N° 3871

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 février 2021.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION
sur la rénovation thermique des bâtiments

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ([1])
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Vincent DESCOEUR,
Président,

ET

Mme Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT,
Rapporteure,
Députés.

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La mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments est composée de : MM. Guy Bricout, Jean-Louis Bricout, Mme Danielle Brulebois, MM. Jean-Charles Colas-Roy, Paul-André Colombani, M. Vincent Descoeur, Jean-Luc Fugit, Mmes Florence Lasserre, Marjolaine Meynier-Millefert, M. Loïc Prud’homme, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, MM. Vincent Thiébaut, Hubert Wulfranc et Jean-Marc Zulesi.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos de M. Vincent Descoeur, président de la mission d’information

INTRODUCTION

Première partie : La rénovation thermique des bâtiments : des objectifs ambitieux encore loin d’être atteints

I. LA RÉNOVATION THERMIQUE doit devenir un des piliers de la politique économique, environnementale et sociale des prochaines années

A. Les bénéfices environnementaux, économiques et sociaux DE la RÉNOVATION thermique

1. Les bénéfices environnementaux

2. Les bénéfices économiques

3. Les bénéfices sociaux

B. Les besoins en rénovation du parc immobilier

1. État des lieux du parc résidentiel

2. État des lieux du parc tertiaire

II. Des objectifs ambitieux fixés par la loi mais des outils de mesure qui demeurent très insuffisants

A. Un cadre législatif et réglementaire qui fixe déjà des objectifs très ambitieux

1. Les objectifs de rénovation thermique du parc de logements

2. Les objectifs de réduction de la consommation d’énergie du parc immobilier tertiaire

3. L’éradication des « passoires thermiques » inscrite dans la loi

B. Le nombre de rénovations est décevant et le suivi des politiques menées est LACUNAIRE

1. Des résultats décevants qui doivent être précisés

2. L’outil de suivi de la politique de rénovation thermique est encore à inventer

Deuxième partie : Les freins persistants au déploiement d’une politique ambitieuse de rénovation

I. le pilotage de la rénovation énergétique doit impérativement être amélioré

A. De nombreux acteurs interviennent à tous les échelons publics

1. L’échelon national

2. Les échelons territoriaux

B. Une planification complexe et encore peu coordonnée

C. Les processus d’élaboration des décisions nationales appellent une meilleure concertation

D. une nécessaire stabilisation des orientations et des dispositifs sur le long terme

II. Des incitations financières qui doivent être clarifiées et mieux articuléEs

A. Les aides aux particuliers : un panorama diversifié mais complexe à utiliser

1. Un panel d’aides diversifié…

a. MaPrimeRénov’

b. Le programme Habiter Mieux Sérénité

c. Les primes CEE

d. Les aides des collectivités territoriales

e. Les aides d’Action Logement

f. Autres aides

2. … dont l’articulation est particulièrement complexe

B. Les aides pour les rénovations de bâtiments tertiaires privés sont réduites

III. Les difficultés spécifiques de la rénovation thermique des logements sociaux

IV. Une communication et un accompagnement encore perfectibles

A. L’identification des motivations et des freins à la rénovation

B. Le périmètre du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) doit être consolidé

1. L’assistance administrative et financière

2. L’accompagnement technique et la question de l’assistance à maîtrise d’ouvrage

C. Le déploiement du SPPEH doit être finalisé

D. Le conseil et l’accompagnement des collectivités

V. Les contraintes et difficultÉs structurelles du cÔtÉ de l’offre de rÉnovation

A. L’absence d’un grand marché structuré de la rénovation

B. Une nécessité d’investir massivement dans la formation

1. La question de la formation initiale

2. La question de la formation continue

C. Du diagnostic au contrôle des travaux : des avancées à consolider

1. Renforcer le diagnostic de performance énergétique pour des évaluations vraiment performantes

2. Les critères sur lesquels se fonde le DPE

3. L’opposabilité du DPE et le contrôle des travaux

D. La nécessité d’une approche globale de la question énergétique pour les bâtiments

1. Réaffirmer l’objectif central de procéder à des rénovations globales

2. Inscrire la rénovation énergétique des bâtiments dans une stratégie énergétique globale

Troisième partie : les leviers d’amÉlioration financiers et rÉglementaires pour dÉvelopper une vÉritable politique de rÉnovation des bÂtiments

I. Questionner l’opportunité d’une traduction concrète des propositions de la Convention citoyenne pour le climat et Élargir l’accès aux dispositifs d’aide

A. Dans quelles conditions faut-il rendre obligatoire la rénovation globale des logements ?

B. Interdire la location de passoires énergétiques et renforcer le décret « décence »

C. Permettre aux locataires de mener des travaux de rénovation et de bénéficier des aides

II. Se doter d’une stratégie financière et budgétaire adéquate

A. Les besoins de financement pour les logements et les bâtiments tertiaires privés

1. Quels besoins financiers dans les années à venir ?

2. Un investissement public actuellement en deçà des attentes

B. Le financement de la rénovation thermique des bâtiments publics est encore opaque

1. L’investissement de l’État pour la rénovation de son parc est difficilement analysable

2. L’État se dote progressivement d’outils pour piloter la rénovation de ses bâtiments

3. Le financement de la rénovation thermique au sein des collectivités territoriales

C. Le plan de relance, levier financier pour accentuer la dynamique de rénovation

1. Le plan et la rénovation des bâtiments publics

2. L’abondement du budget de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH)

3. Les crédits alloués à la rénovation des logements sociaux et aux entreprises

D. Une programmation pluriannuelle pour la rénovation énergétique des bâtiments semble nécessaire

E. Le dispositif des CEE : un outil extra-budgétaire de plus en plus sollicité

1. Un dispositif faisant face à des difficultés structurelles

2. L’efficacité énergétique du dispositif s’érode

3. Quelques pistes d’amélioration du dispositif

F. Renforcer les dispositifs financiers en faveur des particuliers pour lisser au maximum le coût des travaux

1. Développer un mécanisme dual de subventions et de prêts permettant de couvrir l’intégralité des travaux des ménages modestes

2. Renforcer l’éco-PTZ et interroger le rôle joué par les banques

3. Repenser la place des solutions de tiers-financement

4. Faut-il instaurer une avance des fonds remboursable lors de la mutation du bien ?

G. Améliorer l’accompagnement financier et technique des copropriétés

III. Encourager l’innovation pour la rénovation thermique

A. Les freins structurels à la recherche et au développement

1. L’investissement est encore faible

2. Les structures publiques de la recherche sont peu tournées vers la filière du bâtiment

B. Les freins administratifs et réglementaires

1. Des difficultés procédurales ne sont toujours pas résolues

2. Les évolutions réglementaires sont source de crispations pour la recherche et développement

C. Les aides à la rénovation ne favorisent pas nécessairement les produits innovants

Propositions de la mission d’information

EXAMEN du rapport en commission

ANNEXES

Plan de rénovation énergétique des bâtiments (2018) : quelle mise en œuvre ?

Liste des personnes auditionnées

Liste des acteurs ayant transmis des CONTRIBUTIONS ÉCRITES


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   Avant-propos de M. Vincent Descoeur, président de la mission d’information

La rénovation thermique des bâtiments est un enjeu fort à la croisée des préoccupations environnementales (réduction des gaz à effet de serre et lutte contre le dérèglement climatique), mais aussi de pouvoir d’achat (réduction de la facture énergétique), d’économie (emploi et activité des entreprises du bâtiment), de santé et de qualité de vie. 

Un constat s’impose pourtant au terme des travaux de notre mission : celui d’une inadéquation des moyens, notoirement insuffisants pour atteindre les objectifs très ambitieux qui ont été fixés dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, et ceci malgré les efforts consentis par le plan de relance. Constat également d’une absence d’outils de suivi de cette politique et d’outils d’évaluation de l’efficacité énergétique des travaux engagés comme de leurs effets sur le recul de la précarité énergétique qui, malheureusement, s’accroît. On peut regretter à ce titre que ces objectifs aient été fixés sans véritable étude d’impact préalable et sans tenir compte d’un principe de réalité qui se rappelle à nous à l’heure du premier bilan que dresse ce rapport.

Le rythme des rénovations est trop lent, constat partagé qui s’explique par la mobilisation de moyens insuffisants pour susciter l’adhésion et l’intérêt de nos concitoyens ; l’illisibilité des dispositifs d’aide aggravée par leur instabilité dans le temps et la complexité administrative qui les caractérise ; l’absence enfin d’interlocuteurs clairement identifiés pour accompagner les projets de manière globale et sécuriser les investissements des maîtres d’ouvrage, particuliers, entreprises ou collectivités, pour garantir de fait leur efficacité.

Sans aucun doute, il faudrait privilégier les rénovations thermiques globales mais cette ambition se heurte à l’écueil du reste à charge, encore trop élevé pour une grande majorité de ménages. Le recours au crédit, fût-il à taux zéro, est difficile voire impossible pour nombre de nos concitoyens aux revenus modestes. Plus globalement, si l’on ne parvient pas à faire la démonstration que le reste à charge sera couvert par les économies d’énergie réalisées et suffisamment lissé dans le temps, il y a tout lieu de craindre que nous ne puissions convaincre nos concitoyens de s’engager dans ces travaux et d’adhérer à cette ambition nationale pourtant essentielle à la lutte contre le dérèglement climatique. Il convient donc de se donner les moyens d’atteindre les objectifs affichés et de s’assurer de leur pérennité au lendemain du plan de relance.

C’est dans ce contexte, caractérisé par des mesures incitatives dont les effets sont décevants, que s’ouvre le débat sur l’opportunité de traduire dans les textes les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Si l’interdiction de location des passoires thermiques doit s’imposer, il serait hasardeux de décider de nouvelles obligations de rénovation, assorties de sanctions, sans avoir mesuré préalablement les conséquences sur la solvabilité des ménages ou des entreprises, les incidences sur l’offre de logements locatifs ou encore la capacité des entreprises du bâtiment à faire face à une massification des chantiers. Toute évolution doit donc être préalablement étudiée et ne peut être que progressive afin d’éviter des blocages qui seraient contre-productifs et nous éloigneraient de l’objectif recherché.

Je tiens à remercier notre rapporteure Mme Marjolaine Meynier-Millefert, nos collègues députés qui ont assidûment participé à nos travaux ainsi que les nombreux contributeurs. Les propositions formulées dans ce rapport visent à apporter des réponses concrètes de nature à lever les freins au déploiement d’une politique ambitieuse de rénovation thermique des bâtiments, dictée par l’impérieuse nécessité de lutter efficacement contre le dérèglement climatique.


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   INTRODUCTION

« Gouverner, c’est d’abord loger son peuple » : cette parole de l’Abbé Pierre résonne d’une manière particulière au XXIe siècle. Si le mal-logement a toujours été une préoccupation, la recherche de logements sobres en consommation énergétique et en émissions de gaz à effet de serre, voire de logements à énergie positive, constitue aujourd’hui un impératif de la politique environnementale. En effet, le secteur du bâtiment est responsable de près de 26 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, soit environ 115 millions de tonnes de CO2. Encore davantage si on y ajoute la construction neuve (résidentielle et tertiaire), laquelle équivaut à environ 30 millions de tonnes de CO2. Or la politique de rénovation thermique des bâtiments est le principal outil pour réduire ces émissions.

Cette politique présente également d’autres avantages en matière sociale et économique. Elle joue ainsi un rôle majeur dans la lutte contre la précarité énergétique, pour la réduction de la facture énergétique et l’augmentation de la valeur et du confort des logements, pour l’amélioration de la santé publique ainsi que pour la création d’emplois et l’augmentation de l’activité économique. Elle contribue également à la lutte contre l’artificialisation des sols, à l’utilisation de matériaux locaux et biosourcés et au développement de l’économie circulaire. À titre d’illustration, on estime que la construction d’une maison individuelle nécessite environ quarante fois plus de quantité de matériaux que sa rénovation, et encore davantage pour les autres bâtiments.

Conscients de ces avantages, les pouvoirs publics ont fixé des objectifs ambitieux en matière de rénovation thermique des bâtiments depuis quelques années. Ainsi, en 2015, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi LTECV », a fixé l’objectif que l’ensemble du parc immobilier devra être rénové en fonction des normes « Bâtiment Basse Consommation » (BBC) ou assimilées d’ici à 2050, objectif confirmé par tous les textes depuis cette date. L’État a également fixé comme objectifs prioritaires la disparition, à horizon 2025, des 4,8 millions de logements très énergivores, communément qualifiés de « passoires thermiques » ([2]) que compte le pays ainsi que la rénovation de 500 000 logements par an, dont 150 000 passoires thermiques occupées par des ménages modestes. Pour le parc résidentiel, la stratégie nationale bas carbone (SNBC) se donne même pour objectif d’atteindre un rythme de 370 000 rénovations globales à partir de 2022, pour augmenter ensuite à 700 000 rénovations complètes équivalentes en moyenne sur la période 2030-2050. Pour le parc tertiaire, la loi impose enfin une réduction de la consommation d’énergie finale d’au moins 60 % en 2050 par rapport à 2010 (avec des objectifs intermédiaires de 40 % en 2030 et 50 % en 2040).

La première partie du rapport s’attache ainsi à montrer que nous ne manquons pas d’objectifs qui traduisent la prise de conscience de l’importance d’une politique ambitieuse de rénovation énergétique des bâtiments. Cependant, dans les faits, nous ne sommes encore qu’au début du processus de rénovation. En effet, seulement 6,6 % du parc résidentiel français dispose ainsi d’une étiquette énergie A et B selon le barème fixé par le diagnostic de performance énergétique (DPE) qui classe les logements selon leur consommation d’énergie. En outre, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), 11,9 % des ménages français sont en situation de précarité énergétique et 14 % des ménages ont souffert du froid chez eux au cours de l’hiver 2019 – 2020.

S’il est impossible de dresser un bilan précis du nombre d’opérations de rénovation effectuées chaque année, en l’absence d’outils de recension exhaustifs et fiables, une estimation rapide montre que nous sommes loin d’atteindre l’objectif de 500 000 rénovations énergétiques annuelles : en 2019, on recensait ainsi 104 000 rénovations dans le secteur du logement social, 41 000 dans les logements privés précaires et un nombre difficilement mesurable de rénovations individuelles. La plupart du temps il s’agit cependant de « gestes » de rénovation qui sont loin de permettre un gain réel en matière énergétique. Selon le Haut Conseil pour le climat, le rythme des rénovations énergétiques globales – en moyenne de 0,2 % par an actuellement – devrait ainsi fortement s’accélérer pour atteindre 1 % par an après 2022 et 1,9 % par an d’ici 2030. Pour le secteur résidentiel, il s’agit de passer d’environ 70 000 rénovations globales effectuées annuellement (en moyenne sur la période 2012-2018), à 370 000 rénovations complètes par an après 2022 et 700 000 par an à partir de 2030, conformément aux objectifs fixés dans la SNBC. En effet, à l’heure actuelle, seules 5 % des rénovations de logements réalisées ont eu un impact important sur la consommation d’énergie, c’est-à-dire un saut de deux classes énergétiques du DPE ou plus. Et il convient d’ajouter à ces besoins les besoins de rénovation du parc immobilier tertiaire, lequel compte 999 millions de mètres carrés du parc tertiaire, dont 97 millions de mètres carrés pour l’État et 280 millions de mètres carrés pour les collectivités territoriales. La première tâche à accomplir pour s’assurer du respect des objectifs est cependant de mettre en place des outils de mesure exhaustifs et fiables qui n’existent pas à l’heure actuelle.

Dans une seconde partie, le présent rapport présente et analyse les freins qui gênent actuellement le déploiement d’une politique de rénovation ambitieuse. Ces freins sont nombreux et touchent différents domaines. En premier lieu, la multiplicité des objectifs, des référentiels et des acteurs impliqués rend la gouvernance d’ensemble de la politique de rénovation complexe à appréhender et peu aisée à piloter. Cette complexité s’étend d’abord aux relations entre acteurs étatiques et agences nationales, mais également aux relations entre l’État et les collectivités et entre les acteurs publics et les acteurs privés. À cet égard, on remarque que le comité chargé d’établir le Plan de rénovation énergétique des bâtiments de 2018 avait prévu la mise en place d’un comité de pilotage (COPREB) pour surveiller le bon déroulement du plan et mobiliser les différents acteurs, mais ce COPREB n’a malheureusement jamais débuté ses travaux.

Un autre frein important réside dans la variété des aides disponibles et des combinaisons entre elles, qui entraîne un manque de clarté manifeste pour le public et complexifie l’élaboration du financement des projets de rénovation. Toutes ces aides présentent des degrés d’éligibilité différents et ont chacune leur propre mode opératoire. Par exemple, dans le cadre de MaPrimeRénov’, le montant de la prime dépend non seulement de la catégorie du ménage et des travaux engagés, mais également du cumul des autres aides sollicitées. Une règle d’écrêtement module ainsi le montant de la prime de façon à ce que le cumul des aides ne dépasse pas un certain taux de la dépense éligible prévue pour chaque geste en fonction des revenus du ménage.

Une des priorités pour la massification des rénovations réside donc dans l’amélioration de l’information et de l’accompagnement des différents publics dans des projets complexes à mettre en œuvre d’un point de vue administratif, financier et technique. Si des efforts notables ont été effectués ces dernières années, il faut néanmoins poursuivre la mise en œuvre du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) partout sur le territoire, afin de toucher le plus grand nombre de futurs maîtres d’ouvrage. Plus largement, il convient de renforcer les moyens d’animation pour déclencher la rénovation. Lorsqu’un animateur est présent localement, il y a un effet d’entraînement fort auprès des particuliers, notamment dans les copropriétés.

Par ailleurs, le rapport vise également à montrer que les aides publiques doivent davantage être tournées vers le soutien à des opérations de rénovation globale. En effet, peu de rénovations dites « par étapes » sont menées à leur terme et, lorsqu’elles le sont, le résultat n’est pas toujours satisfaisant. Il faut donc privilégier une approche de la rénovation complète et performante, plus rigoureuse, qui a déjà donné des résultats de grande qualité sur le terrain, mais qui doit être soutenue fortement dans sa montée en puissance, pour devenir la norme dans les prochaines années. Cela passe notamment par une réorientation des aides publiques vers ce type de rénovations, en visant plus particulièrement les ménages les plus modestes dans un premier temps.

Enfin, un des freins majeurs au déploiement d’une politique ambitieuse de rénovation énergétique réside dans la structuration largement insuffisante de l’offre. En effet, réussir à conduire un volume massif de rénovations énergétiques complètes nécessite de disposer de la main-d’œuvre, des entreprises et des professionnels qualifiés en nombre suffisant pour accompagner la montée en puissance des demandes. Il est donc nécessaire d’accompagner et de développer le marché de la rénovation, c’est-à-dire d’agir à la fois sur le nombre et la qualification des entreprises mais aussi sur la formation initiale et continue des professionnels. On remarque ainsi qu’il n’existe aujourd’hui que 65 000 entreprises « reconnues garantes de l’environnement » (RGE) sur les 320 000 entreprises de bâtiment que compte le pays, et ce chiffre est en recul depuis quelques années. À productivité inchangée, il faudrait donc passer de 1,9 million de professionnels à quasiment le double. En tout état de cause, il faudrait plusieurs centaines de milliers de professionnels en plus avec une part bien plus grande d’entreprises qualifiées RGE.

Toutefois, de nombreux professionnels déclarent ne pas vouloir s’engager dans des formations qui coûtent cher et qui ne débouchent pas nécessairement sur un marché nouveau et pérenne, notamment dans le cadre de l’obtention du label RGE. Cela pose une double question. Tout d’abord celle d’une éventuelle obligation à rénover, laquelle pourrait contribuer à créer ce grand marché de la rénovation et ainsi rompre ce cercle vicieux. Ensuite, celle de la lisibilité sur le moyen et long terme des politiques publiques en faveur de la rénovation.

La troisième partie du rapport s’attache ainsi à formuler des propositions pour améliorer les outils réglementaires, budgétaires et financiers qui peuvent faciliter la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de rénovation énergétique des bâtiments. La question des étapes nécessaires devant conduire à instaurer une obligation de rénovation et des obstacles qui peuvent s’y opposer est analysée dans ce cadre. Votre rapporteure s’attache également à décrire les évolutions récentes du droit en matière de logement « décent » et à formuler des propositions pour renforcer les critères adoptés, en s’inspirant notamment des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) qui prévoit d’établir le seuil d’indécence énergétique à 331 kWh par mètre carré et par an (ce qui correspond aujourd’hui à la classe F, au sens de la consommation conventionnelle en énergie primaire évaluée dans le DPE). Surtout, le rapport s’attache à définir, dans les grandes lignes, la trajectoire financière requise pour atteindre les objectifs fixés et propose d’instaurer une loi de programmation pluriannuelle des aides à la rénovation qui permettrait de fixer un cap et de pérenniser les financements dédiés à la rénovation. En effet, le chiffrage des financements pour la rénovation thermique des logements et des bâtiments tertiaires privés fait l’objet d’estimations concurrentes mais qui font toutes le constat d’un besoin s’élevant à plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an (dont une forte part d’argent public). À ce titre, la rapporteure salue le fait que le plan de relance prévoit de consacrer, d’ici à décembre 2022, 6,4 milliards d’euros de crédits supplémentaires à la politique de rénovation thermique, mais souligne qu’il est nécessaire d’aller plus loin et de penser dès à présent à « l’après » du plan de relance, afin d’éviter un effet « stop and go » déjà constaté dans d’autres circonstances.

Cette stratégie financière publique doit être complétée par l’amélioration des instruments financiers mis en œuvre par les acteurs privés et publics. Cela concerne notamment les certificats d’économies d’énergie (CEE) dont le cadre réglementaire est souvent instable, ce qui complexifie les stratégies industrielles et commerciales des obligés. Il faut un pilotage plus visible dans le temps et le dispositif doit aussi se focaliser sur les gestes les plus performants et les plus susceptibles de déclencher des bouquets de travaux.

Plus largement, l’équilibre financier des opérations de rénovation thermique des ménages est également au cœur des réflexions à conduire pour garantir l’efficacité de la politique de rénovation énergétique. En effet, les opérations de rénovation ont aussi pour objectif de réduire la facture énergétique des ménages, mais cette réduction n’intervient pas nécessairement immédiatement. Par conséquent, afin de ne pas décourager les différents acteurs concernés (ménages, copropriétés, entreprises), une solution financière optimale doit respecter le principe du « Pay as you save », c’est-à-dire d’un prêt dont les mensualités seraient couvertes par les économies d’énergie générées par les travaux. Or, à l’heure actuelle, le taux de couverture du reste à charge est actuellement estimé à environ 50 % pour les ménages très modestes, 40 % pour les ménages modestes et 20 % pour les autres ménages avec les dispositifs actuels. Selon le Haut Conseil pour le climat, alors que les subventions pour des travaux de rénovation globale atteignent en moyenne 15 000 euros en France, elles peuvent aller jusqu’à 48 000 euros en Allemagne. Le montant des prêts y est également quatre fois plus élevé que l’éco-prêt à taux zéro français. Il est donc impératif de renforcer nos dispositifs financiers.

Or, l’accès au crédit bancaire pour ce type de rénovation n’est pas systématique et les conditions ne sont en général pas attractives. Plusieurs interlocuteurs de la mission ont mis l’accent sur le fait que les banques ne jouaient pas suffisamment leur rôle en matière de financement des opérations de rénovation énergétique, notamment lorsqu’elles ont la charge de la distribution de prêts garantis et subventionnés par l’État comme l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). Cette solution est en effet peu rentable pour elles et entre souvent en concurrence avec leur offre classique de prêts pour travaux ou prêts à la consommation, de maturités plus courtes et à des taux élevés. Il est pourtant nécessaire de réfléchir à augmenter le montant et la durée de l’éco-PTZ en s’inspirant de l’exemple allemand (jusqu’à 120 000 euros sur trente ans). Plus largement, la puissance publique peut s’inspirer du dispositif dit de « prêts garantis par l’État » (PGE) ou de dispositifs innovants comme les prêts hypothécaires rechargeables pour améliorer la prise en charge financière des opérations de rénovation. Il est également nécessaire de réfléchir, comme le propose notamment France Stratégie, à faire émerger des « opérateurs ensembliers » qui seraient à la fois maîtres d’œuvre et financeurs de la rénovation, et dont l’action pourrait englober et dépasser celle des sociétés de tiers-financement (STF).

Enfin, l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments passe par le développement de matériaux et d’équipements de plus en plus efficaces pour l’isolation et le chauffage. Mais l’innovation pour la rénovation thermique est encore freinée par des difficultés financières, administratives, réglementaires ou qui résultent du fonctionnement même du marché actuel de la rénovation. À la différence d’autres secteurs économiques, les investissements pour l’innovation sont particulièrement faibles dans la filière du bâtiment : 0,1 % à 0,2 % du chiffre d’affaires est investi dans la recherche et le développement, alors que le taux se situe plutôt autour de 2 % pour les autres secteurs économiques.

Ainsi, après s’être attaché à décrire les avantages, les objectifs et le suivi des résultats obtenus en matière de rénovation énergétique des bâtiments (première partie), le présent rapport décrit les dispositifs existants et les obstacles restant à surmonter pour déployer une politique massive de rénovation (seconde partie). Il formule enfin une série de propositions, notamment en matière budgétaire, financière et réglementaire, visant à renforcer les outils existants et à les inscrire dans une perspective pluriannuelle (troisième partie).


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Première partie : La rénovation thermique des bâtiments : des objectifs ambitieux encore loin d’être atteints

La rénovation thermique des bâtiments en France fait l’objet depuis près de quinze ans d’une attention de plus en plus croissante de la part des autorités publiques. La prise de conscience du danger climatique a fait de cette activité un axe majeur de la décarbonation. Mais les autres bénéfices pouvant être tirés de l’amélioration thermique du parc immobilier sont aussi pris en compte par les pouvoir publics et la population. Dans ce contexte, de nombreux objectifs inscrits dans la loi sont apparus année après année. Cependant, la massification des opérations de rénovation tarde à se réaliser et le suivi des politiques publiques censées la susciter est encore perfectible.

I.   LA RÉNOVATION THERMIQUE doit devenir un des piliers de la politique économique, environnementale et sociale des prochaines années

La massification des opérations de rénovation thermique s’inscrit pleinement dans les efforts effectués pour lutter contre le changement climatique. Mais à côté de cet objectif premier des acteurs publics, il ne faut pas mésestimer les autres bénéfices environnementaux, économiques et sociaux offerts par la rénovation thermique.

A.   Les bénéfices environnementaux, économiques et sociaux DE la RÉNOVATION thermique

Avant de décrire l’état du parc résidentiel et tertiaire français, il est utile de rappeler les bénéfices qui peuvent être tirés de la rénovation thermique des bâtiments.

1.   Les bénéfices environnementaux

Le bénéfice le plus important qui puisse être tiré de la rénovation thermique des bâtiments est son impact dans la lutte contre le changement climatique.

Le secteur du bâtiment est le troisième émetteur de gaz à effet de serre en France. En 2018, il représentait un peu plus 71 millions de tonnes équivalent CO2, soit près de 23 % des émissions, qui se répartissaient ainsi : 43 millions de tonnes pour le secteur résidentiel et 28 millions de tonnes pour le secteur tertiaire ([3]). Au regard de cette situation, la SNBC prévoit de faire baisser les émissions du secteur de 49 % entre 2015 et 2030, avant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Or, le parc immobilier souffre d’une inertie importante : en 2050, 70 % du parc pourrait être constitué d’immeubles construits avant 2012. C’est donc la rénovation thermique qui est le principal outil disponible pour faire baisser massivement les émissions de gaz à effet de serre, notamment grâce à une réduction des consommations énergétiques résultant du chauffage.

Mais la rénovation thermique a également d’autres incidences environnementales. Elle permet notamment de lutter contre l’artificialisation des sols grâce à la revalorisation du parc immobilier à laquelle elle participe. En améliorant la performance énergétique de bâtiments existants, elle prolonge l’usage de ces derniers et évite ainsi la construction de bâtiments neufs. En freinant l’utilisation de sols vierges, elle contribue également à préserver des espaces naturels qui ont une fonction de puits de carbone.

La réduction de l’exploitation des ressources naturelles est aussi une conséquence de la rénovation thermique. Cette dernière permet non seulement une réduction de la consommation d’énergies fossiles utilisées pour le chauffage, mais aussi une moindre consommation de matières premières par rapport à une construction neuve ou une déconstruction/reconstruction.

Selon une étude de l’Agence de la transition écologique (ADEME) réalisée en 2019 ([4]), la rénovation thermique d’une maison individuelle nécessite quarante fois moins de quantité de matériaux qu’une construction neuve. Dans le cas d’un bâtiment de logement collectif, la rénovation est même quatre-vingt fois moins consommatrice qu’une construction neuve.

ratio de consommation de ressources

Moyennes pondérées

Construction (neuve)

Rénovation BBC

MI

1 190 kg/m² SHONRT

28 kg/m² SHONRT

LC

1 570 kg/m² SHONRT

20 kg/m² SHONRT

Source : ADEME – MI : maison individuelle / LC : logement collectif / SHONRT : surface hors œuvre nette au sens de la réglementation thermique

Pour l’ensemble du parc résidentiel, d’ici à 2050, la construction neuve pourrait nécessiter jusqu’à 1,3 milliard de tonnes de matériaux, dont 85 % uniquement pour le granulat, le sable et le ciment. A contrario, la rénovation des bâtiments résidentiels aux normes « Bâtiment basse consommation » (BBC) nécessiterait seulement 74 millions de tonnes de matériaux jusqu’en 2050, dont plus de 85 % pour les maisons individuelles.

Les opérations de rénovation peuvent également être l’occasion d’utiliser des matériaux biosourcés et géosourcés issus de productions locales, ou encore des matériaux issus de filières de recyclage, ce qui réduit d’autant l’utilisation de matières premières non renouvelables et donc l’empreinte environnementale du bâtiment sur le long terme. Le développement du réemploi de matériaux et d’équipements est également une solution pour réduire cette empreinte, qui appelle encore des adaptations des règles de garantie et d’assurance pour ce type de projet afin d’en permettre le développement sans réduire les exigences de performance requises.

2.   Les bénéfices économiques

La réduction globale de la consommation énergétique française est le premier bénéfice économique d’une rénovation thermique aboutie.

D’après le bilan énergétique de la France pour 2018 ([5]), la dépense en énergie du secteur résidentiel s’est établie à 46 milliards d’euros en 2018. Elle est dominée par l’électricité (59 %), devant le gaz naturel (23 %), le pétrole (13 %) et le bois (3 %). Toutes énergies confondues et en données réelles, le chauffage représente 66 % de la consommation du résidentiel en 2018. Concernant le secteur tertiaire, la dépense en énergie s’établit quant à elle à 22,7 milliards d’euros en 2018. L’électricité concentre plus des deux tiers de cette dépense devant le gaz naturel (18 %), les produits pétroliers (12 %) et la chaleur commercialisée (3 %). Le chauffage représente 43 % de la consommation finale d’énergie pour le secteur.

Toute baisse significative de la consommation énergétique grâce à une rénovation thermique performante d’ampleur profiterait à la balance commerciale française grâce à la réduction des importations d’énergies fossiles qu’elle entraînerait. Elle réduirait aussi considérablement le poids de la facture énergétique dans le budget des ménages, des entreprises, des collectivités et des administrations. Ainsi, à titre d’exemple, la réduction de la consommation de -40 % du parc tertiaire à horizon 2030, telle que prévue par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ELAN », représenterait une économie de 9,1 milliards d’euros sur la facture énergétique de 2018 du parc tertiaire ; dont 3,9 milliards pour le chauffage.

L’autre grand bénéfice d’une massification de la rénovation thermique concerne l’accroissement d’activité du secteur de l’efficacité énergétique et la création d’emplois afférente. Au regard des volumes de chantier à réaliser sur plusieurs décennies, le secteur de la rénovation est en effet un marché porteur permettant de créer de nombreux emplois non délocalisables. Il permet également de conserver la valeur créée sur le territoire national, à condition toutefois que les filières de production des matériaux et équipements parviennent à répondre à la demande nationale, afin d’éviter l’importation des produits dont le secteur a besoin. L’exemple donné ci-dessous peut illustrer le bénéfice à court terme d’une massification de la rénovation thermique.

Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ([6]), en 2018, le marché de l’efficacité énergétique du bâtiment résidentiel représentait 30,1 milliards d’euros. Plus spécifiquement, le marché de la rénovation thermique proprement dit (isolation du bâti et remplacement des appareils de chauffage et d’eau chaude sanitaire) représentait 28,1 milliards d’euros et près de 206 000 emplois équivalents temps plein (ETP).

Source : étude de l’ADEME. Les appareils performants recouvrent le gros électroménager et les appareils de régulation de l’usage énergétique.

La même étude a également effectué des projections sur l’activité pour les secteurs de l’isolation thermique des parois opaques et des appareils de chauffage fonctionnant aux énergies renouvelables (bois, pompes à chaleur, solaire thermique) à horizon 2023, en prenant en compte les trajectoires découlant de la SNBC et de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Elle aboutit à une hypothèse de croissance du marché de l’ordre de 43 % entre 2018 et 2023, et à la création de 33 730 emplois supplémentaires.

Évolution de l’activité pour l’isolation thermique des parois
et le chauffage renouvelable

 

Marché en 2018

Marché en 2023

ETP en 2018

ETP en 2023

Isolation thermique

9,12 Mds €

13,8 Mds €

79 010

103 280

Chauffage EnR

4,69 Mds €

5,93 Mds €

27 470

36 930

Source : étude de l’ADEME.

Enfin, les rénovations thermiques permettent d’accroître la valeur patrimoniale de bâtiments rendus plus économes et plus agréables à vivre. Au regard de l’évolution de la réglementation sur les futures obligations d’affichage des performances énergétiques des logements mis en vente ou en location (cf. infra), un projet de rénovation abouti pourra donc devenir un avantage compétitif sur le marché de l’immobilier.

3.   Les bénéfices sociaux

Le bénéfice social le plus immédiat d’une rénovation thermique de masse est la réduction de la précarité énergétique au sein de la population française.

Selon le dernier tableau de bord de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) publié en janvier 2021, 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer la facture énergétique de leur logement en 2019. De plus, 14 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid au cours de l’hiver pendant au moins 24 heures. Pour quatre ménages sur dix, c’est à cause d’une mauvaise isolation thermique de leur logement.

Or les ménages les plus modestes, et donc les plus susceptibles d’être confrontés à la précarité énergétique, sont plus nombreux dans les logements les plus énergivores du parc résidentiel. Ainsi, 28 % des passoires thermiques du parc locatif privé sont occupées par les ménages du premier quintile de revenus, alors que ceux du troisième et du quatrième quintile occupent respectivement 20 % et 16 % de ce parc dégradé ([7]).

La piètre qualité thermique du logement est donc bien l’une des premières causes de la précarité énergétique puisqu’elle entraîne à la fois une surconsommation énergétique qui grève les budgets des ménages et une réduction de la qualité sanitaire globale du logement en raison du froid et de l’humidité découlant d’une mauvaise isolation ou d’un système de chauffage défectueux.

Source : Qui sont les ménages locataires du parc privé en précarité énergétique, ONPE, 2019

Un bénéfice à plus long terme est l’amélioration de la santé des occupants. Les logements mal isolés et mal chauffés peuvent en effet provoquer des pathologies découlant du froid, d’une mauvaise qualité de l’air intérieur ou encore de l’humidité. L’amélioration de la qualité thermique d’un logement permet donc de réduire les coûts sanitaires directs, mais également les coûts induits que provoquent les pathologies (absentéisme au travail ou à l’école, perte de productivité, etc.).

Dans une étude de 2017, le collectif d’associations et d’entreprises Initiative Rénovons a ainsi estimé que l’amélioration thermique des logements des ménages en situation de précarité énergétique pouvait permettre une économie de 666 millions d’euros par an pour la sécurité sociale ([8]). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a également repris des études montrant qu’un euro investi dans des travaux de rénovation énergétique conduit à 0,42 euro d’économies en dépenses de santé publique ([9]). Ainsi, les aides publiques à la rénovation participent également à la réduction des dépenses nationales de santé.

Identification des logements très mal isolés :
un rôle à jouer pour les conseillers médicaux en environnement intérieur

Encore très peu connu du grand public ou du corps médical, le conseiller médical en environnement intérieur (CMEI) est un professionnel de santé pouvant effectuer l’audit d’une habitation afin d’identifier les facteurs pouvant être à l’origine de pathologies respiratoires.

Ce travail d’enquête peut en conséquence identifier les problèmes thermiques du bâtiment (mauvaise ventilation, humidité, froid, moisissures). À ce titre, les conseillers peuvent être un premier relais pour l’information des habitants sur les possibilités de rénovation thermique. Ils pourraient également, selon des modalités à définir, signaler auprès des services sanitaires et sociaux des collectivités les logements présentant des problèmes thermiques (centres communaux d’action sociale, département), afin qu’une mise en relation avec les organismes compétents pour la rénovation thermique soit effectuée.

Leur rôle devrait donc être mieux connu grâce à une bonne communication auprès des autres professionnels de santé. Mais l’obstacle principal est encore leur nombre : à l’heure actuelle, on compte moins d’un conseiller par département.

Enfin, qu’il s’agisse de logements ou de bâtiments tertiaires, l’amélioration du confort thermique des occupants participe à l’amélioration générale des conditions de vie. Il faut d’ailleurs noter que l’isolation thermique permet d’améliorer aussi bien le confort d’hiver que le confort d’été. Elle contribue ainsi à l’adaptation des bâtiments au réchauffement climatique sans passer nécessairement par des équipements de refroidissement énergétiquement dispendieux.

Le critère du confort est un levier important pour la massification des travaux de rénovation, qui doit être développé auprès du grand public. Ainsi, l’enquête effectuée par l’ADEME en 2017, « Travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles » (TREMI), a montré que l’amélioration du confort thermique est la première motivation des ménages pour réaliser des travaux de rénovation énergétique.

B.   Les besoins en rénovation du parc immobilier

Afin de pouvoir piloter au mieux la rénovation thermique, il importe de disposer d’une connaissance satisfaisante de l’état du parc. Si plusieurs indicateurs permettent d’évaluer les efforts à fournir pour les bâtiments résidentiels, ces derniers manquent encore en partie pour les bâtiments tertiaires.

1.   État des lieux du parc résidentiel

Au 1er janvier 2020, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le parc résidentiel français comptait 37 millions de logements, dont 29 millions sont des résidences principales. Selon la dernière enquête nationale logement (ENL – 2013) de l’institut, trois logements sur cinq sont des maisons individuelles. Par ailleurs, 82 % du parc de maisons individuelles sont habités par des propriétaires occupants, 13 % par des locataires privés et 3 % par des locataires d’habitations à loyer modéré (HLM). À l’opposé, 42 % du parc de logements collectifs sont habités par des locataires privés, 24 % par des propriétaires occupants et 30 % par des locataires de logements HLM ([10]).

La consommation énergétique corrigée des variations climatiques du parc résidentiel s’élevait à 41 millions de tonnes équivalents pétrole en 2019, soit près de 29 % de la consommation nationale ([11]).

Source : SDES, Bilan énergétique de la France.

Champ : jusqu’à l’année 2010 incluse, le périmètre géographique est la France métropolitaine. À partir de 2011, il inclut en outre les cinq départements d’outre-mer.

La stabilité de cette consommation est issue de deux phénomènes contraires : d’une part, l’augmentation de la consommation liée à la hausse des surfaces (accroissement du parc en raison de la croissance de la population et hausse de la surface par habitant), d’autre part, la diminution des consommations unitaires résultant de l’amélioration globale de la performance énergétique des bâtiments. Face à cette situation de stagnation, c’est donc bien la massification de la rénovation thermique qui permettra de réduire la consommation énergétique du parc résidentiel et, par voie de conséquence, la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre – l’amélioration des performances énergétiques des constructions neuves ne jouant qu’un rôle marginal dans les gains obtenus.

Or, le chantier de rénovation thermique du parc résidentiel est encore vaste. Dans son étude déjà citée, l’Observatoire national de la rénovation énergétique a réévalué la répartition des logements servant de résidence principale. 16,8 % du parc de résidences principales correspondent aux étiquettes F et G du diagnostic de performance énergétique (DPE) ; les étiquettes C, D et E sont les plus fréquentes, avec respectivement 18 %, 34,2 % et 24,4 % du parc, tandis que les logements relevant des étiquettes A et B ne représentent que 6,6 % des logements.

Ces nouvelles données montrent que les passoires énergétiques correspondent à 4, 8 millions de logements en France, contrairement au chiffre de 7 à 8 millions qui était jusqu’ici donné dans les plans nationaux de rénovation thermique des années antérieures. Ceci montre l’importance de disposer de données fiables, actualisées et adaptées à la réalité du parc, afin de pouvoir ensuite piloter efficacement la politique de rénovation et évaluer ses résultats d’année en année.

Si le nombre de passoires thermiques est moins élevé que ce qui était envisagé auparavant, il faut néanmoins apprécier la répartition énergétique des bâtiments en gardant à l’esprit l’objectif d’un parc de niveau BBC à l’horizon 2050. Sur les 29 millions de résidences principales au 1er janvier 2018, la proportion des logements classés A et B, soit ceux qui se rapprochent le plus de la norme BBC, ne représentent que 1,9 million de logements. Il faut donc, a minima, rénover 27,1 millions de logements pour atteindre un parc d’une qualité permettant l’atteinte de la neutralité carbone.

La même étude donne d’autres indications sur la répartition énergétique des logements selon leur typologie. Ainsi, elle révèle que les passoires thermiques sont plus fréquentes parmi les maisons individuelles que dans les logements collectifs (18,4 % contre 14,7 %), mais, de manière contre-intuitive, elle indique également que les logements les plus petits, le plus souvent en habitat collectif, sont aussi les plus énergivores : près de 36 % des logements de moins de 30 mètres carrés ont une étiquette F ou G, alors que seuls 13 % des logements de plus de 100 mètres carrés disposent de ces étiquettes.

Le parc social est sensiblement moins énergivore que le parc privé (7 % d’étiquettes F et G, contre 18,7 %), en raison du recours massif au gaz pour le chauffage collectif dans ce secteur, dont l’impact énergétique est moins défavorable que l’électricité dans le calcul actuel du DPE, mais aussi d’un effort de rénovation continu du parc depuis des années. Au niveau du parc privé, c’est le parc locatif qui concentre la plus grande proportion de logements énergivores, avec près de 23 % d’étiquettes F ou G, alors que les logements occupés par leurs propriétaires ne sont que 17 % à être aussi mal classés. Cette situation peut s’expliquer par le fait que le parc locatif privé est majoritairement constitué d’appartements situés dans des copropriétés qui sont l’un des maillons faibles de la politique de rénovation thermique.

Le secteur résidentiel représentait 13,8 % des émissions de gaz à effet de serre en 2019 (43,16 millions de tonnes CO2 équivalent pétrole). Le chauffage est le principal facteur d’émission de CO2 pour le parc résidentiel (82 % du total), devant l’eau chaude sanitaire et la cuisson. En termes d’énergie de chauffage utilisée, le gaz naturel représente 64 % des émissions de CO2 des bâtiments résidentiels, loin devant le fioul (28 %), bien que ce dernier soit plus émetteur par unité d’énergie.

Source : Chiffres-clés du climat, édition 2021

2.   État des lieux du parc tertiaire

En 2019, le Centre d’études et de recherches économiques sur l’énergie (CEREN) estimait la surface totale du parc tertiaire français à 999 millions de mètres carrés. Les bureaux, commerces et bâtiments d’enseignement représentent 65 % des surfaces chauffées du secteur.

Répartition du parc tertiaire par branche d’activité

Branche

Millions de mètres carrés

% de la surface

Bureaux

235

24 %

Hôtellerie-restauration

67

7 %

Commerce

216

22 %

Enseignement

191

19 %

Habitat communautaire

73

7 %

Santé

118

12 %

Sport, Loisirs, Culture

74

7 %

Transport

26

3 %

Total général

999

100 %

Source : CEREN

Au sein de cet ensemble, le parc immobilier de l’État représente en 2020 97 millions de mètres carrés de surface utile brute (SUB). Il est occupé à hauteur de 59 millions de mètres carrés par les services de l’État, 30 millions de mètres carrés par ses opérateurs, le reliquat étant occupé par des tiers (établissements publics non opérateurs, collectivités territoriales). Sur ce volume, l’État et ses opérateurs sont propriétaires de 75 % des surfaces occupées.

Source : Document de politique transversale « Politique immobilière de l’État » - Projet de loi de finances pour 2021

Le parc immobilier tertiaire des collectivités territoriales est estimé quant à lui à 280 millions de mètres carrés, soit environ 27 % du parc tertiaire national. Les bâtiments scolaires (écoles, collèges, lycées) correspondent à environ 150 millions de mètres carrés.

La consommation énergétique du parc tertiaire, corrigée des variations climatiques, s’élevait à 24 millions de tonnes équivalents pétrole en 2019, soit environ 17 % de la consommation nationale ([12]). L’électricité est la principale énergie utilisée (à hauteur de 49 %), suivie par le gaz (31 %). Les activités commerciales et les bureaux représentent à eux seuls près de la moitié de la consommation d’énergie du secteur. La consommation énergétique dans le secteur tertiaire a progressé de manière quasi continue durant les années 2000 pour tendre à se stabiliser depuis le début de la décennie (hormis le creux de 2016). Cette stabilité s’explique probablement à la fois par des efforts de maîtrise des consommations dans les bâtiments existants et par une amélioration des performances thermiques des bâtiments neufs.

Par ailleurs, le secteur tertiaire représentait 9 % des émissions de gaz à effet de serre en 2019 (28,25 millions de tonnes CO2 équivalent pétrole).

Source : SDES, Bilan énergétique de la France

Champ : jusqu’à l’année 2010 incluse, le périmètre géographique est la France métropolitaine. À partir de 2011, il inclut en outre les cinq départements d’outre-mer.

Le chauffage est de loin le principal usage énergétique dans ce secteur, mais sa part a diminué ces dernières années, passant de 55 % en 1990 à 46 % en 2016 ([13]). Cette baisse du poids du chauffage s’explique notamment par l’amélioration de l’efficacité énergétique des systèmes de chauffage et des performances thermiques des bâtiments, mais également par le développement de nouveaux usages plus énergivores tels que les équipements bureautiques, de communication et de climatisation : la consommation d’électricité pour les usages spécifiques et de climatisation représentait 35 % de la consommation finale du secteur tertiaire en 2016 contre 25 % en 1990.

Selon les réponses apportées par la direction de l’immobilier de l’État (DIE) à la mission d’information, la consommation en énergie finale du parc immobilier de l’État est estimée à environ 6 TWh annuels. En revanche, il n’était pas encore possible de disposer d’une répartition des bâtiments publics par classe énergétique.

Si les informations collectées par la mission d’information permettent de disposer d’une vision synthétique du parc tertiaire et de sa consommation énergétique, néanmoins perfectible, une difficulté majeure se pose néanmoins pour apprécier l’effort de rénovation thermique qui devra être mené pour ce secteur.

En effet, la mission d’information n’a pu disposer de données permettant d’aboutir à une répartition des bâtiments tertiaires en fonction de leur classe énergétique et de leur surface, à l’instar de ce qui existe pour le secteur résidentiel. En l’absence d’un tel outil, il demeure difficile d’évaluer la qualité thermique du parc dans son ensemble, et par conséquent d’évaluer correctement les efforts à fournir au regard des obligations de rénovation qui découleront de la législation (cf. infra).

Il serait donc souhaitable que l’Observatoire national de la rénovation énergétique se penche au plus tôt sur les spécificités thermiques du parc tertiaire, afin que les pouvoirs publics disposent d’une vision claire du chantier national à mener pour ce secteur.

II.   Des objectifs ambitieux fixés par la loi mais des outils de mesure qui demeurent très insuffisants

Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, plusieurs objectifs ambitieux portant sur la rénovation du parc de bâtiments ont été inscrits dans la loi et fait l’objet de déclinaisons réglementaires. Mais les résultats observés semblent constamment en deçà des attentes. De plus, pour effectuer un contrôle efficace, complet et régulier des rénovations, il est nécessaire de disposer de définitions solides et d’un outil de suivi adapté. Malheureusement, celui-ci fait encore défaut.

A.   Un cadre législatif et réglementaire qui fixe déjà des objectifs très ambitieux

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi LTECV », définit un objectif national de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % entre 2012 et 2050, et un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % entre 1990 et 2030, puis la division par quatre de ces émissions entre 1990 et 2050.

Dans le prolongement de l’accord de Paris de 2015, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite « loi Énergie-climat », a modifié l’objectif de réduction des émissions de GES issu de la LTECV en prévoyant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 grâce à la division de ces émissions par un facteur supérieur à six.

Les objectifs actuels de rénovation thermique des bâtiments doivent permettre au secteur résidentiel de se conformer à ces objectifs nationaux définis pour lutter contre le changement climatique.

