N° 3871
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 février 2021.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
en application de l’article 145 du Règlement
PAR LA MISSION D’INFORMATION
sur la rénovation thermique des bâtiments
AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ([1])
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
ET PRÉSENTÉ PAR
M. Vincent DESCOEUR,
Président,
ET
Mme Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT,
Rapporteure,
Députés.
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La mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments est composée de : MM. Guy Bricout, Jean-Louis Bricout, Mme Danielle Brulebois, MM. Jean-Charles Colas-Roy, Paul-André Colombani, M. Vincent Descoeur, Jean-Luc Fugit, Mmes Florence Lasserre, Marjolaine Meynier-Millefert, M. Loïc Prud’homme, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, MM. Vincent Thiébaut, Hubert Wulfranc et Jean-Marc Zulesi.
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SOMMAIRE
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Pages
Avant-propos de M. Vincent Descoeur, président de la mission d’information
A. Les bénéfices environnementaux, économiques et sociaux DE la RÉNOVATION thermique
1. Les bénéfices environnementaux
B. Les besoins en rénovation du parc immobilier
1. État des lieux du parc résidentiel
2. État des lieux du parc tertiaire
A. Un cadre législatif et réglementaire qui fixe déjà des objectifs très ambitieux
1. Les objectifs de rénovation thermique du parc de logements
2. Les objectifs de réduction de la consommation d’énergie du parc immobilier tertiaire
3. L’éradication des « passoires thermiques » inscrite dans la loi
B. Le nombre de rénovations est décevant et le suivi des politiques menées est LACUNAIRE
1. Des résultats décevants qui doivent être précisés
2. L’outil de suivi de la politique de rénovation thermique est encore à inventer
Deuxième partie : Les freins persistants au déploiement d’une politique ambitieuse de rénovation
I. le pilotage de la rénovation énergétique doit impérativement être amélioré
A. De nombreux acteurs interviennent à tous les échelons publics
B. Une planification complexe et encore peu coordonnée
C. Les processus d’élaboration des décisions nationales appellent une meilleure concertation
D. une nécessaire stabilisation des orientations et des dispositifs sur le long terme
II. Des incitations financières qui doivent être clarifiées et mieux articuléEs
A. Les aides aux particuliers : un panorama diversifié mais complexe à utiliser
1. Un panel d’aides diversifié…
b. Le programme Habiter Mieux Sérénité
d. Les aides des collectivités territoriales
e. Les aides d’Action Logement
2. … dont l’articulation est particulièrement complexe
B. Les aides pour les rénovations de bâtiments tertiaires privés sont réduites
III. Les difficultés spécifiques de la rénovation thermique des logements sociaux
IV. Une communication et un accompagnement encore perfectibles
A. L’identification des motivations et des freins à la rénovation
1. L’assistance administrative et financière
2. L’accompagnement technique et la question de l’assistance à maîtrise d’ouvrage
C. Le déploiement du SPPEH doit être finalisé
D. Le conseil et l’accompagnement des collectivités
V. Les contraintes et difficultÉs structurelles du cÔtÉ de l’offre de rÉnovation
A. L’absence d’un grand marché structuré de la rénovation
B. Une nécessité d’investir massivement dans la formation
1. La question de la formation initiale
2. La question de la formation continue
C. Du diagnostic au contrôle des travaux : des avancées à consolider
1. Renforcer le diagnostic de performance énergétique pour des évaluations vraiment performantes
2. Les critères sur lesquels se fonde le DPE
3. L’opposabilité du DPE et le contrôle des travaux
D. La nécessité d’une approche globale de la question énergétique pour les bâtiments
1. Réaffirmer l’objectif central de procéder à des rénovations globales
2. Inscrire la rénovation énergétique des bâtiments dans une stratégie énergétique globale
A. Dans quelles conditions faut-il rendre obligatoire la rénovation globale des logements ?
B. Interdire la location de passoires énergétiques et renforcer le décret « décence »
C. Permettre aux locataires de mener des travaux de rénovation et de bénéficier des aides
II. Se doter d’une stratégie financière et budgétaire adéquate
A. Les besoins de financement pour les logements et les bâtiments tertiaires privés
1. Quels besoins financiers dans les années à venir ?
2. Un investissement public actuellement en deçà des attentes
B. Le financement de la rénovation thermique des bâtiments publics est encore opaque
1. L’investissement de l’État pour la rénovation de son parc est difficilement analysable
2. L’État se dote progressivement d’outils pour piloter la rénovation de ses bâtiments
3. Le financement de la rénovation thermique au sein des collectivités territoriales
C. Le plan de relance, levier financier pour accentuer la dynamique de rénovation
1. Le plan et la rénovation des bâtiments publics
2. L’abondement du budget de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH)
3. Les crédits alloués à la rénovation des logements sociaux et aux entreprises
D. Une programmation pluriannuelle pour la rénovation énergétique des bâtiments semble nécessaire
E. Le dispositif des CEE : un outil extra-budgétaire de plus en plus sollicité
1. Un dispositif faisant face à des difficultés structurelles
2. L’efficacité énergétique du dispositif s’érode
3. Quelques pistes d’amélioration du dispositif
2. Renforcer l’éco-PTZ et interroger le rôle joué par les banques
3. Repenser la place des solutions de tiers-financement
4. Faut-il instaurer une avance des fonds remboursable lors de la mutation du bien ?
G. Améliorer l’accompagnement financier et technique des copropriétés
III. Encourager l’innovation pour la rénovation thermique
A. Les freins structurels à la recherche et au développement
1. L’investissement est encore faible
2. Les structures publiques de la recherche sont peu tournées vers la filière du bâtiment
B. Les freins administratifs et réglementaires
1. Des difficultés procédurales ne sont toujours pas résolues
2. Les évolutions réglementaires sont source de crispations pour la recherche et développement
C. Les aides à la rénovation ne favorisent pas nécessairement les produits innovants
Propositions de la mission d’information
EXAMEN du rapport en commission
Plan de rénovation énergétique des bâtiments (2018) : quelle mise en œuvre ?
Liste des personnes auditionnées
Liste des acteurs ayant transmis des CONTRIBUTIONS ÉCRITES
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Avant-propos de M. Vincent Descoeur, président de la mission d’information
La rénovation thermique des bâtiments est un enjeu fort à la croisée des préoccupations environnementales (réduction des gaz à effet de serre et lutte contre le dérèglement climatique), mais aussi de pouvoir d’achat (réduction de la facture énergétique), d’économie (emploi et activité des entreprises du bâtiment), de santé et de qualité de vie.
Un constat s’impose pourtant au terme des travaux de notre mission : celui d’une inadéquation des moyens, notoirement insuffisants pour atteindre les objectifs très ambitieux qui ont été fixés dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, et ceci malgré les efforts consentis par le plan de relance. Constat également d’une absence d’outils de suivi de cette politique et d’outils d’évaluation de l’efficacité énergétique des travaux engagés comme de leurs effets sur le recul de la précarité énergétique qui, malheureusement, s’accroît. On peut regretter à ce titre que ces objectifs aient été fixés sans véritable étude d’impact préalable et sans tenir compte d’un principe de réalité qui se rappelle à nous à l’heure du premier bilan que dresse ce rapport.
Le rythme des rénovations est trop lent, constat partagé qui s’explique par la mobilisation de moyens insuffisants pour susciter l’adhésion et l’intérêt de nos concitoyens ; l’illisibilité des dispositifs d’aide aggravée par leur instabilité dans le temps et la complexité administrative qui les caractérise ; l’absence enfin d’interlocuteurs clairement identifiés pour accompagner les projets de manière globale et sécuriser les investissements des maîtres d’ouvrage, particuliers, entreprises ou collectivités, pour garantir de fait leur efficacité.
Sans aucun doute, il faudrait privilégier les rénovations thermiques globales mais cette ambition se heurte à l’écueil du reste à charge, encore trop élevé pour une grande majorité de ménages. Le recours au crédit, fût-il à taux zéro, est difficile voire impossible pour nombre de nos concitoyens aux revenus modestes. Plus globalement, si l’on ne parvient pas à faire la démonstration que le reste à charge sera couvert par les économies d’énergie réalisées et suffisamment lissé dans le temps, il y a tout lieu de craindre que nous ne puissions convaincre nos concitoyens de s’engager dans ces travaux et d’adhérer à cette ambition nationale pourtant essentielle à la lutte contre le dérèglement climatique. Il convient donc de se donner les moyens d’atteindre les objectifs affichés et de s’assurer de leur pérennité au lendemain du plan de relance.
C’est dans ce contexte, caractérisé par des mesures incitatives dont les effets sont décevants, que s’ouvre le débat sur l’opportunité de traduire dans les textes les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Si l’interdiction de location des passoires thermiques doit s’imposer, il serait hasardeux de décider de nouvelles obligations de rénovation, assorties de sanctions, sans avoir mesuré préalablement les conséquences sur la solvabilité des ménages ou des entreprises, les incidences sur l’offre de logements locatifs ou encore la capacité des entreprises du bâtiment à faire face à une massification des chantiers. Toute évolution doit donc être préalablement étudiée et ne peut être que progressive afin d’éviter des blocages qui seraient contre-productifs et nous éloigneraient de l’objectif recherché.
Je tiens à remercier notre rapporteure Mme Marjolaine Meynier-Millefert, nos collègues députés qui ont assidûment participé à nos travaux ainsi que les nombreux contributeurs. Les propositions formulées dans ce rapport visent à apporter des réponses concrètes de nature à lever les freins au déploiement d’une politique ambitieuse de rénovation thermique des bâtiments, dictée par l’impérieuse nécessité de lutter efficacement contre le dérèglement climatique.
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« Gouverner, c’est d’abord loger son peuple » : cette parole de l’Abbé Pierre résonne d’une manière particulière au XXIe siècle. Si le mal-logement a toujours été une préoccupation, la recherche de logements sobres en consommation énergétique et en émissions de gaz à effet de serre, voire de logements à énergie positive, constitue aujourd’hui un impératif de la politique environnementale. En effet, le secteur du bâtiment est responsable de près de 26 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, soit environ 115 millions de tonnes de CO2. Encore davantage si on y ajoute la construction neuve (résidentielle et tertiaire), laquelle équivaut à environ 30 millions de tonnes de CO2. Or la politique de rénovation thermique des bâtiments est le principal outil pour réduire ces émissions.
Cette politique présente également d’autres avantages en matière sociale et économique. Elle joue ainsi un rôle majeur dans la lutte contre la précarité énergétique, pour la réduction de la facture énergétique et l’augmentation de la valeur et du confort des logements, pour l’amélioration de la santé publique ainsi que pour la création d’emplois et l’augmentation de l’activité économique. Elle contribue également à la lutte contre l’artificialisation des sols, à l’utilisation de matériaux locaux et biosourcés et au développement de l’économie circulaire. À titre d’illustration, on estime que la construction d’une maison individuelle nécessite environ quarante fois plus de quantité de matériaux que sa rénovation, et encore davantage pour les autres bâtiments.
Conscients de ces avantages, les pouvoirs publics ont fixé des objectifs ambitieux en matière de rénovation thermique des bâtiments depuis quelques années. Ainsi, en 2015, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi LTECV », a fixé l’objectif que l’ensemble du parc immobilier devra être rénové en fonction des normes « Bâtiment Basse Consommation » (BBC) ou assimilées d’ici à 2050, objectif confirmé par tous les textes depuis cette date. L’État a également fixé comme objectifs prioritaires la disparition, à horizon 2025, des 4,8 millions de logements très énergivores, communément qualifiés de « passoires thermiques » ([2]) que compte le pays ainsi que la rénovation de 500 000 logements par an, dont 150 000 passoires thermiques occupées par des ménages modestes. Pour le parc résidentiel, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) se donne même pour objectif d’atteindre un rythme de 370 000 rénovations globales à partir de 2022, pour augmenter ensuite à 700 000 rénovations complètes équivalentes en moyenne sur la période 2030-2050. Pour le parc tertiaire, la loi impose enfin une réduction de la consommation d’énergie finale d’au moins 60 % en 2050 par rapport à 2010 (avec des objectifs intermédiaires de 40 % en 2030 et 50 % en 2040).
La première partie du rapport s’attache ainsi à montrer que nous ne manquons pas d’objectifs qui traduisent la prise de conscience de l’importance d’une politique ambitieuse de rénovation énergétique des bâtiments. Cependant, dans les faits, nous ne sommes encore qu’au début du processus de rénovation. En effet, seulement 6,6 % du parc résidentiel français dispose ainsi d’une étiquette énergie A et B selon le barème fixé par le diagnostic de performance énergétique (DPE) qui classe les logements selon leur consommation d’énergie. En outre, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), 11,9 % des ménages français sont en situation de précarité énergétique et 14 % des ménages ont souffert du froid chez eux au cours de l’hiver 2019 – 2020.
S’il est impossible de dresser un bilan précis du nombre d’opérations de rénovation effectuées chaque année, en l’absence d’outils de recension exhaustifs et fiables, une estimation rapide montre que nous sommes loin d’atteindre l’objectif de 500 000 rénovations énergétiques annuelles : en 2019, on recensait ainsi 104 000 rénovations dans le secteur du logement social, 41 000 dans les logements privés précaires et un nombre difficilement mesurable de rénovations individuelles. La plupart du temps il s’agit cependant de « gestes » de rénovation qui sont loin de permettre un gain réel en matière énergétique. Selon le Haut Conseil pour le climat, le rythme des rénovations énergétiques globales – en moyenne de 0,2 % par an actuellement – devrait ainsi fortement s’accélérer pour atteindre 1 % par an après 2022 et 1,9 % par an d’ici 2030. Pour le secteur résidentiel, il s’agit de passer d’environ 70 000 rénovations globales effectuées annuellement (en moyenne sur la période 2012-2018), à 370 000 rénovations complètes par an après 2022 et 700 000 par an à partir de 2030, conformément aux objectifs fixés dans la SNBC. En effet, à l’heure actuelle, seules 5 % des rénovations de logements réalisées ont eu un impact important sur la consommation d’énergie, c’est-à-dire un saut de deux classes énergétiques du DPE ou plus. Et il convient d’ajouter à ces besoins les besoins de rénovation du parc immobilier tertiaire, lequel compte 999 millions de mètres carrés du parc tertiaire, dont 97 millions de mètres carrés pour l’État et 280 millions de mètres carrés pour les collectivités territoriales. La première tâche à accomplir pour s’assurer du respect des objectifs est cependant de mettre en place des outils de mesure exhaustifs et fiables qui n’existent pas à l’heure actuelle.
Dans une seconde partie, le présent rapport présente et analyse les freins qui gênent actuellement le déploiement d’une politique de rénovation ambitieuse. Ces freins sont nombreux et touchent différents domaines. En premier lieu, la multiplicité des objectifs, des référentiels et des acteurs impliqués rend la gouvernance d’ensemble de la politique de rénovation complexe à appréhender et peu aisée à piloter. Cette complexité s’étend d’abord aux relations entre acteurs étatiques et agences nationales, mais également aux relations entre l’État et les collectivités et entre les acteurs publics et les acteurs privés. À cet égard, on remarque que le comité chargé d’établir le Plan de rénovation énergétique des bâtiments de 2018 avait prévu la mise en place d’un comité de pilotage (COPREB) pour surveiller le bon déroulement du plan et mobiliser les différents acteurs, mais ce COPREB n’a malheureusement jamais débuté ses travaux.
Un autre frein important réside dans la variété des aides disponibles et des combinaisons entre elles, qui entraîne un manque de clarté manifeste pour le public et complexifie l’élaboration du financement des projets de rénovation. Toutes ces aides présentent des degrés d’éligibilité différents et ont chacune leur propre mode opératoire. Par exemple, dans le cadre de MaPrimeRénov’, le montant de la prime dépend non seulement de la catégorie du ménage et des travaux engagés, mais également du cumul des autres aides sollicitées. Une règle d’écrêtement module ainsi le montant de la prime de façon à ce que le cumul des aides ne dépasse pas un certain taux de la dépense éligible prévue pour chaque geste en fonction des revenus du ménage.
Une des priorités pour la massification des rénovations réside donc dans l’amélioration de l’information et de l’accompagnement des différents publics dans des projets complexes à mettre en œuvre d’un point de vue administratif, financier et technique. Si des efforts notables ont été effectués ces dernières années, il faut néanmoins poursuivre la mise en œuvre du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) partout sur le territoire, afin de toucher le plus grand nombre de futurs maîtres d’ouvrage. Plus largement, il convient de renforcer les moyens d’animation pour déclencher la rénovation. Lorsqu’un animateur est présent localement, il y a un effet d’entraînement fort auprès des particuliers, notamment dans les copropriétés.
