N° 3817

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 janvier 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION
sur la filière du recyclage du papier

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ([1])
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Isabelle VALENTIN,
Présidente,

ET

Mme Camille GALLIARD-MINIER,
Rapporteure,
Députées.

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La mission d’information sur la filière du recyclage du papier est composée de : Mmes Marguerite Deprez-Audebert, Camille Galliard-Minier, Stéphanie Kerbarh, M. François-Michel Lambert, Mmes Laurence Maillart-Méhaignerie, Claire O’Petit, Mathilde Panot, Isabelle Valentin, MM. Michel Vialay, Stéphane Viry et Hubert Wulfranc.

 


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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

PREMIère partie : le point d’entrée du travail de la mission d’information : la situation de l’usine d’upm « chapelle darblay »

I. le site chapelle darblay de grand-couronne, une usine sacrifiée malgré son exemplarité environnementale

A. chapelle darblay, propriété du groupe finlandais upm

1. Le groupe finlandais UPM

2. Le site Chapelle Darblay

B. une usine aux caractéristiques environnementales évidentes

1. La production de papier recyclé

2. D’autres éléments, en lien avec la modernisation du site, font état d’un impact environnemental positif

II. À la suite de sa fermeture, terme d’une fragilisation progressive, l’établissement est en recherche d’un repreneur et d’un renouvellement de son activité

A. Le site a connu des difficultés CROISSANTES, CONDUISANT à UNE fermeture INéluctable

1. La fragilisation de l’établissement est corrélée au déclin du papier graphique en général et du papier journal en particulier

2. Après la fermeture d’une première machine en 2015, UPM a annoncé sa décision de fermer entièrement le site de Chapelle Darblay

B. LA RECHERCHE D’uN REPRENEUR doit se poursuivre en ayant conscience des potentialités diverses que recouvre le site

1. Trois phases de recherche d’un repreneur ont eu lieu depuis septembre 2019

2. Le site présente des débouchés certains à valoriser

seconde partie : AFIN D’ANALYSER LES DIFFICULTÉS ET D’IMAGINER DES SOLUTIONS POUR CETTE FILIÈRE VERTUEUSE, RAISONNER SUR L’ENSEMBLE DE L’ACTION DE RECYCLAGE

I. LE RECYCLAGE DU PAPIER ET DU CARTON FAIT INTERVENIR DES ACTEURS MULTIPLES AU SERVICE D’UNE ACTION VERTUEUSE

A. QUELQUES élÉments factuels concernant le recyclage du papier et du carton

1. Typologie des produits de la filière papier et carton et des sortes papetières faisant office de matière première

a. Les différents types de produits finis de la filière papier-carton

b. Les différentes sortes papetières servant à la fabrication des produits finis

c. L’enjeu fondamental de l’adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des industriels

2. La chaîne du recyclage du papier

a. L’étape de la collecte

b. L’étape du tri

c. La vente des PCR et la fabrication de papier recyclé

3. Éléments chiffrés sur le recyclage du papier et du carton en France

a. Éléments sur la consommation et la production françaises de papiers-cartons et le paysage industriel associé

i. La consommation française de papiers-cartons

ii. La production papetière française

iii. Le paysage industriel français de la production de papier et de carton

b. Éléments sur les gisements des PCR et la performance de recyclage

i. Performances de recyclage

ii. Incorporation des PCR

iii. Solde commercial

c. Prix des PCR

B. Les vertus du recyclage du papier, l’une des formes les plus abouties d’Économie circulaire

C. Une filiÈre REP bien Établie

1. Le champ d’application de la REP « Papiers graphiques »

2. L’éco-organisme : Citeo

3. La contribution financière (« éco-contribution »)

4. Le reversement de la contribution financière aux collectivités territoriales et les autres actions de Citeo dans les territoires

5. La suppression prochaine de la contribution en nature pour les publications de presse

D. Mieux valoriser le papier recyclÉ et ses usages, partout oÙ cela est possible et pertinent

1. Accroître l’incorporation de fibres recyclées : une question complexe

2. La commande publique, un levier pour le développement de la demande de papier recyclé ?

a. Une obligation légale d’écoresponsabilité dans les achats de produits papetiers

b. La stratégie de l’État 2020-2024 pour le papier de reprographie blanc (mai 2019)

c. L’article 58 de la loi « AGEC »

d. La circulaire du 25 février 2020 pour des services publics écoresponsables

3. Les labels existants traduisent une démarche écoresponsable mais ne valorisent pas l’utilisation de papier recyclé, à l’exception du label allemand

II. mÊme si la crise de la filiÈre du recyclage du papier est avant tout une crise de la demande, l’action doit aller de l’amont à l’aval

A. la crise actuelle est avant tout une crise de la demande de PCR, qui enclenche un cercle vicieux

1. Une crise structurelle de la demande, accentuée par la conjoncture

2. Des difficultés considérables pour les collectivités territoriales

B. nÉanmoins, c’est une action globale qui est nÉcessaire pour remÉdier aux difficultÉs de la filiÈre

1. En amont, améliorer la collecte et le tri

a. La gestion de la collecte et les modalités de tri nuisent parfois à la qualité de la matière récupérée et destinée au recyclage

b. Des gisements négligés, inexploités ou insuffisamment collectés

i. Le « tri 5 flux » des déchets des entreprises et administrations est loin d’être suffisamment mis en œuvre

ii. Pour un développement de l’apport volontaire pour les papiers des ménages

iii. Le gisement des manuels scolaires obsolètes

c. La situation particulière des territoires ultramarins

2. Du point de vue industriel, réorienter la production : marchés et débouchés possibles

a. Réorienter les gisements papetiers vers des marchés nouveaux ou à approfondir

i. La ouate de cellulose : mettre l’économie circulaire au cœur de la rénovation énergétique des bâtiments

ii. Les produits d’emballage : ne pas rater le potentiel de la substitution au plastique et du développement du commerce en ligne

iii. La production d’une pâte à papier recyclée marchande

b. Renforcer l’usage de fibres recyclées dans certaines utilisations existantes

i. Presse et magazine

ii. Papier bureautique

iii. Papier d’hygiène

3. En aval, sensibiliser encore davantage le consommateur et opérer un changement culturel

III. les solutions ne peuvent s’imaginer qu’au sein d’une filière constituée et en veillant à la mise en place d’un nouvel équilibre entre les filières

A. les acteurs n’agissent pas en filière

B. ne pas sacrifier la filière bois-forêt, ni la filière pâte vierge

1. Il convient de maintenir une production de pâte vierge pour certains usages

2. Une réorientation partielle du bois d’industrie vers d’autres usages a commencé, mais la filière bois a encore besoin de l’industrie papetière

Recommandations de la mission d’information

EXAMEN du rapport en commission

annexes

liste des personnes auditionnées

déplacement de la mission d’information dans les vosges

LISTE des acteurs ayant transmis des CONTRIBUTIONS ÉCRITES


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   INTRODUCTION

Votre rapporteure souhaite à titre liminaire remercier chaleureusement Madame la députée Stéphanie Kerbarh d’avoir mis en lumière la situation de l’usine de Chapelle Darblay et d’avoir ainsi conduit à la création de la mission d’information.

Dans chaque domicile, chaque école, chaque bureau en entreprise et même à l’Assemblée nationale se trouve une poubelle où chacun jette ses papiers et ses cartons. Une ambition doit répondre à ce geste de tri quotidien, à cet effort demandé aux Français, celle de la valorisation des papiers ainsi triés. Ce contrat de confiance passé avec les Français est aujourd’hui mis à mal, avec une filière française de papier recyclé qui est en grande difficulté : fermeture d’usines, démantèlement de machines... La fermeture de l’usine de Chapelle Darblay est symptomatique de cette crise : installée dans le paysage industriel depuis des décennies et première usine en France à produire du papier journal à partir de fibres 100 % recyclées, l’entreprise a dû fermer ses portes au mois de juillet 2020.

Alors que la France se place dans le peloton de tête des pays européens pour le recyclage de papiers et cartons, avec un taux de plus de 79 %, sa filière industrielle est en crise bien qu’elle repose sur des bases solides : des acteurs mobilisés, une recherche innovante et un outil industriel de qualité.

En outre, cette crise s’inscrit dans le contexte difficile d’une baisse continue et inexorable de la consommation de papier graphique, qui oblige à repenser les débouchés de demain.

Ce tableau sombre pourrait donner l’image d’une industrie finie, destinée à disparaître. La conviction de votre rapporteure en est toute contraire : la filière du papier recyclé peut demain être l’un des atouts majeurs de la politique de l’économie circulaire en France si des mesures bien choisies sont prises. Elle en est déjà l’un des symboles : « faire du papier avec du papier ». Elle a les atouts pour en devenir demain l’un des étendards. Les recommandations déclinées dans ce rapport sont autant de préconisations destinées à consolider cette filière et à l’inscrire dans l’élan de réindustrialisation de la France lancé par le Gouvernement à travers France Relance.

Votre rapporteure est convaincue qu’il convient au prime abord de se défaire d’une opposition sous-jacente entre le papier fabriqué à partir de pâte vierge et le papier recyclé, plus largement entre la filière de papier vierge et celle du papier recyclé. Le destin de ces deux filières est en effet intimement lié : l’acceptabilité de l’industrie papetière suppose la permanence d’une filière du papier recyclé et la fabrication de papier recyclé ne peut se passer d’un apport minimum de fibres vierges. Repenser ce lien, c’est déjà avancer vers l’idée d’une structuration globale du secteur de l’industrie papetière plutôt qu’une organisation distincte et en silos des filières.

Dès le début des travaux et après validation par les membres de la mission d’information lors de la réunion constitutive, la présidente Mme Isabelle Valentin, députée de Haute-Loire – avec qui votre rapporteure a eu le plaisir de travailler et dont elle salue l’engagement sincère et sans faille tout au long des travaux – et votre rapporteure ont décidé d’élargir les travaux au recyclage du carton. Ceci est très vite apparu comme une évidence tant les statistiques disponibles, le procédé de recyclage, ses possibles applications et les débouchés potentiels du papier et du carton se sont révélés extrêmement liés. Il était également important de s’interroger sur le recyclage du papier et du carton de manière intégrée et de ne pas en rester à des considérations strictement industrielles. La situation a nécessité de s’interroger tout autant sur la qualité du tri en amont que sur les attentes des consommateurs en aval. Les auditions ont conforté cette idée en insistant sur la diversité des causes de la crise.

Le présent rapport a été rédigé à l’issue d’un déplacement de la mission d’information dans les usines de Norske Skog Golbey et Clairefontaine, de six visites réalisées par votre rapporteure en dehors du strict cadre de la mission, et de 33 auditions et tables rondes. Vingt recommandations sont proposées, issues d’un travail de fond et d’une concertation avec des industriels de la papeterie, des représentants des collectivités territoriales (communes et intercommunalités), des associations environnementales, des administrations nationales, des acteurs du bois, de l’édition et de la ouate cellulosique. Votre rapporteure tient à remercier chacun des acteurs entendus pour leur contribution à ses réflexions.

Les mesures proposées sont multiples, allant de la nécessaire diversification des débouchés à l’amélioration de la pédagogie auprès des entreprises et des consommateurs, mais aussi vers une nouvelle organisation du secteur, ou à l’instauration ou l’amélioration de mesures d’incitation.

Elles sont remises dans les mains des acteurs du secteur et aux acteurs institutionnels avec confiance et vigilance. Vous pouvez compter sur l’engagement de votre rapporteure pour en suivre l’application. La fermeture de l’usine UPM de Chapelle Darblay est significative de la crise traversée par la filière du papier recyclé. C’est pourquoi ce rapport analyse, dans une première partie, la situation de l’usine, les difficultés rencontrées et les projets en cours de définition. Il est ensuite proposé, dans une seconde partie, de préciser chaque étape du cycle de recyclage afin de dégager, pour chacune, des préconisations concrètes en vue de remédier à la crise du secteur, tout en rappelant que ces solutions doivent s’inscrire dans une recherche d’un nouvel équilibre entre les filières.

L’enjeu du renouveau de la filière du recyclage du papier est industriel mais aussi politique : c’est celui de la restauration du contrat de confiance passé avec les Français.

 


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   PREMIère partie :
le point d’entrée du travail de la mission d’information : la situation de l’usine d’upm « chapelle darblay »

Tout au long des travaux de la mission d’information, la situation du site Chapelle Darblay du groupe UPM à Grand-Couronne a constitué pour les membres de la mission un exemple concret des difficultés de la filière du recyclage du papier.

Du point de vue des causes de la fermeture, le sort de cette usine illustre d’abord le phénomène contre-intuitif dans lequel la filière tout entière se trouve enfermée. L’usine de Chapelle Darblay utilise en effet uniquement des papiers et cartons à recycler (PCR) comme matière première et contribue ainsi à écouler un matériau dont la quantité augmente au fur et à mesure de l’amélioration constatée de la quantité, du tri et de la collecte de déchets fibreux.

D’une manière plus générale, cette contradiction est d’autant plus importante au regard de la valorisation sociétale grandissante de l’économie circulaire, présentée comme une « industrie du futur » et un outil fécond de respect des grands objectifs du développement durable. La filière du recyclage du papier est d’une étonnante modernité en ce qu’elle concilie production économique et protection de l’environnement, tradition et innovation.

Par ailleurs, ni le site en lui-même, ni sa situation géographique ne sont en cause : cette usine est ancienne, de qualité et bien insérée dans le paysage industriel local. Les causes de cette situation éclairent donc partiellement sur les difficultés globales de la filière du recyclage du papier.

Les conséquences de la fermeture de cette usine vont également renforcer les difficultés de la filière. Outre la fragilisation du tissu industriel du territoire et les conséquences sociales qui en découlent, c’est la surabondance de la matière première PCR en France et en Europe, déjà prégnante depuis la diminution puis l’arrêt des exportations vers la Chine, qui va être encore renforcée. Cette inadéquation entre la matière collectée et la demande industrielle va entraîner la poursuite de la chute des cours de reprise des PCR, avec des conséquences pour les collectivités territoriales.

Enfin, les difficultés pour trouver un repreneur illustrent également différentes failles comme l’absence de structuration en filière et un trop grand fonctionnement « en silos » des industriels.

Cependant, précisément parce que ce site est, sur de nombreux points, illustratif de la crise de la filière du recyclage du papier en France, l’ensemble des membres de la mission d’information et plus particulièrement votre rapporteure considèrent qu’il peut également préfigurer son renouveau. La réindustrialisation possible du site Chapelle Darblay doit constituer un exemple et un moteur pour la réhabilitation de l’ensemble de la filière. Plus largement, l’abandon d’un site vertueux sur le plan environnemental s’inscrirait à rebours de l’enjeu majeur de la réindustrialisation de la France.

I.   le site chapelle darblay de grand-couronne, une usine sacrifiée malgré son exemplarité environnementale

A.   chapelle darblay, propriété du groupe finlandais upm

1.   Le groupe finlandais UPM

Le propriétaire du site de Chapelle Darblay depuis plus de trente ans est UPM. Ce groupe finlandais, coté en bourse, réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 10,2 milliards d’euros et emploie 18 700 collaborateurs ([2]). D’après les données contenues dans une annexe de l’étude des marchés potentiels en vue d’une réindustrialisation de la papeterie Chapelle Darblay ([3]), UPM se situait en 2018 au premier rang européen des producteurs de pâte et de papier (production de pâte marchande et de papier-carton) et au cinquième rang mondial, avec une production de 11,6 millions de tonnes ([4]).

Bien que sa production originelle soit celle, constituée notamment à Chapelle Darblay, de papier pour la presse, l’activité du groupe s’est largement développée avec le temps et s’organise aujourd’hui autour de douze divisions, qui correspondent à autant de domaines d’activité différents : pâte à papier ; bois ; biocarburants ; énergie ; étiquettes ; papiers spéciaux ; papiers de communication (papiers graphiques) ; contreplaqué ; biocomposites ; produits biochimiques ; produits biomédicaux ; approvisionnement en bois.

L’activité du groupe est largement internationale. Celui-ci détient 54 sites de production, répartis dans douze pays et ses produits sont commercialisés dans 120 pays. Une large majorité de ses ventes se réalise néanmoins en Europe, à hauteur de 62 %, contre 19 % en Asie, 13 % en Amérique du Nord et 6 % dans le reste du monde.

Comme cela a été présenté par M. Daniel Schwab, président du conseil de surveillance d’UPM France, lors de son audition par la mission d’information, la division papier du groupe est en décroissance de plus en plus forte depuis 2008. Celui-ci a en effet indiqué qu’au début des années 2000, la société disposait de 64 machines à papier. Depuis, plus de la moitié a fermé afin de s’adapter à un marché annuellement en décroissance. Ce mouvement est encore visible en 2020‑2021 puisque la présentation aux investisseurs de novembre 2020 fait état d’une réduction des coûts concentrée sur la fermeture de nombreux sites de fabrication de papier journal (Chapelle Darblay bien sûr, mais également le site de Kaipola en Finlande et celui de Shotton au Royaume-Uni) et à l’inverse de nouveaux investissements vers les produits biochimiques.

Dans cette même présentation aux investisseurs, le groupe met en avant un investissement dans une nouvelle usine de pâte à papier en Uruguay à base de fibres d’eucalyptus, type de production régulièrement présenté lors des auditions comme insuffisamment vertueux du point de vue environnemental. Cette information rend la décision de fermeture de Chapelle Darblay d’autant plus insatisfaisante que cette dernière utilisait uniquement de la fibre recyclée comme matière première.

2.   Le site Chapelle Darblay

Chapelle Darblay est un site relativement ancien, situé à Grand-Couronne en Seine-Maritime, et fondé en 1927, d’abord sous le nom de « Sonopa ». En 1959, à la suite d’un rachat, elle est renommée « Darblay », puis, en 1968 « Chapelle Darblay » en raison d’une fusion.

Cette usine est souvent présentée comme celle ayant inventé le procédé de désencrage et de recyclage du papier journal au milieu des années 1980, avec un passage à une production de papier 100 % recyclé dès 1999.

Appartenant au papetier finlandais Kymmene depuis 1990, l’usine devient propriété d’UPM en 1996 à la suite de la naissance de ce groupe par fusion de Kymmene avec une autre entreprise. UPM y a investi 200 millions d’euros pour améliorer les machines (ces dernières étaient au nombre de deux avant la fermeture de l’une d’entre elles en 2015, évoquée infra) et les processus de fabrication mais aussi, comme évoqué infra, en y installant une chaudière de biomasse et un centre de tri.

L’atout économique, industriel et social de cet établissement pour le territoire est indiscutable. Le préfet de Normandie, M. Pierre-André Durand, a indiqué à la mission d’information que le site avait réalisé un chiffre d’affaires annuel de 100 millions d’euros, une valeur ajoutée annuelle de 30 millions d’euros, employait 217 salariés et générait 567 emplois indirects, dont 262 en Normandie, principalement dans les centres de tri de matières papiers recyclables, les plateformes fournissant de l’énergie biomasse en Normandie mais aussi les entreprises prestataires et l’intérim.

L’observation du plan du site témoigne de sa qualité et des facilités logistiques qui y sont associées, de la proximité des axes routiers à l’accès direct à la Seine et à la haute-mer.

VUE Aérienne du site d’upm chapelle darblay

Source : Document de présentation de l’usine établi par Business France et les services de l’État dans le cadre de la troisième démarche de recherche d’un repreneur.

De par son histoire essentiellement, mais également en raison des apports d’UPM, ce site est ainsi symbolique d’une usine vertueuse sur le plan environnemental.

B.   une usine aux caractéristiques environnementales évidentes

1.   La production de papier recyclé

Le site Chapelle Darblay fabrique exclusivement du papier journal à partir de fibres 100 % recyclées ([5]). Elle récupère annuellement 350 000 tonnes de journaux, revues, magazines et prospectus ([6]) par le biais de 350 contrats passés avec les collectivités territoriales, représentant une population de 24 millions de personnes, y compris dans la région parisienne ([7]) avec un transport par voie fluviale depuis 2008.

C’est alors une véritable opération de recyclage qui s’opère sur le site : le papier est désencré pour en faire de la pâte permettant de fabriquer du papier journal, avec une capacité annuelle de 240 000 tonnes environ, 220 000 tonnes dans les dernières années avant la fermeture. Selon M. Daniel Schwab, 30 % de ces volumes sont commercialisés en France et 70 % à l’exportation.

L’établissement Chapelle Darblay constitue donc bel et bien une usine de production au cœur de l’économie circulaire. Cet engagement environnemental originel a été renforcé par la modernisation du site, engagée notamment par UPM.

2.   D’autres éléments, en lien avec la modernisation du site, font état d’un impact environnemental positif

Répondant à un appel d’offres, UPM a souscrit en 2007 un contrat d’achat avec la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et installé une chaudière biomasse de 85 mégawattheure (MWh), un investissement représentant alors 80 millions d’euros. Lors de son audition, M. Jean Kubiak, directeur général de l’établissement, est revenu sur son fonctionnement : par ce biais, UPM produit de l’électricité en turbinant de la vapeur produite par la chaudière alimentée par du bois de recyclage (200 000 tonnes par an environ) mais aussi les boues de désencrage (100 000 tonnes par an environ).

Cette chaudière a ainsi représenté pour UPM une source de revenus mais également et surtout un nouvel outil de valorisation des déchets permettant de produire de l’électricité verte.

Le deuxième investissement majeur réalisé par UPM sur le site a été l’installation d’un centre d’affinage (encore appelé centre de sur-tri). Il s’agissait d’y faire entrer le flux principal des ménages mais également de créer un point d’apport volontaire dans lequel la population pouvait déposer toutes leurs sortes ([8]) de papier (sorte papetière 5.01 « Papiers mélangés »). Cette matière 5.01 n’a « jamais été au rendez-vous » selon l’expression employée par M. Jean Kubiak lors de son audition. Alors que ce centre de tri a été construit pour traiter 100 000 tonnes de papiers par an, il n’a jamais dépassé les 50 000 tonnes. Sa vertu environnementale était pourtant certaine en permettant d’augmenter encore davantage la quantité de papiers recyclés.

Ainsi, que ce soit en raison de l’activité principale de production de papier 100 % recyclé ou des développements annexes ensuite, votre rapporteure considère, à l’unisson des représentants des salariés auditionnés par la mission d’information, que Chapelle Darblay est une « industrie du futur ». Si cette conscience et cet engagement n’ont pas suffi à maintenir l’activité, ils doivent en revanche nous encourager à trouver une nouvelle vie pour cet établissement.

II.   À la suite de sa fermeture, terme d’une fragilisation progressive, l’établissement est en recherche d’un repreneur et d’un renouvellement de son activité

A.   Le site a connu des difficultés CROISSANTES, CONDUISANT à UNE fermeture INéluctable

1.   La fragilisation de l’établissement est corrélée au déclin du papier graphique en général et du papier journal en particulier

Comme indiqué supra, le papier journal constitue l’unique production du site et ses clients sont donc exclusivement la presse nationale, la presse quotidienne régionale, les éditeurs de catalogue et quelques sociétés de communication publicitaire. La concentration de l’activité, commune dans le secteur très capitalistique du papier, est évidemment vectrice de fragilité. La dépendance de l’usine à cette seule et unique production l’a rendue très sensible à l’évolution de la demande de papier graphique.

M. Daniel Schwab a évoqué devant la mission d’information une baisse de consommation du papier graphique d’environ 5 % par an depuis 2010 et même, depuis 2019, plutôt de 10 %, situation aggravée ponctuellement ([9]) en 2020 par les effets de la pandémie de covid-19. Tous les chiffres mis à la disposition de la mission d’information confirment évidemment cette tendance : la consommation apparente de papier journal en France serait ainsi passée de 5,3 millions de tonnes en 2007 à 3 millions de tonnes en 2018, soit une diminution de 43 % ([10]).

Cette situation s’explique par une baisse structurelle de l’usage de papier graphique par les consommateurs français – mais également plus largement européens – en raison du développement du numérique et du rejet plus important de la publicité distribuée dans les boîtes aux lettres.

2.   Après la fermeture d’une première machine en 2015, UPM a annoncé sa décision de fermer entièrement le site de Chapelle Darblay

Face à la contraction du marché, UPM a décidé, dès 2015, la fermeture d’une première machine sur les deux que comportait à l’origine l’établissement. Il s’agissait alors de la moins performante des deux : la « petite machine », appelée n° 3. Cette dernière produisait du papier journal de qualité supérieure. Depuis lors, elle continue d’être ventilée et lubrifiée régulièrement mais la production de ce papier de qualité supérieure a été reprise par la machine n° 6, qui était, jusqu’en juin dernier, la dernière en service. À l’époque, 150 emplois avaient déjà été supprimés.

Cette réduction de capacité n’a visiblement pas suffi au groupe qui a annoncé en septembre 2019 sa volonté de mettre en vente la papeterie. Dans son communiqué ([11]), la société présente l’établissement Chapelle Darblay comme l’actif industriel le moins compétitif sur son segment de produits et annonce la procédure suivie pour la mise en vente : l’ouverture d’un appel d’offres pour la vente de l’usine et, en cas d’absence d’offre crédible à la mi-janvier 2020, une consultation pour la fermeture de l’usine engagée parallèlement à la poursuite de recherche d’un repreneur. L’horizon temporel alors fixé pour la finalisation de la procédure était la fin du deuxième trimestre 2020.

C’est ainsi qu’après la signature d’un accord majoritaire relatif au plan de sauvegarde de l’emploi en juillet 2020, les machines ont été arrêtées « proprement » selon l’expression de MM. Daniel Schwab et Jean Kubiak (équipements sécurisés, éléments chimiques ou consommables évacués) et UPM a mis le site en sommeil jusqu’en juin 2021, date limite fixée pour trouver un repreneur. Les salariés ont été licenciés en juillet 2020, à l’exception des salariés protégés.

Votre rapporteure, qui a pu se rendre sur place en octobre 2020, a constaté avec regret la fermeture de ce site industriel ainsi que l’arrêt des machines. Elle a échangé avec les salariés encore présents sur le site, le directeur du site et le préfet de la région Normandie et leur a rappelé son engagement total pour tenter à leurs côtés de sauver Chapelle Darblay, notamment au travers des solutions plus générales qu’elle entend recommander pour la filière papetière.

B.   LA RECHERCHE D’uN REPRENEUR doit se poursuivre en ayant conscience des potentialités diverses que recouvre le site

1.   Trois phases de recherche d’un repreneur ont eu lieu depuis septembre 2019

Dès l’annonce d’UPM de sa volonté de fermer l’usine, une première phase de recherche d’un repreneur a été opérée en coopération directe avec les services de l’État. Elle a permis de contacter 250 repreneurs possibles mais n’a malheureusement pas abouti.

Une deuxième tentative a été opérée dans le cadre légal de la loi dite « Florange » ([12]) jusqu’en juillet 2020. D’après M. Daniel Schwab, des marques d’intérêt ont été avancées parmi les 300 repreneurs potentiels contactés à cette occasion mais plusieurs obstacles, structurels ou conjoncturels, ont été mis en avant :

– d’un point de vue conjoncturel, la crise de la covid-19, en fragilisant certaines entreprises et par l’horizon économique plus incertain qu’elle a induit, a rendu les acteurs frileux dans la perspective de racheter un site et d’y opérer des investissements importants ;

– du point de vue structurel, l’industrie papetière est très capitalistique et ce site n’y fait pas exception, avec des frais fixes élevés et des investissements importants nécessaires pour tout changement d’activité.

M. le préfet Pierre-André Durand a néanmoins indiqué, lors de son audition devant la mission d’information, qu’une troisième et dernière recherche de repreneur de grande ampleur, sur le plan national et international, en coopération entre les services de l’État et Business France, avait démarré. Un groupe de travail a été mis en place avec des points d’étape réguliers jusqu’à l’aboutissement de cette dernière tentative à la fin du mois de janvier 2021. Dans son travail de prospection, Business France a diffusé à grande échelle un document de présentation du site et de ses potentialités, en s’appuyant notamment sur les travaux du comité technique ([13]) démontrant les transformations possibles de l’établissement. Cette troisième prospection est menée en ciblant les industriels sur la base des potentialités mises en avant par les études techniques réalisées et en relançant notamment les industriels ayant manifesté leur intérêt lors des premières recherches.

Dans l’attente, le site est fermé depuis juillet 2020 et l’échec de la deuxième tentative. S’en est suivie une première vague de licenciements à cette même période. La question posée de la prise en charge salariale, qui avait pu être un obstacle pour un éventuel repreneur dans les deux premières phases, ne l’est donc plus pour cette dernière tentative. Dans l’attente de l’expiration de la période de recherche d’un repreneur en juin 2021, UPM assure comme prévu un gardiennage 24 heures sur 24 de l’usine. Ne restent actuellement en fonction qu’une dizaine de salariés « protégés » dont l’autorisation du licenciement, qui était prévu le 31 octobre 2020, a été refusée. D’après les éléments communiqués par les représentants du personnel, ce refus a été justifié par un « motif d’intérêt général » concernant des « interlocuteurs mobilisés et actifs sur le projet de réindustrialisation d’un site unanimement considéré comme un modèle d’économie circulaire » dont les « licenciements ne présentent pas un caractère déraisonnable et disproportionné pour l’entreprise et ses intérêts dans la mesure où l’engagement de recherche de repreneur a été pris par UPM France auprès du CSE Chapelle Darblay » avec « l’engagement de maintenir l’attractivité industrielle du site jusqu’en juin 2021 pour permettre sa visite par des potentiels repreneurs » ([14]).

2.   Le site présente des débouchés certains à valoriser

En appui des travaux du comité technique de la commission industrielle évoqués supra, une étude des marchés potentiels en vue d’une réindustrialisation de la papeterie Chapelle Darblay a été réalisée en octobre 2020 sous l’autorité de M. Alain Tripier, que la mission d’information a pu auditionner.

Cette étude se concentre exclusivement sur les débouchés utilisant des PCR comme matière première, cette dernière étant encore surabondante dans les collectivités. Néanmoins, elle cherche à analyser le potentiel du site en dehors d’une production de papier journal qui a démontré ses limites.

Les trois ([15]) principales pistes de développement ([16]) pour la restructuration de Chapelle Darblay présentées dans l’étude des marchés et évoquées
par M. Alain Tripier lors de son audition

– La production de produits d’emballage (PPO – papier pour ondulé) est présentée comme une réelle opportunité pour le site en lien avec l’augmentation de la demande (notamment en raison de la croissance du commerce en ligne). La France doit en effet, selon ce rapport, se positionner sur ce marché porteur et qui n’est pas encore saturé. Le passage à cette production suppose une transformation de la machine n° 6, nécessitant un investissement évalué entre 80 et 100 millions d’euros. Il convient de noter que cette éventualité est celle qui a été le plus étudiée, un possible racheteur s’étant même positionné dans un premier temps sur ce segment.

Le rapport évoque deux conditions essentielles à un développement pérenne de cette production sur le site : i) l’installation d’un papetier asiatique, le cas échéant aidée par des allègements fiscaux et un accompagnement de l’Agence de la transition écologique (ADEME), qui pourrait être une solution plus facile, car elle permettrait une bonne maîtrise de l’écosystème papetier chinois, la Chine risquant de manquer à moyen terme de PPO avec des besoins pourtant toujours plus élevés (notamment pour ses exportations) ; ii) la recherche de coûts d’exploitation maîtrisés, avec notamment une réduction des coûts de l’énergie par la transformation de la chaudière biomasse vers la combustion de combustibles solides de récupération (CSR) et non plus de biomasse.

– Un nouveau marché correspondant à la fabrication de bobines de papier non désencré destinées à être transformées en ouate de cellulose pour l’isolation est également présenté comme une solution possible. Cet approvisionnement régulier et maîtrisé peut s’avérer utile pour les industriels de l’isolation utilisant ce matériau et ne se fournissant actuellement que d’invendus de presse, une ressource appelée à devenir de plus en plus rare. C’est une solution intéressante à l’heure où la rénovation énergétique des bâtiments est une priorité et où la construction cherche à diminuer son empreinte carbone. Contrairement aux affirmations de M. Jean Kubiak lors de son audition, il apparaît, selon M. Alain Tripier, que le prix de sortie d’usine pourrait être soutenable pour les industriels en faisant usage.

– La production de papier graphique recyclé (ramettes, bobines utilisées par les imprimeurs ou papier utilisé par les papeteries), un marché en devenir selon le rapport en raison des évolutions sociétales et d’un développement croissant des « achats exemplaires » pour les achats publics, constitue également un débouché possible. Il s’agirait soit de produire exclusivement de la pâte marchande, soit de viser la production intégrée de papier recyclé sur le site. Le choix de cette solution rendrait de surcroît nécessaire, pour l’industriel, l’installation d’une capacité de séchage et de pressage.

Toute transformation de l’activité suppose évidemment des investissements importants sur les machines. Néanmoins, comme indiqué par la plupart des acteurs auditionnés sur cette question, ce coût, mis en regard du coût global d’une machine de papier, est relativement bas à l’échelle de l’industrie. M. Alain Tripier a d’ailleurs confirmé que la transformation de ces machines pour ces trois solutions privilégiées « ne sont pas des transformations fondamentales ».

Toutes ces pistes sont néanmoins présentées comme beaucoup plus réalistes et disposant d’un potentiel nettement plus élevé si elles s’inscrivaient dans un cadre plus large de constitution, autour du site, de ce que le rapport qualifie d’« Écoparc » papetier permettant une diversification du site dans plusieurs directions, avec différents opérateurs autour d’un industriel « pivot ». Cette diversification peut être facilitée par la taille du site (créé initialement pour trois machines) et par la présence sur le site –  et la maintenance préservée – de deux machines.

De même, M. Alain Tripier a longuement insisté devant la mission d’information sur l’accompagnement nécessaire du ou des futurs industriels avec, par exemple, des dispositifs fiscaux favorables (pouvant aller jusqu’à l’établissement d’une zone franche) ou encore la prise en charge des infrastructures (chaudière biomasse, station d’épuration) par un organisme de type société d’économie mixte (SEM).

D’ailleurs, dans le cas où aucun repreneur ne se manifesterait à la mi-janvier 2021, la solution de la constitution d’une SEM, à la main des collectivités territoriales, pourrait être envisagée. D’après le préfet, le président de la métropole de Rouen n’a pas exclu cette possibilité lors de la dernière réunion de la commission industrielle.

Votre rapporteure veut ici réaffirmer avec force sa volonté de participer à la construction de toute solution qui serait susceptible de sauver ce site. Les pouvoirs publics ont une responsabilité politique à préserver un établissement qui endosse, depuis plus de trente ans, une responsabilité sociale et environnementale exemplaire. Au-delà de l’accompagnement essentiel de la recherche d’un repreneur d’un point de vue microéconomique, c’est par la recherche de solutions pour tout le secteur papetier, à laquelle il s’agit ici de s’employer, qu’il sera possible d’avancer.


—  1  —

   seconde partie :
AFIN D’ANALYSER LES DIFFICULTÉS ET D’IMAGINER DES SOLUTIONS POUR CETTE FILIÈRE VERTUEUSE, RAISONNER SUR L’ENSEMBLE DE L’ACTION DE RECYCLAGE

Dès le début des travaux de la mission d’information, le risque d’un traitement trop parcellaire du sujet a été bien identifié. Le point de départ de la mission, évoqué supra, étant industriel, la tentation pouvait en effet être forte de polariser l’étude sur ce seul aspect.

