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N° 3830

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 février 2021.

RAPPORT   D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES ([1])

sur les propositions du groupe de suivi
des conséquences économiques du second confinement

 

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. StÉphane TRAVERT et Julien DIVE

Députés

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Le groupe de suivi est composé de : MM. Stéphane Travert et Julien Dive, rapporteurs, MM. Philippe Bolo, Dominique Potier, Philippe Huppé, Thierry Benoit et Sébastien Jumel, Mmes Sylia Pinel et Bénédicte Taurine, membres.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Un second confinement aux impacts moins étendus mais plus profonds

A. Des restrictions moins drastiques

B. … mais qui ont pesé lourdement sur certains secteurs

C. Quelles suites ?

II. Un accompagnement économique de l’État qui s’est renforcé et élargi avec le reconfinement

A. Un volontarisme reconnu

B. Un soutien toujours plus massif qui a permis d’éviter l’effondrement de l’économie française

C. Des aides qui se sont affinées au fil du temps

D. DEs dispositifs d’urgence qui seront maintenus le temps de la crise

III. Il reste néanmoins des manques et des difficultés non résolues

A. Les questionnements autour des listes d’activités S1 et S1 bis

B. Le poids des stocks

C. Accompagner les secteurs soumis à un décalage entre la reprise du travail et sa valorisation

ConclusION

annexes

Annexe 1 : Quelques chiffres des études conjoncturelles

annexe 2 :  notes THématiques

1. Le commerce de proximité

2. Les partenaires privés des entreprises

3. Le tourisme de montagne en hiver

4. Les acteurs du e-commerce

5. Alimentation et événements festifs de fin d’année

6. Fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile La restauration collective

7. Spectacles vivants et scènes privées – salles de cinéma – événementiel

Annexe 3 : COMPTES RENDUS DES PRÉSENTATIONS DU GROUPE DE SUIVI EN COMMISSION

1. Réunion du mardi 10 novembre 2020 consacrée au commerce de proximité

2. Réunion du mercredi 18 novembre 2020 consacrée aux partenaires privés des entreprises

3. Réunion du mercredi 25 novembre 2021 consacrée au tourisme de montagne en hiver

4. Réunion du mercredi 2 décembre 2021 consacrée aux acteurs du ecommerce

5. Réunion du mardi 8 décembre 2020 consacrée à l’alimentation et aux événements festifs de fin d’année

6. Réunion du mercredi 16 décembre 2020 consacrée aux fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile et à la restauration collective

7. Réunion du mercredi 13 janvier 2021 consacrée au spectacle vivant et aux scènes privées, aux salles de cinéma et à l’événementiel

8. Réunion du mercredi 3 février – rendu final

aNNEXE 4 : courrier envoyé au premier ministre

aNNEXE 5 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   INTRODUCTION

Lorsqu’un nouveau confinement a été mis en place le 29 octobre dernier, la commission des affaires économiques a décidé de recréer un groupe de travail transpartisan pour en suivre les conséquences économiques.

Comme les six groupes sectoriels qui ont travaillé durant le confinement du printemps 2020, ce groupe de suivi a eu pour mission d’informer la commission sur la situation et les difficultés des acteurs économiques les plus fragilisés et d’évaluer l’adéquation et l’efficacité des aides nationales.

Il s’est notamment attaché à regarder leur capacité à soutenir tous les maillons d’une chaîne économique. Car les restrictions sanitaires s’imposant à certains ont des répercussions sur de nombreux autres acteurs économiques : producteurs, fournisseurs, grossistes, prestataires…

Le groupe de suivi a donc identifié chaque semaine un ou plusieurs secteurs économiques sensibles, en rendant compte de ses explorations devant la commission la semaine suivante. Les notes synthétisant ces travaux hebdomadaires sont publiées en annexe. Il a ainsi invité des représentants des commerçants de proximité, des professionnels du tourisme de montagne, des acteurs des fêtes de fin d’année (marchés de plein air, forains, artisans d’art, filières de l’alimentation festive…), des scènes privées, des spectacles musicaux et de variété et des cinémas. Il a aussi entendu des représentants de secteurs moins visibles mais autant impactés : les différentes filières de l’événementiel, la restauration collective et les fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile. Le groupe de suivi a également trouvé utile d’entendre les partenaires des entreprises que sont les banques et les assurances, et d’auditionner des acteurs du commerce en ligne sur la réalité de leur activité pendant la crise et sur la solidarité dont ils ont fait montre vis-à-vis de leurs pairs soumis aux fermetures administratives.

Si le reconfinement n’était que le début d’une mise à l’arrêt prolongée ou d’une activité durablement faible pour un certain nombre de secteurs, le confinement proprement dit a été levé le 15 décembre. Les rapporteurs du groupe de suivi concluent donc ses travaux par une courte synthèse des répercussions qui leur ont été remontées et un bilan de l’état de notre pays à la fin de l’année 2020 (I).

Au vu de l’énormité des coûts économiques des confinements et de la gravité de leurs effets secondaires, sociaux, éducatifs et psychologiques, ils invitent aujourd’hui le Gouvernement à moduler un tel recours autant que la situation sanitaire le permet. Ils recommandent aussi d’objectiver à l’avenir ses décisions de prolonger les fermetures administratives au-delà des confinements.

Les rapporteurs font enfin le bilan des aides d’urgence mises en oeuvre par le Gouvernement pour soutenir l’économie et protéger l’emploi dans cette crise historique.

Les collectivités territoriales n’ont évidemment pas été de reste pour aider les acteurs économiques locaux ; leurs propres dispositifs sont venus compléter les aides nationales, et parfois même soutenir des entreprises qui ne pouvaient y prétendre. Mais si leurs actions ont souvent été évoquées lors des auditions du groupe de travail, elles n’étaient pas l’objet de son évaluation.

Le groupe de suivi a aussi pu voir l’accompagnement déployé par les réseaux consulaires et les représentants des filières professionnelles. De fait, une mobilisation large s’est construite autour des entreprises et travailleurs indépendants les plus durement touchés par les restrictions, jusqu’à certains acteurs du commerce en ligne qui ont proposé de partager leurs plateformes de vente.

Une mobilisation que certains souhaiteraient plus forte encore en proposant une contribution exceptionnelle des entreprises qui, à rebours des autres, ont tiré d’importants bénéfices de la crise. Le groupe de suivi a, tout au moins, collectivement souligné la nécessité de remettre à plat la fiscalité s’appliquant aux différents types de commerce, dont les disparités sont apparues plus discutables que jamais (cf. les notes sur le commerce de proximité et le e‑commerce). Mais il s’agit d’un autre débat et d’un chantier ultérieur.

Cette mobilisation nationale n’est pas non plus sans faiblesses : le groupe a ainsi interpelé les assureurs nationaux sur la façon, parfois étonnante, dont ils ont accompagné les acteurs économiques depuis le début de cette crise (cf. la note sur les partenaires privés des entreprises). La commission des affaires économiques indique en conséquence, dans le courrier qu’elle a adressé au Premier ministre, qu’elle sera attentive à la mise au point d’un dispositif assurantiel pour les catastrophes exceptionnelles qui garantisse un vrai partage du risque par les assurances. Les banques, quant à elles, se sont rapidement engagées dans la bataille pour éviter l’effondrement de nos entreprises. Les quelques réticences des débuts semblent avoir été levées ; elles ont massivement distribué les prêts garantis par l’État et assurent aujourd’hui qu’elles « examineront favorablement les moratoires et reports d’échéance nécessaires pour les entreprises subissant toujours des restrictions d’activités ». Les rapporteurs invitent néanmoins leurs collègues à continuer de faire remonter toute difficulté dont ils auraient connaissance sur leurs territoires.

Le présent rapport ne revient cependant pas sur ces divers sujets. L’objet premier du groupe de suivi étant d’évaluer le dispositif de soutien aux entreprises de l’État, il se concentre donc sur ses points forts (II) et ses manques (III) afin de proposer des pistes pour en améliorer encore l’efficacité.

 


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I.   Un second confinement aux impacts moins étendus mais plus profonds

A.   Des restrictions moins drastiques

Pour rappel, un couvre-feu avait été instauré mi octobre, avant que le reconfinement ne soit imposé à compter du 30 octobre. Les limitations ont cependant été moindres qu’au premier confinement : le maintien de l’ouverture des crèches et des écoles a permis aux parents de continuer à travailler même quand le télétravail n’était pas envisageable ; certains secteurs fermés ont pu poursuivre une activité minimale grâce aux ventes à emporter ou à livrer désormais autorisées. Et les secteurs non fermés avaient appris à adapter leur cadre de travail aux contraintes sanitaires. Puis les mesures de restriction ont été allégées à partir du 28 novembre, avec la réouverture des commerces dits « non essentiels », jusqu’à ce que le confinement soit levé le 15 décembre en ne maintenant qu’un couvre-feu généralisé.

La plus grande différenciation des restrictions entre les divers secteurs d’activité a indubitablement minimisé les conséquences du second confinement sur l’économie nationale. Plusieurs études confirment ce moindre impact (cf. annexe « Quelques chiffres des études conjoncturelles – janvier 2021 »). La Banque de France constate ainsi que le secteur manufacturier, la construction, certains services aux entreprises et les services non marchands sont moins touchés en novembre qu’au printemps. La production de biens a même progressé de 2,3 % sur l’ensemble du quatrième trimestre (INSEE).

La baisse d’activité en novembre n’aura représenté que - 11,6 de PIB, contre - 31 % en avril ; et l’ensemble du quatrième trimestre se solde par un recul de - 1,3 % de PIB, inférieur de 5 % par rapport à son niveau un an auparavant, au lieu des - 18,8 % sur un an à la fin du deuxième trimestre.

On constate également que si 9 millions de salariés étaient inscrits dans le dispositif de chômage partiel pendant le premier confinement, ils n’étaient plus « que » 3 millions au second.

Enfin, à la sortie de ce second confinement, une enquête de Bpifrance relève que les prévisions des chefs d’entreprises sont moins dégradées qu’au printemps, grâce à la forte reprise du troisième trimestre, au rebond du commerce de détail après le 28 novembre et à la relance des transports après le 15 décembre, grâce aussi, évidemment, à la meilleure visibilité qu’offre le lancement de la vaccination en France.

De fait, l’INSEE relève que l’investissement a poursuivi sa reprise (+ 2,4 %), entamée au trimestre précédent (+ 24 %), sur le quatrième trimestre.

B.   … mais qui ont pesé lourdement sur certains secteurs

Il n’en reste pas moins que le second confinement et les mesures de restriction mises en place avant et après ont maintenu la récession économique de notre pays à un niveau historique :

– l’INSEE a constaté un recul du PIB de - 8,3 % sur l’année ;

– selon l’enquête de Bpifrance, les chefs d’entreprise tablaient en fin d’année sur un chiffre d’affaires (CA) en baisse de 13 % – en moyenne – en 2020 ;

– enfin, l’INSEE estimait en décembre à 700 000 le nombre d’emplois, salariés et non salariés, détruits sur un an. Pour sa part, l’emploi salarié privé aura finalement reculé de 360 500 emplois sur l’ensemble de l’année (Informations rapides du 5 février). Le nombre de demandeurs d’emplois a augmenté de 7,5 %, cependant que le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) poursuit sa hausse, avec 804 PSE initiés depuis le début de la crise au 17 janvier et 84 130 ruptures de contrat de travail envisagés dans ce cadre, soit trois fois plus qu’à la même période en 2019 (Direction des statistiques du ministère du travail, DARES). Enfin, quelques grandes enseignes de l’habillement (Camaïeu, La Halle…) ont d’ores et déjà déposé leur bilan, menaçant près de 130 000 emplois.

Dans cette crise, l’État a perdu 37 milliards d’euros (Md€) de recettes fiscales sur l’année, tout en déployant 41,8 Md€ d’aides budgétaires pour soutenir la population et l’économie nationale. Son déficit budgétaire a ainsi atteint le niveau record de 178 Md€, au lieu des 93 Md€ prévus en loi de finances initiale. Soit 30 Md€ au-dessus du déficit enregistré en 2010 au plus fort de la crise financière.

Les restrictions sanitaires mises en place depuis l’automne (limitation des déplacements, couvre-feu, jauge ou fermeture des locaux recevant du public) ont aussi plus durement pesé sur certains secteurs économiques. Leur activité n’a pas seulement été drastiquement réduite ou suspendue pendant un mois et demi supplémentaire, ajoutant ces pertes à celles du premier confinement. Pour certains acteurs, ces restrictions sont intervenues pendant leur plus haute saison. Pour d’autres, elles ont été maintenues au-delà de la levée du confinement proprement dit. D’autres enfin sont quasiment à l’arrêt depuis le début de la crise. Et tous manquent d’un horizon clair pour leur reprise – hormis l’espoir d’un retour à une certaine normalité quand la vaccination de la population aura suffisamment avancé.

Même si leurs bilans sont divers, tous ces secteurs sont fortement impactés et leur situation s’est aggravée depuis le second confinement.

Certains sont des poids lourds de l’économie nationale, et de gros employeurs, qu’il s’agisse des transports, du tourisme ou du secteur HCR (hôtels‑cafés-restauration) :

– Si les transports collectifs ont été rapidement autorisés à reprendre, les limitations de déplacements pendant les confinements, le développement du télétravail et la baisse du tourisme international ont fortement pénalisé le secteur des transports ([2]). Spécialement pour l’avion : le groupe ADP (Aéroports de Paris) vient d’annoncer une chute de 60,4 % de son trafic total sur l’année 2020. Les compagnies aériennes tournant au ralenti, c’est toute la filière aéronautique française qui est ébranlée, en particulier autour d’Airbus qui a réduit de 35 à 40 % les cadences de ses principales chaînes de production en France et ne compte pas retrouver une activité équivalente à 2019 avant 2023. Le second confinement n’a pas amélioré ces perspectives.

La filière automobile a plus souffert du premier confinement que du second, les acheteurs ayant été autorisés à venir chercher leur nouveau véhicule sur rendez‑vous dans les concessions automobiles. Et entre les deux, les immatriculations de véhicules neufs aux particuliers avaient bien repris. Malgré cela, elles auront diminué de 28,9 % sur les trois premiers trimestres 2020. Quant aux exportations, elles ont reculé de 36 % sur la même période. Après une quasi-mise à l’arrêt au printemps, la production française avait presque retrouvé son niveau de février (- 2,1 %) en septembre (INSEE, Note de conjoncture, décembre 2020) ; mais au total, la production de véhicules aura chuté de 43 %, et même de 47 % pour les véhicules particuliers (Les Échos, 14 décembre 2020). Au-delà des restrictions nationales et internationales, l’INSEE y voit également la traduction d’un certain attentisme des consommateurs face à la crise, ainsi que des mutations structurelles (nouvelles exigences environnementales et internationalisation de la chaîne production) déjà à l’œuvre dans la filière européenne avant le choc ;

– Selon l’enquête précitée de Bpifrance, avec les restrictions de la fin d’année, la contraction du chiffre d’affaires des PME du secteur du tourisme serait de - 42 % en moyenne sur l’ensemble de l’année 2020, contre - 35 % au printemps. Toutefois, les situations varient : le secteur a globalement connu une reprise nette en France pendant l’été, avec une activité moindre dans les territoires traditionnellement recherchés par les touristes étrangers comme en Île-de-France, mais plus soutenue en montagne. En revanche, l’activité internationale s’est très fortement réduite.

Après avoir subi une fermeture anticipée en mars 2020, les stations de sport d’hiver se sont retrouvées privées de remontées mécaniques et donc de la quasi‑totalité de leur activité pendant les vacances de Noël, qui représentent à elles seules une perte globale de 2 Md€. Le déficit cumulé sur 2020 oscille, selon les sites, entre 34 et 45 % du CA annuel pour les remontées mécaniques et entre 25 et 50 % pour les hébergements. Or, la nouvelle accélération de la pandémie vient d’amener le Gouvernement à prolonger la fermeture des remontées mécaniques jusqu’à fin février 2021 – soit pendant les vacances d’hiver, qui génèrent ordinairement autour de 36 % du CA total du secteur – et fait craindre pour le reste de la saison 2020‑2021. Sachant que 95 % des recettes annuelles du secteur sont réalisées entre décembre et fin avril, les divers professionnels pourraient donc perdre presque tout leur hiver – même si les stations diversifient leur offre d’activités avec un certain succès –, tout en ayant dû engager des frais, embaucher et constituer des stocks onéreux pour la préparation d’une éventuelle réouverture.

On notera qu’avec une saisonnalité différente, les stations thermales sont, aussi, largement paralysées depuis l’automne ;

– Dans le secteur HCR, l’activité des discothèques est interdite depuis la mi mars et le sera encore longtemps parce qu’elles seront vraisemblablement parmi les dernières à être autorisées à reprendre.

Les bars, cafés et restaurants ont connu quant à eux une forte reprise dès leur réouverture le 2 juin, jusqu’à ce que le décret du 29 octobre les ferme à nouveau. Depuis, l’arrêt de l’activité est total pour les bars et cafés sans service de restauration. Avec l’autorisation des alternatives aux repas assis (ventes à emporter et livraisons), les pertes sont un peu atténuées pour les services de restauration ; mais ces alternatives ne représentent toujours que 15 à 20 % des recettes habituelles dans le meilleur des cas. Le maintien de leur fermeture après la levée du second confinement a mis fin à leurs espoirs de reprise à court terme ; la remontée des contaminations repousse cette perspective à une date plus incertaine encore.

Les hôtels n’ont pas été fermés en tant que tels, mais leurs bars et salles de restauration ont été interdits. Ils ont surtout été pénalisés depuis le début de la crise par les limitations et les baisses de déplacements et par la diminution du tourisme, notamment la chute du tourisme international mais aussi l’arrêt quasi-total des évènements (foires, salons, congrès...) qui mobilisaient jusqu’à la moitié de leurs nuitées. Selon une enquête du Cabinet MKG, la baisse de la recette moyenne par chambre disponible (RevPAR) serait de 61,3 % en 2020 dans l’hôtellerie française – bien moins touchée cependant que dans les 18 autres pays européens étudiés (Les Échos, 18 janvier 2021) ;

La fermeture des 200 000 boutiques ([3]) (puis des rayons) non alimentaires, de bricolage ou « indispensables à l’activité professionnelle » a également fortement frappé les esprits parce que ces acteurs de proximité constituent un tissu d’entreprises essentiel à l’animation et à l’irrigation économique des territoires, et que leur sauvegarde est un enjeu crucial pour les centres-villes en voie de désertification. Après les trois mois du premier confinement, le reconfinement est apparu comme un manque à gagner insupportable pour ces commerçants et artisans constitués en grande partie de TPE et d’indépendants. Bien qu’autorisées, et encouragées, pendant ce second confinement, les solutions de drive et click and collect ont à peine atténué les pertes des petits commerces. Elles sont en effet assez lourdes à mettre en œuvre, hormis pour les grandes surfaces déjà rodées à l’exercice ; et ces entreprises pâtissaient d’un retard important dans le développement de leurs vitrines en ligne : fin 2019 encore, seuls 34 % des dirigeants des TPE françaises déclaraient avoir engagé leur numérisation.

Ces commerçants appréhendaient d’autant plus la concurrence active des vendeurs en ligne, vers lesquels leurs clients se sont logiquement tournés pendant leurs fermetures, que le second confinement est intervenu à l’orée des fêtes de fin d’année, avec leurs achats de cadeaux, et pendant le mois du Black Friday, une opération commerciale mondiale qui génère habituellement 5 Md€ de CA pour les boutiques physiques. En réponse à leurs inquiétudes, le Gouvernement a obtenu le report de ce rendez-vous, puis accordé (avec une jauge sanitaire renforcée) la réouverture anticipée des commerces en boutique dès le 28 novembre. De fait, les ventes de détail ont rebondi le mois suivant, en hausse de 15,4 % par rapport à décembre 2019, après un recul de 24,6 % sur un an en novembre (Banque de France, janvier 2021).

La mise à l’arrêt s’est toutefois prolongée pour les commerçants des marchés de plein air dont l’interdiction a parfois été maintenue sur décisions des préfets ou des communes. Et la vente à distance aura tout de même progressé de 44,2 % sur un an (Banque de France). Une partie de ce succès est opportuniste ; les acteurs économiques craignent cependant qu’il ne traduise aussi une évolution profonde des habitudes de consommation – qu’un nouveau confinement pourrait ancrer davantage s’il devait refermer les boutiques.

Les Français ont néanmoins montré un réel attachement à leurs commerces de proximité pendant et après le second confinement – ainsi qu’aux producteurs nationaux, comme en témoigne le succès des rayons français des plateformes en ligne. On notera enfin qu’en France, le confinement a plus profité aux enseignes magasins qu’aux purs e-commerçants (cf. la note sur le e-commerce). Au final, les grandes enseignes physiques ont gagné de 0,4 à 0,7 % de part de marché en 2020 grâce à leurs importants rayons alimentaires et de bricolage mais aussi à leurs services de livraison.

Pour évaluer les conséquences économiques du second confinement, après s’être penché sur la situation des commerces de proximité, le groupe de suivi a choisi de consacrer ses travaux (cf. les notes thématiques en annexe) à des activités moins visibles, mais :

– soit directement touchées par le calendrier des restrictions, tels le tourisme de montagne en hiver et les marchés de Noël.

L’annulation, même après la réouverture des commerces, de 80 % de ces derniers ainsi que de la plupart des évènements festifs liés à la fin d’année a fait perdre beaucoup aux divers acteurs économiques concernés : vendeurs divers, forains, professionnels du spectacle vivant… ; et ce, d’autant plus que se fondant sur la conjoncture positive de septembre, nombre d’entre eux avaient constitué d’importants stocks de marchandises pour ces rendez-vous. Leur annulation a été particulièrement sensible pour les forains qui avaient été interdits d’activité dès octobre. Elle a été dramatique pour les producteurs et artisans qui y écoulent une partie importante de leurs produits ;

– soit fortement impactées par le ralentissement ou l’arrêt d’autres activités.

La fermeture de leurs boutiques-ateliers pendant les deux confinements et celle des marchés de plein air ont pesé sur les artisans d’art ; mais ils ont plus encore pâti de l’annulation, à partir de février, de la plupart des salons et foires où 60 % d’entre eux réalisent une part substantielle de leur CA. Le développement – encore timide – de leurs sites internet et la réouverture de leurs boutiques à partir du 28 novembre ont permis de sauver leurs ventes de fin d’année, sans pouvoir cependant compenser le manque à gagner passé. Leurs représentants ont rapporté les grandes difficultés dans lesquelles se trouvaient plusieurs d’entre eux dès juillet.

Bien que leurs magasins soient restés ouverts, les commerces alimentaires ne sont pas sortis indemnes des restrictions sanitaires. Nombre d’entre eux ont en effet, perdu des débouchés substantiels avec le développement du télétravail ; ces pertes s’élèveraient à plus de 40 % de leur CA pour un tiers des entreprises.

Dans le secteur de l’alimentation, les métiers du sucré ont plus souffert que d’autres. Particulièrement les chocolatiers et confiseurs : leurs exportations ont chuté (20 % du CA) ; pour les commerçants de détail, les confinements sont survenus à des temps forts pour leur activité (Pâques et Halloween), mais le second s’est heureusement arrêté avant les fêtes de Noël. En revanche, pour les fournisseurs des aéroports, gares, distributeurs automatiques, etc., les pertes ont été presque complètes et ne se sont pas limitées aux périodes de confinement.

De manière générale, les fournisseurs et grossistes, alimentaires ou non, de la filière RHD (restauration hors domicile) ont largement subi la fermeture de leurs débouchés pendant les confinements, mais aussi après pour nombre d’entre eux : que ce soient les cafés, bars et restaurants, qui sont restés fermés depuis le second confinement, la restauration ferroviaire, aérienne et en entreprise, qui n’a pas ou peu redémarré depuis le premier, ou les événements sportifs et les lieux de rassemblement, qui sont fermés depuis des mois.

Selon leurs représentants, au premier confinement, les fournisseurs de la RHD avaient perdu en moyenne 40 % de leur activité ; un recul s’élevant à 54 % pour les fournisseurs dans l’alimentaire ; les grossistes de l’alimentaire l’évaluaient à 37 % sur la même période, mais ces pertes montaient jusqu’à 90 % dans les secteurs des boissons, des équipements et des textiles. L’été n’a permis qu’une reprise partielle, à, respectivement, - 25 % et - 20 % en deçà de leur niveau habituel pour les fournisseurs et les grossistes alimentaires. Le reconfinement a de nouveau réduit leur CA : 57 % des entreprises auraient connu une baisse d’activité proche voire supérieure à 50 % parmi les fournisseurs alimentaires et de 42 % en moyenne chez les grossistes de l’alimentation. Mais la situation de ces derniers est plus contrastée selon qu’ils s’adressent davantage à la restauration commerciale, à la restauration collective ou aux commerces : la première catégorie a ainsi perdu en moyenne 66,8 % de son CA pendant le second confinement et un total de 33,6 % entre mars et novembre. Or, ses débouchés sont restés fermés depuis, aggravant non seulement le manque à gagner pour ses filières mais aussi ses craintes quant aux défauts de paiement à venir de leurs clients (qui les règlent avec plusieurs mois de décalage).

Pour leur part, les fournisseurs de café et le commerce de gros en boissons sont quasiment à l’arrêt depuis fin octobre.

Le groupe de suivi a enfin entendu les représentants de quelques-uns des secteurs les plus touchés par les mesures de restriction sanitaires, soit parce qu’ils n’ont plus qu’une activité marginale voire nulle depuis le début de la crise, soit parce que leurs contraintes de fonctionnement ne leur a pas permis de générer des recettes quand cela leur fut possible :

– Même si seuls les lieux d’accueil du public sont fermés administrativement, l’ensemble du secteur de l’événementiel aurait perdu 91 % de ses recettes annuelles habituelles en 2020 (- 35,9 Md€), sans compter le manque à gagner pour les entreprises exposantes (- 28,8 Md€). Ces pertes sont partagées à peu près à égalité entre les opérateurs de la filière (qui organisent et accueillent les congrès, salons, foires et évènements d’entreprises et d’institutions) et les acteurs du tourisme local (transports, hébergement, restauration et commerces). Les opérateurs accusent ainsi un recul de 80 % de leur CA total ;

– Les spectacles musicaux et de variété privés sont, quant à eux, arrêtés à 95 % depuis le 15 mars : après le premier confinement, l’interdiction des spectacles en jauge debout, la limitation des places assises à 1 000 personnes, puis le couvre‑feu ont en effet fortement restreint les possibilités de reprise. Tous sont arrêtés depuis le reconfinement. Les entreprises auraient ainsi perdu au moins 84 % et jusqu’à 90 % de leur CA en 2020 ;

– Les scènes privées (théâtres et cabarets) sont restées fermées jusqu’en août. Elles n’ont pu rouvrir qu’avec des jauges très faibles, et sans les bars ni la restauration dont les recettes sont essentielles à l’équilibre économique des cabarets. En outre, les plus grandes salles de théâtre ont été maintenues fermées et les cabarets, qui ont besoin d’une phase de remise en marche, n’ont réellement pu reprendre leurs représentations qu’en octobre. Or, le couvre-feu puis le reconfinement ont stoppé ces relances, à la période d’activité la plus importante pour leurs filières. Les cabarets et music-halls ont ainsi perdu jusqu’à 85 % de leur CA annuel. Les théâtres privés auraient subi un recul de 62 à 65 % de leur CA ; mais cette moyenne cache de fortes disparités : certains n’en auraient perdu que 58 % quand cela monte à 85 % pour d’autres.

Au surplus, se caractérisant par des marges nettes faibles et la nécessité de réinvestir massivement pour générer de nouveaux revenus, ces trois secteurs de la culture ne disposent ordinairement que de faibles niveaux de trésorerie, qui, pour beaucoup, se retrouvent négatives aujourd’hui. Les entreprises ayant préparé une réouverture qui a tourné court sont les plus touchées : non seulement elles ne bénéficiaient plus du chômage partiel pour les personnels qui ont repris leur travail, mais elles avaient engagé des dépenses qui n’ont pu être amorties par des rentrées de recettes – ni par aucune aide publique.

Une des principales contraintes de ces acteurs, comme du secteur de l’évènementiel, est en effet le temps dont ils ont besoin pour retrouver une activité lucrative : le temps de la remise en forme des artistes, des répétitions ou de l’organisation et le temps de la communication et de la commercialisation des billets. Ces durées de préparation incompressibles peuvent prendre entre deux semaines et deux ans selon les activités et la taille des projets. Elles nécessitent des investissements importants et l’expérience a montré le risque d’anticiper une reprise sans certitude et/ou sans accompagnement financier.

Le groupe de suivi a également auditionné les représentants des salles de cinéma. Leur réseau d’une densité territoriale unique au monde est un acteur important du quotidien des Français. Après le premier confinement, les cinémas n’ont été autorisés à rouvrir qu’à compter du 23 juin, avec une jauge exigeante et des spectateurs prudents conduisant à un plafonnement de leur activité à 40 % en moyenne de leur niveau normal. Malgré tout, ces résultats étaient encourageants, et meilleurs que chez leurs voisins européens. Mais le reconfinement les a refermés durablement. Au total, les salles ont perdu plus de 70 % de leurs recettes en billetterie de l’année.

La suspension de leur activité a par ailleurs un impact fort sur l’industrie cinématographique française, qui est en partie financée par les ressources de la taxe spéciale additionnelle perçue sur les ventes de billets. Le Centre national du cinéma, qui gère ces subventions, a ainsi constaté une chute de plus de 64 % des fonds sur 2020. Leur tarissement depuis fin octobre a mis le dispositif de financement public à l’arrêt complet.

C.   Quelles suites ?

Au vu des enjeux économiques, et des souffrances psychologiques occasionnées par leur inactivité prolongée et l’absence de perspective de reprise, les représentants des filières HCR puis les acteurs de la culture ont saisi le Conseil d’État en décembre pour contester leur non-réouverture. Ce dernier a confirmé la décision et les arbitrages du Gouvernement au regard de la dynamique de progression du virus et de la menace que représente le « variant anglais ». On notera qu’il a également pris en considération « les risques sanitaires encourus, pour la population générale, du fait du brassage de population dans les salles de consommation sur place » ([4]) s’agissant des premiers requérants.

Le Conseil d’État souligne en revanche que « le risque de transmission du virus, dans les établissements accueillant les spectacles vivants comme dans les cinémas, est plus faible que pour d’autres événements rassemblant du public en lieu clos, dès lors que de [les] protocoles [sanitaires décrits]sont effectivement institués et appliqués » et qu’« en l’absence de perspective d’éradication du virus dans un avenir proche, le maintien d’une interdiction générale et absolue d’ouverture au public des cinémas, théâtres et salles de spectacles […] constituerait une illégalité manifeste si elle était justifiée par la seule persistance d’un risque de contamination de spectateurs par le virus SARS-CoV-2 » ([5]).

Le fait est, cependant, que l’évolution de la pandémie est impossible à prévoir dans les mois à venir.

En outre, avec l’accélération des contagions, le niveau élevé d’occupation des services de réanimation et les craintes relatives aux variants de la Covid-19, l’hypothèse d’un troisième confinement se précise, sans que l’on puisse dire combien de temps il devra durer et quelles restrictions seront indispensables.

La quadrature du cercle du reconfinement

Avant une immunisation suffisante de la population, le confinement est sans conteste la mesure la plus efficace pour contenir la circulation virale en la freinant rapidement et significativement. Mais quand, comment et pour combien de temps faut-il la mettre en œuvre ? Non seulement trois à quatre semaines de confinement, au minimum, sont nécessaires pour obtenir des résultats probants, selon les experts ; mais le niveau de ralentissement est fonction de l’ampleur des restrictions imposées aux activités humaines et du stade de contagion où elles sont appliquées.

Or, ces restrictions ont des coûts économiques et sociaux élevés. Refermer les écoles qui sont le lieu de brassages humains importants, longs et répétés est une mesure d’une très grande efficacité. Mais cela interdit à de nombreux parents – souvent les mères – de travailler et gêne fortement les autres actifs. Plus grave encore est le décrochage scolaire de nombreux enfants que l’on a pu constater au premier confinement – sans parler des dégâts sur la santé des plus précaires. Face à la gravité de ses conséquences, la France a fait le choix ensuite de maintenir ses écoles ouvertes, n’envisageant leur fermeture qu’en toute dernière extrémité.

Refermer les activités dans les lieux accueillant du public ne changera pas la situation de celles qui le sont déjà depuis le dernier confinement et qui n’avaient pas de perspective immédiate de réouverture. Mais cela paralysera à nouveau les commerces dits « non essentiels » et les activités touristiques qui pouvaient espérer quelques recettes avec les prochaines vacances. L’expérience des précédents confinements donne une idée de leurs coût immédiats en termes d’activité économique, d’emploi et de pouvoir d’achat. Il est aussi inéluctable qu’un nouveau confinement amènerait les entreprises à réviser négativement leurs projections. Une enquête publiée le 26 janvier par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) révèle que 49 % des chefs d’entreprises de PME et TPE disent « ne pas être en capacité de supporter un troisième confinement ».

On sait aussi que l’état psychologique des Français s’est beaucoup dégradé. S’ils ont peur de la létalité du virus et s’ils ont montré leur solidarité, leur civisme et leur conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans la limitation de sa propagation, ils craignent aussi le chômage et souffrent déjà du rationnement social, de l’inactivité forcée et de l’isolement imposé par le télétravail, ou l’interdiction des cours communs pour les étudiants. Un niveau supérieur d’enfermement aggraverait à coup sûr les sentiments de lassitude et de désespoir.

Pour tolérer un nouveau confinement, citoyens et acteurs économiques doivent être majoritairement convaincus que les bénéfices seront à la hauteur des sacrifices demandés : sauver des vies évidemment, éviter que les hôpitaux ne soient débordés, mais aussi améliorer leurs perspectives. Ils ont également besoin d’un horizon de sortie assez précis, et supportable. Car si la peur et la sidération des premiers temps leur ont fait supporter les trois mois du premier confinement, un confinement aussi long est aujourd’hui inimaginable. D’autant que notre pays a appris à « s’arranger » avec le virus : les entreprises et les écoles ont rodé leurs mesures de protection ; la population s’est adaptée aux gestes barrières et suit, globalement, les consignes sanitaires avec sérieux. Les Français ont montré pendant les fêtes leur capacité à accepter des efforts supplémentaires s’ils lui permettent de continuer leurs activités, ou de les retrouver à brève échéance.

Un confinement d’un mois suffirait-il à ralentir assez l’épidémie ? Puis une fois levé, avec la progression de variants plus contagieux, combien de temps les contaminations se maintiendront-elles à un niveau « gérable » avant qu’un reconfinement ne doive être à nouveau envisagé ? Peut-être plus longtemps si notre pays part d’un nombre d’hospitalisations très abaissé ; mais sans doute pas suffisamment pour tenir jusqu’à ce qu’il atteigne un degré d’immunité collective suffisant. La course de la vaccination est engagée ; toutefois, quels que soient les efforts déployés par l’Union européenne et la France, divers aléas font qu’on n’est pas certain de son rythme, qui prendra en tout état de cause plusieurs mois. La question pourrait donc se poser à d’autres reprises avant que la vaccination ne protège assez. Les arbitrages qui seront faits en ce début d’année pèseront non seulement sur la vie et l’activité de notre pays pendant l’éventuel reconfinement, mais aussi sur les potentielles reconductions de la mesure, avec un effet négatif croissant sur leur tolérabilité par nos concitoyens et sur la capacité de résilience de notre économie.

Avec les questions du bon niveau de restriction et de la durée nécessaire, se pose aussi la question du bon moment pour engager l’arme du reconfinement. La population française n’étant qu’aux débuts de sa vaccination, les capacités de réponse des services de réanimation et le niveau du risque d’emballement sont déterminants pour y répondre ; mais la responsabilité politique impose de mettre aussi dans l’équation les répercussions éducatives, psychologiques, sociales et économiques de la date choisie. Le seuil au-delà duquel ne pas reconfiner devient ingérable d’un point de vue sanitaire est difficile à identifier ; mais s’agissant des autres impacts, le calendrier pourrait offrir une issue : certains évoquent la possibilité de profiter des vacances de février et de la fermeture provisoire des écoles pour instaurer une sorte de confinement, qui limiterait les impacts sur les cursus pédagogiques et le travail des parents, quitte à anticiper un peu ces congés, voire à les allonger d’une semaine.

Vos rapporteurs n’ont pas accès aux indicateurs sanitaires qui fonderont les décisions du Gouvernement, mais ils trouvent cette piste intéressante.

Ce sont là des arbitrages complexes. Vos rapporteurs sont néanmoins persuadés qu’en cas de reconfinement, tant que le niveau de risque le permet, il importe de différencier à nouveau les contraintes en fonction des secteurs afin de préserver autant que possible les chances de notre jeunesse et de conserver une activité économique au-delà des besoins strictement nécessaires. Un confinement même rigoureux ne permettra vraisemblablement pas de tenir jusqu’à la fin du programme de vaccination, qu’il paraît difficile d’accélérer ; l’économie et la société françaises seraient-elles capables de supporter une succession de reconfinements durs ?

Pour pousser la réflexion jusqu’au bout, une formule très souple comme celle qui a prévalu entre le 28 novembre et le 15 décembre pourrait-elle offrir un compromis efficace, malgré tout, d’un point de vue sanitaire ? Cette question est cruciale pour les commerces et artisans dits « non essentiels » dont la reprise d’activité avec une régulation des flux plus rigoureuse n’a pas fait rebondir les contaminations en décembre. Si la situation le permet encore, ce pourrait être un pari intéressant – à discuter cependant avec les professionnels car les limitations de mobilité réduisent évidemment leurs clientèles.

Quoi qu’il en soit, statu quo ou confinement, souple ou rigoureux, il faudra attendre que la protection des vaccins soit suffisamment déployée dans notre pays pour qu’un retour à des interactions sociales presque normales puisse être envisagé. Dans tous les cas, la reprise des activités actuellement suspendues s’inscrit dans un avenir flou, même si les espoirs sont permis pour l’automne prochain, voire l’été. Ce flou compliquera en outre la relance des secteurs qui nécessitent un temps de préparation, parce que cette phase reste impossible à anticiper activement en l’état actuel des dispositifs de soutien.

Une fois passé l’éventuel reconfinement, vos rapporteurs pensent donc indispensable d’objectiver les futurs arbitrages quant aux réouvertures ou au maintien des fermetures. Comme ils ont déjà eu l’occasion de le dire, il leur apparaît nécessaire et urgent d’étudier scientifiquement les conditions sanitaires des reprises, à savoir les caractéristiques de circulation du virus comme les mesures de protection qui autoriseraient ces reprises. Quelques études ont déjà été réalisées en France ; elles ont ainsi confirmé que c’est d’abord quand on mange ensemble que les probabilités de s’infecter sont les plus grandes. A contrario elles n’ont pas montré qu’il y ait plus de risque dans les transports ou les magasins qu’ailleurs si les mesures barrière sont respectées. Il s’agit d’évaluer de même les activités dans les lieux culturels, les salons, etc. C’est une attente forte de leurs représentants ainsi que des acteurs de la RHD qui suggèrent de s’inspirer des expériences déjà menées, en Espagne notamment.

À condition d’être transparents, les résultats de telles études pourraient calmer les débats sur la réalité des contaminations dans les différents lieux accueillant du public et lever les doutes sur l’efficacité des mesures barrière. Ces études pourraient délimiter des sortes de seuil de déclenchement ou d’assouplissement qui faciliterait l’acceptation des décisions, et des critères permettant d’identifier les consignes proportionnées au contexte sanitaire. Ces repères seraient à la fois plus convaincants et plus rassurants, tout en fondant un pilotage plus fin de la gestion sanitaire, économique et sociale d’une crise qui dure.

Vos rapporteurs sont enfin convaincus que ces évaluations et les « grilles de décision » qui pourraient en découler ne seront valables et opérationnelles que dans la mesure où les acteurs économiques concernés sont associés à leur élaboration. Ce sont en effet les seuls à même de dire si les hypothèses envisagées sont praticables, et ce sont les plus aptes à reconnaître le niveau de contrainte à partir duquel leur activité ne mériterait pas d’être poursuivie parce qu’elle ne serait plus viable. Sur ce point, les représentants des scènes privées ont réalisé un travail prospectif très intéressant que le groupe de suivi tient à signaler (cf. la note thématique correspondante). Ils travaillent également à des représentations tests.

Cela étant, ce niveau de viabilité économique et, plus généralement, la tolérance à l’égard des restrictions dépendent fortement des aides publiques qui sont apportées.

II.   Un accompagnement économique de l’État qui s’est renforcé et élargi avec le reconfinement

A.   Un volontarisme reconnu

Tous les professionnels auditionnés par le groupe de suivi ont salué la vitesse et la force de l’action du Gouvernement pour soutenir l’économie nationale.

S’agissant de l’accès pratique aux aides, quelques dysfonctionnements techniques lui ont été rapportés ; mais ils semblent avoir été vite résolus. Et quand certains choix de mise en œuvre ont montré leurs limites, ils ont été généralement corrigés : telle la distribution des aides complémentaires du Fonds de solidarité que les services fiscaux ont reprise fin novembre après le constat des difficultés des régions.

Au reste, l’enquête de conjoncture semestrielle auprès des PME, publiée par Bpifrance le 7 janvier dernier, montre qu’elles sont très bien informées des soutiens existants ; très peu d’entreprises déclarent ne pas connaître les différents dispositifs. De fait, la mise en place de plateformes d’information sur les sites du ministère de l’économie et de l’Urssaf dès le début de la crise a offert à chaque acteur une information actualisée au fil des évolutions ainsi que les liens et les explications nécessaires pour solliciter les aides nationales ([6]). Mais leur accessibilité a été encore renforcée avec l’ouverture le 2 novembre d’un numéro d’appel unique aux deux administrations, et non surtaxé, afin de renseigner et orienter plus finement les professionnels. Ceci dit, deux numéros uniques ont également été mis en place par les chambres consulaires (CCI et CMA) et chaque filière professionnelle s’est attachée à tenir ses entreprises informées des aides auxquelles elles peuvent prétendre.

Enfin, les filières économiques ont évidemment apprécié que le Gouvernement n’ait pas tardé à réactiver, et même renforcé, ses aides pour accompagner les nouvelles restrictions de l’automne.

Si certains acteurs se sont plaints d’une insuffisante prise en compte de leurs spécificités, tous ont reconnu que les aides nationales sont conséquentes et qu’elles ont sauvé de nombreuses entreprises durant cette première année de crise.

B.   Un soutien toujours plus massif qui a permis d’éviter l’effondrement de l’économie française

Les divers dispositifs d’aide aux entreprises sont détaillés dans les notes thématiques. Parmi les plus appréciés, on rappellera que dès le 2 novembre, les principales indemnisations du Fonds de solidarité ont été augmentées de 1 500 € à 10 000 € pour les entreprises de moins de 50 salariés fermées ou subissant d’importantes pertes de chiffre d’affaires (CA) ; que le taux de perte pris en compte pour accéder au Fonds a été ramené de 80 à 50 % ; et que la prise en charge par l’État des indemnités d’activité partielle a été portée à 100 % pour plusieurs secteurs dits « protégés » – à savoir les plus directement et fortement touchés par les restrictions ([7]).

L’effort budgétaire de l’État est ainsi monté jusqu’à 15 Md€ par mois de confinement.

Ultérieurement, quand le déconfinement a laissé certains secteurs fermés, les aides du Fonds de solidarité ont été encore renforcées : depuis décembre, les entreprises, les indépendants et les professions libérales concernés peuvent choisir entre une aide forfaitaire de 10 000 € ou une indemnisation à hauteur de 15 à 20 % du CA mensuel, dans la limite de 200 000 €.

À lui seul – les chiffres des régimes sociaux n’étant pas encore connus –, l’État aura effectué 41,8 Md€ de dépenses d’urgence en 2020 :

– La prise en charge du financement du chômage partiel a coûté 23 Md€ sur l’année, dont 17,8 Md€ pour l’État (le reste pour l’Unédic). Les 4,8 Md€ de crédits prévus en 2020 pour le financement du nouveau dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD) sont toutefois reportés sur 2021 ;

– 11,8 Md€ ont été dépensés au titre du Fonds de solidarité. Environ 2 millions d’entreprises en bénéficieraient ;

– La compensation à la Sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales a représenté 3,9 Md€ pour l’État ;

– Par ailleurs, le soutien aux grandes entreprises a déjà mobilisé 8,3 Md€, avec 4,1 Md€ de recapitalisation de la SNCF et 3 Md€ de prêts directs à Air France.

Ces aides budgétaires sont complétées par un dispositif financier également apprécié : le prêt garanti par l’État. Ce crédit de trésorerie, que les banques se sont engagées à distribuer largement, peut représenter jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires annuel, remboursable après un an de différé (capital, intérêts ou commission de garantie) ou – depuis octobre – pouvant être amorti sur une à cinq années supplémentaires. Au 1er janvier 2021, près de 638 034 entreprises, majoritairement des PME, ont bénéficié du dispositif pour un total de 131,2 Md€. Et seuls 2,8 % des demandes auront essuyé un refus.

Au final, malgré la crise, non seulement les défaillances d’entreprises n’ont pas augmenté en 2020, mais elles auront reculé de 38,1 % par rapport à 2019. Ces chiffres sont à prendre avec prudence car ils reflètent d’abord un ralentissement de l’activité des tribunaux de commerce et l’arrêt temporaire des assignations de créanciers ; et ils ne sont pas encore impactés par les récents dépôts de bilan dans l’habillement. Il n’en demeure pas moins qu’en réduisant fortement les charges des entreprises et en apportant de la liquidité, les aides de l’État ont amorti les chocs de sous-activité, minimisé les risques de défaillance et protégé de nombreux emplois.

Si elles n’ont pas permis de sauver les plus précaires (les « petits boulots » notamment) qui ont été les premiers sacrifiés ([8]), leur bénéfice social est indéniable dans la mesure où elles ont évité un chômage plus massif, et préservé le pouvoir d’achat des Français (cf. la note de conjoncture de l’INSEE de décembre 2020). Ces derniers ont même pu épargner une centaine de Md€ (dont 35 Md€ supplémentaires sur les livrets d’épargne réglementée). Ces réserves promettent une capacité de consommation, et peut-être de réinvestissement, qui sera utile quand l’économie repartira.

Si ces aides ne pourront sans doute empêcher la chute des entreprises qui étaient déjà fragiles avant la crise, elles ont également montré leur efficacité comme soutiens économiques. Dans son rapport publié le 19 janvier 2021, le Fonds monétaire international en souligne toute la pertinence, face à ce qu’il considère comme l’une des plus fortes récessions parmi les économies européennes. On notera toutefois que « si les aides massives doivent continuer à court terme, le FMI appelle l’exécutif à progressivement les cibler davantage à moyen terme ». Il l’appelle surtout à rester vigilant sur le niveau de la dette publique.

De fait, la dernière enquête de conjoncture semestrielle de Bpifrance montre que la situation de trésorerie des PME s’est améliorée depuis le printemps, même si elle reste encore loin de la normale. Plus fondamentalement, 53 % des PME jugeaient fin décembre que leur trésorerie était suffisante pour affronter la crise, contre 30 % au mois d’avril ; 37 % d’entre elles estimaient que les difficultés rencontrées étaient dépassables avec les mesures de soutien. Seules 3 % des PME interrogées jugeaient insurmontables leurs difficultés de trésorerie.

Pourtant, seuls 55 % des dirigeants ayant répondu à son enquête avaient sollicité un PGE à ce jour ; et 62 % des PME bénéficiaires ne l’avaient pas encore utilisé, ou à moins de la moitié du montant accordé (Bpifrance). Quant aux entreprises de taille intermédiaire et aux grandes entreprises, elles ont d’abord tiré sur leurs lignes de crédit avant de recourir beaucoup plus tard aux PGE (Banque de France, Bulletin 232/7, décembre 2020).

La Banque de France relève par ailleurs que la mise en place des PGE a donné lieu à une baisse du taux d’intérêt des crédits aux entreprises.

Bpifrance conclut de ces divers constats que, non seulement, les PGE ont permis de maintenir des conditions de financement favorables pour les PME et pallier leurs besoins de trésorerie, mais que le dispositif reste encore en bonne partie mobilisable et « constitue une ressource importante pour aborder la reprise ».

C.   Des aides qui se sont affinées au fil du temps

Les aides n’ont cessé d’évoluer pour coller davantage à la diversité des situations et des problématiques :

– La crise ayant montré l’importance et l’urgence de la numérisation des commerces de proximité, le Gouvernement a lancé, le 15 octobre, son initiative France Num pour accompagner ces évolutions via une plateforme partagée présentant l’ensemble des accompagnements proposés par les acteurs publics. Puis il a été décidé fin novembre d’accorder un « chèque numérique » de 500 € aux entreprises fermées qui ne sont pas encore équipées, ainsi qu’une subvention de 20 000 € aux collectivités territoriales qui mettent en place une plateforme collective d’e-commerce locale ;

– Pour prendre en compte la saisonnalité de leurs activités, un PGE « Saison » a été proposé à partir d’août aux entreprises des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de l’événementiel, du sport, du loisir et de la culture : le plafond du prêt n’est plus l’année mais est la somme des trois meilleurs mois de CA du dernier exercice clos.

De même, le plafonnement, initialement à 50 %, de l’indemnisation de leur perte de CA pour les entreprises relevant de la liste S1 bis a été porté à 80 % en novembre pour ne plus pénaliser les acteurs dont l’activité varie selon les mois ;

– Des plans de relance avaient été adoptés avant le reconfinement pour soutenir et accélérer la reprise des secteurs les plus fragilisés, dans les transports, le tourisme, la culture... Certaines de ces aides sectorielles sont, en fin de compte, venues compléter les aides générales quand ils ont été remis à l’arrêt. On citera notamment les fonds de sauvegarde pour les spectacles musicaux, fonds d’urgence pour le spectacle vivant, fonds de soutien renforcé pour les salles de cinéma, fonds de compensation des pertes de billetterie ou d’exploitation, etc. (cf. la note thématique sur ces secteurs culturels) ;

– Les aides générales ont aussi été renforcées en faveur des secteurs les plus exposés aux nouvelles restrictions de l’automne. Comme cela a déjà été évoqué, ils ont bénéficié d’une prise en charge à 100 % de l’indemnité versée à leurs personnels en chômage partiel. Les cotisations patronales n’ont pas seulement été reportées mais pour partie exonérées. Et un crédit d’impôt a été créé en loi de finances pour 2021 afin d’inciter leurs bailleurs à renoncer à au moins un mois de loyer.

Mais la différenciation la plus poussée se retrouve dans le dispositif du Fonds de solidarité, qui décline désormais ses aides selon la taille des entreprises (en 2020, elles étaient réservées aux entreprises de moins de 50 salariés), le niveau des contraintes (couvre-feu, fermeture) et les secteurs d’activité. Les décrets organisant le Fonds de solidarité distinguent ainsi une liste S1 regroupant des activités fermées ou durablement soumises à des restrictions administratives d’activité, une liste S1 bis concernant des secteurs dépendants des activités listées en S1 et les autres secteurs. L’appartenance à l’une ou l’autre de ces catégories détermine les conditions d’éligibilité et le niveau des aides apportées par le Fonds. Enfin, une sous-catégorie a été ajoutée depuis l’été : les entreprises relevant de la liste S1 les plus impactées peuvent bénéficier d’une aide complémentaire pouvant monter jusqu’à 5 000 € (et même à 15 000 € pour les discothèques) – ce que l’on appelle le « volet 2 » du Fonds de solidarité.

Si les aides nationales ont beaucoup perdu de leur lisibilité au fil de ces évolutions, c’est le revers du renforcement des soutiens aux secteurs économiques les plus ébranlés.

En outre, les services du Premier ministre et des ministères chargés de l’économie, du travail et des secteurs concernés disent avoir entretenu un dialogue continu avec les différents professionnels. Dialogue qui aura contribué à adapter toujours plus les listes des bénéficiaires des aides. Ainsi, les difficultés des artisans d’art ont pu être enfin reconnues en août, avec la création d’une catégorie « Autres métiers d’art » dans la liste S1 bis, alors que, jusqu’alors, seuls les professionnels se rattachant au « Spectacle vivant » (tels les costumiers) et à la « Création artistique relevant des arts plastiques » (comme les peintres ou les restaurateurs d’œuvres d’art) pouvaient solliciter le Fonds de solidarité.

Vos rapporteurs ont également fait remonter aux ministres toutes les difficultés, les manques et les inquiétudes entendus pendant les auditions du groupe de suivi.

Ces divers dialogues ont amené le Gouvernement à compléter encore ses dispositifs.

D.   DEs dispositifs d’urgence qui seront maintenus le temps de la crise

Depuis le 14 janvier, l’engagement de l’État s’est encore amplifié en annonçant, en même temps que l’abaissement du couvre-feu, un nouveau renforcement de ses soutiens et la création de nouvelles aides (cf. le tableau ci‑après). Il a répondu ce faisant à plusieurs des problématiques relevées par le groupe de suivi :

– En étendant aux entreprises du secteur S1 bis subissant une perte d’au moins 70 % de leur CA mensuel l’option d’une indemnisation s’élevant à 20 % de ce CA, complétée en outre jusqu’à 70 % des coûts fixes pour les entreprises au CA supérieur à 1 M€, le Gouvernement couvre une plus grande partie, et souvent la totalité, des charges fixes incompressibles de ces entreprises. Sans garantir 0 € de reste à charge, c’est une réponse forte aux difficultés – fréquemment soulignées devant le groupe de suivi – des entreprises à payer leurs loyers, auxquelles le crédit d’impôt bailleur n’apportait qu’une solution temporaire et aléatoire.

– Les filières professionnelles avaient aussi alerté le groupe de suivi sur les difficultés croissantes des entreprises ne pouvant prétendre par leur taille à toutes les aides de l’État. En effet, l’État réservait jusqu’alors les indemnités du Fonds de solidarité aux entreprises de moins de 50 salariés et les allègements de charges patronales aux entreprises de moins de 250 employés. Prenant acte de la prolongation de la crise, le Gouvernement s’est décidé à lever le critère de la taille des entreprises pour les plus importantes aides du Fonds de solidarité, et même à les compléter dans la prise en charge des coûts fixes, à concurrence de 3 M€ sur le premier semestre 2021 ;

– Enfin, le Gouvernement a apporté de puissantes assurances aux entreprises en répondant à deux questions cruciales, qui revenaient sans cesse devant le groupe de suivi, s’agissant :

. de la prolongation durable des aides nationales, dont les échéances n’étaient jusqu’alors définies qu’à moyen terme, voire mois par mois, interdisant toute projection sur la suite d’une crise amenée à se prolonger et, a fortiori, sur les conditions de la relance de leur activité ;

. et de l’ouverture du droit à différer d’une deuxième année le remboursement des PGE. Selon les filières en effet, nombre de leurs entreprises redoutaient l’approche des premières échéances : certaines doutaient être capables de supporter ces nouvelles charges ; d’autres craignaient que ces dettes ne leur interdisent de contracter de nouveaux emprunts pour rebondir plus vigoureusement.


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Dispositifs

Les évolutions annoncées

Chômage partiel

– La prise en charge à 100 % par l’État se poursuivra tout le temps nécessaire pour les entreprises fermées administrativement.

– Pour les entreprises non fermées mais particulièrement impactées, cette prise en charge totale est maintenue jusqu’en février ([9]) et au-delà si la chute d’activité est de 80 % au moins. Sinon le reste à charge montera à 15 % à partir de mars.

– Pour les autres entreprises, dont le reste à charge est actuellement de 15 %, celui-ci passera à 40 % à partir de mars – sauf si la situation sanitaire se dégrade.

Fonds de solidarité

Avec effet rétroactif pour les pertes de décembre :

– le critère de taille disparaît pour les entreprises fermées, qui peuvent choisir entre l’indemnisation forfaitaire de leurs pertes de CA d’un montant maximal de 10 000 € et une aide représentant 20 % de leur CA mensuel (dès qu’elles en ont perdu au moins 50 %) ;

– de même, sans critère de taille, les autres entreprises relevant de la liste S1 peuvent choisir entre l’aide forfaitaire plafonnée à 10 000 € et l’aide représentant 20 % du CA dès qu’elles subissent une perte supérieure ou égale à 70 % du CA. Entre 50 à 70 %, l’aide monte encore à 15 % du CA ;

– et quelle que soit leur taille, les entreprises des secteurs S1 bis (notamment les grossistes, stations-service, brasseurs, pêcheurs) peuvent désormais recevoir jusqu’à 20 % du CA si elles subissent une perte de CA d’au moins 70 % ;

– Pour les autres entreprises de la liste S1 bis de moins de 50 salariés, l’indemnisation est maintenue jusqu’à 80 % de la perte de CA, dans la limite de 10 000 € dès 50 % de pertes de CA et sous réserve d’une perte de 80 % du CA pendant le premier ou le second confinement.

– Pour les autres entreprises (de moins de 50 salariés), l’aide mensuelle est également maintenue, à concurrence de 1 500 € dès 50 % de perte de CA.

Ces aides sont plafonnées à 200 000 € au niveau d’un groupe.

Dès décembre 2020 et pour toute la durée du dispositif, à l’instar de la vente à emporter, le produit de la vente à distance ne sera plus décompté dans le CA de référence pour le calcul des aides du Fonds.

Complément pour les coûts fixes

Nouveau dispositif :

Grâce à un complément apporté aux indemnités du Fonds de solidarité, les entreprises fermées administrativement ou appartenant aux secteurs S1 et S1 bis qui réalisent en temps normal un CA supérieur à 1 M€ par mois verront leurs coûts fixes pris en charge jusqu’à 70 %, dans la limite d’un plafond limité (pour l’instant) à 3 M€ par entreprise sur la période de janvier à juin 2021.

Le seuil du 1 M€ pourrait aussi être adapté ultérieurement afin d’aider les petites structures ayant d’importantes charges fixes (comme les salles de sport ou les centres de vacances).

Différé d’amortissement comptable

Nouveau dispositif :

Il s’applique aux équipements sous-utilisés en 2020 en raison de la crise, afin de soulager les comptes des entreprises et de préserver leurs fonds propres.

Prêts garantis de l’État

Quel que soit le secteur ou la taille de l’entreprise, le remboursement du prêt pourra, de droit, être différé d’une année supplémentaire.

Par ailleurs, la Banque de France pense que des prêts participatifs pourront être distribués avec une garantie de l’État en début de deuxième trimestre au plus tard, dans une enveloppe de 20 Md€. Ces prêts visent à reconstituer les fonds propres des entreprises pour leur permettre de relancer leurs investissements.

Autres prêts bancaires

Il a enfin été annoncé que les banques « examineront favorablement et de manière personnalisée les moratoires et reports d’échéance nécessaires pour les entreprises subissant toujours des restrictions d’activités ».

Exonération des cotisations sociales

Les exonérations et les aides au paiement des cotisations mises en place en décembre sont maintenues en janvier pour toutes les entreprises des secteurs S1 et S1 bis fermées administrativement ou qui subissent une baisse d’au moins 50 % de leur CA.

III.   Il reste néanmoins des manques et des difficultés non résolues

Concernant les nouvelles règles du Fonds de solidarité en premier lieu, vos rapporteurs soulignent un effet de seuil parmi les bénéficiaires de la liste S1 bis dont l’équité pourrait faire débat : à partir de décembre, les entreprises qui auront perdu au moins 70 % de leur CA pourront désormais bénéficier d’une indemnisation équivalant à 20 % de ce CA, quelle que soit leur taille. Mais en deçà des 70 %, seules les entreprises de moins de 50 salariés (et ayant perdu au moins 50 % de leur CA) peuvent prétendre à une aide renforcée (jusqu’à 10 000 €) du Fonds.

Par ailleurs, quelques autres problématiques continuent à peser, et de plus en plus lourdement avec la prolongation des sous-activités.

A.   Les questionnements autour des listes d’activités S1 et S1 bis

1.   Une différenciation mal comprise

L’inscription sur les listes S1 et S1 bis ouvrant droit aux aides renforcées du Fond de solidarité ainsi qu’à d’autres dispositifs de soutien (exonérations sociales et fiscales, crédit d’impôt bailleur et désormais le complément d’aide pour les coûts fixes), son obtention est déterminante pour les entreprises en sous-activité. Mais la discrimination entre les deux listes est également cruciale, la liste S1 bis définissant des conditions d’éligibilité plus exigeantes et des aides moins généreuses.

La fermeture administrative des lieux recevant du public est le premier critère d’inscription sur la liste S1 ; sa légitimité est sans ambiguïté. Les autres distinctions sont plus facilement discutables : certains secteurs d’activités sont inscrits sur la liste S1 dans leur globalité alors qu’ils peuvent poursuivre une certaine activité, comme les sports de plein air. D’autres filières au contraire ne sont inscrites que sur la liste S1 bis, voire sur aucune, alors même que leur activité s’est presque totalement arrêtée avec la fermeture de leurs débouchés.

En outre, plusieurs professionnels auditionnés ont déploré que ces listes n’aient pas le niveau de finesse suffisant pour accompagner toutes les situations qui le justifieraient ; et quand elles ont été complétées, cela s’est fait tardivement, sans rétroactivité, et partiellement.

Ainsi, les fournisseurs agroalimentaires de la RHD n’ont été inscrits sur la liste S1 bis que le 2 novembre. Et malgré cela, la formulation de la liste continuerait d’exclure les fournisseurs alimentaires des débits de boissons, de l’événementiel et des hôtels. L’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) estimait encore en décembre qu’une entreprise sur deux n’a eu accès à aucun dispositif de financement, en dépit de pertes de CA liées à la RHD supérieures à 50 %, et bien qu’il s’agisse essentiellement de TPE et PME.

Les confiseurs déplorent également que les textes excluent toujours la plupart de leurs entreprises. Ils contestent par ailleurs le lien de dépendance avec des activités S1 qui leur est reconnu : celles de leurs entreprises qui sont inscrites sur la liste S1 bis ne le sont qu’au titre de leur lien avec la restauration (leur éligibilité aux aides du Fonds est conditionnée à la réalisation d’au moins 50 % de leur CA dans ce secteur), qui représente pourtant moins de débouchés que le tourisme et l’événementiel.

L’interprétation des listes crée aussi des difficultés : les activités de la liste S1 sont en effet définies selon des catégories très globales, dont les limites ne sont pas toujours claires pour les acteurs qui veulent démontrer leur lien, disent leurs représentants. Elles ne semblent pas plus claires pour les services qui étudient les demandes d’aide : les acteurs de la RHD, par exemple, ont signalé que, même après l’élargissement de la liste S1 bis, certaines DIRRECTE contestaient toujours leur recours aux aides du Fonds de solidarité au motif que l’agroalimentaire n’aurait pas souffert de la crise, sans tenir compte de la situation particulière de leur filière.

Vos rapporteurs interrogent en conséquence le Gouvernement sur le principe-même d’une liste S1 bis énumérant limitativement les entreprises dont le lien de dépendance avec les secteurs les plus impactés est pris en compte. Elle ne peut raisonnablement pas recenser toute la diversité des situations.

Ils suggèrent d’évaluer l’efficacité et le surcoût de l’alternative à la liste S1 bis que pourrait être un dispositif se fondant sur la seule démonstration d’un niveau minimal de perte de CA et d’un lien commercial significatif avec l’un des secteurs de la liste S1. À première vue, cette approche ne serait pas plus contraignante que le dispositif actuel, qui impose déjà l’évaluation de tels liens, mais serait en revanche plus ouverte et plus souple car ne limitant pas les filières concernées.

2.   Un classement fondé sur des notions inadaptées (les codes NAF ou APE)

Ces listes reposent en grande partie sur une organisation sectorielle de l’économie délimitée selon des catégories utilisées par les statisticiens : la nomenclature d’activités françaises (NAF) de l’INSEE ou les codes APE (pour « activité principale exercée »). Or, plusieurs secteurs se disent non ou mal identifiés par ces nomenclatures.

Parmi les artisans d’art par exemple, seuls deux codes (« Spectacle vivant » et « Création artistique relevant des arts plastiques », déjà évoqués) autorisent aujourd’hui la reconnaissance de la spécificité de leurs filières. Ces professionnels revendiquent depuis plusieurs années la création d’un code NAF ou APE qui traduise ce qu’ils considèrent être les caractéristiques fondamentales de leurs métiers. La revendication fait débat. En attendant, les artisans d’art n’ont pu solliciter le Fonds de solidarité qu’après que la mention « Autres métiers d’art » ait été ajoutée à la liste S1 bis. Mais comme elle n’est fondée sur aucune définition précise, ni aucun code NAF bien identifié, des professionnels essuieraient des refus de prise en charge, se heurtant à « l’arbitraire des agents de l’administration fiscale qui décident si l’activité de ces professionnels correspond ou non à leur propre vision des métiers d’art ».

Les forains se débattent, quant à eux, pour réduire le nombre de codes APE – neuf actuellement – qui leur sont appliqués. Le dossier avance mais pas assez vite pour couvrir la situation actuelle. En conséquence de quoi, nombre de leurs professionnels n’entrant pas exactement dans ces cadres ont été exclus des aides pendant les confinements.

Les filières de la RHD soulignent aussi que ces codes ne permettent pas de classer aisément chaque activité, sans parler des entreprises et travailleurs indépendants qui mènent plusieurs activités à la fois, alors que ce classement va déterminer leur accès ou non au Fonds de solidarité.

Les Marchés de France souhaiteraient pour leur part que l’on reconnaisse leurs activités inscrites sous les codes APE 4781 (Commerce de détail alimentaire sur éventaires et marchés), 4782 (Commerce de détail de textiles, d’habillement et de chaussures sur éventaires et marchés) et 4789 (Autres commerces de détail sur éventaires et marchés) comme relevant aussi de l’événementiel, des grands événements sportifs ou culturels qui sont directement inscrits sur la liste S1.

Ils signalent, par ailleurs, certaines décisions surprenantes dans l’attribution, par les tribunaux de commerce, des codes APE (et des cartes professionnelles associées) : comme l’octroi du code 4789 à l’église de scientologie !

Ces divers témoignages montrent les limites de ces références, pas toujours adaptées ou difficiles à utiliser.

B.   Le poids des stocks

Les stocks d’invendus sont un autre enjeu important pour les producteurs, fournisseurs, grossistes et commerçants qui ont vu leurs débouchés se refermer ou se réduire drastiquement. Car ce sont des volumes de marchandises qui ne peuvent plus être valorisés rapidement et qui pèsent sur leur bilan.

Ces stocks peuvent au surplus créer des difficultés en chaîne : en aval, les entreprises devront les régler à terme à leurs fournisseurs ; en amont, ceux-ci voient les risques d’impayés croître et peuvent avoir à supporter un stockage onéreux des commandes non retirées.

Le problème est encore plus compliqué dans les filières de denrées périssables. Les fournisseurs et grossistes n’ont alors que trois options : la première est de les écouler auprès de la grande distribution ; mais cela entraîne une baisse de prix et ne permet donc pas de créer de la valeur pour l’entreprise. De toute façon, les débouchés ne sont pas très extensifs : quand l’un vend son produit, il prend la place d’un autre fournisseur. La deuxième option est de détruire les stocks, ce qui représente une perte sèche pesant sur le bas de bilan et les fonds propres de l’entreprise, et diminuant en conséquence sa capacité d’emprunt future. La dernière option est d’essayer d’écouler ses stocks sur différents marchés. Mais cela suppose d’étendre les dates d’utilisation optimale des produits, de baisser leurs prix, etc. Selon un sondage de l’ANIA, près de la moitié des entreprises ont été incapables de rediriger leur activité vers d’autres marchés. Et celles qui ont été en mesure de le faire n’en ont pas tiré les profits escomptés à cause des surcoûts générés par les reconditionnements et des pertes de prix.

Ces stocks excédentaires ont une conséquence supplémentaire pour un producteur agroalimentaire : lorsque les restaurants rouvriront, ce producteur ne reprendra vraiment sa production qu’une fois que les stocks auront été écoulés. Son activité pourra ainsi rester faible beaucoup plus longtemps, ne lui permettant pas de reconstituer sa trésorerie.

Mais tous les secteurs travaillant avec des stocks importants sont pénalisés. D’autant que dans l’optimisme de l’été, nombreux ont été ceux qui avaient reconstitué leurs stocks pour la fin d’année. Or, les aides existantes ne suffiraient pas à couvrir ces frais.

Les Marchés de France suggéraient une solution pour en alléger la charge et réduire la menace qu’elle représente pour la survie des entreprises : jouer sur la TVA par des reports ou des crédits de taxe. Les prélèvements de TVA, qui représentent 20 % du prix de vente des produits, continuent en effet d’être appliqués à des stocks qui n’ont pas été valorisés (depuis le printemps pour certains) et ne le seront pas avant longtemps.

Quoi qu’il en soit, cette question nécessiterait une solution pour l’avenir au moins, car échaudées, ces mêmes entreprises hésiteront désormais à refaire des réserves, au risque de tarder à retrouver une activité quand les restrictions seront levées.

Le traitement du problème des stocks soulève aussi la question des délais de paiement aux fournisseurs. Entre acteurs privés, il est inenvisageable d’accorder un moratoire de droit ou d’accélérer les règlements ; ces solutions étrangleraient l’une ou l’autre des parties.

En revanche, vos rapporteurs suggèrent de travailler à une accélération des paiements des collectivités, voire à des avances sur facture, qui serait un moyen direct de consolider leurs fournisseurs et prestataires privés pendant cette crise.

C.   Accompagner les secteurs soumis à un décalage entre la reprise du travail et sa valorisation

L’anticipation de la reprise est aussi un enjeu économique fondamental, et un piège potentiel, pour les activités qui ont besoin d’un temps de préparation plus ou moins long avant d’avoir un retour sur investissement.

C’est en particulier le cas, déjà évoqué, des professionnels de l’événementiel, des scènes et spectacles privés. Leurs délais d’organisation et de répétition avant la représentation qui fera rentrer de nouvelles recettes peuvent se compter en mois.

En attendant, les entreprises qui préparent activement leur reprise se retrouvent dans une impasse : non seulement elles n’ont pas de revenus, mais n’ont plus accès au chômage partiel et ne peuvent pas encore prétendre aux fonds de compensation pour les pertes de billetterie. Par ailleurs, leurs trésoreries exsangues avec la crise les auront contraintes à s’endetter plus fortement que d’habitude pour financer cette phase. Or, plafonné à 25 % du CA annuel, le PGE ne peut suffire à couvrir ces besoins.

Plusieurs crédits d’impôts sont certes prévus pour alléger leurs dépenses. Un crédit d’impôt spécifique aux représentations théâtrales d’œuvres dramatiques (article 220 sexdecies du code général des impôts) vient d’être créé par la loi de finances pour 2021. Mais les professionnels ont signalé au groupe de suivi le fait que certains critères le rendraient inaccessible à de nombreux spectacles.

Le d du 2° du II de l’article 220 sexdecies exige en effet que le spectacle dispose d’au moins six artistes au plateau, le limitant aux productions d’une certaine importance ; et le e exige qu’il soit programmé pour plus de vingt dates sur une période de douze mois consécutifs dans au moins deux lieux différents, excluant les spectacles sédentaires.

En outre, la liste des frais de personnel, permanent ou non permanent, ciblés omet les techniciens attachés de façon permanente à un lieu.

Quant au crédit d’impôt Spectacle vivant (CISV), réservé aux spectacles musicaux ou de variété, la profession n’a pas obtenu que le renforcement du dispositif adopté par le Sénat prospère devant l’Assemblée nationale. En outre, les cabarets en sont exclus même si leurs spectacles mêlent plusieurs des disciplines du secteur.

Au reste, ces allègements fiscaux interviennent bien après les investissements.

Malgré un grand désir de reprendre le travail, il est donc difficile pour ces professions d’anticiper leur préparation, en l’absence de perspectives sérieuses de réouverture. Mais si elles attendent la levée des restrictions pour se remettre sérieusement au travail, il leur faudra plusieurs semaines à plusieurs mois pour générer à nouveau des revenus.

Vos rapporteurs invitent donc le Gouvernement à réfléchir à un accompagnement spécifique pour ces métiers afin de les aider à investir au bon moment dans leur relance, mais aussi de les soutenir jusqu’à ce qu’ils retrouvent une rentabilité viable.

Un maintien du chômage partiel serait-il envisageable pendant leur préparation tant qu’ils sont interdits d’accueillir du public ?

Dans la mesure où la prise de risque est beaucoup plus élevée en cette période de crise, il serait également opportun de revoir à nouveau les crédits d’impôts précédemment cités

 

 


   ConclusION

Les principales propositions évoquées dans ce rapport ont été soumises au Premier ministre et à son ministre de l’économie par un courrier du 3 février signé par le président de la commission des affaires économiques et vos deux rapporteurs (cf. annexe 5).

Elles visent à améliorer encore davantage l’efficacité des aides d’urgence déployées par l’État pour amortir le choc des restrictions sanitaires. Vos rapporteurs insistent particulièrement sur :

– les disparités – pas toujours justifiées – de prise en charge des pertes selon les secteurs d’activité ;

– et l’impasse financière dans laquelle se trouvent les professionnels dont la reprise ne se traduira pas par un retour rapide des revenus.

Ce faisant, vos rapporteurs interrogent les conditions de la future reprise des secteurs aujourd’hui en sous-activité, recommandant que les aides « d’urgence » de l’État continuent à les soutenir, de manière adaptée, et sans doute différenciée selon les situations, le temps d’une première consolidation. Un sevrage brutal serait destructeur en tout état de cause.

Contrairement à ce que tout le monde a semblé croire à la sortie du premier confinement, un retour à un fonctionnement presque normal ne sera pas envisageable avant plusieurs mois – voire plusieurs années dans un secteur comme l’aéronautique. La sortie de crise doit néanmoins se préparer. Les acteurs économiques ont besoin de se projeter pour garder espoir et continuer à investir dans l’après-crise. On peut espérer au surplus que nombre de secteurs n’auront pas à attendre la fin de la crise pour reprendre leurs activités. Aussi, vos rapporteurs soulignent-ils l’urgence de travailler aux solutions qui pourront leur être proposées pour accompagner leur redémarrage.

Mais c’est bien évidemment une action vigoureuse de plus long terme qui permettra de relancer notre économie de manière saine et durable. Le Plan de relance adopté à la sortie du premier confinement a plus que jamais son rôle à jouer ; et il faut ainsi travailler à la bonne articulation des aides avec le Plan de relance et ses déclinaisons sectorielles.

Toutefois, entre l’utilisation de certaines des ressources allouées aux plans sectoriels de relance pour les aides d’urgence et l’approfondissement de la crise économique depuis l’adoption du plan, vos rapporteurs pensent qu’il sera également nécessaire, à moyen terme, de renforcer le plan lui-même.


 

   annexes


    

   Annexe 1 :
Quelques chiffres des études conjoncturelles

 

 


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 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

____________________________________ LIBERTÉ - ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

Groupe de suivi des conséquences économiques du confinement

29 janvier 2021

Quelques chiffres des études conjoncturelles – Janvier 2021

INSEE : Note de conjoncture de janvier 2021 (29 janvier 2021)

Sur le 4e trimestre, les dépenses de consommation des ménages ont baissé de 5,4 %.

 

La chute a été de - 11,6 % au 2e semestre.

Ces dépenses sont toutefois fortement reparties en décembre, en hausse de 23 %, dépassant leur niveau de décembre 2019 (+3,7 %).

Elles avaient rebondi de + 18,2 % au 3e trimestre.

Sur le 4e trimestre, la production totale se replie de - 0,7 %

Elle baisse de 2,2 % dans les services marchands (après une hausse de 15,6 % au 3e trimestre).

Recul modéré par la hausse de production de biens qui progresse de + 2,3 %.

 

L’investissement (la formation brute de capital fixe - FBCF) poursuit sa reprise : +2,4 % après +24 % au 3e trimestre.

 

Le commerce extérieur poursuit son redressement et les exportations augmentent davantage que les importations : +4,8 % après +21,9 % pour les exportations,

+1,3 % après +16,2 % pour les importations.

Au 4e trimestre 2020, le PIB a reculé de -1,3 %, après +18,5 % au 3e trimestre. Il est inférieur de 5,0 % par rapport à son niveau un an auparavant (glissement annuel) alors que le recul sur un an s’élevait à 18,8 % au 2e trimestre.

En moyenne sur l’année 2020, le PIB a fortement baissé de - 8,3 %, après + 1,9 % en 2019.

Banque de France : Activités du commerce de détail à fin décembre 2020 (19 janvier 2021)

Avec la réouverture des magasins le 28 novembre et le report du Black Friday en décembre, les ventes du commerce de détail ont crû de 15,4 % par rapport à décembre 2019, après un recul de 24,6 % sur un an en novembre. Les ventes du petit commerce ont augmenté de 15,7 % par rapport à décembre 2019 et la grande distribution de 9,3 %.

Le seul secteur en baisse est l’automobile.

En novembre, la vente à distance avait augmenté de 44,2 % sur un an.

INSEE : Enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages – décembre 2020 et janvier 2021 (IR janvier 2021)

La confiance des ménages dans la situation économique est à 92 % de sa moyenne de longue durée.

Leurs craintes concernant l’évolution du chômage repartent à la hausse (+ 8 points, après - 9 points en décembre).

De même que la proportion de ménages estimant opportun d’épargner (+ 11 points).

 

Elle était à 95 % en décembre.

Après avoir progressé de 6 points par rapport à novembre, retrouvant son niveau de septembre.

Banque de France : Point sur la conjoncture française à fin décembre 2020 (13 janvier 2021)

 

Dans le bâtiment, l’activité est stable et reste proche de son niveau pré-crise.

En décembre, le taux d’utilisation des capacités de production s’est encore tassé dans la filière automobile (de 69 à 68 %) et dans l’aéronautique et les autres transports (de 65 à 64 %).

Dans l’industrie, le taux d’utilisation des capacités de production augmente d’un point, à 74 % en moyenne (contre 79 % avant la crise).

L’hébergement et la restauration et les services aux ménages (arts, spectacles, activités récréatives) présentent toujours des niveaux d’activité extrêmement dégradés, malgré un léger redressement en décembre par rapport à novembre.

Dans leur ensemble néanmoins, les services, plus affectés pendant le second confinement, connaissent une amélioration plus marquée de leur activité.

À fin décembre, l’estimation de la perte de PIB sur le mois par rapport à son niveau pré-crise est ramenée à 7 % (au lieu de 8 % mi-décembre), contre – 11 % en novembre, se rapprochant des – 3 % constatés en octobre.

Cette perte pour décembre laissait inchangée l’estimation de la baisse du PIB en moyenne annuelle de 9% pour l’année 2020, compte tenu d’un recul trimestriel du PIB de – 4% au 4e trimestre.

Bpifrance : 72e enquête de conjoncture semestrielle auprès des PME (7 janvier 2021)

En moyenne, les chefs d’entreprise tablent sur un chiffre d’affaires en baisse de 13 % en 2020.

 

La situation sectorielle est contrastée. Les PME du tourisme, notamment, souffrent fortement du second confinement.

Mais l’instauration du second confinement n’a pas accentué les anticipations de baisse d’activité des entreprises pour 2020.

18 % des dirigeants déclarent un impact neutre ou positif de la crise sur leur CA.

3 % des entreprises déclarent faire face à des difficultés de trésorerie insurmontables.

Grâce, en particulier, aux dispositifs de soutien public, 53 % des PME jugent leur trésorerie suffisante pour affronter la crise, soit une nette amélioration par rapport à avril (30 %).

6 % des chefs d’entreprise sondés craignent de ne pas être en mesure de rembourser les PGE contractés.

La moitié des PME ayant sollicité ce dispositif envisage un remboursement au moins partiel en 2021, dont 20 % estiment pouvoir le rembourser « en totalité ».

La deuxième vague épidémique a ralenti mais pas remis en cause la reprise économique : les PME anticipent dans l’ensemble une reprise d’activité progressive ; 60 % des chefs d’entreprise entrevoient un retour à une activité au niveau pré-crise lors du second semestre 2021 ou après. Les intentions d’embauche et d’investissement sont au plus haut depuis le printemps dernier.

