué la nécessité de mesurer les efforts. L’agriculture a opéré des changements considérables en matière d’agronomie, de production, de qualité et de sécurité des produits mais ces efforts ont un coût. Il est indispensable de pouvoir mesurer l’impact environnemental des actions entreprises pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Tant que nous ne serons pas capable d’évaluer l’impact de ce que nous faisons, nous n’aurons pas de solution car nous verrons toujours ce qui est négatif. Pour cela, il nous faut des outils et l’Union européenne en propose. Je voudrais que cette trajectoire vers la neutralité carbone nous permette, sans naïveté, de faire un point d’étape tous les dix ans afin de mesurer les efforts et les résultats, État par État. Je me suis rendue à la COP 24 à Katowice. Les efforts fournis par la Pologne pour rejoindre cette trajectoire sont considérables. Katowice, par exemple, se situe dans un bassin minier, donc un travail considérable est à réaliser. Je pense que nous n’irons pas tous à la même vitesse mais il faut en appeler à la responsabilisation de tous, que l’on soit acteurs, consommateurs, chefs d’entreprise par exemple. Il nous faudra construire ensemble la mobilisation européenne sur la neutralité carbone.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Notre collègue Christophe Jerretie, qui doit suivre le plan de relance, pourrait réaliser, selon la proposition de Bernard Deflesselles, une radioscopie du plan de relance en matière de neutralité carbone.

M. Thierry Michels. J’aurai deux questions. En référence à ce qui a été dit par rapport à l’Europe initiatrice de la révolution industrielle, je voudrais vous interroger sur les initiatives à prendre pour être à l’origine de la révolution écologique et parvenir à cette neutralité carbone, en particulier en lien avec l’enjeu central de la captation du carbone. Il s’agit d’immenses opportunités, notamment pour notre jeunesse et pour reconquérir une souveraineté européenne.

Ensuite, l’adhésion des citoyens européens à cette transition écologique ne pourra avoir lieu que si celle-ci est solidaire et si les citoyens sont impliqués. Que pensez-vous de la proposition du président de la République française de créer une Convention citoyenne sur le climat au niveau européen, proposition formulée dans la perspective de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ?

M. Didier Quentin. L’exposé qui a été fait par les rapporteurs a le mérite d’être d’une grande clarté, avec des chiffres faciles à comprendre dans un domaine où souvent règne une grande confusion. Cela permet de mesurer le poids considérable de certains États. Il a notamment été fait allusion à l’Inde, qui s’oriente vers une démographie qui sera à terme plus importante que celle de la Chine. Le poids cumulé des États-Unis, de la Chine et de l’Inde se rapproche rapidement des 60 % de la population mondiale. Est-ce que vous avez une idée des évolutions qui pourraient se produire dans ces différents pays ? Aux États-Unis, vous avez cité les orientations données par le président élu Joe Biden. En Allemagne, la prochaine coalition pourrait rassembler la CDU et les Verts. Quelles peuvent en être les conséquences ? Enfin, je m’associe à l’idée concernant la nécessité de faire une radioscopie du plan de relance à la lumière de la transition écologique et celle sur la nécessité de construire une coalition européenne dans ce domaine.

Mme Liliana Tanguy. Votre rapport souligne sans détour la responsabilité de chacun dans le changement climatique. Il est urgent d’agir pour réduire ses effets. Ce constat est aussi celui de l’Union européenne qui a pris des mesures inédites dans ce domaine. Ainsi, l’objectif de réduction de 55 % d’émission de gaz à effet de serre a été adopté par le Conseil européen. Est-ce que vous pensez que l’agenda européen permettra d’atteindre le nouvel objectif de réduction des gaz à effet de serre ? Vous avez également souligné l’importance de l’application nationale. La France peut-elle se fixer de nouveaux objectifs pour atteindre ses ambitions ?