Les premières auditions et les constats initiaux ont rapidement convaincu votre rapporteure de la nécessité d’élargir le thème de la mission d’information – par certains aspects, la matière carton allait devoir être analysée ([17]) – et surtout le champ d’étude de celle-ci, en s’arrêtant sur toutes les étapes constituant la chaîne du recyclage, de l’amont (collecte, tri) à l’aval (distribution du papier et consommation), en passant naturellement par la fabrication industrielle. Chacune de ces étapes présente en effet ses propres enjeux et renferme une partie de la solution. Votre rapporteure a ainsi souhaité inscrire ses recommandations dans un cadre global.

Face à la pluralité des acteurs intervenant dans ce procédé complexe et la pluralité des sortes papetières, il convient en premier lieu de bien identifier et de décrire l’action de recyclage, à travers quelques éléments factuels (I). L’analyse de la situation actuelle et des perspectives possibles pour préserver la filière mettra ensuite en avant la nécessité d’agir à tous les niveaux (II). Il importe de surcroît de le faire de façon coordonnée, dans une réflexion établie au sein d’une filière à constituer, ainsi que de maintenir un équilibre d’approvisionnement entre les vieux papiers et cartons récupérés et la fibre vierge, afin de ne pas aboutir à une situation où la sauvegarde d’une filière entraînerait la fragilisation d’une autre (III).

I.   LE RECYCLAGE DU PAPIER ET DU CARTON FAIT INTERVENIR DES ACTEURS MULTIPLES AU SERVICE D’UNE ACTION VERTUEUSE

A.   QUELQUES élÉments factuels concernant le recyclage du papier et du carton

Avant d’analyser les caractéristiques environnementales de l’utilisation de fibres recyclées dans la fabrication de papier, il importe de s’arrêter sur des éléments factuels permettant de mieux comprendre et situer la filière de recyclage du papier et du carton. Pour ce faire, votre rapporteure souhaite d’abord faire un point sur les typologies de papiers et cartons et les différentes « sortes papetières » récupérées puis utilisées par l’industrie du recyclage, chaque sorte ayant des caractéristiques et donc des usages possibles différents. Ensuite, il s’agira de présenter toute la chaîne et le procédé du recyclage en soi. Enfin, la mise en avant d’éléments chiffrés permettra de détailler la performance de recyclage du papier et du carton en France et ses caractéristiques.

1.   Typologie des produits de la filière papier et carton et des sortes papetières faisant office de matière première

a.   Les différents types de produits finis de la filière papier-carton

Il existe trois grands types de produits issus de la filière papier-carton :

– les papiers d’hygiène, appelés aussi « tissue » ou papier d’essuyage : essuie-tout, mouchoirs en papier, serviettes de table, etc. ;

– les papiers à usage graphique : journaux, magazines, articles de papeterie, ramettes de papiers bureautiques, livres, etc. ;

– les papiers et cartons d’emballage : papiers pour ondulé (PPO), cartons, papiers d’emballages souples, servant à produire des sacs, boîtes et autres emballages, etc.

Chacun de ces produits finis peut incorporer des quantités et des qualités différentes de papiers et cartons à recycler (PCR). En effet, en fonction des caractéristiques attendues pour le produit fini, la quantité de fibres recyclées utilisées différera. Les auditions de la mission d’information ont ainsi permis de mettre globalement en avant un usage systématique et très important de fibres recyclées comme matière première pour produire du papier journal. En revanche, en ce qui concerne les magazines ou les papiers d’hygiène par exemple, l’usage de PCR est nettement moins développé. De la même manière, tous les types de papiers et cartons collectés ne peuvent servir à contribuer à la fabrication de tous les types de produits finis ; il existe ainsi différentes « sortes papetières » utilisables par les industriels.

b.   Les différentes sortes papetières servant à la fabrication des produits finis

Selon le type de papier ou de carton que l’industriel souhaite réaliser à partir de fibres recyclées, la matière première de récupération dont il a besoin diffère très sensiblement. Ainsi, dans le cadre de l’étape de tri présentée infra, les recycleurs et les centres de tri produisent des « sortes papetières » que l’Agence de la transition écologique (ADEME) définit ainsi : « lot de produit fibreux constitué de papier et carton à recycler (PCR) et correspondant à une qualité d’usage, utilisés comme matière première dans la fabrication de produits à base de papiers et de cartons dans l’industrie papetière » ([18]).

La norme EN 643, créée en 2002 et révisée en 2013, constitue la liste européenne des sortes standards de PCR. Il s’agit d’aider les industriels à acheter directement les types de matières premières dont ils ont besoin pour leur production sans qu’un tri supplémentaire soit indispensable. Les différentes sortes sont ainsi identifiées par un numéro de code composé d’un chiffre, suivi par un point, puis par deux autres chiffres, suivis eux-mêmes d’un nouveau point et enfin de deux autres chiffres :

– le premier chiffre, allant de 1 à 5, correspond au groupe auquel appartient la sorte : groupe 1 (sortes ordinaires), groupe 2 (sortes moyennes), groupe 3 (sortes supérieures), groupe 4 (sortes kraft) et groupe 5 (sortes spéciales) ;

– les deux chiffres suivants correspondent à la sorte qui définit plus précisément le type de papiers ;

– enfin, les deux derniers chiffres correspondent au sous-groupe et permettent ainsi de différencier encore plus finement des types de papiers similaires et entrant davantage dans le détail de la composition des PCR. Plusieurs sous-sortes ont ainsi été ajoutées lors de la révision de la norme EN 643 en 2013 afin de s’adapter aux besoins évolutifs du marché. Ces deux derniers chiffres ne sont pas systématiquement employés.

Pour chacune de ces sortes de papier à recycler, outre une description de sa composition par types de papiers, la norme définit des niveaux maximums de tolérance pour les composants non désirés.

Pour prendre un exemple concret, la sorte 1.11.00, déjà évoquée supra car utilisée par Chapelle Darblay, appartient aux sortes ordinaires de papiers (groupe 1). Le nombre 11 permet, au sein de ces sortes ordinaires, d’identifier qu’il s’agit de papiers graphiques triés pour désencrage. La description de la norme EN 643 de cette sorte est la suivante : « papier graphique trié, comprenant un minimum de 80 % de journaux et magazines. Ils doivent contenir au moins 30 % de journaux et 40 % de magazines. Des produits imprimés qui ne sont pas aptes au désencrage sont limités à 1,5 % ». Cette description constitue un cahier des charges pour le producteur de sorte et une garantie pour l’industriel acheteur.

Ainsi, parce que l’industriel qui souhaite produire du papier journal à base de PCR ne pourra le faire qu’à partir de ces papiers graphiques triés pour désencrage, la production de cette sorte permettra de lui fournir exclusivement ce dont il a besoin. Dans le cas où le producteur de matière fournit une matière qualifiée de « 1.11 » mais dans laquelle les papiers et les cartons sont non conformes à la définition de la sorte, l’acheteur peut refuser ces papiers et cartons à recycler. La définition de ces différentes sortes, fastidieuse, est ainsi essentielle pour faciliter le recyclage du papier et du carton, sans surcoût pour l’industriel.

La norme EN 643 décrit 95 sortes papetières. Il n’est pas nécessaire de toutes les présenter. Votre rapporteure tient néanmoins, suivant la méthodologie de l’ADEME dans le rapport précité, à revenir ici sur la description de celles qui représentent plus de (ou environ) 5 % du total de la production annuelle ([19]).

Description des principales sortes papetières produites en France
par grandes catégories (chiffres 2014)

– Emballages commerciaux, ondulés et plats récupérés (51 % de la production) : sorte 1.04.00 « Emballages en papier et carton ondulé » : « emballages en papier et carton usagés, comportant au moins 70 % de carton ondulé, le reste étant constitué d’autres papiers et cartons d’emballage » ; sorte 1.04.01 « Papiers et cartons ondulés ordinaires » : « emballages en papier et carton usagés, comportant au moins 70 % de carton ondulé, le reste étant constitué d’autres produits papier carton » ; sorte 1.04.02 « Papiers et cartons ondulés » : « emballages en papier et carton usagés, comportant au moins 80 % de carton ondulé, le reste étant constitué d’autres produits papier carton » ; sorte 1.05.00 « Carton ondulé ordinaire » : « boîtes et feuilles de carton ondulé usagées de différentes qualités, pouvant comprendre 10 % d’autres papiers et cartons d’emballage » ; sorte 1.05.01 « Carton ondulé » : « boîtes et feuilles de carton ondulé usagées, pouvant comprendre 5 % d’autres papiers et cartons d’emballage ».

– Papiers graphiques triés pour désencrage (16 % de la production) : sorte 1.11.00 « Papiers graphiques triés pour désencrage » : « papier graphique trié, comprenant un minimum de 80 % de journaux et magazines. Ils doivent contenir au moins 30 % de journaux et 40 % de magazines. Des produits imprimés qui ne sont pas aptes au désencrage sont limités à 1,5 % ».

– Chutes de production de caisserie (5,5 % de la production) : sorte 4.01 « Rognures neuves de carton ondulé ».

– Journaux et magazines mélangés (5,4 % de la production) : sorte 1.09.00 « Journaux et magazines » : « mélange de journaux et magazines (invendus pour la plupart) ; avec un minimum de 30 % de chaque ».

– Papiers et cartons mêlés (5,2 % de la production) : sorte 1.02.00 « Papiers et cartons mélangés » : « mélange de diverses qualités de papiers et de cartons, contenant au maximum 40 % de journaux et magazines » ; sorte 5.01.01 « Papiers mélangés » : « mélange de diverses sortes de papiers qui peuvent être trouvées dans les groupes 1 à 5 ».

– Papiers de bureau et archives (4,9 % de la production) : sorte 2.05.00 « Papiers de bureau triés ordinaires » : « papiers, tels qu’ils sont typiquement générés par les bureaux, broyés ou non, imprimés, pouvant comprendre des papiers colorés, avec un minimum de 60 % de papier sans bois ([20]), exempts de carbone et en majorité exempts de papier autocopiant sans carbone (ccp)/no carbon required (NCR), avec moins de 10 % de fibres non blanchies, y compris les enveloppes manille et chemises, moins de 5 % de journaux et emballages » ; sorte 2.05.01 « Papiers de bureau triés » : « papiers, tels qu’ils sont typiquement générés par les bureaux, broyés ou non, imprimés, pouvant comprendre des papiers colorés, avec un minimum de 80 % de papier sans bois, exempts de carbone et en majorité exempts de papier autocopiant sans carbone (ccp)/no carbon re-quired (NCR), avec moins de 5 % de fibres non blanchies, y compris les enveloppes manille et chemises » ; sorte 2.06.00 « Archives couleur ordinaires triées » : « papiers, tels qu’ils sont typiquement générés par les bureaux, broyés ou non, légèrement imprimés, papiers teintés dans la masse autorisés, mais pas les papiers de couleurs foncées, avec un minimum de 70 % de papier sans bois, exempt de carbone et en majorité exempts de papiers autocopiants sans carbone, (ccp)/no carbon required (NCR), exempts d’enveloppes manille et de chemises, de journaux et de cartons » ; sorte 2.06.01 « Archives de couleur triées » : « papiers, tels qu’ils sont typiquement générés par les bureaux, broyés ou non, légèrement imprimés, papiers teintés dans la masse autorisés, mais pas les papiers de couleurs foncées, avec un minimum de 90 % de papier sans bois, exempt de carbone et en majorité exempts de papiers autocopiants sans carbone (ccp)/no carbon required (NCR), exempts d’enveloppes manille et de chemises, de journaux et de cartons ».

Sources : Étude sur l’adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des utilisateurs, ADEME, mars 2017 ; guide d’application de la norme européenne révisée EN 643, Confédération européenne des industries papetières (CEPI), janvier 2014.

L’Union française des industries des cartons, papiers et celluloses (Copacel) regroupe l’ensemble des sortes de la norme EN 643 en quatre grandes catégories pour plus de clarté et de lisibilité, notamment statistique : sortes mêlées (mélanges de papiers et cartons à recycler d’origines diverses) ; sortes kraftées et assimilées caisses et cartons de récupération (CCR) (papiers et cartons d’emballages à recycler) ; sortes à désencrer (mélange de journaux, magazines, prospectus et autres papiers graphiques, issus notamment de la collecte municipale) ; sortes supérieures (papiers et cartons à recycler d’origine industrielle, provenant généralement d’usages graphiques comme les journaux et magazines invendus, des prospectus non distribués, des découpes et rognures d’imprimerie, etc.).

Le député honoraire M. Serge Bardy, dans son rapport ([21]) comme lors de son audition devant la mission d’information, a distingué quant à lui schématiquement deux grandes catégories de papiers récupérés : les sortes brunes (cartons et emballages) et les sortes blanches (collecte de bureau, magazines et journaux).

c.   L’enjeu fondamental de l’adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des industriels

La production de papiers et cartons à base de fibres recyclées repose donc sur un équilibre délicat entre la production de sortes papetières issues des centres de tri et les besoins des industriels dont les développements supra ont montré qu’ils diffèrent selon les types de papiers et cartons produits en raison des propriétés spécifiques attendues pour chacun d’eux. Ainsi, schématiquement, le papier journal est destiné à un usage unique et limité, il n’est donc pas attendu un papier d’une grande résistance ou d’une grande blancheur. C’est l’inverse pour les papiers d’impression ou d’écriture. Dans le cas des papiers et cartons d’emballage, le critère de la blancheur n’est pas essentiel mais la résistance attendue l’est encore davantage. Enfin, les papiers à usage sanitaire doivent également être résistants et répondre à des critères de douceur.

La quasi-intégralité des acteurs est ainsi revenue sur cette question, permettant d’en déduire quelques constantes :

– pour la fabrication de papier journal, les PCR utilisés sont quasiexclusivement de la sorte 1.11 « Papiers graphiques triés pour désencrage », constituée de journaux, revues et magazines (JRM). Comme indiqué supra, Chapelle Darblay s’approvisionnait ainsi exclusivement dans cette sorte et recevait également un flux d’apport volontaire de 5.01 « Papiers mélangés » duquel elle extrayait, par le biais de son centre d’affinage, la matière correspondant au 1.11. Lors du déplacement de la mission d’information dans les Vosges et notamment de la visite de l’entreprise Norske Skog Golbey (NSG) le 8 septembre 2020, votre rapporteure a pu également constater que l’entreprise fabrique du papier journal en partie via l’apport de fibres recyclées issues de la sorte 1.11. Sans entrer dans le détail, le procédé de fabrication de la pâte et les machines y concourant sont ainsi adaptés à l’utilisation de cette sorte papetière ;

– pour la fabrication de papier d’hygiène, seules des sortes papetières supérieures (groupe 3) sont utilisables, les usines ne contenant généralement pas d’installations de désencrage et les critères de douceur et de blancheur l’imposant ;

– pour la fabrication de papier dit d’impression ou d’écriture, une sorte supérieure de papier graphique communément associée aux ramettes de papiers bureautiques, seules des sortes moyennes (groupe 2) ou supérieures (groupe 3) sont utilisables. En effet, il s’agit de ne disposer que de fibres blanches et stables dans le temps. Cela exclut les sortes contenant du carton et de l’emballage, pour leur couleur brune, mais également les sortes contenant du journal, qui jaunissent au fil du temps. Les usines fabriquant de tels types de papiers à partir de papiers récupérés ne sont, de surcroît, souvent pas équipées d’installations de désencrage. Cela implique de sélectionner une qualité supérieure de PCR pour fabriquer la pâte, ou de s’approvisionner d’une pâte à papier recyclée produite ailleurs. Cet élément a été confirmé à votre rapporteure par l’audition de M. Jean-Marie Nusse, directeur général délégué du groupe Exacompta Clairefontaine, lors du déplacement précité de la mission d’information dans les Vosges. Sa filiale Everbal, implantée près de Reims, fabrique ainsi sa propre pâte à partir de vieux papiers issus des sortes supérieures afin de procéder sans désencrage ([22]). Depuis 2018, les Papeteries de Clairefontaine, installées à Étival-Clairefontaine, que les membres de la mission d’information ont pu visiter, s’approvisionnent ainsi de pâtes recyclées produites en France ;

– pour la fabrication de papier pour ondulés, on utilise principalement du 1.05 « Carton ondulé », mais aussi du 1.04 « Papiers et cartons ondulés », du groupe 4 (sortes kraft) et, plus marginalement, du 1.02 « Papiers et cartons mélangés ».

Comme l’indique l’ADEME dans son étude précitée, les industriels se sont adaptés aux sortes papetières proposées et peu de changements semblent envisageables dans celles utilisées pour fabriquer leurs produits finis, même si des variations faibles des pourcentages utilisés de chaque sorte sont tolérables (ces possibilités sont d’ailleurs déjà utilisées par les papetiers pour faire face aux variations des prix et des disponibilités de la matière première). Cette rigidité est renforcée par des coûts très élevés d’adaptation des outils industriels. Ainsi, si les travaux du Centre technique du papier (CTP) et les innovations industrielles possibles pourraient rendre mouvantes certaines des concordances évoquées ci‑dessous, il est néanmoins peu probable qu’elles soient totalement remises en cause.

En 2017, l’étude de l’ADEME précitée apportait des éléments sur la concordance entre les sortes papetières produites et les besoins des industriels selon quatre critères d’adéquation : quantitative, qualitative, des délais, des prix.

Quelques conclusions de l’étude de l’ADEME sur l’adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des utilisateurs (2017)

– Adéquation quantitative : l’ADEME concluait schématiquement que la production française pouvait couvrir les besoins des usines papetières françaises, que les tensions étaient globalement faibles et relevaient souvent du ressenti, non confirmé par les données chiffrées. Le marché était déjà largement excédentaire sur les sortes à désencrer, situation qui s’est poursuivie et qui ne devrait pas s’améliorer avec la fermeture de Chapelle Darblay. Pour les autres sortes, aucune tension ne se faisait jour au moment de la rédaction de l’étude qui insistait toutefois sur une situation instable et pouvant s’inverser à tout moment (notamment pour les sortes supérieures).

– Adéquation qualitative : sur ce sujet, l’étude de l’ADEME était plus pessimiste, insistant sur de fortes tensions liées à des déviations de la norme de plus en plus fréquentes et importantes, notamment en raison d’une moindre qualité entrante dans les centres de tri des flux ménagers, d’une hausse de l’humidité ou encore de la présence importante d’indésirables ([23]). Malgré un dépassement régulier des seuils prévus par la norme EN 643, les industriels refusent rarement les camions pour éviter des problèmes d’approvisionnement, préférant négocier une décote. Cette situation, bien présentée par le représentant de l’ADEME lors de son audition devant la mission d’information, entraîne un effet pervers sur la qualité du tri. Ces problèmes de qualité ont pourtant des impacts très importants sur la production de papiers : endommagement de la machine, qualité finale moindre du papier, augmentation des coûts de production. M. Yves Bailly, président-directeur général de NSG, avait également insisté sur cette difficulté devant les membres de la mission d’information lors de leur déplacement sur son site de production, en septembre 2020.

– Adéquation des délais : Malgré une contractualisation plus développée permettant d’anticiper les besoins et de réguler le stockage, l’étude de l’ADEME faisait état de tensions persistantes sur la question des délais de livraison, avec l’existence de tensions saisonnières qui peuvent provoquer des ruptures dans les approvisionnements.

– Adéquation des prix : schématiquement, l’étude de l’ADEME relativise les tensions sur les prix, indiquant que ceux-ci, s’ils correspondent bien à une qualité souhaitée, sont acceptés.

Source : Étude sur l’adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des utilisateurs, ADEME, 2017.

2.   La chaîne du recyclage du papier

Le recyclage des déchets de papiers et de cartons est un processus s’inscrivant parfaitement au cœur de l’économie circulaire. Le cycle de recyclage, et donc la valorisation des déchets, comprend en effet plusieurs étapes : la collecte, le tri, la vente de la matière première à recycler, puis les différentes étapes de fabrication et de façonnage du papier. Il importe de revenir sur chacune de ces étapes, notamment afin d’identifier l’ensemble des acteurs intervenant dans ce processus.


CYCLE DE VIE DES PAPIERS ET CARTONS EN France (chiffres 2017)

Source : Bilan national du recyclage 2008-2017, ADEME, décembre 2019.

a.   L’étape de la collecte

Les papiers et cartons collectés en France sont issus de trois principales provenances : la collecte auprès des imprimeurs, la collecte sélective des ménages gérée par les collectivités territoriales et la collecte auprès des entreprises.

La collecte auprès des imprimeurs correspond à ce qui est couramment appelé les « chutes d’imprimerie » ou « chutes de production ». Il s’agit notamment des rognures tombées et du papier jeté pendant le calibrage du matériel. Ces rebuts de fabrication sont récupérés directement par des processus de collecte à flanc de machine et sont généralement stockés dans des bennes, faisant parfois intervenir des compacteurs ou des presses à balles qui ont pour objectif de densifier la matière et ainsi réduire la fréquence des récupérations et les coûts de transport. Au fil des années, les recycleurs ont mis au point des outils de collecte de plus en plus performants, notamment à l’aide des outils numériques, améliorant significativement ce type de récupération.

La collecte sélective auprès des ménages est celle qui produit la grande majorité des papiers recyclés en France. Elle est de la responsabilité des collectivités territoriales ([24]), éventuellement assurée par délégation à un prestataire de la mise en œuvre de cette compétence. Selon l’association AMORCE, la gestion des déchets de papiers et de cartons représente 10 à 15 % des coûts du service public de gestion et de traitement des déchets assuré par les collectivités territoriales, coûts qui représentent au total environ 150 euros par habitant. Une simplification du geste de tri, l’ECT (extension des consignes de tri), a été initiée en 2011 et demeure en cours, par un double mouvement d’harmonisation et d’extension des consignes de tri afin d’aboutir à une collecte commune des déchets d’emballages et des papiers graphiques au sein des bacs jaunes ([25]). Cette matière est ensuite récupérée par les entreprises de collecte et de valorisation des déchets et envoyée vers leurs centres de tri.

Enfin, la collecte auprès des entreprises (mais aussi des administrations) prend plusieurs formes. Il y a tout d’abord celle réalisée auprès des industries et de la grande distribution, très proche de la récupération opérée auprès des imprimeurs mais principalement constituée de cartons d’emballage. Il y a également un autre gisement encore imparfaitement exploité selon plusieurs acteurs auditionnés : la collecte du papier de bureau, concernant les entreprises et les administrations. Des obligations de tri du papier de bureau à la source, pour les administrations comme pour les entreprises, existent pourtant à l’article L 541‑21‑2 du code de l’environnement, précisées par le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 dit « décret 5 flux » ([26]).

Pour simplifier, on peut ainsi parler de deux provenances principales des déchets qui seront acheminés vers les centres de tri :

– la provenance industrielle, qui comprend des déchets de pré‑consommation (chutes d’imprimerie par exemple) et de post-consommation (cartons de la grande distribution). Il s’agit d’une collecte dont les intervenants sont essentiellement des entreprises adhérentes des grands syndicats de recycleurs : Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC), Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement (FNADE) ou encore Syndicat national des entrepreneurs de la filière déchet (SNEFID) ;

– la provenance ménagère, sous la responsabilité des collectivités territoriales, qui correspond à la collecte sélective.

LES papiers collectés en France en 2017 (en milliers de tonnes)

Secteur

Types de papiers

Sortes papetières

Volume collecté par le service public de gestion des déchets

Volume collecté par des services privés

Total collecté en 2017

 

Pré-consommation

Chutes de fabrication

1.06, 1.09, 2.02

0

227

227

Invendus, rebut

2.03, 3.2 à 3.4, 3.12 à 3.15, 3.17, 3.18

0

508

508

Sous-total Pré-consommation

0

735

735

Post-consommation

Service public de gestion des déchets, total 1.11

1.11 (journaux, magazines, catalogues, annuaires…)

1 040

 

1 040

Brochures et divers

2.08 et divers

177

60

237

Papiers bureautiques et archives

2.05, 2.06 et 3.05

133

242

375

Sous-total Post-consommation

1 350

302

1 652

TOTAL

1 350

1 037

2 387

Source : ADEME.

LES cartons collectés en France en 2017 (en milliers de tonnes)

Typologie de cartons

Sortes papetières

Volume collecté par le service public de gestion des déchets

Volume collecté par des services privés

Total collecté en 2017

 

Emballages commerciaux et ondulés récupérés

1.04, 1.05

340

3 598

3 938

Papiers et cartons mêlés issus de collectes sélectives

1.01

289

 

289

Papiers et cartons mêlés d’origine, triés

1.02

217

 

217

Chutes de caisserie

4.01

 

391

391

Emballages pour liquides alimentaires (ELA)

5.03

37

 

37

Divers

 

 

35

35

TOTAL

883

4 024

4 907

Source : ADEME.

Papiers et cartons collectés provenant des acteurs économiques en 2017

(en milliers de tonnes)

Flux

Total collecté

Papiers

Dont papiers provenant des acteurs économiques

2 387

1 218

Cartons

Dont cartons provenant des acteurs économiques

4 907

4 340

TOTAL

7 294

5 558

Source : Estimations de l’ADEME, Étude prospective d’évaluation des impacts macro-économiques du développement du tri de 5 flux de déchets par les acteurs économiques (décembre 2019).

b.   L’étape du tri

Cette collecte est ensuite dirigée vers les centres de tri. Appartenant en très large majorité à des entreprises privées, leur fonctionnement, et surtout leur processus de tri, varient selon la provenance des papiers et cartons récupérés (selon le degré de tri initial notamment : optimal avec le tri à la source ou dans le cadre de la collecte auprès des imprimeurs, nettement moins avec la collecte sélective). Les papiers et cartons issus de la collecte sélective sont en général ceux qui nécessitent le plus de traitements (tri automatique puis manuel).

Une fois répartis par sortes papetières dans des casiers appelés alvéoles, les déchets sont transférés vers une presse à balles afin d’être conditionnés à la vente.

c.   La vente des PCR et la fabrication de papier recyclé

Les industriels achètent les sortes papetières dont ils ont besoin auprès des collectivités ou des recycleurs. Ils entament ensuite un processus de recyclage qui, bien qu’il varie en fonction du produit fini attendu ([27]), peut être ainsi décrit :

– la production de la pâte à papier ([28]): elle commence par l’étape du pulpage durant laquelle les PCR sont placés dans un pulpeur où ils sont brassés dans de l’eau afin de séparer les fibres de cellulose et les produits résiduels. La seconde étape, dite d’épuration, vise à éliminer les éléments indésirables (agrafes, colles, adhésifs…) en faisant traverser les fibres dans des tamis, par épuration centrifuge ou par flottaison. C’est à ce stade que les opérations de désencrage et/ou de blanchiment ont lieu, le cas échéant ;

– la fabrication du papier ou du carton : la pâte à papier est déposée sur une toile en mouvement afin de former la feuille, qui est ensuite pressée et séchée sur des cylindres chauffés (leur température et leur espacement définissent le futur grammage du papier). Il s’agit de passer d’une matière composée à 99 % d’eau à du papier qui en contiendra au final 5 à 6 %. La fabrication du papier consiste ainsi, schématiquement, à sécher la feuille. Les feuilles sont ainsi formées, les étapes de bobinage (bobines mères) puis de découpe (bobines filles) achèvent de réaliser un nouveau produit papier ou carton, calibré en fonction de la demande du client ;

– la transformation des papiers et cartons en produits finis : imprimeurs, papetiers.

Ces trois étapes peuvent être intégrées au sein d’une même entreprise ou réalisées chez différents industriels.

Schéma représentant le processus de recyclage PAR L’ASSOCIATION REVIPAC

Source : REVIPAC.

3.   Éléments chiffrés sur le recyclage du papier et du carton en France

Votre rapporteure tient à rassembler ici quelques données clefs sur l’industrie papetière et la performance de recyclage du papier et du carton. Alors que de nombreuses sources donnent différents chiffres, notamment en raison de divergences dans les champs pris en compte, il s’agit de regrouper les éléments factuels qu’elle a utilisés pour son analyse de la situation et pour la rédaction du présent rapport. Néanmoins, ces paramètres ne seront pas analysés ici mais dans le II de la seconde partie du présent rapport, lors de l’explication de la crise actuelle et de la présentation des solutions possibles identifiées.

a.   Éléments sur la consommation et la production françaises de papiers-cartons et le paysage industriel associé

i.   La consommation française de papiers-cartons

La consommation de papiers et celle de cartons ont connu des évolutions contraires : la consommation de papiers a diminué d’environ 30 % entre 2009 et 2019, passant de 44 % de la consommation globale à 34 %, alors que la consommation de cartons a augmenté de 10 % sur la même période, passant de 45 % de la consommation globale à 55 %.

consommation apparente de papiers et cartons en France

(consommation apparente = production + importations – exportations)

En milliers de tonnes

 

2009

2017

2018

2019

Variation annuelle moyenne entre 2009 et 2019

TOTAL

9 530,9

8 870,4

8 767,7

8 506,5

-1,1 %

Usages graphiques

4 202,3

3 165,4

3 036,4

2 885,6

-3,7 %

Emballage et conditionnement

dont

Papiers pour ondulé (PPO)

Papiers d’emballage souple

Cartons

4 291,8

 

3 047,8

292,2

951,8

4 747,2

 

3 451,6

327,9

967,8

 

4 828,9

 

3 484,6

366,8

977,5

 

 

4 708,1

 

3 357,5

370,6

980,0

 

+ 0,9 %

 

    + 1 %

+ 2,4 %

+ 0,3 %

Papiers d’hygiène

819,8

890,4

869,2

855,4

+ 0,4 %

Source : Rapport statistique 2019 de l’industrie papetière française (Copacel)

rÉpartition de la consommation par sortes

Source : Rapport statistique 2019 de l’industrie papetière française, Copacel.

ii.   La production papetière française

Selon Copacel, environ 7,3 millions de tonnes de papiers et cartons ont été produites en France en 2019, un chiffre globalement stable depuis 2012 après avoir connu une forte diminution à la suite de la crise de 2008, sans jamais recouvrer ce niveau par la suite. Le graphique présenté ci-dessous illustre le relatif déclin de la production papetière française. Les évolutions sont en effet différenciées selon les types de papiers et cartons en lien avec l’évolution de la consommation présentée supra :

– la fabrication de papiers et cartons d’emballage est en croissance régulière. Les papiers pour ondulés sont portés par la demande du commerce en ligne et de l’industrie agroalimentaire tandis que les cartons plats et les papiers d’emballages souples le sont pour l’alternative au plastique qu’ils représentent ;

– la fabrication de papier d’hygiène est globalement stable, ces produits de première nécessité étant très peu soumis aux fluctuations du marché ;

– enfin, la fabrication de papiers graphiques est en diminution constante chaque année, notamment en raison d’une baisse de la consommation de papier journal ([29]). Dans cette branche, les plans sociaux et les fermetures de sites se sont malheureusement multipliés ces dernières années ([30]), le site UPM de Chapelle Darblay constituant une illustration récente de cette tendance.


Consommation et production française de papiers et cartons
SELON LEURS USAGES

Source : Contribution écrite de Copacel à la mission d’information.

De cette évolution négative, il ressort une perte de poids relatif de la production française au regard de celle de ses voisins européens dont le graphique suivant permet de mesurer l’ampleur.

évolution comparée de la production de papiers et cartons depuis 2000

Source : Contribution écrite de Copacel adressée à la mission d’information. Données CEPI et Copacel.

Votre rapporteure ne peut se satisfaire de ce déclin relatif qui, au regard de certaines données, pourrait apparaître comme une exception française. L’unanimité des acteurs auditionnés a indiqué qu’il fallait s’attendre, dans les prochaines années, à une croissance de l’industrie des papiers et des cartons en raison de l’alternative au plastique qu’ils représentent ([31]). Néanmoins, pour que l’industrie papetière française profite de cette croissance à venir, il importe qu’elle réoriente en partie sa production vers ce débouché ([32]), ce qu’elle n’a pas forcément suffisamment fait au moment de l’abandon des sacs en plastique.

iii.   Le paysage industriel français de la production de papier et de carton

Le déclin de la production est évidemment associé à des fermetures totales ou partielles (fermetures de machines) de sites. À ce jour, l’industrie papetière repose sur 83 sites de fabrication encore en activité à la date de présentation du présent rapport (celui de Chapelle Darblay étant, à ce stade, arrêté), et emploie presque 11 000 personnes.

évolution des statistiques industrielles papetières françaises
entre 2010 et 2019

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Nombre d’entreprises*

78

81

75

75

74

77

75

75

75

74

Nombre d’usines*

98

99

93

91

90

89

85

85

85

84

Nombre de machines à papier en activité*

149

150

141

139

137

136

130

130

130

128

Personnel employé**

15 140

15 003

13 936

13 599

13 515

12 397

12 170

12 031

11 937

10 949

* = au cours de l’année ; ** = à la fin décembre.

Source : Copacel

Sur l’ensemble des sites en activité à la date de présentation du présent rapport (celui de Chapelle Darblay étant, à ce stade, arrêté), 44 utilisent, totalement ou au moins partiellement, des PCR. Cette utilisation diffère selon les types de papiers et cartons produits. C’est ainsi quasi exclusivement le cas pour la production de PPO, quasiment jamais le cas pour la production de papiers graphiques hors papier journal, assez fortement le cas pour la production de carton plat et leur utilisation est plus marginale pour ce qui concerne les papiers d’hygiène ou les papiers spéciaux.

Votre rapporteure tient à faire figurer ici une cartographie des usines de pâte, papiers et cartons en France afin d’avoir une idée de la répartition territoriale de cette industrie.

cartographie des usines de pâte, papiers et cartons
en France métropolitaine

Source : Copacel.

b.   Éléments sur les gisements des PCR et la performance de recyclage

i.   Performances de recyclage

D’après Copacel, le taux de recyclage ([33]) des papiers et des cartons mis en marché en France (à distinguer des papiers et cartons produits en France ([34])) est, en moyenne, de 79,2 %, nous positionnant parmi les pays européens les plus performants, le taux européen moyen s’élevant à 72 %. Ce taux diffère en fonction du type de produits, le taux de recyclage des emballages dépassant 95 % tandis que celui des papiers graphiques est d’environ 75 %.

De manière logique au regard des procédés de récupération décrits supra, la récupération des papiers d’origine industrielle et commerciale (chutes d’imprimerie, journaux invendus, cartons issus de la grande distribution) est beaucoup plus efficace que la collecte sélective ménagère et assimilée. C’est ainsi que les chiffres de l’éco-organisme Citeo sur la collecte des emballages ménagers (70 % de taux de recyclage en 2019) ou des papiers graphiques (57 % de taux de recyclage en 2019) sont moins impressionnants. La différence nette entre les taux de recyclage globaux des emballages et des papiers graphiques s’explique en grande partie par ce phénomène, l’origine des PCR dans les secteurs de l’emballage et du papier graphique variant assez substantiellement ([35]).

ii.   Incorporation des PCR

Le taux d’incorporation ([36]) moyen de PCR dans l’industrie papetière française est de 66 % d’après Copacel et l’ADEME, là encore supérieur à la moyenne européenne qui s’établit à 52 %. Cela signifie que les PCR représentent en moyenne 66 % des approvisionnements de l’industrie. Néanmoins, en fonction des produits finis, ce taux varie, tout comme les sortes papetières utilisées (voir supra).

consommation de pCR PAR SECTEURS UTILISATEURS ET PAR SORTES PAPETIères
en 2018

Source : Copacel.

iii.   Solde commercial

La France a une production excédentaire de PCR. D’après la direction générale des douanes et droits indirects citée par le rapport du Conseil général de l’économie (CGE) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur les filières de recyclage de déchets en France ([37]), elle en est donc logiquement exportatrice nette et son solde exportateur oscille entre 150 et 180 millions d’euros depuis 2007. En termes de volume, elle a exporté environ 2,9 millions de tonnes de PCR en 2017 et importé 1 million de tonnes.