INSEE : Note de conjoncture de décembre 2020 (15 décembre 2020)

En novembre, la consommation des ménages a chuté de 15 % sous son niveau pré-crise.

Cependant, la réouverture fin novembre des commerces « non essentiels » a permis un rebond de cette consommation, qui est remontée à 6 % sous le niveau du 4e trimestre 2019 (- 7 % en moyenne sur 2020).

Après un fort rebond au 3e trimestre (+ 400 000 créations nettes), le 4e trimestre est marqué par un nouveau recul de l’emploi salarié (- 300 000).

Fin 2020, 600 000 emplois salariés (700 000 emplois avec les non-salariés) auraient été détruits sur un an, soit + 2,3 % du niveau pré-crise. Le taux de chômage retrouverait ainsi son niveau de fin 2019, à 8 %, avec un « halo autour du chômage » (personnes sans emploi qui souhaitent travailler mais ne sont pas en recherche active et/ou ne sont pas disponibles) plus important.

 

 

En termes de revenus, le pouvoir d’achat des ménages serait resté presque stable, à - 0,3 % en moyenne annuelle (- 0,9 % en le ramenant au nombre d’unités de consommation) grâce aux soutiens budgétaires massifs.

Avec la baisse de leur consommation, leur taux d’épargne a donc progressé de 6 points par rapport à 2019, s’établissant à 21 % du revenu disponible brut.

À la mi-décembre la perte d’activité mensuelle s’établissait à - 8 % du PIB (contre - 12 % en novembre, - 30 % en avril et - 18,9 % sur le 2e trimestre). En moyenne annuelle, le recul se confirmait à - 9 %, avec de fortes différences sectorielles : 5 points sont liés aux transports, hébergement-restauration, commerce et services aux ménages ; les autres secteurs ont souvent appris à « vivre avec le virus ».

Avec la vaccination, l’INSEE fait l’hypothèse d’une stabilisation progressive de la situation sanitaire.

Banque de France : Projections macroéconomiques – France 14 décembre 2020

Dans son scenario central, la Banque de France projetait que le niveau de 2019 ne serait rattrapé qu’à mi-2022, avec une croissance de 5 % sur 2021 puis 2022.

Grâce aux amortisseurs des finances publiques, le pouvoir d’achat des ménages serait en moyenne encore préservé en 2021 et leur taux d’épargne resterait élevé.

Si l’ampleur des dispositifs d’activité partielle a limité à court terme la détérioration du marché du travail, cette dernière interviendrait dans les trimestres à venir pour atteindre un pic de 11 % de taux de chômage au premier semestre 2021, puis refluer vers 9 % à fin 2022.


    

   annexe 2 :
notes THématiques


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 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

____________________________________ LIBERTÉ - ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

Groupe de suivi des conséquences économiques du confinement

 

Le 10 novembre 2020

1.   Le commerce de proximité

Le commerce en France, ce sont 634 000 entreprises (sans les commerces de gros et les artisans qui vendent directement leurs produits ou services), 3,5 millions de personnes employées, 1 420 milliards d’euros (Md€) de chiffre d’affaires annuel. Les centres villes des villes moyennes regroupent 80 000 commerces, dont 69 % sont indépendants. Dans ces territoires, les commerces représentent souvent les premiers employeurs.

Pour évaluer les impacts du nouveau confinement sur ces acteurs économiques ainsi que les mesures prises par le Gouvernement, le groupe de travail a auditionné trois organisations représentant ces professionnels (l’Union des entreprises de proximité – U2P –, la Confédération des commerçants de France – CCF et la Fédération du commerce et de la distribution – FCD) et deux organisations d’élus locaux particulièrement concernés (l’association Villes de France et l’Association des petites villes de France – APVF) et interrogé les services du ministère de l’économie compétents, dont ceux du ministre délégué aux PME, M. Alain Griset.

I. Un secteur très impacté qui revendique au moins une égalité de traitement entre les entreprises

a) Un secteur fragilisé par le premier confinement

L’enquête U2P et I+C Xerfi sur le 3e trimestre 2020, menée auprès d’un panel de 6200 entreprises représentatives de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales, constatait, avant le confinement, un niveau d’activité encore détérioré, malgré le redressement relatif de certains compartiments.

La baisse de l’activité de l’artisanat, du commerce alimentaire de proximité, du secteur HCR (hôtels, cafés, restaurants) et des professions libérales s’était réduite au cours de la période estivale, s’établissant à – 5 % sur un an, contre – 28,5% trois mois auparavant.

Le secteur de l’artisanat est celui qui affiche le repli le plus limité (– 2,5 % sur un an) grâce à la reprise d’une activité normale dans le bâtiment. La baisse est un peu plus vive pour les professions libérales (– 4 %).

Le secteur du commerce de proximité-HCR accusait cependant encore un recul de – 18,5 % sur l’année, en particulier la filière HCR qui restait très impactée par le contexte sanitaire et les contraintes imposées aux professionnels. Toutes les entreprises enregistrent un chiffre d’affaires en baisse, spécialement les plus petites.

Au surplus, aucune reprise n’était prévue pour la fin d’année compte tenu des incertitudes sur la résurgence de l’épidémie de la COVID-19 et de l’anticipation du renforcement des restrictions sanitaires.

Selon cette enquête, 29 % des responsables interrogés tablaient déjà sur une baisse de leur chiffre d’affaires, contre 13 % envisageant plutôt une hausse.

Les organisations professionnelles observent cependant que les commerçants ont été surpris par la soudaineté du reconfinement, alors que le couvre-feu était engagé depuis une quinzaine de jours, et s’inquiètent de sa durée lors d’une saison particulièrement importante pour leurs activités. Avec les fêtes de fin d’année, le dernier trimestre est crucial pour le chiffre d’affaires de nombre d’entre eux ([10]), et vital pour les ventes de jouets et d’artisanat d’art. D’autant que certains ont non seulement subi les pertes du premier confinement, mais aussi les perturbations des deux précédentes fins d’année.

b) Une revendication fondamentale d’égalité de traitement

Le couvre-feu se révélant insuffisant pour endiguer l’accélération de l’épidémie et réduire les menaces de saturation du système hospitalier, le retour du confinement sur tout le territoire a été annoncé le 28 octobre au soir, pour s’appliquer dès le 30 et jusqu’au 1er décembre au moins. La décision a été formalisée par le décret n° 2020‑1310 du 29 octobre 2020 ([11]) qui interdit notamment l’accueil du public dans les magasins de vente, hormis pour leurs activités de livraison et de retrait de commandes ou pour des activités limitativement énumérées. Ces dérogations correspondent aux offres de produits ou de services reconnus de première nécessité ou considérés comme nécessaires à l’activité professionnelle ([12]).

Cette fermeture administrative concernerait au moins 200 000 boutiques ([13]).

La décision a suscité une vive réaction parmi les acteurs du secteur. Outre la rapidité de sa mise en œuvre et les incertitudes sur sa date de sortie, plusieurs autres sujets font débat :

– Le caractère « hybride » du nouveau confinement (selon les mots d’U2P) trouble les professionnels. Il leur est plus difficile de comprendre que soient à la fois maintenues un grand nombre d’activités, avec les circulations et les interactions qu’elles génèrent, et qu’on les oblige à fermer leurs commerces en dépit des investissements réalisés ces derniers mois pour mettre en place toutes les mesures de barrière sanitaire demandées. Certains avaient même fait valider leurs protocoles de sécurité par les ministères compétents.

Le ministère de l’économie a répondu à vos rapporteurs : « L’objectif du confinement est de diminuer drastiquement la mobilité des Français, afin de réduire tout risque de croisement et donc de contamination. Pour ce faire, le Gouvernement a décidé un nouveau confinement dont la seule différence réelle avec le confinement du printemps est l’ouverture des écoles, qui permet d’assurer une continuité pédagogique nécessaire. Il est donc faux de déclarer que les dérogations pour sortir sont plus nombreuses aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en mars ».

Quant aux critères retenus pour accorder des dérogations au principe, central dans la stratégie gouvernementale, de la fermeture et de la restriction des activités, le ministère précise que « le Gouvernement a repris la même liste que celles listant les activités autorisées à la fin du confinement de printemps en y rajoutant les services publics et les commerces de gros ». En effet, « pour éviter de mettre un coup d’arrêt à l’économie, il a été décidé de laisser ouverts, dès la mise en place du confinement, les commerces de gros qui viennent soutenir l’activité des professionnels notamment nécessaires au BTP par exemple, afin de permettre à notre économie de continuer de fonctionner ».

En tout état de cause, les interrogations des acteurs économiques démontrent que la stratégie du Gouvernement nécessiterait un peu plus d’explications. L’acceptation des règles du nouveau confinement par les professionnels et par nos concitoyens est à ce prix. Elle est une condition centrale de l’efficacité de la mesure, et une nécessité pour la paix sociale.

Vos rapporteurs recommandent donc de faire davantage de pédagogie pour expliciter les arbitrages : expliquer la priorité donnée à l’urgence de réduire les interactions entre nos concitoyens, pour ralentir la propagation, et le besoin de préserver l’activité économique est certes fondamental ; mais il importe aussi d’expliquer en quoi la fermeture de certaines activités s’impose, au moins temporairement, ainsi que les critères qui ont prévalu pour déroger au principe de confinement en faveur d’autres activités. Il est enfin indispensable de donner un horizon à chacun : une date ferme pour rouvrir, ou des critères objectifs, et explicités, qui permettraient la levée des mesures exceptionnelles… ainsi que de fixer une stratégie claire pour gérer les prochains pics d’une crise appelée à durer.

– Les commerçants et professionnels indépendants dont l’activité a été fermée sont par ailleurs choqués par les discours les présentant comme « non essentiels ». Ils se sentent stigmatisés et dévalorisés.

Vos rapporteurs recommandent d’éviter cette présentation négative, qui avive les amertumes, dans les discours et les messages officiels.

– Au début du reconfinement enfin, les acteurs du secteur ont également contesté le fait que les grandes surfaces soient autorisées à vendre dans leurs magasins des produits non inscrits sur la liste des dérogations (comme les livres ou les fleurs). Cette inégalité de traitement vis‑à‑vis des plus petits commerces et des indépendants a inspiré un début de fronde parmi les professionnels et certains maires. Après avoir fait le point avec la grande distribution et les fédérations professionnelles, le Gouvernement a donc pris un nouveau décret imposant la fermeture des rayons concernés non seulement dans les centres commerciaux, mais aussi les supermarchés, les magasins multi-commerces, les hypermarchés et les autres « magasins de vente d’une surface de plus de 400 m2 » ([14]). Cela implique par exemple que, dans un Décathlon, seul le rayon vente et réparation de cycles peut rester ouvert.

Les magasins d’alimentation générale et les supérettes peuvent, quant à eux, continuer à accueillir du public « pour l’ensemble de leurs activités ». Le ministère de l’économie explique en effet qu’en-deçà de la limite des 400 m2, de nombreux commerces alimentaires arriveraient difficilement à trier leurs produits.

Les organisations professionnelles interrogées auraient préféré la réouverture de l’ensemble des commerces, avec un renforcement des mesures de protection, mais elles saluent, en général, le rétablissement de l’équité entre les commerces. Les libraires y étaient particulièrement attachés. « Cette décision a au moins eu le bénéfice de calmer la colère des commerçants », confirme l’U2P. Les associations de maires l’approuvent également.

Les représentants de la grande distribution considèrent cependant qu’au final, tous sont perdants face aux géants du commerce en ligne.

c) Des interrogations sur la mise en œuvre des règles de fermeture

– De nombreux acteurs interrogent la pertinence de la liste des dérogations. L’habillement des enfants est le cas le plus souvent évoqué. De fait, ce type de produits peut devenir vite essentiel ; et si un achat par drive est toujours possible, il interdit les essayages préalables.

– L’interprétation de la liste crée aussi des difficultés : les organisations témoignent des nombreuses questions des professionnels. Les activités de première nécessité sont définies selon des catégories très globales, issues des statistiques de l’INSEE, dont les limites ne sont pas toujours claires pour les commerçants – ni a fortiori pour les consommateurs.

– Le décret du 2 novembre a baissé la jauge d’accueil dans les magasins (tous ceux qui sont autorisés à rester ouverts « ne peuvent accueillir un nombre de clients supérieur à celui permettant de réserver à chacun une surface de 4 m2 »). Certains acteurs craignent qu’accroître encore cette exigence n’exclue de nombreuses petites boutiques supplémentaires.

– En pratique, enfin, d’aucuns constatent que les grandes et moyennes surfaces (GMS) ne respectent pas toutes les nouvelles consignes : parfois sous la pression des clients, parfois en suggérant elles-mêmes des astuces pour contourner l’interdiction de vendre en magasin (faux click and collect).

Vos rapporteurs s’interrogent sur les moyens engagés pour faire respecter les fermetures commerciales partout sur le territoire, essentiels pour assurer l’efficacité de la stratégie de prévention et ne pas alimenter des sentiments d’inégalité de traitement.

d) Des questions sur l’adéquation de certaines mesures d’aide

Les organisations professionnelles reconnaissent les importants efforts du Gouvernement pour soutenir financièrement leurs entreprises. Elles saluent la mise en place du numéro unique d’information sur les mesures d’urgences pour les entreprises et les dernières évolutions des dispositifs d’aide (cf. partie III), particulièrement ceux qui allègent leurs charges fixes.

Elles observent néanmoins que ces différentes aides ne suffisent souvent pas à couvrir ces charges.

Et certains acteurs s’interrogent sur l’adéquation des modalités retenues pour le nouveau dispositif fiscal qui doit inciter les bailleurs à renoncer temporairement à leurs loyers. Ils craignent qu’un crédit d’impôt ne soit pas le bon levier pour les particuliers dont les loyers constitueraient une part importante de leurs revenus.

L’APVF considère cependant que ce dispositif a le mérite de la simplicité. Et Villes de France ne croit pas que l’État puisse assumer directement cette dépense supplémentaire. Elle imagine qu’il pourrait le faire, pour partie, s’il intégrait les charges de loyer dans l’assiette de calcul d’une indemnité du fonds de solidarité bonifiée.

Mais vos rapporteurs considèrent qu’il est légitime que les bailleurs participent, dans une certaine mesure, aux efforts de lutte contre la crise. Il est, d’ailleurs, de l’intérêt de ces bailleurs de ne pas perdre leurs locataires en les poussant à la fermeture définitive.

e) Le problème des stocks

Les organisations professionnelles ont salué la dérogation accordée aux fleuristes indépendants pendant le week-end de la Toussaint.

De manière générale, les commerces « à stocks » (comme l’habillement) sont confrontés à des difficultés supplémentaires : la soudaineté du confinement et la brièveté de sa mise en œuvre ne leur ont pas permis d’anticiper la fermeture ; ils se retrouvent avec des volumes importants de marchandises qu’ils ne peuvent valoriser rapidement mais qu’il faut régler à leurs fournisseurs. Certains souhaiteraient des moratoires de paiement.

D’un autre côté, il est tout aussi vital de ne pas aggraver, par des retards de paiement, la situation des fournisseurs, déjà menacés par des pertes de débouchés.

Le ministère de l’économie a indiqué que parmi les différentes hypothèses à l’étude pour diminuer l’impact du confinement sur le commerce et ses fournisseurs, la question de la dimension des stocks est également prise en compte.

f) La peur de la concurrence des pure players

Les acteurs du secteur craignent des pertes immédiates et substantielles de chiffre d’affaires (CA) à l’orée d’une période marquée par un pic des consommations. Les commerces alimentaires de proximité ont bien tenu la première fois, mais ils ressentent l’impact du télétravail qui vide les quartiers de bureaux. Même la grande distribution est concernée, estimant que les rayons fermés représentent environ 25 % de son CA.

Pour sauver leur activité, il leur est conseillé de développer les formules à emporter et leurs propres ventes en ligne. Mais tous ne sont pas équipés pour cela ; en outre, les commerçants, petits ou grands, se sentent désavantagés par rapport aux grandes plateformes de commerce en ligne, spécifiquement organisées pour ces activités et offrant un catalogue plus étoffé.

Déjà pressante avant la pandémie, la concurrence des géants du e-commerce (les pure players), comme Amazon ou Alibaba, est logiquement confortée quand les commerces physiques sont fermés. Avec le reconfinement, cette concurrence pourrait s’accentuer durablement. La peur profonde des commerçants « en boutique » est donc de perdre définitivement ceux de leurs clients qui auront pris l’habitude de s’adresser à ces plateformes pour une grande partie de leurs achats.

Au-delà de la distorsion des situations pendant le confinement, les acteurs du secteur soulèvent la question d’une fiscalité plus équitable entre les commerces en magasin et les plateformes d’e-commerce. Tous revendiquent que leurs entrepôts « numériques » soient soumis à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) ([15]). Ils demandent aussi l’application à ces entrepôts de règles d’urbanisme équivalentes à celles limitant désormais les grandes surfaces.

Dans l’immédiat, les acteurs du secteur suggèrent de modérer les campagnes promotionnelles, comme le « Black Friday », qui incitent les consommateurs à anticiper leurs achats sur les grandes plateformes. La ministre déléguée à l’industrie, Mme Pannier‑Runacher, a fermement demandé la suspension par Amazon d’une campagne de promotion du Black Friday prévu le 27 novembre.

Les organisations professionnelles applaudissent enfin aux discours du Gouvernement encourageant les Français à privilégier les commerces nationaux et de proximité. Mais elles souhaiteraient son aide pour financer une grande campagne publicitaire en ce sens.

II. Concilier la protection sanitaire et la survie économique des commerces de proximité

Le Président de la République a promis qu’un point serait fait le 12 novembre prochain sur l’adaptation des mesures à la situation. Les acteurs du secteur mettent beaucoup d’espoir dans ce qu’ils considèrent comme une « clause de revoyure », considérant que malgré leur massivité les aides publiques ne suffiront pas à assurer leur survie dans la durée – et ne pourront être maintenues à ce niveau pendant de nombreux mois.

Au rythme de l’évolution de la pandémie, une réouverture générale dès le 13 novembre apparaît improbable ; cependant organisations professionnelles et associations d’élus suggèrent que des aménagements, objectivés et encadrés, puissent être apportés aux règles afin de sauver un tissu économique essentiel de notre pays.

a) Gérer le présent : des actions pour faciliter la résilience des entreprises

i) Des banques à remobiliser

Si les banques ont « joué le jeu » lors du premier confinement, notamment pour distribuer les différents prêts garantis par l’État (PGE), il est remonté au groupe de travail que leur réactivité laisserait à désirer aujourd’hui. Les associations d’élus partagent ce constat.

Vos rapporteurs recommandent à l’État de poursuivre le dialogue avec les banques et les assurances afin qu’elles jouent pleinement leur rôle de gestion des risques et d’irrigation financière de l’économie.

ii) Des initiatives collectives qui se multiplient

Les décrets permettent aux commerces soumis (ou non) à une fermeture administrative de poursuivre une certaine activité : sont autorisées la livraison ou la récupération des commandes prises par téléphone ou en ligne (le drive ou le click and collect – cliquer-collecter).

Pour les concessions automobiles, les clients peuvent venir chercher leur nouveau véhicule sur rendez-vous.

Ces nouvelles modalités de vente sont encouragées, et parfois directement soutenues. Ainsi l’État prend en charge, depuis le 5 novembre et pendant la durée du confinement, les frais d’envoi de livres.

Ce dispositif permet aux libraires de ne facturer à leurs clients que les frais de port au tarif minimum légal, soit 0,01 €. Seront éligibles les librairies indépendantes, c’est-à-dire les entreprises répondant aux critères de taille TPE et PME et dont la vente de livres neufs est l’activité principale.

Afin de réduire l’avance de trésorerie des libraires, et de réduire les délais de livraisons de proximité à J+1, La Poste met en place une remise sur son offre « Proxicourses Librairies ». Celle-ci sera disponible au tarif de 2 euros au lieu de 4,5 €. Elle sera éligible au dispositif de prise en charge des frais de port ci-dessus.

Le ministère de l’économie constate que ces nouveaux services rencontrent un succès croissant.

En 2020, la FEVAD indique que 28 % des e-acheteurs récupèrent leur commande en magasin. Le click and collect serait un canal de vente de plus en plus plébiscité par les consommateurs qui y voient de nombreux avantages : pas de frais de livraison, un gain de temps par rapport à la livraison et le choix du lieu de la boutique pour le retrait de sa commande.

La pratique du click and collect se diffuse chez les commerçants : il est proposé par davantage d’entreprises et de commerces de proximité, pour de nouvelles catégories de produits. Si le drive était déjà un mode de consommation bien installé pour les enseignes alimentaires, il se développe également dans le non-alimentaire. Dans le secteur du bricolage, Bricomarché indique par exemple que si la réflexion autour du click and collect était déjà engagée au niveau national, sa mise en œuvre s’est accélérée lors du confinement. Les enseignes de la mode, du sport ou de la culture ont également mis en place « en urgence » pendant cette période des systèmes de click and collect : Jules propose depuis le 20 avril un service de drive dans 198 de ses magasins ; Décathlon a vu ses commandes en ligne plus que doubler.

Le Gouvernement a par ailleurs affirmé son soutien à toutes les initiatives qui permettent aux commerçants de continuer à avoir une activité sans présenter de risque de diffusion du virus.

Le déploiement de ces systèmes de vente alternatifs suppose en particulier de disposer des outils adéquats, ce qui est loin d’être le cas des commerçants français.

Mais les acteurs auditionnés ont témoigné de l’émergence de diverses solutions partagées :

– Des solidarités entre petits commerces : ceux qui restent ouverts proposant de servir de dépôt aux produits de leurs collègues fermés ou des professionnels s’associant autour d’une plateforme en ligne commune (« co-retail »).

Par exemple, dès le premier confinement, plus de 2 500 librairies indépendantes s’étaient inscrites sur une plateforme partagée (lalibrairie.com) pour faire connaître les titres en vente et les adresses locales où les trouver. Mais l’absence de service de paiement en ligne systématique en limitait quelque peu l’usage ;

– De grandes plateformes d’e-commerce proposent de leur côté aux petits commerçants et artisans de vendre leurs produits, voire d’héberger leurs sites. La plateforme européenne Cdiscount offre ainsi un accès gratuit à son site pendant le confinement. La grande distribution propose également d’héberger leurs sites.

Toutefois, la Confédération des commerçants de France (CCF) déclare que ses membres préfèrent développer leurs propres sites. De fait, ces associations leur font courir le risque d’avoir à payer le service rendu et de devoir s’engager dans la durée auprès des plateformes. Il y a aussi un enjeu de visibilité pour les commerces indépendants.

En attendant que chaque entreprise dispose de ses outils personnels, la CCF va mettre à la disposition de ses membres une grande plateforme numérique coopérative ;

– Les collectivités territoriales ne sont pas de reste : l’APVF crée également une plateforme collective pour faciliter les ventes mais aussi permettre les paiements en ligne. Cela représente toutefois un effort financier important pour son organisation ; elle aurait besoin d’un soutien financier de l’État pour développer ces dispositifs partout sur le territoire.

Parce qu’elles apportent un début de solution à l’urgence présente et renforcent les capacités de résistance de nos commerces de proximité, vos rapporteurs considèrent que le déploiement de ces plateformes collectives mérite un accompagnement actif de l’État.

Ils saluent donc la récente annonce par le ministre de l’économie, M. Bruno Le Maire, précisant que « l’État compte aider financièrement les communes qui souhaitent développer une plateforme locale d’e-commerce regroupant l’ensemble des commerces de [leur] ville » ([16]).

iii) L’enjeu de la numérisation des commerces et le débat autour de son financement

L’actuelle crise sanitaire a confirmé la nécessité de la numérisation pour accroître la résilience des petites entreprises. La vente en ligne a en effet permis à certains commerçants de maintenir une activité pendant le premier confinement et les notifications faites par leurs sites leur ont permis de continuer à exister auprès de leurs clients. Il s’agit aussi, plus structurellement, de s’adapter aux nouveaux modes de consommation et à la concurrence des plateformes de e-commerce. Or, il y a un an à peine, seuls 34 % des dirigeants de TPE de 1 à 9 salariés déclaraient que leur transformation numérique était déjà réalisée ou en cours (Étude CPME/Sage, août 2019).

Dans le cadre de l’initiative France Num, l’État et les régions ont lancé en octobre une plateforme commune de ressources qui doit accompagner les PME et TPE dans leur numérisation ; l’État et Bpifrance garantiront par ailleurs des « prêts numériques » à taux modérés accordés aux entreprises de moins de cinquante salariés pour le développement de leurs outils numériques. (cf. partie III)

Les acteurs du secteur saluent ces nouveaux outils ; mais considèrent que ces aides ne sont pas suffisantes pour des entreprises aux situations financières fragilisées. Ils demandent des moyens à la hauteur des besoins. Il y a en effet des coûts, à l’entrée (en investissement matériel et immatériel et formation) et dans la durée (pour l’entretien, le référencement et l’actualisation régulière), alors que les petits commerces ne pourront jamais rivaliser avec les catalogues et les moyens que déploient les plus grands pour entretenir leur visibilité sur internet.

La CCF suggère de financer le déploiement des projets numériques des petits commerces par une contribution de la grande distribution, dont le développement au détriment des petites entreprises a été amplement facilité ces 20 dernières années, ou par une taxation sur les grands dépôts des géants du e‑commerce. Une piste sur laquelle l’APVF la rejoint.

Le besoin de solutions accessibles et d’aides renforcées pour accélérer le virage numérique des PME a d’ores et déjà été entendu par le Gouvernement : M. Le Maire a également annoncé que le Gouvernement prévoit de référencer, à compter du 10 novembre, les solutions à prix préférentiels existantes sur le site Clique‑mon‑commerce.gouv.fr, puis d’accorder à chaque commerce fermé administrativement et non encore numérisé une aide de 500 € pour sa numérisation.

iv) Mais certains avertissent que le processus ne doit pas aller trop loin

À l’hypothèse d’une contribution de la grande distribution, la FCD répond que ses ventes ont certes progressé lors du premier confinement, mais avec des surcoûts qui sont montés à 1 million d’euros (M€) (pour les appels à du personnel supplémentaire avant d’éviter les ruptures d’approvisionnements, les primes versées à la fin, etc.).

Quant à une taxe sur le e-commerce, l’organisation rappelle qu’elle aura peu d’impact sur les géants étrangers, qui la reporteront sur leurs clients, mais qu’elle pèsera davantage sur les acteurs français du commerce en ligne. Une différenciation serait incompatible avec le droit français. En outre, selon le secrétaire d’État au numérique, Amazon ne représenterait que 20 % du commerce en ligne en France.

Vos rapporteurs considèrent néanmoins que la régularité d’une taxe progressive en fonction de la taille des « entrepôts numériques » mériterait d’être étudiée.

Il y a plus généralement urgence à rééquilibrer les situations fiscales entre commerces. Vos rapporteurs soulignent donc la nécessité de travailler à la prise en compte des surfaces commerciales des plateformes de e-commerce.

Plus fondamentalement, organisations professionnelles comme élus locaux s’accordent à dire que, si elle offre un répit pendant le confinement et des opportunités de développement, la numérisation n’est pas la panacée. Ils craignent qu’à trop encourager la vente en ligne et la multiplication des market places locales, les nouvelles habitudes de consommation ne s’ancrent davantage, accélérant l’abandon des boutiques physiques ou leur réduction à de simples dépôts pour la récupération des achats.

Le déploiement d’entrepôts géants, irriguant le pays avec des norias de camions ne leur semble pas une perspective satisfaisante.

Mais ce sont plus encore des ressources fiscales pour les collectivités, des emplois locaux, des offres de services, le lien social et l’animation des centres-villes et centres-bourgs qu’ils voient ainsi directement menacés.

Au-delà de la nécessité de sauver les entreprises et l’économie de notre pays, la lutte contre la vacance commerciale dans les centres-villes est un enjeu local vital, qui mobilise d’importants moyens publics ces dernières années. Avec le soutien de plusieurs plans nationaux (cf. partie III), des commerces ont pu être progressivement réimplantés, mais sans avoir toujours eu le temps d’atteindre un stade de viabilité durable. Cette crise pourrait réduire à néant les efforts de reconquête des collectivités.

Les associations d’élus reconnaissent par ailleurs la nécessité de retrouver de la cohérence dans les stratégies de développement territorial : tout le monde déplore le développement d’Amazon, mais tous se réjouissent quand un grand entrepôt « numérique » s’installe sur leur territoire. Il est plus nécessaire que jamais de réguler ces activités.

b) Comment concilier la survie économique et la lutte contre une pandémie appelée à durer ?

i) L’indispensable esprit de responsabilité

Face à la généralisation de la pandémie dans notre pays, à l’accélération exponentielle des contaminations et des hospitalisations, il est devenu indispensable de renforcer les mesures visant à ralentir les flux et les interactions entre individus. Dans cette lutte pour éviter d’être noyés par la vague, chacun a un rôle à jouer.

Au Gouvernement, il revient d’évaluer la gravité de la situation et de prioriser les intérêts et les besoins afin de définir les mesures les mieux adaptées – ce qui n’interdit pas une certaine co-construction des décisions avec les autres responsables publics. C’est un exercice d’équilibriste car un système trop schématique risque d’être rejeté ; et multiplier les dérogations nuit à la compréhension des règles et alimente des sentiments d’inéquité.

Quoi qu’il en soit, dans ce contexte complexe, la fronde de certains élus est dangereuse en ce qu’elle fragilise la parole publique et le respect de la norme, mais aussi brouille le message envoyé à nos concitoyens, ébranlant la nécessaire mobilisation de tous.

Vos rapporteurs rappellent la responsabilité de chaque élu de porter un discours de bon sens à l’attention des acteurs économiques comme de nos concitoyens.

Pour leur part, les citoyens français ont la responsabilité de respecter les gestes barrières et les recommandations de limiter leurs interactions physiques. Mais ils peuvent aussi jouer un rôle dans la défense des commerces de proximité. Les Français peuvent en effet privilégier les offres alternatives de leurs commerçants locaux, ou reporter leurs achats de quelques semaines, comme ils l’ont fait la première fois. Il reste plus d’un mois et demi avant Noël. Les commerçants nationaux y trouveraient aussi leur compte, en ayant ainsi la possibilité de rattraper leur CA de fin d’année.

Toutefois, d’aucuns remarquent que le discours, de toutes parts, encouragerait implicitement à continuer à consommer comme avant ; sans compter le contexte anxiogène (et des publicités agressives) qui favoriserait un certain emballement des désirs d’achats.

Vos rapporteurs recommandent donc de mener une campagne active de sensibilisation à ces différents enjeux.

Il n’en reste pas moins que cette crise est appelée à durer et qu’il devient indispensable de trouver un équilibre dans les modalités de la lutte sanitaire pour préserver l’économie et les emplois de notre pays.

Il faut réfléchir à des solutions plus durables, pouvant être activées quand il y a un rebond de la pandémie.

Comment organiser demain ?

ii) Des adaptations en faveur des commerces de proximité à étudier

Le développement de la livraison et des ventes en lignes ne suffira vraisemblablement pas à faire tenir nos commerces et artisans de proximité dans la durée. Et l’État français ne pourra assurer indéfiniment son niveau de soutien.

Les organisations professionnelles et associations d’élus se sont essayées à imaginer les mesures qui permettraient une réouverture progressive de ces magasins.

Les acteurs du secteur rappellent que les consignes de sécurité ont été très respectées lors du premier confinement. Ils reconnaissent un certain relâchement ces derniers temps, y compris dans la grande distribution. Mais tous pensent qu’il devrait être possible de revenir à plus d’exigences. Après tous les efforts d’équipement réalisés par les commerçants français, le niveau de protection pourrait être l’un des plus poussés d’Europe.

Au demeurant, ils ne sont pas convaincus que leurs magasins soient vecteurs de contagion. Professionnels comme élus locaux observent que les petites surfaces le sont sans doute moins que les transports collectifs ou les hypermarchés. Bien que l’Espagne soit elle‑même très touchée, la Catalogne a choisi, de son côté, de fermer les surfaces commerciales supérieures à 800 m2 et non les commerces de proximité.

Professionnels et élus pensent que des aménagements sont envisageables en faveur des commerces de proximité et que des mesures supplémentaires pourraient être prises pour renforcer encore la protection des clients et limiter leurs interactions dans le magasin et dans les flux engendrés par ces réouvertures :

– les règles pourraient être différenciées selon les territoires. De fait, à la campagne et dans les villes petites et moyennes, la clientèle se bouscule rarement dans les magasins de centre-ville en temps ordinaires et s’y rend souvent en véhicule personnel ;

– la taille des boutiques pourrait aussi être prise en compte ;

– les horaires d’accueil peuvent être étendus pour étaler les flux ;

– les autorisations de déplacements individuels pourraient prévoir de réserver une heure par semaine à des courses non alimentaires, etc.

Le ministère de l’économie a indiqué à vos rapporteurs que l’activité économique se maintient mieux que lors du premier confinement : la Banque de France table sur un recul de l’activité de 12 % en novembre quand il était de 31 % en avril.

Le ministère n’écarte pas, néanmoins, l’hypothèse d’une réouverture progressive des commerces fermés « si le nombre de contamination et le nombre d’entrées à l’hôpital diminuent ». Le ministre de l’économie a cependant précisé qu’une réouverture ne pourra « s’envisager qu’avec de nouvelles règles sanitaires : relèvement de la jauge d’accueil, accès aux magasins sur rendezvous… » ([17])

iii) Une co-responsabilisation à promouvoir réellement

L’APVF regrette le fonctionnement encore très prescriptif du Gouvernement, considérant que les préfets pourraient consulter les maires avant des décisions aussi lourdes de conséquences économiques et sociales pour leurs territoires.

La déresponsabilisation favorise selon elle les revendications. L’association souhaiterait que l’expertise des collectivités, leur connaissance des territoires soient mieux écoutées ; que l’on développe davantage un processus de co‑décision.

III. Un soutien du Gouvernement renforcé

A. Lancement d’un numéro spécial d’information sur les mesures d’urgences pour les entreprises et les associations

Dès le 2 novembre, la direction générale des finances publiques et l’Urssaf ont mis en place un nouveau numéro d’appel (0806 000 245), unique et non surtaxé, en complément de la plateforme internet déjà existante https://www.economie.gouv.fr/covid19-soutien-entreprises afin de renseigner et orienter les professionnels vers les différentes aides d’urgence.

Le site du ministère de l’économie signale en outre que deux numéros uniques sont également mis en place par les chambres consulaires ([18]).


B. Des aides d’urgence prolongées et complétées

Les commerces ont accès aux dispositifs d’aide ouverts à toutes les entreprises pour les soutenir dans la crise.

Les aides possibles pour les commerces en novembre

Selon la situation des commerces :

Fermés administrativement

Ouverts mais dont le CA a baissé

Fonds de solidarité : indemnisation mensuelle de la perte de chiffre d’affaires (CA) pour les entreprises employant 50 salariés au plus

Jusqu’à 10 000 € quel que soit le secteur d’activité et la situation géographique

Jusqu’à 10 000 € ou 1 500 € selon le secteur, si la perte de CA est supérieure à 50 %

Aides relatives aux charges sociales

Exonération totale

pour les entreprises de moins de 50 salariés

Report de tout ou partie des cotisations salariales et patronales pour les 5 et 15 novembre

Plan de règlement « Covid » (étalement ou report) ou remise d’impôts directs

possible

possible

Réduction des loyers

possible

 

Mise en place du chômage partiel

possible

En cas de baisse d’activité ou de difficultés d’approvisionnement

Prêts garantis par l’État

possible

possible

Source des données : site du Ministère de l’Économie.

      Depuis fin juin, de nouveaux dispositifs ont été créés.

– Un dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD), financé par l’État dans le cadre du plan de relance ([19]).

Les entreprises qui connaissent une réduction durable de leur activité peuvent en demander le bénéfice jusqu’au 31 juin 2022. Il peut être mis en place durant 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 3 ans.

Dans le cadre d’un accord collectif signé au sein de l’entreprise ou d’un accord de branche, il permet de diminuer l’horaire de travail d’un ou plusieurs de ses salariés, dans la limite de 40 % de l’horaire légal. L’entreprise leur verse une indemnité horaire correspondant à 70 % de leur rémunération brute, dans la limite de 4,5 SMIC.

En contrepartie d’engagements en matière de maintien de l’emploi, elle reçoit de l’État jusqu’à 85,7 % (80 % pour les accords transmis à compter du 1er octobre) de l’indemnité qu’elle verse au salarié placé en APLD.

– Un nouveau dispositif garanti par l’État : les entreprises peuvent désormais céder, avec la garantie de l’État, leurs créances dès la prise de commande ferme. La dette est remboursée à l’émission des factures ([20]).


        Avec le déclenchement de la nouvelle période d’urgence sanitaire, le Gouvernement a annoncé la réactivation des dispositifs de soutien et l’introduction de nouvelles mesures d’aide aux entreprises :

– Le dispositif de fonds de solidarité est rouvert et renforcé ([21]). Et les recettes réalisées sur les activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison (click and collect) ne sont pas prises en compte dans le calcul de l’indemnisation.

Le volet 1 du fonds (indemnisation de la perte déclarée de chiffre d’affaires) est prolongé jusqu’au 30 novembre 2020 ([22]).

Les conditions d’éligibilité à cette aide sont assouplies. Le fonds s’adresse désormais aux entreprises de moins de 50 salariés, sans condition de chiffre d’affaires ni de bénéfice. Les entreprises ayant débuté leur activité avant le 31 août 2020 sont désormais éligibles. Les entreprises contrôlées par une holding sont également éligibles à condition que l’effectif cumulé de la ou des filiales et de la holding soit inférieur à 50 salariés. La liste des secteurs 1 [restaurants, bars, hôtels, salles de sport, cinémas…] et 1 bis [commerces de gros, éditeurs, producteurs, artisans d’art…] est complétée.

Les entreprises fermées administrativement en septembre et octobre pourront bénéficier d’une aide égale à la perte de chiffre d’affaires (CA) dans la limite de 333 € par jour d’interdiction d’accueil du public (10 000 € sur un mois).

Dans les zones de couvre-feu, les entreprises des secteurs S1 ayant perdu plus de 50 % de leur CA en octobre pourront recevoir une aide compensant leur perte de chiffre d’affaires jusqu’à 10 000 €. Ce plafond majoré s’applique aussi aux entreprises des secteurs S1 bis qui ont perdu plus de 80 % de leur CA lors du premier confinement.

Les autres entreprises ayant perdu plus de 50 % de leur CA auront droit à cette même aide mais dans la limite de 1 500 €.

En dehors des zones de couvre-feu, les entreprises des secteurs S1 et S1 bis (si ces dernières ont perdu plus de 80 % de CA au premier confinement) ayant perdu entre 50 et 70 % de CA en octobre bénéficieront d’une aide égale à leur perte de chiffre d’affaires jusqu’à 1 500 €.

Les mêmes catégories d’entreprises ayant perdu plus de 70 % de CA bénéficieront d’une aide égale à leur perte de chiffres d’affaires jusqu’à 10 000 €, dans la limite de 60 % du CA mensuel.

Pour novembre, les entreprises fermées administrativement ainsi que les entreprises des secteurs 1 bénéficieront d’une aide égale à la perte de chiffre d’affaires dans la limite de 10 000 €.

Les entreprises appartenant aux secteurs 1 bis percevront une aide égale à 80 % de la perte de chiffre d’affaires dans la limite de 10 000 €. Lorsque la perte de CA est inférieure ou égale à 1 500 €, la subvention est égale à 100 % de cette perte.

Les autres entreprises bénéficieront d’une aide égale à la perte de chiffre d’affaires dans la limite de 1 500 €.

Il y a 1,6 million d’entreprises éligibles (commerçants, artisans, professions libérales et autres agents économiques). Le Gouvernement évalue à 6 Md€ le coût du dispositif pour un mois de confinement ;

– Les exonérations de cotisations sociales seront élargies et renforcées, ce qui représenterait une dépense supplémentaire de 1 Md€ par mois de confinement pour l’ensemble des entreprises bénéficiaires ;

– La prise en charge des loyers : une nouvelle dépense fiscale a été introduite dans le projet de loi de finances pour 2021 afin d’inciter les bailleurs à abandonner au moins un mois de loyer dû par des entreprises de moins de 250 salariés, fermées administrativement ou appartenant au secteur de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration. Les bailleurs pourront alors bénéficier d’un crédit d’impôt de 30 % du montant des loyers abandonnés sur octobre, novembre et décembre 2020.

L’aide sera cumulable avec le fonds de solidarité. La dépense de l’État pour ce crédit d’impôt est évaluée à environ 1 Md€ au total ;

– La baisse de l’indemnisation de l’activité partielle est reportée au 1er janvier 2021. Et jusqu’au 31 décembre 2020, les entreprises les plus impactées bénéficient d’une prise en charge à hauteur de 100 % de l’indemnité d’activité partielle versée à leurs salariés ([23]).

Les entreprises bénéficiant du taux majoré d’indemnisation :

. les entreprises des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’évènementiel ;

. les entreprises des secteurs faisant l’objet de restrictions législatives ou réglementaires particulière en raison de la crise sanitaire ou impactées par le couvre-feu mis en place du 17 au 29 octobre.

Les dispositifs d’activité partielle coûteraient 7 Md€ par mois de confinement.

 Les prêts garantis par l’État sont adaptés à la fois à la nouvelle situation et aux demandes des entrepreneurs.

Les entreprises peuvent désormais contracter un prêt jusqu’au 30 juin 2021 au lieu du 31 décembre 2020.

L’amortissement du prêt garanti par l’État pourra être étalé entre 1 et 5 années supplémentaires, avec des taux pour les PME négociés avec les banques françaises compris entre 1 et 2,5 %, garantie de l’État comprise.

Il sera possible d’aménager l’amortissement avec une première période d’un an où seuls les intérêts et le coût de la garantie d’État seront payés, en restant dans la durée totale fixée (soit « 1+1+4 » avec l’année de décalage du remboursement du capital et 4 années d’amortissement).

Le Gouvernement a vu avec la Banque de France pour que ces délais supplémentaires ne soient pas considérés comme un défaut de paiement des entreprises.

Il a par ailleurs été annoncé que l’État pourra accorder des avances remboursables (des prêts directs) plafonnées à 3 mois de CA pour les entreprises de plus de 50 salariés ;

– Et pour les entreprises poursuivant une activité, l’assurance-maladie a reconduit sa subvention « prévention Covid » afin d’aider celles qui emploient moins de 50 salariés à prévenir la transmission du virus au travail.

C. Une stratégie d’accompagnement de moyen terme plus structurante

Pour une analyse des dispositifs cités, il est utile de consulter l’avis sur le projet de loi de finances pour 2021 de notre collègue, M. Rémi Delatte ([24]).

a) Le soutien au virage numérique des entreprises

Le 29 juin, le Gouvernement a présenté un plan de relance du commerce et de l’artisanat de proximité qui a pour ambition de répondre aux problématiques particulières auxquelles doit faire face le commerce et l’artisanat dans le contexte de la crise sanitaire et économique. Outre quelques mesures temporaires destinées à renforcer la trésorerie de ces entreprises à la sortie du premier confinement, il entend accélérer la mise en œuvre de certains volets de la stratégie nationale pour le commerce et l’artisanat engagée en octobre 2019, dont, en premier lieu, la numérisation des TPE.

        Le 15 octobre a été lancée l’initiative France Num. Elle a pour objectif de rassembler l’ensemble des actions menées par l’État, les régions et leurs partenaires et vise à permettre à toutes les TPE et PME françaises de lancer leur transformation numérique d’ici 3 ans.

France Num s’appuie sur une plateforme de ressources personnalisées.

Pour favoriser les premiers pas, le site partagé met en avant des projets concrets de transformation numérique.

Plus opérationnellement, la plateforme entend apporter une solution concrète à chaque TPE et PME en mettant à disposition divers outils (des diagnostics numériques gratuits, suivis d’un plan d’actions, des actions-formations et des formations en ligne) et en faisant connaître, grâce à un moteur de recherche unique, toutes les initiatives existantes sur tout le territoire (offres d’accompagnement, financements, outils). Cet espace en ligne ouvert à tous doit permettre la mise en relation des TPE et PME et des « activateurs », les experts de proximité qui les accompagneront dans leur démarche de transformation numérique.

Chaque partenaire de France Num apporte en effet un référencement d’accompagnants individuels des entreprises. Au lancement, plus de 900 « activateurs », répartis sur tout le territoire, étaient déjà mobilisés. Le référencement du réseau se poursuivra au fil de l’eau.

Enfin, la Banque européenne d’investissement, l’État et Bpifrance accompagneront la numérisation des entreprises de moins de 50 salariés au moyen d’une garantie de place permettant aux banques partenaires d’octroyer sur 3 ans près d’1 Md€ de « prêts numériques » à des conditions favorables. Ce seront en priorité des prêts de moins de 25 000 euros, dont le remboursement s’étalera sur 5 à 7 ans.

        Le Gouvernement a publié en ligne un guide pratique à destination des artisans, des commerçants, des restaurateurs et des indépendants pour les accompagner dans la numérisation de leur activité.

        Enfin, il a lancé, début novembre, un appel à projets pour identifier les opérateurs prêts à proposer des solutions gratuites ou à tarifs préférentiels pendant la période de confinement, rapides à être mises en œuvre, bénéficiant d’un accompagnement technique et sans durée minimale d’engagement de l’entreprise qui répondent aux besoins génériques (disposer d’une solution de paiement en ligne, vendre en ligne, proposer un service de livraison ou de click and collect).

b) Les plans de revitalisation territoriale

L’autre volet du plan de relance du commerce et de l’artisanat de proximité de juin concerne la redynamisation commerciale des territoires les plus fragiles. Avant la crise sanitaire et économique, des mutations structurelles affectaient déjà profondément le commerce : désertification commerciale des centres-villes et centres-bourgs, développement du commerce en ligne…

Avec la Banque des territoires (donc de la Caisse des dépôts), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pilote plusieurs programmes en faveur de la revitalisation des centres-villes, qui comprennent des volets en matière de revitalisation artisanale et commerciale :

– « Action Cœur de ville », ciblé sur les villes moyennes ;

– « Petites villes de demain », lancé en octobre et ciblé sur les communes de moins de 20 000 habitants qui exercent des fonctions de centralités ;

– « Nouveaux lieux nouveaux liens », ciblé sur le développement de tiers lieux, notamment en zone rurale.

Avec le renfort financier de France relance, le plan de relance de juin a prévu d’accompagner les collectivités territoriales concernées dans leurs actions pour pérenniser les petits commerces locaux. 180 M€ de l’État (60 M€ en 2021) sont notamment annoncés pour les aider à déployer jusqu’à 100 foncières de redynamisation des commerces en centres-villes. Dans le cadre d’Action Cœur de ville, celles‑ci visent à acquérir et rénover au moins 6 000 commerces vacants sur cinq ans, pour proposer ensuite ces locaux à des loyers modérés aux commerçants et artisans.

Par ailleurs, l’État complètera à hauteur de 40 M€ l’enveloppe prévue par la Banque des territoires, la portant à 79 M€ au total, pour financer dans ces villes des actions collectives comme le développement de plateformes numériques territoriales.


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 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

____________________________________ LIBERTÉ - ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

Groupe de suivi des conséquences économiques du confinement

Le 18 novembre 2020

2.   Les partenaires privés des entreprises

I. Un secteur bancaire mobilisé pour accompagner les entreprises françaises

a) Un soutien actif des entreprises depuis le début de la crise

Les banques sont les acteurs centraux du financement de l’économie. Avec la crise sanitaire, leur accompagnement est devenu vital pour éviter l’étranglement des entreprises.

i) Une croissance des crédits aux entreprises supérieure à celle des autres pays européens.

À la fin de l’été, la Banque de France saluait la mobilisation du secteur bancaire : « On a fait mieux que les autres pays européens. Le montant est plus élevé, la France en est à 120 milliards, c’est trois fois l’Allemagne par exemple. Contrairement à l’Italie, la Grande Bretagne ou aux États Unis, ils ont été essentiellement vers les PME et TPE. Et puis nos prêts ont les taux les plus bas d’Europe » ([25]).

Les chiffres disponibles sont en effet significatifs :

– Fin août, les crédits aux entreprises connaissaient toujours une croissance forte en France, de 13,1 % sur un an, nettement plus dynamique que dans l’ensemble de la zone euro (6,6 %), avec des taux plus favorables pour les emprunteurs : le taux moyen appliqué aux PME était de 1,13 % contre 1,73 % dans la zone euro ([26]) ;

Fin août, 509,1 milliards d’euros (Md€) de crédits étaient mobilisés en faveur de 1,3 million de PME, en hausse de 18,1 % sur un an (cf. tableau ci-après).

À la fin du second trimestre, l’encours des crédits accordés aux TPE s’élevait à 337,5 Md€, en progression de 15,5 % sur un an ;

L’endettement brut des entreprises sous forme de crédits bancaires et de titres de créance aura ainsi augmenté de 175 Md€ supplémentaires entre avril et fin septembre  ([27]) ;

– Ces croissances sont portées par la forte hausse des crédits de trésorerie, sous l’effet des prêts garantis par l’État (PGE). Les demandes de crédits de trésorerie des PME et TPE ont nettement bondi au deuxième trimestre et restent plus fréquentes au troisième trimestre qu’en début d’année.

La Banque de France a relevé des taux d’accès aux crédits de trésorerie historiquement élevés au deuxième trimestre : 94 % des demandes de crédits des PME et 90 % des demandes des TPE ont été satisfaites (en obtenant plus de 75 % des sommes souhaitées).

Et si, le 27 octobre, la Banque centrale européenne notait au troisième trimestre un durcissement des conditions d’octroi des crédits aux entreprises dans la zone euro, notamment en France, la Banque de France constate néanmoins sur ce trimestre des taux d’accès aux crédits de trésorerie encore supérieurs à ceux de l’année précédente : 90 % pour les PME contre 87 % en 2019 ; et 88 % pour les TPE contre 67 % l’année précédente.

Interrogée par le groupe de travail sur le financement des créations d’entreprises et les témoignages faisant état d’une certaine frilosité des banques à l’égard des jeunes créateurs, la FBF a indiqué ne pas disposer de statistiques spécifiques. Elle admet qu’il puisse y avoir un peu plus prudence dans l’octroi de financements, mais souligne que la distribution des crédits d’investissements ne s’est pas arrêtée pendant la crise ; ce sont plutôt les demandes qui ont ralenti, traduisant l’attentisme des entreprises face aux incertitudes actuelles. De fait, les taux d’accès aux crédits d’investissement des PME restent excellents, avec 95 à 96 % de demandes satisfaites, quand ce taux était de 92 % au niveau européen sur les premiers mois de l’année. Les taux d’accès pour les TPE sont néanmoins en léger recul aux deuxième et troisième trimestres.

 

Fin 3e trim. 2019

Fin 2e trim. 2020

Fin 3e trim. 2020

État fin période de référence

Variation sur un an

Crédits aux entreprises (toutes)

Fin 2019

 

 

Fin août 2020

Encours total

1 061 Md€

 

 

1 187 Md€

+ 13,1 %

Encours crédits de trésorerie

 

 

 

325 Md€

+ 34,3 %

Encours crédits d’investissement

 

 

 

792 Md€

+ 5,7 %

Crédits aux PME (10 à 249 salariés)

 

 

 

Fin août 2020

Encours total

 

 

 

509,1 Md€

+18,1 %

Demandes de nouveaux crédits de trésorerie :             % des entreprises

6 %

42 %

17 %

 

 

           % de demandes satisfaites (1)

87 %

94 %

90%

 

 

Demandes de nouveaux crédits d’investissement : % des entreprises

21 %

13 %

15 %

 

 

               % de demandes satisfaites

96 %

95 %

96 %

 

 

Crédits aux TPE (< 10 salariés)

 

 

 

Fin 2e trim.2020

Encours total

 

 

 

337,5 Md€

+ 15,5 %

Demandes de nouveaux crédits de trésorerie :             % des entreprises

6 %

28 %

14 %

 

 

           % de demandes satisfaites (1)

67 %

90 %

88 %

 

 

Demandes de nouveaux crédits d’investissement : % des entreprises

10 %

6 %

6 %

 

 

           % de demandes satisfaites (1)

88 %

84 %

86 %

 

 

Avertissement : les sources et les périodes de référence des données varient :

 Les données des trois premières colonnes sont issues de l’étude « Enquête trimestrielle auprès des entreprises sur leur accès au crédit en France, 3e trimestre 2020 » de la Banque de France, Stat info du 4 novembre 2020 ;

 les données des deux colonnes suivantes sont issues du site de la Fédération bancaire française.

(1) Dossiers ayant obtenu la totalité ou plus de 75 % des montants demandés.

Selon les chiffres donnés par la FFB :

– Après une forte baisse en mars-avril, les crédits à la consommation ont progressé depuis de presque 4 Md€, atteignant un encours total de 285 Md€ (+ 1,4 %) ;

– Les crédits sur l’habitat ont augmenté de 2,6 % ;

– L’épargne des Français s’est accrue de 117 Md€ entre février et septembre : 10 Md€ en numéraire ; 65 Md€ sur les dépôts à vue et 40 Md€ sur des dépôts rémunérés. La FBF observe que l’on ne peut reprocher à nos concitoyens de rester prudents en période de crise et de chômage partiel. C’est dans un an qu’il sera pertinent de regarder comment évolue cette épargne et comment l’optimiser.

ii) Un accompagnement reconnu par les chefs d’entreprises

Selon une étude réalisée à la rentrée 2020 par Kantar auprès des chefs d’entreprises, consulter son banquier est le premier réflexe en période de crise pour 53 % des entrepreneurs – seuls 30 % d’entre eux citent leur assureur parmi les conseils possibles. Ce score monte à 64 % pour les dirigeants de TPE. Près de la moitié (49 %) de ces mêmes chefs d’entreprises de moins de 10 salariés ont déclaré que leur banquier a aussi été leur premier soutien, devant leurs proches, leurs fournisseurs, leurs associés, leur assureur (qui ne recueille qu’un score de 14 %) etc.

On peut cependant relever que 31 % des auto-entrepreneurs ont exprimé le sentiment de n’avoir été soutenus par aucun de leurs partenaires.

b) Un soutien largement lié aux prêts garantis par l’État (PGE)

i) Une distribution étendue et rapide

Depuis le début de la crise sanitaire, le Gouvernement a mis en œuvre un dispositif exceptionnel de garanties permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises, à hauteur de 300 Md€.

Pour rappel, le PGE est un crédit de trésorerie pouvant représenter jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires (CA) annuel, remboursable après un an de différé (capital, intérêt ou commission de garantie) ou – depuis octobre – pouvant être amorti sur une à cinq années supplémentaires. L’option pourra être choisie quelques mois avant la fin de la première année du prêt. Il est ouvert à tous les secteurs sur tous les territoires, jusqu’au 30 juin 2021 ([28]).

Ces PGE ont été rapidement et massivement déployés : selon le tableau de bord tenu par le ministère de l’économie, au 30 octobre 2020, en quelques mois, près de 603 000 entreprises (dont 534 805 TPE) en avaient bénéficié depuis le début du dispositif, pour un total de 123,2 Md€ (+ 1,4 Md€ sur le mois d’octobre).

Le taux de refus des demandes éligibles n’est que de 2,7 %, une proportion stable dans le temps ([29]).

89 % des bénéficiaires sont des TPE, 5 % des PME qui ont toutefois reçu 35 % des montants accordés (40 % pour les TPE).

22 % des bénéficiaires sont des commerçants, 15 % des entreprises des secteurs de l’hébergement et de la restauration, 15 % des entreprises des secteurs de la construction et de l’immobilier, etc.

Enfin, depuis fin octobre, l’accès des PGE a été élargi à d’autres entreprises.

ii) Les engagements des banques

La Fédération bancaire française (FBF) rappelle que les importants volumes de crédits accordés au titre des PGE sont intégralement apportés par le secteur bancaire.

Les banques se sont par ailleurs engagées à :

– apporter une réponse rapide à toutes les demandes qui leur sont adressées. Les établissements auront ainsi mis en place des procédures accélérées d’instruction, promettant un délai de réponse de 5 jours malgré la dilatation des flux ;

– et à distribuer les PGE à prix coûtant (sans marge ni frais de dossier ; mais au prix de la ressource pour chaque banque) à des taux calculés au minimum de ce que permettent les marchés.

Dans les conditions actuelles, cela revient à proposer aux PME-TPE une tarification maximale de 1 à 1,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2022 ou 2023, et de 2 à 2,5 % pour des prêts remboursés d’ici 2024 à 2026, coût de la garantie de l’État (de 0,5 à 1 %) compris.

Selon ces hypothèses, pour un montant moyen de 180 000 € prêtés aux PME/TPE, le coût moyen de la prime d’État et des intérêts bancaires s’établirait entre 1 600 et 2 200 € par an.

c) Les autres aides apportées par les banques aux entreprises

– la suppression des pénalités et des coûts additionnels de reports d’échéances et de crédits des entreprises. Cette mesure est rendue possible par les consignes dérogatoires données en mars par l’Autorité bancaire européenne de ne pas traiter le non-paiement des échéances comme un défaut ;

– et le report jusqu’à six mois des remboursements de crédits des entreprises.

Pour le secteur touristique et évènementiel, ce « moratoire » des crédits professionnels a été ultérieurement accentué : il pouvait aller jusqu’à douze mois, quelle que soit la taille de l’entreprise, si elle en faisait la demande avant le 30 septembre.

Même si toutes les banques ne l’ont pas mis en œuvre, ce moratoire a concerné 2 millions de contrats et porté sur 20 Md€ d’encours jusqu’en septembre.

95 % des clients concernés ont ensuite recommencé à payer normalement. De fait, fin octobre, le secteur bancaire n’avait pas le sentiment de difficultés de paiement supérieures à celles constatées en temps ordinaires, même avec une activité réduite. Soit les entreprises ont privilégié le remboursement de leurs crédits ; soit elles disposaient de trésoreries suffisantes pour tenir quelques mois, ou les ont reconstituées grâce à une bonne saison estivale ; soit c’est l’effet de la distribution des PGE. Quoi qu’il en soit, les banques constataient que les entreprises commençaient à peine à consommer ces crédits ; les PGE auront pu servir de réserve de trésorerie.

Une étude de la Banque de France montre qu’en septembre, l’endettement net des entreprises était resté quasiment stable par rapport au début de l’année ([30]).

Son objectif est d’accélérer et consolider la reprise économique ultérieure.

Toutefois, à la question du groupe de travail sur la possibilité de renforcer le soutien bancaire aux entreprises engagées dans la transition numérique, la transition écologique ou des actions de solidarité sociale, la FBF a rappelé que les taux d’intérêt pratiqués dans notre pays sont déjà bas ; le secteur bancaire français doit préserver ses capacités de financement hors crise sanitaire. Une modulation des tarifications en fonction des secteurs n’est pas à l’étude.

d) Les « enseignements » tirés par les banques du premier confinement

i) Renforcer l’accueil des clients

Malgré la dureté du premier confinement, l’ensemble du secteur bancaire fiduciaire aura largement fonctionné de manière normale. Les infrastructures de moyens de paiements ont été totalement opérationnelles et l’alimentation des réseaux de distributeurs de billets (DAB) régulièrement assurée, même si certaines difficultés ont pu être relevées localement.

Quant aux autres services, la FBF témoigne qu’en dépit du manque d’équipements de protection personnelle lors de cette première période, les personnels se sont très fortement mobilisés pour assurer leur accès à l’ensemble de leurs clients, notamment les plus fragiles. Même si au quotidien l’essentiel des opérations bancaires peuvent être accomplies à distance ou via les automates et que leurs clients ont été invités à privilégier les contacts avec leur conseiller par téléphone ou via les plateformes dédiées, la grande majorité des agences sont restées ouvertes, avec des mesures spécifiques : filtrage aux entrées, prise de rendez-vous téléphonique, etc.

Avec le retour des enfants à l’école, cette présence physique en agence devrait être encore renforcée – même si certains personnels souhaitent davantage de télétravail. Les associations de consommateurs seraient très attachées à ces contacts directs. En outre, cette présence est non seulement un enjeu de qualité de service mais aussi de sécurité dans le maillage des agences, souligne la FBF. Des mesures ont donc été prises pour organiser une présence physique adéquate, en se projetant même au‑delà de l’échéance du 1er décembre.

Le secteur a aussi constaté que certaines demandes de crédit peuvent être traitées en télétravail et d’autres non. L’organisation de cette activité a donc également été adaptée pour le deuxième confinement.

ii) Privilégier les solutions personnalisées au moratoire général des paiements

La FBF a assuré au groupe de travail que le système bancaire résiste solidement à la crise. Il existe bien des risques additionnels, mais les résultats du secteur et ses provisionnements antérieurs permettent de faire face aux demandes de crédits.

En revanche, après avoir admis l’application de moratoires sur les remboursements de prêts jusqu’au 30 septembre 2020  ([31]), l’Autorité bancaire européenne ne les autorise plus afin de préserver la solvabilité des banques. Il n’est donc plus question pour le secteur bancaire d’accorder à nouveau un report général des paiements.

Aujourd’hui sa position est de pousser le dialogue entre les entreprises et leur banquier le plus loin possible afin de trouver ensemble des solutions individualisées.

La FBF reconnaît que certaines situations sont inextricables. Elle n’écarte pas la possibilité de moratoires personnels dans ces cas ; mais évoque d’autres approches possibles, tel le regroupement de crédits…

En tout état de cause, les banques constatent qu’on gère mieux la crise en s’attaquant assez tôt aux difficultés financières, avant les premiers incidents de paiement. Et lorsque des solutions de soutien adaptées sont trouvées, « l’angoisse des entrepreneurs s’apaise ».

La FBF assure que tous les chefs d’entreprise peuvent obtenir un rendez-vous de leur banquier pour un dialogue personnalisé et une proposition de soutien, moins lisible sans doute mais toujours adaptée à leur cas. Elle observe qu’« aucune banque n’a intérêt à voir arriver un défaut de paiement ».

Le message des banques aux entreprises : anticiper les difficultés de paiements ; ne pas avoir peur de s’adresser à son banquier

Le 29 octobre 2020, la FBF a publié un communiqué de presse en ce sens :

Pour Philippe Brassac, Président de la FBF : « La crise s’avère plus longue que prévue, notamment pour certains secteurs dans lesquels l’impact est très fort. Il ne faut surtout pas baisser les bras : les outils et les moyens sont là, nous devons donc nous mobiliser auprès de chacun. (…) Permettre aux entreprises, dans le dialogue avec leurs conseillers bancaires, d’amortir de façon adaptée leur PGE est un engagement supplémentaire que nous prenons. La relation personnalisée doit permettre de trouver la solution adaptée à chacun. »

Néanmoins, interrogée par le groupe de travail sur l’intérêt d’une collaboration entre l’agence de développement économique territoriale, l’expert-comptable et le banquier d’une entreprise pour repérer les difficultés naissantes et optimiser son accompagnement dans la crise, la FBF ne pense pas que les banques soient autorisées à partager les données individuelles de leurs clients entreprises avec les autres intervenants (cf. également partie III).

Vos rapporteurs recommandent que soit étudiée la légalisation des échanges d’informations entre les partenaires des entreprises en période de crise, afin d’améliorer l’efficacité de leur accompagnement.


e) La crise accélèrera-t-elle la réorganisation du réseau ?

En 2018, selon les statistiques de la Fédération bancaire française (FBF), le secteur bancaire français comptait 340 banques, 36 519 agences et 362 800 salariés.

La FBF assure que les fermetures d’agences observées dans certains territoires ne sont pas une conséquence de la crise. Il s’agit d’une tendance de long terme d’adaptation des réseaux bancaires. La baisse du nombre des agences est un phénomène général dans la zone euro, où leurs effectifs ont reculé de 30 % en moyenne entre 2009 et 2019. Il est significativement moins marqué en France, avec seulement 6,5 % de fermetures sur la même période.

Le secteur bancaire français dit privilégier la proximité de la relation avec les clients. Cela étant, ces évolutions ont surtout contribué à rapprocher les nombres d’agences par 100 km2 dans les différents pays : en 2019, cette densité est de 7 agences en Allemagne comme en France. En outre, l’usage des outils à distance progresse et cette évolution s’est accentuée avec le développement du télétravail. La FBF observe que des formules autres qu’une agence physique peuvent répondre à l’attente de proximité : camions-banques, visio-conférences… Quand une banque envisage de fermer une agence, elle regarde toutefois si des alternatives, notamment pour le retrait d’espèces, ne sont pas trop éloignées ou difficiles d’accès.

Quant aux distributeurs automatiques de billets (DAB), leur nombre diminue surtout en ville, où ils sont parfois pléthoriques. La FBF souligne que 90 % de la population française se trouve à moins de 15 mn en voiture d’un DAB, sans compter les multiples accès alternatifs (points jaunes, points verts etc.) qui ont augmenté de 30 %.

II. Des assureurs soucieux de préserver leur solvabilité

L’assurance française est aussi un poids lourd du financement de notre économie (cf. encadré en fin de partie). Mais c’est sur son activité de couverture des risques et sur le rôle que le secteur joue dans la gestion de la crise que le groupe de travail l’a conviée à faire le point.

a) Des services toujours opérationnels

30 000 sinistres se produisant encore par jour, les assureurs ont continué à assurer leurs services pendant tout le confinement. L’ensemble du personnel était en télétravail lors du premier confinement ; grâce aux mesures de protection mises en œuvre depuis, leurs agences et les accueils des mutuelles restent ouverts pendant le second, notamment pour éviter une rechute de leurs activités commerciales, des ventes d’assurance-vie en particulier, que l’assurance française a connue pendant le premier confinement. La Fédération française de l’assurance (FFA) précise que le maintien de cette activité est essentiel pour poursuivre les investissements des assureurs dans l’économie réelle.

Interrogée par le groupe de travail sur de possibles retards pris dans le traitement de sinistres, la FFA indique qu’aucune difficulté ne lui a été remontée. Les experts se sont fortement mobilisés pour effectuer leurs missions pendant le premier confinement malgré les difficultés du travail à distance. Les assureurs n’ont constaté de diminution ni des déclarations ni des indemnisations.


b) Des mesures extracontractuelles de solidarité, substantielles autant que rationalisées

Outre la promesse d’investir ultérieurement dans la relance de l’économie (cf. II.d), les assureurs français s’étaient engagés devant le Premier ministre, le 15 avril 2020, à apporter des aides à hauteur de 1,75 Md€. Selon les chiffrages de la FFA, entre le premier confinement et le début du reconfinement, leur effort de solidarité « au-delà de leurs contrats » s’élève finalement à 2,43 Md€, soit près de 700 millions d’euros (M€) de plus que leurs engagements initiaux. Il pourrait monter à 4,5 Md€ (en cumul) à l’issue du deuxième confinement si les assureurs renouvellent leurs initiatives individuelles de soutien.

Ces mesures ont déjà bénéficié à plus d’un million d’entreprises et 640 000 particuliers. Elles se décomposent de la manière suivante :

. des aides financières « extracontractuelles » ont été versée pour compenser l’exclusion de la pandémie dans la garantie pertes d’exploitation ;

.  des suppressions, remboursements ou réductions de primes ont été accordés ;

.  les garanties sur les contrats santé et prévoyance ont été maintenues en chômage partiel.

Les « gestes commerciaux ont été nombreux et restent plus fréquents » qu’en temps ordinaires.

En faveur des particuliers, ont été accordés par exemple :

. des suppressions, remboursements et réductions de primes, gel de tarifs ;

. des remises sur cotisations annuelles de personnes en recherche d’emploi ;

. des prises en charge d’indemnités journalières d’arrêt de travail pour garde d’enfant ;

Ainsi que des initiatives citoyennes (dons à la recherche, aux EHPAD, aux associations etc.).

 la suppression d’un à trois mois de loyer pour les entreprises de moins de 250 salariés, les cafés, restaurants et hôtels contraints de fermer administrativement ;

 le maintien en garantie des contrats dommages, santé et prévoyance souscrits par les TPE obligées de fermer, même en cas de non-paiement de primes ;

 l’extension de 60 jours sans surprime des garanties « tous risques chantiers » en assurance construction du fait de l’arrêt de la presque totalité des chantiers lors du premier confinement ;

 l’extension automatique de la couverture du matériel informatique des entreprises sur le lieu de résidence du collaborateur en télétravail ;

 l’extension automatique et sans surprime de la responsabilité médicale des personnels médicaux réquisitionnés ou mobilisés dans le cadre de la réserve sanitaire et travaillant dans des conditions « extraordinaires ».

Et en faveur des particuliers, notamment : l’offre d’une couverture prévoyance et les indemnités journalières associées aux personnes fragiles qui sont contraintes d’arrêter de travailler en raison de leur vulnérabilité sans être malades.

En revanche, contrairement au secteur bancaire, il n’y a pas eu de report général des primes, même en faveur des seules entreprises.

Les gestes de solidarité des assureurs ont été et demeurent multiples ; mais la FFA explique qu’« ils ne doivent pas mettre en danger les entreprises d’assurance ». C’est une exigence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCR).

Les initiatives pour accompagner leurs clients dans la crise sont ainsi largement laissées à l’appréciation de chaque entreprise d’assurance, qui décide en fonction de sa propre marge de manœuvre. Celle-ci n’est pas homogène sur l’ensemble du secteur. La MAIF a pu rendre à ses assurés les économies réalisées (100 M€) pendant le confinement sur la branche automobile parce qu’elle couvre un public et des risques moins impactés par la crise.

Entre augmentation de la sinistralité qu’elle génère et pertes de recettes, la crise sanitaire remettrait en cause la situation financière des compagnies d’assurance, particulièrement celles qui couvrent les entreprises. La FFA précise que si la branche automobile a connu moins de sinistres pendant le premier confinement, la branche santé, après un recul, a rebondi pendant l’été, avec notamment le rattrapage des traitements lourds de dentisterie. La crise aura par ailleurs un impact sur les risques de responsabilité civile et suscite déjà un plus grand volume d’indemnisation des arrêts de travail couverts par les contrats de prévoyance des entreprises. Toutes branches confondues, le secteur s’attend donc à un alourdissement de la charge des sinistres dans les mois à venir.

Côté revenus, la situation se dégrade aussi, annonce la FFA : les assureurs ont constaté une progression de 25 % des incidents de paiement cet été. Ils craignent l’explosion des impayés sur les contrats de prévoyance des entreprises. Ce sont en effet des contrats dont la prime est appelée à terme échu, en fin de trimestre, après le versement des indemnisations prévues. Le secteur évalue à plusieurs centaines de millions d’euros – « jusqu’à 1 Md€ » – les primes qui pourraient n’être pas encaissées alors que la garantie a été activée.

Quant à la branche automobile, la FFA fait valoir que son modèle économique suppose que ses primes – « les plus concurrentielles d’Europe » – soient contrebalancées par les produits financiers, qui ont diminué avec la crise. Ce déséquilibre concernerait aussi la branche construction.

Autres difficultés évoquées par la FFA : la demande probable de leurs experts‑comptables de constituer des provisions pour dépréciation d’actifs face à la chute de leurs activités ; et l’inadaptation des règles prudentielles en période de crise exceptionnelle. Les taux négatifs – et sans doute pour longtemps encore – nuisent à leur business model. Le ratio de solvabilité des entreprises d’assurance aurait ainsi chuté de 25 à 30 %.

Pour contrecarrer les menaces émergentes, l’APCR avait déjà interdit le versement de dividendes le temps de la crise, afin de ne pas déséquilibrer davantage les finances des sociétés d’assurances, qui doivent pouvoir travailler sur le temps long.

C’est aussi la raison pour laquelle le maintien des garanties en cas de non-paiement des primes ne sera pas l’annulation de ces dernières mais un report de leur paiement à une date ultérieure.

Mais l’APCR impose au surplus de refuser l’indemnisation des risques non prévus par leurs contrats.

c) Une position de principe sur l’absence de couverture du risque « pertes d’exploitation » au titre de la covid19 dans les contrats en cours

i) Seuls 3 % des contrats l’admettraient

La FFA explique que les statuts de leurs membres sont très divers et les profils de risques couverts variés. Il y a en outre des règles internationales qui déterminent ce que les assurances peuvent couvrir ou non.

La situation est néanmoins plus claire que lors du premier confinement. L’APCR a en effet étudié l’ensemble des contrats de garantie des pertes d’exploitation proposés en France et en conclue que 93 % de ces contrats excluent la prise en charge de la situation actuelle ([32]).

Sur les 7 % restants, « 3 % semblent pouvoir être interprétés comme couvrant la crise actuelle » – que leurs rédacteurs initiaux n’avaient pu imaginer.

Enfin, 4 % donnent lieu à une interprétation ambiguë : chaque partie peut en toute bonne foi interpréter leurs dispositions dans son sens. Ce sont ces 4 % qui font actuellement débat ; les restaurateurs ont même créé une plateforme juridique sur ces dossiers ; des contentieux ont été engagés, dont le secteur attend la résolution, certains tribunaux donnant raison aux assurés, d’autres aux assureurs.

Les assureurs entendent l’incompréhension et l’angoisse de ces assurés, mais rappellent qu’ils ne peuvent mettre leurs propres entreprises en danger, ni user trop librement de l’argent des autres assurés. Si cet argent est investi par les assureurs, il doit un jour revenir aux assurés.

C’est pour avancer avec les petits commerces et restaurateurs concernés que le secteur a annoncé l’annulation immédiate d’au moins un mois de loyer, qui représente souvent leur deuxième poste de dépenses.

ii) Le réalignement en cours des contrats

Quoi qu’il en soit, il est apparu au groupe de travail, ces derniers jours, que les compagnies d’assurances profitent des renouvellements des contrats de leurs entreprises clientes arrivant à échéance au 31 décembre pour exclure de leurs garanties, pour le futur, les pandémies, et donc la covid-19, et demandent à leurs clients de signer des avenants en ce sens.

Non seulement le contrat de ces derniers est résilié s’ils refusent de signer l’avenant ; mais certains avenants s’accompagnent aussi d’une augmentation des cotisations.

Les assureurs concernés expliquent qu’ils n’ont pas les ressources pour assumer les pertes liées à l’épidémie de coronavirus et que leur autorité de contrôle les a priés de clarifier les contrats dont les dispositions sont floues.


iii) La création d’un nouveau régime de catastrophes extérieures exceptionnelles (CATEX)

La FFA affirme que les conséquences économiques d’une telle crise ne sont pas assumables par l’assurance privée. Une pandémie – comme le risque de guerre ou de révolution – est un événement systémique qui touche l’ensemble des assurés en même moment mettant à mal le principe de mutualisation, base du mécanisme assurantiel.

En l’espèce, la FFA estime que les pertes d’exploitation des entreprises françaises liées à la covid‑19 pourraient atteindre plus de 180 Md€, somme très supérieure au résultat net des assureurs non-vie en 2019 (3,9 Md€) et à leurs fonds propres (59 Md€), et plus encore à la collecte des primes au titre des garanties pertes d’exploitation (600 M€ en 2018). Elle en conclue que la prise en charge rétroactive des pertes d’exploitation liées au virus aurait été hors de portée des assureurs.

Un partenariat public-privé, à l’image de ce qui existe pour les catastrophes naturelles, lui semble être la seule solution pour offrir une couverture des catastrophes extérieures de type covid-19. Les assureurs y travaillent depuis avril, avec des représentants des entreprises, des parlementaires, des juristes, des économistes et des experts pour réfléchir aux objectifs et au dimensionnement du futur régime. Un premier projet a été présenté au ministère de l’économie le 12 juin. Après quelques adaptations, une nouvelle version a été envoyée il y a quelques jours.

Celui-ci prévoit la création d’un dispositif d’assurance simple, rapide et forfaitisé permettant aux entreprises non pas d’éponger toutes leurs pertes mais de passer le cap d’une crise majeure (« capital resilience »).

Les paramètres proposés pour le nouveau dispositif CATEX

– Fait générateur : ce dispositif se déclencherait à la suite d’une décision des pouvoirs publics de fermer provisoirement et collectivement des entreprises après un « événement majeur » ;

– Éligibilité : seraient éligibles toutes les TPE et PME de moins de 250 salariés (3,3 millions au total) impactées par cette fermeture (directement visées par l’obligation de fermeture ou victimes collatérales de cette obligation).

Les 6 000 entreprises de taille intermédiaire et grande, qui ont des besoins spécifiques, pourraient renforcer quant à elles leurs contrats pertes d’exploitation ;

– Indemnisation : elle serait compensatoire et faite sans expertise directe préalable, visant à compenser dans un délai rapide la perte brute des entreprises, hors masse salariale et bénéfices ;

– Le dispositif serait inscrit soit dans les contrats comportant une garantie Incendie (qui couvrent la totalité des TPE et PME), soit dans les contrats comportant une garantie pertes d’exploitation (qui couvrent environ 50 % des entreprises aujourd’hui). L’extension dans un cas comme dans l’autre se doit d’être obligatoire pour mutualiser le risque.

– Financement : le dispositif serait financé via une sur-cotisation, dont le montant dépendra du niveau de forfait finalement retenu, et serait couplé à une garantie de l’État qui relaierait les assureurs au-delà d’un certain niveau financier.

À ce stade, il semble possible de contenir le prix de cette assurance à une moyenne de 130 à 150 € par entreprise. Pour rappel, la prime de la garantie CATNAT (Catastrophes naturelles) est de 150 €. La FFA évoque aussi la piste intermédiaire d’un aménagement du dispositif CATNAT, qui fonctionne bien, considérant qu’une pandémie est une forme de catastrophe naturelle.

Sans préjuger de la pertinence du système proposé, vos rapporteurs recommandent d’accélérer la mise au point de ce nouveau régime, afin de minimiser notamment les dégâts causés par la campagne de révision des contrats d’assurance.

Mais en tout état de cause, la FFA a souligné que, ne s’appliquant pas aux contrats en cours, le nouveau dispositif ne résoudra pas les difficultés causées par la covid-19.

d) Le futur plan d’investissements « Assureurs-CDC Relance durable »

Nonobstant leur refus de prendre en charge les pertes d’exploitations des entreprises impactées par la crise sanitaire, les assureurs français se sont engagés à investir collectivement 1,5 Md€ dans la relance de l’économie à la suite de la covid-19, en particulier dans les ETI et PME françaises, avec une cible d’investissements en fonds propres à hauteur de 65 % du programme. Fin juillet, 25 assureurs avaient déjà marqué leur intérêt pour ce programme, auquel participent également la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et le Fonds de réserve des retraites (FRR) à hauteur de 245 M€.

600 millions d’euros sont consacrés au secteur de la santé, dans le but notamment de renforcer la souveraineté sanitaire de la France et de soutenir la BioTech française, et 150 millions au secteur du tourisme.

Les caractéristiques du plan « Assureurs-CDC Relance durable »

La sélection des entreprises intègrera des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) et les investissements dans le secteur non-coté seront conditionnés à la mise en place d’une démarche RSE (responsabilité sociale et environnementale) au sein des entreprises qui en bénéficieront. Seront également exclus les investissements liés au charbon thermique et aux activités suivantes : tabac, production de mines antipersonnel, bombes à sous-munitions, transport ou commercialisation d’armes chimiques ou biologiques, ou toute activité violant les principes du Pacte Mondial des Nations Unies.

En matière de gouvernance, les capitaux seront investis en trois « compartiments » :

 un premier compartiment de 300 M€ est destiné aux fonds « NOV » au bénéfice des PME et des ETI. Gérés directement par des gérants d’actifs de place et portés par des véhicules déjà opérationnels, ces capitaux ont été versés aux gérants dès le mois de juillet ;

 un deuxième compartiment de 600 M€ minimum est destiné à de nouveaux fonds de place de type « NOV » et des fonds sponsorisés par des assureurs également au bénéfice des PME et des ETI. Ces capitaux ont été versés aux gérants d’actifs entre juillet et septembre. 150 millions sont fléchés dans un fonds spécifique affecté au tourisme ;

 un troisième compartiment de 600 M€ est destiné à trois fonds investissant dans le secteur de la santé, dont les gérants restent à sélectionner dans le cadre d’un appel d’offres. Ces investissements seront réalisés notamment dans les domaines de la recherche, des infrastructures, de la logistique et des services de santé. Leur mise en place est prévue pour le mois de novembre au plus tard.