1.   Les objectifs de rénovation thermique du parc de logements

Alors que la première réglementation relative à la performance thermique des constructions neuves date de 1974, une réglementation équivalente pour la rénovation thermique des bâtiments existants n’a été prise qu’en 2007. Il faut attendre la loi dite « Grenelle I » en 2009 pour que soit formulé un premier objectif de réduction de la consommation énergétique du parc immobilier d’au moins 38 % entre 2009 et 2020. Le Plan Bâtiment Grenelle de 2012 a ensuite fixé un objectif de 400 000 rénovations de logements par an et la réalisation de travaux sur les 800 000 logements sociaux les plus énergivores avant 2020. Il a également prévu la rénovation des bâtiments de l’État et de ses établissements publics afin de réduire leur consommation énergétique de 40 % et leurs émissions de gaz à effet de serre de 50 % dans un délai de huit ans.

Ce premier plan a été suivi en 2013 par le Plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) qui a fixé de nouveaux objectifs : la rénovation de 180 000 logements privés par an à compter de 2013, puis 500 000 logements par an à partir de 2017 (380 000 logements privés et 120 000 logements sociaux).

La LTECV de 2015 a inscrit pour la première fois un objectif qualitatif pour la rénovation des bâtiments, en prévoyant que l’ensemble des bâtiments soit rénové en fonction des normes « bâtiment basse consommation » (BBC) ou assimilées à l’horizon 2050. La déclinaison sectorielle de ces objectifs, les trajectoires à suivre et les moyens à mettre en œuvre sont renvoyés aux documents de planification créés par la même loi, à savoir la SNBC et la PPE.

Concernant le parc résidentiel, la LTECV inscrit les objectifs du PREH dans le code de l’énergie en prévoyant la rénovation, à partir de 2017, de 500 000 logements par an, dont la moitié doit être occupée par des ménages modestes, notamment pour faire baisser in fine la précarité énergétique de 15 %. Les premières SNBC et PPE ont précisé le périmètre de cet objectif en indiquant qu’il devait s’agir de rénovations lourdes pour réussir à réduire la consommation énergétique du parc résidentiel et tertiaire de 15 % en 2023, puis de 28 % en 2030.

Dans le cadre du Plan Climat de 2017, le Plan de rénovation énergétique des bâtiments (PREB), co-animé par votre rapporteure, a précisé en 2018 que sur les 500 000 rénovations annuelles, 250 000 devaient concerner les ménages modestes (100 000 logements sociaux et 150 000 « passoires thermiques »), le reste correspondant à des rénovations effectuées par les propriétaires dans le reste du parc.

 

Qu’est-ce que le label BBC ?

Le label « bâtiment basse consommation » est la dénomination commune du label créé originellement pour les bâtiments neufs par l’arrêté du 3 mai 2007 relatif au contenu et aux conditions d’attribution du label « haute performance énergétique ».

Concernant les logements neufs, le label prévoit une consommation conventionnelle maximale en énergie primaire de 50 kWh par mètre carré et par an, modulée selon la zone climatique d’implantation. Ce niveau de consommation correspond à l’étiquette A du diagnostic de performance énergétique (DPE). Le label prévoit également un cahier des charges concernant différents points techniques à respecter dans l’élaboration du bâtiment.

Adapté à la rénovation des bâtiments existants par un arrêté en date du 29 septembre 2009, le label BBC Rénovation (ou BBC 2009) cible une consommation conventionnelle maximale en énergie primaire de 80 kWh par mètre carré et par an pour cette catégorie, ce qui correspond à l’étiquette énergétique B du DPE actuel.

Les critères du label BBC pourraient toutefois évoluer prochainement, notamment pour les adapter au futur DPE. Dans un document stratégique ([14]), le Gouvernement a présenté deux évolutions possibles :

– la consommation conventionnelle du niveau BBC serait fixée à 60 kWhef/m²/an ;

– une notion d’« équivalent rénovation » serait créée. Elle correspondrait à une économie d’énergie permettant de passer d’une consommation énergétique moyenne établie pour le parc de logements à l’étiquette B du futur DPE (soit un saut d’environ 65 kWhef/m²/an), ce qui n’est pas sans poser problème car la consommation moyenne en question fait l’objet de mesures contradictoires.

Concernant la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les bâtiments résidentiels et tertiaires, la nouvelle SNBC adoptée en avril 2020 fait le constat d’un retard sur les objectifs de court terme. Elle a adapté en conséquence l’objectif intermédiaire de réduction des émissions (-49 % en 2030 par rapport à 2015) ainsi que le rythme annuel de rénovations à effectuer pour s’aligner sur la trajectoire pluriannuelle de réduction des gaz à effet de serre, tout en précisant le niveau de performance attendu. L’objectif est désormais d’effectuer 370 000 rénovations complètes équivalentes ([15]) à partir de 2022 sur les 500 000 prévues par la loi, puis 700 000 rénovations complètes équivalentes sur la période 2030-2050. Ces objectifs correspondront dans les faits à un plus grand nombre de gestes de rénovation, attendu qu’une rénovation complète équivalente peut être atteinte par étapes.

Objectifs impactant la rénovation thermique des bâtiments

Source : Plan de rénovation énergétique des bâtiments, 2018.

2.   Les objectifs de réduction de la consommation d’énergie du parc immobilier tertiaire

Dans le prolongement de la loi dite « Grenelle II » qui avait créé un dispositif visant à rendre obligatoire, dans certains bâtiments existants à usage tertiaire, la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique, l’article 175 de la loi « ELAN » a précisé les objectifs de réduction de la consommation énergétique finale que devait remplir le parc tertiaire : 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à une consommation de référence ne pouvant être antérieure à 2010 ([16]).

Ces objectifs sont entrés en vigueur à la publication du décret du 23 juillet 2019, dit « décret tertiaire », qui a notamment précisé qu’étaient concernés les bâtiments ou parties de bâtiment existants d’une surface de plus 1 000 mètres carrés. Ce seuil devrait couvrir la majeure partie des constructions tertiaires, sauf exceptions spécifiques. À titre d’exemple, 95 % des surfaces des bâtiments publics dédiés à l’enseignement supérieur sont soumises au décret tertiaire.

L’ADEME est chargée de gérer la plateforme informatique de l’Observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire (OPERAT) qui permet aux propriétaires et locataires de ces bâtiments de fournir avant le 30 septembre 2021 les premiers éléments servant à vérifier l’atteinte des objectifs légaux. En retour, l’ADEME délivrera une attestation annuelle « Éco-énergie tertiaire ».

Pour le parc tertiaire, le scénario de référence de la SNBC de 2020 vise un objectif de 3 % du parc tertiaire rénové en moyenne par an entre 2015 et 2050. À court terme, le PREB fixe comme objectif de réduire la consommation énergétique du parc des bâtiments de l’État de 15 % à l’horizon 2022 par rapport à 2010.

3.   L’éradication des « passoires thermiques » inscrite dans la loi

La LTECV a défini pour la première fois un objectif de rénovation spécifique pour les logements les plus énergivores : avant 2025, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kWh par mètre carré et par an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation thermique. Le PREB a rappelé que cet objectif devait conduire à 150 000 rénovations annuelles de passoires thermiques, afin d’éradiquer en dix ans 1,5 million de logements de ce type habités par des ménages propriétaires à faibles revenus.

La loi « Énergie-climat » a introduit de premières obligations graduelles relatives à cette partie du parc résidentiel afin de contraindre notamment les propriétaires bailleurs à rénover leurs biens locatifs.

Elle interdit ainsi depuis le 1er janvier 2021 l’augmentation du loyer d’une passoire thermique entre deux baux si celle-ci n’est pas rénovée. Des mesures de publicité mettant l’accent sur la mauvaise performance énergétique du logement sont prévues dès 2022 pour les biens mis en vente ou en location. Enfin, la loi pose également le principe d’un plafond maximal de consommation d’énergie primaire de 330 kWh par mètre carré et par an pour les logements à l’horizon 2028, ce qui revient à interdire la location de ce type de logement à cette date.

Autre évolution notable, la loi « Énergie-climat » a introduit un critère de performance énergétique à respecter pour satisfaire les critères de décence d’un logement prévus par loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Ce critère sera applicable à partir de 2023. Le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 relatif au critère de performance énergétique dans la définition du logement décent en France métropolitaine a précisé qu’un logement serait énergétiquement indécent lorsque la consommation énergétique serait supérieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an. (cf. troisième partie).

B.   Le nombre de rénovations est décevant et le suivi des politiques menées est LACUNAIRE

Force est de constater que le nombre de rénovations menées à terme chaque année ne respecte pas les objectifs nationaux. De plus, les chiffrages actuellement disponibles ne permettent pas d’avoir une idée précise du type de rénovations effectuées et de leur efficacité énergétique. Ces difficultés montrent que malgré des données en grand nombre, certes difficilement utilisables, les outils de suivi et de contrôle sont insuffisants et doivent être urgemment réformés.

1.   Des résultats décevants qui doivent être précisés

Lors de ses travaux, la mission d’information a pu constater à maintes reprises la difficulté de disposer de données fiables quant aux résultats obtenus par l’ensemble des dispositifs d’aides existantes à la rénovation thermique.

En effet, contrairement aux travaux de construction de bâtiment, il n’existe pas de déclaration administrative obligatoire pour une grande partie des opérations de rénovation, ce qui empêche la mise en place d’une comptabilisation systématique. Il n’est pas non plus possible d’agréger les opérations de rénovation financées par les différents dispositifs d’aide publique, car chaque aide recouvre des réalités différentes et peut par ailleurs concerner un même bâtiment. De plus, un bâtiment peut faire l’objet de plusieurs rénovations échelonnées dans le temps sans que celles-ci puissent être facilement référencées, ce qui empêche une appréciation qualitative et quantitative des rénovations. Enfin, toutes les rénovations effectuées sans aide publique ne font l’objet d’aucun référencement et ne peuvent être estimées qu’à l’aune d’enquêtes qui sont pour le moment réalisées de manière ponctuelle.

Tous ces éléments rendent donc difficile la détermination d’un nombre global de rénovations complètes équivalentes permettant de vérifier si l’objectif de 500 000 rénovations fixé dans la loi est atteint. Toutefois, en étudiant les chiffres définitifs disponibles pour 2019, il est possible de dire que cet objectif n’est pour l’heure pas atteint.

Concernant les 250 000 logements occupés par des ménages modestes, l’objectif n’est pas atteint en 2019. L’Agence nationale de l’habitat (ANAH) indique ainsi avoir financé la rénovation de 40 895 logements en 2019 ([17]) dans le cadre du programme Habiter mieux Sérénité qui sert à réaliser des projets de rénovation ambitieux pour les ménages modestes. L’Observatoire de la production locative rattaché à l’Union sociale pour l’habitat a, pour sa part, chiffré à 162 503 le nombre de logements sociaux ayant fait l’objet d’une rénovation (cf. deuxième partie). Il est toutefois difficile d’indiquer si les logements rénovés ont atteint la meilleure performance énergétique possible. Ainsi, seuls un peu moins de 104 000 logements sociaux auraient fait l’objet d’un changement d’étiquette énergétique à l’issue des travaux effectués en 2019. De plus, toujours concernant les logements sociaux, les travaux peuvent être cumulés sur plusieurs années avant d’atteindre le stade d’une rénovation complète performante. Il faut donc considérer que le chiffre d’environ 145 000 rénovations performantes qui pourrait être retenu pour l’ANAH et le parc social doit être minoré dans les faits.

Concernant la seconde moitié de l’objectif qui concerne les propriétaires de logements moins dégradés, il n’est pas possible de parvenir à une estimation fiable. Ainsi, le dispositif du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), encore en vigueur en 2019, ne permet pas de déterminer un nombre fiable de rénovations performantes. Si 911 000 ménages ont bénéficié du crédit en 2019 ([18]), ce chiffre ne permet absolument pas de déterminer une équivalence en termes de rénovations complètes, le CITE finançant des gestes épars de rénovation. Comme il finance le même type de gestes, le nouveau dispositif MaPrimeRénov’ risque de poser le même type de problèmes quant à l’analyse des résultats obtenus. Pour mémoire, 141 143 logements ont été rénovés dans le cadre de cette prime en 2020, chiffre à partir duquel on ne peut en l’état déduire un nombre de rénovations complètes équivalentes.

Il est toutefois possible de chercher quelques estimations dans des études portant sur les années précédentes. L’enquête de l’ADEME « Observatoire permanent de l’amélioration énergétique du logement » (OPEN) de 2015 parvient ainsi à un chiffre de 288 000 rénovations performantes pour la période 2012-2014 (au moins deux gestes performants effectués sur le bâti). Il n’est cependant pas possible d’extrapoler ce chiffre sur les années qui suivent, et s’il concerne bien un cumul de gestes efficaces, les paramètres de l’étude ne permettent pas de considérer qu’il s’agit bien de rénovations complètes au sens de la SNBC.

L’enquête TREMI a montré que seuls 5 % des projets de rénovation réalisés entre 2014 et 2016, soit environ 260 000 maisons concernées, ont eu un impact important sur la consommation d’énergie, c’est-à-dire un saut d’au moins deux classes énergétiques du DPE. Ce gain énergétique ne signifie pas pour autant que les logements ont atteint un niveau BBC : une passoire thermique étiquetée G qui gagne deux classes n’atteint que le niveau D, soit le niveau moyen des logements en France.

Source : Enquête TREMI.

L’atteinte du niveau BBC pour l’ensemble du parc résidentiel en 2050 semble donc impossible si le rythme et la qualité actuels des rénovations restent inchangés, ce que corrobore le Haut Conseil pour le climat dans son rapport publié en novembre 2020 ([19]) : seules 0,2 % des rénovations sur le résidentiel et le tertiaire seraient des rénovations globales satisfaisant aux critères BBC sur la période 2012-2016.

En l’état, il est donc légitimement permis de douter que les objectifs revalorisés de la SNBC de 2020 pourront être respectés.

De manière plus générale, votre rapporteure regrette que les termes employés pour qualifier les rénovations répondent à des définitions fluctuantes en fonction des études et des décomptes effectués. Ainsi, le terme de « rénovation » recouvre souvent deux réalités bien différentes : il correspond parfois à un geste isolé de rénovation, mais dans d’autres cas il sert à désigner un projet de rénovation comprenant plusieurs travaux, voire la reprise de l’ensemble des aspects thermiques d’un bâtiment. Ce double emploi ne facilite pas le bon suivi des politiques mises en œuvre. Pareillement, les termes qualifiant la rénovation, tels que « performant », « complète », « partielle » ou « globale » ne recouvrent pas toujours les mêmes réalités.

Il conviendrait donc de fixer de manière durable les définitions de ces différents termes, par exemple en s’appuyant sur le travail déjà effectué par l’ADEME en la matière ([20]). Ainsi, il serait pertinent de considérer :

– qu’une rénovation est complète lorsque tous les postes de travaux de la rénovation énergétique ([21]) sont traités en une seule fois ;

– qu’une rénovation partielle correspond à un geste de rénovation ne s’inscrivant pas dans un parcours visant l’atteinte d’un bâtiment rénové performant ;

– qu’une rénovation performante correspond à un ensemble de travaux permettant l’atteinte a minima du niveau BBC rénovation ou équivalent et qui prend en compte les interfaces (jonctions physiques entre les postes de travaux) et les interactions entre ces différents travaux (dimensionnement des systèmes notamment) ;

– qu’une rénovation globale correspond à une rénovation complète et performante.

Proposition n° 1 : Mesurer systématiquement le nombre de rénovations effectuées chaque année selon une définition stricte utilisée par tous les acteurs, et distinguer les rénovations globales permettant d’atteindre les seuils A et B du DPE équivalents au niveau BBC.

2.   L’outil de suivi de la politique de rénovation thermique est encore à inventer

Les quelques chiffres présentés ci-dessus illustrent la difficulté pour la puissance publique comme pour les acteurs de la filière de disposer de données fiables sur l’état du parc et sur les résultats des politiques de rénovation. Ce constat avait déjà été fait en 2017 dans un rapport conjoint du Commissariat général au développement durable (CGDD) et de l’Inspection générale des finances (IGF), qui regrettait l’absence d’une base statistique complète des rénovations énergétiques réellement menées dans le parc de logements ainsi que l’absence de réflexion sur les modalités d’évaluation des dispositifs publics d’aide à la rénovation ([22]). Lors de son audition par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2021, Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, a également regretté l’absence de données fiables sur le sujet et déclaré s’employer à corriger ce problème en accélérant la création d’un outil de suivi adapté.

Si les données sur les bâtiments ne manquent pas, leur exploitation s’avère complexe, car elles sont loin de présenter une qualité et une fiabilité équivalentes, ce qui amène à effectuer des travaux de redressement et d’analyse préalable des données très conséquents. En effet, les méthodologies divergent entre les différents outils et les champs d’étude ne sont pas toujours comparables, ce qui rend difficile l’interopérabilité entre les données. Le rythme d’actualisation des enquêtes diffère également d’un outil à l’autre. Enfin, aucun élément ne permet de centraliser les données recueillies et de les rattacher à un bâtiment identifié, ce qui permettrait pourtant de créer une base de données du bâtiment permettant d’évaluer correctement l’évolution de la qualité thermique des constructions résidentielles et tertiaires.

Le rattachement à un lot d’habitations identifié – par exemple par la référence cadastrale – serait pourtant pertinent pour suivre un certain nombre de données, à commencer par les consommations énergétiques dont disposent les énergéticiens, le diagnostic de performance énergétique ou les travaux ayant fait l’objet d’aides publiques. Mais une telle collecte suppose un cadre réglementaire adapté et pose des problèmes de méthode importants.

Quelques exemples permettent d’illustrer la variété des études et structures consacrées à la rénovation thermique.

Concernant la connaissance générale du bâtiment, l’enquête nationale logement de l’INSEE sert de référence pour appréhender le parc résidentiel et disposer de données approfondies sur sa répartition, son occupation ou encore son état général. Elle est réalisée en principe tous les quatre à six ans, mais la dernière édition date de 2013 et la nouvelle campagne a seulement été ouverte en 2020.

Plusieurs enquêtes dédiées à la rénovation thermique des bâtiments se sont succédé : l’enquête du CGDD « Performance de l’habitat, équipements, besoins et usages de l’énergie » (Phébus) de 2013, ou encore les enquêtes OPEN puis TREMI de l’ADEME précédemment citées. Mais leurs résultats ne peuvent être comparés, car le périmètre étudié, les méthodologies employées et les critères d’évaluation retenus diffèrent d’une enquête à l’autre.

Citons également l’existence d’organes dédiés à des volets spécifiques de la rénovation thermique en France :

– l’Observatoire des diagnostics de performance énergétique (DPE), géré par l’ADEME ;

– l’Observatoire des contrats de performance énergétique (CPE), lancé par l’ADEME, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) en 2016, afin de faciliter la diffusion des CPE et de capitaliser les expériences acquises sur les premiers projets ;

– l’Observatoire BBC créé en 2018 par l’ADEME et Effinergie ;

– l’Observatoire national de la précarité énergétique, créé en mars 2011 par la loi dite « Grenelle II ». S’il n’est pas directement consacré à la rénovation thermique, son objet d’étude est directement concerné par ce chantier national, la rénovation étant l’un des outils majeurs de la réduction de la précarité énergétique.

Là encore, ces organes peuvent disposer d’éléments d’information pertinents, mais l’interopérabilité des données est loin d’être une formalité.

Afin de pallier un manque criant de suivi des données, le Plan de rénovation énergétique des bâtiments avait proposé la création d’un Observatoire national de la rénovation énergétique, afin de disposer d’un outil de suivi et de contrôle de l’état thermique du parc immobilier.

Annoncé en 2019, cet observatoire a débuté ses travaux en 2020. Pour assurer sa mission d’information et de suivi, un immense travail de compilation, vérification, redressement et consolidation des données disponibles a commencé à être effectué. Ce travail repose à l’heure actuelle sur des moyens extrêmement réduits au regard de la complexité des opérations à mener. Lors de leur audition, les représentants de l’observatoire ont indiqué que seuls deux emplois étaient dévolus à cette tâche.

À ce jour, l’observatoire n’a publié qu’une seule étude portant sur la répartition du parc de logements par classe de consommation énergétique ([23]). Ses résultats, qui modifient considérablement la vision du parc, montrent, s’il en était besoin, que les données actuelles appellent un travail très approfondi et constant.

Votre rapporteure considère que les moyens de l’Observatoire national de la rénovation énergétique sont nettement insuffisants par rapport à la complexité et à l’importance de la tâche. La fiabilité des données pour la rénovation thermique est une condition indispensable pour arrêter des politiques publiques s’inscrivant dans le temps long. Il faut donc augmenter les capacités d’analyse de l’observatoire afin de disposer au plus tôt d’indicateurs utiles et diversifiés.

Cependant, l’observatoire ne sera pas en mesure de fournir des analyses fiables tant que les données mises à sa disposition ne seront pas harmonisées et reliées de manière pérenne aux bâtiments ou aux logements. À ce titre, il sera intéressant d’utiliser le déploiement du futur diagnostic de performance énergétique opposable pour opérer des changements méthodologiques dans le suivi du parc. En effet, les critères retenus pour le nouveau DPE pourraient utilement servir de « maître étalon » pour les futures analyses du parc de bâtiments. De plus, la réactualisation régulière des DPE permettrait de bénéficier d’une vision fiable du parc qui intégrerait de fait les évolutions qualitatives obtenues grâce aux travaux de rénovation.

Proposition n° 2 : Doter l’Observatoire national de la rénovation énergétique des moyens humains et financiers nécessaires au démarrage réel de son activité à l’occasion de la prochaine loi de finances et développer des partenariats avec d’autres acteurs innovants travaillant sur le sujet de la rénovation thermique.

Mais au-delà des améliorations matérielles et techniques de l’observatoire, il serait utile de créer un organisme chargé à la fois de l’analyse des données et du contrôle de la performance énergétique des bâtiments.

En effet, l’analyse de la réduction des consommations énergétiques des bâtiments est encore très majoritairement effectuée à partir de chiffres découlant de calculs conventionnels des économies obtenues grâce aux rénovations. En l’absence de contrôles massifs sur le terrain, notamment à l’issue des travaux, qui permettraient de créer une base de données fiable des économies d’énergie réelles obtenues, les modèles statistiques sont encore trop soumis aux aléas des données récoltées grâce aux différents dispositifs (DPE, ANAH, données prochainement récoltées grâce à OPERAT, etc.).

Un organisme chargé du contrôle, en sus du travail d’analyse des données, pourrait donc effectuer des enquêtes sur le terrain, mais aussi récolter les résultats de contrôles effectués par d’autres acteurs (audits énergétiques, contrôles des chantiers financés par l’ANAH ou les CEE, contrôles effectués dans le cadre du label « Reconnu garant de l’environnement »), voire missionner ces mêmes acteurs pour effectuer des contrôles dans le cadre de leurs missions.

Les données récoltées et les analyses effectuées pourraient ensuite être mises à la disposition du public, mais également des collectivités territoriales qui manquent souvent d’informations pour adapter leurs actions sur leur territoire (cf. deuxième partie).

À terme, un tel organisme pourrait d’ailleurs étendre son champ d’action à la construction neuve, afin de disposer d’une connaissance globale de la qualité thermique du parc de logements français.

Proposition n° 3 : Créer un Observatoire de la performance énergétique des bâtiments qui reprendrait les missions d’analyse de l’Observatoire national de la rénovation énergétique et les missions de collecte des données d’autres opérateurs (DPE, OPERAT, etc.). Cet observatoire remplirait également une mission de contrôle des chantiers de rénovation puis, à terme, de contrôle des performances énergétiques des constructions neuves.

 


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   Deuxième partie : Les freins persistants au déploiement d’une politique ambitieuse de rénovation

I.   le pilotage de la rénovation énergétique doit impérativement être amélioré

L’atteinte des objectifs ambitieux de la rénovation dépend non seulement des moyens techniques, humains et financiers pour réaliser les travaux nécessaires, mais également d’un pilotage efficace de ces mêmes moyens. Si les impulsions de l’État en la matière sont déterminantes, elles doivent néanmoins prendre en compte les différents acteurs de ce grand chantier national pour en assurer le succès à terme.

A.   De nombreux acteurs interviennent à tous les échelons publics

L’une des complexités du pilotage de la rénovation découle du grand nombre d’acteurs intervenant sur ce sujet, à tous les échelons territoriaux, et souvent selon des priorités différentes.

1.   L’échelon national

L’État détermine les orientations de la politique nationale de rénovation thermique, énergétique et environnementale des bâtiments dans le cadre des orientations de la SNBC et de la PPE, au moyen des leviers réglementaires et financiers dont il dispose.

Ce pilotage national bénéficie à l’heure actuelle de la réunion de la thématique énergétique et de celle du logement sous l’autorité du seul ministère de la transition écologique, ce qui est particulièrement bienvenu compte tenu de l’imbrication évidente de ces deux axes en la matière. La création en 2019 d’une mission de coordination interministérielle dédiée à la rénovation énergétique des bâtiments préfigurait déjà la prise de conscience d’un besoin de concertation et d’intégration supplémentaire en la matière. Il faut donc souhaiter que cette situation soit pérenne pour engager une action politique au profit de la rénovation énergétique sur le long terme.

Outre la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), le ministère de la transition écologique bénéficie de l’expertise de plusieurs organes pour l’aider dans la conduite de la politique de la rénovation thermique. Il s’agit notamment du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) qui assure une mission de conseil et qui peut, en tant qu’autorité environnementale, émettre des avis, rendus publics, sur les évaluations des impacts des grands projets et programmes sur l’environnement, notamment les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). Le Commissariat général au développement durable (CGDD) est, quant à lui, une structure transversale du ministère qui participe à la bonne information du Gouvernement, notamment par les analyses et les études statistiques qu’il produit. L’Observatoire de la rénovation énergétique des bâtiments dépend de ce commissariat.

Les missions du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) sont d’un autre ordre. Du fait de sa composition collégiale ([24]), il est actuellement le seul dispositif transversal permettant un dialogue entre tous les acteurs à propos des projets législatifs et réglementaires portant sur la construction et le bâtiment. S’il est principalement chargé d’émettre des avis sur ces projets, il peut également se saisir en parallèle de tout sujet relevant du domaine de la construction pour formuler des propositions au ministre chargé de la construction.

L’intervention publique au niveau national est principalement assurée par trois établissements publics :

– l’Agence de la transition écologique (ADEME), qui effectue de nombreuses expertises sur la rénovation thermique, participe au développement de l’innovation par le biais d’appels à projets et améliore la diffusion des bonnes pratiques auprès des particuliers, des collectivités et des entreprises, notamment grâce au réseau de points d’information qu’elle a développé avec des collectivités ou des associations. L’agence gère à ce titre le dispositif « FAIRE » qui rassemble, sous cette marque ombrelle, les points d’information du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) ainsi que le programme SARE (service d’accompagnement à la rénovation énergétique), qui finance ce service public par le biais du dispositif des certificats d’économies d’énergie ;

– l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), qui met en œuvre les deux programmes nationaux d’aide financière à la rénovation thermique pour les particuliers, MaPrimeRénov’ et Habiter Mieux. Elle participe également aux programmes territorialisés d’amélioration de l’habitat qui sont conjointement élaborés avec les collectivités territoriales et l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) ;

– le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui a pour mission de garantir la qualité et la sécurité du bâtiment en axant son travail sur la recherche et l’expertise, l’évaluation, la certification, les essais et la diffusion des connaissances pour le bâtiment. Il délivre notamment les autorisations de mise sur le marché des produits de construction. Son expertise permet notamment de mieux déterminer les normes réglementaires s’appliquant aux gestes de rénovation.

Enfin, plusieurs acteurs participent également à l’animation de la politique de rénovation thermique au niveau national. On peut notamment citer l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) et le réseau d’agences départementales (ADIL), qui assurent un rôle d’information sur la rénovation non négligeable (21 % des consultations effectuées auprès des ADIL concernent ce thème), ou encore l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) qui effectue un travail d’analyse sur la rénovation thermique comme moyen de lutter contre la précarité énergétique.

Il faut ici souligner que le rôle du Parlement est assez limité dans la détermination de la politique de rénovation thermique des bâtiments, celle-ci relevant essentiellement du pouvoir réglementaire. Le Parlement fixe les grandes orientations concernant les objectifs ou les obligations de rénovation, mais il n’est que peu associé à la mise en place des modalités concrètes d’accompagnement, à l’exemple du dispositif MaPrimeRénov’, dont seul le principe de création a été voté par les parlementaires. Les décisions portant sur l’emploi des crédits dédiés à la rénovation échappent aussi en partie à son appréciation. En dehors des crédits budgétaires, les parlementaires ne sont pas associés à la détermination des objectifs fixés dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie, alors que ce dernier représente une part de plus en plus conséquente des aides financières pour la rénovation thermique.

2.   Les échelons territoriaux

La région est actuellement le chef de file sur la question de la rénovation thermique en raison de ses missions de planification qui intègrent les questions de l’habitat, de la maîtrise de l’énergie et de la lutte contre le changement climatique. Ce travail donne lieu à l’établissement du SRADDET et de documents opératoires, comme le programme régional pour l’efficacité énergétique (PREE). La région peut également intervenir sur l’amélioration de la rénovation thermique par le biais de ses missions pour la formation et le développement économique. Enfin, la loi LTECV a renforcé le rôle de la région en lui attribuant la mission de coordination des réseaux d’information et d’accompagnement des publics sur son territoire. Elle travaille à ce titre avec les intercommunalités qui en assurent l’animation concrète sur leurs territoires respectifs.

Si leurs compétences en matière énergétique sont désormais résiduelles, les départements ont néanmoins la charge de la résorption de la précarité énergétique. Ils interviennent à ce titre dans le domaine de la rénovation thermique par le biais de programmes d’information ou d’aides spécifiques. Des contrats locaux d’engagement contre la précarité énergétique (CLE) peuvent aussi être signés avec l’ANAH pour une délégation de compétence concernant la distribution des aides à la rénovation énergétique. Enfin, les départements peuvent être associés à l’élaboration des conventions d’opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH) ou de programme d’intérêt général (PIG) par les communes et leurs groupements.

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) jouent un rôle d’animation important sur leur territoire. Ils intègrent la rénovation thermique au sein des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) dont ils ont la responsabilité. Ces plans comprennent la détermination d’objectifs et la mise en place de solutions pratiques. Les EPCI participent en conséquence à l’élaboration des OPAH et des PIG concernant les logements de leur territoire. Ils assurent également l’implantation et la gestion sur leur territoire du service public de la performance énergétique (SPPEH) qui fournit information et accompagnement sur la rénovation thermique à différents publics.

Enfin, les communes peuvent également intervenir sur le volet de la rénovation thermique de plusieurs manières. Elles peuvent mettre en place et financer un service d’information, travailler sur les questions de précarité énergétique et participer aux OPAH et aux PIG. Elles peuvent également, via le plan local d’urbanisme, mettre en place des dispositions incitant à la rénovation thermique sur leur territoire.

B.   Une planification complexe et encore peu coordonnée

Les objectifs de rénovation thermique des bâtiments découlant des objectifs de la SNBC et de la PPE font l’objet d’une déclinaison dans différents documents de planification relevant de différentes strates territoriales. Or, ces éléments de planification sont en l’état relativement difficiles à articuler, ce qui pose à la fois le problème de la cohérence des politiques de rénovation au niveau territorial et le problème de l’atteinte des objectifs.

La déclinaison des objectifs nationaux s’effectue tout d’abord par le biais des SRADDET ([25]) élaborés par les conseils régionaux, qui doivent prendre en compte les objectifs attachés à la rénovation thermique des bâtiments formulés au niveau national. Les SRADDET s’imposent ensuite aux différents documents locaux tels que les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) des EPCI ou les plans locaux d’urbanisme, dans un rapport de prise en compte, alors que ces mêmes documents doivent être compatibles avec les règles générales du SRADDET.

Cette déclinaison doit théoriquement assurer la diffusion des orientations nationales dans les différents échelons territoriaux du pays, mais les relations plus ou moins contraignantes entre les différents documents de planification ne suffisent pas actuellement à garantir que la somme des objectifs territoriaux corresponde in fine aux objectifs nationaux. Ce constat est d’ailleurs effectué dans la SNBC adoptée en mars 2020, qui propose en conséquence de mettre en place un groupe de travail en lien avec les élus des collectivités territoriales pour « définir une méthode et des indicateurs de suivi permettant de mieux territorialiser les objectifs des stratégies nationales et d’assurer le suivi partagé de leur déploiement » ([26]). Si ce travail collaboratif parvient effectivement à définir une méthodologie uniforme, il faudra toutefois garantir sa mise en œuvre par les régions, puis par les échelons inférieurs que sont les EPCI et les communes. De plus, il faut souligner qu’une telle méthode ne pourra être mise en application qu’au moment de la révision des SRADDET actuels, alors que ceux-ci étaient déjà adoptés ou en voie d’adoption au moment de la publication de la nouvelle SNBC.

Une illustration de ces difficultés peut être proposée avec les objectifs chiffrés de rénovation fixés dans la SNBC. À ce stade, il n’est pas possible d’indiquer si la contribution de chaque SRADDET permet en théorie d’atteindre ces objectifs, notamment parce que les schémas ne donnent pas forcément lieu à ce type de chiffrage ou bien privilégient un taux de rénovation s’appliquant à un stock de logements spécifiques. Or, ce choix stratégique n’est pas incompatible avec la SNBC.

L’articulation entre les SRADDET et les PCAET, qui relèvent des EPCI, présente le même type de problématiques et mériterait également d’être améliorée afin de coordonner efficacement les acteurs locaux.

Votre rapporteure estime que les échelons territoriaux sont des lieux privilégiés pour l’élaboration des objectifs de rénovation. Les collectivités sont les plus à même d’identifier les difficultés spécifiques du bâti au regard de son histoire, de son état, mais aussi des contraintes géographiques et climatiques spécifiques à chaque territoire. Il est donc important de fiabiliser le contenu des SRADDET pour s’assurer de leur pertinence au regard des objectifs nationaux.

Ce point n’est pas encore évident, comme tend à le montrer une étude récemment publiée par négaWatt ([27]), dans laquelle les objectifs énergétiques régionaux agrégés présentent des divergences par rapport à la trajectoire nationale d’ici à 2050.

Dans un mouvement inverse, il serait également pertinent de faire remonter les informations contenues dans les SRADDET pour mieux anticiper la quantification des efforts dans les futurs schémas nationaux. Ce type d’interrelations doit également être envisagé pour l’articulation entre les SRADDET et les PCAET afin de garantir la soutenabilité des objectifs de rénovation de chaque planification.

Proposition n° 4 : Améliorer la qualité des documents de planification de la transition énergétique (SRADDET, PCAET) en uniformisant les méthodes de conception et leur présentation ainsi qu’en fixant des objectifs de rénovation basés sur des données pouvant être agrégées (par exemple, le nombre et le type de logement rénovés). Ces améliorations doivent faciliter la coordination ascendante et descendante entre les politiques nationales et territoriales.

C.   Les processus d’élaboration des décisions nationales appellent une meilleure concertation

Les décisions relatives au logement, à la construction et, corrélativement, à la rénovation thermique sont encore particulièrement centralisées. Dans ce contexte, la concertation entre l’État et les parties prenantes doit être améliorée afin de déterminer des stratégies de rénovation soutenables et partagées. Or les lieux pour installer durablement cette concertation manquent.

Concernant la concertation sur les décisions réglementaires portant sur la rénovation thermique, le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) porte d’ores et déjà les avis des acteurs concernés. Des évolutions devraient néanmoins être envisagées pour améliorer l’efficacité du dialogue entre l’État et ce conseil.

La représentativité des collectivités territoriales au sein du conseil devrait être améliorée. À l’heure actuelle, seuls les communes et les EPCI sont représentés, ce qui laisse de côté les départements et surtout les régions, alors que ces dernières sont pourtant chefs de file sur les questions de transition énergétique et doivent assurer le bon déploiement du SPPEH.

Une coopération entre le CSCEE, le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) et le Conseil national de l’habitat (CNH) pourrait également être envisagée. Le CSE émet en effet des avis sur des aspects de la politique énergétique qui ont des effets concrets sur la rénovation (mix énergétique, besoins en termes de consommation, certificats d’économies d’énergie). Le CNH est pour sa part concerné au premier chef par les réglementations qui auront un impact sur le parc des logements, comme les obligations de rénovation ou l’interdiction de la location des « passoires thermiques ». Une telle coopération pourrait prendre la forme d’une formation collégiale spécifique afin d’émettre des recommandations sur des questions touchant à la rénovation thermique.

De manière plus générale, votre rapporteure appelle à une meilleure sollicitation du CSCEE sur le volet de la qualité des rénovations thermiques.

Toutefois, votre rapporteure estime que les pistes d’amélioration envisagées ci-dessus ne lèvent pas une difficulté spécifique au CSCEE. En effet, ce conseil est saisi des réglementations concernant la construction neuve et la rénovation. Or, c’est surtout le sujet de la construction neuve qui est abordé dans ses travaux, et les représentants siégeant au sein du conseil sont majoritairement concernés par ce thème et non par celui de la rénovation. Il y a donc un biais dans l’approche qui peut être préjudiciable à une bonne concertation sur les questions relatives à la rénovation thermique.

Concernant le volet opérationnel de la rénovation, une meilleure concertation devrait également s’engager entre les différents acteurs. Conscient de ce besoin, le comité chargé d’établir le Plan de rénovation énergétique des bâtiments de 2018 avait prévu la mise en place d’un comité de pilotage (COPREB) pour surveiller le bon déroulement du plan et mobiliser les différents acteurs ([28]).

Or le COPREB n’a jamais débuté ses travaux, ce qui est particulièrement regrettable alors que la plupart des acteurs auditionnés par la mission signalent le besoin d’échanger pour fluidifier la coopération, diffuser les initiatives les plus pertinentes ou bien émettre des alertes lorsque des problèmes pratiques sont identifiés.

À titre d’exemple, l’Association des maires de France (AMF) et l’Assemblée des communautés de France (AdCF) ont regretté le manque d’échanges sur la distribution des aides publiques d’État (MaPrimeRénov’), alors qu’il s’agit d’un indicateur utile aux collectivités pour identifier les besoins sur leur territoire. Le COPREB aurait utilement permis les échanges sur cette question entre l’ANAH et les collectivités.

À l’heure actuelle, les échanges vertueux s’effectuent par le biais d’autres instances, comme le Plan Bâtiment durable (PBD). Cette structure permet la diffusion de quantité d’informations et de bonnes pratiques auprès des collectivités et des acteurs privés du logement ou de la construction. Mais la participation au PBD se fait sur la base du volontariat et il ne s’agit que d’un lieu de concertation.

Votre rapporteure souhaite donc qu’un comité de pilotage soit enfin mis en place et se réunisse régulièrement pour assurer le pilotage volontaire et concerté qui fait actuellement défaut.

Enfin, votre rapporteure estime que le pilotage du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE) doit lui aussi être amélioré.

Ce pilotage est actuellement assuré par la DGEC qui s’appuie sur le Pôle national des certificats d’économies d’énergie (PNCEE) pour l’instruction des demandes, la délivrance des CEE et les opérations de contrôle. La création et l’actualisation des fiches des opérations CEE font l’objet d’un travail préparatoire effectué par l’Association technique énergie environnement (ATEE). Ce travail est soumis à l’expertise de l’ADEME et de la DGEC. Les fiches sont ensuite soumises au Conseil supérieur de l’énergie avant d’être définitivement arrêtées par la DGEC.

Depuis 2015, un comité de pilotage réunit autour de l’État, représenté par la DGEC, des représentants de la filière énergétique (porteurs d’obligations et délégataires) et des associations de consommateurs. Les décisions finales reviennent néanmoins à la seule DGEC.

Ce système est manifestement perfectible. On peut d’abord regretter que les représentants des filières du bâtiment et les acteurs de la politique de rénovation (collectivités, opérateurs nationaux comme l’ANAH) ne soient pas associés au processus décisionnel, alors qu’ils sont à la fois les moteurs et la cheville ouvrière des actions grâce auxquelles les certificats sont délivrés. Cela pourrait être aisément corrigé, par exemple par la création d’un comité réunissant les producteurs des CEE, à côté du comité de pilotage qui réunit les financeurs.

Dans le même ordre d’idées, on peut s’interroger sur le fait que les fiches CEE soient soumises au CSE, mais ne soient pas présentées au CSCEE qui dispose pourtant de l’expertise pour évaluer leur pertinence et leur faisabilité technique par les acteurs de la construction. Un avis des professionnels de la rénovation thermique sur les fiches CEE devrait être requis.

Ces deux propositions ne doivent pas nécessairement faire craindre aux énergéticiens une inflation de l’effort financier qui leur est demandé – ce que l’absence des « bénéficiaires » des CEE autour de la table n’a d’ailleurs pas empêché jusqu’à présent. Au contraire, la présence des maîtres d’œuvre de la rénovation permettrait de mieux calibrer les objectifs, car ils disposent d’une bonne connaissance des gisements d’économies d’énergie réellement exploitables dans le bâtiment à moyen terme.

Enfin, le suivi du dispositif des CEE pourrait être amélioré grâce à la création d’un observatoire des certificats d’économies d’énergie. Indépendant, il pourrait produire régulièrement des indicateurs et des analyses sur le volume et la qualité des actions financées grâce aux CEE. Il pourrait également émettre des recommandations sur les orientations du dispositif. Le Parlement serait partie prenante de cet observatoire, afin d’être parfaitement éclairé sur un dispositif important pour le financement des politiques qu’il vote – l’activité dégagée par les CEE représente environ 4 milliards d’euros par an ([29]).

Au regard de ces quelques remarques, votre rapporteure estime qu’il serait in fine judicieux de créer un acteur spécifique pour la rénovation thermique qui puisse répondre aux besoins de pilotage, de concertation et de coordination identifiés dans les domaines réglementaire et opérationnel ainsi que pour le dispositif des CEE.

La création d’un Conseil supérieur de la rénovation énergétique répondrait à ces besoins. Il pourrait en conséquence :

– réunir tous les représentants des acteurs de la rénovation (ministères concernés, représentants de l’ADEME et de l’ANAH, professionnels du bâtiment, énergéticiens, collectivités, associations travaillant sur le logement, la rénovation et l’énergie, personnalités qualifiées, parlementaires) ;

– rendre des avis circonstanciés sur les projets de réglementation concernant la rénovation énergétique, hors la présence des représentants des ministères ;

– assurer une mission de pilotage des politiques de rénovation et favoriser un dialogue constructif entre les différents acteurs, remplaçant ainsi le COPREB prévu par le Plan de rénovation énergétique des bâtiments de 2018 ;

– être associé à la gestion du dispositif des CEE. Il porterait la parole des producteurs de CEE au sein du comité de pilotage actuel du dispositif. Il pourrait également émettre un avis sur les objectifs envisagés pour chaque période de production de CEE ainsi que sur les évolutions des fiches de travaux. Enfin, il pourrait jouer le rôle d’observateur du dispositif afin de fournir un avis sur les résultats obtenus et émettre des recommandations.

Par ailleurs ce Conseil supérieur travaillerait avec l’Observatoire national de la rénovation énergétique, puis avec l’Observatoire de la performance énergétique des bâtiments (cf. supra) pour disposer de données fiables sur lesquelles fonder son travail.

Proposition n° 5 : Créer un Conseil supérieur de la rénovation énergétique chargé d’émettre des avis sur les réglementations le concernant, de piloter les différentes politiques liées à la rénovation énergétique et de participer à la gestion et à l’analyse du dispositif des CEE.

D.   une nécessaire stabilisation des orientations et des dispositifs sur le long terme

Une critique récurrente entendue lors des travaux de la mission d’information concerne l’instabilité chronique des orientations et des outils de la rénovation thermique, doublée d’une absence de vision à long terme, alors que les objectifs sont constamment renforcés.

Ainsi, depuis leur création en 2005, les dispositifs d’aide publique à la rénovation ([30]) ont évolué presque chaque année, à l’occasion des lois de finances. Le dispositif des CEE n’est pas en reste, puisque ce sont des dizaines d’arrêtés qui sont pris chaque année pour adapter le périmètre des opérations de rénovation financées par ce système. Ces changements récurrents sont source d’instabilité pour les maîtres d’ouvrage comme pour les maîtres d’œuvre et conduisent à une adaptation difficile de l’offre et de la demande.

Les professionnels doivent en effet s’approprier les modalités techniques et financières de chaque modification réglementaire pour les intégrer à leur offre commerciale, adapter les outils de production et répondre ainsi aux évolutions du marché. La rentabilité à court ou moyen terme des investissements engagés pour ces adaptations est de plus incertaine, car de nouveaux changements peuvent avoir lieu à brève échéance. Cette difficulté est encore plus marquée pour les très petites entreprises artisanales, qui constituent l’essentiel des acteurs de la rénovation.

De leur côté, les particuliers doivent également s’approprier les nouvelles aides proposées pour en tirer parti. Les changements réguliers peuvent créer des effets d’aubaine dans le lancement de travaux, mais également susciter de l’attentisme ou mettre à mal des projets en cours de réalisation, notamment au sein des copropriétés dont les rénovations s’étalent sur plusieurs années.

Outre les évolutions des incitations financières aux travaux, le secteur du bâtiment doit également prendre en compte les modifications régulières des réglementations thermiques pour les bâtiments.

Ainsi, concernant la construction neuve, la réglementation thermique des bâtiments de 2005 a été modifiée en 2012, et doit être prochainement remplacée en 2021 par une nouvelle réglementation environnementale, dite RE 2020, à l’issue de la phase de concertation encore en cours. Dans le domaine des bâtiments existants, la réglementation thermique applicable, dite « RT Existant », a été définie par arrêté en 2007, puis modifiée en 2017. Elle a aussi été modifiée pour prendre en compte les travaux de rénovation embarqués prévus par la loi LTECV.

Si ces modifications sont absolument nécessaires, elles doivent cependant s’inscrire dans une stratégie de long terme, afin d’offrir une visibilité aux acteurs du bâtiment et d’éviter les changements d’orientation qui ruineraient les efforts de rénovation déjà entrepris. Or, cela est loin d’être toujours le cas.

La place du gaz dans la future RE 2020 est un bon exemple de ces évolutions contradictoires. En effet, la nouvelle réglementation devrait interdire le gaz dans les constructions neuves. Ce changement répond à la volonté de décarboner les bâtiments futurs tout au long de leur cycle de vie, ce qui est une approche de long terme bienvenue. Mais il disqualifie en même temps les travaux de rénovation thermique d’une bonne partie du parc de logements existants, qui avaient justement eu recours à cette énergie jusque-là favorisée dans la réglementation. Si les critères retenus pour le futur DPE conduisent à fortement détériorer la classification des bâtiments chauffés au gaz, de nouveaux travaux de rénovation devront alors être engagés à court terme. Or, à l’échelle d’un bâtiment, ce type de travaux demande un amortissement important et ne peut être engagé chaque décennie.

Cet exemple montre la nécessité de fixer les orientations stratégiques de la rénovation thermique le plus en amont possible et de prévoir des périodes d’adaptation aux nouvelles normes pour éviter des effets contre-productifs.

Votre rapporteure estime donc que les évolutions réglementaires portant sur les aides publiques à la rénovation et sur les normes de construction doivent faire l’objet d’un calendrier stratégique de réactualisation. Un tel calendrier offrirait aux parties prenantes de la rénovation la visibilité dont elles ont besoin grâce à la fixation d’échéances de réactualisation régulières. Il devrait également prévoir des phases d’adaptation, afin d’éviter les soubresauts préjudiciables au bon fonctionnement de la filière. Enfin, pour être pleinement efficace, ce calendrier devrait s’articuler avec la révision périodique des objectifs de la SNBC ainsi qu’avec une programmation pluriannuelle du financement de la rénovation thermique (cf. infra).

Proposition n° 6 : Fixer un calendrier stratégique pour la réactualisation des réglementations de la construction et des aides publiques à la rénovation, coordonné avec les réactualisations de la SNBC et de la PPE, afin de sécuriser l’activité des professionnels du bâtiment.

II.   Des incitations financières qui doivent être clarifiées et mieux articuléEs

De nombreux outils ont été progressivement mis en place pour soutenir financièrement les maîtres d’ouvrage – particuliers ou entreprises – dans leurs projets de rénovation. Mais leur instabilité, leur accumulation et, parfois, leur inadéquation avec les besoins du public ont rendu leur utilisation à la fois complexe et peu opérante. De plus, si les ménages disposent d’une offre conséquente et qui mériterait d’être mieux coordonnée, les entreprises ont peu de solutions à leur disposition.

A.   Les aides aux particuliers : un panorama diversifié mais complexe à utiliser

Les aides disponibles pour les particuliers concernent des publics différents de par leur typologie (propriétaires occupants, propriétaires bailleurs, copropriétaires, locataires dans certains cas), leurs capacités financières, voire leur statut socio-professionnel (salariés du secteur privé, retraités). Elles sont nombreuses, présentent des degrés d’éligibilité différents et ont chacune leur propre mode opératoire. Cette situation entraîne un manque de clarté manifeste pour le public et complexifie l’élaboration du financement des projets de rénovation.