Les volumes de PCR utilisés en France pour fabriquer du papier ou du carton ne sont pas tous produits en France, puisque l’industrie française importe des PCR, dans des proportions qui demeurent toutefois relativement faibles (environ 900 000 tonnes en 2019, essentiellement d’autres pays européens) au regard des volumes de PCR exportés : en 2019, la France a consommé environ 5,2 millions de tonnes de PCR mais en a exporté 2,43 millions (dont 84 % à destination d’autres pays européens et 16 % vers l’Asie), qui font donc l’objet d’une transformation en produits finis à l’extérieur du territoire français avant d’y revenir, le cas échéant, dans les importations de marchandises.

Si le solde commercial témoigne d’un taux de collecte important, il est malheureusement également révélateur de capacités de recyclage inférieures aux quantités collectées, ce que votre rapporteure regrette.

c.   Prix des PCR

En fonction de la sorte recherchée par un ou plusieurs industriels, les prix des différentes qualités de vieux papiers sont variables, et varient également dans le temps.

Sans préciser ici les raisons conjoncturelles et structurelles de l’excédent de PCR connu par la France ([38]), celui-ci a évidemment un impact sur le prix de cette matière première à recycler. Selon Copacel, pour la plupart des sortes papetières, les moyennes annuelles des prix des PCR ont été en 2019 inférieures à celles de 2018. Comme le graphique ci-dessous le montre, ce recul a été général même si plus important pour certaines sortes ([39]). Ainsi, le prix de la sorte 1.05 « Caisses en carton ondulé » a diminué de 27 % en 2019, tandis que la sorte 1.11 subissait une baisse des cours de 15 %. Les niveaux du début de l’année 2020 sont également bas.

évolution des prix des pcr pour les principales sortes


NBSK (Northern Bleached Softwood Kraft) : cours de la pâte blanchie de résineux du nord.

Source : Copacel.

Si cette évolution des prix a pour conséquence positive de rendre les matières premières à recycler plus compétitives vis-à-vis de la pâte vierge (même si la dynamique de baisse la concerne également, voir graphique ci-dessous), elle contribue parallèlement à fragiliser les fournisseurs, et notamment les collectivités.

COURS DU NBSK (Pâte de fibres longues) et de l’eucalyptus
(pâte de fibres courtes)

Source : Graphique reproduit dans le rapport du CGE et du CGEDD sur les filières de recyclage de déchets en France métropolitaine (janvier 2020).

B.   Les vertus du recyclage du papier, l’une des formes les plus abouties d’Économie circulaire

L’industrie papetière a longtemps été l’une des industries les plus consommatrices de ressources naturelles, d’eau et d’énergie, mais a accompli des progrès considérables depuis les années 1980 en matière de réduction des émissions polluantes, malgré l’augmentation de la production, comme le rappelle le document de référence européen sur les meilleures techniques disponibles actualisé en 2015 (Best Available Techniques REFerence Document for the Production of Pulp, Paper and Board ou « BREF » ([40])) qui analyse les principaux problèmes que crée pour l’environnement la production de pâte à papier, de papier et de carton et répertorie les technologies utilisées pour y remédier.

La matière première principale de l’industrie papetière est une ressource naturelle renouvelable, le bois, dont est extraite la cellulose. Le représentant de l’Union des coopératives forestières françaises (UCFF) a indiqué lors de son audition qu’il faut 4 à 5 tonnes de bois pour fabriquer une tonne de pâte à papier. Dans la plupart des pays européens, la certification d’une gestion soutenable des forêts est devenue un outil important pour garantir, grâce à une démarche de traçabilité accrue, que le bois utilisé provient de forêts gérées et exploitées de manière durable ([41]).

En parallèle, l’industrie a réalisé un travail important depuis les années 1990 pour s’affranchir de la matière première vierge issue des forêts et utiliser des fibres recyclées. Comme l’a rappelé le représentant auditionné de France Nature Environnement (FNE), le papier est un matériau recyclé depuis toujours, et les papiers-cartons usagés, ou « vieux papiers », constituent désormais une matière première complémentaire mais essentielle par rapport au bois, à hauteur de 50 % des fibres utilisées par l’industrie papetière en Europe en 2008. La fibre tirée du bois peut être recyclée à plusieurs reprises (six à sept fois selon le Centre technique du papier et Culture Papier, et bien plus encore si de la fibre vierge y est mélangée). Auditionné par la mission d’information, le président de Copacel a souligné que le recyclage est un très gros atout pour l’industrie papetière car il accentue l’acceptabilité de la consommation de ses produits, acceptabilité déjà assurée par le caractère renouvelable de la matière première « bois ».

Un principe fondamental de l’économie circulaire est la transformation des déchets en ressources ou en produits, pour limiter l’exploitation des ressources naturelles. L’industrie papetière applique très largement et très efficacement ce principe. Toutefois, cette industrie illustre particulièrement bien le défi de cette « boucle vertueuse » : son efficacité, comme pour toute boucle d’économie circulaire, dépend en grande partie de la quantité de déchets récupérés et de la qualité de ces déchets, qui doivent permettre de les réintégrer, en tant que matière première secondaire, dans le processus productif à la place (totalement ou en partie) de la matière première vierge. La question de la quantité, par sortes, et de la qualité des « vieux papiers » collectés, triés et récupérés sera abordée infra.

En France, selon Copacel, le taux d’utilisation des papiers et cartons à recycler ([42]), qui était de 60 % en 2009, a atteint 67,1 % en 2017, 68,6 % en 2018 et 71,3 % en 2019 ([43]). Les PCR sont une matière première pour tous les secteurs de l’industrie papetière française, mais dans des proportions et volumes très différents selon les branches.

 

 

 

 

uTILISATION de papiers-cartons À recycler (PCR) Par l’industrie papetiÈre en france

 

2009

2017

2018

2019

Variation annuelle moyenne des volumes consommés sur la période 2009-2019

 

Consommation de PCR

(en milliers de tonnes)

Taux d’utilisation de PCR dans la filière

Consommation de PCR

(en milliers de tonnes)

Taux d’utilisation de PCR dans la filière

Consommation de PCR

(en milliers de tonnes)

Taux d’utilisation de PCR dans la filière

Consommation de PCR

(en milliers de tonnes)

Taux d’utilisation de PCR dans la filière

TOTAL

4 998,3

60 %

5 383,2

67,1 %

5 401,9

68,6 %

5 217,4

71,3 %

+ 0,4 %

Papiers à usage graphique

1 142,7

34,7 %

917,8

41,3 %

926,8

43,9 %

789,2

48,3 %

- 3,6 %

Papiers et cartons d’emballage

3 480,6

89,3 %

4 097,8

90,8 %

4 093,0

91,6 %

4 065,1

91,6 %

+ 1,6 %

Papiers d’hygiène

290,6

39,6 %

281,1

33,4 %

290,1

34,3 %

278,6

34,1 %

- 0,4 %

Source : Rapport statistique 2019 de l’industrie papetière en France (Copacel).

Le secteur industriel de l’emballage consomme donc la plus grande partie des PCR utilisés en France. Au sein même du volume total de PCR utilisé par chaque secteur, la composition varie beaucoup : de manière logique, la quasi‑totalité des sortes kraftées et assimilées est consommée par le secteur industriel fabriquant des emballages, ainsi que la majeure partie des sortes mêlées. À l’inverse, sur les 655 000 tonnes de sortes à désencrer consommées en 2019 par l’industrie, 630 000 l’ont été pour la fabrication de papiers à usage graphique.

Votre rapporteure tient à souligner que la question de l’impact sur l’environnement de la production papetière, à partir de fibre vierge ou en transformant de la fibre usagée, a été évoquée par de nombreux acteurs lors des auditions, mais dans des termes contradictoires, et qu’il est ainsi complexe de dégager des certitudes en la matière.

Le BREF indique que toutes les installations de fabrication de papier et de carton utilisent de grandes quantités d’eau (prélevées dans les eaux de surface ou, plus rarement, dans les nappes phréatiques) mais en réutilisent une part, grâce à un recyclage au cours du processus productif. Une large part de l’eau est réutilisée et réinjectée dans le processus, ce qui permet de réduire la consommation globale, et les usines sont généralement dotées de stations d’épuration permettant de s’assurer de la qualité de l’eau rejetée dans les cours d’eau. Selon les informations communiquées par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la transition écologique, la consommation d’eau claire est trois à quatre fois plus importante avec les fibres vierges, même si l’intégration des eaux de refroidissement peut fausser le décompte.

Selon Citeo, sur la base des données du BREF, produire une tonne de papier graphique avec 100 % de fibres recyclées permet d’économiser 19 m3 d’eau par rapport à la fabrication d’une tonne de papier graphique vierge ([44]). C’est sur la base de ce calcul que les représentants de Citeo auditionnés ont pu dire à la mission d’information que la quantité de vieux papiers recyclée en 2019 dans le cadre de la filière REP « papiers graphiques » (1,2 million de tonnes) correspondrait à une économie totale de près de 23 milliards de mètres cubes d’eau, l’équivalent de 8 000 piscines olympiques, par rapport à la fabrication de la même quantité de papier en fibre vierge.

Toutefois, cette estimation porte uniquement sur le papier graphique. Pour le papier d’hygiène, Essity, dont des responsables ont été auditionnés par la mission d’information, fait état d’une consommation nettement supérieure d’eau par les usines fabriquant des produits d’hygiène à partir de fibres recyclées que par celles produisant à partir de fibres vierges.

De plus, pour affiner l’analyse des chiffres, il conviendrait de distinguer le processus de production de la pâte à papier de la production du papier. En effet, si la production de la pâte à papier à partir de bois nécessite davantage d’eau que la production de papier à partir de vieux papiers, la production du papier est un processus comparable avec les deux sortes de fibres et nécessite dès lors la même consommation d’eau (qui part essentiellement en vapeur d’eau). Dans les deux cas, l’eau est utilisée en circuit fermé puis est filtrée dans une station d’épuration ou une lagune (c’est par exemple le cas de l’usine International Paper de Saillat-sur-Vienne) avant d’être rejetée dans les cours d’eau.

La consommation d’énergie par l’industrie papetière est importante, comme le notait déjà le rapport d’information de M. Léonce Deprez, député, sur le devenir des industries papetières françaises en 2006 ([45]). Selon l’ADEME, il s’agit de l’une des principales industries « énergivores » en France, après la chimie, la sidérurgie et l’industrie agro-alimentaire : en 2011, la consommation d’énergie (combustibles et électricité) des secteurs de la fabrication de pâte à papier, de la fabrication de papier et de carton et de la fabrication d’articles en papier à usage sanitaire ou domestique représentait au total 8 % de la consommation d’énergie de l’industrie française, et la facture énergétique y représentait entre 10 et 30 % des coûts de production.

Les travaux du CTP et de l’ADEME ([46]) ont identifié de nombreux procédés permettant d’optimiser la consommation d’énergie par cette industrie ([47]), comme par exemple récupérer la chaleur des fumées à la sortie des chaudières et valoriser les sous-produits par incinération. L’un des procédés conseillés consiste à éviter de mélanger les différentes qualités de papier lors de l’usage de fibres recyclées, car la désintégration des fibres est plus ou moins énergivore en fonction du type de papier. L’amélioration de la qualité du tri (voir infra) permettrait ainsi une économie d’énergie.

Les informations communiquées par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la transition écologique montrent qu’il est difficile de départager, en termes de consommation d’énergie, la fabrication de papier vierge et la fabrication de papier recyclé. Le processus de production à partir de PCR consomme approximativement deux à trois fois moins d’énergie que le processus à partir de bois (sachant qu’il convient de distinguer la pâte chimique ou « pâte sans bois » c’est-à-dire sans lignine, de la pâte mécanique ou « avec bois », c’est-à-dire contenant de la lignine ; la première consommant plus d’énergie puisqu’elle nécessite de séparer la lignine de la cellulose), mais la production de pâte à papier chimique à partir de bois permet de produire de l’énergie si les sous-produits (écorces, lignine et hémicelluloses récupérées dans les liqueurs de cuisson) sont incinérés. Les usines intégrées (produisant de la pâte issue de fibres vierges et du papier) valorisent cet excédent pour les étapes ultérieures du processus industriel, et certaines usines intégrées, travaillant à partir de fibre vierge, sont autosuffisantes à plus de 90 % en énergie, grâce à leur production de chaleur et d’électricité en cogénération à partir des sous-produits du bois – ces sous-produits étant, par définition, absents du processus de production à partir de PCR, sous réserve que ces usines puissent également s’approvisionner en biomasse (comme l’usine de Chapelle Darblay). De plus, il convient d’ajouter au bilan énergétique du papier recyclé la consommation d’énergie de la collecte, du centre de tri et du transport jusqu’à l’usine de recyclage

Par rapport à la production de papier-carton à base de fibre vierge, la production de papier-carton recyclé ne présente pas un meilleur bilan en termes d’émissions de gaz à effet de serre, selon les informations communiquées par Citeo.

En revanche, le bilan apparaît meilleur s’agissant de l’utilisation des ressources naturelles, qu’il s’agisse de la consommation d’eau – grâce aux économies citées supra – ou de l’économie de bois. Votre rapporteure tient à souligner que si le bois est effectivement une ressource renouvelable (dont une partie seulement a vocation à servir de matière première pour la fabrication de papier), il semble évidemment préférable, en termes environnementaux, de recycler sur le territoire des papiers usagés et d’approvisionner les usines françaises à partir des forêts françaises plutôt que de fabriquer du papier à partir de bois importé.

Par ailleurs, le bilan carbone diffère selon que la pâte à papier est issue de forêts françaises ou étrangères (Portugal, Brésil…) : la distance parcourue alourdit la quantité de carbone émise.

En somme, l’exercice de comparaison entre le papier fabriqué à partir du bois et celui fabriqué à partir de vieux papiers est difficile voire impossible tant les critères de comparaison sont nombreux et variables en fonction des techniques mises en œuvre par chaque usine : quantité d’eau, quantité d’énergie, système de récupération des fumées, utilisation d’énergie fossile ou non, système de cogénération, selon que le bois est d’origine française ou étrangère...

Dès lors, il apparaît que seule une évaluation du bilan carbone des produits papetiers, fabriqués à partir de fibres vierges, de fibres recyclées ou d’un mélange des deux, permettrait d’apporter une information claire et transparente aux consommateurs.

Votre rapporteure souhaite ajouter à ce moment du raisonnement que quoi qu’il en soit de ce bilan, le recyclage du papier est un outil essentiel de gestion des déchets, ce qui justifie que l’usage de la fibre recyclée soit valorisé afin de constituer un exutoire efficace pour les papiers collectés.

Enfin, une question s’impose qui va au-delà de ces comparaisons et qui concerne l’avenir du papier, vierge ou recyclé, face au développement du numérique. Une question se pose en effet sur le rapport entre le numérique et le papier (recyclé ou non) : concurrents ou complémentaires ? Le développement du numérique conduira-t-il nécessairement à la fin de l’usage du papier graphique ?

Des éléments communiqués par le groupe La Poste permettent d’affirmer avec une relative certitude que le papier, qu’il soit recyclé ou non, présente – de manière assez contre-intuitive – un bilan environnemental plus favorable que celui des supports de communication numériques en termes d’analyse du cycle de vie (ACV).

Les supports publicitaires numériques sont-ils moins néfastes pour l’environnement que les imprimés publicitaires ?
L’étude ACV Quantis/Mediapost

La révolution récente des modes de communication et d’information liée à l’avènement du numérique met en concurrence, dans de nombreux domaines, les supports papier et les supports numériques, au détriment, notamment, de la presse diffusée sous forme imprimée.

Une étude réalisée en 2019 par le cabinet Quantis à l’initiative de la filiale Mediapost du groupe La Poste a réalisé une analyse comparative de cycle de vie sur les deux types de supports dans le domaine de la publicité, c’est-à-dire une comparaison de leurs impacts environnementaux au fil de leur existence, de leur conception à leur « fin de vie ». Cette ACV comparée mesure les impacts respectifs au moyen de 16 indicateurs relatifs aux impacts sur les écosystèmes, sur le changement climatique, sur la santé humaine, sur les ressources naturelles et sur l’utilisation de l’eau.

L’étude a analysé plusieurs scénarios dans lesquels une communication publicitaire peut être réalisée soit par le papier (prospectus distribué en boîtes aux lettres, catalogue promotionnel, imprimé publicitaire envoyé par courrier), soit par des moyens digitaux (vidéo publicitaire diffusée sur les réseaux sociaux, campagne de communication via une application mobile et/ou un envoi de courriels). Par ailleurs, un scénario non lié à la publicité (envoi d’une facture imprimée par courrier ou mise à disposition d’une facture en version numérique accessible en ligne avec une notification par courriel) est intégré à l’étude. Celle-ci sera renouvelée en 2021.

Même s’il convient, comme le font les auteurs de l’étude, de prendre les résultats de celle‑ci avec prudence car de nombreuses variables peuvent influer sur les résultats (grammage du papier employé, localisation des serveurs…), les conclusions sont d’une grande clarté : dans chacun des scénarios analysés, c’est le support papier qui présente le moins d’impact négatif sur l’environnement.

Votre rapporteure considère qu’il est indispensable, comme l’a proposé la Convention citoyenne pour le climat, de diffuser largement auprès des consommateurs toutes les études et travaux permettant de prendre pleinement conscience des impacts considérables du numérique sur l’environnement et d’inciter à une sobriété numérique. Les représentants de Citeo ayant signalé que l’ADEME a engagé des travaux sur ce sujet, votre rapporteure préconise de systématiser de telles analyses.

La recherche d’une sobriété numérique nous oblige. Les impacts environnementaux du numérique sont nombreux mais difficiles à appréhender car invisibles. Le maintien d’une filière papetière pourrait ainsi apparaître comme un acte de « résistance » à un déploiement débridé et sans limite de l’outil numérique comme « l’expression intime d’une liberté déconnectée », selon les termes utilisés par les représentants de Culture Papier

Là encore, il ne saurait être question d’adopter une position simpliste (« condamner » le numérique pour lui préférer à tout prix le papier), mais d’équilibrer les conditions de la concurrence qui s’est créée entre supports papier et supports numériques de communication.

Votre rapporteure est convaincue de la complémentarité des deux supports et de la permanence de l’usage du papier qui garantit un lien physique réel, concret.

Recommandation n° 1 : Inviter l’ADEME à réaliser et à actualiser périodiquement des travaux d’ACV (analyse du cycle de vie) sur les différents supports de communication et d’information, pour évaluer l’impact environnemental comparé des supports papier et des supports numériques.

C.   Une filiÈre REP bien Établie

1.   Le champ d’application de la REP « Papiers graphiques »

La filière des papiers graphiques est l’une des 22 filières soumises à la responsabilité élargie des producteurs (REP) en France ([48]), responsabilité dont les principes sont définis à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, récemment modifié par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi dite « AGEC »). La REP est un régime juridique, basé sur le principe « pollueur-payeur », qui étend la responsabilité du producteur à l’égard de son produit jusqu’au stade final du cycle de vie de celui-ci, par des obligations matérielles ou financières. En France, la mise en œuvre du principe de la REP se traduit concrètement par l’obligation faite aux fabricants, distributeurs et importateurs qui mettent sur le marché des produits générant des déchets de prendre en charge tout ou partie de leur gestion.

schéma de fonctionnement d’une filière REP

Source : ministère de la transition écologique.

Les premières filières REP en Europe ont concerné les emballages (à partir de 1991 en Allemagne et 1992 en France). Certaines REP ont été imposées par une directive européenne, d’autres résultent de l’application d’un texte européen n’impliquant pas nécessairement la création d’une REP (lubrifiants, emballages ménagers, fluides frigorigènes fluorés, médicaments), d’autres enfin ont une origine purement nationale. On distingue deux grands types de REP : la REP contributive et la REP opérationnelle ([49]). Dans le cadre d’une REP contributive (cas des emballages et des papiers graphiques), un éco-organisme agréé par l’État verse des soutiens financiers à certains acteurs qui supportent les coûts de tri, de collecte et de gestion des déchets, essentiellement les collectivités territoriales.

Si des accords volontaires entre les pouvoirs publics et les acteurs de la filière papier ont été conclus à partir de 1983 en France, c’est en 2002 que le législateur a introduit une obligation de contribuer ou de pourvoir à l’élimination des déchets produits par la distribution d’imprimés. Une taxe sur les dépenses de publicité sous forme de distribution d’imprimés ou de journaux gratuits avait été instituée par la loi de finances pour 1998 au profit du fonds d’aide à la presse écrite d’opinion mais son taux, limité à 1 %, n’a pas eu l’effet dissuasif envisagé.

L’article L. 541-10-1 du code de l’environnement, créé par la loi de finances pour 2003, prévoyait dans sa rédaction initiale que toute personne ou organisme distribuant pour son propre compte ou faisant distribuer des imprimés publicitaires non adressés serait tenu de contribuer ou de pourvoir à l’élimination des déchets ainsi produits. Le champ a été étendu, dès 2003, à tous les imprimés, y compris nominatifs, mis à disposition du public ou distribués gratuitement dans les boîtes à lettres, les parties communes des immeubles collectifs, ou sur la voie publique. Le champ de l’obligation a de nouveau été étendu à plusieurs reprises par la suite, par des modifications successives de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement. La contribution peut prendre la forme d’une prestation financière perçue par un organisme agréé, ou en nature. Les modalités d’application de cet article, notamment les modalités de déclaration et de paiement de la contribution, son taux plafond et son calendrier de paiement sont précisées par des dispositions réglementaires du code de l’environnement (articles D. 543-207 à D. 543-212-3).

La rédaction en vigueur de l’article L. 541-10-1 vise « les imprimés papiers, à l’exception des livres, émis, y compris à titre gratuit, par des donneurs d’ordre ou pour leur compte, et les papiers à usage graphique, à destination des utilisateurs finaux qui produisent des déchets ménagers et assimilés ». La filière REP « papiers graphiques » concerne désormais tous les documents papiers, gratuits ou payants, quels que soient le destinataire et les lieux et modes de distribution, à l’exclusion des livres et à l’exclusion des étiquettes et papiers d’emballages et de conditionnement qui relèvent de la filière REP « emballages ». Sont notamment concernés les annuaires, les prospectus, les publications de presse, les papiers à usage graphique destinés à être imprimés conditionnés en rames et ramettes, les imprimés publicitaires adressés en publipostage, les publications d’entreprise, les catalogues de vente par correspondance et les enveloppes.

En cas de non-respect par un producteur, importateur ou distributeur des obligations résultant de l’application du principe de la REP aux imprimés papier, le ministre chargé de l’environnement peut prononcer une amende administrative dont le montant tient compte de la gravité des manquements constatés et des avantages qui en sont retirés. Ce montant ne peut excéder, par tonne, 1 500 euros pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale (article L. 541-10-11 du code de l’environnement).

Quelle fin de vie pour les livres ?

Les livres sont explicitement exclus du champ de la responsabilité élargie des producteurs (REP) par l’article L. 541-10 du code de l’environnement. Cela ne signifie évidemment pas que les livres ne deviennent jamais des déchets ou ne peuvent pas faire partie d’une économie circulaire : le livre est un objet réemployable et, à défaut de « seconde vie » sous sa forme initiale, recyclable comme tout papier graphique.

Pour autant, l’exclusion des livres du champ de la REP est contestée par WWF, qui a publié en 2019 une étude sur l’économie du livre ([50]) : « Malgré l’absence de données précises sur les livres qui entrent dans les circuits de la collecte sélective ou des ordures ménagères résiduelles, il est considéré par défaut qu’aucun livre n’est jamais collecté pour recyclage ou jeté aux ordures ménagères. En conséquence, les éditeurs n’auraient pas à contribuer à un service qu’ils n’utilisent pas. Cette affirmation permet à l’Édition de ne pas s’acquitter d’une éco-contribution qui avoisinerait sans doute environ 1015 millions d’euros par an selon les modalités en vigueur (soit 0 à 3 centimes par livre). »

Selon les informations communiquées à votre rapporteure par le Syndicat national des éditeurs, l’économie du livre est d’ores et déjà très largement une économie circulaire, non pas du fait d’une démarche organisée de recyclage (en dehors du gisement des livres invendus, qui sont restitués aux éditeurs et recyclés) mais du fait de la durée de vie longue de ces publications en « première vie » (livres neufs) comme en « seconde vie » (marché d’occasion, dons…).

Le WWF nuance cette affirmation (notamment en faisant remarquer qu’une majorité de livres donnés à des organisations caritatives finissent dans les poubelles) et considère que l’économie du livre pourrait être encore rendue plus circulaire par une réduction de la surproduction, par la collecte des manuels scolaires obsolètes (voir II de la deuxième partie du présent rapport), par le développement de l’impression à la demande ou encore par l’apposition du logo Triman sur les livres.

2.   L’éco-organisme : Citeo

L’éco-organisme agréé prévu par la loi a d’abord été la société privée sans but lucratif ÉcoFolio, créée en 2006 par les émetteurs de papier sur une base volontaire. Le cahier des charges annexé à l’arrêté d’agrément a fixé les conditions techniques et financières à respecter (objectif de recyclage des déchets de papiers de 65 % à atteindre à l’horizon 2022, relations avec les contributeurs en amont, les collectivités territoriales et les prestataires d’enlèvement et de traitement des déchets en aval, les ministères signataires et la commission consultative de suivi de la filière).

L’Autorité de la concurrence a donné son feu vert au projet de fusion‑absorption entre les deux éco-organismes de la filière emballages ménagers et papiers (ÉcoEmballages et ÉcoFolio). De cette fusion est né Citeo qui a repris pour son compte l’agrément d’ÉcoFolio – valide jusqu’au 31 décembre 2022 – et les obligations qui s’y rattachent (ainsi que l’agrément d’ÉcoEmballages). Il convient de noter que rien dans la loi n’interdit l’existence de plusieurs éco‑organismes pour une même filière REP, même si à ce stade ÉcoFolio/Citeo est la seule entreprise à avoir sollicité un agrément pour la REP papiers.

Les représentants de Citeo auditionnés par la mission d’information ont indiqué que l’éco-organisme a une triple mission : organiser et aider les collectivités territoriales à organiser la collecte, le tri et le traitement des vieux papiers pour une meilleure performance et au meilleur coût, piloter des programmes de recherche‑développement sur l’écoconception et l’évolution des processus industriels, notamment en termes de débouchés pour le papier recyclé, et informer et sensibiliser les citoyens sur les gestes de tri et le recyclage. L’action de Citeo couvre le territoire métropolitain, les départements d’outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Martin.

Citeo en 2018-2019 : chiffres clé pour la REP « papiers graphiques »

Nombre de contrats clients : 7 901 en 2018, 8 023 en 2019

Contributions financières perçues :

- en 2018 : 93 millions d’euros ;

- en 2019 : 95,8 millions d’euros.

Soutiens versés aux collectivités territoriales :

- au titre de l’année 2018 : 70 millions d’euros ;

- au titre de l’année 2019 : 67 millions d’euros.

Nombre de collectivités territoriales sous contrat : 703 collectivités, soit 35 740 communes.

Quantités recyclées : 1 306 000 tonnes en 2018, 1 249 000 en 2019.

Taux de recyclage : 57 % en 2018 et en 2019.

Source : Citeo, rapport d’activité 2019.

L’agrément de Citeo expirant en 2022, l’année 2021 va être l’année de la renégociation avec l’État du cahier des charges en vue du renouvellement de l’agrément. Cette négociation est très attendue par de nombreux acteurs auditionnés, car elle constitue l’occasion de remettre en question le fonctionnement et les modalités de la REP. C’est notamment le cas des collectivités territoriales qui, selon les représentants auditionnés de l’Association des maires de France (AMF), considèrent que les montants du soutien versé par les éco-organismes sont nettement insuffisants.

Les acteurs auditionnés ont globalement salué l’action de Citeo, mais ont exprimé quelques réserves et critiques sur les moyens et le fonctionnement de l’éco‑organisme. En particulier, la vice-présidente de l’Association des communes et collectivités d’outre-mer (ACCD’OM) a souligné combien l’intervention de Citeo se révèle décisive pour aider certaines collectivités à rendre acceptables socialement et donc habituels les gestes de tri dans la population, par exemple à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais a déploré l’insuffisante prise en compte par Citeo des spécificités, extrêmement marquées, de chaque territoire ultramarin.

Il convient de signaler que le cahier des charges que doit respecter Citeo a été modifié par un arrêté du 25 décembre 2020 et son annexe ([51]), dont les dispositions portent principalement sur les territoires ultramarins, notamment pour imposer à Citeo de verser des soutiens financiers supplémentaires aux collectivités d’outre-mer (modifications du paragraphe I.3.b et du paragraphe V.2 du cahier des charges) et pour charger l’ADEME de réaliser un suivi de l’évolution du taux de prise en charge des coûts dans ces collectivités sur la base de données que Citeo doit lui communiquer (nouveau paragraphe I.3.e du même chapitre).

3.   La contribution financière (« éco-contribution »)

Les représentants de l’association AMORCE auditionnés ont rappelé que la création de cette filière REP et de la filière REP « Emballages » avait pour objectif un double transfert : le passage d’une économie linéaire à une économie circulaire par une généralisation du geste de tri permettant le recyclage au lieu d’un envoi systématique du gisement dans une décharge ou dans une installation d’incinération, d’une part ; d’autre part, un transfert financier partiel du contribuable (qui supportait auparavant l’intégralité du coût de la gestion de ces déchets) vers le metteur en marché. Certes, celui-ci peut répercuter sur le consommateur la contribution financière qu’il doit verser, mais il est amené à financer une partie de la « fin de vie » des produits qu’il fabrique.

Toute personne soumise à contribution qui en fait la demande et qui signe le contrat type d’adhésion à l’éco-organisme peut adhérer à l’éco-organisme. Ce contrat type décrit les obligations à la charge des personnes assujetties à l’éco‑contribution. Malgré la fusion entre ÉcoEmballages et ÉcoFolio, les entreprises clientes ont toujours un seul contrat par filière. Sous sa forme financière, la contribution est remise à l’organisme agréé qui la reverse aux collectivités territoriales afin de compenser en partie les coûts de collecte, de valorisation et de traitement qu’elles supportent. La contribution a commencé à être effectivement perçue par ÉcoFolio en 2007 ([52]).

Cette contribution est proportionnelle au poids des imprimés papiers émis et peut être modulée en fonction de leur qualité environnementale. Le tarif (ou « barème amont ») de la contribution financière est, en 2020, de 58 euros/tonne ([53]), ce qui est très largement inférieur au plafond fixé par la réglementation en vigueur ([54]), le tarif choisi devant rester soutenable pour les acteurs.

Le produit de cette contribution doit couvrir les soutiens versés aux collectivités territoriales, selon le « barème aval » fixé par arrêté, au titre des déchets de papiers collectés sur leur territoire et traités durant l’année considérée, le coût des mesures d’accompagnement des collectivités visant l’augmentation du taux de recyclage des déchets papiers, le coût des actions de prévention, d’information, des études et des projets de recherche et développement relatifs à la gestion des déchets papiers menés ou soutenus et les autres frais de fonctionnement de l’organisme agréé (article D. 543-211-1 du code de l’environnement).

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu que les contributions financières soient modulées en fonction de critères environnementaux liés à la conception, à la durée de vie et à la fin de vie du produit, et n’entraînant pas de transfert de pollution vers une autre étape du cycle de vie du produit. Le principe d’une telle modulation figure, pour l’ensemble des filières REP, à l’article L. 541-10-3 du code de l’environnement qui, dans la rédaction en vigueur (modifiée par la loi du 10 février 2020), dispose que « les contributions financières versées par les producteurs (…) sont modulées, lorsque cela est possible au regard des meilleures techniques disponibles, pour chaque produit ou groupe de produits similaires, en fonction de critères de performance environnementale, parmi lesquels la quantité de matière utilisée, l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables gérées durablement, (…) les possibilités de réemploi ou de réutilisation, la recyclabilité, (…) l’absence d’écotoxicité et la présence de substances dangereuses (…), en particulier lorsque celles-ci sont susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées. La modulation prend la forme d’une prime accordée par l’éco-organisme au producteur lorsque le produit remplit les critères de performance et celle d’une pénalité due par le producteur à l’éco-organisme lorsque le produit s’en s’éloigne. »

Le barème de ces éco-modulations est publié par Citeo. La modulation était effectuée jusqu’en 2020 sur la base de trois critères ; un quatrième critère est devenu applicable au 1er janvier 2021. Les quatre critères de bonus-malus sont :

1° Le caractère responsable et renouvelable du matériau, c’est-à-dire l’origine de la fibre, avec un bonus de 10 % pour les papiers contenant majoritairement des fibres recyclées ou un malus de 15 % pour les papiers non recyclés, non issus de forêts gérées durablement ou ne comportant pas d’informations sur l’origine de la fibre utilisée. Il n’y a pas de bonus pour les papiers issus de forêts gérées durablement ;

2° La recyclabilité des papiers, avec un malus de 5 % par élément perturbateur du recyclage présent dans le papier mis sur le marché (teinte de la fibre, colles, éléments non fibreux, encres non désencrables) ;

3° L’affichage du logo « Triman », avec un bonus de 5 % ;

4° À compter du 1er janvier 2021, un critère de réduction des débouchés de recyclage, avec un malus de 10 % sur les impressions réalisées avec des encres contenant des huiles minérales ajoutées (arrêté du 29 octobre 2019 relatif aux éco-modulations prévues au IX de l’article L. 541-10 du code de l’environnement) ([55]). Celui-ci a vocation à disparaître en 2025, lorsqu’entrera en vigueur l’interdiction des huiles minérales sur les papiers graphiques prévue par la loi du 10 février 2020.

Parmi les papiers mis sur le marché en 2019, selon les informations communiquées par Citeo, 27 % des papiers ont bénéficié du bonus lié à la présence de fibres recyclées, 70 % des papiers ont bénéficié du bonus « Triman », 39 % des papiers ont subi un malus de recyclabilité et 10 % ont supporté le malus de non‑traçabilité des fibres utilisées.

Votre rapporteure préconise que le bonus de 10 % applicable aux papiers composés majoritairement de fibres recyclées soit doublé, et qu’il passe ainsi de 10 à 20 %. Il s’agirait d’un signe fort à l’attention des metteurs sur le marché pour utiliser du papier recyclé.

Recommandation n° 2 : Dans le dispositif de modulation de l’éco-contribution due par les metteurs en marché, faire passer de 10 % à 20 % le bonus applicable aux papiers composés majoritairement de fibre recyclée.