La FFA précise qu’il s’agit d’investissements et non de solidarité Aussi le secteur cible‑t‑il des entreprises « viables et pérennes ». D’autant que ce plan d’investissement représentera une importante charge en capital pour les assureurs concernés au regard des règles de la directive Solvabilité II.

Mais l’Assurance française se dit fière de pouvoir soutenir l’économie de notre pays.


L’assurance française dans le financement de l’économie

Le poids du secteur de l’assurance est traditionnellement important en France, où les particuliers et les entreprises ont l’habitude de s’assurer contre de nombreux risques. La France pèse aujourd’hui 4,2 % de l’assurance mondiale – une part proportionnellement très supérieure à son PIB (3,1 %) - et est le premier marché d’Europe continentale devant l’Allemagne.

Par l’indemnisation des sinistres, l’assurance française fait vivre tout le tissu des artisans qui réalisent les réparations et reconstructions nécessaires.

Plus massivement, en gérant une part très importante de l’épargne des Français, elle est également devenue un financeur de première importance de l’économie nationale.

Au 31 décembre 2019, elle gérait ainsi 2 616 Md€ d’actifs au total, dont 1 788 Md€ provenant des contrats d’assurance-vie des Français. Ces 2 616 Md€ sont investis dans l’économie française à 56 % et mondiale à 44 %, selon la répartition suivante :

– 60,5 % (1 544 Md€) sont investis dans des actifs d’entreprise françaises et étrangères : 19 % en actions, 36 % en obligations et 6 % en immobilier ;

– 30 % sont investis dans des obligations d’État, notamment dans les bons du Trésor français. Les assureurs français sont les premiers et les principaux détenteurs privés de la dette française ;

– 9,5 % sont investis dans des actifs divers, notamment des supports monétaires.

La part investie dans les entreprises est restée stable ces dernières années ; mais les montants absolus ne cessent de croître : en 2019, 146 Md€ supplémentaires ont été injectés dans les entreprises, dont la moitié en actions. L’investissement des assureurs dans les titres des PME et des ETI a également augmenté de 84 % en 5 ans, passant de 50,4 à 92,6 Md€ en 2019, dont près de la moitié investis en titres de capital.

Les investissements dans les infrastructures ont plus que triplé depuis 2014, passant de 11 à 37,8 Md€ fin 2019.

Les investissements « verts » progressent également fortement. Fin 2019, ils atteignaient 92 Md€, contre 61 Md€ en 2018, soit une hausse de 50 % sur un an. À cela s’ajoutent les unités de comptes responsables (UCR), vertes et solidaires en assurance vie, qui représentaient près de 25 Md€ d’encours fin 2019, contre 8 Md€ en 2018.

III. Les experts-comptables et centres de gestion agréés

a) Un rôle-clé de pédagogie

Auditionné par le groupe de travail, le président de la Fédération des centres de gestion agréés (FCGA), par ailleurs expert-comptable, témoigne de débuts de crise violents pour ces professionnels. Il a notamment fallu gérer les déclarations d’impôts : le ministère de l’économie ne leur a accordé que 15 jours de décalage alors que nombre de TPE ne disposent pas de comptabilité informatisée – et que leurs équipes ont été elles-mêmes confrontées à la maladie. Les services fiscaux se sont heureusement montrés tolérants.

L’autre difficulté fut de suivre les flux d’informations ; les dispositifs d’aide ont beaucoup évolué ; les nouvelles versions se sont succédées. Les professionnels ont rapidement senti le besoin de centraliser ces informations et d’expliquer les nouveaux textes, dans un premier temps à l’ensemble de leurs collègues, puis aux entreprises impactées par la crise. Les différents réseaux professionnels ont édité des notes d’interprétation, proposé sur leurs sites des elearnings, des listes de questions-réponses, des numéros verts pour que les entreprises puissent poser leurs propres questions quand elles ne pouvaient s’adresser à un expert‑comptable, etc. La CPME a de son côté fait un important travail de présentations simplifiées des divers dispositifs. « Une grande chaîne d’information des entreprises s’est créée. »

De fait, le premier enjeu de leur mission d’accompagnement des entreprises dans la crise fut et est encore la pédagogie.

b) Une position d’observateurs privilégiés de la mise en œuvre des aides et des situations des entreprises

Le prochain défi sera de bien gérer la sortie des PGE : les modalités de leur remboursement détermineront la capacité des entreprises à résister et rebondir. Le premier dispositif des PGE prévoyait un remboursement au terme d’un an et les banques ne se sont pas engagées sur des taux précis, entretenant une incertitude sur leurs coûts finals pour les emprunteurs. De nouveaux amortissements de ces premières dettes seront sans doute à négocier au premier trimestre 2021.

Vos rapporteurs recommandent au Gouvernement la plus grande vigilance sur les conditions de sortie des PGE distribués à l’occasion du premier confinement.

La question cruciale aujourd’hui pour les TPE : quelles charges présentes peuvent être reportées et comment ?

En tout état de cause, la fermeture prolongée de certaines activités fera des victimes, en particulier dans le secteur de « la nuit ». L’hôtellerie ne subit pas de fermeture administrative et les cafés et restaurants ont bénéficié d’un vrai rattrapage (parfois total dans certaines régions) pendant l’été ; mais les activités liées au tourisme international sont restées faibles et le deuxième confinement recrée une incertitude sur la résilience de l’ensemble de ces secteurs. La FCGA constate cependant une meilleure gestion des stocks dans ces secteurs.

C’est au printemps qu’on prendra vraiment la mesure des impacts économiques de la crise, notamment à l’occasion de la première échéance des PGE.

c) Travailler à la transversalité des accompagnements

Également interrogée par le groupe de travail sur l’utilité d’une coopération autour des entreprises en difficulté entre experts-comptables, banquiers et organisations d’action économique, comme les agences de développement économique, les chambres de commerces et les chambres de métier, la FCGA reconnaît qu’il n’y a pas toujours de coordination entre les divers partenaires des entreprises. Les raisonnements, objets d’expertise et vocabulaires ne sont pas les mêmes.

Mais il y aurait un intérêt à plus de coordination :

– pour simplifier l’information apportée aux entreprises. Tous font des efforts de pédagogie ; mais trop d’information tue l’information ;

– et pour trouver ensemble des solutions adaptées au plus près de la situation d’une entreprise.

Vos rapporteurs recommandent d’étudier les pistes possibles pour favoriser le rapprochement des différents partenaires professionnels voire institutionnels au chevet des entreprises les plus impactées par la crise : dispositif organisé de coordination, intermédiation…

Cela contribuerait sans doute à améliorer l’efficacité des aides et la cohérence des accompagnements proposés aux entreprises.

La FCGA observe enfin qu’il y aurait aussi à renforcer les relations de travail avec les tribunaux de commerce.


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 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

____________________________________ LIBERTÉ - ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

Groupe de suivi des conséquences économiques du confinement

 

25 novembre 2020

3.   Le tourisme de montagne en hiver

I. Les impacts de la crise sanitaire sur le tourisme des sports d’hiver

A. Le tourisme de montagne : un écosystème de poids

Le tourisme de montagne dans notre pays se développe en particulier autour de 250 stations de ski, réparties sur les six principaux massifs du territoire. Elles accueillent chaque hiver près de 10 millions de touristes, dont 26 % d’étrangers, principalement européens ([33]).

Avec 44,9 millions de journées-skieur (nombre de forfait-jours) vendues lors de la saison 2018‑2019, la France est au 3e rang mondial du ski, derrière les États-Unis et l’Autriche.

Les grandes et très grandes stations concentrent 78 % des journées-skieur, les moyennes stations 13 % et les petites 9 %.

Le poids économique total du tourisme de montagne en hiver est estimé à 10 milliards d’euros (Md€) par an, soit 15 % du chiffre d’affaires touristique national ([34]). Pour 1 € de forfait, 6 € supplémentaires sont en effet dépensés en station ou dans les vallées autour. De fait, les stations de ski sont particulièrement dépendantes du tourisme d’hiver et l’emploi touristique représente plus du tiers de l’emploi total de ces territoires.

Pour leur part, les Domaines skiables de France ([35]) avaient réalisé 1,4 Md€ de recettes en 2018 et 2019. Ils réinvestissent chaque année 356 millions d’euros (M€), ce qui représente 55 % des investissements touristiques nationaux. Enfin, ils emploient directement 18 000 salariés, dont plus de 80 % de saisonniers.

Mais par la grande variété des services offerts autour des sports d’hiver, ce sont plus de 120 000 emplois qui dépendent de l’ouverture des pistes chaque hiver : commerces, restaurants, hébergements, écoles de ski… Les Alpes du nord concentrent 90 000 de ces emplois, les Alpes du sud 15 000 et les Pyrénées 10 000. La plupart des professionnels du tourisme d’hiver sont des saisonniers ; 27 % des non-salariés ([36]). Certains gagnent la quasi-totalité de leurs revenus durant les quatre ou cinq mois d’hiver.

Le bon déroulement d’une saison d’hiver est donc non seulement un enjeu vital pour de très nombreux emplois et entreprises mais aussi pour les territoires concernés, auxquels elle assure des rentrées fiscales essentielles et offre un atout fort pour leur attractivité.

B. Après une précédente saison écourtée, le reconfinement pourrait peser lourdement sur les stations

a) Les pertes du premier confinement

Le premier confinement a amené les stations de ski à fermer jusqu’à six semaines plus tôt qu’une saison habituelle. Ce sont les stations d’altitude, les plus fréquentées, dont les fins de saison s’étendent parfois jusqu’à début mai qui ont subi les pertes les plus lourdes.

Domaines skiables de France (DSF) témoigne d’une baisse de la fréquentation de l’ordre de 16 % et d’une perte de recettes pour ses entreprises de 14 %, en moyenne, sur la saison 2019‑2020. Cependant les manques à gagner s’élèvent à 20 voire 25 % du chiffre d’affaires (CA) annuel pour les très grandes stations, les pertes du confinement s’ajoutant aux difficultés provoquées par la diffusion de la pandémie dès février dans les Alpes du nord. 90 % de leurs saisonniers ont dû être placés en activité partielle entre le 15 mars et le 15 avril, parfois au-delà – ce qui, reconnaît l’organisation, a permis d’amortir le choc.

Le Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF) évalue les pertes de ses adhérents à 13 % du CA de la saison, sur un résultat s’élevant habituellement à 300 M€. Dans les stations les plus importantes, ces pertes sont allées jusqu’à - 30 %.

De son côté, le Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) annonce un manque à gagner de 22 % du CA de ses résidences de montagne ([37]) . Et selon le Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GNI‑HCR), l’hôtellerie de montagne familiale (hôtels chalets) aura perdu entre 5 % et 30 % de son CA.

L’hôtellerie, en général, estime avoir perdu 800 000 nuitées, soit 23 % du volume de la saison. Le déficit s’élèverait à 2 millions de nuitées pour les résidences de tourisme (- 28 %) ; 1 million pour les hébergements collectifs (centres de vacances, villages vacances, - 33 %) ; et 53 000 (- 25 %) pour les Gîtes de France commercialisés en centrale de réservation ([38]) .

b) … partiellement atténuées par une bonne saison estivale

L’été rapporte très peu aux domaines skiables. Mais les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et des autres activités de plein air ont pu bénéficier d’une affluence plus forte cet été. Et si l’absence de la clientèle étrangère a pesé sur les stations les plus fréquentées par celle‑ci, la hausse de la clientèle française a néanmoins compensé le manque à gagner pour certaines d’entre elles.

L’emploi touristique d’août dépassant de 12 % celui de février dans les stations de moyenne montagne, la saison d’été a pu ainsi être considérée comme positive.

Dans les stations de ski de haute montagne des Alpes et des Pyrénées, toutefois, l’emploi touristique de février dépassant de 56 % celui d’août ([39]), la réouverture estivale n’a pas suffi pour contrebalancer les pertes du premier confinement.

c) Les craintes pour la saison à venir

L’impact économique du second confinement n’est pas encore mesurable. Mais les premiers effets ne tarderont pas à se faire sentir, les plus hautes stations ouvrant ordinairement leurs pistes dès la fin du mois de novembre.

S’il n’y a pas d’évolution, les anticipations sont lourdes pour l’ensemble du secteur. Selon Atout France, la fermeture totale des stations de montagne au mois de décembre pourrait entraîner une perte globale de l’ordre de 2 Md€, dont plus de la moitié pour les seules vacances de Noël.

De fait, non seulement 95 % du CA des domaines skiables est réalisé en hiver, mais les deux prochains mois représentent potentiellement 42 % du volume d’une saison. En effet, selon DSF, les journées skieurs d’une saison d’hiver se répartissent en moyenne (après ventilation des 10 % de forfaits couvrant l’ensemble de la saison) entre 7 % à l’avant saison, 13 % aux vacances de Noël, 22 % en janvier, 36 % aux vacances d’hiver, 17 % en mars et 7 % aux vacances de printemps.

Selon le GNI-HCR, l’activité de l’hôtellerie familiale se répartit de la façon suivante :

 

% du CA

Taux d’occupation (%)

% des étrangers

Noël – jour de l’an

20

90

40

Vacances d’hiver

50

85

30

Début du printemps

20

45

20

Enfin, selon le SNRT, la saison d’hiver représente également 85 % du CA annuel de leurs résidences de montagne, soit 775 M€. Les vacances de Noël au Jour de l’an en représentent environ 20 % et les vacances de février 40 %. Les étrangers constituent 35 à 40 % de leur clientèle habituelle.

Les résidences de tourisme indiquent être confrontées à des difficultés plus globales : leurs parcs à la montagne, à la mer et à la campagne ont subi des pertes importantes et la question des loyers dus aux propriétaires des résidences n’est toujours pas résolue, mais les exploitants ne craignent pas le dépôt de bilan pour le moment. Cependant, le secteur est fragilisé par les très grandes difficultés que rencontrent leurs résidences urbaines, faute de perspective de reprise avant le second semestre 2021. « Ne pas pouvoir ouvrir à Noël mettrait en péril les résidences de montagne, et par un effet de mutualisation l’ensemble des résidences de tourisme « loisirs ». »

En cas de réouverture tardive et partielle, les impacts varieraient selon les massifs et les profils des clients de chaque station. Les stations d’altitude seraient doublement impactées parce que leur saison débute plus tôt et parce que leur clientèle est habituellement composée de 40 à 50 % d’étrangers, qui seraient peu nombreux à revenir à cause des restrictions de mobilité. Toutefois, les petites stations, déjà fragilisées par le manque de neige pendant la saison 2019‑2020, sont encore plus dépendantes des vacances de Noël que les grandes en raison de la brièveté de leur saison.

Avant l’annonce du couvre-feu, les réservations étaient d’un niveau satisfaisant. Depuis fin octobre, elles sont médiocres voire quasiment à l’arrêt. Le SNRT constate même une progression des annulations sur les réservations à l’avance, qui constituent généralement un tiers de leur commercialisation et qui sont déjà en retard de 15 %, comme sur les réservations faites au fil de l’eau. Les DSF témoignent, pour leur part, d’un taux de réservation inférieur de 35 % aux années précédentes. Le retard des réservations est de 40 % pour les moniteurs de ski, même si ces réservations sont un peu plus fortes autour du Jour de l’an.

Les pré-embauches de saisonniers sont en conséquence suspendues pour la plupart.

Un autre sujet d’inquiétude de plus long terme concerne les classes découvertes et classes de neige : même en cas de déconfinement total, et même si les académies et rectorats assurent qu’ils n’y renonceront pas, il est probable que ces séjours scolaires ne reprennent pas du fait de la forte défiance des citoyens. Les professionnels s’en inquiètent, non seulement pour les pertes d’activités que cela représente pour les écoles de ski et les hébergements collectifs, mais aussi pour la pratique de nos concitoyens et le niveau du ski français : près de 8 personnes sur 10 skiant aujourd’hui ont en effet découvert cette pratique à l’école. « Le skieur de demain, c’est le primaire et le collégien d’aujourd’hui ».

Le SNMSF a annoncé investir 200 000 € dans un fonds de dotation pour préserver cette particularité française en encourageant le retour des classes découvertes en montagne. Le réseau de l’Association des maires de France pourrait soutenir cette initiative.

II. Des aides appréciées, souvent spécifiques mais laissant des questions sans réponse

A. Des dispositifs particuliers mis en place en faveur du tourisme et des activités saisonnières

Le secrétariat d’État en charge du tourisme a indiqué que la très grande majorité des secteurs sont couverts par le Plan tourisme et bénéficient à ce titre de mesures d’aide renforcées par rapport aux dispositifs généraux mis en place pour accompagner les entreprises touchées par le confinement.

Quand on lui signale des activités ou des secteurs qui échappent encore à ces dispositifs (tels les magasins de sport, les agences immobilières de locations saisonnières), il travaille avec le ministère de l’économie pour les intégrer. « Nous travaillons en permanence afin d’inclure le maximum d’acteurs dans les listes S1 et S1bis du fonds de solidarité » ([40]).

Parmi les spécificités les plus notables, on citera :

– la prise en charge totale des indemnités d’activité partielle versées à leurs salariés ; ([41])

– l’exonération totale des cotisations sociales qui devaient être versées en novembre ;

– le prêt garanti par l’État « Saison » (PGES), lancé en août : concrètement, le plafond maximum du prêt pour une entreprise qui réaliserait 80 % de son chiffre d’affaires sur 3 mois est passé de 25 % à 80 % de son chiffre d’affaires du dernier exercice clos ;

– le secteur peut aussi bénéficier du renforcement des aides du fonds de solidarité pour septembre à novembre. Mais la saison n’étant pas ouverte, elles ne concernent qu’une partie des professionnels.

Principales aides pour les entreprises du secteur dans le cadre du reconfinement

Dispositif

Bénéficiaires

Contenu

Durée (selon les textes en vigueur)

Fonds de solidarité, volet 1

Les entreprises de moins de 50 salariés qui sont fermées administrativement ou qui, inscrites sur la liste S1, subissent une perte de chiffre d’affaires (CA) d’au moins 50 %

Indemnisation de leur perte de CA jusqu’à 10 000 €.

Sur novembre

Les entreprises des secteurs S1 bis qui subissent une perte de CA d’au moins 50 % ([42])

Indemnisation de 80 % de leur perte de CA dans la limite de 10 000 €.

Sur novembre

Fonds de solidarité, volet 2

Les entreprises des secteurs S1 les plus impactées

Aide complémentaire jusqu’à 5 000 €

Jusqu’au 31 décembre

Activité partielle

Les entreprises fermées administrativement ou appartenant aux secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de l’événementiel, du sport, du loisir et de la culture (inscrites sur les listes S1 et S1 bis)

Prise en charge à 100 % de l’indemnité d’activité partielle versée à leurs salariés.

Jusqu’au 31 décembre

Prêt garanti par l’État « Saison »

Les entreprises des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de l’événementiel, du sport, du loisir et de la culture (S1)

Le plafond du prêt est la somme des 3 meilleurs mois de chiffre d’affaires du dernier exercice clos.

(Dans un PGE classique, le plafond est fixé à 25 % de son chiffre d’affaires du dernier exercice clos)

Non précisé.

(Jusqu’au 30 juin 2021 pour les PGE classiques)

Allègement des charges sociales

Les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs du tourisme, de l’événementiel, de la culture et du sport (S1)

Exonération totale des cotisations patronales concernant les périodes d’emploi comprises entre le 1er février et le 31 mai 2020 et aide au paiement des cotisations pour les autres périodes (crédit égal à 20 % de la masse salariale sur la période concernée).

-

Les entreprises de moins de 250 salariés dont l’activité dépend des précédentes (S1bis), qui restent ouvertes mais auraient perdu 80 % de leur chiffre d’affaires

Mêmes droits. La condition de CA pourrait être ramenée à 50 %

-

Les travailleurs indépendants également concernés

Réductions forfaitaires.

-

Toutes les entreprises de moins de 50 salariés fermées administrativement.

Mêmes droits.

-

Annulation de loyers

Les entreprises de moins de 250 salariés, fermées administrativement ou appartenant aux secteurs de la liste S1

Crédit d’impôt pour les bailleurs renonçant à au moins un mois de loyer inscrit au PLF pour 2021.

Sur les mois d’octobre à décembre

Les professionnels du tourisme de montagne auditionnés par le groupe de travail reconnaissent avoir bénéficié d’une écoute attentive de la part du Gouvernement depuis le début de la crise.

Plusieurs ont témoigné que les aides offertes depuis le premier confinement leur ont été d’un grand secours, particulièrement la prise en charge à 100 % de l’activité partielle de leurs employés et les allègements de cotisations sociales.

L’adaptation du PGE aux activités saisonnières leur apparaît également une bonne évolution, même si certains considèrent qu’il est compliqué d’obtenir ces prêts de leurs banques de proximité dès lors qu’ils portent sur des montants représentant jusqu’à 80 % de leur CA de l’année. Il reste qu’il s’agit d’un prêt qu’il faut ensuite pouvoir rembourser.

B. Des problèmes irrésolus

a) Des difficultés qui restent pendantes

Et le SNRT a témoigné de la difficulté à obtenir un PGE quand il existe des emprunts antérieurs importants. Toutefois, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) a indiqué que la Fédération bancaire française s’est engagée devant eux à étudier tous les dossiers qui n’ont pas abouti.

– DSF a ainsi demandé au ministre de l’économie de pouvoir souscrire un PGES jusqu’au 30 juin 2021, à l’instar du dispositif classique ;

– la prolongation des aides du fonds de solidarité préoccupe également les professionnels.

Le SNMSF a eu confirmation du fait que leurs indépendants sont bien éligibles. Mais il souligne une difficulté qui leur est propre : étant payés après service fait, le chiffre d’affaires qui doit servir de référence à une aide est donc souvent décalé au mois suivant. Comment gérer cette particularité au-delà de décembre ?

– enfin, un point déterminant pour lancer l’organisation de la saison 2020-2021, et la sécuriser, est d’obtenir la prolongation officielle de la prise en charge à 100 % de l’activité partielle au-delà du 31 décembre, jusqu’à la fin de la saison.

Des réponses orales leur auraient été données ; mais rien n’est encore écrit. Les professionnels espèrent une décision au plus tard en début de semaine prochaine.

DSF souhaiterait que cette assurance soit accordée au moins aux activités qui resteraient fermées dans les stations et qu’une prise en charge de 85 % soit prévue en cas d’activité partielle – y compris pour les régies directes de remontées mécaniques, qui se voient souvent contester cette activité partielle.

Dans la mesure où les besoins s’exprimeront bien au-delà des échéances aujourd’hui en vigueur, et que ces décisions sont des conditions de la reprise des activités, vos rapporteurs recommandent au Gouvernement de clarifier rapidement la durée de validité des aides accessibles aux entreprises des secteurs du tourisme d’hiver.

– la problématique des loyers commerciaux ne leur semble pas résolue par la création du nouveau crédit d’impôt, alors que ces loyers représentent un de leurs premiers postes de dépenses. Pour les résidences de tourisme, ils pèsent pour 35 % de leur CA.

Le SNRT indique que ses entreprises sont encore en négociation avec leurs bailleurs. De fait, il est remonté au groupe de travail qu’un protocole d’accord avait été signé avec la Fédération des petits propriétaires dès le premier confinement ; mais n’ayant pas été rendu opposable, par une loi ou une ordonnance, il a été diversement mis en œuvre par les bailleurs.

La situation est en effet complexe : en montagne, les gestionnaires s’adressent à de nombreux particuliers, souvent devenus propriétaires à l’occasion d’opérations de défiscalisation. Pour certains, ces locations sont des investissements pour lesquels ils ont contracté des emprunts qu’ils doivent encore rembourser ; elles apportent aussi des compléments de revenu importants pour nombre de retraités. Les exploitants sont fragilisés par ces paiements. Mais leur arrêt unilatéral par quelques gestionnaires n’est pas non plus une solution car elle mettrait ces propriétaires individuels en difficulté.

L’UMIH a rapporté que le ministère en charge des PME leur a tout récemment demandé de réfléchir à l’évolution du dispositif actuel des aides du fonds de solidarité (qui peut apporter jusqu’à 15 000 € de soutien) pour le remplacer par un mécanisme fondé sur un pourcentage – à déterminer – du CA de l’année précédente qui tienne compte des loyers et charges fixes ;

– la question de la soutenabilité des reports de charges et remboursements de prêts est également cruciale.

Les PGE viennent souvent s’ajouter à des crédits d’investissements qu’il faut continuer à rembourser. L’UMIH témoigne que les « banques ne font pas de cadeaux sur le remboursement des prêts antérieurs ». Le GNI-HCR regrette l’absence de report des prêts bancaires au-delà du 1er octobre 2020 ([43]).

Si la situation de l’économie touristique ne se normalise pas, DSF demande une seconde année sans remboursement pour les PGES (ce qui devrait être possible pour les PGE classiques), et surtout un nouveau différé de toutes leurs échéances (de prêts et crédits‑baux) jusqu’au 1er janvier 2022.

L’enjeu est non seulement la survie immédiate des entreprises, mais leur relance ultérieure. Les PGE pourraient en effet faire obstacle à de nouveaux crédits d’investissement, même s’ils sont nécessaires à la poursuite de leurs activités, parce que les entreprises ne veulent pas se surendetter ;

– le refus de prise en charge de leurs pertes d’exploitation par leurs assureurs a été, une fois encore, dénoncé par les acteurs HCR ;

– Quelques autres besoins ont été évoqués : le soutien aux hébergeurs spécialisés dans l’accueil des classes de neige et des publics jeunes ; et la couverture des pertes de stocks de produits frais…

b) La demande d’accompagnement des entreprises qui renonceraient à rouvrir du fait d’une demande trop faible

Certains acteurs soulèvent le problème des entreprises – des hôtels en particulier – pour lesquelles une réouverture dans un contexte trop contraint et/ou une demande trop insuffisante ne vaut pas la peine : il est par exemple difficilement envisageable de ne pas offrir de prestations de restauration dans un hôtel de standing. C’est une question stratégique pour les établissements les plus luxueux qui travaillent surtout avec la clientèle étrangère.

Le GNI-HCR suggère de permettre la « mise à l’arrêt » des établissements dont la clientèle ferait défaut en utilisant les aides du fonds de solidarité pour leur assurer 15 % de leur CA, plus 8 % pour payer leurs loyers. Ces mini-prises en charge les aideraient à « s’effacer de l’offre » – actuellement excédentaire – jusqu’à ce que la demande redémarre réellement.

III. Comment sauver la prochaine saison ?

A. Disposer d’une date ferme de réouverture pour préparer la saison

a) Le besoin de plus de visibilité

Les acteurs du tourisme de montagne remercient le Gouvernement et les ministères pour leur écoute et leurs aides ; toutefois, ils attendent aujourd’hui non seulement des réponses (quelles aides et pour combien de temps ?) mais aussi des perspectives claires.

C’est important pour le moral des professionnels. L’incertitude et le manque de visibilité alimentent angoisses et inquiétudes. « Ce flou est insupportable », sont-ils nombreux à dire.

Ils ont aussi besoin d’un horizon assuré de réouverture pour engager sérieusement les préparatifs de la nouvelle saison (cf. ci-après).

C’est aussi important pour s’assurer du retour des clients. La commercialisation nécessite de la visibilité, observe DSF. Même si la clientèle française s’est révélée réactive lors du premier déconfinement, ce phénomène a ses limites, et chaque semaine de commercialisation perdue fait s’évaporer de façon certaine une partie important de la clientèle, qui ne changera plus d’avis. D’autant que la Suisse commence déjà à ouvrir ses stations et que l’Autriche l’annonce pour le 17 décembre.

Les professionnels sont convaincus que la saison peut encore être sauvée : les Français qui composent déjà la très grande majorité de leur clientèle pourraient compenser la moindre fréquentation étrangère – parce qu’ils ont beaucoup d’appétence pour la montagne et le ski et qu’ils auront « envie de sortir de leur quotidien anxiogène ».

Mais cela suppose, selon eux, que leurs clients aient, pas trop tardivement, des certitudes sur les possibilités d’accueil et d’activités dans les stations françaises et sur les possibilités de transport pour s’y rendre.

Cela suppose également que les touristes soient confiants dans la sécurité de leur séjour.

Les différents acteurs de la montagne se sont donc associés pour mener en octobre une campagne de communication informant le grand public des mesures de précautions prises. (« Tous engagés pour que la montagne reste un plaisir »). Néanmoins, l’Association France montagne souhaiterait trouver 2 M€ pour développer une communication plus active à destination des marchés français et étrangers.

Les professionnels demandent donc plus de clarté sur la date et les modalités d’une éventuelle ouverture de la saison d’hiver. Ils préfèrent cependant des réponses plus tardives mais définitives à des décisions précipitées.

Ils se disent pragmatiques. S’ils souhaitent pouvoir travailler, ils savent que la situation dans les hôpitaux est encore tendue, non seulement au niveau national, mais dans leurs territoires également. Il vaut mieux attendre encore 10 jours, voire davantage, pour sécuriser les décisions, éviter d’essuyer un refus à court terme et courir le risque d’une nouvelle fermeture ultérieurement, retrouver enfin une activité dans la durée. « Plus on attend, plus la réponse pourra être positive ».

Une prudence constructive que partage le Premier ministre : M. Jean Castex a consulté les principales organisations professionnelles et élus concernés, ce lundi 23 novembre, pour examiner les conditions de mise en œuvre des différents scenarios et annoncé qu’une décision sera prise dans les dix prochains jours. Le Gouvernement tient compte des temps de préparations nécessaires à une éventuelle ouverture pour les vacances de fin d’année ; mais sa décision sera fonction de l’évolution de la situation sanitaire, en veillant à être aussi cohérent que possible avec nos voisins.

Cela étant, DSF essaie aussi d’obtenir un plus grand étalement des vacances scolaires des 3 zones, afin de limiter le croisement des classes… et profiter d’une fréquentation plus longue.

b) Des coûts de préparation à amortir

Un certain nombre de travaux doivent être réalisés pour préparer les pistes, les matériels, les logements des saisonniers et l’accueil des touristes. Cela prend du temps, ne peut pas toujours être reporté à une date plus pratique et a un coût. Même les approvisionnements doivent se faire à temps. Or, faute de réservations et du versement d’arrhes, les professionnels travaillent aujourd’hui « sans filet ».

L’annonce d’une date de réouverture permettrait de mieux évaluer l’ampleur des préparatifs qui peuvent être raisonnablement engagés.

c) Le pari de l’engagement des saisonniers

La date et les conditions de la réouverture permettraient aussi de répondre aux questions très concrètes : combien de saisonniers recruter et pour combien de temps ?

Grâce à une clause de reconduction automatique de leurs contrats prévue dans leurs conventions collectives, les saisonniers des remontées mécaniques et domaines skiables ont l’assurance d’être réembauchés, même s’ils devaient connaître plusieurs mois de chômage partiel. Ces entreprises ont commencé à recruter pour les préparatifs de la saison. Mais elles veulent savoir si elles peuvent conserver leurs autres emplois ; la réponse de la ministre du travail sur la prolongation de la prise en charge totale de l’activité partielle est donc déterminante pour confirmer les recrutements suivants.

Le SNRT indique que les résidences ont déjà embauché un quart de leurs saisonniers pour préparer les ouvertures. Les pré-recrutements sont également faits pour les autres postes ; mais les exploitants attendent aussi de connaître la décision du Gouvernement sur l’ouverture des stations pour envoyer les promesses d’embauche. Il faut ensuite compter 15 jours pour finaliser les équipes. Cela concerne 7 000 saisonniers et 10 000 intérimaires. À noter qu’étant logés sur place, il sera plus facile à leurs employeurs de veiller à la mise en œuvre des mesures barrières.

Le GNI-HCR confirme enfin que ses hôtels souhaitent embaucher avec des garanties sur la saison et sur la pérennité du dispositif d’activité partielle.

B. Définir les limites nécessaires pour éviter un reconfinement ultérieur

a) Arrêter durablement un protocole sanitaire

Un premier protocole sanitaire avait été défini après le premier confinement, mais l’UMIH reconnaît que des ajustements étaient à faire. En outre, l’arrivée des tests antigéniques change le fonctionnement de l’ensemble et les réponses à apporter.

Les professionnels du tourisme de montagne ont ainsi sollicité des dérogations pour disposer de tests en quantité, afin de prévenir le développement de clusters parmi leurs personnels, en premier lieu.

Le SNMSF a, pour sa part, acheté 18 000 masques estampillés « école française du ski » pour ses moniteurs, ainsi que 4 000 tests antigéniques, et créé une « commission covid » pour aider les écoles à préciser leurs protocoles.

Du côté des résidences de tourisme, 250 000 tests antigéniques ont été commandés pour les salariés (dans l’idée de les y soumettre à leur arrivée, puis régulièrement durant l’hiver).

Les stations souhaitent installer leurs propres centres de dépistage et habiliter de nouveaux professionnels aux prélèvements (les pisteurs secouristes). Des agents municipaux pourraient être mobilisés pour faire respecter les gestes barrières ; des partenariats sont conclus avec les cliniques pour décharger les hôpitaux de la traumatologie ; et des protocoles sanitaires renforcés sont mis au point.

La Savoie peut se féliciter d’avoir entrepris une démarche innovante en établissant un protocole collectif et global, sous l’égide du préfet et en collaboration avec la chambre de commerce et d’industrie.

S’ils reconnaissent s’être mobilisés en ordre dispersé au premier confinement, tous les acteurs du tourisme de Savoie, y compris les maires concernés, ont depuis travaillé ensemble pour élaborer un protocole sanitaire partagé qui traite de tous les professionnels concernés, jusqu’aux loueurs de matériels.

C’est un protocole sanitaire à l’échelle du territoire d’une station. Le parcours client est pris dans son ensemble, sans rien laisser au hasard, pour être en mesure d’offrir la meilleure expérience dans des conditions sanitaires accrues. Le port du masque serait ainsi exigé partout, sauf sur les skis et des efforts seraient faits pour réduire les files d’attente.

Du côté des employés, une campagne de prévention sur les « gestes barrières » serait déployée à leur intention, ainsi qu’une stratégie de dépistage massif des saisonniers (avec des tests sérologiques en début et en milieu de saison pour repérer des personnels bénéficiant d’une immunité partielle, puis un dépistage virologique régulier). Pour ce faire, l’agence régionale de la santé doit homologuer les centres de dépistage mis en œuvre par les maires de station et pourrait concourir au tracing des cas contacts entre travailleurs de la station.

Les professionnels attendent désormais la validation de ces protocoles.

Interrogé sur les mesures envisagées pour éviter les rassemblements non autorisés, DSF a répondu qu’il est difficile de les contrôler en-dehors des stations, mais il est envisagé de mettre en place des brigades covid pour rappeler aux gens de mettre leurs masques et certains maires pensent faire appel à la gendarmerie. En tout état de cause, les stratégies seront décidées par chaque station.

De manière générale, les professionnels sont attachés à une définition locale des protocoles sanitaires, qui prennent en compte la réalité des terrains, plutôt que des consignes imposées d’en haut. Ils ont montré qu’ils étaient capables de coordonner leurs réponses quand la crise a éclaté en février et demandent qu’on les laisse faire.

Vos rapporteurs trouveraient fructueux pour l’ensemble des acteurs impliqués que soit organisé, au niveau national, un partage des bonnes pratiques et des idées qui émergent des différents terrains et professions.

b) Arbitrer entre les activités ?

Les acteurs du tourisme de montagne n’envisagent pas de limiter le nombre des skieurs : mais ils pourraient accepter d’autres restrictions si elles permettent d’obtenir la réouverture des pistes, ou, du moins, réfléchissent à ces éventualités.

L’UMIH affirme que ses adhérents sont prêts à s’adapter à tout protocole renforcé, même à se contenter de distribuer sandwichs et repas à emporter, si cela leur permet de rouvrir.

Le SNRT pense que la fermeture des lieux de convivialité diminuera l’attractivité des stations et leur propre activité, mais, offrant des appartements autonomes avec cuisines, le concept des résidences de tourisme resterait très adapté.

Cela étant, tous considèrent que si la fermeture des restaurants est techniquement faisable, elle serait « un coup dur porté à l’expérience des clients », « un vide dans le parcours client ».

Pour préserver l’ambiance des vacances, ils demandent que l’on étudie des solutions qui conservent quelques lieux de convivialité comme les restaurants d’altitude, au moins leurs terrasses, avec une désinfection après chaque client…

Enfin, si les restaurants devaient rester fermer, les professionnels des secteurs HCR revendiquent que les appartements réservés via les plateformes de location soient soumis aux mêmes exigences sanitaires que les autres acteurs du secteur.

Quoi qu’il en soit, aucun acteur auditionné n’a proposé de solution pour ouvrir les bars.


C. Se concerter sur les réponses : la meilleure des approches

Le secrétariat d’État rappelle avoir déjà consacré les dernières réunions du comité de filière Tourisme à la préparation de la saison d’hiver.

Enfin, un Comité stratégique du tourisme de montagne (CSTL) va être lancé par le Gouvernement dans les jours qui viennent « afin d’anticiper et préparer au mieux la réouverture des stations et l’accueil du public, dès que les conditions sanitaires le permettront. Les mesures discutées incluront l’ensemble des problématiques interministérielles : transport, santé, volet éducation avec les centres aérés, soutien économique… ».

Vos rapporteurs sont néanmoins convaincus de la plus grande efficacité de réponses définies en étroite concertation avec les acteurs locaux.

Dans la perspective d’une crise qui peut se prolonger encore des mois, ils soulignent aussi la nécessité d’arrêter des règles durables. C’est une discipline à prendre pour les professionnels de terrain mais aussi une demande de clarté et d’anticipation adressée aux ministères compétents.


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 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

____________________________________ LIBERTÉ - ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

Groupe de suivi des conséquences économiques du confinement

 

Le 1er décembre 2020

4.   Les acteurs du e-commerce

I. Les acteurs du e-commerce dans la crise

A. Des acteurs déjà en progression avant le confinement

a) Un secteur qui réunit des stratégies commerciales diverses

Il existe différents modèles de commerce en ligne :

– Le business to consumer (B to C), qui concerne l’ensemble des produits et/ou services vendus par des entreprises à des consommateurs ;

– Le business to business (B to B), qui concerne l’ensemble des produits et/ou services vendus par des entreprises à d’autres entreprises ;

– Le consumer to consumer (C to C), qui concerne l’ensemble des produits et/ou services vendus par des consommateurs à d’autres consommateurs. Il s’agit le plus souvent de produits de seconde main revendus par l’intermédiaire d’une plateforme.

Le secteur du e-commerce B to C a généré dans notre pays un chiffre d’affaires (CA) total de 103,4 milliards d’euros (Md€) en 2019, reposant pour 44 % sur la vente de produits et pour 56 % sur la vente de services. Plus de 40 millions de Français achètent en ligne aujourd’hui.

Les chiffres-clés de l’e-commerce en France en 2019 [(1)]

La France est le deuxième marché d’e-commerce aux particuliers (B to C) d’Europe après le Royaume-Uni (200 M€ de CA), mais avant l’Allemagne (94 Md€).

En 2019, le e-commerce aux particuliers a poursuivi sa croissance dans notre pays : 1,7 milliard de transactions ont été conclues (+ 15,7 % par rapport à 2018). Le chiffre d’affaires (CA) a ainsi progressé de 11,6 % sur un an.

Le secteur gagne de l’ordre de 0,7 point de parts de marché par an, notamment grâce au développement des ventes en ligne des enseignes magasins. Et sa part de marché dans le tourisme atteint 46 % ; 25,9 % dans le secteur de la maison-high tech ; 20,4 % dans celui de la maison-électroménager ; 14,7 % s’agissant l’habillement.

Les places de marché (marketplaces) se développent, atteignant 15 % du CA total en 2019 (+ 14 % par rapport à 2018).

Le e-commerce aux particuliers dans sa totalité représente plus de 200 000 emplois directs, auxquels s’ajoutent un grand nombre d’emplois chez leurs partenaires, notamment dans le transport et la logistique.

Le e-commerce entre entreprises (B to B) a, quant à lui, dépassé les 150 Md€ de CA en France en 2019. Il connaît une croissance de l’ordre de 15 % par an sur les 3 dernières années. Ces ventes représentent en moyenne 4 % du CA total des entreprises.

La vente de produits en ligne ne représente cependant que 9,8 % du commerce de détail [(1)] sur l’ensemble du territoire, contre 65 % pour les grandes surfaces. Ce qui fait dire à la FEVAD que l’extension du e-commerce est assez lente finalement, depuis 20 ans qu’il existe en France. Le confinement accélère ces mutations, mais la révolution numérique est surtout « plus profonde et plus diffuse » dans la mesure où elle entraîne de plus en plus d’acteurs, y compris des artisans.

Les acteurs du commerce en ligne sont divisés en deux grandes catégories : les pure players et les enseignes magasins. Les pure players correspondent aux entreprises dont l’activité principale se déroule sur internet, comme Amazon, Veepee, Zalando, Cdiscount, ManoMano… ainsi que des cataloguistes comme La Redoute. Les enseignes magasins sont des entreprises commerciales classiques qui vendent également leurs produits en ligne, comme Fnac-Darty, Carrefour, Leclerc, Leroy Merlin…, mais aussi des marques qui développent leur commercialisation par internet.

Dans un premier temps, le commerce en ligne s’est principalement développé par l’intermédiaire des pure players. Ces derniers possèdent dans leur grande majorité des marketplaces (places de marché), des sites numériques multi-vendeurs. On distingue les plateformes duales, qui vendent aussi bien leurs produits que ceux de leurs entreprises partenaires (Amazon, Cdiscount), et les plateformes jouant uniquement un rôle d’intermédiaire entre acheteurs et vendeurs, sans gérer de stocks (tel le japonais Rakuten).

Puis le centre de gravité du secteur s’est progressivement déplacé vers les enseignes magasins. Elles représentent aujourd’hui les deux tiers des volumes du commerce en ligne grâce au développement de nouvelles stratégies commerciales « multicanal » leur permettant de combiner expériences en ligne et en magasin dans de nouveaux parcours-client. Certaines de ces enseignes magasins ont également développé leurs marketplaces.

Une autre tendance de fonds est le fort développement de la vente des produits reconditionnés et du « seconde main », dont la France est le premier marché mondial.

b) Quelques grands acteurs parmi une myriade de petits

Selon les chiffres-clés de la FEVAD, la France compte désormais 200 650 sites marchands actifs. 71,1 % de ceux-ci réalisent 1,5 % du CA, avec une moyenne inférieure à 100 000 € par an ; 1,1 % génèrent 73,6 % du CA, avec des recettes moyennes de plus de 10 millions d’euros (M€).

En tête des pure players se trouve Amazon, membre des GAFAM, détenant l’une des plus grandes marketplaces mondiales. En 2018, l’entreprise américaine a réalisé en France un chiffre d’affaires de 4,5 Md€ (6,6 Md€ de ventes selon le panéliste Kantar Worldpanel) et commercialisé plus de 2 milliards de produits [(2)]. Elle détient 17 % du segment des ventes de biens manufacturés ([44]). Pour autant, notre pays représente pour elle un plus petit marché que l’Allemagne ou le Royaume-Uni car la concurrence y est plus forte.

Le second distributeur en ligne est français. Cdiscount possède 7 % du segment des biens manufacturés. Créé en 1998 autour de l’idée de démocratiser la culture, il a connu un succès immédiat et s’est progressivement ouvert à d’autres produits, jusqu’à l’offre de services dans la téléphonie, l’énergie et les voyages. L’entreprise vend aujourd’hui 100 millions de produits et a atteint 4 Md€ de volume d’activité en 2019. Il y a 10 ans, 7 millions de Français s’y connectaient tous les mois ; aujourd’hui, le site compte 22 à 23 millions de visiteurs uniques par mois. L’entreprise emploie 3 000 personnes en France, aussi bien dans la logistique que dans les métiers trés qualifiés du numérique (avec 800 ingénieurs informaticiens, développeurs et data scientists). Sa marketplace offre un site de vente à 12 000 vendeurs indépendants, dont plus de 5 000 sont français. Parmi ces 5 000, 80 % sont des PME et TPE.

Vient ensuite le groupe Fnac-Darty, premier distributeur français de produits techniques et d’électroménager sous enseigne et troisième distributeur web. Il représente 5,5 % du segment des biens manufacturés ([45]) en France. Son chiffre d’affaires, ventes en magasins comprises, s’est élevé à 7,5 Md€ [(2)]. Près de 80 % des ventes sont effectuées en France et en Suisse. Plus de 17 millions de Français se rendent sur le site du groupe chaque mois.

Veepee (anciennement Ventesprivees.com), site de ventes évènementielles sur internet, est également un acteur majeur de commerce en ligne en France. Son modèle économique repose sur le rachat d’invendus aux marques pour les revendre aux consommateurs à prix réduits (B to B puis to C). 80-83 % de ses ventes portent sur des produits classiques (mode, sport…) ; le reste sont des offres dématérialisées de voyages et de billetterie. L’entreprise a par ailleurs créé une marketplace fermée permettant à ses 100 meilleures marques clientes de profiter de son trafic pour mieux faire connaître leurs produits. La « Brands place » est réservée à des marques ayant au moins pignon sur rue en France ; elle ne représente que 3 % de son CA car Veepee n’exige de commission que sur les offres permanentes de ces clients. L’entreprise française, présente dans treize pays, a généré un chiffre d’affaires de près de 4 Md€ en 2019, dont 50 % à l’international [(3)]. Elle emploie 6 000 personnes dont plus de la moitié en France. 95 % de ses entrepôts (180 000 m2) se situent en France. Veepee est fière de souligner qu’il s’agit de locaux récupérés et réhabilités. Chaque jour, entre 3 et 4 millions de personnes visitent son site et environ 120 000 colis sont envoyés.

B. Une croissance « opportuniste » pendant la crise, mais non uniforme

a) Le commerce en ligne a logiquement bénéficié du confinement

Les commerces non essentiels étant fermés et la mobilité des Français restreinte, nos concitoyens se sont logiquement adressés aux commerces sur internet, déjà organisés pour livrer et dont l’offre n’était pas limitée.

Selon l’étude de la FEVAD, confirmée par le témoignage des entreprises auditionnées, les acteurs du commerce en ligne ont toutefois observé deux périodes distinctes dans le premier confinement :

– Les trois premières semaines du confinement correspondent à une période de flottement. Les consommateurs sont dans une sorte de sidération et les circuits logistiques sont désorganisés, notamment s’agissant de la livraison.

Durant cette première période, les ventes de produits indispensables (produits alimentaires, d’hygiène, matériel informatique et consommables) connaissent une très forte augmentation ; mais le reste des produits (mode, décoration, etc.) et services proposés subissent un arrêt brutal. Le chiffre d’affaires du secteur B to C baisse globalement de 10,2 % en mars ;

– Une fois le premier choc passé et l’organisation adaptée, une nouvelle partie de l’activité reprend. Les Français s’adaptent au confinement. Les ventes de jouets, de loisirs créatifs, d’outils de bricolage et de jardinage repartent.

Au total sur le deuxième trimestre, les ventes de produits B to C auront augmenté de + 45,1 % (+ 39 % pour les seuls produits non alimentaires). En revanche, le commerce B to B a reculé de – 9,6 % et la vente de voyages a chuté de 75 %.

Sur le B to C, la hausse des ventes de produits aura compensé le recul des ventes de services, permettant une croissance du chiffre d’affaires global de + 5,3 % sur ce même deuxième trimestre – contre un rythme moyen de 11,6 % sur l’année 2019.

[Pour une analyse plus détaillée des évolutions constatées depuis le premier confinement, il convient de se reporter à la présentation réalisée par la FEVAD en document joint.]

Le premier confinement a principalement profité aux enseignes magasins. Ces dernières ont connu au deuxième trimestre une croissance de leur CA en ligne de 83 % sur les produits non alimentaires hors places de marché, quatre fois plus importante que celle des pure players (+ 21 %). Le commerce en ligne a ainsi joué un rôle d’amortisseur économique pour ces enseignes en permettant de compenser partiellement la fermeture de leurs magasins.

Le pure player Cdiscount constate de son côté que la reprise de l’activité a d’abord profité à ses partenaires de la marketplace.

Bien avant le confinement, Cdiscount avait décidé de mettre en avant les industries et savoir-faire français sur sa plateforme en créant une page « Made in France ». La sélection de ces produits se fonde sur deux critères : ils doivent prendre leurs « caractéristiques essentielles » en France et au moins 50 % de leur prix de revient unitaire doit être français.

La page a très vite décollé. Mais son succès s’est accentué depuis le confinement, et plus encore depuis le second : cet espace, qui propose tous types de produits, de grandes marques comme de petits producteurs et créateurs, connaît une progression de + 60 % depuis le début de la crise.

Après la réouverture des magasins de détail, les achats sur internet ont nettement diminué, même si leur niveau était encore assez élevé parce que l’accès aux boutiques restait perturbé.

Quand le reconfinement a été décidé, les français ne craignaient plus la pénurie ; ils se sont moins précipités sur l’alimentation. Les achats de consommables sont toujours soutenus en raison du télétravail, mais la consommation reste diversifiée.

Le second confinement témoigne aussi de la meilleure préparation des acteurs du e‑commerce. Il n’y pas eu de perturbation, contrairement au premier confinement. Cette meilleure adaptation est rendue possible par une logistique solide et adaptée. La FEVAD et Veepee rendent un hommage particulier à La Poste qui livre actuellement plus de 4 millions de colis par jour. Celle-ci s’apprête à recruter 9 000 personnes supplémentaires pour assurer les commandes des fêtes de fin d’année.

En tout état de cause, si la FEVAD ne dispose pas des chiffres des derniers mois, il apparaît que la consommation de produits en ligne est remontée pendant la fermeture des commerces et rayons « non essentiels », mais dans des proportions nettement moindres.

Tous les sites n’ont pas tiré avantage des confinements. Ainsi, Veepee a souffert de la chute de ses activités voyages et billetterie, qui représentent d’ordinaire 15 à 20 % de son CA. L’entreprise estime donc que, malgré une certaine hausse sur les autres produits, son activité finira cette année à - 2 voire - 3 %, et pourrait encore reculer l’année prochaine à - 4 % en raison du blocage des livraisons internationales et de la décision des marques de ne pas déstocker massivement car elles y perdraient trop. Ses concurrents directs (Showroomprive.com et l’allemand Zalando) suivent la même tendance.

De fait, pendant les confinements, les secteurs voyages et billetterie ont reculé de 98 % ; le premier ne fera probablement que 90 M€ de CA cette année, contre 300 M€ l’an dernier.

Les branches autre que les voyages et la billetterie ont subi une baisse de - 17% au mois de mars, avant de remonter de + 30% voire 40 % aux mois d’avril et de mai. En juillet-août, l’activité est revenue à peu près à la normale à +3‑4 %. En octobre, Veepee n’a constaté qu’une petite remontée de 11 %. « Nous sommes un site de coups de cœur. On n’a pas besoin de nos produits », explique-t-elle.

L’entreprise ne compte pas davantage sur un évènement comme le Black Friday, qu’elle ne pratique pas.

Cela étant, Veepee reconnaît que son sort est meilleur que celui des commerces fermés.

Aujourd’hui, comme les commerces physiques, le secteur du commerce en ligne s’attend à une hausse importante des ventes pour Noël, avec une ampleur toutefois plus limitée que les années précédentes en raison d’intentions d’achats à la baisse chez les jeunes et les catégories socio-professionnelles (CSP) les plus modestes.

b) Le secteur a aussi connu des difficultés inédites

Comme cela a été dit, les services de livraison ont été très perturbés pendants quelques semaines : les grands acteurs privés étaient à l’arrêt et la moitié des bureaux de Poste étaient fermés, les autres n’ouvrant que 3 jours par semaine. Toutefois, ces difficultés ont été assez rapidement résolues.

Le quasi-gel des trafics mondiaux a également créé des problèmes d’approvisionnement pendant le premier confinement.

Hormis le recul des recettes constaté sur les premières semaines de la crise, le secteur n’a pas donné d’évaluation de ces manques à gagner, ni des surcoûts qu’ont entraîné les mesures prises pour protéger ses personnels.

En effet, si Cdiscount a organisé le télétravail des 2000 salariés de son siège, c’était inenvisageable pour les opérateurs logistiques de ses entrepôts et ceux qui assurent les livraisons. Les acteurs du e-commerce ont tous dû mettre en place des dispositifs de protection sanitaire adaptés. Cdiscount, qui échange beaucoup avec l’Asie, s’était procuré des masques dès février et a instauré un protocole sanitaire « qui a rassuré tout le monde ». Veepee a également réussi à maintenir le fonctionnement de ses entrepôts – qui nécessitent une logistique très particulière (ils se vident puis se remplissent de produits différents à un rythme rapide et régulier) – au prix d’une adaptation des semaines de travail (4 jours payés 5 pendant un mois) et de la distribution de primes substantielles.

Mais d’autres ont rencontré davantage de difficultés, comme Amazon dont la gestion de la crise les premiers temps a été vivement critiquée par ses salariés. L’entreprise a ainsi connu des grèves et une limitation de ses activités aux produits essentiels en avril. Elle a également été amenée à verser des primes conséquentes. Au final, alors que le géant américain a vu son CA mondial augmenter de 37 % depuis le début de la crise, sa part de marché des ventes de produits physiques en France pourrait avoir régressé de 24 % fin 2019 à 13 % de mars à mai, pour remonter à seulement 22 % fin juin 2020 (en excluant les services dématérialisés et les grandes surfaces alimentaires [(1)]), selon Kantar Worldpanel. Le volume des ventes a tout de même augmenté à 7,4 Md€ sur une année glissante. Aussi Kantar en conclut que ce n’est pas Amazon qui a reculé, mais le marché global qui s’est développé plus vite. Cependant, Amazon pourrait avoir encore perdu 5 % de parts de marché en France depuis le deuxième confinement. La FEVAD pense qu’en restant plus longtemps chez eux, les Français ont eu le temps d’expérimenter d’autres plateformes et de faire « des choix solidaires ».

II. Une crise qui ravive les interrogations sur le positionnement des acteurs du ecommerce dans l’écosystème commercial national

Les premiers travaux du groupe de suivi ont montré la sensibilité du sujet. Avant la crise, les commerçants de proximité s’inquiétaient déjà de la concurrence croissante du e-commerce. Depuis le premier confinement, l’angoisse des commerces fermés administrativement s’est plus encore focalisée sur ceux qui, non seulement, peuvent poursuivre leurs activités mais bénéficient au surplus d’un transfert des circuits de consommation. Nombreux sont ceux qui craignent désormais de perdre durablement une partie de leur clientèle ; et nombreux sont les élus locaux qui appréhendent une aggravation consécutive de la vacance commerciale dans leurs centres-villes.

Ces peurs, ces colères parfois, ravivent les critiques sur les avantages concurrentiels dont bénéfici(erai)ent les e-commerçants, les pratiques douteuses de certains, et nourrissent des revendications de plus de solidarité de la part d’entreprises qui tirent un certain bénéfice des confinements. Le groupe de travail a interrogé les acteurs du e-commerce sur ces questions.

A. Des acteurs qui se disent solidaires dans la crise et fondamentalement complémentaires des commerces en boutique

a) Le report du Black Friday

Le Black Friday est une date majeure pour le commerce, dont le succès grandit chaque année en Europe. Selon le ministère de l’économie cité par divers journaux, il a représenté 56 millions de transactions bancaires en 2019, tous types de commerces confondus, et peut‑être 6 Md€ de CA, répartis en 5 Md€ d’achats dans les magasins physiques et 1 Md€ par internet, portant essentiellement sur l’habillement, les produits high tech et les jouets. En novembre, 7 Français sur 10 déclaraient vouloir en profiter pour acheter leurs cadeaux de Noël. Il devait se tenir le 27 novembre cette année, une date arrêtée au niveau mondial.

Les commerçants dont la boutique ou les rayons non essentiels avaient été fermés craignaient de perdre les importants volumes et recettes en jeu et leur sentiment d’inégalité de situation face à leurs concurrents numériques était plus vif que jamais.

Contrairement aux dates des soldes, le Gouvernement n’a pas la main sur la tenue de cette opération promotionnelle d’initiative privée. Il a néanmoins demandé activement, et obtenu des grands acteurs du e‑commerce de reporter ce rendez-vous « par solidarité ».

Les enseignes de la grande distribution ont été les premières à donner leur accord, à la condition qu’Amazon suive. Le 19 novembre, Amazon France a fini par accepter de reporter l’opération au 4 décembre, en contrepartie d’une réouverture de l’ensemble des commerces avant le 1er décembre, suivie par les autres pure players concernés. Un accord a donc été trouvé, malgré les difficultés opérationnelles que cela représentait pour ces acteurs (s’agissant des prospectus à modifier, des engagements contractuels vis-à-vis des fournisseurs, de l’organisation logistique à revoir, etc.).

Ce succès du Gouvernement a été salué par les représentants des commerçants en magasins.

b) Des initiatives pour aider les commerces fermés

La FEVAD dit s’être engagée dans une démarche solidaire dès le premier confinement et rester mobilisée au travers de plusieurs actions. Elle a, par exemple, relancé l’initiative « #Ecommerce4Good » qui vise à accompagner les commerçants et artisans de proximité en proposant un ensemble de solutions pour se digitaliser et maintenir ainsi leur activité. La FEVAD participe également aux initiatives du Gouvernement et de France Num.

Les grands acteurs du secteur ont également offert d’aider les commerçants soumis à fermeture en les invitant à rejoindre leurs marketplaces à des conditions préférentielles : Veepee ne réclame quasiment pas de commission sur les ventes d’évènementiels encore en cours ; Le Monde du 20 novembre cite par ailleurs les six mois d’hébergement accordés par Spartoo, les trois mois de cotisations offerts chez Amazon, des formations en ligne proposées par Facebook, un pack d’accompagnement offert jusqu’à Noël par Rakuten, etc.

Cdiscount apparaît particulièrement volontariste,

● que ce soit en direction de la société :

– elle a d’abord donné ses propres stocks de masques aux personnels soignants quand la vague est arrivée, et contribué à équiper des salles de repos à leur intention, y compris dans les hôpitaux publics ;

– elle a répondu à la demande d’aide du ministère de l’économie pour commander des masques à l’étranger, en Chine notamment, afin de fournir les PME et TPE. Elle a ainsi réussi à acheter 50 millions de masques, distribués ensuite, via les chambres des métiers et de l’artisanat, à 50 000 entreprises ;

– enfin, consciente de l’aggravation des violences faites aux femmes pendant le confinement, l’entreprise a aussi contribué à meubler des appartements pour l’accueil des femmes fuyant le foyer familial.

● ou en direction des commerçants :

Avec le reconfinement, l’entreprise a souhaité aider davantage les plus durement touchés. Elle a été la première, souligne-t-elle, à ouvrir sa marketplace aux PME-TPE françaises soumises à des restrictions d’activité, en les accompagnant techniquement dans la démarche et leur assurant des conditions tarifaires exceptionnelles, valables jusqu’au 30 avril 2021 : elle ne demande aucune commission sur les ventes en click and collect et a également baissé de 50 % sa commission sur les ventes dont les entreprises gèrent elles-mêmes l’expédition. Elle continue à gérer pour elles les paiements, les démarches administratives, les échanges et retours de produits… Ces avantages ont été renforcés pour les artisans dont les produits sont éligibles au programme « Made in France ».

Ce dispositif a été labellisé par l’État dans le cadre de son appel à projets pour la digitalisation des commerces (www.clique-mon-commerce.gouv.fr). Plus de 2 600 TPE et PME l’ont déjà contactée pour en bénéficier.

Cdiscount leur offre aussi des solutions pour entretenir un lien privilégié avec leurs clients : un mini-site « MyShop » permet à un commerçant/artisan, s’il le souhaite, d’exposer ses produits sur une vitrine personnalisée sur Cdiscount ; une URL courte permet au commerçant de communiquer facilement vers sa clientèle habituelle et de la rediriger directement vers sa boutique personnalisée. Parallèlement, les clients peuvent accéder à l’espace « Made in France » et à la page du commerce de proximité depuis la page d’accueil. Ils peuvent aussi retrouver leurs commerçants et artisans de proximité grâce à la recherche par ville.

Surtout, Cdiscount n’impose aucun engagement aux entreprises bénéficiant de cette aide : elles pourront résilier leur abonnement à la plateforme à tout moment, sans frais, avant ou après le 30 avril 2021.

Cela étant, les entreprises qui resteront au-delà d’un certain délai dans ces diverses marketplaces reviendront aux conditions contractuelles habituelles (notamment aux commissions dont le montant varie entre 7 et 15 % des ventes). La démarche n’est sans doute pas totalement désintéressée – et plus encore pour les sites qui enrichissent ainsi leurs bases de données. C’est une des raisons pour lesquelles les représentants des petits commerçants ont rapporté au groupe de travail la préférence de leurs adhérents pour développer leurs propres sites (cf. note du 10 novembre).

c) L’affirmation de la complémentarité de leurs activités

Tous les acteurs du e-commerce auditionnés par le groupe de travail ont tenu à défendre le fait que leurs entreprises de commerce en ligne ne condamnent pas les commerçants et artisans de proximité à disparaître. Elles menacent moins les magasins de centre-ville que les grandes surfaces et centres commerciaux qui se sont multipliés en périphérie ces vingt dernières années. Un sondage commandé par la FEDAV en octobre 2019 montre au demeurant que, fondamentalement, le transfert d’activité vers le e-commerce se fait au détriment des grandes surfaces et centres commerciaux périphériques, que 74 % des internautes auraient privilégiés s’ils n’avaient pas passé leur commande sur internet.

Ces acteurs sont convaincus que le commerce en ligne est complémentaire aux magasins physiques et que le développement d’un service numérique peut même renforcer ces derniers.

L’étude de la FEVAD (cf. document annexe) démontre qu’il y a indéniablement une forte attente des consommateurs pour le commerce en ligne aujourd’hui. Il viendrait cependant non se substituer mais compléter le commerce physique, parce que les deux offres apportent des services différents et que les Français gardent un fort attachement aux conseils et à la convivialité qu’offrent les magasins. Les clients passent souvent d’internet aux boutiques. La frontière est devenue poreuse. Les pure players se mettent eux-mêmes à la vente en magasins.

Réciproquement, un petit commerce tirerait toujours un bénéfice de la création de son site – ou de sa participation à une plateforme. A minima, pendant leur fermeture administrative, disposer d’un site a permis aux boutiques de conserver une petite activité et de garder le contact avec leur clientèle et leur équipe. Pour certains commerçants et artisans, il leur a même assuré une alternative significative et des promesses de développement ultérieurs. De fait, alors qu’une boutique s’adresse avant tout à sa zone de chalandise (son « drivetostan »), internet lui permet d’étendre son périmètre de vente en touchant un public plus éloigné. Un site numérique est une vitrine supplémentaire ; il permet de raconter une histoire qui pourra retenir l’attention de nouveaux clients, offre des services additionnels à la clientèle déjà fidélisée.... Cela peut être particulièrement intéressant pour les entreprises installées en zones rurales, moins peuplées.

Au-delà du package qu’elles proposent (une solution technique déjà rodée et diverses prestations de gestion), les plateformes donnent, quant à elles, accès à un référencement avantageux sur internet et à leurs millions de visiteurs. Cela peut potentiellement décupler la visibilité d’une enseigne, avec un investissement et un risque limités puisque la plateforme ne se rémunère pas si l’enseigne ne vend rien (et que les abonnements annuels sont faibles, assure le secteur). Les marketplaces ouvrent plus rapidement les marchés mondiaux aux petits artisans.

Mais, à ce jour, seules 34 % des entreprises en France ont développé de la vente en ligne, contre 78 % en Allemagne.

Aussi les acteurs du e-commerce auditionnés encouragent-ils la numérisation de nos commerçants et artisans, le développement du click and collect ou celui de plateformes locales... « Nous ne craignons pas la concurrence, seulement la concurrence déloyale ».

De fait, aiguillonnés par leur fermeture, de nombreux commerçants s’y mettent. Si le sondage de la FEVAD montre que les Français seraient plus favorables à des plateformes regroupant les commerces locaux qu’à des sites individuels, il revient à chaque entreprise de décider de sa stratégie : privilégier les réseaux sociaux, s’inscrire sur une marketplace… Il reste que c’est un autre métier, qui demande une certaine compréhension de ses exigences, de ses outils, ainsi qu’un investissement personnel, financier et en temps (pour enregistrer les références, organiser la logistique des livraisons, actualiser régulièrement le site, gérer les commandes et les insatisfactions).

Aussi la FEVAD considère-t-elle que les commerçants français ont davantage besoin d’un accompagnement que d’aides financières.

La Fédération reconnaît l’existence de nombreuses aides publiques, venant des collectivités, de la Banque des territoires comme de l’État. Les dernières évolutions sont un chèque numérique de 500 € promis à chaque TPE subissant une fermeture administrative et qui ne serait pas encore digitalisée, et une enveloppe de 20 000 € allouée aux collectivités territoriales développant des plateformes collectives pour leurs commerces locaux. Toutefois, la FEVAD juge cette multiplication des initiatives un peu cacophonique. Elle trouverait utile de mieux les coordonner et de centraliser toutes les offres afin qu’elles soient plus lisibles.

Vos rapporteurs observent que c’est précisément un des objectifs de France Num que de réunir les propositions d’aides de l’État et des régions, mais aussi d’offrir des formations ainsi qu’un référencement d’accompagnants individuels des entreprises (des « activateurs »). Le dispositif vient seulement d’être lancé ; mais il sera utile d’en suivre la mise en œuvre et d’en évaluer rapidement l’adéquation avec les besoins des PME et TPE.

Quoi qu’il en soit, même si le sondage de la FEVAD montre que 68 % des personnes interrogées estiment que tous les commerces de proximité devraient proposer un service e‑commerce, il serait de l’intérêt ni des commerçants, ni des territoires que ces boutiques soient réduites à un simple rôle de dépôt. Vos rapporteurs pensent qu’il y a un équilibre à trouver et à préserver.

d) La contestation d’une possible contribution spécifique des e-commerçants au programme de numérisation des entreprises

Depuis le premier confinement, certains responsables publics et professionnels évoquent l’idée d’une contribution du e‑commerce au financement des aides aux entreprises en difficulté, et particulièrement à leur numérisation, arguant du fait que le secteur a tiré avantage de la fermeture administrative des commerces physiques.

Les acteurs du secteur rappellent qu’ils ne sont pas restés passifs face aux difficultés des autres commerces bousculés par la crise. Ils font notamment valoir que l’intégration à une marketplace existante est une solution immédiate, moins lourde et moins coûteuse que la création d’un site propre.

Cdiscount signale qu’elle est déjà engagée dans une démarche durable pour accélérer le développement des sites des PME-TPE. S’inscrivant « dans une logique d’ouverture », l’entreprise a ainsi lancé depuis 3-4 ans une politique d’open innovation : elle s’attache à identifier de jeunes entreprises innovantes pour leur donner accès à son site, ses entrepôts, ses équipements, mais aussi à ses data. Le partage est gratuit et il n’y a pas de prise de participation au capital de ces entreprises. Une fois lancées, celles-ci décident librement de poursuivre ou non un partenariat avec Cdiscount. L’entreprise finance par ailleurs deux incubateurs de startups consacrées à la logistique et à la data et elle met son expertise au service des collectivités et organisations professionnelles qui veulent créer des plateformes locales.

Les acteurs français du e-commerce déplorent aussi un amalgame entre leurs diverses entreprises, qu’ils trouvent injuste. La France et l’Europe sont certes confrontés à l’optimisation fiscale des GAFAM qui se jouent des frontières – ainsi qu’à un problème fondamental de souveraineté face à l’appropriation des données personnelles enregistrées dans les super-clouds américains et chinois. Mais le e-commerce n’est pas un univers uniforme. D’autres entreprises portent des visions plus ouvertes, investissent les sujets de responsabilité sociale et environnementale et défendent leur ancrage national.

Il reste que les e-commerçants français affrontent eux-mêmes une concurrence mondiale puissante et subissent d’importantes distorsions de concurrence. Selon eux, un nouveau prélèvement obligatoire serait difficilement supportable pour les acteurs nationaux, alors qu’il sera très aisément absorbable, voire évitable, par les acteurs transnationaux.

B. Des débats de fond plus que jamais d’actualité

Hypersensibilisés par la distorsion de situation entre leurs magasins fermés et les e‑commerces, les commerces classiques revendiquent de manière plus pressante un (ré)équilibrage des rapports partenariaux et, plus largement, des conditions de la compétition commerciale. Mais presque tout le monde s’accorde à reconnaître aujourd’hui qu’il devient nécessaire de mieux réguler les pratiques d’un secteur où la puissance croissante de certaines entreprises pourrait leur faire croire qu’elles sont au-dessus des lois des États.

a) La déontologie des pratiques partenariales et commerciales

Cdiscount est signataire de la charte e-commerce lancée par M. Mounir Mahjoubi en mars 2019, qui encadre les relations entre plateformes et TPE-PME, et dit privilégier la transparence et la qualité dans ses relations partenariales : les conditions de ses collaborations sont explicitement détaillées dans ses contrats ; ses produits et ceux des autres vendeurs de la marketplace sont proposés de la même façon, etc.

Mais tous les acteurs ne se montreraient pas aussi vertueux à l’égard de leurs partenaires, faisant pression notamment sur les prix demandés. Quand ils n’exploitent pas abusivement les données de leurs vendeurs tiers : l’Union européenne vient de formellement accuser Amazon de tirer avantage des informations générées par les ventes de ses détaillants pour mieux cibler la vente de ses propres produits, et d’abuser ainsi de sa position dominante.

D’autres problèmes signalés concernent la sincérité des promotions extraordinaires faites par certains sites, les livraisons à pertes, etc., qui font une concurrence déloyale aux autres commerçants, y compris de la vente en ligne.

b) L’égalité fiscale entre commerces

La question de l’équité fiscale entre commerce numérique et commerce en magasin est une revendication ancienne des représentants des commerces physiques comme des collectivités territoriales. Avec la crise, elle est revenue au cœur des débats. La commission des finances de notre assemblée a même constitué un groupe de travail sur la problématique de la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), qui a rendu ses conclusions le 18 novembre dernier (cf. sa communication sur la page de la commission).

Les acteurs du e-commerce auditionnés observent pour leur part qu’une extension de la Tascom aux entrepôts du commerce en ligne aurait des conséquences financières lourdes pour les entreprises qui ont choisi d’implanter leurs entrepôts en France, tout en épargnant les acteurs comme Alibaba qui expédie en France directement depuis la Chine, sans recourir à des entrepôts. Ils ne sont pas opposés à une révision plus globale de leur fiscalité. Ils reconnaissent que la fiscalité du commerce n’est pas égale : les e-commerces sont soumis à des taxes que ne supportent pas les boutiques et inversement. Selon eux, c’est l’ensemble de la fiscalité du commerce qu’il faudrait repenser – « Non pour payer moins, mais pour payer de façon plus équilibrée ». Une approche qui rejoint celle prônée par le groupe de travail de la commission des finances : « une réforme ambitieuse de la TASCOM est nécessaire, mais elle ne peut s’inscrire que dans le temps long et dans le cadre d’une réforme plus globale de la fiscalité du commerce ».

Les acteurs du e-commerce soulignent enfin la nécessité de faire reposer toute réforme fiscale sur une véritable d’étude d’impact, pour en mesurer les répercussions sur les acteurs français, qui constituent une alternative aux GAFA, sur toute la chaîne des transporteurs et logisticiens, ainsi que sur les PME et TPE nationales qui sont actuellement encouragées à se mettre à la vente en ligne.


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 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

____________________________________ LIBERTÉ - ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

Groupe de suivi des conséquences économiques du confinement

 

Le 7 décembre 2020

5.   Alimentation et événements festifs de fin d’année

I. Les évènements festifs de fin d’année : la restriction des marchés et salons ébranle plusieurs secteurs économiques

A. Des difficultés particulières à ces secteurs

a) L’absence de cohérence entre les choix territoriaux

La Fédération nationale des marchés de France (ou Fédération nationale des syndicats des commerçant des marchés de France, FNSCMS ou « Marchés de France ») comme les syndicats de forains auditionnés par le groupe de travail ont témoigné des grandes divergences entre les départements et entre les communes s’agissant des décisions d’autorisation ou d’interdiction des marchés, foires et autres animations de plein air ainsi que concernant les mesures sanitaires à mettre en œuvre.

Les professionnels soulignent que cette disparité crée une forte incertitude sur leurs perspectives de travail à court et moyen termes. Certaines municipalités attendent encore des consignes nationales pour prendre leur décision, avec le risque que rien ne se fasse au final. Un grand nombre de foires et marchés de Noël sont d’ores et déjà annulés. Dans tous les cas, cela a d’importantes répercussions économiques sur leurs métiers.

Les professionnels dénoncent plus encore les grandes différences de traitement qu’ils subissent d’un territoire à l’autre, sans justifications objectives ni explications. Un préfet a même tout annulé, y compris les marchés de produits manufacturés, sur l’ensemble du territoire de son département, sans faire de détail. Ailleurs, les conditions posées par les préfets sont tellement fortes que des maires préfèrent tout interdire. Grâce à la meilleure qualité du dialogue avec les autorités territoriales, certains marchés de Noël ont tout de même pu se mettre en place dans quelques villes. Mais, outre un nombre des chalets fortement réduit, des mesures de protection sanitaire sont souvent rajoutées, remettant en cause l’équilibre économique de ceux qui restent. Avec ces charges supplémentaires et vraisemblablement moins de recettes potentielles, beaucoup sont alors amenés à renoncer.

Les professionnels disent accepter les consignes sanitaires et s’y être tous adaptés. Mais ils refusent la tendance de certains préfets et maires à rajouter des exigences aux protocoles qui avaient pourtant été agréés par les autorités compétentes, puis bien rodés pendant l’été.

Ils ont notamment du mal à accepter la mise en place d’un barriérage, qui crée des files d’attente peu souhaitables au regard des recommandations sanitaires et leur donne le sentiment d’être « parqués comme des bestiaux », mais qui, surtout, n’est pas appliqué aux marchés alimentaires. Ils ont également du mal à comprendre que certains préfets leur imposent une jauge de 6 personnes autour d’un manège, ce qui fait obstacle à la déambulation du public, alors que cette déambulation est possible dans les surfaces commerciales et les parcs d’attraction et que l’on voit tous les jours des files d’attente se déployer en statique sur les parkings, devant les supermarchés et les galeries marchandes.

Dans certains cas, ces exigences supplémentaires finissent par rendre leur travail impossible, même s’il est théoriquement autorisé. Au point que s’il y a eu une reprise d’activité après le premier confinement, ce n’est pas le cas pour le second.

Forains et acteurs des marchés rappellent que leurs activités sont de plein air, ce qui réduit les risques de contagion. « Il ne faut pas laver plus blanc que blanc. », demandent-ils, et surtout pas sans discernement entre ce qui est praticable et ce qui gèle toute activité.

Dans certaines villes, les maires ont su trouver des alternatives pour contrebalancer les manques à gagner pour les professionnels, en allongeant les horaires des animations voire en créant des marchés supplémentaires.

Les professionnels demandent que les critères pour autoriser ou interdire une activité sur le domaine public soient harmonisés au niveau national et que les exigences sanitaires soient plus cohérentes.

La Fédération nationale des comités et organisateurs de festivités (FNCOF) confirme que les tensions se sont accentuées depuis que les préfets ont la liberté d’interpréter les textes, et qu’ils vont souvent bien au-delà de ce qui est demandé. Cela remet en cause l’égalité de traitement des acteurs sur l’ensemble du territoire. La Fédération regrette en outre que l’on traite leurs différentes organisations de manière cloisonnée : par exemple, on impose aux comités des fêtes un protocole sanitaire différent de celui des forains pour des activités similaires. Sur le terrain, les autorités font souvent un amalgame des deux protocoles, aboutissant à une impasse opérationnelle. La FNCOF souhaiterait donc qu’un seul et même protocole, pérenne, leur soit défini pour que la mise en place d’animations soit à nouveau possible.

Vos rapporteurs observent que la présence des stands ou des chalets de Noël favorisant une plus grande affluence des publics dans des espaces parfois plus réduits qu’une rue passante ou les allées d’un parc d’attraction, cela peut justifier un renforcement des exigences sanitaires en période de propagation rapide du virus.

Il importe néanmoins d’assurer une plus grande cohérence des décisions d’autoriser ou non les activités et animations de plein air, ainsi que des consignes de protection applicables, entre activités similaires comme entre territoires.

b) Un accès aux aides compliqué par des codes d’activité inadaptés

Artisans d’art, forains et autres commerçants non sédentaires se sentent dans « un angle mort des politiques publiques ».

Les acteurs des marchés sont très déçus que le Gouvernement ait semblé faire peu de cas des métiers de la rue et de leur rôle dans la cité, alors qu’il a beaucoup communiqué sur les petits commerces sédentaires à l’occasion de ce second confinement.

Forains et artisans d’art se sentent même abandonnés. Ce sentiment est alimenté par la frustration et l’angoisse de se voir privés de la possibilité de gagner leur vie, mais aussi par les difficultés qu’ils rencontrent pour accéder aux dispositifs d’aide.

Or, ces difficultés sont en grande partie liées à des codes d’activité inadaptés ou mal appliqués.

Ainsi, bien que les artistes et artisans d’art aient obtenu un cadre légal pour leurs métiers [(1)], le secteur a encore des difficultés à être identifié par les codes d’activité existants, tant dans la nomenclature d’activités françaises (NAF) de l’INSEE que dans la nomenclature NACE (nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne) sur laquelle il travaille aujourd’hui avec le World Craft Council.

Le secteur revendique depuis plusieurs années la création d’un code NAF ou d’un code APE (pour « activité principale exercée », qui permet d’identifier la branche d’activité principale de l’entreprise ou du travailleur indépendant) spécifique aux métiers d’art, qu’il considère comme une condition indispensable pour se structurer et permettre à ces métiers d’être pleinement reconnus dans leur richesse économique, créative et sociale.

Mais dans le contexte actuel, la bonne identification de ces métiers apparaît aussi primordiale pour bénéficier des soutiens de l’État, qui reposent largement sur une organisation sectorielle de l’économie nationale délimitée par les codes NAF. De fait, les professionnels des métiers d’art ont souvent essuyé des refus de prise en charge, même après que la catégorie « Autres métiers d’art » ait été ajoutée à la liste S1 bis du Fonds de solidarité. Parce que cette nouvelle catégorie n’est fondée sur aucune définition précise, ni aucun code NAF bien identifié, les professionnels des métiers d’art se heurteraient alors à « l’arbitraire des agents de l’administration fiscale qui décident si l’activité de ces professionnels correspond ou non à leur propre vision des métiers d’art ».

Une structuration a été proposée par le secteur à l’INSEE. Mais aucune classification n’a encore été validée par les pouvoirs publics.

Les forains se débattent, quant à eux, pour réduire le nombre de codes APE qui leur sont appliqués : ils sont neuf actuellement. Le dossier avance mais pas assez vite pour couvrir la situation actuelle. En conséquence de quoi, nombre de leurs professionnels n’entrant pas exactement dans ces cadres ont été exclus des aides pendant les confinements.

Les Marchés de France, enfin, souhaiteraient que l’on reconnaisse leurs activités inscrites sous les codes APE 4781 (Commerce de détail alimentaire sur éventaires et marchés), 4782 (Commerce de détail de textiles, d’habillement et de chaussures sur éventaires et marchés) et 4789 (Autres commerces de détail sur éventaires et marchés) comme relevant aussi de l’événementiel, des grands événements sportifs ou culturels, afin de pouvoir bénéficier du Fond de solidarité au mois de décembre (cf. ci-après).

Ils signalent, par ailleurs, certaines décisions surprenantes dans l’attribution, par les tribunaux de commerce, des codes APE (et des cartes professionnelles associées) : comme l’octroi du code 4789 à l’église de scientologie !

Mme la Députée Sylvia Pinel a saisi le Gouvernement de ces difficultés d’identification des acteurs et des complications qu’elles créent dans l’accès aux soutiens publics.