1.   Un panel d’aides diversifié…

Compte tenu de la grande diversité des aides actuellement proposées, il semble opportun d’effectuer une description synthétique de chaque dispositif afin de mieux comprendre les difficultés découlant de cette offre pour les particuliers.

a.   MaPrimeRénov’

Le principal outil étatique pour subventionner les travaux de rénovation thermique des particuliers est désormais la prime de transition énergétique, créée par la loi de finances pour 2020 et popularisée sous la dénomination « MaPrimeRénov’ ». Elle a remplacé le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et le programme Habiter Mieux Agilité de l’ANAH.

Après une période intermédiaire en 2020, le dispositif MaPrimeRénov’ est devenu universel en 2021. Il s’adresse désormais à l’ensemble des ménages propriétaires occupants, mais également aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés.

MaPrimeRénov’ permet le versement rapide d’une aide à l’issue des travaux de rénovation. Les primes sont calculées sur la base de montants forfaitaires qui diffèrent selon les revenus du ménage. Ce système permet d’augmenter les aides dédiées aux ménages aux revenus modestes et très modestes, à la différence du CITE qui concentrait l’aide publique vers les ménages aux revenus plus élevés.

MaPrimeRénov’ est cumulable avec le dispositif des CEE et de l’éco-PTZ, les aides d’Action Logement ou encore les aides mises en place par les collectivités territoriales.

Le dispositif est encore majoritairement orienté vers la rénovation par gestes. Le système de primes permet en effet de fournir une aide pour des travaux uniques, ponctuels, qui ne s’inscrivent pas nécessairement dans un projet global ou, à tout le moins, performant et structuré par étapes. Des aides ont toutefois été prévues pour inciter les ménages à rehausser la performance de leur projet de rénovation :

– la création d’une prime à la rénovation globale pour les ménages aux revenus intermédiaires et supérieurs ([31]) doit permettre d’orienter les travaux vers ce type de projets, le montant de cette prime devant être supérieur au cumul de gestes de rénovation. L’obtention de cette prime est toutefois conditionnée au fait que les travaux engagés permettent un gain énergétique de plus de 55 %. Elle a enfin vocation à s’articuler avec le coup de pouce « Rénovation performante d’une maison individuelle » qui a été établi sur les mêmes exigences de gain énergétique ;

– la création d’un bonus pour la sortie du logement du statut de « passoire thermique » et d’un bonus pour l’atteinte du niveau BBC ;

– enfin, la création d’une prime permettant de financer un audit énergétique, dont les résultats doivent conduire les ménages à mieux élaborer leur projet de rénovation en agissant sur plusieurs éléments du bâtiment.

Ces aides sont appréciables, mais leur montant n’est que très modérément incitatif au regard des investissements très importants que les rénovations globales nécessitent. On peut donc se demander si ces aides atteindront leur but en l’état. Elles pourraient être revalorisées en réaffectant par exemple les crédits prévus pour les primes versées au titre de l’isolation thermique des fenêtres. Ces dernières sont en effet trop faibles pour être réellement incitatives auprès des ménages aux revenus intermédiaires ou élevés. Ce budget serait donc mieux employé pour des projets de rénovation plus ambitieux ou, a minima, pour revaloriser les travaux sur les fenêtres des ménages très modestes (MaPrimeRénov’ bleu).

Le cumul des primes versées par logement et par ménage sur une période de cinq ans est limité à 20 000 euros. Les équipements installés doivent également satisfaire un certain nombre d’exigences en termes d’efficacité énergétique qui sont définies par arrêté ministériel. Les travaux doivent enfin concerner une habitation construite depuis deux ans et être réalisés par une entreprise disposant du label « reconnu garant de l’environnement » (RGE).

Il faut enfin signaler que propriétaires occupants et propriétaires bailleurs disposent du même type d’aide et sont soumis aux mêmes conditions de revenus. Les bailleurs peuvent bénéficier d’aides pour trois biens locatifs au maximum. Cette ouverture du dispositif aux bailleurs répond à la nécessité de les inciter à rénover leurs biens, alors que le parc locatif privé concentre une grande proportion de « passoires thermiques » et de ménages en situation de précarité énergétique.

141 143 logements rénovés ont bénéficié de MaPrimeRénov’ en 2020, pour un montant de 570 millions d’euros. L’objectif annoncé par le Gouvernement est d’atteindre les 500 000 primes en 2021.

b.   Le programme Habiter Mieux Sérénité

Le programme Habiter Mieux Sérénité, géré par l’ANAH, est destiné aux ménages modestes et très modestes s’engageant dans un projet de rénovation performant. 41 241 logements ont été rénovés grâce au dispositif en 2020. Il est le seul à réserver ses subventions aux logements construits depuis plus de quinze ans. Pour être financés, les travaux engagés doivent permettre un gain énergétique d’au moins 35 % grâce à la réalisation de plusieurs gestes – en moyenne trois à quatre par logement ([32]). Le plafond maximal des travaux éligible est fixé à 30 000 euros et la prise en charge par l’ANAH peut couvrir jusqu’à 50 % du montant total hors taxe des travaux pour les ménages très modestes, soit 15 000 euros au maximum, et 35 % pour les ménages modestes, soit 10 500 euros.

Cette aide est complétée par une prime correspondant au maximum à 10 % du montant total hors taxe des travaux, soit 3 000 euros pour les ménages très modestes et 2 000 euros pour les ménages modestes. Enfin, deux primes cumulables de 1 500 euros sont également versées sous conditions : l’une pour la sortie du statut de « passoire thermique » (atteinte de l’étiquette E ou plus), l’autre pour l’atteinte de l’étiquette énergétique A ou B.

Il faut enfin noter que l’assistance à maîtrise d’ouvrage est obligatoire pour les bénéficiaires, afin de garantir l’efficacité des travaux engagés. Elle est également subventionnée.

Le programme Habiter Mieux n’est cumulable ni avec MaPrimeRénov’ ni avec les aides CEE pour les propriétaires ([33]).

Certaines associations auditionnées ont alerté la mission d’information sur la difficulté que posait le relèvement du niveau d’exigence du gain énergétique de 25 à 35 % en 2021. Le dispositif peut laisser de côté les projets de ménages très modestes qui ne pourront plus financer des projets certes moins exigeants, mais en adéquation avec leur capacité financière. Ces ménages ne pourraient alors plus bénéficier que d’autres aides, comme MaPrimeRénov’, qui sont moins avantageuses financièrement.

D’après les audits énergétiques réalisés, le gain énergétique moyen résultant des travaux est de l’ordre de 40 %. Concernant les sauts d’étiquette énergétique, les résultats observés par l’ANAH montrent cependant que l’amélioration de la classification énergétique n’est pas garantie pour chaque rénovation. 50 % des rénovations effectuées concernent un parc classé F ou G. La sortie du statut de « passoire thermique » n’est donc pas toujours possible malgré un gain énergétique considérable ; les ressources propres des ménages ne permettent pas non plus de pouvoir opérer tous les travaux qui permettraient l’amélioration de l’étiquette énergétique. Ces éléments posent donc la question de la soutenabilité de l’objectif BBC dans le cadre de ce dispositif. Néanmoins, l’ANAH indique que 9 % des logements atteignent une étiquette A ou B à l’issue des travaux financés par Habiter Mieux.

c.   Les primes CEE

Compléments importants des aides publiques, les primes attachées aux CEE sont attribuées aux particuliers sans conditions de ressources. Des bonifications de prime existant toutefois pour les ménages précaires, la vérification des revenus des ménages est une étape préalable pour la détermination du montant de la prime attribuée.

Le versement de cette dernière est conditionné à l’engagement du client de fournir le CEE à l’entreprise qui finance ses travaux. Les devis doivent donc être validés préalablement au lancement des travaux pour donner droit au versement de la prime CEE. Le montant des primes proposées peut varier en fonction des sociétés prestataires, ce qui est un effet naturel de la concurrence existant dans le secteur. Outre le montant des primes, leurs modalités de remise peuvent également différer : prime versée à l’issue des travaux, remise sur devis ou encore bons d’achat auprès d’énergéticiens. Ces différences sont autant d’éléments qui complexifient l’appropriation du dispositif par les ménages. L’ADEME, dans son rapport consacré au dispositif des CEE, indique sur ce point que près d’un ménage sur deux n’a pas sciemment choisi le mode de valorisation de ses CEE.

L’essentiel des primes CEE sollicitées par les particuliers correspond à des travaux portant sur l’isolation du bâtiment (combles, planchers, parois opaques) ou le remplacement du système de chauffage. Les « coups de pouce » ont particulièrement valorisé les primes pour ces travaux, conduisant parfois à une surchauffe dans le rythme des chantiers et à l’apparition d’opérations de qualité médiocre, voire frauduleuses, qui ont des effets contre-productifs (détérioration des logements, contrecoups médiatiques, perte de confiance dans le dispositif).

d.   Les aides des collectivités territoriales

Les collectivités territoriales et les EPCI ont la possibilité, dans le cadre de leur politique en faveur de l’habitat, de proposer des aides aux propriétaires occupants. Elles sont essentiellement servies sous deux formes :

– une prime versée aux propriétaires occupants dont les critères d’attribution, tout comme les modalités de mise en œuvre ou de contrôle, sont déterminés par chaque collectivité ;

– la réduction, pouvant aller de 50 % à 100 %, de la part de taxe foncière sur les propriétés bâties de la collectivité initiatrice de l’aide. Définie à l’article 1383-0 B du code général des impôts, cette réduction est encadrée : d’une durée de trois ans, elle ne permet de viser que des logements construits avant le 1er janvier 1989, pour lesquels le coût des travaux de rénovation thermique est au moins de 10 000 euros.

La diffusion de l’information pour ces aides est assurée par les collectivités, mais aussi par les différentes plateformes d’information, notamment celles du réseau FAIRE ou de l’ANIL. L’information sur ces aides est également relayée par les opérateurs privés.

Il n’existe pas à l’heure actuelle d’études permettant d’évaluer ces dispositifs. Le volume d’aides global n’est pas connu, tout comme le nombre et le type de ménages qui en ont bénéficié, en raison de l’absence de dispositif permettant de remonter ce type d’informations au niveau national. Même le montant des exonérations de taxe foncière n’est pas connu, car elles ne donnent pas lieu à compensation par l’État. L’information sur ces aides devrait être améliorée pour disposer d’une vision plus fine du niveau de soutien public proposé sur l’ensemble du territoire.

e.   Les aides d’Action Logement

Le groupe Action Logement a mobilisé, dans le cadre de son Plan d’investissement volontaire (PIV) lancé en avril 2019, une enveloppe de 1 milliard d’euros pour la rénovation thermique à l’attention des salariés du secteur privé, propriétaires occupants ou bailleurs. 500 millions d’euros ont été originellement prévus pour la délivrance d’aides sous forme de primes aux propriétaires occupants, l’autre partie de l’enveloppe devant être consacrée à l’attribution de prêts pouvant aller jusqu’à 30 000 euros et permettant de financer le reste à charge des travaux de rénovation, ou d’autres travaux d’amélioration, au taux annuel de 1 %.

L’aide pour les propriétaires occupants peut atteindre 20 000 euros tandis que celle prévue pour les bailleurs peut aller jusqu’à 15 000 euros. L’aide vise en priorité les travaux d’isolation, mais peut aussi financer les travaux portant sur le système de chauffage et d’eau chaude sanitaire. Son attribution dépend de conditions de ressources, de l’implantation du logement dans une zone géographique spécifique (zones B2, C ou Action cœur de ville) et de la réalisation des travaux par un artisan reconnu RGE. Le recours à une assistance à maîtrise d’ouvrage est obligatoire.

Les crédits du PIV étaient prévus pour être mis en œuvre jusqu’en 2022. Mais le vif succès du dispositif pour la rénovation thermique a conduit Action Logement à suspendre en décembre 2020 la possibilité de dépôt des dossiers de demande d’aide, en raison de l’épuisement de l’enveloppe financière dédiée aux primes initialement prévue. Action Logement a indiqué qu’au 17 décembre 2020, plus de 19 500 ménages avaient été validés pour un engagement global de 328 millions d’euros et que 51 000 dossiers étaient encore en instance d’instruction. Près de 70 % des dossiers concernent des travaux d’isolation du logement, le quart restant étant consacré à des travaux sur le système de chauffage. 97 % des dossiers validés concernaient des propriétaires occupants, les 3 % restants correspondant aux propriétaires bailleurs.

Un travail de concertation avec le Gouvernement est en cours pour déterminer les possibilités de redéploiement des crédits du PIV, notamment vers les aides à la rénovation thermique.

f.   Autres aides

D’autres dispositifs permettent d’aider le financement de travaux de rénovation énergétique.

Dans le cadre de leur politique d’amélioration de l’habitat et de l’autonomie des personnes âgées, les caisses de retraite peuvent financer jusqu’à 3 500 euros des travaux d’isolation thermique des résidences principales. Des conditions de ressources et de non-perception de certaines aides doivent être remplies.

Les caisses d’allocations familiales peuvent également proposer un prêt pour financer des travaux d’amélioration qui peuvent concerner l’isolation, la ventilation ou le système de chauffage. Le prêt peut atteindre 80 % du montant de dépenses prévues, dans la limite de 1 067,14 euros. Le remboursement s’effectue par retenue mensuelle sur les prestations familiales en trente-six mensualités égales à compter du sixième mois qui suit le versement du prêt. Le taux d’intérêt est de 1 %.

Enfin, d’autres initiatives privées ou associatives peuvent accompagner localement des projets de rénovation. Leur référencement au niveau national fait cependant défaut.

La rapporteure souhaiterait notamment que soit conduite une réflexion sur les incitations pour les multipropriétaires à rénover les multiples logements qu’ils possèdent, et dont certains sont loués. À cet égard, une réflexion pourrait être conduite sur l’élaboration d’un crédit d’impôt spécifique pour les ménages aisés qui effectuent des travaux de rénovation dans les logements dont ils sont propriétaires et qui sont occupés par des ménages en situation de précarité énergétique. En tout état de cause, il est important que la mission spécialisée conduite par M. Olivier Sichel, directeur général adjoint de la Caisse des dépôts et consignations, pour accélérer la rénovation des passoires thermiques, se penche sur cette question des multipropriétaires qui ne font pas l’objet d’aides spécifiques.

Proposition n° 7 : Confier à la mission spécifique sur le financement de la rénovation des passoires thermiques le soin de formuler des propositions concernant les incitations des multipropriétaires à la rénovation des logements qu’ils possèdent. Étudier pour cela l’élaboration d’un crédit d’impôt spécifique pour les ménages aisés qui effectuent des travaux de rénovation dans les logements dont ils sont propriétaires et qui sont occupés par des ménages en situation de précarité énergétique.

2.   … dont l’articulation est particulièrement complexe

Cette brève présentation permet de mesurer une partie de la complexité des démarches qui attendent un ménage souhaitant financer son projet grâce à différentes aides. Il devra ainsi effectuer des démarches auprès de chaque opérateur, en ayant pris soin de vérifier qu’il remplit les différentes conditions d’éligibilité propres à chaque dispositif (revenus, localisation géographique du logement, statut socio-professionnel, etc.). Il devra disposer de devis correctement établis afin de permettre le contrôle des critères de performance des équipements. Il devra aussi vérifier si les aides demandées sont bien cumulables entre elles. Dans le cas des CEE, il devra aussi choisir les modalités de versement de la prime. En l’absence de fonds propres pour financer le reste à charge, il pourra enfin compléter son plan de financement avec l’obtention d’un prêt, en espérant que sa banque lui proposera bien un éco-prêt à taux zéro plus avantageux qu’un crédit à la consommation.

Dans ce parcours administratif, une difficulté particulière consistera à déterminer le montant exact des aides attribuées dans le cadre de MaPrimeRénov’.

En effet, le montant de la prime dépend non seulement de la catégorie du ménage et des travaux engagés, mais également du cumul des autres aides sollicitées. Une règle d’écrêtement module le montant de la prime de façon à ce que le cumul des aides – MaPrimeRénov’, CEE, aides d’Action Logement et aides spécifiques aux départements et régions d’outre-mer ([34]) – ne dépasse pas un certain taux de la dépense éligible prévue pour chaque geste. Ce taux est fixé à 90 % de la dépense éligible pour les propriétaires aux revenus très modestes, 75 % pour les propriétaires aux revenus modestes, 60 % pour les propriétaires aux revenus intermédiaires et 40 % pour les propriétaires aux revenus aisés ([35]). Ce calcul étant effectué au regard des autres aides attribuées, cela signifie que le montant de MaPrimeRénov’ correspond au différentiel entre les autres aides obtenues et le montant maximal attribuable. Il faut également noter qu’avec ce système d’écrêtement, le reste à charge d’un ménage très modeste sera au mieux de 10 % à la condition que les travaux engagés ne dépassent pas la dépense éligible.

Cette complexité propre à MaPrimeRénov’, peu connue ([36]), ne facilite pas son appropriation par le public comme par les professionnels du bâtiment. Ces derniers ne peuvent par exemple pas connaître le montant exact de la prime à laquelle leurs clients auront finalement droit. C’est une difficulté supplémentaire pour des entreprises qui souhaiteraient par exemple devenir mandataires du dispositif.

L’articulation entre les aides est donc complexe et mériterait d’être simplifiée, car le danger de laisser de côté une partie des publics est réel. Il faut veiller à la compatibilité entre les aides, afin de garantir l’optimisation de l’aide publique pour les ménages modestes et très modestes. C’est une condition déterminante pour diminuer leur reste à charge. La modification de plusieurs fiches CEE pour les rapprocher des critères d’éligibilité des autres dispositifs ou l’utilisation d’une échelle de revenus identiques pour Habiter Mieux et MaPrimeRénov’ sont des exemples de rapprochement des dispositifs. Ces efforts doivent néanmoins être poursuivis.

Proposition n° 8 : Améliorer la bonne utilisation des aides aux particuliers en uniformisant les conditions d’éligibilité entre les aides, en améliorant la lisibilité et la compatibilité de celles-ci et en facilitant les démarches administratives.

Par ailleurs, votre rapporteure estime que la règle d’écrêtement de MaPrimeRénov’ ne devrait pas s’appliquer pour les ménages très modestes, ce qui permettrait de réduire le reste à charge pour des particuliers qui sont parmi les plus nombreux à souffrir de la précarité énergétique. En cohérence avec l’accompagnement dont ils bénéficient dans le cadre du dispositif Habiter Mieux Sérénité, ils devraient également être accompagnés pour MaPrimeRénov’ – cet accompagnement pourrait d’ailleurs être étendu aux publics fragiles, comme les personnes âgées, qui peuvent être parfois en difficulté face à ces aides difficiles à solliciter.

Proposition n° 9 : Supprimer la règle d’écrêtement de MaPrimeRénov’ pour les ménages les plus modestes et prévoir un accompagnement pour ces derniers ainsi que pour les personnes âgées, à l’instar de ce qui existe dans le dispositif Habiter Mieux Sérénité.

B.   Les aides pour les rénovations de bâtiments tertiaires privés sont réduites

Alors que les obligations de réduction de consommation énergétique visant les entreprises ont été renforcées avec la loi « ELAN » et le décret « tertiaire », les dispositifs d’aide ou d’accompagnement destinés aux entreprises pour rénover leurs bâtiments tertiaires sont relativement restreints.

L’ADEME est l’un des interlocuteurs en la matière, via des programmes ou des appels à projets permettant par exemple d’assister les entreprises dans leurs projets de performance énergétique (diagnostics, études de faisabilité, audits). Toutefois, l’essentiel des aides financières disponibles concerne les investissements industriels, notamment par le biais du « fonds chaleur » géré par l’agence. Les financements ne concernent que marginalement l’efficacité énergétique des bâtiments tertiaires, lorsque ceux-ci sont par exemple intégrés à un site industriel ou lorsqu’ils peuvent bénéficier d’une intégration à un réseau de chaleur existant. Dans le cadre de certains appels à projet, l’ADEME peut également offrir des solutions concernant les diagnostics ou les études de faisabilité de projets de rénovation, mais là encore, ce sont avant tout les sites industriels qui sont visés. Le panel d’entreprises concernées est donc faible.

Il serait néanmoins opportun que l’ADEME se serve de la plateforme OPERAT pour communiquer efficacement sur les solutions ou les dispositifs d’accompagnement s’adressant aux entreprises, notamment ceux proposés au niveau local par les collectivités territoriales ou les chambres de commerce et d’industrie.

Les aides financières offertes aux entreprises sont principalement tirées du dispositif des CEE. Un certain nombre de fiches standardisées ou de « coups de pouce » s’adressent aux entreprises, notamment pour les bâtiments tertiaires. C’est par exemple le cas du « coup de pouce Chauffage des bâtiments tertiaires », créé en mai 2020, qui permet notamment de financer le raccordement à des réseaux de chaleur ou, lorsque cela est techniquement impossible, de financer l’installation d’équipements remplaçant des installations fonctionnant au charbon ou au fioul.

L’emprunt reste donc la solution principale de financement des travaux de rénovation thermique. Lors de leur audition, les représentants de la Fédération bancaire française ont indiqué que leurs enquêtes montraient une véritable appétence des entreprises pour le sujet, qui s’inscrit souvent dans une approche globale de la transition énergétique (amélioration des bâtiments, adaptation des usages de consommation, énergies renouvelables). Les économies d’énergie représentent un enjeu financier bien identifié. Les réseaux bancaires effectuent un travail de formation de leurs conseillers pour s’adapter aux demandes des entreprises ou pour mieux les informer, notamment sur les obligations de réduction découlant du décret « tertiaire », mais cela prend du temps compte tenu du nombre de personnes à former et de la complexité du sujet.

Des réflexions sont en cours pour développer des outils financiers spécifiques, par exemple des solutions de financement de travaux identifiés à la suite d’audits ou des solutions pour développer l’autoconsommation via un crédit-bail.

Une solution peu exploitée : les contrats de performance énergétique

Le contrat de performance énergétique (CPE) est une solution encore peu exploitée pour réduire la consommation énergétique des bâtiments tertiaires. Ce contrat passé entre un maître d’ouvrage et un opérateur détermine une performance énergétique à atteindre moyennant un certain nombre de travaux ou d’actions répartis dans le temps. Ceux-ci peuvent être financièrement supportés par le maître d’ouvrage ou l’opérateur (ce dernier peut alors faire office de tiers investisseur). L’intérêt réside dans la garantie de performance attachée au contrat : si la performance n’est pas atteinte, l’opérateur doit verser une indemnité ; si au contraire elle l’est, l’opérateur bénéficie d’une prime correspondant à tout ou partie de l’économie d’énergie réalisée, et ce sur une durée prévue par le contrat. Les CPE peuvent par ailleurs permettre l’attribution de CEE.

Les CPE sont modulables : s’étalant le plus souvent sur une durée de six à dix ans, ils peuvent ne prévoir que des interventions d’amélioration et de maintenance sur les systèmes de chauffage, le remplacement desdits systèmes ou porter également sur des travaux d’isolation des bâtiments. Ils peuvent également consister en un marché global prévoyant la conception, la réalisation, l’exploitation et la maintenance (CREM) du volet énergétique d’un bâtiment. Pour être correctement suivis, les CPE nécessitent toutefois une bonne connaissance des bâtiments et des capacités de mesure de leur efficacité énergétique fiables.

Pour les collectivités, le CPE prend la forme d’un marché de partenariat (art. L.1112-1 du code de la commande publique) ou d’un marché global de performance (art. L. 2171‑3 du même code).

Les CPE sont pour le moment majoritairement utilisés par les collectivités territoriales ou les bailleurs sociaux, mais ils sont aussi ouverts aux entreprises ou aux copropriétés. Leur emploi est pourtant encore confidentiel. En 2019, l’Observatoire des contrats de performance énergétique, mis en place par l’ADEME, le CEREMA et le CSTB, n’en recensait qu’un peu moins de 300, essentiellement conclus par les collectivités, mais aussi les bailleurs sociaux (16 % des contrats).

Le prêt éco-énergie est l’un des rares outils financiers existants. Proposé par BpiFrance, il s’adresse aux microentreprises, TPE et PME financièrement saines et ayant plus de trois ans d’existence. Pour bénéficier de ce prêt participatif, pouvant aller jusqu’à 100 000 euros, l’entreprise doit s’engager dans un programme d’investissements visant à améliorer l’efficacité énergétique.

En termes d’information et d’accompagnement pour les entreprises, il faut noter que le réseau FAIRE ne met pas forcément en avant sa capacité d’accompagnement des entreprises. Pourtant de nombreux centres d’information ont intégré ce public dans leurs cibles. L’accueil des entreprises devrait donc être systématisé sur l’ensemble du réseau.

Proposition n° 10 : Améliorer le panel des aides dédiées aux entreprises en développant de nouveaux outils financiers adaptés, en promouvant les contrats de performance énergétique et en assurant une meilleure information, notamment grâce au réseau Faire.

III.   Les difficultés spécifiques de la rénovation thermique des logements sociaux

Au 1er janvier 2020, le parc de logements sociaux représentait 5,15 millions de logements et permettait de loger environ 10 millions de personnes. Il correspondait à 334,8 millions de mètres carrés de surface habitable. Ce parc est globalement le plus vertueux du secteur résidentiel en termes de consommation énergétique. Selon les données du répertoire des logements locatifs des bailleurs sociaux (RPLS) de 2020, 82 % du parc ont fait l’objet d’un diagnostic de performance énergétique. Environ 44 % des logements étaient classés dans les étiquettes A, B et C, tandis que les logements qualifiés de « passoires thermiques » représentaient 4 % du parc social. Ces chiffres sont quelque peu différents de ceux issus des travaux de l’Observatoire national de la rénovation énergétique. Ce dernier considère en effet que 36,6 % des logements sociaux sont classés A, B ou C et que 7,1 % sont des passoires thermiques (contre 24,6 % de logements classés A, B ou C et 16,8 % de passoires thermiques pour l’ensemble du parc résidentiel) ([37]).

La qualité thermique du parc social découle en partie de l’évolution naturelle du parc dont les programmes de construction permettent d’augmenter la part des logements les moins énergivores, mais aussi de l’engagement des bailleurs sociaux dans des programmes continus de rénovation de leur parc, dans un souci de bonne gestion patrimoniale. Il s’agit de garantir la mise aux normes progressive du parc et son amélioration en termes de qualité de vie pour préserver son attractivité et sa valorisation.

Répartition des logements sociaux par classe énergétique selon l’ancienneté du logement en 2019

Source : Le parc locatif social au 1er janvier 2020 , DATA Lab, Ministère de la transition écologique

Selon les données collectées par l’Observatoire de la production locative rattaché à l’Union sociale pour l’habitat, les organismes HLM ont effectué plus de 130 000 rénovations thermiques par an depuis 2015, avec un pic en 2018 (184 859 rénovations) coïncidant notamment avec le plein-emploi du dispositif des prêts de haut de bilan bonifiés, mis à la disposition des bailleurs sociaux par la Caisse des dépôts et consignations. Depuis la fin de ce dispositif, une baisse des rénovations a été constatée, ces dernières retombant à 136 348 en 2020. L’objectif des 100 000 logements sociaux rénovés fixés dans le plan de rénovation des bâtiments de 2018 est néanmoins constamment atteint par les bailleurs sociaux. Il faut enfin souligner que la part de « passoires thermiques » rénovées représentait un peu plus de 20 000 logements en 2020 (soit près de 15 % des rénovations effectuées).

Source : Union sociale pour l’habitat

Les nombres de logements indiqués sur ce graphique ne doivent pas être additionnés, une proportion des logements comptabilisés faisant l’objet de différentes rénovations échelonnées sur plusieurs années.

Les travaux de rénovation thermique sont principalement financés par des prêts bonifiés proposés par la Banque des territoires. Les organismes HLM ont recours à l’éco-prêt logement social (éco-PLS), dont le taux est indexé sur celui du livret A et qui est soumis à des conditions d’octroi garantissant la performance énergétique de la rénovation. Le plafond de financement par logement a été relevé en 2019, passant de 16 000 à 22 000 euros et pouvant être majoré de 2 000 euros en cas de projet permettant d’obtenir le label « haute performance énergétique » (HPE) rénovation ou le label « bâtiment basse consommation » (BBC). 43 000 logements par an en moyenne ont bénéficié de l’octroi de ce prêt sur la période 2014-2019. Il faut noter que cet éco-prêt peut être complété par un prêt à l’amélioration de l’habitat (PAM), mais aussi par des prêts versés par Action Logement. Les bailleurs sociaux font également appel, dans une moindre mesure, à des prêts auprès des organismes bancaires privés.

Si le relèvement du plafond de l’éco-PLS est bienvenu, il faut noter que cette évolution reste en deçà des besoins de financement adaptés pour une rénovation performante. Si l’éco-PLS s’aligne relativement bien avec le coût d’une rénovation de qualité moyenne (environ 35 000 euros), il répond plus difficilement aux besoins d’une rénovation de niveau BBC (45 000 euros) ou de type zéro énergie « Energiesprong » ([38]) correspondant à une étiquette A (75 000 euros) ([39]).

À ces prêts s’ajoutent un certain nombre de subventions de différentes origines. L’État peut participer à des projets dans le cadre de programmes de rénovation de l’habitat tels que ceux gérés par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Les collectivités territoriales financent également les projets de rénovation des bailleurs, notamment dans le cadre des OPAH et des PIG. L’Union européenne participe aussi, pour une part non négligeable, au subventionnement de cette politique grâce au Fonds européen de développement régional (FEDER).

Les bailleurs sociaux financent également les travaux avec les fonds propres tirés de l’exploitation des logements ou encore la valorisation des CEE obtenus grâce aux travaux, qui peut représenter jusqu’à 10 000 euros par logement pour un chantier de rénovation globale. Ils ont aussi la possibilité de solliciter une contribution aux travaux d’économies d’énergie – usuellement appelée « troisième ligne de quittance » – auprès de leurs locataires, mais cette faculté est rarement utilisée. Sur ce dernier point, votre rapporteure estime qu’une évolution serait souhaitable concernant les locataires dont les revenus sont sensiblement supérieurs aux conditions de ressources permettant d’accéder au parc HLM, par exemple lorsque le revenu de référence correspond aux conditions donnant droit à la réclamation d’un surloyer. Une contribution, dont le montant serait progressif, pourrait être mise en place par les bailleurs sociaux lorsque le bâtiment où logent ces locataires fait l’objet d’une rénovation thermique, afin de compenser le bénéfice en termes de gain énergétique et de confort que la rénovation thermique permet.

Proposition n° 11 : Introduire la possibilité pour les bailleurs sociaux de réclamer une contribution solidaire au titre de l’amélioration thermique du logement aux locataires lorsque leurs revenus correspondent aux critères ouvrant droit à la perception d’un surloyer.

Les bailleurs disposent donc de plusieurs leviers pour élaborer le plan de financement de leurs travaux, mais la question de leur capacité financière n’est pas la seule problématique qu’ils doivent prendre en compte.

Lors de leur audition, les représentants de l’Union sociale pour l’habitat (USH) ont rappelé qu’en plus de la rénovation thermique, les bailleurs sociaux doivent également améliorer l’état général de leur parc en fonction d’autres objectifs tels que l’amélioration des conditions sanitaires, du cadre de vie ou encore l’autonomie des personnes âgées. Ils peuvent également avoir à planifier des restructurations lourdes lorsque le bâti est trop dégradé.

Ces différents enjeux doivent être pris en compte dans une gestion du parc se concevant sur un temps très long. Ils posent évidemment le problème de la priorisation des actions à mener. L’USH a rappelé qu’au regard du vieillissement global du parc locatif social, il était important de ne pas reporter les autres travaux d’entretien et d’amélioration au profit de la seule rénovation thermique. Les reports peuvent en effet entraîner un renchérissement du coût des travaux en raison des dégradations supplémentaires qu’ils entraînent. De plus, l’absence de travaux permettant d’améliorer le cadre de vie des habitants a une incidence sur les ressources tirées de l’exploitation des logements, si ces derniers ne peuvent plus être mis en location.

Une autre préoccupation des bailleurs sociaux concerne l’incidence des travaux de rénovation sur les charges des locataires. Ils peuvent entraîner une augmentation du coût de maintenance ou d’amortissement pour les matériels installés, ce qui peut se répercuter sur les charges malgré une baisse de la consommation énergétique. Ce phénomène a été constaté notamment dans le cas d’utilisation de réseaux de chaleur dont les coûts fixes contrebalancent les gains énergétiques. L’individualisation des frais de chauffage qui devait favoriser les économies d’énergie n’a pas non plus montré dans les faits son efficacité, voire a entraîné une augmentation des factures. Dans le cadre social spécifique du parc HLM, ces expériences montrent que tout projet d’envergure au niveau de la rénovation thermique doit être mûrement pesé pour ne pas aboutir à un appauvrissement des locataires.

Sur la question de l’efficacité énergétique, l’USH a également fait part des interrogations des acteurs du logement social à propos des nouvelles orientations stratégiques et des modifications réglementaires à venir. Les changements prévus par la SNBC et la PPE et les normes qui doivent en découler auront un impact sur les stratégies de rénovation à mener à moyen terme. Ainsi, la minoration de la place du gaz naturel dans le logement a une incidence directe sur le parc social, chauffé à 65 % par ce vecteur énergétique. Cette situation qui découle notamment de la RT 2012 pose la question de la viabilité des installations existantes en l’absence de recours à d’autres énergies adaptées aux systèmes en place, comme le biogaz.

Un autre exemple d’incertitude stratégique découle du futur classement énergétique des logements et de l’incidence du futur diagnostic de performance énergétique opposable pour le parc social. Si les modalités de calcul retenues abaissent la performance énergétique des logements HLM, les bailleurs devront réaliser des rénovations importantes, y compris sur des bâtiments déjà rénovés, afin de respecter les normes de consommation énergétique dans le futur. La future classification aura donc des conséquences extrêmement importantes sur les choix stratégiques des bailleurs en les obligeant à investir beaucoup plus dans la rénovation thermique des bâtiments, ce qui ne pourrait se faire qu’au détriment d’autres travaux structurels tout aussi importants pour la viabilité du parc.

Alors que les investissements des bailleurs sociaux sont envisagés sur un temps long en raison même de leurs modalités de financement, il y a donc une réelle difficulté pour ces derniers à adapter leur stratégie de rénovation au regard des changements de cap en cours. Une solution consisterait à élaborer une programmation pluriannuelle de la rénovation thermique du parc, afin d’échelonner les travaux et stabiliser les possibilités de financement.

Proposition n° 12 : Établir une programmation pluriannuelle de la rénovation thermique du parc de logements sociaux en concertation avec les bailleurs, afin d’échelonner les travaux et de prévoir les financements dédiés.

– Dans le cadre du financement, le plafond des prêts dédiés à la rénovation des logements sociaux sera augmenté pour maximiser les rénovations très performantes ;

– La programmation doit prévoir les modulations réglementaires nécessaires aux bailleurs sociaux pour adapter leurs différentes stratégies de rénovation à long terme.

IV.   Une communication et un accompagnement encore perfectibles

Une des priorités pour la massification des rénovations est l’amélioration de l’information et de l’accompagnement des différents publics dans des projets complexes à mettre en œuvre d’un point de vue administratif, financier et technique. Si des efforts notables ont été effectués ces dernières années, il faut néanmoins poursuivre la création du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) partout sur le territoire, afin de toucher le plus grand nombre de futurs maîtres d’ouvrage.

A.   L’identification des motivations et des freins à la rénovation

Les motivations conduisant les ménages à engager des travaux de rénovation thermique ne trouvent pas leur origine dans une prise de conscience environnementale. L’enquête TREMI de l’ADEME a montré que c’est avant tout le souci d’amélioration du confort puis, dans une moindre mesure, la volonté de réduire la facture énergétique et la valorisation de son patrimoine qui sont les principaux moteurs du passage à l’acte. Outre ce constat, l’enquête a également montré que l’élément déclencheur relevait souvent d’une opportunité de chantier, qu’elle soit provoquée par une installation en panne, d’autres travaux de rénovation ou la possibilité d’un financement externe. Enfin, l’incitation à engager des travaux provient encore majoritairement de l’entourage des ménages ou de professionnels (artisans, énergéticiens, autres entreprises), ce qui pose la question de la qualité et de l’impartialité des conseils et incitations fournis.

Source : Enquête TREMI – ADEME

Les chiffres en gris correspondent aux répondants ayant effectué des travaux, les chiffres en vert aux répondants dont les travaux ont permis un saut de deux classes énergétiques ou plus.

Un des freins principaux à la rénovation est la connaissance de son logement. La même enquête montrait que 54 % des personnes n’ayant pas réalisé de travaux expliquaient ce désintérêt par le fait que leur logement n’avait pas besoin d’être rénové. Alors que seules 6,6 % des résidences principales disposent d’une étiquette énergétique A et B, ce résultat laisse entendre que les intéressés ont souvent une faible connaissance du potentiel de rénovation de leur logement, alors même qu’ils pourraient en tirer un bénéfice en termes d’économies et de qualité de vie.

Un autre frein réside dans la complexité inhérente à un chantier de rénovation thermique. Les équipements utilisés et le suivi du chantier réclament une expertise technique que les ménages ne possèdent pas, ce qui crée un frein dans la prise de décision, d’autant que les solutions à apporter doivent être adaptées au type d’habitat, à son état ou encore à sa localisation. De plus, tout projet de rénovation porte en lui une part d’incertitude inhibitrice, car la qualité du résultat final dépend de la bonne exécution des travaux et ne peut être appréciée qu’une fois ces derniers terminés. Enfin, les particuliers ne peuvent capitaliser sur une expérience acquise dans le domaine de la rénovation, ces travaux n’ayant généralement lieu qu’une seule fois durant l’occupation d’un logement. Ces circonstances créent une situation d’asymétrie de l’information entre le particulier et le professionnel sur les questions de rénovation, qui place le premier dans une situation peu propice à l’engagement.

À ces freins s’ajoute la question du financement, qui trop souvent bloque les ménages malgré leur motivation, et la difficulté de disposer d’une information fiable sur les possibilités d’aides offertes aux particuliers.

Ces quelques éléments sont autant de points sur lesquels le service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) doit intervenir.

B.   Le périmètre du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) doit être consolidé

Créé en 2013, le SPPEH s’est jusqu’ici développé par le biais de plusieurs solutions. Les premiers points d’information consacrés à la rénovation thermique ont pris la forme de « points rénovation info service » (PRIS) qui se sont appuyés notamment sur les réseaux existants d’autres services d’information sur le logement, comme les ADIL, les antennes de l’ANAH ou les services dédiés des collectivités. En raison de ces partenariats, les prestations spécifiques proposées peuvent varier d’une structure à l’autre.

En complément des PRIS, dont la mission est avant tout centrée sur l’information, l’ADEME, par le biais d’appels à manifestation d’intérêt, a également développé des plateformes territoriales de la rénovation énergétique (PTRE) qui proposent, en plus de l’information et du conseil, des prestations d’accompagnement complémentaires relativement variées, selon les acteurs locaux investis dans le dispositif. Peuvent être ainsi proposés un accompagnement pour la création d’un plan de financement, la réalisation d’audits énergétiques ou encore la recherche d’artisans et le suivi de chantier tout au long de son existence.

La diversité des guichets d’information et d’accompagnement, auxquels s’ajoutent les guichets de financement, a conduit de nombreux acteurs, mais également la Convention citoyenne pour le climat, à se prononcer pour la création d’un réseau de guichets uniques au sein desquels toutes les opérations d’information, d’accompagnement et de financement seraient regroupées.

Si votre rapporteure estime que les guichets doivent assurer un socle de missions identiques sur tout le territoire, elle considère cependant que cela ne doit pas conduire à la fusion de tous les acteurs concourant à la rénovation thermique dans un seul guichet.

1.   L’assistance administrative et financière

L’uniformisation des missions d’information et de conseil pour la rénovation thermique ne pose pas de difficulté particulière, car elles sont déjà au cœur des actions menées par les structures du SPPEH déjà déployées. Ces structures peuvent toutefois proposer des conseils spécialisés portant sur d’autres sujets que la rénovation thermique, comme la réduction de la consommation énergétique au sein des espaces info énergie (EIE), ou le droit du logement pour les structures portées par les ADIL. Ces possibilités d’information ne doivent pas disparaître des réseaux existants car elles sont complémentaires à l’objectif premier de la rénovation : on peut évoquer, par exemple, l’information sur les bons usages pour réduire sa consommation énergétique ou l’information juridique fournie aux locataires pour faire valoir leurs droits auprès des bailleurs en cas de logement énergivore. Il faut au contraire développer les partenariats avec les différentes structures susceptibles d’accompagner les publics sur d’autres thématiques connexes.

Le développement de l’assistance administrative doit être poursuivi, ce qui suppose un effort d’adaptation conséquent pour les PRIS dont ce n’était pas la mission première. Le retour d’expérience général fait ressortir que les personnes ont besoin d’une aide concrète leur permettant de bien comprendre les démarches à accomplir. Cela est d’autant plus important que la dématérialisation des procédures pose problème pour une grande partie des ménages, notamment les plus précaires.

L’assistance financière est complémentaire de l’assistance administrative si l’on veut garantir la viabilité d’un projet de rénovation grâce à l’élaboration d’un plan de financement solide et pertinent.

Pour autant, ces deux missions ne signifient pas une fusion des structures qui gèrent les différents dispositifs sollicités. Ces dernières doivent garder leurs spécificités afin de garantir un niveau d’expertise et de savoir-faire pour les sujets qui sont les leurs. Le rôle du SPPEH est bien de proposer des solutions, d’aider à l’élaboration d’un parcours de rénovation, puis d’orienter vers les guichets spécialisés lorsque cela est nécessaire, afin que les personnes accompagnées bénéficient d’une aide hautement spécialisée. Cela se conçoit non seulement pour les guichets de financement comme l’ANAH ou Action Logement, qui doivent intervenir dans un deuxième temps, mais aussi pour les structures spécialisées comme les ADIL ou les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE). Un bon travail d’orientation est la garantie de répondre de manière adaptée à des cas de figure souvent complexes.

Bien évidemment, lorsque des PTRE disposent déjà en leur sein de dispositifs d’assistance spécialisés et approfondis, il importe de conserver les savoir-faire existants. Dans tous les cas, l’homogénéisation des prestations offertes par les PTRE au niveau national ne doit pas conduire à une perte de compétences existantes au niveau local.

2.   L’accompagnement technique et la question de l’assistance à maîtrise d’ouvrage

La question de l’accompagnement technique, et plus particulièrement de la fonction d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), ne fait pas l’objet d’un consensus au sein des acteurs de la rénovation.

La notion d’AMO recouvre en effet des prestations de service différentes. Elle peut s’entendre d’une assistance administrative et financière, ce qui ne semble plus poser de difficultés en termes d’intégration au SPPEH à ce stade, mais elle concerne également des prestations plus techniques : recherche d’artisans, audit énergétique, suivi de chantier, réception de travaux ou certification des résultats en termes de réduction de la consommation énergétique. Or l’intégration de telles prestations dans le champ de l’accompagnement pose des difficultés.

Ainsi, dans leur rapport consacré au SPPEH commandité par le CSCEE et Régions de France ([40]), MM. Michel Piron et Benoît Faucheux estiment que les missions du SPPEH définies dans la loi ne couvrent pas les prestations d’accompagnement technique formulées ci-devant, ces dernières relevant de l’offre concurrentielle privée. Selon eux, la proposition de telles prestations au sein du SPPEH ne pourrait se concevoir qu’en l’absence d’une offre commerciale appropriée et à la condition de donner lieu à des prestations onéreuses n’occasionnant pas de distorsion de concurrence.

Cette analyse se fonde sur le fait que la description des missions des PTRE dans la loi ne comprend pas l’accompagnement stricto sensu et décrit au contraire un travail d’animation territoriale pour favoriser l’émergence d’une offre financière et technique répondant aux besoins d’accompagnement technique des publics. Le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) a également appuyé cette analyse devant la mission d’information, en considérant que ces prestations relevaient de la sphère de compétence des professionnels du bâtiment.

Si les arguments avancés ne sont pas dénués de fondement, il semble néanmoins possible de proposer une AMO méthodologique au public. Celle-ci doit remplir le rôle de tiers de confiance dont les ménages ont particulièrement besoin. Il s’agit bien d’aider le maître d’ouvrage à comprendre les solutions qui lui sont proposées pour que ce dernier fasse des choix éclairés et structure son projet de manière logique et optimale. Cette approche ne vient pas concurrencer les professionnels de la rénovation et peut parfaitement s’articuler avec le recours aux réseaux d’entreprises, d’artisans et d’architectes identifiés par les PTRE. Elle aurait aussi le mérite de la cohérence : les AMO proposées par exemple par l’ANAH pour Habiter mieux correspondent déjà à la méthodologie évoquée ici.

Il convient toutefois de faire évoluer la loi sur ce sujet, afin de lever tout doute quant à la répartition des missions d’accompagnement entre PTRE et secteur privé. L’avant-projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets propose de faire évoluer la définition des missions confiées aux PTRE afin de pouvoir y inclure une mission d’accompagnement dont le champ sera mieux défini. Cette évolution bienvenue permettra de sécuriser le périmètre du SPPEH et d’étendre les propositions d’accompagnement dans tout le réseau territorial.

Comme pour les missions d’assistance administrative et financière, la création d’une mission d’accompagnement bien identifiée au sein du SPPEH n’est pas un encouragement à la fusion dans un guichet unique des acteurs proposant ce type de prestations. Le guichet de la rénovation doit pouvoir conseiller et accompagner, notamment lorsqu’il dispose déjà de personnels compétents en la matière, mais il doit pouvoir s’en remettre aux réseaux dédiés à ces thématiques plus techniques, comme les CAUE, quand cela est nécessaire.

Le développement de la marque FAIRE

Dans une logique de simplification et d’amélioration de la visibilité du SPPEH, l’ADEME a développé la marque FAIRE (Faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique).

La logique de cette marque est de permettre aux différents publics d’identifier un point d’entrée unique pour l’information sur la rénovation thermique. À cette fin, ont été créés un site internet dédié et une ligne téléphonique nationale permettant de redistribuer les appels vers les structures locales. L’ADEME finance les campagnes de communication nationales, pour lesquelles une enveloppe de 10 millions d’euros est par ailleurs prévue dans le plan de relance.

En 2019, 144 000 appels ont été traités par la plateforme téléphonique nationale et le site faire.gouv.fr a enregistré 2,5 millions de connexions. 292 000 personnes ont été conseillées par les conseillers FAIRE de proximité et 208 000 particuliers ont engagé des travaux à la suite de ces conseils, générant 2.77 milliards d’euros de travaux.

Afin de garantir un niveau de compétences égal au sein des différentes structures identifiées par la marque, l’ADEME anime des sessions de formation à destination de leurs personnels.

Dans le cadre du déploiement de la marque, une charte d’engagement destinée aux professionnels du bâtiment, de l’immobilier, mais également aux organismes financiers, a permis d’associer plus de 220 signataires qui s’engagent à proposer des offres adaptées, à promouvoir la rénovation grâce à la marque et à participer à une amélioration de la qualité des prestations proposées en luttant notamment contre la fraude.

Si le but de la marque FAIRE n’est pas de gommer les spécificités des dispositifs locaux qui disposent d’une marge de manœuvre dans les prestations proposées, plusieurs représentants ont regretté que le développement de cette marque crée de la confusion lorsqu’un PTRE dispose déjà d’une marque bien identifiée. Il faut donc laisser une marge de manœuvre aux acteurs locaux sur les outils de communication, afin de les adapter au contexte local.

C.   Le déploiement du SPPEH doit être finalisé

Le SPPEH accuse un retard certain dans son déploiement au niveau national. Ce déploiement a été confié aux régions qui s’appuient sur les intercommunalités pour créer un maillage de points d’information et d’accompagnement dédiés à la rénovation.

Les différentes structures faisant actuellement office de SPPEH recouvrent des périmètres territoriaux différents en fonction de l’animateur ou des collectivités à l’initiative du dispositif. Certaines recouvrent ainsi le territoire d’un ou de plusieurs EPCI, d’autres l’intégralité d’un département. Par ailleurs, les structures en place peuvent prendre différentes formes juridiques. Certains PTRE sont ainsi assurés directement par les collectivités, d’autres par des agences locales de l’énergie et du climat (ALEC) qui sont des organismes créés par les collectivités afin de promouvoir les actions visant la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique, d’autres encore sont assurés par des associations.

La multiplicité des solutions mises en œuvre pour créer les entités en charge du SPPEH a permis une adaptation aux spécificités des différents territoires, mais cela a également engendré de la complexité pour assurer une couverture généralisée du pays. Sur ce point, une proposition a été formulée dans le rapport de MM. Michel Piron et Benoît Faucheux déjà cité, afin d’améliorer la couverture en procédant à la création d’un « réseau unique de PTRE couvrant tout le territoire, sans se recouvrir, et sans scinder le territoire d’un EPCI à fiscalité propre ».