4.   Le reversement de la contribution financière aux collectivités territoriales et les autres actions de Citeo dans les territoires

Pour le reversement aux collectivités territoriales, l’éco-organisme passe un contrat avec chacune des collectivités compétentes en matière de collecte ou de traitement de déchets de papiers ménagers et assimilés qui lui en fait la demande, sur la base d’un contrat type qui fixe les modalités du soutien technique et financier ([56]). Par chaque contrat, la collectivité s’engage sur des objectifs et met à jour chaque année, en fonction des objectifs atteints ou visés, son plan d’action ; chaque bilan annuel et la validation du plan d’action par Citeo conditionnent le versement d’une partie du soutien financier.

Les collectivités perçoivent :

– des soutiens financiers au titre du recyclage ;

– un soutien de majoration à la performance environnementale et technico‑économique (soutien au fonctionnement) ;

– une aide à l’investissement pour le déploiement de nouveaux moyens de collecte et de tri ;

– des soutiens indirects pour le budget communication ainsi que les études et la recherche et développement.

Avant 2018, le barème aval comportait des tarifs différents selon le mode de traitement des papiers collectés et, pour les vieux papiers collectés en vue d’un recyclage, selon les sortes papetières (afin de prendre en compte l’effort de tri – et son coût – nécessaires à l’atteinte des standards). Par exemple, pour les papiers collectés en 2016 le barème était le suivant :

– 80 euros par tonne pour les déchets de papiers des sortes papetières 2.06, 2.05, 3.05, 1.11, 1.01, 1.02 et 5.01 faisant l’objet d’un recyclage ;

– entre 1 euro et 20 euros par tonne pour les déchets de papier faisant l’objet d’une valorisation énergétique dans une installation d’incinération (le montant du soutien variant selon le niveau de performance énergétique de l’installation) ;

– 20 euros par tonne pour les déchets de papier faisant l’objet d’un compostage ou d’une méthanisation ;

– 1 euro par tonne enfouie.

Pour les vieux papiers collectés en vue d’un recyclage, le standard « bureautique » bénéficiait d’un soutien financier plus élevé que le standard « papiers cartons mêlés » (PCM), parce que le coût du tri correspondant est plus élevé.

Depuis 2018, en application d’un arrêté du 2 novembre 2016 qui a modifié le cahier des charges de l’agrément, le seul mode de traitement soutenu est le recyclage en vue d’une valorisation matière. Les opérations de valorisation énergétique des déchets et celles relatives à la conversion des déchets en combustibles ne donnent plus lieu au versement d’un soutien à la tonne, hormis dans les territoires ultra-marins ([57]). Le barème aval applicable aux tonnages de papiers recyclés soutenus varie désormais uniquement en fonction du standard de qualité : standard bureautique (100 euros/tonne), standard à désencrer (90 euros/tonne), standard PCM (80 euros/tonne).

5.   La suppression prochaine de la contribution en nature pour les publications de presse

La contribution en nature consistait initialement (dans le cadre des premières étapes législatives de la filière REP à partir de 2003) en la mise à disposition d’espaces de communication au profit des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) assurant l’élimination des déchets ménagers. Ces espaces de communication étaient utilisés pour promouvoir la collecte, la valorisation et l’élimination des déchets. Afin d’éviter que tous les assujettis ne choisissent la contribution en nature, celle-ci reposait sur le principe du volontariat des EPCI. Les émetteurs d’imprimés devaient alors passer une convention avec un EPCI qui fixait la prestation, ses modalités et le montant de la contribution. La mise à disposition d’un espace de communication entérinée par une convention était exonératoire de la contribution financière.

Devant le peu de succès rencontré par ce dispositif, le décret n° 2015-1827 du 30 décembre 2015 l’a abrogé à compter du 1er janvier 2017, sauf en ce qui concerne les publications de presse. La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et le décret n° 2016-917 du 5 juillet 2016 ([58]) ont précisé le nouveau régime des prestations en nature pour lequel peuvent opter les donneurs d’ordre émettant des publications de presse à partir du 1er janvier 2017 pour régler, en tout ou partie en nature, la contribution à laquelle ils sont assujettis. Les prestations en nature sont constituées d’encarts publicitaires, dans les publications concernées, destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage du papier. Ces encarts sont mis à la disposition de l’éco-organisme par des conventions qu’il passe avec les éditeurs, les communes et les EPCI n’en bénéficient pas directement.

Ces pages ne constituent pas les seules actions de communication d’ÉcoFolio/Citeo dans la presse. Hors conventions – et donc sans mise à disposition gratuite d’espace par les éditeurs –, des campagnes publicitaires sur certains publics-cibles sont menées, notamment dans la presse professionnelle (par exemple dans les publications destinées aux personnels enseignants). ÉcoFolio (et aujourd’hui Citeo) engage donc des dépenses publicitaires, au-delà de la contribution en nature de la presse.

En 2019, les contributions en nature des éditeurs de presse ont représenté une valeur totale de 22,5 millions d’euros selon Citeo.

Pour chaque critère respecté parmi la liste ci-après, les donneurs d’ordre peuvent verser un quart, arrondi à l’euro inférieur, de la contribution financière sous forme de prestations en nature (article D. 543-212-2 du code de l’environnement) :

1° Depuis le 1er janvier 2020, le pourcentage d’incorporation de fibres recyclées dans le papier sur lequel est imprimée la publication est supérieur à 50 % et les autres fibres sont issues de forêts durablement gérées ;

2° La publication ne contient pas plus d’un élément perturbateur du recyclage (colle, papier teinté dans la masse, encre non désencrable…) ; les éléments perturbateurs de recyclage sont définis dans le cahier des charges de Citeo ;

3° Le cumul des distances entre la papeterie fournissant le papier sur lequel est imprimée la publication, l’imprimerie dans laquelle elle est imprimée et le centre principal de diffusion de la publication est inférieur à 1 500 kilomètres ;

4° Il est mentionné en caractères apparents dans la publication les informations relatives à ses caractéristiques environnementales : origine géographique du papier par la mention du pays de provenance, taux de fibres recyclées, certification des fibres utilisées et au moins un des indicateurs environnementaux définis par le référentiel en vigueur relatif aux principes généraux pour l’affichage environnemental des produits de consommation, appliqués aux ouvrages imprimés.

La suppression de la possibilité, pour tout ou partie de la presse écrite, d’opter pour une contribution en nature, afin d’« universaliser » la contribution financière, a été demandée de manière récurrente dans les débats parlementaires depuis 2007, ainsi que par un rapport d’information du Sénat de 2013 ([59]). Le rapport précité de MM. Serge Bardy et Gérard Miquel, en février 2016, soulignait que ces demandes répétées étaient justifiées par le constat que « le développement durable est trop peu intégré dans les modèles économiques de la presse », à l’exception de la gestion, très bien organisée, du gisement « pré-consommateur » (invendus, rebuts, chutes de papier).

La loi précitée du 10 février 2020 met fin au 1er janvier 2023 à la possibilité, pour les producteurs de publications de presse, de payer leur contribution en nature (article L. 541-10-19 du code de l’environnement), conformément au droit européen qui exige que toutes les contributions soient financières ([60]). D’ici cette date, afin d’encourager l’utilisation de papier recyclé, la possibilité de bénéficier d’une contribution en nature est conditionnée à l’inclusion d’un taux minimal de fibre recyclée dans la composition des publications concernées mises sur le marché. Ce taux, qui augmentera progressivement, doit être déterminé par décret. La loi précise que ce taux devra atteindre, en moyenne, au moins 50 % avant le 1er janvier 2023. Le décret d’application a été publié le 30 décembre 2020 ([61]). Il distingue, au sein des publications de presse :

– les publications imprimées sur papier journal, pour lesquelles dès le 1er janvier 2021 la teneur minimale en fibres recyclées du papier permettant à un donneur d’ordre d’être éligible à l’éco-contribution en nature doit être de 50 %, cette teneur devant atteindre 75 % en 2022 ;

– les autres publications de presse, pour lesquelles aucun taux minimal ne s’applique en 2021 mais pour lesquelles l’éco-contribution sera conditionnée à une teneur minimale de 10 % à compter du 1er janvier 2022.

Pour toutes les publications de presse, la partie de la composition du papier utilisé qui n’est pas en fibre recyclée doit obligatoirement être issue de forêts durablement gérées.

Présentation sommaire de la filière REP « Emballages »

Le fonctionnement de la REP « Emballages » a de nombreux points communs avec celui de la REP « Papiers graphiques », Citeo étant agréé pour les deux filières puisqu’il a repris l’agrément qui avait été délivré par l’État depuis 1992 à la société Éco-emballages. Un second éco-organisme, Adelphe, a été agréé par l’État en 1993 mais il s’agit d’une filiale de Citeo.

Le terme « emballage » est défini par le droit européen comme « tout produit constitué de matériaux de toute nature, destiné à contenir et à protéger des marchandises (…), à permettre leur manutention et leur acheminement (…) et à assurer leur présentation », cette définition étant intégrée dans le code de l’environnement.

Les catégories de déchets d’emballage sont répertoriées à l’article R. 541-7 du code de l’environnement par une nomenclature (par exemple les emballages en papier/carton ont le code 15.01.01, les emballages bois le code 15.01.03, etc.). Certains emballages sont composites, c’est-à-dire composés de deux ou plusieurs couches de matériaux différents.

Les entreprises ayant mis des emballages sur le marché français et ayant adhéré à l’éco-organisme doivent adresser à celui-ci une déclaration annuelle et doivent ensuite verser une contribution financière dont le montant est calculé en fonction des quantités déclarées, de leur poids, du type de matériau et du type de famille d’emballages.

Les tarifs différenciés distinguent par exemple le papier-carton (16,53 centimes d’euro par kilo), l’aluminium (11,45 centimes d’euro par kilo), le verre (1,35 centime d’euro par kilo)… Les contributions des metteurs en marché versées à Citeo ont représenté 710 millions d’euros en 2018 et 733 millions d’euros en 2019.

Le barème des contributions comprend des modulations permettant de tenir compte de critères environnementaux liés à la conception, à la durée de vie et à la fin de vie du produit (article L. 541-10 du code de l’environnement). Il existe actuellement cinq bonus (par exemple un bonus de 5 % pour l’apposition du logo Triman) et trois malus. Les emballages en papier-carton qui intègrent des matières premières issues du recyclage voient leur contribution au poids diminuée de 10 % si plus de 50 % du poids total de l’emballage est en matière recyclée. En revanche, les emballages en papier-carton contenant des impressions avec des encres fabriquées avec ajout d’huiles minérales font l’objet d’un malus de 10 %. 700 collectivités territoriales, regroupant 35 357 communes, ont contractualisé avec Citeo ou Adelphe (sans compter les dispositifs des pourvois en Guyane et à Mayotte).

En 2019, au sein des tonnages d’emballages collectés dans ces collectivités, les papiers-cartons de toutes sortes représentaient 785 000 tonnes.

Les soutiens financiers versés aux collectivités par Citeo se sont élevés en 2019 à 627 millions d’euros au total pour la REP « Emballages ». Le taux de recyclage a atteint 68 % en 2018 et 70 % en 2019 pour l’ensemble des emballages, ce qui recouvre des différences importantes puisque le taux de recyclage est inférieur à 48 % pour l’aluminium et supérieur à 80 % pour le verre. Pour les emballages en papier-carton (autres que les briques), le taux de recyclage correspond à la moyenne (68 % en 2018 et 70,4 % en 2019). Sur un « gisement contribuant » total de 5,19 millions de tonnes en 2018 et de 5,17 millions de tonnes en 2019, les papiers-cartons (hors briques) ont représenté un volume de 1,06 million de tonnes en 2018 et en 2019, loin derrière le verre (2,5 millions de tonnes) et légèrement derrière le plastique (1,16 million de tonnes).

Une différence importante entre la REP « papiers graphiques » et la REP « emballages » est l’existence, pour la seconde, d’un mécanisme de garantie de reprise des matières sortant des centres de tri. L’éco-organisme est chargé d’assurer aux collectivités territoriales que ces matières trouveront preneur. L’association AMORCE, auditionnée par la mission d’information, souhaite qu’un dispositif similaire soit créé pour la REP « papiers ».

D.   Mieux valoriser le papier recyclÉ et ses usages, partout oÙ cela est possible et pertinent

Utiliser de la fibre recyclée est techniquement possible dans de très nombreux produits papetiers. Votre rapporteure souhaite vivement que le papier recyclé et ses usages soient mieux valorisés.

Cette ambition est déjà portée par le législateur s’agissant de la composition des imprimés publicitaires : ceux-ci devront, à compter du 1er janvier 2023, être exclusivement fabriqués en fibre recyclée, ou en fibre vierge issue de forêts gérées durablement (en application de l’article L. 541-15-17 du code de l’environnement créé par la loi précitée du 10 février 2020). Il est toutefois difficile de savoir quel est le degré d’ambition de cet objectif par rapport à l’existant, car les chiffres disponibles sont contradictoires ([62]).

De nombreux acteurs auditionnés ont souligné que le papier graphique recyclé est nettement plus cher à l’achat que le papier vierge, notamment parce que, comme l’indique le rapport précité de M. Alain Tripier, le papier recyclé à blancheur égale aux productions à partir de pâte vierge est plus coûteux à produire. Les cours élevés des sortes papetières « supérieures » très recherchées, principalement issues des collectes de papier de bureau et des chutes d’imprimerie, pénalisent le prix de revient du papier graphique recyclé. Or, le prix reste le principal « moteur décisionnel », comme l’ont fait remarquer les représentants de FEDEREC.

De plus, l’offre française de papier graphique recyclé est insuffisante par rapport aux besoins, comme l’a exposé le président de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) lors de son audition, les fabricants des autres pays européens – particulièrement allemands et autrichiens – palliant cette insuffisance. Il convient donc de souligner avec lucidité que promouvoir une incorporation supérieure de fibre recyclée et un usage plus développé de papier recyclé nécessitera une organisation de la filière afin de répondre à la demande plutôt que d’encourager les importations.

1.   Accroître l’incorporation de fibres recyclées : une question complexe

Plusieurs acteurs de la filière, notamment FEDEREC, suggèrent d’introduire dans la réglementation un ou plusieurs taux d’incorporation de fibre recyclée contraignants. Néanmoins, l’ensemble des acteurs industriels auditionnés ont fortement exprimé leur hostilité à toute modification réglementaire qui aurait pour conséquence d’imposer un taux d’incorporation de fibre recyclée dans le papier et les produits papetiers. Le CEPI, par exemple, a fait valoir que la fibre vierge et la fibre recyclée ne sont pas simplement substituables, l’une ou l’autre étant utilisée en fonction des caractéristiques attendues de chaque produit. Les acteurs industriels papetiers ont déclaré que leurs processus de production ne leur permettent pas de passer du bois aux vieux papiers ou des vieux papiers au bois. Toutefois, le directeur de l’INP Pagora a indiqué qu’il est possible, techniquement, d’adapter les outils industriels à l’incorporation d’une part de pâte recyclée.

L’opposition des fabricants porte essentiellement sur l’incorporation de fibre recyclée dans le papier bureautique. Selon les informations communiquées par le CEPI, à l’échelle européenne les papiers graphiques autres que le papier journal ne contiennent en moyenne que 13 % de fibre recyclée. Les sortes de vieux papiers nécessaires pour la production de ce type de papier étant déjà très recherchées, l’association Culture Papier fait valoir qu’une incorporation imposée accentuerait la hausse de leur prix et la nécessité d’importer du papier bureautique recyclé, et ce, alors que la demande de ce papier est en déclin et aux dépens des producteurs français de papier bureautique, certes vierge, mais fabriqué avec de la fibre issue de forêts gérées de manière vertueuse.

Votre rapporteure préconise malgré ces réticences qu’une réflexion approfondie soit engagée visant à accroître les volumes de papier recyclé français dans les produits de papeterie. En effet, le recyclage doit être considéré comme un but supérieur vers lequel il faut tendre. L’accroissement du taux d’incorporation de papier recyclé doit inciter les acteurs nationaux à s’organiser pour répondre à cette demande de façon compétitive vis-à-vis des importations.

Le site de Chapelle Darblay dispose à cet égard d’un potentiel de production de pâte à papier recyclé, comme l’a exposé le rapport d’expertise précité de M. Alain Tripier.

De plus votre rapporteure relève que les arguments « marketing » opposés à l’incorporation de fibre recyclée – ou d’un pourcentage supérieur à l’existant – basés sur la répugnance réelle ou supposée des consommateurs ou lecteurs n’ont qu’une portée relative dès lors qu’il est désormais techniquement possible de fabriquer du papier recyclé aux caractéristiques très proches, voire équivalentes, à celles du papier vierge. Elle est en outre convaincue que les Français sont prêts à lire des magazines imprimés ou à écrire sur du papier recyclé moins blanc – habitude d’ores et déjà prise par nos voisins allemands – ou tout du moins qu’il convient de les sensibiliser et les en convaincre (voir recommandation n° 19).

Recommandation n° 3 : Inviter les acteurs de la filière du papier graphique (ramettes et presse) à engager une réflexion approfondie visant à accroître les volumes de papier recyclé français dans les produits de papeterie et dans le but de définir un calendrier imposant un taux d’incorporation croissant par produit.

2.   La commande publique, un levier pour le développement de la demande de papier recyclé ?

La commande publique aurait pu apparaître comme un levier idéal et efficace pour stimuler le développement de la demande de papier recyclé, les administrations nationales et locales et les entreprises publiques étant susceptibles de constituer, par leurs achats de produits papetiers, un marché conséquent pour les producteurs de la filière. Il est toutefois apparu, lors des auditions, que les commandes publiques font déjà une large place au papier recyclé, en particulier pour l’État. Le président de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP) comme la vice-présidente de l’ACCD’OM ont souligné que les administrations ont d’ores et déjà inscrit dans leur fonctionnement quotidien l’achat et donc l’usage de papier recyclé ([63]).

a.   Une obligation légale d’écoresponsabilité dans les achats de produits papetiers

Il convient d’ailleurs de noter que, depuis le 1er janvier 2020, les services de l’État et des collectivités territoriales ont l’obligation légale d’atteindre un taux de 40 % de papier recyclé (défini comme un papier contenant au moins 50 % de fibres recyclées) dans leurs achats, en application de l’article 79 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), et l’obligation que le reste de leurs achats papetiers soient issus de forêts gérées durablement.

L’article 79, paragraphe II, de la LTECV

« (…) À compter du 1er janvier 2020, 40 % au moins des produits papetiers, articles de papeterie à base de fibres et imprimés acquis par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont fabriqués à partir de papier recyclé.

« Les autres produits papetiers, articles de papeterie à base de fibres et imprimés acquis par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus de forêts gérées durablement.

« Un papier recyclé est un papier contenant au moins 50 % de fibres recyclées. »

b.   La stratégie de l’État 2020-2024 pour le papier de reprographie blanc (mai 2019)

La politique des achats de l’État est définie par la direction des achats de l’État (DAE), placée sous l’autorité du Premier ministre. Les achats par l’État de papier de reprographie représentent actuellement 19,6 millions d’euros par an ([64]). Les 6,3 millions de ramettes achetées représentent moins de 3 % du marché français. Les achats de papier de reprographie blanc sont mutualisés auprès de l’UGAP depuis 2006 pour l’ensemble des ministères à l’exception de celui de l’Éducation nationale. La convention État/UGAP actuellement en cours a été passée pour trois ans à compter du 5 mai 2019. Les achats ne portent que sur du papier « écoresponsable », c’est-à-dire recyclé ou issu de forêts gérées durablement.

La stratégie d’achat 2020-2024 concerne les achats de papier de reprographie blanc format A3 ou A4 au grammage standard (70 à 90 grammes) en palettes ou cartons. Elle s’applique à l’ensemble des services de l’État, y compris ceux du ministère de l’Éducation nationale (administration centrale et services déconcentrés), en France métropolitaine. Les axes de cette stratégie sont les suivants :

– à partir de 2020, l’État recourra exclusivement au papier recyclé (blanc ou gris) avec la mise en place d’un catalogue restreint auprès de l’UGAP. À défaut de papier recyclé disponible, le reste des commandes portera sur du papier issu de forêts gérées durablement afin d’assurer un approvisionnement 100 % écoresponsable ;

– le surcoût éventuel de l’achat de papier recyclé sera compensé par une baisse des consommations et l’achat de papier moins blanchi ;

–  un objectif de réduction des quantités consommées : - 30 % en 2023 par rapport à 2018 ;

– pour limiter les risques de rupture d’approvisionnement, le marché-cadre UGAP et les marchés subséquents seront multi-attributaires.

Le marché multi-attributaire fait l’objet d’une remise en concurrence tous les six mois et se compose de deux lots (lot sans manutention et lot avec manutention). Les titulaires du premier lot sont Antalis France, Inapa France, Lyreco France et Torraspapel Mamenayde. Les titulaires du second lot sont Antalis, Inapa et Lyreco. Ce sont tous des distributeurs spécialisés, français ou étrangers, et non pas des fabricants de papier.

c.   L’article 58 de la loi « AGEC »

L’article 58 de la loi précitée du 10 février 2020 dispose que, sauf exceptions, « à compter du 1er janvier 2021, les biens acquis annuellement par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit ». Il précise qu’un décret en Conseil d’État devra fixer la liste des produits concernés et, pour chaque produit, « les taux pouvant être issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage correspondant à ces produits ». Le champ d’application de cet article recouvre donc tous les achats, bien au-delà du papier. Le décret d’application n’a pas encore été publié, bien que sa publication ait été annoncée pour le mois de novembre 2020. Federec a eu connaissance d’un projet de décret considéré comme très décevant car, s’agissant du papier recyclé, il reprenait simplement le taux minimum de 40 % déjà imposé par la LTECV.

d.   La circulaire du 25 février 2020 pour des services publics écoresponsables

Lors de son audition, le président de l’UGAP a souligné que, par la circulaire du Premier ministre du 25 février 2020 sur les vingt engagements de l’État pour des services publics écoresponsables, l’État s’est engagé à aller plus loin que le respect de son obligation légale s’agissant de l’achat de papier recyclé : la mesure n° 11 oblige les services de l’État, à partir de mars 2020, « à utiliser systématiquement le papier bureautique recyclé dès lors qu’il est disponible. À défaut, [l’État] ne peut utiliser que du papier intégralement issu de forêts gérées durablement ». L’ambition affichée est donc de passer très au-dessus du minimum de 40 % fixé par la LTECV en ce qui concerne le papier bureautique – sous la condition de la disponibilité de papier bureautique recyclé sur le marché, condition qui est loin d’être anodine puisque la production française est insuffisante et que les acheteurs publics sont donc contraints, comme l’a exposé l’UGAP, de s’approvisionner auprès de fournisseurs étrangers, essentiellement allemands et autrichiens.

Les services du ministère de la transition écologique et l’UGAP ont informé la mission d’information que, depuis juillet 2020, le catalogue de produits que l’UGAP met à disposition des services de l’État et des établissements publics de l’État pour leurs achats est conforme à la stratégie précitée et à l’engagement n° 11 de la circulaire, en ce qu’il rend automatique l’achat de papier recyclé lorsque celui-ci est disponible. Lorsque ce n’est pas le cas (en cas de rupture de stock), seul du papier labellisé « Forest Stewardship Council » (FSC) ou « Programme for the Endorsement of Forest Certification » (PEFC) ([65]) est proposé. La progression en termes de commandes est déjà spectaculaire, puisque, alors qu’en 2019 les achats publics via l’UGAP ([66]) n’ont porté sur du papier recyclé qu’à hauteur de 13 % en valeur, ce pourcentage a atteint 49 % en 2020 tous clients confondus. Le ministère de la transition écologique a précisé qu’entre le premier et le second semestre de 2020, la part de papier recyclé dans les achats est passée de 38 % à 88 %.

L’UGAP a indiqué que les collectivités territoriales qui font appel à elle pour leurs achats de papier blanc de reprographie ne commandent, contrairement à l’État, que de très faibles quantités de papier recyclé, préférant opter pour du papier vierge (issu de forêts certifiées). Il est nécessaire que les collectivités territoriales soient plus ambitieuses et qu’à l’image de l’État, elles achètent de façon systématique du papier recyclé, entendu comme un papier contenant au moins 50 % de fibres recyclées, lorsqu’il est disponible, l’achat de papier bureautique en fibre vierge devenant une solution de repli.

Par ailleurs, le ministère de l’Éducation nationale, n’ayant pas recours aux prestations de l’UGAP, a passé son propre marché avec la société Inapa en 2018. La part de papier recyclé dans ces achats est encore extrêmement faible (4 %), avec de fortes disparités selon les académies, mais le ministère a engagé un plan d’action pour augmenter ce pourcentage.

Il convient de noter que, alors que la LTECV fait référence à tous les « produits papetiers, articles de papeterie et imprimés » achetés par l’État et par les collectivités territoriales, la circulaire du 25 février 2020 ne s’applique qu’aux services de l’État et au papier bureautique. La mesure n° 11 n’a donc aucun impact, par exemple, sur les achats de livres scolaires, financés par les collectivités territoriales. S’il n’est pas envisageable d’imposer l’achat de manuels scolaires imprimés sur du papier recyclé, il serait cependant pertinent que les collectivités territoriales s’engagent collectivement sur le modèle défini pour l’État par cette circulaire.

Recommandation n° 4 : Inviter les collectivités territoriales à s’engager, comme l’a fait l’État, pour les achats de papiers bureautiques pour leurs services, à acheter systématiquement du papier bureautique recyclé, lorsqu’il est disponible, les achats de papier bureautique en fibre vierge issue de forêts certifiées devenant une solution de repli.

La même circulaire du 25 février 2020 comporte un engagement (mesure n° 10) de l’État d’intégrer dans ses appels d’offres, à partir de janvier 2021, lors du renouvellement de ses marchés, des dispositions sur la prise en compte du risque de déforestation, notamment pour les produits mentionnés dans la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée de novembre 2018. Le « guide de conseils et de bonnes pratiques à destination des acteurs de la commande publique » ([67]) publié par le ministère de la transition écologique signale qu’en ce qui concerne les marchés de fournitures, le papier est l’une des matières « à risque » : « Dans certains pays comme l’Indonésie et le Brésil, il y a des risques que les bois utilisés pour le papier proviennent de la déforestation ou encore de monocultures qui se substituent aux forêts naturelles ou [à] d’autres milieux naturels à haute valeur de conservation ». Le guide recommande en conséquence de développer le « reporting sur toutes les ressources papiers » ou d’avoir recours à du papier recyclé.

3.   Les labels existants traduisent une démarche écoresponsable mais ne valorisent pas l’utilisation de papier recyclé, à l’exception du label allemand

Qu’est-ce qu’un label écologique ou « écolabel » ? C’est un label attribué à un produit ou à un acteur économique par une organisation certifiante et visant à garantir que le produit concerné a un impact réduit sur l’environnement. Un écolabel est généralement volontaire (c’est-à-dire librement choisi), payant (frais d’inscription, financement des audits…), attribué à un ou plusieurs types de produits ou de services, à un producteur ou à une chaîne d’acteurs. Associé à une série de principes et de critères qui portent notamment sur la traçabilité tout au long de la chaîne de production, il est accordé de manière provisoire par une entité ou organisation internationale, nationale ou régionale, et vérifié par un ou plusieurs organismes certificateurs réputés indépendants. L’écolabel est représenté par un logo (marque, signe, numéro…) dont l’usage est réglementé et qui, lorsqu’il est apposé sur un produit, signale aux consommateurs que ce produit a un impact réduit sur l’environnement par rapport à des produits similaires conformément à un cahier des charges que les consommateurs peuvent consulter.

Il existe, d’une part, des labels écologiques « généraux » (l’Écolabel européen, la marque NF Environnement en France, le label Blauer Engel en Allemagne, le label Nordic Swan Ecolabel en Scandinavie…), c’est-à-dire susceptibles de s’appliquer à un grand nombre de produits ; et d’autre part plusieurs labels écologiques spécialisés ne s’appliquant qu’à un seul type de produits.

L’Écolabel européen a été créé en 1992 et est régi par le règlement (CE) n° 66/2010 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 établissant le label écologique de l’UE. Il est attribué pour une durée déterminée selon des critères définis par la Commission européenne et qui tiennent compte de l’ensemble du cycle de vie des produits (utilisation de matières premières, production, distribution, consommation, recyclage, élimination). Ce label peut s’appliquer à 24 catégories de produits (ameublement, habillement, appareils électroménagers tourisme, peintures, produits d’entretien, papeterie…). Dans la catégorie « papeterie », le label est susceptible d’être obtenu pour des papiers d’hygiène, graphiques, imprimés ou transformés, et les critères à respecter portent notamment sur les émissions polluantes dans l’air et dans l’eau, la consommation d’énergie, la gestion durable des forêts dont provient la fibre utilisée et la recyclabilité, mais pas sur la présence de fibre recyclée.

Le label français NF Environnement est géré et attribué par l’Association française de normalisation (AFNOR). Il est susceptible de s’appliquer à un très grand nombre de produits (ameublement, équipements électriques, cartouches d’imprimante, sacs poubelle, instruments d’écriture, peintures…), mais à très peu de produits papetiers (enveloppes et filtres à café), pour lesquels, là encore, les critères à respecter incluent la gestion durable des forêts et la recyclabilité mais pas la présence de fibre recyclée dans les produits.

Le label allemand Blauer Engel (Ange Bleu), créé en 1977, est aussi un label écologique de grande ampleur en termes de catégories de produits susceptibles d’être labellisés (produits d’entretien, jouets, outils de jardinage, véhicules…) qui est applicable aux papiers et cartons de toutes sortes (y compris les papiers d’hygiène) mais, s’agissant des papiers-cartons, il favorise très clairement l’utilisation de fibre recyclée puisqu’il n’est attribué qu’à des produits fabriqués à 100 % en papier recyclé. Quelques produits français, comme les Post-it 100 % recyclés de la société 3M France et plusieurs produits Exacompta Clairefontaine fabriqués sur le site d’Everbal, bénéficient du label Ange Bleu, mais la notoriété de ce label est extrêmement faible chez les consommateurs français ([68]).

Parmi les écolabels spécialisés figurent deux labels propres aux produits forestiers : le label du Forest Stewardship Council (FSC) et le label du Programm for the Endorsement of Forest Certification (PEFC).

Le FSC est une organisation internationale non gouvernementale fondée en 1993 par des propriétaires forestiers, des entreprises de la filière bois et des associations de protection de l’environnement en vue de promouvoir une gestion responsable des forêts, en réaction à des actes de déforestation sauvage en Amazonie. Le label peut être attribué au bois et aux produits dérivés du bois ou de la forêt (meubles, papiers, jouets…), lorsque ce bois ou ces produits proviennent de forêts certifiées « FSC ». La gestion durable des forêts ainsi labellisées ne se base pas uniquement sur des critères liés à l’environnement (préservation de la diversité biologique, conservation des ressources en eau…) mais aussi sur d’autres critères comme le respect des droits des peuples indigènes. Des plantations (distinctes des forêts naturelles) peuvent recevoir la certification FSC. Le label FSC est en pratique décliné en trois labels : FSC 100 % (entièrement fabriqué à partir de fibre issue de forêts certifiées), FSC Recyclé (produits fabriqués entièrement à partir de fibres recyclées) et FSC Mixte.

Au niveau mondial, le label FSC est le second label le plus utilisé, derrière le label PEFC qui est moins contraignant ([69]). Le PEFC a été créé en 1999 par des propriétaires forestiers de six pays européens, également sous la forme d’une organisation internationale non gouvernementale. La certification porte soit sur la gestion des forêts, soit sur la chaîne de transformation et de commercialisation du bois ou des produits à base de bois (comme le papier). Le label PEFC apposé sur un produit atteste que le propriétaire forestier qui a cultivé le bois ou l’exploitant forestier qui l’a récolté et transporté a mis en œuvre les pratiques de gestion forestière durable conformes aux critères et exigence du PEFC, et que toutes les entreprises qui ont ensuite transformé et commercialisé ce bois ont appliqué les exigences de traçabilité. En France, plus de 3 000 entreprises sont certifiées PEFC. Comme pour le label FSC, le label PEFC est aussi décliné en plusieurs labels, dont un label « PEFC Recycled » qui ne peut être apposé que sur des produits intégralement composés de matériau recyclé.

Votre rapporteure regrette que ces labels ne permettent pas de distinguer l’utilisation de bois issu des forêts françaises des bois cultivés à l’étranger, notamment au Portugal ou au Brésil dans des exploitations d’eucalyptus génétiquement modifiés.

Pour aider les consommateurs et les professionnels, l’ADEME publie des analyses et des avis sur les labels écologiques. Par exemple, pour la catégorie « Papiers graphiques non imprimés » (qui correspond aux feuilles de papier, notamment en ramettes, destinées à l’écriture ou à l’impression, qu’elles soient blanches ou colorées), l’avis de l’ADEME ([70]) est positif sur le label FSC mais encore plus favorable sur l’Écolabel européen et sur le label Ange Bleu, ainsi que sur le label Nordic Swan Ecolabel (pour le papier à copier ([71])). Pour la catégorie « Articles en papier transformé » constitués de papier, de papier cartonné ou de substrats de papier (cahiers, carnets, agendas, blocs-notes, enveloppes…), ce sont également l’Écolabel européen et le label Ange Bleu qui recueillent l’avis le plus favorable de l’ADEME. Quant à la catégorie « Papiers destinés à l’hygiène » (papier toilette, essuie-tout, mouchoirs, serviettes, papier d’essuyage industriel…), seul l’Écolabel européen est qualifié d’« excellent ».

Votre rapporteure invite les acteurs du secteur à afficher une ambition collective d’amélioration de la visibilité par les consommateurs, par un engagement volontaire prenant la forme d’un nouveau label français portant uniquement sur le papier – contrairement aux labels forestiers et aux labels généraux – dont l’attribution dépendrait de seuils d’incorporation de fibre recyclée (avec des seuils différenciés selon la catégorie de produits) mais avec un visuel unique reconnaissable incluant la mention du pourcentage de fibre recyclée. Il est proposé que soient, au préalable, définies des classes de performance de recyclage facilement reconnaissables et assimilables par le consommateur, une sorte de « recy-score » comparable au classement énergétique des « produits blancs » (appareils électroménagers), basé sur le pourcentage de fibre recyclée qu’il est techniquement possible d’incorporer dans une catégorie de produits papetiers.

À défaut de la mise en place de ce label unique, il serait opportun et pertinent que les fabricants, qu’il s’agisse de ramettes, de papiers d’hygiène ou de magazines, rendent visible – ou en tout cas plus visible qu’actuellement –  sur leurs produits la présence de fibres recyclées, surtout quand le papier utilisé ne présente pas de « défaut » ou de degré inférieur de blancheur visible à l’œil nu.

S’il semble pertinent de ne pas fixer un seuil unique pour tous les produits, votre rapporteure note qu’il serait souhaitable de viser, pour le plus grand nombre possible de produits papetiers, un pourcentage supérieur à 50 %, en cohérence avec l’attribution du bonus de 10 % dans le cadre de l’éco-modulation de la contribution due par les metteurs en marché.

Recommandation n° 5 : Inviter les acteurs du secteur à s’engager dans la création d’un label papetier pour rendre identifiables les produits dont la composition inclut un pourcentage de fibre recyclée (seuil différencié selon le type de produits, mais visuel unique) avec une classification de performance de recyclage (un « recy-score »).