Par ailleurs, le rapport vise également à montrer que les aides publiques doivent davantage être tournées vers le soutien à des opérations de rénovation globale. En effet, peu de rénovations dites « par étapes » sont menées à leur terme et, lorsqu’elles le sont, le résultat n’est pas toujours satisfaisant. Il faut donc privilégier une approche de la rénovation complète et performante, plus rigoureuse, qui a déjà donné des résultats de grande qualité sur le terrain, mais qui doit être soutenue fortement dans sa montée en puissance, pour devenir la norme dans les prochaines années. Cela passe notamment par une réorientation des aides publiques vers ce type de rénovations, en visant plus particulièrement les ménages les plus modestes dans un premier temps.
Enfin, un des freins majeurs au déploiement d’une politique ambitieuse de rénovation énergétique réside dans la structuration largement insuffisante de l’offre. En effet, réussir à conduire un volume massif de rénovations énergétiques complètes nécessite de disposer de la main-d’œuvre, des entreprises et des professionnels qualifiés en nombre suffisant pour accompagner la montée en puissance des demandes. Il est donc nécessaire d’accompagner et de développer le marché de la rénovation, c’est-à-dire d’agir à la fois sur le nombre et la qualification des entreprises mais aussi sur la formation initiale et continue des professionnels. On remarque ainsi qu’il n’existe aujourd’hui que 65 000 entreprises « reconnues garantes de l’environnement » (RGE) sur les 320 000 entreprises de bâtiment que compte le pays, et ce chiffre est en recul depuis quelques années. À productivité inchangée, il faudrait donc passer de 1,9 million de professionnels à quasiment le double. En tout état de cause, il faudrait plusieurs centaines de milliers de professionnels en plus avec une part bien plus grande d’entreprises qualifiées RGE.
Toutefois, de nombreux professionnels déclarent ne pas vouloir s’engager dans des formations qui coûtent cher et qui ne débouchent pas nécessairement sur un marché nouveau et pérenne, notamment dans le cadre de l’obtention du label RGE. Cela pose une double question. Tout d’abord celle d’une éventuelle obligation à rénover, laquelle pourrait contribuer à créer ce grand marché de la rénovation et ainsi rompre ce cercle vicieux. Ensuite, celle de la lisibilité sur le moyen et long terme des politiques publiques en faveur de la rénovation.
La troisième partie du rapport s’attache ainsi à formuler des propositions pour améliorer les outils réglementaires, budgétaires et financiers qui peuvent faciliter la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de rénovation énergétique des bâtiments. La question des étapes nécessaires devant conduire à instaurer une obligation de rénovation et des obstacles qui peuvent s’y opposer est analysée dans ce cadre. Votre rapporteure s’attache également à décrire les évolutions récentes du droit en matière de logement « décent » et à formuler des propositions pour renforcer les critères adoptés, en s’inspirant notamment des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) qui prévoit d’établir le seuil d’indécence énergétique à 331 kWh par mètre carré et par an (ce qui correspond aujourd’hui à la classe F, au sens de la consommation conventionnelle en énergie primaire évaluée dans le DPE). Surtout, le rapport s’attache à définir, dans les grandes lignes, la trajectoire financière requise pour atteindre les objectifs fixés et propose d’instaurer une loi de programmation pluriannuelle des aides à la rénovation qui permettrait de fixer un cap et de pérenniser les financements dédiés à la rénovation. En effet, le chiffrage des financements pour la rénovation thermique des logements et des bâtiments tertiaires privés fait l’objet d’estimations concurrentes mais qui font toutes le constat d’un besoin s’élevant à plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an (dont une forte part d’argent public). À ce titre, la rapporteure salue le fait que le plan de relance prévoit de consacrer, d’ici à décembre 2022, 6,4 milliards d’euros de crédits supplémentaires à la politique de rénovation thermique, mais souligne qu’il est nécessaire d’aller plus loin et de penser dès à présent à « l’après » du plan de relance, afin d’éviter un effet « stop and go » déjà constaté dans d’autres circonstances.
Cette stratégie financière publique doit être complétée par l’amélioration des instruments financiers mis en œuvre par les acteurs privés et publics. Cela concerne notamment les certificats d’économies d’énergie (CEE) dont le cadre réglementaire est souvent instable, ce qui complexifie les stratégies industrielles et commerciales des obligés. Il faut un pilotage plus visible dans le temps et le dispositif doit aussi se focaliser sur les gestes les plus performants et les plus susceptibles de déclencher des bouquets de travaux.
Plus largement, l’équilibre financier des opérations de rénovation thermique des ménages est également au cœur des réflexions à conduire pour garantir l’efficacité de la politique de rénovation énergétique. En effet, les opérations de rénovation ont aussi pour objectif de réduire la facture énergétique des ménages, mais cette réduction n’intervient pas nécessairement immédiatement. Par conséquent, afin de ne pas décourager les différents acteurs concernés (ménages, copropriétés, entreprises), une solution financière optimale doit respecter le principe du « Pay as you save », c’est-à-dire d’un prêt dont les mensualités seraient couvertes par les économies d’énergie générées par les travaux. Or, à l’heure actuelle, le taux de couverture du reste à charge est actuellement estimé à environ 50 % pour les ménages très modestes, 40 % pour les ménages modestes et 20 % pour les autres ménages avec les dispositifs actuels. Selon le Haut Conseil pour le climat, alors que les subventions pour des travaux de rénovation globale atteignent en moyenne 15 000 euros en France, elles peuvent aller jusqu’à 48 000 euros en Allemagne. Le montant des prêts y est également quatre fois plus élevé que l’éco-prêt à taux zéro français. Il est donc impératif de renforcer nos dispositifs financiers.
Or, l’accès au crédit bancaire pour ce type de rénovation n’est pas systématique et les conditions ne sont en général pas attractives. Plusieurs interlocuteurs de la mission ont mis l’accent sur le fait que les banques ne jouaient pas suffisamment leur rôle en matière de financement des opérations de rénovation énergétique, notamment lorsqu’elles ont la charge de la distribution de prêts garantis et subventionnés par l’État comme l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). Cette solution est en effet peu rentable pour elles et entre souvent en concurrence avec leur offre classique de prêts pour travaux ou prêts à la consommation, de maturités plus courtes et à des taux élevés. Il est pourtant nécessaire de réfléchir à augmenter le montant et la durée de l’éco-PTZ en s’inspirant de l’exemple allemand (jusqu’à 120 000 euros sur trente ans). Plus largement, la puissance publique peut s’inspirer du dispositif dit de « prêts garantis par l’État » (PGE) ou de dispositifs innovants comme les prêts hypothécaires rechargeables pour améliorer la prise en charge financière des opérations de rénovation. Il est également nécessaire de réfléchir, comme le propose notamment France Stratégie, à faire émerger des « opérateurs ensembliers » qui seraient à la fois maîtres d’œuvre et financeurs de la rénovation, et dont l’action pourrait englober et dépasser celle des sociétés de tiers-financement (STF).
Enfin, l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments passe par le développement de matériaux et d’équipements de plus en plus efficaces pour l’isolation et le chauffage. Mais l’innovation pour la rénovation thermique est encore freinée par des difficultés financières, administratives, réglementaires ou qui résultent du fonctionnement même du marché actuel de la rénovation. À la différence d’autres secteurs économiques, les investissements pour l’innovation sont particulièrement faibles dans la filière du bâtiment : 0,1 % à 0,2 % du chiffre d’affaires est investi dans la recherche et le développement, alors que le taux se situe plutôt autour de 2 % pour les autres secteurs économiques.
Ainsi, après s’être attaché à décrire les avantages, les objectifs et le suivi des résultats obtenus en matière de rénovation énergétique des bâtiments (première partie), le présent rapport décrit les dispositifs existants et les obstacles restant à surmonter pour déployer une politique massive de rénovation (seconde partie). Il formule enfin une série de propositions, notamment en matière budgétaire, financière et réglementaire, visant à renforcer les outils existants et à les inscrire dans une perspective pluriannuelle (troisième partie).
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Première partie : La rénovation thermique des bâtiments : des objectifs ambitieux encore loin d’être atteints
La rénovation thermique des bâtiments en France fait l’objet depuis près de quinze ans d’une attention de plus en plus croissante de la part des autorités publiques. La prise de conscience du danger climatique a fait de cette activité un axe majeur de la décarbonation. Mais les autres bénéfices pouvant être tirés de l’amélioration thermique du parc immobilier sont aussi pris en compte par les pouvoir publics et la population. Dans ce contexte, de nombreux objectifs inscrits dans la loi sont apparus année après année. Cependant, la massification des opérations de rénovation tarde à se réaliser et le suivi des politiques publiques censées la susciter est encore perfectible.
I. LA RÉNOVATION THERMIQUE doit devenir un des piliers de la politique économique, environnementale et sociale des prochaines années
La massification des opérations de rénovation thermique s’inscrit pleinement dans les efforts effectués pour lutter contre le changement climatique. Mais à côté de cet objectif premier des acteurs publics, il ne faut pas mésestimer les autres bénéfices environnementaux, économiques et sociaux offerts par la rénovation thermique.
A. Les bénéfices environnementaux, économiques et sociaux DE la RÉNOVATION thermique
Avant de décrire l’état du parc résidentiel et tertiaire français, il est utile de rappeler les bénéfices qui peuvent être tirés de la rénovation thermique des bâtiments.
1. Les bénéfices environnementaux
Le bénéfice le plus important qui puisse être tiré de la rénovation thermique des bâtiments est son impact dans la lutte contre le changement climatique.
Le secteur du bâtiment est le troisième émetteur de gaz à effet de serre en France. En 2018, il représentait un peu plus 71 millions de tonnes équivalent CO2, soit près de 23 % des émissions, qui se répartissaient ainsi : 43 millions de tonnes pour le secteur résidentiel et 28 millions de tonnes pour le secteur tertiaire ([3]). Au regard de cette situation, la SNBC prévoit de faire baisser les émissions du secteur de 49 % entre 2015 et 2030, avant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Or, le parc immobilier souffre d’une inertie importante : en 2050, 70 % du parc pourrait être constitué d’immeubles construits avant 2012. C’est donc la rénovation thermique qui est le principal outil disponible pour faire baisser massivement les émissions de gaz à effet de serre, notamment grâce à une réduction des consommations énergétiques résultant du chauffage.
Mais la rénovation thermique a également d’autres incidences environnementales. Elle permet notamment de lutter contre l’artificialisation des sols grâce à la revalorisation du parc immobilier à laquelle elle participe. En améliorant la performance énergétique de bâtiments existants, elle prolonge l’usage de ces derniers et évite ainsi la construction de bâtiments neufs. En freinant l’utilisation de sols vierges, elle contribue également à préserver des espaces naturels qui ont une fonction de puits de carbone.
La réduction de l’exploitation des ressources naturelles est aussi une conséquence de la rénovation thermique. Cette dernière permet non seulement une réduction de la consommation d’énergies fossiles utilisées pour le chauffage, mais aussi une moindre consommation de matières premières par rapport à une construction neuve ou une déconstruction/reconstruction.
Selon une étude de l’Agence de la transition écologique (ADEME) réalisée en 2019 ([4]), la rénovation thermique d’une maison individuelle nécessite quarante fois moins de quantité de matériaux qu’une construction neuve. Dans le cas d’un bâtiment de logement collectif, la rénovation est même quatre-vingt fois moins consommatrice qu’une construction neuve.
ratio de consommation de ressources
Moyennes pondérées |
Construction (neuve) |
Rénovation BBC |
MI |
1 190 kg/m² SHONRT |
28 kg/m² SHONRT |
LC |
1 570 kg/m² SHONRT |
20 kg/m² SHONRT |
Source : ADEME – MI : maison individuelle / LC : logement collectif / SHONRT : surface hors œuvre nette au sens de la réglementation thermique
Pour l’ensemble du parc résidentiel, d’ici à 2050, la construction neuve pourrait nécessiter jusqu’à 1,3 milliard de tonnes de matériaux, dont 85 % uniquement pour le granulat, le sable et le ciment. A contrario, la rénovation des bâtiments résidentiels aux normes « Bâtiment basse consommation » (BBC) nécessiterait seulement 74 millions de tonnes de matériaux jusqu’en 2050, dont plus de 85 % pour les maisons individuelles.
Les opérations de rénovation peuvent également être l’occasion d’utiliser des matériaux biosourcés et géosourcés issus de productions locales, ou encore des matériaux issus de filières de recyclage, ce qui réduit d’autant l’utilisation de matières premières non renouvelables et donc l’empreinte environnementale du bâtiment sur le long terme. Le développement du réemploi de matériaux et d’équipements est également une solution pour réduire cette empreinte, qui appelle encore des adaptations des règles de garantie et d’assurance pour ce type de projet afin d’en permettre le développement sans réduire les exigences de performance requises.
La réduction globale de la consommation énergétique française est le premier bénéfice économique d’une rénovation thermique aboutie.
D’après le bilan énergétique de la France pour 2018 ([5]), la dépense en énergie du secteur résidentiel s’est établie à 46 milliards d’euros en 2018. Elle est dominée par l’électricité (59 %), devant le gaz naturel (23 %), le pétrole (13 %) et le bois (3 %). Toutes énergies confondues et en données réelles, le chauffage représente 66 % de la consommation du résidentiel en 2018. Concernant le secteur tertiaire, la dépense en énergie s’établit quant à elle à 22,7 milliards d’euros en 2018. L’électricité concentre plus des deux tiers de cette dépense devant le gaz naturel (18 %), les produits pétroliers (12 %) et la chaleur commercialisée (3 %). Le chauffage représente 43 % de la consommation finale d’énergie pour le secteur.
Toute baisse significative de la consommation énergétique grâce à une rénovation thermique performante d’ampleur profiterait à la balance commerciale française grâce à la réduction des importations d’énergies fossiles qu’elle entraînerait. Elle réduirait aussi considérablement le poids de la facture énergétique dans le budget des ménages, des entreprises, des collectivités et des administrations. Ainsi, à titre d’exemple, la réduction de la consommation de -40 % du parc tertiaire à horizon 2030, telle que prévue par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ELAN », représenterait une économie de 9,1 milliards d’euros sur la facture énergétique de 2018 du parc tertiaire ; dont 3,9 milliards pour le chauffage.
L’autre grand bénéfice d’une massification de la rénovation thermique concerne l’accroissement d’activité du secteur de l’efficacité énergétique et la création d’emplois afférente. Au regard des volumes de chantier à réaliser sur plusieurs décennies, le secteur de la rénovation est en effet un marché porteur permettant de créer de nombreux emplois non délocalisables. Il permet également de conserver la valeur créée sur le territoire national, à condition toutefois que les filières de production des matériaux et équipements parviennent à répondre à la demande nationale, afin d’éviter l’importation des produits dont le secteur a besoin. L’exemple donné ci-dessous peut illustrer le bénéfice à court terme d’une massification de la rénovation thermique.
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ([6]), en 2018, le marché de l’efficacité énergétique du bâtiment résidentiel représentait 30,1 milliards d’euros. Plus spécifiquement, le marché de la rénovation thermique proprement dit (isolation du bâti et remplacement des appareils de chauffage et d’eau chaude sanitaire) représentait 28,1 milliards d’euros et près de 206 000 emplois équivalents temps plein (ETP).
Source : étude de l’ADEME. Les appareils performants recouvrent le gros électroménager et les appareils de régulation de l’usage énergétique.
La même étude a également effectué des projections sur l’activité pour les secteurs de l’isolation thermique des parois opaques et des appareils de chauffage fonctionnant aux énergies renouvelables (bois, pompes à chaleur, solaire thermique) à horizon 2023, en prenant en compte les trajectoires découlant de la SNBC et de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Elle aboutit à une hypothèse de croissance du marché de l’ordre de 43 % entre 2018 et 2023, et à la création de 33 730 emplois supplémentaires.
Évolution de l’activité pour l’isolation thermique des parois
et le chauffage renouvelable
|
Marché en 2018 |
Marché en 2023 |
ETP en 2018 |
ETP en 2023 |
Isolation thermique |
9,12 Mds € |
13,8 Mds € |
79 010 |
103 280 |
Chauffage EnR |
4,69 Mds € |
5,93 Mds € |
27 470 |
36 930 |
Source : étude de l’ADEME.
Enfin, les rénovations thermiques permettent d’accroître la valeur patrimoniale de bâtiments rendus plus économes et plus agréables à vivre. Au regard de l’évolution de la réglementation sur les futures obligations d’affichage des performances énergétiques des logements mis en vente ou en location (cf. infra), un projet de rénovation abouti pourra donc devenir un avantage compétitif sur le marché de l’immobilier.
Le bénéfice social le plus immédiat d’une rénovation thermique de masse est la réduction de la précarité énergétique au sein de la population française.