Votre rapporteure estime que cette recommandation devrait être suivie et trouver sa transcription dans le futur projet de loi découlant des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Il faut en effet que l’intégralité du territoire soit rapidement couverte par le réseau de PTRE. Toutefois, il faudra être attentif à ce que la solution législative retenue ne fasse pas disparaître les structures existantes si elles couvrent un territoire plus important que celui d’un EPCI.

Une autre inquiétude demeure néanmoins à ce stade. Aucun délai n’a jusqu’ici été évoqué pour aboutir à une couverture totale du territoire par le réseau des PTRE. Alors que la naissance du SPPEH date de 2013, il semble difficilement compréhensible qu’aucun terme ne soit fixé à son déploiement. Votre rapporteure suggère donc qu’une échéance soit fixée à 2022 pour finaliser le déploiement du SPPEH en France, afin d’offrir rapidement à tous les Français un outil d’information qu’ils n’ont que trop attendu.

L’autre grand enjeu du déploiement national du SPPEH est le financement de ce service public. Ce sujet a en effet été l’un des points de blocage pour le déploiement du SPPEH par le passé et ne doit plus être un obstacle à court terme.

Jusqu’en 2020, les sources de financement des dispositifs en place relevaient des collectivités et de l’ADEME. Cette répartition a toutefois évolué, avec le désengagement financier de l’agence et la création du programme CEE « Service d’accompagnement à la rénovation énergétique » (SARE), doté de 200 millions d’euros mobilisables sur cinq ans. 180 millions d’euros seront mobilisés durant les trois premières années. Les collectivités assurent également le financement de SARE à hauteur de 174 millions d’euros pour les trois premières années.

Si l’effort financier est conséquent, les modalités de répartition des crédits et leur pérennité dans le temps ne sont pas exemptes de critiques et de questions formulées par différents acteurs du SPPEH, tels que l’association AMORCE, le CLER - réseau pour la transition énergétique, la FLAME et la Fédération nationale des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (FNCAUE).

Les budgets tirés du programme SARE seront en effet alloués aux structures sur la base d’un financement à l’acte. Ce choix fait craindre le danger d’une « course à l’acte » qui entraînerait une approche quantitative aux dépens de la qualité de l’information et du conseil. La grille tarifaire et le regroupement des actes qu’elle induit sont aussi critiqués, car ils ne rendent pas compte de la variété des contextes locaux et ne sont pas adaptés au coût réel des actions menées. Enfin, si une structure déjà bien implantée et connue peut tout de même opérer avec ce type de financement, il en va différemment pour les nouveaux PTRE. En effet, ils devront au début de leur existence mobiliser des moyens importants pour offrir un service de qualité alors même qu’ils réaliseront peu d’actes qui ne couvriront pas leurs coûts de fonctionnement. Confronté à ces problèmes financiers, le risque de démobilisation des collectivités est pointé par les acteurs susmentionnés.

Les acteurs du SPPEH estiment en outre qu’il est difficile d’investir durablement sur un projet avec une perspective de financement réduite à quelques années, alors qu’il faut du temps pour installer un PTRE. Sur ce point, le rapport de MM. Michel Piron et Benoît Faucheux précédemment cité considère que l’affectation d’une ressource fiscale aux régions pour financer leur mission d’animation et le réseau des PTRE serait la solution la plus fiable et la plus pérenne pour garantir le déploiement du SPPEH. Régions de France défend en ce sens la territorialisation d’une partie de la contribution climat énergie au bénéfice des EPCI et des régions.

La rénovation thermique et les maisons France service

Le déploiement des guichets de la rénovation thermique doit s’accompagner d’une multiplication des lieux d’accueil physique pour toucher un public le plus large possible et s’adapter aux spécificités de ce dernier (personnes âgées ou à mobilité réduite, illectronisme, etc.)

Votre rapporteure estime pertinent d’implanter le SPPEH au sein du réseau des maisons France service en cours de constitution. Cette intégration présenterait en effet plusieurs avantages :

– elle multiplierait à moindres frais les points d’implantation du SPPEH ;

– elle étendrait le champ des services et des informations proposés par les maisons ;

– elle assurerait plus de visibilité à la thématique de la rénovation thermique ;

– elle permettrait de développer des synergies entre les services présents, par exemple avec la Caisse d’allocations familiales ou la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui proposent des aides à la rénovation, ou avec La Poste, dont la banque peut distribuer l’éco-PTZ.

La structuration du SPPEH au niveau des EPCI permettrait par ailleurs la mutualisation de frais d’implantation et de gestion lorsque ces groupements sont porteurs des maisons France service sur leur territoire.

Proposition n° 13 : Intégrer un guichet d’information FAIRE sur la rénovation énergétique dans les maisons France service et prévoir un financement pérenne idoine.

Plus qu’un guichet unique, votre rapporteure estime que la question de l’amélioration du SPPEH passe par l’idée d’un guichet commun garantissant un socle de prestations identiques dans les PTRE assurées par le personnel du service, mais aussi par les organismes compétents pour chaque problématique.

Les PTRE doivent donc informer et conseiller le public de la même manière sur tout le territoire, afin d’assurer l’égalité de traitement des usagers. Leur mission d’accompagnement doit également être précisée, afin de ne pas se retrouver inutilement en opposition avec les prestations des professionnels. Mais ces différentes missions peuvent être accomplies sans empêcher de proposer au public des solutions originales, adaptées aux territoires ou aux problématiques locales. Ces missions peuvent enfin être assurées grâce à l’intervention de plusieurs organismes, ce qui implique au préalable de mobiliser tous les acteurs territoriaux susceptibles de contribuer au SPPEH pour disposer d’une pluralité de compétences.

Il faut laisser la possibilité aux PTRE d’expérimenter, afin de pouvoir faire émerger des innovations pour la promotion de la rénovation thermique. Sur ce point, il importe que le modèle de financement retenu prenne en compte ces possibilités afin de ne pas étouffer l’esprit d’initiative.

Proposition n° 14 : Continuer l’homogénéisation des missions du SPPEH sur tout le territoire, fixer une échéance pour son déploiement national à 2022 et préserver les capacités d’innovation de ses acteurs.

– Préserver les dispositifs d’accompagnement qui vont au-delà du socle commun ;

– Fiabiliser le réseau existant des PTRE ;

– Pérenniser le financement du SPPEH sur le long terme, au-delà du programme SARE ;

– Adapter les conditions de financement aux actions innovantes des PTRE.

D.   Le conseil et l’accompagnement des collectivités

Les collectivités nécessitent également un soutien pour l’appréhension des enjeux rattachés à la rénovation thermique et pour la mise en œuvre de leurs projets. Comme l’ont rappelé les représentants des collectivités territoriales auditionnés, de très nombreuses communes ne disposent pas des ressources internes leur permettant d’envisager la rénovation thermique de leurs bâtiments. Le problème peut même s’avérer plus profond lorsque c’est tout simplement la connaissance de l’état du bâti qui fait défaut.

Un certain nombre de structures et de dispositifs pour les aider dans leurs projets existent néanmoins et mériteraient d’être renforcés.

Au niveau des établissements publics nationaux, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) peut mobiliser des moyens en ingénierie pour des projets de rénovation. Elle effectue également un travail d’identification des offres d’ingénierie publique existant dans les territoires pour faciliter la mise en relation entre les collectivités et les pourvoyeurs de services, notamment via la plateforme Aides-Territoires. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) dispose également de ressources techniques pour accompagner les collectivités dans leurs projets. Le centre peut ainsi assurer des missions d’expertise, d’AMO, mais également de formation.

On peut s’interroger sur les moyens de ces deux établissements publics pour répondre aux demandes des collectivités au moment où le plan de relance risque de faire affluer un grand nombre de demandes d’aide technique. Ainsi, les crédits de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour l’offre d’ingénierie sont de 20 millions d’euros en 2021, ce qui semble peu au regard des problématiques variées que l’agence couvre. Une mutualisation des actions et des moyens entre l’ANCT et le CEREMA est prévue dans le cadre d’une convention, ce qui pourrait améliorer les ressources disponibles, mais il est encore trop tôt pour savoir si cette coopération dispose de moyens adéquats.

Au niveau des initiatives se déployant au niveau local, le dispositif des conseillers en énergie partagés (CEP) est un programme qui a fait ses preuves. Porté par l’ADEME, il cible les communes de moins de 10 000 habitants afin de leur proposer la création d’un poste de conseiller (énergéticien ou thermicien) pour un groupement de collectivités. Le CEP intervient dans l’analyse des consommations énergétiques et du parc immobilier afin de fournir des données indispensables à l’établissement d’actions visant la réduction de la consommation, parmi lesquelles des opérations de rénovation thermique. Il participe également au suivi des projets. Les économies constatées après intervention du CEP sont particulièrement positives : pour 1 euro investi par an et par habitant, le retour moyen est de 3 euros économisés.

En plus de l’accompagnement du public ou des entreprises, les ALEC ont pour mission d’accompagner les collectivités sur les questions énergétiques, en mettant à leur disposition leur ingénierie. Les 40 ALEC couvrent actuellement 7 000 communes et près de 300 EPCI. Elles assurent également l’animation des deux tiers des dispositifs des conseillers en énergie partagés.

Il faut également mentionner l’initiative de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Le programme « Action des collectivités territoriales pour l’efficacité énergétique » (ACTEE), financé par les CEE, met à disposition et finance des outils d’aide à la décision pour le développement de projets de rénovation énergétique des bâtiments publics. Le premier volet d’ACTEE disposait d’un budget de 12 millions d’euros. Le second dispose de 100 millions d’euros, dont 90 % sont directement alloués aux collectivités. Le programme finance des projets de rénovation, mais se concentre également sur l’amélioration de la gestion des bâtiments et des consommations énergétiques. Il permet notamment de déployer des personnels qualifiés, les économes de flux, chargés de l’amélioration de la consommation énergétique, qui interviennent notamment en tant qu’assistants à maîtrise d’ouvrage auprès des collectivités. Le programme prévoit également des formations pour les élus afin d’améliorer leur connaissance des enjeux et leur capacité à suivre un projet.

Enfin, le rôle traditionnel des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) s’avère de plus en plus utile au regard des exigences énergétiques et environnementales portant sur les bâtiments publics.

Ces différents acteurs répondent utilement à une demande croissante des collectivités, mais leurs moyens tout comme leur déploiement ne permettent pas de proposer partout un accompagnement approprié.

Si les CAUE sont historiquement bien implantés sur le territoire, leurs domaines d’intervention sont variés et leurs moyens ne peuvent se concentrer sur la seule thématique de rénovation. Le programme ACTEE rencontre un succès grandissant, mais son financement par les CEE ne permet pas de perspectives de déploiement à long terme. Les ALEC étant créées à l’initiative des collectivités, des incitations pour développer cet outil pourraient être mises en œuvre pour développer ces outils de terrain. Les CEP devraient également bénéficier d’une publicité accrue auprès des élus.

Proposition n° 15 : Mieux diffuser l’information sur l’offre d’ingénierie dédiée aux collectivités, notamment via le réseau FAIRE, et adapter le financement des organismes délivrant cette offre (ANCT, CEREMA ou agences d’ingénierie des collectivités territoriales) pour répondre aux besoins à venir, notamment ceux des petites communes.

V.   Les contraintes et difficultÉs structurelles du cÔtÉ de l’offre de rÉnovation

La réussite d’une politique ambitieuse de rénovation énergétique nécessite, au-delà des structures et des moyens budgétaires et fiscaux déployés pour accompagner les ménages et les entreprises, de disposer de la main-d’œuvre, des entreprises et des professionnels en nombre suffisant pour accompagner la montée en puissance des demandes. Elle suppose ainsi d’accompagner et de développer le marché de la rénovation, c’est-à-dire d’agir à la fois sur le nombre et la qualification des entreprises mais aussi sur la formation initiale et continue des professionnels. Enfin, la réforme du diagnostic de performance énergétique (DPE) et des modalités de contrôle des travaux, ainsi que l’intégration pleine et entière de la rénovation dans une approche globale de la performance énergétique des bâtiments, apparaissent essentielles.

A.   L’absence d’un grand marché structuré de la rénovation

Les ménages consacrent une part non négligeable de leurs dépenses à la rénovation énergétique mais le plus souvent cela se fait par le biais d’opérations de confort qui ne mènent pas à des rénovations très performantes. Selon l’étude OPEN de l’ADEME portant sur la période 2012-2014 ([41]), les ménages français auraient ainsi conduit près de 3,5 millions de rénovations de logements en 2014, dont 288 000 rénovations performantes ou très performantes pour une dépense totale de près de 35 milliards d’euros (tous types de travaux confondus et quel que soit le niveau de performance de la rénovation obtenu). La dépense moyenne par ménage s’élèverait ainsi à près de 10 000 euros, mais les aides financières ont permis de diminuer la facture des travaux de rénovation des ménages de 17 % en moyenne (soit d’environ 1 700 euros). Ce sont les travaux sur les fenêtres qui touchent le plus de logements mais ce sont les travaux sur la toiture et les combles qui génèrent la dépense totale la plus importante.

Lorsque les ménages veulent conduire des opérations de rénovation globale très performantes, ils peuvent se heurter au problème de l’offre. En effet, bien que le secteur du BTP emploie environ 1 080 000 salariés en 2019, les entreprises de plus de 200 salariés ne représentent que 11 % du chiffre d’affaires du secteur et des salariés, à l’intérieur desquelles les majors ne représentent que 9 %. Il faut ajouter les artisans qui n’ont pas de salariés (de l’ordre de 450 000) et les travailleurs détachés qu’on peut estimer aujourd’hui à 300 000 dans le bâtiment sur plus de 500 000 en France, soit un total d’environ 1,9 million de travailleurs dans le domaine du bâtiment. Par conséquent, la rénovation énergétique est réalisée à 95 % par des artisans, en direct ou en sous-traitance. Or, les artisans, au contraire des ETI et des grandes entreprises qui se sont approprié ces pratiques, ont davantage de mal à maîtriser l’ensemble des processus nécessaires pour la rénovation énergétique globale ainsi qu’à mettre en place les actions nécessaires pour le retraitement des déchets.

Il existerait ainsi seulement 65 000 entreprises qualifiées RGE sur les 320 000 entreprises de bâtiment que compte le pays, et ce chiffre serait en recul depuis quelques années. Sur ces 65 000 entreprises, environ 50 000 seraient inscrites chez Qualibat, dont 13 000 spécialisées dans les chaudières, 23 000 dans les menuiseries extérieures et 21 000 pour les façades. Mais on compterait à peine 80 entreprises qualifiées en offre globale de rénovation. Si bien qu’il apparaît aujourd’hui que la qualité globale de l’offre en matière de rénovation énergétique est insuffisante. Aujourd’hui, les professionnels, utilisés à leur maximum, pourraient réaliser environ 350 000 rénovations BBC au maximum, alors qu’il en faudrait 750 000. À productivité inchangée, il faudrait donc passer de 1,9 million de professionnels à quasiment le double selon les propos de M. Dominique Naert, directeur du master « Bâtiment Durables » au sein de l’École des Ponts ParisTech, devant la mission d’information. En tout état de cause, il faudrait plusieurs centaines de milliers de professionnels en plus avec une part bien plus grande d’entreprises qualifiées RGE. Un des enjeux pour notre pays et pour la puissance publique est donc d’aider le secteur de la rénovation énergétique à se structurer afin de transformer progressivement le tissu de TPE/PME en un tissu d’ETI plus performantes. Il favorisera alors le regroupement des petits acteurs, leur montée en compétences et leur capacité d’innovation.

Or, en dix ans, le secteur a perdu pratiquement 250 000 emplois et, rien qu’en 2019, 140 000 départs en retraite ont été dénombrés dans le secteur. On constate parallèlement un fort recours au travail détaché et à la main-d’œuvre étrangère. Il est ainsi regrettable que la France ne puisse pas orienter davantage de travailleurs vers ces filières, en leur assurant une formation reconnue, et des débouchés pour l’avenir. Selon M. Dominique Naert, il est également nécessaire de « transférer une partie des opérationnels du neuf vers la rénovation énergétique, ce qui nécessite de la formation et un accompagnement. Il faut aussi faire monter la productivité des opérationnels actuels de 30 %, ce qui est aussi possible en digitalisant les processus, en les accompagnant, en les valorisant et en contrôlant la performance de leurs ouvrages finis » ([42]).

De nombreux professionnels déclarent cependant ne pas vouloir s’engager dans des formations qui coûtent cher et qui ne débouchent pas nécessairement sur un marché nouveau et pérenne, notamment dans le cadre de l’obtention du label RGE. Cela pose une double question : d’abord celle d’une éventuelle obligation à rénover, laquelle pourrait contribuer à créer ce grand marché de la rénovation et ainsi rompre ce cercle vicieux. Ensuite, celle de la lisibilité sur le moyen et long terme des politiques publiques en faveur de la rénovation. Ces deux points seront abordés ultérieurement dans le rapport.

En tout état de cause, les stratégies et trajectoires d’intégration dans les métiers du BTP se sont sensiblement complexifiées ces dernières années. Le schéma classique d’entrée en apprentissage, de compagnonnage puis d’émancipation par la reprise ou la création d’une entreprise, s’il existe encore, côtoie désormais des trajectoires beaucoup moins linéaires. Une étude qualitative de l’observatoire des métiers du bâtiment dresse un panorama des profils d’un panel de primo-entrants dans les métiers du BTP ([43]). Il montre une grande diversité des profils et témoigne également du fait que le BTP, en particulier dans la rénovation énergétique, peut être réellement attractif : il est le troisième secteur préféré des élèves ingénieurs qui, pour beaucoup, y trouvent un emploi avant même la fin de leurs études. Cela s’explique par des salaires en progression de 2 à 4 %, par la variété des métiers proposés, par la possibilité de travailler aussi bien localement qu’à l’étranger, mais aussi parce que cela offre des défis stimulants concernant les enjeux climatiques, énergétiques ou encore numériques.

Il demeure cependant nécessaire de s’interroger sur les moyens de passer à l’échelle requise et de faire valoir les atouts de la rénovation énergétique pour combler les insuffisances de l’offre actuelle. À cet égard, le plan de relance annoncé par le Gouvernement en septembre 2020 intègre un volet de rénovation énergétique des bâtiments qui devrait générer 22 000 emplois ([44]) selon les ministères concernés. Initiative Rénovons considère pour sa part qu’un programme de rénovation ambitieux pourrait créer jusqu’à 93 000 emplois d’ici 2030 ([45]). D’autres acteurs estiment que ce chiffre pourrait être bien supérieur encore et que la rénovation énergétique pourrait contribuer à créer jusqu’à 200 000 emplois pérennes et non délocalisables. Dans ce cadre, la commande publique doit s’efforcer de tirer vers le haut le secteur en introduisant des critères assimilés au niveau RGE dans les appels d’offres pour conduire des opérations de rénovation.

Proposition n° 16 : Aligner les critères de la commande publique en matière de rénovation de bâtiments sur les critères RGE. Prioriser le recours à des entreprises RGE lors des commandes publiques.

Cela suppose aussi des réallocations de main-d’œuvre et donc d’assurer les formations qui vont avec.

L’auto-réhabilitation, une alternative à l’offre professionnelle de rénovation

L’auto-réhabilitation est une composante non négligeable du marché de la rénovation thermique. L’enquête TREMI a ainsi montré que 33 % des travaux de son panel avaient été effectués sans recours à des professionnels. L’auto-réhabilitation répond avant tout à une contrainte économique : les ménages recourant à cette pratique le font pour réduire la facture de la rénovation. Toutefois, cette solution ne permet pas de bénéficier de nombreuses aides publiques, ces dernières requérant le recours à un artisan labellisé RGE. Seule exception, le dispositif Habiter Mieux permet de bénéficier d’une aide financière si le chantier fait l’objet d’un accompagnement professionnel.

En l’absence de recours à un professionnel, l’auto-réhabilitation peut entraîner des problèmes multiples : un surcoût financier et des erreurs techniques conduisant à une détérioration du bâti (problèmes de ventilation, humidité) en raison d’un manque d’expertise, mais aussi des problèmes d’assurance ou de garantie en cas de problème sur le chantier ou de mauvaise installation des produits. C’est pourquoi plusieurs solutions d’accompagnement pour les particuliers se développent, à l’exemple du projet Twiza. Mais des ajustements réglementaires, notamment dans le cadre assurantiel, sont encore à effectuer pour encadrer cette démarche de rénovation.

B.   Une nécessité d’investir massivement dans la formation

Si des chiffres précis en matière de formation, et plus encore en ce qui concerne les besoins réels de formation, sont difficiles à établir, il est en revanche certain que les filières de formation tant initiale que continue sont insuffisantes à l’heure actuelle. Or la formation des professionnels du bâtiment pour répondre à la demande de rénovation globale est un enjeu majeur qui suppose de revoir la formation continue et initiale des différents corps de métier et de développer l’apprentissage.

1.   La question de la formation initiale

En matière de formation initiale, le constat est relativement simple : la filière n’est pas assez attractive. Le nombre d’élèves et d’apprentis a diminué de 45 000 en dix ans pour atteindre 151 000 pour l’année scolaire 2018-2019. Ils préparent essentiellement des certificats d’aptitude professionnelle CAP (42 %) ou des baccalauréats professionnels (36 %). Pour les cursus liés directement au programme dit de formation aux économies d’énergie dans le bâtiment (FEEBAT) et tous niveaux confondus, on compterait 37 262 élèves et 18 837 apprentis en cours de formation pour l’année 2018-2019. Les instituts universitaires et technologiques (IUT) ont également développé une formation qui porte sur le génie civil et la construction durable et qui ne regroupe que 5 000 étudiants répartis dans 25 IUT sur le territoire (dont un en outre-mer à La Réunion). Le ministère de l’enseignement supérieur fait aussi le constat de filières sous-dotées dans les universités : la domotique ([46]) ne rassemble ainsi que dix étudiants et le master « énergie thermique » rassemble à peine 90 étudiants. Ainsi, bien que tous les champs de compétences semblent être couverts, la part des étudiants engagés dans ce type de formation au profit du bâtiment durable demeure encore bien trop faible pour répondre aux besoins.

Proposition n° 17 : Tripler le nombre de places ouvertes sur des formations à la construction durable et à la rénovation, notamment au niveau des IUT. Mener un effort d’ouverture de formations de ce type dans les territoires d’outre-mer.

Les formations par voie scolaire sont financées :

– soit dans le cadre du budget de l’État alloué aux lycées professionnels et aux universités,

– soit dans le cadre des conventions de reconnaissance des établissements scolaires par les rectorats (établissement « sous contrat »),

– soit dans le cadre des frais d’inscriptions pour les établissements non reconnus par un rectorat (établissement « hors contrat »).

Les formations par la voie de l’apprentissage sont en revanche financées par les opérateurs de compétences (OPCO). Les niveaux de prise en charge sont fixés nationalement par France Compétences sur proposition des commissions paritaires nationales pour l’emploi (CPNE conjointes du bâtiment et des travaux publics pour ce qui concerne le BTP). Au-delà de l’offre de base, il existe aussi des programmes spécifiques tel que celui conduit avec le secrétariat général pour l’investissement (SGPI), notamment dans le cadre du programme « solutions pour une ville durable ».

Une impulsion complémentaire doit venir des commissions professionnelles consultatives (CPC) pour orienter les formations. La première étape consiste à définir des tâches à accomplir et des métiers. La seconde consiste à mettre en place des formations et des diplômes. Pour la rénovation, c’est la CPC de la construction qui est compétente. Le modèle suisse ou allemand, qualifié de « dual » car il insiste fortement sur la dimension de l’apprentissage, est souvent cité en exemple par les professionnels du secteur. Il comporte l’obligation de trouver des maîtres de stage pour les apprentis et de rémunérer les artisans pour cela.

M. Olivier Sidler, de l’association négaWatt, recommande également de mettre en place une formation de « designer énergétique » qui puisse aider à la fois le maître d’ouvrage, l’architecte et les entreprises générales (électriciens, plombiers, etc.) à coordonner leur action pour mettre en œuvre des rénovations en BBC (basse consommation) pour une réponse globale. Cette filière permettrait également à tous les professionnels acteurs sur un chantier d’améliorer et de faire évoluer leur savoir‑faire.

Proposition n° 18 : Développer la formation duale en France et rémunérer les artisans pour former les apprentis. Réfléchir à une formation de « designer énergétique » permettant d’accompagner les projets dans leurs différents aspects. S’assurer de la solidité de la filière des diagnostiqueurs.

2.   La question de la formation continue

En matière de formation continue dans le domaine du bâtiment, le nombre de stagiaires est en légère augmentation (10 000 de plus en dix ans pour un effectif global de 287 000 stagiaires). Mais le nombre d’heures de formation et les budgets ont clairement diminué sur la période, passant respectivement de 11,6 à 7,8 millions (en heures) et de 306 à 253 millions (en euros engagés). La dynamique de formation continue des professionnels vers la rénovation ne semble donc pas être à la hauteur des enjeux qui se présentent pour les années à venir. C’est ce que l’on constate avec les évolutions du dispositif FEEBAT.

Pierre angulaire du dispositif RGE, notamment à travers son module de formation RENOVE, le dispositif FEEBAT est un pilier de l’effort de formation continue vers la rénovation. Le programme FEEBAT est développé et soutenu par les pouvoirs publics (ministère de la transition écologique, ministère de la cohésion des territoires, ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, ministère de la culture, ADEME), par la filière bâtiment et il est financé par EDF, dans le cadre du dispositif des CEE.

Le nombre des stagiaires financés via FEEBAT a beaucoup varié depuis le début du programme : de 8 000 à 15 000 à la création de FEEBAT, ils ont atteint 65 000 stagiaires en 2014, année où le label RGE a été annoncé, et 24 000 l’année suivante. Néanmoins en 2019, on compte à peine 3 800 stagiaires en formation, soit 1,5 % du total des formations, même si on retrouve des aspects de la rénovation dans d’autres formations. Les principaux freins sont le coût pour l’entreprise et l’indisponibilité d’un salarié pendant le temps de la formation. Pour surmonter ces difficultés, il est nécessaire de renforcer sensiblement la prise en charge des frais de formation, de déplacement et de reconversion des salariés souhaitant acquérir des qualifications complémentaires dans le domaine de la rénovation énergétique, y compris pour les entreprises de petite taille.

Nombre de stagiaires en formation dans les domaines
de la rénovation énergétique

Domaine de formation

Stagiaires 2019

Gestion énergétique des bâtiments (dont FEEBAT)

2 024

Installation thermique

1 455

Énergies renouvelables (dont formations Qualit’ENR)

182

Transition énergétique

114

Total

3 775

Source : Constructys

Sur les années 2018-2022 de la convention FEEBAT, une enveloppe de 12 millions d’euros est affectée à la formation à la rénovation énergétique des professionnels en activité. Le reste à charge pour les entreprises est relativement faible. L’organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) du bâtiment (Constructys) prend en charge les frais de salaire, mais uniquement pour les entreprises de moins de 11 salariés. Par rapport à la prise en charge habituelle de Constructys, FEEBAT apporte une prise en charge complémentaire de 30 % du coût pédagogique de la formation suivie. Pour aller encore plus loin, il serait nécessaire de déployer davantage de fonds issus des CEE ou bien de mettre en place un fonds public pour soutenir l’indemnisation des entreprises, y compris des entreprises de plus de dix salariés, pendant la durée de la formation. On notera à cet égard que les formations suivies dans le cadre du programme ont des durées qui varient entre deux et cinq jours (trois pour le module RENOVE conduisant au RGE hors énergies renouvelables), ce qui permet d’envisager la formation de nombreux professionnels dans des délais relativement courts si tant est que des dispositifs de soutien important soient mis en place.

Proposition n° 19 : Renforcer sensiblement la prise en charge des frais de formation, de déplacement et de reconversion des salariés souhaitant acquérir des qualifications complémentaires dans le domaine de la rénovation énergétique, y compris pour les entreprises de plus de dix salariés. Prendre en charge les pertes d’activité liées à la formation pour les entreprises de moins de cinq salariés.

Enfin, il convient de souligner que ces formations visent majoritairement à former des référents techniques d’entreprise conformes aux réglementations. À l’heure actuelle, le nombre de référents techniques exigé par le « RGE Travaux » est fixé à un seul technicien par entreprise. Ce chiffre mérite d’être réévalué au regard notamment de la qualité des travaux de rénovation énergétique qui est toujours problématique. En témoignent notamment les 11 % de chantiers présentant des non-conformités techniques sur les 12 000 contrôles réalisés par Qualibat en 2019 dans le cadre du RGE, alors même que les chantiers à contrôler sont sélectionnés et transmis à Qualibat par les entreprises elles-mêmes (12 000 audits en 2019, 25 000 en 2018). Ce taux moyen de 11 % de non-conformités est même porté à 36 % pour les chantiers de rénovation globale. Il est donc essentiel de renforcer le label RGE, notamment via le nombre ou le taux de référents techniques, en particulier pour les salariés qui établissent les devis commerciaux. Parallèlement, il convient de développer la formation « métier » des salariés intervenant sur les chantiers en les encourageant à suivre des qualifications spécifiques sur la rénovation performante. Toutefois, porter ce nombre à 100 % des effectifs des entreprises serait probablement contre-productif puisque cela risquerait de constituer un frein à l’accès des entreprises au marché de la rénovation énergétique, de pousser au recours à des sous-traitants et à la saturation des entreprises RGE et du système de formation.

Proposition n° 20 : Obliger les entreprises à qualifier les salariés qui établissent les devis commerciaux aux techniques RGE. Encourager parallèlement la formation « métier » des salariés intervenant sur les chantiers.

Enfin, les pouvoirs publics doivent soutenir fortement des dispositifs comme DOREMI (dispositif opérationnel de rénovation énergétique des maisons individuelles), développé depuis 2012 par l’institut négaWatt sur une quinzaine de territoires en France, qui permettent aux artisans, incités à se regrouper pour présenter une offre globale, de se former in situ sur les chantiers.

C.   Du diagnostic au contrôle des travaux : des avancées à consolider

Pour appuyer cet effort général en faveur de la rénovation, il faut également renforcer l’obligation de réaliser des diagnostics exhaustifs et performants ainsi qu’assurer le contrôle des travaux. L’importance du DPE fait qu’une attention particulière doit être accordée aux conditions de sa réalisation, aux acteurs habilités à le réaliser, aux critères sur lesquels il repose mais aussi à son opposabilité juridique.

1.   Renforcer le diagnostic de performance énergétique pour des évaluations vraiment performantes

Le DPE est issu de l’application de la directive n° 2002/91/EG pour la performance énergétique des bâtiments, votée en application du protocole de Kyōto par l’Union européenne. Sa transposition dans la loi française remonte à la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique. Elle est en vigueur depuis le 1er novembre 2006. Le DPE est ainsi un diagnostic réalisé en France sur des biens immobiliers et annexé au dossier de diagnostics techniques (DDT). Valable pendant dix ans, il est obligatoirement présenté lors de la vente ou location des logements et des bâtiments tertiaires et informe le propriétaire et le locataire de la consommation d’énergie du logement ou du bâtiment tertiaire pour son chauffage, son refroidissement et sa production d’eau chaude sanitaire. Il ne concerne pour l’instant pas les autres usages (éclairage, appareils électroménagers, ventilation, etc.), bien que le « confort d’été » soit un élément qui sera prochainement intégré au DPE.

Dans le cadre du DPE, les consommations annuelles d’énergie finale pour toutes les énergies sont ramenées à deux indicateurs. Le premier est un indicateur de consommation d’énergie exprimé en énergie primaire (kWhep/mètre carré par an) : la surface considérée est la surface habitable en logement ou la surface thermique (surface utile multipliée par 1,1) en tertiaire. Le second indicateur mesure l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre (exprimé en kgeqCO2/mètre carré par an). Le passage des consommations finales à la consommation d’énergie primaire suppose donc l’existence d’un facteur de conversion qui dépend de chaque énergie employée : facteur 1 pour tous les combustibles fossiles (fioul, gaz naturel…), facteur 0,6 pour le bois (choix politique et non physique, pour soutenir cette filière d’une source renouvelable) et un facteur 2,58 pour l’électricité, de façon à prendre en compte le rendement « global » de l’outil de production de l’électricité en France. Ce facteur de conversion est l’objet de nombreux débats puisqu’il tend à pénaliser ou à avantager une forme d’énergie en fonction du coefficient fixé. Le transport n’est pris en compte pour aucune des énergies.

Catégorie de logements en fonction de leur consommation d’énergie

Dans le cadre de la rénovation énergétique des logements, le DPE constitue une étape essentielle visant à déterminer les travaux à réaliser et les objectifs à atteindre. Il comporte théoriquement une phase technique approfondie qui suppose une évaluation de la qualité d’isolation des murs, des plafonds, des menuiseries, de la ventilation, des ponts thermiques et du système de chauffage, de l’air comme de l’eau. Le DPE doit ainsi être établi par un diagnostiqueur certifié personnellement par un organisme accrédité, lequel doit présenter des garanties de compétence et disposer d’une organisation et de moyens appropriés et avoir souscrit une assurance spécifique.

Cependant, le DPE donne souvent lieu à des erreurs et parfois à des abus, lesquels peuvent s’avérer marqués dans certaines situations. Des associations de consommateurs et des professionnels comme l’association négaWatt ont ainsi constaté des marges d’erreur et des divergences importantes entre les informations du DPE et la réalité. Dans certains cas, la marge d’erreur pouvait être supérieure à 300 %. Ils soulignent notamment le fait que la méthode officielle du DPE ne tient pas compte des apports solaires gratuits, ni de l’inertie thermique des bâtiments, comme le ferait une étude thermique dynamique. Dans la majorité des cas (maisons conventionnelles non bioclimatiques), le DPE a plutôt tendance à sous-estimer la consommation car il se base sur du déclaratif théorique et de simples vérifications à l’œil nu des parties accessibles, et en aucun cas sur de réelles mesures avec des outils professionnels modernes tels que la thermographie infrarouge, le test d’infiltrométrie ou le comptage poste par poste. Trop souvent, les garanties énergétiques apportées dans la construction ne sont que des garanties de moyens et non des garanties de résultat même si certains labels, comme le label BBC Effinergie, tendent à faire valoir la garantie de résultat.

Toute la difficulté est donc de réussir à faire des devis et des contrôles performants, sans trop augmenter les contraintes administratives pesant sur les artisans. À cet égard, la rapporteure considère qu’il est nécessaire de développer des outils de type « réceptions de chantier ». La réception de chantier est une formalité lors de laquelle le maître d’ouvrage déclare accepter les travaux effectués par le maître d’œuvre (entrepreneur ou artisan). Le client devient ainsi responsable de l’état de son logement à partir de la réception des travaux, peut assurer un contrôle étroit de ceux-ci, éventuellement en étant accompagné d’un expert. En contrepartie, la responsabilité des entrepreneurs n’est alors plus limitée qu’aux assurances obligatoires (parfait achèvement, biennale et décennale). Si un chantier compte plusieurs intervenants engagés directement, la réception des travaux doit être accomplie en présence de tous. La réception de chantier doit être réalisée dans un format numérique avec les points clés à vérifier. L’observatoire de la rénovation énergétique pourrait d’ailleurs réceptionner systématiquement les documents ainsi établis afin de procéder à une analyse d’ensemble. Il pourrait également être souhaitable de réfléchir à étendre la garantie de travaux, notamment la garantie de parfait achèvement qui n’est aujourd’hui valable que sur une année.

Proposition n° 21 : Rendre obligatoire l’outil des réceptions de chantier et le normaliser, avec conclusion d’un accord sous format numérique transmis à l’Observatoire de la rénovation énergétique. Limiter la retenue de garantie sur chantier à 5 %. Doubler la durée de la garantie de parfait achèvement. Rendre obligatoire le droit de rétractation sur 15 jours.

Enfin, les tarifs des DPE sont parfois jugés excessifs, allant jusqu’à 150 euros, même pour des logements de petite taille de type studio. Il pourrait ainsi être souhaitable de fixer des tarifs plafonds pour les DPE (comme pour les frais d’agence, d’états des lieux, etc.) afin d’éviter les abus.

2.   Les critères sur lesquels se fonde le DPE

La définition des paramètres stratégiques du DPE fait l’objet de discussions intenses. Ainsi, une nouvelle version du DPE doit entrer en vigueur au 1er juillet 2021. Des arrêtés sur la méthode et les seuils sont en préparation. Les discussions portent notamment sur la définition des nouvelles classes énergétiques A à G. On notera à cet égard qu’il serait souhaitable de donner une assise législative aux étiquettes du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui pourront ainsi constituer des références pour les différentes dispositions fixées dans la loi. Les étiquettes du DPE sont en effet les repères les plus lisibles pour les Français et une telle architecture assurera la cohérence entre les références dans les lois ainsi que les textes réglementaires et les futures évolutions des techniques et des méthodes de calcul du DPE.

La réforme du DPE soulève plusieurs questions. En particulier, le DPE fournit une information en énergie primaire et il existe des débats chez les professionnels pour savoir s’il faut exprimer le DPE en énergie primaire ou en énergie finale. À ce titre, l’article 15 de la loi « énergie climat » demande d’exprimer la notion de bâtiment à consommation énergétique excessive en énergie primaire et finale. En effet, il ne faut pas oublier que la notion de précarité énergétique se fait en relation avec la facture acquittée par le consommateur, et donc de l’énergie finale et non primaire. En revanche, la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments stipule que l’étiquette énergie et son contenu doivent être exprimés en énergie primaire. De ces deux orientations possibles découle le fait que deux logements identiques (année de construction, matériaux employés, orientation, superficie…), qui ne différeraient que par la nature de l’énergie utilisée (gaz vs. électricité), peuvent se retrouver dans une classe énergétique différente alors même que le consommateur acquitte une facture identique. De la même manière, la facture peut varier de 1 à 3 pour des logements d’une même étiquette selon le type de chauffage. Cela introduit un élément de complexité pour le consommateur mais aussi pour les artisans.

Par ailleurs, cette réforme du DPE restreint les enjeux de réduction des émissions du bâtiment à un simple choix entre vecteurs carbonés et décarbonés, faisant courir le risque de laisser au second plan la maîtrise des consommations. Certains acteurs pensent en outre que les évolutions de calcul considérées risquent de dissuader les efforts d’isolation pour les bâtiments chauffés à l’électricité. Cela pourrait engendrer des conséquences néfastes pour les consommateurs, limitant de fait les efforts de réduction des consommations pour les logements chauffés à l’électricité, dont les factures restent très élevées, et ainsi aggraver la précarité énergétique.

Cependant, le nouveau DPE ajoutera les usages énergétiques de l’étanchéité et de la ventilation aux trois autres usages (chauffage, eau chaude sanitaire et refroidissement). Il inclura aussi la dimension de « confort d’été » du logement, la production d’énergie renouvelable et le montant des dépenses énergétiques théoriques annuelles.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteure estime nécessaire que le DPE soit désormais exprimé en énergie finale, avec suppression du coefficient de conversion. Le DPE doit en effet mesurer la performance énergétique de l’enveloppe, indépendamment de l’énergie utilisée. Il s’agit du seul moyen de le stabiliser dans le temps. En outre, il convient de réfléchir à un outil de mesure des émissions de carbone qui soit distinct mais complémentaire du DPE.

Proposition n° 22 : Retenir une mesure en énergie finale pour le DPE afin de le stabiliser dans le temps. Réfléchir à un outil de mesure des émissions de carbone qui soit distinct mais complémentaire du DPE.

3.   L’opposabilité du DPE et le contrôle des travaux

Il convient de préciser que le DPE n’avait jusqu’à présent qu’une valeur indicative sur le plan légal et n’était donc pas opposable en droit. Contrairement à un contrôle technique automobile par exemple, un acheteur se sentant lésé, y compris avec un gros écart entre l’estimation du DPE et la réalité, ne peut se retourner ni contre le diagnostiqueur, ni contre le vendeur. Cela constitue une exception si l’on compare le DPE à d’autres documents du dossier technique. Elle se justifiait par la trop grande marge d’erreur entre la théorie et la pratique. Toutefois, le DPE est désormais légalement opposable depuis le 1er janvier 2021 en raison d’une disposition de la loi « ELAN ». L’entrée en vigueur effective de l’opposabilité du DPE a cependant été reportée au plus tard au 1er juillet 2021 compte tenu de la situation sanitaire de la Covid-19 et du décalage des consultations réglementaires. L’opposabilité du DPE ne portera cependant que sur la partie relative aux modélisations et calculs de la classe énergétique du bien immobilier, et non pas sur les recommandations du diagnostiqueur. La rapporteure se réjouit de cette évolution positive qui permettra aux citoyens d’exiger une évaluation sérieuse de la part des vendeurs, des agences et des diagnostiqueurs.

En matière de contrôle des travaux, on note également plusieurs avancées. Ainsi, un arrêté du 3 juin 2020 renforce la protection des consommateurs faisant appel à des entreprises ayant la mention RGE. En cas de travaux de mauvaise qualité, de pratiques commerciales trompeuses ou d’un non-respect des modalités de sous-traitance, les consommateurs peuvent désormais signaler l’entreprise auprès de l’organisme qualificateur. Comme évoqué précédemment, il pourrait également être souhaitable de développer l’outil des réceptions de chantier et de développer les contrôles portant notamment sur les entreprises labellisées RGE.

Il est également possible de s’inspirer de certains de nos voisins, comme l’Allemagne qui exige que les travaux aidés soient systématiquement suivis par un maître d’œuvre (MOE), architecte ou ingénieur. De plus, le recours à un conseiller est exigé pour bénéficier des mécanismes de soutien fédéraux. Ce processus permet de garantir un projet de rénovation énergétique pertinent pour le destinataire et cohérent avec les objectifs de politique publique.

L’exemple de l’Allemagne

En Allemagne, trois principes favorisent les rénovations poussées, financées par le programme de « rénovation à haute efficacité énergétique » de la banque publique de développement KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau) : la mesure de performance globale après rénovation, la progressivité des aides en fonction de la performance énergétique atteinte, et l’intervention d’un expert thermicien qui conseille sur les travaux à réaliser, suit le chantier et certifie les résultats obtenus. Cette démarche a permis d’obtenir, entre 2008 et 2015, une baisse de 11,1 % de la consommation d’énergie finale des logements.

Ce résultat positif reste cependant en retrait par rapport aux objectifs fixés en termes de taux annuel de rénovation (1 % pour les maisons individuelles et 1,3 % pour les logements collectifs, pour un objectif de 2 %) ou de baisse de la consommation d’énergie finale (objectif de 20 % en 2020).

La démarche allemande, orientée vers l’obtention de résultats mesurables, adossée à un secteur mieux structuré et formé, a donc permis de parvenir à des résultats supérieurs à ceux constatés en France, mais qui demeurent insuffisants du fait d’une désaffection des ménages à l’égard de rénovations globales jugées lourdes et coûteuses.

Source : note n° 6 de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la rénovation énergétique des bâtiments, juillet 2018

En France, il convient d’ailleurs de souligner que dans le cadre du Plan d’investissement volontaire signé en avril 2019, Action Logement a rendu le recours à une assistance à maîtrise d’ouvrage obligatoire pour pouvoir bénéficier de ses aides à la rénovation.

Proposition n° 23 : Renforcer le recours à des maîtres d’œuvre ou à une assistance à maîtrise d’ouvrage pour les chantiers de rénovation des copropriétés en assurant tout ou partie de leur financement par l’État.

Il pourrait également être souhaitable de développer des mécanismes de contrôle des chantiers plus poussés. Par exemple, les contrats de performance énergétique (cf. supra) prévoient la réalisation de mesures préalables à toute mise en œuvre, puis la réalisation de contrôles réguliers après travaux – ces données servant notamment à déterminer les gains obtenus sur lesquels est basée la rémunération des opérateurs.

Le CPE est un outil adapté pour mener des travaux d’efficacité énergétique, qu’il conviendrait de généraliser. L’ADEME prend d’ailleurs une part active au déploiement des contrats de performance énergétique et du commissionnement, et à l’expérimentation, avec des collectivités volontaires, de schémas directeurs « immobilier et énergie » (SDIE). Mais ces contrats s’adressent également aux entreprises et peuvent même être signés par des copropriétés.

Proposition n° 24 : Inciter les collectivités à recourir à des contrats de performance énergétique dans le cadre d’opérations de rénovation thermique, en basant leurs appels d’offres sur des objectifs de performance énergétiques bien définis en amont.

Enfin, il serait souhaitable d’instaurer un groupe de travail avec les assureurs pour réfléchir au développement d’une « assurance de résultat énergétique » similaire au modèle allemand, c’est-à-dire portée par des artisans maîtres d’œuvre rémunérés et assurés en responsabilité civile professionnelle pour garantir l’exécution et la qualité des travaux sur un chantier qu’ils coordonnent et qui fait intervenir différents artisans.

D.   La nécessité d’une approche globale de la question énergétique pour les bâtiments

Face à la multiplication des enjeux portant sur la rénovation thermique des bâtiments, il est important de réaffirmer la primauté de l’objectif de rénovation globale et d’insérer la question de la rénovation énergétique des bâtiments dans une stratégie de maîtrise énergétique globale.

1.   Réaffirmer l’objectif central de procéder à des rénovations globales

Comme indiqué au début de ce rapport, la plupart des opérations de rénovation suivent aujourd’hui encore une logique dite de « rénovation par étapes ». Les rénovations globales demeurent l’exception plutôt que la règle. Dans ce cadre, il est important de réaffirmer que cette stratégie est irréaliste et contre-productive pour plusieurs raisons. Ainsi, il est toujours sensiblement plus cher, d’un point de vue global, de mener les opérations en différentes reprises puisqu’il faut à chaque fois préparer les chantiers, mettre les échafaudages, payer de la main-d’œuvre, renforcer des épaisseurs d’isolant insuffisantes alors qu’une isolation plus épaisse envisagée dès le départ aurait été meilleur marché. D’ailleurs, les principaux dispositifs financiers actuels ne permettent pas le fractionnement des travaux au-delà de cinq ans (par exemple pour l’éco-PTZ). Faire par étapes revient donc à ne pas pouvoir bénéficier des diverses aides publiques, hormis la première année. Il s’ensuit que la plupart des particuliers ayant débuté une rénovation par étapes l’arrêtent faute de moyens financiers.

Cela donne également de mauvais résultats en termes de performance parce qu’il n’y a pas de cohérence entre les différentes mesures mises en œuvre et parce que les interfaces entre lots ou les tâches transversales (étanchéité à l’air) ne sont généralement pas traitées. Cela peut même conduire à des pathologies, notamment si l’on change les fenêtres sans mettre une ventilation mécanique, favorisant l’apparition de moisissures. Ainsi, peu de rénovations dites « par étapes » sont menées à leur terme et, lorsqu’elles le sont, le résultat n’est pas toujours satisfaisant. La plupart du temps, les rénovations par étapes ne vont jamais au-delà de la première étape, si bien que l’on tue le gisement d’économies d’énergie. C’est donc une approche a priori séduisante mais qui ne permet pas d’atteindre les objectifs de performance recherchés.

D’un point de vue macroéconomique, cela signifie enfin qu’il faudrait conduire plusieurs vagues de rénovation : au lieu de considérer chaque année 700 000 chantiers de rénovation (nombre de rénovations BBC à conduire annuellement d’ici 2050 pour avoir rénové au niveau BBC tous les logements construits avant 2000), il faudrait en réalité 2,1 millions de « gestes » de rénovation si l’on suppose des opérations en trois vagues. Cela serait d’autant moins réalisable pour la profession. Il est donc essentiel de privilégier une approche de la rénovation complète et performante, plus rigoureuse, qui a déjà donné des résultats de grande qualité sur le terrain, mais qui doit être soutenue fortement dans sa montée en puissance, pour devenir la norme dans les prochaines années.

Emprunter l’un ou l’autre chemin conduit à des recommandations de politiques publiques très différentes. Ainsi, si l’on considère l’objectif d’éradiquer les passoires thermiques (qui correspondent aux classes énergétiques F et G) d’ici 2028, il pourrait être tentant d’avoir un premier train de rénovation permettant de passer en classe D, puis un second train, dans les années 2030, qui permettrait d’atteindre le niveau BBC en 2040. Il s’agit donc d’une rénovation par étapes lourdes, qui coûtera aussi cher que d’aller directement en classe A ou B mais qui entraîne un risque de performances bien inférieures. A minima, si une rénovation globale doit se faire en plusieurs étapes, il importe que ces étapes soient planifiées dès le départ pour demeurer cohérentes. La mise en place d’un « carnet numérique des bâtiments », tel que voté dans le cadre de la loi « ELAN » sans qu’il ne soit jamais mis en œuvre, pourrait contribuer à cet objectif en permettant de recenser précisément tous les travaux effectués sur un bâtiment. On notera cependant que ce carnet, qui présentait des fragilités juridiques, a été récemment remplacé par un carnet d'information du logement (CIL), dont l'objectif est l'information des particuliers pour faciliter l'amélioration de la performance énergétique des logements existants comme neufs. Il doit entrer en vigueur au 1er janvier 2022. La principale différence avec le précédent dispositif est qu’il devra être tenu par le propriétaire lui-même et qu’il ne fera pas l’objet d’une centralisation numérique des données afin d’éviter les risques juridiques en matière de protection des données personnelles qui avaient justifié un avis négatif du Conseil d’État sur le précédent dispositif. Il faudra toutefois veiller à ce que les particuliers s’acquittent effectivement de leur obligation.