On constate enfin que les réglementations environnementales ne sont pas nécessairement bien appliquées par les États membres. Les procédures en infraction engagées par la Commission européenne demandent plusieurs mois voire plusieurs années avant d’aboutir. Dans ce contexte, il est nécessaire de doter l’Union d’outils juridiques plus efficaces, rapides et ciblés, notamment l’introduction d’un principe de non-régression dont l’importance avait été soulignée par le Parlement européen dès 2011. À la lumière de vos travaux, dans quelle mesure l’introduction d’un tel principe au niveau européen permettrait-elle d’impliquer davantage les États membres dans la protection de l’environnement ?

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. André Chassaigne a estimé que nous n’avions pas assez pris en compte le rapport du Haut Conseil sur le climat. Nous avons bien pris en compte le rapport du Haut Conseil sur le climat, nous en avons auditionné la présidente. Mais nous n’avons pas repris l’intégralité de ce rapport, puisque notre travail concernait l’Union dans son ensemble et non pas seulement la France. Nous lui avons demandé si, d’après les données dont elle disposait, elle considérait que nous étions sur la bonne trajectoire, avec d’abord un point de passage en 2030. Sa réponse a été assez brutale, en disant que nous n’étions pas sur la trajectoire. Nous allons travailler, avec Nicole Le Peih, au sein de la commission des Affaires étrangères, sur la préparation de la COP de Glasgow, et nous pourrons tracer des perspectives également dans ce cadre.

L’outil de la capture et du stockage de carbone a été un peu délaissé par l’Union européenne. Il y a une dizaine d’années, elle avait pris l’engagement de réaliser des démonstrateurs, mais cet engagement n’a pas été tenu. Le sujet revient sur le devant de la scène car, selon les scientifiques, ce procédé peut permettre 15 % d’absorption du CO2. Aujourd’hui, les puits de carbone sont essentiellement les océans et les forêts, or la déforestation s’accroît. Il est donc nécessaire de trouver d’autres idées. La Norvège est désormais dotée d’un site dont le modèle économique est rentable et qui permettrait d’industrialiser la capture et le stockage.

 Concernant l’Inde, j’ai eu la chance de m’y rendre il y a quelques années et d’y rencontrer le Ministre de l’environnement. J’avais souligné à cette occasion la nécessité que l’Inde inscrive son mix énergétique dans le cadre posé par les Nations Unies sur la diminution des gaz à effet de serre. Le Ministre m’avait répondu qu’environ 300 millions de personnes n’ont pas l’électricité en Inde. Il ne considérait donc pas que l’on pouvait lui demander de faire des efforts alors que l’occident avait profité de la révolution industrielle et augmenté le niveau de vie de ses habitants. Aujourd’hui, environ 200 millions de personnes n’ont toujours pas l’électricité. L’Inde a un mix énergétique très défavorable car elle n’a pas presque pas d’énergies renouvelables, pas d’énergie nucléaire et un charbon de mauvaise qualité, ce qui les oblige à importer. L’Inde devient un acteur incontournable de la lutte contre le changement climatique, au même titre que la Chine.

M. Didier Quentin. L’espérance de vie, quand il n’y a pas d’électricité, est d’à peine quarante ans.

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. L’Allemagne paie l’arrêt du nucléaire décidé par Angel Merkel. Elle a sensiblement augmenté ses émissions, pour atteindre 9,6 tonnes, pratiquement le double de la France. Elle a repris un peu de retard bien que son mix énergétique fasse la part belle aux énergies renouvelables.

L’Europe a la chance extraordinaire de s’être dotée d’un budget pluriannuel de près de 1 100 milliards d’euros et d’un plan de relance de 750 milliards d’euros. Il va falloir regarder très attentivement comment cet argent va être dépensé.

Si l’on reste sur la trajectoire actuelle, l’objectif pour 2030 rehaussé à 55 % n’est pas atteignable. Selon les chiffres des différents organismes, nous serions plutôt sur une trajectoire de 36 ou 40 %. On ne peut pas se projeter à 2050 sans les points de passage. Dans notre résolution, nous avions réclamé un objectif par pays, cela n’a pas été retenu. La loi climat s’est arrêtée à l’objectif collectif.