Selon le dernier tableau de bord de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) publié en janvier 2021, 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer la facture énergétique de leur logement en 2019. De plus, 14 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid au cours de l’hiver pendant au moins 24 heures. Pour quatre ménages sur dix, c’est à cause d’une mauvaise isolation thermique de leur logement.
Or les ménages les plus modestes, et donc les plus susceptibles d’être confrontés à la précarité énergétique, sont plus nombreux dans les logements les plus énergivores du parc résidentiel. Ainsi, 28 % des passoires thermiques du parc locatif privé sont occupées par les ménages du premier quintile de revenus, alors que ceux du troisième et du quatrième quintile occupent respectivement 20 % et 16 % de ce parc dégradé ([7]).
La piètre qualité thermique du logement est donc bien l’une des premières causes de la précarité énergétique puisqu’elle entraîne à la fois une surconsommation énergétique qui grève les budgets des ménages et une réduction de la qualité sanitaire globale du logement en raison du froid et de l’humidité découlant d’une mauvaise isolation ou d’un système de chauffage défectueux.
Source : Qui sont les ménages locataires du parc privé en précarité énergétique, ONPE, 2019
Un bénéfice à plus long terme est l’amélioration de la santé des occupants. Les logements mal isolés et mal chauffés peuvent en effet provoquer des pathologies découlant du froid, d’une mauvaise qualité de l’air intérieur ou encore de l’humidité. L’amélioration de la qualité thermique d’un logement permet donc de réduire les coûts sanitaires directs, mais également les coûts induits que provoquent les pathologies (absentéisme au travail ou à l’école, perte de productivité, etc.).
Dans une étude de 2017, le collectif d’associations et d’entreprises Initiative Rénovons a ainsi estimé que l’amélioration thermique des logements des ménages en situation de précarité énergétique pouvait permettre une économie de 666 millions d’euros par an pour la sécurité sociale ([8]). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a également repris des études montrant qu’un euro investi dans des travaux de rénovation énergétique conduit à 0,42 euro d’économies en dépenses de santé publique ([9]). Ainsi, les aides publiques à la rénovation participent également à la réduction des dépenses nationales de santé.
Identification des logements très mal isolés :
un rôle à jouer pour les conseillers médicaux en environnement intérieur
Encore très peu connu du grand public ou du corps médical, le conseiller médical en environnement intérieur (CMEI) est un professionnel de santé pouvant effectuer l’audit d’une habitation afin d’identifier les facteurs pouvant être à l’origine de pathologies respiratoires.
Ce travail d’enquête peut en conséquence identifier les problèmes thermiques du bâtiment (mauvaise ventilation, humidité, froid, moisissures). À ce titre, les conseillers peuvent être un premier relais pour l’information des habitants sur les possibilités de rénovation thermique. Ils pourraient également, selon des modalités à définir, signaler auprès des services sanitaires et sociaux des collectivités les logements présentant des problèmes thermiques (centres communaux d’action sociale, département), afin qu’une mise en relation avec les organismes compétents pour la rénovation thermique soit effectuée.
Leur rôle devrait donc être mieux connu grâce à une bonne communication auprès des autres professionnels de santé. Mais l’obstacle principal est encore leur nombre : à l’heure actuelle, on compte moins d’un conseiller par département.
Enfin, qu’il s’agisse de logements ou de bâtiments tertiaires, l’amélioration du confort thermique des occupants participe à l’amélioration générale des conditions de vie. Il faut d’ailleurs noter que l’isolation thermique permet d’améliorer aussi bien le confort d’hiver que le confort d’été. Elle contribue ainsi à l’adaptation des bâtiments au réchauffement climatique sans passer nécessairement par des équipements de refroidissement énergétiquement dispendieux.
Le critère du confort est un levier important pour la massification des travaux de rénovation, qui doit être développé auprès du grand public. Ainsi, l’enquête effectuée par l’ADEME en 2017, « Travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles » (TREMI), a montré que l’amélioration du confort thermique est la première motivation des ménages pour réaliser des travaux de rénovation énergétique.
B. Les besoins en rénovation du parc immobilier
Afin de pouvoir piloter au mieux la rénovation thermique, il importe de disposer d’une connaissance satisfaisante de l’état du parc. Si plusieurs indicateurs permettent d’évaluer les efforts à fournir pour les bâtiments résidentiels, ces derniers manquent encore en partie pour les bâtiments tertiaires.
1. État des lieux du parc résidentiel
Au 1er janvier 2020, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le parc résidentiel français comptait 37 millions de logements, dont 29 millions sont des résidences principales. Selon la dernière enquête nationale logement (ENL – 2013) de l’institut, trois logements sur cinq sont des maisons individuelles. Par ailleurs, 82 % du parc de maisons individuelles sont habités par des propriétaires occupants, 13 % par des locataires privés et 3 % par des locataires d’habitations à loyer modéré (HLM). À l’opposé, 42 % du parc de logements collectifs sont habités par des locataires privés, 24 % par des propriétaires occupants et 30 % par des locataires de logements HLM ([10]).
La consommation énergétique corrigée des variations climatiques du parc résidentiel s’élevait à 41 millions de tonnes équivalents pétrole en 2019, soit près de 29 % de la consommation nationale ([11]).
Source : SDES, Bilan énergétique de la France.
Champ : jusqu’à l’année 2010 incluse, le périmètre géographique est la France métropolitaine. À partir de 2011, il inclut en outre les cinq départements d’outre-mer.
La stabilité de cette consommation est issue de deux phénomènes contraires : d’une part, l’augmentation de la consommation liée à la hausse des surfaces (accroissement du parc en raison de la croissance de la population et hausse de la surface par habitant), d’autre part, la diminution des consommations unitaires résultant de l’amélioration globale de la performance énergétique des bâtiments. Face à cette situation de stagnation, c’est donc bien la massification de la rénovation thermique qui permettra de réduire la consommation énergétique du parc résidentiel et, par voie de conséquence, la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre – l’amélioration des performances énergétiques des constructions neuves ne jouant qu’un rôle marginal dans les gains obtenus.
Or, le chantier de rénovation thermique du parc résidentiel est encore vaste. Dans son étude déjà citée, l’Observatoire national de la rénovation énergétique a réévalué la répartition des logements servant de résidence principale. 16,8 % du parc de résidences principales correspondent aux étiquettes F et G du diagnostic de performance énergétique (DPE) ; les étiquettes C, D et E sont les plus fréquentes, avec respectivement 18 %, 34,2 % et 24,4 % du parc, tandis que les logements relevant des étiquettes A et B ne représentent que 6,6 % des logements.
Ces nouvelles données montrent que les passoires énergétiques correspondent à 4, 8 millions de logements en France, contrairement au chiffre de 7 à 8 millions qui était jusqu’ici donné dans les plans nationaux de rénovation thermique des années antérieures. Ceci montre l’importance de disposer de données fiables, actualisées et adaptées à la réalité du parc, afin de pouvoir ensuite piloter efficacement la politique de rénovation et évaluer ses résultats d’année en année.
Si le nombre de passoires thermiques est moins élevé que ce qui était envisagé auparavant, il faut néanmoins apprécier la répartition énergétique des bâtiments en gardant à l’esprit l’objectif d’un parc de niveau BBC à l’horizon 2050. Sur les 29 millions de résidences principales au 1er janvier 2018, la proportion des logements classés A et B, soit ceux qui se rapprochent le plus de la norme BBC, ne représentent que 1,9 million de logements. Il faut donc, a minima, rénover 27,1 millions de logements pour atteindre un parc d’une qualité permettant l’atteinte de la neutralité carbone.
La même étude donne d’autres indications sur la répartition énergétique des logements selon leur typologie. Ainsi, elle révèle que les passoires thermiques sont plus fréquentes parmi les maisons individuelles que dans les logements collectifs (18,4 % contre 14,7 %), mais, de manière contre-intuitive, elle indique également que les logements les plus petits, le plus souvent en habitat collectif, sont aussi les plus énergivores : près de 36 % des logements de moins de 30 mètres carrés ont une étiquette F ou G, alors que seuls 13 % des logements de plus de 100 mètres carrés disposent de ces étiquettes.
Le parc social est sensiblement moins énergivore que le parc privé (7 % d’étiquettes F et G, contre 18,7 %), en raison du recours massif au gaz pour le chauffage collectif dans ce secteur, dont l’impact énergétique est moins défavorable que l’électricité dans le calcul actuel du DPE, mais aussi d’un effort de rénovation continu du parc depuis des années. Au niveau du parc privé, c’est le parc locatif qui concentre la plus grande proportion de logements énergivores, avec près de 23 % d’étiquettes F ou G, alors que les logements occupés par leurs propriétaires ne sont que 17 % à être aussi mal classés. Cette situation peut s’expliquer par le fait que le parc locatif privé est majoritairement constitué d’appartements situés dans des copropriétés qui sont l’un des maillons faibles de la politique de rénovation thermique.
Le secteur résidentiel représentait 13,8 % des émissions de gaz à effet de serre en 2019 (43,16 millions de tonnes CO2 équivalent pétrole). Le chauffage est le principal facteur d’émission de CO2 pour le parc résidentiel (82 % du total), devant l’eau chaude sanitaire et la cuisson. En termes d’énergie de chauffage utilisée, le gaz naturel représente 64 % des émissions de CO2 des bâtiments résidentiels, loin devant le fioul (28 %), bien que ce dernier soit plus émetteur par unité d’énergie.
Source : Chiffres-clés du climat, édition 2021
2. État des lieux du parc tertiaire
En 2019, le Centre d’études et de recherches économiques sur l’énergie (CEREN) estimait la surface totale du parc tertiaire français à 999 millions de mètres carrés. Les bureaux, commerces et bâtiments d’enseignement représentent 65 % des surfaces chauffées du secteur.
Répartition du parc tertiaire par branche d’activité
Branche |
Millions de mètres carrés |
% de la surface |
Bureaux |
235 |
24 % |
Hôtellerie-restauration |
67 |
7 % |
Commerce |
216 |
22 % |
Enseignement |
191 |
19 % |
Habitat communautaire |
73 |
7 % |
Santé |
118 |
12 % |
Sport, Loisirs, Culture |
74 |
7 % |
Transport |
26 |
3 % |
Total général |
999 |
100 % |
Source : CEREN
Au sein de cet ensemble, le parc immobilier de l’État représente en 2020 97 millions de mètres carrés de surface utile brute (SUB). Il est occupé à hauteur de 59 millions de mètres carrés par les services de l’État, 30 millions de mètres carrés par ses opérateurs, le reliquat étant occupé par des tiers (établissements publics non opérateurs, collectivités territoriales). Sur ce volume, l’État et ses opérateurs sont propriétaires de 75 % des surfaces occupées.
Source : Document de politique transversale « Politique immobilière de l’État » - Projet de loi de finances pour 2021
Le parc immobilier tertiaire des collectivités territoriales est estimé quant à lui à 280 millions de mètres carrés, soit environ 27 % du parc tertiaire national. Les bâtiments scolaires (écoles, collèges, lycées) correspondent à environ 150 millions de mètres carrés.
La consommation énergétique du parc tertiaire, corrigée des variations climatiques, s’élevait à 24 millions de tonnes équivalents pétrole en 2019, soit environ 17 % de la consommation nationale ([12]). L’électricité est la principale énergie utilisée (à hauteur de 49 %), suivie par le gaz (31 %). Les activités commerciales et les bureaux représentent à eux seuls près de la moitié de la consommation d’énergie du secteur. La consommation énergétique dans le secteur tertiaire a progressé de manière quasi continue durant les années 2000 pour tendre à se stabiliser depuis le début de la décennie (hormis le creux de 2016). Cette stabilité s’explique probablement à la fois par des efforts de maîtrise des consommations dans les bâtiments existants et par une amélioration des performances thermiques des bâtiments neufs.
Par ailleurs, le secteur tertiaire représentait 9 % des émissions de gaz à effet de serre en 2019 (28,25 millions de tonnes CO2 équivalent pétrole).
Source : SDES, Bilan énergétique de la France
Champ : jusqu’à l’année 2010 incluse, le périmètre géographique est la France métropolitaine. À partir de 2011, il inclut en outre les cinq départements d’outre-mer.
Le chauffage est de loin le principal usage énergétique dans ce secteur, mais sa part a diminué ces dernières années, passant de 55 % en 1990 à 46 % en 2016 ([13]). Cette baisse du poids du chauffage s’explique notamment par l’amélioration de l’efficacité énergétique des systèmes de chauffage et des performances thermiques des bâtiments, mais également par le développement de nouveaux usages plus énergivores tels que les équipements bureautiques, de communication et de climatisation : la consommation d’électricité pour les usages spécifiques et de climatisation représentait 35 % de la consommation finale du secteur tertiaire en 2016 contre 25 % en 1990.
Selon les réponses apportées par la direction de l’immobilier de l’État (DIE) à la mission d’information, la consommation en énergie finale du parc immobilier de l’État est estimée à environ 6 TWh annuels. En revanche, il n’était pas encore possible de disposer d’une répartition des bâtiments publics par classe énergétique.
Si les informations collectées par la mission d’information permettent de disposer d’une vision synthétique du parc tertiaire et de sa consommation énergétique, néanmoins perfectible, une difficulté majeure se pose néanmoins pour apprécier l’effort de rénovation thermique qui devra être mené pour ce secteur.
En effet, la mission d’information n’a pu disposer de données permettant d’aboutir à une répartition des bâtiments tertiaires en fonction de leur classe énergétique et de leur surface, à l’instar de ce qui existe pour le secteur résidentiel. En l’absence d’un tel outil, il demeure difficile d’évaluer la qualité thermique du parc dans son ensemble, et par conséquent d’évaluer correctement les efforts à fournir au regard des obligations de rénovation qui découleront de la législation (cf. infra).
Il serait donc souhaitable que l’Observatoire national de la rénovation énergétique se penche au plus tôt sur les spécificités thermiques du parc tertiaire, afin que les pouvoirs publics disposent d’une vision claire du chantier national à mener pour ce secteur.
II. Des objectifs ambitieux fixés par la loi mais des outils de mesure qui demeurent très insuffisants
Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, plusieurs objectifs ambitieux portant sur la rénovation du parc de bâtiments ont été inscrits dans la loi et fait l’objet de déclinaisons réglementaires. Mais les résultats observés semblent constamment en deçà des attentes. De plus, pour effectuer un contrôle efficace, complet et régulier des rénovations, il est nécessaire de disposer de définitions solides et d’un outil de suivi adapté. Malheureusement, celui-ci fait encore défaut.
A. Un cadre législatif et réglementaire qui fixe déjà des objectifs très ambitieux
La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi LTECV », définit un objectif national de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % entre 2012 et 2050, et un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % entre 1990 et 2030, puis la division par quatre de ces émissions entre 1990 et 2050.
Dans le prolongement de l’accord de Paris de 2015, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite « loi Énergie-climat », a modifié l’objectif de réduction des émissions de GES issu de la LTECV en prévoyant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 grâce à la division de ces émissions par un facteur supérieur à six.
Les objectifs actuels de rénovation thermique des bâtiments doivent permettre au secteur résidentiel de se conformer à ces objectifs nationaux définis pour lutter contre le changement climatique.
1. Les objectifs de rénovation thermique du parc de logements
Alors que la première réglementation relative à la performance thermique des constructions neuves date de 1974, une réglementation équivalente pour la rénovation thermique des bâtiments existants n’a été prise qu’en 2007. Il faut attendre la loi dite « Grenelle I » en 2009 pour que soit formulé un premier objectif de réduction de la consommation énergétique du parc immobilier d’au moins 38 % entre 2009 et 2020. Le Plan Bâtiment Grenelle de 2012 a ensuite fixé un objectif de 400 000 rénovations de logements par an et la réalisation de travaux sur les 800 000 logements sociaux les plus énergivores avant 2020. Il a également prévu la rénovation des bâtiments de l’État et de ses établissements publics afin de réduire leur consommation énergétique de 40 % et leurs émissions de gaz à effet de serre de 50 % dans un délai de huit ans.
Ce premier plan a été suivi en 2013 par le Plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) qui a fixé de nouveaux objectifs : la rénovation de 180 000 logements privés par an à compter de 2013, puis 500 000 logements par an à partir de 2017 (380 000 logements privés et 120 000 logements sociaux).
La LTECV de 2015 a inscrit pour la première fois un objectif qualitatif pour la rénovation des bâtiments, en prévoyant que l’ensemble des bâtiments soit rénové en fonction des normes « bâtiment basse consommation » (BBC) ou assimilées à l’horizon 2050. La déclinaison sectorielle de ces objectifs, les trajectoires à suivre et les moyens à mettre en œuvre sont renvoyés aux documents de planification créés par la même loi, à savoir la SNBC et la PPE.