Recommandation n° 6 : À défaut de label papetier français, inviter les fabricants (de ramettes, de papiers d’hygiène, de magazines…) à rendre visible sur leurs produits la présence de fibre recyclée, avec une classification de performance de recyclage (un « recy-score »).

Recommandation n° 7 : Promouvoir, au niveau européen, l’intégration d’un critère « présence d’un certain pourcentage de fibre recyclée » dans les critères d’attribution de l’écolabel européen définis par la Commission européenne sur la base du règlement du 25 novembre 2009 établissant le label écologique de l’UE.


II.   mÊme si la crise de la filiÈre du recyclage du papier est avant tout une crise de la demande, l’action doit aller de l’amont à l’aval

A.   la crise actuelle est avant tout une crise de la demande de PCR, qui enclenche un cercle vicieux

1.   Une crise structurelle de la demande, accentuée par la conjoncture

Les papiers et cartons usagés récupérés après usage constituent depuis plusieurs années une matière première surabondante en France. Plusieurs acteurs auditionnés, notamment les représentants de Copacel, de Federec et du groupe Paprec, ainsi que les auteurs du rapport du CGE et du CGEDD sur les filières de recyclage françaises ([72]), ont exposé à la mission d’information les causes et les conséquences de ce déséquilibre.

Les représentants de Paprec ont informé la mission que le marché français des PCR est actuellement excédentaire d’environ 2 millions de tonnes par an, ce qui oblige les acteurs de la récupération à exporter des matières issues du tri, faute d’un nombre suffisant de sites industriels utilisateurs de PCR sur le territoire. La fermeture du site de Chapelle Darblay a accentué le problème, comme l’a signalé à la mission la directrice générale de Nouvelle Attitude ([73]) : il n’y a pas d’autre solution que d’exporter ce que le site de Norske Skog Golbey ne peut pas « absorber » –  même si ce site, selon les représentants de Paprec, profite de la situation très excédentaire du marché français qui lui permet de s’approvisionner au prix le plus bas d’Europe. Les journaux et magazines sortant des centres de tri des collectivités locales et récupérés par Paprec sont commercialisés essentiellement dans les pays limitrophes (Allemagne, Belgique, Espagne). Les auteurs du rapport du CGEDD et du CGE ont signalé que les PCR exportés ne sont pas nécessairement recyclés en papier ou en carton mais peuvent aussi faire l’objet d’une valorisation énergétique, notamment en Allemagne où ils servent de combustible pour des usines de cogénération.

Il importe de souligner que, même lorsque le site UPM de Chapelle Darblay était en fonctionnement, il n’était pas possible pour l’industrie française de consommer toute la matière « PCR » collectée en France. Des exportations avaient donc déjà lieu, notamment vers l’Allemagne. Comme l’indique le rapport d’information précité de M. Léonce Deprez, la France est exportatrice nette de vieux papiers depuis 2003.

D’autre part, même si un repreneur est trouvé pour le site de Chapelle Darblay, le problème de l’excédent ne sera pas réglé, puisqu’il n’est pas envisagé que le site reprenne le même type d’activité qu’avant sa fermeture, et parce que le site de Golbey, qui a consommé 535 000 tonnes de PCR en 2020, prévoit de n’en utiliser que 435 000 tonnes en 2021 en raison de la faiblesse des commandes prévues, cette baisse de sa consommation étant la conséquence de la perte régulière de volume du marché sur lequel sa production est vendue.

L’exportation systématique de quantités considérables de PCR pose un problème de crédibilité pour l’économie circulaire en France, comme l’a signalé lors de son audition le délégué général d’Amorce. Elle pose également un problème du point de vue des collectivités territoriales, des « citoyens-consommateurs » et des acteurs économiques français qui supportent les coûts de la collecte et du tri de ces matières, la valeur de celles-ci se trouvant alors exploitée à l’étranger. Toutefois, il faut relativiser cette inquiétude car la situation excédentaire – la matière collectée est supérieure à la matière consommée –  ne caractérise pas seulement la France, mais également l’Europe, et l’excédent n’est pas nouveau, comme l’a relevé le CEPI. Cette situation n’était pas véritablement problématique tant que les PCR non consommés sur le territoire européen pouvaient trouver preneur dans d’autres pays. Mais les débouchés asiatiques qui permettaient d’écouler l’excédent européen de vieux papiers se sont nettement réduits, les pays de destination ayant diminué leurs importations.

Exportations de pcr par les industries papetières européennes représentées par le c.e.P.I (*)

(en milliers de tonnes)

Destination des exportations

2000

2010

2015

2018

2019

Asie

2 894

9 157

9 396

8 762

7 161

Pays européens hors CEPI

676

373

667

965

1 496

Amérique du Nord

47

27

1

5

2

Amérique latine

7

21

9

32

11

Reste du monde

127

14

13

154

121

TOTAL

3 751

9 592

10 086

9 918

8 792

(*) Le CEPI (Confédération européenne des industries du papier) regroupe les fédérations professionnelles de l’industrie papetière des pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Hongrie, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie et Suède.

Source : CEPI, Key Statistics 2019 – European pulp & paper industry

Jusqu’en 2017, le marché chinois consommait une part importante de l’excédent européen, et si la France exportait essentiellement vers d’autres pays européens (et continue de le faire) et très peu vers la Chine, l’industrie française a subi, selon les termes employés par Federec, des « dégâts collatéraux » de cette réduction des débouchés internationaux puisque ses clients européens ne pouvaient plus absorber la totalité de son excédent. À partir de 2021, les importations de PCR venant d’Europe par la Chine seront réduites à zéro, alors qu’elles représentaient 8 millions de tonnes en 2017.

L’utilisation de papier-carton à recycler est demeurée stable dans l’industrie papetière européenne en 2019 (50,7 millions de tonnes ([74])), mais la demande chinoise de papiers-cartons à recycler a continué de diminuer, les autorités chinoises ayant décidé de réduire la dépendance de la Chine vis-à-vis des autres pays s’agissant des matières premières secondaires ([75]) et d’appliquer des exigences renforcées de qualité aux matières à recycler importées. Les besoins de l’industrie chinoise en matériaux d’emballage demeurent extrêmement élevés – la Chine, « usine du monde », étant à la fois un gros producteur et un gros consommateur d’emballages –  mais, comme l’a indiqué le président de Copacel, la Chine produit elle-même de plus en plus de papier, a développé la collecte et le recyclage de PCR sur son territoire, ainsi que des plantations forestières pour produire de la fibre vierge.

En conséquence, les exportations européennes nettes de PCR, qui ont représenté 6,8 millions de tonnes en 2019, ont baissé de 16,2 % par rapport à 2018, bien que des pays comme la Turquie et la Thaïlande aient accru leurs importations de papiers européens à recycler. Pour la première fois, la Chine n’est plus la première destination pour les exportations européennes de vieux papiers (c’est désormais l’Inde). La réorientation du flux des exportations européennes vers le sud-est asiatique ne peut être que limitée, car les pays concernés imposent à leur tour des restrictions sur leurs importations de déchets.

De nouvelles capacités industrielles de recyclage ont été créées dans plusieurs pays européens ([76]), même si les conséquences économiques de la crise sanitaire empêchent, à ce stade, la plupart d’entre elles d’être pleinement exploitées. Les représentants de Copacel ont souligné qu’il y a un réel besoin de nouvelles capacités industrielles en Europe pour recycler les PCR mais que c’est dans des pays européens autres que la France qu’ont eu lieu, ces dernières années, l’installation de nouvelles usines et la reconversion d’usines existantes pour les adapter aux évolutions du marché du recyclage. Le CEPI a fait valoir qu’augmenter les capacités industrielles de production de papier-carton soulève la question de l’attractivité de la France pour les investisseurs internationaux.

Le cercle vicieux qui s’est ainsi trouvé accéléré a été exposé par les représentants de Copacel et par les représentants d’UPM auditionnés : la disparition progressive de la demande amène à la fermeture de sites, et rouvrir ceux-ci, le cas échéant en réorientant totalement ou partiellement leur production, suppose, d’une part, le « retour » ou l’apparition d’un marché, d’une nouvelle demande pour leurs produits, et d’autre part, que cette demande soit pérenne ou du moins semble suffisamment pérenne pour convaincre les investisseurs de réaliser de très lourds investissements pour une durée d’au moins trente ou quarante ans. Cette seconde condition peut expliquer la prudence de certains acteurs à investir dans la reconversion d’usines en France vers la fabrication de carton, une telle reconversion ayant actuellement lieu dans de nombreux sites industriels européens et pouvant donc faire craindre, malgré le dynamisme de la demande de carton d’emballage, une saturation à moyen ou long terme de ce marché si un trop grand nombre d’investisseurs font le même choix. Des développements infra, appuyés sur les conclusions de M. Alain Tripier, permettent néanmoins de nuancer cette crainte à court terme.

Les représentants de Paprec ont signalé qu’à part l’Allemagne, où demeure une pluralité d’acteurs industriels produisant du papier recyclé, la tendance dessine un schéma dans lequel il ne restera, à terme, plus qu’un seul producteur par pays, comme c’est déjà le cas en Espagne, en Belgique et en Suisse. Pour le papier journal, la baisse des volumes consommés entraîne une baisse des volumes produits qui s’accompagne d’une baisse du prix de vente, ce qui implique une perte de rentabilité pour l’activité. Le papier journal a perdu 25 % de sa valeur depuis le 1er janvier 2019.

2.   Des difficultés considérables pour les collectivités territoriales

L’évolution drastique de la demande de PCR a entraîné une chute des prix de reprise de ces matières que plusieurs acteurs auditionnés ont qualifiée d’« effondrement ». Selon FEDEREC ([77]), le chiffre d’affaires réalisé par les recycleurs revendant les déchets de papier-carton triés a chuté de 26 % en 2018, et la crise s’est amplifiée en 2019, avec une nouvelle chute de 50 % en moyenne par rapport au prix moyen de 2018.

La situation d’excédent de l’offre de PCR par rapport à la demande et la chute de leur valeur ont conduit sur la deuxième moitié de l’année 2019 à des difficultés d’évacuation pour les centres de tri et à une forte baisse des prix de reprise, comme l’ont exposé les représentants de l’Association des maires de France (AMF). Selon FEDEREC, à la fin de l’année 2019, les deux tiers des centres de tri subissaient la présence de stocks excessifs menaçant leur activité, faute de repreneurs. Les responsables du SNEFID auditionnés ont attiré l’attention de la mission d’information sur les conséquences de ce surstockage en termes de risque d’incendie et donc de frais d’assurances à supporter. On peut y ajouter le risque que les collectivités soient alors tentées d’enfouir ou d’incinérer ces surstocks – l’incinération étant toutefois plus difficile pour les PCR qui, longtemps stockés, ont pu être dégradés par l’humidité.

L’évolution des stocks des centres de tri et des acteurs de la récupération et celle des stocks des industriels papetiers sont interdépendantes : les représentants de l’AMF ont expliqué que, lorsque les papetiers cherchent à obtenir une baisse des prix des PCR, ils constituent au préalable des stocks, de manière à tarir leur demande vis-à-vis des récupérateurs et des centres de tri, qui sont alors obligés de stocker ou d’accepter une baisse des prix. À l’inverse, lorsque les récupérateurs souhaitent faire évoluer les prix à la hausse, ils peuvent constituer des stocks plus importants pour contraindre l’approvisionnement des papetiers. Ces stratégies antagonistes créent des tensions permanentes et exacerbent les effets de la fluctuation cyclique des cours à l’échelle mondiale, puisque le commerce mondial des PCR est spéculatif.

Comme l’a exposé à la mission d’information M. Alain Tripier, la diminution depuis 2015, puis l’arrêt des exportations vers la Chine, sont en partie responsables de la chute globale des cours de reprise des PCR, ce qui est problématique pour les collectivités territoriales. Par ailleurs, la composition des PCR évolue, avec davantage d’emballages et moins de journaux.

La crise sanitaire de 2020 et le premier confinement ont causé des difficultés importantes pour la collecte sélective dans certains territoires (voir encadré infra). Pour autant, le confinement a eu, dans une certaine mesure, un effet stabilisateur bienvenu, comme l’ont exposé les représentants de Citeo et les associations d’élus locaux auditionnés : la chute forte et brutale, lors du premier confinement, de la consommation de papier dans les bureaux ([78]) et de la production de journaux, de magazines et d’imprimés publicitaires a entraîné une diminution considérable des arrivages de matières dans les centres de tri, ce qui a permis à la filière du tri de liquider une grande partie des surstocks constitués en 2019. La filière du tri est ainsi, selon Citeo, revenue à l’équilibre en termes quantitatifs, même si c’est un équilibre fragile. Les représentants de l’AMF ont signalé que depuis septembre 2020, le problème des stocks excessifs commence à se poser de nouveau, et qu’une forte inquiétude est perceptible s’agissant de leur évolution en 2021.

Les difficultés exceptionnelles de la collecte sélective au printemps 2020

La crise sanitaire liée à la covid-19 et les mesures de confinement ont eu des répercussions sur les différentes prestations liées à la collecte sélective et à la reprise des matériaux issus du tri. Pendant cette période particulière, comme l’a relevé Citeo dans une note du 17 avril 2020, sur certains territoires, la collecte sélective a été totalement interrompue, et l’exploitation de certains centres de tri a été arrêtée du fait du manque de personnel ou de conditions de travail ne permettant pas de respecter les recommandations de distanciation sociale. Au 15 avril, 51 centres de tri sur 176 étaient à l’arrêt du fait de la crise sanitaire et leurs personnels procédaient à la mise en sécurité de leur centre de manière à limiter les risques d’incendie liés aux stocks. Les 122 autres centres de tri poursuivaient leur activité, même si 39 d’entre eux avaient une activité réduite, principalement due à une diminution des quantités entrantes par suite d’arrêts de la collecte sélective sur les territoires et à une diminution du débit de production induite par les règles de distanciation de sécurité entre les salariés sur les tapis de tri.

S’agissant des papiers graphiques, la note de Citeo signale que « les fortes baisses de la collecte et de la production de 1.11 par les centres de tri font craindre des difficultés d’approvisionnement des usines utilisatrices (fabrication de papiers journal et d’emballages type cellulose moulée notamment) dans les prochaines semaines ». Citeo note également une inquiétude similaire sur l’approvisionnement des cartonniers.

Il importe de signaler que le phénomène de constitution de surstocks est loin d’avoir concerné seulement les papiers-cartons : d’autres catégories de déchets relevant de filières REP (déchets de meubles, textiles…) ne trouvaient plus preneur pendant le premier confinement, et ce problème est même antérieur à 2020 s’agissant des textiles.

Au-delà des effets de la crise sanitaire sur les stocks, les collectivités locales plaident pour que le problème structurel des fluctuations des prix de reprise de leurs PCR soit résolu. La crainte qu’ont exprimée les associations auditionnées est que l’on en arrive à une situation extrême dans laquelle des collectivités se trouveraient contraintes de payer des acteurs pour se délester de leurs PCR, parce que les prix de ceux-ci deviendraient négatifs, ou à mettre fin à la collecte sélective pour envoyer tous les déchets au centre d’enfouissement ou à l’incinération ! Les représentants de FEDEREC ont reconnu que cette situation s’est déjà produite mais que le coût en a été supporté par les récupérateurs et pas par les collectivités locales.

Le vice-président de l’AMF a signalé que le prix de reprise est parfois, déjà, égal à zéro. Or, le budget des intercommunalités consacré au financement de la compétence « gestion des déchets » n’est alimenté que par l’impôt, les soutiens financiers des éco-organismes ([79]) et les recettes de la vente de ces matériaux : quand celles-ci diminuent fortement, les collectivités se trouvent souvent contraintes d’alourdir les impôts, ce qui conduit à une situation extrêmement complexe en termes d’acceptabilité sociale, dans laquelle les collectivités demandent aux habitants de trier toujours plus et toujours mieux parce que le coût de l’enfouissement et de l’incinération est très lourd et parce que les matières triées peuvent être source de revenus, mais augmentent les impôts qu’ils supportent.

L’association AMORCE qui regroupe une grande variété de partenaires (collectivités locales, opérateurs, fournisseurs, associations…) a présenté à la mission d’information deux pistes pour remédier aux inquiétudes fondées des collectivités territoriales : la création d’une garantie de reprise analogue à celle de la filière REP « Emballages », et la création d’un fonds de compensation pour « lisser » les prix de reprise. Sans pouvoir à ce stade analyser la faisabilité technique et financière de ces deux créations, votre rapporteure entend les préoccupations sous-jacentes et appelle l’État, les collectivités locales et les autres acteurs concernés – si possible dans le cadre d’une instance permettant de « matérialiser » ou d’incarner l’interdépendance entre tous ces partenaires, ce qui fera l’objet d’une recommandation du présent rapport – à engager une discussion approfondie sur la base de ces demandes.

Les représentants de l’association Amorce ont exposé que, s’agissant de la filière REP « Emballages », dès l’origine, le cahier des charges de l’agrément, rédigé par l’État, a chargé l’éco-organisme (ÉcoEmballages, devenu Citeo) d’assurer aux collectivités territoriales que les matières sortant de leurs centres de tri auraient un « exutoire » et que les collectivités n’auraient jamais à payer pour cela. Il s’agit donc bien du principe d’une garantie de reprise, qui encourage les collectivités – sauf dans la période récente, la crise sanitaire créant des conditions particulièrement difficiles – à investir dans la création et la modernisation de centres de tri pour les emballages et à agir auprès des habitants pour généraliser la collecte sélective. La REP « papiers graphiques » ne comporte pas de dispositif équivalent. Pour l’introduire, une révision du cahier des charges de Citeo – révision qui nécessite un arrêté ministériel, comme celui du 25 décembre 2020 précité - serait nécessaire rapidement, avant le renouvellement de l’agrément en 2022. Ce dispositif comporterait deux volets :

– une obligation, pour l’éco-organisme agréé, d’enlèvement des déchets de papiers graphiques conformes aux standards, en tout point du territoire, et en toutes circonstances (par l’intermédiaire de conventions conclues avec les filières de recyclage ou des fédérations professionnelles par exemple) ; en outre, en cas de défaillance du repreneur, l’éco-organisme agréé s’engagerait également à mettre en place une reprise de dernier recours ;

– un prix de reprise unique, positif ou nul, au départ du centre de tri ou de la plateforme de regroupement et directement versé à la collectivité territoriale.

AMORCE souhaite qu’un tel dispositif soit également introduit dans les cahiers des charges des éco-organismes d’autres filières REP (textile et ameublement).

Cette proposition de garantie n’a toutefois pas fait l’unanimité chez les acteurs auditionnés. Le représentant auditionné de France Nature Environnement a plaidé pour une telle garantie. La représentante de Zero Waste France a reconnu qu’un tel dispositif pourrait se justifier, à la stricte condition que les matières soient reprises uniquement pour être recyclées et pas pour être, par exemple, utilisées pour le compost. Les représentants du groupe Paprec, en revanche, ont fait valoir qu’un tel système coercitif serait difficile à mettre en place et qu’il serait préférable de remplacer le barème aval différencié des soutiens versés par Citeo par un tarif unique de soutien, ce qui permettrait aux exploitants de centres de tri d’adapter leurs efforts de tri en fonction de l’évolution des débouchés propres à chaque sorte ou matière triée. Selon FEDEREC, le marché mondial est désormais trop fluctuant pour qu’il soit possible de garantir des prix plancher. Votre rapporteure note par ailleurs que la « reprise de derniers recours » créerait pour l’éco-organisme un risque financier difficilement quantifiable, au détriment des soutiens financiers qu’il verse déjà aux collectivités.

La seconde proposition porte sur la création d’un fonds de compensation. Il ne s’agit pas là de remédier à l’incertitude structurelle sur les débouchés des matières issues des centres de tri, mais de limiter significativement l’impact des fluctuations, que tous les acteurs auditionnés ont décrites comme considérables, des prix de reprise de ces matières.

Le fonds de compensation consisterait à provisionner une somme par l’éco‑organisme agréé à partir des éco-contributions versées par les metteurs sur le marché de papiers graphiques, qui serait ensuite mobilisable pour assurer un niveau de recettes minimum stable pour les acteurs locaux, dont les collectivités en charge de la collecte et du tri des papiers graphiques. Ce fonds pourrait ainsi compenser des surcoûts temporaires à la reprise et au recyclage de ces déchets (stockage temporaire, recyclage ou valorisation dégradée en période de pénurie de débouchés pour certains standards…), garantir des recettes plus stables pour les collectivités en compensant, au moins partiellement, les chutes des prix de reprise en dessous d’un prix plancher, voire soutenir l’investissement pour assurer le maintien des outils industriels ou leur évolution aux besoins du marché. Ce fonds pourrait être accompagné de systèmes d’intéressement au recyclage de proximité ou à la mise en place de logistiques de transport vertueuses.

Votre rapporteure note cependant qu’un tel fonds pourrait nécessiter d’accroître de manière significative l’éco-contribution due par les metteurs en marché, ce qui poserait la question de sa soutenabilité compte tenu de l’évolution de la consommation de ce type de papiers.

Recommandation n° 8 : À l’occasion de la révision du cahier des charges, préalable au renouvellement de l’agrément de l’éco-organisme en 2022, demander au Gouvernement d’étudier la faisabilité technique, économique et financière de la création d’une garantie de reprise sur le modèle du dispositif de la REP « Emballages » et d’un fonds de compensation pour atténuer l’ampleur de la fluctuation des prix de reprise.

B.   nÉanmoins, c’est une action globale qui est nÉcessaire pour remÉdier aux difficultÉs de la filiÈre

1.   En amont, améliorer la collecte et le tri

a.   La gestion de la collecte et les modalités de tri nuisent parfois à la qualité de la matière récupérée et destinée au recyclage

Les acteurs de l’industrie papetière auditionnés ont expliqué que les industriels achètent les PCR, après que ceux-ci ont été triés, aux collectivités locales ou aux acteurs de la récupération tels que Paprec ou Veolia ([80]), mais qu’ils ont des prérequis : cette matière première doit répondre à leurs besoins. Ces prérequis portent sur les caractéristiques de la matière, en particulier sur sa « propreté », c’est-à-dire sur la présence de matériaux ou substances indésirables (plastiques, colles, teinture dans la masse qu’il n’est pas possible de désencrer…) et sur sa blancheur (plus le papier récupéré est blanc, plus la pâte à papier désencrée sera blanche) : tout flux destiné à un industriel ou à un groupe d’industriels doit être parfaitement adapté aux processus utilisés par ceux-ci.

Pour remédier à la qualité insuffisante de la « finesse » du tri réalisé par les collectivités territoriales ou les acteurs de la récupération, et qui se traduit par une présence, par exemple, de matière plastique trop élevée par rapport aux quantités de contaminants tolérées au cours du processus industriel utilisé sur un site, les industriels se trouvent parfois contraints de réaliser eux-mêmes un tri supplémentaire. Ce « sur-tri » a, pour l’industriel, un coût qu’il doit supporter s’il ne peut pas se procurer de matière de qualité suffisante, et ne permet pas, contrairement à d’autres activités connexes, de générer un revenu supplémentaire par rapport à l’activité principale de l’installation industrielle.

Citeo réalise chaque année une campagne d’analyse de la composition des matériaux triés sortant des centres de tri, pour évaluer leur qualité en fonction de leur aptitude au recyclage et pour suivre l’application des standards par matériau. Sur la base de ces analyses, Citeo constate ainsi un décalage important entre la qualité réelle produite par les centres de tri et la qualité exigée pour respecter les standards ([81]). Pour le standard PCM (papiers-cartons mêlés triés), Citeo a constaté en 2019 la présence de 6 % d’indésirables, pourcentage très supérieur au plafond de 2,5 %. Pour le standard « à désencrer », le pourcentage constaté d’indésirables s’élève à 7 % de la composition, alors que le seuil de tolérance du standard est de 3 %.

La difficulté pour atteindre les prérequis – qui correspondent aux standards de qualité répertoriés dans la nomenclature – est plus ou moins grande selon la qualité visée et le degré de performance du centre de tri. Les centres de tri de « dernière génération » permettent un saut qualitatif important, notamment pour le tri des papiers de bureau. Les représentants de FEDEREC ont cité en exemple l’un des centres de tri les plus récents, celui de Paprec à Chassieu qui trie les déchets de la collecte sélective du Grand Lyon avec les technologies les plus modernes, notamment de robotisation, avec un degré très élevé de productivité et d’efficacité. Mais il semble que la plupart des autres centres de tri, plus anciens, ne soient pas en mesure d’assurer un tri d’aussi grande qualité.

Les représentants auditionnés de l’AMF ont regretté que les récupérateurs imposent aux collectivités territoriales, via les contrats pluriannuels qu’ils concluent avec elles, des exigences de qualité « extrêmement fortes » et qui leur semblent excessives au regard de ce qui peut être toléré dans les processus industriels, en particulier sur la présence, dans les balles de matières issues des centres de tri, de substances ou produits indésirables, et surtout que ces exigences soient, en pratique, fluctuantes puisque, toujours selon l’AMF, en fonction de l’état de leurs stocks, les récupérateurs se montrent plus ou moins stricts sur le respect de ces exigences et refuseront d’acheter un jour ce qu’ils ont pourtant accepté d’acheter le mois précédent.

Le plan de relance bénéficiera aux centres de tri

Le plan de relance présenté le 3 septembre 2020 par le Premier ministre comporte une enveloppe de 500 millions d’euros affectée au Fonds économie circulaire de l’ADEME pour la période 2020-2022, dont 274 millions doivent être consacrés à la modernisation de la collecte, du tri et de la valorisation des déchets. Les services du ministère de la transition écologique ont précisé qu’au sein de ce montant, 84 millions d’euros sont prévus pour la modernisation des centres de tri, les deux tiers de cette enveloppe étant destinés aux centres de tri d’emballages ménagers afin qu’ils se modernisent pour s’adapter à l’extension des consignes de tri. Les centres de « sur-tri » peuvent aussi bénéficier de ces aides de l’ADEME.

b.   Des gisements négligés, inexploités ou insuffisamment collectés

i.   Le « tri 5 flux » des déchets des entreprises et administrations est loin d’être suffisamment mis en œuvre

L’article L. 541-21-2 du code de l’environnement, créé par l’ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des déchets, puis modifié par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), oblige les producteurs et détenteurs de déchets à trier les déchets à la source et, lorsque ce traitement n’est pas effectué sur place, à collecter séparément les déchets, en distinguant ceux en papier, métal, plastique, verre ou bois.

Pour l’application de l’article L. 541-21-2 dans sa rédaction issue de la LTECV, le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets (dit « décret 5 flux ») oblige les acteurs économiques au tri à la source ([82]) de cinq flux de déchets recyclables (papiers/cartons, métaux, plastiques, verre et bois), c’est-à-dire des déchets composés majoritairement d’un de ces cinq matériaux, selon les modalités récapitulées dans le tableau ci-dessous :

Les obligations du « décret 5 flux » du 10 mars 2016

Producteur ou détenteur de déchet

Obligation

Mode de collecte

Seuil (par implantation)

Tous les producteurs et détenteurs de ces déchets (entreprises, artisans, associations, commerces, administrations, collectivités, quels que soient leurs secteurs d’activité), à l’exception des ménages

Tri à la source des 5 flux : séparation de ces 5 flux de déchets des autres déchets (chacun séparément ou bien un ou plusieurs de ces cinq flux en mélange)

Collecte par le service public de gestion des déchets

1 100 litres par semaine

Collecte par un acteur privé

Pas de seuil

Tri à la source des papiers de bureau

Collecte par le service public de gestion des déchets ou par un acteur privé

20 personnes

Source : ADEME, Étude prospective d’évaluation des impacts macro-économiques du développement du tri de 5 flux de déchets par les acteurs économiques (décembre 2019).

Les producteurs et détenteurs de déchets concernés ont le choix entre trois options : valoriser eux-mêmes ces déchets, les céder à l’exploitant d’une installation de valorisation ou les céder à un intermédiaire assurant une activité de collecte, de transport, de négoce ou de courtage de déchets en vue de leur valorisation. Les exploitants d’installations de valorisation et les intermédiaires doivent délivrer à chaque producteur ou détenteur qui fait appel à leurs services une attestation annuelle mentionnant les quantités et la nature des déchets qui leur ont été cédées.

Ainsi, si le tri à la source est mis en place, les producteurs ou détenteurs de déchets doivent collecter les déchets matériau par matériau. Dans le cas contraire, ils doivent organiser leur collecte séparément des autres déchets pour permettre leur tri ultérieur et leur valorisation.

S’agissant des déchets de papier de bureau, dont le tri est également rendu obligatoire par ce décret, ils sont définis comme une catégorie regroupant les déchets d’imprimés papiers, de livres, de publications de presse, d’articles de papeterie façonnés, d’enveloppes et de papiers à usage graphique. Les producteurs et détenteurs de ces déchets (autres que les ménages) ont également l’obligation de trier ces déchets à la source en les séparant des autres déchets, avec les mêmes options que pour le tri « 5 flux ».

L’ADEME a publié en décembre 2019 une étude sur les impacts macro‑économiques que pourrait avoir le développement du tri « 5 flux », qui constate qu’une part importante des déchets qui devraient être triés en application du décret de 2016 ne l’est pas. L’ADEME estime par exemple à 1,26 million de tonnes le gisement des papiers-cartons qui se trouvent mélangés, au lieu d’être triés, à d’autres déchets des acteurs économiques soumis à l’obligation du « tri 5 flux » ([83]).

Pour expliquer la mise en œuvre très insuffisante du tri « 5 flux », l’étude de l’ADEME identifie trois freins : la méconnaissance du décret et des obligations qu’il impose, l’absence de solutions de collecte adaptées aux petits flux ou aux flux dispersés (faute d’offre de la part des grands opérateurs privés) et l’absence de contrôles et de sanctions du dispositif. D’autres acteurs comme le SNEFID et FEDEREC identifient des freins supplémentaires pour les très petites, petites et moyennes entreprises, notamment le coût du tri à la source par rapport à la collecte des déchets en mélange par le service public de traitement des déchets, et le volume nécessaire à la viabilité du modèle économique du tri « 5 flux ».

Sur ce dernier point, on peut noter que la loi précitée du 10 février 2020 ([84]) a introduit des sanctions pénales contre le non-respect des obligations imposées par l’article L. 541-21-2 et le décret « 5 flux », qui n’encourait auparavant que des sanctions administratives.

Plusieurs acteurs auditionnés par la mission d’information, notamment FEDEREC et le SNEFID, ont signalé que le niveau de mise en œuvre de l’obligation de trier à la source les « 5 flux » est loin d’être satisfaisant au niveau des petites et moyennes entreprises. FEDEREC, le SNEFID et la FNADE ont d’ailleurs présenté un plan d’action pour développer le tri 5 flux des PME/TPE, par lequel ils appellent notamment les chambres consulaires, interlocutrices essentielles des PME, à encourager au tri et à la valorisation des déchets ([85]). Partant du constat que trop peu de TPE et de PME connaissent l’existence de cette obligation, les acteurs du tri et du recyclage appellent l’État à lancer une opération de communication des entreprises sur le tri « 5 flux » à l’échelle nationale, destinée tant aux entreprises soumises à cette obligation qu’au grand public, pour compléter la communication déjà réalisée, notamment par l’ADEME avec la Confédération des PME et CCI France.

Votre rapporteure préconise en conséquence que les chambres consulaires, les fédérations professionnelles et les organisations patronales engagent ou renforcent des actions de communication ciblées sur les TPE et PME pour remédier à la méconnaissance de leurs obligations en la matière, et que les solutions de collecte « fine » existantes – qu’il s’agisse d’initiatives de gros opérateurs comme la démarche Recygo ([86]) (La Poste et Suez), ou d’entreprises innovantes, notamment des entreprises dans le champ de l’économie sociale et solidaire (ESS) telles que La Feuille d’érable – soient portées à la connaissance des entreprises par les chambres consulaires, par l’ADEME et par Citeo, afin de diffuser les bonnes pratiques. La collecte des papiers de bureau dans les entreprises et administrations doit être développée, comme y incite le décret « 5 flux », pour alimenter le gisement des vieux papiers graphiques de haute qualité.

Il est également possible, comme le préconise Culture Papier, de créer une structure d’emploi d’insertion importante partout en France, en milieu rural et urbain, pour collecter, trier et alimenter les sites de recyclage.

Il importe d’inclure dans les actions de communication la recommandation de ne pas procéder au déchiquetage des documents confidentiels avant de les jeter, car les papiers ainsi détruits ne peuvent pas être recyclés et sont donc systématiquement inclus dans les refus de tri, comme l’a signalé à la mission d’information le président de La Feuille d’érable, et ce, alors même que le caractère confidentiel des données est assuré à chaque étape : au moment de la collecte, du tri et de la mise en balles.

Recommandation n° 9 : Renforcer les actions d’information et de sensibilisation menées par les chambres de commerce et d’industrie en direction des entreprises, en coopération avec Citeo et l’ADEME, pour remédier à la méconnaissance des obligations instaurées par le « décret 5 flux », en particulier à l’obligation de trier à la source les papiers de bureau (en évitant de broyer ceux-ci), et pour faire connaître les solutions de collecte proposées par les opérateurs, notamment les entreprises du secteur de l’ESS.

ii.   Pour un développement de l’apport volontaire pour les papiers des ménages

Les responsables de Citeo auditionnés ont indiqué que, si 87 % des Français déclarent trier leurs papiers, seulement 41 % disent le faire systématiquement. Il existe donc encore des marges de progression considérable pour développer le tri des papiers à la source par les ménages. Sans ambitionner, car ce serait irréaliste, de parvenir à « 100 % de trieurs systématiques » dans la population française, Citeo reconnaît qu’il est impératif de poursuivre ses actions de sensibilisation, qu’elles s’adressent aux familles, aux commerçants ou aux collectivités.

Le taux de recyclage des papiers graphiques des ménages (et assimilés) est encore relativement faible (58 %), et la présence d’entre 5 et 10 % de papiers dans les ordures ménagères résiduelles (en 2017, chiffres ADEME), même si cette part est en diminution ([87]), interroge. Plusieurs acteurs auditionnés, notamment Culture Papier, en déduisent l’existence d’un potentiel d’amélioration de la collecte de ce gisement. Cette amélioration pourrait impliquer le développement de points d’apport volontaire (PAV) dédiés aux papiers sur le territoire ; selon les informations communiquées par Citeo, en 2015 étaient implantés environ 80 000 conteneurs réservés aux papiers ou aux papiers-cartons, répartis dans 14 000 communes.

Selon les informations communiquées par M. Serge Bardy, l’exemple espagnol est instructif : l’ensemble du territoire espagnol compte 170 000 conteneurs réservés aux papiers et cartons, dont 9 000 dans la capitale, avec en moyenne un conteneur pour 280 habitants, l’installation de ces conteneurs étant financée par l’éco-organisme.

Certes, l’implantation en France de points d’apport volontaire (mis à disposition du public en accès libre) spécifiquement dédiés aux papiers-cartons, voire au papier seul, semble aller à rebours de la démarche nationale d’extension des consignes de tri qui invite les ménages à placer dans une seule et même poubelle tous les emballages, qu’ils soient en carton, en plastique, en métal ou multi-matériaux. Mais une réflexion doit être engagée, sur la base de l’expérience de nombreuses collectivités territoriales, car la complexité des mélanges nuit à la qualité de la matière issue des centres de tri, même lorsque ceux-ci sont dotés des équipements les plus modernes. Les associations telles que l’AMF et Amorce pourraient utilement diffuser les expériences et « bonnes pratiques » des intercommunalités qui ont déjà recours à un tel dispositif.