L’impossibilité de revenir en arrière est un vrai sujet. Il faudrait pouvoir le faire juridiquement, je ne suis pas certain que la Commission se soit posée la question.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je compléterai en mettant en valeur des expériences internationales, même si certaines se situent au-delà de l’Europe, comme la « grande muraille verte » qui se met en place en Afrique. La nouvelle génération croit en l’avenir et le grand continent africain, qui a bien d’autres préoccupations, a mis un point d’honneur à mettre en place cette initiative.

La prochaine COP ayant lien à Glasgow, je donnerai un exemple écossais. Les Écossais ont mis en place très rapidement des parcs nationaux et régionaux et permettent à la population d’acheter une part pour contribuer à la réserve foncière. C’est un exemple d’implication collective.

Des entreprises suédoises ont beaucoup travaillé sur l’allégement de l’acier, afin d’alléger des engins de tractions et réduire leur consommation d’énergie fossile. Nous sommes au début du développement de nouvelles technologies qui vont nous permettre de progresser.

Mme la présidente Sabine Thillaye. Je suis étonnée des mauvais résultats de l’Allemagne, alors que les énergies renouvelables y occupent une place importante, ayant représenté parfois plus de la moitié de l’énergie consommée. La France, dont les émissions sont moins élevées, est régulièrement épinglée par la Commission pour sa mauvaise qualité de l’air.

Nous serions heureux que vous présentiez devant notre commission le rapport que vous allez préparer pour la commission des affaires étrangères sur la COP 26.

De manière transversale, nos travaux devraient davantage prendre en compte les enjeux démographiques.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Pour répondre à Thierry Michels, l’implication citoyenne est indispensable : elle est un appel à la responsabilité de chacun.

Pour revenir à l’agriculture, il est possible d’arrêter les importations de soja du Brésil et d’Argentine en recourant à des alternatives comme le colza. Dans un autre domaine, il convient de réduire les espaces de construction et d’urbaniser moins. Il faut aussi revoir les « verrues industrielles ». Le foncier est la richesse de demain à la fois parce qu’il est indispensable pour nourrir la population mondiale et parce qu’il constitue des puits de carbone.

J’ai récemment vu des jouets faits entièrement en bois par des jeunes qui s’installent en région : c’est un bon exemple de changement des modes de consommation.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. J’ai d’ailleurs vu dans votre rapport une suggestion intéressante relative au calculateur de l’empreinte carbone à l’usage du consommateur. C’est une idée intéressante susceptible de nous rendre compte de l’impact de notre consommation carbone.

Mme Liliana Tanguy. En France, la convention citoyenne sur le climat a permis de faire des propositions pour atteindre l’objectif de réduction de 40 % des GES. L’objectif ayant été augmenté à 55 %, il sera plus difficile à atteindre. Les citoyens peuvent contribuer par une prise de conscience et des gestes quotidiens.

Les propositions faites par la Convention vont être examinées dans le cadre d’un projet de loi Climat qui sera bientôt mis à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée. Nous sommes plusieurs à analyser les propositions de citoyens et la manière dont elles pourraient être traduites dans la réglementation et la législation. Ce qui manque, ce sont des mesures d’impact de chaque mesure préconisée sur les émissions de GES. Des études d’impacts sont nécessaires.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je vais prendre un exemple. Avant la crise pandémique, la consommation de plastique était en diminution. Avec la COVID, elle a été multipliér par deux. Une pandémie peut donc renverser des choix stratégiques. Nous sommes à la fois fragiles et en même temps vecteurs d’efforts dans la logique de mieux faire.

Le secteur agricole a connu une diminution drastique du nombre d’agriculteurs. Mais en même temps, des formations ont été engagées qui ont permis d’améliorer la qualité des eaux et de sortir du contentieux avec l’Europe. Les émissions GES devront connaître la même trajectoire. Nous y arriverons, une rééducation est nécessaire sur la façon dont nous consommons collectivement : une rééducation des enfants mais aussi des cuisiniers, des gestionnaires qui décident des menus et ceux qui les livrent. Chaque jour, nous devons faire des efforts.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. L’agriculture est en prise avec énormément des sujets. Nous devrions en tirer davantage d’enseignements.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

 

 


—  1  —

   annexe I :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteurs

● M. Hervé Le Treut, climatologue, membre de l’Académie des sciences, directeur de l’Institut Pierre-Simon-Laplace

 

● ENGIE

– M. Emmanuel Tuchscherer, directeur des affaires européennes

– Mme Mercédès Fauvel Bantos, déléguée aux relations avec le Parlement

 

● Mme Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, directrice de recherche au CEA, co-présidente du groupe n° 1 du GIEC.