Proposition n° 25 : Réaffirmer la primauté de l’objectif de conduire des rénovations globales et concentrer progressivement les aides sur des rénovations complètes permettant de viser le niveau BBC en une seule opération ou en plusieurs opérations planifiées dès le départ. Accélérer et renforcer le déploiement du carnet d’information du logement (CIL).

2.   Inscrire la rénovation énergétique des bâtiments dans une stratégie énergétique globale

La rénovation énergétique des bâtiments ne peut pas non plus se concevoir sans prendre en compte la mutation environnementale des métiers du bâtiment, matérialisée par la future réglementation environnementale (RE 2020). Très attendue, la RE 2020 doit faire évoluer les modes et méthodes de construction vers une plus forte industrialisation des processus via de la construction hors site, que ce soit de la préfabrication ou de la construction modulaire (bois, bois et métal en majorité). La RE 2020 doit donner la priorité à la sobriété énergétique, au confort d’été et à la décarbonation. Tous les détails ne sont cependant pas connus car elle n’entrera en vigueur qu’à l’été 2021.

Si le moteur de calcul de la performance énergétique d’un bâtiment pour cette réglementation thermique n’évoluera pas beaucoup, les indicateurs qu’il intègre, eux, ont changé. Première nouveauté, un indicateur des besoins bioclimatiques (Bbio) renforcé. Ce Bbio va devoir être réduit de 30 % pour les constructions neuves. Les nouveaux bâtiments devront donc consommer 30 % d’énergie en moins. Ce Bbio inclura également les besoins en froid pour améliorer le confort d’été. Un deuxième indicateur évolue lui aussi : la consommation conventionnelle d’énergie primaire (CEP) du projet. Il porte sur les consommations de chauffage, de refroidissement, d’éclairage, de production d’eau chaude sanitaire et d’auxiliaires (pompes et ventilateurs). Là aussi, les besoins de froid y seront intégrés sous la forme d’un nouvel indicateur exprimé en degrés.

Sera également introduit un seuil maximum d’émissions de carbone qui vise clairement à sortir le gaz et le fioul des constructions neuves. En maison individuelle, le seuil sera fixé à 4 kgCO2/m2/an dès l’entrée en vigueur de la RE 2020 à l’été prochain et exclura de fait des systèmes utilisant exclusivement du gaz. En logement collectif, la transition sera progressive entre 2021 et 2024 car aujourd’hui, encore 75 % des logements collectifs nouvellement construits sont chauffés au gaz. Aussi, le seuil sera d’abord fixé à 14 kgCO2/ m2/an, laissant encore la possibilité d’installer du chauffage au gaz à condition que les logements soient très performants énergétiquement. Ensuite, dès 2024, le seuil sera ramené à 6 kgCO2/m2/an, excluant de fait le chauffage exclusivement au gaz. Cela suscite des inquiétudes du côté des acteurs du gaz qui soulignent l’existence de gaz renouvelables.

Le choix effectué est donc celui d’une électrification des usages, très controversée car renforçant les risques de pointe de consommation. Un seuil maximum d’utilisation d’énergie non renouvelable devrait toutefois être introduit pour massifier le recours aux énergies renouvelables dans l’habitat neuf, en particulier dans la maison individuelle où le panel de solutions techniques est particulièrement large.

Enfin, dans la continuité de l’expérimentation E+C-, la RE 2020 ne se contente pas d’intégrer le facteur carbone lors de la phase d’exploitation du bâtiment mais tout au long de son cycle de vie, y compris lors de sa construction. Ce nouveau facteur va grandement influencer les choix constructifs. L’analyse de cycle de vie (ACV) valorisera le stockage temporaire du carbone, à savoir la capacité des matériaux biosourcés à stocker le carbone pendant leur vie biologique et à ne le réémettre en partie qu’en fin de vie. On parle alors d’analyse en cycle de vie dynamique, qui attribue un poids plus fort au carbone qui est émis aujourd’hui qu’à celui qui sera émis plus tard. En calculant les exigences réglementaires avec cette méthode, les matériaux qui émettent peu lors de leur fabrication et qui stockent du carbone dans les bâtiments, comme le bois et les matériaux biosourcés, seront avantagés par rapport aux matériaux plus émetteurs lors de leur production. Cette nouvelle approche ne satisfait pas du tout les industriels de la construction de la filière béton, isolants et laines minérales, ni ceux des constructions métalliques, mais cette approche présente l’avantage de permettre des gains rapides en matière d’émissions.

La rapporteure souligne toutefois que ces discussions techniques n’impliquent que peu le Parlement alors que la politique énergétique du logement doit être stable et lisible pour que la politique de rénovation soit cohérente.

 


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   Troisième partie : les leviers d’amÉlioration financiers et rÉglementaires pour dÉvelopper une vÉritable politique de rÉnovation des bÂtiments

Au-delà du renforcement des dispositifs fiscaux et budgétaires et de la structuration du marché de la rénovation énergétique, il est également nécessaire de s’interroger sur les outils réglementaires et financiers qui peuvent faciliter la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de rénovation énergétique des bâtiments. La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a ainsi formulé plusieurs propositions qu’il convient de discuter en matière d’obligation de rénover ou de qualification du logement décent. Ces mesures devront être complétées par des outils financiers adaptés, notamment pour les copropriétés, distribués par les banques et appuyés, lorsque cela est nécessaire, par des dispositifs publics. Enfin, la définition d’une stratégie budgétaire et financière à moyen et long termes doit être envisagée afin de donner de la visibilité aux acteurs et un cadre d’engagement pluriannuel à l’État.

I.   Questionner l’opportunité d’une traduction concrète des propositions de la Convention citoyenne pour le climat et Élargir l’accès aux dispositifs d’aide

La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a formulé plusieurs propositions ambitieuses en matière de rénovation énergétique des logements. Les principales mesures sont les suivantes :

– contraindre les propriétaires occupants et bailleurs à rénover leurs biens de manière globale ;

– obliger au changement de chaudières au fioul et à charbon d’ici à 2030 dans les bâtiments neufs et rénovés ;

– interdire la location des passoires thermiques ;

– déployer un réseau harmonisé de guichets uniques ;

– instaurer un système progressif d’aides à la rénovation, avec prêts et subventions pour les plus démunis ;

– former les professionnels du bâtiment pour répondre à la demande de rénovation globale et assurer une transition de tous les corps de métiers du BTP vers des pratiques écoresponsables.

Certaines de ces propositions ont déjà été évoquées précédemment mais deux questions essentielles doivent être approfondies : l’instauration éventuelle d’une obligation de rénovation et l’interdiction de la location des passoires thermiques.

A.   Dans quelles conditions faut-il rendre obligatoire la rénovation globale des logements ?

Il s’agit d’un constat largement partagé par les professionnels auditionnés par la mission : tant qu’il n’existe pas d’obligation de rénover, les incitations financières risquent de ne pas suffire pour mener une action d’ampleur en matière de rénovation énergétique des bâtiments. La question centrale est donc de déterminer le rythme et les étapes permettant de progresser vers cet objectif.

Il convient à ce titre de souligner que l’obligation de rénovation est déjà en partie une réalité pour certains types de biens. À partir du 1er janvier 2028, la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat oblige ainsi les propriétaires de passoires énergétiques à réaliser des travaux afin d’atteindre au minimum la classe E du DPE (soit pas plus de 330 kWh par mètre carré et par an de consommation d’énergie primaire). À cette date, le non-respect de cette obligation de travaux sera mentionné dans toutes les publicités relatives à la vente ou à la location, ainsi que dans les actes de vente ou les baux concernant le bien. Cette obligation est repoussée à 2033 pour les copropriétés en difficulté. Enfin, dès 2040, les bâtiments énergivores (classes D et E) devront également atteindre le niveau C.

En outre, sans constituer directement une obligation, plusieurs mesures visent à inciter fortement les propriétaires à rénover. Ainsi, à partir du 1er janvier 2022, la réalisation d’un audit énergétique sera obligatoire en cas de mise en vente ou en location d’une « passoire thermique » (actuellement étiquetée énergie F et G par le DPE). Dès 2022 également, les annonces et les baux immobiliers devront indiquer l’obligation de ne pas dépasser ce seuil de consommation, et les actes devront déjà afficher l’obligation de travaux exigée aux propriétaires des passoires. Le code de la construction et de l’habitation prévoit en outre des dispositions récemment modifiées s’appliquant aux bâtiments tertiaires (incluant les bâtiments de l’État), qui n’imposent pas directement une obligation de rénovation mais fixent une obligation de réduction de la consommation d’énergie finale d’au moins 40 % d’ici à 2030 et d’au moins 50 % d’ici à 2040 (cf. première partie). Cela vient s’ajouter à l’obligation de rénovation des bâtiments tertiaires dont la surface excède 1 000 mètres carrés (seuil que la Convention citoyenne pour le climat propose de faire passer à 500 mètres carrés) d’ici 2030. Votre rapporteure pense néanmoins qu’il est nécessaire de laisser le temps aux structures de s’adapter et aux entreprises de développer un savoir-faire avant d’étendre l’obligation de rénover aux bâtiments tertiaires de moindre taille.

Proposition n° 26 : Prévoir à partir de 2030 une nouvelle obligation de baisse de la consommation énergétique pour les bâtiments tertiaires dont la surface est comprise entre 500 et 1 000 mètres carrés, avec un objectif de ‑45 % de la consommation d’ici 2040.

La question est donc de savoir s’il est nécessaire d’aller plus loin en matière d’obligation et plus rapidement. Pour les particuliers, la question s’est déjà posée mais a entraîné des complications juridiques. En 2015, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article 6 de la LTECV qui prévoyait une obligation de rénover. Les principaux arguments développés par le Conseil constitutionnel étaient les suivants :

– les atteintes portées au droit de propriété doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ;

– les conditions d’application de l’obligation n’avaient pas été suffisamment bien précisées ;

– une loi de programmation (comme la LTECV) n’est pas adaptée pour imposer une obligation de rénover.

L’obstacle juridique n’est donc pas infranchissable mais nécessite des clarifications juridiques et financières importantes. L’extension du dispositif MaPrimeRénov à tous les ménages, sans conditions de revenu, participe de ce mouvement.

Une obligation de travaux ne pourrait ainsi se mettre en place que si les ménages disposent des outils et leviers financiers, bancaires, fiscaux pour les réaliser, ce qui n’est pas encore le cas. Le passage à l’obligation de travaux doit donc se faire de façon progressive.

Sans préjuger de la mise en place de cette stratégie budgétaire à long terme (voir infra), une des propositions les plus structurantes faite par la CCC serait ainsi de créer un nouvel article L. 173-2-1 dans le code de la construction et de l’habitation qui introduirait une obligation de rénovation globale, des seuils de performance énergétique minimums aux échéances 2030 et 2040 pour tous les bâtiments et une obligation de rénovation, à partir de 2024, des seules maisons individuelles. Cet article serait rédigé de la manière suivante : « Les bâtiments à usage d’habitation ne répondant pas à un critère de performance énergétique minimale, déterminé selon la méthode du diagnostic de performance énergétique, doivent faire l’objet d’une rénovation globale ».

Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat

La Convention citoyenne pour le climat a proposé de renforcer les obligations de rénovation incombant aux propriétaires en prévoyant :

– dès 2024, l’obligation de rénovation globale des maisons individuelles disposant d’une étiquette énergétique inférieure à B lorsqu’il y a transmission du bien. Les nouveaux propriétaires qui n’auraient pas effectué les travaux deux ans après la transmission verraient l’application d’un malus à leur taxe foncière ;

– l’obligation de procéder à une rénovation globale des « passoires thermiques » (étiquettes F et G) d’ici à 2030, et d’ici à 2040 pour les logements ayant une étiquette énergétique E et D.

En outre, elle propose la mise en place de contraintes spécifiques pour accélérer les mises en chantier des « passoires thermiques » :

– le blocage des augmentations de loyer dès 2021 lors d’un changement de locataire ou un renouvellement de bail, jusqu’à l’accomplissement de la rénovation ;

– à partir de 2028, l’interdiction de la mise en location de toute « passoire thermique » et une sanction pour les propriétaires sous la forme d’un malus appliqué à la taxe foncière ;

– à partir de 2028, l’application de sanctions pour les copropriétés n’ayant pas effectué les travaux de rénovation globale par le biais d’un malus sur la taxe foncière (un sursis étant prévu pour les copropriétés en situation de grande fragilité financière).

Comme le fait remarquer la convention citoyenne, le respect de cette disposition nécessiterait l’instauration d’un dispositif de sanctions. À ce titre, elle propose de mettre en œuvre un malus sur la taxe foncière en cas de non-respect des obligations de rénovation. Concrètement, les caractéristiques de la taxe foncière sont déterminées par l’article 1388 du code général des impôts mais les taux de la taxe sont votés par les collectivités territoriales chaque année. Il serait donc nécessaire d’introduire dans la loi une majoration de l’assiette, afin d’avoir une règle nationale uniforme. Cela peut paraître contre-intuitif puisque la valeur locative cadastrale serait majorée alors que le bien a en réalité une moindre valeur. Mais cela permettrait une application systématique du « malus ». Une alternative serait d’inscrire dans la loi le fait que les collectivités ont l’obligation de voter deux taux différents selon l’état énergétique du bâtiment. Cette seconde alternative serait probablement la plus aisée à mettre en œuvre mais elle suppose que les collectivités jouent le jeu.

Votre rapporteure estime toutefois que, dans un premier temps, l’obligation de rénovation globale ne devrait concerner que les copropriétés dont la consommation est supérieure à 331 kWh par mètre carré et par an à partir de 2026. En outre, il conviendrait d’assortir cette obligation du financement du reste à charge et de l’assistance à maîtrise d’ouvrage par l’État.

Proposition n° 27 : Instaurer une obligation de rénovation globale des copropriétés dont la consommation est supérieure à 331 kWh par mètre carré et par an à partir de 2026. Assortir cette obligation du financement du reste à charge et de l’assistance à maîtrise d’ouvrage par l’État. Sanctionner le non-respect de cette disposition par une majoration de la valeur cadastrale ou obliger les collectivités à voter deux taux différents de taxe foncière avec un écart suffisamment pénalisant.

Pour les logements individuels classés F et G, réfléchir à la constitution d’une consignation à hauteur de 5 % de la valeur du bien pour financer des travaux de rénovation lors de la mutation du bien.

Pour les logements individuels, il conviendrait de réfléchir à l’instauration d’un mécanisme de consignation, à hauteur de 5 % de la valeur du bien, pour financer des travaux de rénovation. Cela ne concernerait que les passoires énergétiques et cette consignation doit se comprendre dans le cadre d’une politique générale de soutien accru à la rénovation énergétique.

On notera qu’il existe annuellement plus de 800 000 mutations (et même un million en 2019), dont près de 500 000 concernent des logements datant d’avant 1975, donc pas ou très peu isolés. C’est le moment où la contrainte sera la moins douloureuse puisque les rénovations ne se feront en principe pas dans des logements occupés.

B.   Interdire la location de passoires énergétiques et renforcer le décret « décence »

La précarité énergétique est une forme de mal-logement de mieux en mieux appréhendée, tout comme le surpeuplement et l’habitat indigne (cf. partie I). Elle se définit comme le fait, pour une personne, d’éprouver dans son logement « des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ([47]) ». Pour quantifier plus précisément la précarité énergétique, il est d’usage de comptabiliser les ménages qui consacrent plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses d’énergie dans le logement : ils sont 3,8 millions, soit 14 % des ménages au niveau national ([48]). Selon la fondation Abbé Pierre, « avec l’accroissement de la précarité, l’augmentation des coûts de l’énergie et de l’habitat, et la mauvaise qualité thermique de millions de logements, 12 millions de personnes ont froid chez elles ou dépensent trop d’argent pour se chauffer » ([49]). Cent mille coupures ou réductions de puissance pour impayés supplémentaires ont ainsi été relevées en 2019 par rapport à 2018, représentant une augmentation de 17 %. Par ailleurs, 122 949 ménages ont bénéficié du Fonds de solidarité logement pour l’aide au paiement des factures d’énergie en 2017. Dans bien des cas, précarité énergétique et passoires thermiques sont directement corrélées.

Dans ce contexte, le Gouvernement a souhaité introduire la performance énergétique parmi les critères de la « décence » d’un logement. Ainsi, l’article 17 de la loi dite « Énergie-climat » impose au Gouvernement de fixer un seuil maximal de consommation énergétique, exprimé en énergie finale, au-delà duquel le logement doit être considéré comme indécent. Le décret en question fixe ce seuil « d’indécence énergétique » en France métropolitaine à une consommation de 500 kWh par mètre carré et par an en énergie finale, à partir du 1er janvier 2023. Cela permettrait aux personnes qui vivent dans des logements qui consomment plus de 500 kWh par mètre carré et par an d’exiger du propriétaire qu’il fasse des travaux, voire de saisir un juge pour suspendre le versement des loyers.

Toutefois, le Gouvernement a publié, le 7 septembre 2020, le compte rendu de la consultation publique dont le décret « décence » a fait l’objet du 2 au 31 juillet de la même année. Le seuil de 500 kWh par mètre carré et par an retenu par ce texte pour définir l’indécence énergétique d’un logement a été jugé « pas assez ambitieux » pour 97 % des contributeurs. Selon la fondation Abbé Pierre, seuls 125 000 logements seraient concernés par ce seuil. Finalement, le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 relatif au critère de performance énergétique dans la définition du logement décent en France métropolitaine prévoit que pour rester décent, un logement doit afficher une consommation inférieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an. En pratique, les logements affichant un diagnostic de performance G ne pourront plus être mis en location.

De nombreux professionnels interrogés par la mission auraient souhaité aller plus loin et interdire à la location les « passoires thermiques ». En outre, certains relèvent que l’instauration d’un seuil d’indécence énergétique crée le risque d’apparition d’une « sous-catégorie » au sein des logements énergivores. En effet, le seuil de 450 kWh est fixé en énergie finale (ce qui correspond à la facture acquittée par l’occupant) alors même que l’étiquette du DPE est fixée en énergie primaire. Il est donc important d’expliquer que le seuil à prendre en compte n’est pas celui figurant sur la classe énergétique du bien. Il est donc nécessaire d’exprimer le DPE en énergie finale pour plus de cohérence (cf. supra). Plusieurs contributeurs considèrent par ailleurs qu’il est nécessaire de définir des sanctions pour que le dispositif soit efficace. Ils préconisent de sanctionner la non-présentation du DPE et de mettre en place une astreinte journalière pour les propriétaires bailleurs en cas de logements indécents tant que des travaux ne sont pas réalisés, et d’instaurer des sanctions financières dès 2025 pour les logements non décents, sous la forme de l’abondement d’un fonds de soutien aux locataires les plus en difficulté.

Pour répondre à ces préoccupations, les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont proposé d’établir le seuil d’indécence énergétique à 331 kWh par mètre carré et par an (ce qui correspond aujourd’hui à la classe F), au sens de la consommation conventionnelle en énergie primaire évaluée dans le DPE défini à l’article L. 134-1 du code de la construction et de l’habitation. À défaut de respecter cette exigence, la location du logement serait interdite. Notons que la loi « Énergie-climat » votée en 2019 prévoit en outre, d’ici 2028, « une obligation de travaux dans les passoires thermiques avec un objectif d’atteindre la classe E ».

Votre rapporteure estime nécessaire de planifier dès à présent les prochaines étapes en inscrivant une interdiction de mise en location en 2030 pour la classe D, en 2035 pour la classe C et en 2040 pour la classe B.

Proposition n° 28 : Conformément à la proposition de la CCC, abaisser le seuil du décret « décence » au seuil de la classe F (331 kWh par mètre carré et par an) à partir de 2025.

Instaurer un décret « décence » électrique fixé au seuil des classes F (331 kWh) et G (450 kWh) en énergie primaire.

Définir un calendrier de réduction progressive des classes énergétiques pour atteindre la classe A ou B, accompagné d’une interdiction de mise en location des logements classés E dès 2030, des logements classés D dès 2035, des logements classés C en 2040 et des logements de la classe B en 2045. Renforcer les sanctions en cas de défaut, notamment via des systèmes d’astreinte.

Ces propositions pourraient être reprises en partie dans le projet de loi qui répondra aux préconisations de la Convention citoyenne pour le climat. En outre, un plafonnement des loyers à -20 % du prix du marché pourrait être une autre mesure mise en avant selon la fondation Abbé Pierre. Cela irait plus loin que la disposition permettant, depuis le 1er janvier 2021, le gel de la révision des loyers dans les zones tendues et la restriction de l’avantage fiscal du dispositif « Louer Mieux » pour les logements classés F ou G. Sachant que très peu de propriétaires réalisent des travaux lors d’un changement de locataire, ce dispositif pourra inciter davantage à la réalisation de travaux d’économies d’énergie.

Par ailleurs, de manière générale, il conviendrait de faire une communication plus importante sur les différents dispositifs d’aides, relativement peu connus, notamment auprès des personnes âgées et des ménages en situation de précarité énergétique. Il serait ainsi possible de faire appel aux services des collectivités territoriales pour identifier, lorsque l’occasion se présente, les ménages susceptibles d’être en situation de précarité énergétique. Cela pourrait être le cas lorsqu’il est fait appel à un service de portage de repas à domicile par exemple. Toutes les situations auxquelles les agents des collectivités sont en relation avec le public doivent pouvoir donner lieu à un signalement afin que le ménage concerné soit informé des aides existantes. Un point d’accueil sur les différentes aides existantes devrait être mis en place au sein de chaque mairie. En outre, une attention particulière devra être portée à ce repérage dans les programmes d’accompagnement déployés par l’ANAH.

Proposition n° 29 : Développer les mécanismes de repérage et de communication envers les ménages en situation de précarité énergétique, notamment par le biais des chèques-énergie et par le biais des dispositifs d’accompagnement mis en place par l’ANAH.

C.   Permettre aux locataires de mener des travaux de rénovation et de bénéficier des aides

À l’heure actuelle, il est rare que les locataires réalisent des travaux d’économies d’énergie, ceux-ci incombant prioritairement au bailleur. Cela s’entend dans la mesure où le locataire n’est pas propriétaire du bien et qu’il ne bénéficiera pas de la valorisation patrimoniale opérée. Par ailleurs, ces travaux peuvent impacter le gros œuvre, ce qui nécessite l’autorisation préalable du bailleur, voire de l’assemblée générale si le bien est en copropriété. Toutefois, la possibilité pour un locataire de réaliser des travaux d’économies d’énergie pourrait être une piste intéressante. En effet, il peut arriver qu’un locataire puisse bénéficier d’aides financières et non le propriétaire, ceci en raison de ses ressources ou de la composition de son ménage. Le locataire peut vouloir mener de telles opérations si celles-ci lui permettent un bien-être supplémentaire, voire une économie éventuelle sur le loyer qu’il doit acquitter.

À l’instar de ce qui existe en matière de travaux d’accessibilité, un système d’autorisation du locataire à effectuer des travaux d’économies d’énergie pourrait ainsi être mis en place. Afin d’en favoriser la réalisation, le bailleur ne pourrait s’y opposer que pour un motif légitime (atteinte à la solidité du bien, problématique esthétique, technique…). En contrepartie, le locataire devrait alors bénéficier d’un maintien dans les lieux pour une certaine durée (renouvellement du bail par exemple) et d’une indemnité (dont le montant serait à déterminer) déduite du loyer.

Il serait également souhaitable de réfléchir à une adaptation des règles du bail à réhabilitation. Il s’agit du contrat par lequel un propriétaire met à bail son bien, à charge pour le locataire de rénover le logement sur une période donnée. La convention indique notamment la nature des travaux à réaliser. À l’heure actuelle, ces baux ne peuvent être conclus qu’avec une personne morale. Il serait intéressant d’adapter ces règles pour permettre à des particuliers de se lancer dans des opérations de ce type. La nature des travaux possibles pourrait ainsi être définie par les textes (isolation, réfection de la toiture…). En pratique, cela aurait surtout une incidence pour les maisons individuelles.

Proposition n° 30 : Réfléchir à l’instauration d’un système d’autorisation du locataire à effectuer des travaux d’économies d’énergie avec l’accord du propriétaire et élargir l’accès aux aides publiques au locataire.

Dans le même ordre d’idée, il pourrait être intéressant de permettre au bailleur d’un logement d’effectuer une donation temporaire d’usufruit (DTU) à une société de rénovation thermique pour qu’elle puisse effectuer les travaux tout en se rémunérant par les revenus locatifs. Cela suppose cependant une modification du code de la construction et de l’habitation pour permettre que la durée minimale des DTU puisse n’être que de trois ans (ou encore moins) au lieu de six ans actuellement.

Proposition n° 31 : Permettre au bailleur d’un logement d’effectuer une donation temporaire d’usufruit (DTU) à une société de rénovation thermique pour qu’elle puisse effectuer les travaux tout en se rémunérant par les revenus locatifs.

II.   Se doter d’une stratégie financière et budgétaire adéquate

Le système de financement des opérations de rénovation doit être pensé comme un écosystème à plusieurs étages, car la diversité des acteurs impliqués (particuliers, entreprises, administrations, agences publiques, banques, investisseurs institutionnels) suppose un éventail de solutions adapté pour multiplier le rythme des rénovations thermiques. En effet, selon le Haut Conseil pour le climat, le rythme des rénovations énergétiques – en moyenne de 0,2 % par an actuellement – doit fortement s’accélérer pour atteindre 1 % par an après 2022 et 1,9 % par an d’ici 2030. Pour le secteur résidentiel, il s’agit de passer d’environ 60 000 rénovations profondes effectuées annuellement (en moyenne sur la période 2012-2018), à 370 000 rénovations complètes par an après 2022 et 700 000 par an à partir de 2030, conformément aux objectifs fixés dans la SNBC.

Afin de mobiliser au mieux les financements publics et privés, il semble nécessaire de disposer d’un outil stratégique pour piloter la trajectoire financière d’ensemble. À cet égard, une loi de programmation pluriannuelle des aides à la rénovation pourrait permettre de fixer un cap et de pérenniser les financements dédiés à la rénovation.

Cette stratégie financière publique serait utilement complétée par le développement de nouveaux instruments financiers mis en œuvre par les acteurs privés et publics.

A.   Les besoins de financement pour les logements et les bâtiments tertiaires privés

Le chiffrage des financements pour la rénovation thermique des logements et des bâtiments tertiaires privés fait l’objet d’estimations concurrentes mais qui font toutes le constat d’un besoin s’élevant à plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissement supplémentaires par an.

1.   Quels besoins financiers dans les années à venir ?

L’estimation des besoins financiers pour la rénovation des logements et des bâtiments tertiaires dépend à la fois du nombre de bâtiments à rénover, du niveau de rénovation attendu et du coût moyen de ce type de rénovation par bâtiment. Compte tenu de l’état des connaissances en la matière, tout chiffrage doit être entendu comme une approximation permettant néanmoins de disposer d’un ordre de grandeur réaliste.

Concernant la cible à atteindre, rappelons que l’État a conservé l’objectif prioritaire de disparition, à l’horizon 2025, de 7 à 8 millions de passoires thermiques et de rénovation de 500 000 logements par an, dont 150 000 passoires thermiques occupées par des ménages modestes. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2019-2023 fixe des objectifs encore plus ambitieux à atteindre sur cette période, puisqu’elle fait état de l’obligation de rénover 2,5 millions de logements de manière performante ou très performante. Les membres de la Convention citoyenne pour le climat vont plus loin encore et font état d’un besoin de rénovation globale des logements qui devrait atteindre à moyen terme 800 000 rénovations par an (500 000 « passoires thermiques » et 300 000 logements relevant des étiquettes énergétiques D et E).

Pour estimer le volume financier global nécessaire pour la rénovation, il convient aussi de prendre en compte le nombre de mètres carrés et de le rapporter à un coût moyen. Cependant, ce calcul est nécessairement approximatif et diffère en fonction des sources. Ainsi, si l’institut négaWatt estime que le coût moyen d’une rénovation performante au mètre carré se situe en moyenne aux alentours de 270 euros hors taxes pour les logements collectifs et de 410 euros hors taxes en maison individuelle, certaines évaluations reposent parfois sur des bases plus élevées et situent le coût de la rénovation entre 500 et 1 000 euros pour les logements individuels.

Compte tenu des variations sur les hypothèses de départ, les chiffrages proposés pour financer la rénovation thermique présentent également des différences notables.

Ainsi, la SNBC révisée et publiée en mars 2020 prévoit un investissement annuel dans la rénovation énergétique des bâtiments allant de 14 milliards d’euros par an sur la période 2019-2023 à 28 milliards d’euros pour la période 2034-2050.

Dans son rapport « Relance : comment financer l’action climat » publié en juillet 2020, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a évalué les besoins annuels pour la rénovation thermique à l’aune des nouveaux objectifs de la SNBC réactualisée. Le niveau d’investissement envisagé serait de 21 milliards d’euros pour la période 2019-2023, puis de 31,4 milliards d’euros à partir de la période 2024-2028, compte tenu de l’accélération des investissements à mobiliser pour tenir la trajectoire de la SNBC.

Répartition des investissements pour la rénovation thermique
estimés par I4CE

En milliards d’euros

 

2019-2023

2024-2028

Logements privés

16,8

25,7

Logements sociaux

1,4

2,1

Bâtiments tertiaires

2,8

3,6

Total

21

31,4

L’association négaWatt, dans son scénario 2017-2050, avance quant à elle le chiffre de 25 milliards d’euros par an pour financer la rénovation globale et performante de 780 000 logements et 3,5 % environ des surfaces tertiaires.

La Convention citoyenne pour le climat propose également un chiffrage pour les logements. En se fondant sur un objectif annuel de 800 000 rénovations globales de logements, et selon un coût moyen par logement prenant en compte sa typologie (maison individuelle ou logement collectif) et sa classe énergétique (F/G ou D/E), l’estimation aboutit à un besoin de financement annuel d’environ 22 milliards d’euros.

Pour répondre à un tel besoin, la Convention citoyenne pour le climat estime nécessaire d’augmenter le budget public actuel consacré à la rénovation énergétique de 3,3 milliards d’euros par an à 13 milliards d’euros par an. Dans l’hypothèse qu’elle propose, ce coût global serait divisé entre des aides budgétaires (MaPrimeRénov’, Habiter Mieux Sérénité, éco-PTZ…), à hauteur de 5,8 milliards d’euros par an entre 2021 et 2030, et un soutien financier issu des certificats d’économies d’énergie qui passerait de 1,8 milliard d’euros à 7,3 milliards d’euros par an. Cela supposerait de faire passer l’obligation CEE à 4 500 TWhc par période triennale. Une hausse aussi importante de l’obligation aurait toutefois un effet non négligeable sur les factures énergétiques des ménages et des entreprises consommatrices et poserait également la question de sa faisabilité (cf. infra). Il semble en conséquence que le soutien public pourrait être plus important pour éviter de faire reposer l’ensemble du dispositif sur les CEE.

Pour toutes ces estimations, la capacité de financement repose sur l’investissement public et privé. À ce jour, les investissements demeurent loin des objectifs énoncés et atteignent au maximum 13 milliards d’euros selon le Haut Conseil pour le climat (HCC), dont environ 3,5 milliards d’euros d’argent public. Quant aux financements privés, ils sont loin d’être majoritairement consacrés à des opérations de rénovation performantes. Il est donc essentiel de renforcer les dispositifs publics de soutien financier à la rénovation globale.

Quelles que soient les hypothèses retenues, même minimales, le besoin est donc de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an dans la rénovation, entre 15 et 25 milliards d’euros pour donner une fourchette large, ce qui est bien supérieur aux montants actuellement alloués à la rénovation.

2.   Un investissement public actuellement en deçà des attentes

L’effort financier effectué par l’État représente déjà une part non négligeable des sommes engagées pour la rénovation du résidentiel et du tertiaire. Mais il reste encore en deçà des besoins d’aide publique constatés.

En 2019, l’ensemble des aides publiques d’État destinées aux particuliers s’est élevé à 3,17 milliards d’euros. Ce montant doit par ailleurs être complété par les sommes versées au titre des certificats d’économies d’énergie, dispositif extrabudgétaire financé par les fournisseurs d’énergie, mais dont les modalités sont définies par la puissance publique. Elles se sont élevées à 1,73 milliard d’euros en 2019 et ont connu une forte augmentation en 2020 (2,45 milliards d’euros au 30 novembre 2020).

Budgets consacrés À la rénovation thermique des logements (2017-2021)

En millions d’euros

 

2017

2018

2019

2020

2021

CITE

1 682

1 948

1 135

1 080*

390*

MaPrimeRénov’ (depuis 2020)

 

 

 

575

1 460

« Habiter Mieux Sérénité »

391

385

383

431

446

« Habiter Mieux Agilité »

 

29

266

46*

 

« Habiter Mieux Bailleurs »

74

76

72

94

95

« Habiter Mieux Copropriétés » (à partir de 2021 : « MaPrimeRénov’ Copropriétés »

35

37

40

46

153

TVA à taux réduit (5,5%) pour les travaux de rénovation énergétique

1 070

1 150

1 235

1 120*

1 230*

Eco-PTZ (coût annuel de la dépense fiscale)

55

46

39

32*

32*

Dispositif « Denormandie » (réduction d’impôt)

 

 

0

6*

15*

Crédit d’impôt rénovation énergétique TPE/PME

 

 

 

 

n.c.

Total des aides publiques

3 307

3 671

3 170

3 430

3 821

Estimation de la valeur des CEE (secteur bâtiment)

652

1 115

1 738

2 449**

n.c.

Total

3 959

4 786

4 908

5 879

-

Source : DGEC. * Estimations. Les montants indiqués pour le CITE correspondent à des travaux lancés en 2019 et 2020 pouvant encore donner droit au crédit d’impôt. Le montant indiqué pour Habiter Mieux Agilité, qui a été remplacé en 2020 par MaPrimeRénov’, correspond également au versement d’aides correspondant au reliquat de dossiers déposés en 2019.

**Montant des CEE établi au 20 novembre 2020.

Actuellement, ces aides publiques sont réparties dans différents programmes budgétaires, ce qui nuit à la bonne lisibilité de l’effort public en la matière. Un regroupement dans un programme budgétaire spécifique serait pertinent pour permettre au Parlement de se prononcer de manière claire sur ce soutien.

Proposition n° 32 : Regrouper dans un programme budgétaire unique l’ensemble des aides concourant à la politique de rénovation thermique.

La contribution publique se réoriente progressivement vers les aides directes distribuées par le biais de MaPrimeRénov’ et du programme Habiter Mieux (cf. supra), ce qui lui donne a priori une meilleure visibilité auprès du public.

Toutefois, la contribution sous forme de « dépenses fiscales » reste encore élevée. Avec la disparition du CITE, elle se concentre désormais essentiellement sur la TVA à taux réduit pour les travaux de rénovation énergétique, qui poursuit un but incitatif en minorant le coût des travaux et en garantissant que ces derniers soient effectués par des entreprises compétentes en la matière, ce qui évite notamment le travail non déclaré.

La TVA à taux réduit n’est pas toutefois pas exempte de critiques. Dans son rapport de 2016 ([50]), la Cour des comptes rappelle que ce taux réduit couvre un champ plus vaste que les autres aides publiques : il peut servir à des travaux qui ne concernent pas la résidence principale et son application n’est pas conditionnée par le recours à une entreprise labellisée RGE, comme c’est désormais le cas pour toutes les autres aides publiques. Le taux s’applique également à tout matériel participant à la rénovation thermique, quelle que soit l’efficacité de ce dernier, ce qui ne permet pas d’orienter la dépense publique induite vers les gestes les plus vertueux. Il peut enfin provoquer des effets d’aubaine en ce qu’il s’applique à des travaux qui auraient été réalisés indépendamment de son existence (par exemple la réparation ou le remplacement d’équipements défectueux).

Malgré ces critiques à prendre en considération, il importe néanmoins de conserver pour l’heure la TVA à taux réduit afin d’éviter une augmentation des coûts des travaux au moment même où des efforts importants sont accomplis pour relancer la massification de la rénovation thermique. Il serait en effet contradictoire d’augmenter d’un côté les primes versées aux particuliers et de relever de l’autre la TVA sur les équipements subventionnés par ces mêmes primes.

La deuxième « dépense fiscale » en vigueur est l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). Les intérêts de ce prêt bancaire destiné à financer les travaux de rénovation énergétique sont pris en charge par l’État. Le montant total prêté en 2019 s’élevait à 474 millions d’euros, pour un coût annuel de 39 millions d’euros pour l’État.

Le dispositif dit « Denormandie », créé par la loi de finances pour 2019, monte actuellement en puissance. Il consiste en une réduction d’impôt accordée aux propriétaires bailleurs qui investissent dans un logement ancien situé dans des zones spécifiques ([51]) et pour lequel ils engagent des travaux de rénovation correspondant à au moins 25 % du coût total de l’opération. Les travaux de rénovation thermique sont inclus dans ce dispositif. Le coût pour l’État est estimé à 15 millions d’euros en 2021.

Enfin, à l’occasion de la loi de finances pour 2021, le Parlement a voté la création d’un crédit d’impôt dédié aux petites et moyennes entreprises qui effectuent des travaux de rénovation énergétique de leurs bâtiments à usage tertiaire. Plafonné à 25 000 euros, ce nouveau crédit d’impôt ne concerne que les travaux engagés entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2021, afin de faire coïncider ce dispositif avec le plan de relance mis en place par le Gouvernement. Le choix de ce type de dispositif peut surprendre au moment où la contribution publique a massivement basculé vers un système de subventions. Il reste néanmoins le moyen le plus rapide de créer une aide spécifique aux entreprises, car il ne nécessite pas la mise en place d’un dispositif de gestion spécifique. La dépense envisagée est de 105 millions d’euros, correspondant à une partie des 200 millions d’euros du plan de relance consacrés à l’aide à la rénovation thermique pour les TPE/PME.

B.   Le financement de la rénovation thermique des bâtiments publics est encore opaque

Si l’État et les collectivités territoriales ont pris conscience de l’importance de la rénovation thermique pour leurs bâtiments, les moyens alloués restent encore faibles et souffrent d’une opacité budgétaire qui nuit au bon pilotage de ce chantier.

1.   L’investissement de l’État pour la rénovation de son parc est difficilement analysable

Alors que les objectifs d’économies d’énergie du décret « tertiaire » s’imposent à l’État et que le plan de rénovation énergétique des bâtiments de 2018 fixait un objectif d’économies d’énergie de 15 % sur son parc immobilier, la détermination de l’effort budgétaire pour la rénovation thermique de ses bâtiments s’avère complexe, voire impossible en l’état des ressources disponibles. En effet, il n’existe pas à ce jour de répartition analytique des dépenses permettant de mesurer précisément les sommes investies dans les travaux de rénovation thermique.

Ces travaux sont généralement inclus dans deux postes de dépenses : les travaux structurants, qui sont des réhabilitations lourdes, et l’entretien lourd, à la charge du propriétaire. Sur le budget global consacré à la politique transversale de l’immobilier, qui était de plus de 9,1 milliards d’euros en 2020, les travaux structurants représentaient 832 millions d’euros et l’entretien lourd un peu moins de 1,286 milliard d’euros, soit environ 23 % des crédits ([52]). Rapporté aux 49 millions de mètres carrés dont l’État est directement propriétaire, l’investissement tous types de travaux confondus correspond à 2 euros par mètre carré, pour lesquels la rénovation thermique ne représente qu’une fraction. Les sommes investies semblent donc dérisoires par rapport aux besoins.

Un autre paramètre permet d’estimer que le niveau d’investissement dans la rénovation est particulièrement faible. L’effort d’investissement de l’État est le ratio entre les dépenses engagées pour des opérations sur le bâti (acquisitions, constructions, gros entretien et renouvellement des équipements) et la valeur globale du parc immobilier, évaluée à environ 60 milliards d’euros. L’investissement a représenté 1,7 milliard d’euros en moyenne sur la période 2012-2019, soit un ratio de 2,6 %, dont seule une partie a servi à la rénovation thermique.

Au regard de ces chiffres, force est de constater que l’effort budgétaire de l’État pour la rénovation thermique de ses bâtiments est très insuffisant, surtout au regard d’un parc immobilier vieillissant, à l’image des cités administratives construites dans les années soixante.

Une amélioration à court terme du suivi de l’investissement dans la rénovation thermique s’annonce difficile. La répartition des budgets consacrés à l’immobilier entre les missions budgétaires des différents ministères et le compte d’affectation spéciale « Immobilier », conjuguée à l’absence de comptabilité analytique, est un frein évident pour apprécier l’engagement de l’État pour la rénovation de son parc. Toutefois, une expérimentation de comptabilité analytique bâtimentaire est en cours. Il faut saisir cette opportunité pour inclure la rénovation thermique dans les éléments analysés.

Proposition n° 33 : Améliorer le suivi des crédits budgétaires consacrés à la rénovation thermique des bâtiments de l’État grâce à un document budgétaire dédié ou, a minima, par une présentation spécifique dans le document budgétaire de politique transversale « Politique immobilière de l’État ».

2.   L’État se dote progressivement d’outils pour piloter la rénovation de ses bâtiments

Conscient des retards pris pour gérer durablement son parc immobilier, l’État a fait des efforts importants pour développer une stratégie de rénovation de son parc, notamment au moyen d’outils permettant un meilleur suivi.

La prise en compte de la politique de rénovation aux différents échelons de l’État s’inscrit désormais dans les documents stratégiques consacrés à la gestion de l’immobilier, les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) qui concernent les ministères et les opérateurs, et les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) qui fixent les orientations pour les services déconcentrés. La direction de l’immobilier de l’État (DIE) joue un rôle d’animateur et de coordinateur pour ces schémas et s’assure de la prise en compte des objectifs de performance énergétique. Les moyens de les mettre en œuvre sont diffusés auprès des services grâce à la feuille de route nationale pour la transition énergétique dans les bâtiments de l’État, dont la DIE et le ministère de la transition écologique animent l’exécution.

D’autres actions sont mises en œuvre pour réduire les consommations énergétiques. La politique consistant à réduire le parc immobilier et à mutualiser les sites occupés a par exemple vocation à réduire la consommation de fluides énergétiques et à assurer une meilleure efficience énergétique. La mise en place d’une labellisation des projets immobiliers qui prend en compte l’efficacité énergétique des bâtiments concernés par ces projets permet également d’améliorer à moyen terme la performance énergétique d’une partie du parc. Le programme « Travaux immobiliers à gains rapides en énergie » (TIGRE), mis en place par la DIE et doté de 20 millions d’euros, permet de financer des travaux dont le retour sur investissement est rapide. Il permet de diffuser cette stratégie dans les services de l’État (540 projets retenus en juillet 2020). Enfin, un travail de professionnalisation des effectifs chargés de la gestion immobilière ([53]) est effectué au sein de l’État et des opérateurs. La transition énergétique et le management de l’énergie en sont des axes prioritaires.

Spécificités du parc immobilier universitaire

Les instances universitaires sont des opérateurs de l’État, autonomes dans leur gestion du parc, pour lequel elles reçoivent une dotation globale non affectée. Par ailleurs, sept universités ont reçu le transfert en pleine propriété de leur parc immobilier.

Le besoin de financement pour la rénovation thermique du parc universitaire est estimé à environ 7 milliards d’euros. Outre les dotations dépendant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le financement actuel des travaux passe notamment par les contrats de plan État-régions (CPER). Les CPER 2015-2020 avaient prévu une enveloppe de 2,45 milliards d’euros, dont près de 41 % concernaient des travaux de réhabilitation et de restructuration lourdes incluant des travaux de rénovation thermique. Les CPER pour la période 2021-2027 pourraient atteindre une enveloppe globale de 3 milliards d’euros, insuffisante en l’état pour couvrir les besoins identifiés. Il faut également mentionner les ressources complémentaires du Plan Campus, qui correspondent à environ 200 millions d’euros par an et permettent le financement de projets immobiliers. Enfin, les universités peuvent mobiliser des fonds propres grâce à la valorisation de leurs biens ou recourir à l’emprunt.

La Conférence des présidents d’université (CPU) est particulièrement active sur la question de la rénovation thermique. Elle a ainsi initié le « Programme efficacité énergétique des campus à 2030 » (PEEC 2030), qui développe des solutions méthodologiques issues de projets pilotes au sein de dix universités. Ces derniers ont permis jusqu’ici 50 % d’économies d’énergie et une réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre. Des établissements ont également mis en place des opérations innovantes d’ « intracting », qui flèchent les gains réalisés grâce à des opérations d’économie à gain rapide vers un fonds dédié aux rénovations lourdes.

Le programme le plus ambitieux est néanmoins la rénovation de 39 cités administratives qui représentent 600 000 mètres carrés, pour près de 989 millions d’euros d’investissement. Initié en 2018 avec la création du programme budgétaire 348 dédié, ce grand projet prévoit des restructurations lourdes et une réduction des surfaces afin d’améliorer significativement la performance énergétique au regard des obligations réglementaires s’imposant à l’État. L’objectif est de réduire la consommation d’énergie de 67 %, soit 139 GWh d’énergie primaire économisées. La mise en œuvre de ces chantiers ambitieux est toutefois relativement longue, notamment en raison de la phase d’étude préalable que réclament ces projets complexes. En septembre 2020, trente projets étaient validés et trois seulement ont vu les travaux engagés.

Enfin, des outils de gestion et d’aide à la décision ont été développés et sont encore en cours de déploiement et de complétion. L’outil de référentiel technique (RT) a pour ambition de collecter les données techniques relatives aux parcs (état général, données d’exploitation, état technologique, etc.). Les données présentes dans le RT présentaient en juillet 2020 un indice global de complétude de 165 sur 275. L’outil de suivi des fluides interministériel (OFSI) doit quant à lui permettre d’assurer le recensement des consommations énergétiques des bâtiments. Il est pour le moment dédié au suivi des consommations de gaz et d’électricité et devrait étendre prochainement son périmètre aux autres fluides énergétiques. Environ 65 % des dépenses au niveau des ministères sont pour le moment intégrées dans l’outil.

Votre rapporteure salue ces efforts qui permettront d’affiner la connaissance du parc immobilier de l’État. Ils doivent être poursuivis. Elle suggère cependant que l’État finalise l’audit énergétique de son parc au plus tôt, et si possible en 2025, afin de disposer d’une base de données permettant de cibler les bâtiments les plus énergivores en fonction de leur classification énergétique. Il serait normal que l’État soit exemplaire en la matière, alors que les données sur le parc tertiaire sont encore peu compilées (cf. première partie).

Proposition n° 34 : Finaliser l’audit énergétique des bâtiments de l’État au plus tard en 2025 afin de connaître la classification énergétique de l’ensemble du parc et ainsi mieux cibler les immeubles les plus énergivores.

3.   Le financement de la rénovation thermique au sein des collectivités territoriales

La consommation énergétique est un enjeu important pour les collectivités territoriales. À titre d’exemple, en 2017, la consommation énergétique du bloc local (communes et groupements à fiscalité propre) a été estimée à 39,6 TWh, pour une dépense de 3,9 milliards d’euros. Par habitant, cela représentait une dépense moyenne de 57 euros et une consommation de 584 kWh. Les bâtiments sont le premier poste de dépense énergétique (78 % de la consommation et 69 % de la dépense énergétique) ([54]).

Le financement de la rénovation thermique revêt donc un intérêt évident pour les collectivités. Cependant, aucun chiffrage des investissements annuels des collectivités en la matière n’a pu être effectué, ce type d’information étant à ce stade parcellaire et disséminé à tous les échelons des collectivités. À défaut, il est cependant possible de présenter les ressources dont elles disposent pour financer leurs travaux.

Outre la dotation générale de fonctionnement qui abonde le budget général des collectivités, l’État participe au financement de la rénovation thermique par le biais de différentes dotations spécialisées. Les communes et les EPCI disposent ainsi de possibilités de tirage sur la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), réservée aux petites communes et aux EPCI ruraux, ou encore la dotation « Politique de la ville » (DPV). En 2019, la DSIL, qui prévoit spécifiquement la rénovation thermique dans les projets éligibles, a été distribuée pour 16 % de ses crédits à 773 projets de ce type, soit 91,6 millions d’euros ayant permis la réalisation de travaux pour un coût total de plus de 410 millions d’euros ([55]).

La dotation de soutien à l’investissement des départements est pour le moment sollicitée de manière marginale pour des projets de rénovation thermique (1 % de la dotation pour 2019), mais cette dernière peut être incluse dans les projets d’investissement pour les bâtiments scolaires, qui représentent 60 % de la dotation.