Un exemple de collecte des papiers en points d’apport volontaire aériens ou enterrés dans le Var : le SIVED-NG

Le territoire du Syndicat intercommunal pour la valorisation et l’élimination des déchets – Nouvelle génération (SIVED-NG), dont le siège est situé à Brignoles, couvre 54 communes du département du Var, regroupant environ 167 600 habitants. Les premières colonnes de collecte des papiers ont été installées en 2001. Le syndicat est issu de la fusion de deux collectivités qui chacune constitue un secteur. Sur le secteur « Est » le papier est collecté en colonnes aériennes, tandis que sur le secteur « Ouest », les colonnes sont majoritairement enterrées et semi-enterrées. En 2019, le nombre total de colonnes est de 268, soit une colonne pour 345 habitants, chaque colonne ayant un volume de 4 m3.

L’installation des 203 colonnes aériennes a représenté un coût de 1 661 euros, celle des 22 colonnes semi-enterrées, un coût de 7 313 euros, et celle des 43 colonnes enterrées, un coût de 10 073 euros. Le coût de la collecte pour cet ensemble de colonnes s’est élevé à 75 334 euros hors taxes en 2019.

Les colonnes ont été positionnées de façon à couvrir l’intégralité du territoire. Les emplacements sont déterminés en accord avec la commune pour l’occupation du domaine public et le prestataire (Valeor), qui collecte et rachète la matière triée. Les emplacements sont des lieux proches des lieux d’habitation, des centres commerciaux, des écoles et de voies de circulation. Les colonnes sont parfois situées dans les centres urbains si le camion de collecte peut y accéder. Les colonnes à papier sont le plus souvent positionnées à côté de colonnes à verre dans le secteur « Est » où les ordures ménagères et les emballages sont collectés en porte à porte. Sur le secteur « Ouest », bénéficiant d’une collecte essentiellement en points d’apports volontaires, les colonnes à papiers sont positionnées à côté de conteneurs des flux verre, emballages et ordures ménagères. Le site internet du SIVED-NG permet aux habitants du territoire de géolocaliser les points d’apports volontaires.

En 2019, les papiers collectés grâce à ces PAV ont représenté 13,5 kg par habitant. Bien que le tonnage soit en baisse depuis quelques années, en raison de la baisse de la consommation de papier, le SIVED-NG s’est fixé pour objectif de disposer d’une colonne pour 300 habitants à l’horizon 2025.

À la sortie du centre de tri, les papiers collectés et triés étaient vendus à l’usine UPM de Chapelle Darblay jusqu’à la fermeture de celle-ci. Depuis lors, ces papiers sont recyclés en Allemagne par une autre usine du groupe UPM.

L’adhésion de la population et un aménagement urbain adapté sont évidemment des conditions d’efficacité pour de tels dispositifs, qui pourraient même être complétés ou remplacés par une démarche volontaire des lecteurs de journaux pour apporter chez leur marchand de journaux les journaux, revues et magazines dont ils n’auraient plus l’usage.

Recommandation n° 10 : Intégrer dans les actions des collectivités locales et groupements de collectivités détenant la compétence de gestion des déchets une réflexion systématique sur l’opportunité d’installer sur leur territoire des points d’apport volontaire dédiés aux papiers-cartons ou aux seuls papiers graphiques.

iii.   Le gisement des manuels scolaires obsolètes

Les publications de l’édition scolaire ne représentent qu’environ 13 % des livres imprimés en France ([88]), mais les manuels scolaires deviennent obsolètes par millions au fil des changements des programmes scolaires. Or il s’agit par nature d’une matière papetière de haute qualité, composée presque exclusivement de fibre vierge ([89]), mais qui, n’étant pas collectée de manière distincte, est jetée en mélange avec les papiers de qualité moindre et les emballages. On rappellera ici que les livres, toutes catégories confondues, ne sont pas inclus dans le champ de la REP « papiers graphiques » et qu’il n’y a donc pas de responsabilité des éditeurs et distributeurs pour contribuer au financement de la « fin de vie » de leurs publications. Selon Citeo, les livres (scolaires ou autres) représentent 3 à 4 % du contenu de la collecte sélective.

Votre rapporteure considère qu’il est particulièrement regrettable de ne pas exploiter un gisement aussi important. Certes, les programmes et donc les manuels ne changent pas chaque année, mais les volumes de manuels à renouveler au moment de chaque révision peuvent dépasser la dizaine de millions d’exemplaires. Des associations de parents d’élèves organisent parfois des opérations de collecte à l’échelle d’un ou plusieurs établissements, ce qui a le mérite d’initier ou de conforter une sensibilisation des familles à l’intérêt du recyclage, mais des initiatives de plus grande ampleur seraient pertinentes et pourraient s’inspirer d’expérimentations déjà réalisées, comme les opérations « Écogeste Collèges » et « Écogeste Lycées », qui ont été portées à la connaissance de la mission d’information par le Syndicat national des éditeurs et l’association Les Éditeurs d’Éducation.

Des expérimentations à reproduire : « Écogeste Collèges » et « Écogeste Lycées »

En 2016 et 2017, suite à la réforme des programmes du collège, une collecte des anciens manuels auprès des collèges volontaires a été initiée par l’éditeur Belin Éducation en partenariat avec Veolia (opération « Écogeste Collèges »). En deux ans, près de 2 000 tonnes de papier ont été collectées et recyclées (il convient toutefois de préciser que les établissements et les élèves avaient également la possibilité de verser dans cette collecte des livres et papiers autres que les manuels scolaires : cahiers, annuaires, magazines, journaux, livres…).

Dans le cadre des réformes du baccalauréat et de la voie professionnelle, les lycées ont renouvelé, à la rentrée 2019, l’ensemble des manuels scolaires de seconde et première générales et technologiques, seconde professionnelle et CAP pour acquérir les éditions conformes aux nouveaux programmes. L’association Les Éditeurs d’Éducation a alors décidé de mettre en place une nouvelle opération de recyclage de manuels obsolètes, « Écogeste Lycées », toujours en partenariat avec Veolia. Le coût de l’opération a été nul pour les lycées participants, Les Éditeurs d’Éducation ayant financé la collecte et Veolia ayant mis à disposition les moyens logistiques nécessaires pour collecter directement les manuels auprès des établissements en octobre-novembre 2019. Les lycées et les associations de parents d’élèves avaient été informés par une campagne de communication en juin 2019.

Parmi les 4 000 lycées de France métropolitaine, 453 ont participé à cette opération en 2019 et près de 500 000 manuels ont ainsi été collectés, soit 700 tonnes.

Les Éditeurs d’Éducation ont signalé que la gestion de cette collecte a été d’une grande complexité, en raison de l’hétérogénéité des situations des établissements (notamment pour les lycées qui n’avaient pas la capacité de stocker les anciens manuels en plus des nouveaux et pour les lycées qui avaient de très faibles quantités de manuels à collecter). L’association indique cependant que de nombreux établissements ont pris contact avec l’association à la suite de cette opération pour savoir si elle pouvait être renouvelée, voire adaptée à d’autres niveaux – des écoles primaires et des collèges ont également marqué leur grand intérêt pour un tel dispositif.

Si les expérimentations précitées ont été réalisées sans but lucratif (les bénéfices tirés par Veolia de la valorisation de la matière ont été versés à des organisations caritatives), une généralisation de ces collectes spécifiques de manuels scolaires dans les établissements de l’enseignement primaire et secondaire ouvrirait des perspectives intéressantes aux opérateurs et notamment aux acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui, par leur implantation locale, seraient en mesure d’adapter les modalités de collecte aux situations individuelles. Votre rapporteure préconise que les éditeurs, les services de l’Éducation nationale, les collectivités, les opérateurs du tri et du recyclage, les associations de parents d’élèves et les autres acteurs associatifs se coordonnent pour organiser, à l’échelle de chaque académie ou de chaque région par exemple, des collectes de manuels scolaires dans les établissements dès l’annonce d’une révision des programmes susceptible d’entraîner la constitution de stocks de manuels obsolètes.

Une massification de cette collecte spécifique est indispensable pour la doter d’un modèle économique viable ; dans son étude précitée de 2019 sur l’économie du livre, le WWF a salué l’opération « Écogeste Collèges » mais a noté que, selon Belin et Veolia, la vente des papiers ainsi collectés n’a pas permis de couvrir l’ensemble des dépenses engendrées par la mise en place du système spécifique de collecte.

Recommandation n° 11 : Organiser de manière systématique la collecte, dans les établissements scolaires, des manuels rendus obsolètes par la révision des programmes scolaires, à travers une coopération des acteurs concernés (établissements scolaires, éditeurs, opérateurs de la collecte, du tri et du recyclage, collectivités territoriales et parents d’élèves).

c.   La situation particulière des territoires ultramarins

La gestion des déchets est une problématique lourde commune à tous les territoires ultramarins mais dont le contexte est spécifique à chacun d’entre eux. La collecte, le tri et le traitement des papiers-cartons doivent être appréhendés dans le cadre d’une analyse plus globale, dont les éléments ont été communiqués à la mission d’information par la vice-présidente de l’Association des communes et collectivités d’outre-mer (ACCD’OM) et par Citeo. Une des priorités pour les collectivités d’outre-mer est la lutte contre les dépôts sauvages, véritable fléau pour ces territoires. L’enfouissement des déchets, solution non durable, demeure encore la solution prédominante en outre-mer, la gestion des déchets étant lourdement handicapée par un déficit en capacités de traitement. Pour les papiers graphiques comme pour les emballages ménagers, les performances de recyclage y sont bien plus faibles que dans les collectivités du territoire métropolitain ([90]). Selon l’ACCD’OM, la collecte sélective et le recyclage sont nettement plus coûteux pour les territoires ultramarins que pour les collectivités de métropole, et les soutiens financiers versés par les éco-organismes – dont Citeo – sont aujourd’hui très éloignés des coûts en question.

Il convient cependant de noter que la collecte sélective et le tri ont été lancés bien plus récemment qu’en métropole (en 2013 à Mayotte, en 2014 à Saint-Pierre-et-Miquelon, en 2015 en Guyane…), et que les conditions topographiques, climatiques et économiques créent des obstacles qui peuvent sembler insurmontables : l’absence de filières de recyclage implique l’absence de solutions de reprise des matériaux autres que l’exportation des déchets vers le territoire de métropole ou vers d’autres pays, les investissements à réaliser sont lourds pour les collectivités alors que les flux sont faibles, la mutualisation entre départements n’est pas possible en raison de l’insularité ou de l’éloignement. S’agissant spécifiquement des papiers-cartons, les conditions climatiques sont défavorables à leur stockage et à leur traitement : du fait de l’hygrométrie de certains territoires comme la Guyane, le papier et le carton ne peuvent pas être stockés sans être dégradés par l’humidité et ne pourraient donc être recyclés que par des filières locales afin d’assurer la rapidité nécessaire du traitement.

Actuellement, les papiers triés en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion sont exportés en Asie, une partie des papiers triés à Saint-Pierre-et-Miquelon est exportée au Canada (lorsque le prix de rachat permet de couvrir le coût du transport maritime) et les papiers provenant de Guyane sont expédiés en France métropolitaine.

Comme indiqué précédemment, Citeo est un partenaire essentiel des collectivités ultramarines, avec lesquelles il contractualise ou pour lesquelles il agit dans le cadre d’un pourvoi (à Mayotte et sur une partie du territoire guyanais) en organisant lui-même la collecte, le tri et le recyclage avec des opérateurs. À Mayotte, l’actuel pourvoi qui couvre la période 2018-2022 devrait être le dernier, puisque Citeo accompagne les collectivités de l’île afin de leur permettre d’assurer elles-mêmes la gestion de leurs déchets à partir de 2023. On peut noter que le territoire mahorais est déjà doté de 152 colonnes de collecte dédiées aux papiers‑cartons et que les tonnages de papiers-cartons collectés à Mayotte ont ainsi progressé de manière considérable (près de 123 tonnes en 2019 contre 49 tonnes en 2014).

Dans les territoires ultramarins comme en métropole, Citeo a également une mission de communication, d’information et de sensibilisation des collectivités et de la population sur les gestes de tri et l’intérêt du recyclage. L’ADEME apporte également son soutien. Une nouvelle campagne de sensibilisation a été lancée en décembre 2020 par l’État, l’ADEME et les acteurs du recyclage en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion.

Malgré les obstacles et contraintes, des progrès ont été faits et des pistes d’amélioration peuvent être envisagées. Par exemple, en l’absence de filières locales de valorisation de la matière, la valorisation des vieux papiers sous forme de combustibles solides de récupération (CSR) est une solution qui, selon l’ACCD’OM, serait envisageable à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Accentuer la sensibilisation de la population des territoires ultramarins doit être une priorité, inscrite dans la démarche de long terme engagée par ces collectivités, et l’État et ses établissements publics doivent poursuivre et renforcer les campagnes et actions en ce sens. L’État devrait également soutenir activement les efforts de coopération internationale à l’échelle régionale, par exemple entre les pays de l’Océan Indien, en matière de gestion des déchets et d’émergence de solutions de traitement et de recyclage.

Recommandation n° 12 : Soutenir de manière renforcée les démarches volontaristes des collectivités ultramarines tendant à créer ou améliorer la collecte, le tri et la valorisation des déchets, notamment pour les papiers-cartons et y compris dans le cadre d’une coopération avec les pays voisins.

2.   Du point de vue industriel, réorienter la production : marchés et débouchés possibles

Le déclin du secteur du papier graphique, analysé supra comme l’une des conséquences les plus évidentes de la crise structurelle que traverse l’industrie du recyclage du papier, doit également conduire la filière à réfléchir à de nouveaux débouchés industriels. Loin de votre rapporteure l’idée de se substituer aux entrepreneurs, il ne s’agit ici que de présenter d’une manière très générale les différentes possibilités identifiées lors des auditions de la mission d’information.

La conversion industrielle des sites de production papetière reste naturellement une question d’opportunité économique propre à chaque entreprise et impose d’ailleurs souvent des investissements considérables. L’idée de votre rapporteure est d’analyser ici les possibles marchés porteurs à venir et de préconiser éventuellement des moyens de les accompagner afin que le secteur papetier français ne manque pas les opportunités futures.

Pour ce faire, votre rapporteure s’efforcera, le plus systématiquement possible, d’analyser les débouchés selon trois grands critères : la situation actuelle de la sorte papetière nécessaire à la production (excédent ou non) ; l’existence d’une demande ou non (existence d’un marché, exigences des consommateurs) ; la faisabilité technique.

À l’issue de l’ensemble des auditions menées, il apparaît que deux grands mouvements complémentaires peuvent être enclenchés : réorienter certains gisements papetiers vers des applications et des marchés nouveaux ou qui vont être amenés à s’approfondir largement d’un côté, développer l’utilisation de fibres recyclées dans certains produits de l’autre côté.

a.   Réorienter les gisements papetiers vers des marchés nouveaux ou à approfondir

i.   La ouate de cellulose : mettre l’économie circulaire au cœur de la rénovation énergétique des bâtiments

La ouate de cellulose est un matériau de construction biosourcé ([91]) utilisé pour l’isolation thermique et acoustique des bâtiments et produit essentiellement à partir de papier journal issu des invendus de presse mais également de déchets d’impression. Ces papiers sont triés, broyés, défibrés (afin d’obtenir des flocons légers) et reçoivent un traitement antifongique, ignifuge et insecticide. La ouate de cellulose est ensuite vendue sous deux principales formes : en panneaux ou en vrac (en France, la plupart du temps il s’agit de sacs mis sur palettes). Elle est ensuite installée par soufflage en combles perdus (85 % du marché de la ouate de cellulose en France), par insufflation en parois verticales, horizontales et en rampants, ou par projection humide en murs (part très marginale du marché en France).

Créée dès 1895 aux États-Unis et utilisée depuis plus d’un siècle notamment dans des pays aux fortes variations de températures (Canada, Finlande), la ouate de cellulose ne constitue pas non plus à proprement parler un produit nouveau en France. La première usine de fabrication a en effet été installée dans les Cévennes en 1981 et la première certification a été obtenue en 1999 ([92]). D’après la représentante de l’Association européenne des fabricants de la ouate de cellulose (ECIMA), auditionnée par la mission d’information, la ouate de cellulose est actuellement utilisée pour réaliser l’isolation ([93]) de 50 000 logements chaque année en France, ce qui représenterait environ 5 % du marché.

Les PME installées en France disposent de cinq unités de production de capacité relativement modeste (5 000 à 15 000 tonnes par an).

Cette faible part de marché interroge face aux nombreux avantages que présente cet isolant :

 sa performance d’isolation est très élevée : selon la représentante de l’ECIMA, il s’agit du produit qui isole le mieux parmi les isolants traditionnels. Son temps de déphasage thermique ([94]) est de douze heures environ, contre quatre ou cinq heures pour un isolant traditionnel. La ouate de cellulose est donc trois à quatre fois plus performante qu’un isolant traditionnel, de par sa densité mais aussi de par ses fibres ;

– il s’agit d’un matériau biosourcé, exemple typique de l’économie circulaire, qui présente un plus faible impact sur l’environnement que les matériaux d’isolation plus communs ;

– son coût de revient au mètre carré serait quasiment identique à celui des autres isolants. Il s’agirait par ailleurs, selon l’auteur de l’étude sur les débouchés potentiels pour une reconversion du site Chapelle Darblay ([95]), M. Alain Tripier, du moins cher des matériaux biosourcés ;

– en lien avec le procédé présenté supra, cet isolant nécessite, pour sa fabrication, très peu d’énergie pour le fabriquer et n’utilise notamment pas d’eau ;

– il s’agit d’un produit très résistant sur le long terme et sur lequel les fabricants disposent d’un recul suffisant. La représentante de l’ECIMA a notamment indiqué lors de son audition que l’observation récente de l’état des premiers chantiers réalisés en France au début des années 1980 a permis de montrer que la ouate utilisée à ce moment-là était, encore aujourd’hui, intacte et ne s’était donc pas dégradée.

Pour autant, malgré ces nombreuses qualités, plusieurs obstacles demeurent pour un déploiement plus large de l’utilisation de la ouate de cellulose dans l’isolation thermique :

 il existe d’abord une sorte de blocage culturel car, dans l’imaginaire collectif, l’isolation se réalise avec des rouleaux ou des panneaux de laine de verre ;

 malgré un coût de revient au mètre carré quasiment similaire, les industriels poseurs se retrouvent moins dans le modèle économique de la ouate de cellulose. En effet, alors qu’il est possible de comprimer la laine de verre, ce qui facilite un stockage plus important, il n’est pas possible de le faire avec la ouate de cellulose afin qu’elle conserve toutes ses propriétés. Ainsi, selon la représentante de l’ECIMA, la rentabilité pour l’installateur serait plus importante avec un matériau classique. Pour reprendre l’exemple donné lors de son audition, dans un camion de 38 tonnes, il n’est possible d’entreposer que 13 tonnes de ouate, tandis que ce sera approximativement le double pour de la laine de verre ;

 le gisement papetier utilisable comme matière première est, à ce stade, limité. Comme indiqué supra, la ouate de cellulose ne peut être réalisée qu’à partir de papier journal. Les fabricants ne s’approvisionnent ainsi que d’invendus de presse ou de chutes d’impression. La représentante de l’ECIMA a insisté sur l’impossibilité regrettable de se fournir en matière première à recycler issue de la collecte sélective, les journaux étant mélangés avec d’autres types de papiers ([96]). Un tel approvisionnement nécessiterait donc un tri supplémentaire, ce qui n’est économiquement pas viable ([97]). Un autre enjeu existe : celui de l’ouverture de l’industrie de la ouate à l’utilisation de bobines « bas de gamme » non désencrées pour fabriquer ce produit, cette utilisation pouvant constituer un nouvel exutoire pour le papier à recycler ;

 en dehors d’initiatives isolées de quelques collectivités territoriales, aucun « bonus » ou aucune incitation spécifique n’existe pour favoriser plus particulièrement l’utilisation de matériaux biosourcés –  et donc encore moins de ouate de cellulose spécifiquement – dans le cadre de travaux de rénovation énergétique, ce qui est assez incompréhensible pour votre rapporteure étant donné leur plus faible impact environnemental.

Les très nombreuses caractéristiques favorables de ce matériau, les conséquences environnementales positives de son utilisation, ou encore sa disposition au cœur d’une économie locale et circulaire démontrent la nécessité d’encourager un déploiement beaucoup plus large de la ouate de cellulose. L’entrée en vigueur prochaine de la réglementation environnementale 2020 (RE 2020) ([98]) aura sans aucun doute un impact significatif. En imposant de réduire également les émissions de CO2 et le bilan carbone au stade de la construction du bâtiment, elle entraînera un développement quasi automatique de l’usage des matériaux biosourcés dans les nouvelles constructions. C’est ainsi que M. Alain Tripier parle dans son étude d’une « croissance à deux chiffres quasiment certaine pour les cinq prochaines années au minimum » avec un fort accroissement de la part de marché des isolants biosourcés, au premier rang desquels la ouate de cellulose pourrait être positionnée. Une étude sur les matériaux de construction biosourcés dans la commande publique publiée par le ministère de la transition écologique en avril 2020 ([99]) indique qu’en 2016 la ouate de cellulose représentait 40 % du marché des matériaux biosourcés en France et qu’elle est donc facile à incorporer dans les marchés publics de travaux ou de rénovation.

Pour renforcer ce mouvement à venir, votre rapporteure considère comme essentiel d’accompagner également la rénovation thermique des bâtiments à base de ouate de cellulose – le cas échéant dans le cadre d’une incitation plus globale en faveur des isolants biosourcés –  en créant une incitation spécifique pour les ménages. Cette dernière pourrait passer, par exemple, par une bonification ([100]) liée à l’usage de ces matériaux dans le cadre du dispositif MaPrimeRenov’ dont la montée en puissance actuelle ([101]) est permise par le plan de relance.

Recommandation n° 13 : Afin de renforcer encore davantage l’engagement écologique porté par le volet « rénovation énergétique » du plan de relance et d’accompagner des filières locales et vertueuses, ajouter une bonification spécifique au dispositif « MaPrimeRénov’ » en cas d’utilisation de ouate de cellulose.

Au-delà d’un impact environnemental favorable évident, le développement de l’usage de la ouate de cellulose dans la construction et dans la rénovation thermique des bâtiments renforcera ce débouché pour la filière papetière. Le rapport précité de M. Alain Tripier propose ainsi – pour Chapelle Darblay, mais c’est applicable à la filière en général – l’ouverture d’un nouveau marché correspondant à la fabrication de bobines de papier non désencré destiné à être transformé en ouate de cellulose. La ressource actuellement utilisée par les industriels de l’isolation (en très large majorité les invendus de presse) devenant de plus en plus rare en raison de la diminution des tirages associée à la contraction des ventes, le développement de ces bobines permettrait un « approvisionnement industriel pérenne et maîtrisé » selon l’étude de marché. Cette dernière précise d’ailleurs également que l’ECIMA aurait montré un « intérêt certain » pour cette production. Si la question du coût de sortie d’usine de ces bobines reste posée, son acceptabilité pourrait être facilitée par la qualité du produit fini et par l’écart possiblement à venir entre la demande et ce que la matière première actuelle permet de satisfaire en termes d’offre.

ii.   Les produits d’emballage : ne pas rater le potentiel de la substitution au plastique et du développement du commerce en ligne

La production de papiers et cartons d’emballage correspond à la fabrication de papiers pour ondulés (PPO) qui permettent la fabrication de caisses en carton, de présentoirs dans les magasins de grande distribution ou encore de cagettes pour les fruits et légumes, de papiers d’emballage (sacs pour les fruits et légumes, papiers alimentaires…) et de cartons plats pour fabriquer notamment des boîtes (aliments, médicaments, jouets…).

Le gisement de PCR nécessaire à cette production à base de fibres recyclées ne poserait pas de difficulté en termes d’approvisionnement. Les sortes papetières utilisables dans l’emballage et le conditionnement sont aujourd’hui en excédent ([102]) et à des prix relativement faibles.

Il est d’ailleurs impossible de qualifier l’emballage de « marché nouveau » d’utilisation de PCR puisque le taux d’incorporation y est déjà supérieur à 90 %. En revanche, il s’agit d’un marché que l’industrie papetière a tout intérêt à développer encore davantage ([103]) puisqu’au gisement d’intrants important s’ajoutent des perspectives de développement évidentes :

– le développement du commerce en ligne – que la crise sanitaire actuelle a d’ailleurs largement accentué avec un très probable effet cliquet – renforce l’utilisation de carton d’emballage. M. Alain Tripier affirme dans son rapport que « le commerce en ligne utilise de cinq à dix fois plus de carton ondulé que le commerce de détail » et que « la demande d’emballage sera en partie liée aux progrès du e-commerce mondial, de l’ordre de + 15 %/an en volume, il semble donc possible de retenir une progression comprise entre 3 et 4 % pour le marché mondial de l’emballage au moins à court et moyen termes » ;

– le remplacement des emballages plastiques par des produits fibreux en raison de l’interdiction progressive des plastiques à usage unique ([104]) devrait tirer vers le haut la demande en carton plat pour l’emballage alimentaire et non alimentaire, en papier, en carton, en cellulose moulée alimentaire (boîtes à œufs) ou industrielle (calage de pièces mécaniques).

Cette seconde perspective doit néanmoins être nuancée en raison de la contrainte spécifique aux emballages alimentaires que plusieurs acteurs auditionnés ont évoquée devant la mission d’information. Nombre des usages de plastiques qui vont progressivement être interdits concernent des utilisations alimentaires pour lesquelles les exigences de traçabilité et d’innocuité sont renforcées. Ces dernières paraissent à première vue incompatibles avec l’utilisation de fibres recyclées dont la provenance est complexe à suivre et dont les caractéristiques et les précédentes utilisations ne permettent pas de garantir l’innocuité totale du produit ([105]). L’utilisation de matériaux recyclés pour l’emballage alimentaire peut en effet augmenter les sources possibles de contamination (les colorants et les additifs qui peuvent être présents dans les PCR mais également les contaminants indésirables liés aux utilisations précédentes de ces papiers et cartons qui forment autant de sources supplémentaires de contaminations possibles).

Au-delà de la seule réglementation, il s’agit également d’une question d’acceptabilité sociale et de confiance des consommateurs qui ne pourra être totale sans des précautions sanitaires renforcées. Deux voies complémentaires semblent devoir être suivies dans ce cadre :

– renforcer les exigences de sécurité sanitaire en faisant évoluer la législation européenne sur les matériaux en contact avec les denrées alimentaires ([106]), qui permet de garantir l’innocuité et l’absence de nuisance sur la qualité des aliments de l’emballage utilisé. Le représentant du Bureau européen des associations de consommateurs (BEUC) auditionné par la mission d’information a en effet insisté sur l’absence de critères précis permettant l’applicabilité de ces règles au papier et au carton. En dehors du plastique, il n’existe en effet pas de règles européennes harmonisées pour déterminer que les papiers et cartons utilisés sont sûrs et inertes, objectifs prévus pour tous les matériaux en contact avec les denrées alimentaires ([107]). Toujours d’après le représentant du BEUC auditionné, cette réglementation devrait être prochainement modifiée dans le cadre du « Pacte vert pour l’Europe » ([108]) et notamment du plan d’action « De la ferme à l’assiette ». Dans ce cadre, votre rapporteure souhaite que la France défende l’établissement de ces règles spécifiques ;

Recommandation n° 14 : Dans le cadre de la future révision du cadre juridique européen applicable aux matériaux en contact avec les denrées alimentaires, demander au Gouvernement de défendre l’établissement de règles spécifiques au papier et au carton aussi concrètes et exigeantes que celles actuellement en vigueur pour le plastique.

– encourager la recherche visant à substituer au plastique, en toute sécurité, le papier et le carton, notamment à base de fibres recyclées. De ce point de vue, votre rapporteure souhaite saluer l’action du Centre technique du papier (CTP) dont la mission d’information a pu auditionner des représentants et qu’elle a pu visiter à titre personnel. Lors de leur audition, ils ont notamment insisté sur les recherches menées afin d’imaginer des « propriétés barrières » pour les futurs emballages papiers et cartons, visant à garantir leur aptitude au contact alimentaire. Ils ont notamment insisté sur une technologie déjà mature pour les papiers et cartons à base de fibre vierge : la chromatogénie, c’est-à-dire le dépôt d’une fine couche de molécules de lipides biosourcés à la surface du papier ou du carton afin de le rendre imperméable. De nombreux défis restent à relever concernant les papiers et cartons à base de PCR. Il s’agit donc de soutenir cette recherche, notamment en raison de la méthode employée par le CTP qui intègre toujours la question de la recyclabilité du produit au cœur de ses innovations.
 

Recommandation n° 15 : Soutenir plus fortement la recherche, notamment menée par le Centre technique du papier (CTP), sur les procédés permettant de substituer papiers et cartons au plastique dans les emballages à usage unique et pour les usages du plastique qui seront interdits.

Si cette question méritait des développements spécifiques, d’autres débouchés sont identifiés concernant la substitution du plastique.

D’autres exemples de débouchés possibles à la suite de l’interdiction progressive des plastiques à usage unique

– La substitution des emballages plastiques par des éléments en papier pour le routage des journaux et des magazines a notamment été évoquée lors des auditions de Citeo, du syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) et de l’imprimerie Léonce Deprez. Cette future évolution présente de nombreux défis : transformation nécessaire des machines des imprimeurs actuellement uniquement adaptées au routage sous plastique, propriétés de transparence du papier, modification de la couverture en cas de routage à découvert… Des travaux de recherche et développement continuent à être menés en partenariat avec le CTP. Votre rapporteure souhaite également qu’ils soient encouragés. L’audition du SEPM a permis de souligner que certains éditeurs ont d’ores et déjà basculé vers l’enveloppe papier, avec des résultats satisfaisants.

– Le marché de la cellulose moulée présente aussi du potentiel. Selon le rapport précité de M. Alain Tripier, la possibilité de développement se trouve essentiellement dans les produits de calage où l’enjeu de remplacement du plastique va également se poser. La partie alimentaire de ce marché présente en revanche les mêmes défis que ceux évoqués supra. La sorte 1.11 pouvant être utilisée pour la production d’articles en cellulose moulée, il s’agit d’un débouché possible pour cette sorte papetière en excédent.

– Le marché du sac en papier, enfin, peut encore représenter un débouché même si la recherche de la substitution au plastique est relativement ancienne en France. Tout comme la cellulose moulée, cette production ne peut représenter que « l’appoint » d’un autre débouché plus ambitieux, comme ceux évoqués précédemment.

Ainsi, la filière de l’emballage – et plus largement du « carton » comme elle est communément appelée – semble constituer en grande partie l’avenir de la production papetière à base de fibres recyclées. L’ensemble des acteurs auditionnés tout au long des travaux de la mission d’information ont en tout cas partagé cette conviction avec ses membres. Celle-ci semble d’ailleurs déjà une réalité concrète pour les industriels : lors de la visite de la mission d’information sur le site de NSG à Golbey dans les Vosges, M. Yves Bailly a présenté le projet visant à convertir une machine dans la production de carton d’emballage permettant le recyclage de 550 000 tonnes de vieux cartons. Il s’agit d’un investissement conséquent de 250 millions d’euros.

iii.   La production d’une pâte à papier recyclée marchande

D’après le rapport précité de M. Alain Tripier, le développement d’une exigence sociétale pour un papier bureautique produit à partir de fibres recyclées – encore embryonnaire mais qui pourrait s’approfondir ([109]) – associée à la force de frappe de la commande publique, qui a déjà des objectifs ambitieux en la matière, devraient permettre un développement futur du marché du recyclé et ainsi créer une demande pour une pâte à papier marchande recyclée.

Cette production a plusieurs fois été évoquée comme un débouché nouveau possible permettant notamment le développement de la présence de fibres recyclées dans l’usage qui serait fait de cette pâte : les ramettes, la matière première des imprimeurs et des papeteries.

Ce marché a déjà existé de manière parcellaire en France avec l’usine Greenfield, à Château-Thierry dans l’Aisne, qui fabriquait de la pâte à papier recyclée marchande lorsqu’elle appartenait au groupe Arjowiggins. Rachetée en 2019 par le groupe allemand WEPA, elle poursuit cette production mais pour une utilisation interne au groupe. C’est aussi actuellement le cas du site d’Everbal du groupe Exacompta Clairefontaine.

Aujourd’hui, en l’absence d’une production française suffisante, les imprimeurs et papetiers souhaitant utiliser de la pâte à papier recyclée s’approvisionnent essentiellement en Allemagne et en Autriche ([110]). Les auditions de la mission d’information ont pourtant montré que certains acheteurs préféraient s’approvisionner, au moins partiellement, en France.

D’un point de vue industriel et économique, le développement d’une capacité de production de pâte à papier recyclée marchande en France supposerait que deux conditions soient remplies :

– afin que cette production soit rentable, il faudrait qu’il soit acceptable de « dégrader » la blancheur et l’aspect de ce papier recyclé ([111]). Il est aujourd’hui beaucoup plus coûteux de produire de la pâte à papier à partir de fibres recyclées que de la pâte à papier à partir de fibre vierge si l’on souhaite une blancheur et des caractéristiques égales car cela suppose des opérations de blanchiment et l’usage de sortes supérieures exclusivement, plus coûteuses et très demandées ; la recommandation n° 19 (voir infra) préconisant une campagne de sensibilisation des consommateurs à l’usage d’un papier « moins blanc » s’inscrit pleinement comme une solution à cette première condition ;

– une valorisation sociétale plus grande du papier recyclé en France, par le biais d’un label par exemple, comme recommandé plus haut (recommandation n° 5) mais aussi, pour le papier bureautique, d’une campagne sensibilisant à l’impact du numérique sur l’environnement afin que ce choix industriel ait un sens global ([112]). Le papier graphique est en effet structurellement en déclin, comme évoqué supra, ce qui n’incitera aucun industriel à s’installer sur ce segment de marché.

En outre, la mise en œuvre des textes récents sur l’orientation de la commande publique de l’État vers le papier recyclé ainsi que de la recommandation n° 4 portant sur les commandes de papier des collectivités territoriales auront pour effet de créer un marché incitant les industriels à s’organiser pour répondre à ces nouveaux besoins.

b.   Renforcer l’usage de fibres recyclées dans certaines utilisations existantes

Avant d’évoquer les diverses applications où l’incorporation de fibres recyclées pourrait être renforcée, votre rapporteure tient à souligner que la condition sine qua non associée est celle du développement d’une production de pâte à papier recyclée marchande en France telle qu’évoquée supra. Sans cela, les futurs engagements ou obligations de la filière profiteraient à des pays étrangers et les importations alourdiraient le bilan écologique de la production.

i.   Presse et magazine

En ce qui concerne le papier journal, il est apparu très clairement, tout au long des auditions et des visites auxquelles la mission d’information a procédé, que la presse papier est globalement un exemple vertueux d’économie circulaire. Les PCR représentent en effet plus de 90 % des approvisionnements dans ce secteur. C’est sans aucun doute lié aux caractéristiques propres à un journal, qui n’a par définition pas vocation à durer et dont l’usage ne rend pas nécessaires des caractéristiques et des capacités de blancheur et de résistance importantes.