Concernant le parc résidentiel, la LTECV inscrit les objectifs du PREH dans le code de l’énergie en prévoyant la rénovation, à partir de 2017, de 500 000 logements par an, dont la moitié doit être occupée par des ménages modestes, notamment pour faire baisser in fine la précarité énergétique de 15 %. Les premières SNBC et PPE ont précisé le périmètre de cet objectif en indiquant qu’il devait s’agir de rénovations lourdes pour réussir à réduire la consommation énergétique du parc résidentiel et tertiaire de 15 % en 2023, puis de 28 % en 2030.
Dans le cadre du Plan Climat de 2017, le Plan de rénovation énergétique des bâtiments (PREB), co-animé par votre rapporteure, a précisé en 2018 que sur les 500 000 rénovations annuelles, 250 000 devaient concerner les ménages modestes (100 000 logements sociaux et 150 000 « passoires thermiques »), le reste correspondant à des rénovations effectuées par les propriétaires dans le reste du parc.
Qu’est-ce que le label BBC ?
Le label « bâtiment basse consommation » est la dénomination commune du label créé originellement pour les bâtiments neufs par l’arrêté du 3 mai 2007 relatif au contenu et aux conditions d’attribution du label « haute performance énergétique ».
Concernant les logements neufs, le label prévoit une consommation conventionnelle maximale en énergie primaire de 50 kWh par mètre carré et par an, modulée selon la zone climatique d’implantation. Ce niveau de consommation correspond à l’étiquette A du diagnostic de performance énergétique (DPE). Le label prévoit également un cahier des charges concernant différents points techniques à respecter dans l’élaboration du bâtiment.
Adapté à la rénovation des bâtiments existants par un arrêté en date du 29 septembre 2009, le label BBC Rénovation (ou BBC 2009) cible une consommation conventionnelle maximale en énergie primaire de 80 kWh par mètre carré et par an pour cette catégorie, ce qui correspond à l’étiquette énergétique B du DPE actuel.
Les critères du label BBC pourraient toutefois évoluer prochainement, notamment pour les adapter au futur DPE. Dans un document stratégique ([14]), le Gouvernement a présenté deux évolutions possibles :
– la consommation conventionnelle du niveau BBC serait fixée à 60 kWhef/m²/an ;
– une notion d’« équivalent rénovation » serait créée. Elle correspondrait à une économie d’énergie permettant de passer d’une consommation énergétique moyenne établie pour le parc de logements à l’étiquette B du futur DPE (soit un saut d’environ 65 kWhef/m²/an), ce qui n’est pas sans poser problème car la consommation moyenne en question fait l’objet de mesures contradictoires.
Concernant la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les bâtiments résidentiels et tertiaires, la nouvelle SNBC adoptée en avril 2020 fait le constat d’un retard sur les objectifs de court terme. Elle a adapté en conséquence l’objectif intermédiaire de réduction des émissions (-49 % en 2030 par rapport à 2015) ainsi que le rythme annuel de rénovations à effectuer pour s’aligner sur la trajectoire pluriannuelle de réduction des gaz à effet de serre, tout en précisant le niveau de performance attendu. L’objectif est désormais d’effectuer 370 000 rénovations complètes équivalentes ([15]) à partir de 2022 sur les 500 000 prévues par la loi, puis 700 000 rénovations complètes équivalentes sur la période 2030-2050. Ces objectifs correspondront dans les faits à un plus grand nombre de gestes de rénovation, attendu qu’une rénovation complète équivalente peut être atteinte par étapes.
Objectifs impactant la rénovation thermique des bâtiments
Source : Plan de rénovation énergétique des bâtiments, 2018.
2. Les objectifs de réduction de la consommation d’énergie du parc immobilier tertiaire
Dans le prolongement de la loi dite « Grenelle II » qui avait créé un dispositif visant à rendre obligatoire, dans certains bâtiments existants à usage tertiaire, la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique, l’article 175 de la loi « ELAN » a précisé les objectifs de réduction de la consommation énergétique finale que devait remplir le parc tertiaire : ‑40 % en 2030, ‑50 % en 2040 et ‑60 % en 2050 par rapport à une consommation de référence ne pouvant être antérieure à 2010 ([16]).
Ces objectifs sont entrés en vigueur à la publication du décret du 23 juillet 2019, dit « décret tertiaire », qui a notamment précisé qu’étaient concernés les bâtiments ou parties de bâtiment existants d’une surface de plus 1 000 mètres carrés. Ce seuil devrait couvrir la majeure partie des constructions tertiaires, sauf exceptions spécifiques. À titre d’exemple, 95 % des surfaces des bâtiments publics dédiés à l’enseignement supérieur sont soumises au décret tertiaire.
L’ADEME est chargée de gérer la plateforme informatique de l’Observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire (OPERAT) qui permet aux propriétaires et locataires de ces bâtiments de fournir avant le 30 septembre 2021 les premiers éléments servant à vérifier l’atteinte des objectifs légaux. En retour, l’ADEME délivrera une attestation annuelle « Éco-énergie tertiaire ».
Pour le parc tertiaire, le scénario de référence de la SNBC de 2020 vise un objectif de 3 % du parc tertiaire rénové en moyenne par an entre 2015 et 2050. À court terme, le PREB fixe comme objectif de réduire la consommation énergétique du parc des bâtiments de l’État de 15 % à l’horizon 2022 par rapport à 2010.
3. L’éradication des « passoires thermiques » inscrite dans la loi
La LTECV a défini pour la première fois un objectif de rénovation spécifique pour les logements les plus énergivores : avant 2025, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kWh par mètre carré et par an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation thermique. Le PREB a rappelé que cet objectif devait conduire à 150 000 rénovations annuelles de passoires thermiques, afin d’éradiquer en dix ans 1,5 million de logements de ce type habités par des ménages propriétaires à faibles revenus.
La loi « Énergie-climat » a introduit de premières obligations graduelles relatives à cette partie du parc résidentiel afin de contraindre notamment les propriétaires bailleurs à rénover leurs biens locatifs.
Elle interdit ainsi depuis le 1er janvier 2021 l’augmentation du loyer d’une passoire thermique entre deux baux si celle-ci n’est pas rénovée. Des mesures de publicité mettant l’accent sur la mauvaise performance énergétique du logement sont prévues dès 2022 pour les biens mis en vente ou en location. Enfin, la loi pose également le principe d’un plafond maximal de consommation d’énergie primaire de 330 kWh par mètre carré et par an pour les logements à l’horizon 2028, ce qui revient à interdire la location de ce type de logement à cette date.
Autre évolution notable, la loi « Énergie-climat » a introduit un critère de performance énergétique à respecter pour satisfaire les critères de décence d’un logement prévus par loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Ce critère sera applicable à partir de 2023. Le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 relatif au critère de performance énergétique dans la définition du logement décent en France métropolitaine a précisé qu’un logement serait énergétiquement indécent lorsque la consommation énergétique serait supérieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an. (cf. troisième partie).
B. Le nombre de rénovations est décevant et le suivi des politiques menées est LACUNAIRE
Force est de constater que le nombre de rénovations menées à terme chaque année ne respecte pas les objectifs nationaux. De plus, les chiffrages actuellement disponibles ne permettent pas d’avoir une idée précise du type de rénovations effectuées et de leur efficacité énergétique. Ces difficultés montrent que malgré des données en grand nombre, certes difficilement utilisables, les outils de suivi et de contrôle sont insuffisants et doivent être urgemment réformés.
1. Des résultats décevants qui doivent être précisés
Lors de ses travaux, la mission d’information a pu constater à maintes reprises la difficulté de disposer de données fiables quant aux résultats obtenus par l’ensemble des dispositifs d’aides existantes à la rénovation thermique.
En effet, contrairement aux travaux de construction de bâtiment, il n’existe pas de déclaration administrative obligatoire pour une grande partie des opérations de rénovation, ce qui empêche la mise en place d’une comptabilisation systématique. Il n’est pas non plus possible d’agréger les opérations de rénovation financées par les différents dispositifs d’aide publique, car chaque aide recouvre des réalités différentes et peut par ailleurs concerner un même bâtiment. De plus, un bâtiment peut faire l’objet de plusieurs rénovations échelonnées dans le temps sans que celles-ci puissent être facilement référencées, ce qui empêche une appréciation qualitative et quantitative des rénovations. Enfin, toutes les rénovations effectuées sans aide publique ne font l’objet d’aucun référencement et ne peuvent être estimées qu’à l’aune d’enquêtes qui sont pour le moment réalisées de manière ponctuelle.
Tous ces éléments rendent donc difficile la détermination d’un nombre global de rénovations complètes équivalentes permettant de vérifier si l’objectif de 500 000 rénovations fixé dans la loi est atteint. Toutefois, en étudiant les chiffres définitifs disponibles pour 2019, il est possible de dire que cet objectif n’est pour l’heure pas atteint.
Concernant les 250 000 logements occupés par des ménages modestes, l’objectif n’est pas atteint en 2019. L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) indique ainsi avoir financé la rénovation de 40 895 logements en 2019 ([17]) dans le cadre du programme Habiter mieux Sérénité qui sert à réaliser des projets de rénovation ambitieux pour les ménages modestes. L’Observatoire de la production locative rattaché à l’Union sociale pour l’habitat a, pour sa part, chiffré à 162 503 le nombre de logements sociaux ayant fait l’objet d’une rénovation (cf. deuxième partie). Il est toutefois difficile d’indiquer si les logements rénovés ont atteint la meilleure performance énergétique possible. Ainsi, seuls un peu moins de 104 000 logements sociaux auraient fait l’objet d’un changement d’étiquette énergétique à l’issue des travaux effectués en 2019. De plus, toujours concernant les logements sociaux, les travaux peuvent être cumulés sur plusieurs années avant d’atteindre le stade d’une rénovation complète performante. Il faut donc considérer que le chiffre d’environ 145 000 rénovations performantes qui pourrait être retenu pour l’ANAH et le parc social doit être minoré dans les faits.
Concernant la seconde moitié de l’objectif qui concerne les propriétaires de logements moins dégradés, il n’est pas possible de parvenir à une estimation fiable. Ainsi, le dispositif du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), encore en vigueur en 2019, ne permet pas de déterminer un nombre fiable de rénovations performantes. Si 911 000 ménages ont bénéficié du crédit en 2019 ([18]), ce chiffre ne permet absolument pas de déterminer une équivalence en termes de rénovations complètes, le CITE finançant des gestes épars de rénovation. Comme il finance le même type de gestes, le nouveau dispositif MaPrimeRénov’ risque de poser le même type de problèmes quant à l’analyse des résultats obtenus. Pour mémoire, 141 143 logements ont été rénovés dans le cadre de cette prime en 2020, chiffre à partir duquel on ne peut en l’état déduire un nombre de rénovations complètes équivalentes.
Il est toutefois possible de chercher quelques estimations dans des études portant sur les années précédentes. L’enquête de l’ADEME « Observatoire permanent de l’amélioration énergétique du logement » (OPEN) de 2015 parvient ainsi à un chiffre de 288 000 rénovations performantes pour la période 2012-2014 (au moins deux gestes performants effectués sur le bâti). Il n’est cependant pas possible d’extrapoler ce chiffre sur les années qui suivent, et s’il concerne bien un cumul de gestes efficaces, les paramètres de l’étude ne permettent pas de considérer qu’il s’agit bien de rénovations complètes au sens de la SNBC.
L’enquête TREMI a montré que seuls 5 % des projets de rénovation réalisés entre 2014 et 2016, soit environ 260 000 maisons concernées, ont eu un impact important sur la consommation d’énergie, c’est-à-dire un saut d’au moins deux classes énergétiques du DPE. Ce gain énergétique ne signifie pas pour autant que les logements ont atteint un niveau BBC : une passoire thermique étiquetée G qui gagne deux classes n’atteint que le niveau D, soit le niveau moyen des logements en France.
Source : Enquête TREMI.
L’atteinte du niveau BBC pour l’ensemble du parc résidentiel en 2050 semble donc impossible si le rythme et la qualité actuels des rénovations restent inchangés, ce que corrobore le Haut Conseil pour le climat dans son rapport publié en novembre 2020 ([19]) : seules 0,2 % des rénovations sur le résidentiel et le tertiaire seraient des rénovations globales satisfaisant aux critères BBC sur la période 2012-2016.
En l’état, il est donc légitimement permis de douter que les objectifs revalorisés de la SNBC de 2020 pourront être respectés.
De manière plus générale, votre rapporteure regrette que les termes employés pour qualifier les rénovations répondent à des définitions fluctuantes en fonction des études et des décomptes effectués. Ainsi, le terme de « rénovation » recouvre souvent deux réalités bien différentes : il correspond parfois à un geste isolé de rénovation, mais dans d’autres cas il sert à désigner un projet de rénovation comprenant plusieurs travaux, voire la reprise de l’ensemble des aspects thermiques d’un bâtiment. Ce double emploi ne facilite pas le bon suivi des politiques mises en œuvre. Pareillement, les termes qualifiant la rénovation, tels que « performant », « complète », « partielle » ou « globale » ne recouvrent pas toujours les mêmes réalités.
Il conviendrait donc de fixer de manière durable les définitions de ces différents termes, par exemple en s’appuyant sur le travail déjà effectué par l’ADEME en la matière ([20]). Ainsi, il serait pertinent de considérer :
– qu’une rénovation est complète lorsque tous les postes de travaux de la rénovation énergétique ([21]) sont traités en une seule fois ;
– qu’une rénovation partielle correspond à un geste de rénovation ne s’inscrivant pas dans un parcours visant l’atteinte d’un bâtiment rénové performant ;
– qu’une rénovation performante correspond à un ensemble de travaux permettant l’atteinte a minima du niveau BBC rénovation ou équivalent et qui prend en compte les interfaces (jonctions physiques entre les postes de travaux) et les interactions entre ces différents travaux (dimensionnement des systèmes notamment) ;
– qu’une rénovation globale correspond à une rénovation complète et performante.
2. L’outil de suivi de la politique de rénovation thermique est encore à inventer
Les quelques chiffres présentés ci-dessus illustrent la difficulté pour la puissance publique comme pour les acteurs de la filière de disposer de données fiables sur l’état du parc et sur les résultats des politiques de rénovation. Ce constat avait déjà été fait en 2017 dans un rapport conjoint du Commissariat général au développement durable (CGDD) et de l’Inspection générale des finances (IGF), qui regrettait l’absence d’une base statistique complète des rénovations énergétiques réellement menées dans le parc de logements ainsi que l’absence de réflexion sur les modalités d’évaluation des dispositifs publics d’aide à la rénovation ([22]). Lors de son audition par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2021, Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, a également regretté l’absence de données fiables sur le sujet et déclaré s’employer à corriger ce problème en accélérant la création d’un outil de suivi adapté.
Si les données sur les bâtiments ne manquent pas, leur exploitation s’avère complexe, car elles sont loin de présenter une qualité et une fiabilité équivalentes, ce qui amène à effectuer des travaux de redressement et d’analyse préalable des données très conséquents. En effet, les méthodologies divergent entre les différents outils et les champs d’étude ne sont pas toujours comparables, ce qui rend difficile l’interopérabilité entre les données. Le rythme d’actualisation des enquêtes diffère également d’un outil à l’autre. Enfin, aucun élément ne permet de centraliser les données recueillies et de les rattacher à un bâtiment identifié, ce qui permettrait pourtant de créer une base de données du bâtiment permettant d’évaluer correctement l’évolution de la qualité thermique des constructions résidentielles et tertiaires.
Le rattachement à un lot d’habitations identifié – par exemple par la référence cadastrale – serait pourtant pertinent pour suivre un certain nombre de données, à commencer par les consommations énergétiques dont disposent les énergéticiens, le diagnostic de performance énergétique ou les travaux ayant fait l’objet d’aides publiques. Mais une telle collecte suppose un cadre réglementaire adapté et pose des problèmes de méthode importants.
Quelques exemples permettent d’illustrer la variété des études et structures consacrées à la rénovation thermique.
Concernant la connaissance générale du bâtiment, l’enquête nationale logement de l’INSEE sert de référence pour appréhender le parc résidentiel et disposer de données approfondies sur sa répartition, son occupation ou encore son état général. Elle est réalisée en principe tous les quatre à six ans, mais la dernière édition date de 2013 et la nouvelle campagne a seulement été ouverte en 2020.
Plusieurs enquêtes dédiées à la rénovation thermique des bâtiments se sont succédé : l’enquête du CGDD « Performance de l’habitat, équipements, besoins et usages de l’énergie » (Phébus) de 2013, ou encore les enquêtes OPEN puis TREMI de l’ADEME précédemment citées. Mais leurs résultats ne peuvent être comparés, car le périmètre étudié, les méthodologies employées et les critères d’évaluation retenus diffèrent d’une enquête à l’autre.