Au regard des informations dont il dispose grâce aux dossiers déposés pour bénéficier des dotations, l’État serait en mesure de fournir des informations précieuses sur les projets de rénovation thermique des collectivités. En conséquence, votre rapporteure propose qu’un état des lieux de la rénovation thermique des collectivités puisse être réalisé par l’État chaque année, afin d’indiquer le nombre de projets financés, les montants engagés ainsi que les gains attendus. Cela participerait au bon suivi de cette politique sur le territoire.

Proposition n° 35 : Recenser les crédits mobilisés pour la rénovation thermique dans les différentes dotations de l’État dédiées aux collectivités et faire un état des lieux annuel des projets financés par ces crédits, notamment au regard des objectifs du décret « tertiaire » et de la SNBC.

Les fonds européens, et plus particulièrement le Fonds européen de développement régional (FEDER), participent également au financement de la rénovation. L’enveloppe du FEDER consacrée à la transition énergétique en France était de 3,1 milliards d’euros sur la période 2014-2020. Sa répartition est effectuée au niveau régional.

À ce jour, les possibilités de recours à ces crédits ne sont pas totalement utilisées : en septembre 2020, 79 % de l’enveloppe avaient été alloués. Dans le cadre de la période 2021-2027, l’effort de financement pour la rénovation thermique devrait être accentué, dans la continuité des objectifs prioritaires pour une Europe plus verte.

Les collectivités disposent enfin de possibilités de prêt spécifiques auprès de la Banque des territoires. Dans le cadre du Grand plan d’investissement, deux enveloppes dédiées à la rénovation thermique des bâtiments publics ont été créées.

La première enveloppe (2 milliards d’euros garantis sur des fonds d’épargne) finance notamment le dispositif du prêt GPI-Ambre (Ambition rénovation énergétique) qui permet de financer des rénovations thermiques visant au minimum 30 % de gain sur la performance énergétique. Il est néanmoins peu utilisé : seulement 38 millions d’euros de prêts ont été attribués depuis la création de ce dispositif en 2018. Mais d’autres prêts non spécifiquement fléchés pour la rénovation thermique financent des projets incluant ce type de rénovation, comme les prêts pour les bâtiments scolaires ou ceux dédiés aux opérations de rénovation urbaine. La Banque des territoires a ainsi identifié un encours de 180 millions d’euros de prêts ayant financé des opérations de rénovation thermique.

La seconde enveloppe (500 millions d’euros garantis sur des fonds propres de la Caisse des dépôts et consignations) finance des prêts et dispositifs spécifiques pour des études techniques en amont et en aval des chantiers de rénovation, mais aussi des projets au cas par cas. Là aussi, l’encours de prêts est faible, puisqu’il s’élevait fin 2020 à 17 millions d’euros.

Lors de leur audition, les représentants de la Banque des territoires ont expliqué ce faible recours en raison de la faible attractivité des produits proposés. Afin d’accompagner les efforts du plan de relance, cette attractivité va être améliorée, notamment grâce à la baisse des taux applicables.

Le Plan climat commun 2020-2024

Ce plan annoncé par Bpifrance et la Banque des territoires doit accélérer la transition écologique et énergétique des entreprises et des territoires. Le premier pilier mobilisera notamment 14,9 milliards d’euros de prêts pour améliorer l’efficacité thermique de 22 millions de mètres carrés de bâtiments d’entreprises, de collectivités locales ainsi que la rénovation de plus de 500 000 logements sociaux.

Il vient compléter les dispositifs de prêts dédiés aux collectivités déjà en place, mais également les prêts de haut de bilan bonifiés (PHBB), mis en place en 2016, qui financent la rénovation de logements sociaux.

Enfin, la valorisation des certificats d’économies d’énergie (CEE) est également un moyen de financer les projets. De plus, un certain nombre de programmes CEE sont destinés aux collectivités, notamment pour financer les études et l’ingénierie préalables à la mise en route de chantiers.

Il ressort de cette présentation synthétique qu’il existe encore une marge de financement conséquente pour les projets de rénovation thermique des collectivités. Il serait utile d’identifier les raisons de ce sous-emploi afin de proposer des améliorations susceptibles d’augmenter le recours aux financements mis à la disposition des collectivités territoriales. Cela est d’autant plus important que les dotations pour les investissements locaux ont été considérablement augmentées en 2021, qu’il s’agisse de l’augmentation exceptionnelle de la dotation de la DSIL de 950 millions d’euros en 2020 ou des crédits ouverts dans le cadre du plan de relance.

Proposition n° 36 : Améliorer l’emploi des financements mis à la disposition des collectivités pour rénover leurs bâtiments (dotations de l’État, prêts de la Banque des territoires, fonds européens) grâce à une meilleure communication, une attractivité renforcée des produits (baisse des taux d’emprunt) et un traitement plus fluide des demandes de financement.

C.   Le plan de relance, levier financier pour accentuer la dynamique de rénovation

Dans le contexte de la crise sanitaire de la Covid-19, l’intégration des enjeux de la rénovation thermique des bâtiments au plan de relance doit permettre de soutenir à court terme les acteurs du secteur de la rénovation, mais aussi d’enclencher une dynamique vertueuse en créant une massification des chantiers à même de favoriser la réorientation d’une partie de l’activité du secteur du bâtiment vers ces derniers ou de permettre l’émergence de nouvelles pratiques et processus industriels.

À cette fin, le plan de relance prévoit de consacrer, d’ici à décembre 2022, 6,29 milliards d’euros de crédits et 105 millions d’euros de dépenses fiscales pour la rénovation thermique, soit une enveloppe globale de 6,4 milliards d’euros. L’une des conditions générales d’emploi est la rapidité d’exécution des chantiers financés grâce à ce nouveau programme budgétaire : les engagements de crédits devront en effet être effectués avant le 31 décembre 2021 pour la grande majorité de l’enveloppe.

1.   Le plan et la rénovation des bâtiments publics

La rénovation des bâtiments publics de l’État constitue le premier poste de dépenses de cette enveloppe, avec 2,7 milliards d’euros qui lui sont dédiés.

Les projets bénéficiaires ont été retenus à l’issue de deux appels à projets spécifiques, l’un pour les bâtiments de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’autre pour le reste du parc immobilier de l’État. Sur les 6 682 projets déposés, qui représentaient un montant de plus de 8,4 milliards d’euros d’investissement, 4 214 ont été retenus : 3 160 dossiers pour les bâtiments publics des différentes administrations, pour un montant de 1,384 milliard d’euros, et 1 054 dossiers concernant les bâtiments de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour un montant de 1,316 milliard d’euros.

Les projets éligibles couvrent un large spectre d’interventions : ils peuvent correspondre à des actions à faible investissement permettant un fort retour de gain rapide, à des chantiers de rénovation lourds appelant également d’autres types de travaux et permettant un gain énergétique important, enfin à des projets plus conséquents, tels que des opérations de regroupement, de relogement ou de densification de services permettant l’atteinte d’économies d’énergie importantes. Certains chantiers peuvent inclure également des travaux d’accessibilité et d’aménagement dans lesquels la rénovation thermique est embarquée, ce qui peut sembler minorer l’effort en termes de rénovation, mais s’avère pertinent en termes d’économies générales attendues (réduction du nombre de phases de travaux et donc des coûts à prévoir).

Le premier critère de sélection était la capacité des administrations candidates à mener rapidement à bien le projet, le but étant de pouvoir engager au plus tôt les travaux, avec un objectif de date de livraison prévisionnelle avant le 31 décembre 2023. La performance environnementale globale des projets constituait l’autre critère. Elle a été appréciée au regard du gain énergétique attendu, du gain environnemental (recours aux énergies renouvelables, matériaux biosourcés, gestion et traçabilité des déchets) et de l’efficience énergétique (coût de revient de l’économie d’énergie réalisée).

La sélection des projets, dans un souci de répartition équitable des financements sur le territoire, s’est effectuée de manière déconcentrée, au niveau régional pour les projets de moins de 5 millions d’euros (8 millions d’euros pour l’Île-de-France), tandis que les projets d’un montant supérieur ont été sélectionnés à l’issue d’une conférence nationale de l’immobilier public. Le but poursuivi était de favoriser les entreprises artisanales au niveau régional. De fait, plus de 2 800 projets de moins de 100 000 euros ont été sélectionnés. Leur mise en œuvre a été facilitée grâce au relèvement récent des seuils de passation de marché public à 100 000 euros.

À l’issue des travaux, les gains énergétiques attendus par la direction de l’immobilier de l’État devraient être compris entre 400 000 et 500 000 MWhef tandis que les retombées en termes de créations d’emplois sont estimées à environ 20 000 postes.

Le parc immobilier hospitalier, parent pauvre de la rénovation thermique

Le parc immobilier des hôpitaux publics représente environ 60 millions de mètres carrés. Ce dernier est malheureusement soumis à une dégradation continue et à une obsolescence partielle que la diversité du parc, construit à différentes époques, explique en partie.

Les établissements hospitaliers publics sont des opérateurs autonomes en ce qui concerne leur patrimoine immobilier. Au regard des différents chantiers prioritaires qu’ils doivent mettre en œuvre, et compte tenu de ressources de plus en plus contraintes, notamment en raison du poids grandissant de la charge de leur dette, les établissements ont souvent reporté les travaux de rénovation thermique, malgré les gains à long terme que ces derniers permettent. De plus, les compétences d’ingénierie pour évaluer les besoins manquent en interne, sauf dans les plus grands établissements, ce qui empêche la réalisation rapide de travaux ambitieux.

Si le parc immobilier hospitalier n’est pas concerné par les crédits du plan de relance dédiés à la rénovation thermique, deux mesures financières du Ségur de la santé peuvent avoir un impact favorable sur les chantiers de rénovation. La reprise de la dette des hôpitaux de 13 milliards d’euros leur permet de retrouver une marge de manœuvre budgétaire pour lancer des chantiers de rénovation de leurs infrastructures. Une enveloppe de 2 milliards d’euros sur cinq ans est également prévue pour des travaux de rénovation, qui incluent prioritairement la rénovation thermique. Toutefois, concernant ce dernier volet, les représentants auditionnés de la Fédération hospitalière de France (FHF) estiment que cette enveloppe partagée ne permet guère de déclencher une impulsion pour la rénovation thermique au niveau national.

Compte tenu du manque d’ingénierie qualifiée pour des rénovations de ce type, la FHF plaide pour un renforcement de l’accompagnement des établissements sur ce volet. Sur le modèle des conseillers en énergie partagés (CEP) mis en place par l’ADEME pour les petites collectivités, un dispositif permettant de mettre, dans chaque département, un tel conseiller à la disposition des établissements serait une première étape cohérente avec la mesure 14 du Ségur de la santé. D’après les estimations de la FHF, cette mesure coûterait environ 50 millions d’euros par an.

Ce premier chantier permettrait ensuite de proposer des outils adaptés au secteur hospitalier (contrats de performance énergétique, bouquets de travaux, solutions de financement fondées sur le principe de l’intracting).

Une enveloppe budgétaire d’un milliard d’euros est prévue pour le financement des rénovations thermiques des bâtiments des collectivités territoriales. Elle vient s’ajouter aux 950 millions d’euros supplémentaires de la DSIL décidés par la troisième loi de finances rectificative pour 2020.

La nouvelle enveloppe du plan de relance se décompose en trois volets : 650 millions d’euros sont prévus pour les communes, établissements publics de coopération intercommunale, métropoles, départements et collectivités d’outre-mer ; 300 millions iront aux financements des rénovations engagées par les conseils départementaux ; enfin, 50 millions sont prévus spécifiquement pour les équipements sportifs. Outre cette enveloppe, 300 millions d’euros sont prévus pour financer la rénovation des lycées par les régions. Comme pour les bâtiments de l’État, l’objectif est d’engager les crédits au plus tard le 31 décembre 2021, avec une date de livraison prévisionnelle des travaux en 2022.

L’attribution des aides relève des préfets, selon des critères d’appréciation semblables à ceux mis en place lors des appels d’offres pour les bâtiments de l’État. S’ajoutent néanmoins d’autres éléments d’appréciation, comme l’attention portée aux projets des communes rurales, à ceux s’inscrivant dans le périmètre des quartiers prioritaires de la ville ou encore à ceux qui concernent la rénovation de bâtiments scolaires. La capacité de cofinancement des projets (investissements propres, prêts de la Banque des territoires, CEE ou subventions provenant d’autres dispositifs ([56])) est aussi un élément d’appréciation.

Les représentants des collectivités territoriales auditionnés par la mission d’information ont fait part de leur préoccupation concernant le montage des dossiers et l’attribution des subventions. Ils ont souligné le fait que les délais contraints pour présenter un projet pouvaient avantager les collectivités ayant déjà engagé un travail sur leurs bâtiments ou celles, souvent les plus importantes et les mieux dotées, qui disposent de compétences suffisantes en termes d’ingénierie pour répondre dans les temps. Les petites communes, notamment rurales, peuvent difficilement répondre aux appels à projets, surtout lorsque la connaissance énergétique et thermique du bâti fait défaut. Des précautions devraient donc être prises pour éviter que les subventions du plan de relance accentuent les écarts entre collectivités au lieu de les résorber.

Votre rapporteure salue l’investissement massif pour les bâtiments publics porté par le plan de relance. Il ne doit pas pour autant occulter le sous-financement chronique de l’entretien et de la rénovation des bâtiments publics.

Il faut être vigilant sur la bonne mise en œuvre du plan. La rapidité d’exécution se conçoit parfaitement dans une logique de relance rapide de l’activité, mais elle ne doit pas conduire à des travaux mal conçus. La comparaison avec le temps de préparation qu’ont nécessité les projets de rénovation des cités administratives (cf. supra) montre que les délais prévus par le plan de relance pourraient avoir des effets contre-productifs en cas d’études préalables mal calibrées.

Il faut également être attentif à la question de la bonne exécution financière du plan de relance. En cas de retard ou de difficultés d’exécution, les crédits initialement attribués à des projets de rénovation peuvent être réaffectés à d’autres programmes financés par le plan de relance. Or, il serait regrettable que des crédits ne pouvant être consommés sortent de l’enveloppe consacrée à la rénovation thermique alors que le vivier de chantiers en attente de financement identifié grâce aux appels à projets est très conséquent. Une liste complémentaire de projets de rénovation pourrait donc être créée en cas de défaillance sur les chantiers déjà sélectionnés, afin de maintenir l’effort de rénovation du parc public.

Les travaux financés par le plan de relance pourraient également faire office de chantiers pour l’innovation : ils pourraient par exemple servir à former des professionnels du bâtiment souhaitant découvrir les techniques de la rénovation thermique, mais aussi faire office de bâtiments démonstrateurs pour mettre en œuvre des techniques et des méthodes nouvelles en condition réelle, ce qui manque actuellement pour la recherche et le développement du secteur (cf. troisième partie).

Enfin, le retour d’expérience des projets menés à bien est aussi un enjeu important pour améliorer l’ingénierie immobilière du secteur public. Les méthodes les plus efficaces et les enseignements techniques tirés de projets innovants doivent faire l’objet d’une analyse rétrospective et être ensuite largement diffusés auprès des administrations déconcentrées et des collectivités territoriales, afin d’améliorer les futurs chantiers de rénovation.

Proposition n° 37 : Optimiser l’emploi des crédits du plan de relance pour la rénovation et valoriser l’expérience acquise grâce aux chantiers financés

– Réattribuer les crédits non utilisés à des projets initialement non retenus lors des appels à projets pour les bâtiments de l’État ;

– Faire des chantiers publics un lieu de formation et d’expérimentation pour les professionnels du bâtiment ;

– Prévoir l’analyse ex post des chantiers de rénovation financés par le plan de relance ;

– Valoriser les enseignements tirés des projets en diffusant les bonnes pratiques et les types de chantiers les plus efficients ;

– S’assurer que les crédits dédiés aux collectivités territoriales tiennent compte des spécificités de chacune et corrigent les inégalités entre elles.

2.   L’abondement du budget de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH)

2 milliards d’euros sont prévus pour financer différents programmes gérés par l’ANAH, au premier rang desquels MaPrimeRénov’ qui doit bénéficier de 1,7 milliard d’euros supplémentaires sur la période 2021-2022, au moment où le dispositif s’ouvre à l’intégralité des ménages, aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés. Les 300 millions d’euros restants financeront des actions de l’ANAH dans le cadre des plans gouvernementaux « Initiative copropriétés », « Action cœur de ville » et du futur programme « Petites villes de demain », qui incluent tous des volets consacrés à la rénovation thermique et des actions de communication.

L’augmentation du budget du dispositif MaPrimeRénov’ est bienvenue, compte tenu de l’extension de son périmètre en 2021. Toutefois, la question du financement au-delà du plan de relance doit se poser dès à présent, afin de ne pas casser les dynamiques enclenchées pour les différents publics visés.

L’appropriation du dispositif est en effet assez longue et complexe pour tous les acteurs, qu’il s’agisse des ménages, des artisans ou des centres d’information et d’accompagnement. Il faut donc assurer une continuité des financements proposés afin que les maîtres d’ouvrage utilisent le dispositif dans la durée, surtout si l’on veut que des projets de rénovation par étapes performants puissent se concrétiser et se massifier.

C’est particulièrement vrai pour les projets de rénovation des copropriétés, qui sont souvent construits sur plusieurs années afin d’être financièrement tolérés par les assemblées de copropriétaires.

C’est pourquoi votre rapporteure insiste sur le fait de pérenniser, après analyse des demandes effectuées en 2021, le budget de MaPrimeRénov’, afin de maintenir le périmètre et le niveau des aides proposées.

Par ailleurs, si le budget consacré à MaPrimeRénov’ n’était pas totalement consommé à l’issue du plan de relance, il serait pertinent de permettre une réaffectation des crédits vers les autres programmes de l’ANAH, comme Habiter Mieux Sérénité, ou, à tout le moins, vers d’autres projets de rénovation thermique, afin de conserver dans le champ de la rénovation thermique les moyens budgétaires affectés à cette politique.

3.   Les crédits alloués à la rénovation des logements sociaux et aux entreprises

500 millions d’euros sont ouverts par le plan de relance à destination des projets de rénovation des logements sociaux. 460 millions seront consacrés au financement de réhabilitations lourdes de logements sociaux, qui peuvent comprendre des travaux de rénovation différents des rénovations thermiques en fonction de l’état des bâtiments sélectionnés. Sur les 150 000 opérations éligibles qui ont été identifiées, l’objectif est de permettre la réalisation d’environ 20 000 opérations en 2021 et autant en 2022. Lors de son audition, l’Union sociale pour l’habitat (USH) a fait remarquer que les opérations de rénovation engagées par les bailleurs sociaux nécessitent en moyenne 18 mois de préparation et qu’au regard des délais de réalisation prévus dans le cadre du plan de relance, les opérations qui seront financées correspondront majoritairement à des travaux déjà programmés. Si l’apport financier ponctuel est appréciable dans l’économie générale des travaux des bailleurs sociaux, puisqu’il devrait permettre de libérer des financements pour d’autres opérations à venir, il n’en demeure pas moins que l’effet d’aubaine concernera une partie des rénovations visées.

L’appel à projets national « Energiesprong »

Une enveloppe de 40 millions doit servir à financer les projets qui seront retenus dans le cadre d’un appel à projets national « Energiesprong », dont le terme est prévu en avril 2021.

Ce concept de rénovation repose sur quatre principes :

– la rénovation doit être à un niveau « énergie zéro » ou proche de zéro tous usages confondus et garantie sur trente ans selon les conditions d’occupation considérées comme confortables ;

– les travaux de rénovation se font en site occupé et dans un temps limité d’une semaine environ, ce qui incite à préfabriquer les solutions et optimiser le chantier ;

– le modèle économique repose principalement sur la production d’énergie renouvelable et les économies sur les dépenses énergétiques ;

– le logement rénové se doit d’être attractif pour les occupants (sécurité, confort, amélioration du logement et esthétique).

Des expérimentations de type « Energiesprong » ont déjà eu lieu en France sur des ensembles de logements individuels et collectifs allant de 4 000 à 1 000 logements. Un projet important est actuellement en cours dans les régions Bretagne et Pays de la Loire, qui vise à rénover 16 000 logements.

L’USH a indiqué à la mission d’information que les coûts unitaires pour ce type de rénovations sont encore élevés (le prix moyen cible pour le projet ligérien en cours est ainsi situé entre 65 000 euros et 75 000 euros), notamment en raison d’un manque de maturité des solutions techniques et industrielles.

L’appel à projets financé par le plan de relance doit donc permettre d’accélérer et multiplier les expérimentations afin d’améliorer les réponses industrielles susceptibles de faire baisser les coûts d’un dispositif de rénovation ambitieux qui s’inscrit pleinement dans les objectifs de rénovation BBC de la France.

Enfin, le plan de relance prévoit une enveloppe de 200 millions d’euros pour accompagner les projets de rénovation thermique des bâtiments tertiaires des petites et moyennes entreprises, qui devrait se répartir entre 105 millions d’euros de dépenses fiscales découlant de la création du crédit d’impôt dédié aux TPE et PME et 95 millions d’euros servant à financer des aides forfaitaires pour les actions d’écoconception des produits et services développés par les PME (35 millions d’euros), des diagnostics et un accompagnement à la transition écologique pour les artisans, commerçants et indépendants (15 millions d’euros) et des actions d’accompagnement à la transition écologique au bénéfice des PME (45 millions d’euros).

Même si l’effort est appréciable, les montants alloués aux entreprises sont sous-dimensionnés par rapport aux besoins de rénovation du parc tertiaire privé. Le crédit d’impôt créé spécifiquement pour la durée du plan de relance est une solution rapide à mettre en œuvre et qui est souvent bien comprise par les entreprises, mais son existence limitée dans le temps risque de créer des effets d’aubaine. Des entreprises qui souhaiteraient engager des travaux mais qui sont financièrement fragilisées par la crise de la Covid-19 pourraient ne pas pouvoir saisir les opportunités offertes. Là encore, les initiatives financées par le plan de relance doivent d’ores et déjà s’accompagner d’une réflexion sur la continuité des solutions proposées au-delà de 2022.

L’effort financier du plan de relance pour la rénovation thermique des bâtiments ne doit pas être mésestimé : il représente le double des aides publiques consacrées à la rénovation en 2019. Il devrait à l’évidence jouer son rôle de levier pour le secteur du bâtiment en 2021 et 2022. Mais on peut s’interroger sur sa capacité d’entraînement sur le long terme.

Du fait des délais contraints de réalisation, nombre de subventions risquent avant tout de servir d’appoint, certes non négligeables, à des montages financiers de projets déjà engagés ou prévus de longue date. L’ouverture de certaines aides pour de nouveaux publics risque également de créer un emballement dans les demandes, d’autant plus marqué que l’incertitude sur la pérennité des financements au-delà du plan de relance pourrait accentuer le phénomène. Or, il n’est pas certain que les professionnels du bâtiment soient en mesure de pouvoir mettre en œuvre une offre suffisante face à l’augmentation des projets de chantier.

Il faut éviter par ailleurs la chute brutale des niveaux de financement une fois le plan de relance terminé afin de ne pas briser net les dynamiques qui seront au sein du public et de la filière du bâtiment. Il importe donc de penser dès à présent à « l’après » du plan de relance, afin d’éviter un effet « stop and go » déjà constaté dans d’autres circonstances.

Proposition n° 38 : Soutenir le développement et la consolidation du marché de la rénovation thermique au-delà du plan de relance en renforçant les budgets dédiés à la rénovation des bâtiments publics et privés.

D.   Une programmation pluriannuelle pour la rénovation énergétique des bâtiments semble nécessaire

Au regard des éléments précédemment exposés, il semble opportun de mettre en place une loi de programmation pluriannuelle pour la rénovation énergétique des bâtiments, qui devrait regrouper l’ensemble des dispositifs budgétaires, fiscaux et financiers et prévoir leur évolution pour une période de cinq ans. Plusieurs points plaident en ce sens.

Concernant les aides publiques à la rénovation des bâtiments privés, cette programmation permettrait de garantir les financements des différents dispositifs d’aide publique, ce qui leur assure une meilleure diffusion dans le temps, permet à certains projets (rénovations par étapes, copropriétés) de se concrétiser et sécurise les professionnels du bâtiment pour l’adaptation de leur outil de production.

Concernant l’investissement de l’État et des collectivités territoriales pour la rénovation de leurs bâtiments, cette programmation permettrait d’envisager plus facilement la rénovation d’un parc dont la complexité peut nécessiter des campagnes de travaux pluriannuels. L’exemple de la rénovation des cités administratives de l’État en est un bon exemple. La programmation serait également adaptée pour la mise en place d’une gestion prévisionnelle des travaux, dont le besoin est manifeste. En effet, au regard du nombre de projets qui ont été présentés à l’occasion du plan de relance, il apparaît clairement qu’un rattrapage dans l’entretien et l’amélioration des bâtiments publics est nécessaire, ce qui ne peut se faire en quelques années, mais pourrait parfaitement se concevoir sur plusieurs échéances de cinq ans, dans une optique de valorisation sur le très long terme du patrimoine immobilier public.

Une programmation pluriannuelle aurait également le mérite de permettre une vraie coordination entre les objectifs prévus par la SNBC et la PPE et les moyens dédiés à la réalisation de ces derniers.

De manière plus circonstancielle, le plan de relance, en faisant passer pendant deux ans le soutien financier public à la rénovation de 3,5 à 6,7 milliards d’euros, devrait susciter une recrudescence de l’activité pour les années 2021 et 2022. Cet effort est louable et nécessaire mais il demeure encore insuffisant pour atteindre l’étiage de 15 à 20 milliards d’euros d’argent public nécessaire chaque année pour atteindre les objectifs fixés, soit de 9 à 14 milliards d’euros de plus que le niveau d’aides publiques qui sera déployé en 2021 et 2022. Là encore, une loi de programmation pluriannuelle permettrait de mettre en place des trajectoires permettant d’assurer une progression du financement public – qui pourrait par ailleurs être modulée en fonction des résultats obtenus durant chaque période de cinq ans.

Cette loi pourrait s’inspirer de ce qui se fait déjà en matière de programmation militaire. Elle permettrait de déterminer la trajectoire et les ambitions de la politique publique en faveur de la rénovation sur plusieurs années et contribuera ainsi à donner une incitation forte aux acteurs de s’engager dans l’obtention des meilleures qualifications. Pour plus de cohérence, les orientations définies dans le cadre de la PPE et de la SNBC pourraient également être validées par voie législative, voire être intégrées à une loi pluriannuelle plus large concernant le climat et l’énergie.

Proposition n° 39 : Instaurer une loi de programmation pluriannuelle sur la rénovation énergétique des bâtiments regroupant l’ensemble des dispositifs budgétaires, fiscaux et financiers et prévoyant leur évolution pour une période de cinq ans. Prévoir que le Gouvernement présente un bilan annuel de l’exécution devant le Parlement.

D’un point de vue macroéconomique, l’endettement supplémentaire qui en résulterait n’est actuellement pas une difficulté puisque les conditions actuelles de financement font que l’État français peut s’endetter à des taux négatifs jusqu’à des échéances de douze ans et à seulement 0,3 % à des échéances de trente ans. Selon le consensus en vigueur parmi les économistes, cette situation est appelée à durer.

E.   Le dispositif des CEE : un outil extra-budgétaire de plus en plus sollicité

Le dispositif des certificats d’économies d’énergie, créé par la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programmation fixant les orientations de la politique énergétique (POPE), a pour but la baisse de la consommation d’énergie finale française.

À cette fin, les fournisseurs d’énergie (« les obligés ») doivent réaliser des actions permettant la réalisation d’économies d’énergie en intervenant notamment auprès de tiers. Chaque obligé se voit attribuer un volume d’économies d’énergie à réaliser exprimé en mégawattheures cumulés actualisés (MWh cumac), unité de mesure spécifique aux CEE (un CEE équivaut à 1 KWh cumac). Chaque action réalisée par l’obligé donne droit à la délivrance de CEE à hauteur des économies d’énergie obtenues, calculées selon des règles prédéterminées dans chaque fiche d’action référencée. Les obligés peuvent également obtenir des CEE en finançant des programmes d’action contribuant à la réduction de la consommation énergétique. Ils peuvent agir directement ou déléguer partiellement ou totalement leurs obligations à un tiers (les délégataires). Ils peuvent sous-traiter auprès de mandataires tout ou partie de leur production de CEE. Ils peuvent également acheter des CEE via un marché dédié pour remplir leurs obligations.

Outre les obligés et leurs délégataires, d’autres acteurs, comme l’ANAH, les collectivités ou les bailleurs sociaux (les « éligibles »), peuvent mener des actions donnant droit à l’attribution de CEE, qui sont ensuite valorisés grâce à leur revente.

Le dispositif a évolué au fur et à mesure des périodes, avec notamment la création en 2015, par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), d’une obligation spécifique à destination des personnes en situation de précarité énergétique.

Le volume de CEE a connu une croissance très conséquente depuis sa création, passant d’un objectif de 54 TWh cumac pour la première période (2006‑2010) à un objectif de 2 133 TWh cumac ([57]) pour la quatrième période (2018‑2021). Le secteur du bâtiment est le principal bénéficiaire des opérations engagées : au 30 novembre 2020, 75,9 % des CEE délivrés concernaient les bâtiments résidentiels et tertiaires.

CEE classiques (CL) et « précarité » (PE) délivrés sur la 4e période

Source : DGEC - Lettre d’information “Certificats d’économies d’énergie” – décembre 2020

Dans un rapport publié en juin 2020 ([58]), l’ADEME indique qu’au cours de la quatrième période, le dispositif des CEE, tous secteurs confondus, générerait une activité annuelle d’environ 4 milliards d’euros, se répartissant entre 3 milliards d’euros de primes versées aux bénéficiaires et 1 milliard d’euros rémunérant les acteurs de la filière.

1.   Un dispositif faisant face à des difficultés structurelles

La croissance continue du dispositif des CEE a fait de cet outil l’un des principaux piliers de la politique publique d’aide à la rénovation thermique. La question de son extension à l’occasion de la cinquième période se pose néanmoins au regard des problématiques qui apparaissent sur la période 2018-2021.

Alors que les objectifs d’économies d’énergie ont été doublés entre la troisième et la quatrième période, le volume moyen mensuel de CEE déposés en 2018 était de l’ordre de 27 TWh cumac alors qu’il aurait fallu une moyenne de 39 TWh cumac pour respecter les obligations de la nouvelle période ([59]). Malgré une hausse relative du volume mensuel de CEE en 2019, les difficultés des fournisseurs d’énergie pour honorer leurs obligations ont conduit à la prolongation de la quatrième période d’une année, afin de disposer de plus de temps pour développer les opérations d’économies d’énergie mises en œuvre, à commencer par les opérations « coups de pouce ».

La difficulté de production des CEE est allée de pair avec un renchérissement de leur coût, qui se répercute in fine dans le prix final de ces derniers sur le marché.

Ce renchérissement s’explique notamment par l’épuisement progressif des gisements d’économies d’énergie les plus simples à réaliser. Les obligés doivent donc investir dans le développement de nouveaux gisements, ce qui entraîne des coûts supplémentaires de prospection commerciale, mais aussi des coûts de production plus élevés car les travaux à financer sont généralement plus complexes et donc plus coûteux. Les primes versées aux maîtres d’ouvrage sont par ailleurs en augmentation pour inciter à la réalisation des travaux, ce qui participe également à l’augmentation du prix des CEE.

Enfin, les problèmes de production sont aussi liés aux faibles capacités de mise en œuvre sur le terrain, qui dépendent d’un tissu insuffisant d’entreprises artisanales labellisées RGE.

Dans son rapport précédemment cité, l’ADEME indique que le coût de production d’un CEE s’établissait entre 7,20 euros/MWh cumac et 9,20 euros/MWh cumac durant le premier trimestre 2019, à comparer avec le prix moyen pondéré de 2,37 euros/MWh cumac constaté sur le marché en janvier 2016. Les économies d’énergie demandent donc plus d’investissements sur la quatrième période.

En plus de ces difficultés structurelles, il faut également analyser l’impact des bonifications qui ont été mises en place pour les opérations « coup de pouce ». Ces dernières ont pour but d’orienter les actions des obligés vers des travaux spécifiques (remplacement de chaudières ou travaux d’isolation du bâtiment) grâce à l’attribution de CEE supplémentaires pour les économies d’énergie ainsi réalisées. Si ces « coups de pouce » permettent de financer des travaux présentant un réel bénéfice énergétique ou environnemental, à l’instar du remplacement des chaudières fonctionnant au fioul, ils conduisent également à diminuer l’économie d’énergie rattachée à un CEE, ce qui diminue globalement l’efficacité du dispositif en termes d’économies d’énergie réelles. Par ailleurs, cela réduit globalement le nombre de travaux à financer pour satisfaire aux obligations fixées pour la période. Enfin, la survalorisation en termes de CEE a conduit au développement de pratiques commerciales agressives et à l’augmentation de malfaçons ou de fraudes, ce qui altère la confiance générale dans le dispositif et réduit par conséquent son efficacité.

Une autre difficulté structurelle du dispositif est son incidence sur le prix des énergies. Les obligés répercutent en effet le coût de production des CEE sur la facture énergétique des publics qui leur font porter une obligation, à savoir les ménages, le secteur tertiaire et les transports. Dans un précédent rapport consacré aux énergies renouvelables ([60]), votre rapporteure avait proposé une estimation de la part des CEE dans différentes factures énergétiques, basée à l’époque sur un prix de 5,5 €/MWh cumac :

Compte tenu du prix moyen des CEE sur la quatrième période, qui s’approche des 9 euros/MWh cumac, la part des CEE dans la facture énergétique a donc encore augmenté par rapport à ces estimations. On peut citer à ce propos une décision de la Commission de régulation de l’énergie de 2019, dans laquelle cette dernière estime que l’augmentation des tarifs réglementés de l’électricité préconisée est principalement due à la hausse du coût des CEE ([61]).

Dans l’étude précédemment citée, l’ADEME indique que selon certains obligés, la part des CEE représenterait 3 à 4 % de la facture énergétique des ménages, soit entre 100 et 150 euros annuels. Cette estimation mériterait d’être affinée, notamment en fonction du niveau de revenus et de consommation énergétique des ménages. Toutefois, il n’est pas sans intérêt de la comparer avec le montant moyen du chèque énergie qui est fourni chaque année par l’État aux ménages précaires. Ce dernier étant d’environ 150 euros en 2020, on peut considérer que le dispositif permettant de lutter contre la précarité énergétique sert principalement à compenser le surcoût engendré par le dispositif des CEE.

Il faut cependant minorer ce constat compte tenu du fait que les primes CEE assurent une redistribution financière vers ce même public. L’ADEME estime dans son étude que les ménages précaires ayant bénéficié de primes CEE ont reçu 1,12 euro pour chaque euro injecté dans le dispositif CEE via leur facture énergétique. Toutefois, tous les ménages précaires n’engagent pas de travaux de rénovation, en raison de leur incapacité à les financer malgré les aides proposées. De plus, les ménages locataires ne bénéficient pas des primes puisqu’ils ne peuvent faire de travaux. Ils sont donc particulièrement pénalisés par le système.

2.   L’efficacité énergétique du dispositif s’érode

Plusieurs facteurs laissent à penser que l’efficacité énergétique du dispositif des CEE est moindre que celle qui est calculée au regard du nombre de certificats produits.

Tout d’abord, les modalités de calcul des économies d’énergie conduisent généralement à une surestimation du gain énergétique par rapport à la réalité observable. En effet, le gain comptabilisé correspond à la différence entre la consommation énergétique conventionnelle de l’équipement installé et celle d’un équipement standard. Cela signifie que la consommation de l’installation réellement remplacée n’est pas prise en compte et que le gain constaté n’est pas issu d’un contrôle fondé sur les consommations réelles antérieures et postérieures aux travaux. Or, de nombreuses études tendent à montrer que le gain conventionnel est surestimé par rapport au gain réel.

L’ADEME pointe d’autres éléments pour expliquer la perte d’efficacité énergétique du dispositif. Tout d’abord, les bonifications réduisent mécaniquement la part d’économie d’énergie rattachée aux CEE délivrés pour l’acte de rénovation. Les problèmes de réalisation des chantiers de rénovation, qu’il s’agisse de fraudes (travaux non réalisés ou surfacturés) ou de problèmes de qualité, ont également un impact sur l’efficacité énergétique du dispositif. Enfin, l’effet d’aubaine impacte également l’économie d’énergie réelle puisque les CEE viennent financer des travaux qui auraient été réalisés sans le recours au dispositif.

Le rapport dédié de l’ADEME conclut que l’économie d’énergie réelle serait de 59 % par rapport à celle qui est décomptée au regard des règles de calcul des CEE, et tomberait même à 47 % si l’on inclut l’effet d’aubaine dans l’équation. Par ailleurs, l’ADEME n’a pas quantifié l’effet rebond dans ses hypothèses de calcul. Elle estime pourtant que l’augmentation de la consommation énergétique après travaux touche près d’un ménage sur dix. L’économie d’énergie réelle serait donc encore moindre que celle présentée ci-dessous.

facteurs minorant les économies d’énergie rattachées aux CEE

Source : ADEME - Évaluation du dispositif des certificats d’économies d’énergie – juin 2020

3.   Quelques pistes d’amélioration du dispositif

À court terme, jusqu’où les CEE peuvent-ils supporter le financement de la rénovation thermique ?

Dans le cadre de ses propositions pour une rénovation thermique ambitieuse, la Convention citoyenne pour le climat évalue la contribution des CEE à 7,3 milliards d’euros sur les 13,2 milliards euros d’aides envisagés pour soutenir la politique publique de rénovation thermique des logements ([62]) (à périmètre d’aides publiques constant). Ce chiffre est à comparer à l’estimation de 2,45 milliards d’euros pour les CEE dédiés aux bâtiments, envisagée par la DGEC pour 2020 dans le cadre de la quatrième période 2018-2021. Il faudrait donc, à périmètre constant, multiplier par trois les obligations d’économies d’énergie du dispositif des CEE pour atteindre l’objectif de subvention envisagé par la Convention citoyenne. Or, les obligés rencontrent déjà des difficultés certaines pour remplir leurs objectifs à l’heure actuelle.

Il faudrait également que les gisements d’économies d’énergie exploitables dans un avenir proche permettent d’assurer la réalisation d’obligations rehaussées. Dans sa dernière étude dédiée ([63]), l’ADEME établit trois scénarios de gisements d’économies d’énergie pour la période 2021-2030 (cf. tableau ci-dessous). Pour une cinquième période de trois ans, les estimations de gisement vont de 1 176 à 1 841 TWh cumac – à comparer avec les objectifs initiaux de la quatrième période qui étaient de 1 600 TWh cumac. Sachant que les difficultés structurelles du marché de la rénovation ne peuvent être résolues sur un temps aussi court qu’une période triennale, il semble très peu probable que le dispositif des CEE puisse rapidement porter un financement de la rénovation au niveau de ce qui est attendu par la Convention citoyenne pour le climat.

Gisements d’économies d’énergie pour la 5e période des CEE

 

scénario bas

scénario médian

scénario haut

Secteur bâtiment résidentiel

880

1 030

1 181

Secteur bâtiment tertiaire

40

75

111

Autres secteurs et opérations spécifiques

256

396

549

Total TWh cumac

1 176

1 501

1 841

Source : ADEME

Quelques pistes pourraient néanmoins permettre d’améliorer l’efficacité du dispositif et, dans une moindre mesure, d’augmenter les ressources disponibles pour le financement des primes.

Il faut tout d’abord que le pilotage du dispositif garantisse sa stabilité sur une période d’au moins quatre ans, voire au-delà. Les modifications des actions et de leur périmètre en cours de période complexifient en effet les stratégies industrielles et commerciales des obligés. Sans interdire radicalement tout changement réglementaire, ne serait-ce que pour corriger des erreurs techniques ou répondre à des problèmes remontés du terrain, il faut, autant que possible, installer dans un temps long les actes de rénovation portés par le dispositif afin de laisser le temps aux filières de s’organiser et de rentabiliser le développement de leurs outils pour obtenir au final une baisse des coûts de rénovation.

Afin de donner une visibilité à court terme sur les volumes de CEE à produire, il serait également judicieux de prévoir la fixation des objectifs d’une prochaine période à mi-parcours de la période en cours, ce qui laisserait aux obligés un temps d’adaptation suffisant pour mettre en place leur stratégie future.

Le dispositif doit se focaliser sur les gestes les plus performants et les plus susceptibles de déclencher des « bouquets » de travaux. Le dispositif a en effet progressivement dilué les possibilités d’action via une multitude de fiches standardisées. Or 59 % des CEE sont produits à partir de cinq fiches sur les deux cent six existantes ([64]). Une réduction du nombre de fiches est donc envisageable.

La performance du dispositif passe aussi par la valorisation des fiches CEE pour la rénovation globale, qui devraient être toujours plus avantageuses que l’addition de travaux individuels. Inversement, il faudrait réévaluer les actions bonifiées qui sont de plus en plus importantes dans l’économie générale des CEE et mobilisent beaucoup de financements au détriment d’autres actions. De même, les programmes financés par les CEE sont de plus en plus nombreux. Leur nombre devrait être réduit afin de ne conserver que les plus efficaces en termes d’économies d’énergie réelles. Enfin, ce travail de recalibrage du dispositif ne saurait être performant sans une réévaluation de l’efficacité énergétique des différentes fiches, afin de rapprocher le plus possible les économies d’énergies certifiées des économies d’énergies réelles constatées sur le terrain. À terme, c’est d’ailleurs en fonction de l’économie d’énergie réelle constatée après contrôle que devraient être délivrés les certificats.

L’effort vers les ménages précaires doit être accentué. Ce public est en effet le plus susceptible de déclencher des travaux grâce aux CEE, compte tenu de difficultés de financement accentuées. Toutefois, il est également souvent celui qui a le plus besoin d’être accompagné dans un projet de rénovation. Le versement des financements correspondant aux CEE « précarité » vers des programmes ou des opérateurs spécialisés, comme l’ANAH ou des collectivités territoriales, serait donc préférable à la situation actuelle, qui laisse les ménages précaires seuls face à leur projet de rénovation. Cette solution améliorerait considérablement la cohérence d’emploi de ces financements dans des projets plus ambitieux que des gestes isolés de rénovation.

Les moyens de contrôle doivent être améliorés. Il s’agit d’augmenter leur nombre et leur fréquence. Un contrôle sur pièces n’est pas suffisant. Il doit s’accompagner d’un processus de contrôle et d’évaluation des travaux sur site. Si des efforts ont été faits récemment dans ce domaine (lutte contre la fraude prévue par la loi pour l’énergie et le climat, augmentation des contrôles sur les CEE commandités par le Pôle national des certificats d’économies d’énergie), les moyens humains et financiers manquent. Le dispositif des CEE aurait pourtant tout à y gagner à court terme (réduction des fraudes et des malfaçons qui ternissent son image) et à moyen terme (retour d’information fiable sur les travaux et les économies d’énergie réelles, amélioration des procédures, fléchage vers les gestes les plus efficaces). Une réflexion sur le financement de la politique de contrôle par le dispositif lui-même (par exemple avec un programme dédié) devrait être envisagée.

Enfin, l’assiette sur laquelle les obligations d’économies d’énergie sont calculées pourrait être étendue. Actuellement, seules les ventes d’énergie aux secteurs du résidentiel-tertiaire et du transport sont prises en compte. Or les primes versées grâce aux CEE profitent également au secteur industriel (18 % des opérations standardisées) et, dans une moindre mesure, au secteur agricole, sans que ces derniers subissent la répercussion des coûts des CEE dans leur facture énergétique. Cette assiette élargie augmenterait donc les ressources du dispositif et relèverait de façon cohérente les objectifs. Il importe toutefois d’étudier cette possibilité avec précaution, car le renchérissement de l’énergie induit par cette extension de l’assiette pourrait avoir des effets néfastes sur l’activité des deux secteurs précités. Il serait toutefois cohérent, notamment pour le secteur industriel, que le bénéfice tiré des CEE corresponde également à une contribution se matérialisant dans la facture énergétique.

Proposition n° 40 : Mettre en œuvre différentes pistes d’amélioration du dispositif des CEE

– Stabiliser les orientations stratégiques du dispositif sur le temps long et fixer les objectifs d’une nouvelle période à mi-parcours de la période en cours ;

– Concentrer le dispositif sur les fiches CEE les plus efficientes en termes d’économies réelles d’énergie et parvenir à terme à la délivrance des certificats en fonction des économies constatées après contrôle ;

– Réfléchir à une possibilité de verser les financements correspondant aux CEE précarité à l’ANAH ou à des collectivités territoriales, afin de financer des projets de rénovation globale pour les ménages précaires plus efficaces que les rénovations par gestes financées par les primes CEE ;

– Améliorer les moyens de contrôle du dispositif et réfléchir au financement du contrôle via un programme dédié ;

– Envisager l’extension de l’assiette sur laquelle les obligations d’économies d’énergie sont calculées en y intégrant les ventes d’énergie à l’industrie, afin de dégager de nouveaux financements.

F.   Renforcer les dispositifs financiers en faveur des particuliers pour lisser au maximum le coût des travaux

L’équilibre financier des opérations de rénovation thermique des ménages est également au cœur des réflexions à conduire pour garantir l’efficacité d’une politique de rénovation énergétique ambitieuse. Il est admis que les opérations de rénovation ont également pour objectif de réduire la facture énergétique des ménages, mais que cette réduction n’intervient pas nécessairement immédiatement. Par conséquent, afin de ne pas décourager les différents acteurs concernés (ménages, copropriétés, entreprises), une solution financière optimale doit respecter le principe du « Pay as you save », c’est-à-dire d’un prêt dont les mensualités seraient couvertes par les économies d’énergie générées par les travaux. Toutefois, même dans ce cas de figure, le montant initial des travaux risque de constituer un frein pour les ménages, a fortiori pour les ménages les plus pauvres. C’est pourquoi l’action publique en matière de financement des travaux de rénovation doit se déployer sur un éventail d’outils : prêt à des conditions exceptionnelles, subventions, primes, contributions diverses, etc. C’est dans ce cadre qu’il convient également de réfléchir à la place et au rôle joué par les banques, les acteurs financiers et les sociétés de tiers-financement.

1.   Développer un mécanisme dual de subventions et de prêts permettant de couvrir l’intégralité des travaux des ménages modestes

À l’heure actuelle, le taux de couverture du reste à charge est estimé à environ 50 % pour les ménages très modestes, 40 % pour les ménages modestes et 20 % pour les autres ménages avec les dispositifs existants. Selon le Haut Conseil pour le climat, alors que les subventions pour des travaux de rénovation globale atteignent en moyenne 15 000 euros en France, elles peuvent aller jusqu’à 48 000 euros en Allemagne. Le montant des prêts y est également quatre fois plus élevé que l’éco-prêt à taux zéro français. Or, le fait d’imposer un reste à charge minimal pour les ménages modestes risque d’aboutir à l’absence de réalisation des travaux, ce qui renforce l’utilité d’une prise en charge intégrale du coût des travaux. Ce constat est d’ailleurs en adéquation avec les politiques de travaux « à 1 euro » où le reste à charge s’avérait purement symbolique, mais parfois au détriment de la qualité des travaux. Cette couverture intégrale des travaux pour les ménages modestes est d’autant plus nécessaire que le coût peut être important : le passage d’une maison individuelle ayant une classe énergétique G à une classe énergétique B coûterait environ 400 euros par mètre carré, soit 40 000 euros pour une maison de 100 mètres carrés.

Sans proposer une couverture intégrale, la Convention citoyenne pour le climat a par exemple recommandé la mise en œuvre d’un système d’aide qui assurerait les seuils de couverture du reste à charge suivants :

– financement à 90 % des travaux pour les ménages très modestes ;

– financement à 70 % des travaux pour les ménages modestes ;

– financement à 30 % des travaux pour les autres ménages.

Le maintien d’un reste à charge de 10 % pour les plus modestes n’est pas argumenté dans les propositions de la Convention citoyenne. Il est donc difficile d’en expliquer la raison. Il pose toutefois la question de l’opportunité d’un reste à charge.

Lors de leur audition, l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) et M. Régis Largillier, titulaire de la chaire HOPE consacrée à la précarité énergétique à l’Institut polytechnique de Grenoble, ont indiqué que le reste à charge nul n’était pas toujours la condition permettant de déclencher des travaux, même auprès de ménages disposant de faibles ressources. D’autres leviers, concernant le confort d’usage par exemple, peuvent être des motivations suffisantes. Par ailleurs, M. Régis Largillier a rappelé que le traitement du reste à charge ne peut recevoir de réponse univoque et généralisée, mais appelle un traitement spécifique selon les situations. Il souligne notamment que l’implication des ménages est un facteur déterminant à prendre en compte, qui peut passer notamment par une participation financière. Ce point ressort également des travaux sur l’efficacité des certificats d’économies d’énergie effectués par MM. Matthieu Glachant, Victor Kahn et François Lévêque ([65]). Ces derniers estiment ainsi que les offres « coup de pouce à 1 euro » peuvent démobiliser les ménages bénéficiaires sur la question de la qualité et de l’efficacité énergétique des travaux financés. En l’absence d’implication financière des intéressés, l’exigence vis-à-vis des travaux engagés baisserait.