L’audition du directeur général de l’Alliance de la presse d’information générale, M. Pierre Petillault, a permis de souligner cet engagement, ce secteur contribuant à « tirer vers le haut » le taux de recyclage global du papier. Pour autant, elle a également montré à votre rapporteure qu’il existe encore des disparités importantes dans le pourcentage de fibres recyclées utilisées pour la production des différents quotidiens. M. Pierre Petillault a évoqué, par exemple, des taux avoisinant régulièrement les 100 % pour Le Monde ou Le Figaro contre moins de 60 % en moyenne pour Les Échos. Pour la presse quotidienne régionale, les taux semblent varier entre 60 et 80 ou 90 %.

Il apparaît ainsi possible, et souhaitable selon votre rapporteure, de renforcer encore autant que possible l’usage de fibres recyclées dans la production de papier journal en allant progressivement vers une harmonisation de cette utilisation. L’application de la loi précitée du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire en fixant notamment un taux plancher progressif de papier recyclé utilisé pour l’impression des journaux ([113]), ira dans ce sens, ce que votre rapporteure salue.

Du côté de la presse magazine, avancer un chiffre apparaît beaucoup plus compliqué tant les situations semblent diverses, notamment entre les types de magazines (des PCR seraient assez largement utilisés comme matière première pour les magazines de programmes télévisuels alors qu’il n’y en aurait pas ou quasiment pas pour les magazines de voyage, de découverte ou destinés aux enfants). Néanmoins, l’ensemble des auditions où cette question a été évoquée laisse entendre que le taux d’incorporation est très faible dans ce secteur.

Selon M. Alain Augé, président du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), auditionné par la mission d’information, cette différence avec le papier journal s’expliquerait par un « rapport texte-image » beaucoup plus important dans le cadre d’un magazine, alors que pour un journal, seule compterait la densité de l’information. S’il apparaît tout à fait possible d’augmenter la part de fibres recyclées globalement présentes dans la presse magazine en lien avec les obligations en application de la loi « AGEC », il ne fait pas forcément sens, toujours selon M. Alain Augé, d’imposer une incorporation de papier recyclé dans un secteur où la qualité est fondamentale pour le consommateur.

Votre rapporteure est néanmoins convaincue qu’une augmentation de la part de fibres recyclées dans le papier composant les magazines est possible sans dégrader leur qualité, d’une part parce qu’il est techniquement possible de produire du papier recyclé présentant un degré élevé de blancheur, au point d’être confondu par le lecteur avec un papier vierge, et, d’autre part, parce qu’elle est convaincue que les lecteurs sont prêts - et si tel n’est pas le cas, doivent être sensibilisés - à lire sur un papier moins blanc sans que ceci n’altère leur plaisir de lecture.

Recommandation n° 16 : Inviter la presse à incorporer davantage de fibre recyclée dans le papier utilisé pour imprimer les magazines.

ii.   Papier bureautique

Sans qu’il ait été possible pour la mission d’information d’obtenir des chiffres précis en la matière – l’industriel WEPA a indiqué lors de son audition que seules 5 à 8 % des ramettes vendues en France sont des ramettes recyclées, l’UGAP a donné le taux de 6 % –  il apparaît également que la consommation de papier bureautique recyclée (et donc l’offre associée) pourrait être davantage développée.

L’augmentation régulière de la qualité du papier recyclé, qui se poursuit à travers les travaux de recherche du CTP, a mis un terme aux craintes d’endommagement des outils d’impression. Le rôle de la commande publique et de ses objectifs ambitieux a été déterminant dans l’augmentation de la consommation de papier bureautique à base de fibres recyclées même si l’ambition ne serait pas, à ce stade, la même dans toutes les collectivités. Une sensibilisation accrue des consommateurs et des salariés au sein des entreprises permettrait d’augmenter cette demande. Néanmoins, cela suppose deux conditions préalables :

– une production française de pâte à papier marchande recyclée sur laquelle votre rapporteure insiste encore une fois, sans laquelle ce développement a peu de sens pour notre tissu industriel : cette question est entre les mains des acteurs de la filière ;

– un renforcement du tri des papiers bureautiques au sein des entreprises afin d’augmenter le gisement ([114]) d’ailleurs déjà largement utilisé par le secteur de l’hygiène.

iii.   Papier d’hygiène

Copacel et les industriels du secteur auditionnés s’accordent autour d’un taux d’incorporation actuel de PCR dans les papiers d’hygiène autour de 35 %. Bien qu’il soit inférieur à celui de l’emballage ou du papier graphique, ce taux est significatif, surtout au regard des caractéristiques spécifiques attendues pour ces produits. Ce chiffre est néanmoins essentiellement porté par la demande des collectivités et des entreprises, comme votre rapporteure y revient infra.

Là encore, l’appellation « papiers d’hygiène » recouvre différents produits dans lesquels, selon les industriels, les possibilités d’incorporation de PCR sont distinctes et pour des raisons différentes :

– dans le cas de l’essuie-main, les exigences de blancheur et de douceur sont minimes, il est donc possible d’utiliser largement des PCR comme matière première ;

– pour le papier toilette et les mouchoirs, cette incorporation est plus complexe et moins répandue en raison, justement, de ces exigences de blancheur et de douceur ; on peut noter que les représentants de FEDEREC auditionnés ont tout de même cité l’usine du groupe italien Lucart à Laval-sur-Vologne (Vosges) qui produit du papier toilette 100 % recyclé à partir de briques alimentaires ;

– enfin, la question de l’essuie-tout a été signalée comme très particulière en raison des contraintes liées au contact alimentaire, problématique similaire à celle de l’emballage évoquée supra. L’intégration de fibres recyclées, présentée à la mission d’information comme très difficile voire impossible par certains auditionnés, serait néanmoins possible à condition d’exigences de traçabilité renforcée si l’on en croit un autre industriel du secteur auditionné.

Au-delà de ces différences liées à la nature du produit, on constate également des écarts en fonction de la destination des productions. Ainsi, en France, la consommation de papiers d’hygiène fabriqués à base de fibres recyclées est très largement portée par les collectivités et les entreprises, où la problématique économique l’emporte sur celle du « confort » (les PCR ont longtemps été beaucoup moins chers que la fibre vierge) et en raison de l’exigence d’exemplarité.

Du côté des ménages en revanche, toutes les études de marché présentées à la mission par les industriels démontrent des attentes de blancheur et de douceurs renforcées. Ce constat dénote par rapport aux Allemands qui auraient, selon les acteurs auditionnés, des exigences beaucoup plus pragmatiques.

Ces attentes rendent les industriels frileux sur l’intégration de PCR dans leur production de papiers d’hygiène. Un chiffre édifiant a été donné à titre d’exemple par les représentants de WEPA lors de leur audition : dans la grande distribution, en moyenne, en Allemagne, le papier toilette est constitué à environ 23 % de fibres recyclées, alors qu’en France ce taux n’atteindrait qu’environ 4 % en moyenne. L’entreprise a d’ailleurs tenu à préciser que le blocage provenait davantage de la grande distribution qui, compte tenu de la structure du marché français et des attentes des consommateurs, privilégie l’achat de papier toilette – mais ce constat peut être élargi à d’autres types de papiers d’hygiène – à base de 100 % de fibre vierge.

Il convient également de souligner que même dans le cas où l’industriel ferait le choix ambitieux d’utiliser des PCR, il lui faudrait se fournir en sortes supérieures quasi-exclusivement ([115]), afin d’éviter une présence trop importante de lignine ([116]). Cet élément est à prendre en compte car il n’est pas sans poser des questions de coûts et d’approvisionnement qui seraient d’ailleurs de plus en plus fréquentes avec l’augmentation du taux d’intégration. Cela conforte votre rapporteure dans son constat d’une sensibilisation nécessaire à la collecte des papiers bureautiques afin de la démultiplier et ainsi de limiter les tensions sur les sortes supérieures ([117]).

Cette problématique laissée de côté, les auditions réalisées par la mission ont démontré qu’une production de papiers d’hygiène utilisant partiellement des fibres recyclées était possible. Ainsi, l’entreprise WEPA a développé une gamme « hybride » composée à 30 % de fibres recyclées, qui correspond, selon ses représentants auditionnés, au seuil maximal actuel accepté par le consommateur pour garder des propriétés de douceur et de blancheur acceptables. Votre rapporteure considère que l’on pourrait, dans un premier temps, développer ces produits hybrides et appelle la grande distribution à moins de frilosité sur ce sujet. Comme déjà évoqué, cela devra aller de pair avec une meilleure valorisation de l’incorporation de fibres recyclées. La sensibilisation du consommateur apparaît sur ce point un élément essentiel.

Recommandation n° 17 : Développer les produits hybrides (partiellement composés de fibres recyclées) dans le secteur de l’hygiène et appeler la grande distribution à moins de frilosité sur ce sujet et à une sensibilisation du consommateur sur ce sujet.

3.   En aval, sensibiliser encore davantage le consommateur et opérer un changement culturel

Tous les acteurs auditionnés, sans aucune exception, ont évoqué devant la mission d’information un élément culturel qui serait incontournable pour comprendre la situation de la filière du recyclage du papier en France : les Français auraient une appétence pour un papier très blanc et de qualité supérieure. Ils rejetteraient, malgré une conscience écologique grandissante, un papier grisâtre ou qui serait d’une qualité un peu inférieure. Cet élément culturel était aussi, sans exception, toujours mis au regard de la situation allemande où les exigences des consommateurs seraient beaucoup plus « militantes » ou pragmatiques et l’acceptabilité d’une moindre qualité largement compensée par la conscience des bénéfices écologiques.

Votre rapporteure souhaiterait en premier lieu faire une remarque : malgré cette unanimité frappante, aucune étude spécifique (en dehors de quelques études de marché présentées par des industriels, notamment sur l’hygiène) ni aucune enquête d’opinion étayant cet élément n’a pu être présentée à la mission d’information. Ni les administrations, ni les industriels, ni les associations de consommateurs interrogés par la mission n’ont pu apporter des éléments permettant d’appuyer cette idée.

Votre rapporteure souhaiterait donc qu’une étude soit menée sur cette question spécifique, qui pourrait par exemple être confiée à l’ADEME et qui permettrait, le cas échéant, d’en comprendre les tenants et les aboutissants pour mieux travailler à la sensibilisation des consommateurs.

Recommandation n° 18 : Demander à l’ADEME une étude sur la question de la perception du papier recyclé par les Français et notamment sur le rejet présumé d’un papier de moindre blancheur. Si cette étude a été réalisée, l’actualiser.

Le consommateur est bien entendu fondé à exiger des niveaux de qualité et de blancheur optimaux pour certains produits. C’est d’ailleurs heureux car le maintien d’une production de papier à base de fibre vierge – toujours au moins partiellement et même parfois à 100 % pour certains usages spécifiques – est essentiel à l’équilibre de la filière papier au sens large. Néanmoins, pour certains produits, l’usage  très large ou seulement partiel  de PCR comme matière première ne nuirait pas du tout à la qualité du produit ou de manière tellement marginale qu’il n’aurait aucune conséquence sur certaines utilisations. Dans ce cadre, le développement de l’usage de fibres recyclées rend nécessaire une sensibilisation accrue du consommateur, afin que celui-ci introduise dans ses habitudes, comme l’ont fait les consommateurs allemands, l’utilisation de papier ne présentant pas un degré de blancheur très élevé.

De plus, il est possible de produire du papier recyclé à blancheur égale aux productions à partir de pâte vierge. Mais cela implique l’ajout de produits chimiques tels que les azurants optiques ou le kaolin, ce qui rend le papier recyclé plus coûteux et moins performant du point de vue environnemental. Dégrader la blancheur permettrait ainsi de limiter l’usage de produits chimiques.

Cette sensibilisation a d’ailleurs également du sens en ce qui concerne la production de papier à base de fibre vierge. En effet, le papier issu du bois est « marron » avant d’être blanchi. Ainsi, afin d’accentuer le blanc de la feuille, sont ajoutés des azurants optiques. Même dans le cas de la fabrication de papier à base de fibre vierge, l’attente d’un papier d’un haut niveau de blancheur rend indispensables des traitements chimiques qui augmentent son coût de revient et qui alourdissent son bilan environnemental. Abaisser la demande de blancheur permettrait ainsi une baisse de l’usage des produits chimiques par cette industrie.

Une fois que l’étude demandée à l’ADEME dans la recommandation précédente aura été publiée, votre rapporteure souhaiterait donc que soit confiée à Citeo et à l’ADEME une vaste campagne de sensibilisation des consommateurs sur l’usage d’un papier « moins blanc ».

Recommandation n° 19 : Une fois les conclusions de l’étude prévue à la recommandation précédente rendues, demander à Citeo et à l’ADEME une campagne de communication auprès des consommateurs sur le « papier moins blanc » qui traiterait objectivement les craintes et les objections identifiées.


III.   les solutions ne peuvent s’imaginer qu’au sein d’une filière constituée et en veillant à la mise en place d’un nouvel équilibre entre les filières

A.   les acteurs n’agissent pas en filière

M. Serge Bardy, auditionné par la mission d’information au titre de son rapport précité de 2014, a souligné la nécessité, pour l’ensemble des acteurs, de réfléchir collectivement afin de répondre à la crise de la filière papetière. Votre rapporteure souscrit pleinement à ce constat, étayé par de nombreuses auditions de la mission d’information, par exemple celle de WWF dont les représentants ont déploré l’absence de vision intégrée de la complémentarité des sources et des usages et ont appelé les acteurs à « faire filière ».

Le secteur du bois et l’industrie papetière sont interdépendants, donc les difficultés de la seconde ont un impact sur le premier, pouvant aller jusqu’à menacer son équilibre économique. Cette interdépendance appelle une réflexion commune aux deux secteurs.

La problématique du tri crée également une nécessité forte de dialogue et de concertation, et les auditions menées par la mission d’information n’ont pas convaincu votre rapporteure que ce dialogue est actuellement organisé, approfondi et fructueux. Comme on l’a vu précédemment, une qualité insuffisante du tri génère, pour les acteurs industriels, des coûts supplémentaires ou des difficultés d’approvisionnement en vieux papiers adaptés à leurs besoins. Dès lors, il est nécessaire que les acteurs de l’industrie papetière travaillent avec les acteurs du tri (les collectivités territoriales et les repreneurs des matières issues des centres de tri) afin de permettre un meilleur recyclage et à un moindre coût.

Une réflexion en termes de filière s’impose, avec le développement d’une vision globale et collective. Le manque de stratégie collective entraîne des choix unilatéraux qui ont des conséquences sur chaque secteur de la filière.

Le représentant de l’ADEME auditionné par la mission d’information a également souligné l’importance, pour les autres acteurs, d’écouter et de comprendre les besoins des papetiers français et de travailler en logique de filière. Sur la base des résultats de l’étude précitée de l’ADEME sur l’adéquation des sortes papetières par rapport aux besoins des utilisateurs, l’ADEME insiste sur la nécessité de collecter et trier pour les industriels plutôt que trier et collecter dans une logique de mise directe sur le marché. 

Il ne s’agit pas de préconiser l’organisation d’une filière du papier recyclé : comme on l’a vu, l’interdépendance entre le secteur de la fibre vierge et le secteur du recyclage est profonde, structurelle, et la reconnaissance d’une « filière » n’a pas de sens si celle-ci tient compte de cette interdépendance. En revanche, une réflexion doit être lancée par les pouvoirs publics et les acteurs sur le périmètre adéquat. En la matière, les préconisations du rapport Bardy de 2014 ont conservé toute leur pertinence.

Les recommandations du rapport Bardy
sur la constitution d’une « filière cellulose »

Le rapport précité de M. Serge Bardy préconisait l’organisation d’une « filière cellulose », structurée par la logique d’économie circulaire et par l’interdépendance d’industries et d’activités, incluant la filière du papier mais allant bien au-delà de celle‑ci en amont comme en aval car une filière est un enchaînement d’activités constituant une chaîne de valeur. Pour le papier, cette chaîne de valeur a pour double point de départ la production de fibre vierge issue du bois et le processus de collecte et de tri du gisement des papiers-cartons usagés, et se déroule à travers les opérations de transport, de valorisation, de production de papier, de distribution, de transformation et de consommation.

Il recommandait notamment la conclusion d’un « contrat stratégique de filière » mais pas de créer un nouveau comité stratégique de filière ([118]), pour ne pas multiplier ces structures, d’autant que l’industrie papetière est déjà partie prenante du comité stratégique de filière « Chimie et matériaux » (qui inclut également des représentants des secteurs de la chimie, de la plasturgie et du caoutchouc) ; la filière « Bois » est pour sa part déjà dotée de son propre comité stratégique, et les acteurs du traitement des déchets et de la récupération également (CSF « Transformation et valorisation des déchets »). En revanche, il préconisait la constitution d’un « comité de filière » dédié à l’élaboration d’un « projet collectif autour de la matière cellulose », sur le modèle des démarches lancées en 2013 respectivement par les acteurs de la filière aluminium et par les acteurs de la filière restauration pour remédier à la dispersion de ces acteurs et au manque de vision commune.

Ainsi, les différents producteurs de la filière doivent se concerter et communiquer afin de répondre aux différents besoins des consommateurs, lutter contre la crise et pérenniser la filière. Comme l’a suggéré le délégué général d’Amorce, il est indispensable de se doter d’une stratégie, par exemple en fixant un objectif d’autonomie de la France en termes de capacités industrielles permettant de donner une « deuxième vie » aux PCR.

L’organisation choisie permettra un travail collectif sur la création éventuelle d’un label spécifiquement papetier valorisant la présence de fibre recyclée dans les produits et non plus seulement la présence de fibre issue de forêts gérées de manière durable (voir recommandation n° 5).

La création d’un comité stratégique de filière (voir encadré ci-dessus) aurait également pour vertu de permettre à tous les acteurs – fibre vierge, fibres recyclées et bois – mais aussi avec les utilisateurs – imprimerie, presse, ouate de cellulose, emballage, hygiène - de s’engager dans une stratégie commune d’industrialisation et de développement. Votre rapporteure est convaincue que ce dialogue, base d’une action concertée, permettra à l’industrie papetière de s’inscrire durablement dans l’histoire industrielle de la France. Elle souligne qu’il sera impératif d’inclure dans cette instance des acteurs de la formation des salariés, comme l’INP Pagora de Grenoble dont le directeur a été auditionné par la mission d’information, et des acteurs de la recherche et de l’innovation comme le Centre technique du papier.

Recommandation n° 20 : Engager une structuration d’une « filière cellulose », en créant une instance permanente de dialogue – un comité stratégique de filière – qui pourra élaborer un contrat de filière.

B.   ne pas sacrifier la filière bois-forêt, ni la filière pâte vierge

1.   Il convient de maintenir une production de pâte vierge pour certains usages

Comme l’a indiqué le président de Copacel devant la mission d’information, la production de papier et de carton (mais surtout de papier) « repose sur un équilibre entre le bois, matériau renouvelable lorsqu’il est géré durablement, et les vieux papiers et cartons récupérés en vue de leur recyclage ».

C’est d’abord une question de faisabilité technique qui impose de maintenir une production de pâte vierge. Il convient en effet de rappeler une évidence déjà évoquée : pour faire du papier recyclé, il faut nécessairement de la pâte vierge. Le papier n’est pas recyclable à l’infini : il se dégrade à chaque cycle de recyclage et les fibres raccourcissent. Un apport de fibre vierge est donc indispensable au cycle du recyclage. L’ensemble des acteurs auditionnés a insisté sur ce point, s’accordant tous sur un apport minimum indispensable de « 10 à 12 % » environ. Ce constat est apparu clairement dès le déplacement de la mission d’information dans les Vosges en septembre 2020. Le groupe NSG a ainsi indiqué à cette occasion aux membres présents que le bois représente 32 % de la matière première utilisée pour la production de son papier journal. Les représentants de Copacel sont également largement revenus sur cet apport indispensable, indiquant même que la présence prépondérante de fibre vierge dans certains usages du papier est nécessaire au renouvellement de la fibre. C’est en effet une des spécificités de la fibre de cellulose que de s’abîmer avec le temps et certains acteurs ont donc pu la qualifier de « non renouvelable infiniment ». Il apparaît en effet concrètement que sans aucune nouvelle introduction de pâte vierge, la fibre s’abîme et qu’un apport partiel est donc absolument nécessaire à certaines productions ([119]).

Ce sont ensuite des problématiques de qualité et de propriétés qui imposent de maintenir une production de papier à base de fibre vierge pour certains usages. Votre rapporteure y est longuement revenue supra. L’utilisation de fibres recyclées n’est aujourd’hui pas possible pour le contact alimentaire ou lorsque le produit fini doit présenter une certaine rigidité ou résistance à l’humidité (même si grâce au travail de recherche du Centre technique du papier, ces limites devraient à terme disparaître). Le syndicat national de l’édition (SNE) a insisté sur la spécificité du livre, objet culturel et artistique par excellence dont les formes, la couleur ou encore la qualité du papier sont extrêmement diversifiées et dont l’usage plus important de fibres recyclées n’est ni possible la plupart du temps ni, en réalité, souhaitable, notamment du fait qu’ils ont vocation à durer dans le temps, n’ont pas vocation à faire l’objet d’un usage unique (pluralité de lecteurs), et en raison du risque de jaunissement du papier avec le temps (même si ce risque peut être limité si le livre est rangé dans une bibliothèque).

Votre rapporteure partage cette conviction spécifique au livre, mais y apporte une nuance : une augmentation modérée de l’incorporation de fibres recyclées pourrait être envisagée sans dénaturer les ouvrages, et même être substantielle concernant les livres de poche, mais aussi pour les livres scolaires, ce qui permettrait aux enfants de se familiariser avec la fibre recyclée.

En revanche, votre rapporteure considère que la préservation d’une production de papier à base de fibre vierge doit s’accompagner d’exigences environnementales accrues. Des entreprises sont d’ores et déjà engagées dans une recherche continue d’économies d’énergie ou d’énergie « verte », ou d’une boucle interne de recyclage des produits chimiques, comme par exemple l’usine International Paper à Saillat-sur-Vienne.

La promotion d’un « score carbone » à travers notamment l’analyse en cycle de vie (ACV), tel que proposé par la Convention citoyenne pour le climat, permettrait d’accompagner et de promouvoir ces comportements vertueux. Le groupe Hachette pratique déjà depuis dix ans un étiquetage environnemental des livres qu’il édite pour informer les lecteurs sur l’empreinte carbone des publications qu’ils achètent ; la maison d’édition Fayard, qui fait partie du groupe Hachette, applique une méthodologie établie en collaboration avec le cabinet de conseil Carbone 4. On apprend ainsi, par exemple, que l’empreinte carbone d’un exemplaire du livre « Une terre promise » du Président Barack Obama est de 1,7 kilogramme-équivalent CO2.

Outre les labels qui doivent sans aucun doute être clarifiés, le développement de l’analyse en cycle de vie (ACV) pour le papier doit être encouragé ([120]).

2.   Une réorientation partielle du bois d’industrie vers d’autres usages a commencé, mais la filière bois a encore besoin de l’industrie papetière

L’industrie papetière ne peut pas se passer de bois ; les représentants auditionnés de WWF et de Copacel ont particulièrement souligné le « lien originel à la forêt » qui demeure essentiel. Réciproquement, la filière bois-forêt ne peut pas se passer de l’industrie papetière – pas à ce jour, du moins. Contrairement à une idée reçue, en France, sauf de manière marginale sur quelques parcelles ([121]), aucun arbre n’est détruit dans l’unique but de fabriquer du papier. Selon l’un des acteurs industriels rencontrés, cette industrie prélève chaque année une très faible part de l’augmentation naturelle annuelle de la forêt française.

Ce n’est pas le cas partout dans le monde, puisque, comme l’ont fait remarquer plusieurs acteurs auditionnés, certains pays alimentent leur industrie papetière domestique et l’industrie papetière mondiale en fibre vierge grâce à d’immenses plantations en monoculture, en particulier des plantations d’eucalyptus, comme au Portugal, au Chili ou encore, sur une échelle évidemment bien plus impressionnante, au Brésil. Or à l’heure actuelle, selon les représentants de WWF, 30 % de la pâte à papier mondiale vient du Brésil et le bois brésilien coûte aux papetiers européens implantés en Amérique latine 20 à 30 % moins cher que le bois français pour les usines des mêmes groupes papetiers implantées en France. Mais ce type de plantations industrielles suscite de profondes inquiétudes sur leur impact environnemental en termes de déforestation, même lorsqu’elles sont certifiées « PEFC », ce qui démontre d’ailleurs les limites de ce label.

Comme l’ont indiqué le président de Copacel et les représentants d’exploitants forestiers auditionnés, ce n’est pas le bois « noble », les plus belles grumes, qui sont transformées en papier. Chaque coupe réalisée dans une forêt peut générer du bois d’œuvre, destiné aux scieries et aux fabricants de contreplaqué pour la construction, la menuiserie et l’ameublement, du bois énergie destiné au chauffage ou à l’alimentation de centrales productrices d’énergie, et du bois d’industrie (destiné à 60 % à la fabrication de pâte à papier et à 40 % à la fabrication de panneaux pour l’ameublement et la construction), même si les proportions respectives des trois catégories varient considérablement en fonction de l’âge, de la qualité et de l’essence des arbres. Le schéma suivant, proposé par Culture Papier, montre que chaque élément du bois a sa destination propre :

les usages distincts des composants du bois

Source : Culture Papier

Les représentants de l’association Culture Papier que la mission d’information a auditionnés ont souligné que si le débouché principal du bois est la construction, ses déchets (copeaux, résidus…) sont la matière première de la pâte à papier. L’industrie papetière n’utilise ainsi que 15 % des produits du bois, à l’exclusion de toute essence dite « noble » (chênes, hêtres…), mais la production de bois d’industrie vient d’opérations indispensables pour la bonne gestion de la forêt (notamment les opérations d’entretien pour limiter le risque d’incendie) et pour générer de la valeur ajoutée, pour les propriétaires forestiers publics comme pour les propriétaires privés. Bien que cette part soit faible, elle est cruciale pour le modèle économique de la filière bois et ce, bien que le prix de vente du bois d’industrie soit très inférieur au prix du bois d’œuvre. Pour citer les propos du représentant de l’UCFF, souvent le premier client (en euros) d’une scierie n’est pas un charpentier mais un papetier ; si le débouché de la papeterie disparaît pour les produits connexes de la scierie, celle-ci s’arrête.

La fragilisation de l’industrie papetière constitue donc une menace pour l’équilibre de cette filière et un risque élevé pour la sylviculture française, alors même que le potentiel d’exploitation de la forêt se développe. Le représentant de l’UCFF a qualifié de catastrophique la décision de Norske Skog d’arrêter complètement l’utilisation de bois par le site de Golbey pour ne plus s’alimenter qu’avec des vieux papiers. La représentante de l’Office national des forêts (ONF) a fait état de graves difficultés pour l’Office du fait de très grandes quantités d’invendus de bois d’industrie, qui doivent être stockés faute d’industriel papetier pour les acquérir et dont la valeur se dégrade donc. Il existe également un phénomène de surproduction de bois d’industrie par rapport au bois d’œuvre lorsque des forêts sont attaquées par des parasites qui rendent le bois impropre à l’usage « construction » et que ce bois est donc déclassé en bois d’industrie.

Le développement du papier recyclé est également interprété comme une menace potentielle puisque par définition l’utilisation de fibre recyclée se substitue à l’utilisation de fibre vierge produite par les opérations sylvicoles, même si les acteurs auditionnés reconnaissent que ce développement est « inéluctable ».

Plutôt que de se focaliser sur cette critique, les acteurs français de la papeterie devraient s’organiser et utiliser davantage la ressource forestière française, en se fournissant de pâte vierge fabriquée en France plutôt que fabriquée à l’étranger. Cette orientation serait vertueuse vis-à-vis de la filière qui serait ainsi soutenue. Elle serait également vertueuse au regard des économies de CO2 générées grâce à la baisse du transport mais également compte tenu du mode d’exploitation des forêts dans les pays fournisseurs de pâte. Enfin, cette politique d’achat soutiendrait la balance commerciale de la France. 

Enfin, il convient de rappeler que le processus papetier n’est pas l’unique débouché pour le « bois d’industrie ». Outre celui, classique, de la fabrication des panneaux, les débouchés alternatifs se développent à l’échelle européenne notamment. L’alternative la plus prometteuse est la « chimie verte » ou « chimie du végétal », principalement les bioraffineries car ce mode de transformation de la fibre de bois est susceptible de générer une valeur ajoutée nettement supérieure à celle de la transformation en pâte à papier. De grands acteurs étrangers de l’industrie papetière française, tels que Norske Skog et UPM, se sont désengagés à partir des années 2000 de leur activité papetière pour investir massivement, dans leurs pays d’origine, dans des usines de bioraffinerie pour produire des biocarburants ([122]). Les participants à la table ronde ont déploré que la France, pour l’instant, se tienne à l’écart de cette évolution industrielle majeure, soutenue par l’évolution des législations européenne et nationale qui incitent ou obligent à incorporer des taux de biocarburants dans les carburants traditionnels.


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   Recommandations de la mission d’information

Recommandation n° 1 : Inviter l’ADEME à réaliser et à actualiser périodiquement des travaux d’ACV (analyse du cycle de vie) sur les différents supports de communication et d’information, pour évaluer l’impact environnemental comparé des supports papier et des supports numériques.

Recommandation n° 2 : Dans le dispositif de modulation de l’éco‑contribution due par les metteurs en marché, faire passer de 10 % à 20 % le bonus applicable aux papiers composés majoritairement de fibre recyclée.

Recommandation n° 3 : Inviter les acteurs de la filière du papier graphique (ramettes et presse) à engager une réflexion approfondie visant à accroître les volumes de papier recyclé français dans les produits de papeterie et dans le but de définir un calendrier imposant un taux d’incorporation croissant par produit.

Recommandation n° 4 : Inviter les collectivités territoriales à s’engager, comme l’a fait l’État, pour les achats de papiers bureautiques pour leurs services, à acheter systématiquement du papier bureautique recyclé, lorsqu’il est disponible, les achats de papier bureautique en fibre vierge issue de forêts certifiées devenant une solution de repli.

Recommandation n° 5 : Inviter les acteurs du secteur à s’engager dans la création d’un label papetier pour rendre identifiables les produits dont la composition inclut un pourcentage de fibre recyclée (seuil différencié selon le type de produits, mais visuel unique) avec une classification de performance de recyclage (un « recy-score »).

Recommandation n° 6 : À défaut de label papetier français, inviter les fabricants (de ramettes, de papiers d’hygiène, de magazines…) à rendre visible sur leurs produits la présence de fibre recyclée, avec une classification de performance de recyclage (un « recy-score »).

Recommandation n° 7 : Promouvoir, au niveau européen, l’intégration d’un critère « présence d’un certain pourcentage de fibre recyclée » dans les critères d’attribution de l’écolabel européen définis par la Commission européenne sur la base du règlement du 25 novembre 2009 établissant le label écologique de l’UE.

Recommandation n° 8 : À l’occasion de la révision du cahier des charges, préalable au renouvellement de l’agrément de l’éco-organisme en 2022, demander au Gouvernement d’étudier la faisabilité technique, économique et financière de la création d’une garantie de reprise sur le modèle du dispositif de la REP « Emballages » et d’un fonds de compensation pour atténuer l’ampleur de la fluctuation des prix de reprise.

Recommandation n° 9 : Renforcer les actions d’information et de sensibilisation menées par les chambres de commerce et d’industrie en direction des entreprises, en coopération avec Citeo et l’ADEME, pour remédier à la méconnaissance des obligations instaurées par le « décret 5 flux », en particulier à l’obligation de trier à la source les papiers de bureau (en évitant de broyer ceux-ci), et pour faire connaître les solutions de collecte proposées par les opérateurs, notamment les entreprises du secteur de l’ESS.

Recommandation n° 10 : Intégrer dans les actions des collectivités locales et groupements de collectivités détenant la compétence de gestion des déchets une réflexion systématique sur l’opportunité d’installer sur leur territoire des points d’apport volontaire dédiés aux papiers-cartons ou aux seuls papiers graphiques.

Recommandation n° 11 : Organiser de manière systématique la collecte, dans les établissements scolaires, des manuels rendus obsolètes par la révision des programmes scolaires, à travers une coopération des acteurs concernés (établissements scolaires, éditeurs, opérateurs de la collecte, du tri et du recyclage, collectivités territoriales et parents d’élèves).

Recommandation n° 12 : Soutenir de manière renforcée les démarches volontaristes des collectivités ultramarines tendant à créer ou améliorer la collecte, le tri et la valorisation des déchets, notamment pour les papiers-cartons et y compris dans le cadre d’une coopération avec les pays voisins.

Recommandation n° 13 : Afin de renforcer encore davantage l’engagement écologique porté par le volet « rénovation énergétique » du plan de relance et d’accompagner des filières locales et vertueuses, ajouter une bonification spécifique au dispositif « MaPrimeRénov’ » en cas d’utilisation de ouate de cellulose.

Recommandation n° 14 : Dans le cadre de la future révision du cadre juridique européen applicable aux matériaux en contact avec les denrées alimentaires, demander au Gouvernement de défendre l’établissement de règles spécifiques au papier et au carton aussi concrètes et exigeantes que celles actuellement en vigueur pour le plastique.

Recommandation n° 15 : Soutenir plus fortement la recherche, notamment menée par le Centre technique du papier (CTP), sur les procédés permettant de substituer papiers et cartons au plastique dans les emballages à usage unique et pour les usages du plastique qui seront interdits.

Recommandation n° 16 : Inviter la presse à incorporer davantage de fibre recyclée dans le papier utilisé pour imprimer les magazines.

Recommandation n° 17 : Développer les produits hybrides (partiellement composés de fibres recyclées) dans le secteur de l’hygiène et appeler la grande distribution à moins de frilosité sur ce sujet et à une sensibilisation du consommateur sur ce sujet.

 

Recommandation n° 18 : Demander à l’ADEME une étude sur la question de la perception du papier recyclé par les Français et notamment sur le rejet présumé d’un papier de moindre blancheur. Si cette étude a été réalisée, l’actualiser.

Recommandation n° 19 : Une fois les conclusions de l’étude prévue à la recommandation précédente rendues, demander à Citeo et à l’ADEME une campagne de communication auprès des consommateurs sur le « papier moins blanc » qui traiterait objectivement les craintes et les objections identifiées.

Recommandation n° 20 : Engager une structuration d’une « filière cellulose », en créant une instance permanente de dialogue – un comité stratégique de filière – qui pourra élaborer un contrat de filière.


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   EXAMEN du rapport en commission

Lors de sa réunion du mercredi 27 janvier 2021, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à l’examen du rapport de la mission d’information sur filière du recyclage du papier.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

http://assnat.fr/Xl6IVm

 

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À l’issue de la réunion, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a autorisé la publication du rapport d’information.