Le groupe de travail relaiera à son tour ces problèmes, qui nuisent au juste accompagnement d’acteurs très impactés par la crise.

B. Des secteurs qui s’interrogent sur leur survie

a) Des marchés annulés en cascade

La France compte 140 000 entreprises exerçant une activité de distribution sur le domaine public, tous secteurs confondus (agriculteurs, commerçants, producteurs de biens manufacturés…) qui, en plus de leurs nombreux travailleurs indépendants, emploient 60 000 salariés.

Selon les Marchés de France, lors du premier confinement, les baisses de chiffre d’affaires (CA) ont été globalement limitées pour les professionnels de l’alimentaire, même si ces commerces ont été davantage touchés dans les grandes agglomérations où les mesures sanitaires (barrièrages et comptage des clients aux entrées et sorties des marchés) gênaient l’exercice normal de leurs activités, et même si des préfets ont fermé les halles et réduit voire interdit certains marchés. La Fédération estime qu’en avril, avec 50 % de marchés ouverts, 80 millions d’euros (M€) ont été perdus, par rapport aux recettes d’avril 2019, pour les métiers de l’alimentation.

Pour les commerces non alimentaires, ces pertes ont été totales pendant leur fermeture et s’élevaient encore à - 30 % après la levée de l’interdiction générale parce que certains préfets et maires ont tardé à rouvrir les marchés. Leur baisse de CA en avril 2020 par rapport à 2019 représenterait 100 M€.

La période intermédiaire n’a pas permis de retrouver un niveau normal d’activité : les contraintes étaient encore importantes en mai ; les marchés ont tardé à reprendre leurs emplacements habituels et à accepter tous les professionnels ; et les touristes étrangers restaient absents. Toutefois, les gens étaient « heureux de retrouver leurs marchés » ; ces accueils ont encouragé les professionnels à reprendre espoir malgré un été moyen.

Ce n’était toutefois pas le cas des entreprises liées aux grands évènements (foires et salons) que les multiples annulations depuis le début de la crise ont « laissées exsangues ».

Selon les chiffres 2018 du site de l’Unimev’ (Union des métiers de l’évènements), 1 200 salons et foires grands public et professionnels sont organisés chaque année en France. Ils reçoivent 23 millions de visiteurs, génèrent 4,6 Md€ de retombées économiques pour l’organisation et l’accueil touristique et 34,5 Md€ de chiffre d’affaires pour les entreprises exposantes.

Selon les remontées à la disposition de l’Unimev’, 310 salons et foires ont été annulés ; et 115 autres reportés.

Plus confiants, les commerçants des marchés classiques se sont mis à reconstituer leurs stocks pour la fin d’année dès septembre. Aussi, la décision de reconfiner la population et de fermer les activités non alimentaires fin octobre était totalement inattendue et a été vécue comme « un vrai couperet ».

Le second confinement a été moins brutal pour les commerces alimentaires, mais pas sans impact, avec notamment la fermeture des bars et des restaurants qui a privé leurs fournisseurs d’importants débouchés. Certains perdent jusqu’à 20 % de chiffre d’affaires.

L’inquiétude des professionnels s’accentue avec l’approche des fêtes et la multiplication des annulations des activités qui se développent habituellement autour. En novembre, toutes les grosses foires traditionnelles, certaines plusieurs fois centenaires, ont été mises à l’arrêt. Le secteur est aussi très préoccupé du sort des producteurs, commerçants et artisans, y compris dans l’alimentaire, qui exercent en montagne et dont la clientèle sera fortement réduite durant la fermeture des stations de ski. Enfin, les nombreuses interdictions de marchés de Noël, ou leur impraticabilité de fait, sont une catastrophe pour les commerçants non sédentaires.

En effet, au fil du temps, les marchés de Noël ont pris une certaine envergure et sont désormais organisés partout en France depuis une quinzaine d’années. Mais cette année, alors que 90 % des villes ont un marché de Noël ; 80 % ont été annulés, interdisant toute activité aux commerçants locaux, aux artisans dont ils constituent un important débouché et aux forains qui ne peuvent installer leurs manèges et animations.

Les Marchés de France indiquent que les deux plus grands marchés de Noël de notre pays, ceux de Strasbourg et de Colmar, se tiennent sur 5 semaines, réunissant chacun 300 chalets et proposant environ 500 manifestations, concerts, spectacles et animations en parallèle. Son marché de Noël coûte à la ville de Strasbourg 2 M€ (dont 450 000 € pour la sécurité) mais ses retombées économiques s’élèvent à 300 M€ (selon l’enquête Clientèle Tourisme Alsace).

Par extrapolation, avec 300 chalets loués à 2 000 € en moyenne, un chiffre d’affaires de 10 000 € au moins par chalet, leurs annulations représentent à elles seules 6 M€ de CA non réalisés pour ces professionnels.

Les marchés de Noël ont été annulés dans la plupart des grandes villes (Paris, Bordeaux, Nice, Lyon, Nancy, Nantes, Mulhouse…), soit 82 grands marchés de Noël (selon une liste non exhaustive transmise à la direction générale des entreprises), d’une durée de 4 à 5 semaines. Si tous ces marchés ne représentent pas le même chiffre d’affaires que ceux de Strasbourg ou de Colmar, ils jouissent d’une fréquentation importante sur l’ensemble du territoire. La Fédération estime les chiffres d’affaires de ces manifestations pour les seuls professionnels dans les stands et les chalets à 250 M€.

Plus généralement, la vente de produits saisonniers et festifs en novembre et décembre contribue substantiellement aux CA des commerçants non alimentaires. Or, ils ont non seulement été interdits de vente en novembre, mais ils sont encore très limités ce mois-ci. Quant à l’alimentaire, l’interdiction des dégustations et des buvettes est un frein à l’activité habituelle en cette saison essentielle pour les vendeurs d’huîtres, vins chauds, foie gras, etc. La Fédération indique que le mois de décembre représenterait selon les professionnels des marchés de 30 à 100 % de leurs chiffres d’affaires – et autant de manque à gagner si les marchés ne se font pas.

Elle souligne enfin que l’alternative du click and collect n’est pas bien adaptée à leurs métiers. Elle avait malgré tout travaillé sur les solutions possibles : comme la prise de rendez‑vous auprès des commerçants de produits manufacturés, qui auraient installé leurs camions aux emplacements habituels pour la livraison des commandes. « Cela aurait été bon pour leur moral » ; mais cela leur a été refusé.

Selon les Marchés de France, les aides du Fond de solidarité, le chômage partiel et les aides de l’URSSAF (notamment l’aide exceptionnelle du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants – CPSTI) ont été bien utilisés.

– Le Fond de solidarité est favorablement perçu, même si ces professionnels n’apprécient pas de sentir « assistés ».

Mais en tout état de cause, les indemnités (plafonnées à 1 500 € dans leurs cas) sont insuffisantes pour couvrir leurs charges. En outre, l’accès au dispositif a été, et reste encore compliqué pour certains. Si les commerçants et employeurs en cumul emploi-retraite n’étaient pas éligibles le premier mois, ce problème a été résolu depuis. En revanche, ceux qui ne travaillent que sur les braderies, foires, foires-expo, salons et événementiels n’auraient plus accès aux aides du Fonds de solidarité en décembre en raison de la réouverture des commerces, alors que toutes leurs occasions de travailler ont été annulées.

– Certaines entreprises ont rencontré des difficultés à obtenir des prêts garantis par l’État (PGE) car des banques se montraient très réticentes à instruire ce prêt et proposaient d’autres prêts à des taux bien supérieurs. Toutefois, cela ne représentait aux débuts qu’un petit nombre de dossiers. Aujourd’hui, « les banques ne suivent plus ».

– Le refus de prise en compte des pertes d’exploitation par certaines compagnies d’assurance ont mis les entreprises en difficulté, en particulier celles pour lesquelles l’annonce brutale du confinement n’a pas laissé le temps de gérer leurs achats.

– Ces achats effectués pour les mois de fin d’année ont sérieusement entamé les trésoreries des entreprises et les stocks non écoulés pèseront lourdement sur leurs bilans.

Les Marchés de France suggèrent une solution pour en alléger la charge et réduire la menace qu’elle représente pour la survie des entreprises : jouer sur la TVA par des reports ou des crédits de taxe. Les prélèvements de TVA, qui représentent 20 % du prix de vente des produits, continuent d’être appliqués à des stocks qui n’ont pas été valorisés (depuis le printemps pour certains) et ne le seront pas avant longtemps. Ces modulations sont à la main du Gouvernement. La Fédération demande l’aide du Parlement pour défendre cette piste.

– En termes d’impôts également, les professionnels qui n’ont pas travaillé pendant des mois ne comprennent pas que leur cotisation foncière des entreprises (CFE) n’ait pas été allégée voire annulée. Certaines communautés d’agglomération ont bien voté des allègements pour leurs commerces fermés, mais en les réservant de fait aux magasins. Une fois encore, les codes APE des non sédentaires les ont exclus de ces aides.

– Un certain nombre de communes les ont tout de même exonérés des droits de place. Les proportions sont variables (de un à six mois) ; cependant, même quand il ne s’agit pas de sommes très élevées (de 150 à 200 €), leur annulation reste bienvenue et compense en partie la CFE que les professionnels doivent encore payer. Les Marchés de France auraient souhaité que l’Association des maires de France porte un message fort pour encourager la généralisation de ces gestes. Mais cela se fait de manière très irrégulière, voire pas du tout dans les villes qui ont concédé la gestion de leurs marchés. Les concessionnaires continuent ainsi de demander le paiement des droits de place à des commerçants qui sont par ailleurs interdits de travailler.

Même les emplacements réservés sur les marchés de Noël ne sont pas remboursés en totalité par les sociétés organisatrices. Notamment la Société A2, spécialiste de ces marchés, qui a encaissé au premier semestre des montants à 10 000 € la place, retient 3 450€ sur ses remboursements.

Sans revenu, les entreprises concernées sont « à l’agonie ». Les Marchés de France disent compter déjà beaucoup de radiations parmi leurs adhérents. Le manque de perspectives les décourage un peu plus. D’autant que si les reports de charges accordés aujourd’hui leur donnent une bouffée d’oxygène, le poids à venir de ces charges mettra ces commerçants dans des conditions de trésorerie catastrophiques dès le printemps, avec des dépôts de bilan ou des redressements judiciaires à la clé.

Or, ces travailleurs indépendants sont responsables sur leurs biens propres ; au-delà de la perte de leurs entreprises, ces procédures auront donc des conséquences lourdes pour leurs familles.

La situation menace aussi la relève de ces métiers difficiles : les employés qui comptaient reprendre le commerce de leurs patrons suspendent leur projet, faute de certitude sur l’avenir de leurs activités – d’autant que le principe de la non-révocabilité des emplacements est de plus en plus remis en cause avec la multiplication des travaux et manifestions. « Les jeunes ont besoin de stabilité pour investir ». Les Marchés de France travaillent donc avec trois autres fédérations sur un plan de relance pour le commerce non sédentaire et les marchés, qu’ils ont présenté à leurs ministères de tutelle. Ils souhaiteraient que l’Assemblée nationale s’empare également du sujet.

En attendant, les Marchés de France soulignent le besoin de leur secteur de retrouver de la sérénité dans son travail et son besoin de solidarité dans les mois à venir.

b) Des bénévoles démotivés

Portés par environ 130 000 bénévoles, les associations artistiques, sportives et culturelles, les comités des fêtes et quelques autres structures – dont la Fédération nationale des comités et organisateurs de festivités (FNCOF) assure la tutelle – sont également à l’origine de nombreuses animations publiques en salle ou dans la rue.

Chaque année, les 25 000 comités des fêtes actifs organisent ainsi 75 % des festivités populaires culturelles dans les villes et villages de France, qui injectent près de 9,7 Md€ dans l’économie. Outre l’animation des communes et les liens sociaux que leurs manifestations entretiennent, les comités représentent 79 % des employeurs du secteur privé du spectacle vivant (et 28 % de sa masse salariale avec un investissement de 169 M€). 85 % des 2 800 adhérents de la FNCOF sont impliqués dans les marchés de Noël.

Si les comités des fêtes ne génèrent pas directement des fonds, l’annulation des évènements qu’ils organisent et le manque de visibilité à moyen terme sur ce qu’il est possible de programmer ont donc un impact immédiat sur de nombreux professionnels.

Mais le bénévolat devient lui-même compliqué à maintenir car, d’un côté, les multiples annulations, les incertitudes sur l’avenir et la « virtualisation des échanges » découragent les bonnes volontés ; et, d’un autre côté, leur responsabilité est mise en jeu quand les manifestations sont maintenues. Sans compter la mise en suspens des budgets municipaux consacrés à ces festivités, qui amène plusieurs associations à annoncer l’arrêt de leur activité.

Les Ateliers d’art de France ont eux-mêmes alerté le groupe de travail sur la menace que représente pour leurs secteurs cet effritement du bénévolat.

La FNCOF souligne de son côté l’importance de prendre en considération l’engagement de ces milliers de bénévoles dans l’activité économique de notre pays et la vie de nos cités.

Ces aides ne concernent pas les comités des fêtes et associations, mais elles devraient pouvoir bénéficier aux artistes avec lesquels ils avaient déjà signé un contrat.

La FNCOF ignore toutefois s’ils les perçoivent réellement. Elle ignore aussi ce que devient le plan d’urgence du ministère de la culture, annoncé mi-septembre, pour venir en aide aux artistes et techniciens du spectacle vivant n’entrant pas dans le champ d’éligibilité des dispositifs d’aides aménagés jusqu’ici dans le contexte de la crise sanitaire ou tous autres dispositifs. Il est censé prévoir 221 M€ pour le spectacle vivant privé sur un budget total de 432 M€.

c) Des forains qui perdent espoir en leur avenir

Notre pays compte 35 000 entreprises foraines et plus encore d’emplois directs – et indirects chez leurs fournisseurs. Ces professionnels sont fiers de faire rêver les enfants et d’apporter un peu de sourire et de lumière dans nos cités en cette période difficile.

Le premier confinement les a surpris juste au début de leur saison de pleine activité. Il a d’autant plus « assommé » financièrement la profession que plusieurs d’entre eux avaient engagé des investissements dans leur matériel.

Les forains ont travaillé sur des protocoles leur permettant de reprendre une activité, qui ont été validés par diverses autorités compétentes, dont la commission de déconfinement.

Ils ont également cherché à faire reconnaître la fête foraine comme une rue piétonne, c’est‑à-dire une zone de chalandise où les gens ne restent pas statiques mais se promènent sans forcément consommer – contrairement aux parcs d’attraction où l’entrée est payante. Il reviendrait alors à chaque stand de prendre les mesures sanitaires adaptées au public qu’il accueille, comme dans les boutiques. Mais cette approche est difficile à faire comprendre aux autorités.

Ils font aussi valoir que le domaine public (la rue, les places…) est leur lieu de travail ; si on leur en refuse l’accès, on leur « dénie leur droit d’accès au travail » et les prive de tout revenu. Or, la « privatisation » des grandes foires, avec contrôle à l’entrée et à la sortie, pendant l’été a restreint leurs affaires. Et certains maires ont même préféré interdire leurs activités sur leurs communes. Avec l’annulation en parallèle des animations organisées par les municipalités, que les forains viennent souvent compléter, leurs professions n’avaient donc pas retrouvé une activité normale après le déconfinement.

La situation a empiré avec le décret du 16 octobre qui a explicitement interdit les fêtes foraines. Même si les mois d’octobre à mars marquent la trêve hivernale pour leurs métiers, la mise à l’arrêt est progressive et les marchés de Noël assurent encore une activité fructueuse à plus de 20 000 entrepreneurs forains. Outre le choc ressenti du fait d’être la seule profession directement visée, les forains n’ont pas compris que les parcs d’attraction aient pu continuer à accueillir du public [dans les limites d’une jauge, rappelle le groupe de travail], jusqu’au reconfinement de la population.

Pourtant, le décret du 16 octobre a été ultérieurement abrogé par le décret du 29 octobre, qui n’a pas renouvelé l’interdiction générale. Quant au décret du 28 novembre, aucune disposition n’interdit les fêtes foraines, marchés de Noël et autres marchés, sous condition de l’application des protocoles sanitaires. Mais si les décisions nationales permettraient aux petites structures de retravailler aujourd’hui, sur le terrain, la situation est autrement plus compliquée. Comme on l’a vu précédemment, une très grande partie des marchés de Noël sont annulés ; et quand les rendez‑vous festifs sont maintenus, certains préfets et maires ajoutent des exigences aux protocoles sanitaires, qui rendent l’activité impraticable ou non rentable. Même les manèges isolés ont du mal à repartir.

Les forains craignent que ce second confinement et l’absence de vraie reprise d’ici la fin de l’année ne les achèvent. Leurs représentants pensent que les dépôts de bilan vont se multiplier en fin d’hiver. « Que fait-on alors de notre outil de travail, de nos charges, de nos emprunts, de nos familles et de toutes les personnes qui dépendent de nos activités ? Il va falloir agir vraiment ».

– La situation est particulièrement dramatique pour ceux qui ne peuvent obtenir les aides du Fonds de solidarité faute de codes APE éligibles (cf. supra).

En raison des mêmes difficultés de codification évoquées précédemment, quand une aide est créée par une ville en compensation de l’annulation de son marché de Noël, comme à Strasbourg, elle est limitée en pratique aux commerces inscrits dans le département.

– Certes, une grande majorité des entrepreneurs forains a pu obtenir des PGE après le premier confinement. Mais, en novembre, comme pour leurs collègues des marchés, les banques se sont montrées plus réticentes face à l’absence de perspectives d’activité dans les prochains mois.

C’est une des raisons pour lesquelles les forains souhaiteraient avoir un interlocuteur ministériel désigné pour répondre à leurs diverses interrogations, notamment s’agissant de la réouverture de leurs activités.

– À l’instar des commerçants non sédentaires des marchés, les forains rencontrent aussi des problèmes avec leurs assureurs. Certains, comme la MMA, ont pris en compte les pertes d’exploitation causées par la pandémie, mais ils sont rares et aujourd’hui, la plupart sont en train de les relancer pour le règlement de leurs primes, alors que nombre des entreprises sont à l’arrêt depuis des mois.

d) Des artistes et artisans d’art dépendants des marchés et salons

Les métiers d’art sont répartis en 281 disciplines et 16 domaines d’activités. Le secteur rassemble près de 38 000 entreprises en France, lesquelles emploient plus de 60 000 personnes et génère un chiffre d’affaires annuel de 8 Md€. Il compte quelques manufactures, de très petites entreprises, mais ce sont à 86 % des entreprises individuelles ou des travailleurs indépendants.

L’économie est structurellement liée à l’évènementiel : les artistes et artisans d’art ont, à 90 %, un atelier‑boutique, mais leurs clients sont surtout ailleurs. Ils sont, à 65 % [(1)] très dépendants des marchés organisés partout en France, qui sont l’occasion de rencontrer leur public, et des marchés professionnels qui leur permettent d’atteindre des marchés de niche à l’international. Mais ils considèrent que cette dimension n’est pas vraiment perçue par les autorités publiques.

Leur secteur est donc en grande difficulté depuis le mois de février et les premières annulations de marchés et salons. Les difficultés se sont accumulées depuis, avec la non-reprise des salons : sur une moyenne de 300 évènements les intéressant sur une année, 264 avaient déjà été annulés en octobre. Non seulement les métiers d’art ont perdu une grande partie de leur chiffre d’affaires annuel, mais aussi des opportunités de ventes ultérieures car ces marchés sont autant des lieux d’émulation, de ventes directes que des lieux où ils constituent leurs fichiers clients et prennent leurs commandes pour les mois et saisons à venir.

Après une enquête menée en juillet montrant que 91 % des entreprises s’attendaient à un recul de leur chiffre d’affaires global et 65 % demandaient une prolongation des aides jusqu’à la fin de l’année, Ateliers d’art de France a été amené à tirer le signal d’alarme en septembre. Or, le reconfinement est venu rajouter un problème en les obligeant à fermer leurs boutiques pendant un mois, au début d’une des périodes les plus actives pour leurs professions. Enfin, même la réouverture des boutiques depuis le 28 novembre ne relance pas vraiment leurs activités car les clients ne se déplacent plus.

L’annulation de nombreux salons et marchés de Noël en est d’autant plus dramatique pour ce secteur qu’il y réalise une partie essentielle de son CA. Comme les commerçants sur les marchés et les forains, les artistes et artisans d’art se retrouvent face à l’inconnu depuis des mois, devant s’adapter au jour le jour aux décisions qui évoluent sans cesse et aux grandes disparités de situation et de règles d’un territoire à l’autre. Ateliers d’art de France mène actuellement une troisième enquête auprès des professionnels, qui sont nombreux à annoncer des dépôts de bilan dès cette fin d’année. Le premier trimestre 2021 ne serait pas plus optimiste.

Grâce aux soutiens publics, les artistes et artisans d’art avaient réussi à passer le cap du premier confinement : 81 % d’entre eux ont bénéficié des aides gouvernementales, notamment celles du Fonds de solidarité après avoir obtenu un élargissement de ses critères d’éligibilité.

Toutefois, de juin à septembre, les conditions ont été durcies : d’abord, seuls les professionnels se rattachant au « Spectacle vivant » (tels les costumiers, fabricants de décors et d’accessoires) et à la « Création artistique relevant des arts plastiques » (comme les peintres, sculpteurs, restaurateurs d’œuvres d’art), qui sont inscrits sur la liste S1, pouvaient prétendre à l’indemnisation du volet 1 en ne justifiant que d’une perte de CA de 50 % ([46]).

En août, un accès à ces aides a été théoriquement reconnu aux autres professionnels du secteur quand la catégorie « Autres métiers d’art » a été inscrite sur la liste S1 bis. Cet accès restait toutefois soumis à la condition très restrictive d’avoir subi une perte de 80 % de chiffre d’affaires pendant la période de confinement. Ateliers d’art de France considère que cette condition était inadaptée au modèle économique de leurs ateliers, qui hors confinement sont restés ouverts et se sont efforcés de multiplier les initiatives pour continuer d’exister dans les territoires. Ils atteignaient donc difficilement le seuil des 80 %. De même, le plafonnement de l’aide à 50 % de pertes ne tient pas compte du fait qu’une partie de leur CA a un caractère saisonnier ou est liée à des évènements ponctuels.

Mais la première difficulté pour les professionnels qui ont sollicité ces aides est que la nouvelle catégorie S1 bis ne correspond à aucune définition précise, ni à aucun code NAF ou APE spécifique aux métiers d’art. Concrètement cela a exclu une grande partie des entreprises du secteur du bénéfice du Fonds de solidarité, en dépit de l’impact de toutes les annulations de salons et de marchés.

Les modalités d’accès au Fonds ont certes évolué en octobre et surtout depuis novembre : pendant le confinement, le seuil du CA et le critère du secteur d’activité sont supprimés pour les entreprises fermées administrativement ; l’éligibilité des entreprises des secteurs S1 bis est portée à une perte de 50 % de leur CA, et les indemnités peuvent aller jusqu’à 10 000 €.

Mais Ateliers d’art de France souligne la persistance des difficultés liées à l’absence de codification propre à leurs activités. La reconnaissance de leur « statut » d’autres métiers d’art dépend toujours de l’appréciation des services des impôts.

– De même s’agissant des PGE, de nombreuses entreprises ont fait part de leurs difficultés pour obtenir de leurs banques des facilités de crédits durant cette période, en partie à cause de l’absence de code NAF propres aux métiers d’art.

– Ce problème pourrait se retrouver enfin au moment où les entreprises solliciteront les nouvelles exonérations de cotisations sociales.

Quant aux ventes en ligne, elles n’ont pas fondamentalement amélioré la situation de leurs entreprises car nombre d’entre elles étaient déjà passées à la digitalisation (réseaux sociaux, sites internet, drive art…) avant la crise, pour compenser l’insuffisance de leur clientèle locale et d’autres ont encore besoin d’accompagnement. En outre, cette solution se heurte à deux freins importants : les recettes générées par cette voie sont sans commune mesure avec les chiffres d’affaires réalisés dans les salons et marchés. Enfin, leurs métiers produisent surtout des pièces uniques ou de très petites séries qui ne sont pas adaptées au référencement de produits sur un site ni à l’établissement de catalogues.

Il leur semble donc que la meilleure issue pour leurs métiers est de se regrouper entre eux, pour gagner en visibilité tout en restant cohérents avec les valeurs de leurs marchés, la création et la fabrication intégrale en atelier. Ateliers d’art de France constate que les initiatives et propositions d’aide ont fleuri pendant la crise ; mais beaucoup lui apparaissent comme une déperdition de moyens car trop éparpillées entre de multiples acteurs, souvent sous‑dimensionnées et insuffisamment coordonnées.

II. L’alimentation de fête : des producteurs un peu inquiets pour leurs débouchés

Très diversifiées, les entreprises artisanales et commerciales de l’alimentation de détail étaient 402 000 en 2018. Le secteur génère un CA annuel de 115 Md€ et emploie plus de 1,2 million d’actifs. Il a également un rôle important dans la formation et l’insertion des jeunes avec plus de 74 000 apprentis. Exerçant leurs activités en magasin, sur les marchés ou la voie publique, ce sont des entreprises dites de « quotidienneté » : elles favorisent l’animation d’un quartier ou d’un cœur de ville, jouant un rôle important pour la vitalité des centres-villes. D’après une étude réalisée par l’Institut CSA pour la Confédération générale de l’alimentation en détail (CGAD), 88% des Français estiment qu’elles sont créatrices de lien social.

Exerçant des activités qualifiées d’essentielles, les artisans et commerces alimentaires de proximité ont pu rester ouverts pendant les deux confinements. Mais la crise a néanmoins eu un impact non négligeable sur ces entreprises – différencié au demeurant selon leur activité et leur localisation. La fermeture d’une partie des marchés, par exemple, n’a pas été sans conséquence sur l’activité des commerçants alimentaires en réduisant les flux des clients. Une enquête réalisée par la CGAD a montré qu’à mi-avril, 82 % des entreprises interrogées estimaient leur activité en baisse ; 32 % évaluaient leur perte de CA sur avril à 40 voire 60 % et 19 % à plus de 70 % par rapport à avril 2019. Mais ces tendances cachent d’autres disparités. Ainsi, la mise sous cloche des festivités de Pâques a représenté une forte perte de chiffre d’affaires pour un chocolatier ; mais si l’activité des boulangers reste soutenue depuis le début de la crise, ils pâtissent durablement de l’absence des consommateurs en télétravail.

La saison estivale a permis une reprise de l’activité dans les zones touristiques, mais moindre que d’ordinaire dans les territoires très fréquentés par la clientèle étrangère. Une nouvelle enquête réalisée en septembre a montré que 39 % des entreprises de l’alimentation de détail subissaient encore une baisse d’activité pendant l’été par rapport à la même période en 2019 ; et 49 % de ces entreprises évaluaient le recul de leur CA entre 10 et 20 % sur juillet‑août.

Quant au second confinement, les premiers sondages de la CGAD montrent des CA en diminution sur octobre pour près la moitié des répondants et pour 65 % au mois de novembre. Ces baisses dépassent les 40 % de CA pour plus d’un tiers des entreprises. Certaines, notamment dans les métiers du sucré, sont plus particulièrement touchées. C’est notamment le cas des chocolatiers et les pâtissiers pour lesquels les mois de novembre à janvier représentent entre 50 % et 60 % de leur chiffre d’affaires annuel. Ils sont également cruciaux pour les filières auditionnées par le groupe de travail.

 Les aides de l’État

46 900 entreprises du secteur (hors hôtellerie-restauration) ont bénéficié des aides du Fonds de solidarité entre mars et septembre, c’est-à-dire plus de 28 % des entreprises de l’artisanat et du commerce alimentaire spécialisé. L’hôtellerie et la restauration a compté pour sa part 98 900 bénéficiaires sur cette même période.

Pourtant, de nombreuses entreprises n’ont pu accéder au Fonds de solidarité en raison de pertes de CA n’atteignant pas le seuil des 50 % tout en tournant autour de 40 à 45 %. Elles en sont d’autant plus fragilisées. La CGAD considère que si leur activité ne reprend pas en fin d’année, elles pourraient ne pas surmonter la crise. L’inquiétude est particulièrement vive à propos des entreprises situées en zones touristiques et notamment en montagne.

La CGAD considère que les régimes d’aides ne sont pas assez fins pour distinguer les différences de situation que l’on peut constater au sein du même secteur de l’alimentation de détail. Elle critique aussi les premières versions de ces aides, inadaptées à l’ampleur des difficultés même au sein d’un secteur qui n’a pas été contraint de fermer (avec des seuils trop exigeants, des plafonds trop bas et des listes S1 et S1 bis des activités particulièrement touchées par la crise par forcément transposables à tous les dispositifs de soutien).

 

A. La conchyliculture

La conchyliculture française produit en moyenne 200 000 tonnes de coquillages par an pour un CA moyen de 774 M€. La production d’huîtres, l’ostréiculture, représente 57 % de cette production de coquillages et la production de moules, la mytiliculture, 40 %. Notre pays est le premier producteur et exportateur d’huitres en Europe et le premier consommateur au monde d’huitres à l’état frais, avec une consommation moyenne de 2 kg par an et par habitant. La filière ostréicole regroupe près de 3 300 entreprises, réparties sur une grande partie des côtes métropolitaines, et emploie 11 500 personnes. En 2019, 107 000 tonnes d’huitres ont été produites générant un CA de plus de 430 M€.

Les fêtes de fin d’année sont une période essentielle pour cette filière. En 2019, elles représentaient un chiffre d’affaires de 280 M€ pour une production de 70 000 tonnes d’huitres, soit les deux tiers de la production annuelle. Pour faire face à l’augmentation de la demande en fin d’année, la filière avait recruté 4 500 emplois supplémentaires.

La filière conchylicole n’a pas été concernée par les mesures de confinement dans la mesure où l’élevage d’animaux vivants rend impossible l’arrêt de l’activité, et ce, en dépit des difficultés pour écouler ses produits. La fermeture des restaurants, qui représentent près de 20 % du chiffre d’affaires de la filière, a le plus affecté les entreprises ostréicoles lors du premier confinement. Mais ce sont les entreprises conchylicoles spécialisées dans l’exportation (7 % du chiffre d’affaires de la filière) qui connaissent les plus grandes difficultés, en ayant été touchées par la fermeture des frontières avant même les premières fermetures administratives.

Pour les autres, la saison estivale a permis de compenser les pertes du premier confinement grâce à la forte augmentation des touristes français. Et le second confinement semble également mieux vécu par les ostréiculteurs, qui se sont rapidement organisés pour trouver de nouveaux débouchés et maintenir les prix de vente au détail.

Le plus impacté est le marché de gros, dont les prix ont chuté de près de 30 % du fait de l’incertitude extrême sur les débouchés dans la restauration et les exportations. Certaines des entreprises spécialisées dans ces secteurs pourraient ne pas y survivre.

La filière ostréicole reste malgré tout optimiste. Grâce à ses efforts d’adaptation, les ventes directes, qui représentent 24 % du chiffre d’affaires de la filière, demeurent bonnes. Les ventes en poissonneries se sont également maintenues. Les ventes pour les fêtes de fin d’année ne seront probablement pas à la hauteur de celles de 2019, avec la restriction des rassemblements familiaux qui induira sans doute des colis plus petits et nécessitera alors une main d’œuvre plus importante. Néanmoins, la consommation d’huitres faisant partie de la tradition culinaire française de la fin d’année, les ostréiculteurs restent positifs.

Son activité n’ayant pas été interrompue, le secteur n’a pas eu recours au chômage partiel. – Ses charges en personnel représentent tout de même le tiers de ses coûts de production. Il n’entre pas non plus dans les critères d’accès au Fonds de solidarité.

Les aides les plus appréciées sont les allégements de charges sociales. À cet égard, la profession regrette les effets de seuil (ou la non-progressivité) des régimes d’aide, l’absence de mode d’emploi clair et la non-prise en compte de la variété de ses métiers (production, dégustation, restauration, distribution et exportation).

Elle regrette aussi que l’État n’ait pas accepté une exonération générale de la redevance domaniale pour la conchyliculture, une mesure qui, selon elle, aurait été peu coûteuse pour les finances publiques mais aurait un impact symbolique fort pour la filière.

Elle n’a bénéficié d’aucune mesure spécifique autre que celle s’inscrivant dans le mécanisme européen du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP, compensation des pertes de chiffre d’affaires au-delà de 50 %, avec une franchise de 25 %, financée à 75 % par l’Union européenne).

B. La production de foie gras

La France est le premier producteur, consommateur et exportateur de foie gras au monde. Près de 80 % de la production mondiale est française. Ce mets fait partie des traditions culinaires de notre pays et bénéficie, depuis 2006, d’une reconnaissance comme « patrimoine culturel et gastronomique protégé en France ». La production de foie gras, encore majoritairement familiale et artisanale, se concentre dans cinq régions françaises : la Nouvelle Aquitaine, l’Occitanie, la Bretagne, les Pays de la Loire et le Grand Est. La filière recouvre 30 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects.

En 2019, 16 500 tonnes ont été produits, pour un CA de 2 Md€. Près de 75 % de ce chiffre d’affaires est réalisé aux mois de novembre et décembre. Une grande partie de la production est aussi exportée, vers les pays limitrophes comme la Belgique et l’Espagne, mais également vers l’Asie, le Brésil et le Moyen-Orient.

La filière a connu une succession de difficultés depuis 2015 : après la grippe aviaire en 2016 et 2017, les difficultés de commercialisation consécutives à l’adoption juste avant les fêtes de la loi EGALIM en 2019 [(1)], la crise sanitaire vient aggraver la situation de ses producteurs. Ses débouchés la rendent particulièrement sensible aux effets de la crise. En effet, 40 % de la production est écoulé dans la restauration, 15 % est exporté et 5 % vendu directement. Les 40 % restants sont vendus en grandes surfaces.

Le premier confinement ayant eu lieu hors saison festive, son impact sur la branche productrice de foie gras a été limité : elle n’aurait perdu que 5% de CA. La restauration et l’exportation ont été davantage touchées.

Les effets du second confinement seront bien plus importants. L’arrêt de la restauration n’est pas compensé par les achats des ménages pour l’instant. Et les commandes des distributeurs sont en forte baisse faute de certitude sur leurs chances d’écouler les stocks. Le maintien du couvre-feu pendant les fêtes de fin d’année pourrait faire perdre à la filière plus de 60% de son chiffre d’affaires.

Enfin, la crise pourrait alors avoir des répercussions sur l’année 2021 : les stocks non écoulés cette fin d’année seront des commandes aux producteurs en moins à la prochaine saison. L’impact serait alors dramatique pour les petits exploitants, qui constituent l’essentiel de la branche de production.

Le critère tenant à la dépendance au secteur de la restauration est fixé à un taux trop élevé pour que les professionnels de la filière puissent prétendre aux aides du Fonds de solidarité, même si les élevages de canards et les fabricants de foie gras sont désormais inscrits dans la liste S1 bis.

La filière souhaiterait au moins que soit étudiée une solution pour alléger la charge des stocks et pour qu’elle puisse bénéficier d’allègements de cotisations au prorata de sa dépendance à la restauration et aux exportations.

Mais surtout elle souligne la nécessité de prévoir un accompagnement pour les producteurs en 2021, quand bien même la crise serait dépassée et que les aides actuelles ne seraient plus actives. Le fonds de soutien exceptionnel de 30 M€ introduit par le Sénat en première lecture du projet de loi de finances pour 2021 serait une piste si cette initiative prospère. En attendant, la filière espère que les Français ne réduiront pas leur consommation pendant les fêtes.

C. La production de chocolats et confiseries

Notre pays produit 127 204 tonnes de confiseries par an, générant un CA total de 1 357 M€. 28 % de cette production est exportée, rapportant 176 M€. 94 % des entreprises adhérentes au Syndicat des confiseurs de France, qui représente 90 % du marché français de la confiserie, sont des TPE et PME. Elles emploient 6 800 salariés. Seuls 20 % du chiffre d’affaires du secteur est réalisé dans les grandes et moyennes surfaces ; mais plus de 60% l’est dans les commerces de centre-ville (pâtissiers-chocolatiers, épiceries fines, etc.), les lieux de loisirs (parcs d’attraction, cinémas, fêtes foraines...) ou les lieux liés au tourisme (relais presse des gares et aéroport, duty-free, magasins d’autoroutes, CHR, etc.). Les 20% restant sont exportés.

Les deux confinements sont survenus lors de temps forts de l’année pour les confiseurs : Pâques, Halloween et les fêtes de fin d’année. Ces dernières représenteraient 25 % du CA annuel du secteur. La très forte baisse de la fréquentation des commerces de centre-ville et l’arrêt des évènements et activités touristiques de loisir ont eu aussi un impact dramatique pour le secteur. Enfin, le CA de l’export a subi une chute supérieure à 30 %, notamment en Asie et au Moyen-Orient.

Selon un sondage réalisé par les Confiseurs de France après le premier confinement, 75 % de leurs entreprises avait connu une baisse de leur CA supérieure à 50 % en moyenne sur la période. Un second sondage mené fin octobre a montré un recul de 22 % sur les 10 premiers mois de l’année par rapport à 2019. Au final, 31 % des répondants craigne aujourd’hui pour la pérennité de leur entreprise.

Les deux confinements pèseront vraisemblablement sur les niveaux d’emploi et d’investissement de la filière. Fin octobre, toutes les TPE et PME interrogées avaient reporté leurs investissements et 18 % envisageait de supprimer des emplois en 2021.

Les mesures d’aides de l’État ont bien fonctionné : plus de 80% des entreprises adhérentes a eu recours aux PGE. Ce dispositif de renforcement de leur trésorerie les a au moins mis à l’abri de la cessation de paiement à court terme. Toutes ont eu recours à l’activité partielle. Le dispositif mis en place lors du premier confinement a permis, jusqu’à présent, de sauver tous les emplois du secteur.

Les confiseurs déplorent en revanche d’être exclus des aides prévues par l’État pour les secteurs les particulièrement touchés. Ils considèrent pourtant que leurs entreprises se situent en deuxième ligne du tourisme, de l’évènementiel et des réseaux spécialisés. Mais le décret n° 2020-1328 du 2 novembre, qui assouplit les critères d’accès aux exonérations de cotisations sociales et élargit les listes des secteurs bénéficiant d’aides renforcées du Fonds de solidarité, exclut encore la plupart d’entre elles. Et celles qui sont inscrites sur la liste S1 bis ne le sont qu’au titre de leur lien avec la restauration, alors que leurs principaux débouchés sont l’événementiel, le tourisme, les boutiques et les réseaux spécialisés. Ils souhaiteraient donc être plutôt rattachés à ces catégories d’activité afin que soient pris en compte les répercussions de leurs restrictions d’activité sur les ventes de confiseries.

Ils demandent enfin que les PGE soient transformés en quasi-fonds propres, leur permettant d’allonger les remboursements sur 10 ans, au lieu des 5 ans actuels, durée que la profession estime trop courte compte tenu de l’état financier de ses entreprises.

De l’ensemble de ces témoignages, il ressort que la crise aura encore, très probablement, de lourdes répercussions sur l’année 2021. Les filières concernées ont besoin de perspectives rassurantes pour ne pas abandonner.

Vos rapporteurs soulignent donc l’urgence pour le Gouvernement d’étudier d’ores et déjà les solutions d’accompagnement envisageables, non seulement pour les secteurs qui devront faire face à l’apurement de leurs charges, mais aussi pour ceux qui affronteront les effets-retards de la crise.


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 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

____________________________________ LIBERTÉ - ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

Groupe de suivi des conséquences économiques du confinement

 

Le 16 décembre 2020

6.   Fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile ‑
La restauration collective

La présente thématique est consacrée à une partie des acteurs de la restauration hors domicile (RHD – également dite restauration hors foyer – RHF – ou consommation hors domicile – CHD)  [47]) : ses fournisseurs et grossistes (I), ainsi que la partie collective de la restauration, elle-même se déclinant entre restauration en gestion directe et restauration confiée à des sociétés (II).

Outre son poids économique propre, la filière RHD représente des débouchés très importants pour la valorisation des productions agricoles et agroalimentaires, par ses volumes mais aussi parce que, s’adressant à des professionnels, notamment de la restauration collective qui programment leurs achats dans la durée, elle serait, selon ses représentants, « plus fidèle, moins zappeuse » que la distribution en moyennes et grandes surfaces

I. Les fournisseurs et grossistes de la RHD dans la crise

A. Les fournisseurs

Selon la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF), notre pays compte 20 000 PME fournisseurs alimentaires et non alimentaires de la grande distribution et de la RHD qui réalise 100 milliards d’euros (Md€) de chiffre d’affaires (CA) annuel.

Certaines sont des leaders mondiaux dans de nombreuses filières ; elles sont toutes très ancrées localement, représentatives d’un terroir et d’un savoir-faire traditionnel, « force motrice et créatrices de richesses » pour nos territoires.

Le secteur agroalimentaire, dans lequel la grande majorité d’entre elles s’inscrivent, est un acteur de poids avec 17 000 entreprises (dont 98 % de PME), employant plus de 430 000 salariés. Ses PME sont très liées aux producteurs agricoles locaux, dont est issue 70 % de la matière première des produits alimentaires transformés, selon l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA).

Pour celles qui fournissent la RHD, les achats de denrées alimentaires et boissons pesaient près de 29 Md€ de CA en France en 2019 ; 4,1 milliards de prestations hors domicile ont été servies en restauration commerciale et 3,6 milliards en restauration collective (cf. GIRA Foodservice).

Au premier confinement, la fermeture de nombreux points de restauration (restaurants commerciaux, cantines d’école et d’université, cafés, bars, ventes dans l’évènementiel…) et la réduction de la restauration en entreprise, avec le développement du télétravail, ont fortement contracté les marchés des fournisseurs (et suscité des effets en cascade sur les achats aux producteurs) et des grossistes. Les PME adhérentes de la FEEF qui travaillent dans la RHD lui ont déclaré une baisse de 40 % de leur CA et une réduction de 35 % de leur production sur la période par rapport à 2019.

Au surplus, pour les entreprises agroalimentaires, il a été difficile de reporter leurs stocks de denrées périssables sur d’autres marchés. Selon un sondage de l’ANIA, près de la moitié des entreprises ont été incapables de rediriger leur activité vers d’autres marchés (en raison du format des emballages, des catégories de produits, etc.). Et celles qui ont été en mesure de le faire n’en ont pas tiré les profits escomptés à cause des surcoûts générés par la modification des produits et emballages pour les adapter à la grande distribution ou du fait de négociations difficiles avec celle-ci. Au sein d’une filière alimentaire considérée comme relativement épargnée par la crise, le segment RHD a donc été fortement affecté :

– ces entreprises ont accusé en moyenne une baisse de CA de 54 % Avec des secteurs plus marqués : par exemple, pour la filière café, la restauration représente 858 millions d’euros (M€) de CA ; les cafés, coffee shops, pub et bars 572 M€ de CA, etc. La CHD constitue la totalité des débouchés de certaines entreprises ;

– la production annuelle a reculé de 2,9 % dans l’alimentaire et de plus de 10 % s’agissant des boissons, soit une perte de 4 à 5 Md€ ;

– et pour presque 60 % des entreprises, l’effondrement économique du segment a un impact sur leurs partenaires agriculteurs et éleveurs (chiffres de l’ANIA).

Avec la reprise de la restauration commerciale classique et l’adaptation des PME, la période entre les deux confinements a permis un certain rattrapage pour certaines de ces entreprises. Mais les entreprises fournissant les événements sportifs ou les lieux de rassemblement qui sont restés fermés n’ont pu retrouver une activité normale. De même pour les fournisseurs de la restauration ferroviaire, aérienne et en entreprise, qui n’a pas ou peu redémarré. En outre, selon CHD Expert, en juillet, 35 % des restaurants avaient réduit leur nombre de fournisseurs. Les adhérentes de la FEEF ont donc encore déclaré une perte d’activité moyenne de 25 % sur la période.

À la sortie de l’été, la consommation le soir tirait l’activité vers le haut. Le couvre-feu a à nouveau réduit sensiblement ces activités, faiblement compensées par la vente à emporter et le click and collect, et par conséquence les achats chez les fournisseurs PME.

Aussi, « après avoir mis un genou à terre, le second confinement a amené les PME à poser le deuxième ». Pour les entreprises agroalimentaires, la perte de débouchés subie au printemps est aggravée actuellement car cette période correspond habituellement à la consommation de produits festifs qui représentent 20 % de leur CA. Selon l’ANIA, 57 % des entreprises connaîtraient une baisse d’activité proche de 50 %. La FEEF fait le même constat de baisses de CA supérieures à 50 %.

Le second confinement est ainsi venu aggraver la situation déjà dégradée des fournisseurs PME de la RHD – notamment pour les TPE et PME de région, précise l’ANIA –, prises entre les surcoûts propres à la crise (l’équipement de protection des salariés, des transports démultipliés, la maintenance de l’outil de production), des stocks excédentaires, le cumul des pertes de recettes et la nouvelle restriction de leurs marchés. Malgré les aides et leurs efforts pour se diversifier, « leur trésorerie est usée » et leurs capacités financières sont sérieusement affaiblies.

Ce à quoi s’ajoutent « un mur de la dette qui se rapproche » et le manque de visibilité pour les mois à venir. Le Président de la République leur a certes donné un cap très apprécié, au 20 janvier ; mais tous les professionnels savent que cette sortie reste incertaine.

Il est alors difficile de se projeter pour prendre des décisions structurantes :

– certaines entreprises très en difficulté doivent arbitrer entre la préservation de leur trésorerie et l’achat de matières premières pour produire et préparer la saison 2021. 30 % des entreprises agroalimentaires envisageraient même de quitter la RHD. Or, ces marchés mettent du temps à repartir, comme l’a montré la crise de la dette dont les effets ont été effacés en six ans ;

– en matière d’investissement, l’ANIA indique que bon nombre d’entreprises reportent leurs projets. L’INSEE a d’ores et déjà noté un recul de 7 % en valeur de l’investissement des entreprises sur l’année 2020, ce qui ne s’était pas vu depuis 2015 ;

– et sur le front de l’emploi, les perspectives ne sont pas moins inquiétantes. Le baromètre de l’ANIA pour les acteurs agroalimentaires montre qu’une entreprise sur deux diffère (ou annule) ses intentions de recrutement, alors que 80 % des emplois ont été créés dans leurs PME ces vingt dernières années. 10 % des entreprises prévoient même de licencier dans les prochains mois.

Les organisations professionnelles tirent donc le signal d’alarme, pour la diversité de l’offre alimentaire, la vitalité des territoires et l’emploi. Un emploi industriel sur six dépend de l’agroalimentaire ; et à l’heure où l’on parle de réindustrialisation et de relocalisation, elles rappellent que ces PME sont des industries locales. « Il est donc important de les soutenir pour préserver le tissu industriel territorial et permettre la reprise économique de la France ». D’autant plus que la FEEF craint que les grands opérateurs de la RHD ne se concentrent sur les multinationales de l’agroalimentaire au détriment des PME – et de la richesse des gammes de produits. Au demeurant, c’est toute la chaîne RHD qui souffre.

Leurs entreprises sont sur « un point de bascule » en cette fin d’année : les stabilisateurs économiques ont permis de maintenir l’activité, mais elles ont besoin de visibilité sur l’évolution des marchés pour prendre des décisions à long terme constructives.

B. Le commerce de gros

Le commerce de gros est l’intermédiaire entre les fournisseurs et les autres acteurs professionnels d’une filière (artisans, entreprises, collectivités, détaillants, restaurants, etc.). L’ensemble du commerce de gros – tous secteurs confondus – représente 150 000 entreprises réparties sur l’ensemble du territoire, dont 95 % sont des PME. Il emploie 970 000 salariés et a réalisé 831 Md€ de chiffre d’affaires en 2019.

Dans la filière de la RHD, la Confédération française du commerce de gros et interentreprises (CGI) distingue quatre secteurs :

– les entreprises qui interviennent dans plus de 72 % de l’approvisionnement alimentaire et en boissons de la RHD. Dans cette branche, le secteur alimentaire compte 87 117 salariés (cf. rapport de branche 2019) et génère un CA estimé à plus de 21 Md€ (cf. GIRA).

On distingue trois catégories d’acteurs : ceux qui font les plus gros volumes sont ceux qui livrent (on parle de distribution livrée), avec un grand acteur comme le français Pomona ; ceux qui font du cash and carry (de la vente intermédiaire entre la vente en gros et la grande distribution, qui assure 12 % de l’approvisionnement), dont Métro France est une des plus grandes entreprises ; et les grossistes de marché (ou de carreau), qui travaillent avec les produits frais, fournissant non seulement la restauration mais surtout le commerce spécialisé de proximité et quelques petites et moyennes surfaces, tels la Semmaris qui gère le Marché de Rungis et les autres marchés d’intérêt national (MIN) ;

– les entreprises spécialisées dans le commerce de gros de la boisson. Elles représentent 8 000 salariés et un total de 4 Md€ de CA (cf. Distriboissons) ;

– les entreprises assurant l’approvisionnement en équipements de cuisine, d’arts de la table, du mobilier et des produits d’hygiène et d’entretien à destination des professionnels (de la RHD notamment), soit plus de 200 sociétés, employant 6 300 collaborateurs directs et réalisant un CA de 1,9 Md€ ;

– enfin celles assurant l’approvisionnement en textile manufacturé et linges professionnels. Ce sont 25 sociétés, avec 3 000 collaborateurs directs et un CA de 400 M€.

Selon les études de la CGI, ces branches ont toutes été touchées, bien que diversement, par la crise et les mesures de confinement et de fermetures administratives :

Évolution par rapport à 2019

Alimentation

(sources : Fedalis ou CGI)

Boissons

(source : Distriboissons)

Équipements

(source : CGI)

Textile et linges

(sources : Fenntiss ou CGI)

Premier confinement

cumul à fin mai : - 37 %

 

mars : - 39 %

avril : - 74,9 %

mai : - 70,8 %

baisse du CA entre 90 et 100 %, selon la structure de clientèle

baisse du CA entre 75 et 90 %

- 61 % sur la période (17 mars au 15 mai)

 

Près de - 90 % sur le segment HCR et loueurs de linge

Période intermédiaire

(juin à septembre)

baisse d’activité moyenne de 19,48 %

 

baisse cumulée sur l’année de 28,8 % à fin septembre

baisse globale de 10 %

 

des situations très disparates selon les régions : activité en hausse dans certaines régions touristiques, mais en baisse ailleurs (région parisienne : - 25 %)

reprise plutôt positive pour la majorité des acteurs (hormis en région parisienne), quoique inférieure à celle de 2019

baisse atténuée mais encore conséquente :

prise d’ordres : - 43 %

CA : - 30 %

HCR : - 70 %.

Couvre-feu à compter du 30 octobre

baisse du CA de 24,7 % en octobre

(contre - 9,7 % en septembre)

baisse des volumes de 50 %

baisse du CA entre 80 et 90 %

 

particulièrement sur les activités de montagne qui sont dans une situation critique, novembre et décembre générant jusqu’à plus de 50 % du CA annuel.

arrêt total de l’activité HCR


Second confinement : premiers constats

baisse du CA de 41,9 % en novembre

baisse moyenne du CA de 95 %

Et augmentation du risque d’impayés des clients

nc

prise d’ordres : - 50 %

HCR et loueurs de linge : - 90 %

Cumul à fin novembre

- 29,6 %

nc

nc

nc

À l’instar des fournisseurs de la filière RHD, la CGI constate que toutes les catégories de grossistes sont sorties fragilisées du premier confinement.

La situation financière du commerce de gros de l’approvisionnement en textile manufacturé et linges professionnels restait plutôt saine dans les premiers temps de la crise, car Ce secteur a effectué peu d’achats compte tenu des difficultés d’approvisionnement et de l’absence de visibilité, et ses clients ont eu tendance à utiliser leur PGE pour payer leurs factures arrivées à échéance. Toutefois, l’activité est restée morose ensuite, plus encore sur le segment Hôtels, restaurants, cafés (HCR) qui est quasiment à l’arrêt depuis fin octobre.

Très lié à l’évènementiel aux cafés et bars, après une bonne reprise sur l’été, le secteur du commerce de gros de la boisson a de nouveau chuté à 50 %, avec le couvre-feu, puis très fortement, jusqu’à 95 % en moyenne, depuis le second confinement. Ses difficultés pourraient être aggravées par l’augmentation du risque d’impayés de ses clients, mais aussi par la menace grandissante que certains clients se mettent en redressement afin de bénéficier d’un étalement de leurs dettes fournisseurs sur plusieurs années. Cela aurait un effet catastrophique pour la trésorerie du secteur, qui porte le crédit interentreprises et finance nombre d’investissements de ses clients.

Quant au commerce de gros de l’approvisionnement en équipements, matériels et produits divers, après avoir épuisé leurs réserves et leurs possibilités de report de charges, les sociétés arriveraient au bout de leurs ressources.

La situation de la branche Approvisionnement alimentaire est plus contrastée selon qu’elle s’adresse davantage à la restauration commerciale, à la restauration collective ou aux commerçants. Selon les chiffres communiqués par la CGI, on observe des évolutions assez proches entre les deux types de restauration les premiers mois, résultant de la fermeture simultanée des restaurants commerciaux et de la restauration des écoles et universités. Avec la reprise de cette dernière, le segment de la restauration collective est aujourd’hui nettement moins impacté.

Évolution du CA par rapport à 2019

Restauration commerciale et circuits de vente alternatifs

(source CGI)

Restauration collective

(source Fedalis)

Premier confinement

mars : - 47,7 %

avril : - 87,2 %

mai : - 78,9 %

mars : - 29,3 %

avril : - 58,1 %

mai : - 60,8 %

Période intermédiaire

baisse moyenne de 18,55 %

baisse moyenne de 21,45 %

Couvre-feu

baisse moyenne de 28,5 % en octobre

(contre - 9,2 % en septembre)

baisse moyenne de 20,4 %

(contre - 10,2 % en septembre)


Second confinement : premiers constats

baisse de 66,8 % en novembre

 

pour les indépendants : -69,7 %

pour les chaînés : - 59,6 %

baisse de 17,4 %

 

pour la gestion directe : - 9 %

pour les sociétés de restauration : - 24,7 %

Cumul au 7 décembre

 

(source CGI)

- 33,6 % au global

 

pour les indépendants : - 33 %

pour les chaînés : - 35,1 %

- 24,3 % au global

 

pour la restauration publique : - 22,5 %

pour les sociétés de restauration : - 25,7 %

Par type de clientèle

(au 7 décembre)

clients indépendants : - 45,5 % sur novembre et - 29,7 % en cumul

clients organisés : - 37 % en novembre et - 29,5 % en cumul

N.B. : Les circuits de vente alternatifs sont les distributeurs automatiques. Les clients organisés sont à la fois les sociétés de restauration collective et les chaînes de restauration.

Dans la restauration commerciale, l’été a été bénéfique, sans toutefois rattraper le manque à gagner du premier confinement ; et la reprise a surtout concerné la province ; Paris, qui représente plus de 40 % de l’activité totale, souffrant toujours de l’absence des touristes. Le couvre-feu puis le reconfinement sont venus aggraver les situations.

Grâce au développement des alternatives aux repas assis (ventes à emporter et livraisons), les pertes sont un peu atténuées ; mais elles ne représentent toujours que 15 à 20 % des recettes habituelles dans le meilleur des cas, parce qu’il est difficile de faire venir les clients en raison de la faible digitalisation, et que le ticket moyen est plus faible qu’à table.

Deux grandes entreprises du secteur ont témoigné de leurs vécus ainsi que de leurs difficultés, malgré des capacités de résilience plus importantes.

Metro France est le premier fournisseur de la restauration indépendante en France, du grand restaurant étoilé à la sandwicherie. Son activité est également réalisée à 15 % avec les métiers de bouche et à 10 % avec les revendeurs comme les épiciers. Ce sont au total 400 000 clients à qui elle propose une offre en alimentaire (90 % de son activité) et non alimentaire ainsi que des services associés à leurs activités dans le cadre d’une stratégie omnicanale (98 points de vente-entrepôts pour le cash and carry, mais aussi livraison, e-commerce, etc.). Elle travaille avec 4 000 fournisseurs, en majorité des PME et TPE, s’attachant à promouvoir les labels locaux et de terroir (en ayant signé la Charte Origine France) même en temps de crise. L’entreprise a réalisé un CA de 4,2 Md€ en 2019 et compte 9 000 collaborateurs.

Avec 75 % de clients dans la restauration, l’entreprise et, par répercussion, ses fournisseurs producteurs et industriels sont fortement impactés par les fermetures administratives des salles et le couvre-feu. Le second confinement a néanmoins un effet moindre, grâce notamment aux mesures d’adaptation pris par les restaurateurs pour continuer à travailler, pour lesquelles Metro les a accompagnés au travers de ses produits et services. Sa solution digitale DISH (qui intègre gratuitement un module de vente à emporter pour ses clients sur son propre site) a été publiée sur le site Clique.mon.commerce.gouv.fr.

Metro a recours à l’activité partielle pour adapter sa structure et ses horaires, pour près de la moitié de ses effectifs, tout en maintenant ouverts ses 98 sites pour continuer à approvisionner tout le territoire national.

En revanche, compte tenu de sa taille – et malgré l’impact économique fort de la crise (recul de son activité à plus de 50 % au premier confinement puis à - 40 % depuis le reconfinement) –, l’entreprise n’est pas éligible à la plupart des autres dispositifs de soutien. « Ce qui est dommageable car il est question de très nombreux emplois et de notre capacité à investir dans le futur pour soutenir notre clientèle composée de professionnels alimentaires ».

 


Groupe français à capitaux familiaux, Pomona réalise un peu plus de 4 Md€ de CA et emploie environ 11 000 collaborateurs. C’est un grossiste alimentaire à destination des professionnels de métiers de bouche (restauration commerciale, qui représente environ 40 % de son CA, restauration collective, privée et publique, et les artisans-commerçants de proximité), qu’il livre sur tout le territoire, y compris en zones rurales.

Fonctionnant bien, avec une bonne dynamique et un faible endettement, Pomona a attaqué la crise en très bonne santé, mais a pris les fermetures générales « de plein fouet ». L’entreprise a perdu brutalement près de 70 % de ses clients au premier confinement et environ 700 M€ sur la période, sans rattrapage possible (« Ce que nos clients n’ont pas consommé, ils ne le consommeront pas l’an prochain. »). Avec la chute de sa rentabilité, tous les avantages pour ses salariés ont été gelés (participation, intéressement et autres systèmes de rémunération variables qui sont importants dans leur secteur). L’été a été bon en province ; mais depuis octobre et surtout novembre, le CA est de nouveau en recul de 35 à 40 % selon les semaines, et la situation économique est compliquée.

Pomona a surtout utilisé le chômage partiel pour caler ses effectifs actifs à son niveau réel d’activité et souscrit des PGE de 130 M€. Mais à l’instar de Metro, l’entreprise ne peut prétendre à d’autres aides. Elle vient de mettre en place un accord d’activité partielle de longue durée (APLD).

Il n’en reste pas moins que le maintien de l’ouverture des écoles a été essentiel pour son entreprise, ses salariés et ses fournisseurs, en raison à la fois du maintien de leur restauration et parce que les employés n’avaient plus à se préoccuper de leurs enfants. « C’était fondamental pour remettre l’économie en marche. »

Pour sa part, la Semmaris a témoigné que le Marché de Rungis, qui réalise environ 10 Md€ de CA par an, a très bien tenu pendant toute la crise.

En cette fin d’année, elle peut affirmer que 2020 ne sera pas une année exceptionnelle, mais ne sera pas la pire jamais connue. Cela dépend évidemment de la structure de clientèle de ses 1 191 opérateurs (du petit agriculteur à la grande multinationale. Effectif de 2018) : la situation est difficile pour ceux qui travaillent essentiellement avec la restauration et la gastronomie. La Semmaris aide ainsi environ 200 entreprises plus fragiles en accordant des exonérations de loyers et de charges : jusqu’à 3 mois de loyer pendant le premier confinement et jusqu’à 1,5 mois au second confinement. Grâce à tous les autres soutiens publics, elle considère que ses opérateurs passent l’année en limitant les dégâts. D’autant que les autorités ont appris au fil de la crise : la fermeture des marchés de plein vent au premier confinement était une erreur ; ils sont restés ouverts la fois d’après et la distribution de détail se porte mieux.

Plusieurs secteurs ont même fait une très bonne année : les fruits et légumes et les produits bio connaissent une croissance à deux chiffres ; la viande finira l’année à un niveau maintenu. Les seuls secteurs en difficulté sont ceux qui commercialisent des produits majoritairement mangés au restaurant : la marée, qui subit une baisse d’activité de 50 %, la triperie et la gastronomie.

Le bilan global pour les grossistes reste néanmoins négatif. Pour les plus dépendants des secteurs à l’arrêt, la CGI anticipe une perte de CA sur 2020 supérieure à 30 voire 40 % (parfois beaucoup plus). Cette perte est d’autant plus sensible que l’activité du commerce de gros a des marges très faibles, de l’ordre de 2 à 3 % du CA.

La situation pourrait empirer avec la montée des risques d’impayés, dont tous s’inquiètent désormais. Si, pendant l’été, les restaurants ont payé leurs factures pour les livraisons de marchandises antérieures à mars-avril, certains grossistes constatent que les factures de l’après-premier confinement sont toujours en souffrance et ne risquent pas d’être réglées tant que les restaurateurs ne font pas de CA.

Selon les professionnels, le premier semestre 2021 restera morose : la perspective d’une réouverture en janvier n’est pas aussi prometteuse qu’au début d’une belle saison ; en outre, de récentes études évalueraient à près de 50 % le nombre d’établissements de la restauration commerciale qui pourraient être en défaillance au printemps. Les décisions nationales concernant leurs activités mais aussi l’évolution des aides, ainsi que les flux futurs des touristes étrangers seront déterminants.

Quant à l’emploi, un des acteurs auditionnés a répondu n’envisager aucun plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Néanmoins, il a gelé toutes ses embauches de saisonniers, intérimaires et CDD, qui représentent habituellement 1 000 recrutements chaque année.

C. Les aides nationales et les accompagnements des entreprises

a) Une aide de l’État très appréciée

Tous, grossistes et fournisseurs, ont dit leur remerciement au Gouvernement pour son soutien fort et volontariste en direction des entreprises, et de leurs clients restaurateurs en particulier. « Son action a été rapide et a sans doute sauvé de nombreuses entreprises ».

Sans surprise, les aides les plus appréciées sont le dispositif d’activité partielle, le Fonds de solidarité et les prêts garantis par l’État (PGE). D’après une étude menée par Bossman Consultants auprès des adhérents de la FEEF en juin 2020, 69 % avaient eu recours au chômage partiel et 42 % au PGE (dont 58 % de TPE). Et parmi les grossistes de l’alimentaire, fin novembre 2020, près de 65 % des entreprises de toute taille avaient souscrit un PGE (enquête de la CGI).

Parmi les dernières évolutions, les professionnels saluent :

– l’extension aux fournisseurs de la RHD des mesures de soutien spécifique apportées au secteur CHR (exonération des charges sociales et patronales, accès au Fonds de solidarité, prise en charge du chômage partiel à 100 %). Elle a été accueillie avec soulagement ;

– et le prolongement du PGE aux conditions initiales de remboursement.

b) Des insuffisances pas toujours surmontées

Néanmoins, ces aides ont présenté et présentent encore parfois des difficultés et des manques.

Complétant les remontées des organisations, une PME agroalimentaire est venue témoigner de sa situation. Innovante et dynamique avant la crise, elle a beaucoup perdu depuis. Les aides nationales l’ont vraiment aidée ; leur accès n’a cependant pas été sans complication.

Avec 40 employés en équivalent-temps plein, elle transforme des produits de la mer haut de gamme à destination des hôtels, traiteurs et restaurants, via des distributeurs grossistes ; Elle est venue témoigner de son vécu. En 2019, l’entreprise réalisait un CA de 13,20 M€. Avec une croissance de 2 M€ en moyenne par an, elle a fait le choix d’investir 4,50 M€ en 2018 dans un nouveau bâtiment et des machines. Son marché est à 90 % dans la RHD, à moitié en France et à moitié à l’export. Cette année, elle va perdre 6 M€ de CA, soit 2 M€ de marge brute, en recul de 45 % par rapport à l’an dernier, car son marché est à 70 % parisien. Si la période de l’entre-deux confinements a bien fonctionné en province, c’est difficile aujourd’hui. Elle n’est sauvée que par ses exportations et par une diversification vers le commerce de détail surgelé et la distribution de frais en magasins. Elle utilise le chômage partiel et a pu bénéficier d’un PGE qui lui a permis de remettre son usine en route en mai.

i. Des difficultés pratiques de mise en œuvre

– Les candidats aux aides se sont heurtés à des problèmes techniques sur les plateformes des différents dispositifs. Il semble toutefois qu’ils aient pu être surmontés.

– Divers acteurs ont signalé que les personnes qui devaient appliquer les règles en région n’y comprenaient souvent rien et nombre d’entreprises se sont fait refouler. Depuis, le Gouvernement a fait remonter toute la gestion du Fonds de solidarité sur les services des impôts.

– Certains ont eu des difficultés à contacter les URSSAF et les DIRRECTE de leur territoire.

Nombre de ces problèmes semblent avoir été résolus. Il n’en reste pas moins que les démarches nécessaires demandent beaucoup de temps et d’énergie aux chefs d’entreprises, qui ont par ailleurs à gérer leurs propres salariés et leurs marchés. Les professionnels pensent que cette complexité décourage les TPE et PME à activer tous les soutiens possibles.

ii. Des difficultés d’accès

– S’agissant des PGE, quelques PME et TPE ont eu des difficultés pour l’obtenir en début de crise, les banques gardant leurs critères ordinaires pour qualifier le risque. Mais l’intervention du ministre de l’économie a levé ces réticences.

Les enquêtes de l’ANIA montrent que le PGE a été accordé à 88 % des demandeurs ; seuls 8 % ont été refusés ; 4 % sont en cours d’instruction.

– En matière de chômage partiel, la FEEF a été informée par des adhérents que la DIRRECTE contesterait la nécessité de leur recours au dispositif, au motif que l’agroalimentaire n’aurait pas souffert de la crise et sans tenir compte de la situation particulière de la RHD. Ce type de contrôles se produirait même après que le décret du 2 novembre ait inscrit leurs activités dans les listes S1 et S1 bis.

iii. Une prise en compte tardive ou encore attendue de la diversité des impacts supportés par leurs entreprises

– Les listes S1 et S1 bis des activités éligibles aux aides du Fonds de solidarité (ainsi qu’à plusieurs autres dispositifs de soutien qui s’y réfèrent) sont complétées et affinées au fil du temps et de l’identification des « manques ».

Il n’en reste pas moins qu’elles sont un des points les plus discutés des aides nationales – comme dans les secteurs déjà entendus par le groupe de travail.

D’aucuns leur reprochent de se fonder sur un code « qui plaît aux statisticiens », mais ne permet pas de classer aisément chaque activité – sans parler des entreprises et travailleurs indépendants qui mènent plusieurs activités à la fois. Ces codes NAF ou APE créent de la confusion.

Et plusieurs acteurs considèrent que ces listes, et les codes sous-jacents, n’ont pas le niveau de finesse suffisant pour aider toutes les situations qui le justifieraient. Quand elles sont complétées, c’est tardivement et partiellement.

Par exemple, la PME auditionnée fournit la RHD mais n’en est pas un grossiste, que la liste S1 bis reconnaît. Aussi, bien qu’elle ait perdu 90 % de son CA pendant les confinements, longtemps, elle n’a pas eu accès aux aides bonifiées des fournisseurs de la RHD.

De fait, malgré un signalement précoce, ce n’est que le 2 novembre que les entreprises agroalimentaires fournissant la RHD ont été inscrites sur la liste S1 bis, leur permettant d’accéder enfin aux aides renforcées (exonération de charges, chômage partiel couvert à 100 % et aide renforcée du Fonds de solidarité) des secteurs fermés administrativement auxquels elles sont liées. Malgré cela, la formulation de l’annexe 2 continuerait d’exclure les fournisseurs alimentaires des débits de boissons, des événements sportifs et culturels et des hôtels.

L’ANIA estime qu’une entreprise sur deux n’a eu accès à aucun dispositif de financement, en dépit de pertes de CA supérieures à 50 % liées à la RHD, et bien qu’il s’agisse essentiellement de TPE et PME.

– Une autre difficulté dénoncée par les professionnels est la diversité des plafonds d’accès aux dispositifs d’aide : moins de 50 salariés pour le Fonds de solidarité ; moins de 250 salariés pour les exonérations de charges. Outre la perte de lisibilité des droits, les acteurs regrettent que ces seuils excluent trop d’entreprises en difficulté. « Les moyens et les gros souffrent autant que les petites entreprises » quand ils perdent plus de 50 % de leur CA.

– Concernant les exonérations de charges, ils saluent la baisse à 50 % du seuil des pertes, mais la modification de la période de référence (à compter du 1er septembre) en limite le bénéfice et exclurait encore trop d’entreprises.

– Reste aussi sans solution le problème des stocks, qui pèsent lourdement sur tous les maillons de la filière RHD. Les aides existantes peuvent couvrir globalement les charges des entreprises, sauf les stocks d’invendus.

Les fournisseurs et grossistes n’ont que trois options quand il s’agit de denrées périssables : la première est de les écouler auprès de la grande distribution ; mais cela entraîne une baisse de prix et ne permet donc pas de créer de la valeur pour l’entreprise. De toute façon, les débouchés ne sont pas très extensifs : quand l’un vend son produit, il prend la place d’un autre fournisseur. La deuxième option est de détruire les stocks, ce qui représente une perte sèche pesant sur le bas de bilan et les fonds propres de l’entreprise, et diminuant en conséquence sa capacité d’emprunt future. La dernière option est d’essayer d’écouler ses stocks sur différents marchés. Mais cela suppose d’étendre les dates d’utilisation optimale des produits, de baisser leurs prix, etc.

Ces stocks excédentaires ont une conséquence supplémentaire pour un producteur agroalimentaire : même si les restaurants rouvrent en janvier, il ne reprendra vraiment sa production qu’une fois que les stocks auront été écoulés. Son activité peut ainsi rester faible beaucoup plus longtemps, ne lui permettant pas de reconstituer sa trésorerie.

Interrogés par vos rapporteurs sur les autres débouchés possibles que sont la vente à des méthaniseurs et les dons alimentaires, les professionnels n’ont pas réagi à la première piste. Ils ont en revanche indiqué que leurs dons ont sensiblement augmenté.

À la suite de la loi ÉGALIM, le secteur de l’agroalimentaire, notamment, a signé un partenariat avec les banques alimentaires pour ses invendus et produits en fin de vie. Pris au dépourvu par le premier confinement, les acteurs leur ont reversé d’importants excédents. Les associations caritatives et les banques se sont même retrouvées débordées par ces dons, parfois sans pouvoir les stocker et les répartir, au point que Metro a assuré elle-même la distribution des produits alimentaires (et fait des dons aux personnels soignants).

Il reste que si les volumes ont beaucoup progressé, les chiffres peuvent cacher une réalité moins satisfaisante : Pomona a ainsi donné 30 % de plus de denrées alimentaires, mais alors qu’elle fait habituellement des dons tout au long de l’année, après avoir beaucoup donné en mars, son activité ayant fortement baissé, ses dons se sont également nettement réduits les mois suivants. Après les excès du début, les associations sont désormais en manque, face à des besoins en hausse de 30 % et 8 millions de bénéficiaires.

Les dons du Marché de Rungis ont augmenté de 50 %. Mais c’est avant tout en réponse à la demande, car pour les fournisseurs comme les grossistes, leur première démarche est de trouver de nouveaux débouchés pour valoriser leurs stocks. Ces dons ont par ailleurs été organisés autour du « Potager de Marianne », géré par l’Association nationale des épiceries solidaires, le grossiste de l’aide alimentaire, auquel toutes les associations caritatives s’adressent désormais. Selon la Semmaris, cette initiative montre l’intérêt de la massification des flux.

En tout état de cause, les acteurs de la RHD approuvent ces dons qui répondent à des besoins essentiels et résolvent une partie de la problématique des stocks. Mais ils ne règlent pas la perte de trésorerie qu’ils représentent pour leurs entreprises. D’où leur demande d’augmenter le taux de la réduction d’impôt sur les sociétés pour leurs dons en nature à des associations d’aide alimentaire : il est aujourd’hui fixé à 60 % de la fraction du don inférieure ou égale à 2 M€ et à 40 % pour la fraction du don supérieure. Les acteurs ont envoyé au ministre de l’économie un courrier demandant que le taux de 60 % soit porté à 75 %. La FEEF souhaiterait aller jusqu’à une défiscalisation complète.

 

La gestion et la valorisation des stocks d’invendus sont un souci important et récurrent chez tous les acteurs auditionnés par le groupe de suivi depuis le début de ses travaux.

Vos rapporteurs soulignent donc la nécessité de trouver des aides ou des issues qui permettent à la fois d’éviter le gaspillage et d’alléger exceptionnellement la contrainte qu’ils représentent sur la trésorerie des entreprises afin de ne pas obérer les relances futures.

iv. Des contraintes accrues pour obtenir les financements nécessaires à leur reprise

– La pratique des banques consistant à demander une caution personnelle au chef d’entreprise sollicitant un prêt pour financer un projet représente un risque disproportionné dans le contexte actuel. S’il finit par déposer le bilan à cause de la fermeture de ses marchés, l’entrepreneur doit malgré tout rembourser lui-même cet emprunt, tout en ne recevant aucune aide en raison de son statut.

Certains acteurs demandent que les dirigeants soient mieux protégés dans cette crise.

– Enfin, les professionnels dénoncent tous la tendance des assureurs crédits à dégrader la note des opérateurs de la RHD, mais aussi de leurs fournisseurs et grossistes. Cette dégradation des notes serait appliquée globalement aux filières et de manière automatique par certains assureurs. Elle risque donc les empêcher d’obtenir des crédits pour s’approvisionner dans de bonnes conditions et redémarrer leurs activités. Il s’agit d’un risque important pour la reprise en 2021.

Une nouvelle fois, vos rapporteurs rappellent aux banques et aux assureurs qu’ils ont une mission d’accompagnement de l’économie nationale et qu’ils doivent adapter leurs exigences de sécurité financière à l’objectif prioritaire de relancer l’activité de nos entreprises.

c) Des demandes de mesures complémentaires

– Les secteurs dont l’accord d’activité partielle de longue durée (APLD) ne sera pas encore opérationnel en janvier demandent que le régime préférentiel d’accès au chômage partiel mis en place pour la liste S1 bis soit prolongé, au moins jusqu’au 1er février 2021 et, si possible, jusqu’à la fin des fermetures administratives de leurs clients du HCR et de l’évènementiel.

– Concernant les autres dispositifs de soutien, les professionnels demandent « une simplification et une clarification ».

Il s’agit déjà d’améliorer la lisibilité de l’ensemble des aides existantes, non seulement celles de l’État mais aussi celles des collectivités territoriales et des autres instances (organisations professionnelles, notamment).

Les acteurs expriment également une demande de simplification des critères d’éligibilité. Toutefois, il est surtout question d’affinement de la liste S1 bis pour y inscrire les fournisseurs alimentaires des débits de boissons, événementiels et hôtels (l’ANIA suggère la catégorie : « Fabrication de produits alimentaires lorsqu’au moins 50 % du chiffre d’affaires est réalisé avec une ou des entreprises du secteur de la restauration directement ou indirectement via des grossistes avec les secteurs de l’évènementiel [sportif, culturel…], de l’hôtellerie, des débits de boissons et de la restauration hors domicile »).

Il est aussi question, pour l’ANIA et la FEEF, de jouer sur les seuils de CA dans un sens plus favorable aux entreprises : en ramenant le double critère de perte de 80 % de CA entre le 15 mars et le 15 mai conjugué à une perte de 50 % pendant les mois d’octobre et/ou novembre au profit d’un critère unique de perte de 50 % de CA pendant les nouveaux mois de fermeture pour prétendre aux aides renforcées ; ou en mettant en place une aide modulée par palier de perte de CA sans se référer aux seules périodes de fermeture car l’impact sur le CA peut en être décorrélé.

Les professionnels sollicitent également des aides complémentaires « pour sauver le maximum d’emplois »:

– l’accès, pour les secteurs les plus en difficulté de la liste S1 bis, aux mêmes aides bonifiées du Fonds de solidarité que celles accordées début novembre aux secteurs de la liste S1 ;

– l’extension aux secteurs de la liste S1 bis des nouveaux soutiens offerts aux secteurs de la liste S1 (gel des primes d’assurance, la prise en charge par l’État de 10 jours de congés payés) ;

– l’extension des aides aux fournisseurs du secteur événementiel, qui ne redémarrera sans doute pas avant le printemps, de même qu’au commerce de gros des boissons ;

– un nouvel abaissement du seuil de perte de CA exigé pour obtenir des exonérations de charges, afin de contrebalancer la modification de la période de référence (à compter de septembre) ;

– de nouvelles exonérations de charges pour la période d’été en faveur des entreprises dont l’activité n’avait pas repris pendant cette période ;

– des aides à la valorisation des invendus, tel le renforcement de la réduction d’impôt pour les dons alimentaires ;

– une action de l’État pour que les banques acceptent, comme elles l’ont fait au premier confinement, d’offrir systématiquement la possibilité de suspendre les échéances de crédit-bail-mobilier pendant six mois et de les reporter intégralement (capital et intérêts) en fin de contrats, en allongeant la durée du contrat d’autant.

Les plus grandes entreprises souhaiteraient aussi :

– le relèvement des seuils salariaux du Fonds de solidarité et des exonérations de charges ;

– et le relèvement du seuil appliqué aux dispositifs incitant les bailleurs à alléger les loyers commerciaux (qui exclue les entreprises locataires de plus de 5 000 salariés).

d) L’enjeu de la réouverture des restaurants

Les professionnels auditionnés espèrent que les soutiens existants seront prolongés pour les aider à tenir en période de sous-activité, le temps de la fermeture des opérateurs de la RHD et au-delà car certaines conséquences économiques perdureront et le redémarrage de l’activité pourrait être très progressif.

Mais ils savent que cela ne peut durer indéfiniment, alors que le virus ne sera sans doute pas vaincu avant plusieurs mois. Ils ne souhaitent pas non plus vivre sous perfusion, ni rester inactifs face à l’accumulation des menaces pour leurs entreprises.

Ils appellent donc à la réouverture des restaurants, seule susceptible de relancer leurs filières RHD, même si cela se fait par étapes, avec des protocoles renforcés, comme l’application d’une jauge et des règles de distanciation supérieures, qui limiteraient leur activité pendant quelque temps. Leurs collègues y seraient prêts, disent leurs fournisseurs et leurs grossistes

L’objectif est en effet de reprendre une activité sans risquer un retour en arrière. Car pour redémarrer sérieusement une activité, investir, recruter, et retrouver le moral, les entreprises ont besoin de visibilité.

Dans ce but, certains conseillent de mener une étude approfondie sur la réalité des risques de contamination dans les établissements de restauration mettant en œuvre les protocoles sanitaires prévus. L’étude menée par les chercheurs de l’Université de Stanford aux États-Unis a certes présenté les restaurants comme des lieux de forte contamination ; mais elle évaluait des établissements américains n’appliquant pas des gestes barrières et des protocoles aussi poussés qu’en France.

Tous éprouvent le besoin d’objectiver les analyses et de rationaliser les décisions en découlant. Les professionnels ont entendu dire que l’Institut Pasteur pourrait avoir été missionné pour mener une telle étude ; ils conseillent d’associer les organisations professionnelles et les acteurs de la RHD, qui seraient prêts à l’aider.

Certains ont fait l’expérience de la poursuite d’une activité et du maintien d’une restauration d’entreprise sans qu’aucun foyer de contamination n’apparaisse, et ce, en dépit des malades qu’ils ont comptés parmi leurs employés. Cela a bien fonctionné grâce au strict respect d’un protocole exigeant. Ils ont l’intuition que ces constats pourraient se retrouver dans la restauration commerciale.