 

● M. Thomas Pellerin-Carlin, chercheur, directeur du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors.

 

● France nature environnement

– M. Arnaud Schwartz, secrétaire national, représentant FNE au CESE européen

– M. Jérôme Partos, trésorier

 

● Bureau européen de l’environnement

– M. Jonathan Bonadio, responsable des politiques sur les énergies renouvelables, le climat et les réseaux

 

● Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN)

– M. Nicolas de Warren, président

– M Gildas Barreyre, président de la commission électricité

– Mme Sophia Elasri, présidente de la commission pétrole et gaz

– M. Jean-Philippe Perrot, vice-président de la commission climat et efficacité énergétique

– M. Fabrice Alexandre, conseil de l’UNIDEN

 

● Institut national de la recherche agronomique (INRA)

– M. Jean-François Soussana, directeur de recherche, vice-président de l’INRA en charge de la politique internationale

– M. Marc Gauchée, conseiller parlementaire et institutionnel

 

● M. Philippe Ciais, climatologue, directeur de recherche au CEA, membre de l’Académie des sciences

 

● M. Jean-Marc Jancovici, ingénieur, associé fondateur de Carbone 4, fondateur et président de The Shift Project, membre du Haut Conseil au climat.

 

● Syndicat des énergies renouvelables (SER)

– M. Jean-Louis Bal, président

– Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique

– M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P

 

● IFP Energies nouvelles

– M. François Kalaydjian, Directeur économie et veille

– Mme Florence Delprat, responsable du programme sur le captage-stockage du CO2

 

 Agence de la transition écologique (ADEME)

– M. Johan Ransquin, Directeur Adaptation, Aménagement, et Trajectoires bas carbone, Directeur du site de Sophia-Antipolis

– M. David Marchal, Directeur Adjoint Productions et Energies Durables.

 

● Ministère de la transition écologique et solidaire

– Mme Ophélie Risler, cheffe du département de lutte contre l’effet de serre, direction de l’énergie et du climat

– M. Julien Viau, chef du bureau marché du carbone à la direction de l’énergie et du climat

– M. Francesco Gaeta, directeur des affaires européennes et internationales

– Mme Stéphanie Croguennec, sous-directrice du changement climatique et du développement durable Élisabeth Louvet, sous-directrice de la régulation

 

● Secrétariat général des affaires européennes

 

–  M. Jérôme Brouillet, secrétaire général adjoint

–  M. François Gibelli, chef du secteur environnement, énergie et climat

–  Mme Gwénaëlle Baudet, adjointe du secteur environnement, énergie et climat

–  Mme Constance Deler, conseillère parlementaire

 

● Club CO2

 

– Mme Florence Delprat-Jannaud, présidente, responsable du programme « captage et stockage du CO2 » de l’IFPEN

– Mme Isabelle Senghor-Lefrançois, secrétaire

– Mme Valérie CZOP, chef de projet captage et stockage de CO2, EDF

 

● Institut National de la Consommation (INC)

 

– M. Philippe Laval, directeur

 

● Direction générale de la Performance économique et environnementale (DGPE)

 

– M. Serge Lhermitte, chef de service Compétitivité et Performance

 

 Slow Food

 

– Mme Marta Messa, Directrice Europe

 


   annexe II :
Evolution de la température moyenne de l’air au niveau du sol pour l’hémisphere nord de l’an 700 a l’an 2000

 

 

Source : GIEC, 2007

 


—  1  —

   annexe III :
La menace des « points de bascule climatiques »

 