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   annexes


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liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Union française des industries du carton, papiers et celluloses (Copacel)

M. Philippe d’Adhémar, président

M. Paul-Antoine Lacour, délégué général

M. Jan Le Moux, directeur « Économie circulaire et politique produits »

MM. Pascal Douard et Benoit Legait, auteurs du rapport « Les filières de recyclage de déchets en France métropolitaine »

Fédération Professionnelle des Entreprises du Recyclage (FEDEREC)

M. Stéphane Panou, président de la filière Papier-Carton

Mme Marion Halby, chargée de mission pour la filière plastique

Mme Marie-Ange Badin, responsable des relations institutionnelles

M. Serge Bardy, auteur du rapport « France, terre d’avenir de l’industrie papetière » (2014)

M. Bernard Decultot, consultant, ancien salarié d’Arjowiggins

UPM France SAS, établissement Chapelle Darblay

M. Jean Kubiak, directeur général

M. Daniel Schwab, président du conseil de surveillance d’UPM France SAS

Représentants des salariés de l’établissement de Chapelle Darblay

M. Cyril Briffault, secrétaire du syndicat CGT Chapelle Darblay, membre CSE/CSEC

M. Julien Sénécal, secrétaire du CSE Chapelle Darblay, membre du conseil de surveillance et CSEC UPM France

M. Arnaud Dauxerre, représentant SE du collège cadres CSE Chapelle Darblay, membre du conseil de surveillance et CSEC UPM France

M. Alain Tripier, consultant, agence Sereho

Préfecture de la région Normandie

M. Pierre-André Durand, préfet de la région Normandie, préfet de Seine-Maritime

M. Yvan Cordier, secrétaire général

Mme Dominique Lepicard, commissaire au redressement productif de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) Normandie

Citeo

M. Nicolas Furet, secrétaire général

Mme Sophie Genier, directrice « Recyclage »

M. Julien Dubourg, directeur « Relations clients »

M. Thibault Boucher, conseiller « Affaires publiques »

Association Amorce

M. Nicolas Garnier, délégué général

M. Olivier Castagno, responsable du pôle déchets

Agence de la transition écologique (ex-ADEME)

M. Jean-Charles Caudron, directeur de la supervision des filières REP

Association des maires de France (AMF)

M. Nicolas Soret, vice-président

Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission

Centre technique du papier (CTP)

M. Frédéric Guillet, délégué aux organisations professionnelles

M. Gilles Lenon, directeur général

M. Benjamin Fabry, responsable de l’équipe « Recyclage-Désencrage »

Table ronde d’associations environnementales

 Zero Waste France

Mme Moïra Tourneur, responsable du plaidoyer

Mme Alice Elfassi, responsable des affaires juridiques

 WWF France

M. Daniel Vallauri, en charge du programme « Forêt »

Mme Lisa King, chargée de projet « Produits forestiers »

 Greenpeace France

M. François Chartier, chargé de campagne

 France nature environnement (FNE)

M. Johann Leconte, membre du réseau « Prévention et gestion des déchets »

M. Jean-Christophe Gavallet, membre du réseau « Prévention et gestion des déchets »

Table ronde des acteurs de la filière « bois-forêts »

 Office national des forêts (ONF)

Mme Nathalie Barbe, directrice des relations institutionnelles, de l’outre-Mer et de la Corse

 Union des coopératives forestières de France (UCFF)

M. Stéphane Vieban, directeur général de la coopérative forestière « Alliance Forêts Bois »

Association des fabricants de ouate de cellulose (ECIMA)

Mme Graziella Osuna, vice-présidente, gérante de la société Dolcea Isolation

Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM)

M. Alain Augé, président

Table ronde d’acteurs européens

 Confédération européenne des industries du papier (CEPI)

M. Jori Ringman, directeur général

M. Bernard Lombard, directeur « Commerce et politique industrielle »

 Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC)

M. Dimitri Vergne, chef d’équipe « Durabilité »

Syndicat national des entrepreneurs de la filière déchets (SNEFiD)

Mme Cécile Janvier, chargée de mission « Relations institutionnelles »

M. Alain Freyermuth, directeur d’exploitation du Groupe Pizzorno, membre du SNEFID

Ministère de la transition écologique - Direction générale de la prévention des risques

M. Philippe Bodenez, chef du service des risques sanitaires liés à l’environnement, des déchets et des pollutions diffuses

M. Vincent Coissard, sous-directeur « Déchets et économie circulaire »

Kimberley Clark (KCC)

M. Roger Rouppert, directeur d’usine

WEPA France

M. Christophe Dorin, directeur  

M. Laurent Benault, directeur de l’usine WEPA Greenfield (Château-Thierry)

Mme Luce Catté, responsable des achats de papiers à recycler

Essity France

Mme Estelle Vaconsin, directrice « Qualité et développement durablef »

M. Marc Specque, communications director Europe South

Association Culture Papier

M. Guillaume Le Jeune, président

M. Olivier Le Guay, délégué général 

M. Matthieu Prévost, vice-Président, responsable « Environnement » de l’Union nationale des industries de l’impression et de la communication (UNIIC)

Mme Patricia de Figueiredo, responsable de la communication

Groupe La Poste

Mme Adèle Albano, directrice générale de Médiapost

Mme Muriel Barnéoud, directrice de l’engagement sociétal du groupe La Poste

Mme Pascale Ghio, directrice générale de Nouvelle Attitude (entreprise de recyclage du papier, filiale du groupe La Poste)

La Feuille d’érable

M. Éric Challan-Belval, président

Union des groupements d’achats publics (UGAP)

M. Edward Jossa, président

M. Lionel Ferraris, directeur « Politiques publiques et pilotage de l’offre »

Association des communes et collectivités d’outre-mer (ACCD’OM)

Mme Karine Claireaux, maire honoraire de Saint-Pierre (Saint-Pierre-et-Miquelon) et vice-présidente de l’association

Groupe Paprec

M. Stéphane Armange, directeur général « Ventes matières premières »

M. Sébastien Ricard, directeur du développement durable et des affaires publiques

Imprimerie Léonce Deprez

M. Léonce-Antoine Deprez, directeur général

Alliance de la presse d’information générale

M. Pierre Petillault, directeur général

INP Pagora

M. Mohamed Naceur Belgacem, directeur

 

 

 


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déplacement de la mission d’information dans les vosges

(8 septembre 2020)

 

Norske Skog Golbey (NSG)

M. Yves Bailly, président-directeur général

M. Jean-François Serre, directeur « Achat & Logistique »

M. Gabriel Langlois, responsable « Achat Papiers Récupérés »

Papeteries de Clairefontaine

M. Jean-Marie Nusse, président-directeur général du groupe Exacompta Clairefontaine

M. Éric Duval, directeur des ressources humaines des Papeteries de Clairefontaine

 

 


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LISTE des acteurs ayant transmis des CONTRIBUTIONS ÉCRITES

– Syndicat national de l’édition (SNE)

– Messageries Lyonnaises de Presse

 

 

 


([1]) La composition de la mission d’information se trouve au verso.

([2]) La plupart des données chiffrées présentées dans cette partie proviennent soit des auditions réalisées par la mission d’information sur ce sujet – et notamment de celle de MM. Jean Kubiak et Daniel Schwab –, soit de la présentation aux investisseurs d’UPM de novembre 2020, soit de la déclaration de responsabilité́ environnementale et sociétale 2018 d’UPM Chapelle Darblay.

([3]) Étude des marchés réalisée par les agences Sereho et Viasourcing en octobre 2020. L’annexe en question se fonde sur des données de la Technical association of the pulp & paper industry (Tappi), du cabinet de conseil Hawkins Wright et de la Confédération européenne des industries du papier (CEPI).

([4]) Derrière l’américain International Paper (24,7 millions de tonnes), le chinois Nine Dragons Paper (15 millions de tonnes), le japonais Oji Holdings Corporation (12,7 millions de tonnes) et l’américain WestRock (12,2 millions de tonnes). Les auteurs précisent néanmoins que certaines sociétés ne figurent pas dans leur liste en raison du manque de données disponibles concernant leur production.

([5]) À plusieurs reprises dans ce rapport, il sera fait état d’une incapacité technique à réaliser du papier constitué uniquement de fibres recyclées et de la nécessité d’ajouter impérativement une quantité de fibres vierges, avoisinant les 10 ou 12 % de la quantité totale de fibres. La présentation d’un papier 100 % recyclé pouvait alors interroger. M. Jean Kubiak, directeur général de l’établissement Chapelle Darblay, a précisé lors de son audition que l’apport en fibres vierges est rempli, de façon indirecte, par celles initialement contenues dans le papier qui est recyclé. Ainsi, c’est bel et bien un papier réalisé à partir de 100 % de papier recyclé que produit l’usine.

([6]) Suivant la norme EN 643, il s’agit de la sorte papetière 1.11 « Papiers graphiques triés pour désencrage ».

([7]) Le site Chapelle Darblay d’UPM est, par exemple, acheteur du centre de tri de l’éco-quartier de Clichy-Batignolles à Paris, qui trie les déchets de sept arrondissements parisiens et de quatre grandes communes d’Île-de-France.

([8]) Les sortes papetières sont définies dans la nomenclature technique européenne, qui sera présentée infra.

([9]) De nombreux acteurs, dont les représentants d’UPM, ont néanmoins indiqué que cette diminution conjoncturelle de la consommation de papier graphique induite par la crise de la covid-19 aurait in fine un impact structurel – certes moindre, mais réel – sur cette consommation, tout comme cela avait été le cas après la crise économique de 2008.

([10]) Source : contribution écrite de l’Union française des industries du carton, papiers et celluloses (Copacel).

([11]) Communiqué d’UPM du 10 septembre 2019 « UPM plans to reduce its uncoated paper capacity to safeguard competitiveness in Europe ».

([12]) La loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite « loi Florange », a créé une obligation de recherche d’un repreneur en cas de fermeture d’un établissement. Le champ d’application et le déroulement de la procédure sont désormais codifiés à la section 4 bis du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail.

([13]) Un comité technique a en effet été́ mandaté par la commission industrielle relative au site industriel UPM Chapelle Darblay pour conduire trois études relatives aux pistes de développement possibles sur l'avenir du site. Voir infra pour les détails.

([14]) Éléments communiqués par écrit à la mission d’information par les représentants des salariés.

([15]) D’autres débouchés possibles sont présentés dans le rapport, mais considérés comme plus incertains pour le site ou comme devant être uniquement pensés comme des compléments de gamme.

([16]) Toutes ces pistes, et notamment l’état actuel de leur marché et leurs potentialités futures, sont évoquées plus largement dans la seconde partie du présent rapport. Il s’agit ici de s’arrêter essentiellement sur leur éventuelle application sur le site Chapelle Darblay.

([17]) Votre rapporteure est revenue plus longuement sur ce point dans l’introduction de ce rapport.

([18]) Étude sur l’adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des utilisateurs, ADEME, mars 2017.

([19]) Il s’agit des chiffres 2014 de l’ADEME et de FEDEREC présentés dans l’étude sur l’adéquation entre les sortes papetières produites et les besoins des utilisateurs, ADEME, mars 2017.

([20]) Le papier est dit « sans bois » lorsque la pâte à papier utilisée pour le fabriquer ne contient pas de lignine.

([21]) De l’intelligence collaborative à l’économie circulaire, « France, terre d’avenir de l’industrie papetière », rapport de M. Serge Bardy, député honoraire de Maine-et-Loire, remis au Premier ministre Manuel Valls le 8 juillet 2014.

([22]) D’après M. Jean-Marie Nusse, ce procédé a d’ailleurs une vertu environnementale supérieure. En effet, seulement 6 % de la matière sont éliminés dans ce cadre, tandis que le désencrage entraîne des pertes de fibres et de charges de l’ordre de 20 à 30 %, produisant ainsi de nouveaux déchets.

([23]) L’étude de l’ADEME distingue les indésirables « de tri » (métaux, verre et plastiques) et les indésirables « techniques » liés à la fabrication des produits (encres, colles, agrafes…).

([24]) Selon l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale détiennent les compétences de collecte et de traitement des déchets des ménages et déchets assimilés. Il s’agit du service public de gestion des déchets.

([25]) Du point de vue de l’harmonisation, l’article 80 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoyait que « pour contribuer à l’efficacité du tri, les collectivités territoriales veillent à ce que la collecte séparée des déchets d’emballages et de papiers graphiques soit organisée selon des modalités harmonisées sur l’ensemble du territoire national » avec un objectif d’effectivité pour 2025. L’article 72 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a codifié cet objectif d’harmonisation à l’article L. 541-10-18 du code de l’environnement et l’a rendu plus ambitieux en le fixant au 31 décembre 2022. Parallèlement, l’extension des consignes de tri a également opéré une simplification en permettant aux populations de mettre tous les emballages dans le bac de tri.

([26]) Voir le II de la seconde partie du présent rapport.

([27]) Le modèle présenté ici part notamment du principe que l’entreprise réalise elle-même la fabrication d’une nouvelle pâte à papier avant de produire le papier ou carton fini. Il convient néanmoins de noter que ces deux étapes sont parfois opérées dans des entreprises distinctes, l’industriel fabricant achetant alors une pâte à papier recyclée auprès d’une autre entreprise. De la même manière, la fabrication des différentes pâtes à papier et des différents produits finis présentent des spécificités dans leur production.

([28]) C’est à ce stade de fabrication de la pâte que le procédé de fabrication de papier ou de carton à base de bois diffère de celui de la fabrication de papier ou de carton à base de fibres recyclées. C’est aussi à ce stade que la fibre vierge issue du bois est introduite lorsque 100 % des fibres ne sont pas recyclées, ce qui est la plupart du temps le cas, pour des raisons de faisabilité.

([29]) Votre rapporteure revient plus en détail infra sur cette crise de la demande.

([30]) On peut notamment citer les fermetures des usines du groupe Matussière et Forest dans plusieurs départements dans les années 2000, de l’usine Otor de Novillars (Doubs) en 2009, de l’usine UPM de Docelles (Vosges) et de l’usine Stora Enso de Corbehem (Pas-de-Calais) en juin 2014, de l’usine Arjowiggins de Charavines (Isère) en 2015 et de l’usine Arjowiggins de Bessé-sur-Braye au printemps 2019.

([31]) Cette prévision est aussi présente dans le bilan national du recyclage 2008-2017 de l’ADEME.

([32]) Votre rapporteure revient sur les débouchés d’avenir possibles pour l’industrie dans le II de cette seconde partie.

([33]) Ce taux de recyclage est le ratio récupération de papiers-cartons usagés / consommation de papiers-cartons.

([34]) Comme indiqué supra, en 2019 et d’après Copacel, 7,3 millions de tonnes de papiers et de cartons ont été produites en France. Mais, parce que la France est importatrice nette, la consommation de papiers et de cartons en France s’élevait à 8,5 millions de tonnes environ.

([35]) Ainsi, d’après Copacel : dans l’emballage, 80 % des tonnages sont d’origine industrielle et 20 % issus de la collecte sélective ; dans le papier graphique, les parts sont respectivement de 60 % et 40 %. Dans le papier journal, la part provenant de la collecte sélective est même majoritaire.

([36]) Ratio entre l’incorporation de PCR dans la fabrication de papiers et cartons française et cette même fabrication de papiers et cartons.

([37]) Les filières de recyclage des déchets en France métropolitaine, rapport du CGE et du CGEDD remis à la ministre de la transition écologique et solidaire, janvier 2020.

([38]) Votre rapporteure revient sur cet aspect au moment d’évoquer les difficultés de la filière dans le II.  

([39]) Le déséquilibre entre l’offre et la demande est en effet particulièrement marqué sur les basses sortes.

([40]) En application de la directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), la Commission européenne publie et actualise des documents de référence sur les meilleures techniques disponibles en matière de performance environnementale des installations industrielles, évaluée au regard des émissions polluantes, de la consommation de ressources naturelles, de la consommation d’eau, de l’utilisation d’énergie et de la production de déchets. Le document relatif à la production de pâte, de papier et de carton est disponible en ligne  : https://ec.europa.eu/jrc/en/publication/eur-scientific-and-technical-research-reports/best-available-techniques-bat-reference-document-production-pulp-paper-and-board-industrial

([41]) Sur les labels forestiers FSC et PEFC, voir infra.

([42]) Ratio consommation de papiers et cartons à recycler / production de papiers et cartons.

([43]) Source : Copacel, rapport statistique 2019 de l’industrie papetière française.

([44]) Les informations communiquées ne permettent pas de distinguer la consommation d’eau liée à l’étape du blanchiment.

([45]) Rapport d’information de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale, n° 3253 (juillet 2006 ; rapporteur : M. Léonce Deprez).

([46]) En particulier le guide technique « Maîtrise de l’énergie dans l’industrie des pâtes, papiers et cartons » (2010).

([47]) Une liste de procédés est publiée par exemple par l’ADEME sur son site internet : https://www.ademe.fr/entreprises-monde-agricole/performance-energetique-energies-renouvelables/lenergie-sites-industriels/procedes-industriels/dossier/secteur-papeterie/conseils-agir

([48]) Les emballages sont également inclus dans une filière REP qui leur est consacrée et qui sera présentée plus sommairement (encadré à la fin de cette sous-partie).

([49]) Dans le cadre d’une REP opérationnelle, l’éco-organisme fait appel à des prestataires sélectionnés sur appel d’offres pour traiter les déchets (exemple des piles et accumulateurs ou des déchets d’équipements électriques électroniques), même s’il peut avoir en complément un rôle de financeur pour compenser les coûts supportés par les collectivités territoriales.

([50]) WWF, « Vers une économie plus circulaire pour le livre ? » (2019).

([51]) https://www.bulletin-officiel.developpement-durable.gouv.fr/documents/Bulletinofficiel-0031621/TREP2026403A_annexe.pdf

([52]) Sur la base d’un tarif de 35 euros la tonne (barème amont) et d’un barème de soutien aux collectivités territoriales de 65 euros par tonne recyclée, 30 euros par tonne incinérée et 2 euros par tonne traitée en centre d’enfouissement technique (rapport de la mission d’expertise parlementaire portant sur l’article 91 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte de MM. Serge Bardy et Gérard Miquel, février 2016).

([53]) https://bo.citeo.com/sites/default/files/2020-05/Citeo_Tarif_papiers_2020.pdf

([54]) L’article R. 543-211 du code de l’environnement plafonne le tarif de l’éco-contribution à 120 euros/tonne.

([55]) Il était initialement prévu que ce malus passe à 20 % en 2022, mais cette disposition a été supprimée par l’arrêté précité du 25 décembre 2020.

([56]) Dans les territoires ultramarins, l’intervention de Citeo peut se faire soit dans le cadre d’un contrat avec une collectivité, soit dans le cadre d’un « pourvoi » si des collectivités le demandent (Citeo pourvoit alors, via des prestataires, à la gestion des déchets : collecte, tri, recyclage, élimination). Un pourvoi est en vigueur à Mayotte. En Guyane, les deux dispositifs sont utilisés simultanément, le pourvoi concernant les zones difficiles d’accès qui connaissent de grandes difficultés dans la gestion des déchets, tandis qu’un dispositif contractuel a été mis en place avec les collectivités du littoral.

([57]) Dans ces territoires, le soutien au compostage et à la méthanisation est de 20 euros/tonne.

([58]) L’élaboration de ce décret d’application a été précédée par la remise au Gouvernement d’un rapport rédigé par deux parlementaires, MM. Serge Bardy et Gérard Miquel, en février 2016 (Extension de la REP papier à la presse – Mission d’expertise parlementaire portant sur l’article 91 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte) :

https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/164000134.pdf

([59]) Rapport d’information de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat « Mieux concevoir les produits pour mieux valoriser les déchets », n° 143, novembre 2013.

([60]) L’article 8 bis §4 de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets, modifiée en 2018, prévoit que les producteurs soumis à un principe de REP doivent couvrir au moins 50 % des coûts de prévention et gestion des déchets issus de leurs produits au travers d’une contribution financière, ces dispositions devant entrer en vigueur au plus tard le 5 janvier 2023.

([61]) Décret n° 2020-1725 du 29 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation relatives à la responsabilité élargie des producteurs (article 5).

([62])Selon la directrice générale de Mediapost auditionnée par la mission d’information, les imprimés publicitaires sont déjà composés de papier recyclé à plus de 80 %. En revanche, les représentants du WWF ont mentionné le taux de 10 % seulement pour les prospectus publicitaires de la grande distribution.

([63]) Il est difficile de savoir ce qu’il en est dans les entreprises privées, même si des organisations non gouvernementales (WWF et Riposte Verte) actualisent depuis 2010 un « baromètre » dont les résultats sont plutôt encourageants.

([64]) Source : Direction des achats de l’État (DAE).

([65]) Sur les labels, voir le 3. Infra.

([66]) L’UGAP compte parmi ses clients, outre les services de l’État, des établissements publics, des collectivités territoriales (11 %) et d’autres acteurs publics.

([67]https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Guide_politique_achat_public_zero_deforestation_18nov2020.pdf

([68]) ADEME, Enquête sur la notoriété des labels environnementaux, novembre 2020.

([69]) Au point d’être qualifié de « supercherie » par M. Serge Bardy, sur la base des critiques d’ONG comme Les Amis de la Terre sur la fiabilité de ce label.

([70]) ADEME, fiches techniques, octobre 2020 (fiche « Papiers graphiques non imprimés », fiche « Articles en papier transformé » et fiche « Papiers destinés à l’hygiène ») : https://www.ademe.fr/papeterie-fournitures-impacts-environnementaux-labels et https://www.ademe.fr/hygiene-beaute-impacts-environnementaux-labels

([71]) Le label Nordic Swan Ecolabel, créé en 1989 et utilisé au Danemark, en Suède, en Islande, en Finlande et en Norvège, est attribuable, s’agissant des papiers pour impression et copie, uniquement à des papiers dont la composition inclut au moins 70 % de fibres issues soit de forêts gérées durablement, soit du recyclage.

([72]) La mission d’information a auditionné MM. Benoit Legait (CGE) et Pascal Douard (CGEDD), coauteurs du rapport « Les filières de recyclage de déchets en France métropolitaine » (janvier 2020).

([73]) Nouvelle Attitude est une filiale du groupe La Poste, qui traite et valorise les vieux papiers collectés par la société Recygo dans les bureaux.

([74]) European Paper Recycling Council (EPRC), Monitoring Report 2019.

([75]) La Chine a notifié à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en juillet 2017 sa décision de mettre fin à ses importations de 24 catégories de déchets, dont les vieux papiers mêlés. Cette décision avait été annoncée plusieurs années auparavant, selon le CEPI (https://www.euractiv.com/section/circular-economy/news/eu-paper-recyclers-in-crisis-as-china-waste-import-ban-bites/).

([76]) Lors de leur audition, les représentants de FEDEREC ont cité plusieurs installations de grande ampleur construites très récemment pour produire de l’emballage à partir de cartons à recycler : en Allemagne, deux papeteries construites (Propapier et Hamburger) et une en projet (groupe Palm), et en Italie, une nouvelle usine du groupe Pro-Gest.

([77]) Les Échos, interview du président de Federec, M. Jean-Philippe Carpentier, 30 octobre 2019.

([78]) Les représentants de Citeo ont fait état d’une estimation de - 15 à - 20 % de la consommation de papier en ramettes pour l’année 2020 par rapport à 2019 en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques.

([79]) Le niveau de couverture des coûts de la filière REP des papiers est estimé à ce jour entre 10 à 30 % des coûts supportés par les collectivités territoriales (source : ministère de la transition écologique).

([80]) Les représentants auditionnés de l’AMF ont indiqué que rares sont les papetiers qui concluent des contrats de reprise directement avec des collectivités territoriales.

([81]) Rapport d’activité 2019 de Citeo.

([82]) Le tri à la source est défini par ce décret comme l’ensemble des opérations réalisées sur des déchets qui permettent de séparer ces déchets des autres déchets et de les conserver séparément, par catégories, en fonction de leur type et de leur nature.

([83]) Présentation par l’ADEME des premiers résultats de l’étude prospective lors du congrès de la FNADE (juillet 2019):

file:///C:/Users/srolland/AppData/Local/Temp/2543-Presentation-Colloque-FNADE-2019-Synthese-resultats-Etude-5-flux.pdf

([84]) La loi du 10 février 2020 a aussi ajouté à la liste des « 5 flux » une sixième collecte, celle des textiles, qui deviendra obligatoire à partir de 2025. Elle a également introduit dans le code de l’environnement un article L. 541-21-2-1 qui dispose que « tout producteur ou détenteur de déchets met en place, dans ses établissements, des dispositifs de collecte séparée des déchets, adaptés aux différentes activités exercées dans ces établissements et, lorsque cela est pertinent, accessibles au personnel, afin de permettre un tri à la source, y compris pour les déchets générés par la consommation par son personnel de produits de consommation courante », et un article L. 541-21-2-2 qui oblige les exploitants de tous les établissements recevant du public (ERP)  à organiser la collecte séparée des déchets du public reçu dans leurs établissements ainsi que des déchets générés par leur personnel, cette obligation impliquant la mise à la disposition du public de dispositifs de collecte séparée, notamment, des déchets d’imprimés papiers et de papiers à usage graphique.

([85]) Ce plan d’action suggère aussi la création d’un label « Tri 5 flux » et d’une obligation, pour les PME/TPE, de réaliser un audit sur leur production de déchets.

([86]) La société Recygo a été créée par La Poste et Suez. Elle propose aux entreprises une collecte régulière et fréquente grâce aux moyens humains et logistiques de La Poste (les vieux papiers sont récupérés directement dans chaque entreprise au cours des tournées de distribution ou de collecte du courrier) et s’engage à recycler les matières collectées en France. Recygo collecte environ 100 000 tonnes de papiers par an. La matière collectée est ensuite valorisée par une entreprise d’insertion, filiale de La Poste, Nouvelle Attitude.

([87]) ADEME, « Campagne nationale de caractérisation des déchets ménagers et assimilés – Premiers résultats sur les ordures ménagères résiduelles », étude réalisée sur la base des données de 100 communes pour l’année 2017: https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/caracterisation_dechets_menagers_modecom2017_resultats_ordures_menageres_residuelles_010744.pdf

([88]) 12,7 % en 2018 et 13,7 % en 2019 (source : Syndicat national des éditeurs).

([89]) Depuis 2013, en application de la loi dite « Grenelle I » du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, toute impression ou réimpression de livres scolaires doit impérativement être faite à partir de papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement. Mais en pratique, selon les informations communiquées à la mission d’information, c’est sur du papier vierge issu de forêts certifiées, et non pas sur du papier recyclé, que sont imprimés les manuels.

([90]) Par exemple, en 2015, selon les chiffres de l’ADEME, les emballages et papiers collectés dans les déchets ménagers et assimilés ont représenté en moyenne 47 kilos par habitant au niveau national, mais seulement 15 kilos par habitant dans les DROM-COM.

([91]) On parle de matériau biosourcé lorsque celui-ci est issu de la biomasse d’origine animale ou végétale. Il s’agit ainsi, par exemple, de la laine de chanvre, du liège, de la plume de canard, de la paille, du textile recyclé, de la ouate de cellulose ou encore de la fibre de bois.

([92]) Sauf mention contraire, les éléments ici évoqués ont été présentés à votre rapporteure par la représentante de l’Association européenne des fabricants de ouate de cellulose (ECIMA) lors de son audition ou d’échanges postérieurs.  

([93]) Toujours d’après la représentante de l’ECIMA, le marché de la ouate de cellulose en France est aujourd’hui davantage concentré sur l’isolation des maisons individuelles que sur la construction de logements neufs.

([94]) Il s’agit de la capacité des matériaux à ralentir la pénétration de la chaleur. En termes simples, cela correspond au temps que met la chaleur pour traverser le produit. Plus cette durée est longue, plus l’isolant est efficace.

([95]) Étude des marchés réalisée par les agences Sereho et Viasourcing en octobre 2020. Pour davantage de détails sur ce point, voir la première partie de ce rapport.

([96]  Comme indiqué précédemment (I de la seconde partie du présent rapport), la sorte papetière 1.11, par exemple, regroupe des journaux, mais également des revues et des magazines, impropres à la fabrication de ouate de cellulose. 

([97]) Les recommandations de votre rapporteure sur la collecte, présentées supra, auront un impact positif sur cette question du gisement nécessaire à la fabrication de la ouate de cellulose.

([98]) Cette réglementation qui encadre les caractéristiques thermiques des bâtiments neufs a vocation à remplacer celle qui s’applique  depuis le 1er janvier 2013 : la réglementation thermique 2012 (RT 2012). Son entrée en vigueur, initialement prévue au 1er janvier 2021, a été reportée en raison de la crise de la covid-19 et pourrait intervenir à l’été 2021. La RE 2020 sera plus exigeante, aussi bien du point de vue de son champ (prise en compte des émissions de CO2 liées à la phase de construction du bâtiment, par exemple) que de ses objectifs (abaissement de 30 % du seuil maximal de besoin bioclimatique des nouveaux bâtiments, par exemple).

([99]) https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-06/202004_Guide%20Mat%C3%A9riaux%20biosourc%C3%A9s%20et%20commande%20publique_DGALN.pdf

([100]) Des bonifications sont d’ores et déjà prévues dans le cadre du dispositif MaPrimeRenov’ : par exemple, une bonification « sortie de passoire énergétique » lorsque les travaux d’isolation permettent la sortie du statut de « passoire thermique » (étiquette énergie initiale F ou G), ou encore une bonification « bâtiment basse consommation (BBC) » pour les travaux qui permettent d’atteindre une très bonne performance énergétique (étiquette énergie finale A ou B).

([101]) Le dispositif MaPrimeRenov’ a été lancé le 1er janvier 2020 pour remplacer le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) – remplacement définitif au 1er janvier 2021 – et les différentes aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Alors que ce dispositif était initialement réservé aux propriétaires occupants aux revenus modestes, le plan de relance l’a élargi à tous les propriétaires (occupants ou bailleurs), quels que soient leurs revenus, ainsi qu’aux copropriétaires, avec un déploiement sur l’année 2021. Outre cet élargissement, des bonifications ambitieuses ont été mises en place (voir supra).

([102]) Les raisons de cet excédent sont évoquées supra, notamment dans le I de cette seconde partie : importations supérieures aux exportations, fermeture de la frontière chinoise aux déchets notamment d’emballages, collecte des cartons très efficace notamment en raison des circuits industriels…

([103]) L’industrie française n’en est actuellement pas absente. D’après Copacel, 38 usines localisées en France produisent du PPO, de l’emballage souple ou du carton plat. Sur ces 38 usines, 33 utilisent partiellement ou exclusivement des PCR.

([104]) Il s’agit d’éléments en plastique qui ne sont utilisables qu’une seule fois avant d’être jetés. Pour un historique des mesures prises par les pouvoirs publics sur ce sujet mais également plus largement sur la question du plastique, voir le récent rapport de M. le député Philippe Bolo et de Mme la sénatrice Angèle Préville rédigé au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), Pollution plastique : une bombe à retardement ?, décembre 2020. Même si de nombreux textes, au niveau européen comme au niveau national, sont venus progressivement interdire différentes utilisations et différents produits de plastique jetable depuis le milieu des années 2010, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire fixe une trajectoire de sortie définitive des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040.

([105]) Cette problématique concerne d’ailleurs également certains papiers d’hygiène comme l’essuie-tout qui doit permettre un contact alimentaire sans danger (utilisation pour la friture, par exemple).

([106]) En anglais, on parle de FCM – food contact materials.

([107]) Le règlement (CE) n° 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires du 27 octobre 2004 définit ces exigences générales. Il prévoit que d’autres exigences spécifiques à certains matériaux pourront être adoptées mais il n’en existe pas spécifiquement sur le papier et le carton.

([108]) Également appelée « Green deal », cette stratégie globale comprend différents plans d’action visant à harmoniser et à démultiplier les actions environnementales des pays membres de l’Union européenne.

([109]) Voir le 3 du B du II de la seconde partie pour des développements sur cette question.

([110]) À titre d’exemple, Copacel estime que la capacité de production de papier bureautique recyclé en France pourrait atteindre environ 60 000 tonnes, soit moins de 10 % de la consommation de papier bureautique nationale.

([111]) Voir le 3 du B du II.

([112]) Voir le 3 du B du I de la seconde partie.

([113]) Voir le e. du 2. du B du I de la seconde partie (sur la suppression annoncée de la contribution en nature).

([114]) Voir le b. du 1 du B du II de la seconde partie.

([115]) WEPA a, par exemple, indiqué que les papiers bureautiques représentent 70 % de son approvisionnement même s’il cherche à le diversifier avec de la cartonnette notamment. Votre rapporteure tient, sur le sujet de l’approvisionnement, à mettre en avant et à saluer l’innovation d’Essity qui a été auditionnée par la mission d’information. Ses représentants nous ont présenté leur projet « Tork Paper Circle » : d’ici mi-2021, l’entreprise lancera un programme d’économie circulaire en France consistant à récupérer puis à recycler les essuie-mains en papier usagés dans les entreprises ou administrations (hors établissements de santé) qui serviront ensuite à fabriquer à nouveau du papier d’essuyage pour les professionnels.

([116]) La lignine est l’un des trois polymères naturels qui composent le bois (cellulose, hémicellulose et lignine). Elle apporte une très grande rigidité au papier et, au fil du temps, entraîne son jaunissement au contact de l’oxygène. Les pâtes à papier mécaniques sont très riches en lignine car elles subissent peu de traitements chimiques. Les pâtes à papier chimiques en revanche comportent très peu voire aucune trace de lignine en raison des traitements chimiques qu’elles subissent. C’est notamment pourquoi seules les sortes supérieures, fabriquées à partir de pâte à papier chimique, de plus grande qualité, sont utilisables dans le secteur de l’hygiène.

([117]) Copacel a d’ailleurs insisté sur ce point auprès de votre rapporteure : le secteur de l’hygiène ne consomme que des sortes supérieures, déjà très recherchées. Les prix de ces sortes supérieures sont déjà cinq à vingt fois supérieurs à ceux des sortes à désencrer sur lesquelles existe un excédent. Le risque est donc d’accroitre les tensions, surtout si rien n’est fait du côté de l’amélioration de la collecte des papiers bureautiques.

([118]) Il existe actuellement 18 comités stratégiques de filière (CSF) réunissant l’État, les industriels et les syndicats des filières correspondantes ainsi que, le cas échéant, d’autres acteurs (par exemple l’ADEME et des établissements de recherche), notamment le CSF « Bois », le CSF « Chimie et matériaux » et le CSF « Transformation et valorisation des déchets ». Chaque CSF suit la mise en œuvre du « contrat de filière » correspondant.

([119]) Dans la pratique, plusieurs pourcentages d’intégration sont possibles : l’exemple de Chapelle Darblay montre en effet que fabriquer un papier journal à partir de 100 % de fibres recyclées est possible. Votre rapporteure considère que ces pourcentages doivent être adaptés aux produits finaux attendus.

([120]) Voir B du I de cette seconde partie.

([121]) Quelques centaines d’hectares sur les 17 millions d’hectares de forêts françaises, selon le représentant de l’Union des coopératives forestières de France (UCFF) auditionné par la mission d’information, sont consacrées exclusivement au bois énergie ou au bois d’industrie.

([122]) Les biocarburants produits à partir de fibre ligno-cellulosique sont des biocarburants de « deuxième génération », qui se distinguent des biocarburants de « première génération » (fabriqués par exemple à partir de betterave ou de maïs) en ce qu’ils n’utilisent pas de produits agricoles pouvant également servir à l’alimentation. Pour plus d’information, voir le rapport d’information de MM. Jean-François Cesarini et Bertrand Pancher au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale sur les agrocarburants (n° 2609, janvier 2020).