Vos rapporteurs soutiennent cette demande d’objectivation des décisions relatives aux activités mises en cause dans la propagation du virus et des consignes données et recommandent également la réalisation d’une étude rigoureuse sur la réalité des risques en tenant compte des mesures de protection prises.

Ses résultats pourraient constituer d’importants outils d’aide à la décision.

D’aucuns suggèrent que cette réouverture soit l’occasion de responsabiliser davantage les corps intermédiaires, les autorités décentralisées comme les syndicats professionnels pour qu’ils assument une partie de la gestion de la crise si elle devait durer.

En tout état de cause, les professionnels souhaiteraient que les décisions sanitaires soient communiquées dans des délais leur permettant d’anticiper leurs conséquences.

En attendant la réouverture des restaurants, pour renforcer les ventes à emporter et ne pas perdre tous les bénéfices de la fin d’année, Metro France a lancé avec l’UMIH, le GNI et la CGAD une action solidaire dénommée « Place aux Restos » qui encourage les maires à donner de la place à la restauration sur leurs marchés locaux.

II. La restauration collective dans la crise

La restauration collective représente près de la moitié des repas pris hors foyer en France. Elle génère un chiffre d’affaires annuel de 18 Md€ et emploie 300 000 personnes, ce qui en fait le cinquième secteur d’emploi de notre pays.

Les 81 495 restaurants collectifs de France servent 3,6 milliards de repas par an : 3,4 millions de repas sont distribués chaque jour dans les secteurs de la santé et du médico-social ; 7,4 millions par jour sont destinés au secteur de l’enseignement ; enfin, la restauration collective destinée aux entreprises et aux administrations représente 1,9 million de repas quotidiens, dont 80 % dans le privé.

40 % des restaurants collectifs fonctionnent sous contrat (ou en gestion concédée), lorsque la réalisation des repas est confiée à une société de restauration externe (3,8 millions de repas par jour), et 60 % en gestion directe, lorsque la réalisation des repas est gérée en interne.

Le secteur de la restauration collective est organisé autour de deux principales associations auditionnées par le groupe de travail : Restau’Co, le réseau interprofessionnel de la restauration collective en gestion directe et le Syndicat national de la restauration collective (SNRC), le syndicat professionnel de la restauration collective sous contrat.

A. Les conséquences économiques

La crise sanitaire a impacté l’ensemble des acteurs de la restauration collective. Certains ont fermé, notamment tout le secteur scolaire pendant le premier confinement ; d’autres sont restés ouverts, comme dans l’entreprise et l’administration. Tous ou presque ont vu leur activité réduite en raison des protocoles sanitaires appliqués et du développement du télétravail.

– Une étude réalisée par Restau’Co sur la restauration en gestion directe témoigne de fortes baisses du nombre de repas sur l’année 2020 : - 53 % pour le monde du travail, - 41 % dans l’enseignement et - 15 % dans le secteur de la santé. La baisse totale en nombre de repas est estimée à - 23 %.

La fermeture des écoles et universités a pesé particulièrement lourd pendant le premier confinement ; mais la réouverture des écoles a permis de relancer ensuite une partie notable de ses activités.

Et si la restauration collective en gestion directe rencontre des difficultés à retrouver ses convives, en particulier dans le secteur du travail, elle est globalement moins touchée que la restauration collective sous contrat.

– Une étude IRI GIRA Foodservice sur les restaurants d’entreprises a montré qu’au printemps 30 % des actifs étaient en télétravail 3,2 jours en moyenne par semaine et qu’ils n’étaient plus que 14 % pendant l’été.

Sur les seuls adhérents du SNRC (le tiers des entreprises, dont les plus grands opérateurs comme Elior, Sodexo et Compass), les pertes du premier confinement sont estimées à 1 Md€ et celles du second à 500 M€, pour un CA annuel habituel de 5,6 Md€ et des marges faibles.

Parmi les adhérents du SNRC, le premier confinement a été particulièrement violent avec un arrêt quasiment total des activités du secteur. 50 000 salariés ont été mis en activité partielle. Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, ont été touchées. Avec le report des opérations chirurgicales, même les entreprises travaillant avec les hôpitaux ont été affectées. Mais ce sont les entreprises les plus exposées aux secteurs du travail et de l’éducation qui ont connu les pires baisses d’activité.

Le deuxième confinement a un moindre impact. La fréquentation dans les secteurs de la santé et du médico-social est quasiment normale (le recul est au maximum de – 2 %). Le segment de l’éducation subit tout de même une baisse de 10 % de son activité en raison de la fermeture des établissements d’enseignement supérieur et de la moindre fréquentation des cantines scolaires.

Dans le monde de l’entreprise, l’impact est bien plus important avec la généralisation du télétravail. L’activité y a ainsi baissé de 40 % à 70 %, particulièrement en région parisienne.

Interrogées par le groupe de travail, les deux organisations professionnelles ont indiqué n’avoir reçu aucune demande pour accueillir les artisans et autres travailleurs en extérieur qui sont actuellement privés de restaurants.

Les conséquences de la crise sanitaire viennent interroger la pérennité même de la restauration en entreprise, parce qu’elles dépendent totalement de leurs clients, ne pouvant se rabattre sur des solutions alternatives comme le click and collect. Les sociétés aux clientèles plus diversifiées résisteront mieux à la crise. Mais les entreprises les plus exposées au segment du travail en région parisienne sont en grande difficulté. Certaines sociétés ont déjà engagé des PSE. Le SNRC anticipe la suppression de 6 000 à 7 000 postes chez ses adhérents.

Or, ces restaurants d’entreprise assurent une mission sociale fondamentale en offrant des repas à prix plus accessibles et dans des lieux protégés à ceux qui travaillent sur place.

Le soutien de l’État jusqu’à l’après-covid est donc absolument essentiel.

B. Des aides nationales à la hauteur des dégâts mais dont la prolongation reste à confirmer

Le secteur de la restauration collective sous contrat a pu obtenir des ministères de l’économie et du travail d’être inscrit sur la liste S1 du Fonds de solidarité comme secteur très touché par la crise et de pouvoir bénéficier de la prise en charge à 100 % de son activité partielle.

Il observe à ce sujet que distribuant un treizième mois à ses salariés, son reste à charge n’est en réalité pas nul, mais de 20 %.

Quoi qu’il en soit, ces soutiens furent vitaux pour ces entreprises. « Sans eux, le secteur n’aurait pas passé l’été », affirme le SNRC.

Aujourd’hui, les aides renforcées accordées aux secteurs de la liste S1 sont reconduites en janvier 2021 et en février pour les plus touchés. La restauration collective sous contrat demande à faire partie de ce dernier groupe.

Le report des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) était également une aide appréciée par le secteur ; mais la réduction de moitié de ces cotisations, prévue par le projet de loi de finances pour 2021, l’est plus encore. La mesure vise plutôt à aider la relance de l’économie, mais dans l’immédiat elle apportera une bouffée d’oxygène supplémentaire.

Les acteurs de la restauration collective se sont, pour leur part, attachés à préserver leurs fournisseurs dans toute la mesure du possible en obtenant de leurs donneurs d’ordre d’être plus souples sur leurs exigences en matière de produits frais. Cela permet d’écouler un peu leurs stocks surgelés.

C. Des contraintes qui pourraient peser sur l’avenir de certains segments

Les deux organisations professionnelles relèvent diverses contraintes qui pourraient peser sur la relance de leurs activités :

– Le SNRC demande la suspension du système des bonus-malus appliqués aux entreprises de plus de 11 salariés recourant aux contrats à durée déterminée : si 94 % de leurs effectifs sont en contrat à durée indéterminée, les établissements ont besoin d’un volant d’adaptation pour remplacer les absences. En outre, ils devront désormais expérimenter de nouvelles approches pour rebondir sans se mettre en danger. Le secteur craint que l’application non différenciée du système ne pèse plus lourdement sur les entreprises les plus touchées par la crise. Des rumeurs laissent entendre qu’il serait suspendu jusqu’en 2022 ; les acteurs de la restauration collective souhaiteraient que cela soit jusqu’en 2023 ;

– Restau’co signale qu’à peine le confinement levé, on a à nouveau demandé aux hôpitaux de faire des économies sur leurs subventions alimentaires. Elle souhaiterait qu’un budget alimentaire minimum soit durablement établi pour sécuriser les gestionnaires des hôpitaux, qui relèvent par ailleurs de la lourde obligation, introduite par la loi ÉGALIM, de mener des diagnostics sur le gaspillage des repas servis (par des pesées des aliments jetés ou des restes consommables).

Sur ce point, les gestionnaires publics doivent mettre au point une façon de procéder avec leurs fournisseurs qui n’est pas envisageable aujourd’hui avec des acteurs affaiblis.

Le SNRC signale que ses adhérents auront des difficultés pour atteindre l’objectif de 50 % des opérateurs engagés dans cette démarche en 2022 : ils ne sont encore que 3 % dans le secteur médico-social, 6 % dans les restaurants d’entreprise et 2 % dans l’enseignement privé. Seule la restauration suivie par les collectivités territoriales atteint déjà une proportion de 25 % et devrait réussir à rejoindre l’objectif dans les délais.

Mais l’État lui-même est loin de cet objectif. Même s’ils ont tous signé la Charte ÉGALIM, de nombreux cahiers des charges ne reconnaissent toujours pas cette mission supplémentaire ;

– Toutes deux attirent l’attention sur la difficulté de respecter les exigences de la loi contre le gaspillage et l’économie circulaire en matière de contenants plastiques à usage unique en cette période.

Vos rapporteurs soulignent la nécessité de définir des objectifs atteignables et trouveraient légitime d’adapter le calendrier pour atteindre l’objectif donné par la loi ÉGALIM à la nouvelle situation créée par la crise sanitaire.

D. Les difficultés logistiques

La crise sanitaire a précipité l’ensemble des acteurs de la restauration collective dans une course à l’adaptation et à la recherche de solutions, afin de continuer à assurer les repas d’une partie de la population.

L’une des principales difficultés pour les acteurs de la restauration collective a été d’obtenir des informations claires et précises sur les règles à appliquer. Des restaurants du secteur public se sont ainsi retrouvés dans l’obligation de fonctionner hors cadre réglementaire précis. Les protocoles sanitaires officiels ont en effet tardé à être formalisés et les dérogations nécessaires pour les achats publics ont été particulièrement difficiles à mettre en place. Bien que les écoles aient été fermées, des cantines scolaires ont également été amenées à fournir des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des hôpitaux sans convention pour organiser ces collaborations.

Les établissements demandent donc que l’on anticipe les crises qui pourraient ressurgir en écrivant les cadres réglementaires d’urgence – qui pourraient se fonder utilement sur leurs expériences actuelles.

L’émergence de nouveaux besoins, auxquels il a fallu répondre en urgence, a également fortement impacté la restauration collective. De nombreux exemples ont été évoqués par les acteurs auditionnés, comme le manque de matériel dans les EHPAD pour nourrir les personnes âgées confinées dans leur chambre ou la prise en charge des enfants ne mangeant plus à leur faim dans les familles les plus en difficulté.

Les acteurs de la restauration collective témoignent également d’un manque de coordination entre acteurs publics. Par exemple, parce que les agences régionales de santé (ARS) s’étaient préparées à l’arrivée de l’épidémie alors que leur territoire était encore peu touché par la contagion, les lits d’hôpitaux ont été sous-occupés dans certaines zones, quand d’autres au contraire étaient en suractivité. Aussi, d’un côté, leurs restaurants ont tourné au ralenti et, de l’autre, ils n’ont pu répondre à tous les besoins. Il est regrettable qu’il n’y ait pas eu un dialogue plus abouti entre les différentes ARS, qui leur aurait permis de mieux adapter et anticiper l’allocation de leurs ressources.

Le SNRC et Restau’Co avaient pourtant réalisé une cartographie des points névralgiques de leurs réseaux, ceux où il faut garantir la restauration des services publics les plus stratégiques, afin de prioriser la répartition de leurs moyens et d’identifier des lieux alternatifs à proposer à ces clients. Cette cartographie a été transmise au Secrétariat général de la défense et de la sécurité national (SGDSN) mais ne semble pas avoir reçu d’écho, à leur grand regret.

En tout état de cause, pour pallier dans le futur à ces difficultés logistiques, Restau’Co formule plusieurs recommandations :

– S’appuyer sur le secteur public, dont la continuité d’activité permet de réagir face aux besoins émergents liés à une situation de crise ;

– Créer une coordination de la restauration collective par territoire : une coordination inter‑administrations pour entendre les besoins des établissements et faciliter les échanges ;

– Recenser les compétences par territoire (à différentes échelles) afin de pouvoir les mutualiser ;

– Établir un plan de continuité d’activité du territoire en cas de crise : les établissements ont besoin de protocoles validés et pouvant être actionnés par chaque acteur selon ses besoins ;

– Et prévoir des assouplissements permettant des adaptations à la situation locale.


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 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

____________________________________ LIBERTÉ - ÉGALITÉ – FRATERNITÉ

Groupe de suivi des conséquences économiques du confinement

 

Le 12 janvier 2021

7.   Spectacles vivants et scènes privées – salles de cinéma – événementiel

 

Mi-décembre, plusieurs organisations professionnelles du cinéma, du spectacle vivant et du monde de la culture ont saisi le Conseil d’État de recours en référé-liberté contre la décision gouvernementale de prolonger la fermeture de leurs établissements.

Le 23 décembre, le Conseil d’État a confirmé le maintien de la fermeture de tous les lieux culturels au vu du contexte sanitaire général critique, de sa dégradation et du risque d’augmentation de l’épidémie à court terme (prenant notamment en compte l’apparition d’un nouveau variant de la Covid au Royaume‑Uni).

Il indique néanmoins que, dans un contexte plus favorable, leur fermeture au public ne pourrait être maintenue au seul motif qu’il existe un risque de transmission du virus aux spectateurs, indépendamment du contexte sanitaire général.

« La fermeture des [cinémas, théâtres et salles de spectacle] porte une atteinte grave aux libertés, notamment à la liberté d’expression, à la liberté de création artistique, à la liberté d’accès aux œuvres culturelles et la liberté d’entreprendre [alors que les protocoles sanitaires mis en place sont de nature à réduire le risque de transmission du virus]. Le seul fait qu’une partie des activités concernées pourrait demeurer accessible au public à travers d’autres supports ou de manière dématérialisée ne saurait faire disparaître cette atteinte. »

De fait, les divers acteurs auditionnés considèrent qu’il est immérité de les soupçonner d’être sources de risque pour les spectateurs et visiteurs dès lors qu’ils mettent en œuvre toutes les mesures barrière. Ils citent notamment un test mené en réel en décembre à Barcelone sur un concert recevant 500 spectateurs qui aurait confirmé cette assurance.

I. Le spectacle vivant et les scènes privées

A. Le spectacle musical et de variété privé

1. Le secteur face à la crise

Le spectacle musical et de variété réunit les concerts de musiques actuelles, les comédies musicales et l’humour (sédentaires et itinérants). Le Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de la variété) est le premier représentant des producteurs et diffuseurs de spectacles, des organisateurs de festival et des exploitants de salle privés. En 2017, ses 344 adhérents sont à 84 % des PME et en majorité des microentreprises, implantées partout sur le territoire. Ils ont assuré 11 300 représentations payantes, 12,9 millions d’entrées (soit 45 % de la fréquentation totale du secteur des spectacles musicaux et de variété) et 534 M€ de recettes de billetterie (soit 57 % du secteur). Ils ont organisé 113 festivals et exploitent 90 salles. Leur chiffre d’affaire (CA) cumulé direct est de 1,7 Md€ ; il équivaut aux trois-quarts de l’ensemble du secteur musical et de variété (2,3 Md€ en 2017 selon l’estimation d’EY). Enfin, ces entreprises emploient 135 000 salariés, soit 54 % de la masse salariale du secteur.

Mais leur modèle économique est fragile, avec des marges nettes très faibles, voire négatives (en raison de la forte concurrence autour des têtes d’affiche). Or, leur taux de subvention est de moins de 5 %, soit la moitié du taux de subvention estimé pour l’ensemble du secteur musical et de variété (étude EY parue en 2016), loin du taux de 30 % pour l’ensemble des industries culturelles et créatives.

Les spectacles sont, à 95 %, arrêtés depuis le 15 mars, impactant les quatre métiers de la filière. L’interdiction des spectacles en jauge debout depuis le début et la limitation des places assises à 1 000 personnes après le premier confinement n’ont en effet permis qu’à un très faible nombre d’entreprises de redémarrer leurs activités pendant l’été, dans la plus grande incertitude. Sans système d’horodatage autorisant son dépassement, le couvre‑feu a un peu plus compliqué l’organisation des spectacles, avant que le reconfinement ne stoppe tout.

Sur la période, les entreprises du spectacle vivant ont ainsi subi une chute d’au minimum 84 % –peut‑être 90 % – de leur chiffre d’affaires en 2020, soit un recul d’au moins 1,4 Md€, et des pertes nettes évaluées à environ 176 M€. (Chiffrage de l’étude d’impact du Covid-19 sur le secteur du live réalisée par EY et le Prodiss en mai 2020)

Elles estiment enfin que le premier trimestre 2021 est d’ores et déjà perdu pour leurs activités et qu’en tout état de cause, les spectacles en jauge debout seront les derniers à reprendre. 2021 pourrait être pire que 2020.

Structurellement fragiles, les entreprises du spectacle vivant privé font désormais face à une trésorerie exsangue. La santé financière de 51 % des entreprises du live est menacée – et, par répercussion, 46 % des emplois permanents et 76 % des emplois intermittents du secteur.

2. Les aides

Ces dispositifs sont considérés par les professionnels comme de véritables « béquilles » pour leurs entreprises. C’est la raison pour laquelle le Prodiss demande au Gouvernement une stabilité des dispositifs de soutien et une plus grande simplicité face à la crise qui se prolonge, car l’évolution constante des règles entretient l’incertitude sur les aides dont elles pourront bénéficier et sur leurs perspectives financières, ce qui est désastreux.

En outre, les reprises ne se feront sans doute pas à la même vitesse dans tous les secteurs et seront très progressives (même si rien n’est arrêté à ce jour). Le Prodiss sollicite donc la prolongation du régime renforcé de l’activité partielle jusqu’au 31 décembre 2021.

Or, le dernier décret laisse entendre que l’indemnisation (à 100 % aujourd’hui) serait maintenue pour les lieux fermés administrativement mais baisserait à partir de février pour les entreprises étroitement liées alors que leur activité demeure interdite.

L’organisation demande aussi la prolongation des exonérations des cotisations sociales patronales jusqu’au 1er juillet 2021. Elle revendique par ailleurs que cet allègement s’applique aux producteurs de spectacles et pas seulement aux salles.

Le Prodiss s’étonne enfin du renforcement du Fonds de solidarité promis aux restaurateurs, sans que la situation de ces derniers n’explique une différence de traitement par rapport à leurs propres métiers interdits de travailler depuis près de dix mois.

Il s’agit d’éviter les faillites d’entreprises très affaiblies, mais aussi d’accompagner l’élaboration des futurs spectacles, dans lesquels elles ne sont plus en mesure d’investir à nouveau. C’est d’autant plus nécessaire que les entreprises continueront à subir des pertes de CA faute de recettes suffisantes (le point d’équilibre économique des projets se situerait autour de 70 % de remplissage des spectacles) et pourraient ne pas dégager de recette avant la fin de l’année, voire même 2022 pour les productions les plus importantes. « Il faudra passer d’un plan de sauvegarde à un véritable plan de relance ».

Quant aux PGE, le Prodiss a réalisé une enquête auprès de ses adhérents mi-décembre. Il apparaît que près de 60 % des répondants ont fait une demande de PGE ou ont une demande en cours et que les deux-tiers ont obtenu la somme demandée. Cependant, ce recours reste une démarche difficile pour des entreprises sans perspective de reprise et qui craignent la charge des intérêts. 15 % des répondants ont ainsi déclaré avoir renoncé par crainte de l’endettement.

– Succédant au fonds de secours mis en place pendant le premier confinement, un Fonds de sauvegarde a été créé à l’automne pour éviter les défauts des entreprises, soutenir l’emploi et la production des entreprises du secteur, avec des aides en grande partie non remboursables, pouvant monter jusqu’à un total de 120 000 €.

Le Prodiss souligne la nécessité que les entreprises du secteur y restent éligibles pendant au moins tout le premier semestre 2021, afin d’accompagner une reprise qui sera progressive ;

– Un Fonds de compensation des pertes de billetterie a été créé le 1er octobre et doté de 40 M€ pour soutenir les représentations en jauge dégradée. S’appliquant initialement aux représentations réalisées entre septembre et décembre, il vient d’être étendu aux spectacles se tenant jusqu’au 30 juin 2021. Il se concrétise par une avance de trésorerie équivalant à 40 ou 60 % des recettes ordinaires, dans la limite de 500 000 € sur une année glissante (250 000 € pour une représentation musicale, 1 M€ pour certains cabarets).

Le Prodiss souhaiterait que les entreprises du spectacle vivant puissent choisir entre ce mécanisme spécifique et le Fonds de solidarité de droit commun, pour actionner le dispositif correspondant le mieux à leurs besoins ;

– Le Fonds de soutien aux diffusions alternatives contribue enfin au financement d’une ou plusieurs représentations organisées à partir du 1er novembre et faisant l’objet d’une diffusion alternative, notamment sous la forme d’une captation audiovisuelle retransmise en direct ou en différé. L’aide est plafonnée à 50 % du coût global du projet et à un total de 250 000 €.

Le Prodiss souligne deux limites importantes des dispositifs sectoriels :

 Le mécanisme de compensation des pertes de billetterie ne s’applique, de fait, que si les spectacles peuvent se tenir, ce qui n’est plus le cas depuis fin octobre. Il faut donc rembourser ces avances si les représentations sont annulées ;

 Seuls 115 M€ (soit un quart des 432 M€ annoncés pour le spectacle vivant dans le cadre du plan de relance) viendront finalement soutenir les entreprises privées du secteur dans le budget 2021, contre 200 M€ pour le spectacle vivant subventionné.

3. Perspectives

Le Prodiss a par ailleurs défendu le renforcement du crédit d’impôt Spectacle vivant (CISV) pour relancer durablement les investissements et donc l’activité. Il est réservé aux spectacles musicaux ou de variété. « Il a fait ses preuves en termes de création de spectacles et donc d’emplois ; il est particulièrement vertueux pour les petites entreprises ».

L’organisation souhaiterait que l’on revienne aux dispositions votées par le Sénat le 23 novembre et rejetées par l’Assemblée nationale dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances pour 2021.

Elles conjuguaient le relèvement des taux du CISV de 15 à 20 % et de 30 à 40 % et l’augmentation des plafonds par projet et par entreprise, en cohérence avec le relèvement des taux :

– de 500 000 € à 750 000 € euros par spectacle ;

– de 750 000 € à 1 M€ par exercice et par entreprise.

Ce nouveau dispositif accompagnerait mieux les entrepreneurs dans la prise de risque que représente le lancement d’un spectacle. En effet, 30 % du budget est engagé avant la première représentation d’une tournée ; plus de 60 % l’est 30 jours avant la tenue d’un festival et 90 % la veille.

Il les encouragerait ainsi à investir dans de futurs projets et à recruter de nouveaux salariés.

Le Prodiss rappelle enfin les différences de situation entre le secteur public et le secteur privé du spectacle vivant : le premier a la capacité de reprendre vite car il ne dépend pas de la billetterie.

Le secteur privé a un modèle différent : la billetterie constituant 95 % de leurs revenus, ses entreprises n’ont pu continuer les répétitions ou lancer de nouvelles productions faute de perspectives réalistes de reprise ; et elles sont plus fragiles pour aborder la reprise. Leur réactivité dépendra des conditions de réouverture (son anticipation, le calendrier de la programmation, les modalités de protection, la jauge…).  Le secteur privé a donc besoin de visibilité sur le calendrier des étapes et les exigences sanitaires, mais aussi de temps pour relancer le processus de création et de répétition et de temps pour communiquer et commercialiser les billets. La remise en route des spectacles, tournées et festivals nécessite des durées de préparation incompressibles, qui augmentent avec la taille des projets (variant entre 3 et 24 mois).

Ces paramètres vont déterminer quels types de spectacles seront susceptibles d’être joués et à quel moment. Pour les acteurs du secteur, le calendrier devrait être coconstruit avec le Gouvernement. Il ne peut être le même pour tous et surtout il doit s’accompagner du maintien des dispositifs de soutien pour accompagner la relance, tout en tenant compte de la différence entre le calendrier de réouverture des lieux et celui de la reprise effective des spectacles. D’autant que les mesures de distanciation sociale compliqueront la rentabilisation des projets ; et que le retour du public reste incertain.

Le Prodiss suggère des phases d’expérimentation : des concert-tests dans des enceintes fermées et en plein air, avec du public assis et en jauge debout, encadrés par des protocoles sanitaires. L’organisation professionnelle a présenté en décembre un projet au ministère de la culture en s’appuyant sur des exemples européens (Allemagne et Espagne).

B. Les scènes privées des théâtres et cabarets

1. Les filières face à la crise sanitaire

Sauf évènements exceptionnels, leur activité est globalement régulière d’un exercice à l’autre – mais pas dans l’année : le premier trimestre représente à peine 20 % de l’activité, alors que le quatrième trimestre représente plus de 32 % voire 40 % pour certains cabarets en région.

Depuis mars 2020, le secteur n’a été autorisé à faire jouer ses artistes devant le public sans masque et sans respect permanent des distanciations que début septembre. Or, à l’instar des spectacles musicaux, une réouverture demande du temps, d’autant plus qu’il faut remettre les danseurs et circassiens en forme physique après une si longue fermeture. Un délai minimum de 4 à 5 semaines est nécessaire. En conséquence, les réouvertures n’ont été effectives que fin septembre, pour s’arrêter à partir du 16 octobre. Si les deux confinements ont tout stoppé, l’activité est donc restée presque nulle entre les deux. Quant à ceux qui ont essayé de rouvrir, ils ont supporté des frais supplémentaires de répétitions et de commercialisation, pour environ 1,2 M€, sans retour sur investissement.

L’année 2020 a ainsi subi une perte de 80 % à 85 % du CA et de 40 M€ de résultat d’exploitation. Et les trésoreries sont désormais négatives, avec un début d’impayés pour certaines entreprises.

Plus profondément, le syndicat patronal des cabarets, music-halls et lieux de création (CAMULC) souligne que le reconfinement et l’absence totale de visibilité ont fait perdre espoir au secteur.

La hausse du chiffre d’affaires du secteur entre les exercices 2018 et 2019 montrait la vitalité du secteur : selon les extrapolations de l’Association de soutien des théâtres privés (ASTP), la billetterie a représenté à elle seule 188,5 M€ de recettes en 2019, en progression de 10,2 %. Une dynamique portée par les hausses du nombre de représentations et du nombre de billets vendus, tout en conservant un prix moyen des billets globalement stable.

L’ASTP observe en outre que ces salles de spectacle sont sources d’emploi local, de développement et de dynamisme économiques et sont pourvoyeuses de lien social.

À l’exception d’une poignée de salles, leur activité a été totalement arrêtée entre la mi‑mars et septembre ; et quasiment toutes les tournées ont été annulées. Les salles sont en effet restées fermées jusqu’en août ; puis une jauge a d’abord été fixée à 30 %, ce qui interdisait la réouverture de nombreux établissements. Elle est remontée à 50 % en septembre ; mais certaines des plus grandes salles ont été maintenues fermées. Le couvre-feu a ensuite empêché toute multiprogrammation (sur plusieurs horaires), essentielle à l’équilibre économique des petites salles. De fait, tout est arrêté depuis le 17 octobre, soit les mois d’activité les plus denses pour la filière (qui y réalise 33 % de son CA).

L’ASTP (qui perçoit la taxe sur la billetterie des spectacles produits et diffusés dans la filière du spectacle vivant privé théâtral, hors musique) estime les pertes de chiffre d’affaires de la filière en 2020 entre 143,2 M€ (sur la base 2019) et 161,7 M€ (en tenant compte de la tendance haussière), soit – 62% à – 65%. Toutefois, ces proportions globales cachent des différences de situation : les adhérents du SNDTP auront perdu entre 58 % pour les théâtres les moins affectés (notamment les petits lieux qui ont pu reprendre plus rapidement et avoir une activité pendant l’été) et jusqu’à – 85% du CA pour d’autres.

L’absence de recettes a plus particulièrement pesé sur les entreprises de spectacle qui ont repris une activité en amont du déconfinement, en misant sur la date présumée de réouverture, et engagé des dépenses à ce titre. Certains acteurs estiment que leurs pertes sur cette période sont deux fois plus élevées que s’ils n’avaient pas repris leur activité.

En ce début d’année 2021, les entreprises se retrouvent donc avec des trésoreries négatives, les charges engagées pour la relance de l’activité en septembre n’étant pas compensées par les aides publiques.

Au-delà du bilan économique, le SNDTP a relayé le sentiment des professionnels d’avoir été « sacrifiés ». Ils déplorent le manque de concertation.

2. Les aides

Réunis dans un syndicat commun, Scènes, le SNDTP et le CAMULC expliquent que les charges de personnel constituent entre 45 et 50 % des dépenses de leurs entreprises et que leurs autres charges fixes incompressibles représentent, selon la situation géographique du théâtre ou du cabaret et sa taille, de 25 % à 30 % des charges habituelles, soit entre 8,5 M€ et 9 M€ par mois.

L’ASTP précise que le poids de ces charges (avec la masse salariale des personnels permanents) est d’autant plus élevé que le nombre de places diminue : de 27,63 % du CA à plus de 800 places à 46,48 % pour une jauge jusqu’à 250 places. La moyenne est à 33,45 % du CA.

Or, la filière s’autofinance par ses recettes de billetterie à plus de 80 % et doit réinvestir son CA dans ses activités pour générer de nouveaux revenus. Son modèle économique génère donc un niveau de trésorerie très faible en temps normal. L’arrêt de l’exploitation sur neuf à dix mois les prive non seulement de leurs principaux revenus mais aussi de leurs capacités à investir.

Les acteurs regrettent d’ailleurs que les PGE ne servent, de fait, qu’à financer des pertes et non des investissements. Les entreprises se retrouvent au final fortement endettées (au regard de leurs fonds propres limités), avec une capacité très réduite d’emprunter pour investir. Et si l’ASTP assure que la filière du spectacle théâtral privé est relativement bien bancarisée et que l’IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles) a notamment consenti des prêts à court-terme pour détendre la trésorerie de certaines entreprises, malgré tout, le CAMULC et le SNDTP signalent que des adhérents ont eu des difficultés à obtenir un PGE.

Parmi les aides accordées à l’ensemble des entreprises, les filières ont aussi apprécié les exonérations de charges sociales et ont émargé au Fonds de solidarité, dont les compensations ont été réhaussées pour octobre et novembre (jusqu’à 10 000 €) puis renforcées pour décembre (à hauteur de 15 à 20 % du CA, dans la limite de 200 000 €).

Selon les projections de Scènes, les pertes d’exploitation s’élèveraient à un minimum de 60 M€ sur 2020 pour leurs filières ; elles auraient été au moins doublées sans les aides générales et sectorielles (cf. ci-après). Pour décembre, le cumul de ces aides devrait permettre de couvrir 60 % du CA des exploitants de théâtre et 40 % des charges des entrepreneurs de spectacles.

Les acteurs saluent l’importance des soutiens public. Mais ils en soulignent les limites :

– ces aides ne sont pas adaptées aux PME les plus importantes, ni même aux ETI, parce qu’elles en sont exclues ou que les plafonds sont trop faibles ;

– le dispositif d’aide en matière d’activité partielle des intermittents est insuffisant, laissant un important reste à charge pour les « congés spectacle » ;

– le crédit d’impôt destiné aux bailleurs est intervenu trop tard pour 2020. Les loyers ont pesé lourdement.

Les professionnels dénoncent aussi le défaut de soutien de leurs assureurs.

L’ASTP distribue en temps normal le produit de la taxe sur la billetterie des spectacles produits et diffusés dans la filière du spectacle vivant privé théâtral, qui s’élevait à 6,6 M€ en 2019, afin d’accompagner les entreprises dans leur structuration économique, d’une part, et dans le développement de projets artistiques originaux et de qualité, d’autre part. Avec la crise, l’association a également été chargée par le ministère de la Culture et la Ville de Paris de la gestion de différents fonds d’urgence, qui s’adressent uniquement aux théâtres :

- Le premier fonds d’urgence pour le spectacle vivant (FUSV1) a permis de verser des aides équivalentes à la prise en charge de 55 à 90 % des charges fixes des acteurs de la filière, hors masse salariale. Les aides versées étaient soumises à des coefficients de minoration par tranche (en fonction des jauges appliquées) et en cas d’actionnariat commun à plusieurs établissements. Enfin, des dispositions spécifiques était par ailleurs prévues pour les compagnies peu ou pas subventionnées (leur apportant des aides plafonnées à 15 000 annuels). 6,05 M€ ont été versés à 1 219 exploitants de théâtres, entrepreneurs de spectacles et compagnies, dont 2,64 M€ à 821 entreprises en région.

Mais il s’agissait d’aides ponctuelles et le dispositif n’était prévu que pour 10 semaines, soit la durée du premier confinement, alors que les fermetures se sont prolongées au‑delà.

- Le deuxième volet du FUSV (FUSV2) n’a été lancé que le 23 décembre. Il permet cependant une prise en charge de 100 % des charges fixes, hors masse salariale, sur le dernier quadrimestre 2020, des dispositions spécifiques étant à nouveau prévues pour les compagnies (financements publics limités à 15 000 €). Les cirques « traditionnels », non subventionnés, sont également éligibles à ces soutiens. Le total des aides délivrées dans le cadre des FUSV1 et FUSV2 et du fonds de sauvegarde du CNM est toutefois plafonné à 500 000 €.

Au 6 janvier 2021, 388 entreprises (exploitants, entrepreneurs, compagnies), dont 240 en région, avaient déjà obtenu un accord pour un montant total de 8,87 M€ (2,3 M€ en région).

– Depuis le 1er septembre, deux autres fonds d’urgence ont été activés pour couvrir les nouvelles pertes jusqu’à la fin de l’année 2020 :

. Le Fonds de compensation pour le spectacle vivant privé Billetterie (FCSV Billetterie) devait permettre de compenser les pertes de recettes liées aux mesures de distanciation et de réduction de jauge intervenues au dernier quadrimestre 2020, avec un taux de financement de 20 à 40 % des ventes « normales ». Le plafond de l’aide a été porté à 300 000 € en décembre.

Au 30 décembre 2020, seules 190 entreprises avaient reçu 2,47 M€. Selon l’ASTP, le faible recours au fonds s’explique par le fait que les mesures sanitaires n’ont pas permis de relancer une vraie exploitation et ont donc rendu caduc le principe d’une compensation des pertes de recettes de billetterie. Il peut aussi s’expliquer par le fait que les aides de compensation billetterie distribuées par le CNM se sont avérées, selon les témoignages des adhérents de l’ASTP, très supérieures à celles octroyées par le FCSV Billetterie, avec un coefficient multiplicateur de 1 (pour le spectacle vivant privé théâtral) à 4 voire 5 (pour le spectacle vivant musical et de variétés) ;

. Et le Fonds de compensation pour le spectacle vivant privé Annulation (FCSV Annulation). Visant à compenser les pertes de recettes liées aux annulations de spectacles intervenues sur le dernier quadrimestre 2020, il rencontre la même limite.

Au 30 décembre 2020, seules 106 entreprises ont reçu 0,47 M€. Toutefois des demandes peuvent encore être déposées.

L’intention est généreuse. Mais selon les professionnels, les critères du nouveau 12° de la section V du chapitre II du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts le rendrait inaccessible à de nombreux spectacles.

Le d du 2° du II de l’article 220 sexdecies impose en effet que le spectacle dispose d’au moins six artistes au plateau, le limitant aux productions d’une certaine importance ; et le e exige qu’il soit programmé pour plus de vingt dates sur une période de douze mois consécutifs dans au moins deux lieux différents, excluant les spectacles sédentaires.

En outre, la liste des frais de personnel, permanent ou non permanent, ciblés omet les techniciens attachés de façon permanente à un lieu.

Quant au crédit d’impôt Spectacle vivant (CISV, cf. supra), les cabarets en sont exclus même si leurs spectacles mêlent diverses disciplines des concerts et comédies musicales.

3. Perspectives

Scènes a travaillé sur diverses hypothèses de réouverture : un spectacle seul, sans bar ni restauration, avec un couvre-feu à 20 heures, 21 heures ou 22 heures ; une jauge sanitaire à 50 %, plus légère ou absente, etc. Le syndicat a notamment fait les constats suivants :

– Une réouverture en jauge réduite à 50 % avec couvre-feu à 20 heures, et sans service de bar ou de restauration pour les cabarets, est le scénario qui engendrerait le plus de pertes d’exploitation. Le seuil de rentabilité se situant en moyenne à 80 % de leur CA hors taxes (soit schématiquement à partir de 80 % de leur taux de remplissage habituel), ils en concluent que cette hypothèse serait impossible à mettre en œuvre ;

– De manière générale, avec des jauges réduites, les théâtres et plus encore les cabarets ne peuvent envisager de rouvrir sans aides adaptées, car, à l’instar des spectacles musicaux, les salaires pèseront à nouveau sur l’exploitation sans être rentabilisés tout le temps de la relance ou, a fortiori, de la préparation d’un nouveau projet. Et eux aussi n’ont pas de certitude sur le retour rapide des spectateurs.

Chaque cas de figure présente ses avantages et ses inconvénients : soit les contraintes sont trop lourdes pour atteindre le seuil de rentabilité, soit des contraintes réduites ne permettent qu’une reprise tardive.

Pour y faire face, les professionnels espèrent donc un accompagnement financier, par la prolongation des dispositifs d’aide : comme l’activité partielle à 100 % jusqu’à la fin de l’année 2021, ainsi que la reconduction de la compensation Billetterie - même si le CAMULC regrette qu’elle ne couvre pas la perte des recettes bar et restauration.

Scènes souhaiterait que l’ensemble des aides accordées permettent de couvrir 100 % des pertes d’exploitation, ce qui supposerait un renforcement des fonds professionnels. L’ASTP recommande que soit déjà corrigée la distorsion entre les aides qu’il distribue et celles du CNM.

L’ASTP suggère ainsi des renforcements comme la revalorisation des aides allouées par le FUSV2 pour atteindre 120 % des charges fixes hors masse salariale permanente et la rehausse du plafond du FCSV Annulation de 150 000 à 300 000 € pour le dernier quadrimestre 2020.

Il suggère également d’actionner concomitamment les différents fonds de manière modulée selon les mesures sanitaires imposées par les pouvoirs publics et de définir une grille de ces variations afin d’améliorer la visibilité des acteurs sur les dispositifs qu’il leur est possible de solliciter, tout en évitant « l’écueil actuel de la mise en place des guichets a posteriori des mesures sanitaires ».

Ces demandes sont d’autant plus pressantes que les professionnels craignent la prolongation de leur fermeture bien après le rendez-vous du 20 janvier.

Au vu du bilan d’exploitation de 2020, ils pensent en conséquence qu’il serait nécessaire de prévoir un budget de sauvegarde complémentaire d’au moins 60 M€ (si les aides actuelles sont maintenues en l’état).

Mais au-delà, les professionnels ont aussi besoin de soutien pour investir dans leurs prochains spectacles, voire simplement financer leur reprise. Car, comme cela a été dit, après dix mois de quasi-fermeture, les entreprises n’ont plus la trésorerie nécessaire.

Leurs représentants observent qu’elles ne pourront pas non plus rembourser leur PGE, ni leurs autres emprunts en cours.

Le nouveau crédit d’impôt pour le spectacle vivant théâtral privé contribuera à accompagner la relance de l’activité. Mais pour conforter les phases de répétition, Scènes suggère de mobiliser l’enveloppe du FONPEPS (Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle), « en en optimisant la gestion des dossiers qui est chaotique avec l’ASP, et en confiant une enveloppe FONPEPS à l’ASTP pour ce qui concerne le théâtre privé ».

Enfin, en tout état de cause, les filières ont besoin de visibilité pour lancer assez tôt la préparation de la reprise, ainsi que d’une campagne de communication institutionnelle pour recréer la confiance des spectateurs.

II. Les salles de cinéma

1. La filière face à la crise

La Fédération nationale des cinémas français (FNCF) auditionnée par le groupe de travail représente la totalité des salles de cinéma de notre pays, quel que soit leur statut (circuits nationaux, entreprises intermédiaires, secteur associatif et près de 1 000 salles municipales en délégation de service public ou en régie directe). Notre pays dispose d’un parc à 90 % contrôlé par des acteurs français, d’une densité unique au monde avec 2 045 cinémas actifs à peu près partout sur son territoire ainsi que 105 circuits itinérants qui sont une particularité française. Leurs 6 114 écrans constituent le premier parc cinématographique d’Europe et le quatrième du monde. Les salles de cinéma jouent un rôle structurant dans l’urbanisme et la vitalité des territoires par leurs offres de loisirs et de vie sociale à des heures et des jours où les autres commerces sont généralement fermés.

Le cinéma fait partie intégrante de la vie quotidienne des Français : 67,8 % d’entre eux vont au cinéma, avec une moyenne de 5 entrées annuelles. En 2019, la fréquentation des salles de cinéma a dépassé les 213 millions d’entrées, année record depuis 1967, mais elle a toujours été supérieure à 200 millions depuis dix ans, hormis en 2013. Le secteur partait donc d’un niveau historiquement élevé.

La billetterie (avec un ticket moyen de 6,79 €) représente un chiffre d’affaires de 1,45 Md€. En intégrant les recettes annexes (ventes de confiseries, régies publicitaires, locations de salle), le CA annuel des salles de cinéma se situerait à 1,6 Md€.

Les salles de cinéma représentent enfin plus de 15 000 emplois durables sur le territoire français, en très grande majorité à durée indéterminée, même pour les étudiants à temps partiel, sans compter les emplois induits, pour le ménage notamment.

À partir des ventes de billets en salle, le Centre national du cinéma (CNC) a construit un écosystème particulier à l’industrie cinématographique : grâce à ses 155 M€ de recettes, la taxe spéciale additionnelle (TSA), correspondant à 10,72 % du montant des billets vendus, lui permet de financer à la fois l’émergence d’un nouveau cinéma, des travaux pour maintenir un parc de salles diversifiées ainsi que la production française. Les producteurs français concernés récupèrent en effet 80 % de la taxe récoltée, le reste sert à financer des projets français. Or, ce système est aujourd’hui à l’arrêt complet : la taxe ne génère plus aucune ressource.

La diffusion des films américains, qui constituent 50 % des recettes, est stoppée depuis le début de la crise. L’importance des films français, qui représentent 35 à 40 % des films projetés en France, a permis au cinéma français de mieux résister à la crise que certains de ses voisins quand l’activité a pu reprendre. Il reste que les salles de cinéma se sont vues dans l’obligation de fermer leurs portes bien au-delà de la fin du premier confinement. Elles ont été autorisées à réouvrir le 23 juin et jusqu’au 28 octobre. Cette période a permis d’accueillir 26 millions de spectateurs, un meilleur taux que les salles ne le craignaient avec la quasi-disparition des films américains, la réticence des spectateurs, et malgré, enfin, le couvre-feu instauré dans une quarantaine de départements et le refus du Gouvernement d’un « horodatage » de la séance de 20 heures. Ce score leur laissait espérer une fréquentation importante au moment des fêtes de fin d’année. Mais il ne représentait toujours que 40 % de leur activité normale.

Au total, 2020 n’aura réalisé que 65 millions d’entrées. Les salles ont ainsi perdu 1 Md€ en billetterie, sans compter les recettes annexes. Et le CNC a été privé de 100 M€ de recettes sur une TSA qui représente en temps ordinaire 42 % de ses ressources pour le financement du cinéma français.

La non-réouverture des salles en décembre a suscité une grande incompréhension et un sentiment d’injustice parce que les cinémas appliquaient un protocole sanitaire validé par le Gouvernement et n’ont jamais été à l’origine d’un foyer épidémique. À l’instar d’autres acteurs du monde de la culture, les professionnels ont alors saisi le Conseil d’État d’un référé‑liberté, auquel il a répondu le 23 décembre. Aujourd’hui, ils savent que leurs chances d’être autorisés à rouvrir restent improbables. Toutefois, la profession doit rencontrer le Gouvernement le 14 janvier. En se fondant sur la décision du Conseil d’État (cf. en début de note), elle considère que si le rebond de l’épidémie ne se confirme pas, la fermeture de leurs salles devrait être levée.

Un protocole sanitaire exigeant

– Un siège sur deux entre groupes de personnes venant ensemble, dans la limite de 6 ;

– Le port du masque en toutes circonstances, avec une auto-régulation par les spectateurs :

– Une distanciation physique dans les circulations qui est aisément organisée car ces établissements recevant du public peuvent faire entrer à un endroit et ressortir à un autre. En outre, les spectateurs ne sont pas censés se lever, ni parler pendant les séances, et sont tous orientés dans le même sens ;

– Une climatisation qui renouvelle l’air...

Une étude de l’Institut Pasteur aurait montré qu’il n’existe aucun risque et surrisque dans les salles de cinéma et de théâtre. Et aucun cluster n’y aurait été constaté dans le monde.

« Il est moins dangereux d’aller au cinéma que pendre un train pendant 2 heures », souligne la profession.

En tout état de cause, les acteurs ne comprennent pas non plus que les salles des fêtes puissent accueillir des élèves en garderie à la sortie de l’école, en leur proposant la projection de vidéos, et que les cinémas ne puissent recevoir des groupes scolaires pour des actions d’éducation à l’image en dépit d’un protocole sanitaire plus exigeant. « Où est la cohérence ? »

2. Les aides

Les salles de cinéma ont aussi bénéficié du PGE et des autres dispositifs nationaux d’aide aux entreprises, comme le Fonds de solidarité – sans que la FNCF puisse mesurer l’ampleur de leur recours. « Tous ces dispositifs ont plutôt bien fonctionné », même s’ils attendent encore l’ouverture du dispositif renforcé de décembre.

Les plus grandes PME du secteur ont tout de même été défavorisées par les conditions imposées par le Fonds de solidarité pour les mois d’octobre et de novembre en termes de regroupement capitalistique : en septembre-octobre, certaines sociétés n’ont reçu que 1 500 € alors qu’elles possèdent plusieurs cinémas ; à partir de novembre, le nouveau seuil de 50 salariés leur a permis de percevoir jusqu’à 10 000 €. La considération des liens capitalistiques reste une contrainte en décembre mais le nouveau calcul des soutiens du Fonds de solidarité – 20 % du CA et jusqu’à 200 000 € – est plus avantageux. Ils attendent de voir comment le Fonds de solidarité pourrait encore évoluer.

Les régions et les départements ont également apporté des aides complémentaires à l’achat de matériel de protection sanitaire.

Enfin, un grand nombre des communes propriétaires des murs ont accordé des dégrèvements de loyers, y compris aux salles sous contrat privé – ce qui n’a pas été le cas des bailleurs privés, notamment des centres commerciaux qui se sont plutôt montrés intransigeants. Le maintien des loyers constitue un des problèmes structurels persistants pour la plupart des cinémas.

Il en est de même pour le non-report des intérêts d’emprunt. Et même quand cela a pu se faire, les échéances intercalaires pèsent aussi lourd voire davantage.

Les cinémas sont enfin très préoccupés par le calendrier du remboursement des PGE : des entreprises, misant sur une réouverture rapide, ont dès le mois de mars recouru à des PGE importants. Leur survie pourrait être menacée s’il faut rembourser ces PGE bientôt, ou rapidement après la réouverture, alors qu’elles ont besoin de temps pour retrouver une capacité financière. Même payer les intérêts leur serait difficile.

Le secteur a donc besoin d’une clarification du Gouvernement sur le gel de ces paiements dans les deux prochaines années et serait demandeur d’un allongement de la période de remboursement.

À noter que les salles en régie directe peuvent prétendre aux aides du CNC, mais ont été exclues des aides générales aux entreprises et des aides, dites « Castex », accordées à la culture.

Les salles de cinéma bénéficient en particulier de deux fonds :

– un fonds de compensation des pertes d’exploitation, qui s’adresse aux établissements culturels. Doté de 50 M€ pour les salles de spectacle vivant et de 50 M€ pour les cinémas, il est géré par le CNC pour ces derniers. 40 M€ ont déjà été versés ; il reste donc 10 M€, auxquels s’ajoute une rallonge de 10 M€ liée au couvre-feu ;

– un mécanisme de fonds de soutien renforcé, avec 30 M€ accordés aux salles, via le CNC, selon une règle de calcul concertée avec la profession.

Mais ces fonds, qui devaient financer un plan de relance de leur secteur, sont devenus des plans de sauvegarde depuis la refermeture. Aujourd’hui, non seulement il n’y a plus guère de crédits pour la suite ; mais il faudra reconstruire un plan de relance pour sortir de la crise.

Enfin, si à l’initiative des parlementaires, la taxe spéciale additionnelle (TSA) a été annulée de février à décembre par la loi de finances initiale pour 2021, offrant une aide complémentaire importante pour les salles, les professionnels souhaiteraient que le manque à gagner pour le CNC soit compensé pour qu’il retrouve un peu de moyens d’action.

3. Perspectives

Même s’ils ne peuvent vivre avec une fréquentation de seulement 40 %, les cinémas sont néanmoins convaincus de la nécessité de leur réouverture, pour lutter contre la morosité ambiante et pour l’animation territoriale… Si la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont fermé leurs salles, l’Espagne les a laissées ouvertes ; elles n’ont même jamais fermé au Japon et en Corée du sud.

Cette réouverture est d’autant plus urgente que les cinémas commencent à s’inquiéter des démissions de salariés préférant trouver un travail ailleurs plutôt que de rester inactifs et se soucient particulièrement de la progression du désespoir et des dépressions parmi leurs personnels.

Concernant leur avenir à court terme, les professionnels se déclarent confiants, convaincus de la qualité des services et de l’expérience « insubstituable » que proposent leurs cinémas (grâce au principe d’exclusivité qui impose de diffuser un film uniquement en salle pendant quatre mois et par l’accueil, la convivialité et les échanges qu’ils offrent). Ils sont certains que l’intégralité des salles rouvrira lorsque la situation sanitaire le permettra – si elles n’ont pas été étranglées financièrement.

Ils se disent toutefois inquiets quant à leur avenir à moyen et long terme, redoutant un changement des habitudes des spectateurs qui conduirait à une baisse durable de leur activité. La concurrence déloyale des plateformes étrangères est également pointée du doigt. Les professionnels dénoncent une rupture d’égalité : les clients cotisent auprès de plateformes qui ne versent quasiment rien au CNC – et dont les contenus sont principalement étrangers – ; en outre, les films diffusés directement sur ces plateformes ne peuvent être vus ensuite dans les cinémas, alors que l’inverse est possible. Or, si le tissu des salles de cinémas américaines s’effondre – comme la menace semble se profiler –, les studios de production se tourneront encore plus vers les plateformes, ce qui aura un impact sensible sur l’activité des cinémas français.

Seraient ainsi menacés les grandes salles dans les centres commerciaux, les exploitants intermédiaires très endettés et les salles soutenues par des collectivités fragilisées.

III. L’évènementiel privé

1. Le secteur face à la crise

Le secteur de l’évènementiel étudié correspond aux activités d’accueil et d’organisation des congrès, salons, foires et évènements d’entreprises et d’institutions. Il réunit quatre catégories de métiers : les exploitants de sites réceptifs, les organisateurs, les agences d’évènement et/ou de design et les prestataires. Ils représentent 120 000 emplois annuels. Mais 455 000 autres emplois dépendent également de ces évènements.

Le secteur de l’évènementiel est un acteur décisif pour une économie qui se veut dynamique. En France, en 2019, 384 000 évènements ont accueilli 76,8 millions de participants, dont 6,8 millions d’internationaux. Le secteur a lui-même généré environ 20 Md€ de recettes et plus de 19,4 Md€ de retombées économiques au bénéfice des acteurs touristiques du transport, de l’hébergement, de la restauration et du commerce local. Ces évènements mobilisent notamment une nuitée sur deux dans l’hôtellerie.

Les salons, foires et congrès stimulent également l’activité de leurs participants. En 2019, ces évènements ont généré 34,5 Md€ de recettes nouvelles pour les entreprises exposantes grâce aux ventes réalisées et aux contrats signés. Ces évènements sont essentiels au développement économique de nombreux secteurs.

Or, le secteur de l’évènementiel n’a plus qu’une activité marginale, voire nulle, depuis mars, même si seuls les sites réceptifs sont fermés administrativement.

Le secteur a aussi souffert du « stop and go » des décisions des pouvoirs publics, ne sachant pas d’une semaine sur l’autre s’il allait pouvoir travailler ou non, ni de quelles aides il pourrait bénéficier.

Les pertes économiques sont considérables, partagées à peu près à égalité entre les opérateurs évènementiels et les acteurs du tourisme : l’Union des métiers de l’évènement (Unimev) les a estimées à 15 Md€ de mars à août, puis à nouveau 20,9 Md€ de septembre à décembre. À l’échelle de la filière, elles représentent près de 80 % du chiffre d’affaire annuel. Alors qu’elle était sinon le leader mondial tout au moins le second, la filière est « en train de s’écrouler ».

Quant aux exposants, qui n’ont pas eu de contact avec leurs clients, leurs prospects et leurs partenaires depuis près d’un an en raison de l’annulation des évènements, ils n’auront pu réaliser 10,8 Md€ de CA de mars à août et 18 Md€ de septembre à décembre.

Cette crise est enfin celle des territoires qui ne reçoivent plus les retombées économiques, qu’il s’agisse des loyers versés aux propriétaires territoriaux ou des entreprises prestataires de leur bassin économique.

La région Île-de-France est à la première place européenne en matière de salons professionnels et de tourisme d’affaires. 400 000 emplois, directs et indirects (transports, restauration, hôtellerie) dépendent de ces évènements. La chambre de commerce et d’industrie de Paris et de l’Île-de-France (CCIP) est à la fois exploitante de sites d’accueil, notamment par l’intermédiaire de Viparis qui gère 9 sites importants, et organisatrice d’évènements à travers sa filiale Comexposium, sans y mettre d’argent public ni ressource fiscale. Ces activités représentent près de 700 M€ de CA et environ 1 000 emplois. Chaque année, les retombées économiques des salons génèrent 6,5 Md€ pour le territoire, soit plus que les Jeux olympiques, et les 110 000 entreprises exposantes réaliseraient environ 22 Md€ de CA (sans compter les salons aéronautiques comme Le Bourget).

312 salons et 432 congrès ont été annulés, reportés ou digitalisée entre mars et décembre 2020 dans cette région, représentant 7,6 millions de visiteurs et congressistes et 81 000 entreprises exposantes qui ne sont pas venus. La perte est estimée à 4 Md€ pour le territoire francilien et à 16,7 Md€ pour les ventes non réalisées entre exposants et visiteurs.

Le cas de Compexposium est significatif des « trous dans la raquette » : d’importantes aides publiques lui ont été apportées ; mais leur mise en œuvre rencontre des difficultés. La société se développe en temps normal par des acquisitions sur le marché mondial pour maintenir sa place de troisième opérateur mondial, avec l’accompagnement de son partenaire Crédit agricole assurance Prédica. Avec la crise, il a sollicité en juin-juillet un PGE, pour lequel il n’a jamais reçu de refus, mais pas obtenu non plus d’accord. En conséquence de quoi, la filiale a dû emprunter autrement pour poursuivre sa stratégie ; la dette s’est accumulée. En période d’activité normale, son EBITDA ([48]) de 120 à 140 M€ est suffisant pour faire face à 500 M€ de dette. Mais avec la crise, ce ratio est tombé à 40 M€ en 2020. La CCIP a donc décidé d’engager une procédure de sauvegarde pour geler le passif, certains fonds créanciers s’empressant en effet de chercher à capter la société à leur profit. La CCIP a sollicité l’aide des pouvoirs publics pour tenir jusqu’à septembre 2021, via l’exonération des charges patronales sur les salaires qui réduirait sérieusement les 5 M€ de charges fixes à payer chaque mois. Dans la mesure où la société emploie plus de 250 personnes, l’URSSAF a refusé, les renvoyant au ministère de l’économie et des finances pour obtenir une dérogation ; celui-ci a dit comprendre, mais a transmis le dossier au Comité de restructuration industrielle (CIRI) qui les aiderait si la société est restructurée. Mais la CCIP estime que cela n’est pas nécessaire et que sa filiale est en bonne santé en temps normal.

Les acteurs du secteur de l’évènementiel ressentent une véritable injustice de traitement, comparé aux grandes surfaces commerciales. Ils se considèrent en effet comme des commerçants éphémères. Or, des centres comme Val d’Europe accueillent encore 50 000 à 60 000 personnes le samedi, alors qu’eux ne sont pas autorisés à recevoir même 1 000 personnes dans des surfaces deux fois plus vastes.

Et bien qu’ils s’estiment capables de faire respecter les mesures sanitaires (décompte des entrées, contrôle des températures, etc.), ils se sont vu refuser par les autorités tous les protocoles sanitaires proposés. Ils comprendraient que le Gouvernement distingue entre les salons grand public et d’autres grands évènements des manifestations professionnelles ; mais même ce distinguo leur a été refusé.

2. Les aides

Certes, les aides du Gouvernement ont été plus soutenues que dans d’autres pays. Mais les acteurs de l’évènementiel se sont vus associés aux restaurateurs, sans aucune prise en compte de leurs spécificités. Ils ne se sentent même plus écoutés par le Gouvernement depuis la rentrée : par exemple, ils attendent toujours une réponse sur la 8e version d’un protocole sanitaire. Ils vont cependant rencontrer le ministre M. Alain Griset le 11 janvier ; et les rapporteurs ont informé les professionnels que le Premier ministre est très conscient de leurs difficultés.

– Les acteurs de l’évènementiel craignent en particulier l’évolution annoncée du dispositif du chômage partiel : le dernier décret fait en effet passer, dès le 1er février, le reste à charge pour les employeurs de 15 % à 40 %.

Ils soulignent par ailleurs une spécificité de leur secteur : les foires, congrès et salons s’organisent sur plusieurs mois (3 à 9 mois pour un salon, 12 à 18 mois pour un congrès). Cela mobilise donc des personnels pendant de longs mois pour organiser les futurs évènements ; il faut ainsi les payer longtemps avant que les recettes ne rentrent.

Certains acteurs ont observé que 2021 pourrait être pire que 2020 en raison de l’absence de visibilité sur la reprise, car les premiers évènements importants ne pourront se tenir avant au moins douze mois après que le Gouvernement a donné une date ferme de réouverture. En outre, si un organisateur ne fait rien deux années de suite, il court le risque de voir ses clients s’adresser durablement à ses concurrents.

– La non prise en compte de leurs spécificités a eu aussi pour résultat l’exclusion complète de 54 % des entreprises du secteur des autres aides, et plus particulièrement du Fonds de solidarité. Certaines relèvent de la liste S1, d’autres de la liste S1 bis, et d’autres sont inéligibles.

Le président de la chambre de commerce et d’industrie de Paris et de l’Île-de-France (CCIP) confirme qu’il est compliqué de cerner exactement les contours de cette filière. Ainsi, le photographe ou le fleuriste qui intervient dans un salon n’est pas rattaché au secteur alors que cela constitue une partie significative de son activité.

Quoi qu’il en soit, le secteur a besoin d’une solution de soutien pérenne pour sauvegarder ses activités, et même d’un plan de relance sectoriel qui puisse bénéficier à l’ensemble de ses acteurs.

Car selon un sondage interne, on pourrait s’attendre au dépôt de bilan de près d’une entreprise sur deux si la situation continue ainsi jusqu’au mois de mars. Ce cas de figure entraînerait la disparition de 40 000 emplois directs – sans parler des impacts sur les 400 000 emplois indirects. « Beaucoup d’argent public a été dépensé depuis le début de la crise, mais si le Gouvernement nous lâche, ce sera beaucoup d’argent dépensé pour rien. »

Au-delà de sa fragilité financière, le secteur de l’évènementiel se dit également inquiet de la concurrence internationale. Dans d’autres pays européens, comme la Suisse, et en Asie du sud-est, les salons ont repris ; certains acteurs (allemands, italiens, etc.) essaient déjà de gagner des parts de marché auprès des clients habituels de la France. Une fermeture prolongée et la fragilisation des grands acteurs français, qui, employant plus de 250 salariés, n’ont pas accès aux aides – hormis le chômage partiel –, pourraient avoir des conséquences néfastes sur le rayonnement international des salons français – et ce, sans que les entreprises nationales ne trouvent ailleurs les mêmes opportunités de rencontres avec des clients potentiels.

Les acteurs du secteur de l’évènementiel alertent enfin sur les conséquences de la crise sur notre capital humain. Les entreprises françaises, par leur créativité, disposent d’un savoir‑faire mondialement reconnu. La disparition des grands acteurs du secteur signifierait pour la France la perte d’un avantage concurrentiel et d’une expertise constituée sur plusieurs décennies.

3. Perspectives

Les professionnels sont tous convaincus de la nécessité de reprendre les évènements physiques – et de se donner les moyens de redémarrer.

Le groupe de travail et les acteurs du secteur ont cependant discuté des opportunités offertes par les salons virtuels pour accompagner la crise et donner de nouveaux développements aux évènements physiques : ils peuvent en effet apporter de la valeur en permettant de toucher d’autres cibles, d’autres territoires, voire d’autres continents en fonctionnant avec des temporalités différentes.... Cela s’est déjà beaucoup développé dans le marché de l’art contemporain. L’avenir est peut-être un mix.

Dans cadre du plan de relance, il y a volonté du Gouvernement à favoriser leur développement. De même les régions ont déjà des actions et investissements pertinents.

Enfin, notre pays dispose d’un capital humain à la pointe, dans la réalité virtuelle augmentée notamment, dont il faut savoir profiter ; en revanche, il manquerait une plateforme nationale à la hauteur, contrairement aux États-Unis, à l’Espagne et à la Finlande.

Invitée par le groupe de travail, la société Laval virtual a témoigné de son expérience comme organisateur d’un évènement, précurseur mondial dans le domaine de la réalité augmentée, et comme précurseur des salons virtuels (apportant un environnement 3D en temps réel et des avatars incarnant des personnes). Il a déjà organisé avec succès 75 évènements de toutes natures (webinaires, salons, congrès, symposiums).

Les acteurs se sont accordés toutefois pour constater que s’il faudra sans doute intégrer ces nouvelles approches, elles ne sonneront pas la mort des salons physiques. Les rentrées restent encore modestes par rapport aux évènements physiques. De fait, selon un sondage récent de l’Unimev, 65 % des visiteurs restent moins d’une heure et demie dans un salon virtuel contre 13 heures sur un salon physique, parce qu’ils viennent pour un rendez-vous pris au préalable. Or, la promesse d’un salon, c’est d’offrir la totalité du marché aux visiteurs et aux exposants de voir venir à eux des visiteurs qu’ils n’auraient pu toucher. En outre, les participants ne sont pas encore très convaincus : deux enquêtes menées à la demande de la CCIP ont montré que 43 % des entreprises exposantes ne souhaitent pas renouveler leur expérience ; 52 % disent que le salon n’a pas répondu à leurs attentes ; 63 % jugent ce format inadapté à la présentation de leurs nouveaux produits.

Le modèle économique n’est pas le même, mais surtout les salons virtuels n’assurent pas, de loin, le même nombre d’emplois (le rapport serait de 1 à 10 seulement pour les emplois directs).

* * *

Les constats les plus saillants communs à la quasi-totalité des filières étudiées

– Les aides insuffisantes aux entreprises de plus de 250 salariés ;

– Le poids des loyers et des charges d’emprunts, qui reste sans véritable réponse ;

– Le calendrier de remboursement des PGE, sur lequel les acteurs attendent des éclaircissements du Gouvernement ;

– Le besoin d’un soutien prolongé des aides publiques, y compris sectorielles, dans la perspective d’un maintien des fermetures, mais aussi pour accompagner la relance d’entreprises qui n’ont plus la trésorerie nécessaire pour investir. « Comment sortir du coma artificiel dans lequel leurs secteurs ont été placés ? » ;

– la prise en compte du décalage important entre la reprise de l’activité et la rentrée des recettes. Cela demande de pouvoir s’engager assez tôt et avec assez de certitude dans le processus de relance, et de bénéficier d’un accompagnement, notamment s’agissant des dépenses de personnel qui ne relèvent plus du chômage partiel.

Vos rapporteurs attirent particulièrement l’attention du Gouvernement sur ces divers enjeux, soulignant l’extrême fragilité des secteurs auditionnés, en dépit d’aides publiques substantielles, et leur besoin d’une meilleure visibilité sur leurs perspectives d’avenir.

Une concertation plus poussée (sur les critères, le rythme et les exigences envisageables pour des réouvertures de leurs activités et sur l’accompagnement public mobilisable) pourrait aider ces filières à se projeter plus aisément dans une relance future, malgré l’imprévisibilité encore importante de la crise sanitaire.

 


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   Annexe 3 :
COMPTES RENDUS DES PRÉSENTATIONS DU GROUPE DE SUIVI
EN COMMISSION

1.   Réunion du mardi 10 novembre 2020 consacrée au commerce de proximité

La commission des affaires économiques s’est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée aux commerces de proximité.

M. Roland Lescure, président. Les réunions de la commission se tiendront désormais en visioconférence, à l’exception des éventuelles réunions portant sur du travail législatif ou des nominations relevant des attributions constitutionnelles de la commission. La commission renoue avec son usage, développé pendant le premier confinement, de suivre les différents secteurs de sa compétence dans le contexte de crise sanitaire, par l’entremise d’un groupe transpartisan unique, copiloté par MM. Stéphane Travert et Julien Dive, assurant le suivi des différents secteurs. Les travaux de contrôle de la commission se poursuivant, il n’était pas possible de reconstituer les six groupes thématiques mis en place dans le cadre du premier confinement. Le double objectif de ce groupe de suivi est de faire remonter les préoccupations des députés au Gouvernement et de diffuser, le cas échéant, des informations provenant du Gouvernement qui auraient échappées à la vigilance des députés. Le groupe de travail a souhaité traiter de la problématique du commerce pour cette première semaine.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Une situation grave a amené à recréer ce groupe de suivi. La violente accélération de la pandémie et les menaces élevées de saturation des hôpitaux ont, en effet, convaincu le Gouvernement de prendre des mesures plus radicales pour ralentir la contagion. Concernant les commerces, auxquels sont consacrés les premiers travaux de ce groupe, cela s’est traduit par une fermeture, de principe, des magasins sur l’ensemble du territoire dès le 30 octobre, à l’exception des activités relatives aux produits et services de première nécessité ou indispensables à un travail reconfiné.

Les dispositifs d’aides ont néanmoins été réactivés et renforcés par le Gouvernement :

– toutes les entreprises de 50 salariés au plus qui ont été fermées administrativement pourront être indemnisées de leurs pertes de chiffre d’affaires mensuel dans la limite de 10 000 euros, contre 1 500 € la première fois ;

– pour alléger leurs charges fixes, elles bénéficieront également d’une exonération totale de leurs cotisations sociales du mois. Par ailleurs, le Gouvernement a introduit dans le projet de loi de finances pour 2021 un nouveau crédit d’impôt incitant les bailleurs à renoncer à au moins un mois de loyer dû par des entreprises de moins de 250 salariés, fermées administrativement ou appartenant au secteur de l’hôtellerie, des cafés et de la restauration (HCR) ;

– la baisse de l’indemnisation de l’activité partielle est reportée au 1er janvier 2021. Et jusqu’au 31 décembre 2020, les entreprises les plus impactées bénéficient d’une prise en charge à hauteur de 100 % de l’indemnité d’activité partielle versée à leurs salariés ;

– enfin, la possibilité de contracter un prêt garanti par l’État (PGE) est prolongée de six mois, jusqu’au 30 juin 2021, et son remboursement pourra être étalé sur 5 années supplémentaires, avec des taux pour les PME – négociés avec les banques françaises – compris entre 1 et 2,5 %, garantie de l’État comprise.

Hors prêts garantis, ces aides pourraient représenter une dépense pour l’État de 15 milliards d’euros par mois de confinement.

Les organisations professionnelles reconnaissent que le soutien de l’État est massif. Cela n’empêche pas les acteurs du secteur d’exprimer leurs inquiétudes pour l’avenir. Aussi élevées soient-elles, ces aides ne couvrent pas toutes leurs charges et nombre de petits commerces se voient déjà glisser vers la banqueroute si la situation perdure ; et sans activité leur métier perd de son sens.

De fait, même si la Banque de France table sur un recul de l’ensemble de l’activité économique de 12 % en novembre, soit très en-deçà des 31 % constatés en avril, les fermetures frappent des secteurs fragilisés par le précédent confinement. Une étude menée par U2P et IC Xerfi sur le troisième trimestre 2020 montre que les secteurs du commerce de proximité et HCR accuseraient encore un recul de leurs activités de 18,5 % sur l’année, malgré une réelle reprise pendant l’été. Ce sont les secteurs les plus affectés par le reconfinement. La Banque de France estime que la baisse de ces activités, avec le secteur HCR, pourrait atteindre 40 % sur novembre (contre 46 % en avril). Après seulement 12 jours de fermeture, on ne dispose pas encore de données sur les pertes réelles des commerces de proximité ni sur les éventuelles fermetures définitives.

En tout état de cause, pour renforcer leur résilience, le Gouvernement mise sur le développement de modalités de vente alternatives : la livraison ou la récupération des commandes prises par téléphone ou en ligne (le drive ou le click and collect) restent autorisées pour les produits non inscrits sur la liste des dérogations à la fermeture des commerces. Certaines ventes alternatives sont directement soutenues : l’État prend ainsi en charge les frais d’envoi de livres depuis le 5 novembre et pendant toute la durée du confinement.

Bien avant le reconfinement, le Gouvernement avait engagé une démarche plus structurante pour accompagner la numérisation des petits commerces : dans le cadre de l’initiative France Num, il a lancé en octobre, en coopération avec les régions, une plateforme commune de ressources, proposant notamment des diagnostics gratuits, des actions-formations et l’accès à un réseau d’« activateurs locaux », afin d’accompagner les PME dans cette évolution ; l’État et Bpifrance garantiront par ailleurs des « prêts numériques », à taux modérés, accordés aux entreprises de moins de 50 salariés pour le développement de leurs outils numériques. Le nouveau confinement rend cette numérisation plus nécessaire et urgente que jamais, dans une situation financière également plus complexe. Entendant les difficultés des commerçants, le ministre de l’économie, M. Bruno Le Maire, vient donc d’annoncer que, dès aujourd’hui, les solutions numériques à prix préférentiels existantes seront référencées sur le site Clique‑mon‑commerce.gouv.fr et que chaque commerce fermé administrativement et non encore numérisé pourrait percevoir une aide de 500 € pour sa numérisation.

Le Gouvernement s’est ainsi encore plus massivement que la première fois engagé à soutenir les entreprises, et les commerces de proximité en particulier, dans les épreuves qu’ils traversent. Mais s’il a également fait montre d’une grande réactivité aux problèmes qui ont émergé depuis le début du reconfinement, certains sujets n’en restent pas moins pendants, qui seront décrits par M. Julien Dive, co-rapporteur du groupe de suivi.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Je me réjouis d’avoir pu auditionner les organisations professionnelles et les associations d’élus locaux, qui sont directement en prise avec les problèmes liés à la fermeture des commerces de proximité.  Le fait que les grandes surfaces ont été autorisées à vendre des produits que des petits commerces n’étaient plus en mesure de vendre a suscité chez les petits commerçants un sentiment d’inégalité de traitement. La fermeture de certains rayons dans la grande distribution, décidée par le Gouvernement en réaction à ces contestations, a été saluée par les acteurs du petit commerce comme ayant rétabli l’équité entre les acteurs. Il demeure toutefois une grande incompréhension sur l’utilité de la fermeture de magasins qui s’étaient précédemment activement équipés en vue de la protection sanitaire de leurs clients.

Nous recommandons un effort de pédagogie sur les arbitrages réalisés, et notamment la priorité donnée à la limitation des déplacements. Le besoin de préserver l’activité économique doit être expliqué, tout en justifiant aussi en quoi les fermetures de certaines activités s’imposent de manière temporaire. Il est indispensable de donner un horizon, une date ferme et des précisions sur la possibilité de rouvrir, en présentant les critères objectifs qui permettraient la levée des mesures exceptionnelles. Il faut aussi fixer une stratégie claire pour gérer les prochains pics épidémiques, qui seront inévitables tant qu’un vaccin n’a pas été largement distribué.

Les commerçants et professionnels indépendants ont ressenti une dévalorisation du fait de l’application de l’appellation « caractère non essentiel ». Cette présentation cristallise les amertumes et doit être évitée. Par ailleurs, l’acceptation du reconfinement repose aussi sur la mise en œuvre de règles claires, appliquées de manière équivalente sur tout le territoire. Ainsi divers acteurs ont-ils constaté que certaines grandes surfaces ne respectent pas toutes les nouvelles consignes, par exemple en laissant des rayons ouverts qui devraient être fermés. Il a été rapporté que des astuces sont mises en œuvre afin de contourner la fermeture de certains rayons, notamment la mise en place d’un dispositif de « cliquer-retirer » où le client retire à la sortie du magasin un produit qu’il ne peut avoir au rayon.

Il y a des incertitudes sur la résistance économique des acteurs aux sacrifices exigés par le confinement. L’État mobilise de grands moyens pour accompagner les entreprises, mais des problèmes subsistent. Ainsi, en ce qui concerne les locaux professionnels, le crédit d’impôt pourrait-il ne pas constituer le bon levier pour encourager les bailleurs particuliers à renoncer à leur loyer lorsque celui-ci constitue une grande partie de leurs revenus. Il est cependant légitime que les bailleurs participent dans une certaine mesure aux efforts de lutte contre la crise.

Le groupe de suivi a relevé l’existence de difficultés particulières dans les commerces à stock, comme l’habillement, qui ont des paiements à terme. Ces commerces ont réalisé des commandes pour les fêtes de fin d’année, et se retrouvent avec des volumes importants de marchandises qu’ils ne peuvent pas valoriser pour le moment, tout en devant régler les fournisseurs. Si certains appellent à un moratoire sur ces paiements, il faut cependant considérer qu’il est important de ne pas aggraver les retards des paiements pour les fournisseurs, déjà affectés par la crise. En ce qui concerne les établissements financiers, ont été remontées des interrogations sur le manque de réactivité des banques, qui avaient pourtant fait preuve de discernement à l’occasion du premier confinement, par exemple en gelant les prélèvements mensuels sur les prêts d’investissement. L’État doit poursuivre le dialogue avec les banques et les acteurs de l’assurance, qui jouent un rôle essentiel dans l’irrigation financière de l’activité et la prise de risque.

En ce qui concerne le déploiement des systèmes de vente alternative, avant que tous les commerces puissent en bénéficier, il est nécessaire d’avoir des solutions intermédiaires. Des initiatives sont avancées : la Confédération des commerçants de France (CCF) met à la disposition de ses membres une grande plateforme numérique coopérative, et l’Association des petites villes de France (APVF) a mis en œuvre des dispositifs pour faciliter la vente et le paiement. Ce sont des efforts localement importants, insuffisants à l’échelle nationale mais absolument nécessaires. Le ministre de l’économie, des finances et de la relance a annoncé une aide accordée aux collectivités qui souhaiteraient développer les plateformes locales d’e‑commerce en regroupant tous les commerçants de leur territoire ; l’accompagnement de l’État est bienvenu. La CCF a cependant déclaré que les commerçants indépendants préfèrent développer leurs propres sites. La CCF et l’APVF ont aussi proposé une taxation sur les dépôts des géants du e-commerce, afin de financer les projets des petits commerces. La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) s’est montrée plus réticente, au motif qu’une telle taxe n’aurait que peu d’impact sur les acteurs étrangers tout en pesant davantage sur les acteurs français. Le Gouvernement craint également qu’une telle taxe obère le développement des acteurs français. En dépit de ces appréhensions, l’opportunité d’une taxe progressive en fonction de la taille des entrepôts numériques doit être étudiée.

Il convient d’insister sur l’urgence qu’il y a à équilibrer les relations entre le commerce physique et le commerce numérique. Les acteurs auditionnés ont exprimé de vives inquiétudes sur la concurrence déloyale du e-commerce. Les uns craignent que les géants du commerce en ligne s’approprient durablement une partie de leur clientèle. Les autres s’inquiètent du développement trop radical des ventes numériques, qui pourrait accélérer la disparition des petits commerces et la désertification des centres-bourgs, minant par-là les efforts menés à l’occasion des politiques de revitalisation.

Parmi les conditions de la survie économique de nos commerces et des artisans, il y a l’esprit de responsabilité de chacun. Les citoyens doivent respecter les recommandations et limiter leurs interactions. Ils peuvent également jouer un rôle dans la défense des commerces de proximité, en privilégiant les offres alternatives ou en reportant leurs achats. Il est important de mener une campagne active de sensibilisation dans ce sens.  Pour leur part, les pouvoirs publics ont un devoir d’exemplarité, et la fronde de certains élus est dangereuse en ce qu’elle fragilise la parole publique et le respect de la norme, et brouille le message envoyé aux citoyens. Cependant, la méthode du Gouvernement n’est pas exempte de critiques, et l’APVF, entre autres, a regretté un fonctionnement très prescriptif, là où les préfets auraient pu consulter les maires et promouvoir ainsi la co-responsabilisation.

Enfin, le groupe de suivi souhaite relayer le besoin des acteurs de pouvoir s’appuyer sur une stratégie stable dans la durée, d’avoir de la transparence et un horizon dans les indications du Gouvernement. Cette crise est appelée à durer et exige de passer à un autre stade de la lutte, en concevant des stratégies plus durables qui pourront être activées dans le cas d’un rebond épidémique. Il faut trouver un équilibre dans la protection sanitaire qui préserve l’économie et les emplois de nos territoires : les adaptations en faveur des commerces de proximité sont à étudier, et les acteurs du secteur aussi bien que les élus locaux ont présenté des idées pragmatiques. Le Gouvernement a déclaré ne pas écarter l’hypothèse d’une ouverture progressive des commerces, avec des règles sanitaires renforcées, si toutefois le nombre de contaminations diminue. Il faut davantage de transparence sur les critères et les conditions de la reprise de l’activité commerciale.

Mme Huguette Tiegna (LaREM). Le reconfinement annoncé par le Président de la République le 29 octobre constituait la seule solution plausible face à la deuxième vague de l’épidémie, qui cause actuellement un décès toutes les quatre minutes dans les hôpitaux. Le reconfinement suscitera un ralentissement des contaminations, qui devraient néanmoins, selon l’Institut Pasteur, connaître un pic à la mi-novembre. S’il est nécessaire pour diminuer les interactions entre les personnes, le reconfinement ne doit cependant pas se faire aux dépens des petits commerçants et des artisans. La revitalisation des centres-bourgs et des centres-villes a constitué une priorité du Gouvernement depuis le début du quinquennat, comme l’ont montré les programmes Agenda rural et Action Cœur de ville et la prorogation de zones de revitalisation rurale jusqu’en décembre 2022. C’est pourquoi, par souci d’équité et pour préserver les petits commerces, le Gouvernement a décidé de fermer certains rayons des grandes surfaces après que les petits commerçants ont fait remonter leurs inquiétudes. À l’approche des fêtes de fin d’année, il faut avant tout rester solidaires pour endiguer l’épidémie et « sauver le Père Noël » pour les tout-petits.

La préoccupation concernant la vente en ligne justifie de rétablir le plus rapidement possible un terrain de jeu équitable pour le commerce de proximité. C’est la raison pour laquelle les drive et le retrait en magasin sont encouragés, et un plan de numérisation à destination de 120 000 petites entreprises leur permettra d’obtenir un soutien financier individuel à hauteur de 500 euros pour les aider dans leurs démarches en vue de la numérisation, qui s’ajoutera aux aides attribuées par les chambres de commerce et d’industrie.