La fondation Abbé Pierre estime pour sa part qu’un reste à charge minimal ou nul doit être envisagé pour le million de ménages précaires résidant dans les « passoires thermiques » tandis que l’association CLCV estime que le reste à charge nul doit être un objectif pour les ménages modestes si l’on veut que de nombreux chantiers puissent voir le jour. SOLIHA défend par ailleurs la revalorisation des aides Habiter mieux par deux moyens : tout d’abord, une prise en charge par l’ANAH jusqu’à 70 % du montant total des travaux, au lieu des 50 % actuels, et revenir à la possibilité d’un cumul des aides jusqu’à 100 % du montant du projet.

La rapporteure pense utile d’affirmer le principe d’un reste à charge nul pour les ménages les plus modestes. Le principe pourrait ainsi être posé d’un niveau de subvention garantissant l’équilibre financier de chaque prêt visant à financer une opération de rénovation globale entreprise par les ménages situés en dessous d’un certain seuil de revenu. Pour atteindre cet objectif, il serait par ailleurs souhaitable que les opérateurs s’engagent sur les économies d’énergie attendues selon le principe d’un contrat de performance énergétique (CPE).

Proposition n° 41 : Fixer pour objectif que le système d’aides publiques puisse garantir à tous les ménages modestes un reste à charge nul sur leurs opérations de rénovation globales ou un financement entièrement couvert par les économies générées.

Dans une étude récente de France Stratégie, MM. Vincent Aussilloux et Adam Baïz vont encore plus loin et proposent de faire émerger des « opérateurs ensembliers » ([66]) qui seraient à la fois maîtres d’œuvre et financeurs de la rénovation. Sélectionnés par la puissance publique (État ou collectivités territoriales) suivant un cahier des charges rigoureux, les opérateurs pourraient aussi bien émaner d’entreprises privées que de sociétés d’économie mixte ou de tiers-financement. Pour le compte des ménages demandeurs, ces opérateurs établiraient non seulement le DPE mais calculeraient également la rentabilité anticipée de l’opération de rénovation, avanceraient la totalité du financement des travaux, les réaliseraient et établiraient un contrat de partage des gains d’économies d’énergie avec le ménage bénéficiaire. L’opérateur ensemblier porterait donc seule la dette et se « rembourserait » mensuellement sur la baisse de la facture énergétique des résidents du logement rénové ; il pourrait par exemple capter les trois quarts de ces économies, le temps nécessaire au remboursement des travaux (dix à trente ans). Au cas où la rentabilité de l’opération ne serait pas au rendez‑vous, un fonds public de garantie prendrait à sa charge la moitié du surcoût. De cette manière, le dispositif permettrait d’optimiser la subvention publique : elle ne serait mobilisée que lorsqu’elle est nécessaire pour rentabiliser et donc déclencher davantage d’opérations ; elle serait remboursée si l’opération se révèle rentable, ce qui supprime les risques de comportements stratégiques de recherche de subventions par les opérateurs.

Le séquençage des opérations proposées par France Stratégie

La proposition est très proche de ce que font des sociétés de tiers financement comme Île-de-France Énergie ou Oktave dans le Grand Est, mais en allant un cran plus loin avec la sélection d’opérateurs de la rénovation énergétique. Le ménage ne s’endette pas, n’a pas à avancer d’argent et n’a pas à gérer les difficultés en cas de malfaçon. Il ne subit pas non plus de perte si les travaux n’apportent pas les économies d’énergie attendues. Serait ainsi réalisé l’alignement des intérêts de l’opérateur, du ménage et de la puissance publique : tous trois gagneraient à ce que la rénovation soit réalisée au meilleur coût avec la plus grande efficacité possible tout en optimisant les aides publiques. La sélection par la puissance publique d’entreprises privées de la rénovation énergétique permettrait enfin de faire baisser les coûts unitaires en massifiant les opérations sur le modèle d’EnergieSprong. Selon France Stratégie, ce dispositif pourrait à terme contribuer à une baisse de 30 % à 40 % du coût de la rénovation.

Proposition n° 42 : Réfléchir aux conditions d’établissement d’opérateurs publics ou privés de référence (opérateurs ensembliers au sens de France Stratégie) chargés de financer et de réaliser les opérations de rénovation globale et appuyés sur un fonds de garantie publique.

La fixation d’un tel principe ne dispense cependant pas de rechercher une plus grande efficacité des dispositifs financiers qui sont d’ores et déjà censés concourir à l’équilibre financier des opérations de rénovation.

2.   Renforcer l’éco-PTZ et interroger le rôle joué par les banques

Pour rendre la rénovation énergétique accessible au plus grand nombre, il faut également développer des financements adaptés et portés par le marché. Or, l’accès au crédit bancaire pour ce type de rénovation n’est pas systématique et les conditions ne sont pas en général attractives. Plusieurs interlocuteurs de la mission ont mis l’accent sur le fait que les banques ne jouaient pas suffisamment leur rôle en matière de financement des opérations de rénovation énergétique, notamment lorsqu’elles ont la charge de la distribution de prêts garantis et subventionnés par l’État comme l’éco-PTZ.

Instauré en 2009 et plusieurs fois modifié depuis, l’éco-prêt à taux zéro est une avance de fonds sans condition de ressources, permettant de financer des travaux d’amélioration de la performance énergétique, sans payer d’intérêts. Dans ce cadre, l’État dédommage sous forme d’un crédit d’impôt les établissements de crédit d’un montant égal (pour simplifier) à la différence actualisée entre le taux d’un prêt immobilier classique et à taux zéro.

Les caractéristiques de l’éco-PTZ ainsi que la liste des travaux financés sont définies dans l’article 244 quater U du code général des impôts. Le montant maximal de l’éco-PTZ est compris entre 7 000 euros et 30 000 euros selon les travaux financés. La durée maximale de remboursement de l’éco-PTZ est de quinze ans. Ce prêt peut être accordé sous conditions à un propriétaire bailleur ou occupant et à un syndicat de copropriétaires jusqu’au 31 décembre 2021. Le prêt est également cumulable avec MaPrimeRénov’, les aides de l’ANAH, des collectivités territoriales ou encore les CEE.

À ce jour, une vingtaine de banques ont signé une convention avec l’État afin de distribuer l’éco-PTZ. Cependant, la banque attribue le prêt dans les conditions classiques d’octroi de prêt. Elle n’est donc pas tenue de l’accorder et peut demander des garanties, comme pour un prêt ordinaire, notamment sur la solvabilité de l’emprunteur. D’un avis quasi unanime, la formule actuelle de l’éco-PTZ souffre de nombreux défauts et est considérée comme trop complexe. Seuls 23 000 éco-prêts ont été distribués en 2017 et ont principalement bénéficié à des ménages aisés. Toutefois, le nombre d’éco-prêts émis en 2019 est en hausse de 89,7 % par rapport à 2018 (35 574 prêts en 2019 contre seulement 18 000 en 2018) sous l’effet de l’entrée en vigueur des mono-actions dès le 1er mars 2019 et, de ce fait, les montants sont en hausse de 41,7 % pour un montant total prêté de 474,6 millions d’euros (soit un montant moyen de 13 342 euros). Le montant total des travaux financés grâce à l’éco-prêt en 2019 est ainsi de 593,9 millions d’euros dont 97,5 % sont consacrés aux travaux d’économies d’énergie (dont 0,8 % de frais), et 2,5 % consacrés à l’assainissement.

D’un point de vue socio-économique, 95,9 % des éco-prêts concernent des maisons individuelles. Le montant moyen de l’éco-prêt est de 15 271 euros lorsque le propriétaire est commanditaire seul, et de 12 506 euros lorsque la copropriété (seule ou avec le propriétaire) est commanditaire des travaux, ce qui ne représente que 0,5 % des éco-prêts. 67,7 % des éco-prêts sont accordés aux trois derniers déciles de revenus. Les emprunteurs ayant un revenu fiscal de référence (RFR) inférieur au sixième décile sont sous-représentés tandis qu’il y a surreprésentation de ceux ayant un RFR supérieur ou égal au septième décile : ils concernent les emprunteurs de 80,1 % des éco-prêts contre 40 % des foyers fiscaux. En revanche, seulement 335 éco-prêts à taux zéro (215 en 2018) portent sur des travaux de performance globale ayant pour but de limiter la consommation d’énergie du bâtiment pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire, le refroidissement, l’éclairage et les auxiliaires. Ils représentent 0,9 % des éco-prêts émis en 2019 (contre 1,1 % en 2018).

Source : Ministère de la transition écologique

Les banques commerciales ne sont pas pleinement engagées dans la distribution d’éco-prêt à taux zéro car cette solution est peu rentable, fastidieuse et entre en concurrence avec leur offre classique de prêts pour travaux ou prêts à la consommation, de maturités plus courtes et à des taux élevés. Par ailleurs, dans le calcul des ressources et du reste à charge de l’emprunteur, les économies d’énergie ne sont jamais prises en compte. Or, ces travaux peuvent générer un pouvoir d’achat supplémentaire dont une partie pourrait être prise en compte pour le calcul du coefficient d’endettement, facilitant ainsi l’accès à un crédit.

L’éco-PTZ reste néanmoins, par sa maturité longue (jusqu’à quinze ans), un outil indispensable au financement et au lissage du reste à charge, que les aides ne peuvent pas combler. C’est pourquoi l’État examine avec la Banque européenne d’investissement la possibilité de favoriser les éco-prêts à longue maturité grâce à la mise à disposition de lignes de financement long terme par la BEI. Néanmoins, il convient également de réfléchir à augmenter le montant et la durée de l’éco-PTZ en s’inspirant de l’exemple allemand (jusqu’à 120 000 euros sur trente ans).

Proposition n° 43 : Prolonger le dispositif de l’éco-PTZ, individuel et pour les copropriétés, jusqu’en 2030. Multiplier le plafond par 4 et augmenter la durée maximale de remboursement à trente ans.

Depuis le 1er janvier 2014, l’éco-PTZ a également été élargi aux syndicats de copropriété. Au 31 mars 2020, seuls 326 éco-prêts « copropriété » qui concernent 290 copropriétés distinctes ont été distribués pour un montant global de moins de 100 millions d’euros. Les conditions de l’éco-PTZ copropriétés sont pourtant proches de celles qui concernent l’éco-PTZ pour les particuliers. Les copropriétaires occupant leur logement à titre de résidence principale peuvent en bénéficier dès lors que les bâtiments bénéficiant des travaux ont été achevés depuis plus de deux ans à la date du début des travaux. Un éco-PTZ « copropriété » peut porter sur un ou plusieurs bâtiments de la copropriété. Les travaux peuvent porter sur les parties privatives faisant l’objet d’une rénovation d’intérêt collectif ou sur les parties communes de la copropriété (y compris les équipements comme une chaudière par exemple). Le montant total du prêt pour l’ensemble de la copropriété est égal au montant maximal de prêt par logement multiplié par le nombre de logements concernés par le prêt. Chaque copropriétaire peut choisir de souscrire ou pas à l’éco‑PTZ « copropriété » dans la limite de sa quote-part des dépenses éligibles, conformément à la réglementation générale de l’emprunt collectif. Là encore, les mêmes limites sont relevées : peu de dossiers finalisés, plafonds trop bas, maturité parfois insuffisante. Les mêmes propositions de réforme pourraient donc s’y appliquer.

Au-delà du cas spécifique de l’éco-PTZ, la puissance publique pourrait contribuer à abaisser les taux d’intérêt demandés aux entreprises pour des travaux de rénovation en instaurant un dispositif de garantie des prêts à la rénovation énergétique similaire à celui mis en place pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19. Pour rappel, le niveau de garantie couvre de 70 à 90 % du risque et un volume global de 300 milliards d’euros a été prévu dans le cadre du dispositif dit de « prêts garantis par l’État » (PGE). En effet, même en considérant un certain taux de défaut, les rentrées fiscales générées par le déploiement de l’activité, le faible niveau des taux d’intérêt sur les emprunts d’État et le redéploiement de la consommation permis par les économies d’énergie générées sur la facture des ménages, couvriront largement le coût des défauts. Pour renforcer encore l’incitation à rénover pour les entreprises, il pourrait être souhaitable de prévoir une exonération partielle de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pendant cinq ans après une rénovation thermique très performante qui entraînerait un gain d’au moins deux classes énergétiques.

Proposition n° 44 : Instaurer un mécanisme de garantie des prêts à la rénovation énergétique pour les entreprises, inspiré de celui mis en place dans le cadre des prêts garantis par l’État (PGE) pour faire face à la pandémie. Instaurer une exonération partielle de CFE pour les entreprises qui entreprendraient des travaux de rénovation très performants permettant un saut d’au moins deux classes énergétiques.

Dans le cadre des prêts immobiliers, il pourrait également être souhaitable de généraliser des offres où l’emprunteur peut disposer d’une réserve de financement utilisable pendant deux ans à des conditions similaires à un crédit immobilier mais pour financer des travaux de rénovation. Ce dispositif existe notamment aux Pays-Bas et permet de faciliter des opérations de rénovation non nécessairement anticipées au moment de l’achat immobilier. Certains prêteurs proposent même à l’emprunteur une grille de taux qui est fonction du label énergétique (taux avec malus/bonus). Dans les deux cas, ce financement bénéficie d’une charge en capital réglementaire propre à un prêt immobilier puisque l’actif sert de garantie à la même banque. Ainsi, il serait souhaitable de permettre le « rechargement » des crédits immobiliers pour financer la rénovation énergétique en bénéficiant des mêmes sécurités (hypothèque, cautionnement) et donc des mêmes conditions financières (maturités longues, taux bas) du fait du même traitement réglementaire en termes de charge en capital.

Proposition n° 45 : Réfléchir à la mise en place de prêts hypothécaires rechargeables pour la rénovation afin de permettre aux ménages de bénéficier d’une « extension » des conditions de leur prêt immobilier, pendant une durée donnée, pour financer des travaux de rénovation énergétique après l’acquisition.

Enfin, il convient de rappeler que les établissements de crédit sont soumis à des règles prudentielles dont l’une d’elles les oblige à respecter un ratio de solvabilité bancaire établi par la BRI (Banque des règlements internationaux). Ce ratio, édicté par le Comité de Bâle puis décliné par les autorités de tutelle, consiste à avoir des fonds propres associés aux engagements pris par les banques dans le cadre de leurs différentes activités. La charge en capital réglementaire dépend de la nature des risques encourus. Le Comité de Bâle a ainsi édicté des règles concernant les prêts à la consommation et les prêts immobiliers garantis par une hypothèque ou un cautionnement sur le bien immobilier. Dans le modèle standard, les charges en capital réglementaire sur les prêts immobiliers sont approximativement de 35 % contre 75 % pour les prêts à la consommation. Cette différence de traitement tient au fait que les défauts sur les prêts à la consommation sont historiquement plus importants et qu’en outre il n’y a pas la même sécurité sur les actifs financés (pas d’hypothèque ou cautionnement). Par conséquent, les prêts à la consommation sont en moyenne deux fois plus coûteux en capital réglementaire que les prêts immobiliers. La France pourrait ainsi agir au niveau international pour que la réglementation prudentielle, et notamment les exigences en fonds propres, soit allégée pour tout ce qui concerne les crédits liés à la rénovation énergétique des bâtiments, et plus largement pour tous les crédits liés à la transition écologique, et soit au contraire renforcée pour les opérations défavorables à l’environnement.

3.   Repenser la place des solutions de tiers-financement

Les sociétés de tiers-financement (STF) jouent un rôle actif dans le soutien aux opérations de rénovation énergétique des logements. La mise en place des STF résulte de la loi nᵒ 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « ALUR ». Les premières STF voient le jour en 2015 et bénéficient alors d’une enveloppe de financement de 400 millions d’euros allouée par la Banque européenne d’investissement (BEI) pour la période 2016-2020. Les STF sont créées par des collectivités territoriales, le plus souvent des régions ou des métropoles. On en compte une petite dizaine aujourd’hui en France. Elles visent à remplir une à deux missions selon les cas et leur statut :

– mission de conseil et d’accompagnement technique dans la réalisation de travaux de rénovation énergétique (par exemple : audit énergétique, estimation des économies d’énergie, choix des prestataires, suivi post-travaux…) ;

– mission de financement des travaux de rénovation énergétique qui s’ajoute à la mission technique de conseil pour les STF ayant obtenu un agrément de société de financement auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), ou l’orientation vers un établissement financier partenaire.

La mise en place des STF constitue ainsi une réponse à l’absence de financements longs et bon marché offerts par les banques commerciales, qui se contentent, pour la plupart, d’accorder des crédits pour travaux ou des crédits à la consommation très courts et à des taux élevés, sans accompagnement du projet. Du côté des particuliers, les sociétés de tiers-financement permettent de dépasser certains des obstacles cités précédemment. Leur plus-value, en dehors de l’accompagnement, est ainsi de chercher à établir des financements dans lesquels les mensualités de crédit sont couvertes en totalité ou en grande partie par les économies d’énergie estimées lors de l’audit énergétique. Ceci est permis par un allongement de la maturité des prêts consentis (plus de vingt ans) et des taux nettement plus bas (de l’ordre de 2 à 2,5 %) que ceux des crédits à la consommation.

Néanmoins, les STF peuvent créer quelques difficultés pour les collectivités qui les ont créées et capitalisées. Tout d’abord, la dette des STF pourrait être, du point de vue des agences de notation, consolidée avec celle de la collectivité dont elle dépend, ce qui peut créer un risque financier pour les collectivités, soit via une dégradation de leur notation soit en restreignant leurs marges de manœuvre financières. En outre, l’ampleur de l’action de la STF, sorte de « mini banque » publique adossée à une collectivité, dépend des fonds que la collectivité lui apporte en capital et des ressources qu’elle peut obtenir par ailleurs (BEI par exemple). Une fois mises en place, les STF ne sont en effet pas toujours en mesure de trouver des solutions de refinancement efficaces quand l’enveloppe de financement est consommée. Ce problème du refinancement est le plus contraignant aujourd’hui pour l’action des STF. On peut ajouter à ces difficultés le fait que, n’étant pas des opérateurs bancaires, les STF ne sont pas toujours dotées de systèmes d’information permettant d’optimiser le traitement et le suivi d’opérations nombreuses. Enfin, dans le cas des copropriétés, les mécanismes de tiers-financement sont très difficiles à mettre en place, car ils exigent des dépenses dès le début de la procédure pour établir le diagnostic thermique et le contrat.

Dans une contribution écrite transmise à la mission, MM. Philippe Ramos et Davor Simac, experts sur les marchés financiers, plaident en faveur de la mise en place d’un véhicule de refinancement de place, commun à toutes les STF. Celui-ci ne pourrait être pleinement efficace que si la BEI, qui a soutenu l’avènement des STF et les a financées (enveloppe de 400 millions d’euros mise à disposition), offrait une garantie sur les premières pertes de ce véhicule commun de refinancement. À cet égard, des schémas de garantie existants proposés par la BEI (garantie Private Finance for Energy Efficiency – PF4EE), qui montrent que la BEI pourrait couvrir jusqu’à 80 % des 20 % de premières pertes d’un portefeuille, pourraient être utilisés. Le schéma envisagé serait de recourir à la titrisation des prêts de la STF une fois atteint le montant maximal des prêts pouvant être octroyés par la STF. Sous réserve de faire une opération déconsolidante sur le plan réglementaire, en titrisant ces prêts et en les sortant au moins pour partie de son bilan, la STF pourrait récupérer une capacité à prêter de nouveau. 

Le véhicule de refinancement, existant ou créé spécifiquement, porterait à son bilan les « paquets de prêts », lesquels pourraient ainsi bénéficier de cette garantie partielle de la BEI. Puis, le véhicule se refinancerait en émettant des obligations sur les marchés financiers. Ces obligations seraient attractives pour les investisseurs car elles seraient sécurisées grâce à la garantie de la BEI et correspondraient à un investissement « vert » dont les investisseurs institutionnels (assureurs, gestionnaire d’actifs, etc.) sont de plus en plus friands. On pourrait même imaginer, pour réduire autant que possible le rendement demandé par les marchés lors de la vente du « paquet de prêts », que les investisseurs soient les banques publiques d’investissement et qu’elles puissent ensuite se refinancer auprès de la Banque centrale européenne directement.

Proposition n° 46 : Améliorer le schéma de refinancement des sociétés de tiers-financement en étudiant la possibilité de recourir à des mécanismes de sortie de bilan des prêts effectués grâce à une garantie apportée par les banques publiques d’investissement.

Les dispositifs financiers pouvant être mis en place au profit des particuliers, directement ou par le biais de tiers, sont nombreux. Une autre proposition a ainsi été formulée par nos collègues députés socialistes MM. Boris Vallaud et Jean‑Louis Bricout sous la forme d’une « prime pour le climat ».

4.   Faut-il instaurer une avance des fonds remboursable lors de la mutation du bien ?

La « prime pour le climat » serait un dispositif visant à permettre la rénovation de 24 millions de logements d’ici 2050, soit en rythme annuel entre 750 000 et 770 000 logements correspondant à 24,3 milliards d’euros d’investissement. Elle repose sur l’hypothèse d’une prise en charge moyenne de 70 % des coûts au moment des travaux, ce qui représente donc un coût annuel du dispositif d’environ 18 milliards d’euros, qui serait partagé entre 30 % de part subventionnée (5,1 milliards d’euros par an auquel il convient d’ajouter 1,1 milliard de coût d’accompagnement par l’ANAH) et 70 % d’avance remboursable (11,9 milliards d’euros par an). La part subventionnée serait financée par le budget de l’État tandis que la Caisse des dépôts assurerait le préfinancement des travaux sur une section nouvelle inscrite dans son bilan aux côtés de la section générale et du fonds d’épargne. Ces avances seraient gagées sur les biens immobiliers rénovés.

La Caisse assurerait ainsi les décaissements et les remboursements et devrait mobiliser à cette fin ses instruments financiers pour emprunter sur les marchés les sommes requises. Le financement de l’État serait assuré par des mesures essentiellement paramétriques, le redéploiement de recettes et dépenses fiscales et de crédits budgétaires déjà existants. Au total, la prime pour le climat permettrait de mobiliser 300 milliards d’euros sur trente ans.

Pour les particuliers bénéficiaires, le principe général est d’obtenir une avance complète du coût des travaux, soit par le biais d’un prêt ou par celui d’une subvention, ou encore d’une combinaison des deux. Le remboursement s’effectue au moment de la mutation (vente, succession), le coût des travaux pouvant alors être couvert pour tout ou partie par l’augmentation de la valeur du bien dont la performance thermique aura été améliorée, et cela même vingt ou trente ans après la réalisation des travaux. Le ménage serait toutefois libre de choisir de rembourser une partie de l’avance chaque mois sur le même modèle que le remboursement d’un prêt à taux zéro. Sur le plan institutionnel, le dispositif confèrerait un rôle central à l’Agence nationale de l’habitat dans l’accompagnement des bénéficiaires. Le montant de la prime serait plafonné à 350 euros hors taxes par mètre carré de surface habitable pour les logements collectifs et 550 euros hors taxes par mètre carré de surface habitable pour les logements individuels, dans la limite des deux tiers de la valeur du bien et sans pouvoir être supérieur à 100 000 euros.

Ce dispositif soulève toutefois plusieurs interrogations. Tout d’abord, il ferait table rase de l’ensemble des dispositifs existants et pèserait considérablement sur l’ANAH. En outre, il réduirait sensiblement la part des subventions pouvant être accordées aux particuliers puisque seulement deux seuils de subvention sont prévus, à 20 et 30 %, y compris pour les ménages modestes, avec une possibilité exceptionnelle de monter à 40 % en zone tendue. Le montant du prêt demeurant à rembourser, même si cela est décalé au moment de l’opération de mutation, pourrait ainsi peser lourdement sur les ménages concernés, en particulier sur les ménages modestes. En outre, cela pourrait avoir un effet désincitatif à la vente si la propriété du bien ayant bénéficié de la prime pour le climat était grevée d’un privilège au bénéfice de la Caisse des dépôts et consignations. Enfin, pour que la CDC puisse dégager un tel volume de refinancement chaque année, il faudrait certainement un capital d’amorçage important pour cette section autonome. En effet, la CDC est soumise à des exigences de fonds propres, surtout si la majeure partie des remboursements n’interviennent qu’après la vente du bien.

G.   Améliorer l’accompagnement financier et technique des copropriétés

Un dernier problème essentiel à traiter est celui du financement des opérations de rénovation au profit des copropriétés. En effet, à l’heure actuelle, 7,19 millions de ménages vivent en copropriété et ces dernières sont donc parmi les premières concernées par l’exigence de rénovation énergétique des bâtiments. Mais leur cas présente un degré de complexité plus important qu’en logement individuel. En effet, beaucoup de projets de rénovation sont bloqués, au niveau des copropriétés, par l’impossibilité de faire s’accorder l’ensemble des acteurs impliqués sur une action commune. Il est difficile d’obtenir la majorité des voix pour voter la réalisation des travaux en raison des contraintes financières de certains propriétaires, des craintes quant à la réalisation des travaux et des incertitudes sur les gains attachés à la rénovation (économie sur la facture et prise de valeur de l’appartement).

Par ailleurs, avant même la réalisation des travaux, la copropriété doit engager des frais importants pour avoir un bon diagnostic thermique, une assistance à maîtrise d’ouvrage souvent par des architectes et l’accompagnement nécessaire pour sélectionner les bonnes entreprises. Au final, la décision d’une copropriété prend facilement trois ans et demande maintes réunions des copropriétaires. Compte tenu du turn-over des propriétaires dans certaines copropriétés (sept ans en moyenne), cette durée de préparation de la décision se heurte au renouvellement des propriétaires et par conséquent à la difficulté de constituer une majorité stable qui soutient la réalisation des travaux. Plusieurs professionnels indiquent qu’en moyenne, trois copropriétés sur quatre se prononcent contre la réalisation des travaux de rénovation énergétique. De ce point de vue, les opérations menées par les bailleurs sociaux constituent une heureuse exception. En effet, le parc HLM compte ainsi 5,1 millions de logements sociaux pour un volume total de 335 millions de mètres carrés et 10 millions de personnes logées. Le parc HLM fait ainsi figure de modèle puisqu’au niveau de la consommation énergétique, 42 % du parc est classé A, B ou C contre seulement 14 % des résidences principales à l’échelle nationale.

Pour améliorer la rénovation des copropriétés, plusieurs dispositifs ont été instaurés, comme le fonds de travaux. On rappellera que le fonds de travaux, institué par la loi « ALUR » de 2014, permet un préfinancement des travaux urgents ou importants (ravalement, rénovation, etc.). Sa mise en place est obligatoire (sauf dans des cas bien précis et marginaux) et il est alimenté par une cotisation annuelle dont le montant est au moins égal à 5 % du budget prévisionnel. Toute copropriété construite avant le 1er janvier 2012 et possédant au moins un lot destiné à l’habitation est tenue de mettre en place un fonds de travaux. Les cotisations demeurent rattachées au lot et non à la personne de sorte qu’elles ne sont pas remboursables en cas de vente.

MaPrimeRénov’ Copropriétés

Le dispositif MaPrimeRénov’ est étendu à toutes les copropriétés depuis le 1er janvier 2021 et prend le relais du dispositif dédié Habiter Mieux Copropriétés de l’ANAH, qui était réservé aux copropriétés financièrement fragiles (24 230 logements en copropriété ont bénéficié de ce dispositif en 2020).

Sont concernées les copropriétés composées d’au moins 75 % de résidences principales. Les travaux réalisés doivent permettre un gain énergétique d’au moins 35 % et faire l’objet d’une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) durant l’intégralité du projet, financée à hauteur de 30 % du montant de la prestation. L’aide peut atteindre 25 % du coût hors taxe des travaux. Elle est calculée sur la base d’un montant par logement pouvant atteindre 3 750 euros, qui peut être par ailleurs bonifié de 500 euros si le projet permet une sortie du statut de « passoire thermique » ou s’il permet d’atteindre l’étiquette énergétique A ou B.

Le dispositif est cumulable avec les CEE, sauf dans le cas des copropriétés fragiles qui continuent de bénéficier d’une bonification de 3 000 euros par logement versée par l’ANAH. Des aides individuelles complémentaires pour les propriétaires occupants modestes et très modestes, respectivement à hauteur de 750 euros et 1 500 euros, sont également prévues, afin de réduire spécifiquement leur reste à charge par rapport aux autres copropriétaires. Par ailleurs, chaque copropriétaire conserve la possibilité de bénéficier de MaPrimeRénov’ pour les travaux concernant leur logement propre, comme le système de chauffage ou encore le changement des huisseries.

Il serait ainsi souhaitable de rattacher les cotisations issues du fonds de travaux à la personne et non plus au lot. En effet, l’absence de remboursement des sommes engagées dans le fonds de travaux en cas de vente constitue un réel frein pour les copropriétaires, non seulement pour mettre en place le fonds de travaux, mais également pour voter un taux supérieur à celui de 5 % fixé par les textes, les copropriétaires se contentant du minimum légal.

Proposition n° 47 : Rattacher les cotisations issues du fonds de travaux à la personne et non plus au lot.

Plus largement, il convient de renforcer les moyens d’animation pour déclencher la rénovation. Lorsqu’un animateur est présent localement, il y a un effet d’entraînement fort auprès des particuliers. Cependant il n’existe pas d’aides publiques spécifiques pour ce type d’accompagnement. Or, en l’absence d’incitation, les copropriétaires en restent au seuil minimum de 5 % qui ne permet pas de faire des rénovations lourdes et le fonds de travaux est souvent utilisé pour des travaux de maintenance au lieu de préfinancer des travaux importants. Afin de dépasser ces obstacles, il est ainsi important de disposer d’un réseau d’animateurs capables de prendre en charge le diagnostic énergétique et de conseiller les copropriétaires sur la réalisation des travaux. C’est déjà le cas du réseau FAIRE en partie mais celui-ci doit être conforté dans ses moyens et appuyé dans sa mission de conseil aux copropriétés. Dans certains cas, comme le recommande France Stratégie, cela peut même s’accompagner du déploiement de « zones de rénovation concertées » à l’initiative d’une collectivité territoriale. Sur cette zone, les bâtiments publics, les logements privés et sociaux, les bâtiments tertiaires seraient traités dans leur globalité pour ceux dont les propriétaires se déclareraient intéressés. Une telle opération pourrait faire baisser les coûts unitaires des rénovations, générer des économies d’énergie supplémentaires par la récupération de l’énergie fatale produite par des entreprises pour chauffer des logements par exemple. La communication autour d’une telle opération pourrait amener plus de propriétaires privés à se déclarer intéressés. Le pilotage par leur commune pourrait les rassurer et les inciter à profiter d’une opération collective.

Proposition n° 48 : Renforcer le réseau FAIRE dans ses missions d’accompagnement des copropriétés pour les inciter à la réalisation de travaux de rénovation énergétique. Permettre à l’État et aux collectivités d’abonder les fonds de travaux des copropriétés avec obligation de dépenser les fonds concernés pour des opérations de rénovation énergétique dans un délai limité.

Enfin, les banques doivent pouvoir proposer des produits financiers à l’attention des copropriétés. À l’heure actuelle, n’existe réellement que le livret A dont le montant est plafonné à 100 000 euros pour les copropriétés de plus de 100 lots principaux, 76 500 euros dans les autres cas. Or, ce plafond est totalement insuffisant au regard du montant très élevé des travaux en copropriété. L’idée défendue par votre rapporteure serait donc d’inciter les banques à proposer un prêt collectif aux copropriétés qui en font la demande, avec un mécanisme de remboursement attaché aux lots de la copropriété et non aux copropriétaires. Ce prêt collectif prendrait la forme d’un éco-PTZ qui couvrirait 100 % du montant des travaux afin qu’il n’y ait aucun reste à charge immédiat pour le copropriétaire et serait à durée longue afin que les économies d’énergies couvrent le montant des remboursements. Comme indiqué précédemment à propos des particuliers, les prêts accordés par les banques aux copropriétés pourraient également bénéficier de dispositifs de garantie publique dans ce cadre.

Proposition n° 49 : Inciter les banques à prêter directement aux copropriétés, via des prêts collectifs, avec des plafonds suffisants pour permettre d’anticiper le coût de travaux de rénovations lourdes permettant d’atteindre le niveau BBC.

III.   Encourager l’innovation pour la rénovation thermique

L’amélioration de la performance énergétique des bâtiments passe également par le développement de matériaux et d’équipements de plus en plus efficaces pour l’isolation et le chauffage. Mais l’innovation pour la rénovation thermique est encore freinée par des difficultés financières, administratives, réglementaires ou qui résultent du fonctionnement même du marché actuel de la rénovation.

Avant de développer ces points de blocage, il est utile de préciser que l’innovation technologique dans le secteur profite à la construction neuve comme à la rénovation, les équipements et matériaux pouvant servir sur ces deux types de chantiers selon des modalités de mise en œuvre qui peuvent toutefois différer. C’est alors l’innovation méthodologique qui prend le relais pour optimiser les produits en fonction du chantier.

A.   Les freins structurels à la recherche et au développement

1.   L’investissement est encore faible

À la différence d’autres secteurs économiques, les investissements pour l’innovation sont particulièrement faibles dans la filière du bâtiment : 0,1 % à 0,2 % du chiffre d’affaires est investi dans la recherche et le développement (R&D), alors que le taux se situe plutôt autour de 2 % pour les autres secteurs économiques. Cette différence tient à deux facteurs.

Tout d’abord, à l’exception de quelques très grands groupes, le secteur est essentiellement constitué de petites structures qui n’ont ni les moyens ni l’ingénierie pour se lancer dans la recherche appliquée. Les entreprises intermédiaires, qui portent souvent l’innovation, sont particulièrement rares. Ce sont donc surtout les fournisseurs industriels de la filière qui soutiennent l’effort de recherche, car elle est l’un de leurs vecteurs de croissance. À titre d’exemple, la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC) a indiqué lors de son audition que sa filière investissait environ 9 % de son chiffre d’affaires dans la R&D. Saint Gobain investit pour sa part 160 millions d’euros dans la recherche rien qu’en France.

D’autre part, la recherche pour le bâtiment se situe plutôt dans une perspective d’amélioration des pratiques et des savoir-faire. Cette innovation méthodologique vise l’amélioration de la productivité, mais aussi la qualité des travaux grâce à une meilleure coordination des corps de métier ou encore une meilleure connaissance des effets induits par tel ou tel geste de pose. Malheureusement, ce type de recherche est peu soutenu par les aides publiques. Les représentants du pôle de compétitivité Fibres-Énergivie ont ainsi indiqué qu’il n’existait pas de guichet pour financer l’innovation non technologique qui comprend non seulement les travaux méthodologiques, mais également les travaux dans les sciences sociales.

Les projets autour de bâtiments démonstrateurs auraient également besoin de financement. Ce type de projet permet en effet d’expérimenter in situ, sur un vrai chantier, des procédés de construction et de rénovation, notamment lorsqu’il s’agit de tester de nouveaux matériaux ou de nouveaux équipements. Ce besoin a été soulevé par le pôle de compétitivité Fibres-Énergivie, mais également dans un rapport récent consacré à la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, qui notait le manque de financement en la matière ([67]).

Le programme d’action pour la qualité de la construction
et la transition énergétique (PACTE)

Lancé en 2015, ce programme doté de 30 millions d’euros a pour but de financer les recherches méthodologiques dans le domaine du bâtiment. Dans le domaine de la rénovation thermique, il a ainsi soutenu des travaux consistant par exemple à référencer et compiler les expérimentations sur des bâtiments précurseurs, à fournir des outils pédagogiques ou encore à développer les bons usages pour des matériaux biosourcés comme le bois ou les produits à base de chanvre.

Ce programme arrive néanmoins à son terme, la quasi-totalité des projets étant achevés. Il faut donc étudier désormais la mise en application des résultats obtenus. Mais compte tenu de l’évolution constante du secteur, la reconduction de ce type de soutien public serait des plus opportunes.

Le soutien financier public passe donc essentiellement par le crédit d’impôt recherche ou le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi qui sont appréciés par les industriels des matériaux et les grands équipementiers, mais s’accordent mal avec les besoins de la filière du bâtiment.

2.   Les structures publiques de la recherche sont peu tournées vers la filière du bâtiment

Alors que le bâtiment est au croisement de nombreuses thématiques de recherche (environnement, énergie, matériaux, procédés, etc.), les structures publiques spécialement dédiées à ce secteur sont rares. Il faut rappeler le travail du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), dont une partie des missions concerne la recherche appliquée au bâtiment, ou encore celui du Plan urbanisme construction architecture (PUCA), qui soutient des expérimentations méthodologiques concernant l’approche globale de la rénovation énergétique ou les maquettes numériques du bâtiment (BIM). Mais la règle est plutôt celle de la dissémination des compétences et des financements dans les différents centres de recherche, qu’il s’agisse des laboratoires du CNRS, des pôles de compétitivité ou des laboratoires universitaires. Cela ne facilite pas l’émergence de centres de diffusion des savoirs et des techniques clairement identifiés. On peut ainsi regretter que sur les 53 pôles de compétitivité, pas un ne soit spécifiquement consacré au bâtiment, ce qui permettrait par exemple de fédérer plus d’initiatives pour le secteur.

Pourtant, des projets intéressants existent et mériteraient d’être renforcés. On peut par exemple citer le réseau des instituts Carnot, mis en œuvre et partiellement financé par l’Agence nationale de la recherche, qui permet de réunir autour de pôles de recherche publique des partenaires industriels privés pour des projets de recherche appliquée (matériaux isolants, amélioration de l’efficacité de systèmes de chauffage ou de régulation de l’énergie, intégration des énergies renouvelables dans le bâtiment, etc.).

On peut signaler dans ce réseau l’institut Matériaux et équipements pour la construction durable (MECD), spécifiquement dédié à l’innovation dans la construction. Des outils innovants ont également été développés par ce réseau, comme IMOPE, projet initialement porté par l’Institut Carnot MINES, qui propose désormais aux collectivités et aux entreprises un outil cartographique permettant de compiler différentes données relatives aux bâtiments afin d’identifier les besoins de rénovation thermique sur un territoire donné.

Proposition n° 50 : Adapter les dispositifs publics d’aide à la recherche aux spécificités de la filière du bâtiment et développer l’offre publique de recherche pour ce domaine

– Mettre en place un guichet de financement pour la recherche non technologique dans le bâtiment (bâtiments d’expérimentation, amélioration des méthodes de construction, connaissance des usages, etc.) ;

– Pérenniser les programmes soutenant le développement des bonnes pratiques (PACTE, PUCA) ;

– Promouvoir l’émergence de pôles de recherche dédiés à l’innovation dans le bâtiment, notamment au niveau de bassins locaux.

B.   Les freins administratifs et réglementaires

1.   Des difficultés procédurales ne sont toujours pas résolues

Deux difficultés d’ordre administratif ont été depuis longtemps identifiées pour la mise sur le marché de produits innovants dans la construction. Elles concernent la phase d’évaluation technique des nouveaux produits et l’intégration de ces derniers dans les outils permettant de vérifier la bonne application de la réglementation thermique des bâtiments.

La réglementation française ne prévoit pas d’évaluation technique obligatoire pour les produits de la construction, celle-ci relevant d’exigences européennes devant être satisfaites pour bénéficier du label CE. Toutefois, cette phase d’évaluation est dans les faits systématique. En effet, pour bénéficier d’aides publiques ou des assurances couvrant les sinistres, les entreprises de la construction doivent fournir la preuve de la qualité des produits. Or, les certifications et labels garantissant cette qualité s’appuient sur les évaluations techniques. En conséquence, ces dernières sont devenues un prérequis indispensable pour tout nouveau produit mis sur le marché.

En France, ces évaluations sont instruites par le CSTB et font l’objet de critiques depuis plusieurs années. Dans un rapport publié en 2014 ([68]), l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) pointait déjà les lourdeurs administratives des procédures d’évaluation qui sont particulièrement longues et conduisent à des surcoûts importants pour la mise sur le marché de produits innovants. Ces deux facteurs fragilisent l’innovation, notamment lorsqu’elle est portée par de petites entreprises dont le modèle économique dépend de ces nouveaux produits.

Les alertes de l’OPECST ont malheureusement trouvé un écho lors des auditions de la mission d’information. Le représentant de l’association Construire en chanvre a ainsi indiqué que ces procédures entraînaient des coûts prohibitifs pour de petites structures industrielles innovantes, donnant en exemple le budget annuel de 70 000 euros que la société Cavac Biomatériaux, qui propose des produits isolants à base de chanvre, doit prévoir pour la seule validation de ses produits, en plus des frais pour les certifications complémentaires.

L’autre difficulté, également relevée par le rapport de l’OPECST précité, concerne la procédure permettant aux industriels d’intégrer leurs produits dans le référentiel technique issu de la réglementation thermique des bâtiments.

Pour s’assurer que leurs projets de construction respectent bien les normes en vigueur, les constructeurs doivent tester les solutions techniques retenues grâce à des outils de modélisation et de calcul. Ces outils se basent sur un référentiel de calcul établi par le CSTB, qui en conserve la propriété.

Les fournisseurs doivent en conséquence passer par une procédure dite du « Titre V » ([69]) pour que leurs nouveaux produits soient intégrés au référentiel. Passé les premiers délais d’attente, il faut compter des temps d’instruction variables, pouvant aller de un à dix-huit mois selon le type de produits, puis attendre que les agréments soient délivrés par les autorités compétentes, ce qui peut aller de quelques semaines à plusieurs mois. L’étape suivante est l’intégration fonctionnelle des produits validés dans le moteur de calcul par les opérateurs du CSTB. Elle est suivie par une phase de tests de l’entreprise demanderesse afin de s’assurer que l’intégration est correcte. L’ultime étape consiste enfin à intégrer la nouvelle version du moteur de calcul dans les outils développés par le secteur privé et qui sont utilisés par les constructeurs pour leurs études préparatoires. On devine aisément les difficultés que pose ce type de parcours pour la rentabilité des produits innovants développés par les fournisseurs.

Outre les délais trop longs, l’OPECST avait également pointé l’opacité de la procédure. Pour résoudre ce problème, l’Office avait proposé de séparer les fonctions de certificateur et d’évaluateur du CSTB, afin de prévenir tout conflit d’intérêts et de garantir la transparence des procédures administratives.

La mission d’information s’est vue rappeler ces problèmes par les représentants des industriels, notamment par la FIEEC qui regrette que les procédures n’aient toujours pas été améliorées alors que la concurrence dans le secteur est internationale. Le représentant de Saint Gobain rappelait par ailleurs qu’une autre difficulté concernait le peu de place laissé à l’expérimentation dans le cadre de la réglementation thermique, ce qui pose des problèmes administratifs en cascade, notamment pour l’intégration des solutions expérimentales dans le référentiel de calcul évoqué ci-dessus.

Votre rapporteure ne peut que réaffirmer ici la pertinence des critiques formulées par l’OPECST et la nécessité de faire évoluer les procédures et le cadre réglementaire du CSTB pour améliorer l’arrivée sur le marché de produits plus efficaces dans la rénovation thermique.

2.   Les évolutions réglementaires sont source de crispations pour la recherche et développement

À l’occasion de ses auditions, la mission d’information a pu entendre les inquiétudes des professionnels sur plusieurs points concernant l’évolution de la réglementation thermique.

L’une des critiques concerne les modalités des changements de réglementation. Comme pour les autres activités du secteur du bâtiment, des changements mal anticipés ont en effet une incidence négative sur l’innovation, qui se conçoit sur des temps longs. Votre rapporteure rappelle donc sur ce point ses précédentes recommandations (cf. supra).

Une autre crainte formulée par les représentants entendus par la mission concerne le risque de surtransposition des directives européennes dans la réglementation du bâtiment. Plusieurs représentants industriels entendus craignent que ce phénomène entraîne une perte de compétitivité des produits français, alors que la production de valeur associée à ces produits est encore largement conservée en France à l’heure actuelle.

Enfin, des alertes ont été formulées devant la mission concernant certains volets de la réglementation thermique.

D’après la FIEEC, le domaine de la ventilation est délaissé dans l’approche réglementaire de la construction neuve ou de la rénovation, alors qu’il s’agit d’un élément important pour garantir la bonne santé d’un bâtiment correctement isolé. Elle préconise des actualisations pour plusieurs documents encadrant la ventilation, à commencer par les règlements sanitaires départementaux type (RSDT), qui déterminent des prérequis et qui ont peu évolué depuis 1982.

Énergies et avenir et la FIEEC ont également regretté que les systèmes de régulation et de contrôle des usages énergétiques soient peu concernés par les réglementations thermiques alors qu’ils participent à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments.

Dans les deux cas, des évolutions sont souhaitées par les professionnels afin de valoriser ces produits en les intégrant aux parcours de rénovation, ce qui dynamiserait en conséquence l’innovation grâce à l’ouverture de débouchés.

Proposition n° 51 : Lever les freins administratifs qui entravent l’innovation et anticiper l’impact des évolutions réglementaires sur celle-ci.

– Accélérer les procédures d’évaluation technique et les procédures dites du « Titre V » ;

– Suivre les recommandations formulées par l’OPECST pour l’évolution du rôle et des missions du CSTB ;

– En collaboration avec les filières professionnelles, procéder au toilettage de certaines réglementations obsolètes.

C.   Les aides à la rénovation ne favorisent pas nécessairement les produits innovants

L’idée selon laquelle les aides publiques à la rénovation thermique ne sont pas des soutiens à l’innovation peut sembler étonnante de prime abord. En effet, l’attribution des primes à la rénovation est fondée sur des critères de performance énergétique qui devraient normalement privilégier les équipements et les matériaux les plus performants.

Toutefois, le fonctionnement du marché peut transformer ces aides en une prime à l’existant, et donc fortement réduire l’intérêt de l’innovation. Ce phénomène appelle quelques explications.

La détermination des critères de performance énergétique pour l’attribution des aides s’établit nécessairement d’après les produits disponibles sur le marché. Ces derniers ont déjà amorti le coût de l’innovation dans la composition de leur prix. En conséquence, les aides à la rénovation donnent un avantage compétitif aux entreprises déjà installées sur les créneaux subventionnés. Les entreprises innovantes doivent alors faire face à des gammes de produits bénéficiant d’une situation de rente, alors que leurs produits, bien qu’a priori plus performants, auront un coût supérieur qui ne baissera que lentement, au fur et à mesure de l’augmentation de leurs ventes.

Or, un phénomène propre au fonctionnement du marché de la rénovation vient perturber l’arrivée des produits innovants. Il a notamment été décrit dans l’étude déjà citée de MM. Glachant, Kahn et Lévêque, que nous reproduisons ci‑après. Ces derniers expliquent en effet que les clients disposant d’une faible expertise pour les travaux de rénovation, « [ils] ont tendance à prendre leur décision d’achat sur la base de leur perception de la qualité moyenne sur le marché […]. Dans ce contexte, ne survit alors sur le marché que la mauvaise qualité puisqu’elle bénéficie d’un avantage concurrentiel sur la bonne, celui d’être moins coûteuse à produire. Se crée un cercle vicieux puisque la mauvaise qualité réduit la réputation collective de la rénovation et donc la propension des propriétaires à rénover. Pour contrer le phénomène, il est alors nécessaire d’offrir des subventions et des primes de plus en plus élevées pour maintenir le rythme de la rénovation du parc de logements. »

Ce raisonnement laisse donc à penser que les produits innovants, plus chers et moins bien identifiés sur le marché, sont donc nettement disqualifiés dans un système où les primes versées n’orientent pas forcément les acheteurs vers ces produits normalement de meilleure qualité.

La revalorisation des produits innovants passerait donc par l’arrêt progressif des aides aux produits au profit d’un système d’aides au projet de rénovation. Un tel système, qui rejoint la logique de la rénovation globale, favoriserait en effet le recours aux équipements les plus performants, ce qui motiverait d’autant l’investissement dans la recherche et le développement.

Mais avant d’engager un tel changement de paradigme, il est important de disposer d’un retour d’expérience suffisant. Il serait donc utile de réserver une petite partie des aides publiques finançant des primes à l’équipement pour créer une enveloppe spéciale permettant de financer plusieurs projets innovants. Ces projets pourraient alors avoir recours à des produits chers mais très performants sans que les plafonds de dépenses existant dans les dispositifs d’aide classique ne soient un obstacle.

Proposition n° 52 : Consacrer une enveloppe budgétaire permettant de financer des projets de rénovation innovants ayant recours à des équipements très performants afin d’améliorer la connaissance sur ces produits.