Source : Timothy M. Lenton, Johan Rockström, Owen Gaffney, Stefan Rahmstorf, Katherine Richardson, Will Steffen, Hans Joachim Schellnhuber, « Climate tipping points — too risky to bet against », Nature, 2019


   annexe IV  :
croissance annuelle des principaux facteurs des emissions mondiales de cO2 et composants des emissions de gaz À effet de serre

 

Source : rapport 2019 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions du Programme des Nations unies pour l’environnement

 

   Annexe V :
l’hétÉrogÉnÉité de l’effet à court terme du rÉchauffement climatique
sur le taux de croissance du pib

 

 


   https://www.europarl.europa.eu/resources/library/images/20180905PHT11962/20180905PHT11962_original.jpgAnnexe VI :
Impact du changement climatique
dans les rÉgions d’Europe

Source : Agence européenne pour l’environnement, 2018

   Annexe VII :
Effets potentiels sur la dÉcennie
des mesures du plan de relance


Source : Rapport annuel 2020 du Haut conseil pour le climat


   Annexe VIII :
Focus sur la trajectoire française

 


 

 

 

Infographie : Le Monde

Source : Rapport annuel 2020 du Haut Conseil au climat


   Annexe IX :
le cycle du mÉthane

 

 

Source : Global carbon project

 


   Annexe X :
Évolution de la consommation du charbon et progression des renouvelables en Allemagne

 

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   Annexe XI :
amélioration de la compétitivitÉ
des énergies renouvelables

 

 

 


1

   ANNEXE XII :
résolution européenne

 

 

M. Bernard Deflesselles et Mme Nicole Le Peih, rapporteurs de la commission des affaires européennes, ont déposé, le 7 octobre 2020, une proposition de résolution européenne relative à la proposition de loi européenne sur le climat (proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999), en application de l’article 151-2 du Règlement de l’Assemblée nationale.

Cette proposition de résolution européenne, n° 3396, a été renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, en application du même article. Mme Nathalie Sarles a été nommée rapporteure sur cette proposition de résolution européenne relative à la proposition de loi européenne sur le climat. La proposition de résolution transmise a été examinée et adoptée le 4 novembre 2020 par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Elle a fait l’objet du rapport n°3524 par la députée Mme Nathalie Sarles.

On trouvera ci-après le texte de la résolution européenne considérée comme définitivement adoptée par l’Assemblée nationale le 25 novembre 2020.

 


 

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TEXTE ADOPTÉ  506

« Petite loi »

__

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

 

25 novembre 2020

 

 

 

résolution EUROPÉENNE

 

relative à la proposition de loi européenne sur le climat
(proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
établissant un cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique
et modifiant le règlement (UE) 2018/1999, COM (2020) 80 final).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Est considérée comme définitive, en application de l’article 151-7 du Règlement, la résolution dont la teneur suit :

 

 Voir les numéros : 3396 et 3524.


1

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 4 et 191 à 194 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999 (« loi européenne sur le climat »), telle que modifiée le 17 septembre 2020,

Vu l’accord adopté lors de la 21e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) à Paris le 12 décembre 2015 (ci‑après « l’Accord de Paris »),

Vu les conclusions du Conseil européen du 12 décembre 2019,

Vu la résolution du Parlement européen du 28 novembre 2019 sur l’urgence climatique et environnementale,

Vu la proposition de résolution européenne portant avis motivé de la Commission affaires européennes du Sénat sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999,

Vu la communication de la Commission du 11 décembre 2019 sur « Le pacte vert pour l’Europe »,

Vu la résolution du Parlement européen du 15 janvier 2020 sur le Pacte vert pour l’Europe,

Vu les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) relatifs au réchauffement planétaire de 1,5º C, à l’impact du changement climatique et les terres émergées, à l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique,

Vu le rapport du programme des Nations unies pour l’environnement de novembre 2019 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions,

Vu le programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2015, qui définit 17 objectifs de développement durable,

Considérant que, selon le GIEC, il est indispensable de parvenir à la neutralité carbone dans la seconde partie du siècle pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 ºC d’ici à 2100 ;

Considérant que les contributions déterminées au niveau national (CDN) actuelles présentées par l’Union et ses États membres ne permettent pas d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris ;