Le soutien financier des commerces de proximité se poursuit, avec le maintien du fonds de solidarité et de l’exonération des cotisations sociales. Cette période est difficile pour les petits commerçants et artisans, touchés humainement et financièrement, et justifie une pleine mobilisation du Gouvernement pour leur venir en aide.

M. Dominique Potier (Soc). Une préoccupation montante concerne les coûts d’amortissement et les difficultés prévisibles pour les remboursements des prêts. Les bilans des entreprises sont dans une situation désastreuse, bien que cette dernière soit encore invisible. Des secteurs entiers sont dans une bonne santé artificielle, et le groupe de travail doit approfondir la problématique de l’endettement dans les auditions à venir. Par ailleurs, les situations sont également hautement contrastées sur le plan territorial, avec des territoires dynamiques tandis que d’autres sont dans une situation préoccupante. Il serait intéressant de faire un inventaire des filières et d’examiner si certains territoires sont plus résilients que d’autres du fait de leur structure économique.

M. Vincent Rolland (LR). Je partage le constat des rapporteurs, et souligne l’incompréhension et le sentiment d’injustice de nombreux petits commerçants vis-à-vis des mesures adoptées. Des commerces ont été maladroitement désignés comme étant « non essentiels », alors qu’ils servent leurs villes et villages de manière remarquable. Il est étonnant de ne pas pouvoir recevoir quelques clients dans de petits commerces, là où d’autres commerces en accueillent de grands nombres.

J’insiste sur l’importance d’étudier les impacts de cette crise sur le tourisme et je regrette l’absence d’un groupe de travail consacré spécifiquement à ce sujet. Le Gouvernement a mis en œuvre au printemps un plan ambitieux pour soutenir l’activité touristique, même si des carences subsistent. Les commerces qui ne vivent que de l’activité touristique, alors qu’ils peuvent être considérés comme étant de première nécessité, ne sont pas accompagnés. Il y a un risque qu’ils ne puissent faire face à leurs échéances, et perdent toutes leurs économies. Les efforts de toute une vie pourraient être anéantis en quelques mois. Les situations humaines et la fragilité de ce petit commerce justifient une prise en compte spécifique de ses besoins.

M. Roland Lescure, président, Compte tenu de l’impact de la crise sur le secteur touristique, en particulier sur les activités saisonnières, le groupe de suivi devrait très probablement intégrer cette problématique à son programme de travail.

M. Philippe Bolo (MoDem). Tout d’abord, je souhaite faire part du sentiment d’incompréhension exprimé par de nombreux petits commerçants sur le terrain, qui n’admettent pas la concurrence déloyale à laquelle ils sont soumis de la part de la grande distribution. À cette occasion, j’insiste pour que des contrôles soient mis en place afin d’obtenir une application uniforme des restrictions. Il est regrettable que ces difficultés surviennent peu de temps avant Noël, ce qui pourrait nuire au caractère festif de cette période. Enfin, j’observe que la fermeture des cafés et restaurants a eu un impact négatif sur les conditions de travail des entreprises artisanales, les ouvriers n’ayant plus la possibilité de s’abriter ou d’effectuer les pauses réglementaires dans un lieu de vie.

S’agissant des aides d’État, dont je reconnais l’importance, elles ne peuvent se substituer à la nécessité d’aider les petits commerçants à conserver leur passion et leur envie de poursuivre leur activité. À cet égard, les mesures de soutien, en particulier le fonds de solidarité réactivé, paraissent souffrir d’un manque de lisibilité, notamment lorsqu’elles se combinent avec des dispositifs mis en place au niveau des collectivités territoriales.

Au titre des perspectives d’évolution à plus ou moins long terme, je constate chez les commerçants une forte envie de mettre au point les solutions les plus adaptées à la reprise d’activité dans un contexte marqué par la recrudescence des épidémies. Au-delà du retrait en magasin (« click and collect »), il paraît possible d’imaginer des dispositifs permettant de concilier l’ouverture du magasin et le respect des impératifs sanitaires (prise de rendez-vous, limitation du nombre de clients en magasin, etc.).

Enfin, sur les questions de fiscalité, la commission des affaires économiques devrait jouer un rôle dans la sensibilisation des consommateurs dans la portée de leurs choix, un achat de proximité ayant plus de retombées fiscales qu’un achat sur une plateforme comme Amazon.

M. Roland Lescure, président, Je suis étonné d’entendre qu’il existe des difficultés, évoquées par M. Philippe Bolo, concernant l’accès des entreprises au fonds de solidarité réactivé. N’hésitez pas à les signaler, si vous en avez connaissance.

M. Thierry Benoit (UDI-I). Je reviens sur le sentiment d’incompréhension qu’éprouvent beaucoup de Français face à ce qui s’apparente plus à un « demi-confinement » qu’à un véritable confinement. L’application différenciée des restrictions crée des situations absurdes, certains types de magasins – électroménager, par exemple – restant ouverts tandis que d’autres, tels que les commerces de meubles, restent fermés. S’agissant de la restauration routière, contrairement à ce qui avait été annoncé, seuls les centres routiers ont pu rouvrir, et non les relais routiers. Les itinéraires qui ne disposent d’aucun centre routier (Rennes - Caen, par exemple) ne peuvent donc pas offrir d’espaces de restauration.

Des pistes de dématérialisation sont envisagées pour aider les commerçants, mais l’activité commerciale reste, quoi qu’il arrive, centrée sur les notions de contacts physiques et de conseils directs entre un vendeur et un client. Par ailleurs, j’insiste sur la nécessité de réactiver le dispositif « Action Cœur de Ville » et de clarifier la position de l’État sur la limitation des zones commerciales en périphérie. Un dispositif de zone franche destiné aux centres-villes et aux bourgs pourrait être mis en place afin de protéger les commerces de proximité. En outre, je souhaite mettre en avant le rôle essentiel joué par les tribunaux de commerce dans la prévention de la fermeture des petits établissements.

Enfin, je regrette que le Gouvernement n’ait pas tiré profit de la journée fériée du 11 novembre pour imposer la fermeture de tous les commerces sur l’ensemble du territoire, ce qui aurait pu avoir des effets positifs, tant au titre de la lutte contre la pandémie que de la prévention des situations de concurrence déloyale. S’agissant des librairies, je ne comprends pas pourquoi ces commerces, pourtant « essentiels » en ces temps de confinement, n’ont pas été autorisés à rester ouverts.

M. Philippe Huppé (Agir ensemble). Compte tenu de la consommation de livres, estimée à une vingtaine d’ouvrages par an pour les gros lecteurs, ces commerces peuvent probablement supporter une fermeture pendant un mois. Je rappelle également la part, somme toute peu significative, qu’occupe Amazon dans le commerce en ligne (20 % selon les rapporteurs du groupe de suivi) : cette plateforme, qui vend des produits français, ne saurait être érigée en bouc émissaire.

Enfin, je m’interroge quant à la situation des santonniers, qui réalisent 80 % de leur chiffre d’affaires sur les mois de novembre et décembre : 30 % d’entre eux pourraient disparaître d’ici la fin de l’année et le mouvement s’accélérera si la profession dans son ensemble n’est pas soutenue tout au long de l’année 2021. Plus globalement, la situation des commerçants dont le chiffre d’affaires est concentré sur la fin de l’année (ventes de fleurs ou d’aliments de fête comme le foie gras, etc.) devrait faire l’objet d’une attention soutenue de la part les pouvoirs publics.

Mme Sylvia Pinel (LT). J’estime que cette nouvelle période de confinement risque, en raison même de sa saisonnalité, de rendre les mesures de restriction d’autant moins équitables et acceptables. Outre les métiers d’art, il faut insister sur les difficultés rencontrées par les commerces d’habillement, les magasins de jouets et les bijoutiers. Je me félicite, par ailleurs, de l’évocation des problèmes de stocks par les rapporteurs du groupe de suivi. Au-delà de la mobilisation des banques et des assurances, d’autres dispositifs de soutien doivent être trouvés.

S’agissant du problème des loyers commerciaux, je souhaiterais qu’une solution soit trouvée pour les petits bailleurs. En outre, toutes les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, ne sont pas capables de s’adapter rapidement aux impératifs de la numérisation et il serait donc nécessaire que les réseaux consulaires (chambres de commerce et d’industrie, chambres des métiers de l’artisanat, etc.) soient mobilisés pour les accompagner.

Au titre des perspectives d’évolution à plus long terme, je juge indispensable d’anticiper les effets sur le tissu économique des changements des habitudes de consommation issus de ces périodes de confinement. Enfin, une réflexion sur la fiscalité devrait également être engagée collectivement.

M. Alain Bruneel (GDR). Des réactions des associations commerçantes, il ressort un sentiment de frustration et d’iniquité. Elles ne contestent pas les mesures sanitaires qui ont été prises mais le confinement n’étant pas le même pour tout le monde, les commerçants ont souhaité dire qu’ils étaient là et qu’ils aimeraient continuer à vivre.

Amazon fait partie des entreprises qui ont profité du confinement du mois de mars. Il faut repenser notre manière de travailler avec les plateformes du e-commerce. Amazon est connu pour son non-respect des règles fiscales, sociales et environnementales. Derrière les chiffres et les situations il y a des hommes et des femmes, des étudiants, des intérimaires, des chômeurs mais aussi des auto-entrepreneurs et des artisans. Selon les associations caritatives la crise sanitaire a fait basculer dans la pauvreté 1 million de personnes supplémentaires qui s’ajoutent aux 9,3 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.  La situation humaine est dramatique, les mesures annoncées vont certainement aider les petits commerçants et il y a des choses à faire concernant des entreprises comme Amazon pour les taxer, même si cela ne réglera pas le problème. 

Beaucoup de choses ont déjà été dites au printemps. Il convient désormais de s’interroger sur les mesures à prendre pour préparer demain.

Mme Delphine Batho. Premièrement, d’un point de vue pragmatique, le travail qui a été fait par les six groupes de travail de la commission lors du premier confinement a été utile. Reste le problème politique : pour que les règles suscitent l’adhésion de tout le monde il faut qu’elles soient fondées sanitairement et comprises du point de vue de leur logique sanitaire. C’est ce qui a pêché sur la définition des biens « essentiels ». À mes yeux il faut y remédier, y compris par des échanges avec le conseil scientifique, ce qui est d’ailleurs prévu par le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

Le second sujet est celui de la concurrence déloyale et je regrette que, lors de son examen, la majorité se soit contentée de critiquer la proposition de loi instaurant un moratoire sur l’implantation de nouveaux entrepôts logistiques destinés aux opérateurs du commerce en ligne et portant mesures d’urgence pour protéger le commerce de proximité d’une concurrence déloyale, inscrite à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe Écologie, Démocratie, Solidarité et présentée en commission des affaires économiques le 1er octobre dernier. Pire encore, le Gouvernement va alléger les impôts locaux d’Amazon. Il y a aussi la problématique de l’application de la loi pendant la période des fêtes et le Black Friday que le législateur avait souhaité interdire dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Il faut prendre le sujet de la concurrence déloyale à bras le corps en rappelant que seulement 4,7 % des ventes sur Amazon sont le fait de petites et moyennes entreprises françaises. À d’autres moments de notre histoire ont existé des impôts sur les bénéfices de guerre : la commission des affaires économiques doit aller au-delà du constat et avancer vers des solutions.

M. Philippe Naillet. Je voudrais faire un focus sur la situation des acteurs économiques à La Réunion, même si ce territoire n’est pas concerné par le confinement. J’attire votre attention sur l’engagement des compagnies aériennes à maintenir un minimum de vols, sur le fret durant les fêtes de fin d’année, sur l’exportation des productions agricoles, sur le tourisme et sur les mesures d’accompagnement économique qui doivent être territorialisées.

Il existe un manque de fonds propres des entreprises et je propose de transformer le prêt garantit par l’État (PGE) en fonds propres.

M. Rémi Delatte. Je relève que cette crise devait constituer une opportunité en permettant d’engager une réflexion de fond pour bâtir une fiscalité du commerce plus adaptée aux enjeux du XXIe siècle. Les rapporteurs ont parlé de l’assujettissement des entrepôts à la taxe sur les surfaces commerciales, c’est selon moi une mesure d’équité. Mais on connaît aussi la réticence du Gouvernement à l’appliquer aux géants du e-commerce.

J’appelle à l’application rapide de la suppression de la taxe locale sur les enseignes de publicité extérieure, demande formulée par les professionnels. Enfin, je considère que c’est le moment d’engager les opérations de revitalisation du territoire.

M. Olivier Falorni. Au-delà du débat sur l’« essentialité » qui, dans de nombreux cas, peut amplifier la colère des petits commerçants, la question de l’équité fiscale revient en permanence. Mme Delphine Batho a évoqué les périodes de guerre : après la première guerre mondiale, les industries bénéficiaires et notamment d’armement avaient été taxées dans un cadre de solidarité pour la Nation. Il faudra réfléchir à la taxation des surfaces d’entrepôts des plateformes du e-commerce.

La démobilisation des banques par rapport au premier confinement doit être dénoncée et je souhaite des propositions sur l’implication des assurances face à ce deuxième confinement et aux difficultés des commerçants.

M. Roland Lescure, président. Je voudrais formuler deux remarques avant de céder la parole aux rapporteurs. Tout d’abord, je souhaite que la commission des affaires économiques travaille de la façon la plus transpartisane possible. Ensuite, j’ai évidemment conscience des limites de l’exercice actuel, dans un contexte où l’essentiel du projet de loi de finances pour 2021 a déjà été examiné devant l’Assemblée nationale. Mais, sur les débats fiscaux, en particulier concernant la taxation des acteurs comme Amazon, je vous invite à déposer des amendements sur les articles non rattachés.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Je salue la qualité du travail transpartisan mené. Il est nécessaire que les secteurs bancaires et assurantiels prennent des risques pour soutenir les entreprises en difficulté. Je m’étonne aussi, comme d’autres collègues, du fait que les commerces puissent rester ouverts ce 11 novembre, dans un contexte où le Gouvernement souhaite que les gens restent chez eux.

J’abonde dans le sens des propos tenus par M. Dominique Potier au sujet des difficultés encore invisibles des entreprises. Ces difficultés risquent de se manifester avec retardement au printemps prochain. Il semble donc important de prêter attention au coût d’amortissement de la crise pour ces acteurs déjà fragilisés. Il convient d’insister sur la nécessité d’une acculturation des Français en matière de pratiques d’achat, en reprenant à notre compte un slogan des années 1980 « Nos emplettes font nos emplois ». Il semble par ailleurs indispensable de trouver un équilibre, avec des protocoles sanitaires renforcés, pour permettre aux commerçants de bénéficier de la période des fêtes de Noël.

Enfin, en conclusion, je souhaite mentionner l’accueil et de la restauration des travailleurs du BTP. Il y a nécessité à trouver des solutions leur permettant de se restaurer le midi et de bénéficier d’un temps de repos le plus confortable possible.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Je souhaite également saluer la qualité du travail effectué dans le cadre du présent groupe. Je rejoins M. Stéphane Travert et le président Roland Lescure sur la nécessité d’un débat sur la fiscalité d’acteurs comme Amazon, tout en soulignant que ce dernier ne doit pas être « l’arbre qui cache la forêt ».

J’adhère également au constat selon lequel le secteur des banques et des assurances doit être pleinement mobilisé dans le cadre de la présente crise.

S’agissant de la situation des petits commerçants, pour qui la demande d’équité fiscale a été, et reste forte, j’insiste pour que l’on évite d’opposer les acteurs entre eux, petits commerces et grandes surfaces, par exemple. Je relève, en outre, que l’U2P formule une demande de territorialisation des mesures, qui doit être prise en compte.

Enfin, le groupe de travail aura un champ d’action qui différera des groupes sectoriels organisés lors du premier confinement dans la mesure où tous les sujets ne peuvent pas être traités simultanément. Ils feront l’objet d’études échelonnées dans le temps. Ainsi, le groupe de travail s’est d’abord penché sur le sujet des commerces de proximité, premiers concernés par le reconfinement, ainsi que sur la question des banques, qui sera traitée sur deux semaines. Seront également abordés les secteurs de l’alimentation – très affecté à l’approche des fêtes de Noël et du nouvel an ou de périodes comme celles du « Beaujolais nouveau » – et du tourisme, à quelques semaines de la saison d’hiver. Des auditions spécifiques seront organisées, auxquelles les députés intéressés par ces sujets pourront être associés, pour interagir avec les acteurs et avec les rapporteurs.

M. Roland Lescure, président. Je remercie les rapporteurs et invite les députés qui auraient des suggestions de thématiques à aborder à se rapprocher d’eux.


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2.   Réunion du mercredi 18 novembre 2020 consacrée aux partenaires privés des entreprises

La commission des affaires économiques s’est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée aux partenaires privés des entreprises.

M. Michaël Nogal, président. Chers collègues, nous abordons maintenant les travaux du groupe de suivi des conséquences économiques du confinement. Je laisse la parole à M. Julien Dive, co-rapporteur.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Les travaux du groupe de suivi, la semaine passée, ont été consacrés aux premiers partenaires privés des entreprises en situation de crise : leurs banquiers, assureurs, experts‑comptables et centres de gestion agréés. Ces derniers ont été entendus comme des témoins privilégiés de la situation des entreprises. Notre présentation d’aujourd’hui se concentrera sur le rôle joué par les deux grands acteurs financiers – banques et assurances – depuis le début de la crise sanitaire, et plus particulièrement dans l’accompagnement des entreprises face au reconfinement.

Lors du premier confinement, la banque et l’assurance françaises ont rapidement pris un certain nombre de mesures de solidarité envers nos entreprises en difficulté – avec, il faut le souligner, une réactivité et une ampleur de réaction spéciales de la part du secteur bancaire. Les banques ont ainsi, dès le 15 mars, décidé de reporter jusqu’à 6 mois les remboursements de crédits des entreprises – et jusqu’à 12 mois pour le secteur touristique et évènementiel. Même si tous les établissements ne l’ont pas mis en œuvre, ce moratoire a concerné 2 millions de contrats et porté sur 20 milliards d’euros d’encours jusqu’en septembre.

Les assurances, quant à elles, se sont engagées devant le Premier ministre, le 15 avril, à apporter des aides à hauteur de 1,75 milliard d’euros en sus de ce qui est prévu par les contrats. Et de fait, 1 756 millions d’euros de mesures « extra-contractuelles » ont été prises individuellement par les compagnies d’assurances : quelques-unes versant des soutiens financiers pour compenser l’exclusion de la pandémie dans leur garantie au titre des pertes d’exploitation ; d’autres supprimant ou réduisant les primes, etc. Le secteur a apporté, par ailleurs, en juin, 400 millions d’euros au fonds de solidarité.

Mais qu’en est-il de l’accomplissement de leurs missions premières : à savoir éviter l’étranglement financier conjoncturel des entreprises pour les uns, couvrir les dommages créés par la crise pour les autres ? S’agissant des banques, on nous a parlé de la prudence exacerbée de certains établissements aux débuts de la distribution des prêts garantis par l’État (PGE) ; et la Banque centrale européenne a relevé un certain durcissement dans notre pays des conditions d’octroi des crédits aux entreprises au troisième trimestre, après le premier confinement. Enfin, certains d’entre nous ont été informés des difficultés de jeunes créateurs d’entreprise à trouver des financements, notamment en perspective de la relance.

Il n’en reste pas moins que la distribution des crédits aux entreprises est restée active pendant le premier confinement et encore après, jusqu’au reconfinement. Enfin, si les données générales sur octobre et début novembre sont indisponibles, le tableau de bord du ministère de l’économie sur les PGE montre que 1,4 milliard d’euros supplémentaires ont été accordés sur le seul mois d’octobre. La Banque de France a elle-même salué la mobilisation des banques françaises, qui ont plus massivement soutenu nos entreprises que leurs homologues dans les autres pays européens, avec, au surplus, les taux d’intérêt les plus bas d’Europe. La Banque de France a relevé, en outre, des taux d’accès aux crédits de trésorerie historiquement élevés au deuxième trimestre, avec 94 % des demandes des petites et moyennes entreprises (PME) et 90 % des demandes des très petites entreprises (TPE) satisfaites. Au troisième trimestre, ces taux demeurent nettement supérieurs aux niveaux antérieurs, avec des ratios de, respectivement, 90 et 87 %. Quant aux crédits d’investissements, le taux de satisfaction des demandes des PME est resté aux excellents niveaux de 95 et 96 %, quand il s’établissait à 92 % au niveau européen sur les premiers mois de l’année. Le taux d’accès des TPE a connu un léger recul, mais s’établissait encore à 86 % au troisième trimestre. Pour autant, ces chiffres honorables ne doivent pas faire oublier que les demandes de crédits d’investissement des TPE comme des PME ont sensiblement diminué depuis le début de la crise.

En pratique, le soutien bancaire est largement lié à la distribution des PGE. Celle‑ci a été étendue, rapide et massive : au 30 octobre, on décompte près de 603 000 entreprises à en avoir bénéficié, en peu de mois, pour un total d’aides cumulées de 123,2 milliards d’euros. Le taux de refus des demandes éligibles s’établit à seulement 2,7 %. 89 % des bénéficiaires sont des TPE. Par secteur, on observe qu’il s’agit pour 22 % de commerçants et pour 15 % des entreprises des secteurs de l’hébergement et de la restauration. Les banques se sont aussi engagées à distribuer les PGE à prix coûtant, c’est-à-dire sans marge ni frais de dossier, mais au prix de la ressource pour la banque. L’inconvénient de ce système est une incertitude sur le prix final pour l’emprunteur ; néanmoins, il devrait être calculé au minimum de ce que permettent des marchés dont les taux devraient être durablement bas. Dans les conditions actuelles, ce coût s’établirait entre 1 600 et 2 200 euros par an pour un montant moyen de 180 000 euros prêtés aux PME et TPE.

Le groupe de travail a été alerté sur une autre source d’inquiétude pour les entreprises : les modalités de sortie des PGE de première génération, attribués au printemps dernier. S’il est possible désormais d’opter pour un amortissement sur une à cinq années supplémentaires, le premier dispositif des PGE prévoyait quant à lui un remboursement au terme d’un an. C’était avant que l’on se rende pleinement compte que cette crise durerait. De nouvelles modalités d’amortissement de ces premières dettes seront sans doute à négocier au premier trimestre 2021. Le secteur bancaire s’engage à trouver des formules adaptées à chaque entreprise, par le dialogue avec son banquier.

Nous recommandons néanmoins au Gouvernement la plus grande vigilance sur les conditions de sortie des PGE distribués à l’occasion du premier confinement. Pour accompagner les entreprises pendant le second confinement, les banques françaises assurent qu’elles maintiennent leur mobilisation et une distribution réactive des PGE. La fédération bancaire française (FBF) affirme que notre système résiste solidement à la crise et pourra faire face aux demandes de crédits. Néanmoins, pour préserver la solvabilité des établissements bancaires, l’Autorité bancaire européenne ne les autorise plus, depuis le 1er octobre, à accorder un report général des paiements. Aujourd’hui, même si la possibilité de moratoires individuels n’est pas écartée de principe, la position du secteur bancaire est de pousser le dialogue avec les entreprises le plus loin possible, afin de trouver ensemble des solutions individualisées. La FBF affirme que les portes des banques sont ouvertes pour ce dialogue et conseille de ne pas attendre les premiers incidents de paiement avant de les alerter.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Le groupe de travail a interrogé les acteurs auditionnés cette semaine sur l’intérêt d’une plus grande coordination des accompagnements apportés sur le terrain aux entreprises en difficulté : entre leurs banques, leurs experts-comptables et même les organisations d’action économique, comme les agences de développement économique, les chambres de commerces et les chambres de métier. La réponse de la fédération bancaire française fut que les banques ne sont sans doute pas autorisées à partager les données individuelles de leurs clients entreprises avec les autres intervenants. La fédération des centres de gestions agréés reconnaît de son côté que les divers partenaires des entreprises ne se concertent pas facilement. Pourtant, plus de coordination permettrait de simplifier l’information apportée aux entreprises ; et de trouver ensemble les solutions les plus adaptées.

Pour améliorer l’efficacité des aides et la cohérence des accompagnements proposés aux entreprises, nous recommandons donc, premièrement, que soit étudiée la légalisation des échanges d’informations entre les partenaires des entreprises en période de crise et, deuxièmement, pour aller plus loin, que soient étudiées les pistes possibles pour favoriser le rapprochement des différents partenaires professionnels, voire institutionnels, au chevet des entreprises les plus impactées par la crise : dispositif organisé de coordination, intermédiation…

Quant aux assurances, elles ont su décider, dès le 30 octobre, pour 275 millions d’euros de mesures collectives de solidarité en direction des entreprises bousculées par le second confinement : qu’il s’agisse de la suppression d’un à trois mois de loyer pour les TPE et PME contraintes de fermer administrativement, du maintien, même en cas de non-paiement de primes, de la garantie des contrats dommages, santé et prévoyance souscrits par les TPE obligées de fermer et de plusieurs autres gestes « extra-contractuels ». Cependant, ni au premier confinement, ni au second, il n’a été question de suspension générale des primes. Par ailleurs, le secteur des assurances a rappelé que 93 % des contrats de garantie des pertes d’exploitation excluent clairement la prise en charge de la situation actuelle ; sur les autres contrats, 3 % peuvent être interprétés comme couvrant ce risque, même si les signataires ne l’avaient pas anticipé ; enfin, 4 % donnent lieu à une interprétation ambiguë, à l’origine de contentieux très médiatisés. La fédération française de l’assurance (FFA) explique que les compagnies privées ne peuvent assumer toutes les pertes liées à la pandémie. Leurs situations financières se sont dégradées avec la crise : en termes de sinistralité, la branche Automobile a certes fait des économies, mais la branche Santé a connu un rebond de ses dépenses avec le rattrapage constaté sur les soins après le premier confinement et l’indemnisation des arrêts de travail couverts par les contrats de prévoyance des entreprises est déjà volumineuse. Toutes branches confondues, le secteur s’attend à un alourdissement accéléré de la charge des sinistres dans les mois à venir. Côté revenus, les assurances ont vendu moins de contrats d’assurance-vie pendant le premier confinement ; les marchés qui financent normalement la branche Automobile sont déprimés ; mais, surtout, les assureurs craignent l’explosion des impayés sur les contrats de prévoyance des entreprises : le secteur estime que près d’un milliard d’euros de primes pourraient ne pas être pas encaissées alors que la garantie correspondante a été activée.

Face à ces menaces sur leur solvabilité, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCR) leur a interdit de verser des dividendes le temps de la crise et imposé de refuser l’indemnisation des risques non prévus par leurs contrats. L’APCR leur aurait aussi, semble‑t‑il, demandé de clarifier les dispositions contractuelles floues. Un point que le groupe de travail n’a pas été mesure de vérifier car c’est après l’audition que nous avons été informés de la campagne, en cours, pour réviser les contrats de garantie de pertes d’exploitations qui arrivent à échéance en fin d’année : plusieurs compagnies obligent ainsi leurs assurés entreprises à accepter un avenant excluant explicitement de leurs garanties, pour le futur, les pandémies, et donc la covid-19, sous peine de résiliation de leur couverture.

Quoi qu’il en soit, selon l’assurance française, la nature systémique d’une pandémie ne serait pas assumable par l’assurance privée : touchant tout le monde en même temps, elle interdit toute mutualisation des sinistres et représente une charge dépassant largement les revenus et disponibilités financières des compagnies concernées. La fédération française de l’assurance travaille donc, avec d’autres acteurs, sur un projet de partenariat public-privé, un dispositif s’inspirant du CATNAT couvrant les catastrophes naturelles. La dernière version, adressée au ministère de l’économie il y a quelques jours, prévoit la création d’un dispositif d’assurance simple et forfaitisé permettant aux entreprises non pas d’éponger toutes leurs pertes mais de passer le cap d’une crise majeure. Sans préjuger de la pertinence du système proposé, nous recommandons d’accélérer la mise au point de ce nouveau régime, afin de minimiser notamment les dégâts causés par la campagne de révision des contrats d’assurance. Mais en tout état de cause, la FFA a indiqué que, ne s’appliquant pas aux contrats en cours, le nouveau dispositif ne résoudra pas les difficultés causées par la covid-19.

Enfin, au-delà de la gestion des pics de la crise, les deux grands acteurs financiers que nous avons auditionnés s’apprêtent aussi à accompagner la résilience de nos entreprises et à investir pour accélérer la reprise. Le 19 octobre, avant le reconfinement, le secteur bancaire annonçait la co‑construction avec le ministère de l’économie d’un dispositif exceptionnel de prêts participatifs, également soutenus par l’État : des quasi fonds propres qui seraient accordés aux PME et ETI à potentiel mais dont la structure a été affaiblie par la crise, afin de faciliter leurs investissements. Ils seraient disponibles à partir du premier trimestre 2021 et jusqu’en 2022, distribués à un coût abordable dans les réseaux bancaires de proximité. On n’en connaît pas encore les volumes prévisionnels. De leur côté, les assureurs français se sont engagés à investir collectivement 1,5 milliard d’euros dans la relance de l’économie après la crise liée à la covid-19, en particulier dans les entreprises de tailler intermédiaire (ETI) et les PME françaises, avec une cible d’investissements en fonds propres à hauteur de 65 % du programme. 600 millions d’euros seront consacrés au secteur de la santé, dans le but notamment de renforcer la souveraineté sanitaire de la France et de soutenir la « BioTech » française, et 150 millions au secteur du tourisme.

Voilà pour le rendu des travaux du groupe de suivi depuis notre précédente réunion. Nous vous informons que cette semaine les auditions seront consacrées aux difficultés du tourisme de montagne et que la semaine suivante, nous entendrons quelques grands acteurs du e-commerce. Ultérieurement nous avons aussi prévu de travailler sur la question de l’alimentation et des évènements festifs.

Mme Huguette Tiegna (LaREM). Je remercie les rapporteurs pour leurs explications et leurs travaux. Depuis le début de la crise sanitaire, les banques ont été des acteurs majeurs du financement de l’économie et leur accompagnement a été vital pour protéger les entreprises françaises. Le secteur bancaire a montré sa solidarité avec 120 milliards d’euros de prêts, essentiellement vers les TPE et PME, aux taux les plus bas d’Europe. C’est trois fois plus qu’en Allemagne. Malgré la crise, les taux d’accès aux crédits de trésorerie sont restés élevés, avec 94 % de demandes de crédits des PME et 90 % des demandes de crédits des TPE satisfaites. Le secteur a également répondu présent à l’octroi de financements d’investissement, les taux d’accès aux demandes de crédits en ce sens sont restés excellents, avec 95 à 96 % des demandes satisfaites.

Les PGE ont été essentiels. Ils ont été rapidement et massivement déployés. En quelques mois, près de 603 000 entreprises en ont bénéficié, pour un total de 123,2 milliards d’euros, avec des taux d’intérêt compris entre 1 à 2,25 % en fonction du nombre d’années de remboursement. Le système bancaire a démontré sa résistance face à la crise, mais il reste l’inquiétude des banques de ne pouvoir accorder à nouveau un report général des paiements sans mettre en péril leur solvabilité. Si des moratoires restent possibles, cette question reste à approfondir.

De son côté, l’assurance française a joué un rôle important dans la gestion de la crise ; mais des enjeux substantiels en matière de couverture des risques demeurent. À cet égard, un partenariat public-privé, à l’image de ce qui existe pour les catastrophes naturelles, semble être une solution pour offrir une couverture « catastrophe extérieure » adaptée à une crise du type de celle provoquée par la covid-19. Ce travail de réflexion est en cours et prévoit la création d’un dispositif d’assurance simple, rapide et forfaitisé, permettant aux entreprises non pas d’éponger toutes leurs pertes mais de passer le cap d’une crise majeure. Pour entrer en vigueur, ce régime nécessitera un changement législatif.

Par ailleurs, même si le plan de relance cible le numérique, la transition écologique et la relocalisation des industries, la fédération bancaire française a indiqué qu’une modulation des tarifications en fonction des secteurs n’était pas à l’étude. Pour la fédération française de l’assurance, cette question reste également en suspens. Il faut donc approfondir la réflexion au niveau national et européen, quant à la solvabilité des banques et à la contribution des assurances dans le cas où cette crise sanitaire serait amenée à durer dans le temps.

M. Rémi Delatte (LR). Je voudrais concentrer mon propos sur l’activité des banques. Je veux féliciter les rapporteurs pour leur travail, fourni et objectif. Je veux aussi saluer les efforts locaux du secteur bancaire, assurantiel et de l’expertise comptable, bien que certains besoins ou attentes ne soient pas encore satisfaits, ou du moins que partiellement.

On le sait, cette crise est partie pour durer : après les drames économiques, et parfois humains imputables aux confinements et à l’arrêt total de certaines activités, nous devrons faire face à une crise sociale, mais aussi à une menace de longue durée sur le financement de notre économie. Avant même cette crise sanitaire de 2020, les banques françaises, selon le Gouverneur de la Banque de France, bien qu’ayant consolidé leur structure financière par rapport à la période précédant la défaillance de Lehman Brothers, demeuraient celles enregistrant l’un des taux de rentabilité les plus bas en Europe. Or, on le sait, la durée entre le retournement d’un marché et la défaillance d’une institution financière peut atteindre 12 à 18 mois, nous l’avons malheureusement connu en 2008 avec la crise de l’immobilier.

Si nous regardons le premier confinement, la dette des entreprises a augmenté davantage que le montant des PGE accordés et davantage encore que leur chiffre d’affaires précédent. Une fois les PGE consommés au mois de juin 2021, une fois le soutien financier du chômage partiel, certes essentiel mais nécessairement temporaire, achevé, que restera-t-il de la capacité de financement de nos entreprises ? Et surtout, qu’adviendra-t-il des prêts antérieurs, non garantis pas l’État, qui ne pourront être remboursés en raison des faillites de ce que certains appellent les entreprises « zombies » ? Ne craignez-vous pas, d’ici 18 à 24 mois, une « réplique » tout aussi probable que brutale de la crise actuelle, à savoir l’augmentation du chômage, donc des faillites, donc des difficultés supportées par les institutions financières et bancaires ?

M. Antoine Herth (Agir ens). Je voulais poser deux questions aux rapporteurs.

S’agissant des centres de gestion agréés, un constat souvent fait par les petites et moyennes entreprises et les très petites entreprises (PME-TPE) est celui de la difficulté de diffusion de l’information relative aux aides publiques. Ne faudrait-il pas avoir une relation régulière avec la fédération des centres de gestion agréés pour qu’elle nous serve de thermomètre de l’ambiance économique générale du pays ? Il serait intéressant d’avoir un suivi régulier de l’état des PME-TPE, d’autant qu’un constat surprenant est fait : celui de la baisse des défaillances d’entreprises parce que les tribunaux de commerce ont vu leur fonctionnement perturbé par la crise de la covid-19. En conséquence de quoi, un certain nombre de démarches n’ont pas été faites en temps et en heure.

Deuxièmement, constate-t-on une différence d’approche entre les assureurs « purs » et les banques également assureurs qui ont peut-être intérêt à avoir une approche différente sur les produits d’assurance étant donné les enjeux du point de vue des crédits accordés ?

M. Julien Dive, co-rapporteur. J’apporte une précision s’agissant du programme de travail de notre groupe de suivi : vos deux rapporteurs seront reçus mercredi prochain par M. le ministre Alain Griset pour faire remonter les remarques de nos collègues et celles formulées lors des auditions.

Je retiens un fonds commun dans vos propos : la crainte légitime qu’une crise financière succède à la crise sanitaire. On vit une crise sanitaire, une crise probablement économique à court terme en raison du ralentissement de la croissance, une crise sociale avec l’explosion du nombre de Français qui s’inscrivent auprès des associations alimentaires et, effectivement, la grande crainte que l’on pourrait aussi avoir, dans les dix-huit à vingt-quatre mois, une crise financière. Les banques aujourd’hui prennent des engagements, du mieux qu’elles peuvent. Des emprunts ont été contractés avant les prêts garantis par l’État (PGE) et qu’il faudra rembourser. Il y a aussi une dette qui s’accroît plus rapidement chez les entreprises que ce qui a été accordé au travers du PGE. Cela peut amener à une fragilisation générale de l’ensemble du secteur économique. Il faudra que nous soyons vigilants à ce que l’État – même s’il est trop tôt pour le dire – soutienne le secteur bancaire, comme par le passé lors de la crise de 2008 et même auparavant. L’épargne des Français est un levier important de la reprise économique. Ce sera à nous, parlementaires, de peser pour que l’État joue son rôle aux côtés du secteur bancaire qui est le principal levier du monde économique. J’ajoute que l’épargne des Français a gonflé de manière importante ; elle devra participer à la relance économique
– M. Bruno Le Maire s’est engagé dans cette réflexion – pour préserver à terme l’ensemble de notre modèle.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Je souscris à ce qui vient d’être dit : on a tous le souvenir de la crise de 2008 où l’État a pris sa responsabilité et sauvé le système bancaire. Ce sont d’ailleurs les Français et leur épargne qui ont sauvé le système bancaire. Aujourd’hui, la légitime attente des citoyens et des entreprises est que les banques jouent à leur tour leur rôle dans la sauvegarde de l’emploi et de l’économie. Les acteurs du système bancaire et du système assurantiel l’ont bien compris et la mise en œuvre se fera à des degrés différents.

En réponse à M. Herth, je précise que les banques commercialisant des assurances ont traité les choses de manière un peu différente. Ce sont souvent des banques de proximité. Mais ces banques n’ont souhaité s’exprimer que sur ce qui relevait du secteur bancaire.

On va avoir enfin à imaginer, dans les semaines ou les mois à venir, des dispositifs qui permettront de faire en sorte que les PGE contractés auprès des banques puissent être facilement résolus. Certains départements connaissent aujourd’hui un taux de chômage plus faible grâce aux PGE ; mais l’on craint que la crise ne soit reportée au printemps voire au deuxième semestre 2021. Ce sera à ce moment- qu’il faudra trouver des dispositifs pour que soient pris en charge les PGE des entreprises qui auront fermé. Peut-être par l’allocation des remboursements des autres PGE à un fonds de solidarité ?

Je partage aussi l’idée que l’on puisse avoir un dialogue régulier avec les centres de gestion agréés. On avait le choix d’auditionner l’ordre des experts-comptables ou les centres de gestion agréés ; auditionner ces derniers nous a permis de comprendre qu’il y avait peu d’interactions entre les centres de gestion agréés, les experts-comptables, les banques et les assurances. Il y a peu de transversalité entre ces différents interlocuteurs. Il faudrait qu’ils se parlent pour anticiper un certain nombre de crises. D’où la proposition pertinente de M. Antoine Herth : poursuivre un dialogue avec les centres de gestion agréés qui sont au plus près du terrain et ont une connaissance approfondie de la comptabilité des entreprises.

M. Julien Dive, co-rapporteur. S’agissant de la différence d’approche entre les assurances « pures » et les banques-assurances, on cherchera des compléments d’information.

M. Mickael Nogal, président. N’hésitez pas à communiquer largement sur les travaux du groupe de suivi, ils le méritent.


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3.   Réunion du mercredi 25 novembre 2021 consacrée au tourisme de montagne en hiver

La commission des affaires économiques s’est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée au tourisme de montagne en hiver.

M. Roland Lescure, président. Chers collègues, nous poursuivons nos réunions destinées à évaluer en temps réel la politique de soutien du Gouvernement aux différents secteurs de notre économie durant cette période de confinement.

Je remercie nos rapporteurs, MM. Stéphane Travert et Julien Dive, pour le travail de coordination qu’ils réalisent et pour le choix qu’ils ont fait cette semaine de se concentrer sur un sujet d’actualité important, le tourisme de montagne. J’ai pris attache dans les autres pays concernés, où la situation est tout aussi difficile : en Italie et en Bavière, les stations sont fermées, en Suisse les situations varient en fonction des cantons. Le tourisme de montagne, marqué par sa saisonnalité, constitue l’occasion de déplacements et de regroupements importants de populations, ce qui complique la donne dans cette période de crise sanitaire.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Cette semaine, nous allons en effet évoquer avec vous nos travaux sur le tourisme de montagne, en tenant compte des déclarations faites hier soir par le Président de la République.

À l’orée de l’hiver, les professionnels et les territoires du tourisme de montagne sont particulièrement inquiets de la possibilité, ou non, de reprendre une activité. Le tourisme de montagne en hiver représente 10 milliards d’euros (Md€) de chiffre d’affaires annuel et 120 000 emplois directs ou indirects pour les 250 stations de ski que compte notre pays, et également pour les territoires de nos six principaux massifs, qui attirent alors 10 millions de touristes. Pour un euro de forfait, six euros supplémentaires sont en effet dépensés en station ou dans les vallées environnantes. En outre, 356 millions d’euros sont réinvestis chaque année par les Domaines skiables de France, qui contribuent également fortement aux rentrées fiscales des collectivités territoriales concernées. Enfin, pour une partie des saisonniers, qui composent la majorité des emplois, les quatre à cinq mois de la saison constituent la quasi‑totalité de leurs revenus de l’année. Vous comprendrez alors l’importance centrale de la saison hivernale pour ces nombreux acteurs.

Le premier confinement a affecté les stations de manière différenciée, car les fermetures administratives ont précédé de peu la fin de saison dans les stations de petite et moyenne montagnes. L’organisation professionnelle des opérateurs, Domaines skiables de France, et les écoles de ski françaises annoncent ainsi des pertes globales relativement limitées, à hauteur de 13 à 14 % de leur chiffre d’affaires annuel. Mais ces pertes sont montées jusqu’à 20 voire 25 % dans les très grandes stations d’altitude, qui ont cumulé les difficultés provoquées par la diffusion de la pandémie, dès février, dans les Alpes du nord et la perte de six semaines de saison. Dans les différentes catégories d’hébergements, les déficits de nuitées varieraient entre 22 et 33 %. La mise en place, rapide, de l’activité partielle pour leurs salariés, puis une bonne saison estivale pour les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et des autres activités de plein air ont permis, pour un grand nombre d’acteurs, d’amortir partiellement le choc. Mais le sort de la prochaine saison et les modalités d’accompagnement des entreprises dans un contexte toujours très complexe seront déterminants pour leur résilience.

Selon Atout France, la fermeture totale des stations de montagne au mois de décembre pourrait entraîner une perte globale de l’ordre de 2 Md€, dont plus de la moitié pour les seules vacances de Noël. De fait, les deux prochains mois représentent potentiellement 42 % du chiffre d’affaires d’une saison pour les Domaines skiables. L’hôtellerie familiale et les résidences assurent réaliser 20 % de leurs recettes annuelles pendant les vacances de Noël au Jour de l’An.

Si la réouverture est tardive et partielle, les impacts varieront selon les massifs et les profils des clients de chaque station. Les stations d’altitude, qui ouvrent normalement un mois plus tôt et comptent une forte proportion d’étrangers parmi leurs clientèles, subiront les plus lourds manques à gagner. Mais, plus familiales, les petites stations sont également très dépendantes des vacances de fin d’année. Or, tous les professionnels constatent déjà entre 15 et 40 % de retard dans les réservations.

Parce qu’une saison de ski demande plusieurs semaines de préparation, les acteurs du tourisme de montagne ont attaqué leurs premiers préparatifs, recrutant jusqu’à un quart de leurs saisonniers. Mais, faute de visibilité sur l’avenir et faute du versement d’arrhes, ils travaillent sans filet. Aussi, s’ils ont tenu à remercier le Gouvernement et les ministères pour leur écoute active depuis le début de la crise et pour toutes les aides reçues, ils attendent aujourd’hui non seulement des réponses sur l’accompagnement dont ils pourront bénéficier sur les mois à venir, mais aussi des perspectives claires pour leurs activités.

S’agissant des aides, les acteurs apprécient les soutiens renforcés accordés à leurs secteurs plus fortement affectés par la crise. Mais certaines difficultés ne leur semblent pas suffisamment prises en compte. C’est le cas notamment des loyers commerciaux, qui pèsent lourdement dans leurs charges, problématique à laquelle le crédit d’impôt prévu ne permettra pas de répondre systématiquement.

Toutefois, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) nous a signalé que le ministère chargé des petites et moyennes entreprises leur a tout récemment demandé de réfléchir à la transformation des aides du fonds de trésorerie en un mécanisme fondé sur un pourcentage, à déterminer, du chiffre d’affaires de l’année précédente qui tienne compte des loyers et charges fixes. C’est ce mécanisme qu’a esquissé hier soir le Président de la République à l’occasion de son intervention.

Un autre sujet d’inquiétude est la soutenabilité à court et moyen termes des reports de charges et des remboursements de prêts, qui incite Domaines skiables de France à solliciter une deuxième année sans remboursement pour le prêt garanti par l’État « Saison » (PGES), à l’instar de ce qui devrait être rendu possible pour le prêt garanti par l’État (PGE) classique. Les entreprises ne voudraient pas, en effet, devoir arbitrer entre les PGE et leurs futurs besoins de crédits d’investissements. L’ensemble des acteurs souhaiteraient, enfin, que les échéances de leurs emprunts bancaires soient à nouveau différées.

Mais la première interrogation des acteurs du tourisme de montagne concerne la durée des dispositifs d’aides de l’État. Il apparaît que tous ont une validité limitée, ou une échéance encore vague, comme c’est le cas pour le PGES. Que va-t-il se passer pour les aides renforcées du fonds de solidarité au-delà de novembre ? Ces professionnels vont-ils pouvoir bénéficier de la prise en charge totale de l’activité partielle de leurs salariés après le 31 décembre ? Dans la mesure où les besoins des acteurs du tourisme s’exprimeront bien au‑delà des échéances aujourd’hui en vigueur, et que ces décisions sont des conditions de la reprise des activités, nous recommandons au Gouvernement de clarifier rapidement la durée de validité de ces aides, essentielles pour préserver leurs entreprises et leurs milliers d’emplois tant que dureront les contraintes sanitaires.

Des représentants de l’hôtellerie-restauration évoquent même la piste d’une mise à l’arrêt temporaire d’établissements qui n’auraient pas d’intérêt à rouvrir du fait d’une demande trop faible et dont l’effacement, jusqu’à ce que la demande redémarre réellement, permettrait de réduire une offre actuellement excédentaire. Pour cela, il faudrait un accompagnement public, que le Groupement national des indépendants hôtellerie-restauration (GNI-HCR) évalue à 15 % du chiffre d’affaires de ses adhérents, plus 8 % pour les loyers.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Avant de poursuivre, je souhaite remercier M. Vincent Rolland et Mme Marie-Noëlle Battistel, que nous avons souhaité associer cette semaine à nos travaux, et qui nous ont notamment transmis des contacts utiles.

Les autres questions des acteurs du tourisme de montagne portent sur les mesures à prendre pour sauver la saison. Ils demeurent en effet convaincus que c’est encore possible, et soulignent à cet égard que la saison 2020-2021 aurait été une saison record en l’absence de crise. Les Français ont une grande appétence pour la montagne, comme l’illustre leur réactivité à organiser leurs séjours dès que cela leur est possible. Mais cela suppose qu’ils aient, de manière pas trop tardive, des certitudes sur les possibilités d’accueil et d’activités dans les stations françaises et sur les possibilités de transport pour s’y rendre. Des décisions fermes doivent donc être prises sur la date d’une éventuelle ouverture et sur ses conditions.

Les professionnels ont besoin de clarté sur leurs marges d’action. Il en va de leur capacité à s’assurer du retour des clients. Chaque semaine de commercialisation perdue entraîne en effet la perte d’une partie importante de la clientèle. Cette clarté est aussi stratégique pour décider de l’ampleur des préparatifs à engager pour la saison, et de l’ampleur des recrutements à finaliser. Elle est enfin cruciale pour le moral des professionnels, qui, comme nombre de nos concitoyens, supportent difficilement les incertitudes qui pèsent sur leur avenir.

Ils ne sont pas pour autant inconscients de la gravité de la situation sanitaire de la France et de leurs propres territoires, qui connaissent aujourd’hui des taux de contamination comptant parmi les plus élevés du pays. Ils savent qu’au regard des tensions actuelles dans les hôpitaux, demander une décision trop prématurée leur ferait courir le risque d’un refus. Ils préfèrent aussi éviter des décisions trop précipitées et des mesures insuffisamment pensées qui conduiraient à une nouvelle fermeture ultérieure. Ils se disent donc prêts à attendre encore quelque temps pour retrouver une activité dans la durée. Cette prudence constructive est partagée par le Premier ministre qui, après avoir consulté les principales organisations professionnelles et les élus concernés, avait annoncé lundi matin qu’une décision sera prise dans les dix prochains jours, tout en précisant toutefois que l’évolution de la situation sanitaire sera le critère essentiel du Gouvernement, qui veillera également à assurer la cohérence de ses actions avec celles de nos voisins européens.

En attendant, les professionnels ont activement travaillé sur les mesures à prendre pour éviter un reconfinement ultérieur. La définition de protocoles sanitaires et la mobilisation des moyens de protection et de contrôle nécessaires sont au cœur de leurs stratégies. L’arrivée des tests antigéniques a profondément changé les approches : les entreprises veulent pouvoir réaliser des dépistages dès l’arrivée de leurs employés et régulièrement tout au long de la saison. Les stations souhaitent installer leurs propres centres de test et habiliter de nouveaux professionnels à effectuer des prélèvements, les pisteurs secouristes en particulier. On peut supposer que cette tâche sera très lourde. Le port du masque serait probablement exigé partout, sauf sur les skis, et contrôlé à la demande des communes. Pour décharger les hôpitaux de la traumatologie habituelle, des partenariats sont conclus avec les cliniques. Enfin, des protocoles sanitaires renforcés ont été étudiés. La Savoie, en particulier, a eu une démarche originale et prometteuse, en s’attelant à la définition d’un protocole collectif et global, traitant de tous les types d’activités.

La créativité des territoires nous conduit à suggérer que soit organisé, au niveau national, un partage des bonnes pratiques et des idées qui émergent des différents terrains et professions. Ce serait fructueux pour l’ensemble des acteurs impliqués, même si nous entendons leur attachement à une définition locale des protocoles sanitaires. À ce jour, les professionnels attendent la validation de leurs propositions. Ils reconnaissent enfin que le contrôle des rassemblements non autorisés sera plus difficile à organiser ; certains maires envisagent de faire appel à la gendarmerie. En tout état de cause, les stratégies seront décidées par chaque station.

Un autre arbitrage très attendu concerne les activités qui pourraient ne pas reprendre, ou de manière limitée. Les professionnels réfléchissent aux éventuelles restrictions, et les représentants des secteurs de l’hôtellerie et de la restauration (HCR) font savoir qu’ils sont prêts à s’adapter s’ils peuvent être autorisés à rouvrir. Les acteurs du tourisme de montagne craignent néanmoins que la fermeture de tous les restaurants et cafés ne déçoive leurs clients. Aussi, pour préserver l’ambiance des vacances, ils demandent que l’on étudie des solutions qui conservent quelques lieux de convivialité, comme les restaurants d’altitude, ou au moins leurs terrasses, avec les mesures sanitaires nécessaires. En tout état de cause, les professionnels des secteurs HCR revendiquent que les appartements réservés via les plateformes de location soient soumis aux mêmes exigences sanitaires que les résidences des autres acteurs de ces secteurs.

Le ministère chargé du tourisme nous a indiqué que ces divers sujets seront discutés dans un Comité stratégique du tourisme de montagne, que le Gouvernement doit lancer très prochainement. De façon prometteuse, il prévoit de « préparer au mieux la réouverture des stations et l’accueil du public, dès que les conditions sanitaires le permettront ». Cette coordination est très attendue par les professionnels, dont les représentants devraient être associés à la démarche. Il reviendra au Gouvernement d’arrêter les grands arbitrages et de définir le niveau d’exigence sanitaire. Nous tenons toutefois à dire notre conviction que, sur le terrain, l’efficacité des mesures mises en œuvre est plus grande quand elles sont définies en étroite concertation avec l’ensemble des acteurs locaux.

Nous soulignons enfin que, face à une crise qui peut se prolonger encore des mois, il est nécessaire d’arrêter des règles durables. Ce sera une discipline à prendre pour les professionnels de terrain, mais c’est aussi une demande de clarté et d’anticipation adressée aux ministères compétents.

Mme Pascale Boyer (LaREM). Je souhaite remercier nos deux rapporteurs pour la qualité de leur expertise. Élue des Hautes-Alpes, territoire de sport de pleine nature, je porte un fort intérêt aux sports pratiqués dans les territoires de montagne, bons pour la santé et générateurs d’une économie vitale. Qui aurait pu imaginer en 1895, date de la création à Grenoble du premier club de ski des Alpes, qu’en 2020, 250 stations de ski seraient réparties sur les six principaux massifs du territoire national. Qui aurait pu imaginer que 44,9 millions de forfaits-jour seraient vendus tous les ans ? Cette activité est capitale pour les territoires de montagne, car elle représente 120 000 emplois pour les stations de ski et les fonds de vallée, dont 18 000 emplois directs et 80 % d’emplois saisonniers. Le 17 mars dernier, tout s’est arrêté alors que la saison battait son plein. Les vacances d’hiver s’étaient bien déroulées, avec un taux de fréquentation élevé dû à un excellent enneigement. La fin de saison anticipée a engendré des pertes de 1,5 Md€.

Le Président de la République a annoncé hier, au cours de son allocution, que les stations pourraient probablement ouvrir à la mi-janvier 2021. Par suite de cette ouverture retardée de quasiment deux mois pour les stations de haute altitude et de quasiment un mois pour les autres, divers problèmes se posent. L’emploi constitue le problème majeur. Le 16 novembre dernier, la ministre du travail a incité à l’embauche des saisonniers, quitte à les placer en activité partielle. Jusqu’au 31 décembre 2020, l’État prend en charge à 100 % leur activité partielle. Cette prise en charge devrait être prorogée au-delà du 31 décembre. De plus, certaines régies de remontées mécaniques, qui ont une personnalité morale distincte de leur collectivité de tutelle, n’ont pas accès au dispositif d’activité partielle, ce qui pose actuellement problème pour l’embauche de leurs salariés. Les contrats de travail débutent quelques semaines avant l’ouverture des stations afin de préparer les pistes et de mettre en place les formations de remise à niveau des pisteurs secouristes. Ces pertes d’exploitation auront des conséquences sur les investissements futurs, à l’heure où les exploitants affichent des objectifs très ambitieux de neutralité carbone des domaines skiables à l’horizon 2037.

L’économie du tourisme hivernal en montagne fait vivre les fonds de vallée aussi bien que les stations. Les saisonniers sont très souvent pluriactifs : une multitude d’emplois locaux non délocalisables dépendent de cette activité. Ainsi en est-il notamment des autocaristes, des restaurateurs, ou encore des moniteurs de ski.

Je souhaite évoquer également l’impact de la crise sur les exploitants des résidences de tourisme, qui se trouvent dans une situation préoccupante en raison du poids des loyers à payer, problème non résolu mais que le ministre de l’économie, des finances et de la relance s’est engagé à prendre en main.

J’attire votre attention sur la nécessité d’harmoniser la date d’ouverture des stations annoncée pour la mi-janvier avec celles retenues par nos voisins européens afin de ne pas susciter des distorsions de concurrence.

Je tiens à remercier les entreprises du secteur, les professionnels, les élus locaux et les services de l’État qui travaillent assidûment pour permettre l’ouverture la plus rapide possible des stations, en tenant compte de la capacité des hôpitaux à recevoir à la fois des patients atteints de la covid-19 et des patients victimes d’accidents sportifs. J’en profite pour saluer les équipes de soignants qui se préparent à affronter dans nos territoires ces périodes hivernales difficiles.

Je vous remercie, et vous invite à venir découvrir les stations de ski dès qu’elles seront ouvertes. Les montagnards en ont besoin !

M. Vincent Rolland (LR). Je remercie les deux rapporteurs de m’avoir associé, avec Mme Marie-Noëlle Battistel, aux travaux de la semaine. Le tourisme de montagne est une ressource majeure pour certains territoires. Cette activité représente ainsi 50 % de la richesse créée chaque année en Savoie et rassemble 60 % du ski français avec la Haute-Savoie.

Je souhaite faire part de ma surprise et de ma stupeur vis-à-vis de l’annonce par le Président de la République du maintien de la fermeture des stations de sports d’hiver pendant les vacances de Noël. Les professionnels du secteur ont en effet travaillé les semaines précédentes sur des protocoles sanitaires renforcés. Une visioconférence avec le Premier ministre, plusieurs ministres et les membres de ce secteur d’activité s’est encore tenue le lundi 23 novembre et a débouché sur un accord quant à la nécessité de prendre une décision à la veille des vacances de Noël, mais non avant, avec des données épidémiques actualisées.

La décision du Gouvernement, qui porte pourtant sur une activité de plein air, est très prématurée et contestable. Je demande aux rapporteurs d’inciter le Gouvernement à revenir sur cette décision dans une dizaine de jours, en fonction de la situation sanitaire. Je rappelle qu’en Savoie, en une semaine, la dynamique épidémique est à la baisse, avec une réduction de 30 % des patients hospitalisés et placés en réanimation.

Je souligne, enfin, la nécessité de ne jamais oublier que, derrière le tourisme de montagne, il y a des milliers de femmes et d’hommes dont le revenu dépend d’une période réduite à quelques mois-clefs. Il faut à tout prix éviter des drames alors que, dans les autres pays, des stations rouvrent, par exemple en Autriche ou en Suisse.

Mme Marguerite Deprez-Audebert (MoDem). Je salue le travail des deux rapporteurs ainsi que le sens des responsabilités des acteurs de la montagne. Je note que si le tourisme de montagne a « tenu le coup » et rebondi après le premier confinement, la période post-second confinement risque d’être beaucoup plus compliquée. Il existe un écosystème entier de petites et moyennes entreprises actuellement à l’arrêt, en forte demande de perspectives et de soutien.

Je conclus mon propos en indiquant que cette crise doit être un accélérateur d’évolutions pour la montagne. Il faut désormais avoir une vraie stratégie de « désaisonnalisation » de la montagne, au profit d’un espace ouvert et actif pendant les quatre saisons.

Mme Marie-Noëlle Battistel (PS). Je remercie les rapporteurs de m’avoir associée à leurs travaux. Je regrette, moi aussi, la décision du Président de la République sur le tourisme de montagne, au regard de l’énorme travail engagé par les acteurs de cette profession pour élaborer un protocole sanitaire strict et sécurisant. Ces derniers ne refusent pas le maintien de la fermeture des stations à ce stade, mais demandent simplement que la décision de réouverture soit prise au plus près des vacances de Noël. J’invite donc les rapporteurs à inciter le Gouvernement à répondre favorablement à leur demande.

Je souhaite insister sur la question des saisonniers, l’existence d’une saison très réduite pour les stations de moyenne altitude et l’absence d’accompagnement suffisant de certains des acteurs de la montagne. Je n’oublie pas non plus la problématique du tourisme associatif, de l’accueil et des classes de neige. Ces acteurs rencontrent en effet de grandes difficultés et doivent être soutenus en conséquence.

M. Antoine Herth (Agir ensemble). Je salue, à mon tour, le travail réalisé par les rapporteurs, d’autant que le sujet du tourisme de montagne m’intéresse fortement puisque des stations vosgiennes sont présentes dans ma circonscription. J’observe, d’ailleurs, que la saison estivale 2020 avait été plutôt favorable grâce au report des vacances des Français vers le territoire national.

J’aimerais obtenir des précisions des rapporteurs sur l’existence de mesures sanitaires spécifiques dans les télécabines et sur l’existence d’alternatives à la non-réouverture des restaurants de montagne. La question de l’harmonisation des dispositifs au sein du massif alpin, partagé entre l’Italie, l’Allemagne, la Suisse et la France, est essentielle. Une problématique similaire se pose d’ailleurs pour les Pyrénées, partagées entre l’Espagne et notre pays.

L’accompagnement financier des acteurs de la montagne doit être regardé de près par le Gouvernement car, par exemple, certaines stations des Vosges ont consenti des investissements structurels importants pour avoir une offre d’activités plus diversifiée.

M. Thierry Benoit (UDI-I). Je partage l’analyse de nos deux rapporteurs. La question cruciale est celle de la visibilité, car, à l’heure qu’il est, les professionnels du tourisme pensent qu’il est encore possible de sauver la saison. Le « quoi qu’il en coûte » évoqué par le Président de la République correspond à une réalité – report de charges, report du remboursement des prêts garantis par l’État, report des échéances d’emprunts bancaires – mais il faut donner de la visibilité s’agissant de la soutenabilité et de la solidité de ces aides dans le temps car cela constitue un sujet d’inquiétude pour les professionnels. Par ailleurs, je pense qu’il faut réexaminer, avec les services fiscaux, la question de la contribution au fonds de solidarité des acteurs qui parviennent à tirer leur épingle du jeu dans ce marasme. Ceci permettrait d’abonder le fonds de solidarité, au bénéfice des entreprises les plus en difficulté.

S’agissant de la restauration, je souhaiterais que soit évoqué le cas des salariés des chantiers et des chauffeurs routiers, qui peinent à trouver où se restaurer. Un responsable de restaurant routier de ma circonscription m’indiquait qu’il y avait, sur son parking, trente camions en attente. Il faut aller vers une plus grande ouverture des restaurants routiers et échafauder des propositions pour permettre aux salariés du bâtiment de se restaurer convenablement.

M. Roland Lescure, président. Je ne voudrais pas donner l’impression que je me désolidarise des régions de montagne et des professions concernées ou de l’économie qui en dépend, mais je pense que la décision relative aux stations a été prise en essayant de soupeser au mieux l’ensemble des dimensions en jeu. Le groupe de travail va insister auprès du Gouvernement pour que l’on continue à réfléchir à cette question. Mais n’oublions pas tout ce que cette économie engage en termes de déplacements et de réunions familiales : les remontées mécaniques ne sont pas les seules concernées.

M. Alain Bruneel (GDR). Je partage les constats des rapporteurs. Beaucoup de citoyens étaient, hier, suspendus aux annonces du Président de la République. S’agissant de la situation des stations de montagne, tout a été dit, mais je crois qu’une intelligence collective s’exprime aujourd’hui autour des professionnels des stations, notamment pour mettre en œuvre les mesures sanitaires, mais également du côté des citoyens. Les annonces du Président de la République vont freiner les réservations. J’aimerais savoir sur quelles bases scientifiques s’appuie la décision relative aux stations de montagne.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Pour répondre à M. Alain Bruneel, nous ne disposons pas des éléments scientifiques qui ont servi à étayer cette décision. D’ailleurs, notre rôle ne consiste pas à dire si les stations doivent être ouvertes ; nous ne sommes pas dans cette configuration. Mais la question se pose car des décisions différentes peuvent être prises en fonction des territoires.

Je retiens de notre échange qu’il faut que nous fassions remonter au Gouvernement le message, notamment porté par les élus de montagne, selon lequel une autre décision peut être prise ou un autre accompagnement mis en place. J’ai entendu le Président de la République indiquer hier que d’autres décisions seraient prises le 15 décembre, en fonction de l’amélioration de la situation sanitaire : les mesures propres aux stations de montagne pourraient ainsi évoluer.

Nous rencontrons le ministre chargé des petites et moyennes entreprises, M. Alain Griset, cet après-midi. Nous lui en parlerons, ainsi que de l’atmosphère que nous avons ressentie lors de notre audition des acteurs de la montagne la semaine dernière. Nous avons entendu leur immense inquiétude et leur immense colère. Nous avons voulu comprendre les raisons de cette colère et leur assurer que nous allions faire remonter les difficultés qu’ils rencontraient.

Nous n’avons pas d’information particulière sur les protocoles sanitaires dans les télécabines, hormis pour ce qui concerne les masques. Cela peut varier d’un territoire à l’autre.

S’agissant des restaurants, des propositions ont été faites. UMIH a ainsi proposé que des tables et chaises soient installées, lorsque c’est possible, sur les bords des pistes, pour permettre aux vacanciers d’acheter des repas en « click and collect » et de se restaurer assis à table, mais dehors. L’UMIH s’est entretenue lundi avec les cabinets des ministres, notamment celui de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État chargé du tourisme.

S’agissant des remontées mécaniques, selon Domaines skiables de France (DSF), une désinfection quotidienne est prévue, mais pas de limitation de débit ou de capacités.

Ce qui nous intéresse, c’est la manière dont l’on organise l’accompagnement financier des établissements qui vont devoir rester fermés, mais aussi la pérennité de ces aides, pour que la prise en charge d’une part de chiffre d’affaires équivalente à 20 % ou l’indemnisation de 10 000 € proposées par le Gouvernement puissent satisfaire l’intégralité des demandes des professionnels, lesquels ont négocié ces questions avec les membres du Gouvernement.

Il faudra aussi s’intéresser aux moindres perceptions des taxes habituellement générées par l’afflux des touristes sur les domaines skiables, et aux répercussions de cette perte de recettes sur les territoires.

Pour répondre à M. Thierry Benoit, s’agissant des salariés du bâtiment et des chauffeurs routiers, je constate également que les salariés de beaucoup d’entreprises de travaux publics, dans nos territoires, pique-niquent dehors alors que les premiers froids arrivent, ou déjeunent à plusieurs à l’arrière d’un camion dans de mauvaises conditions sanitaires. Il faut envisager un travail avec les maires afin de pouvoir ouvrir une salle des fêtes lorsqu’un chantier est ouvert dans une collectivité territoriale, de manière à ce que les salariés puissent déjeuner au chaud et prendre un repos confortable.

Enfin, je vous indique que nous auditionnerons cette fin de semaine certains acteurs du e-commerce : Cdiscount et la Fédération du e-commerce et de la vente à distance.

M. Julien Dive, co-rapporteur. J’ajoute, au passage, que nous avons essuyé deux fins de non-recevoir de la part d’Amazon France et de Vente-privee.com. Si Cdiscount a été très réactif, les deux autres entreprises nous ont opposé des raisons qui ne m’empêchent pas, à titre personnel, d’être très en colère – et je sais que M. Stéphane Travert partage cette colère.

M. le président Roland Lescure. Si vous souhaitez que j’écrive au nom de la commission une lettre à la direction d’Amazon France et à celle de Vente-privée.com, je peux évidemment le faire.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Cdiscount a fait preuve de réactivité et a accepté l’audition. Amazon France et Vente-privée.com nous ont renvoyés au premier trimestre 2021, expliquant être débordés – mais tout le monde est débordé et tout le monde trouve pourtant du temps pour échanger. Sur le ton de la boutade, M. Stéphane Travert a proposé que nous nous voyions plutôt en 2022, ce qui serait plus simple.

M. le président Roland Lescure. J’écrirai dès aujourd’hui pour dire que ce n’est pas ainsi qu’on traite la Représentation nationale.

Mme Delphine Batho. Je pense ce courrier indispensable.

M. le président Roland Lescure. Nous allons le faire dès aujourd’hui, afin que ce ne soit pas un courrier de protestation pour la forme mais que cela ait un vrai impact.

M. Julien Dive, co-rapporteur. J’en reviens donc au sujet qui nous intéresse aujourd’hui. Pour bien comprendre, je rappelle qu’il s’agit d’un secteur d’activité qui concentre quasiment 100 % de son chiffre d’affaires sur cinq ou six mois, de fin novembre à avril et, pour les hautes altitudes, début mai. Lorsque le premier confinement a fermé les stations en mars, avril et début mai, cela a évidemment dégradé la situation économique des stations concernées. On retrouve aujourd’hui une colère que l’on peut comprendre et accepter, cela explique ce sentiment très fort que nous avons ressenti, M. Stéphane Travert et moi, lors de l’audition des professionnels. Ces acteurs ont besoin de visibilité et d’être associés à la prise de décision. On a bien retenu les propositions de nos collègues que nous ferons remonter, notamment cette suggestion de clause de revoyure dans une dizaine de jours, ce qui nous porterait à la Saint‑Nicolas et constituerait un beau symbole. Comme l’a bien indiqué, M. Stéphane Travert, nous allons voir, dans quelques heures, M. Alain Griset, à qui nous transmettrons le message.

Nous avions autour de nous beaucoup d’acteurs de la haute montagne. Je voulais aussi un retour sur les basses et moyennes montagnes que M. Antoine Herth évoquait tout à l’heure. Ce qui nous a été indiqué, les concernant, c’est qu’elles avaient des saisons beaucoup plus courtes et qu’il ne s’agissait pas toujours de stations mais de pistes, souvent familiales. L’impact du premier confinement a été un peu moindre ; et comme il n’y a pas encore de neige, les conséquences de ce deuxième confinement ne se font pas encore sentir – sauf, sur le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, comme partout en France.

Sur les questions frontalières soulevées par M. Antoine Herth, je souhaitais indiquer qu’il y a une concertation, avec partage d’expériences, entre les acteurs professionnels français, mais aussi italiens, autrichiens, allemands. Ce sera à vérifier mais on m’a aussi dit que M. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, est en train de consulter ses homologues européens sur ces questions. Nous lui enverrons un questionnaire écrit dans le cadre de ce groupe de suivi.

Sur la partie sanitaire, comme l’a dit M. Stéphane Travert, nous n’avons pas de protocole global en tant que tel ; cela va être du cas par cas : désaffection par cabine, éviter les regroupements au bas des pistes, mise à disposition de gel hydroalcoolique.

M. le président Roland Lescure. Pour information de la commission, avec les deux rapporteurs, nous allons à Bercy, cet après-midi, pour rencontrer le ministre du commerce et de l’artisanat. J’ai échangé par ailleurs avec le cabinet de M. Jean-Baptiste Lemoyne, qui est directement concerné puisqu’en charge du tourisme.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. J’ai aussi eu un échange avec le cabinet de M. Jean-Baptiste Lemoyne pour un tout autre sujet, mais j’en ai profité pour leur rendre compte de la tonalité de l’audition que nous avions menée et insister sur le fait qu’il faut rapidement des solutions.

Sur le e-commerce, nous avions réagi, M. Julien Dive et moi-même, sur Twitter afin de réagir au refus des deux entreprises d’être auditionnées. Je pense qu’un courrier assez ferme de la présidence de la commission serait bienvenu : lorsqu’on trouve du temps pour vendre des chaussures made in Taïwan dans le monde entier, on peut trouver une heure pour s’entretenir avec la Représentation nationale.

M. le président Roland Lescure. Merci pour le travail effectué, je suis persuadé que c’est utile. Continuons !


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4.   Réunion du mercredi 2 décembre 2021 consacrée aux acteurs du e‑commerce

La commission des affaires économiques s’est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée aux acteurs du e-commerce.

M. Roland Lescure, président. Chers collègues, vous vous souvenez que la semaine dernière nous avions évoqué le fait que plusieurs entreprises du e-commerce avaient décliné l’invitation des rapporteurs pour être auditionnées, mais je tiens à vous annoncer que Veepee a finalement accepté d’être entendue vendredi dernier et la commission auditionnera le directeur général d’Amazon France, M. Frédéric Duval, mercredi 9 décembre à 16h30.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Malgré l’absence de M. Julien Dive, il est évident que ce que je vais vous dire est partagé par l’ensemble des collègues qui participent à la vie de ce groupe de travail. Nous avons rencontré, cette semaine, des représentants du ecommerce afin de faire le point sur la réalité des avantages que ce secteur aura tirés pendant les confinements et sur son positionnement dans l’éco-système du commerce de détail français. Je tiens à remercier deux grands acteurs français, Cdiscount et Veepee, de s’être prêtés, de manière très ouverte, à l’exercice, contrairement à Amazon. Mais grâce à l’intervention de notre président, Amazon France sera finalement auditionnée par la commission elle-même

Nous avons donc interrogé ces entreprises, ainsi que la Fédération du ecommerce et de la vente à distance (la FEVAD), sur les impacts exacts des confinements sur leurs activités. Indéniablement, les Français se sont plus largement tournés vers les commerces sur internet pendant ces périodes. Il est en effet logique, quand on est confiné, de s’adresser à des vendeurs déjà organisés pour livrer, et dont l’offre n’est pas limitée contrairement à une grande partie des magasins physiques.

Mais la croissance du e-commerce n’a pas été uniforme. Les acteurs du commerce en ligne ont observé deux phases dans le premier confinement. Les trois premières semaines du confinement ont correspondu à une phase de flottement des consommateurs et de désorganisation logistique. Durant cette première période, les ventes de produits indispensables connaissent une très forte augmentation ; mais le reste des produits et services proposés en ligne subissent un arrêt brutal. Le chiffre d’affaires du ecommerce aux consommateurs (dit B to C) baisse globalement de 10,2 % en mars. Une fois le premier choc passé, une nouvelle partie de l’activité repart toutefois, avec les ventes de jouets, de loisirs créatifs, d’outils de bricolage et de jardinage.

Au total, sur le deuxième trimestre, les ventes de produits B to C auront globalement augmenté de 45,1 % (et de 39 % pour les seuls produits non alimentaires). Cependant, la vente de voyages ayant parallèlement chuté de 75 %, le chiffre d’affaire complet du secteur B to C n’aura progressé que de 5,3 % sur ce deuxième trimestre, contre un rythme moyen de 11,6 % sur l’année 2019.

Un constat que nous souhaitons souligner est que le premier confinement aura principalement profité aux enseignes magasins. Ces dernières ont en effet connu au deuxième trimestre une croissance de leur chiffre d’affaires de 83 % sur les ventes en ligne de produits non alimentaires hors places de marché, quatre fois plus importante que celle des pure players (+ 21 %). Le commerce en ligne a joué un véritable rôle d’amortisseur pour les grands distributeurs du commerce de détail.

Il faut aussi noter que le e-commerce entre entreprises (B to B) a, pour sa part, reculé de 9,6 %.

Après la réouverture des magasins de détail, les achats sur internet ont nettement diminué, même si leur niveau est resté plus élevé que d’ordinaire en raison d’un accès encore rationné aux boutiques.

Enfin, quand le second confinement a été décidé, les Français se sont moins précipités sur l’alimentation et leur consommation est restée diversifiée. Nous ne disposons pas des chiffres des derniers mois, mais il semble que si la consommation de produits en ligne est remontée pendant la fermeture des commerces et rayons « non essentiels », cela s’est fait dans des proportions nettement moindres.

Au demeurant, tous les sites n’ont pas tiré avantage des confinements, ou pas autant que cela aurait pu être imaginé. Ainsi, Veepee a souffert de la chute de ses activités voyages et billetterie, au point que l’entreprise estime que, malgré une certaine hausse sur les autres produits, son activité aura reculé cette année de 2 % voire de 3 %. Spécialisée dans la revente des déstockages de marques, l’entreprise sait qu’elle ne répond pas à des besoins incontournables. Quant à Amazon, elle a rencontré plus de difficultés que la plupart de ses concurrents à gérer la complexité de la crise. Vivement critiquée par ses salariés les premiers temps, elle a connu des grèves, une limitation de ses activités aux produits essentiels en avril et a du verser des primes conséquentes. Au final, alors que le géant américain a vu son chiffre d’affaires mondial augmenter de 37 % depuis le début de la crise, sa part de marché des ventes de produits physiques en France pourrait avoir régressé, passant de 24 % fin 2019 à 13 % au deuxième trimestre 2020, pour remonter à seulement 22 % fin juin (en ne tenant pas compte des services dématérialisés et des grandes surfaces alimentaires). Le volume de ses ventes aurait tout de même augmenté à 7,4 milliards d’euros sur une année glissante, ce qui fait dire à Kantar Worldpanel que ce n’est pas Amazon qui a reculé, mais le marché global qui s’est développé plus vite. Toutefois, Amazon pourrait avoir encore perdu 5 % de parts de marché en France depuis le second confinement; mais nous leur laisserons le loisir de nous donner leurs chiffres la semaine prochaine.

L’autre série d’interrogations du groupe de travail a porté sur la solidarité du secteur à l’égard des autres commerces qui ont été contraints de fermer. L’idée d’une contribution des e-commerçants au financement des aides aux entreprises en difficulté, ou au moins au financement de la numérisation des petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE), est en effet défendue par de nombreux acteurs du commerce, arguant du bénéfice supérieur que les plateformes numériques ont tiré de la fermeture de nombreux magasins.

Les acteurs du commerce en ligne ont rappelé qu’ils ne sont pas restés passifs face aux difficultés de leurs collègues bousculés par la crise. Ils ont accepté de reporter le Black Friday pour permettre à ceux-ci de se préparer à cette opportunité de se refaire une santé économique. On estime en effet qu’à elle seule, cette opération promotionnelle avait rapporté 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019, dont 5 milliards d’euros dépensés en magasins.

Il est vrai aussi qu’à l’occasion du second confinement, les grands acteurs du ecommerce ont été nombreux à proposer d’aider les PME et TPE fermées en les invitant à rejoindre leurs marketplaces à des conditions préférentielles. Les acteurs du commerce en ligne font notamment valoir que l’intégration à une place de marché existante est une solution immédiate, moins lourde et moins coûteuse que la création d’un site en propre.

Nous avons été particulièrement frappés par le volontarisme de Cdiscount, qui non contente d’avoir fourni, à la demande du Gouvernement, 50 millions de masques à 50 000 entreprises lors du premier confinement, a été la première à ouvrir sa marketplace avec un accompagnement technique, des conditions tarifaires exceptionnelles valables jusqu’au 30 avril 2021 et ce, sans aucun engagement demandé aux nouveauxvenus, qui pourront quitter sa plateforme à tout moment. Sans parler de la démarche que l’entreprise a personnellement engagée, bien avant la crise, pour favoriser le développement des sites numériques des PME et TPE.

Quoi qu’il en soit, tous les représentants du e-commerce que nous avons auditionnés ont affirmé qu’un nouveau prélèvement obligatoire serait difficilement supportable pour les acteurs nationaux, qui subissent eux-mêmes une concurrence mondiale puissante et pas toujours loyale, alors que cette contribution serait très aisément absorbable, et pourrait même être évitée par les acteurs transnationaux.

Sur la question plus générale de l’équité fiscale, également évoquée par le groupe de travail, les acteurs du e-commerce auditionnés reconnaissent que la fiscalité du commerce n’est pas équitable et ne sont pas opposés à une réforme à condition qu’elle porte sur l’ensemble de cette fiscalité – « non pour moins payer mais pour payer de façon plus équilibrée » , demandent-ils. À condition aussi qu’elle repose sur une véritable d’étude d’impact, pour en mesurer les répercussions sur les acteurs français, qui offrent une alternative aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), sur toute la chaîne des transporteurs et logisticiens, ainsi que sur les PME et TPE nationales qui sont actuellement encouragées à se mettre à la vente en ligne.

Les acteurs du e-commerce s’élèvent enfin contre un amalgame qui est souvent fait entre les entreprises de leur secteur : si notre pays et l’Europe sont confrontés à l’optimisation fiscale des GAFAM, si certaines plateformes utilisent abusivement les informations générées par leurs vendeurs tiers pour mieux vendre leurs propres produits, et si bien d’autres pratiques de concurrence déloyale peuvent être dénoncées, d’autres entreprises numériques portent des visions plus ouvertes, plus responsables et défendent positivement leur ancrage national.

Les acteurs français du commerce en ligne insistent aussi sur le fait qu’ils ne condamnent par les commerçants et artisans de proximité à disparaître. Ils menacent moins les magasins de centre-ville que les grandes surfaces et centres commerciaux qui se sont multipliés aux abords des villes ces vingt dernières années. Un sondage de la FEVAD a notamment montré que 74 % des internautes auraient de toute façon privilégié ces derniers s’ils n’avaient passé commande sur internet. Les acteurs français du e-commerce sont au contraire convaincus que le commerce en ligne est complémentaire aux magasins physiques et que le développement d’un service numérique peut même renforcer ces derniers, parce que les deux offres apportent des services différents. Les sondages de la FEVAD montrent que les clients passent souvent d’internet aux boutiques. Les pure players se mettent eux-mêmes à la vente en magasins. Réciproquement, un petit commerce tirerait toujours un bénéfice de la création de son site – ou de sa participation à une plateforme. C’est encore plus vrai lorsqu’on est contraint de fermer boutique. Même s’ils n’ont pas contrebalancé les pertes de recettes, les sites actifs ont facilité les achats en drive et click and collect et permis, au minimum, de continuer à faire vivre les commerces auprès de leur clientèle.