Citons également l’existence d’organes dédiés à des volets spécifiques de la rénovation thermique en France :
– l’Observatoire des diagnostics de performance énergétique (DPE), géré par l’ADEME ;
– l’Observatoire des contrats de performance énergétique (CPE), lancé par l’ADEME, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) en 2016, afin de faciliter la diffusion des CPE et de capitaliser les expériences acquises sur les premiers projets ;
– l’Observatoire BBC créé en 2018 par l’ADEME et Effinergie ;
– l’Observatoire national de la précarité énergétique, créé en mars 2011 par la loi dite « Grenelle II ». S’il n’est pas directement consacré à la rénovation thermique, son objet d’étude est directement concerné par ce chantier national, la rénovation étant l’un des outils majeurs de la réduction de la précarité énergétique.
Là encore, ces organes peuvent disposer d’éléments d’information pertinents, mais l’interopérabilité des données est loin d’être une formalité.
Afin de pallier un manque criant de suivi des données, le Plan de rénovation énergétique des bâtiments avait proposé la création d’un Observatoire national de la rénovation énergétique, afin de disposer d’un outil de suivi et de contrôle de l’état thermique du parc immobilier.
Annoncé en 2019, cet observatoire a débuté ses travaux en 2020. Pour assurer sa mission d’information et de suivi, un immense travail de compilation, vérification, redressement et consolidation des données disponibles a commencé à être effectué. Ce travail repose à l’heure actuelle sur des moyens extrêmement réduits au regard de la complexité des opérations à mener. Lors de leur audition, les représentants de l’observatoire ont indiqué que seuls deux emplois étaient dévolus à cette tâche.
À ce jour, l’observatoire n’a publié qu’une seule étude portant sur la répartition du parc de logements par classe de consommation énergétique ([23]). Ses résultats, qui modifient considérablement la vision du parc, montrent, s’il en était besoin, que les données actuelles appellent un travail très approfondi et constant.
Votre rapporteure considère que les moyens de l’Observatoire national de la rénovation énergétique sont nettement insuffisants par rapport à la complexité et à l’importance de la tâche. La fiabilité des données pour la rénovation thermique est une condition indispensable pour arrêter des politiques publiques s’inscrivant dans le temps long. Il faut donc augmenter les capacités d’analyse de l’observatoire afin de disposer au plus tôt d’indicateurs utiles et diversifiés.
Cependant, l’observatoire ne sera pas en mesure de fournir des analyses fiables tant que les données mises à sa disposition ne seront pas harmonisées et reliées de manière pérenne aux bâtiments ou aux logements. À ce titre, il sera intéressant d’utiliser le déploiement du futur diagnostic de performance énergétique opposable pour opérer des changements méthodologiques dans le suivi du parc. En effet, les critères retenus pour le nouveau DPE pourraient utilement servir de « maître étalon » pour les futures analyses du parc de bâtiments. De plus, la réactualisation régulière des DPE permettrait de bénéficier d’une vision fiable du parc qui intégrerait de fait les évolutions qualitatives obtenues grâce aux travaux de rénovation.
Proposition n° 2 : Doter l’Observatoire national de la rénovation énergétique des moyens humains et financiers nécessaires au démarrage réel de son activité à l’occasion de la prochaine loi de finances et développer des partenariats avec d’autres acteurs innovants travaillant sur le sujet de la rénovation thermique.
Mais au-delà des améliorations matérielles et techniques de l’observatoire, il serait utile de créer un organisme chargé à la fois de l’analyse des données et du contrôle de la performance énergétique des bâtiments.
En effet, l’analyse de la réduction des consommations énergétiques des bâtiments est encore très majoritairement effectuée à partir de chiffres découlant de calculs conventionnels des économies obtenues grâce aux rénovations. En l’absence de contrôles massifs sur le terrain, notamment à l’issue des travaux, qui permettraient de créer une base de données fiable des économies d’énergie réelles obtenues, les modèles statistiques sont encore trop soumis aux aléas des données récoltées grâce aux différents dispositifs (DPE, ANAH, données prochainement récoltées grâce à OPERAT, etc.).
Un organisme chargé du contrôle, en sus du travail d’analyse des données, pourrait donc effectuer des enquêtes sur le terrain, mais aussi récolter les résultats de contrôles effectués par d’autres acteurs (audits énergétiques, contrôles des chantiers financés par l’ANAH ou les CEE, contrôles effectués dans le cadre du label « Reconnu garant de l’environnement »), voire missionner ces mêmes acteurs pour effectuer des contrôles dans le cadre de leurs missions.
Les données récoltées et les analyses effectuées pourraient ensuite être mises à la disposition du public, mais également des collectivités territoriales qui manquent souvent d’informations pour adapter leurs actions sur leur territoire (cf. deuxième partie).
À terme, un tel organisme pourrait d’ailleurs étendre son champ d’action à la construction neuve, afin de disposer d’une connaissance globale de la qualité thermique du parc de logements français.
Proposition n° 3 : Créer un Observatoire de la performance énergétique des bâtiments qui reprendrait les missions d’analyse de l’Observatoire national de la rénovation énergétique et les missions de collecte des données d’autres opérateurs (DPE, OPERAT, etc.). Cet observatoire remplirait également une mission de contrôle des chantiers de rénovation puis, à terme, de contrôle des performances énergétiques des constructions neuves.
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Deuxième partie : Les freins persistants au déploiement d’une politique ambitieuse de rénovation
I. le pilotage de la rénovation énergétique doit impérativement être amélioré
L’atteinte des objectifs ambitieux de la rénovation dépend non seulement des moyens techniques, humains et financiers pour réaliser les travaux nécessaires, mais également d’un pilotage efficace de ces mêmes moyens. Si les impulsions de l’État en la matière sont déterminantes, elles doivent néanmoins prendre en compte les différents acteurs de ce grand chantier national pour en assurer le succès à terme.
A. De nombreux acteurs interviennent à tous les échelons publics
L’une des complexités du pilotage de la rénovation découle du grand nombre d’acteurs intervenant sur ce sujet, à tous les échelons territoriaux, et souvent selon des priorités différentes.
L’État détermine les orientations de la politique nationale de rénovation thermique, énergétique et environnementale des bâtiments dans le cadre des orientations de la SNBC et de la PPE, au moyen des leviers réglementaires et financiers dont il dispose.
Ce pilotage national bénéficie à l’heure actuelle de la réunion de la thématique énergétique et de celle du logement sous l’autorité du seul ministère de la transition écologique, ce qui est particulièrement bienvenu compte tenu de l’imbrication évidente de ces deux axes en la matière. La création en 2019 d’une mission de coordination interministérielle dédiée à la rénovation énergétique des bâtiments préfigurait déjà la prise de conscience d’un besoin de concertation et d’intégration supplémentaire en la matière. Il faut donc souhaiter que cette situation soit pérenne pour engager une action politique au profit de la rénovation énergétique sur le long terme.
Outre la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), le ministère de la transition écologique bénéficie de l’expertise de plusieurs organes pour l’aider dans la conduite de la politique de la rénovation thermique. Il s’agit notamment du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) qui assure une mission de conseil et qui peut, en tant qu’autorité environnementale, émettre des avis, rendus publics, sur les évaluations des impacts des grands projets et programmes sur l’environnement, notamment les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Le Commissariat général au développement durable (CGDD) est, quant à lui, une structure transversale du ministère qui participe à la bonne information du Gouvernement, notamment par les analyses et les études statistiques qu’il produit. L’Observatoire de la rénovation énergétique des bâtiments dépend de ce commissariat.
Les missions du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) sont d’un autre ordre. Du fait de sa composition collégiale ([24]), il est actuellement le seul dispositif transversal permettant un dialogue entre tous les acteurs à propos des projets législatifs et réglementaires portant sur la construction et le bâtiment. S’il est principalement chargé d’émettre des avis sur ces projets, il peut également se saisir en parallèle de tout sujet relevant du domaine de la construction pour formuler des propositions au ministre chargé de la construction.
L’intervention publique au niveau national est principalement assurée par trois établissements publics :
– l’Agence de la transition écologique (ADEME), qui effectue de nombreuses expertises sur la rénovation thermique, participe au développement de l’innovation par le biais d’appels à projets et améliore la diffusion des bonnes pratiques auprès des particuliers, des collectivités et des entreprises, notamment grâce au réseau de points d’information qu’elle a développé avec des collectivités ou des associations. L’agence gère à ce titre le dispositif « FAIRE » qui rassemble, sous cette marque ombrelle, les points d’information du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) ainsi que le programme SARE (service d’accompagnement à la rénovation énergétique), qui finance ce service public par le biais du dispositif des certificats d’économies d’énergie ;
– l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), qui met en œuvre les deux programmes nationaux d’aide financière à la rénovation thermique pour les particuliers, MaPrimeRénov’ et Habiter Mieux. Elle participe également aux programmes territorialisés d’amélioration de l’habitat qui sont conjointement élaborés avec les collectivités territoriales et l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) ;
– le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui a pour mission de garantir la qualité et la sécurité du bâtiment en axant son travail sur la recherche et l’expertise, l’évaluation, la certification, les essais et la diffusion des connaissances pour le bâtiment. Il délivre notamment les autorisations de mise sur le marché des produits de construction. Son expertise permet notamment de mieux déterminer les normes réglementaires s’appliquant aux gestes de rénovation.
Enfin, plusieurs acteurs participent également à l’animation de la politique de rénovation thermique au niveau national. On peut notamment citer l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) et le réseau d’agences départementales (ADIL), qui assurent un rôle d’information sur la rénovation non négligeable (21 % des consultations effectuées auprès des ADIL concernent ce thème), ou encore l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) qui effectue un travail d’analyse sur la rénovation thermique comme moyen de lutter contre la précarité énergétique.
Il faut ici souligner que le rôle du Parlement est assez limité dans la détermination de la politique de rénovation thermique des bâtiments, celle-ci relevant essentiellement du pouvoir réglementaire. Le Parlement fixe les grandes orientations concernant les objectifs ou les obligations de rénovation, mais il n’est que peu associé à la mise en place des modalités concrètes d’accompagnement, à l’exemple du dispositif MaPrimeRénov’, dont seul le principe de création a été voté par les parlementaires. Les décisions portant sur l’emploi des crédits dédiés à la rénovation échappent aussi en partie à son appréciation. En dehors des crédits budgétaires, les parlementaires ne sont pas associés à la détermination des objectifs fixés dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie, alors que ce dernier représente une part de plus en plus conséquente des aides financières pour la rénovation thermique.
La région est actuellement le chef de file sur la question de la rénovation thermique en raison de ses missions de planification qui intègrent les questions de l’habitat, de la maîtrise de l’énergie et de la lutte contre le changement climatique. Ce travail donne lieu à l’établissement du SRADDET et de documents opératoires, comme le programme régional pour l’efficacité énergétique (PREE). La région peut également intervenir sur l’amélioration de la rénovation thermique par le biais de ses missions pour la formation et le développement économique. Enfin, la loi LTECV a renforcé le rôle de la région en lui attribuant la mission de coordination des réseaux d’information et d’accompagnement des publics sur son territoire. Elle travaille à ce titre avec les intercommunalités qui en assurent l’animation concrète sur leurs territoires respectifs.
Si leurs compétences en matière énergétique sont désormais résiduelles, les départements ont néanmoins la charge de la résorption de la précarité énergétique. Ils interviennent à ce titre dans le domaine de la rénovation thermique par le biais de programmes d’information ou d’aides spécifiques. Des contrats locaux d’engagement contre la précarité énergétique (CLE) peuvent aussi être signés avec l’ANAH pour une délégation de compétence concernant la distribution des aides à la rénovation énergétique. Enfin, les départements peuvent être associés à l’élaboration des conventions d’opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH) ou de programme d’intérêt général (PIG) par les communes et leurs groupements.
Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) jouent un rôle d’animation important sur leur territoire. Ils intègrent la rénovation thermique au sein des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) dont ils ont la responsabilité. Ces plans comprennent la détermination d’objectifs et la mise en place de solutions pratiques. Les EPCI participent en conséquence à l’élaboration des OPAH et des PIG concernant les logements de leur territoire. Ils assurent également l’implantation et la gestion sur leur territoire du service public de la performance énergétique (SPPEH) qui fournit information et accompagnement sur la rénovation thermique à différents publics.
Enfin, les communes peuvent également intervenir sur le volet de la rénovation thermique de plusieurs manières. Elles peuvent mettre en place et financer un service d’information, travailler sur les questions de précarité énergétique et participer aux OPAH et aux PIG. Elles peuvent également, via le plan local d’urbanisme, mettre en place des dispositions incitant à la rénovation thermique sur leur territoire.
B. Une planification complexe et encore peu coordonnée
Les objectifs de rénovation thermique des bâtiments découlant des objectifs de la SNBC et de la PPE font l’objet d’une déclinaison dans différents documents de planification relevant de différentes strates territoriales. Or, ces éléments de planification sont en l’état relativement difficiles à articuler, ce qui pose à la fois le problème de la cohérence des politiques de rénovation au niveau territorial et le problème de l’atteinte des objectifs.
La déclinaison des objectifs nationaux s’effectue tout d’abord par le biais des SRADDET ([25]) élaborés par les conseils régionaux, qui doivent prendre en compte les objectifs attachés à la rénovation thermique des bâtiments formulés au niveau national. Les SRADDET s’imposent ensuite aux différents documents locaux tels que les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) des EPCI ou les plans locaux d’urbanisme, dans un rapport de prise en compte, alors que ces mêmes documents doivent être compatibles avec les règles générales du SRADDET.
Cette déclinaison doit théoriquement assurer la diffusion des orientations nationales dans les différents échelons territoriaux du pays, mais les relations plus ou moins contraignantes entre les différents documents de planification ne suffisent pas actuellement à garantir que la somme des objectifs territoriaux corresponde in fine aux objectifs nationaux. Ce constat est d’ailleurs effectué dans la SNBC adoptée en mars 2020, qui propose en conséquence de mettre en place un groupe de travail en lien avec les élus des collectivités territoriales pour « définir une méthode et des indicateurs de suivi permettant de mieux territorialiser les objectifs des stratégies nationales et d’assurer le suivi partagé de leur déploiement » ([26]). Si ce travail collaboratif parvient effectivement à définir une méthodologie uniforme, il faudra toutefois garantir sa mise en œuvre par les régions, puis par les échelons inférieurs que sont les EPCI et les communes. De plus, il faut souligner qu’une telle méthode ne pourra être mise en application qu’au moment de la révision des SRADDET actuels, alors que ceux-ci étaient déjà adoptés ou en voie d’adoption au moment de la publication de la nouvelle SNBC.
Une illustration de ces difficultés peut être proposée avec les objectifs chiffrés de rénovation fixés dans la SNBC. À ce stade, il n’est pas possible d’indiquer si la contribution de chaque SRADDET permet en théorie d’atteindre ces objectifs, notamment parce que les schémas ne donnent pas forcément lieu à ce type de chiffrage ou bien privilégient un taux de rénovation s’appliquant à un stock de logements spécifiques. Or, ce choix stratégique n’est pas incompatible avec la SNBC.
L’articulation entre les SRADDET et les PCAET, qui relèvent des EPCI, présente le même type de problématiques et mériterait également d’être améliorée afin de coordonner efficacement les acteurs locaux.
Votre rapporteure estime que les échelons territoriaux sont des lieux privilégiés pour l’élaboration des objectifs de rénovation. Les collectivités sont les plus à même d’identifier les difficultés spécifiques du bâti au regard de son histoire, de son état, mais aussi des contraintes géographiques et climatiques spécifiques à chaque territoire. Il est donc important de fiabiliser le contenu des SRADDET pour s’assurer de leur pertinence au regard des objectifs nationaux.
Ce point n’est pas encore évident, comme tend à le montrer une étude récemment publiée par négaWatt ([27]), dans laquelle les objectifs énergétiques régionaux agrégés présentent des divergences par rapport à la trajectoire nationale d’ici à 2050.
Dans un mouvement inverse, il serait également pertinent de faire remonter les informations contenues dans les SRADDET pour mieux anticiper la quantification des efforts dans les futurs schémas nationaux. Ce type d’interrelations doit également être envisagé pour l’articulation entre les SRADDET et les PCAET afin de garantir la soutenabilité des objectifs de rénovation de chaque planification.
Proposition n° 4 : Améliorer la qualité des documents de planification de la transition énergétique (SRADDET, PCAET) en uniformisant les méthodes de conception et leur présentation ainsi qu’en fixant des objectifs de rénovation basés sur des données pouvant être agrégées (par exemple, le nombre et le type de logement rénovés). Ces améliorations doivent faciliter la coordination ascendante et descendante entre les politiques nationales et territoriales.