Considérant que l’Accord de Paris prévoit que les contributions déterminées au niveau national doivent être actualisées en 2020 ;

Considérant que, si l’Union européenne ne représente que 10 % des émissions de gaz à effet de serre, elle est responsable de 20 % des émissions cumulées depuis 1870 et dispose d’une force d’entraînement dans les négociations climatiques internationales ;

Considérant que le réchauffement climatique est une source d’inquiétude croissante pour les citoyens européens, 93 % d’entre eux le percevant comme un problème grave, selon l’enquête Eurobaromètre de 2019 ;

Considérant que le préambule de l’Accord de Paris reconnaît le droit à la santé comme un droit essentiel ;

Considérant qu’une hausse de la température de 1,5 ºC ou 2 ºC réduirait de manière significative la disponibilité des denrées alimentaires dans des régions voisines de l’Union importantes pour sa sécurité, notamment le sud de la Méditerranée ;

Considérant l’impact de la hausse des températures sur la perte de biodiversité en Europe ;

Concernant l’objectif de neutralité climatique en 2050

Se félicite de la fixation d’un objectif de neutralité climatique de l’Union à l’horizon 2050, qui est cohérent avec l’Accord de Paris et consacre le rôle de chef de file de l’Union dans les négociations climatiques internationales ;

Souhaite que l’ensemble des politiques climatiques de l’Union se réfèrent aux objectifs de développement durable définis par l’Organisation des Nations unies, notamment au titre de l’emploi, de la santé, du bien-être, de l’accès à l’énergie et de la lutte contre les changements climatiques ;

Plaide pour la prise en compte, dans la définition des objectifs climatiques de l’Union, de l’empreinte carbone, c’est-à-dire des émissions provenant des produits importés ou des produits finis, en intégrant l’ensemble de leur cycle de vie, ainsi que pour la création d’un indicateur spécifique visant à en rendre compte ;

Souligne que l’atteinte de la neutralité climatique doit reposer d’abord sur l’effort de réduction des émissions puis sur l’absorption par les puits de carbone des émissions résiduelles ; il ne saurait être atteint en recourant à des mécanismes de compensation (crédits ou mécanismes de transferts internationaux) ;

Rappelle la nécessité d'engager une réflexion sur la résilience, la culture du risque et l’adaptation aux changements climatiques ;

Attire l’attention sur le rôle essentiel des forêts, espaces verts et océans comme puits de carbone dans l’atteinte de l’objectif de neutralité climatique ;

Rappelle le rôle important joué par le verdissement des transports pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050 ;

Rappelle la complémentarité entre la définition de la stratégie européenne pour la biodiversité pour 2030 et la lutte contre le changement climatique et plaide pour la définition d’objectifs contraignants en matière de biodiversité ;

Concernant le rehaussement de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030

Se félicite du rehaussement annoncé de l’objectif de réduction des émissions en 2030, pour atteindre au moins - 55 % par rapport au niveau de 1990, en cohérence avec l’objectif de neutralité climatique en 2050 ;

Souligne l’importance d’aboutir avant la fin de l’année 2020 à un accord sur le rehaussement de l’ambition climatique de l’Union en 2030, afin d’actualiser en 2020 la contribution déterminée au niveau national soumise par l’Union européenne, conformément à l’Accord de Paris, et de tirer vers le haut les objectifs des autres États en vue de la COP 26 prévue en novembre 2021 ;

Souligne la nécessité pour la France et l’Europe de rehausser les objectifs des autres États en vue de la COP 26 prévue en novembre 2021 et plaide pour la prise en compte, dans le cadre de la politique commerciale de l’Union, de la définition et du respect de trajectoires ambitieuses de réduction des émissions de gaz à effet de serre par ses partenaires potentiels ;

Regrette que l’étude d’impact liée au rehaussement de l’objectif 2030 n’ait pas été publiée en même temps que la proposition du règlement ;

Concernant la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 2030 et 2050

Appelle la Commission à définir, au plus tard en 2030, un objectif intermédiaire de réduction des émissions à l’horizon 2040, afin d’assurer une meilleure prévisibilité et de garantir le respect de la trajectoire conduisant à la neutralité climatique en 2050 ;