Mais il s’agit d’un autre métier, dont il faut aussi comprendre le fonctionnement, les outils et qui nécessite d’y consacrer du temps. Aussi la FEVAD insiste-t-elle sur l’acompagnement dont ont besoin nos PME et TPE pour réussir cette mutation numérique.

De nombreuses aides publiques existent : les dernières évolutions sont un chèque « numérique » de 500 euros promis à chaque TPE subissant une fermeture administrative et qui ne serait pas encore digitalisée, et une enveloppe de 20 000 euros allouée aux collectivités territoriales développant des plateformes collectives pour leurs commerces locaux. Toutefois, la FEVAD trouverait utile de mieux coordonner et centraliser toutes ces offres afin qu’elles soient plus lisibles.

Nous observons que c’est précisément l’un des objectifs de France Num que de réunir les aides de l’État et des régions, mais aussi d’offrir des formations et d’établir un référencement d’accompagnants individuels des entreprises dans les territoires. Le dispositif vient seulement d’être lancé, mais nous pensons qu’il sera utile d’en suivre la mise en œuvre dans les prochains mois et d’en évaluer rapidement l’adéquation avec les besoins des PME et TPE.

Des auditions organisées la semaine dernière, je dois reconnaitre que nous avons appris énormément de choses sur le fonctionnement des plateformes françaises.

M. Roland Lescure, président Merci cher collègue. Je rappelle que la note du groupe de travail est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale.

Mme Christine Hennion (LaREM). Je remercie également nos collègues d’avoir choisi d’aborder un sujet qui est au cœur de l’actualité en cette période de covid. Ce sujet suscite en effet beaucoup d’émoi. Certains d’entre nous ont d’ailleurs eu la semaine dernière leurs permanences parlementaires recouvertes d’affiches hostiles à Amazon. Les associations à l’origine de ces actions pourraient utilement regarder les chiffres fournis dans votre note, qui vont à l’encontre de bien des idées reçues.

Force est de constater que le secteur du e-commerce se caractérise par de fortes disparités. Si la vente en ligne a progressé de 10 % par an ces dernières années, elle ne représentait que 10 % de la vente de détail fin 2019, la part d’Amazon ne correspondant qu’à 19 % de cet ensemble. Ce commerce est réparti entre 200 656 sites marchands, ce qui est énorme, même si ce chiffre est plus faible que chez nos voisins européens. Aujourd’hui, avec la crise, l’ensemble des PME et des commerces est conscient de la nécessité de s’orienter vers le commerce en ligne et l’État veut les y aider.

Pour vous donner un retour du terrain, j’organisais, lundi soir dernier, une réunion en visioconférence avec M. Alain Griset, ministre chargé des petites et moyennes entreprises, et des commerçants de ma circonscription. Ces derniers sont favorables au e-commerce, mais indiquent que leur conversion au numérique nécessite du temps et des compétences. Un de ces commerçants proposait même qu’une plateforme d’État puisse être mise en place. J’aimerais donc savoir si vous avez pu regarder ce sujet et si vous pensez que cela aurait un intérêt par rapport à toutes les initiatives privées qui existent déjà.

D’autre part, j’attire votre attention sur le fait que certains pays européens sont très avancés en matière de e-commerce. Aux Pays-Bas, par exemple, les autorités soutiennent des acteurs locaux comme Bol.com et Coolblue. Avez-vous une idée de la façon précise dont les autorités aident ces nouvelles entreprises ? Il y a également, en parallèle de cela, un système de paiement utilisé par tous les Néerlandais, qui se nomme iDEAL, auquel toutes les banques ont adhéré. Ce sujet mériterait d’être approfondi.

Mme Delphine Batho. Je souhaite remercier à mon tour nos collègues pour cette note. Je souhaiterais y apporter un élément de complément qui n’y est pas abordé : s’agissant du Black Friday, nous sommes dans une situation illégale au regard de la loi sur les soldes et de la loi sur l’économie circulaire. Il y a donc un problème avec le Black Friday, qui est pointé par les associations de consommateurs, et il existe aussi une difficulté sur les soldes. Vous avez dû voir les demandes d’un certain nombre de secteurs pour que les soldes soient reportées.

Le débat n’est pas, pour moi, d’être pour ou contre le e-commerce, mais de savoir comment le e-commerce peut être un levier non pas au service de la délocalisation de l’économie mais de sa relocalisation. Les questions de justice fiscale sont majeures. Les fraudes à la TVA sur certaines places de marché permettent à leurs vendeurs d’être 20 % moins chers que leurs concurrents français. Ma question pour nos collègues et notre Président de commission est la suivante : quelle suite peut-on donner à ces travaux ? Peut-on aller plus loin, dans le prolongement de ce premier document, sur cette question stratégique pour l’économie française ?

Nous avons un autre problème que je souhaiterais pointer : certains interlocuteurs, en particulier la FEVAD, rassemblent l’ensemble du secteur dont les pure players que sont les GAFAM internationaux. Cette fédération n’est donc pas nécessairement dans la même perspective de relocalisation que nous puisqu’elle défend l’intérêt de l’ensemble des acteurs qu’elle représente.

M. Roland Lescure, président. Sur les enjeux fiscaux, nous allons auditionner le directeur général d’Amazon, la semaine prochaine. Je suis favorable à ce que l’on réfléchisse à la manière la plus efficace de donner une suite à ces travaux. N’hésitez pas si vous avez des idées sur le sujet.

Mme Marguerite Deprez-Audebert (MoDem). Merci à nos deux rapporteurs pour ce travail intéressant, qui nous éclaire et tord le cou à des contre-vérités. La presse et les élus locaux feraient bien de s’emparer du contenu de cette note.

Je partage l’idée qu’il y a un problème de fiscalité sur le foncier entre les commerces de proximité et les surfaces de stockage. Il existe aussi une distorsion entre les surfaces de stockage et celles destinées à la production. Je souscris également à l’idée d’une complémentarité entre le e-commerce et le commerce de proximité. Il va falloir, en outre, envisager l’impact de cette mutation sur les magasins de périphérie, qui vont progressivement devenir de futures friches dans les années à venir.

Je voulais aussi évoquer le système « cliquer-retirer » et le nécessaire travail en commun des petits commerces pour l’organisation de leur marché virtuel. On assiste actuellement à une multiplication d’initiatives souvent locales émanant d’une multitude d’opérateurs privés, de collectivités territoriales ou d’organisations consulaires. Cdicscount a pris intelligemment les devants, mais ce fourmillement d’initiatives ne va-t-il pas faire le lit des majors ? Comment trouver un juste équilibre ?

M. Philippe Huppé (Agir ensemble). Je relève, à l’issue des auditions, que le message qui ressort pour le e-commerce est la nécessité de faire cohabiter cette activité avec le commerce traditionnel. Rappelons-nous qu’avant la crise, 70 % du commerce d’habillement n’était pas sur les réseaux sociaux. La crise aura donc permis, aussi, une modernisation de ces entreprises. Pour réinvestir les centres-villes, il faut que les commerçants soient physiquement présents, mais aussi qu’ils utilisent le levier du e-commerce pour vendre « hors les murs ». Les métiers d’art, les artisans et les commerçants pourront ainsi vendre dans le monde entier, s’enrichir et occuper physiquement les centres-villes.

Enfin, sur le sujet Amazon, il faut rappeler que le e-commerce, c’est 10 % du commerce de détail et qu’Amazon ne représente que 20 % de ces 10 % ! Amazon fait donc, certes, un chiffre d’affaires important, mais ce n’est pas un problème. N’oublions pas que des artisans et commerçants français sont aussi sur Amazon. Tous les grands supermarchés ont leur marketplace désormais, de surcroît. Il faut donc rechercher une complémentarité plutôt qu’une opposition.

M. Roland Lescure, président. Je cède la parole au rapporteur pour qu’il réponde à vos questions.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Je souhaite d’abord lever une petite ambiguïté sur mon propos de tout à l’heure. Ce n’est pas le secteur du e‑commerce qui défend l’idée d’une contribution sur ses activités mais les commerçants physiques et les collectivités territoriales. Il va falloir entrer dans une discussion avec les plateformes pour que cela se fasse.

Sur les suites à donner à nos travaux, la décision ne m’appartient pas. Néanmoins, je souhaiterais signaler que la commission des finances a fait un pré-travail sur la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) et la fiscalité du commerce. Il y a donc peut-être un moyen de continuer le travail ensemble.

Aujourd’hui, nous avons, en tout cas, un vrai sujet sur le e-commerce dans nos territoires. Comment peut-on aider à développer le réseau de e-commerce à travers des plateformes aidant le petit commerce et se distinguant, en même temps, des pratiques de géants du type Amazon ?

Je suis plutôt favorable au e-commerce. Cela peut favoriser l’émergence d’un certain nombre de solutions économiques pour les entreprises, en particulier actuellement, pour les débouchés des entreprises fermées par décision administrative – on pense souvent aux restaurateurs mais on pense moins aux fournisseurs de la restauration ou à toutes les entreprises de la restauration hors domicile (RHD), qui peuvent tirer profit des plateformes. Nous avions déjà fait un point sur ce sujet avec M. Julien Dive lorsque le groupe de travail a travaillé sur le secteur agricole et alimentaire. Nous avons aujourd’hui des plateformes qui offrent des débouchés aux entreprises de la RHD : pour les ostréiculteurs, par exemple, qui ne peuvent plus vendre leurs huitres chez les restaurateurs, les plateformes travaillent avec eux et leur permettent d’aller livrer leurs huitres chez les consommateurs. Il faut des règles fiscales équitables, en revanche ; et c’est sur ce sujet-là que notre travail doit pouvoir se prolonger.

Je pense également que l’on a un problème avec le Black Friday. Il est difficile de l’interdire aujourd’hui car ce sont des entreprises privées qui l’organisent. Je me réjouis que, déjà, l’on ait pu le décaler pour éviter les problématiques de foules arrivant dans les magasins. Cela nécessite un travail en amont avec l’ensemble du secteur, le Gouvernement et le Parlement.

Je pense aussi que c’est le commerce de périphérie qui est surtout impacté. Il faudra éviter que le commerce de périphérie ne soit réduit à de simples entrepôts. La mise en place de plateformes dans les villes doit permettre de maintenir un équilibre entre centres urbains et périphérie des villes.

Sur l’utilité d’une plateforme développée par l’État, je ne sais si c’est son rôle. En revanche, une commune a peut-être plus de marges pour développer des actions dans ce domaine.

En conclusion, la question est donc de savoir comment mieux réguler les plateformes, entre un modèle français et un modèle GAFAM, avec de l’équité, de la justice fiscale et en s’assurant que les commerçants trouvent un intérêt à se numériser. C’est un secteur qui prendra de plus en plus de place dans nos vies quotidiennes.

M. Roland Lescure, président. Les rapporteurs du groupe de suivi pourraient lancer un appel à projets et réunir avant Noël les parlementaires les plus impliqués sur ce sujet afin de définir la feuille de route de ce qui pourrait constituer une mission d’information en début d’année 2021. En tout état de cause, cette crise a montré que le sujet prendra de plus en plus d’importance. De nombreux travaux ont déjà été réalisés, par l’OCDE, la Commission européenne, diverses associations... Mais il y a encore du travail à faire. Je suis favorable à ce que notre commission s’en empare et je propose à notre collègue Stéphane Travert de piloter cette démarche, même s’il ne manque pas d’ouvrage par ailleurs.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Cela me convient. Je ne suis pas un contemplatif.

M. Roland Lescure, président. Je citerai un chef d’entreprise avec lequel j’ai collaboré par le passé : « quand vous voulez que quelque chose soit fait, confiez-le à quelqu’un de très occupé ». J’invite aussi nos commissaires à contribuer sans hésiter. Pour en revenir au groupe de suivi, quel est son programme pour la semaine prochaine ?

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Vendredi, nous auditionnons les acteurs des filières dites festives, c’est-à-dire les producteurs de foies gras, les conchyliculteurs, les chocolatiers et confiseurs, et diverses industries agro-alimentaires. Nous entendrons plusieurs petites filières qui souffrent aujourd’hui de la mise à l’arrêt de la restauration hors domicile (RHD), également dite restauration hors foyer (RHF). Avec la fermeture des restaurants notamment, elles ne pourront pas travailler pendant la période des fêtes, ou plus difficilement. Nous entendrons également des représentants des forains, des organisateurs de marchés et salons de fin d’année, comme les marchés de Noël, ainsi que des représentants des artistes et artisans d’art. L’occasion de parler des santonniers chers au cœur de certains d’entre nous.

Mme Christine Hennion. Je reviens sur la très bonne proposition d’approfondir les travaux de la commission sur le secteur numérique pour rappeler la mise en place aux Pays-Bas d’un dispositif de transfert d’argent. Pour en avoir discuté avec des acteurs du e-commerce, la problématique du paiement en ligne est connexe mais importante. Notre collègue Éric Bothorel a eu l’occasion de travailler un peu le sujet, notamment sur le traitement des données générées par les activités du commerce en ligne et sur l’interprétation différenciée que les autorités de régulation européennes font de certaines dispositions du règlement général sur la protection des données (règlement de l’Union européenne nᵒ 2016/679, dit RGPD). Il y a donc également des enjeux de la régulation du secteur.

M. Roland Lescure, président. Merci à tous, et particulièrement aux membres du groupe de suivi. En relayant les différentes demandes de travaux de nos collègues, vous concentrez toute la force de la commission des affaires économiques auprès du Gouvernement.

 


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5.   Réunion du mardi 8 décembre 2020 consacrée à l’alimentation et aux événements festifs de fin d’année

La commission des affaires économiques s’est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée à l’alimentation et aux évènements festifs de fin d’année.

M. Roland Lescure, président. Mes chers collègues, nos travaux visent aujourd’hui, saison oblige, à examiner les conséquences de l’épisode actuel de la crise sanitaire, sociale et économique que nous traversons sur les activités festives, que ce soit la production et la distribution de biens saisonniers, étroitement liés à cette période de fête, mais aussi les conséquences sur le milieu culturel, les marchés, l’événementiel, secteurs évidemment tous très affectés par la crise. Je remercie, une fois encore, nos rapporteurs et les membres du groupe de travail.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Merci Monsieur le Président. Je voulais remercier, en premier lieu, les participants aux auditions de vendredi dernier.

Nous avons souhaité entendre différents acteurs économiques qui sont directement intéressés par les animations et les ventes de produits se développant habituellement à cette occasion. Nous les avons interrogés sur la situation dans laquelle ils se trouvaient au moment du reconfinement, fin octobre, sur la manière dont ils traversent économiquement cette deuxième vague et sur leurs perspectives en cette fin d’année et bien au-delà.

S’ils réalisent tous une part importante de leurs chiffres d’affaires en ce créneau de fin d’année, nous pouvons distinguer deux groupes : d’un côté les acteurs des salons, marchés, foires et animations de plein air, auxquels s’ajoutent ceux qui, comme les artisans d’art, dépendent largement des débouchés qu’offrent ces évènements ; et de l’autre, et les acteurs de l’alimentation dite « festive », dont les principaux débouchés sont ailleurs, nous y reviendrons.

Dans le premier groupe, nous avons rencontré des professionnels sérieusement fragilisés par la fermeture de leurs marchés et fêtes foraines et par les nombreuses annulations de salons, foires et animations communales. Non seulement ces évènements ont été interdits, et les marchés non alimentaires fermés pendant les deux confinements, mais l’activité a difficilement repris ensuite. Ainsi, selon l’Union des métiers de l’évènement (Unimev’), sur les 1 200 salons et foires organisés chaque année en France, 310 ont déjà été annulés et 115 reportés depuis mars. La proportion est encore plus lourde pour les évènements intéressant les artistes et artisans d’art : ils ont perdu depuis le printemps dernier 264 occasions – sur les 300 évènements habituellement organisés sur l’année – de vendre leurs productions et de constituer leurs carnets de commandes : c’est 90 %, c’est énorme !

Quant aux acteurs des marchés et aux forains, si leurs activités sont redevenues possibles, en principe, après la levée des interdictions des ventes de produits manufacturés et des rassemblements, la situation sur le terrain s’est avérée plus compliquée, surtout depuis le second confinement. En cette fin d’année, ils pâtissent en particulier de l’annulation de 80 % des marchés de Noël, qui sont normalement organisés dans 90 % des villes de notre pays. La Fédération nationale des marchés de France estime que cela représente une perte de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires pour les seuls stands et chalets, auxquels il faut ajouter les manques à gagner pour les 20 000 forains qui viennent aussi sur ces marchés, pour lesquels ces manifestations représentent une importante occasion de travailler pendant leur trêve hivernale.

Mais au-delà des pertes lourdes que représentent ces fermetures et annulations, les professionnels des marchés et fêtes foraines dénoncent plus encore les grandes différences de traitement qu’ils subissent d’un territoire à l’autre, d’une ville à l’autre, sans justifications objectives ni explications. Certains préfets ont même annulé toute activité de plein air, hors les marchés alimentaires, sur l’ensemble de leur territoire. D’autres ont édicté des conditions si strictes que des maires ont préféré tout interdire. Et quand, grâce à un dialogue de meilleure qualité, les activités et marchés de Noël ont pu être autorisés, les mesures sanitaires sont si renforcées que les professionnels ne voient plus comment travailler ou renoncent parce que ce n’est plus rentable. Les professionnels ne comprennent pas les différences de traitement d’un territoire à l’autre, ni le renforcement des exigences alors que leurs activités sont de plein air, que les protocoles mis au point après le premier confinement avaient fait leurs preuves et, plus fondamentalement encore, que ces mesures renforcées ne s’appliquent ni aux grandes surfaces commerciales, ni aux parcs d’attractions.

La Fédération nationale des comités et organisateurs de festivités confirme que les préfets vont souvent bien au-delà de ce qui est demandé. Elle souligne enfin une autre incohérence dans le fait d’imposer un protocole différent à chaque type d’acteurs, comme les comités des fêtes et les forains, même si cela concerne des activités similaires. Les deux séries de règles sont souvent cumulées quand ils se retrouvent sur un même évènement, ce qui finit par empêcher sa mise en place.

Face à ces constats, nous observons que la plus grande affluence des publics dans ces diverses manifestations peut justifier un renforcement des exigences sanitaires en période de propagation rapide du virus. Il importe cependant d’assurer une plus grande cohérence des décisions d’autoriser, ou non, les activités et animations de plein air, ainsi que des consignes de protection applicables, entre activités similaires comme entre territoires.

Le fait est que les fermetures, les annulations et le renforcement des consignes de sécurité, supportés depuis le début de la crise, et plus encore depuis le reconfinement, ont sérieusement dégradé la situation économique des divers acteurs auditionnés.

Pour ce qui concerne les marchés, il faut distinguer entre les commerces alimentaires, qui ont pu poursuivre leur activité, mais ont tout de même subi des fermetures locales, la réduction des flux de clients et la perte des débouchés de la restauration, et les commerces non alimentaires. Ceux-ci n’ont eu aucun revenu pendant les périodes d’interdiction ; même les solutions proposées par eux pour faire du « cliquer‑emporter » n’ont pas été acceptées par les autorités. Quand ces interdictions ont été levées, l’activité n’a pas repris normalement pour autant : certains marchés ont tardé à rouvrir et la clientèle étrangère a manqué. Ces commerçants ont à nouveau perdu jusqu’à 30 % de leurs recettes habituelles.

Mais les Français ont montré une telle joie de retrouver leurs marchés que ces commerçants avaient, malgré tout, repris espoir et se sont mis à constituer leurs stocks pour la fin d’année. La décision de reconfiner la population et de refermer les stands non alimentaires les a non seulement pris de court, mais les a trouvés avec une trésorerie affaiblie et largement mobilisée dans ces achats.

Aujourd’hui, la mise à l’arrêt des grosses foires traditionnelles, l’interdiction du ski dans les stations de montagne, l’annulation de la plupart des marchés de Noël et toutes les restrictions imposées aux marchés qui restent actifs aggravent encore leurs inquiétudes. Selon la Fédération nationale des marchés de France, le seul mois de décembre peut en effet représenter de 30 % à 100 % du chiffre d’affaires de ces professionnels.

La période hivernale n’est pas la plus active pour les forains, mais, comme on l’a déjà dit, les marchés de Noël sont une occasion fructueuse de travailler pendant la saison « morte ». D’autant qu’ils arrivent en cette fin d’année dans une situation déjà bien dégradée. Le premier confinement les avait en effet surpris juste au début de leur saison de pleine activité, pour laquelle plusieurs d’entre eux avaient engagé de nouveaux investissements. Depuis, même si des protocoles sanitaires, dûment agréés, ont été mis en place, de nombreuses manifestations ont été interdites, ou fortement encadrées, et plus encore à partir d’octobre. Même les manèges isolés ont du mal à repartir.

Après avoir été « assommés », comme ils le disent, par le premier confinement, ils craignent d’être « achevés » par ce second confinement et l’absence de vraie reprise d’ici 2021. Leurs représentants pensent que les dépôts de bilan vont se multiplier en hiver.

Les artistes et artisans d’art sont également en grande difficulté depuis le mois de février et les premières annulations de salons et marchés. Selon une enquête d’Ateliers d’art de France, ils sont en effet dépendants à 65 % de ces évènements, qui ont presque tous été annulés depuis. En juillet, 91 % des professionnels du secteur s’attendaient à un recul de leur chiffre d’affaires global et 65 % demandaient une prolongation des aides jusqu’à la fin de l’année, pour tenir. Le reconfinement les a contraints, au surplus, à fermer leurs ateliers pendant un mois, et dissuade encore leurs clients de se déplacer. L’annulation des salons et marchés de Noël pourrait être le coup de grâce pour nombre d’entre eux, qui y réalisent une partie essentielle de leurs revenus annuels. Les dépôts de bilan pourraient aussi se multiplier dans ces métiers.

Dans ce premier groupe, nos auditions ont aussi révélé le mal-être des dizaines de milliers de bénévoles qui organisent l’animation de nos villes et villages partout en France. L’arrêt de leurs manifestations, l’absence de visibilité à moyen terme et une responsabilisation renforcée dans la crise sanitaire découragent les bonnes volontés. Et la mise en suspens des budgets consacrés par les municipalités à ces animations amène plusieurs associations à arrêter purement et simplement leurs activités. Outre la nécessaire reconnaissance qu’on doit à leur engagement dans la vie de nos cités, nous rappelons qu’ils emploient aussi 79 % des professionnels du secteur privé du spectacle vivant. Même Atelier d’art de France a souligné la menace que représente cet effritement du bénévolat.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Ces divers professionnels ont tous bénéficié de soutiens publics et reconnaissent que cela les a empêchés de « couler ». Mais l’accès aux aides s’est avéré compliqué, et les montants accordés sont sans doute en deçà de la réalité de leurs difficultés s’agissant du Fonds de solidarité.

Ainsi, les Marchés de France craignent que, sous prétexte de la réouverture des commerces, les professionnels qui ne travaillent que sur les braderies, foires et autres salons n’aient plus accès aux aides du Fonds en décembre, alors que toutes leurs occasions de travailler ont été largement annulées.

De leur côté, les artisans d’art souffrent de la non-prise en compte, depuis juin, du fait qu’une partie de leur chiffre d’affaires a un caractère saisonnier ou est liée à des évènements ponctuels ; et que, jusqu’en octobre, ils devaient justifier d’une perte de 80 % pendant le premier confinement pour être éligibles à ces aides, sans tenir compte de leurs difficultés pendant la période intermédiaire.

Les plus importants problèmes rencontrés par ces différents professionnels sont liés à des codes de nomenclature des activités inadaptés ou mal appliqués. Plusieurs des dispositifs exceptionnels d’aide sont en effet construits sur une distinction entre les différents secteurs économiques, elle-même délimitée par les codes de la nomenclature d’activités françaises (NAF) de l’INSEE ou des « activités principales exercées » (APE).

Les artistes et artisans d’art, en particulier, ont encore des difficultés à être identifiés par les codes existants. Une nouvelle catégorie « Autres métiers d’art » a bien été inscrite en août sur la liste S1 bis du Fonds de solidarité, mais elle n’est fondée sur aucune définition précise, ni sur un code NAF bien identifié. Ainsi, beaucoup d’entre eux se sont retrouvés exclus des aides en fonction de l’interprétation de leurs activités par les services des impôts. Le secteur revendique depuis plusieurs années la création d’un code d’activité spécifique à ses métiers ; mais la profession attend toujours cette prise en compte.

Les forains se débattent, quant à eux, pour réduire le nombre de codes APE qui leur sont appliqués, aujourd’hui au nombre de 9. Ils estiment que le dossier avance mais pas assez rapidement. En conséquence, tous ceux qui n’entrent pas exactement dans ces cadres sont également exclus des aides.

Enfin, les Marchés de France souhaiteraient que la codification des activités non sédentaires et non alimentaires les rattache mieux au secteur de l’évènementiel.

Notre collègue et ancienne ministre Sylvia Pinel a saisi le Gouvernement de ces difficultés d’identification et des complications qu’elles créent dans l’accès aux soutiens publics. Le groupe de travail relaiera à son tour ces problèmes, qui nuisent au juste accompagnement de ces acteurs, très impactés par la crise.

D’autant qu’ils font face à d’autres difficultés : outre une plus grande réticence des banques à leur octroyer des prêts garantis par l’État (PGE), faute de vraies perspectives de travail à moyen terme, outre l’absence de soutien de la plupart de leurs assureurs, les professionnels des marchés et fêtes foraines ont aussi d’importants stocks à gérer – un problème déjà relevé auprès d’autres acteurs, sans qu’une solution ne semble avoir été trouvée à ce jour pour les commerçants non sédentaires. Ces stocks pèsent lourdement sur leurs trésoreries, comme d’autres charges qu’ils auraient trouvé légitime de voir supprimées dès lors que l’activité qui les justifiait a été annulée. Par exemple, ils n’ont été exonérés des droits de place que par une partie seulement des communes ; dans les municipalités qui ont concédé la gestion de leurs marchés, les concessionnaires continuent de leur demander le paiement de ces droits, quand bien même ils ont été interdits de travailler depuis des mois. Les frais de réservation des emplacements dans les marchés de Noël annulés ne leur sont même pas remboursés intégralement.

À un terme plus éloigné, c’est le remboursement des charges reportées qui inquiète fortement les différents professionnels. Ces reports de charges, de même que les PGE, sont des bouffées d’oxygène dans l’immédiat, nous le savons ; mais si les activités de ces entreprises ne reprennent pas suffisamment, leurs trésoreries seront catastrophiques au printemps, au moment où les échéances tomberont.

Ces difficultés se retrouvent chez les acteurs du second groupe d’activités examinées pour cette semaine.

La Confédération générale de l’alimentation en détail (CGAD) a tenu à souligner que, même si les artisans et commerçants alimentaires ont pu rester ouverts pendant les deux confinements, la crise ne les a pas laissés indemnes. En avril, 32 % évaluaient leur perte de chiffre d’affaires sur le mois à 40 % voire 60 % ; et 19 % à plus de 70 % par rapport à 2019. Ensuite, s’il y a eu une reprise pendant l’été, près de la moitié ont encore subi un recul sensible de leur activité. Le second confinement ne fait pas exception, avec 65 % des entreprises constatant la diminution de leurs recettes et plus d’un tiers supportant une baisse dépassant les 40 % de chiffre d’affaires. Or, le seuil d’accès au Fonds de solidarité est aujourd’hui fixé à 50 %. Aussi, bien que frôlant ce seuil, nombre de commerces n’ont pu en bénéficier, même s’ils accumulaient les pertes depuis le début de la crise.

La CGAD reproche en outre aux dispositifs d’aides ne pas être assez fins pour distinguer les différences d’impacts entre les divers secteurs de l’alimentation de détail. Certains sont en effet très dépendants de la restauration, bénéficiant à ce titre d’une prise en charge – potentielle – au titre de la liste S1 bis ; d’autres ont peu de liens avec ledit secteur et sont pourtant très impactés par la suspension des activités du tourisme et de l’évènementiel, tels les confiseurs qui vendent une grande partie de leurs productions dans les aéroports, les gares et les autoroutes, sans que cela soit pris en compte par les critères du Fonds de solidarité. Ces entreprises en sont exclues, de fait, malgré les importantes pertes résultant de la limitation des mobilités.

Certains de ces acteurs de l’alimentaire sont également marqués par une forte saisonnalité. Les chocolatiers et pâtissiers, notamment, ont beaucoup souffert du confinement sur la période de Pâques ; ils craignent désormais cette fin d’année, car les mois de novembre à janvier représentent entre 50 % et 60 % de leur chiffre d’affaires annuel.

La filière ostréicole est aussi très dépendante des fêtes de fin d’année. Les entreprises qui sont spécialisées dans l’exportation sont en grande difficulté depuis le début de la crise et la fermeture des restaurants a coûté 20 % du chiffre d’affaires des autres ostréiculteurs sur la période correspondant au premier confinement. Mais la filière s’est attachée à diversifier ses débouchés depuis le reconfinement, conservant un bon niveau de ventes directes et en poissonnerie, et réussissant à maintenir les prix de détail, même si le marché de gros a baissé de 30 %. Il reste qu’elle écoule normalement les deux-tiers de la production pendant les fêtes de fin d’année. La filière se veut optimiste, mais cela dépendra de la consommation des Français.

Au demeurant, à l’instar des autres secteurs, la filière regrette la non-progressivité des aides, qui ne prennent pas en compte la variété de ses métiers.

Et pour finir notre tour des mets de fête, la période est encore plus fondamentale pour la filière du foie gras. La production est écoulée à 75 % pendant les mois de novembre et décembre. Le premier confinement a donc eu un impact assez limité, plus net néanmoins chez les fournisseurs de la restauration. La fermeture des restaurants jusqu’en 2021 et les incertitudes sur la fin d’année sont autrement plus lourdes de conséquences. La filière constate en particulier les réticences des grands distributeurs à commander les stocks qu’ils réalisaient habituellement. En outre, les stocks non écoulés cette année seront autant de commandes en moins pour les producteurs l’année prochaine. Après plusieurs crises de grippe aviaire, cela aurait un impact dramatique pour les petits exploitants, qui constituent l’essentiel de l’écosystème. Aussi la filière demande-t-elle qu’un accompagnement soit étudié pour répondre à ces potentiels contrecoups. Il serait d’autant plus nécessaire que nous constatons le retour de la grippe aviaire dans certains territoires du pays.

De l’ensemble de ces témoignages, il ressort que la crise aura encore, très probablement, de lourdes répercussions sur l’année 2021. Les filières concernées ont besoin de perspectives rassurantes pour ne pas abandonner.

Nous soulignons donc l’urgence pour le Gouvernement d’étudier les solutions d’accompagnement envisageables, non seulement pour les secteurs qui devront faire face à l’apurement de leurs charges, mais aussi pour ceux qui affronteront les effets plus tardifs de la crise.

M. Roland Lescure, président. Merci au nom de toute la commission pour votre travail extrêmement précieux. Je vous propose d’entendre tous les orateurs de groupe et les collègues déjà inscrits pour une question.

Mme Corinne Vignon (LaREM). Messieurs les rapporteurs, merci pour vos excellents travaux qui montrent les difficultés du secteur évènementiel. Comme vous, nous constatons dans nos circonscriptions que la restriction des marchés et salons est venue ébranler un certain nombre de secteurs économiques depuis mars. Alors que les commerçants ont commencé à reconstituer leurs stocks, la fermeture des commerces non alimentaires imposée par le second confinement a été vécue comme un vrai couperet. L’inquiétude de ces professionnels n’est pas apaisée par les choix faits localement. En effet, comme vous l’avez rappelé, 90 % des villes ont un marché de Noël et 80 % l’ont annulé, interdisant ainsi toute activité aux commerçants locaux, aux artisans, aux forains, alors que les fêtes de Noël représentent un important revenu pour eux. Vous mettez justement en avant la disparité des décisions locales, qui crée un sentiment d’incertitude à court et moyen termes pour les acteurs des foires et marchés de Noël. Il est donc nécessaire d’avoir une meilleure cohérence entre activités et territoires. Je voudrais avoir votre opinion sur ce point.

J’insiste sur le fait que le secteur de l’évènementiel est durement impacté : à l’arrêt total depuis mars, il est probable que ce soit l’un des secteurs dont les perspectives d’avenir sont les moins réjouissantes. J’ai rencontré tous les représentants toulousains de cette filière : les traiteurs, les gestionnaires de salle, les agences de communication, les loueurs de matériel… Ils sont également impactés par la crise du secteur aéronautique et leur trésorerie a fondu comme neige au soleil. Aujourd’hui, comme vous le soulignez pour les artistes et artisans d’art dépendants des marchés et salons, le secteur de l’évènementiel relève d’une multitude de codes NAF et APE, qui ne permet pas d’identifier toutes ses entreprises à cause du manque de structuration de la filière. Par ailleurs, certaines activités inscrites sur la liste S1 bis ne bénéficient pas encore des aides de l’État : par exemple, les agences d’hôtesse ou les artisans spécialisés comme les poseurs de moquette pour les congrès, etc. Aussi, tout comme moi, vous soulignez l’urgence pour le Gouvernement d’étudier des accompagnements pérennes pour ces secteurs et leur offrir des perspectives rassurantes pour ces filières durement impactées par la crise.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je salue à mon tour le travail de nos deux rapporteurs. Trois remarques cependant, qui rejoignent plusieurs des commentaires de Mme Vignon sur les limites des politiques gouvernementales : d’abord, n’oublions pas qu’aujourd’hui, hormis le chômage partiel, 60 % des entreprises n’arrivent pas à accéder aux aides, pour des raisons administratives, en particulier à cause des critères retenus. Quand « on débranchera la prise du chômage partiel », les risques de dépôts de bilan, de liquidations ou de faillites augmenteront au-delà de ce que l’on peut constater actuellement.

Ensuite, n’oublions pas certaines industries françaises, comme la fabrication de la chaussure, qui souffrent elles aussi comme les grandes filières de l’aéronautique ou de l’automobile qui ont bénéficié de soutiens massifs. Nous avons des entreprises qui sont trop importantes pour bénéficier des dispositifs généraux d’aide, autres que le chômage partiel, mais qui ne reçoivent pas non plus de soutien particulier de leurs secteurs. Cela peut aussi s’avérer destructeur début 2021.

Enfin, si on regarde plus loin, en 2021, une fois la crise surmontée, comme je l’espère, des entreprises souhaiteront investir pour relancer ou développer leur activité. Or, les banques leur disent d’ores et déjà que les prêts garantis par l’État qu’elles auraient pris seront pris en compte dans leur niveau d’endettement, ce qui majorera leur risque d’insolvabilité et leur interdira d’emprunter au final. C’est une grande menace pour notre économie et pour sa relance.

M. Antoine Herth (Agir ensemble). À mon tour, bravo pour ce travail de synthèse. Vous imaginez combien je suis intéressé par la suppression des marchés de Noël, qui sont devenus un pivot majeur de l’attractivité touristique des deux départements alsaciens. L’impact est à la mesure de ces enjeux, à la fois pour les acteurs économiques que vous avez auditionnés, pour le tissu des bénévoles qui animent ces évènements – je vous remercie de les avoir mentionnés –, mais aussi pour le secteur de l’hôtellerie et celui des transports. Pour l’anecdote, je remarquerai qu’aujourd’hui, nous trouvons encore des places sur le TGV entre Paris et Strasbourg une heure avant son départ ; l’an dernier, il fallait s’y prendre deux semaines à l’avance en cette période pour être sûr d’avoir un siège. Le sujet est donc majeur. Nous avons tous reçu dans nos circonscriptions des marchands forains. Ils font toujours le même constat s’agissant des problèmes posés par les codifications. L’administration fiscale, quand elle ne sait pas quoi leur répondre, les renvoie vers nous pour faire évoluer les codes d’activités ! Leur situation est d’autant plus frustrante que les déclarations se font en ligne et qu’ils n’ont pas une personne comme interlocuteur, mais une machine.

Je souhaite interroger nos rapporteurs sur la piste de la TVA suggérée par la Fédération des marchés de France qu’ils ont auditionnée. Comptez-vous pousser ce sujet auprès du Gouvernement pour aider ce secteur d’activité ?

Enfin, je reviens sur la situation des chocolatiers. Dans ma circonscription se trouve une fabrique de figurines en chocolat qui fait l’essentiel de ses affaires à Pâques et à Noël. Son dirigeant, avec lequel je suis régulièrement en contact, me parle aussi de ses difficultés avec la grande distribution qui a tendance à faire peser sur le fournisseur la totalité des risques de commercialisation : la mise en rayons des produits, les éventuels invendus… Il serait utile d’approfondir cette problématique, d’autant que nous sommes actuellement dans la phase de négociation des accords commerciaux pour l’année prochaine. Cela pourrait accentuer les effets de la crise et les prolonger au-delà de sa fin.

M. Roland Lescure, président. J’entends que les députés se retrouveraient chargés de faire évoluer les codes NAF. Où va-t-on ?

M. Dominique Potier (Soc). Je salue moi aussi le travail exceptionnel de nos rapporteurs, qui explorent toutes les zones d’ombre du plan de relance et les manques des dispositifs d’aide. Cela me ramène aux travaux que le groupe de travail sur l’agriculture et l’alimentation avait menés au printemps. J’ai essayé de trouver dans nos propositions de l’époque quelque espoir pour l’avenir. Je me rappelle notamment de l’« épopée » de l’agneau de Pâques, qui a été sauvé de justesse grâce à l’action du ministre de l’agriculture. On doit traiter à la fois le problème des produits qui ne se conservent pas, et devraient donc être indemnisés et le problème de ceux qui se conservent mais dont le report de la vente sur le marché dans quelques mois créera des tensions et des manques à gagner qu’il faudra gérer. Au‑delà du travail fin qu’il restera à faire au ministère de l’agriculture, qui a su trouver en son temps des solutions filière par filière – sans minimiser le volontarisme de l’actuel ministre –, il faudra notamment répondre aux problèmes de la filière brassicole, résoudre la question des codes APE, pour simplifier la vie de personnes qui font différents métiers au cours de leur vie professionnelle, etc.… Je ne vois pas de solution magique, sinon un effort de solidarité nationale supplémentaire pour prendre en compte, avec un coefficient singulier, le chiffre d’affaires perdu dans des proportions exceptionnelles. On évoque 60 à 70 % dans certaines professions. Je ne vois pas d’autre réponse car les dispositifs habituels appliqués aux commerces peu saisonniers, aux activités industrielles ou agricoles régulières tout au long de l’année ne sont pas adaptés. C’est ce qui a été prévu pour la restauration, qui peut désormais choisir entre un forfait et la prise en charge d’un pourcentage du chiffre d’affaires. Cette approche pourrait être la bouée de sauvetage dans les mois à venir d’entrepreneurs individuels, d’associations et d’entreprises, dans toute leur diversité, qui n’ont pas démérité et sont essentiels à leurs filières.

M. Philippe Huppé. Maintenant je sais pourquoi je n’ai pas assisté à l’audition d’Ateliers d’art de France. Les métiers d’art se portent mal, c’est certain, mais c’est faux de dire qu’ils n’ont pas pu bénéficier des aides du Fonds de solidarité au premier confinement, sauf à justifier d’une perte de 80 % de leur chiffre d’affaires. Pour m’être beaucoup occupé de leur secteur, je pense que les déclarations faites pendant cette audition méritent d’être pondérées. Les marchés de santons en plein air ont lieu et cela a probablement sauvé une partie des santonniers. Il y aura de la casse, mais comme dans toute activité. Les marchés auraient pu se tenir ; ce n’est pas toujours la faute du Gouvernement. Dimanche dernier encore, j’étais sur un marché autorisé par la préfecture où exposaient des métiers d’art. Certes, ils sont très impactés par la crise, mais comme d’autres professions. Et cela n’est pas lié aux codes NAF ! J’entends ce discours depuis trois ans que je suis député. Ceux qui croient que, si ce problème de codification avait été résolu, il n’y aurait pas eu de crise sont dans un déni complet. D’abord ces codes sont définis au niveau européen ; et, d’ailleurs, leur réforme n’aurait rien changé à la situation. J’ai l’impression que dans certaines auditions, les personnes entendues ont surtout fait passer des analyses qu’elles défendent depuis des années sans les adapter aux particularités du confinement et de la crise actuelle. Attention à ne pas les prendre sans recul ! Les métiers d’art souffrent ; beaucoup n’y survivront pas, mais c’est une menace qui concerne d’autres professions et ce n’est pas nécessairement la faute du confinement. Enfin, je connais de nombreux professionnels du secteur qui s’en sortent, et même mieux qu’avant : tous ceux qui ont continué d’exister sur internet ou les réseaux sociaux, qui vendent au-delà de leur territoire voire à l’international. J’interviens non pour nier les difficultés mais pour pondérer certains propos. Je ne voudrais pas que l’on pense que les métiers d’art sont effondrés. Vous connaissez mon amour pour eux.

M. Roland Lescure, président. Vous êtes libre de vos propos et de votre énervement, cher collègue. C’est tout de même un sujet intéressant. On sent bien que de nombreux secteurs sont automatiquement éligibles au Fonds de solidarité, leur demande passe par des robots et cela se déroule plutôt bien. Mais d’autres ont peut-être besoin qu’on réfléchisse à un processus un peu différent, une autre approche. Si on peut faire des propositions en ce sens à Bercy, je serai très heureux de les appuyer.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Merci M. Philippe Huppé. Il est évident que l’on ne détient pas la vérité ; nous retraçons ce que nous avons entendu en audition. Les propos tenus méritent très certainement d’être pondérés. C’est davantage l’objet du rapport final que de présenter une vision exhaustive sur ces thématiques. N’hésitez pas à nous faire part de votre expertise.

Mme Corinne Vignon nous a parlé de la territorialité. D’un point de vue personnel et sur le plan sanitaire, je pense que les décisions et les règles peuvent être déclinées territorialement. Néanmoins ce qui nous est remonté, ce sont les difficultés rencontrées par les forains face à des règles très variables en fonction des villes, des départements et des régions. Ces distinctions paraissent plus liées à des différences d’appréciation des préfets qu’à des différences de données statistiques sur la situation sanitaire. Nous avons été alertés sur ce point.

MM. Fabien Di Filippo, Dominique Potier et Antoine Herth ont insisté sur la nécessaire simplification administrative. Je crois que ce n’est pas propre au confinement, c’est un vieux serpent de mer. Si des efforts ont été faits pour simplifier l’accès au Fonds de solidarité, il y a encore beaucoup à faire pour donner plus de chances à nos entreprises. Comme l’a dit M. Fabien Di Filippo tout à l’heure, le jour où l’on débranchera la prise du chômage partiel, il faudra faire attention au deuxième effet kiss cool de la crise. Sur la question de M. Antoine Herth à propos de la TVA, cela peut être un coup de pouce, mais j’observe que pour les foires, les salons, les expositions et les forains, nous sommes déjà sur un taux de TVA intermédiaire à 10 %. Nous pourrions descendre à 5,5 %, mais je ne suis pas sûr que ce soit le coup de pouce le plus important que l’on pourrait donner, même si cette question mérite d’être relayée.

Je voudrais apporter un complément : nous avons été alertés aussi par les forains sur les assurances. Celles-ci n’ont pas forcément joué le jeu à leur égard. Une seule compagnie a remboursé deux mois de cotisations. Une compagnie d’assurances a envoyé des huissiers pour des retards de paiement après le premier confinement. Un accord a été très récemment conclu entre Bercy et les compagnies d’assurances. Ces dernières s’engagent à ne pas augmenter les tarifs de leurs contrats multirisques professionnels pour l’hôtellerie, la restauration, l’évènementiel, le sport, la culture, etc. Les forains s’inquiètent de ne pas être mentionnés et je souhaitais relayer cette préoccupation.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Je reconnais la sagesse de M. Philippe Huppé. Bien sûr qu’il faut apporter de la tempérance. Je suis le premier à vouloir dire que tout ce que le Gouvernement met en œuvre fonctionne parfaitement. Pour autant, une audition est l’occasion pour les représentants de fédérations de pousser les messages de leurs mandants. Et si l’on peut considérer qu’un certain nombre de métiers d’art n’ont pas trop souffert de la crise, d’autres, qui n’ont pas accès au numérique ni à certains marchés, se retrouvent en difficulté. Il est parfois difficile de faire la part entre les revendications et la réalité. Par exemple, sur le tourisme de montagne, l’un des interlocuteurs que nous avions entendus avait affirmé n’avoir droit à aucune aide et que rien ne fonctionnait. En grattant un peu, dans la discussion, nous nous sommes aperçus que lorsque le Fonds de solidarité a été mis en place, la plateforme a saturé face aux très grands nombres de connexions. Il a donc fallu que les artisans, restaurateurs ou hôteliers recommencent leurs démarches. Dans l’audition, cela s’était exprimé par : « on n’y a pas droit, et ça ne marche pas ». Il faut certainement apporter de la tempérance à ce que l’on entend parfois. Sur la question des codes NAF, ce n’est pas forcément le sujet principal, mais il n’empêche que c’est un vrai sujet. Mme Sylvia Pinel l’avait bien appréhendé ; elle s’en était déjà saisie quand elle était au gouvernement, mais peut-être pas suffisamment. Il faut qu’on y retourne pour voir comment mieux préciser un certain nombre de métiers, de manière à ce qu’ils soient éligibles demain aux différentes aides.

Sur la question de la TVA, je pense qu’il faut expertiser le sujet avec le Gouvernement de manière à voir si une autre solution peut exister pour les entreprises à flux poussés. Les invendus vont rester sur les bras des producteurs de foie gras, des chocolatiers. Il faut réfléchir à comment financer ces stocks et comment accompagner les professionnels en vue de la saison prochaine. Ce sujet doit être traité avec les membres du Gouvernement. Quant aux chocolatiers et leurs relations avec la grande distribution, ils bénéficient aujourd’hui de l’expérimentation du « seuil de revente à perte » (SRP) que nous avons votée dans la loi EGALIM et qui a été prolongée par la loi ASAP. C’est une porte d’entrée pour mieux négocier avec la grande distribution. L’audition des chocolatiers a été marquée non pas tant par l’inquiétude du présent que sur ce qui pourrait advenir au printemps, et par la question du maintien des aides.

Monsieur Fabien Di Filippo, je le dis en badinant mais votre question sur la chaussure n’est pas à l’ordre du jour de cette réunion, qui porte aujourd’hui sur l’alimentation festive. Il faut parfois avaler son chapeau en politique, mais manger sa chaussure, c’est un autre sujet (Sourires). Il n’en demeure pas moins que nous avons des fabricants français qui vendent aussi ce type de production sur les marchés et cela fait partie des secteurs pour lesquels il peut y avoir des difficultés.

Concernant la question de Mme Corinne Vignon sur le lien entre territoire et activité, je constate une chose : dans les territoires où il y a habituellement des marchés de Noël avec des densités de population très importantes, les marchés ont été annulés. C’est le cas en Alsace. Dans les territoires moins denses, où cette tradition est peu présente, comme en Normandie par exemple, les marchés n’ont pas été annulés, probablement en raison de ces différences de densité. Je crois à la différenciation dans les territoires, peut-être que le projet de loi portant sur la décentralisation, la différenciation et la déconcentration, dit projet de loi « 3D », porté par Mme Jacqueline Gourault, apportera des réponses. On ne peut pas agir de la même manière sur un territoire de montagne ou un territoire côtier dans une période comme celle-là, il y a peut-être des ajustements sur lesquels il faut porter une attention particulière.

Nous auditionnons en fin de semaine les grossistes et fournisseurs de l’hôtellerie et de la restauration, avec la confédération du commerce de gros et international (CGI), la Semmaris et les grands acteurs de la fourniture de produits aux restaurateurs et aux secteurs évènementiels.

M. Roland Lescure, président. Si vous en êtes d’accord, l’idée serait de poursuivre les travaux du groupe de travail en début d’année pour l’amener au moins jusqu’au 20 janvier. Ce travail est utile ; il faut au moins le poursuivre en début d’année.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Il est intéressant de le prolonger sur le début de l’année. Il y a quelques sujets sur l’évènementiel, les congrès, qui connaissent des difficultés très importantes.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Nous avons notamment un évènement majeur en début d’année qui n’aura pas lieu cette fois-ci : le salon international de l’agriculture. Il me paraît nécessaire d’étudier cette question, sans pour autant laisser nos travaux s’éterniser.

M. Roland Lescure, président. Il y a également, en 2021, le salon du Bourget, qui fait vivre beaucoup d’entreprises de l’évènementiel. Donnons-nous le mois de janvier pour clore le tour d’horizon.


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6.   Réunion du mercredi 16 décembre 2020 consacrée aux fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile et à la restauration collective

La commission des affaires économiques s’est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée aux fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile et à la restauration collective.

M. Roland Lescure, président. Je vous annonce que notre commission sera assez occupée lors des trois prochains mois. Les 19 et 20 janvier, notamment, elle examinera trois propositions de loi déposées par le groupe MoDem dans le cadre de sa « niche » parlementaire. Pour l’heure, nous examinons la présentation des travaux du groupe de suivi des conséquences économiques du second confinement.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Nous nous sommes attachés pour cette dernière présentation de l’année à une filière particulièrement touchée par la crise, la restauration hors domicile (la RHD). Lundi encore, nous avons tous entendu les restaurateurs clamer leur colère de ne pouvoir travailler depuis plusieurs semaines et de n’avoir pas de perspective de réouverture avant le 20 janvier. Nous n’avons aucun doute sur le choc économique et psychologique que cette situation représente pour toute la profession et nous savons que le Gouvernement s’efforce de répondre avec des mesures de soutien puissantes, comme en particulier la possibilité, pour ce mois de décembre, de choisir entre une aide forfaitaire pouvant aller jusqu’à 10 000 euros ou une indemnisation à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires mensuel en 2019, dans la limite de 200 000 euros. Toutefois, ce n’est pas aux restaurateurs que nous nous sommes adressés cette semaine, mais aux autres acteurs de la filière : leurs fournisseurs et les grossistes, très impactés par répercussion, ainsi que la restauration collective, que la crise ne laisse pas non plus totalement indemne.

La restauration collective a subi les conséquences de la fermeture des écoles, et subit encore celles de la fermeture des universités. Et si ses autres segments sont restés ouverts (pour assurer notamment le service des hôpitaux, des EHPAD, des administrations et d’un certain nombre d’entreprises) et que les cantines scolaires ont repris depuis le premier confinement, les entreprises ont vu leur activité sensiblement réduite en raison des protocoles sanitaires appliqués et du développement du télétravail. Cette baisse d’activité s’est évidemment répercutée sur leurs fournisseurs et leurs grossistes ; mais elle ébranle aussi fortement les entreprises de la restauration collective concédée, qui représentent 40 % du secteur. Au premier confinement, leurs activités ont été presque toutes arrêtées ; et sur le second, elles ont diminué de 40 % à 70 %, particulièrement en Île-de-France. Les entreprises les plus engagées dans la restauration du travail en région parisienne sont aujourd’hui en grande difficulté ; certaines ont déjà engagé des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) et plusieurs milliers de licenciements pourraient survenir début 2021. Aussi le soutien de l’État, jusqu’à l’après-covid, pourrait être vraiment vital aux sociétés de restauration collective.

Le secteur sous contrat a pu prétendre à la prise en charge à 100 % du chômage partiel et être inscrit sur la liste S1 du Fonds de solidarité comme secteur particulièrement touché par la crise – sans toutefois bénéficier du régime spécial de la restauration commerciale. La restauration collective concédée demande aujourd’hui à faire partie des secteurs les plus touchés de la liste S1, qui devraient continuer à percevoir des aides renforcées au moins jusqu’en février.

Par ailleurs, les acteurs de la restauration collective, concédée ou en gestion directe, ont alerté le groupe de travail sur des contraintes qui leur semblent disproportionnées dans la crise actuelle : les représentants de la restauration concédée soulignent notamment la menace que représente l’application stricte du système de bonus-malus pour les employeurs de plus de 11 salariés recourant aux contrats à durée déterminée. Elle pèsera lourdement sur des entreprises qui pourraient expérimenter de nouvelles approches pour rebondir dans un contexte encore incertain. Ils nous indiquent aussi qu’il est inenvisageable aujourd’hui de demander à leurs équipes, qui sont réduites, comme à leurs fournisseurs, qui sont affaiblis, de mettre en place les diagnostics sur le gaspillage alimentaire que nous avons votés dans la loi ÉGALIM. Il leur sera donc difficile d’atteindre l’objectif de 50 % d’opérateurs engagés dans la démarche en 2022. De fait, nous voulons souligner, avec les membres du groupe de travail, la nécessité de redéfinir, peut-être, des objectifs atteignables et trouverions légitime d’adapter ce calendrier à la situation créée par la crise sanitaire.

S’agissant des fournisseurs et grossistes de la RHD, la situation est plus dégradée encore. La fermeture de nombreux points de restauration commerciale, couplée à la réduction de la restauration collective en entreprise et dans les administrations, ont drastiquement contracté leurs marchés. Même les ventes à emporter ou à livrer, autorisées pendant ce second confinement, ne représentent toujours que 15 à 20 % de l’activité dans la restauration commerciale.

Les fournisseurs de la RHD, pris dans leur globalité, ont déclaré des pertes de chiffre d’affaires mensuel de 40 % lors du premier confinement et une nouvelle chute supérieure à 50 % depuis le reconfinement.

Pami eux, les entreprises agroalimentaires qui travaillent avec la RHD ont encore plus souffert : après avoir accusé une baisse moyenne de 54 % de chiffre d’affaires lors du premier confinement, et constaté une tendance des restaurateurs à réduire le nombre de leurs fournisseurs malgré la reprise en été, le couvre‑feu puis le reconfinement sont venus aggraver des situations déjà très dégradées. Elles n’ont en effet pas pu anticiper l’arrêt de leurs débouchés et se sont retrouvées avec d’importants stocks de denrées périssables, qu’il leur est difficile de reporter sur d’autres marchés, sauf au prix d’adaptations coûteuses. Ainsi, non seulement elles subissent de nouvelles pertes de chiffre d’affaires, d’un niveau proche de la moitié pour 57 % d’entre elles, sur une période où la consommation de produits festifs devrait générer des recettes supérieures, mais leurs trésoreries sont sérieusement affaiblies.

Les achats auprès des producteurs agricoles se ressentent automatiquement de ces chutes d’activités, mais aussi les investissements et les projets de recrutement de ces entreprises. Bien que s’inscrivant dans un secteur alimentaire relativement épargné par la crise, grâce au dynamisme du commerce alimentaire, 10 % de celles-ci envisageraient des licenciements.

On soulignera enfin la situation plus dramatique encore des entreprises fournissant surtout l’évènementiel ou la restauration ferroviaire et aérienne, qui n’ont pas, ou peu, repris leurs activités, ainsi que celle des fournisseurs de distributeurs automatiques de produits alimentaires et de boissons. Nous avons reçu hier un témoignage alertant notre commission sur le couperet qu’a été pour ces derniers la mise à l’arrêt presque totale des appareils ou des lieux de pause où ils sont installés ; leur fédération parle de 25 000 emplois directement menacés à moyen terme.

Quant aux grossistes de la RHD, les impacts ne sont pas moins conséquents : dans les filières boissons, équipements, textiles, les pertes de chiffre d’affaires tournent autour de 90 % pendant les deux confinements, avec une dégradation marquée dès le couvre‑feu.

Sur la filière alimentaire du commerce de gros, l’activité a aussi nettement baissé. Cela dépend de la plus ou moins grande implication des entreprises dans le secteur de la RHD : les exploitants du Marché de Rungis, par exemple, ont globalement très bien tenu, parce que le commerce de détail constitue leur principal débouché. En revanche, les entreprises qui fournissent plus largement la RHD ont supporté un recul moyen de près de 30 % de leur chiffre d’affaires sur toute la période de crise. Quand on affine, le recul cumulé est de près de 34 % en moyenne chez celles qui approvisionnent plutôt la restauration commerciale ; il ira bien au-delà de 40 % sur l’année pour les plus dépendantes.

Dans ce contexte, les aides décidées par le Gouvernement et votées par le Parlement, et leur renforcement ont été, il faut le souligner, très appréciés. Tous ont salué le soutien rapide et fort que ces aides leur ont apporté, plus encore depuis que les fournisseurs de la RHD ont été inscrits sur la liste S1 bis du Fonds de solidarité. Ils regrettent toutefois qu’il ait fallu attendre le 2 novembre pour que leurs difficultés soient pleinement reconnues.

Cette prise en compte tardive est en partie liée aux catégories trop imprécises, ou trop restrictives selon les cas, qui sont retenues dans ces listes. Elles se fondent généralement sur des codes NAF et APE utilisés en statistique, que d’autres acteurs précédemment entendus par le groupe de suivi ont déjà critiqués. Or, ces catégories identifient les activités éligibles aux aides renforcées du Fonds de solidarité et de tous les autres dispositifs d’aide qui s’y réfèrent. Les listes en question ont bien été complétées au fil des mois. Mais les professionnels de la RHD indiquent que certains d’entre eux resteraient encore exclus des aides spécifiques, malgré l’importance de leurs difficultés – tels les fournisseurs alimentaires des débits de boissons et des évènements sportifs et culturels.

Un autre problème fondamental, encore non résolu, est celui des stocks, qui pèsent lourdement sur tous les maillons de la filière RHD. Quand il s’agit de denrées périssables, les dons alimentaires peuvent être une alternative à la destruction, après s’être efforcés de les écouler, difficilement et presque à perte, sur d’autres marchés. Mais ces dons ne résolvent pas complètement la perte de valeur des invendus. Et quand les stocks peuvent être conservés un certain temps, on sait qu’ils retarderont la reprise d’activité des fournisseurs, jusqu’à ce qu’ils soient écoulés. On peut aussi évoquer le coût que représente leur stockage et leur impact comptable sur la trésorerie des entreprises.

Parmi les autres difficultés signalées par les fournisseurs et les grossistes de la RHD, apparaissent aussi des contrôles réalisés par les URSSAF et les DIRRECTE, qui contestent parfois le bien-fondé du recours au chômage partiel des fournisseurs agroalimentaires, considérant que ce secteur ne souffre pas de la crise. Ils nous ont également signalé certaines pratiques des banques et des assurances qui compliqueront fortement l’accès aux financements des entreprises qui voudront relancer leurs activités : la caution personnelle demandée systématiquement aux chefs d’entreprise semble constituer une prise de risque disproportionnée dans le contexte actuel et menace clairement des individus qui par ailleurs ne bénéficient d’aucune aide. Quant à la tendance qu’ont les assureurs crédits à dégrader automatiquement la note de tous les acteurs de la RHD, elle risque ultérieurement de les empêcher d’obtenir, dans de bonnes conditions, les crédits qui leur permettront, demain, de redémarrer le mieux possible.

Face à ces problèmes, une nouvelle fois, nous rappelons – et nous le ferons par écrit – aux banques et aux assureurs qu’elles ont une mission d’accompagnement de l’économie nationale et qu’elles doivent adapter leurs exigences de sécurité financière à l’objectif prioritaire de relancer l’activité de nos entreprises. Nous savons que M. Bruno Le Maire a reçu récemment leurs fédérations pour évoquer à nouveau un certain nombre de points. Nous tenons également à réitérer ce message.

Enfin, parmi la liste des autres demandes des acteurs de la RHD, nous relèverons aussi que les plus grandes entreprises de la filière déplorent de ne pouvoir bénéficier des aides renforcées accordées aux TPE et PME, soulignant que leurs pertes et leurs difficultés sont proportionnellement équivalentes.

Mais au-delà de leurs demandes de « correction » et, surtout, de prolongation des dispositifs d’aide jusqu’à ce que l’activité reprenne réellement, les acteurs de la filière ont dit au groupe de travail leur besoin fondamental que les restaurants puissent rouvrir. Ils savent que les aides publiques ne pourront durer éternellement, et n’en peuvent plus de leur mise à l’arrêt, comme vous le savez tous. Ils affirment que leurs collègues restaurateurs seraient prêts à mettre en œuvre des protocoles sanitaires renforcés, comme l’application d’une jauge et des règles de distanciation, si cela leur permet de rouvrir et d’éviter de refermer ultérieurement.

Au demeurant, les professionnels auditionnés sont intuitivement convaincus qu’un restaurant peut fonctionner sans qu’il devienne un cluster. L’expérience de la restauration collective le montre, nous disent-ils.

Pour favoriser cette réouverture, ils ont suggéré de mener une étude française sur la réalité de la contamination dans les établissements de restauration mettant en œuvre des protocoles sanitaires sérieux. L’idée serait de fonder les décisions relatives à ces activités sur des constats et des critères objectifs.

Nous soutenons cette demande d’objectivation des décisions relatives aux activités qui sont mises en cause dans la propagation du virus, et des consignes données, et nous recommandons également la réalisation d’une étude rigoureuse sur la réalité des risques qui tienne compte des mesures de protection déjà prises. Les résultats d’une telle étude pourraient constituer d’importants outils d’aide à la décision dans les semaines à venir.

Merci d’avoir écouté cet ultime compte rendu de l’année. Nous aurons un autre rendez‑vous thématique en janvier sur les entreprises de l’évènementiel, du cinéma et du théâtre – en particulier les gestionnaires de ces salles.

Je voulais enfin excuser mon co-rapporteur, M. Julien Dive, avec qui je travaille en étroite collaboration et qui a été retardé par une autre réunion. Nous travaillons beaucoup sur ces sujets et nous faisons remonter nos constats au Gouvernement et aux cabinets ministériels concernés. Je reste à la disposition du président de notre commission pour définir les modalités et le calendrier des travaux qui sont encore nécessaires.

M. Roland Lescure, président. Merci beaucoup. Le sujet de l’évènementiel est très important, en effet. Je vous engage à prendre contact avec notre collègue Bruno Bonnell, même s’il n’est plus membre de notre commission. Il est très impliqué dans ce secteur. À l’issue de la présentation de la dernière thématique, on pourrait rédiger une note au Premier ministre, signée par tous les membres de la commission des affaires économiques, résumant brièvement les travaux du groupe de suivi, mais reprenant surtout les enseignements qu’il a tirés sur les adaptations structurelles nécessaires (les codes NAF, etc.) pour gagner en efficacité si cette crise devait durer malheureusement.

Mme Barbara Bessot Ballot (LaREM). Merci cher collègue pour cette présentation sur un sujet d’envergure. Des milliers d’établissements de restauration qui couvrent tous les territoires sont malheureusement fermés. Je veux saluer le travail rigoureux du groupe de travail. Ces travaux sont présentés à peine deux jours après que les filières concernées par ces fermetures se sont réunies à deux pas de l’Assemblée nationale, pour exprimer leur mal-être face à cette situation qui s’éternise et que personne ne souhaite. Les restaurants sont fermés précisément parce que ce sont des lieux de convivialité, de partage et de vivre ensemble. Mais, parce que ce sont des lieux ancrés dans le quotidien, les répercussions de ces fermetures se font ressentir sur tout un écosystème. Ce nouveau confinement a mis en lumière les situations de ceux qui occupent des emplois qui ne peuvent être réalisés en télétravail et qui ne disposent pas d’offre de restauration collective. Ces hommes et ces femmes sont contraints de se restaurer dans leurs véhicules ou dehors, malgré des températures hivernales. Cette problématique a été soulevée lors du premier confinement par les secteurs du transport routier et du bâtiment travaux publics (BTP). Pour les premiers, une solution a été trouvée rapidement avec l’ouverture de certains relais. Pour les seconds, l’annonce cette semaine de la mise à disposition de salles polyvalentes apporte un certain réconfort. On peut cependant regretter qu’une distinction n’ait pas été faite entre les activités des restaurants, qui sont avant tout un lieu de sociabilité mais aussi un lieu où les travailleurs se restaurent pour le déjeuner.

Je dirai un mot sur les filières des fournisseurs de la restauration. Avec de nombreux collègues, nous avons saisi le Gouvernement sur la situation de ces filières particulièrement impactées. L’inscription sur la liste S1 bis constitue un « Graal », car elle conditionne l’accès au Fonds de solidarité et aux exonérations de charges. Une solution partielle a été trouvée avec l’intégration des entreprises dont 50 % du chiffre d’affaires dépend de la restauration. Pour autant, les aides sont encore à ajuster, notamment pour ce qui concerne les grossistes de boisson, confrontés à une situation particulièrement difficile. On ne le dira jamais assez, les aides de l’État permettent de sauvegarder nos entreprises et notamment celles de la restauration. C’est désormais vers l’année 2021 qu’il faut se tourner. Le Premier ministre a annoncé qu’elle serait celle de la gastronomie. Plus qu’un exercice de communication, il faudra que cela se matérialise par des perspectives concrètes pour accompagner la reprise et préparer l’avenir.

M. Thierry Benoit (UDI-I). Je veux saluer la restitution faite par le rapporteur et je souhaiterais mettre en avant trois points. Tout d’abord, dès que l’on me parle de la restauration hors domicile, immédiatement, je pense aux circuits d’approvisionnement. Il y a en ce domaine deux origines possibles pour les produits : les produits français et les produits d’importation. Cela concerne tous types de produits, y compris la viande bovine. Est-ce que l’on sait distinguer la part de produits d’importation de la part de produits de production française ? Je pose cette question car je pense que les aides et la gestion des stocks doivent porter une attention particulière et différenciée à cette problématique, selon qu’il s’agit de produits d’importation ou de production française. Il y a peut-être une réorientation possible vers d’autres acteurs de la restauration.

Le deuxième point concerne le contrôle et le rôle des URSSAF et des DIRECCTE. Depuis le moins de mars, je milite pour que les URSSAF et les DIRECCTE se concentrent sur des contrôles afférents aux aides relatives aux critères retenus par le Gouvernement pour soutenir les activités économiques, dans le cadre des classifications S1 et S1 bis. Je m’étonne que les URSSAF continuent de réaliser des contrôles classiques dans certaines entreprises, comme si de rien n’était. C’est aussi le cas pour certaines directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Les contrôles doivent se concentrer aujourd’hui uniquement sur le respect des critères définis par le Gouvernement.

Mon dernier point concerne les professionnels de la route. Bien sûr, la mise à disposition de salles polyvalentes constitue un premier pas bienvenu. Mais je pense qu’il faut aller plus loin et permettre aux professionnels qui circulent sur la route d’avoir accès aux restaurants, au-delà des centres routiers ouverts aujourd’hui. Nous avons beaucoup de petits restaurants dans les campagnes et les villes moyennes qui pourraient être ouverts aux professionnels de la route.

M. Philippe Huppé (Agir ens). Je suis ravi de ce que j’ai entendu. Je veux insister sur deux points. Je suis content que nos collègues aient relevé la situation des distributeurs de boissons. Ce sont des entreprises importantes qui regroupent beaucoup d’emplois et qui passent un peu à travers les mailles du filet. J’ai entendu dire que les listes S1 et S1 bis devaient être fusionnées, mais je ne vois pas cela se traduire au niveau gouvernemental. Il ne faut surtout pas laisser ces acteurs disparaître par voie de liquidation judiciaire, car dans ce cas-là, ils seront absents au moment de la relance. Mon second point concerne les restaurateurs, je crois qu’il faut s’y pencher sérieusement. Je ne suis pas sûr que le prolongement du confinement des restaurateurs soit bénéfique, ni pour la société, ni individuellement, car les restaurateurs sont soumis à une pression psychologique très forte. Si nous sommes exigeants concernant les mesures de sécurité et les gestes barrière, nous pouvons imaginer une réouverture partielle ; il faut desserrer la pression.

M. Roland Lescure, président. Nous sommes tous très sensibles à ces acteurs. Malheureusement la situation sanitaire est telle qu’elle est. Ailleurs en Europe, elle est même pire qu’ici.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Pour répondre à Mme Barbara Bessot Ballot et à M. Thierry Benoît, M. Alain Griset a fait publier un communiqué hier sur l’ouverture des salles polyvalentes pour les acteurs du BTP, c’est un premier pas à saluer. Sur la part des produits importés, nous n’avons pas de chiffres exacts. Pour autant, nous savons aujourd’hui que dans la restauration collective et commerciale, 70 % de la viande est importée. Nous avons conscience, depuis la loi EGALIM, que nous avons un important travail à effectuer pour faire en sorte que les filières françaises soient davantage choisies par les centrales d’achats. En partant de ce postulat, on peut considérer que la part de stocks de viande importée est plus importante que la part de viande française. Le débouché principal des viandes françaises se fait aussi à travers le Marché de Rungis et l’ensemble des petits commerces qui sont, eux, restés ouverts. Pour répondre à M. Philippe Huppé sur les distributeurs de boissons, nous avons un certain nombre PME qui placent des produits dans les marchés et les cinémas, et ces PME sont en grandes difficultés. Sur la restauration, il faut faire confiance à ce que nous disent les membres du comité scientifique, mais il faut peut-être envisager la différenciation territoriale, en fonction de la circulation du virus. C’est une conception personnelle que je porte là. Sur la différenciation territoriale, nous aurons l’occasion d’en reparler dans le cadre du projet de loi à venir dit « 4 D », porté par la ministre Jacqueline Gourault.

M. Roland Lescure, président. Merci à tous.


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7.   Réunion du mercredi 13 janvier 2021 consacrée au spectacle vivant et aux scènes privées, aux salles de cinéma et à l’événementiel

La commission des affaires économiques s’est réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée au spectacle vivant et aux scènes privées, aux salles de cinéma et à l’événementiel.

M. Roland Lescure, président. Nous passons maintenant à la présentation des travaux du groupe de suivi des conséquences économiques du second confinement.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Notre groupe de suivi a poursuivi ses travaux la semaine passée, consacrant sa dernière série d’auditions à des acteurs du monde de la culture et du tourisme, qui sont des secteurs importants de notre économie : les professionnels du spectacle musical et de variété, des cabarets et des théâtres privés, les représentants des salles de cinéma, qui, avec plus de 2 000 établissements, emploient environ 15 000 personnes, dont de nombreux étudiants, et les acteurs des salons, congrès et autres évènements.

Hormis pour les salle de cinéma sur lesquelles je reviendrai, ces filières se sont retrouvées à l’arrêt quasi-total depuis la mi-mars. En effet, l’interdiction des spectacles musicaux en jauge debout, depuis le début, et la limitation des places assises à 1 000 personnes, après le premier confinement, n’ont permis qu’à un très faible nombre d’entreprises de redémarrer leurs activités pendant l’été. Le couvre-feu d’octobre a un peu plus compliqué leur situation, avant que le reconfinement ne stoppe tout. La filière estime avoir perdu jusqu’à 90 % de son chiffre d’affaires annuel sur 2020, soit un recul d’au moins 1,4 milliard d’euros ; et sa trésorerie est exsangue. En outre, elle considère avoir d’ores et déjà perdu le premier trimestre 2021 car, pour l’ensemble de ces professions, il faut compter les temps de remise en forme, de répétitions, les salles à réserver, les créneaux à bloquer, ainsi que les délais de communication et de promotion… Un mois, deux mois ou plus peuvent ainsi passer avant la première présentation. La filière sait aussi que les spectacles debout seront probablement les derniers autorisés à reprendre. 2021 apparaît donc, déjà, comme une mauvaise année si rien n’évolue, et si leurs aides venaient, de surcroît, à être dégradées, comme ils nous en ont alertés. Les professionnels considèrent que 51 % des entreprises du live sont déjà menacées et avec elles, 46 % des emplois permanents et 76 % des emplois intermittents du secteur.

Les cabarets – que l’on retrouve aussi dans nos territoires ruraux – n’ont été autorisés à faire jouer leurs artistes devant le public sans masque et sans distanciation que début septembre. Il leur a fallu un mois pour se remettre en état de marche, juste avant que le couvre‑feu puis le reconfinement ne viennent tout arrêter également. Ils ont ainsi perdu environ 85 % de leur chiffre d’affaires ; certaines entreprises sont déjà en situation d’impayés et tout le secteur semble désespéré.

Quant aux théâtres privés, secteur important dans notre pays, presque toutes les représentations et les tournées ont été annulées depuis mars. La jauge imposée aux salles en août était en effet si réduite qu’elle interdisait la réouverture de nombreux établissements, faute de retour sur investissement suffisant ; et quand elle a été remontée à 50 % en septembre, les plus grandes salles ont été maintenues fermées. Tout est évidemment arrêté depuis le reconfinement. Les pertes de recettes se situeraient entre 143 et 162 millions d’euros, soit 65 % du chiffre d’affaires annuel du secteur. Mais pour certaines salles, ces pertes représenteraient jusqu’à 85 % du chiffre d’affaires.

Les pertes ont même été aggravées pour les cabarets et les théâtres qui se sont préparés en septembre à leur réouverture avortée, car les dépenses engagées à ce titre n’étaient pas compensées par les aides publiques et n’ont pas, ou peu, généré de recettes. Certains acteurs estiment que leurs pertes sur cette période sont deux fois plus élevées que s’ils n’avaient pas repris leur activité.

De même, les métiers de l’événementiel n’ont plus qu’une activité marginale, voire nulle, depuis le début de la crise, même si seuls les sites réceptifs sont fermés administrativement. Les pertes économiques pour les opérateurs de l’évènementiel, ainsi que pour les acteurs locaux du tourisme, sont estimées à près de 36 milliards d’euros entre mars et décembre. Quant aux entreprises exposantes, elles pourraient avoir perdu jusqu’à 29 milliards d’euros de chiffre d’affaires en l’absence des ventes et des contrats qu’elles réalisent dans ces salons et ces congrès. La filière a, en tout état de cause, perdu 80 % de son chiffre d’affaire annuel. Selon un sondage, on pourrait s’attendre au dépôt de bilan de près d’une entreprise sur deux si la situation continue ainsi jusqu’au mois de mars. Cela entraînerait la disparition de 40 000 emplois directs et aurait des impacts sur 400 000 emplois indirects – notamment dans l’hôtellerie, secteur pour lequel l’événementiel procure une nuîtée sur deux en France.

Les professionnels considèrent que leur filière est en train de s’écrouler, alors qu’elle était l’un des leaders mondiaux du secteur. En effet, beaucoup d’acteurs étrangers – des secteurs culturels et sportif, pour les Jeux olympiques notamment – s’adressaient à nos sociétés d’évènementiel, dont l’expertise était reconnue au niveau mondial. Ils voient notamment leurs concurrents étrangers s’empresser d’attirer leurs clients habituels – c’est la loi du marché. Ce processus pourrait s’accélérer avec les délais qu’exige la réorganisation des évènements. Les plus importants demandent en effet au moins 12 mois de préparation à compter du moment où le Gouvernement leur donnera un feu vert.

Les cinémas enfin, qu’ils soient privés ou qu’ils appartiennent à des municipalités, ont pu reprendre une activité entre le 23 juin et le 28 octobre. Mais entre l’absence des films américains (qui constituent 50 % des films diffusés dans notre pays, contre environ 40 % pour les productions françaises, ce qui est en soit une spécificité), le couvre-feu et les réticences des spectateurs, la fréquentation a tout de même chuté de 60 % par rapport à son niveau habituel – sachant que la fréquentation des cinémas était au plus haut en 2019, avec 215 millions d’entrées. L’ensemble de l’année 2020 n’atteint que 65 millions d’entrées et le chiffre d’affaires s’est effondré de 1 milliard d’euros, à rapporter aux 1,4 à 1,5 milliard d’euros de gains de l’année précédente. Cependant, même si une fréquentation de seulement 40 % pendant la période de réouverture n’a pas suffi pas à les faire vivre, les cinémas restent convaincus de la nécessité de rouvrir, pour le moral de nos concitoyens, de leurs personnels, et pour contrer le développement et la concurrence des plateformes de films en ligne (Netflix, OCS, Disney, etc.). Je les ai interrogés sur l’évolution des comportements des consommateurs ; elle leur semble évidente. La chute des recettes des cinémas ébranle non seulement les salles – menaçant l’existence de nombreuses petites salles dans nos territoires –, mais aussi l’ensemble de l’industrie cinématographique française. Car sur les billets (qui coûtent en moyenne 6 à 7 euros, avec les réductions de tarifs pour les jeunes, les étudiants, etc.) est perçue la taxe spéciale additionnelle (TSA), qui constitue ordinairement 42 % des financements apportés aux productions françaises par le Centre national du cinéma et grâce à laquelle notre industrie cinématographique fait partie du Top 5 mondial.

Tous ces acteurs ont dit leur fragilité et leurs inquiétudes, et ont exprimé un certain sentiment d’injustice dès lors qu’ils mettent en œuvre des protocoles sanitaires exigeants. En effet, dans un cinéma par exemple, vous rentrez par une porte et ressortez par une autre, vous regardez tous dans la même direction, et mainenant vous portez tous un masque… Les professionnels contestent donc que leurs locaux soient plus risqués qu’une grande surface commerciale ou les transports en commun, ou des salles municipales où sont accueillis des écoliers en garderie... Les filières auditionnées se sentent donc pénalisées par rapport à d’autres activités, voire « sacrifiées ». Plusieurs organisations ont alors saisi le Conseil d’État de recours en référé-liberté, qui ont été examinés le 23 décembre dernier. De fait, s’il confirme le maintien de la fermeture de tous les lieux culturels au vu de la dégradation de la situation sanitaire et du risque d’aggravation à court terme, le Conseil d’État a indiqué que dans un contexte plus favorable, leur fermeture au public porterait une atteinte grave à plusieurs libertés.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Malgré leur fragilité, leur inquiétude et leur sentiment d’injustice, exprimés par l’ensemble des secteurs auditionnés, les filières restent évidemment tout à fait conscientes des menaces sanitaires actuelles. Mais elles espèrent – comme nous tous d’ailleurs – une réouverture progressive dès que la situation s’améliorera. Elles savent que cela se fera à des rythmes différents selon les secteurs. Certaines filières ont réfléchi aux différentes hypothèses : si aucune ne souhaite attendre que les gestes barrière deviennent inutiles pour rouvrir, pour les théâtres et plus encore pour les cabarets, une jauge à 50 % sans bar ni restauration serait trop éloignée de leur seuil de rentabilité. De manière générale, les scènes privées n’envisagent pas de rouvrir en jauge réduite sans des aides adaptées, leur modèle économique nécessitant un taux moyen de remplissage de leurs salles de 80 % pour atteindre son équilibre. Ce taux d’équilibre se situerait à 70 % pour les spectacles musicaux.

Par ailleurs, hormis les cinémas, toutes les autres filières soulignent que la relance de leurs activités impose un temps de préparation, de répétition et de commercialisation qui prend de un à plusieurs mois, jusqu’à plus d’un an pour les très grands projets, temps pendant lequel elles doivent à la fois investir et payer des personnels sans percevoir encore de recettes et sans plus bénéficier du chômage partiel ni de la plupart des aides. Or, les acteurs nous disent qu’aujourd’hui, la majorité de leurs entreprises n’ont plus la trésorerie nécessaire pour avancer ces dépenses et se seront déjà fortement endettées pour résister à la crise.

Aussi, les acteurs du spectacle vivant, les théâtres, les cabarets et les métiers de l’événementiel demandent au Gouvernement une meilleure visibilité sur leurs perspectives de réouverture (au moins leurs conditions, à défaut de date précise – qui serait compliquée à fixer puisqu’on ne connaît pas l’évolution future de la crise sanitaire). Cela leur permettrait d’anticiper la reprise effective de leurs représentations. Les professionnels souhaitent pouvoir construire ce futur avec le Gouvernement.

Les cinémas sont, évidemment, tout autant demandeurs d’un horizon pour sortir de la forme de dépression actuelle comme des menaces économiques pesant sur de nombreux exploitants.

Tous insistent sur la nécessité d’être soutenus jusqu’à leur réouverture administrative, mais également pendant leur période de préparation à la reprise effective de leurs prestations.

Tous les acteurs auditionnés ont reconnu la rapidité et l’importance des aides financières du Gouvernement. Leurs entreprises ont été, jusqu’à présent, préservées d’une fermeture définitive grâce aux énormes efforts de l’État et des régimes sociaux.

D’ailleurs, si les activités événementielles ne relèvent que des dispositifs généraux (avec, cependant, l’inscription de l’organisation des salons, des congrès et des autres événements sur la liste S1 du Fonds de solidarité), les autres filières bénéficient d’aides sectorielles qui complètent utilement les aides de droit commun. Elles leur sont allouées par le Centre national du cinéma, le Centre national de la musique et l’Association de soutien des théâtres privés.