 


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   Propositions de la mission d’information

Améliorer le pilotage et le suivi des politiques de rénovation thermique des bâtiments

Proposition n° 1 : Mesurer systématiquement le nombre de rénovations effectuées chaque année selon une définition stricte utilisée par tous les acteurs, et distinguer les rénovations globales permettant d’atteindre les seuils A et B du DPE équivalents au niveau BBC.

Proposition n° 2 : Doter l’Observatoire national de la rénovation énergétique des moyens humains et financiers nécessaires au démarrage réel de son activité à l’occasion de la prochaine loi de finances et développer des partenariats avec d’autres acteurs innovants travaillant sur le sujet de la rénovation thermique.

Proposition n° 3 : Créer un Observatoire de la performance énergétique des bâtiments qui reprendrait les missions d’analyse de l’Observatoire national de la rénovation énergétique et les missions de collecte des données d’autres opérateurs (DPE, OPERAT, etc.). Cet observatoire remplirait également une mission de contrôle des chantiers de rénovation puis, à terme, de contrôle des performances énergétiques des constructions neuves.

Proposition n° 4 : Améliorer la qualité des documents de planification de la transition énergétique (SRADDET, PCAET) en uniformisant les méthodes de conception et leur présentation ainsi qu’en fixant des objectifs de rénovation basés sur des données pouvant être agrégées (par exemple, le nombre et le type de logement rénovés). Ces améliorations doivent faciliter la coordination ascendante et descendante entre les politiques nationales et territoriales.

Proposition n° 5 : Créer un Conseil supérieur de la rénovation énergétique chargé d’émettre des avis sur les réglementations le concernant, de piloter les différentes politiques liées à la rénovation énergétique, et de participer à la gestion et à l’analyse du dispositif des CEE.

Proposition n° 6 : Fixer un calendrier stratégique pour la réactualisation des réglementations de la construction et des aides publiques à la rénovation, coordonné avec les réactualisations de la SNBC et de la PPE, afin de sécuriser l’activité des professionnels du bâtiment.

Proposition n° 12 : Établir une programmation pluriannuelle de la rénovation thermique du parc de logements sociaux en concertation avec les bailleurs, afin d’échelonner les travaux et de prévoir les financements dédiés.

 Dans le cadre du financement, le plafond des prêts dédiés à la rénovation des logements sociaux sera augmenté pour maximiser les rénovations très performantes ;

 La programmation doit prévoir les modulations réglementaires nécessaires aux bailleurs sociaux pour adapter leurs différentes stratégies de rénovation à long terme.

Proposition n° 22 : Retenir une mesure en énergie finale pour le DPE afin de le stabiliser dans le temps. Réfléchir à un outil de mesure des émissions de carbone qui soit distinct mais complémentaire du DPE.

Proposition n° 25 : Réaffirmer la primauté de l’objectif de conduire des rénovations globales et concentrer progressivement les aides sur des rénovations complètes permettant de viser le niveau BBC en une seule opération ou en plusieurs opérations planifiées dès le départ. Accélérer et renforcer le déploiement du carnet d’information du logement (CIL).

Proposition n° 32 : Regrouper dans un programme budgétaire unique l’ensemble des aides concourant à la politique de rénovation thermique.

Proposition n° 33 : Améliorer le suivi des crédits budgétaires consacrés à la rénovation thermique des bâtiments de l’État grâce à un document budgétaire dédié ou, a minima, par une présentation spécifique dans le document budgétaire de politique transversale « Politique immobilière de l’État ».

Proposition n° 35 : Recenser les crédits mobilisés pour la rénovation thermique dans les différentes dotations de l’État dédiées aux collectivités et faire un état des lieux annuel des projets financés par ces crédits, notamment au regard des objectifs du décret « tertiaire » et de la SNBC.

Proposition n° 39 : Instaurer une loi de programmation pluriannuelle sur la rénovation énergétique des bâtiments regroupant l’ensemble des dispositifs budgétaires, fiscaux et financiers (notamment les CEE) et prévoyant leur évolution pour une période de cinq ans. Prévoir que le Gouvernement présente un bilan annuel de l’exécution devant le Parlement.

Proposition n° 40 : Mettre en œuvre différentes pistes d’amélioration du dispositif des CEE.

 Stabiliser les orientations stratégiques du dispositif sur le temps long et fixer les objectifs d’une nouvelle période à mi-parcours de la période en cours ;

 Concentrer le dispositif sur les fiches CEE les plus efficientes en termes d’économies réelles d’énergie et parvenir à terme à la délivrance des certificats en fonction des économies constatées après contrôle ;

 Réfléchir à une possibilité de verser les financements correspondant aux CEE précarité à l’ANAH ou à des collectivités territoriales, afin de financer des projets de rénovation globale pour les ménages précaires plus efficaces que les rénovations par gestes financées par les primes CEE ;

 Améliorer les moyens de contrôle du dispositif et réfléchir au financement du contrôle via un programme dédié ;

 Envisager l’extension de l’assiette sur laquelle les obligations d’économies d’énergies sont calculées en y intégrant les ventes d’énergie à l’industrie, afin de dégager de nouveaux financements.

Améliorer la communication, l’information et l’accompagnement des publics

Proposition n° 8 : Améliorer la bonne utilisation des aides aux particuliers en uniformisant les conditions d’éligibilité entre les aides, en améliorant la lisibilité et la compatibilité de celles-ci et en facilitant les démarches administratives.

Proposition n° 13 : Intégrer un guichet d’information FAIRE sur la rénovation énergétique dans les maisons France service et prévoir un financement pérenne idoine.

Proposition n° 14 : Continuer l’homogénéisation des missions du SPPEH sur tout le territoire, fixer une échéance pour son déploiement national à 2022 et préserver les capacités d’innovation de ses acteurs.

 Préserver les dispositifs d’accompagnement qui vont au-delà du socle commun ;

 Fiabiliser le réseau existant des PTRE ;

 Pérenniser le financement du SPPEH sur le long terme, au-delà du programme SARE ;

 Adapter les conditions de financement aux actions innovantes des PTRE.

Proposition n° 23 : Renforcer le recours à des maîtres d’œuvre ou à une assistance à maîtrise d’ouvrage pour les chantiers de rénovation des copropriétés en assurant tout ou partie de leur financement par l’État.

Proposition n° 48 : Renforcer le réseau FAIRE dans ses missions d’accompagnement des copropriétés pour les inciter à la réalisation de travaux de rénovation énergétique. Permettre à l’État et aux collectivités d’abonder les fonds de travaux des copropriétés avec obligation de dépenser les fonds concernés pour des opérations de rénovation énergétique dans un délai limité.

Améliorer le financement des rénovations des logements

Proposition n° 7 : Confier à la mission spécifique sur le financement de la rénovation des passoires thermiques le soin de formuler des propositions concernant les incitations des multipropriétaires à la rénovation des logements qu’ils possèdent. Étudier pour cela l’élaboration d’un crédit d’impôt spécifique pour les ménages aisés qui effectuent des travaux de rénovation dans les logements dont ils sont propriétaires et qui sont occupés par des ménages en situation de précarité énergétique.

Proposition n° 11 : Introduire la possibilité pour les bailleurs sociaux de réclamer une contribution solidaire au titre de l’amélioration thermique du logement aux locataires lorsque leurs revenus correspondent aux critères ouvrant droit à la perception d’un surloyer.

Proposition n° 27 : Instaurer une obligation de rénovation globale des copropriétés dont la consommation est supérieure à 331 kWh par mètre carré et par an à partir de 2026. Assortir cette obligation du financement du reste à charge et de l’assistance à maîtrise d’ouvrage par l’État. Sanctionner le non-respect de cette disposition par une majoration de la valeur cadastrale ou obliger les collectivités à voter deux taux différents de taxe foncière avec un écart suffisamment pénalisant.

Pour les logements individuels classés F et G, réfléchir à la constitution d’une consignation à hauteur de 5 % de la valeur du bien pour financer des travaux de rénovation lors de la mutation du bien.

Proposition n° 31 : Permettre au bailleur d’un logement d’effectuer une donation temporaire d’usufruit (DTU) à une société de rénovation thermique pour qu’elle puisse effectuer les travaux tout en se rémunérant par les revenus locatifs.

Proposition n° 38 : Soutenir le développement et la consolidation du marché de la rénovation thermique au-delà du plan de relance en renforçant les budgets dédiés à la rénovation des bâtiments publics et privés.

Proposition n° 42 : Réfléchir aux conditions d’établissement d’opérateurs publics ou privés de référence (opérateurs ensembliers au sens de France Stratégie) chargés de financer et de réaliser les opérations de rénovation globale et appuyés sur un fonds de garantie publique.

Proposition n° 43 : Prolonger le dispositif de l’éco-PTZ, individuel et pour les copropriétés, jusqu’en 2030. Multiplier le plafond par 4 et augmenter la durée maximale de remboursement à trente ans.

Proposition n° 45 : Réfléchir à la mise en place de prêts hypothécaires rechargeables pour la rénovation afin de permettre aux ménages de bénéficier d’une « extension » des conditions de leur prêt immobilier, pendant une durée donnée, pour financer des travaux de rénovation énergétique après l’acquisition.

Proposition n° 46 : Améliorer le schéma de refinancement des sociétés de tiers-financement en étudiant la possibilité de recourir à des mécanismes de sortie de bilan des prêts effectués grâce à une garantie apportée par les banques publiques d’investissement.

Proposition n° 47 : Rattacher les cotisations issues du fonds de travaux à la personne et non plus au lot.

Proposition n° 49 : Inciter les banques à prêter directement aux copropriétés, via des prêts collectifs, avec des plafonds suffisants pour permettre d’anticiper le coût de travaux de rénovations lourdes permettant d’atteindre le niveau BBC

Lutter contre la précarité énergétique

Proposition n° 9 : supprimer la règle d’écrêtement de MaPrimeRénov’ pour les ménages très modestes et prévoir un accompagnement pour ces derniers ainsi que pour les personnes âgées, à l’instar de ce qui existe dans le dispositif Habiter Mieux Sérénité.

Proposition n° 28 : Conformément à la proposition de la CCC, abaisser le seuil du décret « décence » au seuil de la classe F (331 kWh par mètre carré et par an) à partir de 2025.

Instaurer un décret « décence » électrique fixé au seuil des classes F (331 kWh) et G (450 kWh) en énergie primaire.

Définir un calendrier de réduction progressive des classes énergétiques pour atteindre la classe A ou B, accompagné d’une interdiction de mise en location des logements classés E dès 2030, des logements classés D dès 2035, des logements classés C en 2040 et des logements de la classe B en 2045. Renforcer les sanctions en cas de défaut, notamment via des systèmes d’astreinte.

Proposition n° 29 : Développer les mécanismes de repérage et de communication envers les ménages en situation de précarité énergétique, notamment par le biais des chèques-énergie et par le biais des dispositifs d’accompagnement mis en place par l’ANAH.

Proposition n° 30 : Réfléchir à l’instauration d’un système d’autorisation du locataire à effectuer des travaux d'économie d’énergie avec l’accord du propriétaire et élargir l’accès aux aides publiques au locataire.

Proposition n° 41 : Fixer pour objectif que le système d’aides publiques puisse garantir à tous les ménages modestes un reste à charge nul sur leurs opérations de rénovation globales ou un financement entièrement couvert par les économies générées.

Mesures pour l’amélioration des bâtiments tertiaires publics et privés

Proposition n° 26 : Prévoir à partir de 2030 une nouvelle obligation de baisse de la consommation énergétique pour les bâtiments tertiaires dont la surface est comprise entre 500 et 1 000 mètres carrés, avec un objectif de ‑45 % de la consommation d’ici 2040.

Proposition n° 10 : Améliorer le panel des aides dédiées aux entreprises en développant de nouveaux outils financiers adaptés, en promouvant les contrats de performance énergétique et en assurant une meilleure information, notamment grâce au réseau Faire.

Proposition n° 15 : Mieux diffuser l’information sur l’offre d’ingénierie dédiée aux collectivités, notamment via le réseau FAIRE, et adapter le financement des organismes délivrant cette offre (ANCT, CEREMA ou agences d’ingénierie des collectivités territoriales) pour répondre aux besoins à venir, notamment ceux des petites communes.

Proposition n° 16 : Aligner les critères de la commande publique en matière de rénovation de bâtiments sur les critères RGE. Prioriser le recours à des entreprises RGE lors des commandes publiques.

Proposition n° 24 : Inciter les collectivités à recourir à des contrats de performance énergétique dans le cadre d’opérations de rénovation thermique, en basant leurs appels d’offres sur des objectifs de performance énergétiques bien définis en amont.

Proposition n° 34 : Finaliser l’audit énergétique des bâtiments de l’État au plus tard en 2025 afin de connaître la classification énergétique de l’ensemble du parc et ainsi mieux cibler les immeubles les plus énergivores.

Proposition n° 36 : Améliorer l’emploi des financements mis à la disposition des collectivités pour rénover leurs bâtiments (dotations de l’État, prêts de la Banque des territoires, fonds européens) grâce à une meilleure communication, une attractivité renforcée des produits (baisse des taux d’emprunt) et un traitement plus fluide des demandes de financement.

Proposition n° 37 : Optimiser l’emploi des crédits du plan de relance pour la rénovation et valoriser l’expérience acquise grâce aux chantiers financés

 Réattribuer les crédits non utilisés à des projets initialement non retenus lors des appels à projets pour les bâtiments de l’État ;

 Faire des chantiers publics un lieu de formation et d’expérimentation pour les professionnels du bâtiment ;

 Prévoir l’analyse ex post des chantiers de rénovation financés par le plan de relance ;

 Valoriser les enseignements tirés des projets en diffusant les bonnes pratiques et les types de chantiers les plus efficients ;

 S’assurer que les crédits dédiés aux collectivités territoriales tiennent compte des spécificités de chacune et corrigent les inégalités entre elles.

Proposition n° 44 : Instaurer un mécanisme de garantie des prêts à la rénovation énergétique pour les entreprises, inspiré de celui mis en place dans le cadre des prêts garantis par l’État (PGE) pour faire face à la pandémie. Instaurer une exonération partielle de CFE pour les entreprises qui entreprendraient des travaux de rénovation très performants permettant un saut d’au moins deux classes énergétiques.

Permettre la montée en compétence des filières de la rénovation

Proposition n° 17 : Tripler le nombre de places ouvertes sur des formations à la construction durable et à la rénovation, notamment au niveau des IUT. Mener un effort d’ouverture de formations de ce type dans les territoires d’outre-mer.

Proposition n° 18 : Développer la formation duale en France et rémunérer les artisans pour former les apprentis. Réfléchir à une formation de « designer énergétique » permettant d’accompagner les projets dans leurs différents aspects. S’assurer de la solidité de la filière des diagnostiqueurs.

Proposition n° 19 : Renforcer sensiblement la prise en charge des frais de formation, de déplacement et de reconversion des salariés souhaitant acquérir des qualifications complémentaires dans le domaine de la rénovation énergétique, y compris pour les entreprises de plus de dix salariés. Prendre en charge les pertes d’activité liées à la formation pour les entreprises de moins de 5 salariés.

Proposition n° 20 : Obliger les entreprises à qualifier les salariés qui établissent les devis commerciaux aux techniques RGE. Encourager parallèlement la formation « métier » des salariés intervenant sur les chantiers.

Proposition n° 21 : Rendre obligatoire l’outil des réceptions de chantier et le normaliser, avec conclusion d’un accord sous format numérique transmis à l’Observatoire de la rénovation énergétique. Limiter la retenue de garantie sur chantier à 5 %. Doubler la durée de la garantie de parfait achèvement. Rendre obligatoire le droit de rétractation sur 15 jours.

Favoriser l’innovation

Proposition n° 50 : Adapter les dispositifs publics d’aide à la recherche aux spécificités de la filière du bâtiment et développer l’offre publique de recherche pour ce domaine

 Mettre en place un guichet de financement pour la recherche non technologique dans le bâtiment (bâtiments d’expérimentation, amélioration des méthodes de construction, connaissance des usages, etc.) ;

 Pérenniser les programmes soutenant le développement des bonnes pratiques (PACTE, PUCA) ;

 Promouvoir l’émergence de pôles de recherche dédiés à l’innovation dans le bâtiment, notamment au niveau de bassins locaux.

Proposition n° 51 : Lever les freins administratifs qui entravent l’innovation et anticiper l’impact des évolutions réglementaires sur celle-ci.

 Accélérer les procédures d’évaluation technique et les procédures dites du « Titre V ».

 Suivre les recommandations formulées par l’OPECST pour l’évolution du rôle et des missions du CSTB ;

 En collaboration avec les filières professionnelles, procéder au toilettage de certaines réglementations obsolètes.

Proposition n° 52 : Consacrer une enveloppe budgétaire permettant de financer des projets de rénovation innovants ayant recours à des équipements très performants afin d’améliorer la connaissance sur ces produits.


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   EXAMEN du rapport en commission

Lors de sa réunion du mercredi 10 février 2021, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à l’examen du rapport de la mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

http://assnat.fr/p04R5J

 

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À l’issue de la réunion, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a autorisé la publication du rapport d’information.

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   ANNEXES


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Plan de rénovation énergétique des bâtiments (2018) : quelle mise en œuvre ?

Axes du plan

Actions

État des lieux

Axe 1 : Faire de la rénovation énergétique des bâtiments une priorité nationale

Action n° 1 – Définir des objectifs clairs et ambitieux

Réalisée, mais la concrétisation sur le terrain tarde à venir

 

Des objectifs quantitatifs et qualitatifs (500 000 rénovations complètes de logements, qualité BBC du parc immobilier, économies d’énergie à atteindre pour le tertiaire,) ont été définis dans la loi, puis dans la SNBC et la PPE (370 000 rénovations complètes équivalentes dans un premier temps, puis 700 000 rénovations du même type). Le retard pris sur la trajectoire à suivre et les difficultés pour réaliser les objectifs passés posent néanmoins la question de la pertinence de ces nouveaux objectifs. Des ajustements sont donc à envisager, notamment pour les politiques publiques permettant leur atteinte.

 

Voir propositions nos 6, 12, 25, 27, 28, 39, 40

Action n° 2 – Améliorer le suivi de la rénovation énergétique et de l’accès aux données

En cours

 

La collecte des données est encore en cours. Des dispositions ont été prises pour faciliter l’accès à certaines d’entre elles (DPE, consommation énergétique du parc tertiaire), mais d’autres données sont encore peu exploitées (données des énergéticiens, données foncières). Le recoupement des données au moyen d’une identification des bâtiments et des logements n’est pas encore effectué. Par ailleurs, des enquêtes devraient être relancées selon une méthodologie uniformisée et avec une régularité suffisante pour avoir un suivi pertinent des politiques de rénovation. Concernant le traitement des données, l’Observatoire national de la rénovation énergétique a été créé pour fournir des analyses sur l’état de la rénovation thermique. Ses travaux débutent, mais ses moyens sont insuffisants et ses analyses reposent encore sur différentes données difficilement utilisables.

 

Voir propositions nos 1, 2, 3, 21, 22, 25, 32, 33, 34, 35, 39, 40

Action n° 3 – Mettre en place un pilotage resserré, associant les collectivités territoriales, pour des actions co-construites avec tous les acteurs

Non réalisée

 

Le comité de pilotage pour la rénovation énergétique des bâtiments (COPREB), prévu par le plan, n’a pas été créé. Il faut remédier à l’absence de cet outil collaboratif. Plus encore qu’un comité de pilotage, un Conseil de la rénovation énergétique pourrait être créé pour remplir à la fois les missions de pilotage, de concertation, d’analyse et de suivi des politiques de rénovation énergétique aux niveaux national et local. Il émettrait également des avis sur les réglementations concernant la rénovation énergétique et participerait au pilotage et au contrôle du dispositif des CEE. Les collectivités territoriales seraient mieux associées au sein de ce conseil en raison des responsabilités leur incombant (stratégies régionales et locales pour la transition énergétique, communication sur la rénovation thermique).

 

Voir propositions nos 5

Axe 2 : Massifier la rénovation des logements et lutter contre la précarité énergétique

Action n° 4 – Porter une communication aux messages renouvelés, qui donne envie, et créer une signature commune de la rénovation, qui donne confiance

En cours

 

La marque FAIRE a été créée pour faciliter la communication nationale sur la rénovation thermique et a commencé à faire l’objet de communications sur différents supports. Elle est encore en cours de déploiement au sein du réseau des pôles territoriaux pour la rénovation énergétique (PTRE). Le but est de disposer d’un point d’entrée national de référence qui puisse orienter les ménages et les entreprises vers les conseillers locaux. Les missions des PTRE devront être articulées autour d’un socle commun sans pour autant empêcher des expériences innovantes pour l’accompagnement des publics.

 

Il faut désormais prévoir une échéance pour le déploiement national des PTRE. Il faut aussi veiller à ce que les dispositifs existants ne soient pas systématiquement remis en question afin de ne pas perdre les bénéfices tirés de l’expérience et de leur réputation au niveau territorial.

 

Voir propositions nos 4, 13, 14

Action n° 5 – Placer les territoires au cœur de la stratégie de massification

Partiellement réalisée et à améliorer

 

Les régions ont la responsabilité de planifier les politiques de transition énergétique qui incluent la rénovation thermique. Elles s’appuient sur les EPCI pour déployer notamment le service public de performance énergétique de l’habitat (SPPEH).

 

Toutefois, les initiatives locales sont encore mal articulées avec des politiques nationales (MaPrimeRénov’) qui viennent souvent se surajouter et sur lesquelles les collectivités disposent de peu d’informations. Une meilleure coordination (cf. axe n 1, action n° 3) est dont nécessaire pour effectivement faire des territoires le centre névralgique d’une politique locale de rénovation adaptée aux spécificités locales.

 

Voir propositions nos 3, 4, 14

Action n° 6 – Rendre les parcours, aides, financements et incitations lisibles, cohérents, efficaces et mobilisateurs pour tous les ménages, y compris en copropriétés

Partiellement réalisée

 

La création et l’extension de MaPrimeRénov’ doit permettre de créer un système de référence pour les aides publiques à la rénovation, destiné à l’ensemble des ménages. Mais il est encore complexe à utiliser et d’autres dispositifs viennent le compléter (Action Logement, aides territoriales) ou concernent d’autres types d’accompagnement (Habiter Mieux Sérénité), ce qui rend difficilement lisible l’écosystème des aides publiques à la rénovation. Une clarification pourrait être réalisée en renforçant le système dédié aux ménages modestes et très modestes (le programme Habiter Mieux de l’ANAH) et en réservant MaPrimeRénov’ aux autres publics.

 

Voir propositions nos 13, 14, 23, 30, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49

Action n° 7 – Lutter en priorité contre la précarité énergétique

Partiellement réalisée

 

Les crédits de l’ANAH ont été revalorisés pour que l’agence accompagne plus de ménages en situation de précarité énergétique. Mais cet effort risque d’être contrebalancé par la montée en puissance de MaPrimeRénov’, qui est ouvert à ces ménages sans pour autant être adapté à leurs problématiques (pas d’accompagnement, reste à charge encore conséquent).

 

Il faut tout d’abord améliorer la communication auprès des ménages en situation de précarité énergétique, notamment grâce aux actions ciblées des PTRE, des collectivités territoriales ou encore grâce au chèque-énergie qui concerne cette population. En parallèle il faut renforcer les capacités d’accueil et d’accompagnement de l’ANAH pour aider les ménages précaires à trouver des solutions de rénovation efficaces, performantes et financièrement viables.

 

Voir propositions nos 9, 29, 30, 40, 41

Axe 3 : Accélérer la rénovation et les économies d’énergie des bâtiments tertiaires

Action n° 8 – Maintenir une exigence ambitieuse de rénovation du parc tertiaire, public et privé

 

Réalisée. À étendre

 

La loi « ELAN », suivie du décret « tertiaire » et de ses arrêtés, a fixé une trajectoire de réduction de la consommation d’énergie ambitieuse pour les bâtiments tertiaires (40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050). Elle concerne le secteur privé et le secteur public. Elle s’appliquera tout d’abord aux bâtiments de 1 000 mètres carrés et plus. À cette première étape devra succéder une seconde étape, décalée dans le temps, permettant de procéder à la rénovation thermique du parc tertiaire restant.

 

Voir propositions nos 16, 26, 34, 35, 39

Action n° 9 – Favoriser la rénovation du parc tertiaire public en mobilisant des financements et des stratégies innovants

Partiellement réalisée. Effort financier à maintenir ou à augmenter.

 

Concernant le financement des projets publics (État et collectivités territoriales), le plan de relance a fortement augmenté les crédits ouverts pour la rénovation thermique de leurs bâtiments. Il faut s’assurer de leur bon emploi par les acteurs publics Ce renforcement de court terme doit aussi être maintenu au-delà du plan. Dans le même ordre d’idée, les enveloppes ouvertes auprès de la Banque des territoires pour financer les projets des collectivités territoriales sont également importantes mais restent sous-employées. Il faut donc augmenter le recours aux dispositifs de prêt existants en les rendant attractifs. Enfin, les dispositifs innovants, comme les contrats de performance énergétique, le tiers financement ou l’intracting doivent être développés.

 

Voir propositions nos 15, 24, 36, 37, 378

Action n° 10 – Favoriser la sobriété énergétique par l’évolution des usages et l’éducation

Partiellement réalisée

 

Ce point est complémentaire de la politique de rénovation thermique. Des programmes CEE pour les ménages ou les publics scolaires permettent de financer des animations et des dispositifs techniques proposant des approches pédagogiques de la sobriété énergétique. Ces initiatives sont louables mais ne concernent pas encore tous les publics et tous les territoires. Le développement du SPPEH pourrait améliorer ce point. Toutefois, il ne faut pas que les futurs pôles territoriaux de la rénovation énergétique mettent à mal les espaces info énergie (EIE) qui sont notamment spécialisés dans la promotion de la sobriété énergétique.

 

Voir propositions nos 14

Axe 4 : Renforcer les compétences et l’innovation

Action n° 11 – Accélérer la montée en compétence de la filière pour améliorer la confiance et la qualité

Partiellement réalisée

 

Les besoins en termes de qualification de la filière de la construction sont connus et des initiatives ont été mises en place pour améliorer la formation des professionnels, comme le programme FEEBAT. Le label RGE participe également à la qualification des entreprises ; cependant les entreprises délaissent ces qualifications en l’absence de marché pérenne. De plus, les dispositifs de formation professionnelle sont peu adaptés aux petites entreprises du bâtiment. Enfin, le nombre de personnes en apprentissage ou en formation initiale est encore trop faible par rapport aux enjeux de la massification.

 

Voir propositions nos 17, 18, 19, 20, 21, 37

Action n° 12 – Soutenir l’innovation, notamment numérique, et sa diffusion

Partiellement réalisée

 

L’innovation est en partie soutenue par les différents dispositifs publics de soutien à la recherche, qui sont notamment mis à profit par les fournisseurs industriels. Il existe aussi des travaux consacrés à l’adaptation des outils numériques à la thématique de la rénovation énergétique. Mais les recherches sont disséminées entre différents centres. Il faudrait développer des centres de référence sur le sujet qui pourraient coordonner les recherches et diffuser les résultats obtenus. Enfin, il faudrait adapter les outils aux spécificités du secteur du bâtiment, pour lequel l’innovation n’est pas que technologique, mais passe surtout par l’amélioration des méthodes de construction.

 

Voir propositions nos 37, 50, 51, 52

 

 


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Liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

 

Mme Anne-Lise Deloron Rocard, coordinatrice interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments MCTRCT – MTES

Plan bâtiment durable

M. Philippe Pelletier, président

Mme Marie Gracia, chargée de mission

Agence de la transition écologique (ADEME)

M. Arnaud Leroy, président

Mme Joëlle Colosio, directrice exécutive adjointe aux territoires

M. Gilles Aymoz, directeur adjoint « Villes et territoires durables »

Électricité de France (EDF)

M. Jean-Philippe Laurent, directeur stratégie et développement du pôle « Clients, services et territoires »

Mme Chantal Degand, directrice adjointe du département solutions innovantes et usages bas carbone de la direction stratégie et développement du pôle « Clients, services et territoires »

M. Bertrand Le-Thiec, directeur des affaires publiques

Groupe « Se Loger » de la Convention citoyenne pour le climat

M. Jean-Pierre Cabrol, animateur du groupe

M. Grégoire Fraty

M. William Aucant

Mme Muriel Pivard

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

Mme Valérie Mancret-Taylor, directrice générale

M. Vincent Perrault, chef du Lab Innovation

Observatoire de la rénovation énergétique

M. Thomas Lesueur, Commissaire général au développement durable

Mme Béatrice Sedillot, cheffe du service des données et études statistiques au sein du Commissariat général au développement durable

QUALIBAT

M. Éric Jost, directeur général

Association française du gaz (AFG)

M. Patrick Corbin, président

M. Thierry Chapuis, délégué général

Mme Laurence Confort, directrice « Communication et stratégie »

M. Max-Erwann Gastineau, responsables « Affaires publiques »

Saint-Gobain

M. Pierre-André de Chalendar, président-directeur général

M. Guillaume Texier, directeur général adjoint

Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE)

M. Thierry Repentin, président

Institute for Climate Economics (I4CE)

Mme Louise Kessler, directrice du programme « Économie »

M. Hadrien Hainaut, chef du projet « Panorama des financements climat »

M. Maxime Lézet, chargé d’études

Initiative Rénovons

M. Manuel Domergue, directeur des études pour la Fondation Abbé Pierre

M. Eric Malvergne, chargé de mission « Rénovation énergétique » – Fédération SOLIHA

M. François Boulot, responsable du suivi des questions de précarité énergétique et de rénovation pour le Secours Catholique - Caritas France

M. Danyel Dubreuil, CLER, coordinateur de l'Initiative Rénovons

Ministère de l'économie, des finances et de la relance – Direction du budget

M. Laurent Pichard, sous-directeur, chargé de la 4e sous-direction

Mme Ingrid Barrat, 4e sous-direction

M. Romain Lefevre, adjoint au bureau de l’exécution, en charge de la synthèse sur la politique immobilière de l’État

Ministère de la transition écologique – Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Olivier David, chef du service « Climat et efficacité énergétique »

Cour des comptes

M. Philippe Hayez, président de section

M. Denis Berthomier, conseiller maître

M. Olivier Mary, rapporteur extérieur

Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD)

M. Alain Weber, inspecteur général de l’administration du développement durable membre de la section « Habitat, cohésion sociale et développement territorial »

Mme Florence Tordjman, inspectrice générale de l’administration du développement durable, présidente de la section « Transition énergétique, construction et innovation »

Fédération française du bâtiment

M. Olivier Salleron, président

M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques

M. Benoît Vanstavel, directeur des relations institutionnelles

Table ronde sur les matériaux, équipements et procédés dédiés à la rénovation énergétique des bâtiments

 Syndicat national des industries du plâtre (SNIP)

Mme Christine Muscat, présidente

M. Jean-Michel Guihaumé, délégué général

 Association Énergies & Avenir

M. Philippe Méon, président

Mme Tania Chemtob, chargée de relations publiques de BCW Global

 Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC)

M. Frédéric Bruyère, président du groupe de travail « Efficacité énergétique »

Mme Florence Monier, directrice « Énergie et environnement »

 Pôle de compétitivité Fibres-Énergivie

M. Jean-Luc Sadorge, directeur général du pôle « Fibres »

 Fédération de l'industrie du béton (FIB)

M. Philippe Gruat, vice-président

M. Jacques Manzoni, directeur général délégué

 Fédération du négoce du bois et des matériaux de construction (FNBM)

M. Franck Bernigaud, président

 Association Construire en chanvre

M. Hervé Pottier, membre du conseil d’administration de Construire en Chanvre et directeur de Cavac Biomatériaux / Biofib’ Isolation

Mme Nathalie Fichaux, secrétaire générale de Construire en chanvre

 Saint Gobain

M. Pierre-Emmanuel Thiard, directeur général adjoint d’ISOVER&Placo, filiale de Saint-Gobain

M. Jacques de Tournemire, directeur associé de Lysios Public Affairs

Table ronde sur la rénovation énergétique dans la formation initiale et professionnelle des métiers du bâtiment

 Formations aux économies d’énergie (FEEBAT)

M. Julien Thomas, secrétariat technique (AQC),

Mme Catherine Gillet, pilote du programme (EDF)

 France compétences

M. Mikaël Charbit, directeur de la certification professionnelle

 OPCO Constructys

M. Hervé Dagand, responsable de l’Observatoire, études & ingénierie

M. Dominique Naert, directeur du mastère spécialisé® Executive Immobilier et Bâtiment Durables, École des Ponts ParisTech

 Institut NégaWatt

M. Vincent Legrand, directeur de l’institut NégaWatt

Mme Léana Msika, chargée de projet « Dorémi »

 Ministère de l’Éducation nationale

M. Régis Rigaud, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR)

M. Cédric Dziubanowski, inspecteur d’académie-inspecteur pédagogique régional (IA-IPR) à Nantes et chargé de mission national pour le BTP

 Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

M. Yvan Lagadeuc, conseiller scientifique à la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle

– Mme Brigitte Vu, ingénieure en efficacité énergétique des bâtiments, enseignante chercheuse du département « Énergie » de l'Université de technologie de Belfort Montbéliard (UTBM)

Table ronde sur la rénovation énergétique
du parc immobilier de l’État

 Direction de l’immobilier de l’État

M. Alain Resplandy-Bernard, directeur

 Fédération hospitalière de France

M. Alexandre Mokede, responsable du pôle « Offre de soins »

M. Laurent Bizien, chargé de mission « Efficience et développement durable » à la mission d’appui à la performance des établissements et services sanitaires et médico-sociaux des Pays de la Loire

 Conférence des présidents d’université

M. Vincent Huault, vice-président « Patrimoine » de l’Université de Lorraine et animateur du programme PEEC 2030 porté par la CPU

M. Patrice Barbel, vice-président en charge du développement durable et de l’Agenda 21, délégué auprès du vice-président en charge du patrimoine et de la transition énergétique et écologique de l’université de Rennes 1, conseiller « Patrimoine »

 Direction générale de la gendarmerie nationale

M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances

Général Olivier Dubois, sous-directeur de l’immobilier et du logement

 Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

M. Brice Lannaud, chef de service, adjoint de la directrice générale

Mme Pascale Galindo, sous-directrice en charge de l’immobilier

Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB)

M. Jean-Christophe Repon, président

M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes

M. Alain Chouguiat, directeur du pôle économique

Union sociale pour l’habitat (USH)

M. Nicolas Prudhomme, directeur de la maîtrise d’ouvrage et des politiques patrimoniales

M. Nicolas Cailleau, responsable du département « Énergie et environnement », direction de la maîtrise d’ouvrage et des politiques patrimoniales

Mme Francine Albert, conseillère pour les relations avec le Parlement

Table ronde sur le financement

 France Stratégie

M. Vincent Aussilloux, directeur du département « Économie »

 Île-de-France Énergies

M. Raphaël Claustre, directeur général

 CDC - Banque des territoires

M. Rodolphe Masson, responsable du secteur public et des projets complexes, direction des prêts, Banque des Territoires

M. Hubert Briand, responsable du pôle « Efficacité énergétique des bâtiments », direction de l’investissement, Banque des Territoires

M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

 Fédération bancaire française

M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur RSE de l’activité de banque de proximité de BPCE

Mme Nicole Chavrier, responsable « Affaires publiques, crédit et politique du logement » de la BPCE

M. Patrick Stocker, responsable du logement et de l’économie de l’environnement à la direction « Marchés, clients et innovation », Crédit Agricole

Table ronde sur la question de la rénovation thermique au niveau des collectivités territoriales

 Assemblée des départements de France (ADF)

Mme Valérie Nouvel, vice-présidente du conseil départemental la Manche

Mme Alix Mornet, conseiller « Développement durable » de l’ADF

Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère « Relations avec le Parlement »

 Assemblée des communautés de France (AdCF)

M. Jean Révereault, vice-président et vice-président de la communauté du Grand Angoulême (Nouvelle Aquitaine)

Mme Montaine Blonsard, responsable des relations parlementaires

Mme Oriane Cébile, conseillère « Environnement »

 Association des maires de France (AMF)

M. Thierry Repentin, maire de Chambéry

M. Robin Plasseraud, conseiller technique de l’AMF au sein de la mission « Développement durable »

Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Table ronde sur l’accompagnement des territoires et du public
dans les projets de rénovation énergétique de leurs bâtiments
ou de leur logement

 Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)

M. Guillaume Perrin, chef adjoint du département « Énergie », chef du service des réseaux de chaleur et de froid

Mme Hortense Fournel, chargée de mission

 Agence de la transition écologique (ADEME)

Mme Joëlle Colosio, directrice exécutive adjointe des territoires

M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables »

 Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (FNCAUE)

M. Philippe Millasseau, directeur du CAUE du Tarn-et-Garonne (et architecte)

M. Baud-Grasset, président de la FNCAUE

 Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Mme Valérie Lasek, directrice adjointe à l’appui opérationnel et stratégique

 Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA)

M. Denis Dessus, président

Mme Valérie Fliocteaux, vice-présidente

 Fédération des agences locales de l’énergie et du climat (FLAME)

Mme Maryse Combres, vice-présidente de FLAME, administratrice de l’ALEC Bordeaux et Gironde, conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine

M. Jean-Pierre Berger, administrateur de FLAME, président de l’ALEC de la Loire, adjoint au maire de Saint-Étienne

Table ronde sur la question de la précarité énergétique

 Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE)

Mme Isolde Devalière, cheffe de projet « Précarité énergétique »

 Fondation Abbé Pierre

M. Manuel Domergue, directeur des études

Mme Hélène Denise, chargée de plaidoyer et mobilisation

 Association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV)

M. Jean-Yves Mano, président

M. David Rodrigues, juriste

 SOLIHA

M. Michel Pelenc, directeur général

 Chaire HOPE (Fondation Grenoble INP)

M. Régis Largillier, titulaire de la chaire HOPE

 


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Liste des acteurs ayant transmis des CONTRIBUTIONS ÉCRITES

– Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM)

– Groupe Action Logement

– AMORCE

– Communauté de communes de la Châtaigneraie cantalienne

 


([1]) La composition de la mission d’information se trouve au verso.

([2]) Sont communément qualifiés de « passoire thermique » les logements dont la consommation énergétique primaire est supérieure à 330 kWh par mètre carré et par an, ce qui correspond aux étiquettes énergétiques F et G du diagnostic de performance énergétique en vigueur au moment de la publication du présent rapport.

([3]) Ces chiffres correspondent à la part d’émissions découlant de l’utilisation d’énergie. Les émissions issues de la construction sont statistiquement rattachées au secteur industriel et manufacturier. Source : Chiffres clés du climat, édition 2021, Datalab, Service des données et études statistiques (SDES) – Commissariat général au développement durable (CGDD).

([4]) Source : Prospectives 2035 et 2050 de consommation de matériaux pour la construction neuve et la rénovation énergétique BBC, décembre 2019, ADEME.

([5]) source : Bilan énergétique de la France 2018, Datalab, SDES - CGDD

([6]) Source : Marchés et emplois concourant à la transition énergétique dans les secteurs du bâtiment, des transports, des énergies renouvelables, juillet 2020, ADEME.

([7]) Source : Document de travail n° 49 : Le parc de logement par classe de consommation énergétique, Observatoire national de la rénovation énergétique, SDES-CGDD, septembre 2020.

([8]) Source : Coûts et bénéfices d’un plan de rénovation des passoires énergétiques à horizon 2025, Initiative Rénovons, 2017.

([9]) Source : C. Liddell pour l’OMS, Séminaire Epée 2009, citant Healy, 2003 & Howden-Chapman, 2008.

([10]) Source : Stratégie à long terme de la France pour mobiliser les investissements dans la rénovation du parc national de bâtiments à usage résidentiel et commercial, public et privé, Ministère de la cohésion des territoires, février 2020.

([11]) Source : Chiffres clés de l’énergie, édition 2020, Datalab, SDES – CGDD, septembre 2020.

([12]) Source : Chiffres clés de l’énergie, édition 2020, Datalab, SDES – CGDD, septembre 2020.

([13]) Source : ADEME, Chiffres-clés Climat-Air-Énergie, 2018.

([14]) Stratégie à long terme de la France pour mobiliser les investissements dans la rénovation du parc national de bâtiments à usage résidentiel et commercial, public et privé, ministère de la cohésion des territoires, février 2020.

([15]) Une rénovation complète correspond à un projet permettant d’améliorer l’ensemble des aspects thermiques du bâtiment de manière performante (fenêtres, murs, toiture, système de chauffage, etc.). Elle peut correspondre à une rénovation effectuée en une seule fois ou en plusieurs étapes. La notion d’équivalence signifie par ailleurs que des travaux de rénovation isolés et dispersés peuvent être additionnés pour aboutir à une rénovation complète.

([16]) La loi « ELAN » prévoit également la possibilité de fixer un niveau de consommation énergétique finale en valeur absolue défini par famille de bâtiments.

([17]) Une très légère amélioration est constatée en 2020 avec 41 241 logements rénovés dans le cadre de ce programme.

([18]) Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2021 (programme budgétaire 174).

([19]) Rapport Rénover mieux – leçons d’Europe, novembre 2020, Haut Conseil pour le climat.

([20]) Ce travail a notamment été publié dans le rapport La rénovation performante par étapes publié en janvier 2021.

([21]) Les six postes de travaux sont les suivants : isolation des murs, de la toiture, du plancher bas, remplacement des menuiseries extérieures, systèmes de ventilation, production de chauffage et d’eau chaude sanitaire (ECS).

([22]) Rapport Aides à la rénovation énergétique des logements privés, avril 2017, CGDD – IGF.

([23]) Document de travail n° 49 Le parc de logements par classe de consommation énergétique, CGDD – SDES, septembre 2020.

([24]) Il est composé de cinq collèges (parlementaires, collectivités territoriales, professionnels de la construction, associations et personnalités qualifiées).

([25]) Les SRADDET concernent toutes les régions à l’exception de l’Île-de-France, de la Corse et des régions d’outre-mer, qui ont conservé des schémas spécifiques : schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et schéma d’aménagement régional (SAR) pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion.

([26]) Stratégie nationale bas carbone, mars 2020, p. 49.

([27]) NégaWatt, Analyse et concaténation du volet énergie des SRADDET, novembre 2020

([28]) Le comité prévu devait réunir des représentants de l’État (ministres chargés de l’énergie et du logement, administrations centrales, opérateurs), des représentants de collectivités territoriales, des personnalités qualifiées ainsi que les présidents du CSCEE et du Plan Bâtiment durable pour porter le point de vue des filières professionnelles.

([29]) Estimations de l’ADEME pour la quatrième période (2018-2021), tous secteurs d’intervention confondus (bâtiment, transports, agriculture, industrie)

([30]) Le crédit d’impôt développement durable (CIDD) a été créé par la loi de finances pour 2005. Il présentait notamment des taux variables en fonction des travaux. Il a été remplacé en 2014 par le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) dont le taux était fixe, mais dont le périmètre a régulièrement été modifié. Ce dernier est remplacé par le dispositif MaPrimeRénov’ depuis 2020, qui fonctionne sur le principe des aides forfaitaires.

([31]) Les ménages modestes et très modestes engagés dans un projet de rénovation globale bénéficient du dispositif Habiter Mieux Sérénité de l’ANAH.

([32]) Pour rappel, une rénovation est considérée comme complète et performante lors les six postes thermiques d’un bâtiment sont au niveau optimal ou ont fait l’objet de travaux (cf. première partie)

([33]) La valorisation des travaux sous la forme de certificats d’économies d’énergie est assurée par l’ANAH dans le cadre de la convention passée entre l’agence et le maître d’ouvrage pour chaque projet.

([34]) Les aides des collectivités territoriales ne sont pas prises en compte dans la règle d’écrêtement. Elles contribuent ainsi à résorber le reste à charge. Toutefois, elles ne doivent pas aboutir à ce que le total des aides dépasse 100 % de la dépense éligible.

([35]) Les aides des collectivités territoriales ou des caisses de retraite n’entrant pas dans le calcul de l’écrêtement, il est également prévu que le cumul des aides publiques et privées reçues ne dépasse pas 100 % du plafond de dépense éligible.

([36]) Le site internet officiel dédié à MaPrimeRénov’ ne présente pas clairement le principe de l’écrêtement et ne met pas à disposition les plafonds d’éligibilité pour chaque geste de rénovation.

([37]) CGDD- SDES – Document de travail n° 49, Le parc de logements par classe de consommation énergétique, septembre 2019.

([38]) Le modèle de rénovation « Energiesprong » est présenté dans la troisième partie (II - C) du rapport.

([39]) Estimations données par l’Union sociale pour l’habitat en réponse au questionnaire de la mission.

([40]) CSCEE – Régions de France : Le service public de la performance énergétique de l’habitat : analyse et propositions, rapport établi par MM. Michel Piron et Benoît Faucheux – décembre 2017.

([41]) Étude de l’Observatoire permanent de l’amélioration énergétique du logement (OPEN), campagne 2015, ADEME.

([42]) Réponse adressée à la mission d’information par M. Dominique Naert.

([43]) https://www.metiers-btp.fr/secteur-btp/publication/profils-des-primo-entrants-dans-le-secteur-du-btp/

([44]) https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/avec-maprimerenov-lexecutif-abat-sa-carte-maitresse-pour-reussir-la-renovation-thermique-1251890  

([45]) Scénario Rénovons 2020 http://renovons.org/IMG/pdf/sce_nario_re_novons_2020_vf.pdf

([46]) La domotique est l’ensemble des techniques de l’électronique, de physique du bâtiment, d’automatisme, de l’informatique et des télécommunications utilisées dans les bâtiments, plus ou moins « interopérables » et permettant de centraliser le contrôle des différents systèmes et sous-systèmes de la maison.

([47]) Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.

([48]) Sources : ADEME et ONPE.

([49]) Contribution de la fondation Abbé Pierre envoyée à la mission d’information en janvier 2021.

([50]) Cour des comptes, L’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, septembre 2016.

([51]) Sont notamment concernées les zones du plan « Action cœur de ville » ou celles retenues pour le plan « Expérimentation ville patrimoniale ».

([52]) Document de politique transversale « Politique immobilière de l’État », projet de loi de finances pour 2021. Les chiffres mentionnés correspondent à la loi de finances initiale pour 2020.

([53]) À l’occasion du projet de loi de finances pour 2021, le nombre d’emplois consacrés à la politique immobilière est estimé à 11 778 emplois équivalent temps plein travaillés, tous corps confondus (source : Document de politique transversale « Politique immobilière de l’État »).

([54]) Source : Dépenses énergétiques des collectivités locales, état des lieux 2017, ADEME, 2019.

([55]) Source : Dotation de soutien à l’investissement local – compte rendu d’exécution 2019, ministère de la cohésion des territoires.

([56]) Les financements obtenus au titre de la DSIL, de la DETR, de la DPV ou de l’ANRU sont cumulables dans les montages financiers des dossiers.

([57]) Répartis en 1 600 TWh cumac pour les CEE classiques et 533 TWh pour les CEE « précarité ». L’objectif originel de la quatrième période, qui correspondait à un exercice triennal, était de 1 200 TWh cumac pour les CEE classiques et 400 TWh cumac pour les CEE « précarité ».

([58]) ADEME, Évaluation du dispositif des certificats d’économies d’énergie, juin 2020

([59]) Commission de régulation de l’énergie, Schwartz & Co, Audit des processus d’acquisition des certificats d’économies d’énergie d’EDF et analyse des clés d’affectation des coûts associés sur les différents segments, produits et offres d’EDF – Rapport public.

([60]) Rapport d’enquête n° 2195, Énergies renouvelables : quelles priorités pour quelle transition énergétique ?, décembre 2019.

([61]) Délibération n° 2019-139 de la Commission de régulation de l’énergie du 25 juin 2019 portant proposition des tarifs réglementés de vente d’électricité.

([62]) Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, octobre 2020, p. 281-282. L’hypothèse est construite sur la base de 800 000 rénovations de niveau BBC par an réparties sur différents types de logements, avec un reste à charge de 10 % pour les ménages très modestes, 30 % pour les ménages modestes et 70 % pour les autres ménages.

([63]) ADEME, Actualisation de l’étude Gisement des certificats d’économies d’énergie 201-2030, septembre 2020.

([64]) Voir DGEC, Lettre d’information “Certificats d’économies d’énergie”, décembre 2020.

([65]) Une analyse économique et économétrique du dispositif des certificats d’économies d’énergie, Matthieu Glachant, Victor Kahn, François Lévêque – Mines ParisTech, octobre 2020.

([66]) Accroître l’investissement dans la rénovation énergétique des logements du parc privé, Document de travail, n° 2020-14, Vincent Aussilloux et Adam Baïz,. France Stratégie, septembre 2020.

([67]) Proposition n° 9 du rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, CGE, février 2020.

([68]) Rapport n° 2113 de MM. Jean-Yves Le Déaut et Marcel Deneux, Les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment, le besoin d’une thérapie de choc, juillet 2014.

([69]) Ce nom découle du titre V des arrêtés du 26 octobre 2010 et du 28 décembre 2012 qui prévoient la procédure de mise à jour du moteur de calcul du CSTB.