Regrette le recours aux actes délégués pour préciser la trajectoire entre 2030 et 2050 et rappelle la nécessité d’associer pleinement les États membres à la définition de cette dernière ;

Concernant le périmètre de la « loi climat »

Rappelle la nécessité de mettre en avant une transition écologique juste, inclusive et ambitieuse au service de l’emploi et de la solidarité européenne et recommande l’émission, dans des volumes plus importants, d’obligations vertes par l’Union afin de financer durablement les investissements nécessaires à la réalisation de cette ambition, notamment dans un objectif de sauvegarde des emplois et de lutte contre la précarité ;

Est favorable à la fixation d’un objectif de neutralité climatique par État membre, et non à l’échelle de l’Union, en aidant davantage les territoires pour lesquels la transition est la plus difficile, notamment par le biais du mécanisme de transition juste ;

Rappelle que le renforcement des ambitions climatiques de l’Union européenne est indissociable de l’adoption de mesures cohérentes visant notamment à lutter contre les fuites de carbone et à donner un prix au carbone, et notamment : l’adoption rapide d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pourvoyeur de ressources propres pour l’Union, compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce ; l’introduction d’un prix minimum du carbone au sein du système d’échange de quotas d’émission de l’Union et la poursuite des travaux sur l’extension de ce système à l’ensemble des secteurs ; la révision des aides d’État pour mieux intégrer l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique ;

Appelle l’Union européenne à favoriser la création de consortiums technologiques verts et insiste sur la nécessité de promouvoir des projets européens industriels, comme cela peut exister dans le domaine de l’hydrogène, dans l’ensemble des domaines concernés par le changement climatique ;

Concernant l’évaluation et le suivi de la trajectoire

Plaide pour l’adoption de ressources propres afin de financer le budget de l’Union européenne et les mesures inscrites dans le plan de relance européen, notamment en ce qui concerne la transition climatique ;

Plaide pour l’instauration d’un « panel européen sur le changement climatique », sur le modèle du Haut Conseil au climat, pour le suivi et l’évaluation des trajectoires ainsi que la formulation de recommandations ;

Est favorable à l’instauration d’un budget carbone de l’Union indiquant la quantité totale d’émissions de gaz à effet de serre restante pour l’économie de l’Union, ventilée par secteur économique, qui pourrait être émise sans compromettre les engagements de l’Union au titre de l’Accord de Paris ;

Appelle la Commission à établir, d’ici à juin 2021, des feuilles de route sectorielles précisant, pour chaque secteur, la trajectoire permettant de parvenir à des émissions nulles ;

Souligne que l’évaluation des mesures engagées par les États membres doit se faire sans porter atteinte à la compétence des États membres en matière de choix du mix énergétique ;

Demande que la réalité et l’efficacité des crédits du plan de relance dédiés au financement de la transition climatique soient contrôlées et rendues publiques pour assurer le respect des engagements européens en matière d’énergie et de climat ;

Rappelle la nécessité de prévoir des indicateurs de santé environnementale dans la définition de la stratégie européenne de réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

Rappelle la nécessité d’accompagner les entreprises dans la transformation écologique de leur appareil de production, notamment lorsqu’elles perçoivent des aides publiques ;

Préconise la rédaction d’un rapport intermédiaire de suivi de la trajectoire par chaque État membre rendu public afin d’éviter toute incompatibilité avec les objectifs de l’Union, de mesurer l’efficacité des financements issus du plan de relance ainsi que les mesures correctrices nécessaires, le cas échéant, au rééquilibrage de la trajectoire ;

Plaide pour le recours régulier à des outils de consultation citoyenne afin de valider les orientations prises par les institutions européennes en matière de stratégie de lutte contre les changements climatiques, sur le modèle du pacte européen pour le climat.

 

 

 

À Paris, le 25 novembre 2020.

 Le Président,
 Signé : Richard FERRAND

 

 


([1]) Christian de Perthuis, Le tic-tac de l’horloge climatique, De Boeck Supérieur, 2019.