Mais les professionnels nous ont fait savoir leurs regrets sur certaines limites de ces aides et appréhendent leurs évolutions à venir.

Par exemple, la distinction entre les listes S1 et S1 bis aboutit à exclure plus de la moitié des acteurs de l’événementiel des aides renforcées du Fonds de solidarité, voire l’ensemble des aides de ce fonds, alors qu’ils sont aussi fortement impactés par l’annulation des événements qu’ils préparent et traitent.

L’aide en matière d’activité partielle des intermittents serait aussi nettement insuffisante, laissant un important reste à charge pour les « congés spectacle ». Au demeurant, les professionnels s’inquiètent beaucoup d’une diminution de la prise en charge des indemnités de chômage partiel, qui pourrait intervenir à partir de février, pour les entreprises non directement fermées administrativement, quand bien même la quasi-totalité de leur activité est liée à un établissement fermé. Toutefois, le Gouvernement serait revenu sur cette question en début de semaine.

Les acteurs observent, par ailleurs, que les différents mécanismes de compensation des pertes de billetterie (dans le spectacle vivant, les scènes et les cinémas) ne sont déclenchés que s’il y a spectacle. Le système oblige alors à rembourser ces avances si les représentations sont annulées, même s’il s’agit d’une décision d’autorité et que des dépenses ont été engagées.

Quant au nouveau crédit d’impôt pour les représentations théâtrales d’œuvres dramatiques, créé par la loi de finances pour 2021, certains de ses critères exclueraient de fait de nombreuses productions.

Les acteurs sont sensibles, en outre, aux différences de traitement entre professions : ils ne comprennent pas les promesses faites aux seuls restaurateurs, qui n’ont pourtant pas subi près de 10 mois de fermeture ; ou l’exclusion des cabarets du crédit d’impôt Spectacle vivant, alors que leurs spectacles mêlent plusieurs des disciplines concernées ; ou encore la plus grande générosité des aides du Centre national de la musique par rapport à celles distribuées par l’Association de soutien des théâtres privés.

Enfin, les acteurs auditionnés partagent presque tous les constats suivants :

– D’abord, les charges des loyers et des emprunts en cours continuent à peser très lourd, et ce problème structurel reste, à leurs yeux, sans solution ;

– Ils soulignent d’ailleurs leur incapacité à moyen terme à rembourser les PGE (prêts garantis par l’État). Le ministre de l’économie a bien déclaré, lundi, envisager de décaler du 1er mars 2021 au 1er mars 2022 les échéances pour les hôtels, les restaurants, le monde du sport et de la culture. Mais il a omis de mentionner l’événementiel – nous devrons le réinterroger sur ce point ;

– Les filières déplorent également que les aides actuelles ne soient pas adaptées aux PME les plus importantes, parce qu’elles en sont exclues ou que les plafonds sont trop faibles. Or, dans l’évènementiel, la fragilisation des grands acteurs français pourraient avoir des conséquences néfastes sur le rayonnement international de nos grands salons ;

– Enfin, comme cela a déjà été dit, les acteurs auditionnés insistent sur la nécessité, vitale, que les dispositifs d’aide actuels soient prolongés jusqu’à fin juin ou fin décembre, non seulement pour qu’ils puissent encore résister à la crise persistante, à la prolongation de leur fermeture, mais aussi pour les accompagner quand ils relanceront leur activité, jusqu’à ce qu’ils retrouvent des rentrées d’argent suffisamment viables.

Au regard de leurs difficultés déjà vives, certains souhaiteraient même des compléments d’aide pour couvrir leurs charges d’exploitation résiduelles. Les cabarets et les théâtres privés évaluent ce besoin à au moins 60 millions d’euros ;

Mais le plus important pour tous est que ces dispositifs tiennent compte de la différence entre le calendrier de réouverture des lieux et celui de la reprise effective des spectacles, c’est-à-dire du temps de préparation.

Nous attirons particulièrement l’attention du Gouvernement, et de nos collègues, sur ces enjeux communs, soulignant l’extrême fragilité des secteurs auditionnés, en dépit d’aides publiques substantielles, et leur besoin d’une meilleure visibilité sur leurs perspectives d’avenir.

Une concertation plus poussée – sur les critères, le rythme et les exigences envisageables pour des réouvertures de leurs activités et sur l’accompagnement public mobilisable – pourrait aider ces filières à se projeter plus aisément dans une relance future, malgré l’imprévisibilité encore importante de la crise sanitaire. C’est une demande forte des secteurs rencontrés.

Je vous remercie pour l’attention que vous avez montrée aux notes hebdomadaires de notre groupe de travail.

M. Roland Lescure, président. Sincèrement, merci pour votre travail tout au long de ces semaines.

Mme Graziella Melchior (LaREM). Merci à mon tour pour cette présentation très précise. Votre travail est précieux pour dresser un bilan et identifier les pistes d’amélioration nécessaires pour soutenir les secteurs du spectacle vivant, les scènes privées, les cinémas et les acteurs de l’évènementiel. Car le bilan est sans appel : les pertes de chiffre d’affaires en 2020 sont immenses, jusqu’à plus de 80 %. Mais ce bilan va au-delà de l’économie ; la crise sanitaire nous a montré à quel point la culture est essentielle pour lutter contre la morosité ambiante et pour l’animation territoriale. Privés de culture, les citoyens français souffrent et nos entreprises se sentent délaissées, voire oubliées par le Gouvernement. Pourtant, oubliées, elles ne le sont pas : les mesures transversales d’aide ainsi que les soutiens sectoriels ont eprmis de sauvegarder les entreprises culturelles. Cependant, elles sont nombreuses à demander des améliorations : le renforcement du dispositif d’activité partielle pour les intnermittents, la demande de prolongation des aides existantes ou encore l’adaptation du calendrier du remboursement des PGE, que vous avez évoquée.

Une entreprise de son et lumière de ma ciconscription, Audiolive, sollicite aussi l’exonération des cotisations sociales, comme lors du premier confinement, et va plus loin en demandant que les aides du Fonds de solidarité soient calculées non sur le chiffre d’affaires mais sur le montant des charges. Vous indiquez qu’une concertation plus poussée sur les critères, le rythme et les exigences envisageables pour des réouvertures pourrait aider ses filières à se projeter plus aisément dans une relance future ; je suis entièrement d’accord. J’aimerais évoquer le festival du bruit à Landerneau, qui réunit chaque année des milliers de festivaliers. Son organisateur privé, non subventionné, Régie scène, m’a fait part de l’angoisse du secteur dont l’activité dépend à 99 % de la billetterie et donc de la confiance du public. Si un calendrier de reprise n’est pas établi rapidement, le compte de résultats sera encore plus catastrophique qu’en 2020. Cette entreprise culturelle n’est pas la seule à m’avoir sollicitée ; et je sais que chacun de mes collègues l’a aussi été. Malgré l’imprévisibilité encore importante de la crise sanitaire, c’est un appel à la transparence qui est lancé. Les acteurs attendent des annonces claires, même si elles sont négatives, dès février pour s’organiser au mieux en vue de cet été.

Mme Marie-Noëlle Battistel (Soc). La présentation des rapporteurs est très complète ; je vais surtout me faire écho du sentiment général dans ma circonscription : comme cela a été évoqué, les acteurs font part de beaucoup d’incompréhension, et ressentent parfois du mépris pour leurs professions dans cette notion d’« activités non essentielles ». Enfin, les rapporteurs ont largement décrit la situation économique, les pertes de chiffre d’affaires, les nombreuses menaces de fermeture définitive d’établissements… Comme pour le secteur des stations de ski qui m’est cher, il faut de la visibilité, pour pouvoir anticiper et s’organiser. Je sais bien que l’exercice est extrêment difficile et complexe dans la situation que nous connaissons. Mais ils préfèrent savoir que la fermeture sera prolongée avec une assurance claire sur leur réouverture. Un travail avec eux est également important : déjà engagé par la minsitre de la culture, il doit être poussé, précis et partagé pour que les dispositifs mis en  place soient mieux compris.

M. Roland Lescure, président. Vous l’avez dit : on souhaiterait donner une meilleure visibilié à tout le monde ; malheureusement, ce virus apporte presque chaque jour de nouvelles surprises, nous conduisant à naviguer parfois au plus près des évolutions.

M. Antoine Herth (Agir ensemble). Je voudrais d’abord saluer le travail de nos deux rapporteurs, chaque semaine et aujourd’hui encore sur le secteur de la culture et du spectacle qui nous tient à cœur et qui devrait, selon moi, être considéré comme un élément d’équilibre psychologique vital pour nos concitoyens. Sa situation m’inquiète particulièrement. Au-delà des chiffres de leurs pertes, la fermeture des lieux culturels a aussi un impact très négatif sur l’ensemble de la population que nous devons prendre en compte. Mon groupe souhaite aussi que l’on puisse donner de la visibilité à ces acteurs, que soit engagé un travail sur la définition de jauges acceptables pour l’ouverture des théâtres, des cinémas et des autres lieux culturels, comme les musées, et que l’on puisse – comme dans un certain nombre de pays voisins – mettre l’accent sur des équipements de ventilation locale. Ce serait un élément important pour s’inscrire dans une maîtrise durable de la pandémie. Car on ne se débarrassera pas si facilement du virus ; je pense que même le vaccin ne règlera pas tout. Mais profitons de cette période d’inactivité pour accompagner ces secteurs dans l’installation de tels équipements. Cette piste me semble devoir être creusée.

Une question plus précise enfin concernant le secteur du cinéma : les chiffres donnent le tournis s’agissant des pertes de chiffre d’affaires, mais s’agissant aussi des pertes de créativité de la production nationale. Nos rapporteurs ont-ils pu mesurer les écarts qui se creusent entre le secteur que l’on peut qualifier de traditionnel et le cinéma sur internet, avec des opérateurs comme Netflix qui ont pu continuer à travailler et à diffuser leurs œuvres ?

Il me semble assister à un phénomène similaire à celui observé dans le secteur du commerces, avec le développement de la vente en ligne.

Mme Christine Hennion. Je remercie nos rapporteurs d’avoir mis ce sujet à l’ordre du jour : nous sommes en effet plusieurs à le suivre depuis des mois, car il s’agit d’une filière qui est particulièrement en détresse. J’ai participé aux auditions, et je souhaite faire quelques remarques complémentaires.

Le monde de la culture et de l’événementiel est touché par des chutes de chiffre d’affaires d’un facteur supérieur à dix : nous passons de plusieurs milliards d’euros à quelques centaines de millions, ce qui impacte l’ensemble de l’économie. Comme l’a mentionné notre collègue M. Stéphane Travert, dans la filière événementielle, des entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont fragilisées. Il est vrai que les aides ont jusqu’ici été nettement orientées vers les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises (TPE-PME).

Nous avons beaucoup parlé de sauvegarde, mais il faut aussi penser à la relance. Le groupe de travail a auditionné le président-directeur général de l’entreprise Laval Virtual, qui a organisé 75 salons virtuels et qui organisera le salon nautique virtuel au mois de mars. Que pensent les rapporteurs de cette évolution vers les salons virtuels ? Nous avons parlé de la plateforme Netflix pour le cinéma, mais il y a aussi l’événementiel virtuel, et si la France doit y prendre sa place, c’est maintenant qu’il faut le faire.

M. Thierry Benoit. J’ai plusieurs choses à dire. En premier lieu, je suis convaincu que les mesures d’aide et d’accompagnement financier mises en œuvre par l’État sont exceptionnelles. J’échange intensément avec le président du tribunal de commerce d’Ille‑et‑Vilaine, qui a rendu hier son rapport d’activité : les mesures d’activité partielle, le Fonds de solidarité et les prêts garantis par l’État, c’est exceptionnel, il faut le redire. Il y a cependant une nuance à apporter. Je ferai un parallèle avec les primes accordées au titre de la politique agricole commune (PAC) : certains en bénéficient grandement, mais pour d’autres ces dispositifs ne sont pas adaptés, par exemple en fonction de l’âge, de la situation géographique, ou de la nature de l’exploitation. Mais si des ajustements sont possibles, ces mesures demeurent nécessaires.

En deuxième lieu, certaines mesures sont perçues comme des brimades et des humiliations. Pour ce qui concerne les restaurants, il faut se poser des questions sur le sens qu’il y a à demander aux routiers ou aux professionnels du bâtiment d’acheter leur gamelle et d’aller la manger dans la salle communale. Cela n’a aucun sens ! La Creuse s’est déjà adaptée : il faut autoriser les routiers à s’installer aux tables des restaurants, tout en gardant des distances de sécurité, comme ce que nous faisons ici à l’Assemblée nationale.

Ce sont des mesures de bon sens. Je me réjouis qu’on ait retrouvé la raison en ce qui concerne les cultes, mais nous pourrions avoir les mêmes mesures en ce qui concerne les cinémas, avec une ouverture conditionnée à l’occupation d’un siège sur trois seulement.

Enfin, il y a eu hier, lors de la séance des questions au Gouvernement, beaucoup de questions posées sur la jeunesse et la solitude et la déprime qu’occasionnent le confinement et le couvre-feu. Je suis surpris de voir que les chaînes de télévision généralistes ne font pas d’effort sur la programmation qu’elles proposent. Je pense aux personnes seules, aux personnes âgées : aucun effort n’est consenti par les chaînes généralistes pour adoucir cette période difficile.

J’aimerais que la commission des affaires économiques puisse faire des propositions et interpeller les ministres compétents sur plusieurs sujets, dont la vigilance sur l’ajustement des accompagnements financiers, les mesures de bon sens à mettre en œuvre, ou encore des efforts spécifiques à demander aux chaînes généralistes.

M. Roland Lescure, président. Une telle contribution est prévue, après la dernière session de présentation du groupe de travail, qui aura lieu le mercredi 3 février. Nous collationnerons les notes et élaborerons un rapport, avec quelques mesures clefs, que portera la commission. Ce rapport sera remis aux ministres concernés, comme cela avait été le cas pour les groupes de travail du printemps.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Je précise que nous ferons une sélection de nos propositions : il vaut mieux des propositions ciblées qui seront reprises, comme l’avaient été, au printemps dernier, les préconisations du groupe de travail sur l’agriculture par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

En ce qui concerne les cinémas et les plateformes de vidéo à la demande (VOD), il est vrai que le cinéma français souffre, puisqu’une perte d’un milliard d’euros (Md€) sur un chiffre d’affaires habituel de 1,5 milliard, c’est considérable. Cependant, en comparaison avec les cinémas de nos partenaires allemand, britannique, néerlandais, notre industrie s’est un peu mieux sortie d’affaire. La raison en est que, chez nous, si le cinéma américain constitue 50 % des films diffusés, les films français en représentent 40 %. La proportion de films en provenance des États-Unis est bien plus élevée chez nos voisins, si bien que, même lorsqu’ils ont été en capacité d’ouvrir leurs salles, aucun film n’arrivait, alors qu’en France, des films français étaient proposés.

En ce qui concerne les plateformes, une crainte existe concernant la fermeture de salles. Les Français sont plus réticents à aller dans les salles. Et les comportements dans la consommation des films changent : ainsi la plateforme Netflix est-elle passée de 167 millions d’abonnements mondiaux en début 2020 à 200 millions d’abonnements à la fin de l’année. Après le premier confinement, on a mesuré une hausse de 40 % des achats de films en VOD. Même si un champion français devait émerger, un vrai risque persiste pour les cinémas physiques, qui font travailler des techniciens, des personnels à l’accueil, du personnel de ménage. Ces personnes sont menacées.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. En matière d’événementiel, la France a une place particulière dans l’organisation des grands salons internationaux. Une crainte partagée par tous concerne le déplacement vers d’autres pays de ceux qui se tiennent habituellement à Paris. D’autres capitales à portée mondiale font des démarches pour les attirer.

La profession de l’événementiel demande pour cette raison de la visibilité sur les conditions de la reprise. Ses représentants ont été reçus lundi dernier par le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Il faut que ce travail de concertation se poursuive.

Dans le même temps, certaines entreprises se sont lancées dans les salons virtuels avec un certain succès, comme l’a mentionné Mme Hennion. Il faut faire en sorte que ces salons virtuels puissent demeurer des vitrines de ce que la France est capable d’apporter en termes d’organisation de salons. Ces acteurs français peuvent et doivent prendre des places importantes sur ce marché.

Il faut trouver un compromis équilibré entre les avantages des salons virtuels et la résilience économique des sociétés prestataires dans l’organisation d’un salon. Je ne pense pas qu’il faille tout transformer en virtuel, ce qui aurait des conséquences néfastes sur un très grand nombre d’emplois.

Pour ce qui concerne les propositions que nous tirerons de nos travaux, nous ciblerons les actions les plus importantes, pour lesquelles nous verrons avec le Gouvernement comment parvenir à des résultats. Certaines difficultés demeurent, en ce qui concerne les assurances, les stocks, la problématique des codes d’activité principale (APE) ou de la nomenclature d’activité française (NAF) pris comme références dans l’attribution des aides, et la situation des acteurs culturels et de l’événementiel.

Il est important de prioriser nos réflexions sur ce qui reste comme difficultés, car certains des problèmes ont été résolus en cours de route.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Je citerai aussi le débat qu’il y a eu pendant le projet de loi de finances sur le crédit d’impôt sur les représentations d’œuvres dramatiques. Plusieurs acteurs des théâtres et cabarets nous ont expliqué que les critères peuvent les rendre inaccessibles à plusieurs d’entre eux, du fait du lieu d’exploitation ou du nombre minimum d’artistes exigés. Il faudra veiller à ce sujet et faire des propositions.

M. Roland Lescure, président. Nos co-rapporteurs présenteront un rapport final le mercredi 3 février. Nous recevrons le jeudi 11 février le ministre de l’économie, des finances et de la relance, et nous lui ferons d’ici là, avec les co-rapporteurs du groupe de travail, un courrier pour lui présenter les principales propositions de la commission.


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8.   Réunion du mercredi 3 février – rendu final

Au cours de sa séance du mercredi 3 février 2021, la commission des affaires économiques s’est réunie en visioconférence pour entendre le rendu final du groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement, sur le rapport de MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs.

M. Roland Lescure. Nous débutons sur le rendu final du groupe de travail que nous avions constitué en novembre 2020 pour suivre les conséquences économiques du second confinement. Vous noterez la subtilité linguistique : le terme de « second » laissait entendre qu’il n’y aurait pas de troisième confinement. On espère qu’il sera effectivement le dernier et que l’on pourra éviter de reconfiner. Si ce n’est pas garanti, nous travaillons tous ensemble pour l’éviter.

Ce groupe de suivi poursuit les travaux des six groupes de travail mis en place lors du premier confinement. Il était composé d’un membre de chaque groupe politique représenté à l’Assemblée nationale, mais, dans les faits, surtout conduit par ses deux co-rapporteurs, MM. Stéphane Travert et Julien Dive, que je tiens sincèrement à remercier. Ce groupe a présenté sept notes fouillées sur des questions diverses particulièrement sensibles : le commerce de proximité, les partenaires privés des entreprises, c’est-à-dire les banques et assurances, le e‑commerce, les événements festifs de fin d’année, le tourisme de montagne, les fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile et la restauration collective, enfin le spectacle vivant et les scènes privées, les salles de cinéma et les filières de l’événementiel. L’ensemble des notes vont être réunies sous la forme d’un rapport qui pourrait être remis au ministre de l’économie, des finances et de la relance. Nous sommes également en train de finaliser une lettre à ma signature et à celles des co‑rapporteurs, qui sera envoyée au Premier ministre, ainsi qu’au ministre de l’économie et au Président de l’Assemblée nationale.

À ce sujet, la Conférence des présidents a décidé, hier, qu’en raison, notamment, de la fin des travaux de la mission d’information dite « Covid », les commissions permanentes établiront un calendrier des travaux qu’elles consacrent au suivi de la crise ; et les comptes rendus de leurs auditions seront rassemblées dans une publication commune. Enfin, un débat sur la crise sanitaire sera organisée, probablement lors de la semaine du contrôle du 22 mars.

Cette dernière présentation du groupe de suivi est l’occasion de dresser un bilan des dispositifs de soutien et d’échanger avec les membres de la commission sur ces aides.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Le second confinement s’est officiellement terminé le 15 décembre dernier et nous espérons tous, évidemment, qu’il n’y aura pas de nouveau reconfinement. Nous avons donc le plaisir de conclure aujourd’hui les travaux menés avec le groupe de suivi par un bilan des répercussions économiques de ce confinement, et de la crise sanitaire en général, ainsi que par un bilan des aides mises en œuvre par l’État pour soutenir l’économie et protéger l’emploi des Français.

Plus souple et différencié, le confinement de l’automne a été, logiquement, moins violent pour l’économie de notre pays : en novembre, « seuls » 3 millions de nos compatriotes ont subi le chômage partiel, contre 9 millions pendant le premier confinement ; et le PIB n’a baissé « que » de 11,6 %, contre 31 % au moins d’avril.

Il reste que, malgré une forte reprise de la consommation des ménages en décembre, la production totale s’est repliée de 0,7 % et le PIB a reculé de 1,3 % au quatrième trimestre. Sans surprise, ce reconfinement et les restrictions qui ont perduré ensuite ont maintenu la récession économique de notre pays à un niveau assez inédit. En dépit du rebond du troisième trimestre, l’année 2020 s’est en effet soldée par une perte totale de PIB de 8,3 %, un niveau de déficit budgétaire record pour l’État de 178 milliards d’euros, soit 30 milliards au dessus du déficit constaté en 2010 au plus fort de la crise financière, et par la disparition de 700 000 emplois nets, salariés et non salariés, sans parler de la menace que font peser 804 plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) sur plus de 84 000 autres contrats de travail.

Il va sans dire que, sans les aides et le dispositif d’activité partielle que le Gouvernement a très vite mis en place, le bilan aurait été beaucoup plus massif sur le front de l’emploi.

Les travaux que nous avons menés ont montré les dégâts particuliers qu’a causés ce second confinement sur divers acteurs économiques. Nous ne reviendrons pas sur les témoignages des professionnels auditionnés, ni sur les difficultés que vous connaissez tous des secteurs des transports, des discothèques, des bars, cafés, restaurants, et tant d’autres. Or, pour nombre d’entre eux, le reconfinement a marqué le début d’une mise à l’arrêt prolongée, ou d’une activité durablement faible.

Pour ceux-ci, comme a fortiori pour ceux qui sont fermés, ou quasiment, depuis le début de la crise, la première question est : « quand vont-ils pouvoir reprendre une véritable activité ? ». Même si diverses études et diverses enquêtes montrent que, pour la plupart, leur survie n’est pas encore en jeu grâce aux amortisseurs financiers déployés par le Gouvernement, ces acteurs souffrent de ne pouvoir travailler. Mais tant que la campagne de vaccination n’aura pas permis d’atteindre un niveau suffisant de protection de la population française, leurs perspectives de reprise restent floues. En outre, l’hypothèse d’un nouveau confinement repousse d’autant cette échéance.

Cependant, une fois cet éventuel épisode passé, il nous paraît indispensable de réduire ce flou autant que possible. C’est crucial pour le moral des professionnels et la résilience des entreprises – et, accessoirement, pour la soutenabilité du déficit budgétaire public. Au reste, une ordonnance du Conseil d’État a récemment condamné toute interdiction générale et absolue d’ouverture au public des cinémas, théâtres et salles de spectacles. C’est pourquoi nous soulignons à nouveau la nécessité d’objectiver les futurs arbitrages quant aux réouvertures ou au maintien des fermetures, grâce à l’étude scientifique des conditions sanitaires permettant les reprises d’activité.

Certes, cette pandémie est inédite ; elle est loin d’être maîtrisée et surprend encore, notamment avec l’irruption de variants dangereux qui nous obligent à adapter les prévisions et les stratégies. Néanmoins, les Français ont remarquablement intégré les gestes barrières ; et quelques études sur les risques de contamination dans certains lieux accueillant du public ont déjà su montrer l’efficacité ou l’insuffisance des mesures de protection prises. Des évaluations similaires devraient être menées sur les autres lieux fermés. Elles devraient aussi viser à délimiter des sortes de seuils de déclenchement ou d’assouplissement des restrictions sanitaires dans ces lieux. Même s’ils ne pourront être définitifs avec un virus aussi évolutif, ces repères faciliteraient les arbitrages, seraient plus convaincants sur leur adéquation à la situation sanitaire et plus rassurants, aussi, pour tout le monde.

L’identification de tels repères redonnerait un horizon aux secteurs à l’arrêt. Nous considérons toutefois que ces repères ne seront vraiment opérationnels que dans la mesure où les acteurs concernés sont étroitement associés à leur élaboration.

Avant de passer au bilan de la politique de soutien de l’État, nous évoquerons aussi, rapidement, le reconfinement qui pourrait être décidé au regard de l’accroissement des contagions et de la menace des variants du virus. Nous ne contestons pas la pertinence d’une telle mesure face à un risque d’emballement, ni la nécessité de la mettre en œuvre à temps, ni le fait qu’elle est plus rapide à freiner la circulation virale quand elle est appliquée tôt. Mais l’expérience des deux précédents confinements a aussi montré l’énormité de son coût économique et la gravité de ses effets secondaires sociaux, éducatifs et psychologiques.

Vous le savez, la décision est complexe ; il est très difficile d’identifier le seuil au-delà duquel ne pas reconfiner devient ingérable d’un point de vue sanitaire ; et nous ne disposons pas des évaluations scientifiques nécessaires. Mais nous trouverions intéressant d’attendre les vacances de février et la fermeture provisoire des écoles. Cela limiterait les impacts sur les cursus pédagogiques et le travail des parents. La décélération des contagions que l’on constate ces derniers jours semble pouvoir offrir une certaine marge.

Enfin, nous sommes persuadés qu’en cas de reconfinement, tant que le niveau de risque le permet, il importe de différencier à nouveau les contraintes en fonction des secteurs, afin de préserver autant que possible les chances de notre jeunesse, et de conserver une activité économique au-delà des besoins strictement nécessaires.

Pour en revenir à l’accompagnement des entreprises, comme nous avons commencé à l’évoquer, son efficacité économique et sociale a été indéniable. Les aides de l’État n’ont pas permis de sauver les emplois les plus précaires, qui ont été les premiers sacrifiés ; mais en réduisant fortement les charges des entreprises et en apportant de la liquidité, ces aides ont amorti les chocs de sous-activité, minimisé les risques de défaillance, protégé, malgré tout, de nombreux emplois et préservé le pouvoir d’achat de la grande majorité des Français.

Il faut dire qu’à lui seul, l’État aura engagé 41,8 milliards d’euros de dépenses d’urgence en 2020.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Avec le reconfinement d’octobre, l’État a immédiatement réactivé les dispositifs de soutien définis au printemps. Il les a aussi renforcés significativement, notamment en augmentant les indemnisations du Fonds de solidarité. Elles ont ainsi été revalorisées jusqu’à un plafond de 10 000 €, dans un premier temps, puis jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires un mois plus tard. Il a par ailleurs créé de nouveaux fonds de soutien sectoriels pour les filières culturelles, les plus touchées par la longueur de leur mise à l’arrêt. Les aides budgétaires de l’État sont alors montées à une moyenne de 15 milliards d’euros par mois de confinement.

Tous les professionnels auditionnés par notre groupe de suivi ont salué le volontarisme du Gouvernement et l’ampleur inédite de son soutien. Malgré tout, des inquiétudes demeuraient en fin d’année sur la durabilité des aides nationales et sur les difficultés particulières rencontrées par certaines filières ou certaines entreprises.

En annonçant l’abaissement du couvre-feu le 14 janvier, le Gouvernement a également apporté plusieurs réponses à ces préoccupations.

D’abord, en étendant aux entreprises du secteur S1 bis qui subissent une perte d’au moins 70 % de leur chiffre d’affaires mensuel la possibilité d’être indemnisées à hauteur de 20 % de ce même chiffre d’affaires, et en prévoyant un complément jusqu’à 70 % des coûts fixes pour les entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 1 million d’euros, les nouvelles aides du Fonds de solidarité couvrent une plus grande partie, et souvent la totalité, des charges fixes incompressibles de ces entreprises, dont les loyers.

Le Gouvernement a par ailleurs levé, pour les plus importantes des aides du Fonds, la limite de taille qui les réservait jusqu’à présent aux entreprises de moins de 50 salariés.

Il a enfin ouvert un droit à différer d’une deuxième année le remboursement des prêts garantis par l’État. Selon les filières rencontrées en effet, nombre de leurs entrepreneurs redoutaient l’approche des premières échéances, prévues dès ce printemps.

Plus fondamentalement encore, le Gouvernement a donné l’assurance que ses aides seront maintenues le temps de la crise.

Néanmoins, si ces évolutions représentent une étape suplémentaire dans l’engagement de l’État au secours des entreprises françaises, nous constatons que certaines problématiques continuent à peser sur leur survie ou leur future relance.

Nous relevons ainsi qu’un certain nombre d’entreprises se sont retrouvées avec des stocks d’invendus qu’elles n’ont pas toujours réussi à valoriser. Ces stocks ont non seulement immobilisé une part importante de leur trésorerie, mais aussi supporté les prélèvements de TVA correspondant, sans que les aides existantes ne permettent de couvrir ces frais. Laisser ce problème sans solution découragera les entreprises ayant besoin de stocks importants de refaire leurs réserves en temps voulu, au risque de tarder à retrouver une activité quand les restrictions seront levées.

Ce sujet soulève également la question des délais de paiement aux fournisseurs. S’il est inenvisageable d’accorder un moratoire de droit ou d’accélérer les règlements entre des acteurs privés fragilisés par la crise, nous suggérons en revanche de réfléchir à une accélération des paiements des collectivités territoriales, voire à des avances sur facture.

Nous rappelons aussi que les entreprises attendent un soutien plus important des commandes publiques, en particulier dans le cadre de projets de construction.

Une autre difficulté vient de la composition des listes d’activités S1 et S1 bis ouvrant droit au Fonds de solidarité. Même si elles ont été progressivement complétées, de nombreux professionnels déplorent encore qu’elles n’aient pas le niveau de finesse suffisant pour identifier tous les cas qui justifieraient un accompagnement par l’État. C’est notamment lié aux catégories statistiques utilisées (les codes NAF et APE), parfois inadaptées – comme le monde des forains nous l’a signalé plusieurs fois –, trop floues ou trop restrictives, ou difficiles à interpréter. Certaines filières sont ainsi écartées d’emblée des aides, d’autres ont été difficiles à classer (commes les métiers des forains encore), etc.

Nous nous interrogeons en conséquence sur la pertinence de ces références et, plus fondamentalement, sur le principe-même d’une liste S1 bis énumérant limitativement les « secteurs liés », car elle ne peut raisonnablement recenser toute la diversité des situations. Aussi, nous suggérons d’évaluer l’alternative que serait un accès aux aides se fondant sur la seule démonstration d’un niveau minimal de perte de chiffre d’affaires et de lien commercial avec l’un des secteurs de la liste S1, sans lister explicitement les filières concernées.

Enfin, nous soulignons l’impasse dans laquelle vont se retrouver les secteurs qui connaissent un décalage important entre la reprise du travail et la rentrée de leurs recettes, quand viendra le temps de la relance. C’est le cas des filières de l’événementiel, des scènes privées et des spectacles musicaux, que nous avons auditionnées en janvier. En relançant l’organisation d’événements et la préparation de spectacles, leurs entreprises perdront notamment la prise en charge des salaires au titre de l’activité partielle, alors qu’elles ne généreront toujours aucun revenu. En outre, supportant un arrêt presque total de leurs activités depuis le début de la crise, elles n’ont plus les moyens d’investir pour préparer leurs reprises.

Il existe certes des crédits d’impôt spécifiques ; mais ils n’interviennent que bien après et les professionnels demandent que leur dispositif soit amélioré.

Dans la mesure où la prise de risque est beaucoup plus élevée en cette période de crise, il nous semblerait en effet opportun de revoir ces crédits d’impôt.

Nous invitons surtout le Gouvernement à réfléchir à un accompagnement particulier pour ces métiers, afin de les aider à investir au bon moment dans leur relance, mais aussi de les soutenir jusqu’à ce qu’ils retrouvent une rentabilité viable.

C’était le dernier point que nous tenions à souligner pour conclure l’ensemble des travaux que nous avons menés. Il serait en effet prématuré de réfléchir à des mesures de relance plus ambitieuses.

Nous vous remercions pour avoir participé à ces travaux. Nous remercions aussi les collègues qui nous ont suggéré certaines thématiques, comme le tourisme de montagne qui est à l’arrêt.

Mme Anne-Laurence Petel (LaREM). Merci à nos deux co-rapporteurs pour leur travail. Il est très important. Le suivi et l’analyse de la situation économique depuis le début de la crise sont fondamentaux. Votre note souligne trois éléments : la grande disparité des situations entre les différents secteurs impactés par la crise, le volontarisme, reconnu, du Gouvernement pour soutenir le plus possible notre économie et les interrogations qui pèsent sur l’avenir de nos entreprises et les difficultés qui restent à résoudre.

Sur le premier, j’observe que les secteurs fermés sont aussi les plus forts pourvoyeurs d’emplois, notamment pour les salariés peu ou pas qualifiés. Ce sont également des secteurs significatifs pour notre pays, à la fois symboliques de notre art de vivre et liés à notre attractivité touristique. Au-delà des périodes de fermeture administrative, ils sont également très impactés par la baisse de fréquentations touristiques et connaîtrons, pour certains; comme vous l’avez justement noté, un décalage entre la reprise d’activité et sa valorisation économique. Il s’agit des secteurs culturels, événementiels, des cafés, restaurants et hôtels (CHR), mais aussi des transports – je note que les aéroports, par exemple, bien que partiellement ouverts, déplorent une chute de 70 % de leur activité.

Notre responsabilité sera d’œuvrer pour leur assurer une reprise saine, pérenne et aussi rapide de leur activité. Vous évoquez d’ailleurs une nécessaire objectivation des futurs arbitrages sur leur réouverture. Je souhaiterez vous entendre sur la possibilité, intéressante, d’organiser des concerts-tests et sur les résultats obtenus dans certains pays.

Par un effet de domino, les fournisseurs de biens et services aux secteurs fermés, moins exposés médiatiquement, subissent également la crise de plein fouet, sans être aidés de la même manière. Nous recevons probablement tous des sollicitations des fournisseurs et grossistes alimentaires, par exemple. Leurs revendications méritent d’être écoutées. Votre rapport interroge les critères inadaptés que sont les codes APE et NAF, qui sont apparus obsolètes dès le début de la crise, ou encore les listes S1 et S1 bis du Fonds de solidarité. Pouvez-vous expliciter à ce propos l’alternative à la liste S1 bis que vous suggérez, se fondant sur la démonstration d’un niveau minimal de perte de chiffre d’affaires et de lien commercial avec un secteur de la liste S1 ? Sur ce point, vos travaux seront très utiles à la mission dont je suis co‑rapporteure sur les entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire. Nous aurons à formuler des propositions pour limiter les défaillances et encourager le rebond des entreprises. Car si les défaillances d’entreprises ont nettement reculé l’année dernière, avec 40 % de dossiers en moins devant les tribunaux de commerce grâce aux aides massives du Gouvernement, on peut estimer qu’il s’agit plutôt d’un report des défaillances qu’il faut anticiper dès présent et qu’il conviendra d’accompagner le moment délicat que sera la fin de la perfusion des aides. Je partage donc vos remarques concernant la différenciation des accompagnements et souhaite vous entendre sur votre proposition de maintien du chômage partiel pour certains secteurs.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). À mon tour de remercier nos deux collègues pour ce travail qui met clairement en exergue les conséquences économiques du reconfinement et de la crise. Le 30 octobre dernier, la France se reconfinait face à une nouvelle envolée des cas de la covid-19. Ce confinement a été moins strict qu’en mars 2020, ce qui a permis d’atténuer un peu la crise économique. Néanmoins, comme vous l’avez rappelé, l’ensemble des secteurs économiques ont été touchés, et certains très durement. Nous constatons partout sur notre territoire les grandes difficultés dans lesquelles se trouvent plusieurs acteurs économiques, que ce soient les hôtels, les cafés, les restaurants, sans oublier les salles de sport, les secteurs du tourisme et de la culture. Face à ce constat, l’État est bien venu au soutien des entreprises et de notre économie en proposant des aides spécifiques, qui se sont amplifiées, il faut le reconnaître, dans le cadre de ce deuxième confinement. Cependant, ce reconfinement a aussi mis en exergue le rôle important des collectivités territoriales dans la gestion de cette crise sanitaire et économique. Elles ont été présentes dans la gestion des masques et des tests. Tous leurs échelons, des communes aux régions, se sont aussi avérés des alliés essentiels pour répondre au mieux aux difficultés économiques locales. Le Gouvernement a pris conscience de la nécessité d’aider davantage les collectivités territoriales, avec la mise en place de différents dispositifs de soutien permettant de mieux prendre en compte les spécificités de nos territoires.

Les collectivités locales sont en effet des acteurs majeurs dans cette crise, notamment pour la mise en œuvre du plan  de relance ; elles peuvent agir concrètement, en particulier par les commandes publiques. Cependant, elles ont également supporté à la fois une baisse de leurs recettes et une augmentation des dépenses sous l’effet de la crise. C’est un effet‑ciseau qui pèse fortement sur les finances locales. Il est donc utile d’aider ces collectivités territoriales pour qu’elles puissent continuer à participer à l’effort de relance national après ces deux confinements et à soutenir les forces vives de nos territoires.

Certaines régions, comme l’Auvergne-Rhône-Alpes, ont initié un plan de soutien de l’économie dès le mois de juin et des investissements ont été réalisés. Comment votre rapport aborde-t-il l’action des collectivités territoriales dans l’effort de relance auprès de nos entreprises ?

Mme Michèle Crouzet (MoDem). Mon groupe salue aussi le travail des rapporteurs. Nous pouvons nous féliciter de l’adaptabilité de la commission des affaires économiques qui a immédiatement mis en place ce groupe de suivi transpartisan chargé de recueillir les informations utiles et de transmettre au Gouvernement des propositions à court et moyen terme. Au travers de ses sept notes thématiques hebdomadaires, nous avons pu étudier les conséquences économiques de la crise sanitaire dans des secteurs aussi variés que le commerce de proximité, le tourisme de montagne, le spectacle vivant et l’événementiel, ou encore la fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile et de la restauration collective.

Comme nous le savons, et vous l’avez souligné, notre pays a connu une récession économique historique avec une baisse du produit intérieur brut de 8,3 %, après une croissance de 1,5 % en 2019. Heureusement, cette récession est moins forte que les prévisions de certains économistes qui avaient anticipé un recul de - 11 %. Ce résultat est probablement lié à une adaptation un peu plus fine du second confinement et à la pertinence des dispositifs de soutien massif mis en place par le Gouvernement depuis le début de la crise.

Malgré cela, notre économie est tenue aujourd’hui à bout de bras, grâce à des aides massives, qui ne pourront sans doute pas durer dans le temps. Il me semblerait donc pertinent que notre commission se penche désormais sur deux sujets majeurs : d’abord, la transition pérenne des secteurs les plus touchés, comme celui de l’aéronautique – cela touche notamment ma circonscription –, ou les fournisseurs et grossistes qui subissent d’importants dégâts collatéraux avec la fermeture des bars, cafés et restaurants et la diminution de la restauration collective, qu’il ne faut pas oublier, ou encore tout le secteur intervenant autour des mariages, aujourd’hui suspendus, auquel on ne pense pas spontanément ; ensuite, la sortie progressive des différents dispositifs de soutien sectoriels sans mettre en péril des pans entiers de l’économie. De fait, nous devons réfléchir à comment relancer l’économie en veillant à ne pas arrêter les aides trop brutalement. Il conviendra d’identifier les secteurs à privilégier.

M. Dominique Potier (Soc.). Je voudrais dire aux co-rapporteurs notre admiration pour leur persévérance et pour la qualité de leurs propositions et de leur analyse. C’est un travail qui est fait « dans la dentelle », extrêmement précis et précieux. Je crois que nous serons tous capables de le partager sur nos territoires avec tous les acteurs économiques concernés. Je salue son caractère d’audit : il y a peu de filières concernées par le reconfinement qui n’aient pas été explorées. Je salue aussi la présentation des failles et des réussites de la gestion de cette crise. On trouvera toujours des trous dans la raquette, mais je salue au nom du groupe socialiste votre analyse, que j’ai faite mienne ; elle fait d’ailleurs largement consensus.

À partir de ce que j’entends sur le terrain, ma critique porte davantage sur le plan de relance que sur le plan d’accompagnement et de sauvetage. Ce que nous disent aujourd’hui les acteurs économiques, c’est que l’absence de visibilité sur de futurs plans de relance et de transition pour les secteurs les plus affectés est un véritable souci. Quant au plan de relance global, il semble tarder à apporter des réponses concrètes sur le terrain.

Je regrette d’autre part que ce temps de pause contraint pour certains secteurs n’ait pas été mis à profit – et c’est une responsabilité collégiale de l’État, des collectivités et des appareils socio‑économiques – pour organiser des changements et une reprise qui ne pourront plus tout à fait se faire dans les mêmes conditions qu’au temps d’avant.

Je pense notamment au secteur du tourisme, cette économie de la rencontre, à ceux du commerce de détail et de la restauration, qui auraient pu profiter de ces pauses imposées pour un temps de formation, un temps de réarmement économique, et de perspectives pour s’adapter à une société qui est en mutation, au-delà même de la crise épidémique. Ce sont mes regrets aujourd’hui, l’absence de visibilité sur un plan de relance, et le mésusage du temps – est-ce un temps pour l’amertume ? – pour préparer une nouvelle économie. Peut-être avons-nous raté quelque chose. J’aimerais que les rapporteurs nous disent s’ils ont senti ce moment, cette faille dans les dispositifs analysés.

M. Thierry Benoit (UDI-I). Je voudrais tout d’abord souligner – n’étant pas membre d’un groupe de la majorité, c’est encore plus objectif de le dire – que l’ensemble des secteurs concernés sont conscients de l’existence d’un arsenal d’aides mobilisées face à cette crise et aux confinements successifs. Aux côtés du chômage partiel, le Fonds de solidarité et le prêt garanti par l’État sont des outils précieux.

Est-ce que l’accès aux aides est assez fluide ? La porte d’entrée locale, c’est l’arrondissement et les intercommunalités : est-ce que la nomination des sous-préfets à la relance est un apport réel et ou est-ce un simple ajout ?

Deuxième question : après la dépression que les acteurs économiques vivent, il y aura une période de reconstruction. Est-ce qu’on imagine déjà l’après ? Les banques seront‑elles sollicitées pour aider celles et ceux qui manqueront de trésorerie. Elles le seront inévitablement pour les ouvertures de crédits, les autorisations de découverts car c’est fréquent pour les entreprises de taille intermédiaire ou les commerçants et les artisans. En outre, si ceux qui ont mobilisé les prêts garantis par l’État pourront sans doute bénéficier de reports, nombre d’entre eux s’interrogent sur leur capacité même à rembourser ces prêts.

Enfin, cette crise va entraîner un bouleversement profond dans certaines filières, une restructuration totale dans l’aéronautique et l’événementiel par exemple. Pourrait-on travailler par anticipation à la reconstruction et à la restructuration de ces filières ? Je pense à Thalès, Safran, qui font peu de bruit aujourd’hui grâce au chômage partiel, lequel permet d’atténuer les difficultés dans l’immédiat ; mais il y a de grandes interrogations sur leur avenir dans les prochains mois et années.

Mme Bénédicte Taurine (LFI). Je me joins à mes collègues pour vous remercier pour votre travail. Je voudrais vous signaler que l’économiste Romain Rancière et le financier Cyril Benoit ont proposé, dans une récente tribune du Monde, que les entreprises dont le chiffre d’affaires a progressé de plus de 5 % par rapport à la moyenne des trois dernières années s’acquittent d’une contribution exceptionnelle, destinée à financer les pertes de profits des petites et moyennes entreprises (PME) et des indépendants pendant la crise.

Nous savons que la pandémie a accentué les mécanismes inégalitaires et demandons une politique fiscale redistributive renforcée. Je pense aux plates-formes d’e‑commerce, qui bénéficiaient déjà d’une fiscalité favorable par rapport aux commerces physiques et qui ont vu leur chiffre d’affaires s’envoler après la fermeture des boutiques. Il serait regrettable que ceux qui ont vu leur activité prospérer ne contribuent pas davantage à l’effort de solidarité.

Je pense aussi aux mutuelles et à l’augmentation de leurs tarifs, difficile à justifier en 2021. L’Association de défense des consommateurs indique que certains organismes ont choisi de répercuter sur les assurés la « taxe Covid », alors que son montant est inférieur aux économies qu’ils ont réalisées pendant la crise.

Mon groupe considère que le rapport aurait pu davantage souligner la nécessaire contribution à l’effort national de ceux qui ont trouvé les moyens d’augmenter leurs bénéfices au détriment d’autres secteurs se trouvant dans une situation économique particulièrement altérée en cette période de pandémie.

Mme Barbara Bessot Ballot. Le résultat que l’on connait tous aujourd’hui est moins mauvais que celui que l’on pouvait envisager. Cette majorité a bien pris les dispositions nécessaires. Nous devons rendre également hommage à la grande adaptabilité des entreprises : les fameux CHR (cafés, hôtels, restaurants) ont su mettre en place des repas à emporter. Je parle aussi des collectivités locales, ainsi que des médias locaux, qui ont relayé ces bonnes intentions. Tout le monde a joué le jeu. Vous avez parlé des codes APE ; que pourrait-on faire d’autre pour que le résultat soit meilleur : des guichets uniques ? d’autres mesures permettant à ces PME de s’adapter encore mieux ?

M. Roland Lescure, président. La problématique des codes APE fait partie des sujets que nos rapporteurs feront remonter au Gouvernement. On regardera cela en détail.

M. Fabien Di Filipo. Je salue également le travail de nos deux rapporteurs, qui s’est fait dans un environnement très mouvant.

Il y a des conséquences très fortes à tirer de ce confinement. Pourtant, quand on écoute le Président de la République ou les différents ministres, on ne sait pas à quoi s’attendre pour les semaines qui viennent ; un reconfinement ne parait pas exclu.

Je crois que la première des leçons, ce sont les limites des politiques malthusiennes d’interdictions. On a bien vu l’évolution des courbes, la stabilisation sur un plateau et le fait qu’à chaque fois, l’épidémie repart. L’interconnexion de nos différentes sociétés et des secteurs économiques réduit fortement l’efficacité du confinement. Heureusement que les vacances scolaires se déroulaient au même moment.

J’aimerais souligner trois autres conséquences d’un confinement. La première est qu’il crée de grandes difficultés pour nos associations. On les a beaucoup stigmatisées. Elles avaient mis en place des protocoles très stricts ; elles ont néanmoins été entravées, plus encore aujourd’hui avec le couvre-feu – dont il faudra aussi tirer les conséquences. Il faut évaluer le rapport entre l’efficacité sanitaire des restrictions et les dommages causés sur l’économie ainsi que sur la vie sociale. Les dégâts sur la vie associative sont terribles.

La deuxième conséquence est que nous ne pouvons tenir dans la durée avec des mesures qui présentent parfois de fortes incohérences, telle la limitation des sorties pour une durée d’une heure dans un rayon d’un kilomètre. Nous nous sommes battus pour en venir à bout et le Gouvernement a fini par lâcher sur cette aberration consistant à imposer aux habitants des territoires ruraux de se limiter à certains chemins sans pouvoir aller plus loin et plus longtemps. Il faudra s’en souvenir si nous devons revivre des mesures aussi dures.

La troisième conséquence est économique. Considérons les montants colossaux qui ont été empruntés pour être injectés dans l’économie et voyons aujourd’hui la réalité de notre récession : elle s’élève à près de 9 %. La Suisse n’a subi pour sa part que 1 % de baisse de son produit intérieur brut (PIB) en 2020. La réalité montre aussi les conséquences en termes de dette publique. Ce sont les pays qui étaient déjà les plus endettés qui ont encore plus obéré leur marge de manœuvre.

Je pense que les choix qui ont été faits – confinement, reconfinement – et le blocage de certaines économies ont brimé les petits commerces à une période importante pour eux. Cela n’a pas profité sanitairement mais a créé des complications pour notre économie. Il y a des leçons à tirer sur les plans sanitaires, sociaux et économiques.

M. Cédric Villani. Je tiens à saluer les rapporteurs pour la qualité de leur travail de synthèse approfondi. Je voudrais souligner trois points : s’il est important de citer parmi les secteurs très impactés par le second confinement l’événementiel, la restauration et la culture, il me semble également important de mentionner les secteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la formation et des innovations. Ces secteurs sont très dépendants des débats, colloques et conférences. Ces secteurs, si importants pour notre économie, doivent être particulièrement surveillés.

Au-delà de la relance et de la lutte contre la pandémie, une nouvelle donne se dessine au niveau international pour ces secteurs: on observe une spectaculaire accélération de l’économie digitale, la concentration des entreprises dans ces secteurs, les fluctuations boursières induites, etc. Dans le monde post-covid, il sera essentiel de garder cette grille de lecture en tête quand on discutera des grands investissements européens sur l’intelligence artificielle ou l’informatique quantique.

Ma troisième remarque rebondit sur la nécessité d’objectiver les restrictions prises pour lutter contre la pandémie. Un premier rapport, solide, sur les conditions de transmission de l’épidémie a été publié en décembre. Cette étude, menée par M. Arnaud Fontanet, souligne que les contaminations ont principalement lieu dans le cercle familial, amical ou professionnel et de façon prédominante lors des repas, à la cantine, lors d’événements familiaux, privés ou clandestins. Il importe de se rappeler de ces critères pour objectiver les restrictions à venir. Les études scientifiques démontrent également que les transmissions par surface sont minoritaires: La majorité des contaminations se fait par voie aérienne, par aérosols.

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) se tiendra bien évidemment à la disposition des collègues parlementaires et des commissions qui voudraient investiguer ces sujets, jouant son rôle de « bras armé scientifique » au service du Parlement.

Roland Lescure, président. Je précise que les travaux de l’OPECST seront joints aux rapports dont je parlais en introduction, qui seront transmis à l’ensemble des groupes et discutés pendant les semaines de contrôle.

M. Dino Cinieri. Je tiens également à saluer l’excellent travail des deux co‑rapporteurs, mais aussi vous faire part de remontées de ma circonscription. J’aimerais connaître le taux d’intérêt exact demandé dans le cadre du prêt garanti par l’État (PGE) aux entreprises et aux commerçants. L’engagement du Gouvernement de différer d’un an voire deux ans le remboursement des prêts garantis par l’État est une grande avancée. Enfin, l’idée des rapporteurs de proposer aux collectivités territoriales de faire des avances sur facture à leurs fournisseurs et de régler plus rapidement leurs factures me semble excellente.

M. Yves Daniel. Félicitations aussi à nos rapporteurs pour leur travail. Il est nécessaire de donner à voir qu’il y a des secteurs d’activité qui tireront profit de cette période. Il serait d’ailleurs  souhaitable d’avoir une meilleure connaissance des entreprises ayant tiré bénéfice de cette crise, dans un besoin de transparence. Faire ce bilan, c’est aussi préparer la sorte de crise.

Par ailleurs, les Français ont, dans l’ensemble, beaucoup épargné: L’encours atteindrait environ cent milliards d’euros. J’aimerais savoir comment les co-rapporteurs intègrent ces éléments dans leur analyse.

M. Jacques Cattin. Bravo à mon tour aux co-rapporteurs. Les mesures de soutien aux entreprises sont globalement bonnes. Mais des cas compliqués demeurent, comme cela a été souligné, notamment celui des fournisseurs des établissements fermés.

Un autre problème persiste : l’inéquité de traitement entre des petites sociétés isolées et les sociétés intégrées dans des « holding », ces dernières ne pouvant bénéficier qu’une seule fois du Fonds de solidarité.

Au sujet des prêts garantis par l’État, je tiens à alerter sur le fait que les banquiers ont des  interprétations très différentes des modalités de remboursement. Un amortissement sur cinq ans était prévu dès le début. Le report du remboursement d’une deuxième année – une très bonne évolution – remettra-t-il ce rythme d’amortissement ? Et avec le nouveau différé, le taux de la caution de la Banque publique d’investissement (caution BPI), fixé à 0,25 % du capital emprunté la première année, va-t-il passer à 0,5 % comme initialement prévu pour la deuxième année ou restera-t-il à 0,25 % dans le nouveau schéma ?

Par ailleurs, il est difficile de comprendre que les taux d’intérêt différent d’une banque à l’autre, en plus de la caution BPI. Ces taux peuvent aller du simple au double. Dans le monde avant-covid, les entreprises contractaient des crédits de trésorerie avec des taux à moins de 1 % selon la taille de l’entreprise, même entre 0,7 et 0,8 %. Aujourd’hui, des banques annoncent des taux à 1 %. Il est nécessaire de clarifier ces éléments.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Je tiens également à remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail. J’ai aussi été interpelée sur les codes NAF et APE et leur inadaptation aux « nouveaux » métiers. Les nouveaux secteurs professionnels ont alors plus de difficultés à avoir accès au Fonds de solidarité. Il me semble nécessaire de réformer cette classification NAF/APE, afin de la rendre plus agile et adaptée au monde d’aujourd’hui.

M. Yves Hemedinger. Je salue aussi les co-rapporteurs pour la qualité de leur rapport. Le différé de remboursement du prêt garanti par l’État est une très bonne chose. Mais il soulève de réelles inquiétudes sur un surendettement des entreprises françaises. Il faut garder à l’esprit que ce différé sera un frein à l’investissement pour les entreprises surendettées. Il serait donc pertinent de réfléchir à l’intégration des PGE dans les fonds propres.

Notons par ailleurs que les hôteliers vont devoir bientôt s’acquitter de la contribution à l’audiovisuel public pour chaque téléviseur détenu dans leurs établissements. Une partie des aides sera ainsi absorbée par le paiement de cette redevance. C’est un problème pour l’ensemble de la profession.

D’autre part, d’après les derniers chiffres, la France serait l’un des pays d’Europe qui a le plus créé d’entreprises ces derniers mois. Or, toutes les entreprises créées durant le dernier trimestre 2020 échappent aux aides. Il est nécessaire de se pencher sur ce sujet afin éviter  la mort précoce de ces nouvelles entreprises.

Enfin, si la fermeture des commerces « non essentiels » a accéléré la digitalisation des commerces, c’est un défi majeur pour la vitalité des centre-villes, qui dépend de l’existence de ces commerces. Le Gouvernement a prévu un plan pour aider les commerçants à s’équiper, mais il importe de maintenir un lien physique entre les commerces et les habitants, afin de préserver le tissu des commerces de proximité.

M. Eric Pauget. Je tiens également à adresser mes félicitations aux deux co‑rapporteurs. Je m’interroge sur la capacité des collectivités territoriales à accompagner la sortie de crise, quand on sait qu’elles portent 70 % de l’investissement public en France. Les collectivités ont beaucoup souffert de la crise sanitaire : seront-elles toujours capables de porter cet effort d’investissement ?

Enfin, de nombreuses filières connaissent un délai entre la reprise et le moment où elles peuvent générer du chiffre d’affaires et de la trésorerie. J’espère que le ministère de l’économie et des finances les accompagnera, au-delà de la stricte période de reprise, le temps que leur chiffre d’affaires et leur trésorerie se redressent.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Merci à chacune et chacun d’entre vous pour vos propos aimables sur la qualité du travail mené et merci pour vos questions précises. Nous avons, à travers le rapport et les notes hebdomadaires, lancé des pistes de réflexion et de travail. Nous avons aussi voulu apporter une image à l’instant « t » de chacune des professions ou des filières que nous avons pu auditionner. La disparité des situations est importante, entre les fermetures administratives, les fermetures sur des périodes données, la question des couvre‑feux…

Il faudra interroger les listes S1 et S1 bis établies pour le Fonds de solidarité, qui limitent les situations dans lesquelles les entreprises peuvent obtenir des aides. Par exemple, nous avons des secteurs d’activité qui correspondent à des niches professionnelles et ne rentrent pas dans leurs critères. Je citerai des maraîchers qui travaillent uniquement sur commande avec des restaurateurs étoilés en région parisienne. Ces maraîchers n’apparaissent pas dans les catégories particulières identifiées sur les listes. Comment faire en sorte qu’ils puissent, comme les autres, bénéficier des aides proposées par l’État ?

Nous avons rappelé au fil des notes et des précédents rapports les différents dispositifs mis en place : les dispositifs de soutien, le Fonds de solidarité, le plan de relance. Je tiens à souligner l’efficacité du plan de relance dans de nombreux secteurs. On a pu le juger notamment sur le plan de relance agricole. Il mobilise 1,2 milliard d’euros : 200 millions d’euros pour les forêts et 1 milliard sur les autres thématiques présentées par le ministre. Sur certaines mesures, notamment pour celles relatives à l’agro-équipement qui pesaient environ 200 millions d’euros, le dispositif a été couvert en à peine quinze jours et les montants ont financé non pas des appels à projet mais des solutions existantes, proposées sur catalogue. Je crois que le plan de relance a déjà porté ses fruits dans un certain nombre de secteurs. Il faudra regarder s’il a été aussi efficace sur l’ensemble. Mais c’est un constat que nous pouvons faire les uns et les autres en regardant ce qui se passe sur nos territoires.

Au-delà du plan de relance, il y aussi ce que les collectivités locales peuvent faire, comme un certain nombre d’entre vous l’ont souligné. Des entreprises du bâtiment, par exemple, nous disent attendre aujourd’hui la commande publique. Comment la commande publique peut-elle soutenir la relance, cette demande de travail de nos entreprises ? Comment peut-elle recourir à des dispositifs comme l’échelonnement de paiements, la précommande, le paiement plus rapide… On sait très bien que l’État comme les collectivités locales peuvent avoir du retard dans leurs paiements. Comment améliorer l’ensemble de ces dispositifs pour que cela participe à la relance mais aussi permette à nos entreprises d’anticiper cette relance ?

Nous avons fait le lien avec la question des stocks. Comment les valorise-t-on aujourd’hui ? Comment permet-on aux entreprises qui n’ont pas travaillé depuis plusieurs mois de préparer leur réouverture dans les semaines ou les mois à venir ? Comment les accompagne‑t-on pour qu’elles puissent racheter du stock alors qu’elles n’ont pas fait de chiffre d’affaires ces derniers mois ?

Il faut également s’intéresser, à l’occasion d’autres travaux par exemple, à l’articulation du plan de relance et du retour d’activité dans chaque filière professionnelle. Cela nécessite, comme cela a été dit, un accès aux aides plus fluide.

Des sous-préfets à la relance ont été nommés dans un certain nombre de territoires. Aujourd’hui, nous-mêmes, élus, nous redirigeons nos chefs d’entreprises soit vers la préfecture soit vers les filières professionnelles. Je pense, je le dis très sincèrement, qu’il est un peu tôt pour juger de la plus-value apportée par un sous‑préfet à la relance dans un territoire. Ce que je sais, c’est qu’ils sont là pour apporter les conseils nécessaires lorsque une de nos entreprises locales a des difficultés.

Concernant les prêts garantis par l’État (PGE), là aussi, il y a encore des efforts à faire. Cela mériterait de continuer un travail sur ce sujet, notamment sur l’implication des banques et des assurances. Il reste que bon nombre de PGE ont été accordés et qu’ils ont apporté une bouffée d’oxygène en termes de trésorerie. Enfin, la demande de report de leurs remboursements a été entendue par le Gouvernement.

Avant cette dernière évolution, dans certains endroits, les banques avaient déjà commencé à anticiper la reprise des PGE dans leur propre système de crédit en négociant directement leurs taux avec les entreprises. Ce sont, de toute façon, les banques qui fixent les taux des PGE, mais elles ne sont pas censées prendre de marge là-dessus. Lorsque des entreprises constatent des problémes avec les banques de leurs territoires, il faut les faire remonter à la Fédération française des banques. Il serait fâcheux que certaines se fassent de l’argent sur les difficultés que rencontrent nos entreprises en ce moment. Les banques doivent se souvenir de ce qui s’est passé en 2008 quand les contribuables français ont sauvé le système bancaire. En retour, aujourd’hui, nous avons besoin des banques pour accompagner les entreprises dans leur reprise.

Concernant les associations, un Fonds de solidarité a été créé. C’est un des moyens permettant au secteur associatif de s’adapter aux difficultés actuelles. J’entends les remarques sur le couvre-feu, les fermetures administratives, la difficulté pour le secteur associatif de vivre en cette période. Mais aurait-il fallu ne rien faire et se retrouver avec un nombre de morts bien supérieur ? Je ne voudrais pas paraphraser le Président de l’Assemblée nationale mais on préférera toujours des Français qui râlent à des Français morts. Il nous faut pouvoir avancer sur ce sujet. Les choses ne vont jamais assez vite,on le sait tous. Néanmoins je pense que ce Fonds de solidarité pourra aider les associations, notamment celles qui viennent au secours des personnes les plus fragiles et des secteurs les plus impactés.

J’en viens aux remarques de M. Cédric Villani. On a beaucoup parlé des secteurs impactés comme l’événementiel, le tourisme, la restauration. Mais toutes les entreprises qui contribuent en second rang à leurs activités rencontrent aussi des difficultés. Il me semble donc nécessaire, avant chaque prise de décision, de regarder quel impact réel vont avoir nos arbitrages sur ces chaînes d’emplois, qui sont parfois beaucoup plus larges et beaucoup plus longues que celles que nous pouvons connaître.

Au-delà de ces travaux, nous avons encore un travail à mener, c’est le sens du courrier qui sera remis au ministère de l’économie, en particulier auprès de M. Alain Griset. Il faut continuer à creuser un certain nombre de sujets, notamment tout ce qui concerne le secteur bancaire et les assurances et le classement des entreprises (les codes NAF et APE, etc.) pour n’oublier personne.

Je voulais enfin remercier de vive voix M. Julien Dive. Ce fut un grand plaisir de travailler avec lui et avec les autres collègues membres de la mission.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Je vais essayer de compléter mais il sera impossible de répondre à tout étant donné le délai. Beaucoup de questions, très pertinentes, se projettent vers la suite. Je rappelle que notre groupe de travail faisait l’état des lieux du moment, des situations et des problématiques que pouvaient rencontrer les acteurs économiques, de manière à faire de l’information ascendante-descendante entre le terrain et les services de l’État et à obtenir des réponses adaptées au fil de l’eau. Plusieurs de vos questions concernent l’étape suivante, la relance, qui nécessitera probablement un autre travail.

Vous avez parlé des taux d’intérêt des PGE. Bercy précise que ces taux doivent être compris entre 1 % et 2,5 % selon la durée du prêt. Ils peuvent varier selon les banques.

Sur la question des collectivités territoriales, on a effectivement constaté qu’elles ont beaucoup participé à l’accompagnement des entreprises et qu’elles continuent de le faire avec des dispositifs complémentaires à ceux de l’État. Cela peut être parfois pour aider des entreprises qui ne satisfaisaient pas aux critères des aides pour des questions de chiffre d’affaires. Il faut l’avoir à l’esprit.

Elles ont aussi un rôle à jouer dans la reprise et l’évitement de la rupture, en prenant rapidement des décisions en termes de commande publique. Ce n’est pas à la loi, mais au Gouvernement et à nous, élus, de faire passer ce message aux communes et collectivités locales afin qu’elles soient réactives, notamment à l’égard des secteurs culturels qui les avaient comme clientes, pour nombre d’entre eux. Il y aura aussi un travail à mener auprès de Bercy pour que la direction départementale des finances publiques (DDFIP) autorise les avances sur factures. Il faudra alerter et sensibiliser les DDFIP dans nos départements pour permettre aux collectivités qui le souhaiteraient de donner ainsi de la trésorerie aux entreprises. Nous voulions insister sur ce point.

Concernant les associations, elles sont évidemment un levier économique essentiel. Et des acteurs économiques à part entière. Il conviendra d’être vigilant à leur situation. Nous n’avons pas auditionné les associations en tant que telles, mais il y a un travail à faire.

Quant à la relance, je constate que les dispositifs sont mis en place mais que, du point de vue des entreprises, ça patine un peu dans les territoires. Il y a un défaut de communication même lorsque les enveloppes budgétaires sont renforcées et que les préfets encouragent les collectivités à passer commande. Les élus n’ont pas toujours une pleine information de ce qui peut bloquer. Il y a un travail à faire dans la circulation de l’information.

Enfin, s’agissant des concerts-tests, une belle expérience, très positive, a été menée à Barcelone. Nos théâtres privés réfléchissent aussi à des représentations-tests. Mais cela sera soumis à l’autorisation du Gouvernement. On pourrait aussi travailler plus avec les différentes filières concernées pour faire de la pédagogie et s’assurer que tout est bien sécurisé. À titre personnel, je pense que ça vaut le coup d’essayer.

M. Roland Lescure, président. Merci encore à tous les deux, sincèrement. Le suivi sera fait. Je me suis engagé auprès de tous les parlementaires. Une lettre signée par moi et nos deux rapporteurs sera envoyée au Premier ministre, au ministre de l’économie et des finances et, pour information, au Président de l’Assemblée nationale. On prépare également la semaine de contrôle du 22 mars.

 


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   aNNEXE 4 :
courrier envoyé au premier ministre

 

 

 


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   aNNEXE 5 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

I.   Le commerce de proximité

Table ronde Professionnels :

Union des entreprises de proximité (U2P) *

M. Laurent Munerot, président

Mme Thérèse Note, chargée des relations institutionnelles

Confédération des commerçants de détail de France (CF-CDF) *

M. Francis Palombi, président

Mme Bénédicte Boudet-Corric, déléguée générale

Fédération du commerce et de la distribution (FCD) *

M. Jacques Creyssel, délégué général

Mme Layla Rahhou, directrice des affaires publiques

Table-ronde Collectivités :

Association Villes de France (AVF)

M. Jean-François Debat, président délégué et maire de Bourg-en-Bresse

M. Adrian Philip, chargé des relations institutionnelles

Association des petites villes de France (APVF)

M. Philippe Le Goff, membre du bureau et maire de Guingamp

M. Sacha Bentolila, conseiller Relations avec le Parlement, revitalisation des centre-villes, développement durable et mobilités

Contribution du ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

II.   Les partenaires privÉs des entreprises

Fédération bancaire française (FBF) *

Mme Maya Atig, déléguée générale

M. David Verfaillie, du département Banque de détail

M. Nicolas Bodilis Reguer, directeur du département relations institutionnelles France, stratégie, communication, adhérents

Fédération française de l’assurance (FFA) *

Mme Florence Lustman, présidente

M. Franck Le Vallois, directeur général

M. Stéphane Pénet, délégué général adjoint

M. Christian Pierotti, directeur des affaires publiques et internationales

M. Christophe Gauer, directeur de cabinet de la présidente

Mme Viviana Mitrache-Rimbault, sous-directeur, responsable du département « Affaires parlementaires » du Pôle affaires publiques

Les experts comptables - Fédération des centres de gestion agréés

M. Yves Marmont, président de la FCGA et expert-comptable

Contribution du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

III.   Le tourisme de montagne en hiver

Table-ronde Professionnels du ski :

Syndicat national des moniteurs de ski *

M. Éric Brèche, président,

M. Jean-Marc Simon, directeur général

Les Domaines skiables de France

M. Alexandre Maulin, président

Table-ronde HCR :

Syndicat national des résidences de tourisme (SNRT) *

Mme Pascale Jalle, déléguée générale

Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) *

M. Daniel van den Heuvel, président Savoie

M. Sebastien Buet, vice-président

M. Pascal Droux, exploitant hôtelier en montagne

Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GNI-HCR) *

M. François Gauthier, président pour l’hôtellerie

M. Franck Trouet, conseiller du président

IV.   Les acteurs du e-commerce

Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) *

M. Marc Lolivier, délégué général

Mme Sabah Doudou, chargée des affaires publiques

Cdiscount *

Mme Marie Even, directrice générale adjointe

Mme Cécile Barateau, directrice adjointe des relations extérieures

Veepee (Vente-privée.com) *

M. Xavier Court, co- fondateur et associé

M. Arthur Cassanet, directeur des affaires publiques

Amazon France *

M. Frédéric Duval, directeur général

V.   Alimentation et ÉvÉnements festifs de fin d’année

Table-ronde Événements festifs :

Fédération nationale des marchés de France

Mme Monique Rubin, présidente

Fédération des comités et organisateurs de festivités (FNCOF)

M. Arnaud Thenoz, président délégué.

Syndicats des forains

M. René Hayoun, président de l'Intersyndicale des entrepreneurs et artisans des fêtes foraines

M. Nicolas Lemay, Président de la Fédération des forains de France

M. Daniel Pourrier, Président du Syndicat autonome des forains de France

Les Ateliers d’art de France

Mme Aude Tahon, présidente

Table-ronde Alimentation festive :

Comité national de la conchyliculture (CNC)

M. Bruno Gauvain président du groupe transformation et distribution,

M. Philippe Le Gal, président

Les Confiseurs de France

M. Pascal Zundel, président

Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (CIFOG)

M. Michel Fruchet, président

M. Éric Dumas, vice-président

Mme Marie-Pierre Pé, directrice

Confédération générale pour l’alimentation de détail (CGAD) *

M. Frédéric Chambeau, membre du conseil d’administration, président des chocolatiers confiseurs de France

Mme Isabelle Fillaud, chef du département des affaires juridiques, économiques et européennes

VI.   Fournisseurs et grossistes de la restauration hors domicile (RHD) et Restauration collective

Table-ronde Grossistes et fournisseurs industriels agroalimentaires :

Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) *

Mme Diane Aubert, directrice des affaires publiques

Mme Carole Cazaban, responsable des relations RHD

M. Éric Dumont, président du directoire du Groupe Pomona

M. Patrick Eychenié, secrétaire général de Metro France

Mme Julie Artus, responsable des relations institutionnelles de Metro France

Association nationale des industries agroalimentaires (ANIA)

M. Laurent Dulau, référent « Consommation hors domicile » au comité exécutif, président de l’entreprise ARIA Nouvelle Aquitaine

M. Stéphane Dahmani, directeur Économie

M. Antoine Quentin, directeur des affaires publiques

M. Alexis Taugé, président de l’entreprise Cinq Degrés Ouest

Confédération du commerce de gros et international (CGI)

M. Philippe Barbier, président

M. Cyril Galy-Dejean, responsable des relations institutionnelles

Rungis-Semmaris *

M. Stéphane Layani, président

Table ronde Restauration collective :

Restau’Co

Mme Marie-Cécile Rollin, directrice

M. Christophe Mari, administrateur, président du réseau en Paca

Syndicat national de la restauration collective (SNRC) *

M. Philippe Pont-Nourat, président

Mme Esther Kalonji, déléguée générale

VII.   Spectacle vivant et scènes privÉes – salles de cinéma – ÉvÉnementiel

Table-ronde Spectacles musicaux, cabarets et théâtres privés :

Syndicat national du spectacle musical et de la variété (PRODISS) *

M. Olivier Darbois, président

M. Aurélien Binder, vice-président

Mme Malika Séguineau, directrice générale

Syndicat national des directeurs de théâtres privés (SNDTP)

M. Bertrand Thamin, président

Mme Isabelle Gentilhomme, déléguée générale

Syndicat national des cabarets, music-halls & lieux de créations (CAMULC)

M. Daniel Stevens, délégué général

Association pour le soutien des théâtres privés (ASTP)

M Stéphane Hillel, président

Mme Anne-Claire Gourbier, déléguée générale

Table ronde Salles de cinéma :

Fédération nationale des cinémas français (FNCF) *

M. Richard Patry, président

M. Marc-Oliver Sebbag, délégué général

M. Erwan Escoubet, directeur des affaires réglementaires

Table-ronde Événementiel :

Union française des métiers de l’événement (Unimev’) *

M. Olivier Roux, président d’Unimev’ et vice-président de GL Events

M. Fabrice Laborde, vice-président d’Unimev’ et président de la société Galis

Mme Raphaële Neveu, directrice des relations institutionnelles

Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Paris-Île-de-France *

M. Didier Kling, président

M. Pablo Nakhlé Cerutti, directeur général de Viparis, filiale de la CCI

Mme Véronique Etienne-Martine, directrice de cabinet du président

M. Laurent Chrétien, directeur général de Laval Virtual

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

([2]) La SNCF a continué à assurer 80 % de ses liaisons voyageurs et 90 % du fret de marchandises, mais elle aura perdu 42 % de ses voyageurs sur 2020.

([3]) Sur les 634 000 commerces de détail que compte notre pays.

([4]) Ordonnance du Conseil d’État n° 446715, UMIH, 8 décembre 2020

([5]) Ordonnance du Conseil d’État n° 447698 et s., M. Y. et autres, 23 décembre 2020

([6]) Par exemple, pour les secteurs en sous-activité prolongée, six fiches de renseignement spécifiques viennent d’être publiées à l’attention des discothèques, de l’événementiel, de l’hôtellerie, des salles de sports, des traiteurs et des voyagistes.

([7]) Il s’agit des entreprises des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l’événementiel, ainsi que les entreprises des secteurs faisant l’objet de restrictions législatives ou réglementaires particulière en raison de la crise sanitaire ou impactées par le couvre-feu.

([8]) Pour lesquels des aides spécifiques ont été mises en place.

([9]) Le 2 février, il a été décidé de reporter la baisse de l’indemnisation de l’activité partielle au 1er mars 2021, tant pour le salarié que pour l’employeur. En outre, la liste des secteurs protégés ouvrant droit à l’allocation majorée pour l’employeur est enrichie.

([10]) Selon les statistiques du ministère de l’économie, les mois de novembre et décembre représentent en moyenne 19 % du chiffre d’affaires annuel des commerces de détail spécialisés.

([11]) Articles 37 à 39 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

([12]) Quant aux marchés, ils ne sont autorisés que pour les commerces alimentaires et les ventes de graines, semences et plants d’espèces fruitières ou légumières.

([13]) Déclaration de la ministre déléguée à l’industrie, Mme Agnès Pannier-Runacher sur Europe 1 le 31 octobre.

([14]) Décret n° 2020-1331 du 2 novembre 2020 modifiant le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

([15]) Payées par les commerçants exploitant une surface de vente au détail de plus de 400 m² et réalisant un chiffre d’affaires hors taxe supérieur ou égal à 460 000 €.

([16]) Journal du dimanche du 8 novembre 2020.

([17]) Journal du dimanche du 8 novembre 2020.

([18]) Chambre de commerce et d’industrie (CCI) : 0 805 18 19 20

  Chambre régionale des métiers et de l’artisanat (CRMA) : 0 806 803 900.

([19]) Décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020 relatif au dispositif spécifique d’activité partielle en cas de réduction d’activité durable.

([20]) Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificatives pour 2020 et arrêté du 4 septembre 2020.

([21]) Décret n° 2020-1328 du 2 novembre 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation

([22]) Le volet 2 qui apporte une aide complémentaire de 2 000 à 5 000 € aux secteurs les plus touchés n’est pas modifié.

([23]) Décrets n° 2020-131 et 2020-1319 du 30 octobre 2020.

([24]) Avis n° 3400 sur le projet de loi de finances pour 2021 sur la thématique Entreprises de la mission Économie, tome X.

([25]) Interview de M. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, sur Europe 1 le 17 septembre 2020.

([26]) Données de la Banque centrale européenne citées par la Fédération bancaire française.

([27]) Banque de France, L’impact de la crise de la covid-19 sur la situation financière des ménages et des entreprises, septembre 2020.

([28]) Depuis août, les banques distribuent également un prêt garanti par l’État spécifique aux entreprises des secteurs liés au tourisme (« PGE saison ») permettant de bénéficier d’un premier PGE ou de compléter de précédents PGE jusqu’au plafond correspondant aux trois meilleurs mois d’activité, en lieu et place des 25 % de CA annuel.

([29]) Ce taux ne tient pas compte des demandes inéligibles parmi les 725 813 demandes reçues, pour un total de 128,7 Md€ de crédits, ni des demandes déposées par une même entreprise auprès d’autres agences bancaires.

([30]) Banque de France, L’impact de la crise de la covid-19 sur la situation financière des ménages et des entreprises, septembre 2020.

([31]) Cf. Orientations ABE portant sur les moratoires législatifs et non législatifs sur les remboursements de prêts appliqués en raison de la pandémie de covid 19 (EBA/GL/2020/02).

([32]) Enquête de l’APCR publiée le 23 juin.

([33]) L’essentiel des chiffres cités dans cette partie sont issus des Indicateurs et analyses 2020 de Domaines skiables de France.

([34]) Panorama du tourisme de la montagne, édition 2012/2013 cahier n°2 : Emplois et retombées économiques

([35]) 230 entreprises responsables de l’exploitation, de l’entretien et du développement des domaines skiables en France, qui sont à 44 % publiques, 43 % privées et 12 % des SEM.

([36]) Insee, Un million d’emplois liés à la présence de touristes, 16 mai 2015

([37]) 645 résidences (47 471 appartements, 237 714 lits), soit 28 % de l’ensemble du parc des résidences de tourisme.

([38]) Ces chiffres sont issus de la note du 8 avril 2020 du groupe de travail de la commission des affaires économiques sur le suivi du secteur tourisme.

([39]) Insee, Un million d’emplois liés à la présence de touristes, 16 mai 2015

([40]) La liste S1 correspond aux activités soumises à des restrictions d’activité, c’est-à-dire les secteurs économiques les plus touchés par la crise ; la liste S1 bis recense les secteurs dépendants des activités listées en S1

([41]) Avec les congés générés par l’activité partielle et la mutuelle, l’employeur conserve toujours un reste à charge de l’ordre de 13 %.

([42]) Il s’agit des grossistes, fournisseurs, sous-traitants etc., inscrits sur la liste S1 bis, qui réalisent au moins 50 % de leur CA avec des entreprises inscrites sur la liste S1 et, en l’espèce, relevant des secteurs du tourisme et du sport.

([43]) Cf. La note du groupe de suivi du 18 novembre 2020

[(1)] FEVAD, Chiffres-clés de l’e-commerce, juillet 2020.

[(1)] Hors carburants, pharmacie, produits médicaux et orthopédiques.

[(2)] Rapport d’information du Sénat, Plan de relance de la commission des affaires économiques, Tome VIII : PME, commerce et artisanat, 17 juin 2020.

([44]) Mounir Mahjoubi, Amazon : vers l’infini et Pôle Emploi ! 21 novembre 2019.

([45]) Mounir Mahjoubi, Amazon : vers l’infini et Pôle Emploi ! 21 novembre 2019.

[(2)] capital.fr, FNAC-DARTY : croissance attendue du chiffre d’affaires 2019 malgré les grèves en France, 16 janvier 2020

[(3)] ecommercemag.fr, Veepee réalise pour la première fois 50% de son chiffre d’affaires à l’international, 19 septembre 2019

[(1)] Cette part est évaluée à 16,5 % sur une assiette incluant les grandes surfaces alimentaires.

[(1)] La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (ACTPE) a ainsi reconnu les métiers d’art comme un secteur économique global et cohérent s’inscrivant dans le champ de la création artistique et un arrêté ministériel du 24 décembre 2015 a arrêté la liste de leurs 281 métiers.

[(1)] Cf. enquête réalisée par Ateliers d’art de France en juillet auprès d’entreprises adhérentes et non adhérentes.

([46]) Indemnité qui pouvait être complétée, une seule fois et sous certaines conditions, par une aide supplémentaire du volet 2, versée par les régions et comprise entre 2 000 et 10 000 €.

[(1)] Le texte avait interdit les promotions au-delà de 34 % du prix de vente et limite les volumes vendus sous promotion à 25 %. L’article 125 de la loi ASAP vient de modifier ces dispositions.

([47]) Secteur économique englobant tous les modes de restauration se faisant en dehors du domicile : la restauration commerciale (restaurants, fast-food, cafétérias, sandwicheries), la restauration collective (cantines, restaurants d’entreprises) ainsi que les distributeurs de boissons et encas.

([48]) Terme signifiant « earnings before interest, taxes, depreciation and amortization », soit approximativement l’excédent brut d’exploitation français.