C. Les processus d’élaboration des décisions nationales appellent une meilleure concertation
Les décisions relatives au logement, à la construction et, corrélativement, à la rénovation thermique sont encore particulièrement centralisées. Dans ce contexte, la concertation entre l’État et les parties prenantes doit être améliorée afin de déterminer des stratégies de rénovation soutenables et partagées. Or les lieux pour installer durablement cette concertation manquent.
Concernant la concertation sur les décisions réglementaires portant sur la rénovation thermique, le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) porte d’ores et déjà les avis des acteurs concernés. Des évolutions devraient néanmoins être envisagées pour améliorer l’efficacité du dialogue entre l’État et ce conseil.
La représentativité des collectivités territoriales au sein du conseil devrait être améliorée. À l’heure actuelle, seuls les communes et les EPCI sont représentés, ce qui laisse de côté les départements et surtout les régions, alors que ces dernières sont pourtant chefs de file sur les questions de transition énergétique et doivent assurer le bon déploiement du SPPEH.
Une coopération entre le CSCEE, le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) et le Conseil national de l’habitat (CNH) pourrait également être envisagée. Le CSE émet en effet des avis sur des aspects de la politique énergétique qui ont des effets concrets sur la rénovation (mix énergétique, besoins en termes de consommation, certificats d’économies d’énergie). Le CNH est pour sa part concerné au premier chef par les réglementations qui auront un impact sur le parc des logements, comme les obligations de rénovation ou l’interdiction de la location des « passoires thermiques ». Une telle coopération pourrait prendre la forme d’une formation collégiale spécifique afin d’émettre des recommandations sur des questions touchant à la rénovation thermique.
De manière plus générale, votre rapporteure appelle à une meilleure sollicitation du CSCEE sur le volet de la qualité des rénovations thermiques.
Toutefois, votre rapporteure estime que les pistes d’amélioration envisagées ci-dessus ne lèvent pas une difficulté spécifique au CSCEE. En effet, ce conseil est saisi des réglementations concernant la construction neuve et la rénovation. Or, c’est surtout le sujet de la construction neuve qui est abordé dans ses travaux, et les représentants siégeant au sein du conseil sont majoritairement concernés par ce thème et non par celui de la rénovation. Il y a donc un biais dans l’approche qui peut être préjudiciable à une bonne concertation sur les questions relatives à la rénovation thermique.
Concernant le volet opérationnel de la rénovation, une meilleure concertation devrait également s’engager entre les différents acteurs. Conscient de ce besoin, le comité chargé d’établir le Plan de rénovation énergétique des bâtiments de 2018 avait prévu la mise en place d’un comité de pilotage (COPREB) pour surveiller le bon déroulement du plan et mobiliser les différents acteurs ([28]).
Or le COPREB n’a jamais débuté ses travaux, ce qui est particulièrement regrettable alors que la plupart des acteurs auditionnés par la mission signalent le besoin d’échanger pour fluidifier la coopération, diffuser les initiatives les plus pertinentes ou bien émettre des alertes lorsque des problèmes pratiques sont identifiés.
À titre d’exemple, l’Association des maires de France (AMF) et l’Assemblée des communautés de France (AdCF) ont regretté le manque d’échanges sur la distribution des aides publiques d’État (MaPrimeRénov’), alors qu’il s’agit d’un indicateur utile aux collectivités pour identifier les besoins sur leur territoire. Le COPREB aurait utilement permis les échanges sur cette question entre l’ANAH et les collectivités.
À l’heure actuelle, les échanges vertueux s’effectuent par le biais d’autres instances, comme le Plan Bâtiment durable (PBD). Cette structure permet la diffusion de quantité d’informations et de bonnes pratiques auprès des collectivités et des acteurs privés du logement ou de la construction. Mais la participation au PBD se fait sur la base du volontariat et il ne s’agit que d’un lieu de concertation.
Votre rapporteure souhaite donc qu’un comité de pilotage soit enfin mis en place et se réunisse régulièrement pour assurer le pilotage volontaire et concerté qui fait actuellement défaut.
Enfin, votre rapporteure estime que le pilotage du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) doit lui aussi être amélioré.
Ce pilotage est actuellement assuré par la DGEC qui s’appuie sur le Pôle national des certificats d’économies d’énergie (PNCEE) pour l’instruction des demandes, la délivrance des CEE et les opérations de contrôle. La création et l’actualisation des fiches des opérations CEE font l’objet d’un travail préparatoire effectué par l’Association technique énergie environnement (ATEE). Ce travail est soumis à l’expertise de l’ADEME et de la DGEC. Les fiches sont ensuite soumises au Conseil supérieur de l’énergie avant d’être définitivement arrêtées par la DGEC.
Depuis 2015, un comité de pilotage réunit autour de l’État, représenté par la DGEC, des représentants de la filière énergétique (porteurs d’obligations et délégataires) et des associations de consommateurs. Les décisions finales reviennent néanmoins à la seule DGEC.
Ce système est manifestement perfectible. On peut d’abord regretter que les représentants des filières du bâtiment et les acteurs de la politique de rénovation (collectivités, opérateurs nationaux comme l’ANAH) ne soient pas associés au processus décisionnel, alors qu’ils sont à la fois les moteurs et la cheville ouvrière des actions grâce auxquelles les certificats sont délivrés. Cela pourrait être aisément corrigé, par exemple par la création d’un comité réunissant les producteurs des CEE, à côté du comité de pilotage qui réunit les financeurs.
Dans le même ordre d’idées, on peut s’interroger sur le fait que les fiches CEE soient soumises au CSE, mais ne soient pas présentées au CSCEE qui dispose pourtant de l’expertise pour évaluer leur pertinence et leur faisabilité technique par les acteurs de la construction. Un avis des professionnels de la rénovation thermique sur les fiches CEE devrait être requis.
Ces deux propositions ne doivent pas nécessairement faire craindre aux énergéticiens une inflation de l’effort financier qui leur est demandé – ce que l’absence des « bénéficiaires » des CEE autour de la table n’a d’ailleurs pas empêché jusqu’à présent. Au contraire, la présence des maîtres d’œuvre de la rénovation permettrait de mieux calibrer les objectifs, car ils disposent d’une bonne connaissance des gisements d’économies d’énergie réellement exploitables dans le bâtiment à moyen terme.
Enfin, le suivi du dispositif des CEE pourrait être amélioré grâce à la création d’un observatoire des certificats d’économies d’énergie. Indépendant, il pourrait produire régulièrement des indicateurs et des analyses sur le volume et la qualité des actions financées grâce aux CEE. Il pourrait également émettre des recommandations sur les orientations du dispositif. Le Parlement serait partie prenante de cet observatoire, afin d’être parfaitement éclairé sur un dispositif important pour le financement des politiques qu’il vote – l’activité dégagée par les CEE représente environ 4 milliards d’euros par an ([29]).
Au regard de ces quelques remarques, votre rapporteure estime qu’il serait in fine judicieux de créer un acteur spécifique pour la rénovation thermique qui puisse répondre aux besoins de pilotage, de concertation et de coordination identifiés dans les domaines réglementaire et opérationnel ainsi que pour le dispositif des CEE.
La création d’un Conseil supérieur de la rénovation énergétique répondrait à ces besoins. Il pourrait en conséquence :
– réunir tous les représentants des acteurs de la rénovation (ministères concernés, représentants de l’ADEME et de l’ANAH, professionnels du bâtiment, énergéticiens, collectivités, associations travaillant sur le logement, la rénovation et l’énergie, personnalités qualifiées, parlementaires) ;
– rendre des avis circonstanciés sur les projets de réglementation concernant la rénovation énergétique, hors la présence des représentants des ministères ;
– assurer une mission de pilotage des politiques de rénovation et favoriser un dialogue constructif entre les différents acteurs, remplaçant ainsi le COPREB prévu par le Plan de rénovation énergétique des bâtiments de 2018 ;
– être associé à la gestion du dispositif des CEE. Il porterait la parole des producteurs de CEE au sein du comité de pilotage actuel du dispositif. Il pourrait également émettre un avis sur les objectifs envisagés pour chaque période de production de CEE ainsi que sur les évolutions des fiches de travaux. Enfin, il pourrait jouer le rôle d’observateur du dispositif afin de fournir un avis sur les résultats obtenus et émettre des recommandations.
Par ailleurs ce Conseil supérieur travaillerait avec l’Observatoire national de la rénovation énergétique, puis avec l’Observatoire de la performance énergétique des bâtiments (cf. supra) pour disposer de données fiables sur lesquelles fonder son travail.
Proposition n° 5 : Créer un Conseil supérieur de la rénovation énergétique chargé d’émettre des avis sur les réglementations le concernant, de piloter les différentes politiques liées à la rénovation énergétique et de participer à la gestion et à l’analyse du dispositif des CEE.
D. une nécessaire stabilisation des orientations et des dispositifs sur le long terme
Une critique récurrente entendue lors des travaux de la mission d’information concerne l’instabilité chronique des orientations et des outils de la rénovation thermique, doublée d’une absence de vision à long terme, alors que les objectifs sont constamment renforcés.
Ainsi, depuis leur création en 2005, les dispositifs d’aide publique à la rénovation ([30]) ont évolué presque chaque année, à l’occasion des lois de finances. Le dispositif des CEE n’est pas en reste, puisque ce sont des dizaines d’arrêtés qui sont pris chaque année pour adapter le périmètre des opérations de rénovation financées par ce système. Ces changements récurrents sont source d’instabilité pour les maîtres d’ouvrage comme pour les maîtres d’œuvre et conduisent à une adaptation difficile de l’offre et de la demande.
Les professionnels doivent en effet s’approprier les modalités techniques et financières de chaque modification réglementaire pour les intégrer à leur offre commerciale, adapter les outils de production et répondre ainsi aux évolutions du marché. La rentabilité à court ou moyen terme des investissements engagés pour ces adaptations est de plus incertaine, car de nouveaux changements peuvent avoir lieu à brève échéance. Cette difficulté est encore plus marquée pour les très petites entreprises artisanales, qui constituent l’essentiel des acteurs de la rénovation.
De leur côté, les particuliers doivent également s’approprier les nouvelles aides proposées pour en tirer parti. Les changements réguliers peuvent créer des effets d’aubaine dans le lancement de travaux, mais également susciter de l’attentisme ou mettre à mal des projets en cours de réalisation, notamment au sein des copropriétés dont les rénovations s’étalent sur plusieurs années.
Outre les évolutions des incitations financières aux travaux, le secteur du bâtiment doit également prendre en compte les modifications régulières des réglementations thermiques pour les bâtiments.
Ainsi, concernant la construction neuve, la réglementation thermique des bâtiments de 2005 a été modifiée en 2012, et doit être prochainement remplacée en 2021 par une nouvelle réglementation environnementale, dite RE 2020, à l’issue de la phase de concertation encore en cours. Dans le domaine des bâtiments existants, la réglementation thermique applicable, dite « RT Existant », a été définie par arrêté en 2007, puis modifiée en 2017. Elle a aussi été modifiée pour prendre en compte les travaux de rénovation embarqués prévus par la loi LTECV.
Si ces modifications sont absolument nécessaires, elles doivent cependant s’inscrire dans une stratégie de long terme, afin d’offrir une visibilité aux acteurs du bâtiment et d’éviter les changements d’orientation qui ruineraient les efforts de rénovation déjà entrepris. Or, cela est loin d’être toujours le cas.
La place du gaz dans la future RE 2020 est un bon exemple de ces évolutions contradictoires. En effet, la nouvelle réglementation devrait interdire le gaz dans les constructions neuves. Ce changement répond à la volonté de décarboner les bâtiments futurs tout au long de leur cycle de vie, ce qui est une approche de long terme bienvenue. Mais il disqualifie en même temps les travaux de rénovation thermique d’une bonne partie du parc de logements existants, qui avaient justement eu recours à cette énergie jusque-là favorisée dans la réglementation. Si les critères retenus pour le futur DPE conduisent à fortement détériorer la classification des bâtiments chauffés au gaz, de nouveaux travaux de rénovation devront alors être engagés à court terme. Or, à l’échelle d’un bâtiment, ce type de travaux demande un amortissement important et ne peut être engagé chaque décennie.
Cet exemple montre la nécessité de fixer les orientations stratégiques de la rénovation thermique le plus en amont possible et de prévoir des périodes d’adaptation aux nouvelles normes pour éviter des effets contre-productifs.
Votre rapporteure estime donc que les évolutions réglementaires portant sur les aides publiques à la rénovation et sur les normes de construction doivent faire l’objet d’un calendrier stratégique de réactualisation. Un tel calendrier offrirait aux parties prenantes de la rénovation la visibilité dont elles ont besoin grâce à la fixation d’échéances de réactualisation régulières. Il devrait également prévoir des phases d’adaptation, afin d’éviter les soubresauts préjudiciables au bon fonctionnement de la filière. Enfin, pour être pleinement efficace, ce calendrier devrait s’articuler avec la révision périodique des objectifs de la SNBC ainsi qu’avec une programmation pluriannuelle du financement de la rénovation thermique (cf. infra).
II. Des incitations financières qui doivent être clarifiées et mieux articuléEs
De nombreux outils ont été progressivement mis en place pour soutenir financièrement les maîtres d’ouvrage – particuliers ou entreprises – dans leurs projets de rénovation. Mais leur instabilité, leur accumulation et, parfois, leur inadéquation avec les besoins du public ont rendu leur utilisation à la fois complexe et peu opérante. De plus, si les ménages disposent d’une offre conséquente et qui mériterait d’être mieux coordonnée, les entreprises ont peu de solutions à leur disposition.
A. Les aides aux particuliers : un panorama diversifié mais complexe à utiliser
Les aides disponibles pour les particuliers concernent des publics différents de par leur typologie (propriétaires occupants, propriétaires bailleurs, copropriétaires, locataires dans certains cas), leurs capacités financières, voire leur statut socio-professionnel (salariés du secteur privé, retraités). Elles sont nombreuses, présentent des degrés d’éligibilité différents et ont chacune leur propre mode opératoire. Cette situation entraîne un manque de clarté manifeste pour le public et complexifie l’élaboration du financement des projets de rénovation.
1. Un panel d’aides diversifié…
Compte tenu de la grande diversité des aides actuellement proposées, il semble opportun d’effectuer une description synthétique de chaque dispositif afin de mieux comprendre les difficultés découlant de cette offre pour les particuliers.
Le principal outil étatique pour subventionner les travaux de rénovation thermique des particuliers est désormais la prime de transition énergétique, créée par la loi de finances pour 2020 et popularisée sous la dénomination « MaPrimeRénov’ ». Elle a remplacé le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et le programme Habiter Mieux Agilité de l’ANAH.
Après une période intermédiaire en 2020, le dispositif MaPrimeRénov’ est devenu universel en 2021. Il s’adresse désormais à l’ensemble des ménages propriétaires occupants, mais également aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés.
MaPrimeRénov’ permet le versement rapide d’une aide à l’issue des travaux de rénovation. Les primes sont calculées sur la base de montants forfaitaires qui diffèrent selon les revenus du ménage. Ce système permet d’augmenter les aides dédiées aux ménages aux revenus modestes et très modestes, à la différence du CITE qui concentrait l’aide publique vers les ménages aux revenus plus élevés.
MaPrimeRénov’ est cumulable avec le dispositif des CEE et de l’éco-PTZ, les aides d’Action Logement ou encore les aides mises en place par les collectivités territoriales.
Le dispositif est encore majoritairement orienté vers la rénovation par gestes. Le système de primes permet en effet de fournir une aide pour des travaux uniques, ponctuels, qui ne s’inscrivent pas nécessairement dans un projet global ou, à tout le moins, performant et structuré par étapes. Des aides ont toutefois été prévues pour inciter les ménages à rehausser la performance de leur projet de rénovation :
– la création d’une prime à la rénovation globale pour les ménages aux revenus intermédiaires et supérieurs ([31]) doit permettre d’orienter les travaux vers ce type de projets, le montant de cette prime devant être supérieur au cumul de gestes de rénovation. L’obtention de cette prime est toutefois conditionnée au fait que les travaux engagés permettent un gain énergétique de plus de 55 %. Elle a enfin vocation à s’articuler avec le coup de pouce « Rénovation performante d’une maison individuelle » qui a été établi sur les mêmes exigences de gain énergétique ;
– la création d’un bonus pour la sortie du logement du statut de « passoire thermique » et d’un bonus pour l’atteinte du niveau BBC ;
– enfin, la création d’une prime permettant de financer un audit énergétique, dont les résultats doivent conduire les ménages à mieux élaborer leur projet de rénovation en agissant sur plusieurs éléments du bâtiment.