([2]) Global carbon project, deuxième bilan mondial du méthane, juillet 2020.

([3]) Cours des mines 2019 de Jean-Marc Jancovici.

([4]) GIEC, rapport spécial de 2018 sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5° degrés et rapport spécial sur les conséquences du réchauffement climatique sur les océans et la cryosphère, 2019.

([5]) Source : Timothy M. Lenton, Johan Rockström, Owen Gaffney, Stefan Rahmstorf, Katherine Richardson, Will Steffen, Hans Joachim Schellnhuber, « Climate tipping points — too risky to bet against », Nature, 2019.

([6]) Chiffres clés du climat, France, Europe et Monde, Ministère de la transition écologique, édition 2020.

([7]) Communication de la Commission du 11 décembre 2019 sur « Le pacte vert pour l’Europe », COM(2019) 640 final.

([8]) Donella Meadows, Dennis Meadows, Lorgen Randers, William W. Behrens, Les limites à la croissance, rapport au club de Rome, 1972.

([9]) Voir sur ce thème le rapport d’information de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale sur la transition énergétique dans l’Union européenne, présenté en février 2018 par M. Thierry Michels.

([10])  Règlement sur la gouvernance de l’union de l’énergie, modifiant la directive 94/22/CE, la directive 98/70/CE, la directive 2009/31/CE, le règlement (CE) n°663/2009, le règlement (CE) n°715/2009, la directive 2009/73/CE, la directive 2009/119/CE du Conseil, la directive 2010/31/UE, la directive 2012/27/UE, la directive 2013/30/UE et la directive (UE) 2015/652 du Conseil, et abrogeant le règlement (UE) n°525/2013.

([11]) Données Eurostat 2015

([12]) Rapport de la Commission sur l’évaluation en 2019 des progrès accomplis par les États membres dans la réalisation des objectifs nationaux d’efficacité énergétique pour 220 et dans la mise en œuvre de la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique, juillet 2020.

([13]) La Bulgarie, la République tchèque, la Grèce, l’Allemagne, la Hongrie, l’Italie et le Luxembourg.

([14]) Rapport de la « coalition pour les économies d’énergie », juillet 2020.

([15]) Biodiversité des terres agricoles: la contribution de la PAC n'a pas permis d'enrayer le déclin, rapport spécial, Cour des comptes européennes, juin 2020.

([16]) Alimenter en énergie une économie neutre pour le climat: une stratégie de l'UE pour l'intégration du système énergétique, COM(2020) 299 final, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, 8 juillet 2020.

([17]) Une stratégie de l'hydrogène pour une Europe climatiquement neutre, COM(2020) 301 final, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, 8 juillet 2020.

([18]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds pour une transition juste, COM (2020) 22, 14 janvier 2020.

([19]) Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le Fonds pour une transition juste COM/2020/460 final.

([20]) Matthews, H. D., K. Tokarska, Z. R. J. Nicholls, J. Rogelj, J. P. Canadell, P. Friedlingstein, T. L. Frölicher, P. M. Forster, N. P. Gillett, T. Ilyina, R. B. Jackson, C. D. Jones, C. Koven, R. Knutti, A. H. MacDougall, M. Meinshausen, N. Mengis,Séférian, R., K. Zickfeld: Opportunities and challenges in using carbon budgets to guide climate policy. Nature Geosciences, 30 novembre 2020.

([21]) https://ec.europa.eu/clima/citizens/support_fr  

([22]) Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique, César Dugast, Alexa Soyeux, Carbone 4, juin 2019.

([23]) https://ecolab.ademe.fr/impactcarbone 

([24])  Taxonomy: Final report of the Technical Expert Group on Sustainable Finance, Commission européenne, 9 mars 2020.

([25])  Règlement (UE) 2018/842 du Parlement Européen et du Conseil du 30/05/18 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013.

([26])  La neutralité carbone, défis d’une ambition planétaire, Aleksandar Rankovic, Michel Colombier, Andreas Rüdinger, Marie-Hélène Schwoob, Oliver Sartor, Sébastien Treyer, Lola Vallejo & Henri Waisman (Iddri), septembre 2018.