Ces aides sont appréciables, mais leur montant n’est que très modérément incitatif au regard des investissements très importants que les rénovations globales nécessitent. On peut donc se demander si ces aides atteindront leur but en l’état. Elles pourraient être revalorisées en réaffectant par exemple les crédits prévus pour les primes versées au titre de l’isolation thermique des fenêtres. Ces dernières sont en effet trop faibles pour être réellement incitatives auprès des ménages aux revenus intermédiaires ou élevés. Ce budget serait donc mieux employé pour des projets de rénovation plus ambitieux ou, a minima, pour revaloriser les travaux sur les fenêtres des ménages très modestes (MaPrimeRénov’ bleu).
Le cumul des primes versées par logement et par ménage sur une période de cinq ans est limité à 20 000 euros. Les équipements installés doivent également satisfaire un certain nombre d’exigences en termes d’efficacité énergétique qui sont définies par arrêté ministériel. Les travaux doivent enfin concerner une habitation construite depuis deux ans et être réalisés par une entreprise disposant du label « reconnu garant de l’environnement » (RGE).
Il faut enfin signaler que propriétaires occupants et propriétaires bailleurs disposent du même type d’aide et sont soumis aux mêmes conditions de revenus. Les bailleurs peuvent bénéficier d’aides pour trois biens locatifs au maximum. Cette ouverture du dispositif aux bailleurs répond à la nécessité de les inciter à rénover leurs biens, alors que le parc locatif privé concentre une grande proportion de « passoires thermiques » et de ménages en situation de précarité énergétique.
141 143 logements rénovés ont bénéficié de MaPrimeRénov’ en 2020, pour un montant de 570 millions d’euros. L’objectif annoncé par le Gouvernement est d’atteindre les 500 000 primes en 2021.
b. Le programme Habiter Mieux Sérénité
Le programme Habiter Mieux Sérénité, géré par l’ANAH, est destiné aux ménages modestes et très modestes s’engageant dans un projet de rénovation performant. 41 241 logements ont été rénovés grâce au dispositif en 2020. Il est le seul à réserver ses subventions aux logements construits depuis plus de quinze ans. Pour être financés, les travaux engagés doivent permettre un gain énergétique d’au moins 35 % grâce à la réalisation de plusieurs gestes – en moyenne trois à quatre par logement ([32]). Le plafond maximal des travaux éligible est fixé à 30 000 euros et la prise en charge par l’ANAH peut couvrir jusqu’à 50 % du montant total hors taxe des travaux pour les ménages très modestes, soit 15 000 euros au maximum, et 35 % pour les ménages modestes, soit 10 500 euros.
Cette aide est complétée par une prime correspondant au maximum à 10 % du montant total hors taxe des travaux, soit 3 000 euros pour les ménages très modestes et 2 000 euros pour les ménages modestes. Enfin, deux primes cumulables de 1 500 euros sont également versées sous conditions : l’une pour la sortie du statut de « passoire thermique » (atteinte de l’étiquette E ou plus), l’autre pour l’atteinte de l’étiquette énergétique A ou B.
Il faut enfin noter que l’assistance à maîtrise d’ouvrage est obligatoire pour les bénéficiaires, afin de garantir l’efficacité des travaux engagés. Elle est également subventionnée.
Le programme Habiter Mieux n’est cumulable ni avec MaPrimeRénov’ ni avec les aides CEE pour les propriétaires ([33]).
Certaines associations auditionnées ont alerté la mission d’information sur la difficulté que posait le relèvement du niveau d’exigence du gain énergétique de 25 à 35 % en 2021. Le dispositif peut laisser de côté les projets de ménages très modestes qui ne pourront plus financer des projets certes moins exigeants, mais en adéquation avec leur capacité financière. Ces ménages ne pourraient alors plus bénéficier que d’autres aides, comme MaPrimeRénov’, qui sont moins avantageuses financièrement.
D’après les audits énergétiques réalisés, le gain énergétique moyen résultant des travaux est de l’ordre de 40 %. Concernant les sauts d’étiquette énergétique, les résultats observés par l’ANAH montrent cependant que l’amélioration de la classification énergétique n’est pas garantie pour chaque rénovation. 50 % des rénovations effectuées concernent un parc classé F ou G. La sortie du statut de « passoire thermique » n’est donc pas toujours possible malgré un gain énergétique considérable ; les ressources propres des ménages ne permettent pas non plus de pouvoir opérer tous les travaux qui permettraient l’amélioration de l’étiquette énergétique. Ces éléments posent donc la question de la soutenabilité de l’objectif BBC dans le cadre de ce dispositif. Néanmoins, l’ANAH indique que 9 % des logements atteignent une étiquette A ou B à l’issue des travaux financés par Habiter Mieux.
Compléments importants des aides publiques, les primes attachées aux CEE sont attribuées aux particuliers sans conditions de ressources. Des bonifications de prime existant toutefois pour les ménages précaires, la vérification des revenus des ménages est une étape préalable pour la détermination du montant de la prime attribuée.
Le versement de cette dernière est conditionné à l’engagement du client de fournir le CEE à l’entreprise qui finance ses travaux. Les devis doivent donc être validés préalablement au lancement des travaux pour donner droit au versement de la prime CEE. Le montant des primes proposées peut varier en fonction des sociétés prestataires, ce qui est un effet naturel de la concurrence existant dans le secteur. Outre le montant des primes, leurs modalités de remise peuvent également différer : prime versée à l’issue des travaux, remise sur devis ou encore bons d’achat auprès d’énergéticiens. Ces différences sont autant d’éléments qui complexifient l’appropriation du dispositif par les ménages. L’ADEME, dans son rapport consacré au dispositif des CEE, indique sur ce point que près d’un ménage sur deux n’a pas sciemment choisi le mode de valorisation de ses CEE.
L’essentiel des primes CEE sollicitées par les particuliers correspond à des travaux portant sur l’isolation du bâtiment (combles, planchers, parois opaques) ou le remplacement du système de chauffage. Les « coups de pouce » ont particulièrement valorisé les primes pour ces travaux, conduisant parfois à une surchauffe dans le rythme des chantiers et à l’apparition d’opérations de qualité médiocre, voire frauduleuses, qui ont des effets contre-productifs (détérioration des logements, contrecoups médiatiques, perte de confiance dans le dispositif).
d. Les aides des collectivités territoriales
Les collectivités territoriales et les EPCI ont la possibilité, dans le cadre de leur politique en faveur de l’habitat, de proposer des aides aux propriétaires occupants. Elles sont essentiellement servies sous deux formes :
– une prime versée aux propriétaires occupants dont les critères d’attribution, tout comme les modalités de mise en œuvre ou de contrôle, sont déterminés par chaque collectivité ;
– la réduction, pouvant aller de 50 % à 100 %, de la part de taxe foncière sur les propriétés bâties de la collectivité initiatrice de l’aide. Définie à l’article 1383-0 B du code général des impôts, cette réduction est encadrée : d’une durée de trois ans, elle ne permet de viser que des logements construits avant le 1er janvier 1989, pour lesquels le coût des travaux de rénovation thermique est au moins de 10 000 euros.
La diffusion de l’information pour ces aides est assurée par les collectivités, mais aussi par les différentes plateformes d’information, notamment celles du réseau FAIRE ou de l’ANIL. L’information sur ces aides est également relayée par les opérateurs privés.
Il n’existe pas à l’heure actuelle d’études permettant d’évaluer ces dispositifs. Le volume d’aides global n’est pas connu, tout comme le nombre et le type de ménages qui en ont bénéficié, en raison de l’absence de dispositif permettant de remonter ce type d’informations au niveau national. Même le montant des exonérations de taxe foncière n’est pas connu, car elles ne donnent pas lieu à compensation par l’État. L’information sur ces aides devrait être améliorée pour disposer d’une vision plus fine du niveau de soutien public proposé sur l’ensemble du territoire.
e. Les aides d’Action Logement
Le groupe Action Logement a mobilisé, dans le cadre de son Plan d’investissement volontaire (PIV) lancé en avril 2019, une enveloppe de 1 milliard d’euros pour la rénovation thermique à l’attention des salariés du secteur privé, propriétaires occupants ou bailleurs. 500 millions d’euros ont été originellement prévus pour la délivrance d’aides sous forme de primes aux propriétaires occupants, l’autre partie de l’enveloppe devant être consacrée à l’attribution de prêts pouvant aller jusqu’à 30 000 euros et permettant de financer le reste à charge des travaux de rénovation, ou d’autres travaux d’amélioration, au taux annuel de 1 %.
L’aide pour les propriétaires occupants peut atteindre 20 000 euros tandis que celle prévue pour les bailleurs peut aller jusqu’à 15 000 euros. L’aide vise en priorité les travaux d’isolation, mais peut aussi financer les travaux portant sur le système de chauffage et d’eau chaude sanitaire. Son attribution dépend de conditions de ressources, de l’implantation du logement dans une zone géographique spécifique (zones B2, C ou Action cœur de ville) et de la réalisation des travaux par un artisan reconnu RGE. Le recours à une assistance à maîtrise d’ouvrage est obligatoire.
Les crédits du PIV étaient prévus pour être mis en œuvre jusqu’en 2022. Mais le vif succès du dispositif pour la rénovation thermique a conduit Action Logement à suspendre en décembre 2020 la possibilité de dépôt des dossiers de demande d’aide, en raison de l’épuisement de l’enveloppe financière dédiée aux primes initialement prévue. Action Logement a indiqué qu’au 17 décembre 2020, plus de 19 500 ménages avaient été validés pour un engagement global de 328 millions d’euros et que 51 000 dossiers étaient encore en instance d’instruction. Près de 70 % des dossiers concernent des travaux d’isolation du logement, le quart restant étant consacré à des travaux sur le système de chauffage. 97 % des dossiers validés concernaient des propriétaires occupants, les 3 % restants correspondant aux propriétaires bailleurs.
Un travail de concertation avec le Gouvernement est en cours pour déterminer les possibilités de redéploiement des crédits du PIV, notamment vers les aides à la rénovation thermique.
f. Autres aides
D’autres dispositifs permettent d’aider le financement de travaux de rénovation énergétique.
Dans le cadre de leur politique d’amélioration de l’habitat et de l’autonomie des personnes âgées, les caisses de retraite peuvent financer jusqu’à 3 500 euros des travaux d’isolation thermique des résidences principales. Des conditions de ressources et de non-perception de certaines aides doivent être remplies.
Les caisses d’allocations familiales peuvent également proposer un prêt pour financer des travaux d’amélioration qui peuvent concerner l’isolation, la ventilation ou le système de chauffage. Le prêt peut atteindre 80 % du montant de dépenses prévues, dans la limite de 1 067,14 euros. Le remboursement s’effectue par retenue mensuelle sur les prestations familiales en trente-six mensualités égales à compter du sixième mois qui suit le versement du prêt. Le taux d’intérêt est de 1 %.
Enfin, d’autres initiatives privées ou associatives peuvent accompagner localement des projets de rénovation. Leur référencement au niveau national fait cependant défaut.
La rapporteure souhaiterait notamment que soit conduite une réflexion sur les incitations pour les multipropriétaires à rénover les multiples logements qu’ils possèdent, et dont certains sont loués. À cet égard, une réflexion pourrait être conduite sur l’élaboration d’un crédit d’impôt spécifique pour les ménages aisés qui effectuent des travaux de rénovation dans les logements dont ils sont propriétaires et qui sont occupés par des ménages en situation de précarité énergétique. En tout état de cause, il est important que la mission spécialisée conduite par M. Olivier Sichel, directeur général adjoint de la Caisse des dépôts et consignations, pour accélérer la rénovation des passoires thermiques, se penche sur cette question des multipropriétaires qui ne font pas l’objet d’aides spécifiques.
Proposition n° 7 : Confier à la mission spécifique sur le financement de la rénovation des passoires thermiques le soin de formuler des propositions concernant les incitations des multipropriétaires à la rénovation des logements qu’ils possèdent. Étudier pour cela l’élaboration d’un crédit d’impôt spécifique pour les ménages aisés qui effectuent des travaux de rénovation dans les logements dont ils sont propriétaires et qui sont occupés par des ménages en situation de précarité énergétique.
2. … dont l’articulation est particulièrement complexe
Cette brève présentation permet de mesurer une partie de la complexité des démarches qui attendent un ménage souhaitant financer son projet grâce à différentes aides. Il devra ainsi effectuer des démarches auprès de chaque opérateur, en ayant pris soin de vérifier qu’il remplit les différentes conditions d’éligibilité propres à chaque dispositif (revenus, localisation géographique du logement, statut socio-professionnel, etc.). Il devra disposer de devis correctement établis afin de permettre le contrôle des critères de performance des équipements. Il devra aussi vérifier si les aides demandées sont bien cumulables entre elles. Dans le cas des CEE, il devra aussi choisir les modalités de versement de la prime. En l’absence de fonds propres pour financer le reste à charge, il pourra enfin compléter son plan de financement avec l’obtention d’un prêt, en espérant que sa banque lui proposera bien un éco-prêt à taux zéro plus avantageux qu’un crédit à la consommation.
Dans ce parcours administratif, une difficulté particulière consistera à déterminer le montant exact des aides attribuées dans le cadre de MaPrimeRénov’.
En effet, le montant de la prime dépend non seulement de la catégorie du ménage et des travaux engagés, mais également du cumul des autres aides sollicitées. Une règle d’écrêtement module le montant de la prime de façon à ce que le cumul des aides – MaPrimeRénov’, CEE, aides d’Action Logement et aides spécifiques aux départements et régions d’outre-mer ([34]) – ne dépasse pas un certain taux de la dépense éligible prévue pour chaque geste. Ce taux est fixé à 90 % de la dépense éligible pour les propriétaires aux revenus très modestes, 75 % pour les propriétaires aux revenus modestes, 60 % pour les propriétaires aux revenus intermédiaires et 40 % pour les propriétaires aux revenus aisés ([35]). Ce calcul étant effectué au regard des autres aides attribuées, cela signifie que le montant de MaPrimeRénov’ correspond au différentiel entre les autres aides obtenues et le montant maximal attribuable. Il faut également noter qu’avec ce système d’écrêtement, le reste à charge d’un ménage très modeste sera au mieux de 10 % à la condition que les travaux engagés ne dépassent pas la dépense éligible.
Cette complexité propre à MaPrimeRénov’, peu connue ([36]), ne facilite pas son appropriation par le public comme par les professionnels du bâtiment. Ces derniers ne peuvent par exemple pas connaître le montant exact de la prime à laquelle leurs clients auront finalement droit. C’est une difficulté supplémentaire pour des entreprises qui souhaiteraient par exemple devenir mandataires du dispositif.
L’articulation entre les aides est donc complexe et mériterait d’être simplifiée, car le danger de laisser de côté une partie des publics est réel. Il faut veiller à la compatibilité entre les aides, afin de garantir l’optimisation de l’aide publique pour les ménages modestes et très modestes. C’est une condition déterminante pour diminuer leur reste à charge. La modification de plusieurs fiches CEE pour les rapprocher des critères d’éligibilité des autres dispositifs ou l’utilisation d’une échelle de revenus identiques pour Habiter Mieux et MaPrimeRénov’ sont des exemples de rapprochement des dispositifs. Ces efforts doivent néanmoins être poursuivis.
Par ailleurs, votre rapporteure estime que la règle d’écrêtement de MaPrimeRénov’ ne devrait pas s’appliquer pour les ménages très modestes, ce qui permettrait de réduire le reste à charge pour des particuliers qui sont parmi les plus nombreux à souffrir de la précarité énergétique. En cohérence avec l’accompagnement dont ils bénéficient dans le cadre du dispositif Habiter Mieux Sérénité, ils devraient également être accompagnés pour MaPrimeRénov’ – cet accompagnement pourrait d’ailleurs être étendu aux publics fragiles, comme les personnes âgées, qui peuvent être parfois en difficulté face à ces aides difficiles à solliciter.
Proposition n° 9 : Supprimer la règle d’écrêtement de MaPrimeRénov’ pour les ménages les plus modestes et prévoir un accompagnement pour ces derniers ainsi que pour les personnes âgées, à l’instar de ce qui existe dans le dispositif Habiter Mieux Sérénité.
B. Les aides pour les rénovations de bâtiments tertiaires privés sont réduites
Alors que les obligations de réduction de consommation énergétique visant les entreprises ont été renforcées avec la loi « ELAN » et le décret « tertiaire », les dispositifs d’aide ou d’accompagnement destinés aux entreprises pour rénover leurs bâtiments tertiaires sont relativement restreints.
L’ADEME est l’un des interlocuteurs en la matière, via des programmes ou des appels à projets permettant par exemple d’assister les entreprises dans leurs projets de performance énergétique (diagnostics, études de faisabilité, audits). Toutefois, l’essentiel des aides financières disponibles concerne les investissements industriels, notamment par le biais du « fonds chaleur » géré par l’agence. Les financements ne concernent que marginalement l’efficacité énergétique des bâtiments tertiaires, lorsque ceux-ci sont par exemple intégrés à un site industriel ou lorsqu’ils peuvent bénéficier d’une intégration à un réseau de chaleur existant. Dans le cadre de certains appels à projet, l’ADEME peut également offrir des solutions concernant les diagnostics ou les études de faisabilité de projets de rénovation, mais là encore, ce sont avant tout les sites industriels qui sont visés. Le panel d’entreprises concernées est donc faible.
Il serait néanmoins opportun que l’ADEME se serve de la plateforme OPERAT pour communiquer efficacement sur les solutions ou les dispositifs d’accompagnement s’adressant aux entreprises, notamment ceux proposés au niveau local par les collectivités territoriales ou les chambres de commerce et d’industrie.
Les aides financières offertes aux entreprises sont principalement tirées du dispositif des CEE. Un certain nombre de fiches standardisées ou de « coups de pouce » s’adressent aux entreprises, notamment pour les bâtiments tertiaires. C’est par exemple le cas du « coup de pouce Chauffage des bâtiments tertiaires », créé en mai 2020, qui permet notamment de financer le raccordement à des réseaux de chaleur ou, lorsque cela est techniquement impossible, de financer l’installation d’équipements remplaçant des installations fonctionnant au charbon ou au fioul.
L’emprunt reste donc la solution principale de financement des travaux de rénovation thermique. Lors de leur audition, les représentants de la Fédération bancaire française ont indiqué que leurs enquêtes montraient une véritable appétence des entreprises pour le sujet, qui s’inscrit souvent dans une approche globale de la transition énergétique (amélioration des bâtiments, adaptation des usages de consommation, énergies renouvelables). Les économies d’énergie représentent un enjeu financier bien identifié. Les réseaux bancaires effectuent un travail de formation de leurs conseillers pour s’adapter aux demandes des entreprises ou pour mieux les informer, notamment sur les obligations de réduction découlant du décret « tertiaire », mais cela prend du temps compte tenu du nombre de personnes à former et de la complexité du sujet.
Des réflexions sont en cours pour développer des outils financiers spécifiques, par exemple des solutions de financement de travaux identifiés à la suite d’audits ou des solutions pour développer l’autoconsommation via un crédit-bail.
Une solution peu exploitée : les contrats de performance énergétique
Le contrat de performance énergétique (CPE) est une solution encore peu exploitée pour réduire la consommation énergétique des bâtiments tertiaires. Ce contrat passé entre un maître d’ouvrage et un opérateur détermine une performance énergétique à atteindre moyennant un certain nombre de travaux ou d’actions répartis dans le temps. Ceux-ci peuvent être financièrement supportés par le maître d’ouvrage ou l’opérateur (ce dernier peut alors faire office de tiers investisseur). L’intérêt réside dans la garantie de performance attachée au contrat : si la performance n’est pas atteinte, l’opérateur doit verser une indemnité ; si au contraire elle l’est, l’opérateur bénéficie d’une prime correspondant à tout ou partie de l’économie d’énergie réalisée, et ce sur une durée prévue par le contrat. Les CPE peuvent par ailleurs permettre l’attribution de CEE.
Les CPE sont modulables : s’étalant le plus souvent sur une durée de six à dix ans, ils peuvent ne prévoir que des interventions d’amélioration et de maintenance sur les systèmes de chauffage, le remplacement desdits systèmes ou porter également sur des travaux d’isolation des bâtiments. Ils peuvent également consister en un marché global prévoyant la conception, la réalisation, l’exploitation et la maintenance (CREM) du volet énergétique d’un bâtiment. Pour être correctement suivis, les CPE nécessitent toutefois une bonne connaissance des bâtiments et des capacités de mesure de leur efficacité énergétique fiables.
Pour les collectivités, le CPE prend la forme d’un marché de partenariat (art. L.1112-1 du code de la commande publique) ou d’un marché global de performance (art. L. 2171‑3 du même code).
Les CPE sont pour le moment majoritairement utilisés par les collectivités territoriales ou les bailleurs sociaux, mais ils sont aussi ouverts aux entreprises ou aux copropriétés. Leur emploi est pourtant encore confidentiel. En 2019, l’Observatoire des contrats de performance énergétique, mis en place par l’ADEME, le CEREMA et le CSTB, n’en recensait qu’un peu moins de 300, essentiellement conclus par les collectivités, mais aussi les bailleurs sociaux (16 % des contrats).
Le prêt éco-énergie est l’un des rares outils financiers existants. Proposé par BpiFrance, il s’adresse aux microentreprises, TPE et PME financièrement saines et ayant plus de trois ans d’existence. Pour bénéficier de ce prêt participatif, pouvant aller jusqu’à 100 000 euros, l’entreprise doit s’engager dans un programme d’investissements visant à améliorer l’efficacité énergétique.
En termes d’information et d’accompagnement pour les entreprises, il faut noter que le réseau FAIRE ne met pas forcément en avant sa capacité d’accompagnement des entreprises. Pourtant de nombreux centres d’information ont intégré ce public dans leurs cibles. L’accueil des entreprises devrait donc être systématisé sur l’ensemble du réseau.
III. Les difficultés spécifiques de la rénovation thermique des logements sociaux
Au 1er janvier 2020, le parc de logements sociaux représentait 5,15 millions de logements et permettait de loger environ 10 millions de personnes. Il correspondait à 334,8 millions de mètres carrés de surface habitable. Ce parc est globalement le plus vertueux du secteur résidentiel en termes de consommation énergétique. Selon les données du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (RPLS) de 2020, 82 % du parc ont fait l’objet d’un diagnostic de performance énergétique. Environ 44 % des logements étaient classés dans les étiquettes A, B et C, tandis que les logements qualifiés de « passoires thermiques » représentaient 4 % du parc social. Ces chiffres sont quelque peu différents de ceux issus des travaux de l’Observatoire national de la rénovation énergétique. Ce dernier considère en effet que 36,6 % des logements sociaux sont classés A, B ou C et que 7,1 % sont des passoires thermiques (contre 24,6 % de logements classés A, B ou C et 16,8 % de passoires thermiques pour l’ensemble du parc résidentiel) ([37]).
La qualité thermique du parc social découle en partie de l’évolution naturelle du parc dont les programmes de construction permettent d’augmenter la part des logements les moins énergivores, mais aussi de l’engagement des bailleurs sociaux dans des programmes continus de rénovation de leur parc, dans un souci de bonne gestion patrimoniale. Il s’agit de garantir la mise aux normes progressive du parc et son amélioration en termes de qualité de vie pour préserver son attractivité et sa valorisation.
Répartition des logements sociaux par classe énergétique selon l’ancienneté du logement en 2019
Source : Le parc locatif social au 1er janvier 2020 , DATA Lab, Ministère de la transition écologique
Selon les données collectées par l’Observatoire de la production locative rattaché à l’Union sociale pour l’habitat, les organismes HLM ont effectué plus de 130 000 rénovations thermiques par an depuis 2015, avec un pic en 2018 (184 859 rénovations) coïncidant notamment avec le plein-emploi du dispositif des prêts de haut de bilan bonifiés, mis à la disposition des bailleurs sociaux par la Caisse des dépôts et consignations. Depuis la fin de ce dispositif, une baisse des rénovations a été constatée, ces dernières retombant à 136 348 en 2020. L’objectif des 100 000 logements sociaux rénovés fixés dans le plan de rénovation des bâtiments de 2018 est néanmoins constamment atteint par les bailleurs sociaux. Il faut enfin souligner que la part de « passoires thermiques » rénovées représentait un peu plus de 20 000 logements en 2020 (soit près de 15 % des rénovations effectuées).
Source : Union sociale pour l’habitat
Les nombres de logements indiqués sur ce graphique ne doivent pas être additionnés, une proportion des logements comptabilisés faisant l’objet de différentes rénovations échelonnées sur plusieurs années.
Les travaux de rénovation thermique sont principalement financés par des prêts bonifiés proposés par la Banque des territoires. Les organismes HLM ont recours à l’éco-prêt logement social (éco-PLS), dont le taux est indexé sur celui du livret A et qui est soumis à des conditions d’octroi garantissant la performance énergétique de la rénovation. Le plafond de financement par logement a été relevé en 2019, passant de 16 000 à 22 000 euros et pouvant être majoré de 2 000 euros en cas de projet permettant d’obtenir le label « haute performance énergétique » (HPE) rénovation ou le label « bâtiment basse consommation » (BBC). 43 000 logements par an en moyenne ont bénéficié de l’octroi de ce prêt sur la période 2014-2019. Il faut noter que cet éco-prêt peut être complété par un prêt à l’amélioration de l’habitat (PAM), mais aussi par des prêts versés par Action Logement. Les bailleurs sociaux font également appel, dans une moindre mesure, à des prêts auprès des organismes bancaires privés.
Si le relèvement du plafond de l’éco-PLS est bienvenu, il faut noter que cette évolution reste en deçà des besoins de financement adaptés pour une rénovation performante. Si l’éco-PLS s’aligne relativement bien avec le coût d’une rénovation de qualité moyenne (environ 35 000 euros), il répond plus difficilement aux besoins d’une rénovation de niveau BBC (45 000 euros) ou de type zéro énergie « Energiesprong » ([38]) correspondant à une étiquette A (75 000 euros) ([39]).
À ces prêts s’ajoutent un certain nombre de subventions de différentes origines. L’État peut participer à des projets dans le cadre de programmes de rénovation de l’habitat tels que ceux gérés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Les collectivités territoriales financent également les projets de rénovation des bailleurs, notamment dans le cadre des OPAH et des PIG. L’Union européenne participe aussi, pour une part non négligeable, au subventionnement de cette politique grâce au Fonds européen de développement régional (FEDER).
Les bailleurs sociaux financent également les travaux avec les fonds propres tirés de l’exploitation des logements ou encore la valorisation des CEE obtenus grâce aux travaux, qui peut représenter jusqu’à 10 000 euros par logement pour un chantier de rénovation globale. Ils ont aussi la possibilité de solliciter une contribution aux travaux d’économies d’énergie – usuellement appelée « troisième ligne de quittance » – auprès de leurs locataires, mais cette faculté est rarement utilisée. Sur ce dernier point, votre rapporteure estime qu’une évolution serait souhaitable concernant les locataires dont les revenus sont sensiblement supérieurs aux conditions de ressources permettant d’accéder au parc HLM, par exemple lorsque le revenu de référence correspond aux conditions donnant droit à la réclamation d’un surloyer. Une contribution, dont le montant serait progressif, pourrait être mise en place par les bailleurs sociaux lorsque le bâtiment où logent ces locataires fait l’objet d’une rénovation thermique, afin de compenser le bénéfice en termes de gain énergétique et de confort que la rénovation thermique permet.
Proposition n° 11 : Introduire la possibilité pour les bailleurs sociaux de réclamer une contribution solidaire au titre de l’amélioration thermique du logement aux locataires lorsque leurs revenus correspondent aux critères ouvrant droit à la perception d’un surloyer.
Les bailleurs disposent donc de plusieurs leviers pour élaborer le plan de financement de leurs travaux, mais la question de leur capacité financière n’est pas la seule problématique qu’ils doivent prendre en compte.
Lors de leur audition, les représentants de l’Union sociale pour l’habitat (USH) ont rappelé qu’en plus de la rénovation thermique, les bailleurs sociaux doivent également améliorer l’état général de leur parc en fonction d’autres objectifs tels que l’amélioration des conditions sanitaires, du cadre de vie ou encore l’autonomie des personnes âgées. Ils peuvent également avoir à planifier des restructurations lourdes lorsque le bâti est trop dégradé.
Ces différents enjeux doivent être pris en compte dans une gestion du parc se concevant sur un temps très long. Ils posent évidemment le problème de la priorisation des actions à mener. L’USH a rappelé qu’au regard du vieillissement global du parc locatif social, il était important de ne pas reporter les autres travaux d’entretien et d’amélioration au profit de la seule rénovation thermique. Les reports peuvent en effet entraîner un renchérissement du coût des travaux en raison des dégradations supplémentaires qu’ils entraînent. De plus, l’absence de travaux permettant d’améliorer le cadre de vie des habitants a une incidence sur les ressources tirées de l’exploitation des logements, si ces derniers ne peuvent plus être mis en location.
Une autre préoccupation des bailleurs sociaux concerne l’incidence des travaux de rénovation sur les charges des locataires. Ils peuvent entraîner une augmentation du coût de maintenance ou d’amortissement pour les matériels installés, ce qui peut se répercuter sur les charges malgré une baisse de la consommation énergétique. Ce phénomène a été constaté notamment dans le cas d’utilisation de réseaux de chaleur dont les coûts fixes contrebalancent les gains énergétiques. L’individualisation des frais de chauffage qui devait favoriser les économies d’énergie n’a pas non plus montré dans les faits son efficacité, voire a entraîné une augmentation des factures. Dans le cadre social spécifique du parc HLM, ces expériences montrent que tout projet d’envergure au niveau de la rénovation thermique doit être mûrement pesé pour ne pas aboutir à un appauvrissement des locataires.
Sur la question de l’efficacité énergétique, l’USH a également fait part des interrogations des acteurs du logement social à propos des nouvelles orientations stratégiques et des modifications réglementaires à venir. Les changements prévus par la SNBC et la PPE et les normes qui doivent en découler auront un impact sur les stratégies de rénovation à mener à moyen terme. Ainsi, la minoration de la place du gaz naturel dans le logement a une incidence directe sur le parc social, chauffé à 65 % par ce vecteur énergétique. Cette situation qui découle notamment de la RT 2012 pose la question de la viabilité des installations existantes en l’absence de recours à d’autres énergies adaptées aux systèmes en place, comme le biogaz.
Un autre exemple d’incertitude stratégique découle du futur classement énergétique des logements et de l’incidence du futur diagnostic de performance énergétique opposable pour le parc social. Si les modalités de calcul retenues abaissent la performance énergétique des logements HLM, les bailleurs devront réaliser des rénovations importantes, y compris sur des bâtiments déjà rénovés, afin de respecter les normes de consommation énergétique dans le futur. La future classification aura donc des conséquences extrêmement importantes sur les choix stratégiques des bailleurs en les obligeant à investir beaucoup plus dans la rénovation thermique des bâtiments, ce qui ne pourrait se faire qu’au détriment d’autres travaux structurels tout aussi importants pour la viabilité du parc.
Alors que les investissements des bailleurs sociaux sont envisagés sur un temps long en raison même de leurs modalités de financement, il y a donc une réelle difficulté pour ces derniers à adapter leur stratégie de rénovation au regard des changements de cap en cours. Une solution consisterait à élaborer une programmation pluriannuelle de la rénovation thermique du parc, afin d’échelonner les travaux et stabiliser les possibilités de financement.
Proposition n° 12 : Établir une programmation pluriannuelle de la rénovation thermique du parc de logements sociaux en concertation avec les bailleurs, afin d’échelonner les travaux et de prévoir les financements dédiés.
– Dans le cadre du financement, le plafond des prêts dédiés à la rénovation des logements sociaux sera augmenté pour maximiser les rénovations très performantes ;
– La programmation doit prévoir les modulations réglementaires nécessaires aux bailleurs sociaux pour adapter leurs différentes stratégies de rénovation à long terme.
IV. Une communication et un accompagnement encore perfectibles
Une des priorités pour la massification des rénovations est l’amélioration de l’information et de l’accompagnement des différents publics dans des projets complexes à mettre en œuvre d’un point de vue administratif, financier et technique. Si des efforts notables ont été effectués ces dernières années, il faut néanmoins poursuivre la création du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) partout sur le territoire, afin de toucher le plus grand nombre de futurs maîtres d’ouvrage.
A. L’identification des motivations et des freins à la rénovation
Les motivations conduisant les ménages à engager des travaux de rénovation thermique ne trouvent pas leur origine dans une prise de conscience environnementale. L’enquête TREMI de l’ADEME a montré que c’est avant tout le souci d’amélioration du confort puis, dans une moindre mesure, la volonté de réduire la facture énergétique et la valorisation de son patrimoine qui sont les principaux moteurs du passage à l’acte. Outre ce constat, l’enquête a également montré que l’élément déclencheur relevait souvent d’une opportunité de chantier, qu’elle soit provoquée par une installation en panne, d’autres travaux de rénovation ou la possibilité d’un financement externe. Enfin, l’incitation à engager des travaux provient encore majoritairement de l’entourage des ménages ou de professionnels (artisans, énergéticiens, autres entreprises), ce qui pose la question de la qualité et de l’impartialité des conseils et incitations fournis.